Déclaration de M. Koroma (traduction)

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090-20031106-JUD-01-02-EN
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090-20031106-JUD-01-00-EN
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DÉCLARATION DE M. LE JUGE KOROMA

[Traduction]

Alinéa d) du paragraphe I de l'articlXX du traité de 1955et principes de
droit international- Non ultra petita - Ordre dans lequel les questionsont été
traitées- Charge de la preuve etfaits - Conclusion en droit.

Bien qu'ayant voté en faveur de l'arrêt, il me semble nécessaire d'indi-

quer ce qui suit.
La Cour a rendu, en accord avec sajurisprudence, une conclusion fon-
damentale, à savoir que les mesures impliquant un recours à la force
armée et prétendument prises au titre de l'alinéa d) du paragraphe 1 de
l'articleXX du traité de 1955 doivent être examinées à la lumière du prin-
cipe de l'interdiction en droit international de l'emploi de la force, tel que
limité par le droit naturel de légitime défense.
L'alinéa d) du paragraphe 1 de l'articleXX dispose que:

«Le présent traité ne fera pas obstacle à l'application de mesures :

d) ..nécessaires à l'exécution des obligations de l'une ou l'autre des
Hautes Parties contractantes relatives au maintien ou au réta-
blissement de la paix et de la sécuritéinternationales ou à la pro-
tection des intérêts vitaux de cette Haute Partie contractante sur
le plan de la sécurité. >>

La Cour a appliqué cette règle, ainsi qu'il lui incombait de le faire, et a
conclu que cet article n'avait pas été conçu comme devant être mis en
Œuvre de manière totalement indépendante du droit international général
relatif à l'emploi de la force, de sorte qu'il justifieraity compris dans le
cadre limité d'une réclamation fondée sur une violation du traité, un
emploi illicite de la force. La Cour affirme donc - à juste titre, selon
moi - que l'application du droit international généralà cette question

fait partie intégrante de la tâche d'interprétation qui lui a étéconfiée. En
d'autres termes, la question de savoir si une action présentée comme jus-
tifiéepar l'alinéa d) du paragraphe 1 constituait ou non un recours illicite
à la force doit être tranchée au regard des critères de la Charte des
Nations Unies et du droit international général.
En se fondant sur ces critères,la Cour a délibéréet jugé que l'alinéa d)
du paragraphe 1 de l'articleXX du traité de 1955ne pouvait permettre de
conclure à la licéité desactions menées contre les installations pétrolières
les 19 octobre 1987 et 18 avril 1988 en tant que mesures nécessaires à la

protection des intérêts vitaux des Etats-Unis sur le plan de la sécurité, dès
lors que ces actions constituaient un recours à la force armée, ne pou- PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (DÉCL. KOROMA) 224

vaient êtreconsidérées, au regard de la Charte des Nations Unies et du
droit international général, comme des actes de légitime défense, et, par-
tant, ne relevaient pas de la catégorie des mesures prévues par cette dis-
position du traité. La Cour répondait ainsi, selon moi, aux conclusions
des Parties, qu'elle est fondée à interpréter et tenue de trancher - ce
qu'elle a fait en déclarant contraires au droit international les actions
ayant conduit à la destruction des plates-formes. Le principe non ultra
petita ne saurait donc êtreinvoqué à ce propos, pas davantage qu'il ne
saurait s'appliquer àla conclusion de la Cour sur la question de savoir si
les actions menées contre les plates-formes étaient contraires au para-

graphe 1de l'article X du traité de 1955. A cet égard, la Cour estime que la
protection de la liberté de commerce prévue dans cette disposition s'éten-
dait aux plates-formes, et que ces attaques ont, en principe, entravé la
liberté de commerce de l'Iran au sens que revêtcette expression dans le
paragraphe. Cette conclusion n'est pas sans importance.
Il convient également de noter que l'ordre dans lequel la Cour a exa-
minéles questions dont elle était saisie non seulement sejustifiait pour les
raisons énoncéesdans son arrêt ainsi qu'au regard de sa jurisprudence
(Application de la convention de 1902 pour régler la tutelle des mineurs,
arrêt, C.I.J. Recueil 1958, p. 62)' mais encore relevait de sa discrétion,
ainsi que les Parties elles-mêmesl'ont l'une et l'autre affirmé dans leurs
plaidoiries.
Quant à la charge dela preuve, il n'aura échappé à personne qu'en ren-
dant sa décision la Cour n'a pas seulement garanti le respect de la règle,
ainsi qu'il lui incombait de le faire, mais a aussi examiné les faits avec
attention et soigneusement appréciéla valeur des élémentsde preuve pro-
duits; si les faits doivent êtrepris en considération, la conclusion rendue
dans l'arrêtdoit l'êtresur la base du droit.
J'estime que ces aspects méritent d'être soulignés dans le cadre de
l'arrêt.

(Signé) Abdul G. KOROMA.

Bilingual Content

DECLARATION OF JUDGE KOROMA

Article XX, paragraph I (d), of the 1955 Treaty and principles of interna-
tional latv- Non ultra petita - Order in which issues addressed - The burden
of proof and facts - Finding on law.

Although 1 have voted in favour of the Judgment, 1 consider it neces-

sary to state the following.
Crucially, the Court has found, consistent with its jurisprudence, that
measures involving the use of force and purporting to have been taken
under Article XX, paragraph 1 (d), of the 1955 Treaty have to be judged
on the basis of the principle of the prohibition under international law on
the use of force, as qualified by the inherent right of self-defence.

Article XX, paragraph 1 (d), provides as follows :

"The present Treaty shall not preclude the application of
measures :
.............................

(d) necessary to fulfil the obligations of a High Contracting Party
for the maintenance or restoration of international peace and
security, or necessary to protect its essential security interests."

The Court applied this rule, as it was bound to do, and came to the
conclusion that the Article was not intended to operate wholly independ-
ently of general international law on the use of force, so as to be capable
of justifying, even in the limited context of a claim for breach of the
Treaty, the unlawful use of force. Thus, the Court holds, rightly in my

view, that the application of general international law on the question
forms part of the interpretation process which it has been entrusted to
carry out. In other words, the determination whether an action alleged to
be justified under the paragraph was or was not an unlawful measure has
to be made by reference to the criteria of the United Nations Charter and
general international law.

Based on these criteria, the Court deliberated and reached the conclu-

sion that the actions carried out against the oil installations on 19 Octo-
ber 1987 and 18 April 1988 were not lawful under Article XX, para-
graph 1 (d), of the 1955 Treaty, as measures necessary to protect the
essential security interests of the United States, since such actions consti-
tuted recourse to armed force not qualifying, under the United Nations DÉCLARATION DE M. LE JUGE KOROMA

[Traduction]

Alinéa d) du paragraphe I de l'articlXX du traité de 1955et principes de
droit international- Non ultra petita - Ordre dans lequel les questionsont été
traitées- Charge de la preuve etfaits - Conclusion en droit.

Bien qu'ayant voté en faveur de l'arrêt, il me semble nécessaire d'indi-

quer ce qui suit.
La Cour a rendu, en accord avec sajurisprudence, une conclusion fon-
damentale, à savoir que les mesures impliquant un recours à la force
armée et prétendument prises au titre de l'alinéa d) du paragraphe 1 de
l'articleXX du traité de 1955 doivent être examinées à la lumière du prin-
cipe de l'interdiction en droit international de l'emploi de la force, tel que
limité par le droit naturel de légitime défense.
L'alinéa d) du paragraphe 1 de l'articleXX dispose que:

«Le présent traité ne fera pas obstacle à l'application de mesures :

d) ..nécessaires à l'exécution des obligations de l'une ou l'autre des
Hautes Parties contractantes relatives au maintien ou au réta-
blissement de la paix et de la sécuritéinternationales ou à la pro-
tection des intérêts vitaux de cette Haute Partie contractante sur
le plan de la sécurité. >>

La Cour a appliqué cette règle, ainsi qu'il lui incombait de le faire, et a
conclu que cet article n'avait pas été conçu comme devant être mis en
Œuvre de manière totalement indépendante du droit international général
relatif à l'emploi de la force, de sorte qu'il justifieraity compris dans le
cadre limité d'une réclamation fondée sur une violation du traité, un
emploi illicite de la force. La Cour affirme donc - à juste titre, selon
moi - que l'application du droit international généralà cette question

fait partie intégrante de la tâche d'interprétation qui lui a étéconfiée. En
d'autres termes, la question de savoir si une action présentée comme jus-
tifiéepar l'alinéa d) du paragraphe 1 constituait ou non un recours illicite
à la force doit être tranchée au regard des critères de la Charte des
Nations Unies et du droit international général.
En se fondant sur ces critères,la Cour a délibéréet jugé que l'alinéa d)
du paragraphe 1 de l'articleXX du traité de 1955ne pouvait permettre de
conclure à la licéité desactions menées contre les installations pétrolières
les 19 octobre 1987 et 18 avril 1988 en tant que mesures nécessaires à la

protection des intérêts vitaux des Etats-Unis sur le plan de la sécurité, dès
lors que ces actions constituaient un recours à la force armée, ne pou-Charter and general international law, as acts of self-defence, and thus
did not fa11within the category of measures contemplated by that provi-
sion of the Treaty. This, in my view, constitutes a reply by the Court to
the submissions of the Parties, which the Court is entitled to construe as
well as obliged to rule on. And that is what the Court has done, namely,
held that the actions in destroying the platforms were contrary to inter-

national law. Accordingly, the issue of non ultra petita cannot therefore
arise on this occasion. Nor can it apply to the Court's finding as to
whether Article X, paragraph 1, of the 1955 Treaty was violated by the
actions taken against the oil platforms. On this, the Court finds that the
protection of freedom of commerce under the Article applied to the plat-
forms and that the attacks, in principle, impeded Iran's freedom of com-
merce within the meaning of that expression in the text. This finding is
not devoid of significance.

It is also worth noting that the order in which the Court dealt with the

questions before it was not only appropriate for the reasons stated in the
Judgment and as seen in the light of its jurisprudence (Application of the
Convention of 1902 Governing the Guardianship of Infants, Judgment,
1.C.J. Reports 1958, p. 62), but that the Parties themselves were at one in
their pleadings that the matter was one for the discretion of the Court.

On the issue of the burden of proof, it could not escape attention that
the Court in making its finding not only ensured the observance of the
rule, as was its duty, but also carefully considered the facts and evaluated
the evidence presented; while the facts are to be taken into consideration,
the finding reached in the Judgment must be made on the law.

1consider these points worth emphasizing in relation to the Judgment.

(Signed) Abdul G. KOROMA. PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (DÉCL. KOROMA) 224

vaient êtreconsidérées, au regard de la Charte des Nations Unies et du
droit international général, comme des actes de légitime défense, et, par-
tant, ne relevaient pas de la catégorie des mesures prévues par cette dis-
position du traité. La Cour répondait ainsi, selon moi, aux conclusions
des Parties, qu'elle est fondée à interpréter et tenue de trancher - ce
qu'elle a fait en déclarant contraires au droit international les actions
ayant conduit à la destruction des plates-formes. Le principe non ultra
petita ne saurait donc êtreinvoqué à ce propos, pas davantage qu'il ne
saurait s'appliquer àla conclusion de la Cour sur la question de savoir si
les actions menées contre les plates-formes étaient contraires au para-

graphe 1de l'article X du traité de 1955. A cet égard, la Cour estime que la
protection de la liberté de commerce prévue dans cette disposition s'éten-
dait aux plates-formes, et que ces attaques ont, en principe, entravé la
liberté de commerce de l'Iran au sens que revêtcette expression dans le
paragraphe. Cette conclusion n'est pas sans importance.
Il convient également de noter que l'ordre dans lequel la Cour a exa-
minéles questions dont elle était saisie non seulement sejustifiait pour les
raisons énoncéesdans son arrêt ainsi qu'au regard de sa jurisprudence
(Application de la convention de 1902 pour régler la tutelle des mineurs,
arrêt, C.I.J. Recueil 1958, p. 62)' mais encore relevait de sa discrétion,
ainsi que les Parties elles-mêmesl'ont l'une et l'autre affirmé dans leurs
plaidoiries.
Quant à la charge dela preuve, il n'aura échappé à personne qu'en ren-
dant sa décision la Cour n'a pas seulement garanti le respect de la règle,
ainsi qu'il lui incombait de le faire, mais a aussi examiné les faits avec
attention et soigneusement appréciéla valeur des élémentsde preuve pro-
duits; si les faits doivent êtrepris en considération, la conclusion rendue
dans l'arrêtdoit l'êtresur la base du droit.
J'estime que ces aspects méritent d'être soulignés dans le cadre de
l'arrêt.

(Signé) Abdul G. KOROMA.

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