Opinion dissidente de M. le juge ad hoc Gaja

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143-20120203-JUD-01-06-EN
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OPINION DISSIDENTE DE M. LE JUGE AD HOC GAJA

[Traduction]

1. Dans le présent arrêt, la Cour admet que l’immunité de juridpiction
d’un Etat étranger ne s’étend pas à certaines demandes enp réparation à
raison d’actes dommageables commis sur le territoire de l’Etat du pfor.
Cependant, elle

«estime que le droit international coutumier impose toujours de
reconnaître l’immunité à l’Etat dont les forces arméesp ou d’autres
organes sont accusés d’avoir commis sur le territoire d’un autrpe Etat
des actes dommageables au cours d’un conflit armé » (par. 78).

Cet élément s’est révélé déterminant pour écarter l’applicabilité de

l’«exception territoriale » en la présente espèce. La Cour en a en effet
conclu que les tribunaux italiens avaient manqué à une obligation pinter -
nationale en se déclarant compétents pour connaître de réclapmations
ayant trait à des actes illicites commis par l’Allemagne en Italiep pendant
la seconde guerre mondiale.

L’argumentation de la Cour est fort bien construite, et elle repose npotam -
ment sur une analyse détaillée de la pratique étatique pertinenpte. Le champ
d’application de l’« exception territoriale» mérite néanmoins un examen
plus approfondi, pour cette raison aussi qu’il s’agit d’un domaine dans
lequel le droit est actuellement, ainsi que l’attestent plusieurs dépcisions judi
ciaires, « en développement ».

2. L’«exception territoriale» a trouvé son expression à l’article 12 de la
convention des Nations Unies sur l’immunité juridictionnelle des Etats et
de leurs biens, qui est ainsi libellé :

«A moins que les Etats concernés n’en conviennent autrement, un
Etat ne peut invoquer l’immunité de juridiction devant un tribunalp
d’un autre Etat, compétent en l’espèce, dans une procédurpe se rap -
portant à une action en réparation pécuniaire en cas de décèps ou

d’atteinte à l’intégrité physique d’une personne, ou epn cas de dom -
mage ou de perte d’un bien corporel, dus à un acte ou à une omipssion
prétendument attribuables à l’Etat, si cet acte ou cette omissipon se
sont produits, en totalité ou en partie, sur le territoire de cet autpre
Etat et si l’auteur de l’acte ou de l’omission était préspent sur ce terri-

toire au moment de l’acte ou de l’omission. »
Cette convention de codification, qui a été adoptée par l’pAssem -
blée générale en 2004, a, à ce jour, été ratifiée par treize Etats et n’est pas

encore entrée en vigueur. En tout état de cause, il serait infondép de consi -
dérer que l’ensemble des dispositions de fond qui y figurent corprespondent

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à des règles de droit international général. A l’inverse,p nombre d’entre
elles ne sauraient être jugées tout à fait innovantes. Tel est passurément le

cas de l’article 12, étant donné que des dispositions similaires avaient
auparavant été énoncées dans plusieurs textes législatifs internes auxquels
il sera fait référence ci-après et, avant même l’adoptionp de ces textes, à
l’article 11 de la convention européenne sur l’immunité des Etats de 1972.
Cet article se lit comme suit :

«Un Etat contractant ne peut invoquer l’immunité de juridiction
devant un tribunal d’un autre Etat contractant lorsque la procédurpe

a trait à la réparation d’un préjudice corporel ou matéripel résultant
d’un fait survenu sur le territoire de l’Etat du for et que l’auteur du
dommage y était présent au moment où ce fait est survenu. »

Dans les paragraphes ci-après, il sera fait assez peu référencep à cet ins-
trument, étant donné qu’il revêt, de toute évidence, une pertinence limitée
aux fins de déterminer les règles existantes du droit internatiopnal général
en matière d’immunité de l’Etat. La convention européennep n’a en effet

été ratifiée que par huit Etats, tous situés dans une zone géographique
déterminée (l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, Chypre, lpe Luxembourg,
les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suisse). De plus, elle n’a pas pour
objet d’énoncer des règles générales, mais s’intérepsse uniquement à l’im -
munité de juridiction d’un Etat contractant devant les tribunaux dp’autres

Etats contractants.
3. L’«exception territoriale» trouve également son expression dans les
lois relatives à l’immunité de juridiction des Etats étrangeprs adoptées par
neuf Etats. Seul un Etat (le Pakistan) n’a pas prévu d’« exception territo -
riale» dans sa législation en la matière.
La législation constitue un aspect important de la pratique étatiqpue.

Elle est également pertinente lorsqu’une règle de droit international a
pour objet le comportement des autorités judiciaires, comme c’est ple cas
en ce qui concerne l’exercice par les juridictions de leur compétepnce. Il est
en effet permis de supposer que ce n’est que dans des circonstancesp excep -
tionnelles que les autorités judiciaires s’écarteront des prescpriptions du

législateur. Or, à ma connaissance, aucun tribunal d’aucun des pEtats qui
ont adopté une législation prévoyant une « exception territoriale » n’a
soulevé la moindre question de cohérence entre les lois pertinenteps et le
droit international général.
Le nombre des Etats en question peut, à première vue, sembler insupffi -

sant pour être jugé représentatif de la conduite des Etats en gpénéral,
puisque la plupart d’entre eux n’ont pas adopté de loi relativep à l’immu -
nité de juridiction et se fondent, en la matière, directement sur ple droit
international général. Il serait cependant difficile de considéprer la pratique
législative de dix Etats, qui s’étend sur une période de plus de trente ans,
comme étant dépourvue de pertinence aux fins de déterminer l’état actuel

du droit international général. Le critère adopté par lesditps Etats n’avait
pas pour objet de codifier une norme à laquelle tous les Etats seraient

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6 CIJ1031.indb 427 22/11/13 12:25 immunités juridictiopnnelles de l’état (op. dpiss. gaja) 311

tenus de se conformer. Il est peut-être des points sur lesquels la lépgislation
de certains Etats était plus favorable à l’immunité que le dproit internatio-

nal général, ce qui, de toute évidence, est licite, alors que tpel ne serait pas
le cas d’une approche plus restrictive. En inscrivant pareille « exception
territoriale» dans leur législation, les Etats en question sont, à n’en ppas
douter, partis du principe qu’ils avaient le droit d’exercer leur ppouvoir de
juridiction en appliquant ladite exception. Si cette position devait êptre

jugée infondée au regard du droit international général, tous ces Etats
engageraient, ce faisant, leur responsabilité internationale. Aussi apurait-on
pu s’attendre, sur le plan international, à une certaine forme de pprotesta-
tion de la part d’autres Etats, dès lors que la législation en pquestion était

bien connue et que nombre d’entre eux étaient susceptibles d’enp être affec -
tés. Le silence observé par la majorité des Etats à cet épgard ne saurait être
interprété comme une critique implicite de la licéité du recpours à l’«excep-
tion territoriale ».
4. Dans les neuf Etats qui ont adopté une législation relative à lp’immu-

nité de juridiction des Etats étrangers prévoyant une « exception territo-
riale», celle-ci a un contenu similaire. Il est sans doute utile de citer pici les
dispositions en question, et je procéderai par ordre chronologique.
Le paragraphe a) de l’article 1605 du Foreign Sovereign Immunities Act
de 1976 (loi des Etats-Unis sur l’immunité des Etats étrangers) pdispose que

«a) l’Etat étranger ne bénéficie pas de l’immunité devanpt les juridic -
tions des Etats-Unis d’Amérique ou des Etats dans tous les cas

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .
5. n’entrant pas dans les prévisions du paragraphe 2 ci-dessus, où
une action en réparation est intentée contre un Etat étranger àp
raison de dommages corporels, d’un décès, de dommages maté-
riels ou de pertes de biens survenus aux Etats-Unis et causés

par un acte dommageable ou une omission de cet Etat étranger
ou de tout représentant ou employé de celui-ci agissant dans le
cadre de ses fonctions ou de son emploi; le présent paragraphe
ne s’applique pas à :

A. toute demande fondée sur l’exercice, ou le défaut d’exer -
cice, de pouvoirs discrétionnaires, qu’il y ait eu ou non abus
de pouvoir ;
B. toute demande résultant de poursuites abusives, d’un abus

de procédure, d’une diffamation verbale ou écrite, d’une
fausse déclaration, d’un dol ou d’une interférence avec des p
droits contractuels. »

L’article 5 du State Immunity Act de 1978 (loi du Royaume-Uni sur
l’immunité des Etats) se lit comme suit : «L’Etat étranger ne bénéficie pas
de l’immunité de juridiction dans toute procédure se rapportantp à: a) un
décès ou des dommages corporels ; ou b) des dommages matériels ou

pertes de biens causés par un acte ou une omission survenu au Royaumep-
Uni. »

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6 CIJ1031.indb 429 22/11/13 12:25 immunités juridictiopnnelles de l’état (op. dpiss. gaja) 312

L’article 7 du State Immunity Act de Singapour est libellé en des termes

identiques, le mot « Singapour» figurant simplement en lieu et place du
mot « Royaume-Uni ».
L’article 6 du Foreign States Immunities Act (loi sur l’immunité des
Etats étrangers) de l’Afrique du Sud prévoit que « [l]’Etat étranger ne
bénéficie pas de l’immunité dans une procédure se rappoprtant à : a) un

décès ou des dommages corporels ; ou b) des pertes de biens ou dom -
mages matériels causés par un acte ou une omission survenu dans lap
République ».
Aux termes de l’article 13 du Foreign States Immunities Act de 1985 de
l’Australie, «[l’]Etat étranger ne bénéficie pas de l’immunité de juridiction

dans une procédure se rapportant à : a) un décès ou des dommages cor -
porels ; oub) des pertes de biens ou préjudices matériels causés par un
acte ou une omission survenu en Australie ».
L’article 6 du State Immunity Act du Canada est ainsi libellé : «L’Etat
étranger ne bénéficie pas de l’immunité de juridiction pdans toute procé -

dure se rapportant à : a) tout décès ou dommage personnel ou corporel ;
ou b) tout dommage matériel ou toute perte de biens survenu au Canada.»
En Argentine, l’article 2 de la loi no24.488 relative à l’immunité de juri-
diction des Etats étrangers dispose que « [l]’Etat étranger ne peut invo -
quer l’immunité de juridiction dans les cas suivants : … e) lorsqu’une

action est engagée contre lui à raison de pertes ou de dommages répsultant
de délits ou de quasi-délits commis en Argentine » [« e) cuando fueren
demandados por daños y perjuicios derivados de delitos o cuasidelitosp
cometidos en el territorio »].
Aux termes de l’article 5 de la Foreign States Immunity Law n o5769-

2008 d’Israël, « [l]’Etat étranger ne bénéficie pas de l’immunité de pjuridic -
tion dans une action en responsabilité se rapportant à des dommageps
corporels ou matériels, lorsque l’acte en cause a été commisp en Israël».
Enfin, l’article 10 de la loi relative à la juridiction civile du Japon à
l’égard des Etats étrangers, etc., dispose que :

«En cas de décès ou de dommages corporels, de pertes de biens ou
de dommages matériels résultant d’un acte dont il est allégupé qu’un

Etat étranger, etc., porte la responsabilité, et si ledit acte a épté com
mis en tout ou partie au Japon alors que son auteur se trouvait au
Japon, l’Etat étranger, etc., ne bénéficie pas de l’immpunité de juridic-
tion à l’égard des actions en réparation à raison des dompmages ou
pertes résultant dudit acte. »

Quoique leur libellé varie, l’ensemble de ces textes énoncent upne règle

générale, qui semble s’appliquer aux réclamations portant supr tous les
actes ou omissions attribuables à un Etat étranger ayant lieu sur ple terri -
toire de l’Etat du for et entraînant la mort, un préjudice corpporel ou un
préjudice matériel.
5. Aucun des textes législatifs précités ne restreint l’applicapbilité de

l’«exception territoriale » dans le cas où l’acte ou l’omission de l’Etat

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6 CIJ1031.indb 431 22/11/13 12:25 immunités juridictiopnnelles de l’état (op. dpiss. gaja) 313

étranger survient dans le cadre d’une activité pouvant être pconsidérée

comme étant jure imperii parce qu’elle relève de l’exercice, par cet Etat,
d’un pouvoir souverain.
Dans son commentaire relatif au projet d’article 12 — qui allait deve -
nir, sans modification, l’article 12 de la convention des Nations Unies
de 2004 —, la Commission du droit international (CDI) a précisé que

«[l]es dommages envisagés à l’article 12 concern[ai]ent essentiellement le
décès accidentel ou les dommages corporels ou matériels causéps par des
accidents de la circulation », mais que « la portée de l’article 12 [était]
assez large pour englober aussi les dommages intentionnels comme les
coups et blessures, les dommages intentionnels aux biens, l’incendie crimi -

nel, voire l’homicide ou l’assassinat politique ». Dans ce même commen -
taire, la CDI a aussi relevé que, bien que la distinction entre actesp
jure imperii et actes jure gestionis prévale encore dans la «jurisprudence de
quelques Etats », « il n’[était] pas établi de distinction de cette nature »
dans l’«exception territoriale» énoncée à l’article 12 (Annuaire de la Com ‑

mission du droit international, 1991, vol. II (deuxième partie), p. 45). Et la
CDI de préciser ce qui suit :

« Le locus delicti commissi offre un lien territorial solide, quelle
qu’ait été la motivation de l’acte ou de l’omission, qu’pil ait été inten -
tionnel ou même criminel ou qu’il ait été accidentel ou dûp à la négli-
gence, à l’inadvertance ou à l’imprudence, et que les activités en
cause relèvent des acta jure imperii ou des acta jure gestionis. »

Rien dans le texte de la convention des Nations Unies ou dans les travaux
préparatoires de cet instrument ne donne à penser que l’«exception territo -

riale» ne devrait pas s’appliquer lorsque l’Etat étranger agit jure imperii.
C’est en se fondant sur le commentaire de la CDI que la Cour de cas -
sation italienne a, dans son arrêt Ferrini, souligné que, conformément à
l’article 12 des projets d’articles de la CDI,

«la distinction entre les actes accomplis jure imperii et les actes
accomplis jure gestionis [était] dépourvue de pertinence à l’égard des
demandes en réparation résultant d’« atteintes à l’intégrité physique

d’une personne » ou de pertes ou de dommages de nature « corpo -
relle » » (arrêt n 5044 du 11 mars 2004 ; International Law Reports
(ILR), vol. 128, p. 672).

Quant à la Cour suprême du Canada, elle est convenue, dans la dépci -
sion qu’elle a rendue en l’affaire Schreiber c. la République fédérale d’Alle ‑
magne et le procureur général du Canada, que l’« exception territoriale »
valait également pour les actes jure imperii, ajoutant que, si l’on restrei -

gnait ladite exception dans le cas de pareils actes, cela « priverait les vic-
times des pires violations des droits fondamentaux de toute possibilité de
réparation devant les tribunaux nationaux » (Recueil de la Cour suprême,
2002, vol. 3, p. 269, par. 37).
En l’affaire McElhinney c. Williams, la Cour suprême d’Irlande a en

revanche, par la voix du Chief Justice Hamilton, estimé que, même psi

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6 CIJ1031.indb 433 22/11/13 12:25 immunités juridictiopnnelles de l’état (op. dpiss. gaja) 314

l’acte dommageable d’un soldat britannique s’était produit dpans l’Etat du
for, l’Etat étranger devait bénéficier de l’immunitép «lorsque ledit acte ou

ladite omission surviennent jure imperii » (ILR, vol. 104, p. 703). L’Ir -
lande n’a pas adopté de loi relative à l’immunité de juripdiction, et elle
n’est pas partie à la convention européenne sur l’immunitép des Etats.
M. McElhinney a, par la suite, déposé une requête contre cet Etat devant
la Cour européenne des droits de l’homme. Ladite juridiction a jugé que

l’«exception territoriale » correspondait « en droit international et com -
paré [à] une tendance », mais que

«cette tendance para[issait] concerner essentiellement les dommages
corporels «assurables», c’est-à-dire ceux causés par des accidents de
la circulation ordinaires, et non des problèmes relevant de la sphère
centrale de souveraineté des Etats, tels que les actes d’un soldatp sur le
territoire d’un Etat étranger ; ceux-ci peuvent, par nature, soulever
des questions sensibles touchant aux relations diplomatiques entre

Etats et à la sécurité nationale. On ne peut assurément pas pdire que
l’Irlande soit seule à estimer que l’immunité s’applique en cas d’ac -
tions pour des dommages ainsi causés par des acta jure imperii ou
que, en accordant cette immunité, elle se démarque de normes interp -
nationales actuellement admises. » (ILR, vol. 123, p. 85, par. 38.)

Il convient de noter que la question qui se posait à la Cour européenne
dans cette affaire n’était pas de savoir si l’Etat défendeur avait l’obliga -

tion d’accorder l’immunité de juridiction au Royaume-Uni, mais psi l’Ir -
lande avait manqué à une obligation énoncée à l’articlpe 6 de la convention
européenne des droits de l’homme en refusant au demandeur l’accpès à la
justice. La majorité n’a pas souscrit à l’idée selon laqupelle les Etats étaient
tenus d’appliquer une « exception territoriale ». Elle a conclu que, « dans
l’état actuel du droit international » relatif à l’immunité de juridiction,

l’Irlande n’avait pas manqué à une obligation d’exercer spon pouvoir de
juridiction. La Cour européenne n’est cependant pas allée jusqup’à dire
que, si les tribunaux irlandais avaient accepté d’examiner la demapnde en
question, l’Irlande aurait manqué aux obligations que le droit intpernatio -
nal lui impose en matière d’immunité de juridiction.

6. La convention européenne sur l’immunité des Etats contient diffpé -
rentes clauses qui en limitent la portée. La disposition pertinente aux fins
présentes est l’article 31, qui se lit comme suit :

«Aucune disposition de la présente convention ne porte atteinte aux
immunités et privilèges dont un Etat contractant jouit en ce qui cponcerne
tout acte ou omission de ses forces armées ou en relation avec cellesp-ci
lorsqu’elles se trouvent sur le territoire d’un autre Etat contracptan »t.

Aucune clause similaire ne figure dans le projet d’articles de la CpDI. Dans
son commentaire relatif au projet d’article 12, celle-ci indique néanmoins
que cette disposition ne s’«applique pas … à des situations liées à des conflits

armés » (Annuaire de la Commission du droit international, 1991, vol. II
(deuxième partie), p. 48). Aucune explication n’est donnée, et il n’est pas

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6 CIJ1031.indb 435 22/11/13 12:25 immunités juridictiopnnelles de l’état (op. dpiss. gaja) 315

non plus précisé quelles conséquences est censé avoir le faipt que ladite dispo-
sition ne s’applique pas. En particulier, le point de savoir si les «situations

liées à des conflits armés » sont considérées comme étant en dehors du
champ d’application de la convention des Nations Unies ou si une autre
règle énoncée dans cet instrument devient applicable n’est ppas clair.
L’exclusion ainsi avancée dans le commentaire de la CDI n’a tropuvé
son expression ni dans le texte de la convention elle-même ni dans les

points convenus qui figurent en annexe de cet instrument. En outre,
aucune précision à cet égard n’est donnée dans le rapport prépsenté à l’As -
semblée générale par le comité spécial qui a recommandé l’adoption de la
convention (A/59/22). Toutefois, en introduisant ledit rapport devant pla
Sixième Commission, le président du comité spécial, M. Gerhard Hafner,
a notamment indiqué ce qui suit : « [s]e pose la question de savoir si la

Convention couvre les activités militaires. Il a toujours été epntendu que
les activités militaires n’entreraient pas dans le champ de la Conpvention.»
M. Hafner a ensuite fait référence à l’exclusion des « situations liées à des
conflits armés » avancée par la CDI dans son commentaire (A/C.6/59/
SR.13, par. 36) — expression qui est plus restrictive que celle d’« activités

militaires» —, ajoutant que, selon lui, cette question n’était pas régiep par
la convention. La portée juridique de cette déclaration n’est cpependant
pas tout à fait claire. A cet égard, le dernier alinéa du prépambule de la
résolution 59/38 de l’Assemblée générale, par laquelle la convention a été
adoptée, est ainsi libellé : « Prenant en considération la déclaration faite

par le Président du Comité spécial lorsqu’il a présentép le rapport du
Comité.» Cela ne clarifie pas non plus entièrement les choses.
La Norvège et la Suède, lorsqu’elles ont ratifié la convention des
Nations Unies, ont précisé que, selon elles, cet instrument ne s’appliqpuait
pas aux « activités militaires ». Ces deux Etats partageaient donc les vues
de M. Hafner selon lesquelles les « activités militaires » ne sont pas cou -

vertes par la convention. Quoique ces déclarations interprétatives étayent
l’idée selon laquelle pareilles activités ne sont pas régiesp par cet instru -
ment, elles ne s’imposent pas à tous les Etats contractants.
7. Aucune des lois auxquelles il a été fait référence au paragrpaphe 3
ci-dessus ne contient d’exclusion générale visant les réclampations relatives

à des «situations liées à des conflits armés». Ces questions sont cependant
traitées dans certains de ces textes.
Ainsi, le paragraphe 2 de l’article 16 du State Immunity Act du
Royaume-Uni de 1978 est ainsi libellé :

«Cette partie de la présente loi ne s’applique pas aux procédures
ayant trait à un quelconque acte des forces armées d’un Etat pepndant
leur présence au Royaume-Uni ou en relation avec ces forces ; en

particulier, son effet est subordonné au Visiting Forces Act [loi rpela -
tive au statut des forces étrangères présentes sur le territoire du
Royaume-Uni avec le consentement de celui-ci] de 1952. »

L’alinéa a) du paragraphe 2 de l’article 19 du State Immunity Act de
Singapour est libellé en des termes semblables. Ces dispositions parapissent

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6 CIJ1031.indb 437 22/11/13 12:25 immunités juridictiopnnelles de l’état (op. dpiss. gaja) 316

viser des actions qui peuvent être engagées contre un Etat dont leps forces
sont présentes sur le territoire de l’Etat du for avec le consentepment de
celui-ci, actions qui seraient régies par des règles spéciales. L’article 22 de
la Foreign States Immunity Law d’Israël est plus explicite sur ce ppoint:

«Nonobstant les dispositions de la présente loi, les actions judi -
ciaires fondées sur tout acte ou toute omission de forces militaires
étrangères dont les droits et le statut en Israël ont fait l’pobjet d’un

accord entre l’Etat d’Israël et l’Etat auquel appartiennent pces forces
sont régies par ledit accord. »

L’article 6 du Foreign States Immunities Act de 1985 de l’Australie, qui
exclut les immunités ou privilèges « prévus par le … Defence (Visiting
Forces) Act [loi relative au statut des forces étrangères préspentes sur le
territoire de l’Australie avec le consentement de celle-ci] de 1963, ou en

application de celui-ci », ainsi que l’article 16 du State Immunity Act du
Canada, qui mentionne la loi relative au statut des forces étrangèpres pré-
sentes sur le territoire du Canada avec le consentement celui-ci, ne fonpt,
eux aussi, référence qu’aux forces stationnées sur le territpoire de l’Etat du
for avec le consentement de celui-ci.

Aucun de ces textes ne porte spécifiquement sur l’« exception ter-
ritoriale»; ils ont tous plus généralement trait à la législation relaptive
aux immunités des Etats étrangers. En tout état de cause, il décpoule des
textes en question que les réclamations relatives aux activités armées qui

ne tombent pas sous le coup des clauses d’exclusion relèvent des rpègles
régissant l’immunité énoncées dans la loi, y compris l’p«exception territo-
riale ».
8. La question de l’immunité de juridiction de l’Allemagne relativpe -
ment aux actes commis par ses forces armées pendant la seconde guerrep

mondiale a été examinée par les tribunaux de plusieurs Etats.
En l’affaire Ferrini, si la Cour de cassation italienne a fondé son princi -
pal argument contre l’immunité sur une base différente, elle pa aussi tenu
compte de ce que l’acte illicite en cause, à savoir la déportatpion d’un
national italien vers l’Allemagne où il a été soumis au travpail forcé,

«a[vait] trouvé son origine dans le pays dans lequel l’action judicpiaire a,
entre-temps, été intentée » (arrêt n 5044 du 11 mars 2004 ; ILR, vol. 128,
p. 670-671). Dans une série de décisions ultérieures, la même juripdiction a
refusé d’accorder l’immunité à l’Allemagne « étant donné, en outre, que

l’acte illicioe s’était également produit en Italie » (voir, par exemple, l’or -
donnance n 14209 du 29 mai 2008 ; Rivista di diritto internazionale,
vol. 91 (2008), p. 900).
La Cour de cassation française a, en revanche, fait droit à l’ipmmunité
de l’Allemagne dans les affaires Bucheron (pourvoi n o02-45961,
o
16 décembre 2003), puis Grosz (pourvoi n 04-47504, 3 janvier 2006). Ces
deux décisions avaient trait à la déportation de citoyens françpais et au fait
qu’ils avaient été soumis au travail forcé en Allemagne. La pCour de cas -
sation s’est fondée sur le caractère jure imperii de l’acte en cause, sans

envisager la possibilité d’appliquer une « exception territoriale».

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6 CIJ1031.indb 439 22/11/13 12:25 immunités juridictiopnnelles de l’état (op. dpiss. gaja) 317

Les tribunaux grecs se sont, quant à eux, montrés divisés sur lpa ques -
tion. L’Areios Pagos a ainsi, en l’affaire Distomo (arrêt du 4 mai 2000;

ILR, vol. 129, p. 519), jugé qu’une règle de droit international coutumier
«requ[érait], à titre d’exception au principe de l’immunitép, que les

tribunaux nationaux puissent exercer une compétence internationale
à l’égard de demandes en réparation relatives à des préjudices causés
à des personnes et des biens sur le territoire de l’Etat du for papr des
organes d’un Etat étranger présents sur ce territoire au momentp où
ces préjudices ont été causés, même si ceux-ci résultaient d’actes de

puissance souveraine (acta jure imperii) ».
La majorité a jugé que cela vaudrait également pour les « préjudices
résultant [d’une action militaire menée dans] de[s] situations pde conflits

armés», lorsque « les actes illicites à raison desquels la réparation est
demandée (en particulier les crimes contre l’humanité) ne visaient pas les
civils en général, mais des personnes particulières se trouvantp dans un lieu
donné et n’ayant pas de lien direct ou indirect avec les opératpions mili -
taires ».

Deux ans plus tard, dans l’affaire Margellos, le Tribunal supérieur spécial
grec, Anotato Eidiko Dikastirio (arrêt du 17 septembre 2002; ILR, vol. 129,
p. 525), est parvenu (quoique à une majorité de six voix contre cinq) à la
conclusion presque inverse, selon laquelle l’«exception territoriale» ne s’ap -
plique pas aux activités des forces militaires d’un Etat étrangpe:r

«en l’état actuel du droit international, il n’existe pas de règle géné -
ralement acceptée qui, à titre d’exception à la règle de pl’immunité

souveraine, autoriserait qu’une action soit engagée contre un Etatp
étranger devant les tribunaux d’un autre Etat relativement à unpe
demande en réparation d’un acte dommageable commis dans l’Etat p
du for auquel les forces armées de l’Etat défendeur ont particippé de
quelque manière que ce soit, en temps de guerre ou en temps de
paix » (ibid., p. 532).

La Cour suprême de Pologne a, en l’affaire Natoniewski (arrêt du
29 octobre 2010; Polish Yearbook of International Law, vol. XXX (2010),

p. 299), suivi une approche similaire. Elle a en effet conclu que

«les motifs [étaient] insuffisants pour que soit reconnue une excep -
tion à l’immunité de l’Etat dans des affaires concernant lpa réparation
de violations des droits de l’homme résultant d’actes illicitesp commis
sur le territoire de l’Etat du for et entrant dans la catégorie deps acti -
vités des forces armées ».

D’autres décisions dans lesquelles il a été fait droit à pl’immunité d’un
Etat étranger relativement à des activités militaires menéesp sur le territoire
de l’Etat du for seront mentionnées au paragraphe 11 ci-après.

9. Il ressort de l’analyse de la pratique étatique relative à l’p« exception
territoriale» en général et, plus particulièrement, en ce qui concerne les

222

6 CIJ1031.indb 441 22/11/13 12:25 immunités juridictiopnnelles de l’état (op. dpiss. gaja) 318

dommages causés par des activités militaires que les autorités pétatiques ont
suivi des approches différentes. A la question de l’immunité pde l’Etat à

l’examen peut donc être appliquée l’observation introductivep formulée par la
CDI dans son commentaire, selon laquelle il existe «une zone d’incertitude
où les opinions et jurisprudences, voire les législations, varien»t(Annuaire de
la Commission du droit international, 1991, vol. II (deuxième partie),
p. 23). Dans cette «zone d’incertitude», les Etats peuvent adopter des posi -

tions différentes sans nécessairement s’écarter des prescrpiptions du droit
international général.
La logique qui sous-tend la restriction de l’« exception territoriale» telle
qu’avancée en matière d’activités miliaires n’est pas pclaire. En premier lieu,
ainsi qu’il ressort de l’article 4 des articles de la CDI sur la responsabilité de
l’Etat pour fait internationalement illicite, le comportement de tousp les

organes étatiques est également attribué à l’Etat. Dèsp lors, pourquoi une
distinction devrait-elle être établie entre les organes militairesp et les autres
organes du même Etat ? En second lieu, lorsque l’Etat du for consent à la
présence de soldats étrangers sur son territoire, un régime d’immupnité parti -
culier — plus favorable— est compréhensible. Ce régime fait normalement

l’objet d’un accord entre les Etats concernés. En revanche, il pest plus difficile
de comprendre pourquoi un Etat hostile devrait bénéficier d’upn régime favo -
rable, qui l’emporterait sur le droit souverain de l’Etat du for dp’exercer son
pouvoir de juridiction à l’égard d’un comportement qui a liepu sur son
territoire.

Le fait que les activités militaires peuvent causer des dommages àp
grande échelle ne semble pas être une raison valable pour priver les nom -
breux requérants potentiels de voie de recours judiciaire. Certes, papreille
voie de recours peut, en pratique, se révéler inefficace, mais ilp en va ainsi
de toutes les réclamations formulées contre des Etats étrangersp, compte
tenu de la difficulté pour un requérant ayant obtenu gain de causpe de faire

exécuter la décision en question.
10. Un facteur pouvant contribuer à justifier une approche restrictive pde
l’immunité des Etats dans le cadre de l’application de l’«pexception territo -
riale» réside dans la nature de l’obligation dont l’inobservationp fait l’objet
de la demande de réparation formulée contre l’Etat étranger. Ilp peut s’agir

d’une obligation au regard du seul droit interne ; il peut aussi s’agir du man-
quement à une obligation relevant du droit international et, dans cetpte
hypothèse, d’une obligation découlant d’une norme impératpive, ce qui peut
raisonnablement être souligné au moins en ce qui concerne les massacres
de civils.

En réalité, ce qui est en cause, ce n’est pas l’exercice d’pun pouvoir de
juridiction aux fins de prévenir l’inobservation d’une obligaption découlant
d’une norme impérative ou de faire en sorte qu’il soit mis fipn à cette inob -
servation, c’est l’existence d’une voie de recours judiciaire epn vue de répa-
rer le dommage causé par l’inobservation alléguée. A cet épgard, il serait
difficile de soutenir que l’obligation de réparer un manquement à une

obligation relevant du jus cogens est également énoncée par une norme
impérative.

223

6 CIJ1031.indb 443 22/11/13 12:25 immunités juridictiopnnelles de l’état (op. dpiss. gaja) 319

Ainsi, par exemple, alors que l’article 91 du premier protocole addi -

tionnel aux conventions de Genève de 1949 prévoit que « [l]a Partie au
conflit qui violerait les dispositions des Conventions ou du présenpt Proto -
cole sera tenue à indemnité, s’il y a lieu », le Comité international de la
Croix-Rouge précise, dans son commentaire, que, « [à] la conclusion d’un
traité de paix, les Parties peuvent en principe régler à leur gpuise les pro -

blèmes relatifs aux dommages de guerre en général et aux responpsabilités
quant au déclenchement du conflit » (C. Pilloud, J. de Preux, Y. Sandoz,
B. Zimmermann, P. Eberlin, H.-P. Gasser et C. F. Wenger, Commentaire
des protocoles additionnels du 8 juin 1977 aux conventions de Genève du
12 août 1949, 1987, p. 1055).

Quoique l’obligation de réparation elle-même puisse difficilempent être
considérée comme découlant d’une norme impérative, le faipt que l’inob-
servation alléguée ait trait à une obligation relevant du jus cogens peut
toutefois avoir certaines conséquences pertinentes. A l’article 41 des
articles de la CDI sur la responsabilité de l’Etat pour fait interpnationale -

ment illicite sont ainsi énumérées certaines conséquences d’pun manque -
ment grave par un Etat à une obligation découlant d’une norme ipmpérative
de droit international général, conséquences qui viennent s’pajouter à
celles qui résultent d’un fait illicite ordinaire ; aux paragraphes 1 et 2 de
cet article sont énoncées certaines conséquences particulières, ple para -

graphe 3 mentionnant en outre « toute conséquence supplémentaire que
peut entraîner, d’après le droit international, une violation àp laquelle
s’applique le présent chapitre». Bien que la question de l’immunité de juri -
diction n’ait été mentionnée ni dans le texte de l’articlpe en question ni dans
le commentaire y relatif, une restriction de l’immunité pourrait fort bien

être considérée comme une conséquence appropriée, l’obpligation de répa -
ration venant ainsi renforcer la nécessité de respecter l’obligpation en cause.
Cela contribuerait à dissiper tout doute concernant la licéité,p pour un Etat,
d’exercer son pouvoir de juridiction dans la « zone d’incertitude » que
constituent les dommages causés par des activités militaires menépes par un

Etat étranger sur le territoire de l’Etat du for. Autrement dit, qpuand bien
même l’immunité s’appliquerait en règle générale aupx réclamations
portant sur des dommages causés par des activités militaires menées surp
le territoire de l’Etat du for, elle ne s’étendrait pas à celles qui ont trait à
des massacres de civils ou à des actes de torture commis sur ce mêpme

territoire.
11. Il serait en revanche plus difficile de déduire de la nature de la vpio -
lation en cause une restriction de l’immunité de juridiction des Eptats
étrangers couvrant les dommages causés par ces Etats quel que soit le lieu
où ils se sont produits.

Pareille conclusion a été préconisée par une minorité de pjuges de la Cour
européenne des droits de l’homme dans l’affaire Al‑Adsani c. Royaume‑
Uni et par la Cour de cassation italienne dans un certain nombre d’arrêpts,
notamment ceux rendus dans les affaires Ferrini (arrêt n o5044 du
11 mars 2004 ; ILR, vol. 128, p. 668-669) et Milde (arrêt n o 1072 du

13 janvier 2009). En l’affaire Réunion aérienne c. Jamahiriya arabe libyenne

224

6 CIJ1031.indb 445 22/11/13 12:25 immunités juridictiopnnelles de l’état (op. dpiss. gaja) 320

(pourvoi n 09-14743, 9 mars 2011), la Cour de cassation française a,

elle aussi, laissé entrevoir l’existence d’une telle restriction de pl’immunité
dans le cas d’une demande en réparation ayant trait à l’inobservation
d’une obligation relevant du jus cogens, à condition que cette inobser-
vation ait pris la forme d’un comportement positif de la part de l’pEtat
étranger.

La convention européenne sur l’immunité des Etats et la conventpion
des Nations Unies n’étayent cependant pas cette thèse, puisqu’elles n’péta-
blissent aucune exception à l’immunité fondée sur la nature pde l’obliga -
tion à laquelle a manqué l’Etat étranger.
Le refus d’accorder l’immunité de juridiction à l’égard de réclamations
portant sur des « décès ou dommages corporels résultant d’actes com-

mis par un Etat en violation des normes relatives aux droits de l’homme
ayant le caractère de jus cogens» a, en 1999, été qualifié de « fait
récent» par un groupe de travail de la CDI présidé par M. Hafner, fait
que ce groupe de travail a pris l’initiative de souligner, précisapnt à
l’Assemblée générale qu’il ne « devrait pas être négligé » (Annuaire de

la Com mission du droit international, 1999, vol. II (deuxième partie),
p. 172). Même si, dans son rapport, le président du groupe de travail
de l’Assemblée générale (M. Hafner, là encore) a estimé qu’« il ne
semblait pas opportun de faire figurer cette question parmi les points
à examiner ultérieurement » (A/C.6/54/L.12, p. 10, par. 67), cela ne

saurait être considéré comme un rejet total de l’exception ainsi
avancée.
A cet égard, il convient de relever que le groupe de travail de la CDpI ne
s’était référé qu’à deux décisions restreignant pl’immunité de l’Etat, l’une
et l’autre étant fondées sur l’Anti-Terrorism and Effectivpe Death Penalty
Act adopté aux Etats-Unis d’Amérique en 1996. Ce texte avait modifié le

Foreign Sovereign Immunities Act en restreignant l’immunité des Etpats
étrangers à l’égard de demandes de réparation à raisonp de préjudices cau-
sés par des actes de torture, exécutions extrajudiciaires et certapins autres
actes, quel que soit le lieu où ils ont été commis ; toutefois, seuls étaient
visés les actes commis par un Etat étranger désigné par le Specrétaire d’Etat

comme Etat terroriste et les cas où le requérant ou la victime était pun
national des Etats-Unis. Au vu de ces conditions, la loi en question ne p
semble pas donner à penser qu’il pourrait exister une telle exceptpion à
l’immunité fondée sur la nature de l’obligation de droit intpernational qui
est à l’origine de la réclamation.

Plus pertinent encore à cet égard est le fait qu’aucun des textes législa -
tifs mentionnés au paragraphe 3 ci-dessus ne contient une quelconque
référence à pareille exception.
Cette question a été examinée de manière approfondie par la pCour
européenne des droits de l’homme en l’affaire Al‑Adsani c. Royaume‑Uni.

A une majorité de neuf voix contre huit, ladite juridiction a précisé
qu’elle
«ne juge[ait] pas établi qu’il soit déjà admis en droit interpnational

que les Etats ne peuvent prétendre à l’immunité en cas d’pactions

225

6 CIJ1031.indb 447 22/11/13 12:25 immunités juridictiopnnelles de l’état (op. dpiss. gaja) 321

civiles en dommages-intérêts pour des actes de torture qui auraienpt
été perpétrés en dehors de l’Etat du for ».

La cour d’appel de l’Ontario a par ailleurs rappelé, en l’affpaire Bouzari
et autres c. République islamique d’Iran (arrêt du 30 juin 2004 ; ILR,

vol. 128, p. 605), la distinction qu’il convient d’établir en fonction du lpieu
où le préjudice en cause s’est produit. Tout en reconnaissant implicite -
ment l’applicabilité de l’« exception territoriale » énoncée dans la législa -
tion canadienne, cette juridiction a ainsi jugé que « la pratique reflét[ait] le
principe de droit international coutumier selon lequel l’Etat jouit dpe l’im -

munité à l’égard d’actes de torture commis en dehors de lp’Etat du for…».
La Cour constitutionnelle de Slovénie (arrêt du 8 mars 2001, affaire
Up-13/99) a, quant à elle, estimé qu’il existait une «tendance», mais aucune

«règle de droit international coutumier qui, dans le cas de violationsp
de normes impératives du droit international en matière de protec -
tion des droits de l’homme résultant d’activités étatiqueps menées jure
imperii … autoriserait les tribunaux slovènes à traduire en justice des

Etats étrangers ».
Dans cette affaire, la Cour constitutionnelle examinait des actes qui p

s’étaient produits sur un territoire devenu entre-temps slovènep.
Une approche similaire a été suivie par le Bundesgerichtshof allemand
dans un arrêt du 26 juin 2003, alors qu’il lui était demandé de rendre exé -
cutoires les décisions grecques rendues au fond en l’affaire Distomo (Inter‑
national Legal Materials, vol. 42 (2003), p. 1033).

En l’affaire Jones c. Arabie saoudite ([2007] 1 AC 270), la Chambre
des lords a, pour sa part, purement et simplement rejeté l’idée selon
laquelle il existerait une exception à l’immunité dans le cas dpe réclama -
tions relatives au manquement à des obligations relevant de normes impé-
ratives. Cette décision avait trait à une réclamation portant spur un acte de

torture qui s’était produit en dehors du territoire de l’Etat dpu for.
Au vu de l’ensemble de ces éléments tirés de la pratique, lap conclusion
s’impose que la nature de l’obligation de droit international qui pest à l’origine
de la réclamation ne constitue pas, en elle-même, un élément suffisant pour
qu’un tribunal soit fondé à exercer sa compétence à l’pégard d’un Etat étran -

ger dans le cas d’une demande en réparation relative à l’inopbservation d’une
obligation découlant d’une norme impérative, quel que soit le lpieu où
ce manquement a été commis. A l’inverse, on ne saurait déduire pde cette
pratique que la nature de l’obligation qui n’a pas été respectée a une inci -
dence négative sur l’applicabilité de l’« exception territoriale». Il serait en

effet extravagant qu’une réclamation soit jugée recevable sur la base de
l’«exception territoriale» lorsque l’obligation qui n’a pas été respectée est
mineure, alors que cette même exception ne s’appliquerait pas àp des réclama -
tions ayant trait au manquement à des obligations relevant de normes
impératives.

12. L’application des critères énoncés ci-dessus aurait exigép que la Cour
examinât de manière plus approfondie, et à la lumière des fapits de chaque

226

6 CIJ1031.indb 449 22/11/13 12:25 immunités juridictiopnnelles de l’état (op. dpiss. gaja) 322

affaire, les différentes décisions rendues par les tribunaux iptaliens auxquelles
l’Allemagne s’est référée dans sa requête. Pareil exampen aurait dû conduire
la Cour à conclure que, au moins en ce qui concerne certaines de ces pdécisions,

l’exercice, par le tribunal en question, de sa compétence ne pouvait être
considéré comme étant contraire à une obligation de droit inpternational
général.

(Signé) Giorgio Gaja.

227

6 CIJ1031.indb 451 22/11/13 12:25

Bilingual Content

309

DISSENTING OPINION OF JUDGE AD HOC GAJA

1. The Court’s Judgment accepts the view that the jurisdictional immu-
nity of a foreign State does not cover certain claims concerning repara -
tion for torts committed in the forum State. However, the Court

“considers that customary international law continues to require thatp
a State be accorded immunity in proceedings for torts allegedly com -

mitted on the territory of another State by its armed forces and other
organs of State in the course of conducting an armed conflict”
(para. 78).

This point is decisive for rejecting the applicability of the so-called “tort
exception” in the case at hand. The Court consequently concludes thatp
the Italian courts breached an international obligation when they assertped
their jurisdiction over claims relating to wrongful acts committed by Gepr -

many in Italy during the Second World War.

The Court’s argument is well built and includes a wide survey of rel-
evant State practice. However, the scope of the “tort exception” dpeserves
further analysis, also because this is an area where the law, according pto

several judicial decisions, is currently “developing”.

2. The “tort exception” has found expression in Article 12 of the
United Nations Convention on Jurisdictional Immunities of States and

Their Property, according to which :
“Unless otherwise agreed between the States concerned, a State

cannot invoke immunity from jurisdiction before a court of another
State which is otherwise competent in a proceeding which relates to
pecuniary compensation for death or injury to the person, or damage
to or loss of tangible property, caused by an act or omission which is
alleged to be attributable to the State, if the act or omission occurredp

in whole or in part in the territory of that other State and if the
author of the act or omission was present in that territory at the time p
of the act or omission.”

This codification Convention, which was adopted by the General
Assembly in 2004, has so far been ratified by 13 States and is not yet in
force. It would be in any event unwarranted to assume that all its sub -

stantive provisions correspond to rules of general international law. Onp

214

6 CIJ1031.indb 424 22/11/13 12:25 309

OPINION DISSIDENTE DE M. LE JUGE AD HOC GAJA

[Traduction]

1. Dans le présent arrêt, la Cour admet que l’immunité de juridpiction
d’un Etat étranger ne s’étend pas à certaines demandes enp réparation à
raison d’actes dommageables commis sur le territoire de l’Etat du pfor.
Cependant, elle

«estime que le droit international coutumier impose toujours de
reconnaître l’immunité à l’Etat dont les forces arméesp ou d’autres
organes sont accusés d’avoir commis sur le territoire d’un autrpe Etat
des actes dommageables au cours d’un conflit armé » (par. 78).

Cet élément s’est révélé déterminant pour écarter l’applicabilité de

l’«exception territoriale » en la présente espèce. La Cour en a en effet
conclu que les tribunaux italiens avaient manqué à une obligation pinter -
nationale en se déclarant compétents pour connaître de réclapmations
ayant trait à des actes illicites commis par l’Allemagne en Italiep pendant
la seconde guerre mondiale.

L’argumentation de la Cour est fort bien construite, et elle repose npotam -
ment sur une analyse détaillée de la pratique étatique pertinenpte. Le champ
d’application de l’« exception territoriale» mérite néanmoins un examen
plus approfondi, pour cette raison aussi qu’il s’agit d’un domaine dans
lequel le droit est actuellement, ainsi que l’attestent plusieurs dépcisions judi
ciaires, « en développement ».

2. L’«exception territoriale» a trouvé son expression à l’article 12 de la
convention des Nations Unies sur l’immunité juridictionnelle des Etats et
de leurs biens, qui est ainsi libellé :

«A moins que les Etats concernés n’en conviennent autrement, un
Etat ne peut invoquer l’immunité de juridiction devant un tribunalp
d’un autre Etat, compétent en l’espèce, dans une procédurpe se rap -
portant à une action en réparation pécuniaire en cas de décèps ou

d’atteinte à l’intégrité physique d’une personne, ou epn cas de dom -
mage ou de perte d’un bien corporel, dus à un acte ou à une omipssion
prétendument attribuables à l’Etat, si cet acte ou cette omissipon se
sont produits, en totalité ou en partie, sur le territoire de cet autpre
Etat et si l’auteur de l’acte ou de l’omission était préspent sur ce terri-

toire au moment de l’acte ou de l’omission. »
Cette convention de codification, qui a été adoptée par l’pAssem -
blée générale en 2004, a, à ce jour, été ratifiée par treize Etats et n’est pas

encore entrée en vigueur. En tout état de cause, il serait infondép de consi -
dérer que l’ensemble des dispositions de fond qui y figurent corprespondent

214

6 CIJ1031.indb 425 22/11/13 12:25 310 jurisdictional immunpities of the state (dipss. op. gaja)

the other hand, many of its provisions cannot be regarded as fully inno -
vative. This certainly applies to Article 12, which finds precedents in sev -

eral provisions of municipal legislation which will be referred to laterp and,
before these statutes were enacted, in Article 11 of the 1972 European
Convention on State Immunity. The latter text reads as follows :

“A Contracting State cannot claim immunity from the jurisdiction
of a court of another Contracting State in proceedings which relate to

redress for injury to the person or damage to tangible property, if the
facts which occasioned the injury or damage occurred in the territory
of the State of the forum, and if the author of the injury or damage
was present in that territory at the time when those facts occurred.”p

In the following paragraphs there will be only a few references to the
European Convention, because it is clearly of limited significance forp the
purpose of ascertaining the existing rules of general international law pon
State immunity. It received only eight ratifications, all by States from a

defined geographical area (Austria, Belgium, Cyprus, Germany, Luxem -
bourg, Netherlands, Switzerland and United Kingdom). Moreover, it
does not attempt to state general rules, but only considers the immunityp
of a Contracting State from the jurisdiction of other Contracting Statesp.

3. The “tort exception” has also been expressed in statutes concerninpg
the jurisdictional immunity of foreign States that nine States have enacpted.
Only one State (Pakistan) has not included the “tort exception” in its
legislation on this subject.
Legislation is an important aspect of State practice. It is significanpt also

when the object of a rule of international law is the conduct of judiciapl
authorities, as with regard to the exercise of jurisdiction by courts. Opne
may assume that only in exceptional circumstances will judicial authori -
ties depart from what is required from them by the respective legislatorp.
To my knowledge, no court of any of the States which enacted legislationp

incorporating the “tort exception” has raised any question of conspistency
between the relevant legislation and general international law.

The number of States in question may at first sight seem insufficientp to

represent the attitude of the generality of States, since most States hapve
not adopted statutes on jurisdictional immunity and directly rely on gen -
eral international law. However, it would be difficult to consider the pleg -
islative practice of ten States, which spans a period of more than 30 years,
as insignificant for the purpose of ascertaining the current status ofp gen -
eral international law. The criterion adopted by these States was not

intended to codify a standard that all the States would be required to
follow. On certain issues, the legislation of some States was arguably

215

6 CIJ1031.indb 426 22/11/13 12:25 immunités juridictiopnnelles de l’état (op. dpiss. gaja) 310

à des règles de droit international général. A l’inverse,p nombre d’entre
elles ne sauraient être jugées tout à fait innovantes. Tel est passurément le

cas de l’article 12, étant donné que des dispositions similaires avaient
auparavant été énoncées dans plusieurs textes législatifs internes auxquels
il sera fait référence ci-après et, avant même l’adoptionp de ces textes, à
l’article 11 de la convention européenne sur l’immunité des Etats de 1972.
Cet article se lit comme suit :

«Un Etat contractant ne peut invoquer l’immunité de juridiction
devant un tribunal d’un autre Etat contractant lorsque la procédurpe

a trait à la réparation d’un préjudice corporel ou matéripel résultant
d’un fait survenu sur le territoire de l’Etat du for et que l’auteur du
dommage y était présent au moment où ce fait est survenu. »

Dans les paragraphes ci-après, il sera fait assez peu référencep à cet ins-
trument, étant donné qu’il revêt, de toute évidence, une pertinence limitée
aux fins de déterminer les règles existantes du droit internatiopnal général
en matière d’immunité de l’Etat. La convention européennep n’a en effet

été ratifiée que par huit Etats, tous situés dans une zone géographique
déterminée (l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, Chypre, lpe Luxembourg,
les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suisse). De plus, elle n’a pas pour
objet d’énoncer des règles générales, mais s’intérepsse uniquement à l’im -
munité de juridiction d’un Etat contractant devant les tribunaux dp’autres

Etats contractants.
3. L’«exception territoriale» trouve également son expression dans les
lois relatives à l’immunité de juridiction des Etats étrangeprs adoptées par
neuf Etats. Seul un Etat (le Pakistan) n’a pas prévu d’« exception territo -
riale» dans sa législation en la matière.
La législation constitue un aspect important de la pratique étatiqpue.

Elle est également pertinente lorsqu’une règle de droit international a
pour objet le comportement des autorités judiciaires, comme c’est ple cas
en ce qui concerne l’exercice par les juridictions de leur compétepnce. Il est
en effet permis de supposer que ce n’est que dans des circonstancesp excep -
tionnelles que les autorités judiciaires s’écarteront des prescpriptions du

législateur. Or, à ma connaissance, aucun tribunal d’aucun des pEtats qui
ont adopté une législation prévoyant une « exception territoriale » n’a
soulevé la moindre question de cohérence entre les lois pertinenteps et le
droit international général.
Le nombre des Etats en question peut, à première vue, sembler insupffi -

sant pour être jugé représentatif de la conduite des Etats en gpénéral,
puisque la plupart d’entre eux n’ont pas adopté de loi relativep à l’immu -
nité de juridiction et se fondent, en la matière, directement sur ple droit
international général. Il serait cependant difficile de considéprer la pratique
législative de dix Etats, qui s’étend sur une période de plus de trente ans,
comme étant dépourvue de pertinence aux fins de déterminer l’état actuel

du droit international général. Le critère adopté par lesditps Etats n’avait
pas pour objet de codifier une norme à laquelle tous les Etats seraient

215

6 CIJ1031.indb 427 22/11/13 12:25 311 jurisdictional immunpities of the state (dipss. op. gaja)

more favourable to immunity than general international law. This is cer -
tainly lawful, which would not be the case for a more restrictive approapch.

When asserting a “tort exception”, the States concerned no doubt
assumed that they were entitled to exercise their jurisdiction lawfully pin
applying the exception. Should their view be regarded as unfounded
under general international law, all these States would incur internatiopnal
responsibility when applying the “tort exception”. One would have

expected some form of protest on the part of other States at the internap -
tional level, since the legislation in question was well known and many p
States were likely to be affected. The silence kept by the majority of States
cannot be interpreted as an implicit criticism of the lawfulness of resoprt -

ing to the “tort exception”.

4. In the nine States that have enacted legislation on jurisdictional

immunity of foreign States including a “tort exception” this excepption has
a similar content. It may be appropriate to quote the texts of the pertip -
nent provisions. I shall follow a chronological order.
According to Section 1605 (a) of the United States Foreign Sovereign
Immunities Act 1976 :

“(a) A foreign State shall not be immune from the jurisdiction of courts
of the United States or of the States in any case

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. .
(5) not otherwise encompassed in paragraph (2) above, in which
money damages are sought against a foreign State for per -
sonal injury or death, or damage to or loss of property, occur -
ring in the United States and caused by the tortious act or

omission of that foreign State or of any official or employee
of that foreign State while acting within the scope of his office
or employment; except that this paragraph shall not apply to

(A) any claim based upon the exercise or performance or the
failure to exercise or perform a discretionary function
regardless of whether the discretion be abused, or
(B) any claim arising out of malicious prosecution, abuse of

process, libel, slander, misrepresentation, deceit, or inter-
ference with contract rights.”

Section 5 of the United Kingdom State Immunity Act 1978 runs as fol -
lows: “A foreign State is not immune from the jurisdiction of a court in p
any proceedings that relate to (a) death or personal injury ; or (b) dam-
age to or loss of tangible property, caused by an act or omission in thep

United Kingdom.”

216

6 CIJ1031.indb 428 22/11/13 12:25 immunités juridictiopnnelles de l’état (op. dpiss. gaja) 311

tenus de se conformer. Il est peut-être des points sur lesquels la lépgislation
de certains Etats était plus favorable à l’immunité que le dproit internatio-

nal général, ce qui, de toute évidence, est licite, alors que tpel ne serait pas
le cas d’une approche plus restrictive. En inscrivant pareille « exception
territoriale» dans leur législation, les Etats en question sont, à n’en ppas
douter, partis du principe qu’ils avaient le droit d’exercer leur ppouvoir de
juridiction en appliquant ladite exception. Si cette position devait êptre

jugée infondée au regard du droit international général, tous ces Etats
engageraient, ce faisant, leur responsabilité internationale. Aussi apurait-on
pu s’attendre, sur le plan international, à une certaine forme de pprotesta-
tion de la part d’autres Etats, dès lors que la législation en pquestion était

bien connue et que nombre d’entre eux étaient susceptibles d’enp être affec -
tés. Le silence observé par la majorité des Etats à cet épgard ne saurait être
interprété comme une critique implicite de la licéité du recpours à l’«excep-
tion territoriale ».
4. Dans les neuf Etats qui ont adopté une législation relative à lp’immu-

nité de juridiction des Etats étrangers prévoyant une « exception territo-
riale», celle-ci a un contenu similaire. Il est sans doute utile de citer pici les
dispositions en question, et je procéderai par ordre chronologique.
Le paragraphe a) de l’article 1605 du Foreign Sovereign Immunities Act
de 1976 (loi des Etats-Unis sur l’immunité des Etats étrangers) pdispose que

«a) l’Etat étranger ne bénéficie pas de l’immunité devanpt les juridic -
tions des Etats-Unis d’Amérique ou des Etats dans tous les cas

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .
5. n’entrant pas dans les prévisions du paragraphe 2 ci-dessus, où
une action en réparation est intentée contre un Etat étranger àp
raison de dommages corporels, d’un décès, de dommages maté-
riels ou de pertes de biens survenus aux Etats-Unis et causés

par un acte dommageable ou une omission de cet Etat étranger
ou de tout représentant ou employé de celui-ci agissant dans le
cadre de ses fonctions ou de son emploi; le présent paragraphe
ne s’applique pas à :

A. toute demande fondée sur l’exercice, ou le défaut d’exer -
cice, de pouvoirs discrétionnaires, qu’il y ait eu ou non abus
de pouvoir ;
B. toute demande résultant de poursuites abusives, d’un abus

de procédure, d’une diffamation verbale ou écrite, d’une
fausse déclaration, d’un dol ou d’une interférence avec des p
droits contractuels. »

L’article 5 du State Immunity Act de 1978 (loi du Royaume-Uni sur
l’immunité des Etats) se lit comme suit : «L’Etat étranger ne bénéficie pas
de l’immunité de juridiction dans toute procédure se rapportantp à: a) un
décès ou des dommages corporels ; ou b) des dommages matériels ou

pertes de biens causés par un acte ou une omission survenu au Royaumep-
Uni. »

216

6 CIJ1031.indb 429 22/11/13 12:25 312 jurisdictional immunpities of the state (dipss. op. gaja)

Section 7 of Singapore’s State Immunity Act is identical to this text,
with only replacement of the words “the United Kingdom” with “Spinga-

pore”.
Section 6 of South Africa’s Foreign States Immunities Act declares
that: “A foreign State shall not be immune from the jurisdiction of the
courts of the Republic in proceedings relating to (a) the death or injury
of any person ; or (b) damage to or loss of tangible property, caused by

an act or omission in the Republic.”

According to Section 13 of Australia’s Foreign States Immunities Act
1985: “A foreign State is not immune in a proceeding in so far as the
proceeding concerns (a) the death of, or personal injury to, a person ; or
(b) loss of or damage to tangible property, caused by an act or omission

done or omitted to be done in Australia.”
Section 6 of Canada’s State Immunity Act reads as follows : “A foreign
State is not immune from the jurisdiction of a court in any proceedings p
that relate to (a) any death or personal or bodily injury, or (b) any dam -
age to or loss of property, that occurs in Canada.”

In Argentina, Article 2 of Law No. 24,488 on jurisdictional immunity
of foreign States provides that : “Foreign States may not invoke jurisdic -
tional immunity in the following cases : . . . (e) where the foreign State is
subject to a claim for losses or damages derived from crimes or offencpes
committed in Argentina” [“(e) cuando fueren demandados por daños y

perjuicios derivados de delitos o cuasidelitos cometidos en el territoripo”].

According to Section 5 of Israel’s Foreign States Immunity Law
No. 5769-2008 : “A foreign State shall not have immunity from jurisdic -
tion in an action in tort where personal injury or damage to tangible
property has occurred, provided the tort was committed in Israel.”

Finally, Article 10 of the Act on the Civil Jurisdiction of Japan with
respect to a Foreign State, etc., provides that :

“In cases where the death of or injury to a person or the loss of or p
damage to a tangible object resulted from an act for which it is
claimed a Foreign State, etc., should take responsibility, if all or parpt
of said act took place in Japan and the person who performed said
act was in Japan at the time it was committed, said Foreign State,

etc., shall not be immune from jurisdiction with respect to judicial
proceedings in which monetary compensation for the damage or
loss resulting from said act is being sought.”

Although the wording varies, all these texts contain a general statement
which appears to cover claims for all the acts or omissions attributable to
a foreign State that take place in the territory of the forum State and p
cause death or personal injury or damage to tangible property.

5. None of the legislative acts quoted in the previous paragraph
restricts the applicability of the “tort exception” when the act opr omission

217

6 CIJ1031.indb 430 22/11/13 12:25 immunités juridictiopnnelles de l’état (op. dpiss. gaja) 312

L’article 7 du State Immunity Act de Singapour est libellé en des termes

identiques, le mot « Singapour» figurant simplement en lieu et place du
mot « Royaume-Uni ».
L’article 6 du Foreign States Immunities Act (loi sur l’immunité des
Etats étrangers) de l’Afrique du Sud prévoit que « [l]’Etat étranger ne
bénéficie pas de l’immunité dans une procédure se rappoprtant à : a) un

décès ou des dommages corporels ; ou b) des pertes de biens ou dom -
mages matériels causés par un acte ou une omission survenu dans lap
République ».
Aux termes de l’article 13 du Foreign States Immunities Act de 1985 de
l’Australie, «[l’]Etat étranger ne bénéficie pas de l’immunité de juridiction

dans une procédure se rapportant à : a) un décès ou des dommages cor -
porels ; oub) des pertes de biens ou préjudices matériels causés par un
acte ou une omission survenu en Australie ».
L’article 6 du State Immunity Act du Canada est ainsi libellé : «L’Etat
étranger ne bénéficie pas de l’immunité de juridiction pdans toute procé -

dure se rapportant à : a) tout décès ou dommage personnel ou corporel ;
ou b) tout dommage matériel ou toute perte de biens survenu au Canada.»
En Argentine, l’article 2 de la loi no24.488 relative à l’immunité de juri-
diction des Etats étrangers dispose que « [l]’Etat étranger ne peut invo -
quer l’immunité de juridiction dans les cas suivants : … e) lorsqu’une

action est engagée contre lui à raison de pertes ou de dommages répsultant
de délits ou de quasi-délits commis en Argentine » [« e) cuando fueren
demandados por daños y perjuicios derivados de delitos o cuasidelitosp
cometidos en el territorio »].
Aux termes de l’article 5 de la Foreign States Immunity Law n o5769-

2008 d’Israël, « [l]’Etat étranger ne bénéficie pas de l’immunité de pjuridic -
tion dans une action en responsabilité se rapportant à des dommageps
corporels ou matériels, lorsque l’acte en cause a été commisp en Israël».
Enfin, l’article 10 de la loi relative à la juridiction civile du Japon à
l’égard des Etats étrangers, etc., dispose que :

«En cas de décès ou de dommages corporels, de pertes de biens ou
de dommages matériels résultant d’un acte dont il est allégupé qu’un

Etat étranger, etc., porte la responsabilité, et si ledit acte a épté com
mis en tout ou partie au Japon alors que son auteur se trouvait au
Japon, l’Etat étranger, etc., ne bénéficie pas de l’immpunité de juridic-
tion à l’égard des actions en réparation à raison des dompmages ou
pertes résultant dudit acte. »

Quoique leur libellé varie, l’ensemble de ces textes énoncent upne règle

générale, qui semble s’appliquer aux réclamations portant supr tous les
actes ou omissions attribuables à un Etat étranger ayant lieu sur ple terri -
toire de l’Etat du for et entraînant la mort, un préjudice corpporel ou un
préjudice matériel.
5. Aucun des textes législatifs précités ne restreint l’applicapbilité de

l’«exception territoriale » dans le cas où l’acte ou l’omission de l’Etat

217

6 CIJ1031.indb 431 22/11/13 12:25 313 jurisdictional immunpities of the state (dipss. op. gaja)

of the foreign State is taken within an activity which may be described p
jure imperii because it occurs in the exercise of a sovereign power by the

foreign State.
The commentary of the International Law Commission (ILC) on draft
Article 12, which later became without change Article 12 of the 2004 UN
Convention, noted that “[t]he areas of damage envisaged in Article 12 are
mainly concerned with accidental death or physical injuries to persons opr

damage to tangible property involved in traffic accidents”, but thatp “the
scope of Article 12 is wide enough to cover also intentional physical harm
such as assault and battery, malicious damage to property, arson or evenp
homicide, including political assassination”. The ILC commentary alsop
noted that, while “the case law of some States” maintained the disptinction
between acts jure imperii and acts jure gestionis, the “tort exception” in

Article 12 “makes no such distinction” (Yearbook of the International
Law Commission, 1991, Vol. II, Part Two, p. 45). According to the com -
mentary :

“The locus delicti commissi offers a substantial territorial connec -
tion regardless of the motivation of the act or omission, whether

intentional or even malicious, or whether accidental, negligent, inad -
vertent, reckless or careless, and indeed irrespective of the nature of p
the activities involved, whether jure imperii or jure gestionis.”

There is nothing in the text of the UN Convention or in the prepara -
tory work that suggests that the “tort exception” should not applyp when
the foreign State acts jure imperii.
On the basis of the ILC commentary, the Italian Corte di Cassazione
stressed in Ferrini that, according to Article 12 of the ILC draft Articles,

“the distinction between acts performed jure imperii and acts carried

out jure gestionis assumes no relevance in respect of damages claims
arising from ‘assaults on the physical integrity of a person’ or
from loss or damage of a ‘bodily’ nature” (judgment No. 5044 of
11 March 2004, English translation in International Law Reports
(ILR), Vol. 128, p. 672).

The Supreme Court of Canada in Schreiber v. Federal Republic of Ger ‑
many and the Attorney General of Canada agreed that the “tort exception”

also covered acts jure imperii, adding the observation that if one restricted
the exception in this regard, one “would deprive the victims of the wporst
breaches of basic rights of any possibility of redress in national courtps”
([2002] Supreme Court Reports, Vol. 3, p. 269, para. 37).

A different view was expressed by the Supreme Court of Ireland in
McElhinney v. Williams when Chief Justice Hamilton held that, even if

218

6 CIJ1031.indb 432 22/11/13 12:25 immunités juridictiopnnelles de l’état (op. dpiss. gaja) 313

étranger survient dans le cadre d’une activité pouvant être pconsidérée

comme étant jure imperii parce qu’elle relève de l’exercice, par cet Etat,
d’un pouvoir souverain.
Dans son commentaire relatif au projet d’article 12 — qui allait deve -
nir, sans modification, l’article 12 de la convention des Nations Unies
de 2004 —, la Commission du droit international (CDI) a précisé que

«[l]es dommages envisagés à l’article 12 concern[ai]ent essentiellement le
décès accidentel ou les dommages corporels ou matériels causéps par des
accidents de la circulation », mais que « la portée de l’article 12 [était]
assez large pour englober aussi les dommages intentionnels comme les
coups et blessures, les dommages intentionnels aux biens, l’incendie crimi -

nel, voire l’homicide ou l’assassinat politique ». Dans ce même commen -
taire, la CDI a aussi relevé que, bien que la distinction entre actesp
jure imperii et actes jure gestionis prévale encore dans la «jurisprudence de
quelques Etats », « il n’[était] pas établi de distinction de cette nature »
dans l’«exception territoriale» énoncée à l’article 12 (Annuaire de la Com ‑

mission du droit international, 1991, vol. II (deuxième partie), p. 45). Et la
CDI de préciser ce qui suit :

« Le locus delicti commissi offre un lien territorial solide, quelle
qu’ait été la motivation de l’acte ou de l’omission, qu’pil ait été inten -
tionnel ou même criminel ou qu’il ait été accidentel ou dûp à la négli-
gence, à l’inadvertance ou à l’imprudence, et que les activités en
cause relèvent des acta jure imperii ou des acta jure gestionis. »

Rien dans le texte de la convention des Nations Unies ou dans les travaux
préparatoires de cet instrument ne donne à penser que l’«exception territo -

riale» ne devrait pas s’appliquer lorsque l’Etat étranger agit jure imperii.
C’est en se fondant sur le commentaire de la CDI que la Cour de cas -
sation italienne a, dans son arrêt Ferrini, souligné que, conformément à
l’article 12 des projets d’articles de la CDI,

«la distinction entre les actes accomplis jure imperii et les actes
accomplis jure gestionis [était] dépourvue de pertinence à l’égard des
demandes en réparation résultant d’« atteintes à l’intégrité physique

d’une personne » ou de pertes ou de dommages de nature « corpo -
relle » » (arrêt n 5044 du 11 mars 2004 ; International Law Reports
(ILR), vol. 128, p. 672).

Quant à la Cour suprême du Canada, elle est convenue, dans la dépci -
sion qu’elle a rendue en l’affaire Schreiber c. la République fédérale d’Alle ‑
magne et le procureur général du Canada, que l’« exception territoriale »
valait également pour les actes jure imperii, ajoutant que, si l’on restrei -

gnait ladite exception dans le cas de pareils actes, cela « priverait les vic-
times des pires violations des droits fondamentaux de toute possibilité de
réparation devant les tribunaux nationaux » (Recueil de la Cour suprême,
2002, vol. 3, p. 269, par. 37).
En l’affaire McElhinney c. Williams, la Cour suprême d’Irlande a en

revanche, par la voix du Chief Justice Hamilton, estimé que, même psi

218

6 CIJ1031.indb 433 22/11/13 12:25 314 jurisdictional immunpities of the state (dipss. op. gaja)

the tortious act of a British soldier had occurred in the forum State,
immunity had to be granted to the foreign State “when such act or omips-

sion is committed jure imperii” (ILR, Vol. 104, p. 703). Ireland has not
enacted legislation on jurisdictional immunity, nor is it a party to thep
European Convention on State Immunity. An application to the Euro -
pean Court of Human Rights was later made by Mr. McElhinney against
Ireland. This court said that the “tort exception” corresponded to a

“trend in international and comparative law”, but that :

“the trend may primarily refer to ‘insurable’ personal injury, pthat is
incidents arising out of ordinary road traffic accidents, rather than
matters relating to the core area of State sovereignty such as the acts p
of a soldier on foreign territory which, of their very nature, may
involve sensitive issues affecting diplomatic relations between Statesp
and national security. Certainly, it cannot be said that Ireland is

alone in holding that immunity attaches to suits in respect of such
torts committed by acta jure imperii or that, in affording this immu -
nity, Ireland falls outside any currently accepted international stan -
dards.” (ILR, Vol. 123, p. 85, para. 38.)

It is to be noted that the question before the European court in McEl ‑
hinney v. Ireland was not whether the respondent State had an obligation

to grant jurisdictional immunity to the United Kingdom, but whether Ire -
land was in breach of an obligation under Article 6 of the European Con-
vention on Human Rights by denying the applicant access to justice. The p
majority of the court did not endorse the idea that States were requiredp to
apply a “tort exception”. It found that, “given the present stapte of the
development of international law” on jurisdictional immunity, there wpas

no breach by Ireland of an obligation to exercise jurisdiction. However,p
the court did not go as far as to say that, had the Irish courts hypothepti -
cally entertained the claim, Ireland would have been in breach of its obpli-
gations under international law with regard to jurisdictional immunity.

6. The European Convention on State Immunity contains various
clauses which restrict the scope of the Convention. What is relevant forp
our purposes is Article 31, which runs as follows :

“Nothing in this Convention shall affect any immunities or privile -
ges enjoyed by a Contracting State in respect of anything done or
omitted to be done by, or in relation to, its armed forces when on the
territory of another Contracting State.”

The ILC draft Articles do not contain a similar clause. However, the
ILC commentary on draft Article 12 observes that this provision does not
“apply to situations involving armed conflicts” (Yearbook of the Interna ‑

tional Law Commission, 1991, Vol. II, Part Two, p. 46). No explanation is
given, nor is there an indication of the intended consequences of the fact

219

6 CIJ1031.indb 434 22/11/13 12:25 immunités juridictiopnnelles de l’état (op. dpiss. gaja) 314

l’acte dommageable d’un soldat britannique s’était produit dpans l’Etat du
for, l’Etat étranger devait bénéficier de l’immunitép «lorsque ledit acte ou

ladite omission surviennent jure imperii » (ILR, vol. 104, p. 703). L’Ir -
lande n’a pas adopté de loi relative à l’immunité de juripdiction, et elle
n’est pas partie à la convention européenne sur l’immunitép des Etats.
M. McElhinney a, par la suite, déposé une requête contre cet Etat devant
la Cour européenne des droits de l’homme. Ladite juridiction a jugé que

l’«exception territoriale » correspondait « en droit international et com -
paré [à] une tendance », mais que

«cette tendance para[issait] concerner essentiellement les dommages
corporels «assurables», c’est-à-dire ceux causés par des accidents de
la circulation ordinaires, et non des problèmes relevant de la sphère
centrale de souveraineté des Etats, tels que les actes d’un soldatp sur le
territoire d’un Etat étranger ; ceux-ci peuvent, par nature, soulever
des questions sensibles touchant aux relations diplomatiques entre

Etats et à la sécurité nationale. On ne peut assurément pas pdire que
l’Irlande soit seule à estimer que l’immunité s’applique en cas d’ac -
tions pour des dommages ainsi causés par des acta jure imperii ou
que, en accordant cette immunité, elle se démarque de normes interp -
nationales actuellement admises. » (ILR, vol. 123, p. 85, par. 38.)

Il convient de noter que la question qui se posait à la Cour européenne
dans cette affaire n’était pas de savoir si l’Etat défendeur avait l’obliga -

tion d’accorder l’immunité de juridiction au Royaume-Uni, mais psi l’Ir -
lande avait manqué à une obligation énoncée à l’articlpe 6 de la convention
européenne des droits de l’homme en refusant au demandeur l’accpès à la
justice. La majorité n’a pas souscrit à l’idée selon laqupelle les Etats étaient
tenus d’appliquer une « exception territoriale ». Elle a conclu que, « dans
l’état actuel du droit international » relatif à l’immunité de juridiction,

l’Irlande n’avait pas manqué à une obligation d’exercer spon pouvoir de
juridiction. La Cour européenne n’est cependant pas allée jusqup’à dire
que, si les tribunaux irlandais avaient accepté d’examiner la demapnde en
question, l’Irlande aurait manqué aux obligations que le droit intpernatio -
nal lui impose en matière d’immunité de juridiction.

6. La convention européenne sur l’immunité des Etats contient diffpé -
rentes clauses qui en limitent la portée. La disposition pertinente aux fins
présentes est l’article 31, qui se lit comme suit :

«Aucune disposition de la présente convention ne porte atteinte aux
immunités et privilèges dont un Etat contractant jouit en ce qui cponcerne
tout acte ou omission de ses forces armées ou en relation avec cellesp-ci
lorsqu’elles se trouvent sur le territoire d’un autre Etat contracptan »t.

Aucune clause similaire ne figure dans le projet d’articles de la CpDI. Dans
son commentaire relatif au projet d’article 12, celle-ci indique néanmoins
que cette disposition ne s’«applique pas … à des situations liées à des conflits

armés » (Annuaire de la Commission du droit international, 1991, vol. II
(deuxième partie), p. 48). Aucune explication n’est donnée, et il n’est pas

219

6 CIJ1031.indb 435 22/11/13 12:25 315 jurisdictional immunpities of the state (dipss. op. gaja)

that draft Article 12 does not apply. It is not clear in particular whether
“situations involving armed conflicts” are considered to be outspide the

scope of the UN Convention or whether another rule set forth in the
Convention becomes applicable.

The exclusion suggested in the ILC commentary has not found its way
either into the text of the UN Convention or into the understandings

which represent an annex to the Convention. Nor is there anything on
this matter in the report presented to the General Assembly by the Ad
Hoc Committee which recommended the adoption of the Convention
(A/59/22). However, when introducing this report to the Sixth Commit -
tee, the Chairman of the Ad Hoc Committee, Mr. Gerhard Hafner, made,
among others, the following statement : “[o]ne of the issues that had been

raised was whether military activities were covered by the Convention.
The general understanding had always prevailed that they were not”. He
then referred to the exclusion of “situations involving armed conflpicts”
suggested by the ILC in its commentary (A/C.6/59/SR.13, para. 36),
which is a narrower subject than “military activities”. The Chairmpan of

the Ad Hoc Committee expressed the opinion that this matter was not
regulated by the UN Convention. The legal significance of this statemepnt
is not altogether clear. GA resolution 59/38, which adopted the Conven -
tion, said in its last preambular paragraph : “Taking into account the
statement of the Chairman of the Ad Hoc Committee introducing the

report of the Ad Hoc Committee.” This paragraph also does not entirely
clarify matters.
Norway and Sweden, when ratifying the UN Convention, declared that
they understood the Convention not to apply to “military activities”p.
These two States shared Mr. Hafner’s view that “military activities” are
not covered by the UN Convention. These interpretative declarations

support the idea that “military activities” are not regulated by tphe UN
Convention, but do not provide a solution binding all the contracting
States.
7. None of the legislative acts referred to above in paragraph 3 con-
tains a general exclusion concerning claims relating to “situations ipnvolv-

ing armed conflicts” or to “military activities”. There are, phowever, some
provisions concerning these matters.
Section 16 (2) of the United Kingdom State Immunity Act 1978 states :

“This Part of this Act does not apply to proceedings relating to
anything done by or in relation to the armed forces of a State while
present in the United Kingdom and, in particular, has effect subject

to the Visiting Forces Act 1952.”

Section 19 (2) (a) of Singapore’s State Immunity Act is similarly
worded. These provisions appear concerned with claims that may be

220

6 CIJ1031.indb 436 22/11/13 12:25 immunités juridictiopnnelles de l’état (op. dpiss. gaja) 315

non plus précisé quelles conséquences est censé avoir le faipt que ladite dispo-
sition ne s’applique pas. En particulier, le point de savoir si les «situations

liées à des conflits armés » sont considérées comme étant en dehors du
champ d’application de la convention des Nations Unies ou si une autre
règle énoncée dans cet instrument devient applicable n’est ppas clair.
L’exclusion ainsi avancée dans le commentaire de la CDI n’a tropuvé
son expression ni dans le texte de la convention elle-même ni dans les

points convenus qui figurent en annexe de cet instrument. En outre,
aucune précision à cet égard n’est donnée dans le rapport prépsenté à l’As -
semblée générale par le comité spécial qui a recommandé l’adoption de la
convention (A/59/22). Toutefois, en introduisant ledit rapport devant pla
Sixième Commission, le président du comité spécial, M. Gerhard Hafner,
a notamment indiqué ce qui suit : « [s]e pose la question de savoir si la

Convention couvre les activités militaires. Il a toujours été epntendu que
les activités militaires n’entreraient pas dans le champ de la Conpvention.»
M. Hafner a ensuite fait référence à l’exclusion des « situations liées à des
conflits armés » avancée par la CDI dans son commentaire (A/C.6/59/
SR.13, par. 36) — expression qui est plus restrictive que celle d’« activités

militaires» —, ajoutant que, selon lui, cette question n’était pas régiep par
la convention. La portée juridique de cette déclaration n’est cpependant
pas tout à fait claire. A cet égard, le dernier alinéa du prépambule de la
résolution 59/38 de l’Assemblée générale, par laquelle la convention a été
adoptée, est ainsi libellé : « Prenant en considération la déclaration faite

par le Président du Comité spécial lorsqu’il a présentép le rapport du
Comité.» Cela ne clarifie pas non plus entièrement les choses.
La Norvège et la Suède, lorsqu’elles ont ratifié la convention des
Nations Unies, ont précisé que, selon elles, cet instrument ne s’appliqpuait
pas aux « activités militaires ». Ces deux Etats partageaient donc les vues
de M. Hafner selon lesquelles les « activités militaires » ne sont pas cou -

vertes par la convention. Quoique ces déclarations interprétatives étayent
l’idée selon laquelle pareilles activités ne sont pas régiesp par cet instru -
ment, elles ne s’imposent pas à tous les Etats contractants.
7. Aucune des lois auxquelles il a été fait référence au paragrpaphe 3
ci-dessus ne contient d’exclusion générale visant les réclampations relatives

à des «situations liées à des conflits armés». Ces questions sont cependant
traitées dans certains de ces textes.
Ainsi, le paragraphe 2 de l’article 16 du State Immunity Act du
Royaume-Uni de 1978 est ainsi libellé :

«Cette partie de la présente loi ne s’applique pas aux procédures
ayant trait à un quelconque acte des forces armées d’un Etat pepndant
leur présence au Royaume-Uni ou en relation avec ces forces ; en

particulier, son effet est subordonné au Visiting Forces Act [loi rpela -
tive au statut des forces étrangères présentes sur le territoire du
Royaume-Uni avec le consentement de celui-ci] de 1952. »

L’alinéa a) du paragraphe 2 de l’article 19 du State Immunity Act de
Singapour est libellé en des termes semblables. Ces dispositions parapissent

220

6 CIJ1031.indb 437 22/11/13 12:25 316 jurisdictional immunpities of the state (dipss. op. gaja)

brought against a State whose forces are present on the territory of the
forum State with its consent. Special rules would apply to these claims.p

Section 22 of the Israeli Foreign States Immunities Law is more explicit
on this point :

“Notwithstanding the provisions of this statute, legal actions
based on any act or omission committed by foreign military forces
whose rights and status in Israel were determined by agreement
between the State of Israel and the State to which the foreign mili -
tary forces belong shall be governed by that agreement.”

Also Section 6 of Australia’s Foreign States Immunities Act 1985,
which excludes immunities or privileges “by or under … the Defence (Vis-
iting Forces) Act 1963”, and Section 16 of Canada’s State Immunitpy Act,

which mentions “the Visiting Forces Act”, only refer to forces staptioned
on the territory of the forum State with the consent of the latter.

None of these texts specifically considers the “tort exception”.p They all
relate more generally to the legislation concerning immunities of foreign
States. In any event, the implication of these texts is that claims relapting
to armed activities that are not covered by the exclusion clauses come

within the rules on immunity expressed in the statute, including the “ptort
exception”.

8. The courts of several States considered the jurisdictional immunity
of Germany in relation to acts of its armed forces during World War II.

In Ferrini the Italian Corte di Cassazione based its main argument
against immunity on a different basis but also gave weight to the factp that
the wrongful act, consisting of the deportation of an Italian national tpo
Germany where he underwent forced labour, “was commenced in the
country in which the legal proceedings have since been brought” (judpg -

ment No. 5044 of 11 March 2004, English translation in ILR, Vol. 128,
pp. 670-671). In a group of later decisions the same court denied immu -
nity “also in view of the fact that the wrongful act had occurred also in
Italy” (thus, for example, order No. 14209 of 29 May 2008; Rivista di
diritto internazionale, Vol. 91 (2008), p. 900).

The French Cour de cassation recognized on the contrary Germany’s
immunity in Bucheron (16 December 2003, case 02-45961) and later in
Grosz (3 January 2006, case 04-47504). Both decisions concerned the
deportation and subjection of French citizens to forced labour in
Germany. TheCour de cassation based its argument on the jure imperii

character of the act, without considering the possibility of applying a p
“tort exception”.

221

6 CIJ1031.indb 438 22/11/13 12:25 immunités juridictiopnnelles de l’état (op. dpiss. gaja) 316

viser des actions qui peuvent être engagées contre un Etat dont leps forces
sont présentes sur le territoire de l’Etat du for avec le consentepment de
celui-ci, actions qui seraient régies par des règles spéciales. L’article 22 de
la Foreign States Immunity Law d’Israël est plus explicite sur ce ppoint:

«Nonobstant les dispositions de la présente loi, les actions judi -
ciaires fondées sur tout acte ou toute omission de forces militaires
étrangères dont les droits et le statut en Israël ont fait l’pobjet d’un

accord entre l’Etat d’Israël et l’Etat auquel appartiennent pces forces
sont régies par ledit accord. »

L’article 6 du Foreign States Immunities Act de 1985 de l’Australie, qui
exclut les immunités ou privilèges « prévus par le … Defence (Visiting
Forces) Act [loi relative au statut des forces étrangères préspentes sur le
territoire de l’Australie avec le consentement de celle-ci] de 1963, ou en

application de celui-ci », ainsi que l’article 16 du State Immunity Act du
Canada, qui mentionne la loi relative au statut des forces étrangèpres pré-
sentes sur le territoire du Canada avec le consentement celui-ci, ne fonpt,
eux aussi, référence qu’aux forces stationnées sur le territpoire de l’Etat du
for avec le consentement de celui-ci.

Aucun de ces textes ne porte spécifiquement sur l’« exception ter-
ritoriale»; ils ont tous plus généralement trait à la législation relaptive
aux immunités des Etats étrangers. En tout état de cause, il décpoule des
textes en question que les réclamations relatives aux activités armées qui

ne tombent pas sous le coup des clauses d’exclusion relèvent des rpègles
régissant l’immunité énoncées dans la loi, y compris l’p«exception territo-
riale ».
8. La question de l’immunité de juridiction de l’Allemagne relativpe -
ment aux actes commis par ses forces armées pendant la seconde guerrep

mondiale a été examinée par les tribunaux de plusieurs Etats.
En l’affaire Ferrini, si la Cour de cassation italienne a fondé son princi -
pal argument contre l’immunité sur une base différente, elle pa aussi tenu
compte de ce que l’acte illicite en cause, à savoir la déportatpion d’un
national italien vers l’Allemagne où il a été soumis au travpail forcé,

«a[vait] trouvé son origine dans le pays dans lequel l’action judicpiaire a,
entre-temps, été intentée » (arrêt n 5044 du 11 mars 2004 ; ILR, vol. 128,
p. 670-671). Dans une série de décisions ultérieures, la même juripdiction a
refusé d’accorder l’immunité à l’Allemagne « étant donné, en outre, que

l’acte illicioe s’était également produit en Italie » (voir, par exemple, l’or -
donnance n 14209 du 29 mai 2008 ; Rivista di diritto internazionale,
vol. 91 (2008), p. 900).
La Cour de cassation française a, en revanche, fait droit à l’ipmmunité
de l’Allemagne dans les affaires Bucheron (pourvoi n o02-45961,
o
16 décembre 2003), puis Grosz (pourvoi n 04-47504, 3 janvier 2006). Ces
deux décisions avaient trait à la déportation de citoyens françpais et au fait
qu’ils avaient été soumis au travail forcé en Allemagne. La pCour de cas -
sation s’est fondée sur le caractère jure imperii de l’acte en cause, sans

envisager la possibilité d’appliquer une « exception territoriale».

221

6 CIJ1031.indb 439 22/11/13 12:25 317 jurisdictional immunpities of the state (dipss. op. gaja)

Greek courts were divided on the issue. The Greek Areios Pagos found
in the Distomo case (judgment of 4 May 2000; English translation in ILR,

Vol. 129, p. 519) that a rule of international customary law :
“requires, by way of exception from the principle of immunity, that

national courts may exercise international jurisdiction over claims
for damages in relation to torts committed against persons and
property on the territory of the forum State by organs of a foreign
State present on that territory at the time of the commission of these
torts even if they resulted from acts of sovereign power (acta jure

imperii)”.
The majority held that this would also apply to “damages arising [fropm
military action] in situations of armed conflict” when “the offpences for

which compensation is sought (especially crimes against humanity) did p
not target civilians generally, but specific individuals in a given plpace who
were neither directly nor indirectly connected with the military opera -
tions”.

Two years later in Margellos, the Greek Special Supreme Court,
Anotato Eidiko Dikastirio (judgment of 17 September 2002 ; English
translation in ILR, Vol. 129, p. 525) came (albeit by a 6 to 5 majority) to
the almost opposite conclusion that the “tort exception” does not apply
to activities of a foreign State’s military force :

“in the present state of development of international law, there is npo
generally accepted rule which, as an exception to the rule of sov-

ereign immunity, would allow proceedings to be brought against a
foreign State before the courts of another State, relating to a claim
for compensation for a tort committed in the forum State in which
the armed forces of the defendant State participated — in whatever
manner and whether in time of war or peace” (ibid., p. 532).

A similar approach was taken by the Polish Supreme Court in Nato ‑
niewski (judgment of 29 October 2010; English translation in Polish Year‑

book of International Law, Vol. XXX (2010), p. 299). The court reached
the conclusion that :

“there are insufficient grounds for recognizing an exception to Statpe
immunity in cases concerning redress for breaches of human rights
occasioned by unlawful acts committed in the territory of the forum
State which come within the category of armed activities”.

Some further decisions that recognized immunity of a foreign State for
military activity on the territory of the forum State will be referred tpo in
paragraph 11.

9. The analysis of State practice concerning the “tort exception” in p
general and injuries caused by military activities more specifically sphows

222

6 CIJ1031.indb 440 22/11/13 12:25 immunités juridictiopnnelles de l’état (op. dpiss. gaja) 317

Les tribunaux grecs se sont, quant à eux, montrés divisés sur lpa ques -
tion. L’Areios Pagos a ainsi, en l’affaire Distomo (arrêt du 4 mai 2000;

ILR, vol. 129, p. 519), jugé qu’une règle de droit international coutumier
«requ[érait], à titre d’exception au principe de l’immunitép, que les

tribunaux nationaux puissent exercer une compétence internationale
à l’égard de demandes en réparation relatives à des préjudices causés
à des personnes et des biens sur le territoire de l’Etat du for papr des
organes d’un Etat étranger présents sur ce territoire au momentp où
ces préjudices ont été causés, même si ceux-ci résultaient d’actes de

puissance souveraine (acta jure imperii) ».
La majorité a jugé que cela vaudrait également pour les « préjudices
résultant [d’une action militaire menée dans] de[s] situations pde conflits

armés», lorsque « les actes illicites à raison desquels la réparation est
demandée (en particulier les crimes contre l’humanité) ne visaient pas les
civils en général, mais des personnes particulières se trouvantp dans un lieu
donné et n’ayant pas de lien direct ou indirect avec les opératpions mili -
taires ».

Deux ans plus tard, dans l’affaire Margellos, le Tribunal supérieur spécial
grec, Anotato Eidiko Dikastirio (arrêt du 17 septembre 2002; ILR, vol. 129,
p. 525), est parvenu (quoique à une majorité de six voix contre cinq) à la
conclusion presque inverse, selon laquelle l’«exception territoriale» ne s’ap -
plique pas aux activités des forces militaires d’un Etat étrangpe:r

«en l’état actuel du droit international, il n’existe pas de règle géné -
ralement acceptée qui, à titre d’exception à la règle de pl’immunité

souveraine, autoriserait qu’une action soit engagée contre un Etatp
étranger devant les tribunaux d’un autre Etat relativement à unpe
demande en réparation d’un acte dommageable commis dans l’Etat p
du for auquel les forces armées de l’Etat défendeur ont particippé de
quelque manière que ce soit, en temps de guerre ou en temps de
paix » (ibid., p. 532).

La Cour suprême de Pologne a, en l’affaire Natoniewski (arrêt du
29 octobre 2010; Polish Yearbook of International Law, vol. XXX (2010),

p. 299), suivi une approche similaire. Elle a en effet conclu que

«les motifs [étaient] insuffisants pour que soit reconnue une excep -
tion à l’immunité de l’Etat dans des affaires concernant lpa réparation
de violations des droits de l’homme résultant d’actes illicitesp commis
sur le territoire de l’Etat du for et entrant dans la catégorie deps acti -
vités des forces armées ».

D’autres décisions dans lesquelles il a été fait droit à pl’immunité d’un
Etat étranger relativement à des activités militaires menéesp sur le territoire
de l’Etat du for seront mentionnées au paragraphe 11 ci-après.

9. Il ressort de l’analyse de la pratique étatique relative à l’p« exception
territoriale» en général et, plus particulièrement, en ce qui concerne les

222

6 CIJ1031.indb 441 22/11/13 12:25 318 jurisdictional immunpities of the state (dipss. op. gaja)

that State authorities have taken a variety of approaches. One can applyp
to the issue of State immunity under consideration the introductory

remark made by the ILC in its commentary, that there is a “grey area pin
which opinions and existing case law and, indeed, legislation still varyp”
(Yearbook of the International Law Commission, 1991, Vol. II, Part Two,
p. 23). In this “grey area” States may take different positions
without necessarily departing from what is required by general interna -

tional law.

The rationale of the suggested restriction to the “tort exception”p con -
cerning military activities is not clear. First of all, the conduct of apll State
organs is equally attributed to the State, as expressed in Article 4 of the
ILC Articles on the responsibility of States for internationally wrongful

acts. Why should a distinction be made between military and other organsp
of the same State ? Moreover, when the forum State gives its consent to
the presence on its territory of foreign troops, a specific, and more pfavour -
able, régime of immunities is understandable. This will normally be estab-
lished by an agreement between the States concerned. It is more difficuplt

to understand why there should be a favourable régime for a hostile State
that would prevail over the sovereign right of the territorial State to pexer -
cise its jurisdiction concerning conduct taking place on its territory.

The fact that military activities may cause injuries on a large scale does
not seem a good reason for depriving the many potential claimants of
their judicial remedy. It may be that in practice this remedy will not bpe
effective, but this applies more generally to all claims brought againpst for -
eign States given the difficulty for a successful claimant of enforcingp any
judgment that may be obtained.

10. One factor that could contribute to justifying a restrictive approach
to State immunity when applying the “tort exception” is the naturep of the
obligation for the breach of which a claim to reparation is brought agaipnst
a foreign State. This may be an obligation only covered by municipal

law; it may also be the breach of an obligation under international law
and, in the latter case, of an obligation under a peremptory norm,
which can reasonably be evoked at least with regard to the massacres of
civilians.

What is in fact in question is not the exercise of jurisdiction for pre -
venting the breach of an obligation under a peremptory norm or for
obtaining the cessation of the breach, but a judicial remedy for the reppa -
ration of the injury caused by the alleged breach. It would be difficulpt to
maintain that the obligation to provide reparation of a breach of an obli -
gation under jus cogens is also set forth by a peremptory norm.

223

6 CIJ1031.indb 442 22/11/13 12:25 immunités juridictiopnnelles de l’état (op. dpiss. gaja) 318

dommages causés par des activités militaires que les autorités pétatiques ont
suivi des approches différentes. A la question de l’immunité pde l’Etat à

l’examen peut donc être appliquée l’observation introductivep formulée par la
CDI dans son commentaire, selon laquelle il existe «une zone d’incertitude
où les opinions et jurisprudences, voire les législations, varien»t(Annuaire de
la Commission du droit international, 1991, vol. II (deuxième partie),
p. 23). Dans cette «zone d’incertitude», les Etats peuvent adopter des posi -

tions différentes sans nécessairement s’écarter des prescrpiptions du droit
international général.
La logique qui sous-tend la restriction de l’« exception territoriale» telle
qu’avancée en matière d’activités miliaires n’est pas pclaire. En premier lieu,
ainsi qu’il ressort de l’article 4 des articles de la CDI sur la responsabilité de
l’Etat pour fait internationalement illicite, le comportement de tousp les

organes étatiques est également attribué à l’Etat. Dèsp lors, pourquoi une
distinction devrait-elle être établie entre les organes militairesp et les autres
organes du même Etat ? En second lieu, lorsque l’Etat du for consent à la
présence de soldats étrangers sur son territoire, un régime d’immupnité parti -
culier — plus favorable— est compréhensible. Ce régime fait normalement

l’objet d’un accord entre les Etats concernés. En revanche, il pest plus difficile
de comprendre pourquoi un Etat hostile devrait bénéficier d’upn régime favo -
rable, qui l’emporterait sur le droit souverain de l’Etat du for dp’exercer son
pouvoir de juridiction à l’égard d’un comportement qui a liepu sur son
territoire.

Le fait que les activités militaires peuvent causer des dommages àp
grande échelle ne semble pas être une raison valable pour priver les nom -
breux requérants potentiels de voie de recours judiciaire. Certes, papreille
voie de recours peut, en pratique, se révéler inefficace, mais ilp en va ainsi
de toutes les réclamations formulées contre des Etats étrangersp, compte
tenu de la difficulté pour un requérant ayant obtenu gain de causpe de faire

exécuter la décision en question.
10. Un facteur pouvant contribuer à justifier une approche restrictive pde
l’immunité des Etats dans le cadre de l’application de l’«pexception territo -
riale» réside dans la nature de l’obligation dont l’inobservationp fait l’objet
de la demande de réparation formulée contre l’Etat étranger. Ilp peut s’agir

d’une obligation au regard du seul droit interne ; il peut aussi s’agir du man-
quement à une obligation relevant du droit international et, dans cetpte
hypothèse, d’une obligation découlant d’une norme impératpive, ce qui peut
raisonnablement être souligné au moins en ce qui concerne les massacres
de civils.

En réalité, ce qui est en cause, ce n’est pas l’exercice d’pun pouvoir de
juridiction aux fins de prévenir l’inobservation d’une obligaption découlant
d’une norme impérative ou de faire en sorte qu’il soit mis fipn à cette inob -
servation, c’est l’existence d’une voie de recours judiciaire epn vue de répa-
rer le dommage causé par l’inobservation alléguée. A cet épgard, il serait
difficile de soutenir que l’obligation de réparer un manquement à une

obligation relevant du jus cogens est également énoncée par une norme
impérative.

223

6 CIJ1031.indb 443 22/11/13 12:25 319 jurisdictional immunpities of the state (dipss. op. gaja)

Thus, for example, while Article 91 of Additional Protocol I to the
Geneva Conventions of 1949 considers that “[a] Party to the conflicpt

which violates the provisions of the Conventions or of this Protocol shall,
if the case demands, be liable to pay compensation”, the commentary bpy
the International Committee of the Red Cross observes that “[o]n the p
conclusion of a peace treaty, the Parties can in principle deal with thep
problems relating to war damage in general and those relating to the

responsibility for starting the war, as they see fit” (C. Pilloud, J. de Preux,
Y. Sandoz, B. Zimmermann, P. Eberlin, H.-P. Gasser and C. F. Wenger,
Commentary on the Additional Protocols of 8 June 1977 to the Geneva
Conventions of 12 August 1949, 1987, p. 1055).
While the obligation of reparation can hardly be viewed as an obliga -
tion under a peremptory norm, the fact that the alleged breach concerns p

an obligation of jus cogens may have some relevant consequences. Arti -
cle 41 of the ILC Articles on Responsibility of States for Internationally
Wrongful Acts lists some consequences of a serious breach by a State of p
an obligation under a peremptory norm of general international law that
are additional to those following from an ordinary wrongful act. Para -

graphs 1 and 2 enumerate some specific consequences and paragraph 3
refers to “further consequences that a breach to which this chapter appplies
may entail under international law”. While the issue of jurisdictionapl
immunity has not been mentioned either in the text of the article or in the
related commentary, a restriction of immunity could well be regarded as p

an appropriate consequence which would strengthen the effectiveness of
compliance with the obligation to make reparation. This would contrib -
ute to removing doubts about the lawfulness for a State of exercising itps
jurisdiction in the “grey area” of injury caused by military activpity of a
foreign State on the territory of the forum State. In other words, even pif
immunity covered in general claims regarding damages caused by military

activities in the territory of the forum State, it would not extend to cplaims
relating to massacres of civilians or torture in the same territory.

11. It would be more difficult to infer from the nature of the breach a
restriction of the jurisdictional immunity of foreign States that would p

cover injuries caused by a foreign State wherever they occur.

This conclusion was suggested by a minority opinion in the European
Court of Human Rights in Al‑Adsani v. United Kingdom and by the Ital -
ian Corte di Cassazione in a number of judgments, especially those in
Ferrini (judgment No. 5044 of 11 March 2004 ; English translation in

ILR, Vol. 128, pp. 668-669) and in Milde (judgment No. 1072 of 13 Janu -
ary 2009). Also a decision by the French Cour de cassation in La Réunion

224

6 CIJ1031.indb 444 22/11/13 12:25 immunités juridictiopnnelles de l’état (op. dpiss. gaja) 319

Ainsi, par exemple, alors que l’article 91 du premier protocole addi -

tionnel aux conventions de Genève de 1949 prévoit que « [l]a Partie au
conflit qui violerait les dispositions des Conventions ou du présenpt Proto -
cole sera tenue à indemnité, s’il y a lieu », le Comité international de la
Croix-Rouge précise, dans son commentaire, que, « [à] la conclusion d’un
traité de paix, les Parties peuvent en principe régler à leur gpuise les pro -

blèmes relatifs aux dommages de guerre en général et aux responpsabilités
quant au déclenchement du conflit » (C. Pilloud, J. de Preux, Y. Sandoz,
B. Zimmermann, P. Eberlin, H.-P. Gasser et C. F. Wenger, Commentaire
des protocoles additionnels du 8 juin 1977 aux conventions de Genève du
12 août 1949, 1987, p. 1055).

Quoique l’obligation de réparation elle-même puisse difficilempent être
considérée comme découlant d’une norme impérative, le faipt que l’inob-
servation alléguée ait trait à une obligation relevant du jus cogens peut
toutefois avoir certaines conséquences pertinentes. A l’article 41 des
articles de la CDI sur la responsabilité de l’Etat pour fait interpnationale -

ment illicite sont ainsi énumérées certaines conséquences d’pun manque -
ment grave par un Etat à une obligation découlant d’une norme ipmpérative
de droit international général, conséquences qui viennent s’pajouter à
celles qui résultent d’un fait illicite ordinaire ; aux paragraphes 1 et 2 de
cet article sont énoncées certaines conséquences particulières, ple para -

graphe 3 mentionnant en outre « toute conséquence supplémentaire que
peut entraîner, d’après le droit international, une violation àp laquelle
s’applique le présent chapitre». Bien que la question de l’immunité de juri -
diction n’ait été mentionnée ni dans le texte de l’articlpe en question ni dans
le commentaire y relatif, une restriction de l’immunité pourrait fort bien

être considérée comme une conséquence appropriée, l’obpligation de répa -
ration venant ainsi renforcer la nécessité de respecter l’obligpation en cause.
Cela contribuerait à dissiper tout doute concernant la licéité,p pour un Etat,
d’exercer son pouvoir de juridiction dans la « zone d’incertitude » que
constituent les dommages causés par des activités militaires menépes par un

Etat étranger sur le territoire de l’Etat du for. Autrement dit, qpuand bien
même l’immunité s’appliquerait en règle générale aupx réclamations
portant sur des dommages causés par des activités militaires menées surp
le territoire de l’Etat du for, elle ne s’étendrait pas à celles qui ont trait à
des massacres de civils ou à des actes de torture commis sur ce mêpme

territoire.
11. Il serait en revanche plus difficile de déduire de la nature de la vpio -
lation en cause une restriction de l’immunité de juridiction des Eptats
étrangers couvrant les dommages causés par ces Etats quel que soit le lieu
où ils se sont produits.

Pareille conclusion a été préconisée par une minorité de pjuges de la Cour
européenne des droits de l’homme dans l’affaire Al‑Adsani c. Royaume‑
Uni et par la Cour de cassation italienne dans un certain nombre d’arrêpts,
notamment ceux rendus dans les affaires Ferrini (arrêt n o5044 du
11 mars 2004 ; ILR, vol. 128, p. 668-669) et Milde (arrêt n o 1072 du

13 janvier 2009). En l’affaire Réunion aérienne c. Jamahiriya arabe libyenne

224

6 CIJ1031.indb 445 22/11/13 12:25 320 jurisdictional immunpities of the state (dipss. op. gaja)

aérienne v. Libyan Arab Jamahiriya (case No. 09-14743 of 9 March 2011)
pointed to the existence of a restriction of immunity when a claim con -

cerns reparation of the breach of an obligation under jus cogens, provided
that the breach consists in a positive conduct of the foreign State.

The European Convention on State Immunity and the UN Convention
do not lend support to this view, because they do not establish any excepp -

tion to immunity which is based on the nature of the obligation breachedp
by the foreign State.
In 1999 the denial of jurisdictional immunity with regard to claims “pin
the case of death or personal injury resulting from acts of a State in vpiola -
tion of human rights norms having the character of jus cogens” was con-

sidered by an ILC working group chaired by Mr. Hafner as a “recent
development” which the working group took the initiative of highlightp -
ing, suggesting to the General Assembly that it “should not be ignorepd”
(Yearbook of the International Law Commission, 1999, Vol. II, Part Two,
p. 172). The report of the Chairman of the GA Working Group (again
Mr. Hafner) found that it did not “seem advisable to include this matterp

among the issues to be covered by the forthcoming considerations on the p
topic” (A/C.6/54/L.12, p. 9, para. 67). This cannot be taken as a total
rejection of the suggested exception.

It is to be noted that the ILC working group had referred only to two

decisions restricting State immunity, both based on the United States
Anti-Terrorism and Effective Death Penalty Act of 1996. This had
amended the Foreign Sovereign Immunity Act in order to restrict immu -
nity of foreign States with regard to claims for damages caused by acts pof
torture, extrajudicial killings and some other acts wherever committed, p
but only if these acts had been committed by a foreign State designated p

by the Secretary of State as a State sponsor of terrorism and if the clapim-
ant or victim was a national of the United States. Given these conditionps,
the United States Act is not indicative of the existence of a possible epxcep -
tion to immunity based on the nature of the obligation under interna -
tional law which is at the origin of the claim.

What appears more significant for that issue is that none of the legispla-
tive acts referred to above in paragraph 3 contains any reference to a
similar exception.
The matter was thoroughly debated in the European Court of Human

Rights in Al‑Adsani v. United Kingdom. By a majority of nine votes to
eight, the court stated that it did not

“find it established that there is yet acceptance in international plaw of
the proposition that States are not entitled to immunity in respect of

225

6 CIJ1031.indb 446 22/11/13 12:25 immunités juridictiopnnelles de l’état (op. dpiss. gaja) 320

(pourvoi n 09-14743, 9 mars 2011), la Cour de cassation française a,

elle aussi, laissé entrevoir l’existence d’une telle restriction de pl’immunité
dans le cas d’une demande en réparation ayant trait à l’inobservation
d’une obligation relevant du jus cogens, à condition que cette inobser-
vation ait pris la forme d’un comportement positif de la part de l’pEtat
étranger.

La convention européenne sur l’immunité des Etats et la conventpion
des Nations Unies n’étayent cependant pas cette thèse, puisqu’elles n’péta-
blissent aucune exception à l’immunité fondée sur la nature pde l’obliga -
tion à laquelle a manqué l’Etat étranger.
Le refus d’accorder l’immunité de juridiction à l’égard de réclamations
portant sur des « décès ou dommages corporels résultant d’actes com-

mis par un Etat en violation des normes relatives aux droits de l’homme
ayant le caractère de jus cogens» a, en 1999, été qualifié de « fait
récent» par un groupe de travail de la CDI présidé par M. Hafner, fait
que ce groupe de travail a pris l’initiative de souligner, précisapnt à
l’Assemblée générale qu’il ne « devrait pas être négligé » (Annuaire de

la Com mission du droit international, 1999, vol. II (deuxième partie),
p. 172). Même si, dans son rapport, le président du groupe de travail
de l’Assemblée générale (M. Hafner, là encore) a estimé qu’« il ne
semblait pas opportun de faire figurer cette question parmi les points
à examiner ultérieurement » (A/C.6/54/L.12, p. 10, par. 67), cela ne

saurait être considéré comme un rejet total de l’exception ainsi
avancée.
A cet égard, il convient de relever que le groupe de travail de la CDpI ne
s’était référé qu’à deux décisions restreignant pl’immunité de l’Etat, l’une
et l’autre étant fondées sur l’Anti-Terrorism and Effectivpe Death Penalty
Act adopté aux Etats-Unis d’Amérique en 1996. Ce texte avait modifié le

Foreign Sovereign Immunities Act en restreignant l’immunité des Etpats
étrangers à l’égard de demandes de réparation à raisonp de préjudices cau-
sés par des actes de torture, exécutions extrajudiciaires et certapins autres
actes, quel que soit le lieu où ils ont été commis ; toutefois, seuls étaient
visés les actes commis par un Etat étranger désigné par le Specrétaire d’Etat

comme Etat terroriste et les cas où le requérant ou la victime était pun
national des Etats-Unis. Au vu de ces conditions, la loi en question ne p
semble pas donner à penser qu’il pourrait exister une telle exceptpion à
l’immunité fondée sur la nature de l’obligation de droit intpernational qui
est à l’origine de la réclamation.

Plus pertinent encore à cet égard est le fait qu’aucun des textes législa -
tifs mentionnés au paragraphe 3 ci-dessus ne contient une quelconque
référence à pareille exception.
Cette question a été examinée de manière approfondie par la pCour
européenne des droits de l’homme en l’affaire Al‑Adsani c. Royaume‑Uni.

A une majorité de neuf voix contre huit, ladite juridiction a précisé
qu’elle
«ne juge[ait] pas établi qu’il soit déjà admis en droit interpnational

que les Etats ne peuvent prétendre à l’immunité en cas d’pactions

225

6 CIJ1031.indb 447 22/11/13 12:25 321 jurisdictional immunpities of the state (dipss. op. gaja)

civil claims for damages for alleged torture committed outside the
forum State”.

Also the Ontario Court of Appeal stressed in Bouzari and Others v.
Islamic Republic of Iran (judgment of 30 June 2004, ILR, Vol. 128, p. 605)

the distinction according to the place where the injury occurred. While p
implicitly acknowledging the applicability of the “tort exception”p pro -
vided by Canadian legislation, this court said that : “practice reflects the
customary international law principle that State immunity is provided fopr
acts of torture committed outside the forum state . . .”.

The Constitutional Court of Slovenia (judgment of 8 March 2001, case
Up-13/99) found that there was a “trend”, but no

“rule of international customary law, which would in the case of vio -
lations of the cogent norms of international law in the area of human
rights protection as a consequence of state activities in the framework p
of iure imperii . . . allow Slovenian courts to try foreign states in such

cases”.
The court was here considering an activity which had occurred on what

had become Slovenian territory.
A similar approach was taken by the German Bundesgerichtshof in a
judgment of 26 June 2003 when it was faced with the request to enforce
the Greek judgment on the merits in the Distomo case (English transla -
tion in International Legal Materials, Vol. 42 (2003), p. 1033).

A flat rejection of the existence of an exception to immunity coveringp
claims for breaches of obligations under peremptory norms was expressed p
by the House of Lords in Jones v. Saudi Arabia ([2007] 1 AC 270). This
judgment concerned a claim relating to an act of torture that had taken
place outside the territory of the forum State.

If one takes into consideration all these elements of practice, one has pto
reach the conclusion that the nature of the obligation under international
law which is at the origin of the claim does not per se provide sufficipent
evidence that jurisdiction may be exercised over foreign States in case pof

a claim for reparation for the breach of an obligation under a peremptorpy
norm wherever committed. On the other hand, one cannot infer from this
practice that the nature of the obligation breached negatively affectsp the
applicability of the “tort exception”. It would indeed be extraordinary if
a claim could be entertained on the basis of the “tort exception” pwhen the

obligation breached is of a minor character while this exception would
not apply to claims relating to breaches of obligations under peremptoryp
norms.

12. The application of the criteria above would have required the
Court to examine in greater detail, in relation to the facts of each case,

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6 CIJ1031.indb 448 22/11/13 12:25 immunités juridictiopnnelles de l’état (op. dpiss. gaja) 321

civiles en dommages-intérêts pour des actes de torture qui auraienpt
été perpétrés en dehors de l’Etat du for ».

La cour d’appel de l’Ontario a par ailleurs rappelé, en l’affpaire Bouzari
et autres c. République islamique d’Iran (arrêt du 30 juin 2004 ; ILR,

vol. 128, p. 605), la distinction qu’il convient d’établir en fonction du lpieu
où le préjudice en cause s’est produit. Tout en reconnaissant implicite -
ment l’applicabilité de l’« exception territoriale » énoncée dans la législa -
tion canadienne, cette juridiction a ainsi jugé que « la pratique reflét[ait] le
principe de droit international coutumier selon lequel l’Etat jouit dpe l’im -

munité à l’égard d’actes de torture commis en dehors de lp’Etat du for…».
La Cour constitutionnelle de Slovénie (arrêt du 8 mars 2001, affaire
Up-13/99) a, quant à elle, estimé qu’il existait une «tendance», mais aucune

«règle de droit international coutumier qui, dans le cas de violationsp
de normes impératives du droit international en matière de protec -
tion des droits de l’homme résultant d’activités étatiqueps menées jure
imperii … autoriserait les tribunaux slovènes à traduire en justice des

Etats étrangers ».
Dans cette affaire, la Cour constitutionnelle examinait des actes qui p

s’étaient produits sur un territoire devenu entre-temps slovènep.
Une approche similaire a été suivie par le Bundesgerichtshof allemand
dans un arrêt du 26 juin 2003, alors qu’il lui était demandé de rendre exé -
cutoires les décisions grecques rendues au fond en l’affaire Distomo (Inter‑
national Legal Materials, vol. 42 (2003), p. 1033).

En l’affaire Jones c. Arabie saoudite ([2007] 1 AC 270), la Chambre
des lords a, pour sa part, purement et simplement rejeté l’idée selon
laquelle il existerait une exception à l’immunité dans le cas dpe réclama -
tions relatives au manquement à des obligations relevant de normes impé-
ratives. Cette décision avait trait à une réclamation portant spur un acte de

torture qui s’était produit en dehors du territoire de l’Etat dpu for.
Au vu de l’ensemble de ces éléments tirés de la pratique, lap conclusion
s’impose que la nature de l’obligation de droit international qui pest à l’origine
de la réclamation ne constitue pas, en elle-même, un élément suffisant pour
qu’un tribunal soit fondé à exercer sa compétence à l’pégard d’un Etat étran -

ger dans le cas d’une demande en réparation relative à l’inopbservation d’une
obligation découlant d’une norme impérative, quel que soit le lpieu où
ce manquement a été commis. A l’inverse, on ne saurait déduire pde cette
pratique que la nature de l’obligation qui n’a pas été respectée a une inci -
dence négative sur l’applicabilité de l’« exception territoriale». Il serait en

effet extravagant qu’une réclamation soit jugée recevable sur la base de
l’«exception territoriale» lorsque l’obligation qui n’a pas été respectée est
mineure, alors que cette même exception ne s’appliquerait pas àp des réclama -
tions ayant trait au manquement à des obligations relevant de normes
impératives.

12. L’application des critères énoncés ci-dessus aurait exigép que la Cour
examinât de manière plus approfondie, et à la lumière des fapits de chaque

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6 CIJ1031.indb 449 22/11/13 12:25 322 jurisdictional immunpities of the state (dipss. op. gaja)

the various decisions of Italian courts to which the Application of Ger -
many refers. This should have led the Court to conclude that, at least fpor
certain decisions of Italian courts, the exercise of jurisdiction could pnot be

regarded as being in breach of an obligation under general internationalp
law.

(Signed) Giorgio Gaja.

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6 CIJ1031.indb 450 22/11/13 12:25 immunités juridictiopnnelles de l’état (op. dpiss. gaja) 322

affaire, les différentes décisions rendues par les tribunaux iptaliens auxquelles
l’Allemagne s’est référée dans sa requête. Pareil exampen aurait dû conduire
la Cour à conclure que, au moins en ce qui concerne certaines de ces pdécisions,

l’exercice, par le tribunal en question, de sa compétence ne pouvait être
considéré comme étant contraire à une obligation de droit inpternational
général.

(Signé) Giorgio Gaja.

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6 CIJ1031.indb 451 22/11/13 12:25

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Opinion dissidente de M. le juge ad hoc Gaja

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