Opinion individuelle de M. le juge Bennouna

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143-20120203-JUD-01-03-EN
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143-20120203-JUD-01-00-EN
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172

OPINION INDIVIDUELLE DE M. LE JUGE BENNOUNA

Evolution de la règle coutumière de l’immunité — Mutation du concept de sou ‑
veraineté — Lien entre le droit de la responsabilité internationale et le droit d▯e
l’immunité de juridiction — Droit d’accès à la justice — Circonstances exception

nelles permettant la levée de l’immunité — Unité du droit international — Concep‑
tion mécaniste de l’œuvre judiciaire.

1. Tout en me ralliant au dispositif de l’arrêt de la Cour qui a concplu à
la violation par l’Italie, dans le différend qui l’oppose àp l’Allemagne, de

l’immunité de juridiction de celle-ci (arrêt, par. 139, point 1)), je ne peux
cependant faire mienne l’approche adoptée par la Cour ni accepter pla
logique de son raisonnement.
2. On sait que la portée du principe de l’immunité de juridiction pdes
Etats a divisé et continue de diviser les Etats, même si l’on apssiste à une

tendance au rapprochement, dans le contexte de la mondialisation.
3. En effet, partant d’une conception absolue de la souveraineté, lpes
Etats en avaient déduit une conception tout aussi absolue de l’immpunité,
consistant en ce que l’un d’entre eux puisse se soustraire en toutpes circons -

tances à la compétence des tribunaux de l’autre.
4. Mais la mutation sensible du concept de souveraineté, sous l’effpet de
la diversification des acteurs internationaux et des avancées du drpoit
international, a conduit de nombreux Etats à adapter et à relativipser leurs
positions en ce qui concerne l’immunité de juridiction, en la limiptant

essentiellement aux actes de souveraineté (jure imperii) par opposition
aux actes d’ordre privé et commercial (jure gestionis). Cependant, la ligne
de séparation entre ces deux catégories d’actes n’est pas topujours facile à
tracer. Quant aux législations nationales, peu nombreuses, elles sontp loin
d’être homogènes, comme le rappelle d’ailleurs la Cour (ibid., par. 71), et

il en est de même de la jurisprudence des tribunaux des différenpts Etats, ce
qui fait que le droit de l’immunité juridictionnelle donne l’imppression
d’un pavillon qui recouvre toutes sortes de marchandises.
5. De fait, des législations sont adoptées par les Etats autorisant lpeurs

tribunaux à connaître de certaines activités des Etats étranpgers, sans s’ap -
puyer pour cela sur le droit international en matière d’immunitéps. C’est
ainsi qu’en 1996 les Etats-Unis ont amendé leur propre législation pour
que leurs tribunaux puissent connaître de recours en responsabilitép civile
contre des Etats étrangers que le Gouvernement américain viendraitp à

désigner « soutien[s] du terrorisme » (Etats-Unis d’Amérique : Foreign
Sovereign Immunities Act 1976 (loi de 1976 sur l’immunité des Etats
étrangers), 28 USC, art. 1605A). En conséquence, la doctrine s’est inter -
rogée sur la limite du pouvoir des Etats de légiférer en la matpière, en
relation avec la règle coutumière de l’immunité.

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6 CIJ1031.indb 150 22/11/13 12:25 173 immunités juridictiopnnelles de l’état (op. ipnd. bennouna)

6. Cette situation est encore plus complexe si l’on considère l’inptroduc-
tion, d’abord dans la convention européenne de 1972 sur l’immunité des

Etats (art. 11), puis dans la convention des Nations Unies de 2004 sur
l’immunité juridictionnelle des Etats et de leurs biens (art. 12), de l’excep -
tion dite territoriale ou délictuelle (« tort exception »), sans distinction
entre les actes jure imperii et les actes jure gestionis. Cette exception devrait
s’appliquer, en effet, aux atteintes aux personnes et aux biens, supr le terri -

toire de l’Etat du for, sans prendre en compte la finalité ou l’pobjet de
l’activité en question.
7. Par ailleurs, la responsabilité de l’Etat est désormais indissopciable de
l’exercice par celui-ci de son pouvoir souverain. Il est responsable ptout
d’abord à l’égard de sa propre population, qu’il a le devpoir de protéger,
mais aussi du fait d’actes qui lui sont attribuables commis en dehorsp de

son territoire et portant préjudice à la population d’un autre ppays.
8. Ce caractère indissociable de la responsabilité et de l’exercicpe de la
souveraineté fait que c’est en assumant, s’il y a lieu, la prempière que l’Etat
peut justifier sa revendication de l’immunité devant les tribunaux étran -
gers au titre du principe de l’égalité souveraine. Autrement dipt, l’octroi

par ceux-ci de l’immunité ne peut, en aucun cas, signifier une epxonération
de la responsabilité de l’Etat concerné, elle ne peut que diffpérer l’apprécia -
tion de celle-ci devant d’autres instances diplomatiques ou judiciairpes.
L’égalité souveraine n’a de sens que si elle s’accompagnep d’une égalité
dans le respect de la légalité internationale.

9. Il convient de souligner que, lorsqu’elle se pose dans le cas de crimes
internationaux, comme dans le présent litige, la question de l’immpunité de
juridiction soulève des problèmes éthiques et juridiques essentpiels pour la
communauté internationale dans son ensemble, problèmes qu’on ne peut
écarter en se cantonnant dans la qualification de l’immunité pcomme une
simple question de procédure.

10. L’Allemagne reconnaît d’ailleurs, comme le relève la Cour, «p les
souffrances indicibles infligées aux hommes et aux femmes d’Itpalie, en
particulier lors des massacres, ainsi qu’aux anciens internés miliptaires ita -
liens», lesquels constituent des actes illicites qui engagent sa responsabpi -
lité (arrêt, par. 52). Mais la Cour se contente de considérer comme

«surprenant — et regrettable — que l’Allemagne ait refusé d’accorder
réparation à un groupe de victimes au motif que celles-ci auraient eu droit
à un statut que, à l’époque pertinente, elle a refusé de pleur reconnaître »
(ibid., par. 99).
11. A mon avis, la Cour ne pouvait en rester là, que ce soit au niveau

des principes ou des conséquences qu’il convient d’en tirer danps le cas
considéré. Au niveau des principes, tout d’abord, la Cour avaitp déjà clai -
rement affirmé que « l’Etat qui demande à une juridiction étrangère de ne
pas poursuivre, pour des raisons d’immunité, une procédure judipciaire
engagée à l’encontre de ses organes assume la responsabilitép pour tout
acte internationalement illicite commis par de tels organes dans ce

contexte » (Certaines questions concernant l’entraide judiciaire en matière
pénale (Djibouti c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 2008, p. 244, par. 196).

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6 CIJ1031.indb 152 22/11/13 12:25 174 immunités juridictiopnnelles de l’état (op. ipnd. bennouna)

En l’occurrence, l’Allemagne revendique l’immunité en tant qpu’Etat pour
des actes criminels commis par ses organes et qui lui sont attribuables ;

elle doit en assumer la responsabilité.
12. La résolution de l’Institut de droit international, adoptée àp la ses -
sion de Naples en 2009, sur « l’immunité de juridiction de l’Etat et de ses
agents en cas de crimes internationaux », contient précisément un
article II, intitulé « Principes», qui replace les immunités dans leur

contexte (paragraphe premier), consistant non à contourner les rèpgles du
droit international, mais à permettre aux tribunaux de prendre en comppte
l’égalité souveraine des Etats dans l’exercice de leurs proppres compétences
respectives :

«1. Les immunités sont accordées en vue d’assurer conformément
au droit international une répartition et un exercice ordonnés de pla
compétence juridictionnelle dans les litiges impliquant des Etats, dep
respecter l’égalité souveraine de ceux-ci et de permettre aux pper -

sonnes qui agissent en leur nom de remplir effectivement leurs fonc -
tions. » (Annuaire de l’Institut de droit international, vol. 73, session
de Naples (Italie), 2009.)

13. Il aurait donc été nécessaire pour la Cour de souligner, dans cpette
affaire, que l’Allemagne, qui reconnaît l’illicéité desp actes commis contre
le groupe de victimes en question, en particulier les anciens internéps mili -
taires, dont M. Luigi Ferrini, doit en assumer, en principe, la responsabi -

lité, et que c’est à cette condition qu’elle devrait bénépficier de l’immunité
devant les tribunaux de l’Etat du for.
14. En outre, du point de vue des conséquences à tirer du principe de p
responsabilité, la Cour considère que

«les demandes résultant du traitement des internés militaires ita -
liens…, ainsi que d’autres réclamations de nationaux italiens qpui
resteraient à régler — qui ont été à l’origine des procédures
italiennes — pourraient faire l’objet de nouvelles négociations

impliquant les deux Etats en vue de parvenir à une solution »
(arrêt, par. 104).

A mon avis, plus qu’une simple possibilité ouverte à l’Allempagne de négo -
cier, il s’agit pour elle d’assumer sa responsabilité internatiponale, en
concertation avec l’Italie, afin de compléter les mesures qu’pelle a prises
depuis la seconde guerre mondiale pour couvrir les catégories de victpimes
qui en ont été exclues.

15. Ainsi, ce n’est que dans des circonstances exceptionnelles, lorsque
l’Etat présumé auteur des faits illicites rejette toute mise enp cause de sa
responsabilité, sous quelque forme que ce soit, qu’il pourrait perdre le
bénéfice de l’immunité devant les tribunaux de l’Etat dpu for. Le droit des
personnes concernées d’avoir accès à la justice de leur paysp s’imposerait
alors, faute pour l’Etat en cause de se soumettre aux principes fondapmen -

taux du droit dont il se réclame lui-même par ailleurs.

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6 CIJ1031.indb 154 22/11/13 12:25 175 immunités juridictiopnnelles de l’état (op. ipnd. bennouna)

16. De telles circonstances exceptionnelles ne peuvent être ignorées, à
mon avis, ni par le juge national ni par le juge international et, si c’pétait le

cas, cela ouvrirait la voie à des abus qui sont susceptibles de saperp les
fondements mêmes de la légalité internationale.
17. La vigilance du juge devrait être toujours à l’affût pour pfaire préva -
loir en dernier ressort le droit et la justice, ainsi que l’a rappelép Rosalyn
Higgins :

«Une exception [l’immunité souveraine] aux règles normales en
matière de compétence ne doit être admise que lorsque le droit pinter -

national l’exige, c’est-à-dire lorsqu’elle est conforme àp la justice et à la
protection équitable des parties. Elle ne doit pas être admise «d pe plein
droit».» (« Certain Unresolved Aspects of the Law of State Immu -
nity »,Netherlands International Law Review, vol. 29, 1982, p. 271.)

18. On se serait attendu à ce que la Cour internationale de Justice suivep
cette approche, qui a permis, au cours des dernières décennies, dep faire
évoluer le régime juridique de l’immunité de juridiction, dep manière à
tenir la balance égale entre les souverainetés étatiques et lesp considéra -

tions de justice et d’équité qui opèrent au sein de celles-cpi. Le concept
westphalien de la souveraineté s’éloigne ainsi progressivement,p au fur et à
mesure que l’on situe la personne humaine au centre du système jurpidique
international.
19. Cette évolution se reflète en partie dans les travaux de codifipcation

de la Commission du droit international sur le sujet et dans la conven-
tion des Nations Unies sur l’immunité juridictionnelle des Etats et de
leurs biens (adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le
2 décembre 2004, résolution 59/38) ; mais cela ne veut pas dire que cette
évolution a été figée une fois pour toutes. C’est pour pcela qu’il revient à la
Cour, à l’occasion des cas dont elle est saisie, de revisiter les pconcepts et

les normes qui sont débattus devant elle et d’indiquer, s’il y pa lieu, les
nouvelles tendances qui se dessinent dans leur interprétation et la déter -
mination de leur portée.
20. La Cour reconnaît certes que l’octroi de l’immunité de juridiction à
un Etat n’affecte pas sa responsabilité internationale (arrêpt, par. 100),

mais elle n’en tire aucune conséquence concrète. Ainsi, elle auprait pu
ajouter qu’un Etat qui refuse a priori la mise en cause de sa responsabilité
perd, par là même, le droit d’invoquer son immunité de juridpiction.

21. Lorsque le droit à l’immunité est revendiqué, il s’accomppagne d’un

devoir, celui pour l’Etat de faire face à ses responsabilités internationales
par les moyens appropriés. Et je conçois qu’en matière de copnflit armé ces
moyens passent par la négociation interétatique, mais encore faut-pil que
celle-ci puisse avoir lieu en prenant en compte l’ensemble des situatpions
en cause.
22. Certaines circonstances particulières caractérisent la présentep

affaire: l’Allemagne admet sa responsabilité pour les actes illicites en p
cause devant les tribunaux italiens, actes qui se sont déroulés, en partie ou

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6 CIJ1031.indb 156 22/11/13 12:25 176 immunités juridictiopnnelles de l’état (op. ipnd. bennouna)

en totalité, sur le territoire italien ; elle revendique cependant l’immunité
de juridiction et engage une action contre l’Italie devant cette Courp pour

violation des obligations de celle-ci en la matière ; enfin, les personnes
concernées ont engagé, en vain, différents recours.
23. Or, il ne suffit pas de constater que ces personnes n’ont pu obtenir
aucune satisfaction ni devant les juridictions allemandes ni devant la
Cour européenne des droits de l’homme pour en tirer des conséqupences

quant à l’absence d’une obligation de réparation de l’Allpemagne à leur
égard. Une telle obligation est la conséquence des actes illicitesp internatio -
naux reconnus par l’Allemagne et devrait trouver un moyen de règlepment
dans le cadre interétatique. Il s’agit donc d’une question qui pest toujours
en suspens entre les deux pays.
24. Quant à l’exigence de circonstances exceptionnelles pour lever l’im -

munité, elle prive de toute portée l’argument consistant à cponsidérer ce
type de dérogation comme complètement irréaliste, dans la mesurpe où il
reviendrait à ouvrir la boîte de Pandore des recours individuels, pen répa -
ration, de la part de toutes les victimes des conflits armés.
25. A mon avis, si l’Allemagne en vient à fermer toutes les portes àp ce

règlement, ce que rien ne laisse présager, la question de la levépe de son
immunité devant les tribunaux étrangers pour les mêmes actes illicites
pourrait se poser, de nouveau, légitimement. En effet, lorsque cette Cour
a conclu à la violation par l’Italie de son obligation de respectepr l’immu -
nité juridictionnelle de l’Allemagne, elle n’a entendu d’aucpune manière

faire obstacle à la mise en œuvre d’une autre norme fondamentalpe du
droit international relative à la responsabilité de l’Etat pour fait interna -
tionalement illicite.
26. Ainsi, j’ai voté en faveur du dispositif de l’arrêt, en conspidération
de la nature de cette affaire qui date de la seconde guerre mondiale, pdes
efforts consentis par l’Allemagne depuis la fin de ce conflit ept de sa volonté

d’assumer ses propres responsabilités à cet égard, qui font pque les circons -
tances exceptionnelles que j’ai évoquées et qui permettent de lpever l’im -
munité ne me semblent pas réunies.
27. La Cour ne peut rejeter l’argument dit du « dernier recours »,
comme elle le fait au paragraphe 103 de l’arrêt, en s’abritant derrière l’ab -

sence de pratique ou de jurisprudence étatiques le justifiant. En epffet, la
Cour, dont la fonction est « de régler conformément au droit internatio -
nal les différends qui lui sont soumis » (article 38 du Statut), doit appli -
quer et interpréter la norme en cause dans son contexte juridique, à savoir
en tenant compte des autres règles de droit qui lient les Parties. Dès lors,

on ne voit pas comment on peut appliquer et interpréter le droit de lp’im -
munité de l’Etat sans prendre en compte l’impact du droit de la respon-
sabilité internationale. Surtout si, devant les tribunaux internes, il est
apparu, in limine litis, que l’Etat auteur de l’acte illicite a fermé toutes les
portes à la réparation.
28. C’est en prenant en compte l’ensemble de ces composantes, dans

leur complémentarité, que la Cour peut contribuer à la garantiep de l’unité
du droit international au service de la justice internationale. Cette

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6 CIJ1031.indb 158 22/11/13 12:25 177 immunités juridictiopnnelles de l’état (op. ipnd. bennouna)

éminente fonction ne peut se satisfaire d’une approche formaliste pétroite,
consistant à analyser l’immunité en elle-même, stricto sensu, sans souci

des victimes des crimes internationaux qui demandent que justice leur
soit rendue. On peut considérer, pour reprendre l’expression de Vaughan
Lowe (« The Politics of Law-making : Are the Method and Character of
Norm Creation Changing ?», dans M. Byers, The Role of Law in Interna‑
tional Politics : Essays in International Relations and International Law,

Oxford University Press, 2000, p. 212-221), qu’une « interstitial norm »
devrait permettre d’établir le lien entre le droit des immunitéps et le droit
de la responsabilité internationale. Il s’agirait d’invoquer, ppour cela, des
principes généraux du droit, ainsi que l’a fait la Cour dans l’paffaire du
Détroit de Corfou lorsqu’elle s’est référée aux « considérations élémen -
taires d’humanité» en tant que lien entre les droits de l’homme et le droit

international humanitaire (Détroit de Corfou (Royaume‑Uni c. Albanie),
fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1949, p. 22).
29. La Cour s’est fondée sur une conception mécaniste de l’œupvre judi -
ciaire consistant, pour le juge national, à se prononcer à titre lpiminaire sur
l’immunité, sans prendre en compte les « circonstances particulières de

chaque affaire » (arrêt, par. 106). Or, il s’agit là d’une vue de l’esprit car,
dans la pratique, il arrive souvent que, pour se prononcer sur la questipon
de l’immunité et sur les exceptions invoquées par le demandeur ppour la
levée de celle-ci, le juge soit amené à examiner le fond de l’paffaire. C’est
ainsi, par exemple, que, lorsque cette Cour considère qu’une excepption

d’incompétence n’a pas « un caractère exclusivement préliminaire », elle
décide de ne la trancher qu’une fois qu’elle a analysé les dponnées au fond
de l’affaire dont elle est saisie.
30. Il ne faut pas perdre de vue, enfin, que l’Italie a toujours la pospsi -
bilité de prendre fait et cause pour ses ressortissants, en exerçapnt la pro -
tection diplomatique en leur faveur ; cette institution représentant le

dernier rempart ou l’ultima ratio pour la sauvegarde des droits de l’homme
internationalement garantis, ainsi que la Cour l’a reconnu dans l’affaire
Ahmadou Sadio Diallo ((République de Guinée c. République démocratique
du Congo), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 599,
par. 39).

31. Je regrette, finalement, que le raisonnement de la Cour n’a pas épté
bâti à partir des caractéristiques du droit international contepmporain où
l’immunité, en tant qu’élément d’un mécanisme de réppartition des compé -
tences, ne pourrait se justifier lorsqu’elle aboutirait à faire pobstacle aux
exigences de la justice due aux victimes. C’est pour cela que l’impmunité

n’est pas un droit subjectif, au sens strict, à la disposition de pl’Etat, mais
une possibilité pour celui-ci de ne pas être jugé par les tribupnaux étran -
gers, en fonction des circonstances propres à l’espèce considéprée.
32. Le pouvoir d’appréciation des tribunaux internes pour interprétper
et appliquer le droit relatif à l’immunité demeure entier, contprairement à
ce que laisse entendre la Cour dans son arrêt (arrêt, par. 106). Si cette

appréciation est faite à titre liminaire, elle n’empêche pasp les tribunaux
nationaux d’analyser l’ensemble des données de l’affaire dpont ils sont sai -

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6 CIJ1031.indb 160 22/11/13 12:25 178 immunités juridictiopnnelles de l’état (op. ipnd. bennouna)

sis, lorsque cela s’avère nécessaire pour apprécier si les cpirconstances de

celle-ci autorisent ou non l’octroi à l’Etat de l’immunitép.
33. Reste bien sûr à se demander si une politique étatique systématique
fondée sur la commission de crimes internationaux, comme le génocipde
ou le crime contre l’humanité, pourrait être couverte par l’immunité dans
le cadre des actes de souveraineté (jure imperii). Cette question en amène

une autre, à savoir quelle autorité serait à même de distingpuer entre ce qui
relève des fonctions étatiques habituelles et celles qui doivent êptre quali -
fiées de crimes internationaux, afin d’exclure les secondes dup bénéfice de
l’immunité. Par contre si, comme c’est le cas dans cette affapire, l’activité
criminelle attribuable à l’Etat est bien établie et reconnue, npous retrou -

vons la nécessité, pour ce dernier, d’ouvrir à un moment ou pà un autre les
canaux appropriés pour la réparation afin d’éviter d’êptre jugé, en fin de
compte, par des tribunaux étrangers.
34. Cette affaire démontre, à l’évidence, à quel point le spystème immu -
nitaire du corpus étatique et la prise en compte par celui-ci de ses ppropres

manquements à la légalité internationale sont étroitement lipés. La Cour,
dans son analyse du droit international coutumier, se devait de relever p
cette tendance et de prévoir ses retombées sur le plan de l’éplaboration du
droit international. Ce n’est pas parce que les affaires portéesp devant les
juridictions nationales et reflétant cette tendance sont limitéeps que celle-ci

doit être ignorée par la Cour.
35. La prééminence bien affirmée de la justice et de la règle de droit au
niveau international, qu’il s’agisse de justice pénale ou de jupstice civile, a
également pour fonction de dissuader les dirigeants, agissant au nom pde
leur pays, de se livrer à la violation des normes de droit impératpif relatives

à la prévention et à la commission des crimes internationaux. Ipl faut éviter
que cette fonction dissuasive ne soit altérée sous l’effet d’une approche
passéiste de l’immunité de l’Etat et de ses représentantsp.

(Signé) Mohamed Bennouna.

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6 CIJ1031.indb 162 22/11/13 12:25

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OPINION INDIVIDUELLE DE M. LE JUGE BENNOUNA

Evolution de la règle coutumière de l’immunité — Mutation du concept de sou ‑
veraineté — Lien entre le droit de la responsabilité internationale et le droit d▯e
l’immunité de juridiction — Droit d’accès à la justice — Circonstances exception

nelles permettant la levée de l’immunité — Unité du droit international — Concep‑
tion mécaniste de l’œuvre judiciaire.

1. Tout en me ralliant au dispositif de l’arrêt de la Cour qui a concplu à
la violation par l’Italie, dans le différend qui l’oppose àp l’Allemagne, de

l’immunité de juridiction de celle-ci (arrêt, par. 139, point 1)), je ne peux
cependant faire mienne l’approche adoptée par la Cour ni accepter pla
logique de son raisonnement.
2. On sait que la portée du principe de l’immunité de juridiction pdes
Etats a divisé et continue de diviser les Etats, même si l’on apssiste à une

tendance au rapprochement, dans le contexte de la mondialisation.
3. En effet, partant d’une conception absolue de la souveraineté, lpes
Etats en avaient déduit une conception tout aussi absolue de l’immpunité,
consistant en ce que l’un d’entre eux puisse se soustraire en toutpes circons -

tances à la compétence des tribunaux de l’autre.
4. Mais la mutation sensible du concept de souveraineté, sous l’effpet de
la diversification des acteurs internationaux et des avancées du drpoit
international, a conduit de nombreux Etats à adapter et à relativipser leurs
positions en ce qui concerne l’immunité de juridiction, en la limiptant

essentiellement aux actes de souveraineté (jure imperii) par opposition
aux actes d’ordre privé et commercial (jure gestionis). Cependant, la ligne
de séparation entre ces deux catégories d’actes n’est pas topujours facile à
tracer. Quant aux législations nationales, peu nombreuses, elles sontp loin
d’être homogènes, comme le rappelle d’ailleurs la Cour (ibid., par. 71), et

il en est de même de la jurisprudence des tribunaux des différenpts Etats, ce
qui fait que le droit de l’immunité juridictionnelle donne l’imppression
d’un pavillon qui recouvre toutes sortes de marchandises.
5. De fait, des législations sont adoptées par les Etats autorisant lpeurs

tribunaux à connaître de certaines activités des Etats étranpgers, sans s’ap -
puyer pour cela sur le droit international en matière d’immunitéps. C’est
ainsi qu’en 1996 les Etats-Unis ont amendé leur propre législation pour
que leurs tribunaux puissent connaître de recours en responsabilitép civile
contre des Etats étrangers que le Gouvernement américain viendraitp à

désigner « soutien[s] du terrorisme » (Etats-Unis d’Amérique : Foreign
Sovereign Immunities Act 1976 (loi de 1976 sur l’immunité des Etats
étrangers), 28 USC, art. 1605A). En conséquence, la doctrine s’est inter -
rogée sur la limite du pouvoir des Etats de légiférer en la matpière, en
relation avec la règle coutumière de l’immunité.

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6 CIJ1031.indb 150 22/11/13 12:25 172

SEPARATE OPINION OF JUDGE BENNOUNA

Evolution of the customary rule of immunity — Change in the concept of sover ‑
eignty — Link between the law of international responsibility and jurisdictional▯
immunity — Right to have access to justice — Exceptional circumstances allowing

the lifting of immunity — Unity of international law — Mechanical conception of
the judicial task.

1. Although I agree with the operative part of the Court’s Judgment,
which finds that, in the context of its dispute with Germany, Italy vio -

lated the latter’s jurisdictional immunity (Judgment, para. 139 (1)), I can -
not, however, endorse the approach adopted by the Court, or support the p
logic of its reasoning.
2. As we know, the scope of the principle of State jurisdictional immu -
nity has divided, and continues to divide, opinions among States, despite

an emerging trend towards rapprochement, in the context of globalizationp.
3. Thus, starting from an absolute concept of sovereignty, States had
inferred an equally absolute concept of immunity, which allowed one
State to claim immunity from the jurisdiction of another’s courts undper

all circumstances.
4. However, a noticeable change in the concept of sovereignty, brought
about by the diversification of international actors and by advances ipn
international law, led a number of States to adapt and relativize their p
positions on jurisdictional immunity, essentially restricting it to actsp of

sovereignty (jure imperii), as opposed to private and commercial acts
(jure gestionis). Nevertheless, the line between these two categories is not
always easy to draw. Regarding the domestic laws, they are few in num -
ber and far from being consistent, as the Court points out (ibid., para. 71);
the same can be said of the case law of the various States, which means p

that the law of jurisdictional immunity still gives the impression of beping
a flag which covers all kinds of goods.

5. In practice, States have enacted legislation authorizing their courts

to rule on certain activities by foreign States without necessarily basing
themselves on international law governing immunity. Thus in 1996, the
United States amended its legislation to enable its courts to entertain pcivil
liability claims against foreign States designated by the United States p
Government as “sponsor[s] of terrorism” (United States of Americap, For -

eign Sovereign Immunities Act 1976, 28 USC, Sec. 1605A). As a result,
scholars have raised the question of the limits on the power of States tpo
legislate in this area, in light of the customary rule of immunity.

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6 CIJ1031.indb 151 22/11/13 12:25 173 immunités juridictiopnnelles de l’état (op. ipnd. bennouna)

6. Cette situation est encore plus complexe si l’on considère l’inptroduc-
tion, d’abord dans la convention européenne de 1972 sur l’immunité des

Etats (art. 11), puis dans la convention des Nations Unies de 2004 sur
l’immunité juridictionnelle des Etats et de leurs biens (art. 12), de l’excep -
tion dite territoriale ou délictuelle (« tort exception »), sans distinction
entre les actes jure imperii et les actes jure gestionis. Cette exception devrait
s’appliquer, en effet, aux atteintes aux personnes et aux biens, supr le terri -

toire de l’Etat du for, sans prendre en compte la finalité ou l’pobjet de
l’activité en question.
7. Par ailleurs, la responsabilité de l’Etat est désormais indissopciable de
l’exercice par celui-ci de son pouvoir souverain. Il est responsable ptout
d’abord à l’égard de sa propre population, qu’il a le devpoir de protéger,
mais aussi du fait d’actes qui lui sont attribuables commis en dehorsp de

son territoire et portant préjudice à la population d’un autre ppays.
8. Ce caractère indissociable de la responsabilité et de l’exercicpe de la
souveraineté fait que c’est en assumant, s’il y a lieu, la prempière que l’Etat
peut justifier sa revendication de l’immunité devant les tribunaux étran -
gers au titre du principe de l’égalité souveraine. Autrement dipt, l’octroi

par ceux-ci de l’immunité ne peut, en aucun cas, signifier une epxonération
de la responsabilité de l’Etat concerné, elle ne peut que diffpérer l’apprécia -
tion de celle-ci devant d’autres instances diplomatiques ou judiciairpes.
L’égalité souveraine n’a de sens que si elle s’accompagnep d’une égalité
dans le respect de la légalité internationale.

9. Il convient de souligner que, lorsqu’elle se pose dans le cas de crimes
internationaux, comme dans le présent litige, la question de l’immpunité de
juridiction soulève des problèmes éthiques et juridiques essentpiels pour la
communauté internationale dans son ensemble, problèmes qu’on ne peut
écarter en se cantonnant dans la qualification de l’immunité pcomme une
simple question de procédure.

10. L’Allemagne reconnaît d’ailleurs, comme le relève la Cour, «p les
souffrances indicibles infligées aux hommes et aux femmes d’Itpalie, en
particulier lors des massacres, ainsi qu’aux anciens internés miliptaires ita -
liens», lesquels constituent des actes illicites qui engagent sa responsabpi -
lité (arrêt, par. 52). Mais la Cour se contente de considérer comme

«surprenant — et regrettable — que l’Allemagne ait refusé d’accorder
réparation à un groupe de victimes au motif que celles-ci auraient eu droit
à un statut que, à l’époque pertinente, elle a refusé de pleur reconnaître »
(ibid., par. 99).
11. A mon avis, la Cour ne pouvait en rester là, que ce soit au niveau

des principes ou des conséquences qu’il convient d’en tirer danps le cas
considéré. Au niveau des principes, tout d’abord, la Cour avaitp déjà clai -
rement affirmé que « l’Etat qui demande à une juridiction étrangère de ne
pas poursuivre, pour des raisons d’immunité, une procédure judipciaire
engagée à l’encontre de ses organes assume la responsabilitép pour tout
acte internationalement illicite commis par de tels organes dans ce

contexte » (Certaines questions concernant l’entraide judiciaire en matière
pénale (Djibouti c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 2008, p. 244, par. 196).

78

6 CIJ1031.indb 152 22/11/13 12:25 jurisdictional immunpities of the state (sepp. op. bennouna) 173

6. The situation is further complicated by the introduction, first in thep
1972 European Convention on State Immunity (Art. 11) and then in the

2004 United Nations Convention on Jurisdictional Immunities of States
and Their Property (Art. 12), of the so-called “tort exception”, which
makes no distinction between acts jure imperii and acts jure gestionis.
Thus, that exception is intended to cover injuries to persons and properpty
in the territory of the forum State irrespective of the aim or purpose opf

the activity in question.

7. Furthermore, the responsibility of the State is now indissociable
from the exercise of its sovereign power. The State is responsible, fiprst, for
its own population, which it has a duty to protect, but it is also respopn -
sible for acts attributable to it, committed outside its territory and ipnjur -

ing the population of another country.
8. The fact that responsibility is thus indissociable from the exercise of p
sovereignty means that, when assuming responsibility, a State can justifpy
its claim to immunity before foreign courts on the basis of the principlpe of
sovereign equality. In other words, the granting of immunity by those

courts can in no sense mean that the State concerned is exonerated from p
responsibility; it merely defers consideration of that responsibility to
other diplomatic or judicial bodies. Sovereign equality is only meaningfpul
if it is accompanied by equality in terms of respect for international
legality.

9. It should be emphasized that, when it arises in connection with
international crimes, as in the present dispute, the question of jurisdipc -
tional immunity raises fundamental ethical and juridical problems for thpe
international community as a whole, which cannot be evaded simply by
characterizing immunity as a simple matter of procedure.

10. Furthermore, as the Court notes, Germany acknowledges the
“untold suffering inflicted on Italian men and women in particulapr during
massacres, and on former Italian military internees”, and that these were
unlawful acts, engaging its responsibility (Judgment, para. 52). However,
the Court is content to take the view that it is “a matter of surprispe — and

regret — that Germany decided to deny compensation to a group of vic -
tims on the ground that they had been entitled to a status which, at the
relevant time, Germany had refused to recognize” (ibid., para. 99).

11. In my view, the Court could not simply leave the matter there,

whether in terms of principles or of the consequences to be drawn in thips
case. With respect to the principles, firstly, the Court had already cplearly
stated that “the State notifying a foreign court that judicial procesps should
not proceed, for reasons of immunity, against its State organs, is assum -
ing responsibility for any internationally wrongful act in issue committped
by such organs” (Certain Questions of Mutual Assistance in Criminal Mat ‑

ters (Djibouti v. France),Judgment, I.C.J. Reports 2008, p. 244, para. 196).
In this case, Germany invokes its immunity as a State on account of crimp -

78

6 CIJ1031.indb 153 22/11/13 12:25 174 immunités juridictiopnnelles de l’état (op. ipnd. bennouna)

En l’occurrence, l’Allemagne revendique l’immunité en tant qpu’Etat pour
des actes criminels commis par ses organes et qui lui sont attribuables ;

elle doit en assumer la responsabilité.
12. La résolution de l’Institut de droit international, adoptée àp la ses -
sion de Naples en 2009, sur « l’immunité de juridiction de l’Etat et de ses
agents en cas de crimes internationaux », contient précisément un
article II, intitulé « Principes», qui replace les immunités dans leur

contexte (paragraphe premier), consistant non à contourner les rèpgles du
droit international, mais à permettre aux tribunaux de prendre en comppte
l’égalité souveraine des Etats dans l’exercice de leurs proppres compétences
respectives :

«1. Les immunités sont accordées en vue d’assurer conformément
au droit international une répartition et un exercice ordonnés de pla
compétence juridictionnelle dans les litiges impliquant des Etats, dep
respecter l’égalité souveraine de ceux-ci et de permettre aux pper -

sonnes qui agissent en leur nom de remplir effectivement leurs fonc -
tions. » (Annuaire de l’Institut de droit international, vol. 73, session
de Naples (Italie), 2009.)

13. Il aurait donc été nécessaire pour la Cour de souligner, dans cpette
affaire, que l’Allemagne, qui reconnaît l’illicéité desp actes commis contre
le groupe de victimes en question, en particulier les anciens internéps mili -
taires, dont M. Luigi Ferrini, doit en assumer, en principe, la responsabi -

lité, et que c’est à cette condition qu’elle devrait bénépficier de l’immunité
devant les tribunaux de l’Etat du for.
14. En outre, du point de vue des conséquences à tirer du principe de p
responsabilité, la Cour considère que

«les demandes résultant du traitement des internés militaires ita -
liens…, ainsi que d’autres réclamations de nationaux italiens qpui
resteraient à régler — qui ont été à l’origine des procédures
italiennes — pourraient faire l’objet de nouvelles négociations

impliquant les deux Etats en vue de parvenir à une solution »
(arrêt, par. 104).

A mon avis, plus qu’une simple possibilité ouverte à l’Allempagne de négo -
cier, il s’agit pour elle d’assumer sa responsabilité internatiponale, en
concertation avec l’Italie, afin de compléter les mesures qu’pelle a prises
depuis la seconde guerre mondiale pour couvrir les catégories de victpimes
qui en ont été exclues.

15. Ainsi, ce n’est que dans des circonstances exceptionnelles, lorsque
l’Etat présumé auteur des faits illicites rejette toute mise enp cause de sa
responsabilité, sous quelque forme que ce soit, qu’il pourrait perdre le
bénéfice de l’immunité devant les tribunaux de l’Etat dpu for. Le droit des
personnes concernées d’avoir accès à la justice de leur paysp s’imposerait
alors, faute pour l’Etat en cause de se soumettre aux principes fondapmen -

taux du droit dont il se réclame lui-même par ailleurs.

79

6 CIJ1031.indb 154 22/11/13 12:25 jurisdictional immunpities of the state (sepp. op. bennouna) 174

inal acts carried out by its organs and attributable to it ; and it must
assume responsibility for these acts.

12. The resolution of the Institute of International Law, adopted at the
2009 Naples Session, concerning “the Immunity from Jurisdiction of the
State and of Persons Who Act on Behalf of the State in Case of Interna -
tional Crimes” contains an Article (Art. II), entitled “Principles” that

puts immunities in their context (first paragraph), which is not to evade
the rules of international law, but to enable the courts to take accountp of
the sovereign equality of States in the exercise of their respective jurpisdic -
tions :

“1. Immunities are conferred to ensure an orderly allocation and
exercise of jurisdiction in accordance with international law in
proceedings concerning States, to respect the sovereign equality of
States and to permit the effective performance of the functions of

persons who act on behalf of States.” (Annuaire de l’Institut de droit
international, Vol. 73, Naples Session (Italy), 2009.)

13. In this case, therefore, the Court should have observed that Ger -
many, which recognizes the unlawfulness of the acts committed against
the group of victims in question, in particular the former Italian militpary
internees, including Mr. Luigi Ferrini, is obliged in principle to assume its

responsibility for those acts, and that it is subject to that condition pthat
Germany should enjoy immunity before the courts of the forum State.
14. Moreover, with respect to the consequences deriving from the prin -
ciple of responsibility, the Court considers that

“the claims arising from the treatment of the Italian military internp-
ees . . ., together with other claims of Italian nationals which have
allegedly not been settled — and which formed the basis for the Ital -
ian proceedings — could be the subject of further negotiation involv-

ing the two States concerned, with a view to resolving the issue”
(Judgment, para. 104).

In my view, rather than regarding this simply as a possible subject of
negotiation, Germany should assume its international responsibility and,p
in consultation with Italy, supplement the measures it has taken since tphe
Second World War, so as to cover the categories of victims excluded
therefrom.

15. Thus, it is only in exceptional circumstances — when a State pre -
sumed to be the author of unlawful acts rejects any engagement of its
responsibility, in whatever form — that a State could lose the benefit of
its immunity before the courts of the forum State. The right of the indip -
viduals concerned to have access to justice in their own country would
then take precedence, where the State in question had refused to submit p

to the fundamental principles of law — on which, moreover, it was itself
relying.

79

6 CIJ1031.indb 155 22/11/13 12:25 175 immunités juridictiopnnelles de l’état (op. ipnd. bennouna)

16. De telles circonstances exceptionnelles ne peuvent être ignorées, à
mon avis, ni par le juge national ni par le juge international et, si c’pétait le

cas, cela ouvrirait la voie à des abus qui sont susceptibles de saperp les
fondements mêmes de la légalité internationale.
17. La vigilance du juge devrait être toujours à l’affût pour pfaire préva -
loir en dernier ressort le droit et la justice, ainsi que l’a rappelép Rosalyn
Higgins :

«Une exception [l’immunité souveraine] aux règles normales en
matière de compétence ne doit être admise que lorsque le droit pinter -

national l’exige, c’est-à-dire lorsqu’elle est conforme àp la justice et à la
protection équitable des parties. Elle ne doit pas être admise «d pe plein
droit».» (« Certain Unresolved Aspects of the Law of State Immu -
nity »,Netherlands International Law Review, vol. 29, 1982, p. 271.)

18. On se serait attendu à ce que la Cour internationale de Justice suivep
cette approche, qui a permis, au cours des dernières décennies, dep faire
évoluer le régime juridique de l’immunité de juridiction, dep manière à
tenir la balance égale entre les souverainetés étatiques et lesp considéra -

tions de justice et d’équité qui opèrent au sein de celles-cpi. Le concept
westphalien de la souveraineté s’éloigne ainsi progressivement,p au fur et à
mesure que l’on situe la personne humaine au centre du système jurpidique
international.
19. Cette évolution se reflète en partie dans les travaux de codifipcation

de la Commission du droit international sur le sujet et dans la conven-
tion des Nations Unies sur l’immunité juridictionnelle des Etats et de
leurs biens (adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le
2 décembre 2004, résolution 59/38) ; mais cela ne veut pas dire que cette
évolution a été figée une fois pour toutes. C’est pour pcela qu’il revient à la
Cour, à l’occasion des cas dont elle est saisie, de revisiter les pconcepts et

les normes qui sont débattus devant elle et d’indiquer, s’il y pa lieu, les
nouvelles tendances qui se dessinent dans leur interprétation et la déter -
mination de leur portée.
20. La Cour reconnaît certes que l’octroi de l’immunité de juridiction à
un Etat n’affecte pas sa responsabilité internationale (arrêpt, par. 100),

mais elle n’en tire aucune conséquence concrète. Ainsi, elle auprait pu
ajouter qu’un Etat qui refuse a priori la mise en cause de sa responsabilité
perd, par là même, le droit d’invoquer son immunité de juridpiction.

21. Lorsque le droit à l’immunité est revendiqué, il s’accomppagne d’un

devoir, celui pour l’Etat de faire face à ses responsabilités internationales
par les moyens appropriés. Et je conçois qu’en matière de copnflit armé ces
moyens passent par la négociation interétatique, mais encore faut-pil que
celle-ci puisse avoir lieu en prenant en compte l’ensemble des situatpions
en cause.
22. Certaines circonstances particulières caractérisent la présentep

affaire: l’Allemagne admet sa responsabilité pour les actes illicites en p
cause devant les tribunaux italiens, actes qui se sont déroulés, en partie ou

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6 CIJ1031.indb 156 22/11/13 12:25 jurisdictional immunpities of the state (sepp. op. bennouna) 175

16. In my view, such exceptional circumstances cannot be ignored,
either by national or by international courts, and, were this to happen,p it

would open the door to abuses with the potential to undermine the very
foundations of international legality.
17. Judges should always remain vigilant to ensure that ultimate prece-
dence is given to law and justice, as Rosalyn Higgins has recalled :

“An exception [sovereign immunity] to the normal rules of jurisdic-
tion should only be granted when international law requires — that

is to say, when it is consonant with justice and with the equitable
protection of the parties. It is not to be granted ‘as a right’.”p (“Certain
Unresolved Aspects of the Law of State Immunity”, Netherlands
International Law Review, Vol. 29, 1982, p. 271.)

18. One would have expected the International Court of Justice to fol -
low that approach, which in recent decades has enabled the legal régipme
governing jurisdictional immunity to evolve in a way which strikes an
equal balance between State sovereignties and the considerations of jus -

tice and equity operating within such sovereignties. The Westphalian conp -
cept of sovereignty is thus gradually receding, as the individual takes
centre stage in the international legal system.

19. That evolution is in part reflected in the International Law Com -

mission’s work to codify the subject, and in the United Nations Convepn-
tion on Jurisdictional Immunities of States and Their Property (adoptedp
by the United Nations General Assembly on 2 December 2004, resolu -
tion 59/38), but that is not to say that it is now frozen for evermore. Thatp
is why it falls to the Court, when considering the cases submitted to itp, to
revisit the concepts and norms debated before it and to indicate, if apppro -

priate, any emerging new trends in their interpretation and in the deterpm-i
nation of their scope.

20. While the Court does indeed recognize that the granting of juris -
dictional immunity to a State does not affect its international responpsibil-

ity (Judgment, para. 100), it fails to draw any concrete conclusions from
that fact. Thus, it could have added that a State which flatly rejectsp any
engagement of responsibility on its part loses, by that rejection, the rpight
to claim immunity from jurisdiction.
21. Where immunity is claimed, it comes with an obligation : namely

that the State must assume its international responsibilities by approprpi -
ate means. And I consider that, in respect of armed conflict, such meapns
include inter-State negotiations, but on condition that such negotiations
are conducted on terms capable of covering the entirety of the situationp
at issue.
22. This case is distinguished by certain specific features : Germany

admits its responsibility for the unlawful acts at issue before the Italpian
courts; and those acts took place, partly or entirely, on Italian territory.

80

6 CIJ1031.indb 157 22/11/13 12:25 176 immunités juridictiopnnelles de l’état (op. ipnd. bennouna)

en totalité, sur le territoire italien ; elle revendique cependant l’immunité
de juridiction et engage une action contre l’Italie devant cette Courp pour

violation des obligations de celle-ci en la matière ; enfin, les personnes
concernées ont engagé, en vain, différents recours.
23. Or, il ne suffit pas de constater que ces personnes n’ont pu obtenir
aucune satisfaction ni devant les juridictions allemandes ni devant la
Cour européenne des droits de l’homme pour en tirer des conséqupences

quant à l’absence d’une obligation de réparation de l’Allpemagne à leur
égard. Une telle obligation est la conséquence des actes illicitesp internatio -
naux reconnus par l’Allemagne et devrait trouver un moyen de règlepment
dans le cadre interétatique. Il s’agit donc d’une question qui pest toujours
en suspens entre les deux pays.
24. Quant à l’exigence de circonstances exceptionnelles pour lever l’im -

munité, elle prive de toute portée l’argument consistant à cponsidérer ce
type de dérogation comme complètement irréaliste, dans la mesurpe où il
reviendrait à ouvrir la boîte de Pandore des recours individuels, pen répa -
ration, de la part de toutes les victimes des conflits armés.
25. A mon avis, si l’Allemagne en vient à fermer toutes les portes àp ce

règlement, ce que rien ne laisse présager, la question de la levépe de son
immunité devant les tribunaux étrangers pour les mêmes actes illicites
pourrait se poser, de nouveau, légitimement. En effet, lorsque cette Cour
a conclu à la violation par l’Italie de son obligation de respectepr l’immu -
nité juridictionnelle de l’Allemagne, elle n’a entendu d’aucpune manière

faire obstacle à la mise en œuvre d’une autre norme fondamentalpe du
droit international relative à la responsabilité de l’Etat pour fait interna -
tionalement illicite.
26. Ainsi, j’ai voté en faveur du dispositif de l’arrêt, en conspidération
de la nature de cette affaire qui date de la seconde guerre mondiale, pdes
efforts consentis par l’Allemagne depuis la fin de ce conflit ept de sa volonté

d’assumer ses propres responsabilités à cet égard, qui font pque les circons -
tances exceptionnelles que j’ai évoquées et qui permettent de lpever l’im -
munité ne me semblent pas réunies.
27. La Cour ne peut rejeter l’argument dit du « dernier recours »,
comme elle le fait au paragraphe 103 de l’arrêt, en s’abritant derrière l’ab -

sence de pratique ou de jurisprudence étatiques le justifiant. En epffet, la
Cour, dont la fonction est « de régler conformément au droit internatio -
nal les différends qui lui sont soumis » (article 38 du Statut), doit appli -
quer et interpréter la norme en cause dans son contexte juridique, à savoir
en tenant compte des autres règles de droit qui lient les Parties. Dès lors,

on ne voit pas comment on peut appliquer et interpréter le droit de lp’im -
munité de l’Etat sans prendre en compte l’impact du droit de la respon-
sabilité internationale. Surtout si, devant les tribunaux internes, il est
apparu, in limine litis, que l’Etat auteur de l’acte illicite a fermé toutes les
portes à la réparation.
28. C’est en prenant en compte l’ensemble de ces composantes, dans

leur complémentarité, que la Cour peut contribuer à la garantiep de l’unité
du droit international au service de la justice internationale. Cette

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6 CIJ1031.indb 158 22/11/13 12:25 jurisdictional immunpities of the state (sepp. op. bennouna) 176

Germany, however, claims jurisdictional immunity and has instituted
proceedings against Italy before this Court on account of the latter’ps vio-

lations of its obligations in that regard. Finally, the individuals concperned
have filed various claims, which have failed.
23. However, it is not sufficient to find that those persons have not
been able to obtain satisfaction before either the German courts or befopre
the European Court of Human Rights, and then to conclude that Ger -

many has no obligation of reparation towards them. Such an obligation
is the consequence of the internationally wrongful acts admitted by Ger -
many and must be capable of being settled in an inter-State context. It is
thus an issue which remains outstanding between the two countries.

24. The requirement of exceptional circumstances in order for immu -

nity to be lifted disposes of the argument that to allow any derogation of
this kind is completely unrealistic, because it would open a Pandora’ps box
of individual claims for reparation by all victims of armed conflicts.p

25. To my mind, if Germany were to close all doors to such settle -

ment — and there is nothing to suggest that it will — then the question of
lifting its immunity before foreign courts in respect of those same wronpg -
ful acts could legitimately be raised again. Thus, in finding that Itaply has
violated its obligation to respect Germany’s jurisdictional immunity,p the
Court did not intend in any way to obstruct the implementation of

another fundamental norm of international law, namely the responsibilityp
of States for internationally wrongful acts.

26. Thus, I voted in favour of the operative clause of the Judgment, on
the basis of the nature of this case, which dates back to the Second Worpld
War, the efforts made by Germany since the end of that conflict, andp its

willingness to assume its responsibility in that regard, which mean thatp
the exceptional circumstances to which I referred, and which allow for
immunity to be lifted, would not appear to me to be present.
27. The Court cannot reject the so-called “last resort” argument, as it
does in paragraph 103 of the Judgment, on the pretext of the absence of

any supporting State practice or jurisprudence. In fact, the Court, whospe
function is “to decide in accordance with international law such dispputes
as are submitted to it” (Article 38 of the Statute), must apply and inter -
pret the norm at issue within its legal context, that is to say, taking
account of the other rules of law which bind the Parties. Consequently, pit

is difficult to see how the law of State immunity can be applied and inpter -
preted without taking account of the impact of the law governing State
responsibility. Especially if, before the domestic courts, it appeared, pin
limine litis, that the State responsible for the wrongful act has closed all
doors to reparation.
28. It is by taking account of all those elements, and their mutually

complementary nature, that the Court can help to ensure the unity of
international law in the service of international justice. That primordipal

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6 CIJ1031.indb 159 22/11/13 12:25 177 immunités juridictiopnnelles de l’état (op. ipnd. bennouna)

éminente fonction ne peut se satisfaire d’une approche formaliste pétroite,
consistant à analyser l’immunité en elle-même, stricto sensu, sans souci

des victimes des crimes internationaux qui demandent que justice leur
soit rendue. On peut considérer, pour reprendre l’expression de Vaughan
Lowe (« The Politics of Law-making : Are the Method and Character of
Norm Creation Changing ?», dans M. Byers, The Role of Law in Interna‑
tional Politics : Essays in International Relations and International Law,

Oxford University Press, 2000, p. 212-221), qu’une « interstitial norm »
devrait permettre d’établir le lien entre le droit des immunitéps et le droit
de la responsabilité internationale. Il s’agirait d’invoquer, ppour cela, des
principes généraux du droit, ainsi que l’a fait la Cour dans l’paffaire du
Détroit de Corfou lorsqu’elle s’est référée aux « considérations élémen -
taires d’humanité» en tant que lien entre les droits de l’homme et le droit

international humanitaire (Détroit de Corfou (Royaume‑Uni c. Albanie),
fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1949, p. 22).
29. La Cour s’est fondée sur une conception mécaniste de l’œupvre judi -
ciaire consistant, pour le juge national, à se prononcer à titre lpiminaire sur
l’immunité, sans prendre en compte les « circonstances particulières de

chaque affaire » (arrêt, par. 106). Or, il s’agit là d’une vue de l’esprit car,
dans la pratique, il arrive souvent que, pour se prononcer sur la questipon
de l’immunité et sur les exceptions invoquées par le demandeur ppour la
levée de celle-ci, le juge soit amené à examiner le fond de l’paffaire. C’est
ainsi, par exemple, que, lorsque cette Cour considère qu’une excepption

d’incompétence n’a pas « un caractère exclusivement préliminaire », elle
décide de ne la trancher qu’une fois qu’elle a analysé les dponnées au fond
de l’affaire dont elle est saisie.
30. Il ne faut pas perdre de vue, enfin, que l’Italie a toujours la pospsi -
bilité de prendre fait et cause pour ses ressortissants, en exerçapnt la pro -
tection diplomatique en leur faveur ; cette institution représentant le

dernier rempart ou l’ultima ratio pour la sauvegarde des droits de l’homme
internationalement garantis, ainsi que la Cour l’a reconnu dans l’affaire
Ahmadou Sadio Diallo ((République de Guinée c. République démocratique
du Congo), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 599,
par. 39).

31. Je regrette, finalement, que le raisonnement de la Cour n’a pas épté
bâti à partir des caractéristiques du droit international contepmporain où
l’immunité, en tant qu’élément d’un mécanisme de réppartition des compé -
tences, ne pourrait se justifier lorsqu’elle aboutirait à faire pobstacle aux
exigences de la justice due aux victimes. C’est pour cela que l’impmunité

n’est pas un droit subjectif, au sens strict, à la disposition de pl’Etat, mais
une possibilité pour celui-ci de ne pas être jugé par les tribupnaux étran -
gers, en fonction des circonstances propres à l’espèce considéprée.
32. Le pouvoir d’appréciation des tribunaux internes pour interprétper
et appliquer le droit relatif à l’immunité demeure entier, contprairement à
ce que laisse entendre la Cour dans son arrêt (arrêt, par. 106). Si cette

appréciation est faite à titre liminaire, elle n’empêche pasp les tribunaux
nationaux d’analyser l’ensemble des données de l’affaire dpont ils sont sai -

82

6 CIJ1031.indb 160 22/11/13 12:25 jurisdictional immunpities of the state (sepp. op. bennouna) 177

function cannot be confined within a narrow, formalistic approach, whipch
considers immunity alone, stricto sensu, without concern for the victims

of international crimes seeking justice. It could be considered that an p
“interstitial norm”, as expressed by Vaughan Lowe (“The Politics of
Law-making: Are the Method and Character of Norm Creation Chang -
ing? ”, in M. Byers, The Role of Law in International Politics : Essays in
International Relations and International Law, Oxford University Press,

2000, pp. 212-221), would enable the establishment of a link between the
law of immunities and the law of State responsibility. This could be donpe
by invoking general principles of law, as the Court did in the Corfu Chan ‑
nel case, where it referred to “elementary considerations of humanity”p as
a link between human rights and international humanitarian law (Corfu
Channel (United Kingdom v. Albania), Merits, Judgment, I.C.J. Reports

1949, p. 22).

29. The Court has relied on a “mechanical” conception of the judicial p
task, according to which the national court rules on immunity as a pre -
liminary issue, without considering “the specific circumstances of peach

case” (Judgment, para. 106). However, that is an illusion, for, in practice,
it often happens that, in order to rule on the issue of immunity, and onp
the arguments for lifting immunity put forward by the claimant, the courpt
has to examine the merits of the case. Thus, for example, when this Courpt
determines that an objection to jurisdiction does not possess “an excplu -

sively preliminary character”, it decides to rule on it only when it phas
examined the merits of the case of which it is seised.

30. We should, moreover, not lose sight of the fact that Italy may still
espouse the cause of its nationals by exercising diplomatic protection on
their behalf ; this institution represents the last resort or ultima ratio for

the protection of internationally guaranteed human rights, as the Court p
recognized in the case concerning Ahmadou Sadio Diallo ((Republic of
Guinea v. Democratic Republic of the Congo), Preliminary Objections,
Judgment, I.C.J. Reports 2007 (II), p. 599, para. 39).

31. Lastly, I regret that the Court’s reasoning was not founded on the
characteristics of contemporary international law, where immunity, as
one element of a mechanism for the allocation of jurisdiction, could notp
be justified if it would ultimately pose an obstacle to the requirements of
the justice owed to victims. Thus immunity is not a subjective right, inp the

strict sense, at the disposition of the State, but a possibility given tpo the
latter not to be tried by foreign courts, according to whether the particu -
lar circumstances of the case so permit.
32. The power of national courts to interpret and apply the law relat -
ing to immunities remains complete, contrary to what is suggested by thep
Court in its Judgment (Judgment, para. 106). Where that power is exer -

cised in limine litis, that does not preclude a national court from examin -
ing all the facts of the case before it, when that is necessary in orderp to

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6 CIJ1031.indb 161 22/11/13 12:25 178 immunités juridictiopnnelles de l’état (op. ipnd. bennouna)

sis, lorsque cela s’avère nécessaire pour apprécier si les cpirconstances de

celle-ci autorisent ou non l’octroi à l’Etat de l’immunitép.
33. Reste bien sûr à se demander si une politique étatique systématique
fondée sur la commission de crimes internationaux, comme le génocipde
ou le crime contre l’humanité, pourrait être couverte par l’immunité dans
le cadre des actes de souveraineté (jure imperii). Cette question en amène

une autre, à savoir quelle autorité serait à même de distingpuer entre ce qui
relève des fonctions étatiques habituelles et celles qui doivent êptre quali -
fiées de crimes internationaux, afin d’exclure les secondes dup bénéfice de
l’immunité. Par contre si, comme c’est le cas dans cette affapire, l’activité
criminelle attribuable à l’Etat est bien établie et reconnue, npous retrou -

vons la nécessité, pour ce dernier, d’ouvrir à un moment ou pà un autre les
canaux appropriés pour la réparation afin d’éviter d’êptre jugé, en fin de
compte, par des tribunaux étrangers.
34. Cette affaire démontre, à l’évidence, à quel point le spystème immu -
nitaire du corpus étatique et la prise en compte par celui-ci de ses ppropres

manquements à la légalité internationale sont étroitement lipés. La Cour,
dans son analyse du droit international coutumier, se devait de relever p
cette tendance et de prévoir ses retombées sur le plan de l’éplaboration du
droit international. Ce n’est pas parce que les affaires portéesp devant les
juridictions nationales et reflétant cette tendance sont limitéeps que celle-ci

doit être ignorée par la Cour.
35. La prééminence bien affirmée de la justice et de la règle de droit au
niveau international, qu’il s’agisse de justice pénale ou de jupstice civile, a
également pour fonction de dissuader les dirigeants, agissant au nom pde
leur pays, de se livrer à la violation des normes de droit impératpif relatives

à la prévention et à la commission des crimes internationaux. Ipl faut éviter
que cette fonction dissuasive ne soit altérée sous l’effet d’une approche
passéiste de l’immunité de l’Etat et de ses représentantsp.

(Signé) Mohamed Bennouna.

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6 CIJ1031.indb 162 22/11/13 12:25 jurisdictional immunpities of the state (sepp. op. bennouna) 178

determine whether or not the circumstances of the case permit the State p

to be accorded immunity.
33. The question remains, of course, whether a systematic State policy
founded on the commission of international crimes, such as genocide or
crimes against humanity, could be covered by immunity under the banner
of sovereign acts (jure imperii). That question gives rise to another,

namely, what authority would be in a position to distinguish between
normal State functions and functions which should be categorized as
international crimes, so as to exclude them from the privilege of immu -
nity. On the other hand, if, as in this case, the criminal activity attrpibut -
able to the State is well established and admitted, that State is requirped at

some point to open appropriate channels to reparation, in order to avoidp
ultimately being tried by foreign courts.

34. This case plainly demonstrates the extent to which the immune sys-
tem of a State is closely linked to the admission by the latter of its own

breaches of international law. It was incumbent on the Court, in its anap-
lysis of international customary law, to note this trend, and to anticippate
its impact on the formation of international law. The fact that few caseps
before national jurisdictions reflect this trend does not mean that itp should
be ignored by the Court.

35. The well-established pre-eminence of justice, whether criminal or
civil, and the rule of law at the international level, also serves to dipscour
age leaders, acting in the name of their countries, from engaging in viopla-
tions of peremptory norms of law relating to the prevention and

commission of international crimes. Care should be taken to ensure that
such dissuasive function is not impaired by a backward-looking approach
to the immunity of the State and its representatives.

(Signed) Mohamed Bennouna.

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6 CIJ1031.indb 163 22/11/13 12:25

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Opinion individuelle de M. le juge Bennouna

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