Opinion dissidente de M. Weeramantry, vice-président (traduction)

Document Number
098-19991213-JUD-01-06-EN
Parent Document Number
098-19991213-JUD-01-00-EN
Document File
Bilingual Document File

OPINION DISSIDENTE DE M. WEERAMANTRY,

VICE-PRESIDENT

[Truduction]

L'article 31 de la convention de Viennesur le droit des traités - Le sens de
l'e.xpression((pratique ultérieurementsuivie)) et du terme ((accord))figurant au
paragraphe 3 b) de l'article 31 - Le silence et l'absencede protestation pris
pour signes de consenternent - L'entente en matière d'interprétation(Common
understanding) - L'ambivalencedes critèresscientifiques - La navigabilitéen
tant quecritère - Le concept dethalweg - Les preuves cartographiques - L'utili-

sation équitabled'un JEtpuvefrontalier aux fins de la navigation - Conclusion
au sujet du ((chenalprincipal))ou ((Thalweg des Hauptlaufes)) dans le traitéde
1890.
Quand la délimitationde lafrontière imposede démantelerou de diviser un
ensemble intégré sur le,dan écologiqueou culturel - La convention sur la bio-
diversité - LLI place de l'équité dans led sélimitationsfrontalières - La distinc-

tion à opérercwtreles tipaitésdéjinissantdes ((sphèresd'influence))et les traités
frontaliers - Les régimesinternationaux conjoints - Le droit international
doit tenir cotnpte des pr.éoccupationsenvironnementales.

Page

Introduction
Les questions d'interprétation en l'espèce:conception générale
L'article 31 de la conivention de Vienne
Les signes d'occupation
L'importance de l'utilisation et de l'occupation de l'île par les Masu-

bia
Comment les contemporains interprètent le traitéainsi que le montre
la conduite des Parties
Preuves de l'entente (common understunding)
Les thèsescontraires

a) Le rapport Eas.on, 1912
b) L'arrangement Trollope-Dickinson, 1951
c) Les discussions;de 1984-1986 à la suite de l'incident du 24 oc-
tobre 1984où des coups de feu ont ététirés

L'ambivalence des autres critères
La navigabilitéen tant que critère d'interprétation du «chenal prin-
cipal»La notion de thalweg
a) Applicabilité de la notion
b) Incidences de la notion
Les élémentsde preuve scientifiques

Les élémentsde preuve cartographiques
L'utilisation équitablt: des fleuves frontières aux fins de la naviga-
tion
Conclusion concernant «le chenal principal »

Introduction
1. Les réponsesdu juge à une délimitation de la frontière qui impose
de démanteler ou de diviser un ensemble intégrésur le plan éco-

logique ou culturel
2. Lü place de l'équitédans la délimitation d'une frontière
3. La distinction i opérer entre les traités définissant des sphères
d'influence et les traités établissant des frontièresétatiques
4. Les régimesintern,dtionaux conjoints
Conclusion LE DE KA<;IKILI/SEDU (P.UDISS.WEERAMANTRY) 1155

1. La Cour a analyséet évalué avecbeaucoup de soin la masse de ren-
seignements historiques et diplomatiques qui lui a été présentée . la
suite d'un examen approfondi de tous ces éléments, laCour est parvenue
à la conclusion que le chenal nord du fleuve Chobe constitue la frontière
internationale entre le Botswana et la Namibie suivant lesdispositions du
paragraphe 2 de l'article III du traité de1890conclu entre l'Allemagne et
la Grande-Bretagne.
2. Un élémentfondamental de cette masse d'informations est que les
Masubia ont longtemps, sans solution de continuité, utilisé etoccupéI'île
de KasikiliISedudu depuis une date antérieure au traité de 1890et pen-
dant plus d'un demi-siècle ensuite. La Namibie se sert de cette informa-
tion à deux fins différentes.Elle soutient que le comportement des deux
administrations par rapport àcette utilisation et cette occupation de I'île

corrobore son interprétation du traité qui est que le paragraphe 2 de
l'articleII vise le chenal sud'. La Namibie soutient égalementque cette
utilisation et cetteccuwation lui confèrent sur I'île un titre totalement
indépendant en vertu de la prescription acquisitive2.
La présente opinion porte entièrement sur la première de ces deux
thèsesnamibiennes.
3. Sur cette question centrale du poidsjuridique a attribuer a cette uti-
lisation et occupation de l'île,je suis tentéd'adopter une approche un peu
différente de celleque la Cour a retenue. J'aboutis donc à une autre
conclusion en ce qui concerne la frontière internationale.
On trouvera dans la partie A de la présenteopinion les motifs pour
lesquels je conclus qiuec'est le chenal sud qui constitue cette frontière
internationale.
4. Dans la partie EI,j'aborde une autre sériede problèmes.

Comme j'aboutis à la conclusion que I'îlede KasikiliISedudu est située
sur le territoire de la Namibie tandis que le parc animalier du Chobe, au
sud, appartient au territoire du Botswana, ce sont deux juridictions ter-
ritoriales dont relèvepar conséquentce qui constitue finalement une seule
et mêmeréserveaninialière, une réserve,faut-il ajouter, qui est l'une des
plus précieusesd'Afrique australe précisément enraison de ses richesses
animalieres.
5. L'îleest en effet fréquentée,si l'on encroit les piècesdu dossier, par
de multiples espèces d'animaux sauvages: on y trouve souvent ou de
temps àautre des éléphants,des hippopotames, des buffles,des «lechwe»,
des rhinocéros, des girafes, des élans, desbabouins, des lions, des zèbres,
des léopardset des aigles pêcheurs.Comme l'île et le parc animalier du
Chobe au sud constituent l'habitat naturel de cette faune, la conclusion
laquelle j'aboutis, qui est que I'îlerelèvede la juridiction territoriale de la
Namibie, impose d'examiner les principes environnementaux que cette

conclusion met en jeu et sans lesquels la présente opinion ne serait pas

' Mémoirede la Namibie, p. 10, par. 32.
'Ihidp.ar. 33. LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISSW. EERAMANTRY) 1156

complète. Au nombrl- de ces principes figure celui du régimeconjoint
d'exploitation, question que la Cour évoque de façon très lointaine
quand elle prescritl'égalitd'accèsau fleuve à des fins de navigation. Ma
conclusion exige toutefois d'étudierplus avant cette notion que la Cour a
eu la perspicacitéd'intégrerà son arrêt.
6. On voit donc que, d'un côté, cette affaire nous ramène à l'époque
de la constitutiondes empires coloniaux en Afrique, et nous impose de
revivre l'époquepour comprendre ce que la Grande-Bretagne et I'Alle-
magne ont véritablement voulu quand elles se sont partagé d'un com-
mun accord les territoires africains dont il s'agit. D'un autre côté,

l'affaire soulève des questions qui nous projettent dans un domaine
capital du droit international qui est totalement nouveau et dont le
développement rapide va profondément marquer le droit international
de l'avenir.

Introduction

7. L'affaire repose sur I'interprétationdu paragraphe 2 de l'article III
du traité conclu en 1890 par l'Allemagne et la Grande-Bretagne. La
sphère d'influence réservée à l'Allemagne est dite délimitée,à l'est, par
une ligne qui suit le8'parallèle de latitude sud cjusqu'au Chobe et suit
le centre du chenal principalde ce fleuvejusqu'à son confluent avec le

Zambèze))(les italiques sont de moi). La version allemande du traité uti-
lise, pour les termes que je mets en italique, l'expressionThaliurg des
Huuptlaufes».
8. Les problèmesqui se posent en l'espècetiennent au fait que le fleuve
Chobe bifurque en deux chenaux qui passent au sud et au nord de I'île
contestéeet convergent à nouveau ensuite. Juridiquement, la propriétéde
I'îleest tributaire de la réponse la question de savoir si c'est le chenal
nord ou le chenal sud qui est considérécommele chenal principal. Sic'est
le chenal nord. I'îleirelèverade la juridiction territoriale du Botswana,
mais se prononcer en faveur du chenal sud reviendra à la soumettre àla
juridiction de laNamibie.
Il se pose donc une question centrale au sujet de I'interprétation dela
formule citéeen italique et de l'expressionallemande correspondante. Les
deux textes sont-ils synonymes et, si la connotation est différente,com-

ment faut-il interpréter la disposition?
9. J'estimerais volontiers que les termes allemands en question étaient
censés êtresynonymes de l'expression ((centre du chenal principal)).
Pourtant, le terme allemand «thalweg» est souvent assorti de nuances
techniques également. Toutefois, que I'on prenne les deux expressions
pour synonymes ou bien que I'on donne une connotation autre et parti-
culièreau mot «thalweg», il me paraît, pour des motifs que je dévelop-
perai plus loin, que112seux formules feraient du chenal sud la frontière
désignéepar le traité. 10. Comme le vocabulaire utilisé n'estpas explicite au point de dési-
gner de façon déterminante l'un ou l'autre chenal du fleuve, il devient
indispensablede faire appel aux auxiliaires de l'interprétation qu'autorise
le droit des traités.Comme la question fondamentale à laquelle il faut
répondre est de savoir quelle idée lesparties ou leurs agents se faisaient
de la frontière pendarit la périodedu traité,c'est-à-dire1890et les années

qui ont immédiatemei~tsuivi, il est extrêmementutile de chercher àsavoir
comment les autorité:;, des deux côtésc ,onsidéraientle fait que lesMasu-
bia traversaient constamment le chenal nord. Et ces traversées sesont
répétéep sendant plu:; de cinquante ans après la signature du traité sans
qu'aucune des parties ne cherche le moins du monde à dire que cela reve-
nait à franchir une frontière internationale.
11. Aprèsavoir évoqué rapidementles règlespertinentes de l'interpré-
tation des traitéset l'importance juridique que revêtentdans ce contexte
l'utilisation et l'occupation de'îlepar les Masubia, je verrai quelles inci-
dences il faut accorder aux formules du traitéet quelle est l'ambivalence
des autres critèresqui: l'on a suggéré d'utiliserpour savoir quel est le che-
nal principal.

Les questions d'interprétation en l'espèce:conception générale

12. Dans toute opération d'interprétation de traité,la première étape
consiste à interpréter les termes suivant leur sens ordinaire. Mais même
lors de cette première phase, la tâche est rendue plus compliquéepar le
fait que les expressions utilisées revêtenteut-êtreaussi un sensjuridique
et un sens scientifique. La règlenormale à appliquer à l'interprétation de
documents, qui est que les termes doivent être interprétés suivant leur
sens ordinaire, est etidemment infléchiesi ces termes revêtent aussi un
sens technique dans le contexte dans lequel ils sont utilisés.
13. La présenteinstance est un exemple classique de ce que le droit des

traitésclasseraitpanni les situations où le sens ordinaire des termes uti-
lisés,voire leur sens juridique et scientifique, crée unetrès grande incer-
titude quant à ce qui constitue la bonne interprétation. Chacune des
interprétations possibles- cellesuivant laquelle le chenal nord est le che-
nal principal ou bien celle suivant laquelle le chenal sud est le chenal prin-
cipal - peut êtreétayéepar une masse d'indications scientifiques ou liées
aux circonstances, reposant sur différentscritères,la largeur du fleuve,sa
profondeur, son débit,qu'il n'y a pas nécessairementlieu de ranger sui-
vant un certain ordre. S'il ne faut pas écarter les vastes compétences
scientifiques et techniques des experts que les deux Parties ont fait dépo-
ser devant la Cour, il faut bien admettre que l'aide qu'ilspeuvent nous
apporter au moment où il nous faut répondre à la question de savoir quel
chenal est le chenal principal du Chobe est limitée.

14. Comme la question demeure par conséquent obscure, on fait alors
appel à une autre ri:gle fondamentale de l'interprétation, qui autorise le
juge à examiner comment les parties ou leurs agents ont concrètement
donné suite au document. Ce sont les parties qui savent le mieux dans LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISS.WEERAMANTRY) 1158

quel sens elles ont pris tel ou tel mot et, tout particulièrement s'il s'agit
d'un document ancieniou très ancien, cela aide considérablement l'inter-
prète moderne.
15. Je vais dans la présenteopinion recourir tout particulièrement à
cette approche, car le:stermes utilisés seprêtentà plus d'une interpréta-
tion selon qu'on leur attribue leur sens ordinaire ou bien leur sens juri-

dique ou technique. CIommel'instrument que nous examinons a plus de
cent ans, il est manifestement d'une utilitéconsidérableaux fins de son
interprétation de savoir comment il a été compris à l'époque.
16. Pour pouvoir rkpondre a cette question demeurant assez obscure si
longtemps après la da~tede la conclusion du traité,il faut bien admettre
que le sens que nous voulons préciserdoit avoir été beaucoupplus clair
pour ceux qui s'intéri:ssaienà cette question à une époque moins éloi-
gnéedu traité. Personne n'est mieuxplacépour savoir lequel des deux
chenaux était considéré à l'époquedu traité comme le chenal principal.
17. Dans ce contexte, je ne m'intéressepas à la prétention subsidiaire
de la Namibie a la souverainetésur l'île de KasikiliISedudu sous l'effet
d'une occupation prescriptive dans les années quisuivent immédiatement

la conclusion du traité.Je cherche plutôt établirce qui pourrait êtreune
interprétation raisonnable de l'expression ambiguë ((chenal principal)),
compte tenu de la conduite de ceux qui ont été,dans le temps, les plus
proches de la date de la conclusion du traité. La question que je pose est
la suivante: dans la période crucialequi suit immédiatement la conclu-
sion du traité, quelle suite lui ont donnée ceux qui en étaient les plus
proches non seulement dans le temps mais aussi concrètement, du point
de vue de sa mise en Œuvrepratique?
Il est clair qu'il étaitimpossible de mettre en Œuvreles dispositions du
traité pendant la période immédiatement postérieure a sa conclusion
d'une façon qui eût étécontraire au sens que les deux administrations en
cause attribuaient au traitélui-même.

18. J'ajouterai que la conduite adoptée par lescontemporains àl'égard
du traité revêt d'autant plus d'importance en l'espèceque les observa-
tions concernant les diverses qualitésdu fleuve - largeur, profondeur,
débit - peuvent doninerdes chiffres très variables sur une périoded'une
centaine d'années,et varier aussi beaucoup suivant le moment où I'obser-
vation est relevée,selon qu'il s'agitde la saison des pluies, de la saison
sèche, etc. Le sens attribué au traité par les contemporains fournit la
meilleure indication dlel'intention réelledes auteurs du traité et, dèsque
l'on cherche à en préciserles termes, on doit se pencher de très prèssur
cet aspect des choses.

L'article31 de la convention de Vienne

19. Les considérations ci-dessus m'amènent donc à examiner le para-
graphe 3 b) de l'article 31 de la convention de Vienne au sujet duquel les
Parties ont présentél'une et l'autre des conclusions,a la fois dans leurs
écritureset dans leurs plaidoiries. La Namibie soutient que cettedisposi- N LEDE KASIKILI/SEDU (DP. DISS.WEERAMANTRY) 1159

tion vise «toute pratique ultérieurement suivie...par laquelle est établi
l'accord (understanding) des parties à l'égard de l'interprétation du
traité^^et que cette pratique ultérieure s'étendpar conséquentau silence
ou à l'inaction.
20. Le Botswana s'est opposé à cette thèse4, soutenant que la Cour
devrait user de prudence à I'égardde cette suggestion et qu'il nefaudrait
pas de cette manièrediluer le sens du terme ((accord)) («ugreement»). Le
Botswana dit en outre:

((En l'espèce,I'irriportant est que les actes censésconstituer des actes
pertinents de juridiction par la Namibie devraient constituer une

source indépendante de souveraineté, fondéepar conséquent sur la
prescription.'

21. Cette conclusion ne correspond pas avec celle de la Namibie qui
dit s'appuyer sur ces moyens de preuve à une double fin. Etablir un titre
de souverainetépar prescription grâce à ces élémentsde preuve ne cons-
tituait que l'une de ces fins.
La seconde de ces tins, à laquelle je consacre l'essentiel de la présente
opinion, est la question de savoir si lesilence ou l'inaction du Botswana
et de ses prédécesseurs faceà une utilisation et une occupation régulière
de l'îlepar les Masubia donne la preuve que les Parties étaient d'accord

pour situer la frontière viséedans le traitédans le chenal sud et non pas
dans le chenal nord.
22. Comme la question à laquelle nous devons répondre consiste à
savoir où l'on situait le chenal principal il y a plus d'un siècleet que l'on
ne disposait pas alors de moyens de preuve scientifiques modernes, nous
devons nous en remettre à des indications de l'époquecontemporaine.
Les habitants des localitéssituéesau voisinage du fleuveainsi que les per-
sonnes chargéesd'administrer la zone comprenaient normalement beau-
coup mieux, à toutes finspratiques, quel chenal étaitcenséreprésenterle
chenal principal. La conduite des fonctionnaires coloniaux, en particu-

lierà l'égarddes questions ayant traità la frontière, devrait nous donner
des indications précieusesquant à ce que les contemporains estimaient
êtrele chenalconstituimt la frontière. Il s'agit làd'une indication concrète
de la façon dont les Parties comprenaient le traité, indication qu'il est
impossible d'écarter ou d'ignorer. Il paraîtrait d'ailleurs étrange, sinon
irréaliste,de donner a.utraitéun sens qui ne soit pas compatible avec la
façon dont le traité était interprété à l'époque par les fonctionnaires
mêmesqui étaientchargésde l'appliquer.
23. J'accepte la conclusion de la Namibie quand celle-ci dit que le

terme «accord» («agreement ») figurant au paragraphe 3 6) de l'article
31 de la convention d'eVienne peut êtrelu au sens d'<(entente» (((under-

Contre-mémoire du Botswana, vol.. 84, par. 238.italiques sont de moi
CR 99/13. p. 57. LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISS. WEERAMANTRY) 1160

standing))) et peut par conséquent couvrir également le silence et I'inac-
tion. L'idée estconfortée non seulement par le droit généralde I'interpré-
tation de documents inais également par les travaux préparatoires de la

convention6.Au paragraphe 49 de son arrêt,la Cour, de même,souscrit
à l'idéeque l'accord des Parties sur le sens du traitéexplique pourquoi la
pratique ultérieure a tant d'importance.
24. Le terme ((agreement)) a étésubstitué au terme ((understanding))

qui figurait même encoredans l'avant-dernier projet de la Commission
du droit international., avec le souci d'aligner le texte anglais sur les textes
français, russe et espa,gno17.Dans la convention, le terme anglais ((agree-
ment» a un sens analogue à celui du terme français «accord» ou du

terme espagnol «acuerdo», et n'exclut par conséquent pas une entente
(understanding) qui ne prendrait pas nécessairementla forme d'un accord
verbal8. Comme l'a dit sir Humphrey Waldock:

((La Commission a intentionnellement employé le mot «under-
standing))(entente) au lieu du mot ((agreement ))(accord) pour indi-
quer que l'assentiment d'une partie à l'interprétation d'un traitépeut
êtredéduit de la réaction ou de l'absence de réaction de cette partie

à l'égardde la pratique. )19

Dans les versions française et espagnole figuraient les mots «accord» et
«acuerdo», qui, en soi, n'ont pas nécessairement le sens d'un accord
(agreementj formellement exprimé comme tello. Il ne faut donc pas

interpréter le terme ((agreement)) figurant au paragraphe 3 bj de l'article
3 1de la convention comme étantlimité a un accord verbal. Le terme peut
s'étendre à une entente (understandingj se manifestant par un compor-

tement.
25. Ce dont ilfaut tenir compte dans le contexte, c'est de ((toute pratique
ultérieurement suiviedans l'application du traité par laquelle est établi

Voir ce que dit le rapporteur spécialquand il étudieles observations des gouverne-
ments sur le projet de la Commission du droit international. en 1964:la CD1 voulait que
la pratique ultérieurementsuivie manifestant une ((entente commun(«c,ornnionunder-
stunding))) représente((une interprétation authentique comparaàlun accord interpré-
tatif)) (The Vienna Conveiztion on the LUIVof Treaties. travaux préparatoires, Dietrich
Rauschning. dir. de publ.. 1978,p. 247. par. 18).
' Voir Do<,urnentsofficil:l.sde lu conf6rencc~des Nations Unics sur.le droit des truit6s.
prernitre srssioii. 26 mars-24 mai 1968, 1969.p. 480, par. 29.
D'ailleurs, les délégationsanglophones se satisfaisaient du terme «understanding».
C'est ainsique l'Australie et les Etats-Unis avaient présentéun amendement qui, tout en
conservant le terme «unclerstanding)) visaàt le faire précéderdu terme «cornmon »
(Documents officiels de la conférencedes Nutions Unies sur le droit des traités, supra,
p. 481. par. 32).
H. Waldock, doc. AlCN.41186et Add. 1-7.((Sixièmerapport sur le droit des traités)),
Annuuire de la Comrnissio.vdu droit internutionul, 1966,vol. II, p. 107.
'OVoir Le Grund Robert de lu lungue françai.~e, 1992, qui définitl'«accord» comme
l'«étatqui résulted'une conformitéou d'une communauté de sentiments, de pensées.de
volontés»; Maria Moliner. Diccionario de uso clel espatîol, 1988, définit I'«acu>)do
comme une ((c,onfirn~idudde p(rrec,erescwtre dos o tnus personas)). ÎLE DE KAISIKILI/SEDU (OPUDISS.WEERAMANTRY) 1161

l'accord (understanding)desparties àl'égarddel'interprétationdu traité)) Il.
J'évoquerai aussi l'arbitragerelatif au canal de Beagleà l'occasionduquel le
tribunal d'arbitrage a lait observer ceci

«Le tribunal ne peut pas accepter la thèse suivant laquelle la
conduite ultérieuire,y compris des actes dejuridiction, ne peut avoir
de valeur probante en tant que moyen subsidiaire d'interprétation à

moins de représenter un «accord » (((agreement») formellement
prononcé ou reconnu par les parties. Les dispositions de la conven-
tion de Vienne ne précisent pas les modalités suivant lesquelles
l'accord (agreement) peut semanifester. » '*[Traduction du Greffe.]

L'abondante jurispi-udence de la Cour actuelle au sujet de la pratique
ultérieure" montre égalementque «la façon dont les parties se sont com-
portéesdans la pratique par rapport au traité donne des preuves légitimes

de la bonne interprétation qu'il faut lui donner)) l4[traduction du Greffe].
26. Aux fins de la présente instance, les termes «tout accord ulté-
rieur)) visent, me semble-t-il, tout consensus ou entente (« common under-
standing)))sur la façon dont il faut considérerles termes en question. Le
terme ((accord » («agreement») n'est pas limitéici à un accord ultérieur
au sens d'un nouvel agreement verbal qui se surimposerait à l'accord ini-
tial.Il peut s'agir aussi d'un consensus (consensus) ou d'une entente

(common understandl;ng), se manifestant par la conduite, portant sur
l'interprétation ou I'alpplicationdu traité. Cette conduite peut prendre la
forme de l'action ou de l'inaction, d'une affirmation ou du silence. Je
souscris à la thèsede la Namibie à ce sujet et je ne pense pas qu'elle dilue
le sens du terme «accord» (((agreement))) comme le soutient le
Botswana.
27. Autrement dit, nous sommes en présencenon pas d'une variante

du traitéétabliepar iin autre accord (agreement), mais d'un consensus
ou d'une entente (cornmon understanding) entre les Parties (se manifes-
tant par la conduite, laquelle s'étend à l'action ou à l'inaction) sur la
façon dont les termes utilisésdans le traitéont étéinterprétéset ont reçu
une suite concrète. Comme le dit sir Gerald Fitzmaurice:

«la conduite constitue généralement uneindication plus fiable quant
aux intentions et au but que tout ce que l'on pourra trouver, par

Ian M. Sinclair, The Vienna Convention un the Law of Treaties, 1973. ;.les
italiques sont de moi.
l2Affaire concernant un différend entre l'Argentine et le Chili au sujet du canal de
Beagle (1977). Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales, vol. XXI, p. 187,par. 169.

'3Voir. par exemple, D4troit de Corfou, C.I.J. Recueil 1949, p. 25; Temple de Préuh
Vihéar. C.I.J. Recueil 1962, p. 33;Sud-Ouest africain. C.I.J. Recueil 1971, p; 22
Activitt's militaires et purumilitaires au Nicarapa et contre celui-ci, C.I.J. Recueil 1984,
p. 408-413.
l4Sir Gerald Fitzmaurice. The Law and Procedure of the International Court of Jus-
tice. vol. 1, 1986,p. 357. LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISS. WEERAMANTRY) 1162

exemple, dans les travaux préparatoires du traité, tout simplement
parce qu'elle rev'êu t ne forme concrète et active et non pas simple-

ment une forme verbale ou é~rite»~~truduction du Greffe].

En outre, ((l'autoritéde [ce]principe est incontestable, en tant que prin-
cipe indépendant qu'il peut 2tre non seulement légitime mais indispen-

sable d'appliqirr~rdans les circonstances voulues» Ih.
Contrairement à ce que le Botswana donne à entendre1', cette
approche ne revient pas à tenter de s'écarter du texte du traité, elle
consiste plutôt à tenter de faire appel à la conduite des parties pour

comprendre les dispositions concrètes du traité.
28. Je souligne bien entendu qu'il n'est possible de faire appel à la pra-
tique ultérieure pour savoir comment les contemporains comprenaient le
traitéque si le sens ordinaire des termes utilisésdans ledit traité n'est pas

suffisamment clair - comme tel est si manifestement le casen la présente
espèce. Des termes aussi lourdement chargés d'ambiguïtéque ceux qui
sont examinésici exigent de recourir à des moyens d'interprétation sup-
plémentaires et. parmi ces moyens, l'interprétation commune (understarz-

ding) des contemporains figure au premier rang.
29. Nous ne sommiespas en train ici d'interpréter ou d'appliquer une
notion juridique, auquel cas les principes intertemporels pourraient par-
fois revêtirle sens que la notion a au moment de l'interprétation. Nous

étudions plutôt ici urie question de fait, qui est de savoir celui des deux
chenaux dont les Parties estimaient ù l'époque qu'ilétait le chenal prin-
cipal. Ce principe de la contemporanéitéest un des principes importants
de l'interprétation des traités IX,et, à mon sens, ce n'est pas bien l'appli-
quer que de prendre en considération, comme la Cour l'a fait, l'attitude

qu'adoptent les Parties plus de cinquante ans après, quand les circons-
tances, politiques notamment, peuvent trèsbien avoir modifiéla politique
suivie en matière administrative par rapport à celle qui a manifestement
étésuivie pendant le demi-sièclesuivant immédiatement la conclusion du

traité.
30. Les administrations coloniales étaient tout particulièrement
sensibles, pendant la périodedes rivalitéscoloniales, aux incursions opérées
sur leur territoire à partir du territoire d'une autre puissance coloniale.

Et ce devait êtretout particulièrement le cas à l'époque où deux de ces
puissances concluaiei~t un traité définissant leurs zones respectives. A
l'époque, l'autorité chargéede l'administration dans les régions fronta-
lières, mêmesi elle était peu nombreuse sur le terrain, devait être parti-

culièrement vigilante et s'intéresser à toute utilisation et occupation du
territoire contraire à la façon dont les contemporains interprétaient les
définitions du traité. S'il y avait effectivement des cas d'utilisation et

l5 Fitzmaurice. op. cip. 357.
IhIbitl.. p. 359: les italiques sont de moi.
l8CFitzrnaurice, op. cit., p. 359. 1.p.85. par. 240. LE DE KASIKILI/SEDU (DP. DISS.WEERAMANTRY) 1163

d'occupation et que ces cas soient, comme en l'espèce,patents, les admi-
nistrateurs manifesteraient, bien entendu, leur inquiétude.Si,au contraire,
lesadministrateurs oni:connaissanced'actes significatifstémoignant d'une
certaine interprétation du traité etne prennent aucune mesure procédant
d'une interprétation différente, il faut normalement déduire de pareille
conduite que ces actes d'utilisation et d'occupation étaient compatibles
avec l'interprétation dlutraitéqui avait coursà l'époquecontemporaine
chez les administrateurs coloniaux.

Les signes d'occupaiion

31. L'utilisation et l'occupation du territoire par les habitants de la
bande de Caprivi doivent êtreétudiéessous l'angle des caractéristiques
géographiques particulières de la région et des modes d'utilisation et
d'occupation par l'homme de ce type de territoire à l'époquecontem-
poraine du traité.
Nous ne devons pas rechercher des signes d'occupation sous forme de
maisons d'habitation permanente, d'agriculture organisée, de lieux de

sépultureou d'écoles,car la nature même du terrain empêchaitI'habita-
tion permanente sous la forme propre à la jurisprudence età la tradition
occidentales. Il yvait tout au plus occupation temporaire dans des cases
improviséesde temps à autre, comme les pluies et le climat le permet-
taient. Les sortes de cases de piséqui pouvaient exister disparaissaient
lors des inondations, car elles n'étaient pas construitespour I'occupation
permanente. Même les parcelles agricoles devaient êtreau mieux consa-
créesa des cultures de fortune par rapport aux cultures permanentes aux-
quelles nos sociétésont habituées. Demême,lesphotographies aériennes
ne font pas apparaître les modes organisésde culture dont nous avons

l'habitude sur des terres consacréesà l'agriculture.
C'est ce type de facteurs qu'il faut prendre en considération pour éva-
luer les indications que nous pouvons tirer de I'occupation de'îlepar les
Masubia quand, tous les ans, les inondations s'interrompent.
32. Les inondations mises a part, I'occupation du territoire par les
Masubia peut trèsbien avoir manqué de régularité, commeil en est d'une
sociétéqui ne suit pas le mêmerythme habituel tous les ans. Il faut par
conséquent renoncer à aborder, en I'espèce,la situation avec des notions
d'occupation permanente, en l'absence de laquelle un territoire est censé
être inoccupé,voire res nullius, comme nous l'apprennent les principes

traditionnels du droit international. On se rappellece propos les obser-
vations des juges dans l'affaire duStutut juridique du Groënland orien-
tal", suivant lesquelles le tribunal se contente de fort peu de manifesta-
tions d'un exercicede droits souverains quand le territoire est faiblement
peupléou non occupépar des habitants à demeure, pourvu que l'autre
Etat en cause ne puisse faire valoir une prétention supérieure.

IyC.P.J.I. sc'rirrr53.p. 46. M L EE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISS . EERAMANTRY) 1164

L'importance [le l'utilisation et de I'occupution de I'îlepar les Musubiu

33. L'utilisation et l'occupation du territoire par les Masubia, pendant
les années qui ont immédiatement suivi la conclusion du traité, étaient-
elles une occupation simplement toléréepar une autorité extérieure quel-
conque, ou bien étaient-elles pratiquées parce que les occupants esti-
maient avoir le droit de pratiquer cette occupation sans demander
d'autorisation à une autorité extérieurequelconque?
Si la seconde hypothèse est la bonne, il faut présumer qu'il s'agitd'une
occupation licite au regard de 1'Etat dont les Masubia étaient les sujets
plutôt qu'au regard de n'importe quel autre Etat prétendant exercer sa
souveraineté sur le territoire.
34. Cette approche est peut-êtrelimitée,car les actes d'occupation des
Masubia de la bande de Caprivi n'étaient pas des actes souverains, et
pourtant l'avantage juridique qu'il est possible de tirer de ces actes

conforte nécessairement leur autorité souveraine plutôt que n'importe
quelle autre autorité. Et cette conclusion s'imposed'autant plus siI'occu-
pation étaitorganisée,sous l'aval des chefs,et ne représentait pas simple-
ment quelques actes sporadiques d'occupation par des particuliers. En
fait, les élémentsde pireuveindiquent que les membres de la tribu éprou-
vaient beaucoup d'attachement affectif pour l'île qui était considérée
comme relevant de l'autorité des chefs et que ladite occupation faisait
partie intégrante des iraditions de la tribu.
35. La Namibie soutient que

«les Masubia du Caprivi avaient occupé et cultivéI'île de Kasikili
avant même la conclusiondu traité de 1890 jusque bien après le
milieu du siècleactuel et que les prédécesseurs entitre de la Namibie
avaient continuellement exercéleur juridiction sur la régionau vu et
au su di1Botswana et de ses prédécesseurset sans aucune opposition
ni protestation officiellede leur part jusqu'en1984»20.

Je pense qu'il n'y a pas de litige autour du fait que les Masubia ont
cultivé l'île jusqu'en 1947, avec les quelques solutions de continuité
imposéespar le climat. Je pense que les élémentsde preuve présentéséta-
blissent que, de 1890 à 1947, la culture de I'île,pendant les périodesou
celle-ci n'étaitpas inondée, était systématique.

36. Les puissances coloniales étaient étroitement tributaires deI'auto-
ritédes chefs sur le plan local de sorte que les revendications et les déci-
sions des chefs ne leur étaientpas indifférentes.
Que devons-nous en déduire?
Il ne s'est peut-être pasagi de l'occupation pratiquée par un gouver-
nement souverain, comme cela doit êtrele cas pour pouvoir acquérir un
titre par prescription contraire, encore quel'on puisse presque adhérer à
pareille interprétation. Mais il s'agissait d'une occupation du terrain dont

"'Contre-mémoire de la Namibie, v1,p. 40, par. 83. LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISSW. EERAMANTRY) 1165

l'administration des deux côtés n'était pasinconsciente. Si cette occupa-
tion transgressait le traité de 1890, on aurait pu s'attendrea ce que le

Gouvernement botswa,nais ou bien ses prédécesseursprotestent officiel-
lement, ou tout au moins fassent savoir que les Masubia étaientsimple-
ment tolérés.Or, rien n'indique que le Botswana ait agi en ce sens.

Comment les contemporains interprètentle fraitéainsi que le montre
la conduite des Parties

37. Aux fins d'appréciercomment les Parties interprètent le traité,je
vais à présentexaminer les élémentsde fait présentés à la Cour au sujet
de la conduite officielledes deux administrations. Ce faisant, je souligne
que ce qui est le plus important du point de vue de la question juridique
que j'étudie, c'est l'accord ce sujet des deux administrations (common
understanding) pendant lesannées quiont suiviimmédiatementla conclu-
sion du traité et noniispendant lespériodesqui se situent un demi-siècle

ou davantage après ladite conclusion.
38. Les changements intervenus plus tard dans les positions officielles,
par exemple en 1947 ou plus tard encore, ne renseignent pas beaucoup
sur la façon dont lesParties interprétaient le traiàél'époqueou il a été
conclu ou bien peu (le temps ensuite. De nouvelles orientations poli-
tiques, et aussi des modifications de la configuration du pouvoir politique
sont sans doute intervenues un demi-siècle plustard ou davantage après
la conclusion du traitk, étant donnéla façon dont la région s'estradica-
lement transformée. C'est pourquoi je ne conclus pas comme le fait la
Cour que les événementsqui se sont déroulésentre 1947 et 1951 et
d'ailleurs par la suite aussi sont révélateursde l'absence'accord21.

Preuves del'entente (common understanding)

39. Compte tenu de la nature de l'occupation de l'îlepar les Masubia,
comme nous l'avons vu plus haut, j'expose succinctement ci-aprèsce que
l'on peut déduire des élémentsqui nous ont étéprésentésen ce qui
concerne l'entente (cnmmon zmderstanding) relative àl'interprétation du
traitédans les années quiont immédiatementsuivi sa conclusion. Je com-
mence par certaines des constatations que la Cour énonce au para-
graphe 62 de l'arrêt.

- Jusqu'en 1947,aucune divergence de vues n'avait surgi entre, d'une
part, la puissance administrant la bande de Caprivi et, d'autre part, le
Bechuanaland au sujet de la frontière dans la régionde l'îlede Kasi-
kililsedudu.
- Il semble que, compte tenu des cartes alors disponibles, la frontière
était jusquela supposéese situer dans le chenal sud du Chobe.

21Arrêtp,ar. 63- En 1948, un administrateur local du Caprivi et un administrateur
local du Bechuanaland seront parvenus à la conclusion conjointe que
le chenal principal était le chenal nord mais, en mêmetemps, ils ont
tous les deux constate que l'îleétaitcultivéedepuis 1907au moins par

des membres de tribu de la bande de Caprivi sans objection des auto-
ritésdu Bechuana'land et que cette situation perdurait.
- C'est ensuite que les autorités supérieuresdu Bechuanaland ont consi-
déré,après avoir consulté Londres, que la frontière se situait dans le

chenal nord.

Il est difficile de se servir de cette action ultérieure qui a lieu près de
soixante ans après la date de la conclusion du traité pour nous aider à
établir comment les Parties interprétaient le traité,d'autant que leur com-
portement antérieur est révélateur d'uneautre interprétation.

40. Il faut égalemeinttenir compte des éléments ci-après

l'utilisation et'oc~rupationde I'îlepar les Masubia étaientaussi inten-
sives que le permettaient le sol et le climat;
cette exploitation et cette occupation par les Masubia se tradui-
saient mêmepar la présence d'un chef, d'une communauté de vil-

lage bien organisée et d'une école,élémentsfort importants quand
nous songeons que cette occupation n'a jamais été contestéepar
une administraticin dont les successeurs prétendent qu'il s'agissait
de leur territoire, mais n'ont pas soulevé d'objection contre
cette occupation jusque près de soixante ans après la conclusion

du traité;
l'un des premiers. actes à l'actif du premier résident impérial alle-
mand, Streitwolf, a étéde mettre en place le chef masubia Chikama-
tondo, et de lui confier la responsabilité de la région,à charge pour le

chef d'en répondre devant lui12;
plus tard, le chef masubia lui-même avécusur I'île et y a rendu la
justice.

Comme je l'ai déjàdit, quand le Botswana soutient que la thèse de la
((conduite ultérieure:+ est fondée sur la prescription acq~isitive~~,il ne

tient pas compte du fait qu'il s'agit enfait de deux thèses distinctes. Les
élémentsqui éclairentcomment le traité était interprété A l'époquede sa
conclusion peuvent êtreexaminéstout à fait à part du rôle qui peut leur
être imputé enfaveur de la prescription acquisitive.
41. C'est pourquoi il existe suffisamment d'éléments permettant de

conclure à une entente des Parties au traitéau sujet de l'interprétation de
celui-ci, entente dont témoigne leur pratique pendant près d'un demi-
siècle, laquelle établit que lesdites Parties considéraient la limite sud
du fleuve Chobe conime son chenal principal.

2' Mémoirede la Namibie, vol.1.p. 9, par. 28.
?' Répliquedu Botswana, vol. 1,p. 55, par. 157 LE DE KASIIKILI~SEDUDU(OP. DISSW. EERAMANTRY) 1167

Les thèses contraires

42. Le Botswana prksente certains faits qui, d'aprèslui, témoignentde
la non-reconnaissance de la souveraineté dela Namibie: il convient a pré-
sent d'examiner ces faits.

a) Le rapporf Eason, 1912

43. Le Botswana s'appuie beaucoup sur le rapport dans lequel le capi-
taine Eason déclarequ'«incontestablement, ..le chenal nord devrait être
considéré commele chenal principal)). A cette date-là, par conséquent,la

question précisequi esl:actuellement la question litigieuse ajustementté
portée à l'attention de:sautorités officielles,assortie d'une recommanda-
tion catégorique aux fins d'une revendication formelle. Nous sommes en
droit de penser que cette affirmation aura été officiellement prise en
considération. Mais aucune revendication n'a été formuléeN . ous pou-
vons raisonnablement en déduire que les autorités supérieuresont exa-
minécette recommanclation et ont décidéaprès réflexionde ne pas lui
donner suite.
Voilà qui revient à confirmer la position de la Namibie plutôt qu'à la
récuser. Enoutre, les instructions données à Eason par le lieutenant-co-
lonel Panzera, lecomnlissaire résidentau Bechuanaland, révèlentque les
autoritésdu Bechuanaland étudiaient en fait la question et cherchaient a

déterminer où se situait le chenal principal. Cela renforce la conclusion
ci-dessus,à savoir que les autorités ont formellement décidéde ne pas
donner suite aux constatations de Eason, c'est-à-dire qu'ellesont admi-
nistrativement rejetéla recommandation formulée, visant à prétendreque
le chenal nord était le chenal principal.
Le colonel Panzera ildit, dans ses instructions a Eason, qu'on ne pou-
vait résoudrela question à l'étude qu'en suivantle chenal le plus profond
dans lequel le courant est le plus fort et que la largeur du chenal n'était
pas en cause. Les obseirvationsque Eason a faites pendant la saison sèche
ne peuvent guèreêtre conformes à ces directives, car, pendant la saison
sèche, le courant est pratiquement inexistant dans les deux chenaux.
D'ailleurs, lesbservaitions de Eason ont été faitesà la fin d'une période

de sécheresse exceptioilnelle couvrant les douze mois précédent^^^.

b) L'arrangement Trollope-Dickinson, 1951

44. Nous nous trouvons ici à plus de soixante ans après la conclusion
du traité, et ledit arrangement est donc moins révélateurde I'interpréta-
tion du traitéqui avaii:coursà l'époquecontemporaine que des éléments
puisés dans l'histoire plus proche de la conclusion du traité. J'étudie
néanmoinscet arrangement parce que le Botswana lui accorde beaucoup
d'importance.

24Mémoiredu Botswana, vol. III, annexe 15. p. 226, par. 2. LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISS. WEERAMANTRY) 1168

Dans son mémoire,le Botswana, en effet, se fie beaucoup à ce qu'on
appelle un ((rapport conjoint)) du major Trollope, le magistrat sud-afri-
cain chargéde l'administration du Caprivi oriental, et Noel Redman, le
commissaire de district du protectorat du Bechuanaland. Il est dit dans ce
rapport, lequel ne motive pas les conclusions énoncées,que le chenal
principal se situe dans la voie d'eau qui engloberait l'îleen question dans
le protectorat du Bechuanaland.
Pourtant, comme c'étaitdéjàlecas avec le rapport Eason, certaines cir-

constances ôtent a l'opinion des auteurs du rapport une bonne partie de
son poids.
i) Après réceptionde ce rapport conjoint, les deux gouvernements ne

règlent pas pour autant la question en suspens, mais les deux inté-
ressés «admett[ent] ne pas êtredu même avissur le problème juri-
dique relatif à l'île de Kasikili~~~.11n'est donc réaliséaucun pro-
grèspar rapport a la situation antérieure.
ii)Trollope lui-mêmesoulignait que l'utilisation et l'occupation de I'île
indiquaient que I'îlefaisait partie de la bande de Caprivi26.
iii) Les conseillersjuridiques du protectorat du Bechuanaland ont, sem-
ble-t-il, tenu pouracquis que l'îlen'avait jamais étéconsidérée comme

une partie du protectorat du Bechuanaland et par conséquentserait
((réputéene pas êtreincluse et n'a[yant] jamais étéincluse dans le
protectorat [du Be~:huanaIand]»~'.On ne peut guèrerejeter de façon
plus catégorique la,position défenduepar le Botswana.
iv) Le rapport laisse délibérémens tans réponse la question de savoir
quelle incidence le fait que I'îleest utiliséepar les membres des tribus
du Caprivi depuis 1907peut avoir sur la propriétéde I'île.

c) Les discussions de 1984-1986a lu suite de l'incident du 24 octobre
1984 ou dcs coups defeu ont été tirés

45. Je n'ai guère be:soind'examiner ces entretiens car ils se déroulent
quasiment un siècleaprès la conclusion du traité et ne peuvent guère
éclairercomment le traité était interprété à l'époquede sa conclusion.

46. Finalement, il semble que les tribus du Caprivi aient depuis fort
longtemps cultivéI'îlede Kasikili/Sedudu sans que les autorités des pos-
sessionsbritanniques situéesau sud aientjamais officiellementprotesténi
affirméleurs droits. LI:droit de ces tribus du Caprivi d'utiliser I'îlen'a
jamais étécontesté, non seulement par les autorités du Bechuanaland,
mais encore par les tribus du Bechuanaland elles-mêmes - ainsi que le

'5Contre-mémoire de la Namibie, vol. IV, annexe 71, par. 7a]. Cette conclusion
découle de la correspondaince entre Trollope et Dickinson, le successeur de Redman.
lesquels ont conclu un gerirlemen'sagreement dans lequel ils ont ensemble décidéde
laisser toute la question retomber dans l(ihidp.r. 8 et annexe 73, par. 4).
lh Contre-mémoirede la Namibie. vo1,p. 47, par. 104.
" Mémoiredi1Botswana, vol. III, annexe 28, par;contre-mémoirede la Namibie,
vol.1,p. 48. par. 104. S LDE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISS. WEERAMANTRY) 1169

relevait le secrétairehargédes affaires extérieuresd'Afrique du Sud dans
la réponse qu'il adressait le 14 février 1949 au secrétaire administratif
auprès du haut commissaire pour le BechuanalandZ8.
47. L'accord (understanding) sur le fait que I'îlene faisait pas partie
du territoire botswanais semble avoir étési profondément ancréqu'il a
continué de s'imposer pendant les annéesqui ont suivi immédiatement
l'accession à l'indépendancedu Botswana. Nous disposons d'un témoi-
gnage important à cet égardavec la décisiond'un magistrat botswanais

qui, en 1972 (soit six ans après l'indépendancedu Botswana) a acquitté
trois hommes des tribus du Caprivi qui avaient étéarrêtéssur I'île de
Kasikili par des gardes-chasse du parc national du Chobe et détenus a
Kasane pendant cinq jours. D'aprèsles dépositionssous serment présen-
téespar la Namibie, le magistrat a critiquéles gardes-chasse pour avoir
arrêtéces hommes sur territoire caprivien2'.
48. Le Botswana nie l'incident,déclarantqu'il repose exclusivementsur
lesdéclarationssous seinnentdes personnes accusées.Quoi qu'il en soit,on

a confirmation qu'un incident de cette nature s'estproduit avecle fait qu'en
1973,l'Afrique du Sud a envoyé unenote de protestation au présidentdu
Botswana parce que des fonctionnaires botswanais armés avaient pénétré
sur ce que l'Afriquedu Sud appelait «le territoire du Caprivi oriental^^^,et
avec le fait en outre que le Botswana n'a pas répondu à cette communica-
tion alors que l'Afrique du Sud procédait pourtant a une enquête sur
place3'. La question avait donc reçu une suite administrative officielle

puisque l'Afriquedu Sud adressait une note au présidentdu Botswana, et
le Gouvernement botsvvanaisn'a vas affirméses droits à cette occasion.
Nous sommes très loin ici de la réactionjudiciaire etlou gouvernemen-
tale que nous aurions constatée si la position officielleau Botswana avait
étéque le territoire en cause étaitbotswanais.
49. Ces faits suffisent à montrer où l'on situait officiellementle chenal
principal pendant toute la périodeallant d'une date relativement proche de
la conclusion du traité a une date se situant mêmeaprès l'indépendance.

Ce qu'il faut tout particulièrement relever dans cet ensemble de prises
de position officielles, c'estque les Masubia, pendant près d'un demi-
siècle, sesont trèsouvertement rendus sur l'îlepour l'habiter et la cultiver
dèsque lesconditions irlimatiquesle permettaient et qu'ilétaitpossible de
traverser le fleuve. LesMasubia agissaient ainsi sans qu'aucune autorité
extérieureait reconnu leur titre, parce que cela faisait partie de leur mode
de vie traditionnel. Le fait étaitparfaitement connu dans la région,et cer-
tainement connu en particulier des administrateurs qui en avaient offi-

ciellement la charge.

28Mémoire de la Namibie, vol.IV,annexe ;relevéégalementdans l'arrêtde la Cour,
au paragraphe 59.
29Contre-mémoirede la Namibie, vol. II, annexe 24; contre-mémoire dela Namibie,
vol.1. p42-44, par. 87-90.
31Ibida.nnexe 27.e la Namibie, vol. II, annexe 26. ÎLE DE KASIKILI/SEDUDU (OP. DISS. WEERAMANTRY) 1170

50. Sur cette toile d.e fond, il est bien difficile de concilier l'absence
d'opposition de la part d'une autorité étatique revendiquant le territoire
et une interprétation du traité ne situant pas l'île dans le territoire rele-
vant de la Namibie - c'est-à-dire qu'il faut présupposer que, des deux
côtés, on acceptait l'idéeque le ((chenal principal)) était, aux fins du
traité, le chenal sud.

Bref, quand on cherche à comprendre une expression utilisée dans le
traité qui est susceptible de recevoir deux interprétations, tous ces com-
portements indiquent d.efaçon quasi déterminante la façon dont les auto-
rités des deux côtésde la frontière comprenaient et interprétaient l'accord.
Cette façon de comprendre et d'interpréter l'accord indique clairement
que l'île était censée,sans la moindre objection ni prétention contraire,

faire partie de la bande de Caprivi.
51. Je souligne à nouveau que je me sers des éléments présentés au
sujet de l'utilisation, de l'occupation de l'île et de I'absence de protesta-
tion de la part de l'autorité étatique rivale exclusivement pour m'aider à
comprendre les dispositions du traité, parce que celui-ci est empreint

d'une ambiguïté qu'il faut lever. Je ne me sers pas de ces élémentspour
établir un titre de souveraineté par prescription. Je tiens à souligner tout
particulièrement qu'il ne s'agit pas d'élémentsautorisant à mod@er les
dispositions du traité. 1is'agit exclusivement d'élémentsà partir desquels
il est possible d'interp,l.éteret de mieux comprendre les dispositions du
traité.

La Namibie soutienit par ailleurs, quant a elle, que ces élémentscons-
tituent un titre indépendant de souveraineté sur l'île sous l'effet de
l'acquiescement, de la 1-econnaissanceet de la prescription mais, pour ma
part, ainsi que je l'ai expliquéplus haut, je n'ai pas lieu d'examiner cette
thèse.

L'umbivalence des autres critères

52. Plusieurs critère:sont été présentéasu cours du débat qui permet-
traient de déterminer le chenal principal. Il s'agit en particulier de la navi-
gabilité,de la notion de thalweg, de la profondeur moyenne la plus forte,

de la profondeur à l'endroit le moins profond, du plus grand volume
d'eau, et du débit.
Je formulerai à ce sujet quelques observations.

La navigabilité en tant que critèred'interprétationdu ((chenalprincipal))

53. Certains arguments solides permettent, semble-t-il, de dire qu'en ce
qui concerne le fleuve à l'étude, c'est-à-direle fleuve Chobe, la navigabi-
lité n'est pasun critère valable quand il faut établir où se situe son chenal
principal.
II faut se rappeler qu'à l'époque en question, il n'existait pas de
méthode uniforme de 'désignerou de comprendre les frontières fluviales.

Par exemple, comme la Namibie le signale dans son contre-mémoire, ontrouvait dans les traitéssituant en Afrique des frontières dans des fleuves,
toute une série d'expre:ssions:

1884 - «en remontant le cours du Limpopo...)),
1891 - «le centre du chenal de la [rivière]RUOP,
«suit le milieuidu chenal de cette rivière[Aroangwa])),
«le centre du chenal principal du Sabi)),
1898 - ((la ligne médianedu fleuve [Niger])),

1899 - «le centre de la rivièreRuo vers l'amont)),
((suit la rivièreMalosa vers l'amont)),
1911 - «la ligne du thalweg de ces rivières [desrivièresRuo et Shiré])),
1912 - «le centre du chenal du fleuve Gaeresi)),
1926 -- «la ligne médianedela Kunene, c'est-à-dire la ligne équidistante
des deux rives »32.

Certains de ces fleuvesétaientnavigables, d'autres non. Le Chobe était
pour l'essentiel non navigable. Il n'existait pas de règle fixed'interpréta-

tion permettant d'apprécier lanavigabilité au moyen de ces diverses
expressions. Se servir de la navigabilitéen tant que critère applicable sans
discrimination a tous les fleuvesfrontières,que le fleuvesoit navigable ou
non, ne paraît donc p,asvalable.
54. 11faut se souvenir ici que l'empire colonial allemand voulait avoir
accès au Zambèze. C'était un principe chez toutes les puissances colo-

niales de vouloir exercer la plus grande libertéde mouvement possible, à
destination de leurs territoires, en provenance de ces territoires et à
l'intérieurdes territoires également. Mais il s'agissait à l'époque d'une
notion plutôt abstraite, puisque le Zambèze n'étaitpas navigable, tout au
moins à proximité de son confluent avec le Chobe, et que la naviga-
bilitédu Chobe sur toute sa longueur et pour la plus grande partie de

l'année n'étaip t as même envisageable.
55. En outre, utiliser la navigabilitécomme critère ne répond pas au
principe suivant lequel il faut donner aux termes utilisésleur sens ordi-
naire. Je ne donnerai par conséquent pas aux termes «le chenal princi-
pal» un sens qui relèvede la notion de navigabilité,car ce n'était certai-
nement pas le sens auquel les auteurs du traitésongeaient en premier.

56. En ce qui concerne la navigation, il faut relever que, jusqu'en 1914
même,toute la circulation qui avait lieu sur le Chobe était assuréepar des
pirogues ou rnekoro,et que mêmelesadministrateurs coloniaux ne se ser-
vaient pas de meilleilres embarcations3'. En outre, il n'existe aucune
preuve d'une navigation commerciale régulière à horaires fixesà l'époque
de la conclusion du traité34.Et il faut attendre les années quarante

pour que soit inaugurée l'entreprise de transport de bois d'Œuvre de

32Contre-mémoirede la Namibie. vol.1,p. 26-27, par. 57, où sont cités des exemples
tirésde l'ouvrage de Ian Brownlie. Africun Boundurius: u Lrpal und Dinlomutic Encv-
clI3Révonsedu Botswana à la auestion no I de M. Fleischhauer. LE DE KASIKILI/SEDU DP. DISS.WEERAMANTRP') 1172

W. C. Ker, dont on a Lantparlé,pour avoir une première tentative d'utili-

sation du Chobe comme moyen de transport. Mais on n'est pas certain
que Ker ait en faitraiment organiséce serviceet la Namibie, en répondant
a une question du pré,sidentSchwebel, a déclaré ne pasavoir pu trou-
ver de preuve que W. C. Ker ait jamais en fait transporté du bois
d'Œuvrepar le chenal nord.
57. Voila pourquoi on ne peut donc pas accorder a la navigation
l'importance d'un critè,red'appréciation.Je prends note aussià cet égard
de la réponse faite par la Namibie a M. Fleischhauer: la Namibie dit
n'avoir pas trouvé une seule mention d'un bateau de quelque type que ce

soit qui, a un moment ou a un autre de l'histoire à ce jour, ait jamais
empruntéle Clhobesurtoute la longueur qui délimitela frontiéreentre la
Namibie et le Botswana.
La possibilitéde recourir à la navigabilitépour détermineroù se situe
le chenal principal du fleuve est donc limitée.

La notion de thalweg

58. On a beaucoup discuté devant la Cour de I'applicabilité de la
notion de thalweg a la présente instance.Pour le Botswana, le thalweg est
l'un des critères permettant d'identifier le chenal principal, le thalweg
étantdéfinicomme éta~n«tle chenal qui se prêtele mieux a la navigation
des bateaux qui descendent un cours d'eau en période d'étiage»35.

Cette thèsemet en évidencela question de savoir si le terme étaitutilisé
dans le traitéde 1890comme synonyme de {(centredu chenal principalfi,
ou bien s'ilrevêtaituri sens indépendant. Pour moi, le terme «thalweg»
utilisédans le traité ne revêtaiten l'occurrence aucun sens technique,
mais, quand bien mêmeil en auraiteu un, ce sens aurait jouéen faveur de
la Namibie.

a) ApplicabilitGde la notion

59. S'ilfaut recourir a la notion de thalweg pour interpréter un traité
conclu en 1890,il faut avant tout s'assurer que les aspects techniques du
concept étaient généralemenrteconnus a l'époque.On ne peut pas se ser-
vir de notions complexes mises au point ultérieurement pour interpréter
un traitéconclu il y a plus d'un siècle.

Dans ses écritures,liaNamibie cite 47 auteurs de renom qui ont parlé
de la notion de thalweg entre 1820et 193036.Ces auteurs donnent toute
une gamme d'avis: le thalweg ne doit êtrela frontière quedans les fleuves
navigables; ce doit êtrela frontière dans tous les fleuves; la notion n'est

35Mémoire du Botswana, vol1,p. 89, par. 205, citant Julius Hatschek, Outline of
International Law, traduit par C. A. W. Manning, 1930, p. 130.
3hVoir contre-mémoire de la Namibie, vol. II, annexe 9. LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISS.WEERAMANTRY) 1173

pas du tout applicable; elle a le même sensque la ligne médiane;ce n'est
pas un principe généralementreconnu; ou bien c'est un principe qui
relèveencore de legeferenda. Et l'on trouve un écho de cette incertitude
dans lesactes de l'Institut de droit international, en 1887,quand De Mar-
tens, le rapporteur de la section consacrée aux voies d'eau internatio-

nales, n'a pas pris la notion en compte dans son projet car, disait-il,
«ce principe n'est pas généralementreconnu)) 37.
60. On peut déduirede tout ce qui précèdeque la notion de thalweg ne
représentait pas un principe assez largement accepté à l'époque pour
modifier le sens normal des termes utilisésdans le traité.
Quoi qu'il en soit, mêmesi cette notion de thalweg était censéeêtre

applicable, ses incidences ne joueraient pas nécessairement en faveurdu
Botswana, comme je vais le montrer ci-après.

b) Incidences de lu notion

61. Mêmesi leprincipe étaitapplicable, lesexperts sont trèsnombreux
à dire que la notion de thalweg porte non seulement sur la profondeur
mais aussi sur le débitou le courant du fleuve. Pour certains d'entre eux
d'ailleurs, lesconsidérationsde profondeur passent mêmeaprèsles consi-
dérations de débitou de courant.

D'après Westlake, par exemple, le thalweg est «la voie empruntée par
les bateaux qui descendent la rivière, c'est-à-dire, là encore, celle où le
courant est le plus fort» 38.
L. F. von Neumann, de même, définilte thalweg comme «la ligne sui-
vie par les navires descendant le fleuve,plus précisément le centre du cou-
rant descendant D'~.

D'autres experts qui sont publiés à peu près à la mêmeépoque sont
également à citer: Fiore, par exemple, parle de la ligne «ou les eaux sont
les plus profondes et les plus rapides»40 associant ainsi les notions de
profondeur et de courant.
62. Il n'est pas difficilede percevoir la raison pour laquelle il faut asso-
cier profondeur et courant dans la notion de thalweg, car la voie de la
«descente», son sens littéral,était pour les bateaux la voie du courant le

plus fort et non pas nécessairement la voie du chenal le plus profond.

37Annuaire de l'Institut de droit infernational (1887-1888),vol. IX, p. 173.
3*J. Westlake, International Law, première partie, Peace, 1904, p. 141. Westlake fait
observer qu'autrefois, les spécialistesconsidéraient que la ligne du milieu du fleuve était
biens fonciers, et que le thalweg aurait été proposépour la première foisau congrès des
Rastatt (1798-1799).
39L. F. von Neumann, Grundriss Des Hrutigen Europaischen Vdkerrechtes, 3' ed.,
1885, p. 45 [traduction du Greffe].
40Pasquale Fiore, Le Droit International, traduit de l'italien par A. Chrétien, 1890,
p. 205. Une édition ultérieuresouligne l'idéede débit carle thalweg est la ligne déterminée
par «la partie médianedu courant et précisémentsuivant le cours de l'eau qui se meut
avec le plus de rapidité* (édition de 1911. p. 503, traduction de C. Antoine). ~L.EDE KASIKILI/SEDU (OP. DISS.WEERAMANTRY) 1174

Bien entendu, la profondeur jouait également un rôle important dans
l'ensemble de facteurs d'où le courant le plus fort est issu.
63. 11faut aussi accorder de l'importance au fait que la ligne repré-
sentéeest la ligne de la ((descente)), c'est-à-dire celle des navires qui des-
cendent vers l'aval du fleuve, ceux qui ont besoin au plus haut point

d'exploiter le courant maximum. Par opposition, les navires qui se diri-
gent vers l'amont du fleuve doivent remonter le courant le plus faible -
conclusion que Westlake formule très clairement4'.
64. S'agissant des deux chenaux du Chobe, il est clair qu'il ne faut nul-
lement faire abstraction du chenal sud quand il est question d'exploiter le
fleuve à des fins de navigation. Les exploitants des fleuves savent parfai-
tement quel chenal il convient d'utiliser pour descendre le cours d'eau.

Or, le nombre de bateaux empruntant le chenal sud paraît êtretrès supé-
rieur au nombre de bateaux emuruntant le chenal nord. Les exuloitants
sont les mieux placéspour savoir quel est le chenal le plus rapide, et ce
n'est pas un hasard si les bateliers sont si nombreux à choisir le chenal
sud.
A en juger également par ce critère, le chenal sud devient alors un
excellent concurrent au rang de chenal principal du Chobe.

Il n'est pas indifférentnon plus de constater que, si les bateaux trans-
portant des touristes empruntent à peu prèsexclusivement le chenal sud,
certains des bateaux empruntent le chenal nord quand ils reviennent de
Kasane4* - ce qui indique que, dans ce chenal, le courant est lent et se
prête à la remontée du fleuve.
65. Il ne faut pas oublier non plus que la profondeur moyenne ne peut
pas êtrele seul critèrede navigabilité.Un fleuve trèsprofond le long d'un

chenal très étroit se prêterait fortmal à la navigation si les rives de ce
chenal profond sont trèsabruptes et que leur rebord est trèspeu profond
de part et d'autre du fosséétroit qui est particulièrement profond. Les
bateaux, notamment les bateaux à fond plat, ne pourraient pas emprun-
ter ce chenal, aussi profond qu'il soit. Comme le fait observer la Namibie
dans son contre-mémoire, «le passage par un chenal est fonction de son
point le moins profond, car toute embarcation doit pouvoir franchir ce

point pour traverser le
66. Des obstacles de cette nature empêchentd'utiliser librement le
chenal nord - en particulier la barre sablonneuse à l'entréedu chenal.
Par opposition, le chenal sud est sur toute sa longueur assez profond
pour accueillir les bateaux a fond plat qui l'empruntent toute l'année,
en toute saison. En outre. le chenal sud ne s'assèche uas comulètement
pendant la saison sèche, Si l'on tient compte des calLuls du Grofesseur

Alexanderu.

41Westlake, supra, p. 1;voir également contre-mémoire de la Namibie, p. 33, note
103.
43Ibid. par. 46. de la Namibie, vol.p. 19, par. 45.
44Ibid., p. 20, par. 47. Voir rapport supplémentaire, section 12. LE DE KASIKILI/SEDU DO. DISS.WEERAMANTRY) 1175

Les élémentsde preuve scientijiques

67. Si l'expression ((chenal principal)) avait étéutiliséedans un traité
contemporain et que nous devions en établir le sens authentique, des

moyens de preuve scientifiquessur la profondeur, par exemple, levolume,
la largeur, le débit nous aideraient considérablement. Mais le traité à
l'étude a plusde cent ans et mêmesi la profondeur, le volume, la largeur
et le débit sont demeurésles mêmesdans le temps, les critères scienti-
fiques modernes ne sont pas les instruments appropriés pour établir ce
qui représentait aux yeux de tous le chenal principal il y a cent ans.
J'ai par conséquent beaucoup de mal a formuler une conclusion défi-
nitive qui se fonde en l'espècesur des moyens de preuve scientifiques.
68. En premier lieu, le cas de figure est extrêmement complexe et,vu
dans son ensemble, fait appel a des avis opposésde la part d'experts éga-
lement fiables et compétentsdans les divers domaines a explorer. D'après
les donnéescommuniquéesa la Cour, il est possible de défendrede façon

plausible les deux thèses,ce qui ne manque pas de créerla perplexité en
dépitde tous les renseignements apportéspar les experts.
69. En deuxièmelieu,je doute beaucoup que le problème porté devant
la Cour puisse de toute façon ètre résolupar des moyens scientifiques.
Nous sommes confrontés a la question de savoir quel est le sens d'une
ex~ression utiliséeDarles Parties. et il faut établirce sens non isasà l'aide
de statistiques quantitatives concernant le volume, le débit, la profon-
deur, mais plutôt grâce à la façon dont les Parties comprenaient elles-
mêmesa l'époque-le langage apparemment simple qui est utilisédans
le traité.l s'agissait d'une interprétation non technique, qui n'était pas
tributaire d'un avis scientifique d'expert ni de données quantitatives
précises.

70. En troisième lieu, mêmes'ilétaitpossible d'utiliser des moyens de
preuve scientifiques, ce serait par des critères juridiques qu'il faudrait
déterminer quel aspect, le cas échéant,de la masse de donnéesscienti-
fiques présentées à la Cour devrait être déterminant.Or, il n'existe pas
de principes juridiques parfaitement définis à utiliser en l'occurrence
qui prendraient le pas sur les principes d'interprétation déjà examinés.
71. En quatrième lieu, il n'existe pas de principe précispermettant
d'établir un ordre de priorité parmi les divers critères scientifiques pro-
posés:le volume (c'est-à-dire l'importance du débit),la rapiditédu débit,
la profondeur moyenne, et la profondeur au point le plus proche de la
surface. Ce n'est pas un principe scientifiquemais des élémentsnon scien-
tifiques qui vont déterminer lechoix du critèredécisif.En outre, on abou-

tità des résultats différentsen fonction du critère retenu.

Les déments de preuve curtogruphiques

72. Les cartes des deux administrations étayent l'idéequ'a l'époque
qui suit la mise en vigueur du traité,on comprenait celui-cicomme ayant
pour effet que le bras du fleuve constituant la frontière était celui quisituait I'îleen territoire namibien. D'ailleurs, la Cour a constaté45que les
cartes publiéesaprès la conclusion du traité de 1890, lorsqu'elles figu-
raient la frontière, l'ont placéependant un certain nombre d'annéesdans
le chenal sud. La carte du Bechuanaland de 1933et la carte d'Afrique du

Sud de 1949sont au nombre de ces cartes.

73. Bien entendu, les cartes revêtentplus ou moins d'autoritésuivant
leur origine et les conditions dans lesquelles elles ont étéétablies. En
outre, leur échelleest souvent si petite qu'ellesne montrent pas toujours
clairement la régionqui fait l'objet du différendalors que d'autres cartes
sont assez grandes pour indiquer la zone litigieuse assez en détail.

Sur les seize cartes de l'atlas de la Namibie. certaines sont justement
d'une échelletrop faible pour montrer I'île de KasikiliISedudu, mais
douze d'entre elles sont assez grandes pour que I'île y figure et elles
montrent toutes que l'ile fait partie de la Namibie, en ce sens qu'elles
indiquent que c'est le chenal sud qui est la frontière internationale.
JI importe de constater que, parmi les cartes qui situent la frontière

dans le chenal sud, figurent plusieurs cartes en forme de croquis du pro-
tectorat du Bechuanaland qui ont étépubliéespar le ministère britan-
nique des colonies entre 1912et 1914 - un fait que le Botswana admet
dans son mémoire46et citédans le contre-mémoirede la Namibie4'.
Sur les dix-neuf rapports du ministère des colonies qui contiennent des
cartes, quinze d'entre elles situent la frontière du côtéde la rive sud du
Chobe et quatre, du côtéde la rive nord.
74. Le poids de l'arithmétiquen'a pas autant d'importance que le fait

que, dans aucune de ces cartes - pas seulement dans celles qui consti-
tuent la majorité - les frontières ne sont indiquéesde façon à situer le
territoire litigieuxà l'intérieurde l'autre Etat. Voilà qui est fort peu com-
patible avec l'idéeque le traitévisait à faire du chenal nord lechenal prin-
cipal. Cettestatistique étayeplutôt l'idéeque le traitén'était certainement
pas interprétécommesituantI'îleen question dans leterritoire du Bechua-
naland - c'est-à-dire que les Parties l'interprétaient comme situant le

chenal principal dans le chenal sud. Il faut surtout retenir parmi lescartes
britanniques la carte officiellede 1933 utiliséejusqu'en 1965,un an avant
l'indépendance, quifigure l'îledans la bande de Capri~i~~.

75. De mSme, la Namibie bénéficie d'un certain nombre de cartes offi-
ciellesdu côtéallemand qui, elles aussi, situent la frontière dans le chenal
sud. 11convient de citer notamment la carte de Seiner, la carte principale

à grande échelleque les fonctionnaires allemands ont utilisée A Berlin et

Arrêt, par. 85.
4hMémoiredu Botswana, vol. 1.par. 270-272.
47Contre-mkmoire de la Namibie, vol1.p. 63, par. 141.
moire de la Namibie. vol1.p. 125.par. 305.'atlas de la Namibie; voir également mé- ÎLE DE KASIKILI/SEDU DOU.DISS.WEERAMANTRY) 1177

sur le terrain depuis la date de sa publication jusqu'à lafiilde la présence
allemande en Namibie49. L'Allemagne a adressé cettecarte au ministère
des affaires étrangèresbritannique (Foreign Office)au cours des négocia-
tions de 1909-1914concernant la frontière sud de la bande de Caprivi.
Sur cette carte, la frontière situe trèsclairement l'îlede Kasikili en terri-

toire namibien. 11en va de même avec lacarte de von Frankenbergj0. Et
il en va de mêmeencore avec la carte officielle d'Afrique du Sud de
1949j1,c'est-à-dire la carte principale que l'Afrique du Sud a utiliséejus-
au'à I'indé~endancede la Namibie.
76. Les moyens de preuve cartographiques me paraissent donc être
favorables à la ~osition de la Namibie. et conforter la facon dont les
Parties ont cornGrisle traité àl'époquedésa conclusion, comme je l'aidit

plus haut dans la présenteopinion.

L'utilisation équitable desfleuves frontières aux fins de la navigation

77. C'est un principe important du droit des voies d'eau que des fac-
teurs d'équité jouenteux aussi un rôle de premier plan dans la détermina-
tion des frontières fluviales dès lors qu'il peut y avoir divergence d'opi-
nion à cet égard52.
Les cours d'eau sont principalement utiliséspour la navigation, pour le
transport, et parce qu'on a tout particulièrement besoin de les emprunter
pour descendrejusqu'à leur embouchure. C'est probablement de là que

procède le principe du thalweg, dont j'ai déjàparlé.
Mais il existe un autre facteur qui est pertinent à cet égard. Comme la
"rande maiorité de la circulation des touristes. c'est-à-dire de la circula-
tion la importante sur les deux chenaux, emprunte le chenal sud, il y
a la une source de recettes qui intéressefortement les deux pays.
Une frontière fluviale est censéedonner aux deux Etats riverains la
possibilitéd'exploiter le fleuve frontière sur un pied d'égalitéet d'en tirer
les mêmes profits.S'ilest décidé que la frontière sesitue dans le chenal ne

convenant pas à la circulation de la grande majoritédes bateaux utilisant
le fleuve, les deux Etats ne seront pas en mesure d'exploiter équitable-
ment le fleuve. Décideren l'espèceque c'est le chenal nord qui constitue
la frontière va, en privant la Namibie de l'utilisation du chenal sud, cau-
ser à la Namibie une perte beaucoup plus grandeque celleque subirait le
Botswana s'il était décidéque c'est le chenal sud qui est la frontière,
auquel cas le Botswana serait privéuniquement de l'utilisation du chenal

nord, lequel est relativement beaucoup moins intéressant.

4yMémoirede la Namibie, vol1,p. 121,par. 294; voir également contre-mémoirede la
NaniMémoirede la Namibie, vol.1p. 123,par. 298-299; contre-mémoire dela Namibie,
vol.1.p. 70. par. 156.
" Contre-mémoirede la Namibie, vol1,p. 75, par. 162.
52Sur le «soutien écrasant de la communauté internationale» pour la doctrine de
l'utilisation équitableet des limitations de la souveraineté territoriale en ce qui concerne
les liontiéres fluviales, voir M. Fitzmaurice, dans Legal Visions of the 2lst Century.
Anthony Anghie et Garry Sturgess, dir. de publ., 1998, p. 428-436. LE DE KASIKILI~SEDUDIJ (OP. DISS. WEERAMANTRY) 1178

Cette utilisation importante du fleuve doit être équitablement par-
tagéepar les deux Etats riverains. Et cette utilisation est fondamentale
pour l'économie des deux pays. Comme la Namibie l'a dit à la Cour
lors de la procédure orale5', des dizaines de milliers de touristes
viennent du monde entier en Namibie pour se rendre dans ses parcs

animaliers, et il en va certainement de mêmedu Botswana. Utiliser
le chenal sud pour voir la faune sur l'île de Kasikili/Sedudu figurera
naturellement en très bonne place sur le programme des touristes
dans les deux pays.
78. Les éléments depreuve dont nous sommes saisis indiquent que la

grande majorité des bateaux de touristes - y compris le redoutable Zum-
hezi Queen -- n'empruntent pas le chenal nord. La plupart d'entre eux
empruntent le chenal sud. Mis à part le fait que nous avons là un signe
manifeste que le thalweg se situe dans le chenal sud, l'indication prête
également à une considération d'équité, quiest que les deux Etats rive-

rains doivent pouvoir exercer sur un pied d'égalitéle droit d'utiliser cette
voie qui est la principale voie de navigation. Décider que c'est le chenal
nord qui est le chenal principal revient à priver la Namibie de la précieuse
possibilité d'utiliser le chenal sud qui peut supporter toute la circulation
que le chenal nord ne peut pas supporter. En revanche, s'ilest décidéque

la frontière se situe dans le chenal sud. les deux Etats Dourront utiliser sur
un pied d'égalitécette voie de navigation qui est la'voie principale. La
perte ou I'inconvénientque le Botswana subit parce qu'il ne peut plus uti-
liser librement le chenal nord sera relativement mineur par rapport à la
perte que subit la Namibie si celle-ci ne peut plus utiliser le chenal sud.

La perte et I'inconvénient subis par le Botswana ne concerneront pas
pour l'essentiel la navigation, mais concerneront le tourisme et la
préservation de la faune: la perte et I'inconvénient s'expliqueront par le
fait que certains élémentsde l'abondante faune habitant la rive botswa-
naisiont l'habitude de traverser le fleuve pour gagner I'îleet que celle-ci

fait en un certain sens partie intégrante de la réserve animalière. C'est
cet aspect du problème qui est étudiédans la partie B de la présente
opinion.

Conclusion concernant «le chenalprincipal))

79. Ma conclusion est par conséquent qu'il faut considérer le chenal
sud comme étant le chenal principal aux fins du traité de 1890. Dans ces

conditions, l'île de Kasikili/Sedudu fait de jure partie du territoire de la
Namibie.
Ayant abouti à cette conclusion, je suis tenu d'examiner certaines ques-
tions juridiques qui se posent nécessairement à la suite de pareille déci-
sion. Ces questions ne se posent pas sous cette forme dans le cadre de
l'arrêtde la Cour, mais il faut les examiner dans la présente opinion parce

57 CR99110. p.15.par.18. LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISS. WEERAMANTRY) 1179

qu'elles sont la conséquence nécessairede ma conclusion, qui est que le
chenal sud est le chenal principal. J'étudiecesquestionsjuridiques dans la

partie B ci-après.

Introduction
80. Ayant donc abouti à la conclusion que le chenal principal est le

chenal sud, et par conséquentque I'îlede KasikiliISedudu doit êtreconsi-
déréecomme faisant partie du territoire namibien, j'aborde à présent une
question qui découlede cette conclusion et qui va se poser en droit inter-
national avec une force croissante à l'avenir- s'agissant de la tension
qui va s'exercer entre les principes de la souveraineté territoriale et les
principes de la protection écologiquequi font appel à une responsabilité
fiduciaireà l'égard des écosystèmes deE stats intéressés.
L,'abondance de la faune dans la régionen cause en fait un des parcs
animaliers les plus prisésd'Afrique. Protéger cette région relèved'une
préoccupation internationale qu'il faut s'interdire de perdre de vue face
aux revendications opposées des Parties.D'où la portéede la responsa-
bilitéjudiciairequand des questions d'environnement seposent depart et

d'autre des frontières tracéespar la Cour.
D'ailleurs, laquestion a été évoqué au cours de la procédureorale, le
Botswana soutenant que:
«si la Cour devait se prononcer en faveur de la Namibie, cette déci-
sion aurait pour effet immédiat de faire disparaître les espècessau-
vages de I'île,car elles y seraient chasséescomme elles l'ont étédans
le reste du Caprivi. Ainsi, dans l'intérêt dlea conservation et pour

toutes les autres raisons avancéespar le Botswana en l'espèce ... la
Cour devrait se prononcer en faveur du Botswana. Ce faisant, la
Cour adresserait à toute l'humanité, y comprisaux Namibiens, un
message clair relatifàla conservation. »54
Le cas de figure évoqué ne constituepas en soi un motif valable inci-
tant à statuer en faveur du Botswana, mais il soulève une idée gravequi

ne peut êtreignorée.
81. Du moment que je situe I'îleen territoire namibien, je me vois tenu
d'examiner l'argument, d'autant que le droit international moderne at-
tache un poids déterminant auxconsidérations environnementales,car il se
trouve désormais renforcépar des conventions comme la convention de
1992sur la diversité biologique(dite convention sur la biodiversité)qui a
étésignée et ratifiéepar les deux Parties en la présenteaffaire et certaines
autres conventions comme la convention sur le commerce international
des espècesde faune et de flore sauvages menacéesd'extinction (conven- LE DE KASIKILI/SEDU (DU.DISS.WEERAMANTRY) 1180

tion CITES) et laconvention de 1971relative aux zones humides d'impor-
tance internationale, particulièrement comme habitat de la sauvagine
(convention Ramsar). 11est aujourd'hui possible de bien s'atteler à la
solution du problème évoquépar le Botswana grâce aux progrès qu'a
réalisésle droit international moderne avec la mise en place de régimes
conjoints consacrés à la conservation de sites importants du point de vue
écologique.
Le fait que l'entitépréserver est un((patrimoine commun»ou tout au
moins «une préoccupationcommune»ss de l'humanité, renforceI'obliga-

tion judiciaireà cet égard - obligation qui, bien entendu, va plus loin
que celle des géomètres etdes cartographes qui reproduisent les particu-
laritésgéographiquesrelevéessur le terrain.
Le droit international a aujourd'hui atteint un stade de développement
tel qu'il ne peut pas s'acquitter de façon mécaniquede ses tâches de déli-
mitation de frontière. Il ne peut pas interpréter et appliquer un traité
frontalierin abstracto,approche qui eut peut-êtreétépraticable plus tôt.
Dans le domaine de l'environnement, la reconnaissance constamment
plus étendue des valeurs du patrimoine mondial empêched'adopter une

attitude aussi rigide.
82. La présente instancenous apporte un cas de figure dont les tribu-
naux auront de plus en plus souvent à connaître. ~e juriste n'a pas en
l'occurrence à s'aventurer en terre inconnue pour établir de nouvelles
règles,car il existe déjàde nombreux précédents.Mais il est,je crois, iné-
vitable que les tribunaux internationaux se trouvent à l'avenir saisis
d'autres cas de figuremettant égalementen cause des intérêtd se caractère
universel qu'il faut préserver,et dans lesquels deux Etats au moins auront
à coopérerpour qu'il ne soit pas porté atteinte à un aspect important du
patrimoine universel de I'humanité.

83. Nous entrons dans une èreoù la coopération active plutôt que la
coexistence passive devient une préoccupation centrale du droit interna-
tional, et il est donc inévitableque ces préoccupations retiennent de plus
en plus l'attention du juge.l est utile en l'espèceque la Cour soit priéede
déterminer((sur la base du traitéanglo-allemand du ICrjuillet 1890et des
règles et principes du droit internationul» (les italiques sont de moi)
quelle est véritablementla frontièreentre le Botswana et la Namibie dans
la régioncontestéede la bande de Caprivi. Les «règles et principes du
droit international)) comprennent des principes largement reconnus du

droit environnemental qu'il n'estpas possible d'ignorer.
11importe en outre que la Cour soit priée de déterminer non pas
simplement la frontière entre la Namibie et le Botswana, mais aussi le
statut juridique de l'îleCela permet à la Cour de créerun régimejuri-
dique spécialpour I'îlesi telle est sa décision point qui devient parti-
culièrement important au cas où la Cour dirait que I'îleappartientà la
Namibie.

-
25Voir convention sur la biodiversité, 1992. préambule, 3' alinéa LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISSW. EERAMANTRY) 1181

84. Nous avons iciaffaire a la protection d'un élément exceptionneldu
patrimoine animalier du monde et au plaisir que l'on peut y prendre:
d'après tout ce que nous avons entendu dire pendant le déroulement de
l'instance,il s'agit d'un endroit extraordinaire où se rassemblent de mul-
tiples espèces - un endroit où elles se réunissent, s'alimentent, se repro-
duisent. Comme le dit le professeur Alexander:

((11y a très peu de régionshabitéespar la faune en Afrique aus-
trale où l'on puisse observer de si prèsautant d'animaux et d'oiseaux
que lorsqu'on se trouve dans le chenal sud du Chobe, à la hauteur de
l'îlede Kasikili.)56

Le mêmeauteur confirme ce que dit le Botswana dans son mémoire:((les
pâturages y sont excellents [sur l'île]et des éléphantss'y rendent chaque
jour»57. De tels endroits revêtent uneimportance capitale pour la préser-
vation de la diversité biologiquequi, comme le dit la convention, consti-

tuent, sinon un patrimoine commun de l'humanité, tout au moins une
préoccupation commune de l'humanité.
85. Le problème que j'examine à présentimpose de placer au premier
rang certaines questions juridiques vitales qui interviennent dans la déli-
mitation de frontières. Je traiterai quatre de ces questions dans l'ordre
ci-après :

1. La fonction que la Cour doit exercer quand la délimitation d'une
frontière entraîne le démantèlement ou la division d'un ensemble
intégrésur le plan écologique qui est représentatif de la diversité
biologique.
2. Le rôle de l'équitédans les problèmes concrets accompagnant la déli-
mitation.

3. L'importance de la distinction à opérer, le cas échéant, entredes
traités concluspar des puissances coloniales qui définissent avec préci-
sion des frontières et des traités qui déterminent simplement des
sphères d'influence.
4. La notion de régimeconjoint appliquée à des sections de territoire
capitales du point de vue écologiquequi, malgré leur unité écologique,
se situent de part et d'autre de frontières nationales.

Je vais étudier ces questions dans l'ordre dans lesquelles je les ai énon-
cées.

1. Les réponsesdu juge à une délimitation de lafrontière
qui impose de démanteler ou de diviser un ensemble intégrésur le plan

écologiqueou culturel
86. Le fait qu'une réservenaturelle, un site culturel considéré comme

précieux,un territoire sacré qu'il faut préserverdans son intégralitésoit

5'Ibid., par. 11.2; mémoire du Botswana. 1,p. 14, par. 32..situéde part et d'autre de frontières nationales ne veut pas nécessaire-

ment dire qu'il faut le sectionner entre les deux ou plusieurs Etats dont la
frontière traverse le territoire en question. Le droit international dispose
d'assez de moyens pour résoudre ce problème difficile et délicatde façon
à préserversous la forme d'un ensemble l'élément précieuq xui souffrirait
d'êtrepartagé d'une façon qui tienne compte exclusivement des droits de
chacun des Etats mais négliged'autres valeurs que le droit international

est pourtant tenu de préserver.
Pour les très nombreux éléphants,hippopotames, rhinocéros, sans par-
ler des animaux plus petits, qui fréquentent la région depuis des temps
immémoriaux, perturber leur mode d'occupation reviendrait à perturber
leur habitat naturel. On ne peut pas sous-estimer l'effet néfasteque cela

auririt sur leur bien-êtreet leur survie. Dans un monde qui pèsede plus en
plus lourdement sur le mode de vie et l'habitat naturels de cette faune, et
dans lequel plusieurs espéces importantes sont désormais menacées
d'extinction, il convient d'empêcherpareil résultat dès lorsque la Iégisla-
tion autorise une action en ce sens.

87. Je fais ici appel en particulier à la convention de 1992 sur la diver-
sité biologique, convention que le Botswana et la Namibie ont tous deux
ratifiée sans réserve(le 12 octobre 1995 pour le Botswana et le 16 mai
1997 pour la Namibie).
Les Etats parties a cette convention ont acceptéla responsabilité de la
conservation de leur diversitébiologique et d'une utilisation de leurs res-

sources biologiques qui revête uncaractère durable. La convention note
en outre que la conservation de la diversitébiologique exige essentielle-
ment la conservation in .ritu «des écosystèmeset des habitats naturels
ainsi que le maintien ...de populations viables d'espècesdans leur milieu
naturel»'*. La convention souligne en outre qu'il importe et qu'il est

nécessairede favoriser la coopération internationale entre les Etats aux
fins de la conservation de la diversitébiologiquesy.
88. L'article 6 de la convention impose à chaque partie contractante
d'élaborer des stratégies, plansou programmes nationaux tendant à assu-
rer la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique.
L'article 8 d), qui porte sur la conservation in situ, impose notamment à

chaque partie contractante de favoriser la protection des écosystèmeset
des habitats naturels ainsi que le maintien de populations viables d'es-
pèces dans leur milieu naturel. Toutes ces dispositions montrent quelle
importance capitale le droit international moderne attache a la protection
des espècesnaturelles au sein mêmede leur milieu naturel.

Les obligations imposées par la convention ont un tel poids que I'ar-
ticle 22 prévoit que les dispositions de la convention ne modifient en rien
les droits et obligations découlant pour les parties contractantes d'un
autre accord international en vigueur, quel qu'il soit, ((saufsi l'e-uercice

5XConvention sur la biodiversité, préambu10ealinéa; ihici.,art. 2.
51Ihid., préambule, 14'alinéa. LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISSW. EERAMANTRY) 1183

de ces droits ou le respect de ces obligutiolzs causait de sérieuxdommages
ù la diversité biologique ouconstituait pour elle une menuce))C'est-à-dire

qu'une menace grave pesant sur la diversité biologiquepeut mêmemoti-
ver une dérogation à des obligations conventionnelles.
Je cite cette disposition pour montrer qu'il existe des obligations pré-
cises pour les Etats qui sont donc tenus de protéger les habitats naturels
de la faune et que ces obligations peuvent mêmedans certains cas pren-
dre le pas sur des obligations conventionnellesdéjàcontractées. Les obli-
gations imposéespar la convention sont par conséquent assez contrai-
gnantes pour qu'il soit impossible de les laisser de côtéquand il est défini
des droits et des obligations quand cette décision créeun risque de dom-
mage a des écosystèmesque la convention avait pour objet d'empêcher.
89. Nous ne sommes pas en train ici d'importer des principes du droit

moderne pour interpréter un traitéde 1890. Nous interprétons ce traité
de 1890tel qu'il étaitrédigéet tel qu'il étaitcompris par les contempo-
rains. Nous déterminons le tracé des frontières entre les deux Etats
conformément aux dispositions du traité de 1890 mais, pour appliquer
ces dispositions sur le terrain en 1999,nous ne pouvons pas méconnaître
certains principes importants du droit moderne.
Les normes environnementales transcendent les obstacles temporels,
comme la Cour actuelle l'a relevéquand elle a dit, dans l'affaire relative
au Projet de Gubc'ikovo:

«Ces normes nouvelles doivent êtreprises en considération et ces
exigences nouvelles convenablement appréciées non seulement
lorsque des Etats envisagent de nouvelles activités, mais aussi lors-

qu'ils poursuivent des activités qu'ilsont engagéesdans le passé.»60
Par suite, dans le domaine de l'environnement, les normes actuelles

s'appliquent aux opérations du passé etil faut leur donner la place qui
leur revient dans les décisions judiciaires appelées leur répondre.
Il est possible d'êtred'autant plus ferme à cet égarddans la présente
espèceque la Cour est priéede se prononcer conformément aux (trégles
et principes du droit international))et que la Cour, en outre, est tenue de
prendre en considération les obligations écologiquesque les Parties ont
contractées par des traités multilatéraux.
90. De plus, notre juridiction n'applique pas seulement le droit strict
mais se prononce aussi en équité,et les délimitations de frontière, comme
toutes les autres décisionsde la Cour du reste, font appel non pas sim-

plement à des considérations strictement juridiques mais aussi à des
considérations d'équité. La doctrine,en l'occurrence, n'estpas nouvelle,
la Cour l'admet depuis fort longtemps puisque, des lesaffaires du Plateuu
continental de la mer du Nord6' la Cour a dit que les principes équitables
sont pertinents aux fins d'une opération de délimitation.

"'Projet Gubfikovo-Nagymuros, C.I.J. Rec1997,p. 78, par. 140.
6'C.I.J. Recueil 1969, p. 48-53. LE DE KASIKILI/SEDU (DU.DISS.WEERAMANTRY) 1184

2. La place de l'équitédans la délimitation d'unefrontière

91. Quand un tribunal aboutit à la conclusion, par exemple, que l'île
de KasikiliISedudu appartient à la Namibie, il ne met pas fin à ses res-

ponsabilitésen pratiquant mécaniquementun tracégéométriquede fron-
tièressur le terrain.
J'ai déjàévoquél'exemple d'un site sacréqui constitue un tout, un
ensemble, mais qu'il faudrait partager en deux s'ilfallait s'en tenires
considérations purement géométriques.De même,il peut arriver qu'un
village soit coupé d'un terrainservant faire paître le bétailqui en faisait
partie intégrantedepuis des sièclesou que le villagelui-mêmesoit partagé
en deux parties dont les habitants deviennent de ce fait les ressortissants
de deux Etats différents, malgréles liensétroitsqui les unissent. La com-
pétencepropre du tribunal serait amoindrie s'il devait, dans ces cas de
figure théoriques,ne tenir aucun compte de ces problèmes très concretset
vitaux pour procéder au tracéde la frontière comme s'il s'agissait d'un

exercice de pure géométrie. Mais,tenu de se prononcer en équitésur le
problème, le tribunal n'adopterait pas cette façon de faire.
S'ilexiste une réservenaturelle qui, dans l'intérte l'écosystèmeet de
la diversitébiologique ne peut pas êtrepartagéesans subir de dommages
permanents, c'estun facteur que la Cour ne peut pas méconnaîtreici tout
comme elle prendrait en considération l'obligationde préserver l'intégrité
d'un site sacré ou d'un lieu archéologique qu'il faut protéger à cette
condition.
92. Dans des situations telles que celle-la, il existe plusieurs façons de
donner effet aux considérations d'équité.
L'une d'ellesconsiste pour la Courà s'estimer habilitéà s'écarterIégè-
rement du tracéstrictement géométrique indiqué par le traitéfrontalieà

condition de préserverconstamment l'équilibreentre les deux Parties qui
ont l'uneet l'autre le mêmedroità bénéficiedru bien précieuxà partager.
Une autre façon de faire consisteà mettre en place, pour mieux servir
l'intérêdtes deux parties et d'ailleurs de toute la communauté mondiale,
un régimeconjoint sur la régionde sorte qu'aucune des deux parties n'est
empêchéd ee l'utiliser. Ce type de solution ouvre une multitude de possi-
bilitéset permet de puiser dans de multiples précédentsque j'évoquerai
rapidement plus loin.
93. Je ferai observer ici que le partage d'un site sacréou d'une réserve
écologiqueen deux ensembles autonomes va probablement susciter des
tensions entre les Partiesl'avenir, car ce qui était considécomme une

ressource commune des deux côtésde la frontière n'est plus disponible
pour aucune des deux Parties, et le bien tout entier risque d'êtredétruit
sous l'effet mêmedu partage. En fait, quand on se trouve devant un cas
de figure extrême,quand, par exemple, la ligne de la partition géomé-
trique traverse l'endroit le plus vénd'un site sacré,il est manifeste que
la Cour doit impérativement exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui
est imparti.
11est donc incontestable que la Cour est dotéed'un tel pouvoir, et qu'ils'agit mêmed'une obligation dans les cas extrêmes. C'est à la Cour de
déciderquand une situation donnéefait appel de sa part à l'application
des principes d'équité.
L'importance des considérations écologiquesétant aujourd'hui large-
ment reconnue et compte tenu par ailleurs de l'importance qui s'attache à
la réservenaturelle dont il s'agit et sur laquelle lesdeux Parties ont insisté
lors de la procédure orale, une décisionfavorable à la Namibie impose-
rait à la Cour d'exercer ce pouvoir discrétionnaire.

.3. La distinction ciopérerentre les truitésdé$nissantdes sphères
d'influence et les traités établissantdesfrontières étatiques

94. Quand la Cour est appelée à appliquer les principes d'équitéi,l est
tout particulièrement pertinent, me semble-t-il, d'opérer une distinction
entre les traités quidéfinissenttrèsprécisément desfrontières et ceux qui
portent sur des sphères d'influence.
La distinction que j'opère ainsia trait au degréde précision des deux
types de traités.A l'époquecoloniale qui est derrière nous, les puissances
coloniales cherchaient parfois à définirsous une forme assez large leurs

sphéres d'influence respectives. Il fallait évidemmenttracer des lignes de
partage entre elles, mais l'exercice avait pour objet essentiel d'indiquer
sur quelle vaste étendue de territoire l'une ou l'autre puissance pourrait
poursuivre ses activitéssans êtregênép ear l'autre. Comme l'a fait obser-
ver Oppenheim, ces traités procédaient de ((l'incertitudequi régnaitsur
l'étendued'une occupation et la tendance des Etats colonisateurs à faire
constamment progresser l'occupation vers l'intérieur (hinterland) du ter-
ritoireoccupé»62.Ces Etats avaient

«pour objet de réglementer dans un esprit de bonne volonté réci-
proque les relations qui pouvaient résulter entre les puissances
contractantes de l'extension de leurs droits de souveraineté ou de
protectorat dans les régions voisines»63(traduction du Greffe].

95. Ces accords étaient des arrangements revêtant«un caractère pro-
visoire jusqu'à un certain point », et quand, le moment venu, les parties
exerceraient effectivement leur contrôle sur les régions qu'elles s'étaient
respectivement réservées,la délimitation accéderaitau rang de tracé de

frontière64.En somme, une sphère d'influence nevoulait pas nécessaire-
ment direquela puissance qui s'en réclamait s'étaidtéjà assurélecontrôle
et la possession de la région, mais c'était manifestement l'objectif qu'elle
se proposait d'atteindre.

h2 Oppenheirn'sInternarional Law, v1,Peace, 2" et 4eparties, sir Robert Jennings et
sir Arthur Watts, dir. de publ., 9'ed.. 1992, p. 691.
M. F. Lindley, The .4cquisition and Governrnent of Buckiter rit o^ Interna-
tionalLaw. 1926.v. 210: voir aussi sir Thomas Holdich. Political Frontiers and Boundarv
Mah4nIan Brownlie. African BoundarieA:Legul and Diplornutic Enc~ycclpaediaop. rit.,
p. 8-9. 011 a également fait observer que [l']expression «sphère d'influence))
ne revêtpas encore de sens très et qu'«elle exprime une reven-
dication morale plutôt qu'un droit authentiq~e))~~.

La notion s'accompagne donc d'un certain caractère provisoire et d'un
manque de définitionprécise. cequi peut êtrepertinent quand on inter-
prète le traitépar la suite et qu'il faut remédier à l'incertitude qui entoure
la définitionprécised'une frontière.
96. A l'arrière-plan du traitéqui nous occupe et de la notion d'expan-

sion coloniale, il n'est pas indifférent de relever que des changements
importants ont étéapportés, du temps du chancelier von Caprivi (qui a
donné son nom à la bande de Caprivi) à la politique étrangèreet à la
politique coloniale de Bismarck auquel Caprivi succèdeen 1890,l'année
mêmeou le traitéest signé67.La politique de Bismarck témoignaitde peu

d'intérêp t our l'expansion coloniale", mais, pour Caprivi, on avait com-
mencé d'acquérir des colonies et l'on ne pouvait guère faire machine
arrièreby.D'ailleurs, le comte Hatzfeldt, qui négociaitle traité à Londres
avec lord Salisbury, aurait, d'aprèsles comptes rendus des entretiens, fait
observer qu'il était«convaincu de l'importance, pour les deux pays, d'un

règk,tnrntglobal visant à calmer et éloignerlesjalousies et les rivalitésqui
malheureusement existent aujo~rd'hui»'~'. Voilà donc le contexte dans
lequel a été conclule traitéde 18907', dont l'objectif étaitassez différent
de celui d'un tracéprécisde frontières coloniales qu'aurait eu un traité
portant strictement sur des frontières territoriales.

97. Ce qui témoigne aussidu caractère généralde ce traité,c'est qu'il
portait non pas simplement sur les territoires des deux Parties au présent
différend, mais aussi sur les sphères d'influence de l'Allemagne et de la
Grande-Bretagne en Afrique orientale (article premier), au Sud-Ouest
africain (art. III) et en Afrique occidentale (art. IV), outre certaines ques-

h5W. E. Hall, A Trc,ati.~ron International Law, 8' ed., A. P. Higgins. 1924, dir. de
publ.. p. 153, par. 38h.
hhIbi~i.,p. 154.par. 38h.
h7 ((Pour le meilleur ou pour le pire, désormais [onest en 18901.on prend avec Caprivi
<<unautre cap» (J. A. Nichols, Gerrnany after Bi.~marck: The Caprivi Era 1890-1894,
1958. p. 68).
68Voir Donald Kagan, On the Origirlsof War und the Presrrvution of Peucr. 1995,
p. 110.Sur les changementsapportésà la politique étrangèreet leur incidence sur la poli-
tique coloniale, voir ihid, p. 121et suiv.
69 Nichols.op.cit., p. 102,citant le discours prononcé par Caprivi quand il se présente
pour la première fois au Reichstag le 12mai 1890,discours dans lequel il se défend d'être
lui-mMémoiredu Botswana. vol.éeII, annexe 9. p. 51 (correspondance relative aux négo-
ciations entre la Grande-Bretagne et l'Allemagne au sujet de l'Afrique.àadécembre
1890, no 1); les italiques sont de nous.
'' Ce traite de 1890avec la Grande-Bretagneétésignéen même tempsque prenait fin
le traité de réassurance avec la Russie, pierre angulaire de la politique étrangère de Bis-
marck. Le traite de 1890témoignait d'un intérêt accpour l'acquisition de possessions
coloniales. L'adoption'une politique tendanàdéfinirles sphèresd'influence respectives
de I'.4llemagne et de la Grande-Bretagne préludait tout naturellemenà ce processus
d'acquisition. pour ce qui concernait l'Afrique australe. LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISS. WEERAMANTRY) 1187

tions intéressant des territoires définis avec précision, s'agissant par
exemple du transfert de souveraineté sur Heligoland opéré par la
Grande-Bretagne au profit de l'Allemagne. Il s'agissait donc d'un

traitéd'un caractère beaucoup plus généralqu'un traitéportant avec préci-
sion sur le tracé de frontière^'^ ,quel établitavec précision les frontières
entre deux Etats.
98. Il s'agit par conséquent surtout de zones d'intérêt plutôt que de
lignes frontalières. La grande différencequi existe entre des traités fron-

taliers, strictosensu, et les traités définissant des zones d'influence tient à
ce que ces derniers portent sur des espaces, tandis que les traités fronta-
liers portent sur des points ou des lignes sans épais~eur'~.Par consé-
quent, un traité frontalier revêt uncaractère précis et exact différentdu
caractère généralisateur d'un traité portant sur des sphères d'influence.

Dans son style imagé, Brownlie dit qu'un traité frontalier ((emporte à sa
suite précision et clarté»74.On ne peut guère en dire autant des traités
définissant des sphères d'influence.
Il ne s'agit pas en l'espèced'un facteur déterminant, mais iln'est pas
sans incidence sur le cas de figure dont nous sommes saisis car

U) il donne à la Cour plus de souplesse aux fins de la définition de la
frontière en question, bien évidemment sans que la Cour s'écarte
pour autant des dispositions du traité;

b) il donne plus de latitude à la Cour aux fins de l'application de prin-
cipes équitables;
c) il donne aussi plus de latitude à la Cour aux fins d'assurer I'inté-
grité et la conservation de certains élémentsimportants comme des
réserves naturelles ;

d) il permet à la Cour de prendre en considération certains éléments,par
exemple le fait qu'une interprétation aboutira à séparer un certain
peuple de la terre qu'il utilise de fort longue date par tradition, tandis
que l'autre interprétation n'aboutit pas à cette séparation, ce qui
incite la Cour a retenir la première interprétation dès lors qu'elle

serait compatible avec les dispositions du traité.
99. En la présente instance, ce facteur permet plus facilement de lever

en faveur de la Namibie les doutes qui entourent l'interprétation du
traité. Ce facteur est aussi de nature à empêcherla Cour d'adopter une
interprétation trop formaliste qui prive un peuple d'une terre qu'il a uti-
liséependant des générations sansqu'elle fasse l'objet d'une reconnais-
sance de souveraineté étrangère et sans que I'Etat qui se réclamede cette

souveraineté ait fait valoir ses droits. Un traité définissant des zones
d'influence autorise plus de souplesse à cet égard qu'un traité opérant
strictement un tracéde frontières.

72Voir en outre A. J. P. Taylor, Germany's FiBid for Colonies: 1884-1885, 1938,
o. 98.
73Brownlie, op.~ir., 3.
74Ihid. ÎLE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISS.WEERAMANTRY) 1188

Rattacher I'îleque les Masubia considèrent depuis longtemps comme
leur appartenant et qu'ils utilisentcomme telleà un autre Etat souverain
à la suite d'une interprétation littéraled'un traité définissant des zones
d'influence procède peut-êtred'une approche trop formaliste à l'égard

d'un problème qui est essentiellement humain.
100. En mêmetemps, la Cour, en se prononçant pour la Namibie,
pourrait plus facilement, grâce a la latitude supplémentaire dont elle
bénéficierait,prendre dans son ordonnance les dispositions voulues pour
conserver dans son intégrité, sousla forme d'un même ensemble,l'habitat
animalier qui s'étend a la fois sur l'île et sur le parc naturel du Chobe
situéau sud. La Cour serait en mesure de recourir aux principes équi-
tables pour demander à la Namibie d'assurer avec le Botswana un régime
commun de façon iigarantir l'intégritéde cet habitat.
101. Le fait que le traité qu'il s'agit d'interpréter définit des zones
d'influence et non pas des frontières n'est donc pas sans intérêtdans la
présente espèce.

Il va sans dire que rien dans la présenteopinion ne porte atteinte au
principe utipossidetis juris, car la tâche qui nous incombe est de définirla
frontière en application du traité de 1890 tel qu'il faut l'interpréter
conformément aux principes juridiques applicables.

4. Les régimesintrrnationuux conjoints

102. L'idéede soumettre à un régimeconjoint des régions situéesde
part et d'autre de frontières nationales a considérablement progresséau
cours des dernières années.Il y a donc pléthorede modèles et de thèses
où puiser les principes voulus pour concevoir un régimeinternational de
coopération adapté a un cas de figure particulier.
Je citerai pour commencer une observation tirée de l'avant-propos
d'un ouvrage récentintitulé International Bounduries and Environmental
Securitjt: Framelt~orksfor Regional Cooperution:

«En ce qui concerne le tracédes frontières, la doctrine moderne
prône l'intérêdte la souplesse au moins tout autant que les vertus

traditionnelles que sont la certitude, le caractère définitifis, de
plus en plus, s'agissant de frontières océaniqueset fluviales,...les
décideursappelés à tracer des frontières feraient peut-êtrebien de
considérerqu'ils doivent non pas tant tracer des lignes que concevoir
des régimes susceptiblesde bien fonctionner. »75

103. La Cour n'est évidemmentpas appelée à tracer une frontière, elle
est l'entitéchargée detraduire les dispositions d'un traitéen conditions
appliquer concrètement sur le terrain, et, ce faisant, de suivre le traité
aussi fidèlement qu'elle le peut conformément au droit international.

75Ouvrage publiépar Gerald Blake rt ul, dir. de publ.. 1997, p. xi-xii.Comme le droit international moderne impose de prendre en compte cer-

taines considérations environnementales, il faut les prendre en compte
aux fins de l'interprétation et de l'application du traité et cette prise en
compte s'étendaux notions et aux normesjuridiques actuelles. Parmi ces
notions actuelles, celle du régimeconjoint exercésur une ressource pré-
cieuse pour les deux parties doit retenir l'attention des instances judi-
ciaires car c'est une notion de droit international qui se développe
rapidement.
104. Les exemples ne manquent pas qui prouvent que lesjuges ont su

reconnaître la nécessitéd'empêcherun partage purement mécanique qui
ne tienne pas compte de l'élémenh tumain ni de la réalitéconcrète. Dans
l'affaire du DifJerendfr~ntalier'~, la Chambre saisie a étudié trèsatten-
tivement le cas de figure: certains villages étaient dotésde hameaux de
culture situésa une certaine distance. Le village représentaitl'unitéadmi-
nistrative indigèneet comprenait tous les terrains qui en dépendaient. Le
Mali a soutenu précisémentque les terrains dépendant d'un village com-
prenaient ceshameaux de culture. Une ligne frontalière tracéeentre le vil-
lage et le lieu consacré a l'agriculture ou aux pâturages pouvait détruire

l'unité qui avait toujours existé et relié levillage aux hameaux. La
Chambre s'est montrée sensible au problème, mais n'était pas ap-
peléeen l'espèce à se prononcer sur cette question, car, «[d]'un point de
vue pratique, l'existence de tels droits n'a pas soulevé de questions
graves~'~,mais elle a toutefois fait observer ceci:

«Tout est, dans ce domaine, question de circonstances. La
Chambre estime ...qu'elle seraà mêmede juger si un terrain déter-
miné doit être traité comme partie du village concerné, en dépit
de leur discontinuité, ou, au contraire, comme hameau satellite non
inclus dans les limites du village a proprement parler. »78

105. Dans la mêmeaffaire, les notions de souplesse et le rôle de
l'équitédans le tracé des frontières sont également entrés en ligne de
compte quand il a fallu diviser une mare frontalière. La Chambre a
expliquéalors qu'elle pouvait faire appel à l'équitéinfru legem en s'ins-
pirant d'un principe directeur qui était que ((l'équité en tant que notion
juridique procède directement de l'idéede justice»79, mais elle a ajouté

que rien n'autorisait un recours à la notion d'équitépour modifier une
frontière établie.A la suite de ces conclusions, la Chambre a fait appel à
des considérations d'équité pourdécider comment la mare frontalière
devait êtrepartagée.
106. Dans la présenteinstance, il n'existe pas de frontière établieen ce
sens. La Cour est plutôt en train d'établir cette frontière conformément

7hDiffërend.frontalier (Burkina FasolRkpublique du Mali), C.I.J. Recueil 1986,p. 554.
77Ibid., p. 617, par. 116.
78Ibid., par. 117.
79Ibid., par. 149, la Chambre citant l'affaire du Plateau continental (TunisielJama-
hiriya arabe libyenne). C.I.J. Recueil 1982, p. 60, par. 71. LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISSW . EERAMANTRY) 1190

au traitéde 1890. En établissant ladite frontière conformémentau droit,
la Cour peut prendre en compte des considérations d'équité du moment

qu'elles ne dérogent pas aux dispositions du traité. La considération
d'équitéqui consiste à vouloir préserver cette ressource naturelle pré-
cieuse conformément aux principes régissantle droit de I'environnement
ne milite nullement contre le respect fondamental des dispositions de ce
traité, respect qui présideà mes conclusions.
107. Si mon interprétation du traité de 1890 est correcte, I'une des
réservesde faune les plus riches du monde fait donc partie du territoire
namibien. Toutefois, il ne fait pas de doute que cette faune extrêmement
variée gagneI'îledepuis le sud et que l'îleet les terrains situésau sud de
l'île, lesquels sont situés enterritoire botswanais, forment ensemble une

réservenaturelle intégrée.Se contenter de tracer une frontière entre les
deux territoires nationaux qui partagerait cette ressource en deux détrui-
raita jamais son caractère exceptionnel et porterait durablement atteinte
à son intérêe txceptionnel, de sorte qu'il convient de faire davantage. La
mise en place d'un régimeconjoint, dans les cas où elle est adaptée à la
situation, serait l'une des solutions équitables que la Cour pourrait adop-
ter dans les affaires où ce régimeconviendrait à la situation résultant de
la décisionde la Cour.
108. La Cour a reconnu ce principe du régime conjoint dans les
affaires du Plateau continental de la mer du Nord 'O. Elle a en effet indi-

quéun certain nombre de facteurs a prendre en considérationpar les par-
ties au cours de leurs négociations. Dans son opinion individuelle, lejuge
Jessup, rappelant d'autres exemples de coopération internationale, fait
observer que «la coopération internationale en matière d'exploitation de
ressources naturelles est un principe que consacre par ailleurs la pra-
tique internationale))".
Dans le cadre d'un régimeconjoint de ce type, les autorités des deux
pays agissant ensemble devraient, pour servir au mieux l'intérêt de la
conservation de cette ressource précieuse, suivrecertains principes direc-
teurs convenus d'un commun accord et compatibles avec les principes du

droit international de I'environnement applicables à pareille ressource.
109. Dans de nombreuses régionsdu monde, l'expérienceque la com-
munauté internationale acquiert sur de nombreux aspects des régimes
conjoints s'étoffeaujourd'hui considérablement.Par exemple, I'accord de
La Paz de 1983,I'accordde 1978sur la qualité del'eau des Grands Lacs et
I'accord de libreéchang"nord-américain de1992ont stimuléles initiatives
dans ce domaine dans la région d'Amériquedu Nord. Les accords sur
I'environnement annexésa I'ALENA ont conduit à mettre en place une
séried'institutions internationales nouvelleset adopter une approche glo-
bale vis-à-vis des questions de caractère régionalet environnementalS2.

C.I.J. Recue1969. p. 53-54
*'Ihid., p. 82.
XZBlake,op.cit.p. 249.En Asie, le Cambodge, la Thailande, le Laos et le Viet Nam ont négocié
des arrangements complexes pour la mise en valeur du fleuve MekongS3.

En Europe orientale, l'affaire GubCikovolNug,vmurosa mis en évidence
l'importance qui s'attache aux arrangements bilatéraux dans le cadre de
principes directeurs acceptables de part et d'autreS4.Dans la région médi-
terranéenne, la coopération s'intensifiedepuis la signature en 1976de la
convention de Barcelonex5.
En s'appuyant sur cette expérienceméditerranéenne,le Programme des

Nations Unies pour l'environnement a parrainédans plusieurs régionsdu
monde l'adoption de plusieurs autres conventions relatives à des «mers
régionales».
Par ailleurs, la convention des Nations Unies de 1982sur le droit de la
mer met en place à l'article 123 un cadre juridique de coopération en

vertu duquel les Etats riverains de mers ferméesou semi-ferméessont
tenus de coopérer entre eux notamment aux fins de la protection de
l'environnement.
Il a étéinstaurédes régimesde gestion conjointe en vue de la mise en
valeur intégréedes ressources de bassins fluviaux, les Etats riverains se
partageant les coûts et les tâches au détriment de leur souveraineté,
conformément aux besoins, afin de faciliter la gestion. C'est ainsi que de

nombreux accords ont été élaboré psour la gestion conjointe de certaines
zones de plateau continental, qui sont assortis dans certains cas de nom-
breuses dispositions particulières concernant la protection du milieu
marin, ainsi que de sa flore et de sa faune.
On fait doncde plus en plus appel à la coopération internationale pour

protéger l'en~ironnement~~,et le moment est donc venu aujourd'hui de
mettre au point des modèlesde coopération appliqués à l'administration
de régionsrevêtantun intérêt particulierdu point de vue de l'environne-
ment.

83Voir le statut relaàila coordination de l'étudedu bassin inférieurdu Mekong, de
1957,qui a étécomplétéen 1995par un accord beaucoup plus détaillésur la coopération
en vue de la mise en valeur durable du bassin du Mekong, lequel met en place un régime
de coopération encore plus étroite, sous l'égidede la Commission du Mekong, pour
l'irrigation, l'énergiehydroélectrique, la lutte contre les inondations, la pèche,la flottaison
du bois d'Œuvre.les activités récréatives elte tourisme- voir égalementGeraloo.lake.
cit., p. 294.
84C.I.J. Recuei1997, p. 78-79, par. 140-144.
Voir en particulier le protocole relatif aux zones spécialement psnnexéeà la
convention de Barcelone pour la protection de la mer Méditerranéecontre la pollution
naturelles et des sites naturels de la mer Méditerranéeau moyen de la création et de la
gestion de zones protégéesdans la région.
8"Pour avoir une idéede la diversité desapproches adoptéesvis-à-vis de ce problème,
classéessuivant différentes rubriques, approches scientifiques, économiques, institution-
nelles, morales. et d'après la mise en Œuvrejuridique, voir l'ouvrage publiéen 1998sous
la direction de LakshmanD. Guruswamy et Jeffrey A. McNeely et intitulé Protection of
Glohul Biodivcrsity: Converging Strategies. LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISS. WEERAMANTRY) 1192

110. En outre, en dehors du domaine de l'environnement proprement
dit, beaucoup de régimesde gestion conjointe ont déjà été établis dp eart
et d'autre de frontières nationales et le bilan de leur fonctionnement est

satisfaisant.
Ce type d'expérience peut égalemenê t tremis à profit dans le secteur de
l'environnement.
La conclusion d'arrangements bilatéraux et multilatéraux a conduit a

définirde nombreux principes sur le partage des ressources, les modalités
d'une administration conjointe, et les droits de prospection minièresur le
territoire relevant de la souveraineté d'un Etat tiers. Ces accords pro-
posent de nombreux exemples concernant l'interdiction de certains types
d'activité endépit de la souveraineté nationale exercéesur la région.

Nous disposons ainsi de beaucoup d'exemples concernant les forages
pétrolierset la construction de fortifications dans les limites de certaines
zones.
Il peut aussi êtretrès utile,quand il s'agit de protéger l'environnement,

de s'intéresseraux précédents relatifs à l'interdiction de certains types
d'activitédans la zone en questionx7.
D'autres accords créentune zone géographique de part et d'autre de la
frontière et autorisent l'exploration et l'exploitation communes des res-

sourcesxX.II convient de citer l'exploitation pétrolièrexy,la gestion d'un
fleuve9*,les droits de pêcheg1,le passage en transitg2, I'eau et l'énergie

--
" Par exemple. l'accord relaàila souverainetésur les iles AL'Arabiyah et Farsiàla
délimitation de la zone sous-marine entre le Royaume d'Arabiesaoudite et l'Iran (1968)
interdit lesforages pétroliers sur une distance de 500 mètresde chaque côté de la frontière.
Voir égalementla convention entre la République populaire de Hongrie et la République
d'Autriche réglementantlesquestions d'hydro-économie dans la zone frontière (195:cet
accord interdit à chacun des deux Etats de prévoir ou de construire des ouvrages
hydrauliques dans les eaux frontières de son propre territoire sans consulter I'autre Etat.
et interdit toute opération ayant pour effet d'amputer l'approvisionnement en eau de
I'autre Etat. Le même accordcrée unecommission permanente austro-hongroise de I'eau
qui exerce un contrôle sur toutes les activités envisagées et estchargéede régler leslitiges.
XR C'est le cas, par exeniple. pour la convention conclue entre le Gouvernement de la
République française et le Gouvernement de 1'Etat espagnol sur la délimitation des pla-
teaux continentaux des deux Etats dans le golfe de Gascogne (golfe de Biscaye)974).
8y Voir par exemple l'accord sur le règlement de la frontière maritime et les droits sou-
verains exercéssur les iles entre Qatar et Abou-Dhabi (1969). qui définitdes droits de
copropriété et le partage des recettes en ce qui concerne un gisement de pétrole que la
frontière traverse.
Voir par exemple le traitéd'ltaipu (de 1972)conclu entre le Brésilet le Paraguay. en
vertu duquel la partie du fleuve frontalier entre les deux pays fait l'objet d'un régimede
copropriétéainsi que d'une gestion et d'un contrôle étroits des deux gouvernements.
'" Voir par exemple l'accord conclu entre le Royaume de Suède et l'Union des Répu-
bliques socialistes soviétiques sur la délimitation du plateau continental de la zone de
pêchesuédoiseet de la zone économique soviétiqueen mer Baltique (1988). aux termes
duquel. dans la zone précédemment contestée,chaque partie bénéficiede droits de pêche
dans la régionde la zone attribuéeà l'autre partie.
y2 Voir par exemple le traité conclu entre la Rép~ibliquede Trinité et Tobago, d'une
part. et. de l'autre, la République du Venezuela sur la délimitation des zones marines et
sous-marines (1990), aux termes duquel les navires et les aéronefsde nationalité vénézué-
lienne se sont vu accorder le droit de transit par le détroit situéentre la TrinitéetTobago. LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISS . EERAMANTRY) 1193

hydr~électrique~~l,es pélerinagesg4,I'irrigati~n~~et l'utilisation de terres
arables et de terres à pâturage96 parmi les domaines dans lesquels la co-
opération a étéinstauréeofficiellement, parfois très longtemps avant que

les considérations écologiques aient pris l'importance qu'on leur attribue
aujourd'hui.
Les précédentssont de plus en plus nombreux et les domaines de
coopération s'étendent.Le domaine de l'environnement est de ceux qui se

développenttout particulièrement.
111. Parmi ces accords, nombreux sont ceux qui portent création
d'une commission technique mixte ou autre organe mixte de surveillance
et auxquels est annexée une déclaration de coopération signéepar les

deux gouvernements intéressés et définissantlesprincipes que lesdits gou-
vernements vont suivre aux fins de la conservation ou de l'exploitation de
la ressource commune dont il s'agit ". Parmi les exemples de ces organes
conjoints de réglementation figurent notamment la Commission des eaux

frontières et la Commission supérieure des eaux frontières crééespar
l'Allemagne etle Danemark aux termes du dispositif extrêmementdétaillé
mis en place pour la gestion de six cours d'eau situés a la frontière entre
l'Allemagne et le Danemark en vertu de la convention de 1922 entre le

Danemark et l'Allemagne relativeau règlementde la question des eaux et
des digues à la frontière germano-danoiseg8.
112. Cela fait des annéesque la communauté internationale se préoc-
cupe de la protection des ressources naturelles partagées par deux ou plu-

' Voir par exemple la convention conclue entre la France et la République fédérale
d'Allemagne au sujet de l'aménagementdu Rhin entre StrasbourgiKehl et Lauterbourgi
Newburgweier (1969); le traité concluentre leCanada et les Etats-Unis d'Amériquerelatif
à la mise en valeur des ressources hydrauliques du bassin du fleuve Columbia (1961);
I'accord entre l'Argentine et l'Uruguay reàI'utilisation des rapides du fleuveUruguay
dans la régiondu Salto Grande (1946).
y4 Voirà ce sujet I'accord entre Sri Lanka et l'Inde àela détermination des limites
dans les eaux historiques entre les deux pays et aux questions connexes (1974).
y5Voir par exemple le traité entrele Chili et le Pérouréglantle différenà Tacnaif
et Arica (1929). aux termes duquel le Chili a accordéau Péroudes facilités d'accèssur
certaines parties de canaux d'irrigation traversant le territoire chilien.
yhVoir par exempleleséchanges de notesentre le Royaume-Uniet la France constituant un
accord relatàfla frontière entrela Côte d'Oret le Soudan français(l904), en vertu duquel les
villages situàproximitéde la frontièrebénéficient eroits relatàfl'utilisation de terres
arables et de teràpàturage. de sources,et de points d'eaude l'autre côtéde la liontière.Des
dispositions analoguesfigurentdans des accords relatifsà leur frontièreconclus entre la Côte

d'97 Pour les deux élémentsen question, voir I'accord cité plushaut relatif au fleuve Uru-
guay. Cet accord a été complétéar la déclarationde 1971sur les ressources hydrauliques
signéepar les deux gouvernements, laquelle impose une utilisation équitable et raison-
nable des ressources du fleuve ainsi que la préventionde la pollution.
On a un autre exemple de dispositif détailléde gestion conjointe avec le traité conclu

frontière terrestre commune, les eaux frontières. les biens foncieàsproximitéde lae la
frontière. le passage de la frontière sur terre et par les eaux intérieures ainsique d'autres
questions frontalières, traité qui porte création d'une commissionpermanente des eaux
frontières, de sous-comniissions et d'un tribunal arbitral chargé de coordonner la gestion

et de régler les litiges. ILE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISSW. EERAMANTRY) 1194

sieurs Etats, et j'évoqueraia ce sujet la résolution 3129 de l'Assemblée
générale endate du 13décembre1973sur la coopération dans le domaine
de I'environnement en matière de ressources naturelles partagées par

deux ou plusieurs Etats, dans laquelle l'Assemblée estime qu'il est néces-
saire d'assurer une coopération efficace entre les pays pour la conserva-
tion des ressources naturelles communes à deux ou plusieurs Etats. La
convention Ramsar fait état a l'article 5 du même soucide coopération
en ce qui concerne les problèmes environnementaux transfrontières.
La mise au point puis l'adoption d'un régimeconjoint de coopération
de ce type répondrait a l'esprit dont ces résolutions témoignent.Les prin-
cipes de protection de I'environnement que ces textes cherchent a favori-
ser ne relèvent plusdu simple vŒu,ils sont aujourd'hui partie intégrante
du droit international coutumier.
113. Je me dois d'évoqueraussi le souci grandissant qui se manifeste
sur le continent africain pour la préservation de ressources précieusesde
la flore et de la faune, comme en témoignent certains instruments tels que
la convention africaine sur la conservation de la nature et des ressources
naturelles de 1968(dite convention d'Alger), par laquelle vingt-neuf Etats

d'Afrique ont convenu d'assurer notamment la conservation, l'utilisation
et la mise en valeur conformément à des principes scientifiques des res-
sources de la flore et de la faune, énumérantà cette fin un long catalogue
d'espèces protégéesC . ette convention impose égalementla création par
les Etats participants de zones de conservation.

Conclusion

114. Face a ces précédents eta ces principes, les Parties ont donc très
largement la possibilité dese prêter a l'obligation d'élaborerun régime
conjoint en vue d'assurer:

a) la protection de la flore et de la faune;
6) le droit d'accèsa l'îleà accorder aux ressortissants des deux Etats;
c) la réglementation de la circulation des touristes;
d) la gestion et la conservation du fleuve;
r) la délivrancede permis aux bateaux empruntant le fleuve;
1) la liberté de mouvement des animaux qui viennent sur l'île ou la
quittent;
g) le contrôle à exercer par des gardes-chasse;
h) l'autorisation et l'interdiction de certaines activitéssur l'île;

i) tection des ressources naturelles de la région,compris notamment la-

préservation et la garde de la faune.
En cas de litige sur un tel cadre administratif, les Parties pourraient
toujours faire appelà l'aide de la Cour si elles le souhaitent.
115. 11y a lieu de relever aussà ce sujet que la Namibie s'est déclarée
devant la Cour désireuse de lutter en coopération avec le Botswana
contre le braconnage. Je cite la Namibie: ILE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISS. WEERAMANTRY) 1195

«Outre que nous sommes attachés a la conservation, nous pensons
qu'une action conjointe contre le braconnage renforcerait la confiance
et la coopération entreles peuples de Namibie et du Bot~wana.))~'
116. Je suis par conséquent d'avis que la Namibie, mêmesi I'île de
KasikiliISedudu relèvede sa souveraineté,est dans l'obligation de négo-

cier avecle Botswana un régimeconjoint de réglementationqui soit accep-
table de part et d'autre, en ce qui concerne notamment les questions que
j'ai évoquéesci-dessus. Cette action doit s'inscrire dans le cadre des prin-
cipes définisdans la convention sur la diversité biologiqueet les autres
conventions de ce type auxquelles les deux Etats sont parties. Jusqu'au
mornent où un tel régimeconjoint de réglementation seramis en place, les
gardes-chasse et les touristes du Botswana pourront avoir accès a l'île.

117. L'avenir exigeradu droit international qu'il soit sensible aux pro-

blémespropres au droit de l'environnement et en tienne compte. Intégrer
avec soin les principes indispensables du droit de l'environnement dans le
corpus traditionnel du droit international représente une tâche impor-
tante à laquelle il faut prêterattention. Les principes et les devoirs décou-
lant d'obligations relatives à l'environnement viennent aujourd'hui se
surimposer à des droits découlant de la souverainetéétatiqueauxquels le
droit international accordait naguère peut-êtreun caractère absolu.
118. Le différend ë l'examen nous donne la possibilitéde progresser
nettement dans cette voie, puisqu'il permet d'intégrer despréoccupations
écologiques à une délimitation de frontière et d'exploiter la notion de

régimeconjoint aux fins de la conservation du patrimoine environnemen-
ta1 commun. Le droit international devant faire face aux problèmes de
l'avenir, des considérations liées un effort de coopération peuvent fort
bien paraître opportunes là où, naguère, des considérations de souverai-
netéindividuelle gardaient toute leur force et prenaient le pas.
119. Je tiensà faire observer en guise de conclusion que les pressions
qui s'exercent sur l'environnement ont un caractère à ce point universel
que les différendsinternationaux de l'avenir vont de plus en plus souvent
faire appel a des considérations environnementales. Si elles ne sont pas
directement ou indirectement liéesaux questions en litige, cesconsidéra-
tions s'inscriront souvent en tous cas àla périphérie.Les décisionsjudi-

ciaires devront nécessairement entenir compte. Le droit international ne
manquera pas de faire appel à ses ressources pour élaborerdes notions et
des mécanismespermettant d'aborder ces préoccupations nouvelles.

(Signk) Christopher G. WEERAMANTRY.

''CR 99/10,p.16,par. 24.

Bilingual Content

DISSENTING OPINION OF VICE-PRESIDENT

WEERAMANTRY

Article 31 of Vienna Conventionon the Law of Treaties - Meaning of terms
"subsequent practice" and "agreement" in Article 31, paragraph 3 (b) -
Silence and non-protest as indicia of assent - "Common understanding" -
Ambivalence of scientijc criteria - Navigability as a criterion - The thalweg
concept - Cartographic evidence - Equitable navigationaluse of boundary

river - Conclusionregarding "main channrl" or "Thalweg des Hauptlaufes" in
1890 Treaty.

Boundary delimitation involvingdismantlingor divisionof ecologicallyor cul-

turally integralunit - Biodiversity Convention - Scopefor equity in boundary
delimitation - "Spheres of influence" treaties distinguishedfrorn boundar-v
treaties - Joint international régimes - Need for international law to be
responsive to environmental concerns.

TABLE OF CONTENTS

Page

Introduction
General approach to questions of interpretation arising in this case

Article 31 of the Vienna Convention
Indicia of occupation
The significance of Masubian use and occupation

Contemporaneous understanding of the Treaty as evidenced by the
conduct of the Parties

Evidence of common understanding
Suggested contrary factors
(a) The Eason Report, 1912

(b) The Trollope-Dickinson arrangement, 1951
(c) The 1984-1986 discussions resulting from the shooting inci-
dent of 24 October 1984
Ambivalence of other criteria

Navigability as a criterion for interpreting "main channel" OPINION DISSIDENTE DE M. WEERAMANTRY,

VICE-PRESIDENT

[Truduction]

L'article 31 de la convention de Viennesur le droit des traités - Le sens de
l'e.xpression((pratique ultérieurementsuivie)) et du terme ((accord))figurant au
paragraphe 3 b) de l'article 31 - Le silence et l'absencede protestation pris
pour signes de consenternent - L'entente en matière d'interprétation(Common
understanding) - L'ambivalencedes critèresscientifiques - La navigabilitéen
tant quecritère - Le concept dethalweg - Les preuves cartographiques - L'utili-

sation équitabled'un JEtpuvefrontalier aux fins de la navigation - Conclusion
au sujet du ((chenalprincipal))ou ((Thalweg des Hauptlaufes)) dans le traitéde
1890.
Quand la délimitationde lafrontière imposede démantelerou de diviser un
ensemble intégré sur le,dan écologiqueou culturel - La convention sur la bio-
diversité - LLI place de l'équité dans led sélimitationsfrontalières - La distinc-

tion à opérercwtreles tipaitésdéjinissantdes ((sphèresd'influence))et les traités
frontaliers - Les régimesinternationaux conjoints - Le droit international
doit tenir cotnpte des pr.éoccupationsenvironnementales.

Page

Introduction
Les questions d'interprétation en l'espèce:conception générale
L'article 31 de la conivention de Vienne
Les signes d'occupation
L'importance de l'utilisation et de l'occupation de l'île par les Masu-

bia
Comment les contemporains interprètent le traitéainsi que le montre
la conduite des Parties
Preuves de l'entente (common understunding)
Les thèsescontraires

a) Le rapport Eas.on, 1912
b) L'arrangement Trollope-Dickinson, 1951
c) Les discussions;de 1984-1986 à la suite de l'incident du 24 oc-
tobre 1984où des coups de feu ont ététirés

L'ambivalence des autres critères
La navigabilitéen tant que critère d'interprétation du «chenal prin-
cipal»1154 KASIKILI~SEDUDUISLAND (DISS. OP. WEERAMANTRY)

The thalweg concept
(a) Applicability of the concept

(b) Iniplications of the concept
The scientific evidence
Cartographic evidence
Equitable navigational use of boundary rivers

Conclusion regarding the "main channel"

Introduction
1. Judicial responses to a boundary delimitation which involves dis-
mantling or dividing an ecologically or culturally integral unit

2. The scope for equity in boundary delimitation
3. Treaties dealing with spheres of influence distinguished from
treaties dealing with State boundaries
4. Joint international régimes

ConclusionLa notion de thalweg
a) Applicabilité de la notion
b) Incidences de la notion
Les élémentsde preuve scientifiques

Les élémentsde preuve cartographiques
L'utilisation équitablt: des fleuves frontières aux fins de la naviga-
tion
Conclusion concernant «le chenal principal »

Introduction
1. Les réponsesdu juge à une délimitation de la frontière qui impose
de démanteler ou de diviser un ensemble intégrésur le plan éco-

logique ou culturel
2. Lü place de l'équitédans la délimitation d'une frontière
3. La distinction i opérer entre les traités définissant des sphères
d'influence et les traités établissant des frontièresétatiques
4. Les régimesintern,dtionaux conjoints
Conclusion1155 KASIKILI/SEDU IDLAND (DISS .P. WEERAMANTRY)

1. The Court has analysed and assessed with great care the vast
amount of historical and diplornatic information placed before it. Upon
a detailed consideration of al1this material, the Court has arrived at the
conclusion that the northern channel of the River Chobe constitutes the

international boundary between Botswana and Namibia, in terms of
Article III (2) of the 1890Treaty between Germany and Great Britain.

2. A cardinal feature in this complex of information is the long con-
tinued Masubian use and occupation of KasikiliISedudu Island from a
period prior to the 1890Treaty for upwards of half a century thereafter.
Namibia uses this information for two distinct purposes. It argues that
the conduct of both administrations in reference to this use and occupa-
tion corroborates its interpretation that ArticleII (2)of the Treaty refers

to the southern channel'. It also argues that such use and occupation
establishes an entirely independent Namibian prescriptive claim to
sovereignty over the Island 2.

The entirety of this opinion concentrates on the first of these Namibian
bases of claim.
3. On the central question of the legal significance of this use and
occupation, 1 incline to a somewhat different approach to that adopted

by the Court. This leads me to a different conclusion regarding the inter-
national boundary.
My reasons for concluding that the southern channel constitutes the
international boundary are set out in Part A of this opinion.

4. Part B of this opinion deals with a different set of concerns.
Since my finding places KasikiliISedudu Island within the territory of
Namibia, while the Chobe Game Park to the south falls within the terri-
tory of Botswana, it positions within two territorial jurisdictions what is

essentially a single wildlife sanctuar- a sanctuary, moreover, which is
one of the most prized wildlifehabitats in southern Africa.

5. The Island is frequented, as far as one can gather from the plead-
ings, by a rich variety of wildlife. Elephant, hippopotamus, buffalo,
lechwe, rhinoceros, giraffe, eland, baboon, lion, zebra, leopard, and fish
eagle either frequent the Island or visit it from time to time. As the
Island, together with the Chobe Game Park to the south, formsthe natu-

ral habitat of this wildlife, my conclusion that the Island falls within the
territorial jurisdiction of Namibia necessitates a consideration of the
environmental principles drawn in by such a finding, without which this
opinion would be incomplete. One of these is the principle of joint

Memorial of Namibia, p. 10,par32.
Ibid,para.33. LE DE KA<;IKILI/SEDU (P.UDISS.WEERAMANTRY) 1155

1. La Cour a analyséet évalué avecbeaucoup de soin la masse de ren-
seignements historiques et diplomatiques qui lui a été présentée . la
suite d'un examen approfondi de tous ces éléments, laCour est parvenue
à la conclusion que le chenal nord du fleuve Chobe constitue la frontière
internationale entre le Botswana et la Namibie suivant lesdispositions du
paragraphe 2 de l'article III du traité de1890conclu entre l'Allemagne et
la Grande-Bretagne.
2. Un élémentfondamental de cette masse d'informations est que les
Masubia ont longtemps, sans solution de continuité, utilisé etoccupéI'île
de KasikiliISedudu depuis une date antérieure au traité de 1890et pen-
dant plus d'un demi-siècle ensuite. La Namibie se sert de cette informa-
tion à deux fins différentes.Elle soutient que le comportement des deux
administrations par rapport àcette utilisation et cette occupation de I'île

corrobore son interprétation du traité qui est que le paragraphe 2 de
l'articleII vise le chenal sud'. La Namibie soutient égalementque cette
utilisation et cetteccuwation lui confèrent sur I'île un titre totalement
indépendant en vertu de la prescription acquisitive2.
La présente opinion porte entièrement sur la première de ces deux
thèsesnamibiennes.
3. Sur cette question centrale du poidsjuridique a attribuer a cette uti-
lisation et occupation de l'île,je suis tentéd'adopter une approche un peu
différente de celleque la Cour a retenue. J'aboutis donc à une autre
conclusion en ce qui concerne la frontière internationale.
On trouvera dans la partie A de la présenteopinion les motifs pour
lesquels je conclus qiuec'est le chenal sud qui constitue cette frontière
internationale.
4. Dans la partie EI,j'aborde une autre sériede problèmes.

Comme j'aboutis à la conclusion que I'îlede KasikiliISedudu est située
sur le territoire de la Namibie tandis que le parc animalier du Chobe, au
sud, appartient au territoire du Botswana, ce sont deux juridictions ter-
ritoriales dont relèvepar conséquentce qui constitue finalement une seule
et mêmeréserveaninialière, une réserve,faut-il ajouter, qui est l'une des
plus précieusesd'Afrique australe précisément enraison de ses richesses
animalieres.
5. L'îleest en effet fréquentée,si l'on encroit les piècesdu dossier, par
de multiples espèces d'animaux sauvages: on y trouve souvent ou de
temps àautre des éléphants,des hippopotames, des buffles,des «lechwe»,
des rhinocéros, des girafes, des élans, desbabouins, des lions, des zèbres,
des léopardset des aigles pêcheurs.Comme l'île et le parc animalier du
Chobe au sud constituent l'habitat naturel de cette faune, la conclusion
laquelle j'aboutis, qui est que I'îlerelèvede la juridiction territoriale de la
Namibie, impose d'examiner les principes environnementaux que cette

conclusion met en jeu et sans lesquels la présente opinion ne serait pas

' Mémoirede la Namibie, p. 10, par. 32.
'Ihidp.ar. 33.1156 KASIKILI~SEDUDU ISLAND (DISS .P. WEERAMANTRY)

régimes,a matter peripherally involved in the Court's stipulation of equal
access to the navigational use of the river. However, my finding necessi-
tates a more detailed examination of this concept, which the Court has so
far-sightedly incorporated in its Judgment.

6.Thus, on the one hand, this case transports us back to the age of
empire-building in Africa, and requires us to re-enter the time frame of
that era in order to understand what Britain and Germany had really
agreed upon when dividing the relevant African territories between them.
On the other hand, it raises issues which project us into a vital new area
of international law, the rapid development of which will be a feature of
the international law of the future.

Introduction

7. This case turns upon the interpretation of Article III (2) of the 1890
Treaty between Germany and Great Britain. The sphere in which the
exerciseof influence is reserved to Germany is described as bounded by a
line which runs eastward along the 18th parallel of south latitude "till it
reaches the river Chobe, and descends the centre of the main channel of
that river to thejunction of the Zambezi" (emphasis added). TheGerman
version of the Treaty uses the term "Thalweg des Hauptlaufes" for the
English words italicized.
8. Problems arise in this case because of the bifurcation of the River
Chobe into two channels which run to the south and the north of the
disputed Island and reunite thereafter. The legal ownership of the Island

would depend on whether the northern or southern channel is considered
to be the main channel. If the northern channel is the main channel, the
Island would fall within the territorial jurisdiction of Botswana, while a
determination that it is the southern channel would bring it within the
iurisdiction of Namibia.
A central question therefore is the interpretation of the italicizedng-
lish and the corresponding German expressions. Are they synonymous
and, if they have different connotations, how does one interpret this
clause?
9. 1 am inclined to the viewthat the German terms were intended to be
synonymous with the English expression "centre of the main channel".
Yet, the German word "thalweg" often carries additional technical con-
notations as well. However, whether one reads the two expressions as
synonymous or whether one gives the word "thalweg" a different and
special connotation, it seems to me, for reasons which will be amplified
later, that they point in the direction of the southern channel being the
boundary indicated by the Treaty. LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISSW. EERAMANTRY) 1156

complète. Au nombrl- de ces principes figure celui du régimeconjoint
d'exploitation, question que la Cour évoque de façon très lointaine
quand elle prescritl'égalitd'accèsau fleuve à des fins de navigation. Ma
conclusion exige toutefois d'étudierplus avant cette notion que la Cour a
eu la perspicacitéd'intégrerà son arrêt.
6. On voit donc que, d'un côté, cette affaire nous ramène à l'époque
de la constitutiondes empires coloniaux en Afrique, et nous impose de
revivre l'époquepour comprendre ce que la Grande-Bretagne et I'Alle-
magne ont véritablement voulu quand elles se sont partagé d'un com-
mun accord les territoires africains dont il s'agit. D'un autre côté,

l'affaire soulève des questions qui nous projettent dans un domaine
capital du droit international qui est totalement nouveau et dont le
développement rapide va profondément marquer le droit international
de l'avenir.

Introduction

7. L'affaire repose sur I'interprétationdu paragraphe 2 de l'article III
du traité conclu en 1890 par l'Allemagne et la Grande-Bretagne. La
sphère d'influence réservée à l'Allemagne est dite délimitée,à l'est, par
une ligne qui suit le8'parallèle de latitude sud cjusqu'au Chobe et suit
le centre du chenal principalde ce fleuvejusqu'à son confluent avec le

Zambèze))(les italiques sont de moi). La version allemande du traité uti-
lise, pour les termes que je mets en italique, l'expressionThaliurg des
Huuptlaufes».
8. Les problèmesqui se posent en l'espècetiennent au fait que le fleuve
Chobe bifurque en deux chenaux qui passent au sud et au nord de I'île
contestéeet convergent à nouveau ensuite. Juridiquement, la propriétéde
I'îleest tributaire de la réponse la question de savoir si c'est le chenal
nord ou le chenal sud qui est considérécommele chenal principal. Sic'est
le chenal nord. I'îleirelèverade la juridiction territoriale du Botswana,
mais se prononcer en faveur du chenal sud reviendra à la soumettre àla
juridiction de laNamibie.
Il se pose donc une question centrale au sujet de I'interprétation dela
formule citéeen italique et de l'expressionallemande correspondante. Les
deux textes sont-ils synonymes et, si la connotation est différente,com-

ment faut-il interpréter la disposition?
9. J'estimerais volontiers que les termes allemands en question étaient
censés êtresynonymes de l'expression ((centre du chenal principal)).
Pourtant, le terme allemand «thalweg» est souvent assorti de nuances
techniques également. Toutefois, que I'on prenne les deux expressions
pour synonymes ou bien que I'on donne une connotation autre et parti-
culièreau mot «thalweg», il me paraît, pour des motifs que je dévelop-
perai plus loin, que112seux formules feraient du chenal sud la frontière
désignéepar le traité.1157 KASIKILI~SEDUDU ISLAND (DISSO. P.WEERAMANTRY)

10. Since the terms used are not so explicit as to point definitively to
one or the other channel of the river, it becomes necessary to derive
assistance from such aids to interpretation as are permitted by the law
relating to treaties.nasmuch as the cardinal question involved ishow the
boundary was understood by the parties or their agents in the context of
the period of the Treaty, Le., 1890and the years immediately succeeding,
there is invaluable assistance to be derived from the way in which the
authorities on both sides regarded the regular Masubian crossings of the
northern channel. These movements occurred regularly for over 50 years
after the Treaty, without the faintest suggestion from either side that they
involved the crossing of an international boundary.

11. After outlining the relevant rules of treaty interpretation and the
legal significance, inthat context, of theMasubian use and occupation of
the Island, 1 shall consider the implications of the phrases used in
the Treaty, and the ambivalence of the other criteria that have been
suggested for determining what is the main channel.

General Approuch to Questions of Interpretation Arising in This Case

12. The first stage of any exercisein treaty interpretation is to interpret
the words according to their ordinary meaning. Even at this initial stage,
the task is complicated by the fact that the expressions used may carry a
legal meaning and a scientificmeaning as well. The normal rule of inter-
pretation of documents that words are to be interpreted according to

their ordinary meaning is naturally modified if those words also bear a
technical meaning in the context in which they are used.

13. This case presents a classic instance of what the law relating to
treaties would class as a situation where the ordinary or indeed the legal
and scientificmeaning of the words used leavesone in considerable doubt
as to the correct interpretation. Either interpretation - that which
regards the northern channel as the main channel or that which regards
the southern channel as the main channel - can be supported by a
wealth of scientificand circumstantial data, based upon different criteria
such as breadth, depth and volume, which have no necessary ranking
order among them. While not discounting the high scientificand techni-
cal expertise of the experts who have been called before the Court by
both Parties, it is necessary to note that there is alimit to the assistance

they can give in the determination of the question which is the main
channel of the Chobe River.

14. Since the matter thus remains unclear, another basic rule of inter-
pretation is called into play, permitting a court to look further into the
way in which the parties or their agents in fact acted upon the document.
Parties know best in what sense they used any particular words and, espe- 10. Comme le vocabulaire utilisé n'estpas explicite au point de dési-
gner de façon déterminante l'un ou l'autre chenal du fleuve, il devient
indispensablede faire appel aux auxiliaires de l'interprétation qu'autorise
le droit des traités.Comme la question fondamentale à laquelle il faut
répondre est de savoir quelle idée lesparties ou leurs agents se faisaient
de la frontière pendarit la périodedu traité,c'est-à-dire1890et les années

qui ont immédiatemei~tsuivi, il est extrêmementutile de chercher àsavoir
comment les autorité:;, des deux côtésc ,onsidéraientle fait que lesMasu-
bia traversaient constamment le chenal nord. Et ces traversées sesont
répétéep sendant plu:; de cinquante ans après la signature du traité sans
qu'aucune des parties ne cherche le moins du monde à dire que cela reve-
nait à franchir une frontière internationale.
11. Aprèsavoir évoqué rapidementles règlespertinentes de l'interpré-
tation des traitéset l'importance juridique que revêtentdans ce contexte
l'utilisation et l'occupation de'îlepar les Masubia, je verrai quelles inci-
dences il faut accorder aux formules du traitéet quelle est l'ambivalence
des autres critèresqui: l'on a suggéré d'utiliserpour savoir quel est le che-
nal principal.

Les questions d'interprétation en l'espèce:conception générale

12. Dans toute opération d'interprétation de traité,la première étape
consiste à interpréter les termes suivant leur sens ordinaire. Mais même
lors de cette première phase, la tâche est rendue plus compliquéepar le
fait que les expressions utilisées revêtenteut-êtreaussi un sensjuridique
et un sens scientifique. La règlenormale à appliquer à l'interprétation de
documents, qui est que les termes doivent être interprétés suivant leur
sens ordinaire, est etidemment infléchiesi ces termes revêtent aussi un
sens technique dans le contexte dans lequel ils sont utilisés.
13. La présenteinstance est un exemple classique de ce que le droit des

traitésclasseraitpanni les situations où le sens ordinaire des termes uti-
lisés,voire leur sens juridique et scientifique, crée unetrès grande incer-
titude quant à ce qui constitue la bonne interprétation. Chacune des
interprétations possibles- cellesuivant laquelle le chenal nord est le che-
nal principal ou bien celle suivant laquelle le chenal sud est le chenal prin-
cipal - peut êtreétayéepar une masse d'indications scientifiques ou liées
aux circonstances, reposant sur différentscritères,la largeur du fleuve,sa
profondeur, son débit,qu'il n'y a pas nécessairementlieu de ranger sui-
vant un certain ordre. S'il ne faut pas écarter les vastes compétences
scientifiques et techniques des experts que les deux Parties ont fait dépo-
ser devant la Cour, il faut bien admettre que l'aide qu'ilspeuvent nous
apporter au moment où il nous faut répondre à la question de savoir quel
chenal est le chenal principal du Chobe est limitée.

14. Comme la question demeure par conséquent obscure, on fait alors
appel à une autre ri:gle fondamentale de l'interprétation, qui autorise le
juge à examiner comment les parties ou leurs agents ont concrètement
donné suite au document. Ce sont les parties qui savent le mieux dans1158 KASIKILI~SEDUDU ISLAND (DISS .P. WEERAMANTRY)

cially in the case of an old or ancient document, this helps the modern
interpreter considerably.

15. In this opinion,1shall place particular emphasis on this approach,
as the words used are capable of more than one construction, whether
viewed according to the ordinary meaning of the words used, or accord-
ing to their legal or technical meaning. Since the document we are con-

sidering is over a hundred years old, the way in which the document was
understood at the time is clearly a powerful aid to its interpretation.
16. In determining this rather obscure question so long after the date
of the Treaty, it must be acknowledged that the meaning weare searching
for must have been much more apparent to those dealing with it closer to
the time. Who better than they would know which of the two channels
was considered at the time of the Treaty to be the main channel?

17. 1am not, in this context, directing my attention to Namibia's alter-
native claim of prescriptive occupation of KasikiliISedudu Island, in the
years immediately following the Treaty. 1 am here concerned, rather,
with determining what would be a reasonableconstruction of the ambigu-

ous expression "main channel", having regard to the conduct of those
who were closest in time to the Treaty. In the crucial period immediately
following the Treaty, how was it acted upon by those who were closest
not only in time, but also in fact, to its practical operation?

It is apparent that there could not have been an implementation of the
terms of the Treaty in the period immediately following the Treaty, in a
manner which ran contrary to the sense of the two administrations asto
what the Treaty meant.
18. 1may add that contemporaneous conduct in relation to the Treaty
is especially important in this case in the light of the fact that observa-

tions regarding the various qualities of the river - whether they be
breadth or depth or volume of flow - can Vary considerably over a
period of a hundred years, and could depend very much on the time of
observation, be it the wet season, the dry season or any other. The sense
in which the Treaty was understood contemporaneously is the best index
to what was actually intended, and any search for clarification of the
terms used must focus intensely on this aspect.

Article 31 of the Vienna Convention
19. This brings me to a consideration of Article 31, paragraph 3 (b),

of the Vienna Convention, which has been the subject of detailed written
and oral submissions by both Parties. Namibia has contended that it
refers to "any subsequent practice . . which establishes the understand- LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISS.WEERAMANTRY) 1158

quel sens elles ont pris tel ou tel mot et, tout particulièrement s'il s'agit
d'un document ancieniou très ancien, cela aide considérablement l'inter-
prète moderne.
15. Je vais dans la présenteopinion recourir tout particulièrement à
cette approche, car le:stermes utilisés seprêtentà plus d'une interpréta-
tion selon qu'on leur attribue leur sens ordinaire ou bien leur sens juri-

dique ou technique. CIommel'instrument que nous examinons a plus de
cent ans, il est manifestement d'une utilitéconsidérableaux fins de son
interprétation de savoir comment il a été compris à l'époque.
16. Pour pouvoir rkpondre a cette question demeurant assez obscure si
longtemps après la da~tede la conclusion du traité,il faut bien admettre
que le sens que nous voulons préciserdoit avoir été beaucoupplus clair
pour ceux qui s'intéri:ssaienà cette question à une époque moins éloi-
gnéedu traité. Personne n'est mieuxplacépour savoir lequel des deux
chenaux était considéré à l'époquedu traité comme le chenal principal.
17. Dans ce contexte, je ne m'intéressepas à la prétention subsidiaire
de la Namibie a la souverainetésur l'île de KasikiliISedudu sous l'effet
d'une occupation prescriptive dans les années quisuivent immédiatement

la conclusion du traité.Je cherche plutôt établirce qui pourrait êtreune
interprétation raisonnable de l'expression ambiguë ((chenal principal)),
compte tenu de la conduite de ceux qui ont été,dans le temps, les plus
proches de la date de la conclusion du traité. La question que je pose est
la suivante: dans la période crucialequi suit immédiatement la conclu-
sion du traité, quelle suite lui ont donnée ceux qui en étaient les plus
proches non seulement dans le temps mais aussi concrètement, du point
de vue de sa mise en Œuvrepratique?
Il est clair qu'il étaitimpossible de mettre en Œuvreles dispositions du
traité pendant la période immédiatement postérieure a sa conclusion
d'une façon qui eût étécontraire au sens que les deux administrations en
cause attribuaient au traitélui-même.

18. J'ajouterai que la conduite adoptée par lescontemporains àl'égard
du traité revêt d'autant plus d'importance en l'espèceque les observa-
tions concernant les diverses qualitésdu fleuve - largeur, profondeur,
débit - peuvent doninerdes chiffres très variables sur une périoded'une
centaine d'années,et varier aussi beaucoup suivant le moment où I'obser-
vation est relevée,selon qu'il s'agitde la saison des pluies, de la saison
sèche, etc. Le sens attribué au traité par les contemporains fournit la
meilleure indication dlel'intention réelledes auteurs du traité et, dèsque
l'on cherche à en préciserles termes, on doit se pencher de très prèssur
cet aspect des choses.

L'article31 de la convention de Vienne

19. Les considérations ci-dessus m'amènent donc à examiner le para-
graphe 3 b) de l'article 31 de la convention de Vienne au sujet duquel les
Parties ont présentél'une et l'autre des conclusions,a la fois dans leurs
écritureset dans leurs plaidoiries. La Namibie soutient que cettedisposi-1159 KASIKILI~SEDUDU ISLAND (DISS . P.WEERAMANTRY)

iizgof the parties regarding its interpretationV3, and that it therefore
extends to conduct that takes the form of silence or inaction.

20. Botswana has resisted this contention4, arguing that the Court
should be cautious in the face of this suggestion, and that the meaning of

the word "agreement" should not be thus watered down. Botswana has
also argued that :

"In the present case the whole point is that the acts alleged to
constitute relevant acts of jurisdiction by Namibia are intended to
constitute an independent source of title, that is, on the basis of
prescription."

21. This submission does not accord with the submission of Namibia
that it was relying upon this evidence for a twofold purpose. The estab-
lishment of prescriptive title through this evidence was only one of them.

The other, on which 1 concentrate in this opinion, was the question

whether the silence or inaction of Botswana and its predecessors, in the
face of regular use and occupation of the Island by the Masubian people,
is evidence of an understanding of the Parties that the boundary referred
to in the Treaty was the southern and not the northern channel.

22. Since the question before us is what the main channel was consid-
ered to be over a century ago, and since modern scientific evidence was
not available then, one must turn to contemporaneous indicia. People
living in the vicinity of the river, as well asse who had administrative
authority over the area, would have had a far better understanding as to

which was considered to be the main channel for practical purposes.
The conduct of colonial officials, in particular, in relation to matters
involving the boundary, would give us a valuable insight into the con-
temporaneous view as to which channel constituted the boundary. Here
is a practical indicator of the Parties' understanding of the Treaty,
which cannot be discounted or ignored. Indeed, it would seem strange,
if not unrealistic, to give to the Treaty a meaning which does not accord
with the contemporaneous understanding of the Treaty by the very
officials who were called upon to administer it.

23. 1 accept Namibia's submission that the word "agreement" in
Article 31,paragraph 3 (b), of the Vienna Convention can be read in the
sense of "understanding", and can therefore cover silenceand inaction as

Memorial of Namibia, Vol. 1.p. 65, para. 177(emphasis supplied)
CR 99/13, p. 57. of Botswana, Vol1,p. 84, para. 238. N LEDE KASIKILI/SEDU (DP. DISS.WEERAMANTRY) 1159

tion vise «toute pratique ultérieurement suivie...par laquelle est établi
l'accord (understanding) des parties à l'égard de l'interprétation du
traité^^et que cette pratique ultérieure s'étendpar conséquentau silence
ou à l'inaction.
20. Le Botswana s'est opposé à cette thèse4, soutenant que la Cour
devrait user de prudence à I'égardde cette suggestion et qu'il nefaudrait
pas de cette manièrediluer le sens du terme ((accord)) («ugreement»). Le
Botswana dit en outre:

((En l'espèce,I'irriportant est que les actes censésconstituer des actes
pertinents de juridiction par la Namibie devraient constituer une

source indépendante de souveraineté, fondéepar conséquent sur la
prescription.'

21. Cette conclusion ne correspond pas avec celle de la Namibie qui
dit s'appuyer sur ces moyens de preuve à une double fin. Etablir un titre
de souverainetépar prescription grâce à ces élémentsde preuve ne cons-
tituait que l'une de ces fins.
La seconde de ces tins, à laquelle je consacre l'essentiel de la présente
opinion, est la question de savoir si lesilence ou l'inaction du Botswana
et de ses prédécesseurs faceà une utilisation et une occupation régulière
de l'îlepar les Masubia donne la preuve que les Parties étaient d'accord

pour situer la frontière viséedans le traitédans le chenal sud et non pas
dans le chenal nord.
22. Comme la question à laquelle nous devons répondre consiste à
savoir où l'on situait le chenal principal il y a plus d'un siècleet que l'on
ne disposait pas alors de moyens de preuve scientifiques modernes, nous
devons nous en remettre à des indications de l'époquecontemporaine.
Les habitants des localitéssituéesau voisinage du fleuveainsi que les per-
sonnes chargéesd'administrer la zone comprenaient normalement beau-
coup mieux, à toutes finspratiques, quel chenal étaitcenséreprésenterle
chenal principal. La conduite des fonctionnaires coloniaux, en particu-

lierà l'égarddes questions ayant traità la frontière, devrait nous donner
des indications précieusesquant à ce que les contemporains estimaient
êtrele chenalconstituimt la frontière. Il s'agit làd'une indication concrète
de la façon dont les Parties comprenaient le traité, indication qu'il est
impossible d'écarter ou d'ignorer. Il paraîtrait d'ailleurs étrange, sinon
irréaliste,de donner a.utraitéun sens qui ne soit pas compatible avec la
façon dont le traité était interprété à l'époque par les fonctionnaires
mêmesqui étaientchargésde l'appliquer.
23. J'accepte la conclusion de la Namibie quand celle-ci dit que le

terme «accord» («agreement ») figurant au paragraphe 3 6) de l'article
31 de la convention d'eVienne peut êtrelu au sens d'<(entente» (((under-

Contre-mémoire du Botswana, vol.. 84, par. 238.italiques sont de moi
CR 99/13. p. 57.1160 KASIKILI/SEDU ISUAND (DISS.OP. WEERAMANTRY)

well. This view derives support not only from the general law relating to
the interpretation of documents, but also from the travaux priparatoires
of the Convention6. In paragraph 49 of its Judgment, the Court likewise
gives its support to the view that the Parties' understanding of the Treaty

is the basis for the importance of subsequent practice.

24. The substitution of the word "agreement" for the word "under-
standing", which was contained even in the International Law Commis-

sion's penultimate draft, occurred in the context of bringing the English
text into line with the French, Russian and Spanish texts7. The word
"agreement" in the Convention bears a meaning analogous to the French
and Spanish "accord" or "acuerdo", respectively, and does not therefore

rule out an understanding which may not be couched in the form of a
verbal agreement8.In the words of Sir Humphrey Waldock:

"The word 'understanding' was chosen by the Commission instead
of 'agreement' expressly in order to indicate that the assent of a

party to the interpretation may be inferred from its reaction or
absence of reaction to the pra~tice."~

The French and Spanish versions used the words "accord" and "acuerdo",
which themselves do not necessarily bear the meaning of an agreement
expressly made in so many words 'OThe word "agreement" in Article 31,
paragraph 3 (h), of the Convention must not therefore be interpreted to
be restricted to a verbal agreement. It could include an understanding

manifested by conduct.

25. What has to be taken into account together with the context is
"any subsequent practice in the application of the treaty establishing the

See the remarks of the Special Rapporteur, in discussing the comments by govern-
ments on the ILC Draft, 1964,that the ILC intended that evidence of subsequent practice
indicating a "common understanding" should be taken as an "authentic interpretation
comparable to an interpretative agreement" (The Viennu Convcvztionon the Law of Treu-
lies, Truvuu'r Pr&purutoires,Dietrich Rauschning. ed.. 1978, p. 247. para. 18).

'See United Nations Conferencc on the Luiv of Trecitic~s.First Session, 26 Murc11-
24 May, 1968, 1969, p. 442, para. 29.
Vndeed, English speaking delegations appeared content with the word "understand-
ing". Thus Australia and the United States had introduced an amendment which, while
retaining the words "understanding", sought to introduce the word "common" before it
(Unitcd Nurions Conference on thr Luic of Treutic.~,.supra,p. 442, para. 32).

2 Internationcil Luiv Corn. (1966), p. 99.7. "Sixth Report on the Law of Treaties",

résulted'une conformité ou d'une communauté de sentiments, de pensées,de volontés":i
Maria Moliner. Diccionurio (1.uso del espuiïol, 1988.defining "acuerdo" as "conformidad
de pareceres entre dos o mas personas". LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISS. WEERAMANTRY) 1160

standing))) et peut par conséquent couvrir également le silence et I'inac-
tion. L'idée estconfortée non seulement par le droit généralde I'interpré-
tation de documents inais également par les travaux préparatoires de la

convention6.Au paragraphe 49 de son arrêt,la Cour, de même,souscrit
à l'idéeque l'accord des Parties sur le sens du traitéexplique pourquoi la
pratique ultérieure a tant d'importance.
24. Le terme ((agreement)) a étésubstitué au terme ((understanding))

qui figurait même encoredans l'avant-dernier projet de la Commission
du droit international., avec le souci d'aligner le texte anglais sur les textes
français, russe et espa,gno17.Dans la convention, le terme anglais ((agree-
ment» a un sens analogue à celui du terme français «accord» ou du

terme espagnol «acuerdo», et n'exclut par conséquent pas une entente
(understanding) qui ne prendrait pas nécessairementla forme d'un accord
verbal8. Comme l'a dit sir Humphrey Waldock:

((La Commission a intentionnellement employé le mot «under-
standing))(entente) au lieu du mot ((agreement ))(accord) pour indi-
quer que l'assentiment d'une partie à l'interprétation d'un traitépeut
êtredéduit de la réaction ou de l'absence de réaction de cette partie

à l'égardde la pratique. )19

Dans les versions française et espagnole figuraient les mots «accord» et
«acuerdo», qui, en soi, n'ont pas nécessairement le sens d'un accord
(agreementj formellement exprimé comme tello. Il ne faut donc pas

interpréter le terme ((agreement)) figurant au paragraphe 3 bj de l'article
3 1de la convention comme étantlimité a un accord verbal. Le terme peut
s'étendre à une entente (understandingj se manifestant par un compor-

tement.
25. Ce dont ilfaut tenir compte dans le contexte, c'est de ((toute pratique
ultérieurement suiviedans l'application du traité par laquelle est établi

Voir ce que dit le rapporteur spécialquand il étudieles observations des gouverne-
ments sur le projet de la Commission du droit international. en 1964:la CD1 voulait que
la pratique ultérieurementsuivie manifestant une ((entente commun(«c,ornnionunder-
stunding))) représente((une interprétation authentique comparaàlun accord interpré-
tatif)) (The Vienna Conveiztion on the LUIVof Treaties. travaux préparatoires, Dietrich
Rauschning. dir. de publ.. 1978,p. 247. par. 18).
' Voir Do<,urnentsofficil:l.sde lu conf6rencc~des Nations Unics sur.le droit des truit6s.
prernitre srssioii. 26 mars-24 mai 1968, 1969.p. 480, par. 29.
D'ailleurs, les délégationsanglophones se satisfaisaient du terme «understanding».
C'est ainsique l'Australie et les Etats-Unis avaient présentéun amendement qui, tout en
conservant le terme «unclerstanding)) visaàt le faire précéderdu terme «cornmon »
(Documents officiels de la conférencedes Nutions Unies sur le droit des traités, supra,
p. 481. par. 32).
H. Waldock, doc. AlCN.41186et Add. 1-7.((Sixièmerapport sur le droit des traités)),
Annuuire de la Comrnissio.vdu droit internutionul, 1966,vol. II, p. 107.
'OVoir Le Grund Robert de lu lungue françai.~e, 1992, qui définitl'«accord» comme
l'«étatqui résulted'une conformitéou d'une communauté de sentiments, de pensées.de
volontés»; Maria Moliner. Diccionario de uso clel espatîol, 1988, définit I'«acu>)do
comme une ((c,onfirn~idudde p(rrec,erescwtre dos o tnus personas)).1161 KASIKILI~SEDUDU ISLAND (DISS . P.WEERAMANTRY)

understanding of the parties regarding its interpretation" Il.1refer also to
the Beagle Channel Arbitration where the Court of Arbitration observed:

"The Court cannot accept the contention that no subsequent con-
duct, including acts of jurisdiction, can have probative value as a
subsidiary method of interpretation unless representing a formally

stated or acknowledged 'agreement' between the parties. The terms
of the Vienna Convention do not specify the ways in which 'agree-
ment' may be manifested." l2

The ample jurisprudence of this Court relating to subsequent prac-
ticeI3 also shows that "the way in which the parties have actually con-
ducted themselves in relation to the treaty affords legitimate evidence as

to its correct interpretation" 14.
26. For the purposes of the case before us, the words "any subsequent
agreement" seem to me to refer to any consensus or common under-
standing in regard to how the words in question are to be viewed. The
word "agreement" here is not restricted to a subsequent agreement in the
sense of a fresh verbal agreement superimposed upon the original. It also
embraces a consensus or common understanding, as shown by conduct,

regarding its interpretation or application. Such conduct can take the
form of action or inaction, affirmation or silence. 1uphold the Namibian
contention in this regard, and do not think it waters down the meaning of
the term "agreement", as Botswana contends.

27. In other words, what we are looking at is not a variation of the

Treaty by another agreement, but a consensus or common understanding
between the Parties (as manifested by conduct, which may include action
or inaction) as to how the words of the Treaty were interpreted and acted
upon. In the words of Sir Gerald Fitzmaurice:

"conduct usually forms a more reliable guide to intention and pur-
pose than anything to be found for instance in the preparatory work

Ian M. Sinclair, The Vienna Convention on the Law of Treaties, 1973,p. 71 (empha-
sis added).
l2Case concerning a dispute between Argentina and Chile concerning the BeagleChan-
nel (19771,United Nations, Reports of International Arbitral Airards, Vol. XXI, p. 187,
para. 169.
l3See, for example, Corfu Channel, I.C.J. Reports 1949, p. 25; Temple of Preah
Vihear, I..J. Reports 1962. pp. 33-35; South West Africa, I.C.J. Reports 1971, p. 22;
Military and Paramilitary Activities in und againsr Nicaragua, I.C.J. Reports 1984,
pp. 408-413.
fice, Vol1,1986,p. 357.ice. The Lait' and Procedure of rlzeInfernofional Court of Jus- ÎLE DE KAISIKILI/SEDU (OPUDISS.WEERAMANTRY) 1161

l'accord (understanding)desparties àl'égarddel'interprétationdu traité)) Il.
J'évoquerai aussi l'arbitragerelatif au canal de Beagleà l'occasionduquel le
tribunal d'arbitrage a lait observer ceci

«Le tribunal ne peut pas accepter la thèse suivant laquelle la
conduite ultérieuire,y compris des actes dejuridiction, ne peut avoir
de valeur probante en tant que moyen subsidiaire d'interprétation à

moins de représenter un «accord » (((agreement») formellement
prononcé ou reconnu par les parties. Les dispositions de la conven-
tion de Vienne ne précisent pas les modalités suivant lesquelles
l'accord (agreement) peut semanifester. » '*[Traduction du Greffe.]

L'abondante jurispi-udence de la Cour actuelle au sujet de la pratique
ultérieure" montre égalementque «la façon dont les parties se sont com-
portéesdans la pratique par rapport au traité donne des preuves légitimes

de la bonne interprétation qu'il faut lui donner)) l4[traduction du Greffe].
26. Aux fins de la présente instance, les termes «tout accord ulté-
rieur)) visent, me semble-t-il, tout consensus ou entente (« common under-
standing)))sur la façon dont il faut considérerles termes en question. Le
terme ((accord » («agreement») n'est pas limitéici à un accord ultérieur
au sens d'un nouvel agreement verbal qui se surimposerait à l'accord ini-
tial.Il peut s'agir aussi d'un consensus (consensus) ou d'une entente

(common understandl;ng), se manifestant par la conduite, portant sur
l'interprétation ou I'alpplicationdu traité. Cette conduite peut prendre la
forme de l'action ou de l'inaction, d'une affirmation ou du silence. Je
souscris à la thèsede la Namibie à ce sujet et je ne pense pas qu'elle dilue
le sens du terme «accord» (((agreement))) comme le soutient le
Botswana.
27. Autrement dit, nous sommes en présencenon pas d'une variante

du traitéétabliepar iin autre accord (agreement), mais d'un consensus
ou d'une entente (cornmon understanding) entre les Parties (se manifes-
tant par la conduite, laquelle s'étend à l'action ou à l'inaction) sur la
façon dont les termes utilisésdans le traitéont étéinterprétéset ont reçu
une suite concrète. Comme le dit sir Gerald Fitzmaurice:

«la conduite constitue généralement uneindication plus fiable quant
aux intentions et au but que tout ce que l'on pourra trouver, par

Ian M. Sinclair, The Vienna Convention un the Law of Treaties, 1973. ;.les
italiques sont de moi.
l2Affaire concernant un différend entre l'Argentine et le Chili au sujet du canal de
Beagle (1977). Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales, vol. XXI, p. 187,par. 169.

'3Voir. par exemple, D4troit de Corfou, C.I.J. Recueil 1949, p. 25; Temple de Préuh
Vihéar. C.I.J. Recueil 1962, p. 33;Sud-Ouest africain. C.I.J. Recueil 1971, p; 22
Activitt's militaires et purumilitaires au Nicarapa et contre celui-ci, C.I.J. Recueil 1984,
p. 408-413.
l4Sir Gerald Fitzmaurice. The Law and Procedure of the International Court of Jus-
tice. vol. 1, 1986,p. 357.1162 KASIKILI~SEDUDU ISLAND (DISS.OP. WEERAMANTRY)

of the treaty, simply because it has taken concrete and active, and
not merely verbal or paper, form"I5.

Further, "there is no doubt about the standing of [this] principle, as an
independent principle, which, in a proper case, it may be not onlj, legiti-
mate but necessary to make use of'16.
This approach does not involve an attempt to move u~vuyfrom the text

of the Treaty, as suggested by Botswana1', but rather an attempt to cal1
in aid the conduct of the parties as a means of understanding the actual
terms of the Treaty.
28. 1stress, of course, that resort to subsequent practice, as showing

contemporaneous understanding of the treaty, can only be had when the
ordinary meaning of the words used in the Treaty is not sufficiently clear
- as is pre-eminently the situation in the present case. Words so charged
with ambiguity as those under consideration here demand the use of
supplementary means of interpretation, and contemporaneous under-

standing ranks high among them.

29. We are not here interpreting or applying a legal concept, in which

case intertemporal principles might, in certain cases, attract the meaning
that concept bears at the time of interpretation. Rather, we are here
examining a question of fact as to which of the two channels was con-
sidered by the parties at that time to be the main channel. This principle
of contemporaneity is one of the important principles of treaty interpre-

tationlx, and is not, 1 think, given its proper effect by taking into
account, as the Court has done, the attitude of the Parties more than
50 years later, when political and other circumstances may well have
necessitated a change of administrative policy from that which had

been evidenced for the half century immediately following the Treaty.

30. Colonial administrations were specially sensitive, in the period of

colonial rivalry, to incursions upon their territory from the territory of
another colonial power. This would be expected to be particularly so at
the time a treaty is concluded which defines their respective areas. At that
time, the administrative authorities in the border regions, even though

thinly spread, would be specially on the alert to incidents of use and
occupation of the territory which are contrary to their contemporaneous
understanding of what the treaty defines. If, indeed, there are such inci-
dents and, as in this case, they are openly conducted, the administrative

authorities would naturally register their concern. If, on the contrary,

l5Fitzmaurice,op.ci?.p. 357.
IhIbid., p. 359 (emphasis added).
l7Counter-Memorial of Botswana. Vol.1,p. 85, para. 240.
IRFitzmaurice,op.ri/.p..359. LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISS. WEERAMANTRY) 1162

exemple, dans les travaux préparatoires du traité, tout simplement
parce qu'elle rev'êu t ne forme concrète et active et non pas simple-

ment une forme verbale ou é~rite»~~truduction du Greffe].

En outre, ((l'autoritéde [ce]principe est incontestable, en tant que prin-
cipe indépendant qu'il peut 2tre non seulement légitime mais indispen-

sable d'appliqirr~rdans les circonstances voulues» Ih.
Contrairement à ce que le Botswana donne à entendre1', cette
approche ne revient pas à tenter de s'écarter du texte du traité, elle
consiste plutôt à tenter de faire appel à la conduite des parties pour

comprendre les dispositions concrètes du traité.
28. Je souligne bien entendu qu'il n'est possible de faire appel à la pra-
tique ultérieure pour savoir comment les contemporains comprenaient le
traitéque si le sens ordinaire des termes utilisésdans ledit traité n'est pas

suffisamment clair - comme tel est si manifestement le casen la présente
espèce. Des termes aussi lourdement chargés d'ambiguïtéque ceux qui
sont examinésici exigent de recourir à des moyens d'interprétation sup-
plémentaires et. parmi ces moyens, l'interprétation commune (understarz-

ding) des contemporains figure au premier rang.
29. Nous ne sommiespas en train ici d'interpréter ou d'appliquer une
notion juridique, auquel cas les principes intertemporels pourraient par-
fois revêtirle sens que la notion a au moment de l'interprétation. Nous

étudions plutôt ici urie question de fait, qui est de savoir celui des deux
chenaux dont les Parties estimaient ù l'époque qu'ilétait le chenal prin-
cipal. Ce principe de la contemporanéitéest un des principes importants
de l'interprétation des traités IX,et, à mon sens, ce n'est pas bien l'appli-
quer que de prendre en considération, comme la Cour l'a fait, l'attitude

qu'adoptent les Parties plus de cinquante ans après, quand les circons-
tances, politiques notamment, peuvent trèsbien avoir modifiéla politique
suivie en matière administrative par rapport à celle qui a manifestement
étésuivie pendant le demi-sièclesuivant immédiatement la conclusion du

traité.
30. Les administrations coloniales étaient tout particulièrement
sensibles, pendant la périodedes rivalitéscoloniales, aux incursions opérées
sur leur territoire à partir du territoire d'une autre puissance coloniale.

Et ce devait êtretout particulièrement le cas à l'époque où deux de ces
puissances concluaiei~t un traité définissant leurs zones respectives. A
l'époque, l'autorité chargéede l'administration dans les régions fronta-
lières, mêmesi elle était peu nombreuse sur le terrain, devait être parti-

culièrement vigilante et s'intéresser à toute utilisation et occupation du
territoire contraire à la façon dont les contemporains interprétaient les
définitions du traité. S'il y avait effectivement des cas d'utilisation et

l5 Fitzmaurice. op. cip. 357.
IhIbitl.. p. 359: les italiques sont de moi.
l8CFitzrnaurice, op. cit., p. 359. 1.p.85. par. 240.1163 KASIKILI~SEDUDU ISLAND (DISS . P.WEERAMANTRY)

they are aware of significant acts pointing to a particular understanding

of the Treaty, and take no steps indicative of a different understanding,
the natural conclusion to be drawn from such conduct is that such acts of
use and occupation accorded with their contemporaneous understanding
of the Treaty.

Indiciu of Occupation

31. The use and occupation of this territory by Caprivi residents must
be considered in the context of the particular geographical characteristics
of the region and contemporary modes of human use and occupation of
such territory.

We must not look for indicia of occupation in terms of settled housing
or ordered agriculture, burial sites, or schools, for the very nature of this
terrain prevented settled habitation in the manner known to Western
jurisprudence and tradition. At best there would have been temporary

occupation in makeshift huts from time to time as the rains and the cli-
mate determined. Such mud huts as there were would tend to be washed
away during floodtime, for they were not constructed for permanent
occupation. Even agricultural holdings could have been at best of a
rather haphazard variety as compared with the holdings one is accus-
tomed to in settled societies. Aerial photographs likewise would not
reveal the ordered patterns of cultivation one is accustomed to see in cul-
tivated agricultural land.

Factors such as these must be taken into account in assessing the infer-
ences we could draw regarding Masubian occupation of the Island when
the floods of each year had subsided.

32. Quite apart from the flood factor, there may well have been a lack
of regularity inMasubian occupation of this territory, as is characteristic
of a society which does not follow a regular routine year in and year out.
Concepts of settled occupation, in default of which a territory is deemed
unoccupied and even res nullius,which traditional principles of interna-
tional law have led us to expect, must consequently be discarded in
approaching a case such as the present. One recalls, in this context, judi-
cial observations such as those in the Legal Status of Eastern Green-
land19, holding that even slender proof may satisfy a court of the exercise
of sovereign rights in cases of thinly populated or unsettled territory,
where the other party cannot make out a superior claim.

l9P.C.I.J., Series AIB, No. 53,p. 46

122 LE DE KASIKILI/SEDU (DP. DISS.WEERAMANTRY) 1163

d'occupation et que ces cas soient, comme en l'espèce,patents, les admi-
nistrateurs manifesteraient, bien entendu, leur inquiétude.Si,au contraire,
lesadministrateurs oni:connaissanced'actes significatifstémoignant d'une
certaine interprétation du traité etne prennent aucune mesure procédant
d'une interprétation différente, il faut normalement déduire de pareille
conduite que ces actes d'utilisation et d'occupation étaient compatibles
avec l'interprétation dlutraitéqui avait coursà l'époquecontemporaine
chez les administrateurs coloniaux.

Les signes d'occupaiion

31. L'utilisation et l'occupation du territoire par les habitants de la
bande de Caprivi doivent êtreétudiéessous l'angle des caractéristiques
géographiques particulières de la région et des modes d'utilisation et
d'occupation par l'homme de ce type de territoire à l'époquecontem-
poraine du traité.
Nous ne devons pas rechercher des signes d'occupation sous forme de
maisons d'habitation permanente, d'agriculture organisée, de lieux de

sépultureou d'écoles,car la nature même du terrain empêchaitI'habita-
tion permanente sous la forme propre à la jurisprudence età la tradition
occidentales. Il yvait tout au plus occupation temporaire dans des cases
improviséesde temps à autre, comme les pluies et le climat le permet-
taient. Les sortes de cases de piséqui pouvaient exister disparaissaient
lors des inondations, car elles n'étaient pas construitespour I'occupation
permanente. Même les parcelles agricoles devaient êtreau mieux consa-
créesa des cultures de fortune par rapport aux cultures permanentes aux-
quelles nos sociétésont habituées. Demême,lesphotographies aériennes
ne font pas apparaître les modes organisésde culture dont nous avons

l'habitude sur des terres consacréesà l'agriculture.
C'est ce type de facteurs qu'il faut prendre en considération pour éva-
luer les indications que nous pouvons tirer de I'occupation de'îlepar les
Masubia quand, tous les ans, les inondations s'interrompent.
32. Les inondations mises a part, I'occupation du territoire par les
Masubia peut trèsbien avoir manqué de régularité, commeil en est d'une
sociétéqui ne suit pas le mêmerythme habituel tous les ans. Il faut par
conséquent renoncer à aborder, en I'espèce,la situation avec des notions
d'occupation permanente, en l'absence de laquelle un territoire est censé
être inoccupé,voire res nullius, comme nous l'apprennent les principes

traditionnels du droit international. On se rappellece propos les obser-
vations des juges dans l'affaire duStutut juridique du Groënland orien-
tal", suivant lesquelles le tribunal se contente de fort peu de manifesta-
tions d'un exercicede droits souverains quand le territoire est faiblement
peupléou non occupépar des habitants à demeure, pourvu que l'autre
Etat en cause ne puisse faire valoir une prétention supérieure.

IyC.P.J.I. sc'rirrr53.p. 46.1164 KASIKILI~SEDUDU ~SLAND (DISS .P. WEERAMANTRY)

The Signijicance of Masuhiun Use und Occupation

33. Was the Masubian use and occupation of this territory, in the
years immediately succeeding the Treaty, an occupation that was merely
permissive, under some external authority, or was it resorted to on the
basis that the occupiers felt entitled tosuch occupation without seeking
the permission of any external authority?

If the latter was the case, their occupation must be presumed to be
occupation under the State of which they werethe subjects, rather than
under any other State which claimed to have authority over the territory.

34. This approach may have its limitations, as the acts of occupation
of the Masubia of the Caprivi Strip were not sovereign acts, but yet such
legal benefit as might accrue from them must enure to the benefit of their
sovereign authority rather than any other. This would be especially so if
the occupation was an organized occupation under their chiefs rather
than sporadic acts of occupation by individuals. In fact, the evidence
indicates that the tribesmen attached great sentimental value to the
Island which was regarded as a seat of chiefly authority, and that such
occupation was part of the living tradition of their tribe.

35. Namibia argues that
"the Masubia of Caprivi had occupied and cultivated Kasikili Island

from before the conclusion of the 1890 treaty until well into the
second half of the present century and that Namibia's predecessors
in title had continuously exercisedjurisdiction over the area with the
full knowledge of Botswana and its predecessors and without any
official objection or protest from them until 1984"*('.

1 believe there is no dispute regarding Masubian cultivation of the
Island until 1947,allowing for such occasional intervals as were necessi-
tated by climatic conditions.1 believethe evidencesupports the viewthat,
from 1890 to 1947, such cultivation during the period when the Island
was not flooded was a regular feature.
36. Colonial governments depended heavily on chiefly authority at a
local level, and the claims and movements of chieftains were not matters
of indifference to them.
What do we infer from this?

This may not have been occupation by a sovereign government such as
is necessary for the acquisition of title by adverse prescription, though it
could come close to such an interpretation. However, it was an occupa-
tion of the land of which the administrations on both sides were not

2oCounter-Mernorial of Namibia, V1.p. 40, para. 83. M L EE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISS . EERAMANTRY) 1164

L'importance [le l'utilisation et de I'occupution de I'îlepar les Musubiu

33. L'utilisation et l'occupation du territoire par les Masubia, pendant
les années qui ont immédiatement suivi la conclusion du traité, étaient-
elles une occupation simplement toléréepar une autorité extérieure quel-
conque, ou bien étaient-elles pratiquées parce que les occupants esti-
maient avoir le droit de pratiquer cette occupation sans demander
d'autorisation à une autorité extérieurequelconque?
Si la seconde hypothèse est la bonne, il faut présumer qu'il s'agitd'une
occupation licite au regard de 1'Etat dont les Masubia étaient les sujets
plutôt qu'au regard de n'importe quel autre Etat prétendant exercer sa
souveraineté sur le territoire.
34. Cette approche est peut-êtrelimitée,car les actes d'occupation des
Masubia de la bande de Caprivi n'étaient pas des actes souverains, et
pourtant l'avantage juridique qu'il est possible de tirer de ces actes

conforte nécessairement leur autorité souveraine plutôt que n'importe
quelle autre autorité. Et cette conclusion s'imposed'autant plus siI'occu-
pation étaitorganisée,sous l'aval des chefs,et ne représentait pas simple-
ment quelques actes sporadiques d'occupation par des particuliers. En
fait, les élémentsde pireuveindiquent que les membres de la tribu éprou-
vaient beaucoup d'attachement affectif pour l'île qui était considérée
comme relevant de l'autorité des chefs et que ladite occupation faisait
partie intégrante des iraditions de la tribu.
35. La Namibie soutient que

«les Masubia du Caprivi avaient occupé et cultivéI'île de Kasikili
avant même la conclusiondu traité de 1890 jusque bien après le
milieu du siècleactuel et que les prédécesseurs entitre de la Namibie
avaient continuellement exercéleur juridiction sur la régionau vu et
au su di1Botswana et de ses prédécesseurset sans aucune opposition
ni protestation officiellede leur part jusqu'en1984»20.

Je pense qu'il n'y a pas de litige autour du fait que les Masubia ont
cultivé l'île jusqu'en 1947, avec les quelques solutions de continuité
imposéespar le climat. Je pense que les élémentsde preuve présentéséta-
blissent que, de 1890 à 1947, la culture de I'île,pendant les périodesou
celle-ci n'étaitpas inondée, était systématique.

36. Les puissances coloniales étaient étroitement tributaires deI'auto-
ritédes chefs sur le plan local de sorte que les revendications et les déci-
sions des chefs ne leur étaientpas indifférentes.
Que devons-nous en déduire?
Il ne s'est peut-être pasagi de l'occupation pratiquée par un gouver-
nement souverain, comme cela doit êtrele cas pour pouvoir acquérir un
titre par prescription contraire, encore quel'on puisse presque adhérer à
pareille interprétation. Mais il s'agissait d'une occupation du terrain dont

"'Contre-mémoire de la Namibie, v1,p. 40, par. 83.1165 KASIKILI~SEDUDU ISLAND (DISS .P.WEERAMANTRY)

unaware. If this occupation was in disregard of the 1890 Treaty, one
would have expected the Government of Botswana or its predecessors to
lodge a protest, orat least to make it clear that the Masubia were there on
sufferance. There is no evidence of any such action on Botswana's part.

Contemporaneous Understandingof the Treaty as Evidenced by the
Conduct of the Parties

37. For the purpose of assessing the Parties' understanding of the
Treaty, 1now move on to a consideration of the factual material placed
before the Court regarding officia1conduct on both sides. In doing so,
1 stress that what is most important to the legal question1am addressing
is the common understanding of the two administrations in the years
immediately succeeding the Treaty, and not during periods half a century
or more after the Treaty.

38. Changes of official attitude that occurred at a later period, e.g., in
1947 or thereafter, throw little light on how the Parties understood the
Treaty at the time it was entered into, or shortly thereafter. New policy
orientations, and indeed new configurations of political power, may well
have intervened half a century or more after the Treaty, having regard to
the profound changes that took place in the region. For these reasons,
1differ from the Court's conclusion of absence of agreement, based upon
events between 1947and 1951and, indeed, thereafter2'.

Evidence of Common Understanding
39. In the light of the nature of Masubian occupation, as discussed

earlier,1proceed to set out a summary of what can be gathered from the
material before us, in regard to the common understanding of the Treaty
in the years immediately following it. In doing so, 1 start with some of
the findings of the Court as set out in paragraph 62 of the Court's Judg-
ment.

- Prior to 1947, no differences had arisen between Bechuanaland and

the power administering the Caprivi Strip with regard to the bound-
ary in the area of Kasikili Island.

- It appears that, on the basis of the maps available at the time, the
boundary had until then been supposed to be located in the southern
channel of the Chobe.

*'Judgment, para. 63

124 LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISSW. EERAMANTRY) 1165

l'administration des deux côtés n'était pasinconsciente. Si cette occupa-
tion transgressait le traité de 1890, on aurait pu s'attendrea ce que le

Gouvernement botswa,nais ou bien ses prédécesseursprotestent officiel-
lement, ou tout au moins fassent savoir que les Masubia étaientsimple-
ment tolérés.Or, rien n'indique que le Botswana ait agi en ce sens.

Comment les contemporains interprètentle fraitéainsi que le montre
la conduite des Parties

37. Aux fins d'appréciercomment les Parties interprètent le traité,je
vais à présentexaminer les élémentsde fait présentés à la Cour au sujet
de la conduite officielledes deux administrations. Ce faisant, je souligne
que ce qui est le plus important du point de vue de la question juridique
que j'étudie, c'est l'accord ce sujet des deux administrations (common
understanding) pendant lesannées quiont suiviimmédiatementla conclu-
sion du traité et noniispendant lespériodesqui se situent un demi-siècle

ou davantage après ladite conclusion.
38. Les changements intervenus plus tard dans les positions officielles,
par exemple en 1947 ou plus tard encore, ne renseignent pas beaucoup
sur la façon dont lesParties interprétaient le traiàél'époqueou il a été
conclu ou bien peu (le temps ensuite. De nouvelles orientations poli-
tiques, et aussi des modifications de la configuration du pouvoir politique
sont sans doute intervenues un demi-siècle plustard ou davantage après
la conclusion du traitk, étant donnéla façon dont la région s'estradica-
lement transformée. C'est pourquoi je ne conclus pas comme le fait la
Cour que les événementsqui se sont déroulésentre 1947 et 1951 et
d'ailleurs par la suite aussi sont révélateursde l'absence'accord21.

Preuves del'entente (common understanding)

39. Compte tenu de la nature de l'occupation de l'îlepar les Masubia,
comme nous l'avons vu plus haut, j'expose succinctement ci-aprèsce que
l'on peut déduire des élémentsqui nous ont étéprésentésen ce qui
concerne l'entente (cnmmon zmderstanding) relative àl'interprétation du
traitédans les années quiont immédiatementsuivi sa conclusion. Je com-
mence par certaines des constatations que la Cour énonce au para-
graphe 62 de l'arrêt.

- Jusqu'en 1947,aucune divergence de vues n'avait surgi entre, d'une
part, la puissance administrant la bande de Caprivi et, d'autre part, le
Bechuanaland au sujet de la frontière dans la régionde l'îlede Kasi-
kililsedudu.
- Il semble que, compte tenu des cartes alors disponibles, la frontière
était jusquela supposéese situer dans le chenal sud du Chobe.

21Arrêtp,ar. 63 While in 1948a local official from Caprivi and a local officia1from
Bechuanaland came to the conclusion that the main channel was the
northern one, at the same time they noted that since at least 1907use
had been made of the Island by Caprivi tribesmen without objection
by the Bechuanaland authorities, and that that situation still con-
tinued.

It was subsequently,after consulting London, that the higher authori-
ties in Bechuanaland took the view that the boundary was located in
the northern channel.

Such subsequent action, taken nearly 60 years after the date of the
Treaty, can scarcely be used to help in showing how the Parties under-
stood the Treaty, especially where their earlier conduct points to a dif-
ferent understanding.

40. One should also take into account that

- Masubia use and occupation of the Island was of as significant a
nature as the terrain and climatic conditions allowed.
- Masubia use and occupation included even the residence of a chief
and a well organized village community and a school, factors of
much significance when we consider that such occupation was never
challenged by an administration whose successors claim that this
was their territory, and did not raise objections thereto until nearly

60 years after the Treaty.

- One of the initial acts of the first German Imperia1 Resident, Streit-
wolf, was to install the Masubia chief, Chikamatondo, who was to be
responsible to him for the area2'.

- In later years, the Masubia chief himself livedon the Island, and held

his court there.

As already observed, Botswana's contention that the "subsequent con-
duct" argument is one grounded in acquisitive prescription2' does not
take account of the fact that these are in fact two separate arguments.
Factors throwing light on the contemporaneous understanding of the
Treaty can be considered quite apart from their weight as supporting
acquisitive prescription.

41. For these reasons, there is sufficient material from which to con-
clude an understanding on the part of the Parties to the Treaty, as evi-
denced by their practice for upwards of half a century, that they regarded
the southern boundary of the River Chobe as the main channel.

22 Mernorial of Namibia, Vol1,p. 9, para. 28.
23 Reply of Botswana, Vol.1,p. 55, para. 157.

125- En 1948, un administrateur local du Caprivi et un administrateur
local du Bechuanaland seront parvenus à la conclusion conjointe que
le chenal principal était le chenal nord mais, en mêmetemps, ils ont
tous les deux constate que l'îleétaitcultivéedepuis 1907au moins par

des membres de tribu de la bande de Caprivi sans objection des auto-
ritésdu Bechuana'land et que cette situation perdurait.
- C'est ensuite que les autorités supérieuresdu Bechuanaland ont consi-
déré,après avoir consulté Londres, que la frontière se situait dans le

chenal nord.

Il est difficile de se servir de cette action ultérieure qui a lieu près de
soixante ans après la date de la conclusion du traité pour nous aider à
établir comment les Parties interprétaient le traité,d'autant que leur com-
portement antérieur est révélateur d'uneautre interprétation.

40. Il faut égalemeinttenir compte des éléments ci-après

l'utilisation et'oc~rupationde I'îlepar les Masubia étaientaussi inten-
sives que le permettaient le sol et le climat;
cette exploitation et cette occupation par les Masubia se tradui-
saient mêmepar la présence d'un chef, d'une communauté de vil-

lage bien organisée et d'une école,élémentsfort importants quand
nous songeons que cette occupation n'a jamais été contestéepar
une administraticin dont les successeurs prétendent qu'il s'agissait
de leur territoire, mais n'ont pas soulevé d'objection contre
cette occupation jusque près de soixante ans après la conclusion

du traité;
l'un des premiers. actes à l'actif du premier résident impérial alle-
mand, Streitwolf, a étéde mettre en place le chef masubia Chikama-
tondo, et de lui confier la responsabilité de la région,à charge pour le

chef d'en répondre devant lui12;
plus tard, le chef masubia lui-même avécusur I'île et y a rendu la
justice.

Comme je l'ai déjàdit, quand le Botswana soutient que la thèse de la
((conduite ultérieure:+ est fondée sur la prescription acq~isitive~~,il ne

tient pas compte du fait qu'il s'agit enfait de deux thèses distinctes. Les
élémentsqui éclairentcomment le traité était interprété A l'époquede sa
conclusion peuvent êtreexaminéstout à fait à part du rôle qui peut leur
être imputé enfaveur de la prescription acquisitive.
41. C'est pourquoi il existe suffisamment d'éléments permettant de

conclure à une entente des Parties au traitéau sujet de l'interprétation de
celui-ci, entente dont témoigne leur pratique pendant près d'un demi-
siècle, laquelle établit que lesdites Parties considéraient la limite sud
du fleuve Chobe conime son chenal principal.

2' Mémoirede la Namibie, vol.1.p. 9, par. 28.
?' Répliquedu Botswana, vol. 1,p. 55, par. 1571167 KASIKILI~SEDUDU ISLAND (DISS .P. WEERAMANTRY)

Suggested Contrury Fuctors
42. Some items of fact asserted by Botswana to evidence non-recogni-

tion of Namibian sovereignty need now to be examined.

(a) The Euson Report, 1912

43. Botswana relies heavily on Captain Eason's report in which he
stated that "undoubtedly the North should be claimed as the main chan-
nel". Here was an occasion where the precise question now in issue was
specificallybrought to the notice of the governmental authorities in ques-
tion, with a categorical recommendation that a claim should be made. It
must be presumed that this assertion received officia1consideration. Yet
no such claim was made. A reasonable inference is that higher officiais
considered this recommendation and took a considered decision not to

act upon it.

This is confirmatory of the Namibian position rather than a rejection
of it. Moreover. the instructions to Eason of Lieutenant Colonel Panzera.
the Resident ~bmmissioner in Bechuanaland, reveal that the matter was
in fact under consideration by the Bechuanaland authorities and that
they were seekinga solution to the question which was the main channel.
This reinforces the conclusion that the authorities took adefinite decision
not to act on the conclusions of Eason, thus administratively rejecting the
recommendation that a claim be made that the northern channel was the

main channel.
Colonel Panzera instructed Eason that the question under considera-
tion could only be solved by following up the deepest channel in which
there is the strongest current, and that the width of the channel was not
the matter in issue. Eason's observations made during the dry season
could hardly have been observations in accordance with these guidelines,
for during the dry season there is scarcely any current in either channel.
Indeed, Eason's observations were made at the end of an exceptional
drought during the previous 12 mon th^^^.

(b) The Trollope-Dickinson arrangement, 1951
44. This relates to a period more than 60 years after the Treaty, and
does not have the same relevance to contemporaneous understanding as

events closer to the Treaty. 1 shall still examine it in view of the impor-
tance attached to it by Botswana.

24Mernorial of Botswana, Vol. III, Annex 15,p. 226, para. 2

126 LE DE KASIIKILI~SEDUDU(OP. DISSW. EERAMANTRY) 1167

Les thèses contraires

42. Le Botswana prksente certains faits qui, d'aprèslui, témoignentde
la non-reconnaissance de la souveraineté dela Namibie: il convient a pré-
sent d'examiner ces faits.

a) Le rapporf Eason, 1912

43. Le Botswana s'appuie beaucoup sur le rapport dans lequel le capi-
taine Eason déclarequ'«incontestablement, ..le chenal nord devrait être
considéré commele chenal principal)). A cette date-là, par conséquent,la

question précisequi esl:actuellement la question litigieuse ajustementté
portée à l'attention de:sautorités officielles,assortie d'une recommanda-
tion catégorique aux fins d'une revendication formelle. Nous sommes en
droit de penser que cette affirmation aura été officiellement prise en
considération. Mais aucune revendication n'a été formuléeN . ous pou-
vons raisonnablement en déduire que les autorités supérieuresont exa-
minécette recommanclation et ont décidéaprès réflexionde ne pas lui
donner suite.
Voilà qui revient à confirmer la position de la Namibie plutôt qu'à la
récuser. Enoutre, les instructions données à Eason par le lieutenant-co-
lonel Panzera, lecomnlissaire résidentau Bechuanaland, révèlentque les
autoritésdu Bechuanaland étudiaient en fait la question et cherchaient a

déterminer où se situait le chenal principal. Cela renforce la conclusion
ci-dessus,à savoir que les autorités ont formellement décidéde ne pas
donner suite aux constatations de Eason, c'est-à-dire qu'ellesont admi-
nistrativement rejetéla recommandation formulée, visant à prétendreque
le chenal nord était le chenal principal.
Le colonel Panzera ildit, dans ses instructions a Eason, qu'on ne pou-
vait résoudrela question à l'étude qu'en suivantle chenal le plus profond
dans lequel le courant est le plus fort et que la largeur du chenal n'était
pas en cause. Les obseirvationsque Eason a faites pendant la saison sèche
ne peuvent guèreêtre conformes à ces directives, car, pendant la saison
sèche, le courant est pratiquement inexistant dans les deux chenaux.
D'ailleurs, lesbservaitions de Eason ont été faitesà la fin d'une période

de sécheresse exceptioilnelle couvrant les douze mois précédent^^^.

b) L'arrangement Trollope-Dickinson, 1951

44. Nous nous trouvons ici à plus de soixante ans après la conclusion
du traité, et ledit arrangement est donc moins révélateurde I'interpréta-
tion du traitéqui avaii:coursà l'époquecontemporaine que des éléments
puisés dans l'histoire plus proche de la conclusion du traité. J'étudie
néanmoinscet arrangement parce que le Botswana lui accorde beaucoup
d'importance.

24Mémoiredu Botswana, vol. III, annexe 15. p. 226, par. 2.1168 KASIKILI~SEDUDU ISLAND (DISS .P. WEERAMANTRY)

The Botswana Memorial places much reliance on what is stated to be
a "joint report" by Major Trollope, the South African magistrate for the

Eastern Caprivi, and Noel Redman, the District Commissioner for the
Bechuanaland Protectorate. The report, which does not state the reasons
for its conclusions, states that the main channel lies in the waterway
which would include the Island in question in the Bechuanaland Protec-
torate.
Yet, as with the Eason Report, there are circumstances which adversely
affect the weight of this opinion.

(i) After the receipt of the joint report, matters between the two gov-
ernments were not settled on this basis, but the officials "agreed to
differ on the legal aspect regarding Kasikili Island"2s. No advance

was therefore made on the pre-existing position.

(ii)Trollope himself stressed the aspect of use and occupation as indi-
cating that the Island was part of the Caprivi Stri~~~.
(iii) The Legal Advisers of the Bechuanaland Protectorate seem to have
proceeded on the basis that the Island had never been treated as part
of the Bechuanaland Protectorate and therefore "shall be deemed
not to be included, and never to have been included, in the [Bechua-

naland] Pr~tectorate"~'. There could hardly be a more categorical
rejection of the position contended for by Botswana.
(iv) The Report expressly leaves open the question of the impact of the
use of the Island by Caprivi tribesmen since 1907on the question of
the ownership of the Island.

(c) The 1984-1986 discussions resulting fiom the shooting incident of
24 October 1984

45. 1do not need to deal with these discussions as they were nearly a
century after the Treaty, and can throw little light011how the Treaty was
contemporaneously understood.
46. In the result, there appears to have been a long-standing use by
Caprivi tribesmen of KasikiliISedudu Island, without any official protest
or assertion of rights by the authorities of the British possessions to
the south. The right of the Caprivi tribesmen to use the Island was

undisputed not only by the Bechuanaland authorities, but even by the
Bechuanaland tribesmen - as was noted by the Secretary for External

25Counter-Memorial of Namibia, Vol. IV, Ann. 71. para. 7 (a). This conclusion
emerged from correspondence between Trollope and Dickinson, Redman's successor,
obscurity (ibid., para. 8, and Ann. 73, para. 4).ey agreed to let the issue rest in
2hCounter-Memorial of Namibia. Vol. 1,p. 47, para. 104.
*'Memorial of Botswana, Vol. III, Aiin. 28, para. 3 (b): Counter-Memorial of
Namibia, Vol.1,p. 48, para. 104. LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISS. WEERAMANTRY) 1168

Dans son mémoire,le Botswana, en effet, se fie beaucoup à ce qu'on
appelle un ((rapport conjoint)) du major Trollope, le magistrat sud-afri-
cain chargéde l'administration du Caprivi oriental, et Noel Redman, le
commissaire de district du protectorat du Bechuanaland. Il est dit dans ce
rapport, lequel ne motive pas les conclusions énoncées,que le chenal
principal se situe dans la voie d'eau qui engloberait l'îleen question dans
le protectorat du Bechuanaland.
Pourtant, comme c'étaitdéjàlecas avec le rapport Eason, certaines cir-

constances ôtent a l'opinion des auteurs du rapport une bonne partie de
son poids.
i) Après réceptionde ce rapport conjoint, les deux gouvernements ne

règlent pas pour autant la question en suspens, mais les deux inté-
ressés «admett[ent] ne pas êtredu même avissur le problème juri-
dique relatif à l'île de Kasikili~~~.11n'est donc réaliséaucun pro-
grèspar rapport a la situation antérieure.
ii)Trollope lui-mêmesoulignait que l'utilisation et l'occupation de I'île
indiquaient que I'îlefaisait partie de la bande de Caprivi26.
iii) Les conseillersjuridiques du protectorat du Bechuanaland ont, sem-
ble-t-il, tenu pouracquis que l'îlen'avait jamais étéconsidérée comme

une partie du protectorat du Bechuanaland et par conséquentserait
((réputéene pas êtreincluse et n'a[yant] jamais étéincluse dans le
protectorat [du Be~:huanaIand]»~'.On ne peut guèrerejeter de façon
plus catégorique la,position défenduepar le Botswana.
iv) Le rapport laisse délibérémens tans réponse la question de savoir
quelle incidence le fait que I'îleest utiliséepar les membres des tribus
du Caprivi depuis 1907peut avoir sur la propriétéde I'île.

c) Les discussions de 1984-1986a lu suite de l'incident du 24 octobre
1984 ou dcs coups defeu ont été tirés

45. Je n'ai guère be:soind'examiner ces entretiens car ils se déroulent
quasiment un siècleaprès la conclusion du traité et ne peuvent guère
éclairercomment le traité était interprété à l'époquede sa conclusion.

46. Finalement, il semble que les tribus du Caprivi aient depuis fort
longtemps cultivéI'îlede Kasikili/Sedudu sans que les autorités des pos-
sessionsbritanniques situéesau sud aientjamais officiellementprotesténi
affirméleurs droits. LI:droit de ces tribus du Caprivi d'utiliser I'îlen'a
jamais étécontesté, non seulement par les autorités du Bechuanaland,
mais encore par les tribus du Bechuanaland elles-mêmes - ainsi que le

'5Contre-mémoire de la Namibie, vol. IV, annexe 71, par. 7a]. Cette conclusion
découle de la correspondaince entre Trollope et Dickinson, le successeur de Redman.
lesquels ont conclu un gerirlemen'sagreement dans lequel ils ont ensemble décidéde
laisser toute la question retomber dans l(ihidp.r. 8 et annexe 73, par. 4).
lh Contre-mémoirede la Namibie. vo1,p. 47, par. 104.
" Mémoiredi1Botswana, vol. III, annexe 28, par;contre-mémoirede la Namibie,
vol.1,p. 48. par. 104.1169 KASIKILI~SEDUDU ISLAND (DISS .P. WEERAMANTRY)

Affairs of South Africa in his reply of 14 February 1949, addressed
to the Chief Secretary to the High Commissioner for Bech~analand~~.

47. The understanding that the Island was not Botswana territory
appears to have been so deep-rooted that it carried over into the years
immediately succeeding the achievement of Botswana's independence.
Important evidence in this regard is the action of a Botswana magistrate
in 1972 (six years after Botswana achieved independence) in acquitting
three Caprivi tribesmen who had been arrested on Kasikili Island by

game wardens of the Chobe National Park and detained in Kasane for
five days. According to affidavits submitted by Namibia, the magistrate
criticized the game wardens for arresting them on Caprivi territ~ry~~.

48. Botswana denies this incident, stating that it depends only on the
affidavits of the accused persons. However this may be, the occurrence of
an incident of this nature is confirmed by the fact that in 1973 South

Africa sent a protest note to the President of Botswana relating to the
entry of armed Botswana officials into what it described as "Eastern
Caprivi territoryW3Oa,nd that Botswana did not reply to this communica-
tion, even though South Africa sent a follow-up inquiry3'. The matter
was thus taken up administratively at governmental level, with South
Africa issuing a note on the matter to the President of Botswana. There
was no assertion of rights by the Government of Botswana in reply.

All this is far different from the judicialndlor governmental response
that would have ensued had it been the officia1viewin Botswana that this
was Botswana territory.
49. These circumstances are sufficient to show the official perception
of the position of the main channel from a period comparatively close in
time to the Treaty to the period even after independence.
What is most important to note against this background of officia1atti-

tudes is the openness of the manner in which the Masubia tribesmen had
over the years for nearly half a century visited, lived inand cultivated this
Island whenever the weather and river conditions permitted. They did
this without acknowledgment of title under any external authority, but as
part of their traditional lifestyle. This was a fact that was well known in
the area and must be taken to have been particularly well known to the
officials exercisingjurisdiction over it.

28Mernorial of Narnibia, Vol. IV, Ann. 65, also noted in the Court's Judgment,
para. 59.
Counter-Memorial of Namibia, Vol. II, Ann. 24: Counter-Memorialof Namibia,
Vo30Counter-Memorial of Namibia,Vol. II, Ann. 26.
31Ihid.Ann. 27. S LDE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISS. WEERAMANTRY) 1169

relevait le secrétairehargédes affaires extérieuresd'Afrique du Sud dans
la réponse qu'il adressait le 14 février 1949 au secrétaire administratif
auprès du haut commissaire pour le BechuanalandZ8.
47. L'accord (understanding) sur le fait que I'îlene faisait pas partie
du territoire botswanais semble avoir étési profondément ancréqu'il a
continué de s'imposer pendant les annéesqui ont suivi immédiatement
l'accession à l'indépendancedu Botswana. Nous disposons d'un témoi-
gnage important à cet égardavec la décisiond'un magistrat botswanais

qui, en 1972 (soit six ans après l'indépendancedu Botswana) a acquitté
trois hommes des tribus du Caprivi qui avaient étéarrêtéssur I'île de
Kasikili par des gardes-chasse du parc national du Chobe et détenus a
Kasane pendant cinq jours. D'aprèsles dépositionssous serment présen-
téespar la Namibie, le magistrat a critiquéles gardes-chasse pour avoir
arrêtéces hommes sur territoire caprivien2'.
48. Le Botswana nie l'incident,déclarantqu'il repose exclusivementsur
lesdéclarationssous seinnentdes personnes accusées.Quoi qu'il en soit,on

a confirmation qu'un incident de cette nature s'estproduit avecle fait qu'en
1973,l'Afrique du Sud a envoyé unenote de protestation au présidentdu
Botswana parce que des fonctionnaires botswanais armés avaient pénétré
sur ce que l'Afriquedu Sud appelait «le territoire du Caprivi oriental^^^,et
avec le fait en outre que le Botswana n'a pas répondu à cette communica-
tion alors que l'Afrique du Sud procédait pourtant a une enquête sur
place3'. La question avait donc reçu une suite administrative officielle

puisque l'Afriquedu Sud adressait une note au présidentdu Botswana, et
le Gouvernement botsvvanaisn'a vas affirméses droits à cette occasion.
Nous sommes très loin ici de la réactionjudiciaire etlou gouvernemen-
tale que nous aurions constatée si la position officielleau Botswana avait
étéque le territoire en cause étaitbotswanais.
49. Ces faits suffisent à montrer où l'on situait officiellementle chenal
principal pendant toute la périodeallant d'une date relativement proche de
la conclusion du traité a une date se situant mêmeaprès l'indépendance.

Ce qu'il faut tout particulièrement relever dans cet ensemble de prises
de position officielles, c'estque les Masubia, pendant près d'un demi-
siècle, sesont trèsouvertement rendus sur l'îlepour l'habiter et la cultiver
dèsque lesconditions irlimatiquesle permettaient et qu'ilétaitpossible de
traverser le fleuve. LesMasubia agissaient ainsi sans qu'aucune autorité
extérieureait reconnu leur titre, parce que cela faisait partie de leur mode
de vie traditionnel. Le fait étaitparfaitement connu dans la région,et cer-
tainement connu en particulier des administrateurs qui en avaient offi-

ciellement la charge.

28Mémoire de la Namibie, vol.IV,annexe ;relevéégalementdans l'arrêtde la Cour,
au paragraphe 59.
29Contre-mémoirede la Namibie, vol. II, annexe 24; contre-mémoire dela Namibie,
vol.1. p42-44, par. 87-90.
31Ibida.nnexe 27.e la Namibie, vol. II, annexe 26.1170 KASIKILI~SEDUDU ISLAND (DISS .P. WEERAMANTRY)

50. Against this background, the absence of contrary action by a State
authority claiming title to the territory is difficult to reconcile with an
understanding of the Treaty in any sense other than that it treated the
Island as lying within the territory that fell to Namibia - a result pre-
supposing a commonly accepted view on both sides that the "main
channel", for the purposes of the Treaty, was the southern one.
In short, if one is attempting to understand the terms of an expression
in the Treaty which is equally capable of two interpretations, there is an
almost conclusive indication in al1this conduct of the way in which the

authorities on both sides of the border understood and interpreted the
agreement. That understanding and interpretation are clearly indicative
of the Island being considered without any objection or assertion to the
contrary to be part of the Caprivi Strip.
51. 1 stress again that 1 am using this material in regard to use and
occupation and non-protest by the rival Stateauthority only as an aid to
the understanding of the terms of the Treaty, in viewof the ambiguity
therein which needs to be resolved. 1am not using it as evidence of pre-
scriptive title1stress particularly that this is not material on the basis of
which the terms of the Treaty can be ultered. It is onlya basis on which
the terms to the Treaty can be interpreted and better understood.

Although Namibia argues further that this record constitutes an inde-
pendent title to sovereignty over the Island by operation of the doctrines
of acquiescence, recognition and prescription, 1 need not go into this
argument for the reasons indicated above.

Ambivalence of Other Criteria

52. Various criteria were suggested in the course of the argument for
determining the main channel. Among these were navigability, the
thalweg concept, greatest mean depth, depth at the most shallow
point, greatest capacity, and velocity of flow.

1proceed however to make some observations on these aspects.

Navigability as a Criterion for Interpreting "Main Chunnel"

53. There seem to be strong arguments indicating that in the context
of the river we are considering, namely the Chobe River, navigability is
an inappropriate criterion for the determination of its main channel.

Itis to be remembered that there was no uniform way in which at the
period in question river boundaries were designated or understood. For
example, as the Namibian Counter-Memorial points out, there were, in ÎLE DE KASIKILI/SEDUDU (OP. DISS. WEERAMANTRY) 1170

50. Sur cette toile d.e fond, il est bien difficile de concilier l'absence
d'opposition de la part d'une autorité étatique revendiquant le territoire
et une interprétation du traité ne situant pas l'île dans le territoire rele-
vant de la Namibie - c'est-à-dire qu'il faut présupposer que, des deux
côtés, on acceptait l'idéeque le ((chenal principal)) était, aux fins du
traité, le chenal sud.

Bref, quand on cherche à comprendre une expression utilisée dans le
traité qui est susceptible de recevoir deux interprétations, tous ces com-
portements indiquent d.efaçon quasi déterminante la façon dont les auto-
rités des deux côtésde la frontière comprenaient et interprétaient l'accord.
Cette façon de comprendre et d'interpréter l'accord indique clairement
que l'île était censée,sans la moindre objection ni prétention contraire,

faire partie de la bande de Caprivi.
51. Je souligne à nouveau que je me sers des éléments présentés au
sujet de l'utilisation, de l'occupation de l'île et de I'absence de protesta-
tion de la part de l'autorité étatique rivale exclusivement pour m'aider à
comprendre les dispositions du traité, parce que celui-ci est empreint

d'une ambiguïté qu'il faut lever. Je ne me sers pas de ces élémentspour
établir un titre de souveraineté par prescription. Je tiens à souligner tout
particulièrement qu'il ne s'agit pas d'élémentsautorisant à mod@er les
dispositions du traité. 1is'agit exclusivement d'élémentsà partir desquels
il est possible d'interp,l.éteret de mieux comprendre les dispositions du
traité.

La Namibie soutienit par ailleurs, quant a elle, que ces élémentscons-
tituent un titre indépendant de souveraineté sur l'île sous l'effet de
l'acquiescement, de la 1-econnaissanceet de la prescription mais, pour ma
part, ainsi que je l'ai expliquéplus haut, je n'ai pas lieu d'examiner cette
thèse.

L'umbivalence des autres critères

52. Plusieurs critère:sont été présentéasu cours du débat qui permet-
traient de déterminer le chenal principal. Il s'agit en particulier de la navi-
gabilité,de la notion de thalweg, de la profondeur moyenne la plus forte,

de la profondeur à l'endroit le moins profond, du plus grand volume
d'eau, et du débit.
Je formulerai à ce sujet quelques observations.

La navigabilité en tant que critèred'interprétationdu ((chenalprincipal))

53. Certains arguments solides permettent, semble-t-il, de dire qu'en ce
qui concerne le fleuve à l'étude, c'est-à-direle fleuve Chobe, la navigabi-
lité n'est pasun critère valable quand il faut établir où se situe son chenal
principal.
II faut se rappeler qu'à l'époque en question, il n'existait pas de
méthode uniforme de 'désignerou de comprendre les frontières fluviales.

Par exemple, comme la Namibie le signale dans son contre-mémoire, on1171 KASIKILI~SEDUDU ISLAND (DISS .P. WEERAMANTRY)

the context of treaties fixingAfrican river boundaries, a variety of expres-

sions that were used:
1884 - "up the course of the Limpopo River . . ."

1891 - "the centre of the channel of the [River] Ruo"
"the mid-channel of that [Aroangwa] River"
"the centre of the main channel of the Sabi"
1898 - "the median line of the [Niger] river"
1899 - "the centre of the River Ruo up-stream"
"shall follow the Malosa River up-stream"
191 1 - "the line of the thalweg of those [Ruo and Shiré]rivers"

1912 - "the centre of the channel of the River Gaeresi"
1926 -"the middle line of the Kunene River, that is to Say, the line
drawn equidistant from both bank~"~~

Some of these rivers were navigable. Some were not. The Chobe was
largely non-navigable. There was no set rule of interpretation reading
navigability into these phrases. To apply navigability as a criterion indis-
criminately to al1river boundaries, whether the river be navigable or not,
does not seem to be appropriate.

54. One bears in mind in this context the known desire of the German
empire to have access to the Zambezi. This was a general principle al1
colonial powers pursued as they desired the maximum freedom of move-
ment to, from and within their territories. Yet this was at the time a
rather theoretical concept, for the Zambezi was not a navigable river, at
any rate near its junction with the Chobe, and the navigability of the

Chobe along its entire length and for the greater part of the year was not
even in contemplation.

55. Moreover, using navigability as a criterion does not accord with
the principle that words should be given their ordinary meaning. 1would
not therefore give to the words "the main channel" a meaning which is

dependent on the concept of navigability, which was not a dominant
meaning in the minds of the drafters of the document.
56. In relation to navigation, it is to be noted that, even up to 1914,
such navigation as there was on the Chobe River was done by dug-out
canoes or mekoro and that even the colonial officials used no better
raft^^. Moreover, there was clearly no evidence of regular, scheduled

commercial na~igation~~.Even as late as the 1940swhen the much dis-
cussed timber venture of W. C. Ker was inaugurated, this was the first
attempt at the use of the Chobe as a means of transport. However, there

32Counter-Memorial of Namibia, Vol.1pp. 26-27, para. 57, citing examples from Ian
Brownlie, African Boundaries: A Legal and Diplomatie Encyclopaedia, 1979.

33Botswana's repiy to Judge Fleischhauer's Question 1.
34Ibid.

130trouvait dans les traitéssituant en Afrique des frontières dans des fleuves,
toute une série d'expre:ssions:

1884 - «en remontant le cours du Limpopo...)),
1891 - «le centre du chenal de la [rivière]RUOP,
«suit le milieuidu chenal de cette rivière[Aroangwa])),
«le centre du chenal principal du Sabi)),
1898 - ((la ligne médianedu fleuve [Niger])),

1899 - «le centre de la rivièreRuo vers l'amont)),
((suit la rivièreMalosa vers l'amont)),
1911 - «la ligne du thalweg de ces rivières [desrivièresRuo et Shiré])),
1912 - «le centre du chenal du fleuve Gaeresi)),
1926 -- «la ligne médianedela Kunene, c'est-à-dire la ligne équidistante
des deux rives »32.

Certains de ces fleuvesétaientnavigables, d'autres non. Le Chobe était
pour l'essentiel non navigable. Il n'existait pas de règle fixed'interpréta-

tion permettant d'apprécier lanavigabilité au moyen de ces diverses
expressions. Se servir de la navigabilitéen tant que critère applicable sans
discrimination a tous les fleuvesfrontières,que le fleuvesoit navigable ou
non, ne paraît donc p,asvalable.
54. 11faut se souvenir ici que l'empire colonial allemand voulait avoir
accès au Zambèze. C'était un principe chez toutes les puissances colo-

niales de vouloir exercer la plus grande libertéde mouvement possible, à
destination de leurs territoires, en provenance de ces territoires et à
l'intérieurdes territoires également. Mais il s'agissait à l'époque d'une
notion plutôt abstraite, puisque le Zambèze n'étaitpas navigable, tout au
moins à proximité de son confluent avec le Chobe, et que la naviga-
bilitédu Chobe sur toute sa longueur et pour la plus grande partie de

l'année n'étaip t as même envisageable.
55. En outre, utiliser la navigabilitécomme critère ne répond pas au
principe suivant lequel il faut donner aux termes utilisésleur sens ordi-
naire. Je ne donnerai par conséquent pas aux termes «le chenal princi-
pal» un sens qui relèvede la notion de navigabilité,car ce n'était certai-
nement pas le sens auquel les auteurs du traitésongeaient en premier.

56. En ce qui concerne la navigation, il faut relever que, jusqu'en 1914
même,toute la circulation qui avait lieu sur le Chobe était assuréepar des
pirogues ou rnekoro,et que mêmelesadministrateurs coloniaux ne se ser-
vaient pas de meilleilres embarcations3'. En outre, il n'existe aucune
preuve d'une navigation commerciale régulière à horaires fixesà l'époque
de la conclusion du traité34.Et il faut attendre les années quarante

pour que soit inaugurée l'entreprise de transport de bois d'Œuvre de

32Contre-mémoirede la Namibie. vol.1,p. 26-27, par. 57, où sont cités des exemples
tirésde l'ouvrage de Ian Brownlie. Africun Boundurius: u Lrpal und Dinlomutic Encv-
clI3Révonsedu Botswana à la auestion no I de M. Fleischhauer.1172 KASIKJLI/SEDU IDLAND (DISS .P. WEERAMANTRY)

is doubt as to whether Ker in fact set up such a service,and Namibia has
stated in answer to a question by President Schwebelthat it has not been
able to find any evidence that W. C. Ker ever actually transported timber
through the northern channel.

57. For these reasons, definitive importance cannot be accorded to
navigation as a criterion.1note also in this connection Namibia's answer
to Judge Fleischhauer in which it stated that it has been unable to find a
single reference to a boat of any kind at any period in history ever tra-
versing the whole length of the Chobe River where it forms a common
boundary between Namibia and Botswana.

There are limits therefore to the extent to which navigability can be
used as a criterion for determining which was the main channel.

The Thaliveg Concept

58. There has been much discussion in the course of the presentations
before the Court regarding the applicability of the thalweg concept to
this case. Botswana identifies the thalweg as one of the criteria by which
to identify the main channel, defining the thalweg as "the channel most
favourable to the movement of vessels proceeding downstream when the
water is at its lowe~t"~~.
This argument highlights the question whether the term was used in

the Treaty as a synonym for "centre of the main channel", or whether it
was used as a term with an independent meaning. 1believethat the use of
the term "thalweg" in the Treaty was not a use of it in any technicalsense
but, even if it were so used, it would enure to the benefit of Namibia.

(a) Applicability of the concept

59. If the thalweg concept is to be used in interpreting a treaty of 1890,
it must first be established that the technicalities associated with the
concept were generally recognized at the time. We cannot use the more
developed concepts of a later time to interpret a treaty entered into
more than a century ago.

The Namibian pleadings assemble 47 authorities who discussed the
thalweg concept between 1820and 1930". These authorities represent a
variety of views - that the thalweg should be the boundary in navigable
rivers only; that it should be the boundary in al1rivers; that it does not

35Mernorial of Botswana, Vo1,p. 89, para. 205, citing Julius Hatschek, Outline of
Intrrnutional Law, trans. by C. A. W. Manning, 1930,p. 130.
IhSee Counter-Mernorial of Namibia, Vol. II. Ann. 9. LE DE KASIKILI/SEDU DP. DISS.WEERAMANTRP') 1172

W. C. Ker, dont on a Lantparlé,pour avoir une première tentative d'utili-

sation du Chobe comme moyen de transport. Mais on n'est pas certain
que Ker ait en faitraiment organiséce serviceet la Namibie, en répondant
a une question du pré,sidentSchwebel, a déclaré ne pasavoir pu trou-
ver de preuve que W. C. Ker ait jamais en fait transporté du bois
d'Œuvrepar le chenal nord.
57. Voila pourquoi on ne peut donc pas accorder a la navigation
l'importance d'un critè,red'appréciation.Je prends note aussià cet égard
de la réponse faite par la Namibie a M. Fleischhauer: la Namibie dit
n'avoir pas trouvé une seule mention d'un bateau de quelque type que ce

soit qui, a un moment ou a un autre de l'histoire à ce jour, ait jamais
empruntéle Clhobesurtoute la longueur qui délimitela frontiéreentre la
Namibie et le Botswana.
La possibilitéde recourir à la navigabilitépour détermineroù se situe
le chenal principal du fleuve est donc limitée.

La notion de thalweg

58. On a beaucoup discuté devant la Cour de I'applicabilité de la
notion de thalweg a la présente instance.Pour le Botswana, le thalweg est
l'un des critères permettant d'identifier le chenal principal, le thalweg
étantdéfinicomme éta~n«tle chenal qui se prêtele mieux a la navigation
des bateaux qui descendent un cours d'eau en période d'étiage»35.

Cette thèsemet en évidencela question de savoir si le terme étaitutilisé
dans le traitéde 1890comme synonyme de {(centredu chenal principalfi,
ou bien s'ilrevêtaituri sens indépendant. Pour moi, le terme «thalweg»
utilisédans le traité ne revêtaiten l'occurrence aucun sens technique,
mais, quand bien mêmeil en auraiteu un, ce sens aurait jouéen faveur de
la Namibie.

a) ApplicabilitGde la notion

59. S'ilfaut recourir a la notion de thalweg pour interpréter un traité
conclu en 1890,il faut avant tout s'assurer que les aspects techniques du
concept étaient généralemenrteconnus a l'époque.On ne peut pas se ser-
vir de notions complexes mises au point ultérieurement pour interpréter
un traitéconclu il y a plus d'un siècle.

Dans ses écritures,liaNamibie cite 47 auteurs de renom qui ont parlé
de la notion de thalweg entre 1820et 193036.Ces auteurs donnent toute
une gamme d'avis: le thalweg ne doit êtrela frontière quedans les fleuves
navigables; ce doit êtrela frontière dans tous les fleuves; la notion n'est

35Mémoire du Botswana, vol1,p. 89, par. 205, citant Julius Hatschek, Outline of
International Law, traduit par C. A. W. Manning, 1930, p. 130.
3hVoir contre-mémoire de la Namibie, vol. II, annexe 9.1173 KASIKILI~SEDUDU ISLAND (DISS .P. WEERAMANTRY)

apply at all; that it means the same as the median line; that it was not a
principle that was generally recognized; and that it was a principle
which as yet was in the realm de legeferenda. Even the proceedings ofthe
Institute of International Law in 1887 reflect this uncertainty, for De
Martens, the Rapporteur for the session concerning international rivers,
did not include this provision in his project for the Institute as he said

"ce principe n'est pas généralement reconnu" ".
60. An inference that can be drawn from al1of this is that it was not a
principle so widely accepted at the time as to Varythe natural meaning of
the words used in the Treaty.
However, even should the thalweg concept be deemed to be applicable,
its implications do not necessarily enure to Botswana's benefit, as shown

in the next subsection.

(b) Implicutions of the concept

61. Even if the principle were applicable, there is considerable author-
ity in support of the proposition that the thalweg concept relates not
merely to depth but also to the flow or current of the river. Indeed, some
authorities would appear to indicate that considerations relating to depth
are secondary to those relating to flow or current.

According to Westlake, for example, the thalweg is "the course taken
by boats going down Stream, which again is that of the strongest
current" 38.
L. F. von Neumann, likewise, describes it as "the line that is taken by
ships going downstream, more precisely the centre of the downward
current" ".
Other authoritative writing from around the same period may be cited

for the same proposition. Fiore, for example, speaks of the line "ou les
eaux sont les plus profondes et les plus rapidesm40 - a combination of
the concepts of depth and current.
62. It is not difficult to perceive the reason for the blending of depth
and current in the concept of the thalweg, for the "downway" as it liter-
ally meant, was for boats the path of the strongest current and not

necessarily the path of the deepest channel. Of course depth was also

37 IX Annuaire de l'Institut de droit international (1887-1888),p. 173.
38J. Westlake, International Law, Pa1,Peace, 1904,p. 141.Westlake points out that
obedience to the Roman law relating to delimitation of properties, and that the thalweg
was thought to have been first proposed at the Congress of Rastatt (1798-1799).

39 L. F. von Neumann, Grundriss Des Heutigen Europaischen Volkerrechtes, 3rd ed.,
1885,p. 45 (trans.).
40Pasquale Fiore, Le droit iniernational, trans. from the Italian by A. Chrétien, 1890,
p. 205. A later edition accentuates the consideration of flow by defining the thalweg as
determined by "themedian line of the current and following precisely the course of water
with the most rapid flow" (111ed., p. 503. trans. by C. Antoine). LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISS.WEERAMANTRY) 1173

pas du tout applicable; elle a le même sensque la ligne médiane;ce n'est
pas un principe généralementreconnu; ou bien c'est un principe qui
relèveencore de legeferenda. Et l'on trouve un écho de cette incertitude
dans lesactes de l'Institut de droit international, en 1887,quand De Mar-
tens, le rapporteur de la section consacrée aux voies d'eau internatio-

nales, n'a pas pris la notion en compte dans son projet car, disait-il,
«ce principe n'est pas généralementreconnu)) 37.
60. On peut déduirede tout ce qui précèdeque la notion de thalweg ne
représentait pas un principe assez largement accepté à l'époque pour
modifier le sens normal des termes utilisésdans le traité.
Quoi qu'il en soit, mêmesi cette notion de thalweg était censéeêtre

applicable, ses incidences ne joueraient pas nécessairement en faveurdu
Botswana, comme je vais le montrer ci-après.

b) Incidences de lu notion

61. Mêmesi leprincipe étaitapplicable, lesexperts sont trèsnombreux
à dire que la notion de thalweg porte non seulement sur la profondeur
mais aussi sur le débitou le courant du fleuve. Pour certains d'entre eux
d'ailleurs, lesconsidérationsde profondeur passent mêmeaprèsles consi-
dérations de débitou de courant.

D'après Westlake, par exemple, le thalweg est «la voie empruntée par
les bateaux qui descendent la rivière, c'est-à-dire, là encore, celle où le
courant est le plus fort» 38.
L. F. von Neumann, de même, définilte thalweg comme «la ligne sui-
vie par les navires descendant le fleuve,plus précisément le centre du cou-
rant descendant D'~.

D'autres experts qui sont publiés à peu près à la mêmeépoque sont
également à citer: Fiore, par exemple, parle de la ligne «ou les eaux sont
les plus profondes et les plus rapides»40 associant ainsi les notions de
profondeur et de courant.
62. Il n'est pas difficilede percevoir la raison pour laquelle il faut asso-
cier profondeur et courant dans la notion de thalweg, car la voie de la
«descente», son sens littéral,était pour les bateaux la voie du courant le

plus fort et non pas nécessairement la voie du chenal le plus profond.

37Annuaire de l'Institut de droit infernational (1887-1888),vol. IX, p. 173.
3*J. Westlake, International Law, première partie, Peace, 1904, p. 141. Westlake fait
observer qu'autrefois, les spécialistesconsidéraient que la ligne du milieu du fleuve était
biens fonciers, et que le thalweg aurait été proposépour la première foisau congrès des
Rastatt (1798-1799).
39L. F. von Neumann, Grundriss Des Hrutigen Europaischen Vdkerrechtes, 3' ed.,
1885, p. 45 [traduction du Greffe].
40Pasquale Fiore, Le Droit International, traduit de l'italien par A. Chrétien, 1890,
p. 205. Une édition ultérieuresouligne l'idéede débit carle thalweg est la ligne déterminée
par «la partie médianedu courant et précisémentsuivant le cours de l'eau qui se meut
avec le plus de rapidité* (édition de 1911. p. 503, traduction de C. Antoine).1174 KASIKILI~SEDUDU ISLAND (DISS .P. WEERAMANTRY)

an important ingredient in the complex of factors that produced the
strongest current.
63. There is significancealso in the fact that the line it represented was
the line of the "downway", i.e., for ships that went down the river, and
therefore those in maximum need of using the maximum current. Bycon-
trast, ships going up the river needed the slowest current to fight against
- a point very clearly made by Westlake4'.

64. In the case of the two channels of the Chobe, it is clear that the
southernchannel is not by any means to be disregarded from the point of
viewof its use for shipping. Those who operate boats on rivers know best
the channels which suit them for downward navigation. The number of
boats using the southern channel appears to exceed by far the number of
those using the northern channel. Boatmen would know best which is the

swiftest channel for this, and it is no accident that so many of them
choose the southern channel.

Judged by this test as well, the southern channel has a very good claim
to being regarded as the main channel of the Chobe.
It is not without significance also that, while the tourist boats use the
southern channel almost exclusively, some of the boats returning from

Kasane use the northern ~hannel~~ - an indication that the current in
that channel is the slow channel that is suitable for up-river navigation.

65. Another factor to be borne in mind is that mean depth cannot be
the only criterion for navigability. A river which has very great depth
along a very narrow channel would be quite unsuitable for navigation if
the sides of that deep channel rise very steeply to present very shallow

levels outside the narrow crevice of greatest depth. Boats, especially
broad-bottomed boats, would not be able to use such a channel, however
deep it might be. As Namibia has observed in its Counter-Memorial,
"Passage through a channel is controlled by the point of minimum depth,
because al1craft must clear that point to traverse the ~hannel."~~

66. There are obstacles of this nature in the way of free use of the

northern channel - in particular the sand bar at its entrance. Byway of
contrast, the entire length of the southern channel is of sufficientdepth to
accommodate the flat-bottomed boats that use it at al1times of the year.
Nor does the southern channel dry out during the dry season, if one has
regard to the calculations of Professor Alexander4".

41Westlake, supra, p. 1;1see also p. 33, fn. 103,of Counter-Memorial of Namibia

42Counter-Mernorial of Namibia, Vol.1,p. 19, para. 45.
43Ibid,. para. 46.
Ihid., p. 20, para. 47. See Supp. Rep, sec. 12. ~L.EDE KASIKILI/SEDU (OP. DISS.WEERAMANTRY) 1174

Bien entendu, la profondeur jouait également un rôle important dans
l'ensemble de facteurs d'où le courant le plus fort est issu.
63. 11faut aussi accorder de l'importance au fait que la ligne repré-
sentéeest la ligne de la ((descente)), c'est-à-dire celle des navires qui des-
cendent vers l'aval du fleuve, ceux qui ont besoin au plus haut point

d'exploiter le courant maximum. Par opposition, les navires qui se diri-
gent vers l'amont du fleuve doivent remonter le courant le plus faible -
conclusion que Westlake formule très clairement4'.
64. S'agissant des deux chenaux du Chobe, il est clair qu'il ne faut nul-
lement faire abstraction du chenal sud quand il est question d'exploiter le
fleuve à des fins de navigation. Les exploitants des fleuves savent parfai-
tement quel chenal il convient d'utiliser pour descendre le cours d'eau.

Or, le nombre de bateaux empruntant le chenal sud paraît êtretrès supé-
rieur au nombre de bateaux emuruntant le chenal nord. Les exuloitants
sont les mieux placéspour savoir quel est le chenal le plus rapide, et ce
n'est pas un hasard si les bateliers sont si nombreux à choisir le chenal
sud.
A en juger également par ce critère, le chenal sud devient alors un
excellent concurrent au rang de chenal principal du Chobe.

Il n'est pas indifférentnon plus de constater que, si les bateaux trans-
portant des touristes empruntent à peu prèsexclusivement le chenal sud,
certains des bateaux empruntent le chenal nord quand ils reviennent de
Kasane4* - ce qui indique que, dans ce chenal, le courant est lent et se
prête à la remontée du fleuve.
65. Il ne faut pas oublier non plus que la profondeur moyenne ne peut
pas êtrele seul critèrede navigabilité.Un fleuve trèsprofond le long d'un

chenal très étroit se prêterait fortmal à la navigation si les rives de ce
chenal profond sont trèsabruptes et que leur rebord est trèspeu profond
de part et d'autre du fosséétroit qui est particulièrement profond. Les
bateaux, notamment les bateaux à fond plat, ne pourraient pas emprun-
ter ce chenal, aussi profond qu'il soit. Comme le fait observer la Namibie
dans son contre-mémoire, «le passage par un chenal est fonction de son
point le moins profond, car toute embarcation doit pouvoir franchir ce

point pour traverser le
66. Des obstacles de cette nature empêchentd'utiliser librement le
chenal nord - en particulier la barre sablonneuse à l'entréedu chenal.
Par opposition, le chenal sud est sur toute sa longueur assez profond
pour accueillir les bateaux a fond plat qui l'empruntent toute l'année,
en toute saison. En outre. le chenal sud ne s'assèche uas comulètement
pendant la saison sèche, Si l'on tient compte des calLuls du Grofesseur

Alexanderu.

41Westlake, supra, p. 1;voir également contre-mémoire de la Namibie, p. 33, note
103.
43Ibid. par. 46. de la Namibie, vol.p. 19, par. 45.
44Ibid., p. 20, par. 47. Voir rapport supplémentaire, section 12.1175 KASIKILI~SEDUDU ISLAND (DISS .P.WEERAMANTRY)

The Scientific Evidence

67. If the term "main channel" had been used in a contemporary
treaty, and we were seeking the true meaning of that term, scientific evi-
dence on such matters as depth, volume, breadth, and flow would help us
considerably. But the Treaty under examination is over a century old
and, even if depth, volume, breadth and flow had been constant over the
years, modern scientific criteria are not the indicia appropriate for deter-
mining what was commonly understood to be the main channel a

hundred years ago.
1 hence have considerable difficulty in reaching a definitive conclusion
based upon the scientific evidence in this case.
68. In the first place, it is extremely complex and, considered in its
totality,contains opposing views by equally credible and competent
experts in thevarious fieldscovered. A plausible case can be made out for
either viewpoint using the data furnished to the Court, and this leaves
one none the wiser in the midst of al1this expert information.

69. Secondly, 1 have grave doubts that the problem before the Court
can in any event be resolved by scientific evidence. The question we are
faced with is the meaning of an expression used by the Parties, which
meaning has to be gathered not from quantitative statistics of volume
and flow and depth, but rather from the Parties' own understanding at

the time of the apparently simple language used in the Treaty. This was a
non-technical understanding, not dependent upon expert scientific
opinion or precise quantitative data.

70. Thirdly, even if the scientificevidence were applicable, it would be
legalcriteria that would determine which aspect if any of the vast amount
of scientific data placed before the Court would be determinative. There
are no clear eut legal principles for determining this which are sufficient
to outweigh the principles of interpretation discussed already.

71. Fourthly, there is no definite principle for a ranking order among
the various scientific criteria offered. Among these criteria are capacity
(i.e, amount of flow), velocity of flow, mean depth, and depth at the
shallowest point. It is not scientific principle but non-scientific factors

that would determine the choice of the governing criterion. Moreover,
one gets a different result depending on which criterion one employs.

Cartogruphic Evidence

72. There is support to be gained from the maps of the two adminis-
trations for the view that the understanding of the Treaty in the period
succeeding the time of its execution was to the effect that the operative LE DE KASIKILI/SEDU DO. DISS.WEERAMANTRY) 1175

Les élémentsde preuve scientijiques

67. Si l'expression ((chenal principal)) avait étéutiliséedans un traité
contemporain et que nous devions en établir le sens authentique, des

moyens de preuve scientifiquessur la profondeur, par exemple, levolume,
la largeur, le débit nous aideraient considérablement. Mais le traité à
l'étude a plusde cent ans et mêmesi la profondeur, le volume, la largeur
et le débit sont demeurésles mêmesdans le temps, les critères scienti-
fiques modernes ne sont pas les instruments appropriés pour établir ce
qui représentait aux yeux de tous le chenal principal il y a cent ans.
J'ai par conséquent beaucoup de mal a formuler une conclusion défi-
nitive qui se fonde en l'espècesur des moyens de preuve scientifiques.
68. En premier lieu, le cas de figure est extrêmement complexe et,vu
dans son ensemble, fait appel a des avis opposésde la part d'experts éga-
lement fiables et compétentsdans les divers domaines a explorer. D'après
les donnéescommuniquéesa la Cour, il est possible de défendrede façon

plausible les deux thèses,ce qui ne manque pas de créerla perplexité en
dépitde tous les renseignements apportéspar les experts.
69. En deuxièmelieu,je doute beaucoup que le problème porté devant
la Cour puisse de toute façon ètre résolupar des moyens scientifiques.
Nous sommes confrontés a la question de savoir quel est le sens d'une
ex~ression utiliséeDarles Parties. et il faut établirce sens non isasà l'aide
de statistiques quantitatives concernant le volume, le débit, la profon-
deur, mais plutôt grâce à la façon dont les Parties comprenaient elles-
mêmesa l'époque-le langage apparemment simple qui est utilisédans
le traité.l s'agissait d'une interprétation non technique, qui n'était pas
tributaire d'un avis scientifique d'expert ni de données quantitatives
précises.

70. En troisième lieu, mêmes'ilétaitpossible d'utiliser des moyens de
preuve scientifiques, ce serait par des critères juridiques qu'il faudrait
déterminer quel aspect, le cas échéant,de la masse de donnéesscienti-
fiques présentées à la Cour devrait être déterminant.Or, il n'existe pas
de principes juridiques parfaitement définis à utiliser en l'occurrence
qui prendraient le pas sur les principes d'interprétation déjà examinés.
71. En quatrième lieu, il n'existe pas de principe précispermettant
d'établir un ordre de priorité parmi les divers critères scientifiques pro-
posés:le volume (c'est-à-dire l'importance du débit),la rapiditédu débit,
la profondeur moyenne, et la profondeur au point le plus proche de la
surface. Ce n'est pas un principe scientifiquemais des élémentsnon scien-
tifiques qui vont déterminer lechoix du critèredécisif.En outre, on abou-

tità des résultats différentsen fonction du critère retenu.

Les déments de preuve curtogruphiques

72. Les cartes des deux administrations étayent l'idéequ'a l'époque
qui suit la mise en vigueur du traité,on comprenait celui-cicomme ayant
pour effet que le bras du fleuve constituant la frontière était celui qui1176 KASIKILI~SEDUDU ISLAND (DISS . P.WEERAMANTRY)

branch of the river was that which placed the Island within Namibian
territory. Indeed, the Court has fo~nd~~that maps published subse-
quently to the 1890Treaty, in so far as they showed the boundary at all,
for a number of years placed the boundary in the southern channel. The

1933 Bechuanaland map and the 1949 South African map are among
these.
73. Maps can of course carry varying degrees of weight depending on
their authorship and the circumstances in which they were made. More-
over, the scale of the maps is often so small as not to show clearly the
particular area which is the subject of the dispute, while other maps

which are sufficiently large can indicate the area of dispute in sufficient
detail.
Of the 16maps in Namibia's atlas, some are too small in scale to show
KasikiliISedudu Island, but 12 are large enough to show the Island and
they al1show the Island as Namibia's, in the sense that they show the
southern channel as the international boundary.

It is significant that among the maps showing the southern channel as
the border are several sketch maps of the Bechuanaland Protectorate
published by the British Colonial Office from 1912 to 1914 - a fact
admitted by Botswana in its Mem~rial~~ - and referred to in Namibia's
Counter-Mem~rial~~.
Of the 19Colonial Officereports containing maps, 15show the bound-

ary on the south side of the Chobe and four on the north side.

74. The arithmetical preponderance is not so important as the fact
that not in any of these maps - leave alone the majority - are the
boundaries indicated in such a manner as to leave the disputed territory
within the boundaries of the other State. This is scarcely consistent with
the position that the Treaty was intended to treat the northern channel as

the main channel. Rather, this statistic supports the view that the under-
standing of the Treaty was certainly not such as to place the Island in
question within the territory of Bechuanaland - in other words that the
understanding of Parties was that the main channel was the southern
channel. Prominent among the British maps is the official British map of
1933 used up to 1965, one year before independence, which shows the

Island within the Caprivi Stri~~~.
75. Namibia likewise has the advantage of a number of official maps
on the German side also indicating the southern channel as the bound-
ary. Among these are Seiner'smap, the principal large-scale map used by
German officials in Berlin and in the field, from its publication until the

45Judgrnent, para. 85.
46Mernorial of Botswana. Vol1,paras. 270-272.
47Counter-Mernorial of Namibia. Vol1,p. 63, para. 141.
48Map CSCS 3915 of 1933.Namibia Atlas Map IX; see also, Memorial of Namibia,
Vol.1.p. 125,para. 305.situait I'îleen territoire namibien. D'ailleurs, la Cour a constaté45que les
cartes publiéesaprès la conclusion du traité de 1890, lorsqu'elles figu-
raient la frontière, l'ont placéependant un certain nombre d'annéesdans
le chenal sud. La carte du Bechuanaland de 1933et la carte d'Afrique du

Sud de 1949sont au nombre de ces cartes.

73. Bien entendu, les cartes revêtentplus ou moins d'autoritésuivant
leur origine et les conditions dans lesquelles elles ont étéétablies. En
outre, leur échelleest souvent si petite qu'ellesne montrent pas toujours
clairement la régionqui fait l'objet du différendalors que d'autres cartes
sont assez grandes pour indiquer la zone litigieuse assez en détail.

Sur les seize cartes de l'atlas de la Namibie. certaines sont justement
d'une échelletrop faible pour montrer I'île de KasikiliISedudu, mais
douze d'entre elles sont assez grandes pour que I'île y figure et elles
montrent toutes que l'ile fait partie de la Namibie, en ce sens qu'elles
indiquent que c'est le chenal sud qui est la frontière internationale.
JI importe de constater que, parmi les cartes qui situent la frontière

dans le chenal sud, figurent plusieurs cartes en forme de croquis du pro-
tectorat du Bechuanaland qui ont étépubliéespar le ministère britan-
nique des colonies entre 1912et 1914 - un fait que le Botswana admet
dans son mémoire46et citédans le contre-mémoirede la Namibie4'.
Sur les dix-neuf rapports du ministère des colonies qui contiennent des
cartes, quinze d'entre elles situent la frontière du côtéde la rive sud du
Chobe et quatre, du côtéde la rive nord.
74. Le poids de l'arithmétiquen'a pas autant d'importance que le fait

que, dans aucune de ces cartes - pas seulement dans celles qui consti-
tuent la majorité - les frontières ne sont indiquéesde façon à situer le
territoire litigieuxà l'intérieurde l'autre Etat. Voilà qui est fort peu com-
patible avec l'idéeque le traitévisait à faire du chenal nord lechenal prin-
cipal. Cettestatistique étayeplutôt l'idéeque le traitén'était certainement
pas interprétécommesituantI'îleen question dans leterritoire du Bechua-
naland - c'est-à-dire que les Parties l'interprétaient comme situant le

chenal principal dans le chenal sud. Il faut surtout retenir parmi lescartes
britanniques la carte officiellede 1933 utiliséejusqu'en 1965,un an avant
l'indépendance, quifigure l'îledans la bande de Capri~i~~.

75. De mSme, la Namibie bénéficie d'un certain nombre de cartes offi-
ciellesdu côtéallemand qui, elles aussi, situent la frontière dans le chenal
sud. 11convient de citer notamment la carte de Seiner, la carte principale

à grande échelleque les fonctionnaires allemands ont utilisée A Berlin et

Arrêt, par. 85.
4hMémoiredu Botswana, vol. 1.par. 270-272.
47Contre-mkmoire de la Namibie, vol1.p. 63, par. 141.
moire de la Namibie. vol1.p. 125.par. 305.'atlas de la Namibie; voir également mé-1177 KASIKILI~SEDUDU ISLAND (DISS . P.WEERAMANTRY)

end of German rule in Namibia49. It was sent by Germany to the British
Foreign Office during the 1909-1914negotiations relating to the southern

boundary of the Caprivi Strip. The boundary is there shown placing
Kasikili Island very clearly on the Namibian side. So, also, is the case
with von Frankenberg's map50.Adding to the weight of these maps is the
South African Official Map of 194951,the principal map used by South
Africa until Namibian independence.

76. The cartographic evidence thus seems to me to be in favour of the
Namibian position, and of the contemporaneous understanding of the
Parties, as outlined earlier in this opinion.

Equitable Navigational Use of Boundary Rivers

77. It is an important principle of riparian law that equitable factors

also play a significant role in determining riparian boundaries, where
there is room for a difference of opinion52.

One of the principal uses of rivers is navigation and transport and the
need especially to use rivers for transportation downstream. That was
probably the rationale underlying the thalweg principle, already referred

to in this opinion.
There is another factor as well that is relevant to this aspect. Since the
vast bulk of the tourist traffic, which is the most vital traffic carried on
either channel, uses the southern channel, this is a substantial source of
revenue to both countries.
A riparian boundary is meant to afford to both riparian States equal

use and benefit from the boundary river. If the boundary is decided to be
the channel which is not suited to carry the bulk of the vessels using the
river, both States would not be able to use the river equitably. To hold in
the present case that the northern channel is the boundary would, by
denying Namibia the use of the southern channel, cause far greater loss
to Namibia than the loss that would ensue to Botswana if the southern

channel were held to be the boundary, in which case Botswana would be
denied only the use of the northern channel which is comparatively of far
less value.

49Memorial of Namibia. Vol. 1, p. 121, para. 294; see also Counter-Memorial of
Namibia, p. 69, para.55.
Memorial of Namibia. Vol.1.D. 123. &ras. 298-299: Counter-Memorialof Namibia.
Vol. 1,p. 70, para. 156.
Counter-Memorial of Namibia. Vol. 1. D.75. vara. 162
52On the "overwhelming support of the internaiional community" for the doctrine of
equitable utilization and the limitations of territorial sovereignty in relation to riparian
boundaries, see M. Fitzmaurice, in Legal Visionf the2lst Century,Anthony Anghie
and Garry Sturgess(eds.), 1998.pp. 428-436. ÎLE DE KASIKILI/SEDU DOU.DISS.WEERAMANTRY) 1177

sur le terrain depuis la date de sa publication jusqu'à lafiilde la présence
allemande en Namibie49. L'Allemagne a adressé cettecarte au ministère
des affaires étrangèresbritannique (Foreign Office)au cours des négocia-
tions de 1909-1914concernant la frontière sud de la bande de Caprivi.
Sur cette carte, la frontière situe trèsclairement l'îlede Kasikili en terri-

toire namibien. 11en va de même avec lacarte de von Frankenbergj0. Et
il en va de mêmeencore avec la carte officielle d'Afrique du Sud de
1949j1,c'est-à-dire la carte principale que l'Afrique du Sud a utiliséejus-
au'à I'indé~endancede la Namibie.
76. Les moyens de preuve cartographiques me paraissent donc être
favorables à la ~osition de la Namibie. et conforter la facon dont les
Parties ont cornGrisle traité àl'époquedésa conclusion, comme je l'aidit

plus haut dans la présenteopinion.

L'utilisation équitable desfleuves frontières aux fins de la navigation

77. C'est un principe important du droit des voies d'eau que des fac-
teurs d'équité jouenteux aussi un rôle de premier plan dans la détermina-
tion des frontières fluviales dès lors qu'il peut y avoir divergence d'opi-
nion à cet égard52.
Les cours d'eau sont principalement utiliséspour la navigation, pour le
transport, et parce qu'on a tout particulièrement besoin de les emprunter
pour descendrejusqu'à leur embouchure. C'est probablement de là que

procède le principe du thalweg, dont j'ai déjàparlé.
Mais il existe un autre facteur qui est pertinent à cet égard. Comme la
"rande maiorité de la circulation des touristes. c'est-à-dire de la circula-
tion la importante sur les deux chenaux, emprunte le chenal sud, il y
a la une source de recettes qui intéressefortement les deux pays.
Une frontière fluviale est censéedonner aux deux Etats riverains la
possibilitéd'exploiter le fleuve frontière sur un pied d'égalitéet d'en tirer
les mêmes profits.S'ilest décidé que la frontière sesitue dans le chenal ne

convenant pas à la circulation de la grande majoritédes bateaux utilisant
le fleuve, les deux Etats ne seront pas en mesure d'exploiter équitable-
ment le fleuve. Décideren l'espèceque c'est le chenal nord qui constitue
la frontière va, en privant la Namibie de l'utilisation du chenal sud, cau-
ser à la Namibie une perte beaucoup plus grandeque celleque subirait le
Botswana s'il était décidéque c'est le chenal sud qui est la frontière,
auquel cas le Botswana serait privéuniquement de l'utilisation du chenal

nord, lequel est relativement beaucoup moins intéressant.

4yMémoirede la Namibie, vol1,p. 121,par. 294; voir également contre-mémoirede la
NaniMémoirede la Namibie, vol.1p. 123,par. 298-299; contre-mémoire dela Namibie,
vol.1.p. 70. par. 156.
" Contre-mémoirede la Namibie, vol1,p. 75, par. 162.
52Sur le «soutien écrasant de la communauté internationale» pour la doctrine de
l'utilisation équitableet des limitations de la souveraineté territoriale en ce qui concerne
les liontiéres fluviales, voir M. Fitzmaurice, dans Legal Visions of the 2lst Century.
Anthony Anghie et Garry Sturgess, dir. de publ., 1998, p. 428-436.1178 KASIKILI/SEDU IDLAND (DISS .P.WEERAMANTRY)

This important use of the river must be equitably shared by both ripar-

ian States.This use is particularly essential to the economy of both coun-
tries. As Namibia informed the Court at the oral hearingsS3, tens of
thousands of tourists from al1over the world come to Namibia to visit its
game parks, and the same is no doubt true of Botswana. The use of the
southern channel to observe the wildlifeon KasikiliISedudu Island would
be a natural and important part of the agenda of the tourists in both
countries.

78. The evidence we have before us indicates that the vast majority of

tourist vessels- including the redoubtable Zambezi Queen - do not use
the northern channel. Most of them use the southern one. Apart from
this being a strong indication of the thalweg being in the southern chan-
nel, it also raises the equitable consideration that both riparian States
should have an equal right to use this main navigational route. To con-
sider the northern channel to be the main channel is to deprive Namibia
of the valuable use of this southern channel which is capable of taking al1
the traffic which the northern channel cannot take. On the other hand, if
the southern channel is considered the boundary, both States would have

equal use of this main means of navigation. The loss or inconvenience to
Botswana in not having the free use of the northern channel would be
comparatively minor as compared to the loss to Namibia if it could not
use the southern channel.

The principal loss and inconvenience to Botswana would be not in
regard to navigation, but in regard to the tourism and preservation of
wildlife which would ensue from the fact that the teeming wildlife on the

Botswana side has habitually crossed over to the Island and that the
Island is in a sense an integral part of this wildlifepreserve. This aspect is
considered in Part B of this opinion.

Conclusion Regurditzg the "Main Chunnel"

79. My conclusion is therefore that the southern channel must be
regarded as the main channel for the purposes of the 1890Treaty. This
would leave KasikiliISedudu Island de jure within the territory of
Namibia.
Having reached this conclusion, 1 am obliged to examine certain con-
sequential legal questions which would arise from such a decision. They
do not arise in this form in the context of the Court's Judgment, but need
to be examined in this opinion as a necessary consequence of my conclu-

53CR99/10, p.15,para.18.

137 LE DE KASIKILI~SEDUDIJ (OP. DISS. WEERAMANTRY) 1178

Cette utilisation importante du fleuve doit être équitablement par-
tagéepar les deux Etats riverains. Et cette utilisation est fondamentale
pour l'économie des deux pays. Comme la Namibie l'a dit à la Cour
lors de la procédure orale5', des dizaines de milliers de touristes
viennent du monde entier en Namibie pour se rendre dans ses parcs

animaliers, et il en va certainement de mêmedu Botswana. Utiliser
le chenal sud pour voir la faune sur l'île de Kasikili/Sedudu figurera
naturellement en très bonne place sur le programme des touristes
dans les deux pays.
78. Les éléments depreuve dont nous sommes saisis indiquent que la

grande majorité des bateaux de touristes - y compris le redoutable Zum-
hezi Queen -- n'empruntent pas le chenal nord. La plupart d'entre eux
empruntent le chenal sud. Mis à part le fait que nous avons là un signe
manifeste que le thalweg se situe dans le chenal sud, l'indication prête
également à une considération d'équité, quiest que les deux Etats rive-

rains doivent pouvoir exercer sur un pied d'égalitéle droit d'utiliser cette
voie qui est la principale voie de navigation. Décider que c'est le chenal
nord qui est le chenal principal revient à priver la Namibie de la précieuse
possibilité d'utiliser le chenal sud qui peut supporter toute la circulation
que le chenal nord ne peut pas supporter. En revanche, s'ilest décidéque

la frontière se situe dans le chenal sud. les deux Etats Dourront utiliser sur
un pied d'égalitécette voie de navigation qui est la'voie principale. La
perte ou I'inconvénientque le Botswana subit parce qu'il ne peut plus uti-
liser librement le chenal nord sera relativement mineur par rapport à la
perte que subit la Namibie si celle-ci ne peut plus utiliser le chenal sud.

La perte et I'inconvénient subis par le Botswana ne concerneront pas
pour l'essentiel la navigation, mais concerneront le tourisme et la
préservation de la faune: la perte et I'inconvénient s'expliqueront par le
fait que certains élémentsde l'abondante faune habitant la rive botswa-
naisiont l'habitude de traverser le fleuve pour gagner I'îleet que celle-ci

fait en un certain sens partie intégrante de la réserve animalière. C'est
cet aspect du problème qui est étudiédans la partie B de la présente
opinion.

Conclusion concernant «le chenalprincipal))

79. Ma conclusion est par conséquent qu'il faut considérer le chenal
sud comme étant le chenal principal aux fins du traité de 1890. Dans ces

conditions, l'île de Kasikili/Sedudu fait de jure partie du territoire de la
Namibie.
Ayant abouti à cette conclusion, je suis tenu d'examiner certaines ques-
tions juridiques qui se posent nécessairement à la suite de pareille déci-
sion. Ces questions ne se posent pas sous cette forme dans le cadre de
l'arrêtde la Cour, mais il faut les examiner dans la présente opinion parce

57 CR99110. p.15.par.18.1179 KASIKILI~SEDUDU ISLAND (DISS .P. WEERAMANTRY)

sion that the southern channel is the main channel. These legal questions
are examined in Part B of this opinion.

Introduction

80. Having arrived at my conclusion that the main channel is the
southern one, and hence that KasikiliISedudu Island must be considered
part of Namibian territory, 1 now address a resultant question which will
confront international law with increasing intensity in the future - the
tension between principles of territorial sovereignty and principles ofco-

logical protection which involve a fiduciary responsibility towards the
ecosystems of the States concerned.

The teeming wildlife of this area makes it one of the prized game parks
of Africa. Its protection is a matter of international concern which can-
not be permitted to recede from viewin the midst of conflicting claims of
the contending Parties. This raises in pointed form the scope of judicial
responsibility when environmental issues straddle the boundaries demar-
cated by the Court.
Indeed, this aspect was addressed in the pleadings, and itwas argued
on behalf of Botswana that

"if the Court were to rule in favour of Namibia, the decision would
immediately remove the Island from the range of the wildlife,as they
would be hunted down on the Island, as was done in the rest of the
Caprivi. Thus, in the interest of conservation, and for al1the other
reasons to be advanced by Botswana in this case . .. the Court
should rule in favour of Botswana. By so doing, the Court would
make a clear statement on conservation to al1mankind, including
Namibians." 54

The circumstance referred to does not per se amount to a ground for
ruling in favour of Botswana, but it does raise a serious consideration
which cannot be ignored.
81. My finding that the Island falls within Namibian territory thus
requires me to address this argument, having regard to the compelling
wei-ht which modern international law attaches to environmental con-
siderations, reinforced as it is by such conventions as the 1992Conven-
tion on Biological Diversity (the Biodiversity Convention) signed and
ratified by both Parties to this case, and other conventions such as the
Convention on International Trade in Endangered Species (CITES), and
the 1971Convention on Wetlands of International Importance Especially LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISS. WEERAMANTRY) 1179

qu'elles sont la conséquence nécessairede ma conclusion, qui est que le
chenal sud est le chenal principal. J'étudiecesquestionsjuridiques dans la

partie B ci-après.

Introduction
80. Ayant donc abouti à la conclusion que le chenal principal est le

chenal sud, et par conséquentque I'îlede KasikiliISedudu doit êtreconsi-
déréecomme faisant partie du territoire namibien, j'aborde à présent une
question qui découlede cette conclusion et qui va se poser en droit inter-
national avec une force croissante à l'avenir- s'agissant de la tension
qui va s'exercer entre les principes de la souveraineté territoriale et les
principes de la protection écologiquequi font appel à une responsabilité
fiduciaireà l'égard des écosystèmes deE stats intéressés.
L,'abondance de la faune dans la régionen cause en fait un des parcs
animaliers les plus prisésd'Afrique. Protéger cette région relèved'une
préoccupation internationale qu'il faut s'interdire de perdre de vue face
aux revendications opposées des Parties.D'où la portéede la responsa-
bilitéjudiciairequand des questions d'environnement seposent depart et

d'autre des frontières tracéespar la Cour.
D'ailleurs, laquestion a été évoqué au cours de la procédureorale, le
Botswana soutenant que:
«si la Cour devait se prononcer en faveur de la Namibie, cette déci-
sion aurait pour effet immédiat de faire disparaître les espècessau-
vages de I'île,car elles y seraient chasséescomme elles l'ont étédans
le reste du Caprivi. Ainsi, dans l'intérêt dlea conservation et pour

toutes les autres raisons avancéespar le Botswana en l'espèce ... la
Cour devrait se prononcer en faveur du Botswana. Ce faisant, la
Cour adresserait à toute l'humanité, y comprisaux Namibiens, un
message clair relatifàla conservation. »54
Le cas de figure évoqué ne constituepas en soi un motif valable inci-
tant à statuer en faveur du Botswana, mais il soulève une idée gravequi

ne peut êtreignorée.
81. Du moment que je situe I'îleen territoire namibien, je me vois tenu
d'examiner l'argument, d'autant que le droit international moderne at-
tache un poids déterminant auxconsidérations environnementales,car il se
trouve désormais renforcépar des conventions comme la convention de
1992sur la diversité biologique(dite convention sur la biodiversité)qui a
étésignée et ratifiéepar les deux Parties en la présenteaffaire et certaines
autres conventions comme la convention sur le commerce international
des espècesde faune et de flore sauvages menacéesd'extinction (conven-1180 KASIKILI~SEDL'DU ISLAND (DISS .P. WEERAMANTRY)

as Waterfowl Habitat (Ramsar Convention). The problem adverted to by
Botswana is one which can be suitably addressed in the light of the great
progress that has been made by modern international law in the struc-
turing ofjoint régimesfor the conservation of environmentally important
sites.

The fact that the entity to be preserved is a "common heritage" or at
least a "common ~oncern"'~ of humankind, reinforces the judicial duty
in this regard - a duty which naturally reaches further than that of sur-
veyors and cartographers who depict stipulated geographical features on

the ground.
International law is now in too mature a state of development to carry
out its tasks of boundary delimitation in mechanical fashion. It cannot
interpret and apply a boundary treaty in ubstr.uc.toan approach which
may have been possible in an earlier age. In the environmental field, the
growing recognition of world heritage values prevents such a rigid atti-
tude from being followed.

82. The present case offers us an instance of a situation which is likely
to come before the courtsmore often in the future. The evolution of legal
guidelines for such situations is not a venture into new legal territory, for

many precedents already exist. 1see it as inevitable that the future will
bring before international tribunals other situations as well in which
there are interests of a universal nature which need to be preserved, and
where two or more States may need to co-operate to ensure that some
important aspect of the universal heritage of humanity is not diminished.

83. As we enter an era in which active CO-operation, rather than
passive co-existence,becomes a keynoteconcern of international law, it is
inevitable that such concerns will receive increasing judicial considera-
tion. It helps in this case that the Court is required to decide "on the basis
of the Anglo-German Treaty of 1July 1890 und the rules and principkcs

ofinternutionul Iu~i~"(emphasis added) the question of the true boundary
between Botswana and Namibia in the disputed area of the Caprivi Strip.
The "rules and principles of international law" comprise well-recognized
principles of environmental law which cannot be ignored.

Itis significant, moreover, that the Court is asked to determine not
merely the boundury between Namibia and Botswana, but also the legul
stutus of the Island. This enables the Court to create a special legal
régimeforthe Island, should it choose to do so - an aspect that becomes
especially important in the event of a finding that the Island belongs to
Namibia.

55See Biodiversity Convention. 1992, Preamble. para. 3. LE DE KASIKILI/SEDU (DU.DISS.WEERAMANTRY) 1180

tion CITES) et laconvention de 1971relative aux zones humides d'impor-
tance internationale, particulièrement comme habitat de la sauvagine
(convention Ramsar). 11est aujourd'hui possible de bien s'atteler à la
solution du problème évoquépar le Botswana grâce aux progrès qu'a
réalisésle droit international moderne avec la mise en place de régimes
conjoints consacrés à la conservation de sites importants du point de vue
écologique.
Le fait que l'entitépréserver est un((patrimoine commun»ou tout au
moins «une préoccupationcommune»ss de l'humanité, renforceI'obliga-

tion judiciaireà cet égard - obligation qui, bien entendu, va plus loin
que celle des géomètres etdes cartographes qui reproduisent les particu-
laritésgéographiquesrelevéessur le terrain.
Le droit international a aujourd'hui atteint un stade de développement
tel qu'il ne peut pas s'acquitter de façon mécaniquede ses tâches de déli-
mitation de frontière. Il ne peut pas interpréter et appliquer un traité
frontalierin abstracto,approche qui eut peut-êtreétépraticable plus tôt.
Dans le domaine de l'environnement, la reconnaissance constamment
plus étendue des valeurs du patrimoine mondial empêched'adopter une

attitude aussi rigide.
82. La présente instancenous apporte un cas de figure dont les tribu-
naux auront de plus en plus souvent à connaître. ~e juriste n'a pas en
l'occurrence à s'aventurer en terre inconnue pour établir de nouvelles
règles,car il existe déjàde nombreux précédents.Mais il est,je crois, iné-
vitable que les tribunaux internationaux se trouvent à l'avenir saisis
d'autres cas de figuremettant égalementen cause des intérêtd se caractère
universel qu'il faut préserver,et dans lesquels deux Etats au moins auront
à coopérerpour qu'il ne soit pas porté atteinte à un aspect important du
patrimoine universel de I'humanité.

83. Nous entrons dans une èreoù la coopération active plutôt que la
coexistence passive devient une préoccupation centrale du droit interna-
tional, et il est donc inévitableque ces préoccupations retiennent de plus
en plus l'attention du juge.l est utile en l'espèceque la Cour soit priéede
déterminer((sur la base du traitéanglo-allemand du ICrjuillet 1890et des
règles et principes du droit internationul» (les italiques sont de moi)
quelle est véritablementla frontièreentre le Botswana et la Namibie dans
la régioncontestéede la bande de Caprivi. Les «règles et principes du
droit international)) comprennent des principes largement reconnus du

droit environnemental qu'il n'estpas possible d'ignorer.
11importe en outre que la Cour soit priée de déterminer non pas
simplement la frontière entre la Namibie et le Botswana, mais aussi le
statut juridique de l'îleCela permet à la Cour de créerun régimejuri-
dique spécialpour I'îlesi telle est sa décision point qui devient parti-
culièrement important au cas où la Cour dirait que I'îleappartientà la
Namibie.

-
25Voir convention sur la biodiversité, 1992. préambule, 3' alinéa1181 KASIKILI~SEDUDU ISLAND (DISS . P.WEERAMANTRY)

84. We are here dealing with the protection and enjoyment of a unique

part of the world's wildlifeheritage which, from al1that we have heard in
the course of the case, represents a remarkable place of congregation of a
rich variety of wildlife- a place where they meet and feed and breed. In
the words of Professor Alexander:

"There are very few wildlife areas in southern Africa where such a
variety of game and bird life can be seen from such close quarters as
along the southern channel of the Chobe river at Kasikili Island." 56

He also confirms the statement in the Botswana Memorial that "[tlhe
grazing on the island is excellent and there is a daily elephant migra-
tion to the islandMs7.Such places are critical to the maintenance of bio-
diversity which, as the Biodiversity Convention has proclaimed is, if
not a common heritage of humankind, at least a common concern of
humankind.
85. The aspect 1am now addressing brings to the forefront some vital
legal issues relevant to the delimitation of boundaries. 1 shall deal with
four of them in the following order:

1. The function of the Court when delimitation of a boundary line
involves the dismantling or division of an ecologically integral unit of
biodiversity.

2. The role of equity in the practical problems attendant on delimitation.

3. The relevance of the distinction, if any, between colonial treaties that
specifically designate boundaries and colonial treaties indicating
spheres of influence.

4. The notion of joint régimesover ecologically vital portions of terri-
tory which, despite the ecological unity of the territory, straddle
national borders.

1shall proceed to consider these in the order in which 1have designated
them.

1. Judicial Responses to a Boundary Delimitation Which Involves

Dismantling or Dividing anEcologically or Culturally
Integral Unit
86. The fact that a unique natural preserve, or a treasured cultural site,

or a sacred area which needs to be preserved in its full integrity, straddles

57Ihid., para. 11.2; Mernorial of Botswana, Vol. 1,p. 14. para. 32

140 LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISSW. EERAMANTRY) 1181

84. Nous avons iciaffaire a la protection d'un élément exceptionneldu
patrimoine animalier du monde et au plaisir que l'on peut y prendre:
d'après tout ce que nous avons entendu dire pendant le déroulement de
l'instance,il s'agit d'un endroit extraordinaire où se rassemblent de mul-
tiples espèces - un endroit où elles se réunissent, s'alimentent, se repro-
duisent. Comme le dit le professeur Alexander:

((11y a très peu de régionshabitéespar la faune en Afrique aus-
trale où l'on puisse observer de si prèsautant d'animaux et d'oiseaux
que lorsqu'on se trouve dans le chenal sud du Chobe, à la hauteur de
l'îlede Kasikili.)56

Le mêmeauteur confirme ce que dit le Botswana dans son mémoire:((les
pâturages y sont excellents [sur l'île]et des éléphantss'y rendent chaque
jour»57. De tels endroits revêtent uneimportance capitale pour la préser-
vation de la diversité biologiquequi, comme le dit la convention, consti-

tuent, sinon un patrimoine commun de l'humanité, tout au moins une
préoccupation commune de l'humanité.
85. Le problème que j'examine à présentimpose de placer au premier
rang certaines questions juridiques vitales qui interviennent dans la déli-
mitation de frontières. Je traiterai quatre de ces questions dans l'ordre
ci-après :

1. La fonction que la Cour doit exercer quand la délimitation d'une
frontière entraîne le démantèlement ou la division d'un ensemble
intégrésur le plan écologique qui est représentatif de la diversité
biologique.
2. Le rôle de l'équitédans les problèmes concrets accompagnant la déli-
mitation.

3. L'importance de la distinction à opérer, le cas échéant, entredes
traités concluspar des puissances coloniales qui définissent avec préci-
sion des frontières et des traités qui déterminent simplement des
sphères d'influence.
4. La notion de régimeconjoint appliquée à des sections de territoire
capitales du point de vue écologiquequi, malgré leur unité écologique,
se situent de part et d'autre de frontières nationales.

Je vais étudier ces questions dans l'ordre dans lesquelles je les ai énon-
cées.

1. Les réponsesdu juge à une délimitation de lafrontière
qui impose de démanteler ou de diviser un ensemble intégrésur le plan

écologiqueou culturel
86. Le fait qu'une réservenaturelle, un site culturel considéré comme

précieux,un territoire sacré qu'il faut préserverdans son intégralitésoit

5'Ibid., par. 11.2; mémoire du Botswana. 1,p. 14, par. 32..1182 KASIKILI/SEDU DLAND (DISSO. P.WEERAMANTRY)

national boundaries does not necessarily mean that it is to be dissected
between the two or more States whose boundary runs through it. Inter-
national law would have resources enough to handle this difficult and
delicate situation so as to preserve as a unity the valuable asset which
would otherwise suffer from being divided in a manner that takes into
account only the rights of individual States, but neglects other values
which international law is bound to preserve.

For the large numbers of elephants, hippopotami, and rhinoceroses, not
to speak of smaller forms of wildlife, which frequent this area and have

been doing so as long as human memory extends, a disturbance of their
patterns of occupation would be a disturbance of their natural habitat.
The adverse consequences to their well-beingand to their survival cannot
be underestimated. In a world which increasingly places a strain on their
natural lifestylesand habitats, and in which several important categories
of wildlifeare becoming endangered species,this is a result which is to be
prevented as far as such action is permissible within the limits of the law.
87. 1refer in particular to the Biodiversity Convention (1992), a Con-
vention which both Botswana and Namibia have ratified without quali-

fication (Botswana, 12October 1995,and Namibia, 16 May 1997).

The States parties to that Convention have accepted responsibility for
conserving their biological diversity and for using their biological
resources in a sustainable manner. The Convention notes further that one
of the fundamental requirements forthe conservation of biological diver-
sity isin situ conservation, defined as "the conservation of ecosystems
and natural habitats and the maintenance . .. of viable populations of
species in their natural surroundings" 5R.It further stresses the impor-

tance of and the need to promote international co-operation among
States for the conservation of biological diversity59.
88. Article 6 requires each contracting party to develop national
strategies, plans or programmes for the conservation and sustainable use
of biological diversity. Article 8 (d), dealing with in situconservation,
requires, inter aliuthat each contractingparty promote the protection of
ecosystems, natural habitats, and the maintenance of viable populations
of species in natural surroundings. All of these are indicative of the car-
dinal importance attached by modern international law to the protection
of natural species in their natural environments.

So strong are the obligations imposed by the Convention that
Article 22 provides that the provisions of the Convention shall not affect
the rights and obligations of contracting parties, deriving from any exist-
ing international agreement "except ~+,here the exercise of thosc rights

59Ihid.Pr,eamble, para. 14.Preamble. para. 10:,rt. 2.situéde part et d'autre de frontières nationales ne veut pas nécessaire-

ment dire qu'il faut le sectionner entre les deux ou plusieurs Etats dont la
frontière traverse le territoire en question. Le droit international dispose
d'assez de moyens pour résoudre ce problème difficile et délicatde façon
à préserversous la forme d'un ensemble l'élément précieuq xui souffrirait
d'êtrepartagé d'une façon qui tienne compte exclusivement des droits de
chacun des Etats mais négliged'autres valeurs que le droit international

est pourtant tenu de préserver.
Pour les très nombreux éléphants,hippopotames, rhinocéros, sans par-
ler des animaux plus petits, qui fréquentent la région depuis des temps
immémoriaux, perturber leur mode d'occupation reviendrait à perturber
leur habitat naturel. On ne peut pas sous-estimer l'effet néfasteque cela

auririt sur leur bien-êtreet leur survie. Dans un monde qui pèsede plus en
plus lourdement sur le mode de vie et l'habitat naturels de cette faune, et
dans lequel plusieurs espéces importantes sont désormais menacées
d'extinction, il convient d'empêcherpareil résultat dès lorsque la Iégisla-
tion autorise une action en ce sens.

87. Je fais ici appel en particulier à la convention de 1992 sur la diver-
sité biologique, convention que le Botswana et la Namibie ont tous deux
ratifiée sans réserve(le 12 octobre 1995 pour le Botswana et le 16 mai
1997 pour la Namibie).
Les Etats parties a cette convention ont acceptéla responsabilité de la
conservation de leur diversitébiologique et d'une utilisation de leurs res-

sources biologiques qui revête uncaractère durable. La convention note
en outre que la conservation de la diversitébiologique exige essentielle-
ment la conservation in .ritu «des écosystèmeset des habitats naturels
ainsi que le maintien ...de populations viables d'espècesdans leur milieu
naturel»'*. La convention souligne en outre qu'il importe et qu'il est

nécessairede favoriser la coopération internationale entre les Etats aux
fins de la conservation de la diversitébiologiquesy.
88. L'article 6 de la convention impose à chaque partie contractante
d'élaborer des stratégies, plansou programmes nationaux tendant à assu-
rer la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique.
L'article 8 d), qui porte sur la conservation in situ, impose notamment à

chaque partie contractante de favoriser la protection des écosystèmeset
des habitats naturels ainsi que le maintien de populations viables d'es-
pèces dans leur milieu naturel. Toutes ces dispositions montrent quelle
importance capitale le droit international moderne attache a la protection
des espècesnaturelles au sein mêmede leur milieu naturel.

Les obligations imposées par la convention ont un tel poids que I'ar-
ticle 22 prévoit que les dispositions de la convention ne modifient en rien
les droits et obligations découlant pour les parties contractantes d'un
autre accord international en vigueur, quel qu'il soit, ((saufsi l'e-uercice

5XConvention sur la biodiversité, préambu10ealinéa; ihici.,art. 2.
51Ihid., préambule, 14'alinéa.1183 KASIKILI/SEDU DLAND (DISS .P. WEERAMANTRY)

and obligations ivould cause a serious damuge or threat to biologicul
diversity".This indicates that a serious threat to biological diversity can
even constitute an exception to treaty obligations.

1cite these provisions in order to show that specific State obligations
exist to protect the natural habitats of wildlife,and thatose obligations
can even, in certain situations, override existing treaty obligations. The
obligations imposed by the Convention are thus of such a compelling
nature that they cannot be ignored in any determination defining inter-

State rights and obligations if such determination should entail a risk of
damage to ecosystems which it was the object of the Convention to
prevent .
89. We are here not importing principles of modern law to interpret
a treaty of 1890. We are interpreting the Treaty of 1890 as it stood,
and as it was understood contemporaneously. We are determining the
boundaries between the two States in terms of the Treaty of 1890but,
in applying them on the ground in the year 1999,we cannot disregard
important principles of modern law.

Environmental standards transcend temporal barriers, as this Court
noted when in Gabtikovo it observed:

"Such new norms have to be taken into consideration, and such
new standards given proper weight, not only when States contem-
plate new activities but also when continuing with activities begun in
the pa~t."~O

Consequently, in environmental matters, today's standards attach them-
selvesto yesterday's transactions, and must be given due effect injudicial
determinations stemming from them.
This aspect can be formulated even more strongly in the present case,

because the question referred to the Court requires a determination in
accordance with "the rules and principles of international law", and also
because the Court is obliged to take into account the environmental obli-
gations assumed by the Parties through multilateral treaties.
90. Moreover, this is a court not only of strict law, but of equity as
well, and boundary delimitations, like al1 other determinations of the
Court, involve not merely strictly legal but equitable considerations as
well. This is not newjurisprudence, but has been recognized as far back
as the North Scu Continental She~cases6' which noted the relevance of
equitable principles in the process of delimitation.

Guhëikovo-Nugymuros Project, I.C.J. Reports 1997, p. 78, para. 140.
61I.C.J. report^ 1969, pp. 48-53. LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISSW. EERAMANTRY) 1183

de ces droits ou le respect de ces obligutiolzs causait de sérieuxdommages
ù la diversité biologique ouconstituait pour elle une menuce))C'est-à-dire

qu'une menace grave pesant sur la diversité biologiquepeut mêmemoti-
ver une dérogation à des obligations conventionnelles.
Je cite cette disposition pour montrer qu'il existe des obligations pré-
cises pour les Etats qui sont donc tenus de protéger les habitats naturels
de la faune et que ces obligations peuvent mêmedans certains cas pren-
dre le pas sur des obligations conventionnellesdéjàcontractées. Les obli-
gations imposéespar la convention sont par conséquent assez contrai-
gnantes pour qu'il soit impossible de les laisser de côtéquand il est défini
des droits et des obligations quand cette décision créeun risque de dom-
mage a des écosystèmesque la convention avait pour objet d'empêcher.
89. Nous ne sommes pas en train ici d'importer des principes du droit

moderne pour interpréter un traitéde 1890. Nous interprétons ce traité
de 1890tel qu'il étaitrédigéet tel qu'il étaitcompris par les contempo-
rains. Nous déterminons le tracé des frontières entre les deux Etats
conformément aux dispositions du traité de 1890 mais, pour appliquer
ces dispositions sur le terrain en 1999,nous ne pouvons pas méconnaître
certains principes importants du droit moderne.
Les normes environnementales transcendent les obstacles temporels,
comme la Cour actuelle l'a relevéquand elle a dit, dans l'affaire relative
au Projet de Gubc'ikovo:

«Ces normes nouvelles doivent êtreprises en considération et ces
exigences nouvelles convenablement appréciées non seulement
lorsque des Etats envisagent de nouvelles activités, mais aussi lors-

qu'ils poursuivent des activités qu'ilsont engagéesdans le passé.»60
Par suite, dans le domaine de l'environnement, les normes actuelles

s'appliquent aux opérations du passé etil faut leur donner la place qui
leur revient dans les décisions judiciaires appelées leur répondre.
Il est possible d'êtred'autant plus ferme à cet égarddans la présente
espèceque la Cour est priéede se prononcer conformément aux (trégles
et principes du droit international))et que la Cour, en outre, est tenue de
prendre en considération les obligations écologiquesque les Parties ont
contractées par des traités multilatéraux.
90. De plus, notre juridiction n'applique pas seulement le droit strict
mais se prononce aussi en équité,et les délimitations de frontière, comme
toutes les autres décisionsde la Cour du reste, font appel non pas sim-

plement à des considérations strictement juridiques mais aussi à des
considérations d'équité. La doctrine,en l'occurrence, n'estpas nouvelle,
la Cour l'admet depuis fort longtemps puisque, des lesaffaires du Plateuu
continental de la mer du Nord6' la Cour a dit que les principes équitables
sont pertinents aux fins d'une opération de délimitation.

"'Projet Gubfikovo-Nagymuros, C.I.J. Rec1997,p. 78, par. 140.
6'C.I.J. Recueil 1969, p. 48-53.1184 KASIKILI~SEDUDU ISLAND (DISS .P. WEERAMANTRY)

2. The Scope for Equity in Boundary Delimitation

91. A court reaching such a conclusion as that Kasikili/Sedudu Island
belongs to Namibia cannot end its responsibilities with the mechanical
exercise of a geometric delineation of boundaries on the ground.

1 have already advanced the illustration of a sacred site which is one
and entire, but which may need to be divided in two if merely geometrical
considerations are to be followed. Likewise, a village may be separated
from a grazing ground which for centuries had been integral to it, or the

village itself may be divided into two parts whose residents thus became
citizens of two different States, howeverclosely they may be connected. It
would be a diminution of a court's inherentjurisdiction if it were expected
in such hypothetical circumstances to turn its glance away from these
very real and vital problems and proceed with the task of delineation as
if it were a purely geometrical exercise. Charged as it is with the applica-
tion of equity to the problem before it, a court would not proceed in this
fashion.
If there is a natural reserve which, in the interests of the ecosystem and
of biological diversity cannot be divided without lastingdamage, this is a
factor which the Court can no less ignore than a sacred site or archaeo-
logical preserve which must be maintained in its integrity if it is to be
preserved.

92. There is more than one way in which equitable considerations can
be given effect in such situations.
One is that the Court should consider itself empowered to make a
slight deviation from the strict geometric path indicated by the boundary
treaty, but always preserving a balance between the entitlements of the
two parties to the enjoyment of this precious asset.
Another is to constitute, in the larger interests of both parties and
indeed of the world community, a joint régimeover the area so that
neither party is deprived of its use. In this category, a multitude of
possibilities and precedents are available which 1 shall briefly consider
later.

93. 1may observe here that the division of a sacred site or ecological
preserve into two discrete portions is a procedure likely to produce
tension between the Parties in the future, as that which was considered
to be a common resource on both sides of the border is then available to

neither Party, and the entire asset is under risk of destruction through
the process of division. Indeed, in an extreme case, as where a geo-
metrical line of partition passes through the most holy place of a sacred
site, the imperative need for such discretion on the part of the Court is
obvious.

That the Court has such a power, and indeed a duty in an extreme LE DE KASIKILI/SEDU (DU.DISS.WEERAMANTRY) 1184

2. La place de l'équitédans la délimitation d'unefrontière

91. Quand un tribunal aboutit à la conclusion, par exemple, que l'île
de KasikiliISedudu appartient à la Namibie, il ne met pas fin à ses res-

ponsabilitésen pratiquant mécaniquementun tracégéométriquede fron-
tièressur le terrain.
J'ai déjàévoquél'exemple d'un site sacréqui constitue un tout, un
ensemble, mais qu'il faudrait partager en deux s'ilfallait s'en tenires
considérations purement géométriques.De même,il peut arriver qu'un
village soit coupé d'un terrainservant faire paître le bétailqui en faisait
partie intégrantedepuis des sièclesou que le villagelui-mêmesoit partagé
en deux parties dont les habitants deviennent de ce fait les ressortissants
de deux Etats différents, malgréles liensétroitsqui les unissent. La com-
pétencepropre du tribunal serait amoindrie s'il devait, dans ces cas de
figure théoriques,ne tenir aucun compte de ces problèmes très concretset
vitaux pour procéder au tracéde la frontière comme s'il s'agissait d'un

exercice de pure géométrie. Mais,tenu de se prononcer en équitésur le
problème, le tribunal n'adopterait pas cette façon de faire.
S'ilexiste une réservenaturelle qui, dans l'intérte l'écosystèmeet de
la diversitébiologique ne peut pas êtrepartagéesans subir de dommages
permanents, c'estun facteur que la Cour ne peut pas méconnaîtreici tout
comme elle prendrait en considération l'obligationde préserver l'intégrité
d'un site sacré ou d'un lieu archéologique qu'il faut protéger à cette
condition.
92. Dans des situations telles que celle-la, il existe plusieurs façons de
donner effet aux considérations d'équité.
L'une d'ellesconsiste pour la Courà s'estimer habilitéà s'écarterIégè-
rement du tracéstrictement géométrique indiqué par le traitéfrontalieà

condition de préserverconstamment l'équilibreentre les deux Parties qui
ont l'uneet l'autre le mêmedroità bénéficiedru bien précieuxà partager.
Une autre façon de faire consisteà mettre en place, pour mieux servir
l'intérêdtes deux parties et d'ailleurs de toute la communauté mondiale,
un régimeconjoint sur la régionde sorte qu'aucune des deux parties n'est
empêchéd ee l'utiliser. Ce type de solution ouvre une multitude de possi-
bilitéset permet de puiser dans de multiples précédentsque j'évoquerai
rapidement plus loin.
93. Je ferai observer ici que le partage d'un site sacréou d'une réserve
écologiqueen deux ensembles autonomes va probablement susciter des
tensions entre les Partiesl'avenir, car ce qui était considécomme une

ressource commune des deux côtésde la frontière n'est plus disponible
pour aucune des deux Parties, et le bien tout entier risque d'êtredétruit
sous l'effet mêmedu partage. En fait, quand on se trouve devant un cas
de figure extrême,quand, par exemple, la ligne de la partition géomé-
trique traverse l'endroit le plus vénd'un site sacré,il est manifeste que
la Cour doit impérativement exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui
est imparti.
11est donc incontestable que la Cour est dotéed'un tel pouvoir, et qu'il1185 KASIKILI~SEDUDU ISLAND (DISSO . P.WEERAMANTRY)

case, is thus beyond dispute. Whether a given situation is an appropriate
one for the use of its equitable power is a matter for the Court's discre-
tion.

In the present state of recognition of the importance of ecological con-
siderations, and having regard to the importance of this natural reserve
as stressed to us by both Parties at the oral hearings, a decision in favour
of Namibia would trigger the exercise of such discretion.

3. Treaties Dealing with Spheres of lnjuence Distinguishedfrom
Treaties Dealing with State Boundaries

94. Of special relevance to the exerciseof the Court's equitable powers
is the distinction which 1 believe should be drawn between treaties that
specifically and precisely deal with boundaries and treaties which deal

with spheres of influence.
The distinction 1draw is in relation to the degrees of specificityof the
two kinds of treaties. In the colonial past, the colonizing powers would
sometimes in broad terms define their respective spheres of influence. It
was of course necessary to establish the lines of division between them,
but the primary purpose of the exercise was to make clear the broad
extents of territory over which one or the other could pursue their activi-
ties without interference by the other. As Oppenheim has observed, they
arose from "the uncertainty of the extent of an occupation, and the ten-

dency of colonizing states to extend an occupation constantly and gradu-
ally into the interior or 'hinterland' of an occupied territoryW6*T. hey had

"the object of regulating, in a spirit of mutual good-will, the rela-

tions which might result between the contracting Powers from the
extension of their rights of sovereignty or protectorate in neighbour-
ing regions" 63.
95. These agreements were arrangements with "a certain provisional-
ity", and when in due course the parties took control of the areas respec-

tively reserved, the delimitation would attain the status of a boundary
de~cription~~.Thus a sphere of influence did not necessarily mean that
the power claiming it already had control and possession of it, but this
was clearly the objective towards which it intended to move.

62Oppenheim'sInternationul Law, Vol. 1,Peace, Parts 2 to 4, Sir Robert Jennings and
Sir Arthur Watts (eds.), 9th ed., 1992,1.
63M. F. Lindley, The Acquisition and Government of Backwurd Territory in Interna-
tional Law, 1926,p. 210: see also Sir Thomas Holdich, Poliricul Frontiers und Boundurj~
Muking, 1916.pp. 96-97.
pp. 8-9.Brownlie. Africun Bounduries: A Legul and Diplomatic Encyclopuediu, op. cit..s'agit mêmed'une obligation dans les cas extrêmes. C'est à la Cour de
déciderquand une situation donnéefait appel de sa part à l'application
des principes d'équité.
L'importance des considérations écologiquesétant aujourd'hui large-
ment reconnue et compte tenu par ailleurs de l'importance qui s'attache à
la réservenaturelle dont il s'agit et sur laquelle lesdeux Parties ont insisté
lors de la procédure orale, une décisionfavorable à la Namibie impose-
rait à la Cour d'exercer ce pouvoir discrétionnaire.

.3. La distinction ciopérerentre les truitésdé$nissantdes sphères
d'influence et les traités établissantdesfrontières étatiques

94. Quand la Cour est appelée à appliquer les principes d'équitéi,l est
tout particulièrement pertinent, me semble-t-il, d'opérer une distinction
entre les traités quidéfinissenttrèsprécisément desfrontières et ceux qui
portent sur des sphères d'influence.
La distinction que j'opère ainsia trait au degréde précision des deux
types de traités.A l'époquecoloniale qui est derrière nous, les puissances
coloniales cherchaient parfois à définirsous une forme assez large leurs

sphéres d'influence respectives. Il fallait évidemmenttracer des lignes de
partage entre elles, mais l'exercice avait pour objet essentiel d'indiquer
sur quelle vaste étendue de territoire l'une ou l'autre puissance pourrait
poursuivre ses activitéssans êtregênép ear l'autre. Comme l'a fait obser-
ver Oppenheim, ces traités procédaient de ((l'incertitudequi régnaitsur
l'étendued'une occupation et la tendance des Etats colonisateurs à faire
constamment progresser l'occupation vers l'intérieur (hinterland) du ter-
ritoireoccupé»62.Ces Etats avaient

«pour objet de réglementer dans un esprit de bonne volonté réci-
proque les relations qui pouvaient résulter entre les puissances
contractantes de l'extension de leurs droits de souveraineté ou de
protectorat dans les régions voisines»63(traduction du Greffe].

95. Ces accords étaient des arrangements revêtant«un caractère pro-
visoire jusqu'à un certain point », et quand, le moment venu, les parties
exerceraient effectivement leur contrôle sur les régions qu'elles s'étaient
respectivement réservées,la délimitation accéderaitau rang de tracé de

frontière64.En somme, une sphère d'influence nevoulait pas nécessaire-
ment direquela puissance qui s'en réclamait s'étaidtéjà assurélecontrôle
et la possession de la région, mais c'était manifestement l'objectif qu'elle
se proposait d'atteindre.

h2 Oppenheirn'sInternarional Law, v1,Peace, 2" et 4eparties, sir Robert Jennings et
sir Arthur Watts, dir. de publ., 9'ed.. 1992, p. 691.
M. F. Lindley, The .4cquisition and Governrnent of Buckiter rit o^ Interna-
tionalLaw. 1926.v. 210: voir aussi sir Thomas Holdich. Political Frontiers and Boundarv
Mah4nIan Brownlie. African BoundarieA:Legul and Diplornutic Enc~ycclpaediaop. rit.,
p. 8-9. It has also been observed that "[tlhe term 'Sphere of Influence' is one
to which no very definite meaning is as yet atta~hed"~~,and "rather
implies a moral claim than a true rightWh6.
There are thus certain elements of provisionality and lack of precise

definition associated with the concept, which can assume some relevance
where, in a later interpretation of the Treaty, a question of uncertainty
regarding the exact definition of a boundary needs to be resolved.
96. As a background to this Treaty and the concept of colonial expan-
sion, it is not irrelevant to note the significant changes effected under
Chancellor von Caprivi (after whom the Caprivi Strip is named) in the

foreign and colonial policies of Bismarck, whom he succeeded in 1890,
the very year of the Treatyh7. Bismarck had followed a policy of placing
little value on colonial expansionm,but Caprivi took the line that now
that the acquisition of colonies had been started, one could not very well
turn backh9. Indeed, Count Hatzfeldt, who was engaged in negotiating
the Treaty in London with Lord Salisbury, is recorded as having observed

that he was "impressed with the importance to the two countries of a
general settlement on a broad hasis which would appease and avert the
jealousies and rivalries now unfortunately existingV7O.Such was the
background to the 1890 Treaty7', which was thus rather different
in its objective from the precise delineation of colonial boundaries aimed
at by a treaty dealing strictly with territorial boundaries.

97. Another aspect of the generality of this Treaty is that it covered
not merely the territories of the two Parties to the present dispute, but
dealt with the spheres of influence of Germany and Great Britain in East
Africa (Art. 1), South West Africa (Art. III), and West Africa (Art. IV),
in addition to other matters dealing with specific designated territories,

h5 W. E. Hall, A Treatise on Internationul Lail,, 8th ed.. A. P. Higgins (ed.), 1924,
'. 153.uara. 38b.
~bk., p. 154,para. 386.
67 "For better or for worse. from now 118901on the Cavrivi era would be known as the
'newcourse'" (J. A. Nichols, Germanyajter ~jsmarck: ~he CupriviEïa 1890-1894. 1958,
p. 68).
See Donald Kagan, On the Origins of War and the Preservation of Prace, 1995,
policy, see ibid, pp. 121et seq.changes in foreign policy and their impact on colonial
6y Nichols, op. cit.. p. 102,quoting Caprivi's speech during his first appearance in the
Reichstag on 12 May 1890. a speech in which he disclaimed being himself a "colonial
enthusiast".
70Emphasis added. Mernorial of Botswana, Vol. II, Annex 9, p. 51 (Correspondence
resvectine the Neeotiations between Great Britain and Germanv rel-tine to Africa. Avril
to ~ecember 1896,No. 1).
71The 1890Treatv with Great Britain was signed simultaneouslv with the lapsinn of the
Reinsurance ~reat~.with Russia, a cornerstoie of Bismarck's f6reipolit$.TL 1890
Treaty evidenced the increased interest in the building up of colonial possessions. The
policy of clarifying spheres of influencewith Great Britain was a natural preliminary stage
of this process, so far as Southern Africa was concerned. 011 a également fait observer que [l']expression «sphère d'influence))
ne revêtpas encore de sens très et qu'«elle exprime une reven-
dication morale plutôt qu'un droit authentiq~e))~~.

La notion s'accompagne donc d'un certain caractère provisoire et d'un
manque de définitionprécise. cequi peut êtrepertinent quand on inter-
prète le traitépar la suite et qu'il faut remédier à l'incertitude qui entoure
la définitionprécised'une frontière.
96. A l'arrière-plan du traitéqui nous occupe et de la notion d'expan-

sion coloniale, il n'est pas indifférent de relever que des changements
importants ont étéapportés, du temps du chancelier von Caprivi (qui a
donné son nom à la bande de Caprivi) à la politique étrangèreet à la
politique coloniale de Bismarck auquel Caprivi succèdeen 1890,l'année
mêmeou le traitéest signé67.La politique de Bismarck témoignaitde peu

d'intérêp t our l'expansion coloniale", mais, pour Caprivi, on avait com-
mencé d'acquérir des colonies et l'on ne pouvait guère faire machine
arrièreby.D'ailleurs, le comte Hatzfeldt, qui négociaitle traité à Londres
avec lord Salisbury, aurait, d'aprèsles comptes rendus des entretiens, fait
observer qu'il était«convaincu de l'importance, pour les deux pays, d'un

règk,tnrntglobal visant à calmer et éloignerlesjalousies et les rivalitésqui
malheureusement existent aujo~rd'hui»'~'. Voilà donc le contexte dans
lequel a été conclule traitéde 18907', dont l'objectif étaitassez différent
de celui d'un tracéprécisde frontières coloniales qu'aurait eu un traité
portant strictement sur des frontières territoriales.

97. Ce qui témoigne aussidu caractère généralde ce traité,c'est qu'il
portait non pas simplement sur les territoires des deux Parties au présent
différend, mais aussi sur les sphères d'influence de l'Allemagne et de la
Grande-Bretagne en Afrique orientale (article premier), au Sud-Ouest
africain (art. III) et en Afrique occidentale (art. IV), outre certaines ques-

h5W. E. Hall, A Trc,ati.~ron International Law, 8' ed., A. P. Higgins. 1924, dir. de
publ.. p. 153, par. 38h.
hhIbi~i.,p. 154.par. 38h.
h7 ((Pour le meilleur ou pour le pire, désormais [onest en 18901.on prend avec Caprivi
<<unautre cap» (J. A. Nichols, Gerrnany after Bi.~marck: The Caprivi Era 1890-1894,
1958. p. 68).
68Voir Donald Kagan, On the Origirlsof War und the Presrrvution of Peucr. 1995,
p. 110.Sur les changementsapportésà la politique étrangèreet leur incidence sur la poli-
tique coloniale, voir ihid, p. 121et suiv.
69 Nichols.op.cit., p. 102,citant le discours prononcé par Caprivi quand il se présente
pour la première fois au Reichstag le 12mai 1890,discours dans lequel il se défend d'être
lui-mMémoiredu Botswana. vol.éeII, annexe 9. p. 51 (correspondance relative aux négo-
ciations entre la Grande-Bretagne et l'Allemagne au sujet de l'Afrique.àadécembre
1890, no 1); les italiques sont de nous.
'' Ce traite de 1890avec la Grande-Bretagneétésignéen même tempsque prenait fin
le traité de réassurance avec la Russie, pierre angulaire de la politique étrangère de Bis-
marck. Le traite de 1890témoignait d'un intérêt accpour l'acquisition de possessions
coloniales. L'adoption'une politique tendanàdéfinirles sphèresd'influence respectives
de I'.4llemagne et de la Grande-Bretagne préludait tout naturellemenà ce processus
d'acquisition. pour ce qui concernait l'Afrique australe.such as the transfer by Britain to Germany of sovereignty over Heli-
goland. It was thus far more general in its nature than a specifically
boundary-oriented treaty 72,which laid down the exact borders between
two States.

98. The emphasis, therefore, was on areas of interest rather than linear
boundaries. A major difference between boundary treaties, stricto sensu,
and zones of influencetreaties is that zones of influencetreaties deal with
spatial zones while boundary treaties involve points or lines that have no
breadth73. Consequently, there is a precision and definiteness attending a
boundary treaty which distinguishes it from the generalized nature of a
treaty dealing with spheres of influence. In the expressive language of
Brownlie, a boundary treaty "draws precision and clarity in its train"74.
The same cannot be said for spheres of influence treaties.

This is not a conclusive factor in the present case, but is not without its
implications in the particular circumstances here, for
(a) it givesthe Court greater flexibilityin the definition of the boundary
in question, while of course not departing from the terms of the
Treaty;

(6) it givesthe Court greater scope for the application of equitable prin-
ciples ;
(c) it widens the latitude available to the Court for making provision for
the integrity and preservation of important features such as environ-
mental preserves; and
(d) it enables the Court to take into account such factors as that one
interpretation will draw a line between a given people and the land
which they have traditionally used over a long period of time, while
the other will not, thereby inclining the Court towards the former
interpretation, if it be possible within the terms of the Treaty.

99. In the present case, this factor makes easier the resolution in
favour of Namibia of the doubt regarding interpretation. It would also
incline the Court against a formalistic interpretation which deprives a
people of land which they have used over the generations without any
acknowledgment of any other sovereignty over it and without any asser-

tion of right by the State claiming such sovereignty. A zones of influence
treaty would permit more flexibility in this regard than a treaty dealing
strictly with boundaries.

72See further A. J. P. Taylor, Germany'sFirsr Bidfor Colonies: 1884-1885. 1938,p. 98.

'"hid.nlie, op.cit., p. 3.

146 LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISS. WEERAMANTRY) 1187

tions intéressant des territoires définis avec précision, s'agissant par
exemple du transfert de souveraineté sur Heligoland opéré par la
Grande-Bretagne au profit de l'Allemagne. Il s'agissait donc d'un

traitéd'un caractère beaucoup plus généralqu'un traitéportant avec préci-
sion sur le tracé de frontière^'^ ,quel établitavec précision les frontières
entre deux Etats.
98. Il s'agit par conséquent surtout de zones d'intérêt plutôt que de
lignes frontalières. La grande différencequi existe entre des traités fron-

taliers, strictosensu, et les traités définissant des zones d'influence tient à
ce que ces derniers portent sur des espaces, tandis que les traités fronta-
liers portent sur des points ou des lignes sans épais~eur'~.Par consé-
quent, un traité frontalier revêt uncaractère précis et exact différentdu
caractère généralisateur d'un traité portant sur des sphères d'influence.

Dans son style imagé, Brownlie dit qu'un traité frontalier ((emporte à sa
suite précision et clarté»74.On ne peut guère en dire autant des traités
définissant des sphères d'influence.
Il ne s'agit pas en l'espèced'un facteur déterminant, mais iln'est pas
sans incidence sur le cas de figure dont nous sommes saisis car

U) il donne à la Cour plus de souplesse aux fins de la définition de la
frontière en question, bien évidemment sans que la Cour s'écarte
pour autant des dispositions du traité;

b) il donne plus de latitude à la Cour aux fins de l'application de prin-
cipes équitables;
c) il donne aussi plus de latitude à la Cour aux fins d'assurer I'inté-
grité et la conservation de certains élémentsimportants comme des
réserves naturelles ;

d) il permet à la Cour de prendre en considération certains éléments,par
exemple le fait qu'une interprétation aboutira à séparer un certain
peuple de la terre qu'il utilise de fort longue date par tradition, tandis
que l'autre interprétation n'aboutit pas à cette séparation, ce qui
incite la Cour a retenir la première interprétation dès lors qu'elle

serait compatible avec les dispositions du traité.
99. En la présente instance, ce facteur permet plus facilement de lever

en faveur de la Namibie les doutes qui entourent l'interprétation du
traité. Ce facteur est aussi de nature à empêcherla Cour d'adopter une
interprétation trop formaliste qui prive un peuple d'une terre qu'il a uti-
liséependant des générations sansqu'elle fasse l'objet d'une reconnais-
sance de souveraineté étrangère et sans que I'Etat qui se réclamede cette

souveraineté ait fait valoir ses droits. Un traité définissant des zones
d'influence autorise plus de souplesse à cet égard qu'un traité opérant
strictement un tracéde frontières.

72Voir en outre A. J. P. Taylor, Germany's FiBid for Colonies: 1884-1885, 1938,
o. 98.
73Brownlie, op.~ir., 3.
74Ihid.1188 KASIKILI/SEDU DLUAND (DISS .P.WEERAMANTRY)

To attach the Island which the Masubia had long regarded and used as
theirs to another sovereign State upon a literal interpretation of a zones
of influencetreaty would perhaps represent an overlyformalistic approach
to an essentially human problem.

100. At the same time, the additional leeway resulting from this fact
would make it easier for the Court, in holding with Namibia, to make
appropriate provision in its Order for preserving in its integrity as one
comprehensive whole the wildlifehabitat which comprises both the Island
and the Chobe Game Park to the south. The Court would be able to
exercise its equitable powers to require Namibia to enter into a joint
régimewith Botswana in order to ensure the integrity of this habitat.

101. The fact that the Treaty under interpretation was one demar-

cating zones of influence, and not a boundary treaty, is thus not without
significance in the present case.
Needless to say, nothing in this opinion affects the principle ofutipos-
sidetis jurisfor the task we are engaged on is that of defining the bound-
ary in terms of the Treaty of 1890,as interpreted according to the legal
principles applicable.

4. Joint International Régimes

102. The notion of joint régimesin areas straddling national bound-
aries has grown remarkably in recent years. There is thus a plenitude of
models and ideas from which to draw the appropriate principles for the

fashioning of a CO-operativeinternational régimethat suits a particular
case.
1cite initially an observation in the Foreword to a recent work on
International Boundaries and Environmental Security: Frameworks for
Regional Cooperation, to the effect that:

"Modern boundary-making theory emphasises the virtue of flexi-
bility at least as much as the traditional virtues of certainty and
finality.. .but increasingly, in the case of ocean and river boundary
contexts, .. .boundary-makers might be wiser to regard themselves

less as the drawers of lines than as the designers of workable
regimes." 75

103. The Court is not, of course, a boundary-maker, but the entity
charged with translating the terms of a treaty into conditions on the
ground, adhering as faithfully to the Treaty as it can in accordance with
international law. Since modern international law dictates a regard for

75Gerald Blakeetal. (eds.), 19pp.xi-xii. ÎLE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISS.WEERAMANTRY) 1188

Rattacher I'îleque les Masubia considèrent depuis longtemps comme
leur appartenant et qu'ils utilisentcomme telleà un autre Etat souverain
à la suite d'une interprétation littéraled'un traité définissant des zones
d'influence procède peut-êtred'une approche trop formaliste à l'égard

d'un problème qui est essentiellement humain.
100. En mêmetemps, la Cour, en se prononçant pour la Namibie,
pourrait plus facilement, grâce a la latitude supplémentaire dont elle
bénéficierait,prendre dans son ordonnance les dispositions voulues pour
conserver dans son intégrité, sousla forme d'un même ensemble,l'habitat
animalier qui s'étend a la fois sur l'île et sur le parc naturel du Chobe
situéau sud. La Cour serait en mesure de recourir aux principes équi-
tables pour demander à la Namibie d'assurer avec le Botswana un régime
commun de façon iigarantir l'intégritéde cet habitat.
101. Le fait que le traité qu'il s'agit d'interpréter définit des zones
d'influence et non pas des frontières n'est donc pas sans intérêtdans la
présente espèce.

Il va sans dire que rien dans la présenteopinion ne porte atteinte au
principe utipossidetis juris, car la tâche qui nous incombe est de définirla
frontière en application du traité de 1890 tel qu'il faut l'interpréter
conformément aux principes juridiques applicables.

4. Les régimesintrrnationuux conjoints

102. L'idéede soumettre à un régimeconjoint des régions situéesde
part et d'autre de frontières nationales a considérablement progresséau
cours des dernières années.Il y a donc pléthorede modèles et de thèses
où puiser les principes voulus pour concevoir un régimeinternational de
coopération adapté a un cas de figure particulier.
Je citerai pour commencer une observation tirée de l'avant-propos
d'un ouvrage récentintitulé International Bounduries and Environmental
Securitjt: Framelt~orksfor Regional Cooperution:

«En ce qui concerne le tracédes frontières, la doctrine moderne
prône l'intérêdte la souplesse au moins tout autant que les vertus

traditionnelles que sont la certitude, le caractère définitifis, de
plus en plus, s'agissant de frontières océaniqueset fluviales,...les
décideursappelés à tracer des frontières feraient peut-êtrebien de
considérerqu'ils doivent non pas tant tracer des lignes que concevoir
des régimes susceptiblesde bien fonctionner. »75

103. La Cour n'est évidemmentpas appelée à tracer une frontière, elle
est l'entitéchargée detraduire les dispositions d'un traitéen conditions
appliquer concrètement sur le terrain, et, ce faisant, de suivre le traité
aussi fidèlement qu'elle le peut conformément au droit international.

75Ouvrage publiépar Gerald Blake rt ul, dir. de publ.. 1997, p. xi-xii.1189 KASIKILI~SEDUDU ISLAND (DISS .P. WEERAMANTRY)

certain environmental considerations, this aspect must be taken into
account in interpreting and applying the Treaty, with due regard to cur-
rent legal concepts and standards. Of these current concepts, the concept
of a joint régimeover a resource which is valuable to both parties must
receivejudicial attention as a rapidly developing concept of international
law .

104. Instances are not wanting of judicial recognition of the need to
prevent a merely mechanistic division which takes no account of human
factors and practical realities. In Frontier ~is~ute~~,the Chamber gave
its careful consideration to a situation in which certain villages had
appurtenant to them certain farming hamlets which were situated some
distance away from them. The village was the native administrative unit
and comprised al1the land dependent on it. Mali argued specificallythat
the land dependent on a village included the farming hamlets. A line

drawn between the village and the agricultural/grazing site could destroy
the unity that had always existed between them. The Chamber showed its
sensitivity to this issue, but was not called upon in that case to make a
decision on this matter, as "[flrom a practical point of view, the existence
of such rights has posed no major pr~blems"~~, but it nevertheless
observed that :

"In this matter, it al1depends on the circumstances. The Chamber
considers . . .that it will be able to ascertain whether a particular
piece of land is to be treated as part of that village despite its lack of
a connection with it, or as a satellite hamlet which does not fa11

within the boundaries of the village in the strict sen~e."~~
105. In the same case, the notions of flexibility and the role of equity
in demarcating the boundaries arose also in relation to a frontier pool.

The Chamber there explained that it could resort to equity infra lrgernon
the basis of the guiding concept that "Equity as a legal concept is a direct
emanation of the idea of justice"79, but that equity could not be used to
modify an established frontier in the sense of a settled border. Acting on
that basis, the Chamber resorted to equitable considerations in determin-
ing how the frontier pool should be divided.

106. In the present case, there is no established frontier in the sense of
a settled boundary. Rather, the Court is in the process of settling that

76Frontier Dispute (Burkina FusolRepublic of Mali), I.C.J. Reports 1986,p. 554.
77Ibid., p. 617, para. 116.
79Ihid., para. 149,quoting ContinentalSh(TunisialLibyanArab Jamuhiriya), 1.C.J.
Reports 1982, p. 60, para. 71.Comme le droit international moderne impose de prendre en compte cer-

taines considérations environnementales, il faut les prendre en compte
aux fins de l'interprétation et de l'application du traité et cette prise en
compte s'étendaux notions et aux normesjuridiques actuelles. Parmi ces
notions actuelles, celle du régimeconjoint exercésur une ressource pré-
cieuse pour les deux parties doit retenir l'attention des instances judi-
ciaires car c'est une notion de droit international qui se développe
rapidement.
104. Les exemples ne manquent pas qui prouvent que lesjuges ont su

reconnaître la nécessitéd'empêcherun partage purement mécanique qui
ne tienne pas compte de l'élémenh tumain ni de la réalitéconcrète. Dans
l'affaire du DifJerendfr~ntalier'~, la Chambre saisie a étudié trèsatten-
tivement le cas de figure: certains villages étaient dotésde hameaux de
culture situésa une certaine distance. Le village représentaitl'unitéadmi-
nistrative indigèneet comprenait tous les terrains qui en dépendaient. Le
Mali a soutenu précisémentque les terrains dépendant d'un village com-
prenaient ceshameaux de culture. Une ligne frontalière tracéeentre le vil-
lage et le lieu consacré a l'agriculture ou aux pâturages pouvait détruire

l'unité qui avait toujours existé et relié levillage aux hameaux. La
Chambre s'est montrée sensible au problème, mais n'était pas ap-
peléeen l'espèce à se prononcer sur cette question, car, «[d]'un point de
vue pratique, l'existence de tels droits n'a pas soulevé de questions
graves~'~,mais elle a toutefois fait observer ceci:

«Tout est, dans ce domaine, question de circonstances. La
Chambre estime ...qu'elle seraà mêmede juger si un terrain déter-
miné doit être traité comme partie du village concerné, en dépit
de leur discontinuité, ou, au contraire, comme hameau satellite non
inclus dans les limites du village a proprement parler. »78

105. Dans la mêmeaffaire, les notions de souplesse et le rôle de
l'équitédans le tracé des frontières sont également entrés en ligne de
compte quand il a fallu diviser une mare frontalière. La Chambre a
expliquéalors qu'elle pouvait faire appel à l'équitéinfru legem en s'ins-
pirant d'un principe directeur qui était que ((l'équité en tant que notion
juridique procède directement de l'idéede justice»79, mais elle a ajouté

que rien n'autorisait un recours à la notion d'équitépour modifier une
frontière établie.A la suite de ces conclusions, la Chambre a fait appel à
des considérations d'équité pourdécider comment la mare frontalière
devait êtrepartagée.
106. Dans la présenteinstance, il n'existe pas de frontière établieen ce
sens. La Cour est plutôt en train d'établir cette frontière conformément

7hDiffërend.frontalier (Burkina FasolRkpublique du Mali), C.I.J. Recueil 1986,p. 554.
77Ibid., p. 617, par. 116.
78Ibid., par. 117.
79Ibid., par. 149, la Chambre citant l'affaire du Plateau continental (TunisielJama-
hiriya arabe libyenne). C.I.J. Recueil 1982, p. 60, par. 71.1190 KASIKILI/SEDU IDLAND (DISS. OP. WEERAMANTRY)

boundary in accordance with the 1890Treaty. In settling that boundary
in accordance with the law, it is entitled to take equitable considerations
into account so long as it does not depart from the terms of the Treaty.

The equitable consideration of preserving this valuable natural resource
in accordance with governing principles of environmental law does not in
any way militate against the basic adherence to the terms of that Treaty
which lies at the root of my conclusions.
107. We here have a situation of one of the world's richest wildlife
reserves falling within the territory of Namibia, if my interpretation of
the 1890Treaty be correct. However, there can be no doubt that the rich
wildlife moves over to the Island from the south and that the Island and
the land to thesouth of it, which latter is in Botswanan territory, together
form one integral natural preserve. Since merely drawing national

boundaries between them so as to divide this resource in two would
destroy its unique nature and affect its unique value for al1time, some-
thing more is called for in such a situation. The establishment of a joint
régime,in cases where it is appropriate, would be one of the equitable
bases on which the Court could proceed in cases where such a régime
would be appropriate to govern the situation resulting from the Court's
determination.
108. The notion of joint régimesreceived recognition from this Court
in the North Sea Continen~alShelj'casesso. The Court there indicated a
number of factors to be taken into account in the negotiations between

the parties. Theseparate opinion of Judge Jessup, recalling other instances
of international CO-operation, observes that "the principle of inter-
national CO-operation in the exploitation of a natural resource is well
established in other international practicenX1.

In such ajoint régime,the authorities of both countries acting together
would, in the best interests of the preservation of thisvaluable resource,
follow certain mutually agreed guidelines which accord with the prin-
ciples of international environmental law applicable to such a resource.

109. International experience, covering numerous aspects of joint

régimes,is accumulating in many parts of the world. For example, the La
Paz Agreement of 1983,the Great Lakes Water Quality Accord of 1978,
and the North American Free Trade Agreement of 1992have stimulated
developments in this area in North America. The Environmental Side
Agreements of NAFTA have resulted in a series of new international
institutions and a more comprehensive approach to regional and envi-
ronmental issuess2.In the Asian region, Cambodia, Thailand, Laos and
Vietnam have made elaborate arrangements for the development of the

1C.J. Reports 1969pp. 53-54.
Ibid..,p. 82.
s2Blake.op.rit.. p. 249. LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISSW . EERAMANTRY) 1190

au traitéde 1890. En établissant ladite frontière conformémentau droit,
la Cour peut prendre en compte des considérations d'équité du moment

qu'elles ne dérogent pas aux dispositions du traité. La considération
d'équitéqui consiste à vouloir préserver cette ressource naturelle pré-
cieuse conformément aux principes régissantle droit de I'environnement
ne milite nullement contre le respect fondamental des dispositions de ce
traité, respect qui présideà mes conclusions.
107. Si mon interprétation du traité de 1890 est correcte, I'une des
réservesde faune les plus riches du monde fait donc partie du territoire
namibien. Toutefois, il ne fait pas de doute que cette faune extrêmement
variée gagneI'îledepuis le sud et que l'îleet les terrains situésau sud de
l'île, lesquels sont situés enterritoire botswanais, forment ensemble une

réservenaturelle intégrée.Se contenter de tracer une frontière entre les
deux territoires nationaux qui partagerait cette ressource en deux détrui-
raita jamais son caractère exceptionnel et porterait durablement atteinte
à son intérêe txceptionnel, de sorte qu'il convient de faire davantage. La
mise en place d'un régimeconjoint, dans les cas où elle est adaptée à la
situation, serait l'une des solutions équitables que la Cour pourrait adop-
ter dans les affaires où ce régimeconviendrait à la situation résultant de
la décisionde la Cour.
108. La Cour a reconnu ce principe du régime conjoint dans les
affaires du Plateau continental de la mer du Nord 'O. Elle a en effet indi-

quéun certain nombre de facteurs a prendre en considérationpar les par-
ties au cours de leurs négociations. Dans son opinion individuelle, lejuge
Jessup, rappelant d'autres exemples de coopération internationale, fait
observer que «la coopération internationale en matière d'exploitation de
ressources naturelles est un principe que consacre par ailleurs la pra-
tique internationale))".
Dans le cadre d'un régimeconjoint de ce type, les autorités des deux
pays agissant ensemble devraient, pour servir au mieux l'intérêt de la
conservation de cette ressource précieuse, suivrecertains principes direc-
teurs convenus d'un commun accord et compatibles avec les principes du

droit international de I'environnement applicables à pareille ressource.
109. Dans de nombreuses régionsdu monde, l'expérienceque la com-
munauté internationale acquiert sur de nombreux aspects des régimes
conjoints s'étoffeaujourd'hui considérablement.Par exemple, I'accord de
La Paz de 1983,I'accordde 1978sur la qualité del'eau des Grands Lacs et
I'accord de libreéchang"nord-américain de1992ont stimuléles initiatives
dans ce domaine dans la région d'Amériquedu Nord. Les accords sur
I'environnement annexésa I'ALENA ont conduit à mettre en place une
séried'institutions internationales nouvelleset adopter une approche glo-
bale vis-à-vis des questions de caractère régionalet environnementalS2.

C.I.J. Recue1969. p. 53-54
*'Ihid., p. 82.
XZBlake,op.cit.p. 249.1191 KASIKILI~SEDUDU ISLAND (DISS .P. WEERAMANTRY)

Mekong Rivers3. In Eastern Europe the Gabtikovo-Nagymaros case
highlighted the importance of bilateral arrangements within the frame-
work of mutually acceptable guidelinesx4. In the Mediterranean area,

there has been a growing volume of State co-operation since the Bar-
celona Convention was signed in 1976X5.

On the basis of the Mediterranean experience, the United Nations
Environmental Programme has sponsored several other "Regional Seas"

conventions in various parts of the world.

A legal framework for co-operation is contained in the 1982 United
Nations Convention 011the Law of the Sea, Article 123of which obliges
States bordering enclosed or semi-enclosed seas to co-operate with each

other, inter alia ,ver environmental protection.

Joint management régimes have been established for the integrated
development of resources in river basins with States splitting costs and
responsibilities and sacrificing sovereignty as needed to facilitate the

management process. Many agreements have been worked out for the
joint management of continental shelf areas, and some with many specific
provisions relating to protection of the marine environment and its flora
and fauna.

There is thus much movement in the direction of international co-

operation to protect the environments" and the time is opportune for
models to be evolved for such co-operative administration of environ-
mentally important areas of special significance.

s3 Statute for Co-ordination of Investigation of the Lower Mekong Basin, 1957,
supplemented in 1995in much detail by the Agreement on Co-operation for the Sustain-
able Development of the Mekong River Basin, setting out a régimefor even closer co-
operation in regard to irrigation, hydropower, flood control, fisheries. timber floating,
recreation and tourism, governed by the Mekong River Commission; see also, Gerald
Blake, op. citp.294.

s4I.C.J. Reports1997,pp. 78-79, paras. 140-144.
85 See the Protocol on Specially Protected Areas to the Barcelona Convention for the
Protection of the Mediterranean Sea against Pollution (1982)by which signatories pledged
to improve the state of natural resources and natural sites in the Mediterranean Sea by
establishing and managing protected areas in the region.

For the vast variety of approaches to this problem, classified under scientific
responses. economic responses, institutional responses, moral responses, and legal imple-
mentation, see Lakshman D. Guruswamy and Jeffrey A. McNeely (eds.), Protectiof
Globul Biodiversity: Conrerging Strutegies, 1998.En Asie, le Cambodge, la Thailande, le Laos et le Viet Nam ont négocié
des arrangements complexes pour la mise en valeur du fleuve MekongS3.

En Europe orientale, l'affaire GubCikovolNug,vmurosa mis en évidence
l'importance qui s'attache aux arrangements bilatéraux dans le cadre de
principes directeurs acceptables de part et d'autreS4.Dans la région médi-
terranéenne, la coopération s'intensifiedepuis la signature en 1976de la
convention de Barcelonex5.
En s'appuyant sur cette expérienceméditerranéenne,le Programme des

Nations Unies pour l'environnement a parrainédans plusieurs régionsdu
monde l'adoption de plusieurs autres conventions relatives à des «mers
régionales».
Par ailleurs, la convention des Nations Unies de 1982sur le droit de la
mer met en place à l'article 123 un cadre juridique de coopération en

vertu duquel les Etats riverains de mers ferméesou semi-ferméessont
tenus de coopérer entre eux notamment aux fins de la protection de
l'environnement.
Il a étéinstaurédes régimesde gestion conjointe en vue de la mise en
valeur intégréedes ressources de bassins fluviaux, les Etats riverains se
partageant les coûts et les tâches au détriment de leur souveraineté,
conformément aux besoins, afin de faciliter la gestion. C'est ainsi que de

nombreux accords ont été élaboré psour la gestion conjointe de certaines
zones de plateau continental, qui sont assortis dans certains cas de nom-
breuses dispositions particulières concernant la protection du milieu
marin, ainsi que de sa flore et de sa faune.
On fait doncde plus en plus appel à la coopération internationale pour

protéger l'en~ironnement~~,et le moment est donc venu aujourd'hui de
mettre au point des modèlesde coopération appliqués à l'administration
de régionsrevêtantun intérêt particulierdu point de vue de l'environne-
ment.

83Voir le statut relaàila coordination de l'étudedu bassin inférieurdu Mekong, de
1957,qui a étécomplétéen 1995par un accord beaucoup plus détaillésur la coopération
en vue de la mise en valeur durable du bassin du Mekong, lequel met en place un régime
de coopération encore plus étroite, sous l'égidede la Commission du Mekong, pour
l'irrigation, l'énergiehydroélectrique, la lutte contre les inondations, la pèche,la flottaison
du bois d'Œuvre.les activités récréatives elte tourisme- voir égalementGeraloo.lake.
cit., p. 294.
84C.I.J. Recuei1997, p. 78-79, par. 140-144.
Voir en particulier le protocole relatif aux zones spécialement psnnexéeà la
convention de Barcelone pour la protection de la mer Méditerranéecontre la pollution
naturelles et des sites naturels de la mer Méditerranéeau moyen de la création et de la
gestion de zones protégéesdans la région.
8"Pour avoir une idéede la diversité desapproches adoptéesvis-à-vis de ce problème,
classéessuivant différentes rubriques, approches scientifiques, économiques, institution-
nelles, morales. et d'après la mise en Œuvrejuridique, voir l'ouvrage publiéen 1998sous
la direction de LakshmanD. Guruswamy et Jeffrey A. McNeely et intitulé Protection of
Glohul Biodivcrsity: Converging Strategies.1192 KASIKILI~SEDUDU ISLAND (DISS . P. WEERAMANTRY)

110. Outside the environmental area, many joint management régimes
straddling national boundaries have been worked out, and have func-
tioned successfully.

Their experience of joint management régimesand joint use regions

can also be harnessed in the environmental field.
Bilateral and multilateral arrangements have laid down many prin-
ciples regarding the sharing of resources, joint administration, and rights
of minera1 exploration over another State's sovereign territory. Such
agreements contain many examples of the prohibition, despite national

sovereignty over the region, of certain types of operations. Among these
are such varied examples as oil drilling and the construction of fortifica-
tions within designated areas.

Precedents prohibiting certain types of activity in the zone in ques-
tiona7 could also be particularly useful where environmental protection is
concerned.

Other agreements create a geographic zone straddling the boundary,
allowing forjoint exploration and exploitation of resourcesRs.Petroleum
developmenta9, river management9", fishing rights9', transit passage"',

X7 For example, Agreement concerning the Sovereignty over the Islands of Al-'Arabi-
yah and Farsi, and the Delimitation of the Boundary Line Separating the Submarine
Areas between the Kingdom of Saudi Arabia and Iran (1968). prohibiting oil drilling
operations within 500 m of the boundary on either side. See, also, Treaty between the
Hungarian People's Republic and the Republic ofAustria concerning the Regulation of
Water Economy Questions in the Frontier Region (1956). This agreement prohibits a
State from planning or constructing hydraulic works in the frontier waters of ils own ter-
ritory without consulting the other State, and prohibits any effect that would decrease the
supply of water to the other State. It established the Permanent Hungarian-Austrian
Water Commission to oversee any planning and settle disputes.
For example, Convention between the Government of the French Republic and the
Government of the Spanish State on the Delimitation of the Continental Shelves of the
Two States in the Bay of Biscay (1974).
Xy For example, Agreement on Settlement of Maritime Boundary Lines and Sovereign
Rights over Islands between Qatar and Abu Dhabi (1969), providing for equal rights of
ownership and revenue sharing with respect to an oil field through which the boundary
runs.
"' For example, ltaipu Treaty (1972) between Brazil and Paraguay by which the
section of the river that borders the two countries is owned and closely managed and
monitored by the respective Governments.
For example, Agreement between the Kingdom of Sweden and the Union of Soviet
Socialist Republics on the Delimitation of the Continental Shelf of the Swedish Fishing
Zone and the Soviet Economic Zone in the Baltic Sea (1988), providing that, in the
formerly disputed area, each party will have fishing rights in that part of the zone allo-
ca92dFor example, Treaty between the Republic of Trinidad and Tobago, and the Repub-
lic of Venezuela on the Delimitation of Marine and Submarine Areas (1990) by which
Venezuelan ships and aircraft were granted the rights of transit passage through the strait
located between Trinidad and Tobago. LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISS. WEERAMANTRY) 1192

110. En outre, en dehors du domaine de l'environnement proprement
dit, beaucoup de régimesde gestion conjointe ont déjà été établis dp eart
et d'autre de frontières nationales et le bilan de leur fonctionnement est

satisfaisant.
Ce type d'expérience peut égalemenê t tremis à profit dans le secteur de
l'environnement.
La conclusion d'arrangements bilatéraux et multilatéraux a conduit a

définirde nombreux principes sur le partage des ressources, les modalités
d'une administration conjointe, et les droits de prospection minièresur le
territoire relevant de la souveraineté d'un Etat tiers. Ces accords pro-
posent de nombreux exemples concernant l'interdiction de certains types
d'activité endépit de la souveraineté nationale exercéesur la région.

Nous disposons ainsi de beaucoup d'exemples concernant les forages
pétrolierset la construction de fortifications dans les limites de certaines
zones.
Il peut aussi êtretrès utile,quand il s'agit de protéger l'environnement,

de s'intéresseraux précédents relatifs à l'interdiction de certains types
d'activitédans la zone en questionx7.
D'autres accords créentune zone géographique de part et d'autre de la
frontière et autorisent l'exploration et l'exploitation communes des res-

sourcesxX.II convient de citer l'exploitation pétrolièrexy,la gestion d'un
fleuve9*,les droits de pêcheg1,le passage en transitg2, I'eau et l'énergie

--
" Par exemple. l'accord relaàila souverainetésur les iles AL'Arabiyah et Farsiàla
délimitation de la zone sous-marine entre le Royaume d'Arabiesaoudite et l'Iran (1968)
interdit lesforages pétroliers sur une distance de 500 mètresde chaque côté de la frontière.
Voir égalementla convention entre la République populaire de Hongrie et la République
d'Autriche réglementantlesquestions d'hydro-économie dans la zone frontière (195:cet
accord interdit à chacun des deux Etats de prévoir ou de construire des ouvrages
hydrauliques dans les eaux frontières de son propre territoire sans consulter I'autre Etat.
et interdit toute opération ayant pour effet d'amputer l'approvisionnement en eau de
I'autre Etat. Le même accordcrée unecommission permanente austro-hongroise de I'eau
qui exerce un contrôle sur toutes les activités envisagées et estchargéede régler leslitiges.
XR C'est le cas, par exeniple. pour la convention conclue entre le Gouvernement de la
République française et le Gouvernement de 1'Etat espagnol sur la délimitation des pla-
teaux continentaux des deux Etats dans le golfe de Gascogne (golfe de Biscaye)974).
8y Voir par exemple l'accord sur le règlement de la frontière maritime et les droits sou-
verains exercéssur les iles entre Qatar et Abou-Dhabi (1969). qui définitdes droits de
copropriété et le partage des recettes en ce qui concerne un gisement de pétrole que la
frontière traverse.
Voir par exemple le traitéd'ltaipu (de 1972)conclu entre le Brésilet le Paraguay. en
vertu duquel la partie du fleuve frontalier entre les deux pays fait l'objet d'un régimede
copropriétéainsi que d'une gestion et d'un contrôle étroits des deux gouvernements.
'" Voir par exemple l'accord conclu entre le Royaume de Suède et l'Union des Répu-
bliques socialistes soviétiques sur la délimitation du plateau continental de la zone de
pêchesuédoiseet de la zone économique soviétiqueen mer Baltique (1988). aux termes
duquel. dans la zone précédemment contestée,chaque partie bénéficiede droits de pêche
dans la régionde la zone attribuéeà l'autre partie.
y2 Voir par exemple le traité conclu entre la Rép~ibliquede Trinité et Tobago, d'une
part. et. de l'autre, la République du Venezuela sur la délimitation des zones marines et
sous-marines (1990), aux termes duquel les navires et les aéronefsde nationalité vénézué-
lienne se sont vu accorder le droit de transit par le détroit situéentre la TrinitéetTobago.1193 KASIKILI/SEDU DLAND (DISS .P. WEERAMANTRY)

water and hydr~power~~, il grimage^^ i,rigati~n~~,and the use of arable

and pasture lands96are some areas in which CO-operativearrangements
have been made, some of them dating back to periods long before
environmental considerations had become a major issue.

The precedents are growing and the areas of CO-operationexpanding.

The environmental area is one which is being particularly developed.

111. Many of these agreements include the establishment of a Joint
Technical Commission or other CO-operativesupervisory body as well as

a CO-ordinateDeclaration signed by the two Governments concerned,
setting out a statement of principles which they will follow in the conser-
vation or utilization of this common resource9'. A notable instance of
such joint regulation is the Frontier Water Commission and the Supreme
Frontier Water Commission created by Germany and Denmark in the

very detailed arrangement for the management of six watercourses
between Germany and Denmark, under the 1922 Agreement between
Denmark and Germany Relating to Watercourses on the German-
Danish Frontier 98.

112. The international community has expressed concern for many
years regarding the protection of environmental resources shared by two

93For example, Convention between the French Republic and the Federal Republic of
Germany concerning the Development of the Rhine between StrasbourgJKehl and Lau-
terbourflewburgweier (1969); Treaty between the United States and Canada Relating
to Co-operative Development of Water Resources Relating to the Columbia River Basin
(1961); Agreement between Argentina and Uruguay Relating to the Utilization of the
Rapids of the Uruguay River in the Area of Salto Grande (1946).
y4For example, Agreement between India and Sri Lanka on the Boundary in Historic
Waters between the Two Countries and Related Matters (1974).
95For example, Treaty betweeu Chile and Peru for the Settlement of the Dispute
Regarding Tacna and Arica (1929), by which Chile gave Peru an easement over sections
of certain irrigation channels which pass through Chilean territory.
yhFor example, Exchanges of Notes between the United Kingdom and France Cousti-
tuting an Agreement Relating to the Boundary between the Gold Coast and French
Sudan (1904) by which villages situated in proximity to the frontier shall enjoy rights to
the use of arable and pasture lands, springs, and watering places on the other side of the
border. Similar clauses were contained in agreements relating to the boundary between
the Gold Coast and lvory Coast (1905). and Southern Nigeria and Dahomey (1906).
ment was supplemented by the Declaration on Water Resources (1971)signed by the twoe-
Governments calling for the equitable and reasonable utilization of the river's water
resources, and the prevention of pollution.
For another example of detailed joint management provisions, seethe Treaty between
the Kingdom of the Netherlands and the Federal Republic of Germany concerning the
Course of the Common Frontier, the Boundary Waters, Real Property Situated Near the
Frontier, Traffic Crossing the Frontier on Land and via Waters, and Other Frontier
Questions (1960), which creates a Permanent Boundary Water Commission, sub-commis-
sions. and an arbitral tribunal to CO-ordinatemanagement and settle disputes. LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISS . EERAMANTRY) 1193

hydr~électrique~~l,es pélerinagesg4,I'irrigati~n~~et l'utilisation de terres
arables et de terres à pâturage96 parmi les domaines dans lesquels la co-
opération a étéinstauréeofficiellement, parfois très longtemps avant que

les considérations écologiques aient pris l'importance qu'on leur attribue
aujourd'hui.
Les précédentssont de plus en plus nombreux et les domaines de
coopération s'étendent.Le domaine de l'environnement est de ceux qui se

développenttout particulièrement.
111. Parmi ces accords, nombreux sont ceux qui portent création
d'une commission technique mixte ou autre organe mixte de surveillance
et auxquels est annexée une déclaration de coopération signéepar les

deux gouvernements intéressés et définissantlesprincipes que lesdits gou-
vernements vont suivre aux fins de la conservation ou de l'exploitation de
la ressource commune dont il s'agit ". Parmi les exemples de ces organes
conjoints de réglementation figurent notamment la Commission des eaux

frontières et la Commission supérieure des eaux frontières crééespar
l'Allemagne etle Danemark aux termes du dispositif extrêmementdétaillé
mis en place pour la gestion de six cours d'eau situés a la frontière entre
l'Allemagne et le Danemark en vertu de la convention de 1922 entre le

Danemark et l'Allemagne relativeau règlementde la question des eaux et
des digues à la frontière germano-danoiseg8.
112. Cela fait des annéesque la communauté internationale se préoc-
cupe de la protection des ressources naturelles partagées par deux ou plu-

' Voir par exemple la convention conclue entre la France et la République fédérale
d'Allemagne au sujet de l'aménagementdu Rhin entre StrasbourgiKehl et Lauterbourgi
Newburgweier (1969); le traité concluentre leCanada et les Etats-Unis d'Amériquerelatif
à la mise en valeur des ressources hydrauliques du bassin du fleuve Columbia (1961);
I'accord entre l'Argentine et l'Uruguay reàI'utilisation des rapides du fleuveUruguay
dans la régiondu Salto Grande (1946).
y4 Voirà ce sujet I'accord entre Sri Lanka et l'Inde àela détermination des limites
dans les eaux historiques entre les deux pays et aux questions connexes (1974).
y5Voir par exemple le traité entrele Chili et le Pérouréglantle différenà Tacnaif
et Arica (1929). aux termes duquel le Chili a accordéau Péroudes facilités d'accèssur
certaines parties de canaux d'irrigation traversant le territoire chilien.
yhVoir par exempleleséchanges de notesentre le Royaume-Uniet la France constituant un
accord relatàfla frontière entrela Côte d'Oret le Soudan français(l904), en vertu duquel les
villages situàproximitéde la frontièrebénéficient eroits relatàfl'utilisation de terres
arables et de teràpàturage. de sources,et de points d'eaude l'autre côtéde la liontière.Des
dispositions analoguesfigurentdans des accords relatifsà leur frontièreconclus entre la Côte

d'97 Pour les deux élémentsen question, voir I'accord cité plushaut relatif au fleuve Uru-
guay. Cet accord a été complétéar la déclarationde 1971sur les ressources hydrauliques
signéepar les deux gouvernements, laquelle impose une utilisation équitable et raison-
nable des ressources du fleuve ainsi que la préventionde la pollution.
On a un autre exemple de dispositif détailléde gestion conjointe avec le traité conclu

frontière terrestre commune, les eaux frontières. les biens foncieàsproximitéde lae la
frontière. le passage de la frontière sur terre et par les eaux intérieures ainsique d'autres
questions frontalières, traité qui porte création d'une commissionpermanente des eaux
frontières, de sous-comniissions et d'un tribunal arbitral chargé de coordonner la gestion

et de régler les litiges.1194 KASIKILI~SEDUDU ISLAND (DISS .P. WEERAMANTRY)

or more States, and 1refer in this connection to General Assembly reso-
lution 3129 of 13 December 1973 on Co-operation in the Field of the
Environment concerning Natural Resources Shared by Two or More
States, which stresses the necessity to ensure effective co-operation
between countries for the conservation of natural resources common to

two or more States. A similar concern for co-operation, in relation to
transboundary environmental problems, was shown in Article 5 of the
Ramsar Convention.
It would be in the spirit of resolutions such as this that such a joint
régimebe co-operatively evolved and brought into operation. The prin-
ciples of environmental protection which they seek to foster have passed
beyond the realm of mere aspiration, and are now part of customary
international law.
113. 1 should refer also to the growing concern on the African conti-
nent for the preservation of valuable flora and fauna resources, as evi-
denced through such instruments as the African Convention on the Con-
servation of Nature and Natural Resources (the Algiers Convention) of
1968,by which 29 African States agreed to ensure, inter alia, the conser-

vation, utilization, and development, in accordance with scientificprin-
ciples, of flora and fauna resources, listingfor this purpose a wide variety
of protected species. It also requires the creation by participating States
of conservation areas.

Conclusion

114. With these precedents and principles before them, there is ample
scope for the Parties to be required to work out a joint régimefor such
matters as:

(a) protection of flora and fauna;
(b) right of access to the Island for citizens of both States;
(c) regulation of tourist traffic;
(d) river management and conservation;
(e) licensing of river craft;

(f) freedom of movement of wildlife to and from the Island;

(g) supervision by game wardens;
(h) permitted and prohibited activities on the Island;
(i) the adoption of a common set of principles for the protection of the
natural resources of the area, including in particular the care and
custody of wildlife.
In the event of a dispute regarding such administrative framework, the

Court's assistance would always be available to the Parties, if so desired.
115. It is useful to note also in this regard the statement made to the
Court by Namibia regarding its willingness to undertake joint anti-
poaching measures with Botswana. In Namibia's submission: ILE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISSW. EERAMANTRY) 1194

sieurs Etats, et j'évoqueraia ce sujet la résolution 3129 de l'Assemblée
générale endate du 13décembre1973sur la coopération dans le domaine
de I'environnement en matière de ressources naturelles partagées par

deux ou plusieurs Etats, dans laquelle l'Assemblée estime qu'il est néces-
saire d'assurer une coopération efficace entre les pays pour la conserva-
tion des ressources naturelles communes à deux ou plusieurs Etats. La
convention Ramsar fait état a l'article 5 du même soucide coopération
en ce qui concerne les problèmes environnementaux transfrontières.
La mise au point puis l'adoption d'un régimeconjoint de coopération
de ce type répondrait a l'esprit dont ces résolutions témoignent.Les prin-
cipes de protection de I'environnement que ces textes cherchent a favori-
ser ne relèvent plusdu simple vŒu,ils sont aujourd'hui partie intégrante
du droit international coutumier.
113. Je me dois d'évoqueraussi le souci grandissant qui se manifeste
sur le continent africain pour la préservation de ressources précieusesde
la flore et de la faune, comme en témoignent certains instruments tels que
la convention africaine sur la conservation de la nature et des ressources
naturelles de 1968(dite convention d'Alger), par laquelle vingt-neuf Etats

d'Afrique ont convenu d'assurer notamment la conservation, l'utilisation
et la mise en valeur conformément à des principes scientifiques des res-
sources de la flore et de la faune, énumérantà cette fin un long catalogue
d'espèces protégéesC . ette convention impose égalementla création par
les Etats participants de zones de conservation.

Conclusion

114. Face a ces précédents eta ces principes, les Parties ont donc très
largement la possibilité dese prêter a l'obligation d'élaborerun régime
conjoint en vue d'assurer:

a) la protection de la flore et de la faune;
6) le droit d'accèsa l'îleà accorder aux ressortissants des deux Etats;
c) la réglementation de la circulation des touristes;
d) la gestion et la conservation du fleuve;
r) la délivrancede permis aux bateaux empruntant le fleuve;
1) la liberté de mouvement des animaux qui viennent sur l'île ou la
quittent;
g) le contrôle à exercer par des gardes-chasse;
h) l'autorisation et l'interdiction de certaines activitéssur l'île;

i) tection des ressources naturelles de la région,compris notamment la-

préservation et la garde de la faune.
En cas de litige sur un tel cadre administratif, les Parties pourraient
toujours faire appelà l'aide de la Cour si elles le souhaitent.
115. 11y a lieu de relever aussà ce sujet que la Namibie s'est déclarée
devant la Cour désireuse de lutter en coopération avec le Botswana
contre le braconnage. Je cite la Namibie:1195 KASIKILI~SEDUDU ISLAND (DISS .P. WEERAMANTRY)

"Apart from our commitment to conservation, we believethat such
joint anti-poaching measures would greatlyenhance mutual trust and

CO-operationbetween the people of Namibia and Botswana.""
116. 1 would therefore hold that, while KasikiliISedudu Island falls
within the sovereignty of Namibia, Namibia is obliged to negotiate with
Botswana towards a mutually acceptable joint regulatory régime regard-
ing, interdia, the matters set out above. Such action must be within the
framework of principles set out in the Biodiversity and other Conven-

tions to which both States are parties. Untilsuch time as the Joint Regu-
latory Régimeis set up, the game wardens and tourists of Botswana shall
have access to the Island.

117. The future will demand an international law that is sensitive and
responsive to the problems of environmental law. The careful integration
of the necessary principles of environmental law into the traditional body
of international law is an important task awaiting attention. The prin-
ciples and the duties arising from environmental obligations now super-

impose themselves upon such rights arising from State sovereignty as
may have been recognized by prior international law in an absolutist
form.
118. The dispute here under consideration offers an opportunity for
significant movement in this direction, with the possibility it presents for
the incorporation of environmental concerns into boundary delimitation,
and with the development of the concept of joint régimesfor conserving
the common environmental heritage. As international law reaches out to
face the problems of the future, considerations of CO-operativeaction
may well seem appropriate where undiluted considerations of individual
sovereignty once held sway.
119. 1 would like to observe in conclusion that the pressures bearing

down on the environment are so universal that the international disputes
of the future will increasinglynvolve considerations of an environmental
nature. These considerations, if not directly or indirectly related to the
matters in issue, will often be at least peripheral tothem. Judicial deci-
sions will necessarily beobliged to take them into account. International
law will not be without its resources of evolving concepts and mecha-
nisms wherewith to address these unprecedented concerns.

(Signed) Christopher G. WEERAMANTRY

"'CR 99/10,p.16,para.24.

154 ILE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. DISS. WEERAMANTRY) 1195

«Outre que nous sommes attachés a la conservation, nous pensons
qu'une action conjointe contre le braconnage renforcerait la confiance
et la coopération entreles peuples de Namibie et du Bot~wana.))~'
116. Je suis par conséquent d'avis que la Namibie, mêmesi I'île de
KasikiliISedudu relèvede sa souveraineté,est dans l'obligation de négo-

cier avecle Botswana un régimeconjoint de réglementationqui soit accep-
table de part et d'autre, en ce qui concerne notamment les questions que
j'ai évoquéesci-dessus. Cette action doit s'inscrire dans le cadre des prin-
cipes définisdans la convention sur la diversité biologiqueet les autres
conventions de ce type auxquelles les deux Etats sont parties. Jusqu'au
mornent où un tel régimeconjoint de réglementation seramis en place, les
gardes-chasse et les touristes du Botswana pourront avoir accès a l'île.

117. L'avenir exigeradu droit international qu'il soit sensible aux pro-

blémespropres au droit de l'environnement et en tienne compte. Intégrer
avec soin les principes indispensables du droit de l'environnement dans le
corpus traditionnel du droit international représente une tâche impor-
tante à laquelle il faut prêterattention. Les principes et les devoirs décou-
lant d'obligations relatives à l'environnement viennent aujourd'hui se
surimposer à des droits découlant de la souverainetéétatiqueauxquels le
droit international accordait naguère peut-êtreun caractère absolu.
118. Le différend ë l'examen nous donne la possibilitéde progresser
nettement dans cette voie, puisqu'il permet d'intégrer despréoccupations
écologiques à une délimitation de frontière et d'exploiter la notion de

régimeconjoint aux fins de la conservation du patrimoine environnemen-
ta1 commun. Le droit international devant faire face aux problèmes de
l'avenir, des considérations liées un effort de coopération peuvent fort
bien paraître opportunes là où, naguère, des considérations de souverai-
netéindividuelle gardaient toute leur force et prenaient le pas.
119. Je tiensà faire observer en guise de conclusion que les pressions
qui s'exercent sur l'environnement ont un caractère à ce point universel
que les différendsinternationaux de l'avenir vont de plus en plus souvent
faire appel a des considérations environnementales. Si elles ne sont pas
directement ou indirectement liéesaux questions en litige, cesconsidéra-
tions s'inscriront souvent en tous cas àla périphérie.Les décisionsjudi-

ciaires devront nécessairement entenir compte. Le droit international ne
manquera pas de faire appel à ses ressources pour élaborerdes notions et
des mécanismespermettant d'aborder ces préoccupations nouvelles.

(Signk) Christopher G. WEERAMANTRY.

''CR 99/10,p.16,par. 24.

Document file FR
Document Long Title

Opinion dissidente de M. Weeramantry, vice-président (traduction)

Links