Opinion individuelle de M. Oda (traduction)

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098-19991213-JUD-01-04-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. ODA

(Truduction]

Paragraphes
1-8

II. L'AFFAIR SOUMISE À LACOUR AU MOYEN D'UN COMPROMIS 9-21

1) Le compromis manque de clarté 9-10
2) Les antécédentspréludant à la saisine de la Cour 11-17
3) Observations complémentaires sur le manque de clarté du
compromis 18-21

III. «SUR LA BASE DU TRAITÉANGLO-ALLEMA DN1D890)) 22-33

1) Introduction 22
2) L'importance du traitéanglo-allemand de 1890 23-27
3) Le sens de l'expression «chenal principal)) dans le traité de
1890 28-32
4) Comment le «chenal principal)) a-t-il été recoàndiverses
reprises dans le passé? 33

IV. «SUR LA BASE DESREGLES ET PRINCIPES DU DROIT INTERNATIONAL)) 34-46

V. COMMEA LE ((CHENAL PRINCIPALDU CHOBE AETE RECONNU DANS
LA PRATIQUE ANTÉIRIEURE ET COMMENT CELA POURRAIT-IAIDER LA
COUR À SITUER LA FRONTIÈRLE LONG DU FLEUVE CHOBE 37-59

1) Introduction 37-38
2) Examen des cartes 39-41
3) La géographiede la zone entourant l'îlede KasikiliISedudu
et la situatiori politique et sociale de l'îlejusqu'au milieu du

XXe siècle 42-47
4) La confrontation, pendant les années quarante, entre les
autorités de l'Union sud-africaine et les services du haut
commissaire britannique chargés du protectorat duchua-
naland 48-56
5) Les incidents qui ont lieu en 1984 après l'indépendancedu
Botswana en 1966,et l'enquêtetopographique conjointe qui
a suivi 57-58

6) Que dit la pratique antérieure? 59 LE DE KASIKILI/SEDU (OU. IND.ODA) 1117

1. J'ai votépour l'arrêt, estimantque la Cour a raison de dire que c'est

le chenal nord du Chobe qui constitue la frontière entre le Botswana et la
Namibie et que I'île de KasikiliISedudu fait partie du territoire du
Botswana.
2. J'ai votépour le paragraphe 3) du dispositif mais j'estime que cette
question, qui n'a pas i:n fait étésoumise à la Cour dans le compromis et
n'était pas nonplus citéedans les conclusions des Parties, n'a pas àfigu-
rer dans le dispositif de l'arrêt,car elle a déjà étésuffisamment traitée
dans les sectionspréckdentesde l'arrêt consacrées aux motifs(par. 102et
103).

3. Je me vois contraint de dire qu'a mon grand regret je ne suis pas
bien la logique adoptée dans son arrêt par la Cour. Les motifs qui ont
inspiré à la Cour sa décision necorrespondent pas nécessairement à la
façon dont je compreindsl'affaire dans son ensemble. Je peux mêmedire
que je suis totalement perdu à la lecture de I'arrêt ejte donnerai l'exemple
ci-dessous :

((41. Pour les motifs qui précèdent[dans la partie qui précède,la
Cour parle des particularités physiques du chenal], la Cour conclut
que le chenal nord du Chobe autour de I'îlede KasikiliISedudu doit
être considéré comme son chenap lrincipal suivant le sens ordinaire
des termes figurant dans la disposition pertinente du traitéde 1890.))

((79. La Cour conclut de tout ce qui précèdeque la conduite ulté-

rieure des parties au traité de 1890n'a donnélieu à aucun ((accord ...
entre les parties au sujet de I'interprétationdu traitéou de l'applica-
tion de ses dispositions)), au sens de l'alinéa) du paragraphe 3 de
l'article 31 de la convention de Vienne de 1969sur le droit des trai-
tés, et qu'ellen'a.pas davantage donné lieu a une quelconque «pra-
tique ...suivie dans l'application du traité par laquelle est établi
l'accord des parties à l'égardde I'interprétation du traité)),au sens
de l'alinéab) de cette mêmedisposition. ))

((80. ...La Cour estime que ces faits, mêmes'ilsne constituent pas
une ((pratique ultérieure» des parties au traité de 1890 quant à
l'interprétation de celui-ci, n'en étayent pas moins les conclusions
auxquelles ellee:stparvenue en interprétant le paragraphe 2 de l'ar-
ticleIII du traitci suivant le sens ordinaireà attribuer à ses termes
(voir par. 41 ci-dessus).)

((88. L'interprétation des dispositions pertinentes du traitéde 1890
à laquelle la Cour a procédé ci-dessus l'amène à conclure que la
frontière entre le Botswana et la Namibie autour de I'îlede Kasikilil
Sedudu, définiepar ce traité,passe dans le chenal nord du Chobe.)) LE I>E KASIKILI/SEDU(D OUP.IND.ODA) 1118

4. Il importe au pliis haut point de relever que la Cour n'estpas saisie
par voie de requête unilatérale del'une desParties au différenddeman-
dant que lui soitpréci:sle droit international régissantle tracé dela fron-

tièreentre les deux Etats en question ainsi que le statut juridique de I'île
de Kasikili/Sedudu eri vertu de la convention de Vienne de 1969 sur le
droit des traités. La Cour est saisie par la voie d'un compromis, par
lequel les Parties demandent à la Cour de déterminer ladite frontière et
ledit statut juridique cleI'île la base des critèreque les Parties veulent
l'une etl'autre voir appliquer.
A mon avis, la Cour se fonde à l'excèssur la convention de Vienne sur
le droit des traités pour interpréter le traité anglo-allemand de 1890.
Certes, lesParties ont convenude demander àla Cour de déterminerla fron-
tièresur la basedu traitéde 1890 - et il convienà nouveau de faire très

fermement observer que ni le Botswana ni la Namibie ne sont parties
audit traité-- mais l,aCour n'a pas été priéed'interpréter le traité de
1890lui-même.Dans son arrêt, laCour cite presque intégralement I'ar-
ticle 31 de la conven1;ionde Vienne de 1969 sur le droit des traités qui
énonceune règle génkraled'interprétation. Dans I'arrêt,la Cour va évo-
quer onze fois au moins cette disposition de la convention de Vienne. Je
sais parfaitement que cette convention de Vienne est le reflet du droit
international coutumier, mais il ne faut pas oublier, comme il est très jus-
tement indiqué au paragraphe 18 de I'arrêt,que ladite convention
((s'applique uniquement aux traités conclus par des Etats après son
entréeen vigueur à l'égardde ces Etats)) (art. 4). En fait, la convention

est entréeen vigueur en 1980.La présente espècene me paraît donc pas se
rattacher à l'application de la convention de Vienne.

5. J'ai l'impression que les Parties, le Botswana et la Namibie, ainsi
que la Cour elle-mêineont consacré beaucoup de temps et d'énergie
à interpréter le termie allemand « Thaliveg)), lequel, comme I'arrêtle
reconnaît lui-même,était simplement la traduction du terme anglais
«centre» (arrêt, par. 46). La Cour a été priéede déterminer ou -
c'est-à-dire soit dans le chenal nord soit dans le chenal sud du Chobe
- il faut considérer que se situe le «chenal principal)) viséau para-

graphe 2 de l'article III du traité de 1890,et par conséquent la frontière
entre le Botswana ei: la Namibie. Je dois dire à ce propos que je ne
comprends pas pourquoi la Cour dit dans le dispositif de son arrêt
que la frontière suit «la ligne des sondages les plus profonds)) dans le
chenal nord du fleuve Chobe (arrêt,par. 104, al. 1)). Comme les Parties
l'ont proposé au cours de la procédure orale, la Cour a utilisécette
formule «ligne des sondages les plus profonds)) comme équivalent
du terme Thahveg (,arrêt,par. 89). Mais il eut suffi à mon avis que
la Cour dise simplenient, sans plus, lequel des deux chenaux, le chenal
nord ou le chenal sud, constitue le «chenal principal)), c'est-à-dire

la frontière située dans le fleuve Chobe qui sépare le Botswana et la
Namibie.
6. Il me paraît extrêmementimportant de bien faire la distinction entre ILE CIEKASIKILIISEDU (DP. IND.ODA) 1119

les critères utiliser pour établirquel est sur un plan généralle ((chenal

principal))d'une part, et, de l'autre, une décisionconsistaàtappliquer
lesdits critèresune certaine situation géographique.Les critères permet-
tant de déterminerle chenal «principal» peuvent trèsbien êtredéfinispar
le droit, avec le concours de connaissances scientifiques, mais la détermi-
nation du «chenal principal)) en tant que frontière qui est opéréepar le
recours aux mêmes critèresdans n'importe quelle situation géographique
n'a riend'une fonction juridique. Je rappellerai qu'au moment où lespré-
sidents du Botswana et de la Namibie se sont réunis à Kasane en mai
1992, lesdeux Etats clnt tentéde régler laquestion comme s'il s'agissait
d'un problème terhniqirequ'ils pouvaient résoudreen faisant appelàdes
experts teclznique(voirparagraphes 13et 14de la présenteopinion). Les
deux questions sont examinéesaux paragraphes 20 à 40 de l'arrêtet la

Cour tente de se prononcer àce sujet, en s'appuyant exclusivement sur les
informations données par les parties dans leurs écritures et au cours de
la procédure orale, mais sans bénéficierde connaissances scientifiques
objectivesqii'elle aurait pu obtenir elle-mêmemais qu'elle a refuséde
demander.
7. L'arrêtévoquedliversactes ou comportements concernant le fleuve
Chobe et certains rapports d'enquêtesur le fleuvequi émanent de diver-
ses autorités.'admet:~que ces faits et ces rapports d'enquêtesont extrê-
mement importants aux finsde l'examende la question par la Cour. Mais
je ne peux pas admettre la position de la Cour qui est que ces faits et ces
rapports ne peuvent êtrepris en compte que comme témoignant éventuel-
lement de «tout accord ultérieur intervenu entre les parties au sujet
de I'interprétation du traité ou de l'application de ses dispositions» ou

de «toute pratique riltérieurement suivie dans l'application du traité
par laquelle est établi l'accord des parties l'égardde I'interprétation
du traité)) au sens de l'article 31,paragraphe 3 de la convention de
Vienne sur le droit des traités, témoignagesà prendre en considération
pour interpréter le traité anglo-allemand de 1890. Après une longue
analyse (par. 47-70), la Cour aboutit a la conclusion que les faits et
les documents en question ne peuvent pus êtreconsidéréscomme consti-
tuant «un accord ulté:rieurquelconque» ni «une pratique ultérieurequel-
conque)) qui puisse servir à interpréter le traité de 1890, bien qu'elle
estime finalement que lesdits faits «n'en étayent pas moins les
conclusions auxquel1i:selle est parvenue en interprétant le paragraphe 2
de l'article III du traitésuivant le sens ordinàattribuer àses termes»

(par. 80). Je dirai pour ma part que ces faits et documents doivent
êtrepris simplement pour ce qu'ils sont, si 1'011veut qu'ils aident la
Cour a déterminer le tracé de la frontière, c'est-à-dire comme des
éléments historiques intéressant la présente affairequi n'ont toutefois
aucune incidence du point de vue des dispositions de la convention de
Vienne.
8. Comme ma position ne correspond pas tout àfait aux vues qui ont
conduit la Cour à formuler son arrêt,j'estime devoir indiquer rapidement
comment je conçois Il'affaire. 7 LEDE KASIKILI/SEDU(D OP.IND.ODA)

II. L'AFFAIR EOUMISE A LA COUR
AU MOYEN D'UN COMPROMIS

1) Le compromis manque de clarté

9. Je commencerai par m'interroger sur l'objet de l'«affaire» soumise
à la Cour par la voie du compromis conclu entre le Botswana et la Nami-
bie conformément à l'article 36, paragraphe 1 du Statut.
Au deuxième alinéadu préambule dece compromis, le Botswana et la
Namibie déclarent ensemble qu'«un dflérend relatifà lafrontière autour
de l'îledeKasikiliISecluduoppose [leBotswana] et la [Namibie]))(les ita-
liques sont de moi), maisà l'article premier, les deux pays prient la Cour
de déterminer non seulement «la frontière)) entre la Namibie et le
Botswana autour de l'île de KasikiliISedudu)) (les italiques sont de moi)
mais aussi «le statut juridique de cette île» (les italiques sont de moi). On
pourrait soutenir quela détermination du statut juridique de l'îlede Kasi-

kililsedudu aurait en fait le même effetque la détermination de la fron-
tièreentre le Botswana et la Namibie dans la région situautour de cette
île. C'est-à-dire que les deux Etats auraient estiméau départ que la déter-
mination de la frontière dans le Chobe reviendrait automatiquement à
déterminer le statut juridique de I'îlede KasikiliISedudu.
La détermination de la frontière dans le Chobe aboutirait effective-
ment à déterminer le statut juridique de I'île de KasikiliISedudu. A
l'inverse, ladétermination dustatut juridique de I'îlede KasikiliISedudu
reviendrait également à déterminer la frontière. Toutefois, les solutions
apportées à ces deux questions ne sont pas nécessairement les mêmesI.l
semble que les deux Etats aient, intentionnellement ou non, complète-
ment modifiéleur approche, en ce sens que la question qui se pose au

sujet de larontière fluviale dans le Chobe soit désormais aussi une ques-
tion à résoudrequant au statut juridique de l'îlede KasikiliISedudu.
De toute façon, la Cour n'aurait pas dû négliger lacontradiction entre
les deux thèsesdistinctes: d'une part, la définitionduiffërend, laquelle
porte exclusivement :surdes questions relativesà une frontière selon la
définitiondonnéedans le préambule du compromis, et. d'autre part, la
demande formulée à l'article 1 dudit compromis concernant la frontière
dans le Chobe et le statut juridique de l'îlede KasikiliISedudu.
10. La Cour est priée«de déterminer,sur la base du traitéanglo-alle-
mand [de 18901et des règleset principes du droit international...)) (com-
promis, art. 1)Pour les Parties, les termes «règles et principes du droit
international))sont «ceux qui sont énumérés au paragraphe 1de l'article

38 du Statut de la Cour internationale de Justice))(compromis, art. III),
c'est-à-dire «les principes généraux dedroit reconnus par les nations civi-
lisées))(Statut, art. 38, par..
A mon sens, les deux bases sur lesquelles la Cour est appeléà statuer
risquent d'être contradictoires,voire de s'exclure l'unel'autre. Si la Cour
se fonde sur le traitéanglo-allemand de 1890, elle ne peut pas en même
temps prendre en coinsidération«les règleset principes du droit interna-tional)) que les Parties interprètent comme correspondant aux ((principes
généraux dedroit reconnus par les nations civilisées».
Si nous nous limitons à la premièrequestion, celle qui a trait àlafron-
tièredu Chobe qui séparele Botswana et la Namibie dans la régionde
I'île deKasikiliISedudu, le traité anglo-allemand de 1890 peut servir de
base à la décisionde IlaCour. Si toutefois nous répondons àla seconde

question, c'est-à-direue nous déterminons le statut juridique de I'île,on
peut estimer qu'il faut appliquer en général les((règleset principes du
droit international)).lref,lesdeux bases à retenir par la Cour ne peuvent
pas êtreconsidéréescomme complémentairesni harmonieuses car elles se
contredisent I'unel'autre.
Je présumeque les deux pays ont estimé qu'ilétaitpossible de tracer
une frontière sur la base du traitéanglo-allemand de 1890et qu'à cette fin
la détermination du ((chenal principal* du Chobe inscrite dans le traité
de 1890constituerait la pierre angulaire de l'affaire. Mais comme les deux
Etats ont changé de position et ont fait du statut juridique de I'île de
KasikiliISedudu I'une des deux principales questions de l'«affaire», il
n'est pas possible de statuer simplement à partir d'une interprétation de
ce qui constitue le«cttenal principal)) du Chobe, il faut encore appliquer
les((règleset principeisdu droit international)) (c'est-à-dire, selonl'inter-

prétation commune des Parties, les principes générauxde droit reconnus
par les nations civilisées).
Le compte rendu historique ci-dessous montre comment lesParties ont
donc modifiéleur conception des questions à résoudre.

2) Les antkcédentspréludant à la saisine de la Cour

11. La Cour est saisie d'une «affaire» opposant le Botswana (qui était
l'ancien protectorat britannique du Bechuanaland et a accédé à I'indé-
pendance en 1966) el: la Namibie (qui étaitjusqu'en 1990 placéesous
administration du Conseil des Nations Unies pour la Namibie) au sujet
de la géographie deI'îlede KasikiliISedudu situéedans le fleuveChobe et
de la zone entourant l'île. Voyons comment cette «affaire» soumise à la
Cour en vertu du paragraphe 1de l'article 36 du Statut a surgi entre ces
deux Etats.

En accédant à l'indépendanceen 1966, le Botswana s'est installésur le
territoire qui depuis 1886 était. placésous l'autorité du protectorat bri-
tannique du Bechuan.aland (arrêt,par. 14).A son indépendance en 1990,
le territoire de laamibie est resté celui-là même qui avait étécelui du
Sud-Ouest africain, lequel relevait de la sphère d'influence allemande en
188 1 (ibid). Quand éclata la premièreguerre mondiale, la région rele-
vant de la sphère d'-influenceallemande, que l'on connaît aujourd'hui
comme étant le territoire namibien, a étéoccupée etgouvernéepar des
forces britanniques venues de Rhodésiedu Sud. Puis cette régiona été
placée à titre de territoire sous mandat sous administration de l'Union
sud-africaine dans le cadre du systèmeétablipar la Société desNations
en 1919puis, à partir de 1967, elle a été placéseous l'administration du LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. IND. ODA) 1122

Conseil des Nations Unies pour la Namibie, bien que la Républiquesud-
africaine ait continuéa exercer son contrôle defacto jusqu'en 1990.Il n'y
a pas de divergence de vues entre le Botswana et la Namibie sur ces faits.
12. S'ily a eu différendterritorial entre les deux Etats, le Botswana et
la Namibie, au sujet de cette zone de la régiondu fleuve Chobe, il faut
l'attribuer au fait que la Namibie, aprèsavoir accédéà l'indépendanceen

1990,a envoyé des forcesarméesen 1991sur I'îlede KasikiliISedudu et
au fait qu'en 1991 ég,alement,le Botswana a fait flotter son drapeau
national sur I'île.
Il semble découlercleces deux incidents qu'en 1991 chacun des deux
Etats, le Botswana et la Namibie, estimaient que I'îlede KasikiliISedudu
faisait partie intégrante de son territoire souverain. Or, aucun des deux
Etats n'a alors exprirné l'avis que l'autre Etat s'était rendu coupable
d'une violation de sa souveraineté.Si la négociations'est immédiatement
engagéeentre les deux pays sur cette question, on ne l'a pas su.
13. Mais c'est à la suite des incidents ci-dessus que l'on s'estrendu
compte qu'il existait entre les deux Etats une divergence de vues quant à
l'appartenance territoriale de I'îlede KasikiliISedudu.
Le 24 mai 1992,grâce aux bons officesdu président du Zimbabwe, les
présidentsdu Botswana et de la Namibie se rencontrent à Kasane pour

((traiter de laontiPre entre le Botswana et la Namibie autour de I'îlede
Sedudu/Kasikili» (lesitaliques sont de moi). Aprèss'êtrepromenéssur le
Chobe, après avoir vil I'île de KasikiliISedudu, les trois présidents ont
examiné divers docum'ents,en particulier le traitéanglo-allemand de 1890
qui définissait lasphèred'influence allemande comme étantlimitéepar la
ligne qui suit «le centre du chenal principal [du]fleuve[Chobe]))(traitéde
1890,art. III, par. 2). Les trois présidentsont «décidéque cette question
devait êtrerégléepaciFiquement» (les italiques sont de moi) et

«[a]cette fin, ils sont convenus que la frontiè..devrait faire l'objet
d'une étude mentSepar une commission mixte de six experts tech-
niques...pour déterminer oùsetrouve la frontière aux termesdu traité
[de 18901... Les présidents sont convenus que les conclusions de la
commission mixtt: ..auront un caractère définitif etobligatoire pour
le Botswana et la Namibie.)) (Mémoire de la Namibie, vol. IV,
annexe IO,p. 71; mémoiredu Botswana, vol. III, annexe 55,p. 412;
les italiques sont de moi.)

Il ne faisait pas de doute pour le Botswana et la Namibie que I'un et
l'autre devaient s'appuyer sur le traitéde 1890,lequel définissait la ligne
de séparation de la sphère d'influence entre l'Allemagne et la Grande-
Bretagne comme se siituant au centre du «chenal principal)) du Chobe.
Les deux Etats avaient donc pour intention, semble-t-il,nonpas de régler
un dqférend,si du moins il en existait un, mais plutôt de déterminer où se
situait lafrontière jusqu'alors incertaineavec le concours des experts
techniques, lesquels seraienta même d'identifierle «chenal principal)) du
Chobe.
14. Les présidents du Botswana et de la Namibie estimaient I'un et LEDE KASIKILI~SEDUDU (OP. IND.ODA) 1123

l'autre que laJrontièrc>devait être déterminée comme correspondant au
((chenal principal» du Chobe conformément à ce que prescrivait le traité
anglo-allemand de 1800. Il semble qu'à leur avis, la question du statut
juridique de l'île de K.asikili/Sedudu ne serait pas traitée comme telle.
L'appartenance territoriale de I'îlene constituait, en soi, une question
litigieuse.
Il convient égalementde noter que le terme ((différend))n'apparaît pas

dans le communiqué publiéconjointement par les trois présidents. On
peut dire que jusqu'à cette réunion des trois présidents et jusqu'à sa
conclusion. ni la Namibie ni le Botswana n'estimaient qu'ily avait undif-
férend. Les deux Etats ont voulu que la Cour détermine le tracé dela
frontière qui correspond au «chenal principal)) aux termes du traité de
1890, avec le concours de l'équipe mixte d'experfs techniques qui, à la
suite de leurs recherches, vont établir quel est, entre le chenal nord et le
chenal sud, le «chenal principal)). L'appartenance territoriale de I'îlede
KasikiliISedudu serait automatiquement régléepar le tracéde cette ligne
de délimitation.

15. Il sembleque quelques mois aprèscette réunion de Kasane, l'accord
intervenu entre les présidentsdu Botswana et de la Namibie ait été com-

plètement rejeté à l'échelongouvernemental. La question a été qualifiée
de différend à la réunionqui commence le 8 décembre 1992a Windhoek
(mémoiredu Botswania,vol. III, annexe 56, p. 416), laquelle a étéorga-
niséepour arrêterle mandat de l'équipe mixted'experts techniques de la
frontière (ci-après((l'équipeixte)))qui allait être constituée.Le «mémo-
randum d'accord)) coi~cluentre le Botswana et la Namibie a été rédiglée
23 décembre 1992 (mémoire de la Namibie, vol. IV, annexe 11, p. 73;
mémoiredu Botswana, vol. III, annexe 57, p. 428) à la suite de cette réu-
nion préliminaire.
Il est dit dans le préambule de ce ((mémorandum d'accord)), qu'il
existe un diJ'érendfrontalier entre le Botswana et la Namibie, et aussi
que les deux pays sont désireuxde ((réglerce différendpar des moyens
pacifiques conforménient aux principes tant de la Charte des Nations
Unies que de la Charte de l'organisation de l'unitéafricaine)) (les ita-

liques sont de moi). Aux termes du même((mémorandumd'accord)), il est
constituéune équipe d'expertstechniques composéede trois experts tech-
niques de chaque pays qui est chargée«de déterminerla frontière entre le
Botswana et la Namibie aux alentours de I'îlede KasikiliISedudu confor-
mémentau traité [anglo-allemand de 18901))(les italiques sont de moi);
autrement dit, I'équipe estchargée dedécidersi c'est le chenal nord ou le
chenal sud qu'il faut considérer comme le ((chenal principal)).
La formule «il existe un différendfrontalier entre le Botswana et la
Namibie)) (les italiques sont de moi) apparaît pour la première foisdans
ce ((mémorandum d'accord»du 23 décembre1992et se retrouve ultérieu-
rement dans le compromisdu 29 mai 1996par lequel la présente affaire a LE LIEKASIKILI/SEDU (DP. IND. ODA) 1124

étéportéedevant la Cour (((considérantqu'un différend relatif à la fron-
tièreautour de l'îlede KasikiliISedudu oppose [le Botswana et la Nami-
bie]))).La tâche assignéeà I'équipe mixteaurait dû êtrelimitée à la déter-
mination du point de vue technique de ce qui constitue le ((chenal

principal» du Chobe conformément au traité anglo-allemand de 1890.
Mais tel ne fut pas le cas. D'aprèsle «règlement intérieur))définidans ce
((mémorandumd'accord» du 23 décembre1992,((l'équipese guidera sur
lesrincipes génirauxdu droit international concernant le règlementpaci-
jque des dqjcirend~iri8ternationau.a~insi que sur tout principe pertinent
du droit international concernant la délimitation des frontières consti-
tuéespar des cours d'eau)) (mémorandum d'accord, art. 8; les italiques
sont de moi).
Je tiensa souligner que cette idéene correspond guère à ce que les pré-
sidents des deux Etats semblent avoir eu a l'esprià peine quelques mois
auparavant; en fait, la différenceest trèsgrande.

16. Le 20 août 1994,aprèssix sériesde réunions,l'équipe mixte achève
ses travaux, et établit son rapport final dans lequel elle déclare:l est
apparu ..que la commission mixte ne pouvait tomber d'accord sur des
questions de fond)) (mémoiredu Botswana, vol. III, annexe 58, p. 440;
mémoirede la Namibie, vol. V, annexe 113, p. 88). Dans la suite de ce
rapport final, on lit: (([l'équipemixte] n'a pu aboutir, conformément aux
dispositions du [mémorandum d'accord], à une conclusion en ce qui
concerne la détermination dela frontière entre le Botswana et la Namibie
autour de l'île de Kasikili/Sedudu.» L'équipe mixtea donc étédans
l'impossibilitéde déterminer le tracé de la frontière conformément aux

formules utiliséesaris le traitéanglo-allemand de 1890.
11semble que cet échecde I'équipe mixte s'expliquepar le fait qu'elle
n'a pas menéses travaux conformément au mandat initialement arrêté à
Kasane en mai 1992 par les présidentsdu Botswana et de la Namibie,
lequel visait définiroù se situait, dans le Chobe, le «chenal principal))
d'après les experts techniques.
17. Mais, bien qu'elle n'ait pas pu déterminer la frontière, I'équipe
technique a néanmoins formulé une recommandation :

«[L]a commiijsion mixte recommanderait ..de recourir au règle-
ment pacifique du diffërend [sur la base des] règlesetprincipes appli-
cables du droit i,aternational.»(Les italiques sont de moi.)

Il y a là un changement crucial en ce sens que l'équipe mixterecommande
de réglerle «différend» sur la base des ((règleset principes applicables du
droit international)) eton au moyen d'une interprétation technique de
l'expression((chenal principal du fleuve» figurant dans le traitéde 1890.
Je ne suis vraiment pas sûr du tout que le pouvoir de formuler cette
recommandation découle bien du mandat initial de la commission mixte.
11faut bien voir que cette équipemixte n'est pas restée un simplegroupe LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. IND. ODA) 1125

d'experts techniques, traitant de questions techniques relativesà la déter-
mination du ((chenal principal)), mais qu'elle est devenue un organe de
négociation diplomatiqueentre les deux Etats. En fait, les six membres

de cette équipe technique n'étaient même pas obligatoirement des
experts techniques, et I'équipedu Botswana étaitdirigéepar un éminent
professeur de droit international. Cela prouve clairement que l'objectif
assigné à I'équipetechnique, lequel était d'abord une question tech-
nique ou scientifique consistant à déterminer le ((chenal principal))
du Chobe, a changéet qu'il s'agissaitdésormais de traiter un différend
juridique plus généralopposant les deux pays sur des questions territo-
riales.
Lorsqu'ils ont reçu le rapport final et la recommandation de I'équipe
mixte, les présidentsdLuBotswana et de la Namibie ainsi que le président
du Zimbabwe ont décidél,ors de la réunionau sommet qui s'est tenue le
15 février 1995 a Hairare, après avoir discuté dece rapport de I'équipe

mixte, que «le litige 'devaitêtreporté devant la Cour internationale de
Justice))(mémoire du Botswana, vol. III, annexe 59, p. 463; les italiques
sont de moi).
Et le Botswana et la Namibie ont donc conclu un an plus tard, le
15février1996,le coiripromis dont l'énoncé est citintégralementau para-
graphe 2 de l'arrêt.

3) Observations complémentaires
sur I'emanque de clarté ducompromis

18. Après avoir ainsi étudiétout le processus qui débouche sur la
conclusion du compromis, il m'apparaît très clairement que les deux pays

ont fondamentalement changéde position sur l'ensemble de la question.
En effet, le problème:initial, dans le cadre duquel ni l'un ni l'autre des
deux Etats n'accordaient beaucoup de poids au statut juridique de l'îlede
KasikiliISedudu, considérant plutôt que ce statut juridique de I'îleprocé-
derait de ladéterminaltionde lafrontière, est devenu un problèmeportant
sur le statut juridique de l'îlede KasikiliISedudu.
19. Siles deux pays étaient d'accord surl'idée qu'ilfallait déterminer
la frontière comme étant le centre du ((chenal principal)) du fleuve
Chobe, lequel séparait les sphères d'influence en vertu du traité anglo-
allemand de 1890,ilsne parvenaient pas à s'entendre sur le chenal- che-
nal nord ou chenal sud - qui constituait le ((chenal principal)), élément
qui pouvait êtredéterminant quand il fallait établir dequel territoire relè-

verait I'îlede KasikiliISedudu.
La question opposant ainsi les deux Etats pouvait êtrerésoluepar la
voie d'une enquête scientifique concernant le ((chenal principal)) du
Chobe. Toutefois, la question litigieuse qui était initialement considérée
comme consistant simplement à tracer unefrontière entre les deux Etats,
soit dans le chenal nord, soit dans lechenal sud du Chobe (selon celui des
deux chenaux qui serait réputé être le chenal principal), est désormais
expressémentdevenue une question territoriale portant sur la souverai- LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP.IND.ODA) 1126

netéexercéesur I'îlede KasikiliISedudu - et le changement s'est opéré
en 1995lors de l'élaborationdu rapport de l'équipe mixte.
Comme je l'ai déjà dit au paragraphe 9 ci-dessus, au deuxième ali-

néade son préambule,le compromis ne vise qu'un ((différend relatif a la
frontière)) (lesitaliqu~:~sont de moi), mais, à l'article1, la Cour est
priée de déterminer rion seulement la frontière dans le fleuve Chobe
mais également «le strrtut juridique de I'île [de Kasikili/Sedudu]» (les
italiques sont de moi). Le traité anglo-allemand de 1890 et les ((règles
et principes du droit international)) (et une fois de plus, je souligne que
d'après le compromis ces règles etprincipes équivalent aux ((principes
générauxde droit reconnus par les nations civilisées)))qui doivent servir
de base au règlement du différend sont d'emblée contradictoires.
Comment la Cour peut-elle en l'espèce trouver une solution A cette
contradiction?
J'estime pour ma part que le compromis établipar les deux Etats n'a
pas étérédigécomme il convient.
20. Je reviensà la question initiale, qui est de savoir si i) la Cour est
priéede déterminer une frontière, sur la base du traitéanglo-allemand de

1890,lequel dispose que le ((chenal principa)du Chobe est unefrontière
ou bien siii) la Cour doit se prononcer de façon définitivesur la question
territoriale de I'îledeasikili/Sedudu conformément aux ((règleset prin-
cipesdu droit international» interprétéscommecorrespondant aux prin-
cipes générauxde droit reconnus par les nations civilisées)).L'intention
réelledes Parties et la façon dont elles ont soumis cette «affaire» à la
Cour ne sont pas claires. Ces points n'ontétéprécisés par aucun des deux
Etats dans leurs écritures ni pendant la procédure orale et l'arrêtde la
Cour n'en traite pasrion plus.
S'il faut retenir I'hypothèse i), la Cour doit se limiterà déterminer
lequel des chenaux nord et sud du Chobe est le «chenal principal)) qui est
la frontière entre les deux Etats. Si l'on retient l'hypothèse ii), la Cour
doit interpréterles((rifgleset principes du droit international)) relatiàes
la souveraineté territoriale tels qu'ils s'appliquentà I'île de Kasikilil

Sedudu. Cette confusion des questions soumises conjointement par le
Botswana et la Namibie la Cour met celle-ci dans une situation extrê-
mement difficile face A «l'affaire» qu'elle doit trancher; en particulier,
parce que cette «affaire» ne relèvepas d'une requête unilatérale maislui
est soumise d'un commun accord par les deux Parties.
21. Or, dans cetteaffaire soumiseconjointement, le fond mêmedu difl
firend et lesbases sur lesquellesla Cour est priéede statuer me paraissent
extrêmementpeu clairs. A mon sens, la Cour aurait dû demander aux
Parties de préciserleur position. Je me demande s'iln'aurait pas étépos-
sibleà la Cour de reinvoyeraux Parties cette affaire soumise bilatérale-
ment en leur demandant de préciser leur intention commune et leur
entente initiale auujet de la saisine de la Cour et de dire s'ilsveulent que
soit déterminée la,frontière, ou bien s'ils préfèrentque la détermination
du st~ztutjuridique de l'îlede KasikiliISedudu soit traàtpart et non pas
simplement comme suite à la détermination de la frontière. LE D'EKASIKILI/SEDU(D OUP.IND.ODA) 1127

III. «SUR LA BASE DU TRAITÉ ANGLO-ALLEMAND DE 1890))

1) Introduction

22. Comme je l'ai déjàdit au paragraphe 3 ci-dessus, il s'agit ici d'une
affaire introduite par voie de compromis, aux termes duquel les Parties
demandent à la Cour de déterminerla frontière ainsi que le statut juridi-
que de l'île sur laase des critères que les Parties veulent retenir d'un
commun accord. L'intention initiale des Parties était de se fonder sur le
traitéanglo-allemand de 1890 qui aiderait àtracer une frontière le long
du fleuve Chobe dans la zone de l'îlede KasikiliISedudu. Je vais donc
présentanalyser ce traitéanglo-allemand de 1890.

2) L'importunce du trait; anglo-allemund de 1890
23. LeBotswana et la Namibie ne s'opposent pas du tout quant au fait

que ce traité de 1890loitêtreconsidéré comme undocument fondamen-
tal aux fins de la détermination de larontière entre les deux Etats. Je
commencerai par étudierle traitélui-même.
24. L'Allemagne, qui ne s'est guèreintéresséeà l'Afrique avant la fin
du XIXe siècle. est devenue un Etat colonial à I'é. .ueoù elle était
dirigéepar ~iskarck et, aux côtésd'autres pays européens,elle a parti-
cipéau découpage de l'Afrique. C'est pour régler lesquestions qui se
posaient au sujet de l'Afrique, et établir en particulier la doctrine juri-
dique de l'occupation du continent, que Bismarck a pris l'initiative de
convoquer la conférencede Berlin. L'acte généradle cette conférencede
Berlin est adoptéen 1885(mémoiredu Botswana, vol. II, annexe 1,p. 1).
En 1884, I'Allemagineplace sous son protectorat le Sud-Ouest africain
et en 1885,la Grande-Bretagne, aux termes d'une proclamation du haut
commissaire pour l'Afrique australe, fait du Bechuanaland un protecto-

rat britannique (mémoiredu Botswana, vol. II, annexe 3, p. 24). En 1889,
des négociations ont lieu entre la Grande-Bretagne et l'Allemagne, cel-
le-ci souhaitant se voir garantir le libre accèsau cours supérieurdu Zam-
bèze dans le cadre des intérêtscorrespondant à sa sphère d'influence
(mémoiredu Botswana, vol. II, annexe 4, p. 27; annexe 5, p. 29).
25. C'est ce traité anglo-allemand du 1" juillet 1890 qui définitcom-
ment il faut distinguer les sphères d'influence des deux Etats. Le traité
dispose notamment:

«Les soussignks
.............................
Après avoir examiné diverses questions concernant les intérêts
coloniaux de l'Allemagne et de la Grande-Bretagne, sont convenus
de ce qui suit au nom de leurs gouvernements respectifs:
.............................
En Afrique orientale, la sphèred'influence réservàe l'Allemagne
est délimitéeomme suit: 2. A l'est, par une ligne ...[qui] suit [le 22' parallèle de latitude
sud]jusqu'à son intersection avec le 21' degréde longitude est; puis
suit ce méridien versle nord jusqu'à son intersection avec le 18"
parallèlede latitude sud; suit ce parallèle vers l'estjusqu'au Chobe et
suit lecentre du chenal principal de cette rivièrequ'à son confluent
avec le Zambèze, où elle s'arrête.

.............................

Le cours de la frontière décrite ci-dessus est tracé d'une façon
généraled'après ilne carte établieofficiellement pour le Gouverne-
ment britannique en 1889.))(Traitéanglo-allemand, art. III, par. 2;
mémoire du Botswana, vol. II, annexe 11, p. 185 ;mémoire de la
Namibie, vol. IV, annexe 4, p. 6.)

26. Le traitéde 1890est un instrument qui a délimitédans cette
régiond'Afrique les sphèresd'influence respectivesdes Partiesmais
qui n'a certainement pas fixéde frontière nationale entre les terri-
toires de l'Allemagne et ceux de la Grande-Bretagne. La limite de
la sphère d'influence allemande a étéfixéecomme étant le ((centre
du chenal principal du Chobe», mais, dans ce traité, il n'a été
indiqué aucune ligne frontalière traversant cette zone géographi-

quement comp1ex.e.La détermination de lafrontière, qui aurait cer-
tainement eu pour effet de déterminer le statut juridique de l'île de
KasikiliISedudu ritaità l'époque tout à fait étrangèreà l'objet réel
du traité.
27. La carte dr: 1889 qui est censée illustrer l'articleIII du traité
anglo-allemand de 1890(mémoiredu Botswana, app. II, carte 3) est
établieà une échelletrop réduite. à mon avis, pour êtred'un grand
secours. Le cours du fleuveChobe sur cette carte est empruntédirec-
tement à la carte établieen 1891par B. F. Bradshaw pour la Royal
Geographical Society. La cartede Bradshaw indique certaines carac-
téristiquesgéogra.phiquesde la zone et montre les chenaux nord et
sud du Chobe mais, bien entendu, cette carte n'indique aucune fron-
tière(mémoire dela Namibie, vol. V, annexe 102,p. 35; mémoirede
la Namibie, vol. 'VI,atlas 112;mémoiredu Botswana, app. II, carte
1) et cette carte .n'apas d'importance pour la détermination de la
frontière dans ladite zone.

3) Le sens de 1'e.upression((chenalprincipul)) dans le truitéde 1890

28. Les Parties ont l'une et l'autre fourni beaucoup d'explications au
sujet de la formule «le centre du chenal principal [du Chobe] »qui figure
a l'article III du traité anglo-allemand de 1890. En particulier, les
Parties ont l'une et l'autre consacré beaucoup d'attention, notamment
au cours de la procédure orale, a la distinction qui est censéeexister LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. IND.ODA) 1129

entre cette notion du texte anglais et celle qui figure dans l'autre version
faisant foi, le texte alllemand, qui se lit:((Thalweg des Hauptlaufes die-
ses Flusses».
Il est possible que l'idéequ'exprime la version allemande et celle
qu'exprime la version anglaise ne soient pas identiques. Le terme anglais

«centre» est tout simplement un terme géométrique,tandis que le terme
allemand (Thaliveg~ a une connotation juridique. Fixer le «centre» du
chenal principal du flr:uveest de la compétenced'un géographeou d'un
géomètre. A mon sens toutefois, la délégationallemande qui a négociéle
traitéde 1890ne me paraît pas avoir employéle terme allemand ((Thal-
weg» pour donner au texte un sens différentdu terme anglais «centre» ni
pour donner à ce terme un sens juridique.

Comme il est indiqluéau paragraphe 46 de l'arrêt,le texte initial de
cette partie du traitéde 1890,paraphé par lord Salisbury et par le comte
Hatzfeldt, tel qu'il a étécommuniqué au Foreign Office sous forme de
projet d'accord se lisa.itcomme suit:

«[La frontière]longe ce parallèle versl'estjusqu'au Chobe et suit
le centre de cefleuve jusqu'à son confluent avec le Zambèze, où il
s'arrête.» (Mémoire de la Namibie, vol. IV, annexe 26, p. 121 ; les
italiques sont de moi.)

A la suite de quoi la partie britannique proposa d'ajouter les mots «du
chenal principal)) de sorte que la phrase se lisait désormais«le centre du
chenal principal de ce fleuve)).La proposition a étéacceptéepar la partie
allemande et traduite d'abord sous la forme suivante: ((in der Thal-Linie
des Hauptluujes dieses Flusses» et, finalement, le terme ((Thul-Linie» a

été remplacé par le terme Thalweg. Je tiensà souligner que l'arrêtdéclare
clairement et, à mon sens, de façon tout à fait justifiée,que «[l]e texte
allemand est donc une traduction littéralede la proposition britannique
et suit le texte anglais))(arrêt, par. 46).
29. De toute façon, les termes allemands ((Thalweg des Hauptlaujes»
ont le même sensque les termes anglais ((centre du chenal principal».
L'interprétation différente dece texte allemand qui a étédonnéeau cours

des plaidoiries ne me convainc pas et je vois mal pourquoi les Parties ont
accordé tant d'impoirtance dans leurs écritures et leurs plaidoiries au
terme «Thalweg» et pourquoi la Cour, elle aussi, s'intéressesi longue-
ment, en de si nombreux endroits de son arrêt, à l'utilisation eà la défi-
nition de ce terme (arrêt,par. 21-27, 46 et 89). Le terme ((Thalweg)
apparaît plus de vingitfois dans l'arrêt.Je le répète, laformule allemande
ne fait que traduire Ir:texte initial anglais. Le texte initial est ((centre du

chenal principal)) et rend compte de ce que les négociateurs du traité
anglo-allemand de 1890avaient a l'idée.Dans la secondepartie de I'arrêt,
le terme ((Thulit,eg» est remplacépar «la ligne des sondages les plus pro-
fonds ))- comme l'ont suggéré les Parties lors de la procédure orale - et
cette notion figure au paragraphe 1)du dispositif de l'arrêt.J'estime pour
ma part que la Cour aurait dû secontenter de dire dans son dispositif que
la frontière entre le Botswana et la Namibie «suit le centre du chenal ÎLE I)E KASIKILI~SEDUDU (OP.IND.ODA) 1130

nord» au lieu de dire qu'elle«suit la ligne des sondages les plus profonds
dans le chenal nord».

30. Il est pour moi évidentque les négociateurs officiels du traité de
1890 n'avaient rien à l'esprit qui indiquât qu'ils avaient décidéque la
ligne de séparation entre leurs deux sphères d'influence serait quelque
chose de plus que le centre du «chenal principal)) du fleuve Chobe. La
notion de «chenal» est purement scientifique. Mais ce qui constitue le
chenal «principal» prête à interprétation jusqu'à un certain point. La
notion de ((chenal principal)) peut fort bien se définirsuivant différents
critères, par exemple la largeur du fleuve, sa profondeur, le débit, la
configuration du fond du fleuve, etc., comme le donnent à entendre cer-
tains ouvrages scientifiques de référence(voir les paragraphes 29 et 30
de l'arrêt). LaCour dit fort justement dans l'arrêtqu'il n'existe «[pas]
un seul et unique critère pour identifier le chenal principal duChoben

(par. 30).
31. A mon avis, le fait que le texte anglais initial, c'est-à-dire I'expres-
sion «centre du fleuve)),a été remplacépar l'expression«centre du chenal
principal du fleuve)) et que, dans la version allemande, c'est le terme
«Tl1uliveg» qui a étéutilisépour traduire le «centre)) du chenal principal
peut être interprété comme signifiant que les parties au traitéde 1890,en
choisissant le fleuve Chobe comme délimitant la frontière entre elles,
s'intéressaientaux possibilitésde navigation sur ce fleuve, c'est-à-dire
l'accèsau Zambèze. Mais ilconvient de noter que l'on ne savait pas à
I'époquesi le Chobe était intégralement navigable. Il s'agissait simple-
ment pour chacune des parties d'un intérêt potentiel. L'arrêetn prend
trèsjustement note (par. 40 et 44). Comme les parties au traitéde 1890ne
s'intéressaientpas immédiatement à la navigation sur le Chobe, et étant
donnéque la situation hydrologique du fleuve n'étaitpas connue, elles
ont donc, sans pour autant chercher a délimiter la frontière, employé la

formule ((centre du chenal principal)) en songeant à lanavigabilité du
fleuve, mais d'un point de vue purement théorique.
A quelques exceptions mineures près,le Chobe n'ajusqu'à présentpas
servià une navigation de transport. S'ilfallait distinguer le «chenal prin-
cipal)) par sa navigabilité, laCour aurait alors du malsituer la frontière
soit dans le chenal nord soit dans le chenal sud car aucun de ces deux
chenaux n'a, ni autrefois ni aujourd'hui, répondu aux conditions de navi-
gabilitéentendue au fond ou bien au sens commercial.

32. Si toutefois la Cour doit déterminer la frontièresous la forme du
((chenal principal)) du fleuve, quelle que soit la façon dont l'énoncédu
traitéde 1890ait pu i3treinterprétéà I'époque,elle peut alors chercher où
se situe le chenal principal entendu en un sens général. A cette fin, la
Cour a besoin du concours d'un expert en hydrologie et elle aurait dû LE IIE KASIKILI~SEDUDU (OP.IND.ODA) 1131

requérir les servicesd'un spécialiste,soit à titre de témoin soit à titre
d'expert, qui aurait pu d'abord lui dire quels critères il était le plus
indiquéd'utiliser pour définirle chenal principal dans ce contexte géo-
graphique particulier et qui lui aurait dit ensuite lequel des deux chenaux

allait en réalité remplir cescritères.
Au lieu de quoi laCour a d'une façon ou d'une autre pris en considéra-
tion les vues expriméespar les scientifiques ou les spécialistes mobilisés
par les équipesopposées desParties. Or, ces scientifiques ou spécialistes
ont des avis parfois contradictoires. La Cour a en fait établi que c'est le
chenal nord qui est 11:«chenal principal)) sans avoir bénéficiéd'un avis
d'expert formulépar une personne indépendante. La Cour s'est fondée
sur sa propre interprktation des critères géographiqueset scientifiques et
a abouti elle-même àla conclusion que «le chenal nord du Chobe autour
de l'îlede KasikiliISedudu doit être considéré comme son chenap lrinci-
pal suivant le sens ordinaire des termes figurant dans la disposition per-
tinente du traitéde 1890))(arrêt, par.41). A mon avis, la Cour n'a pas

traité comme il aurait fallu cette question qui revêt desaspects scienti-
fiques, hydrographiques, potamologiques ou topographiques, mais je
ne suis toutefois pas en mesure de dire que la décisionde la Cour est
erronée.

4) Conrment le rchenal principal)) u-t-iété reconnu ù diverses
reprises dans lepassi.?

33. Pour déterminer actuellement où se situe la frontière entre le
Botswana et la Namibie il importe au plus haut point d'établir comment
ce chenal principal du Chobe dont il est fait état à l'article III, para-
graphe 2 du traitéde 1890,a étédans le passéreconnu comme tel. Je vais

consacrer une sectioindistincte de la présenteopinion a cette question.
Ces pratiques antérieures sont abondamment évoquéesdans l'arrêt,mais
sous un aspect totalement différent.

IV. «SUR LA BASE DES RÈGLES ET PRINCIPES
DU DROIT INTERNATIONAL))

34. La Cour est priéede statuer «sur la base» non seulement du traité
de 1890mais aussi d'es«règleset principes du droit international)) (com-
promis, art. 1). Comme je l'ai dit plus haut, ces termes sont interprétés
dans le compromis lui-mêmecomme correspondant aux ((principes géné-

raux de droit reconnus par les nations civilisées)), ainsi que l'indique
l'article III du compromis. Il y a lieu de noter que cette interprétation qui
figure ainsià l'article III du compromis étaitnouvelle et ne figurait pas
dans les travaux de l'équipe mixte à partir desquels le compromis a été
élaboré.Je dois donc:me poser la question de savoir si les Parties au com-
promis ont effectivement eu l'intention de limiter l'interprétation de
l'énoncéde l'article I acelle qui figure a l'article III. 35. Si, comme le compromis le donne à penser, il faut entendre les ter-
mes (règleset principes du droit international))comme ayant le sens des

((principesgénéraux dedroit reconnus par les nations civilisées»,il serait
alors utile pour établir le statut juridique de l'île deasikiliISedudu de
chercher à savoir s'il a eu, pour une raison ou pour une autre, acquisi-
tion d'un ((titre par prescription». La Cour a tout à fait raison d'exami-
ner à cet égardla doctrine de la prescription (arrêt, par.94-99). La Cour
conclut toutefois que la culture pratiquée sur l'îlepar les Masubia ou les
actes occasionnels d'autorité étatiquequi ont étérelevésn'auraient pas
fondél'acquisition d'un titre par prescription sur l'îleet elleaboutit sur ce
point a une conclusion négative(arrêt,par. 99). Je souscris sans réserve à
cet égard à la conclusion de la Cour.
36. Quels autres «principes généraux dedroit reconnus par les nations
civilisées» peuvent-ilsalors avoirétésuggérés à la Cour pour fondement

de sa décision?Je constate que les Parties n'ont pas du tout plaidésur ce
point. Je ne vois donc aucune raison pour la Cour de se fonder sur les
((règles et principes du droit international)) par opposition au traité
anglo-allemand de 1890.

37. Comme je l'ai dit au paragraphe 33 ci-dessus, il y a lieu d'étudier
comment la frontière du Chobe et le statut de l'îlede KasikiliISedudu ont

été établidsans le passé a différentesépoquespar les autoritésrespectives
de la région, d'après les cartes, d'après certains documents pertinents,
voire d'aprèscertaines pratiques.
Il s'agit de savoir si ces documents et pratiques constituent,aux fins de
l'interprétation du traité anglo-allemand de 1890, «[un] accord [quel-
conque] ayant rapport au traité ..qui est intervenu entre toutes lesparties
a l'occasion de la conclusion [du] traité))etlou «[un] instrument [quel-
conque] établi par une ou plusieurs parties à l'occasion de la conclusion
du traité et acceptépar les autres parties en tant qu'instrument ayant
rapport au traité))comme l'énonce laconvention de Vienne sur le droit
des traités(art. 31, par.2 a), 6); arrêt,par. 47-70, 75 et 78). L'arrêt fait
souvent étatde la convention de Vienne et aboutit à la conclusion géné-

rale que les pratiquirs qu'il évoque abondamment et que je vais citer
dans la présentesection ne constituent ni «un accord ultérieur)) ni une
((pratique ultérieure))au sens de ladite convention (arrêt,par. 79).

38. Sur ce point, je crains de ne pas pouvoir partager le sentiment de la
Cour pour qui lesdites pratiques, cartes et documents ne présentent
d'intérêq tue pour l'interprétation du traitéde 1890. A mon avis, la Cour LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. IND.ODA) 1133

peut utilement examiner les faits et activitéspertinentes qui l'aideront

déterminer la frontière du Chobe et le statut juridique de I'îlemais non
les utiliser aux fins d'interpréter le traitéde 1890(du point de vue de la
convention de Vienne sur le droit des traités).A mon avis encore, cespra-
tiques antérieures constituent en soi un élément éterminant qui permet à
la Cour de situer la frontière entre le Botswana et la Namibie le long du
chenal nord du Chobe.
Dans la partie denion opinion qui suit, j'évoque plusieurs incidents et
je cite les documents;anciensdont nous disposons. Je ne fais que répéter
là, le plus souvent, les citations de la Cour elle-mêmedans son arrêtmais
je tiens à ces citations car,à mon avis, elles revêtent uneimportance
majeure.

2) Examen des cartes

39. Je tiens aussià1ajouter quelques mots sur l'importance qu'il faut
attacher en l'espèce à1un certain nombre de cartes de la région établies
depuis 1890 et présenitéesà la Cour par les Parties. Sije compte bien, il
n'existe pas moins dle cinquante-deux cartes. Mais je doute vraiment
beaucoup que l'existence d'un si grand nombre de cartes en l'espèce
puisse aider àrésoudrela question. Certaines cartes indiquent la largeur
du chenal nord et celle du chenal sud à la hauteur de I'îlede Kasikilil
Sedudu et sont donc utiles puisqu'elles donnent quelques détails géogra-
phiques sur la région. Mais certains des cartographes ont étéjusqu'à
indiquer une «frontii:re» sur leur carte, ce qui peut s'interpréter comme
étant une frontière politique entre les rives nord et sud du Chobe.

40. La Cour indique dans l'arrêt commentelle considère les diverses
cartes de la région qui lui ont été soumises etindique fort justement
qu'elle«ne s'estime pas à mêmede tirer des conclusions du dossier car-
tographique produit en l'espèce))(arrêt, par.87). Je partage sur ce point
le sentiment de la Cour mais je tiens néanmoins à formuler quelques
observations généralessur lesdites cartes.
J'observe en premier lieu que certaines cartes ont purement et simple-
ment été reproduites à partir d'une édition antérieuresans qu'il ait été
procédéau moindre levésupplémentaire.
J'observe en deuxiémelieu que la régiondu Chobe avait étéavant 1890
explorée par certaines personnes, dont Selous et Livingstone, mais les
cartes établiespar ces personnalités n'indiquaient aucune frontière poli-

tique. La carte émanant d'un organe officielcompétent peut parfois indi-
quer quelleest la posiitiondu gouvernement en question sur l'appartenance
territoriale d'une certaine régionou d'une certaine île ou la souveraineté
exercéesur ladite région ou île. Toutefois, ce faità lui seul ne déter-
mine pas le statut juridique de la zone ou de I'îleen question. La ligne
correspondant à la frontière indiquéesur ces cartes peut être interprétée
comme représentant l'étendue maximaledu territoire revendiqué par le
pays en question mais nejustifie pas nécessairementladite revendication.
J'observe en troisiémelieu qu'une revendication territoriale ne peut être LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. IND.ODA) 1134

formuléeque sous la forme d'indications claires en ce qui concerne les

intentionsde 1'Etatconcerné, etcesindications peuvent êtreportéessur des
cartes. Mais, à elles seules, en l'absence de toute autre présomption, une
carte ne saurait justifier une revendication politique. En l'espèce,malgré
l'existenced'un si graindnombre de cartes et malgréla place considérable
que les deux Parties ont consacrée à leur interprétation,j'estime en der-
nière analyseque toute cette discussion n'a strictement aucune pertinence.
41. A mon sens, ce n'est pas à un cartographe qu'il incombe de tracer
une frontière politiq~ieà moins qu'on ne lui indique très clairement où
elle se situe.l riefaut.pas accorder beaucoup de poids à une quelconque
frontiPrequi serait ainsi portée surces cartes.

Dans leurs exposésoraux, les Parties ont présenté une listeindiquant
quelles étaient, parrni les nombreuses cartes disponibles, celles qui
situaient la frontière au nord et celles qui la situaient au sud. Je dirais,
pour porter un jugement clément,que l'exerciceétaitvain; sije veux être
plus sévère,jedirais qu'il était absurde.

3) La gkographie de la zone entourant l'île de Ka.rikililSedudu
et la situution politique et sociude l'île

jusqu'uu milieu du XP siPcle
42. Avant la conclusion du traitéanglo-allemand de 1890,cette région

était pour l'essentielinconnue, exception faite du rapport de l'expédition
de Livingstone intitill«Missionury Travrls and Researches in Soutll
Africa)) (mémoire dela Namibie, vol. V, annexe 129,p. 197; ibid, vol.1,
p. 23), le rapport de l'explorateur Selous datant de 1874 (évoqué mais
non pas intégralement cité dans le mémoire de la Namibie, vol. V,
annexe 138,p. 2291,ietle rapport Schulz-Hammar de 1884,intitulé« The
Neli, Afiicu- A Jouipneyup the Chobe und dom the Okovanga Rivers))
(évoquémais non pas intégralementcitédans le mémoirede la Namibie,
vol.V, annexe 137,p. 227).Pour autant queje puisse le dire, aucun de ces
rapports ne parle de I'existenced'une île connue aujourd'hui sous le nom

d'île deKasikiliISediidu.
43. On ne sait pas si à l'époque,l'île de KasikiliISedudu était sub-
mergéependant la saison des pluies ni si l'eau du fleuve coulait de façon
ininterrompue pendant l'annéetout entière. Les scientifiques dont les
Parties ont engagéles services en l'espèceont donné quelques explica-
tions, mais celles-ci divergent, et ne font pas non plus apparaître claire-
ment si leurs auteurs. parlent de laituation telle qu'elle se présentaiyil
a cent ans ou bien clela situation aujourd'hui. De toute façon, les faits
présentésn'ont pas <Stéexpliqués à la Cour par un témoinou un expert
ayant fait la déclaration solennelle requise. Le fait est, semble-t-il, qu'il

n'existait aucune dlescription topographique fiable de la région à
I'époque.II est extriimement difficile d'établird'après l'une quelconque
des informations disponibles aujourd'hui quelle est la situation géogra-
phique de la région, c'est-à-direde l'îledeKasikiliISedudu et de la zone
environnante du fleuve Chobe. ÎLE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. IND. ODA) 1135

44. Il me semble que, dans leurs plaidoiries comme dans leurs écri-
tures, les Parties se sont principalement attachéesinterpréter les termes

du traitéde 1890(par exemple, «le centre du chenal principal du fleuve)))
mais n'ont pas beaucoup étudiéle statut ni la situation politique et
sociale des rives nord et sud du Chobe.
45. L'Allemagne qui, en 1884,a placéle Sud-Ouest africain sous son
protectorat, s'intéressait au plus haut point à la possibilité d'accéder,
depuis le lac Ngami à la région situéeà l'est, c'est-à-dire au Zambèze, et
ne cherchait vraiment pas du toutà placer sous son contrôle une petite île
située dans le Chobe. Par ailleurs, la Grande-Bretagne avait en 1885
placéle Bechuanaland sous son protectorat et soumis toute la régionau
contrôle du gouverneur du Bechuanaland britannique.
L'Allemagne n'aformuléaucune revendication territoriale, pas même

sur la bande orientale du Caprivi au nord du Chobe, et c'est en 1909que
I'administration allemande s'est manifestéepour la première foisdans la
région à la suite de la création del'officedu gouverneur allemand au Sud-
Ouest africain en 1908, à Windhoek. Au Caprivi, la Grande-Bretagne a
exercéde facto son autoritéjusqu'en 1914.On présumequ'à l'époque, la
Grande-Bretagne étendaitvers le nord son contrôle de la régionau-delà
du Chobe.
46. Pendant la prernièreguerre mondiale, le Caprivi oriental, qui avait
étésous administration allemande, a été occupépar l'arméebritannique
qui s'est déplacéedepuis la Rhodésiedu Sud et a été placé sous l'autorité
du commissaire de district du protectorat du Bechuanaland à Kasane
(mémoire dela Namibie, vol. 1,p. 93). En 1919,à la suite de la première

guerre mondiale, I'Unjon sud-africaine est devenue la puissance admini-
strante de la totalitédu territoire de la Namibie actuelle, placésous man-
dat de la Société desNations - ce qui signifie,sije puis dire, que l'Union
sud-africaine étaitsouisinfluence britannique, bien que cette influence fût
indirecte. De 1915à 1929,leCaprivi a étéadministrépar I'administration
du Bechuanaland au nom du gouvernement de l'Union sud-africaine.
Personne n'émitalors d'objection à l'encontre de la mise en culture de
l'îlede Kasikili/Seduclu par des membres des tribus du Caprivi.
La différencede statut entre la région situéeau nord et la régionsituée
au sud du Chobe n'a pas vraiment suscité lamoindre difficultéconcrète
au cours de cette après-guerre; lesdifficultésn'ont surgi qu'à la suite de la
seconde guerre mondiale. On dit que la police britannique patrouillait sur

les deux rives, nord et sud, pour faire régner la paix.
47. Un rapport, communément appeléle rapport Eason, établi par le
capitaine Eason de la police du Bechuanaland (Grande-Bretagne) le
5 août 1912 et intitulé ((Rapport concernant le chenal principal du
Linyanti (ou Chobe)» (fréquemment cité dans l'arrêt, aux para-
graphes 33,42 et 52 à 55), donne quelques indications géographiques sur
la zone (mémoirede la Namibie, vol. IV, annexe 47, p. 173; mémoiredu
Botswana, vol. III, annexe 15, p. 225). D'aprèsce rapport, ((là, [le capi-
taine Eason] considère que c'est sans aucun doute lechenal nord qui doit
être considéré comme le chenal principal)) (les italiques sont de moi) et,d'aprèsla carte sous forme de croquisjointe au rapport, le chenal nordest
effectivement indiquédu point de vue géographique comme étantle che-
nal principal.
Depuis ce rapport de 1912,il n'y a pas eu, semble-t-il, de rapport fiable
sur la régionjusqu'au rapport Trollope-Redman établi au milieu des
années40, dont je parle un peu plus loin.

4) La confrontation, pendant les années quarante, entreles autoritésde
l'Union sud-ufricuine et les services du haut commissaire britannique
chargéciuprotectorat du Bechuanaland

48. A la suite de la seconde guerre mondiale, bien que le régime des
mandats de la Société desNations ait pris fin, l'Union sud-africaine n'a
pas acceptéque ce régimesoit transformé et devienne le nouveau régime
de tutelle sous l'égidede l'organisation des Nations Unies. C'est alors
que se manifestent la scission ou les frictions entre les régimesexerçant
leur contrôle sur les territoires de'Union sud-africaine (laquelle accède
au statutde Républiqueet quitte le Commonwealth en 1961),d'une part,
et, de l'autre, le protectorat britannique du Bechuanaland. Ce n'est que
depuis cette époqueque se pose la question de la frontière entre les deux
entitésci-dessus et que cette question s'étenda celle de savoir quel est le
statut de I'îledeKasi'kiliISedudu.
49. En 1940, le major L. Trollope, qui est le magistrat chargé de la
partie orientale de la bande de Caprivi (ci-après dénomméela «bande»)
(vers le nord du Chobe), procède à un relevéde la zone avec le concours
de la police du protectorat du Bechuanaland de Kasane (vers le sud du

Chobe) et présente sonrapport sur l'administration de la partie orientale
de la bande de Caprivi au secrétaireaux affaires autochtones de Pretoria
(mémoire dela Namibie, vol. IV, annexe 58, p. 229). Il n'est pas dit un
mot de I'îlede KasikiliISedudu dans ce rapport.
50. Une dizaine d'annéesplus tard, en 1948, un échange de lettres a
lieu entre les services du magistrat de Windhoek, l'administrateur de la
bande de Caprivi (au nord du Chobe), et les autorités britanniques de
Kasane (au sud du Clhobe),au sujet du statut international de la région,
y compris I'îlede KaijikiliISedudu. Le major Trollope (magistrat chargé
de la partie orientalee la bande de Caprivi) adresse le 3janvier 1948une
lettreà M. V. Dickinson (commissaire de district à Maun, Bechuana-
land), laquelle est intitulée«Chenal entre I'îlede Kasikili et lesvillages de
Kabuta et Kasika*, dans laquelle il est question d'un monsieur Ker qui
demande l'autorisation d'emprunter le chenal nord pour y transporter du
bois d'Œuvre (mémoire dela Namibie, vol. IV, annexe 59, p. 262; voir
arrêt, par. 40 et 56).
51. Quelques semaines plus tard, le major Trollope et M. N. V. Red-
man (commissaire de district [adjoint] à Kasane, protectorat du Bechua-

naland), établissent conjointement un rapport daté du 19janvier 1948,
intitulé«Rapport conjoint relatif a la frontière entre le protectorat du LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. IND.ODA) 1137

Bechuanaland et la partie orientale de la bande de Caprivi: île de Kasi-
kili)) (voir arrêt.par. 442et 57-60), dans lequel il est dit ceci:

((3. Après reconnaissance séparéedu terrain et examen d'une
photographie aérienne, nousconstatons que le «chenal principal))ne
suit pas la voiea~vigablequi est généralementindiquéesur lescartes
comme constituaint la frontière entre les deux territoires.
4. Notre opinion est que le «chenal principal)) se situe dans la
voie d'eau [le chenal nord] qui engloberait I'îleen question dans le
protectorat du Bechuanaland.
5. D'autre pari.,après enquête, nous avonsétabli que, depuis 1907
au moins, I'île est utiliséepar les membres des tribus de la partie
orientale de la bande de Caprivi et que c'estencoreecas aujourd'hui.
6. Rien n'indiqlueà notre connaissance, que I'îleait étéutiliséeou

revendiquéepar des membres des tribus ou les autoritésdu Bechua-
naland, ou qu'il ait été fait objectiànl'utilisation de cette île par les
membres des tribus du Caprivi.)) (Mémoire dela Namibie, vol. IV,
annexe 60, p. 2641.)

52. Dans la lettre qu'il adresse le 21 janvier 1948 au secrétaired'Etat
aux affaires autochtones à Pretoria, laquelle est intitulée((Frontière entre
le Bechuanaland et la partie orientale de la bande de Caprivi»(voir arrêt,
par. 58), le major Trollope semble avoir admis au paragraphe 3 que la
frontière doit se situlrr dans le chenal nord mais qu'il faut continuer
d'autoriser la population du Caprivi oriental à cultiver I'île.La lettre dit

ceci:
«Il ne fait pas de doute que le libellédu traitéde 1890concerne
des faits géographiques tels qu'ils existent actuellement et que la
véritablefrontièri:entre les deux territoires doit se sitàel'intérieur
de la voied'eauseptentrionale et inclure I'îlede Kasikili dans le pro-
tectorat.)) (Mémoire de la Namibie, vol. IV, annexe 61, p. 271; les
italiques sont de moi.)

53. On sait que, malgré la suggestionformuléepar le major Trollope
au sujet du chenal nord, l'Union sud-africaine hésitait à admettre que le
chenal nord fût bien 'lechenal principal du Chobe; sur ce point, on dis-
pose de la lettre du12juin 1948adresséepar le secrétaired'Etat à la jus-
tice del'Union sud-africaine au secrétaired'Etat aux affaires extérieures
à Pretoria, qui est intiitulée((Frontière entre le Bechuanaland et la partie

orientale de la bande de Caprivi)):
«Il [le chenal principal] passe au nord de I'île de Kasikili, alors
qu'apparemment les cartes le situent généralementau sud de cette
île. Nous n'avons pas la carte dont il est question dans l'accord [le
traitéde 18901mais, à supposer que, là aussi, le chenal principal soit
indiquéau sud de I'île,il s'agit de savoir si, avant la conclusion de LE DE KASIKILI~SEDUDU(OP. IND. ODA)
1138

l'accord, le chenal principal ne s'est pas déplacédu bras sud au bras
nord.)) (Mémoire de la Namibie, vol. IV, annexe 62, p. 277; les ita-
liques sont de moi.)

54. Dans une lettre adresséele 14octobre 1948par le secrétaire auprés
du premier ministre et secrétaired'Etat aux affaires extérieuresde l'Union
sud-africaine (chargédiela régionsituéeau nord du Chobe), au secrétaire
administratif auprès du haut commissaire pour le Basutoland, le protec-
torat du Bechuanaland et le Swaziland (chargé d'administrer la région

situéeau sud du Chobe), ilest dit que, de mémoired'homme, il n'y a pas
eu de déplacement de la frontihe du chenal sud au profit du chenal nord.
Les problèmes qui se posaient ril'époque entre les deux autorités por-
taient, semble-t-il, sur le transport de bois d'Œuvre par le chenal nord du
Chobe et les cultures pratiquées sur l'îlede KasikiliISedudu par des mem-
bres des tribus du Caprivi. L'Union sud-africaine savait qu'une entreprise

situéeau Bechuanaland demandait l'autorisation de transporter du bois
d'Œuvre maiselle se souciait essentiellement de garantir que les tribus de
la partie orientale de la bande de Caprivi pouvaient continuer à cultiver
l'île. C'est ce que montre le texte de la lettre que je cite ci-dessous:

((11apparaît que l'examen de la question est rendu nécessairepar
le projet formépar une entreprise de transport fluvial de faire des-
cendre du bois d'Œuvre par le Chobe depuis une scierie située au

Bechuanaland, ce qui a soulevéla question de savoir quelle était la
frontière exacte, aussi bien dans les documents soumis au magistrat
de la partie orientale de la bande de Caprivi que dans ceux qui l'ont
étéaux autorités ,du Bechuanaland.
Le rapport montre que, si les cartes indiquent [que] le chenal prin-

cipal du Chobe [est] au sud de l'île de Kasikili, en fait, ilpasse au
nord de cette île.
Des enquêtes exhaustives ont montré qu'il n'y a pas eu de dépla-
cement du chenal principal du sud vers le nord de mémoirehumaine.
Donc, les faits signifient que les cartes sont inexactes.

En revanche, il est prouvé que l'île est cultivée au moins depuis
1907par les tribu!; du Caprivi et que le droit de ces tribus à l'occupa-
tion de l'île n'ajamais été contesté.
Le gouvernement de l'Union est désireuxde protéger les droits des
tribus de la bandt: de Caprivi sur l'île et il apparaît que les autorités
du Bechuanaland souhaitent utiliser le chenal nord pour la naviga-

tion. Comme il semble qu'il n'y ait pas de conflit d'intérêtsi,l devrait
êtrepossible de trouver un arrangement mutuellement satisfaisant. ))
(Mémoire de la Namibie, vol. IV, annexe 63, p. 280.)

Dans la lettre adreissée le 4 novembre 1948 au secrétaire d'Etat aux LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. IND. ODA) 1139

affairesextérieuresde l'Union sud-africaine par le secrétaireadministratif
auprès du haut commiissairebritannique, il est dit ceci:
«d'ordre du haut commissaire pour le Basutoland, le protectorat du
Bechuanaland et le Swaziland, j'ai l'honneur de vous faire savoir que

le commissaire risident du Drotectorat du Bechuanaland a donné
ordre au commissaire de district à Kasane d'autoriser les membres
des tribus de la bande deCa~rivi à cultiver ...l'îlede Kasikili. s'ilsle
souhaitent, en vertu d'un p&mis annuel renouvelable» (mémoire de
la Namibie, vol. IV, annexe 64, p. 281).
Dans une lettre adresséele 14février1949au secrétaireen chef auprès
du haut commissaire britannique pour le Basutoland, le protectorat du
Bechuanaland et le Swaziland, le secrétaire auprès du premier ministre
chargédes affaires ex1.érieurea évoquéla possibilitéd'accepter que l'île

appartienne à la rive nord (Sud-Ouest africain) tandis que, toutefois, la
voie de navigation continuerait de se situer dans le chenal nord:
((11 ressort clairement des informations disponibles que les
membres des tribus du Caprivi utilisent l'île depuis très longtemps
et que leur droit d'agir ainsi n'ajamais été contesté,i par les tribus
ni par lesautorittis du Bechuanaland.
Nous pensions que les autorités du Bechuanaland s'intéressaient
avant tout à la possibilité d'utiliserle chenal nord du Chobepour la

navigation.
Je vous écrisdonc afin de déterminer s'ilne serait pas possible de
conclure un accord dont l'élément principal seraitque votre admi-
nistration reconnaîtrait les prétentions del'Union sur l'ile de Kasi-
kili, sous réserveque l'Union délivre uneautorisation généraled'uti-
liser le chenalncird pour la navigation.)) (Mémoire de la Namibie,
vol.IV, annexe 65, p. 283.)
55. Dans une lettre adresséele 6 juin 1949a lord Noel-Baker (secré-
taire d'Etat chargédes relations avec le Commonwealth), le haut com-

missaire britannique semble avoir été disposé a accepter la proposition de
l'Union sud-africaine tendant à ce que le chenal sud constitue la fron-
tière, comme il ressort de l'extrait ci-dessous:
((2. Une partie de cette frontière est constituéepar le chenal prin-
cipal du Chobe, ou Linyati, qui s'écoule versl'est pour se jeter dans
le Zambèze et skpare la frontière septentrionale du protectorat du
Bechuanaland d'une étroite bande de territoire appelée bande de
Caprivi. A une dizaine de miles à l'ouest du confluent, on trouve sur

le Chobe l'île de Kasikili, étroitebande de terre d'environ 1,5 mile
carréde superficie; jusqu'à présent,on considérait que cette île fai-
sait partie de la bande de Caprivi car les cartes indiquent que le che-
nal principal coule au sud de l'île.
3. La question de l'emplacement exact de la frontière a étésou-
levéepar une entreprise qui a l'intention de transporter du bois
d'Œuvre sur le Chobe, et le gouvernement de l'Union, après avoir LE CIE KASIKILI~SEDUDU (OP. IND. ODA) 1140

examinéla question, a conclu que le chenal principal se trouvait au
nord de l'îleet que son cours n'avait pas variéde mémoired'homme.
Je joinsà la présente lettre une copie d'une note qui a étécommu-
niquéepar le goilvernement de l'union et a été établie conjointe-

ment, le 19janvier 1948,par le magistrat de la partie orientale de la
bande de Caprivi et le commissaire de districtKasane, dans le pro-
tectorat du Bechilanaland, ainsi qu'une copie de la carte rudimen-
taire dont il est question dans cette note.
4. Lecommissiiire résidentdu protectorat du Bechuanaland estime
qu'il n'est pas nécessairede s'opposer la proposition de l'Union de
faire passer la frontière par le chenal sud si l'utilisation du chenal
nord pour la navigation est garantie pour les habitants et le gouver-
nement du protectorat du Bechuanaland. Cette garantie, le gouver-
nement de l'union est disposéà l'accorder.
5. Dans ces conditions, je considère la proposition du gouverne-
ment de 1'Uniori comme acceptable et serais heureux que vous

l'approuviez.»(Mémoirede la Namibie, vol. IV, annexe 66, p. 284.)

56. La correspondance dont je fais état aux paragraphes 54 et 55 ci-
dessus semble indiquer que, vers la fin des annéesquarante, le protectorat
du Bechuanaland était disposé à concéderque le chenal sud constitue la
frontière du moment que M. Ker pourrait continuer à transporter du
bois d'Œuvre par le chenal nord. Toutefois, cette suggestion formulée à
l'intention dz lord Noel-Baker n'a pas étéapprouvée par le Gouverne-
ment britannique.
Aprèscet échangede lettres entre l'union sud-africaine et le protecto-

rat du Bechuanaland, aucun progrèsn'est enregistré à cette époque surla
question de la frontière.

5) Les inciderrrsqui ont Iku en 1984 après l'indépendance duBots~~,ana
en 1966, et l'enquêtetopographique conjointequi a suivi

57. Le 25 octobre 1984,il se produit un incident au cours duquel les
forces de défensedu Elotswanatirent sur une embarcation d'une patrouille
des forces de défensesud-africaines qui parcourent le Chobe (mémoirede
la Namibie, vol.IV, annexe 84, p. 329). C'estcet incident qui est, peut-on
dire,à l'origine du différend territorial entre les deux entités.Lors d'une
réunion intergouvernementale qui se tientà Pretoria le 19décembre1984

(mémoiredu Botswaila, vol. III, annexe 50, p. 396), il est décidéd'orga-
niser une étudetopographique conjointe pour établir si le chenal princi-
pal du Chobe se situe dans le chenal nord ou bien dans le chenal sud
(mémoiredu Botswana, vol. III, annexe 48, p. 384).
En fait, le rapport datant de juillet 1985sur((l'étudede frontière du
Chobe : I'île de Sedu.du/Kasiki»ipropose la conclusion suivante : «Le
chenal principal du C'hobecontourne maintenant I'îlede SedudulKasikilipar l'ouest et par le nord.)) (Les italiques sont de moi.) Toutefois, il n'a
pas été tenté de trouver une solution au problème politique, c'est-à-dire
de déterminerla frontièrenationaleentre les puissances installéesau nord
et au sud du fleuve.

58. Dans le télex datédu 22 octobre 1986émanantde ((Pula Gaborne))
Botswana (chargé dela zone situéeau sud du Chobe) et adressé à «Secex-

terri))Pretoria (chargé de la zone située au nord du Chobe), lequel
concerne les discussio~nsqui se sont tenues le 13 octobre 1986, il est dit
ceci:
((11est rappeli: que la partie botswanaise a affirméque I'île de
SeduduIKasikili appartient au territoire du Botswana, comme cela a
été confirmé par la commission mixte d'experts BotswanaIAfrique
du Sud qui a rernis son rapport aux deux gouvernements en juillet

1985. [Nous souhaitons vous] informer ... que le Gouvernement du
Botswana a depuis lors occupél'île de SedudulKasikili et compte
que leGouverneiinent de l'Afrique du Sud respectera la souveraineté
et l'intégritéterritoriale de la République du Botswana en ce qui
concerne I'île. (Mémoiredu Botswana, vol. III, annexe 52, p. 406.)
Les autorités sud-africaines ont alors proposé de tenir une réunionpour
résoudre le problème. L'échangede communications a pris fin avec un
télexadressépar lesautoritésbotswanaises le 25novembre 1986,qui se lit

comme suit :
((11n'a jamais étédemandé à la commission mixte d'experts
BotswanaiAfrique du Sud de procéder à la démarcation d'une fron-
tière internationale mais de ((déterminer si le chenal principal du
Chobe est situé iiu nord ou au sud de l'îlede Sedudu)). La commis-
sion mixte a conifirméce qui existe depuis toujours dans les faits,à
savoir que le ch'enalprincipal est situéau nord de I'îleet que c'est

donc là que se trouve la frontière.
Il est donc évident queles éclaircissementsvoulus ont étédonnés
sur la question, qu'ils satisfont aux exigenceshabituelles et qu'il n'est
pas nécessairedl'endiscuter davantage.)) (Mémoire du Botswana,
annexe 54, p. 410; les italiques sont de moi.)

6) Que dit lu prutique antérieure?

59. Après avoir donc étudié certainsincidents qui ont eu lieu dans la
région, ainsique la c:orrespondance entre les autorités de la rive nord et
de la rive sud etcertiainesenquêtesou étudestopographiques menéesau
cours des cent derniilres années,j'aboutis à la conclusion que le chenal
nord du Chobe a été considéré implicitement ou explicitement comme la
frontière séparant les autorités établies, les unes sur la rive nord, les
autres, sur la rivesiid, et que I'îlede KasikiliISedudu a étéconsidérée ILEDE KASIKILI~SEDUDU (OP.IND.ODA) 1142

comme relevant des autorités de la rive sud, bien que l'îlesoit de temps
autre utiliséepar les rriembres des tribus de la rive nord.
L'arrêt, toutefois,se reportà ces pratiques antérieures comme si elles

pouvaient l'aider àinterpréter le traité anglo-allemand de 1890ainsi que
le prévoitla convention de Vienne sur le droit des traités, et la Cour est
parvenue ii la conclu:~ion que ces pratiques, en fait, n'étaient pas de
nature à constituer ((une conduite ultérieurement suivie)) ni «un accord
ultérieur))au sens de la convention de Vienne. Je tiens à souligner une
fois encore qu'à mon sens, la présente affaire est sans rapport direct avec
l'application des dispositions de la convention de Vienne sur le droit des
traitésau traitéanglo-allemand de 1890, traitéauquel ni le Botswana ni
la Namibie ne sont parties.
Sij'examine ci-dessus ces pratiques antérieures, c'est parce que ce sont
des élémentsdéterminants qui aident la Cour à dire où passe la frontière
dans le Chobe et, par suite, à déterminer le statut de l'île de Kasikilil

Sedudu qui fait partie du territoire du Botswana.

VI. CONCLUSION

60. Au débutde la présenteopinion, j'ai émisI'idéeque le compromis
conclu le 15février1996par le Botswana et la Namibie, déposéau Greffe
de la Cour le 29 mai 1.996,n'étaitpas rédigé avecclarté,de sorte que la
Cour n'allait pas pouvoir bien déterminer quelle était l'intention réelle
des Parties quand elle!;lui ont soumis l'«affaire». La première tâche qui
s'impose àla Cour est d'établirsi les Parties veulent qu'elle déterminela
jrontiPre entre les deux Etats le long du Chobeou bienlestatut juridique

de l'îlede KasikililSedudu. Au lieu d'être complémentairesl,es deux ques-
tions risauent fort d'être contradictoires. J'aiémis l'idéeaue les Parties
puissent êtrepriéesde préciser leur position commune sur l'objet même
du différend.
61. Les parties au traité de 1890 n'ont pas cherché à déterminer la
frontière dans la régiondu Chobe mais ont voulu, en retenant les termes
«chenal principal)) du fleuve, faire le partage entre leurs sphères
d'influence respectives en prenant en considération l'éventuelle possibilité
d'accéderpar la navigation sur le Chobe au fleuve Zambèze. Or, en fait,
le Chobe n'a pas autrefois et n'est pas non plus actuellement utilisétrès
activement àdes fins de navigation. Dans ces conditions, les termes «che-

nal principal du Chobe)) peuvent fort bien s'entendre aujourd'hui au sens
ordinaire qu'ils revêtentdu point de vue hydrologique. Je regrette que la
Cour n'ait pas cherchltà recueillir l'avis d'un expert sur le chenal princi-
pal du Chobe et se soit fiéeà l'avis d'experts appartenantàchacune des
équipesdes Parties. J'accepte toutefois que la Cour ait établique le che-
nal nord correspondait à la frontière conformément au sens ordinaire à
attribuer aux termes pertinentsà ses yeux et je n'ai pas d'objectiànfor-
muler à l'encontre de!;conclusions de la Courà ce sujet. LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. IND. ODA) 1143

62. Je souscris nota.mment
à la conclusion formulée dans l'arrêt sui-
vant laquelle «les règleset principes du droit international » n'ont pas de
rôle important àjouer aux fins de la détermination de la frontière et du
statut juridique del'îleen l'espèce.
63. Je dirais plutôt 'qu'àmon sens, les pratiques antérieures- c'est-à-
dire les étudestechniques géographiques et la correspondance entre les
autorités occupant la rive nord et la rive sud, qui ont été indiquéessuf-
fisamment en détail dians l'arrêtet que j'ai moi-même longuementana-
lysées,sont a elles seuilesl'élémentle plus important et le plus détermi-
nant qui puisse aiderla Cour àdéciderque la frontière entre le Botswana

et la Namibie est situéedans lechenal nord et que l'îledeKasikiliISedudu
fait par conséquent pa~rtiedu territoire du Botswana.

(Signé) Shigeru ODA.

Bilingual Content

SEPARATE OPINION OF JUDGE ODA

TABLE OF CONTENTS

II. THECASEPRESENTE TO THE COURT BYMEANS OF A COMPROMIS 9-21

(1) Lack of clarity in the compromis 9-10
(2) The background to the filing of the case at the Cour11-17
(3) Further comments on the lack of clarity in theis 18-21

III. "ON THEBASISOF THE1890ANGLO-GERMA TREATY" 22-33

(1) Introduction 22
(2) The significance of the 1890Anglo-German Treaty 23-27
(3) The meaning of "main channel" in the 1890Treaty 28-32

(4) How has the "main channel" been recognized on various

occasions in the past? 33
IV. "ON THE BASISOF THERULES AND PRINCIPLEOF INTERNATIONAL

LAW" 34-36
V. How THE"MAIN CHANNEL OF THECHOBE RIVERWASRECOGNIZED

IN PASTPRACTIC END HOWTHATWOULD ASSISTHE COURT TO
DETERMIN THE BOUNDAR ALONG THECHOBE RIVER 37-59
(1) Introduction 37-38
(2) Treatment of maps 39-41

(3) The geographical conditions ofthearea surroundingil
Sedudu Island and the political and social situation of the
Island up to middle of this century 42-47
(4) The confrontation in the 1940s between the authorities of
the Union of South Africa and the British High Commis-
sioner's Officefor the Bechuanaland Protectorate 48-56

(5) The occurrence of incidents in 1984after Botswana's inde-
pendence in 1966,and thejoint survey which followed 57-58

(6) Whatdoes the past practice indicate?

VI. CONCLUSION OPINION INDIVIDUELLE DE M. ODA

(Truduction]

Paragraphes
1-8

II. L'AFFAIR SOUMISE À LACOUR AU MOYEN D'UN COMPROMIS 9-21

1) Le compromis manque de clarté 9-10
2) Les antécédentspréludant à la saisine de la Cour 11-17
3) Observations complémentaires sur le manque de clarté du
compromis 18-21

III. «SUR LA BASE DU TRAITÉANGLO-ALLEMA DN1D890)) 22-33

1) Introduction 22
2) L'importance du traitéanglo-allemand de 1890 23-27
3) Le sens de l'expression «chenal principal)) dans le traité de
1890 28-32
4) Comment le «chenal principal)) a-t-il été recoàndiverses
reprises dans le passé? 33

IV. «SUR LA BASE DESREGLES ET PRINCIPES DU DROIT INTERNATIONAL)) 34-46

V. COMMEA LE ((CHENAL PRINCIPALDU CHOBE AETE RECONNU DANS
LA PRATIQUE ANTÉIRIEURE ET COMMENT CELA POURRAIT-IAIDER LA
COUR À SITUER LA FRONTIÈRLE LONG DU FLEUVE CHOBE 37-59

1) Introduction 37-38
2) Examen des cartes 39-41
3) La géographiede la zone entourant l'îlede KasikiliISedudu
et la situatiori politique et sociale de l'îlejusqu'au milieu du

XXe siècle 42-47
4) La confrontation, pendant les années quarante, entre les
autorités de l'Union sud-africaine et les services du haut
commissaire britannique chargés du protectorat duchua-
naland 48-56
5) Les incidents qui ont lieu en 1984 après l'indépendancedu
Botswana en 1966,et l'enquêtetopographique conjointe qui
a suivi 57-58

6) Que dit la pratique antérieure? 591117 KASIKILI~SEDUDU ISLAND (SEP.OP.ODA)

1.1 voted in favour of the Court's Judgment, as 1support its determi-
nation that the northern channel of the Chobe River constitutes the
boundary between Botswana and Namibia, and that KasikiliISedudu
Island forms part of the territory of Botswana.
2. Although 1 voted in favour of subparagraph (3) of the operative
part, 1felt that this matter, which was not in fact presented to the Court
in the compromis and was not indicated in the submissions of either
Party, need not be dealt with in the operative part of the Judgment, since
it had already been sufficiently discussedinthe prior sections of the Judg-

ment devoted to the reasoning (paras. 102and 103).

3. 1must Say,to my great regret, that 1fail to understand properly the
sequence of logic followed by the Court in this Judgment. The reasoning
which led the Court to its decision does not necessarily reflectmy own
understanding of the case as a whole. 1could even Saythat 1am totally
lost when reading the Judgment and 1quote an illustration below:

"41. For the foregoingreasons [in the part above, the Court men-
tions the natural physical conditions of the channel], the Courtcon-
cludes that, in accordance with the ordinary meaning of the terms
that appear in the pertinent provision of the 1890 Treaty, the
northern channel of the River Chobe around KasikiliISedudu Island
must be regarded as its main channel."
"79. The Court concludes from al1of the foregoing that the sub-
sequent practice of the parties to the 1890 Treaty did not result in
any 'agreement between the parties regarding the interpretation of
the treaty or the application of its provisions', within the meaning of
Article31,paragraph 3 (a), of the 1969Vienna Convention on the

Law of Treaties, nor did it result in any 'practice in the application
of the treaty which establishes the agreement of the parties regarding
its interpretation', within the meaning of subparagraph (6) of that
same provision."
"80. . ..The Court finds that these facts, while not constituting
subsequent practice by the parties in the interpretation of the 1890
Treaty, nevertheless support the conclusions which it has reached by
interpreting Article III, paragraph 2, of the 1890Treaty in accord-
ance with the ordinary meaning to be given to its terms (see para-
graph 41 above)."

"88. The foregoing interpretation of the relevant provisions of the
1890Treaty leads the Court to conclude that the boundary between
Botswana and Namibia around KasikiliISedudu Island provided for
in this Treaty lies in the northern channel of the Chobe River." LE DE KASIKILI/SEDU (OU. IND.ODA) 1117

1. J'ai votépour l'arrêt, estimantque la Cour a raison de dire que c'est

le chenal nord du Chobe qui constitue la frontière entre le Botswana et la
Namibie et que I'île de KasikiliISedudu fait partie du territoire du
Botswana.
2. J'ai votépour le paragraphe 3) du dispositif mais j'estime que cette
question, qui n'a pas i:n fait étésoumise à la Cour dans le compromis et
n'était pas nonplus citéedans les conclusions des Parties, n'a pas àfigu-
rer dans le dispositif de l'arrêt,car elle a déjà étésuffisamment traitée
dans les sectionspréckdentesde l'arrêt consacrées aux motifs(par. 102et
103).

3. Je me vois contraint de dire qu'a mon grand regret je ne suis pas
bien la logique adoptée dans son arrêt par la Cour. Les motifs qui ont
inspiré à la Cour sa décision necorrespondent pas nécessairement à la
façon dont je compreindsl'affaire dans son ensemble. Je peux mêmedire
que je suis totalement perdu à la lecture de I'arrêt ejte donnerai l'exemple
ci-dessous :

((41. Pour les motifs qui précèdent[dans la partie qui précède,la
Cour parle des particularités physiques du chenal], la Cour conclut
que le chenal nord du Chobe autour de I'îlede KasikiliISedudu doit
être considéré comme son chenap lrincipal suivant le sens ordinaire
des termes figurant dans la disposition pertinente du traitéde 1890.))

((79. La Cour conclut de tout ce qui précèdeque la conduite ulté-

rieure des parties au traité de 1890n'a donnélieu à aucun ((accord ...
entre les parties au sujet de I'interprétationdu traitéou de l'applica-
tion de ses dispositions)), au sens de l'alinéa) du paragraphe 3 de
l'article 31 de la convention de Vienne de 1969sur le droit des trai-
tés, et qu'ellen'a.pas davantage donné lieu a une quelconque «pra-
tique ...suivie dans l'application du traité par laquelle est établi
l'accord des parties à l'égardde I'interprétation du traité)),au sens
de l'alinéab) de cette mêmedisposition. ))

((80. ...La Cour estime que ces faits, mêmes'ilsne constituent pas
une ((pratique ultérieure» des parties au traité de 1890 quant à
l'interprétation de celui-ci, n'en étayent pas moins les conclusions
auxquelles ellee:stparvenue en interprétant le paragraphe 2 de l'ar-
ticleIII du traitci suivant le sens ordinaireà attribuer à ses termes
(voir par. 41 ci-dessus).)

((88. L'interprétation des dispositions pertinentes du traitéde 1890
à laquelle la Cour a procédé ci-dessus l'amène à conclure que la
frontière entre le Botswana et la Namibie autour de I'îlede Kasikilil
Sedudu, définiepar ce traité,passe dans le chenal nord du Chobe.)) 4. It is most important to note that this case is not brought by uni-
lateral application by one of the Parties to this dispute in order to seek
clarification of international law governing the boundary between the

two States in question and the legal status of KasikiliISedudu Island by
applying the 1969 Vienna Convention on the Law of Treaties. This is a
case brought by means of a compromis, by which the Parties seek to have
the Court determine the boundary and the legal status of the Island on
the basis of tlzecriteria which the Parties jointly wish to be applied.

It appears to me that the Judgment places excessive reliance upon the
Vienna Convention on the Law of Treaties for the purpose of the Court's
interpretation of the 1890Anglo-German Treaty. The Parties to this case
certainly agreed that the Court should be asked to determine the bound-

ary on the basis of the 1890Treaty - and it should again be pointed out
quite categorically that Botswana and Namibia are not parties to that
Treaty - but the Court has not been asked to interpret the 1890Treaty
itself. The Judgment quotes Article 31(Generai rule of interpretation) of
the 1969Vienna Convention on the Law of Treaties almost in its entirety.
Reference is made in the Judgment to this provision of the Vienna Con-
vention at least eleven times. Although 1 am fully aware that the Vienna
Convention reflects customary international law, it should, however, be
noted, as the Judgment correctly points out in its paragraph 18,that this
Convention "applies only to treaties which are concluded by States after
the entry into force of the present Convention with regard to such States"

(Art. 4). In fact, the Convention came into force in 1980.This case does
not appear to me to be one related to the application of the Vienna Con-
vention.
5. 1 gain the impression that the Parties to this case, Botswana and
Namibia, as well as the Court have devoted much time and energy to
interpreting the German term "Thahz~eg",which, as the Judgment itself
admits, was simplya translation of the English word "centre" (Judgment,
para. 46). The Court was requested to determine where - whether in the
northern or the southern channel of the Chobe River - the "main chan-
nel", as referred to in Article III (2) of the 1890 Treaty, and hence the

boundary between Botswana and Namibia, should be considered to lie.
In this respect, 1 fail to understand why the operative part of the Judg-
ment States that the boundary follows "the line of deepest soundings" in
the northern channel of the Chobe River (Judgment, para. 104(1)). As
proposed by the Parties during the oral hearings, the Court has employed
the phrase "the line of deepest soundings" as a substitute for the word
"Thaliveg" (Judgment, para. 89). It would, in my view, have been suffi-
cient for the Court to state simply - and nothing more - which of the
two channels, the northern or the southern, constitutes the "main chan-
nel", namely the boundary in the Chobe River separating Botswana and
Namibia.

6. It seems to be very important to make a distinction between, on the LE I>E KASIKILI/SEDU(D OUP.IND.ODA) 1118

4. Il importe au pliis haut point de relever que la Cour n'estpas saisie
par voie de requête unilatérale del'une desParties au différenddeman-
dant que lui soitpréci:sle droit international régissantle tracé dela fron-

tièreentre les deux Etats en question ainsi que le statut juridique de I'île
de Kasikili/Sedudu eri vertu de la convention de Vienne de 1969 sur le
droit des traités. La Cour est saisie par la voie d'un compromis, par
lequel les Parties demandent à la Cour de déterminer ladite frontière et
ledit statut juridique cleI'île la base des critèreque les Parties veulent
l'une etl'autre voir appliquer.
A mon avis, la Cour se fonde à l'excèssur la convention de Vienne sur
le droit des traités pour interpréter le traité anglo-allemand de 1890.
Certes, lesParties ont convenude demander àla Cour de déterminerla fron-
tièresur la basedu traitéde 1890 - et il convienà nouveau de faire très

fermement observer que ni le Botswana ni la Namibie ne sont parties
audit traité-- mais l,aCour n'a pas été priéed'interpréter le traité de
1890lui-même.Dans son arrêt, laCour cite presque intégralement I'ar-
ticle 31 de la conven1;ionde Vienne de 1969 sur le droit des traités qui
énonceune règle génkraled'interprétation. Dans I'arrêt,la Cour va évo-
quer onze fois au moins cette disposition de la convention de Vienne. Je
sais parfaitement que cette convention de Vienne est le reflet du droit
international coutumier, mais il ne faut pas oublier, comme il est très jus-
tement indiqué au paragraphe 18 de I'arrêt,que ladite convention
((s'applique uniquement aux traités conclus par des Etats après son
entréeen vigueur à l'égardde ces Etats)) (art. 4). En fait, la convention

est entréeen vigueur en 1980.La présente espècene me paraît donc pas se
rattacher à l'application de la convention de Vienne.

5. J'ai l'impression que les Parties, le Botswana et la Namibie, ainsi
que la Cour elle-mêineont consacré beaucoup de temps et d'énergie
à interpréter le termie allemand « Thaliveg)), lequel, comme I'arrêtle
reconnaît lui-même,était simplement la traduction du terme anglais
«centre» (arrêt, par. 46). La Cour a été priéede déterminer ou -
c'est-à-dire soit dans le chenal nord soit dans le chenal sud du Chobe
- il faut considérer que se situe le «chenal principal)) viséau para-

graphe 2 de l'article III du traité de 1890,et par conséquent la frontière
entre le Botswana ei: la Namibie. Je dois dire à ce propos que je ne
comprends pas pourquoi la Cour dit dans le dispositif de son arrêt
que la frontière suit «la ligne des sondages les plus profonds)) dans le
chenal nord du fleuve Chobe (arrêt,par. 104, al. 1)). Comme les Parties
l'ont proposé au cours de la procédure orale, la Cour a utilisécette
formule «ligne des sondages les plus profonds)) comme équivalent
du terme Thahveg (,arrêt,par. 89). Mais il eut suffi à mon avis que
la Cour dise simplenient, sans plus, lequel des deux chenaux, le chenal
nord ou le chenal sud, constitue le «chenal principal)), c'est-à-dire

la frontière située dans le fleuve Chobe qui sépare le Botswana et la
Namibie.
6. Il me paraît extrêmementimportant de bien faire la distinction entreone hand, the criteria to be employed in order to determine the "main"
channel in general terms and, on the other, a decision applying those cri-
teria to a specificgeographical situation. The criteria for determining the
"main" channel may well be settled by law, with the assistance of scien-
tific knowledge, but the determination of the "main channel" as a bound-
ary by employing the said criteria, in any specificgeographical situation,
is far from being a legal function. 1would recall that, at the time of the

meeting in Kasane of the Presidents of Botswana and Namibia in May
1992,the two States tried to settle the matter as a technicul problem that
could be solved by the expertise of technicul experts (see paragraphs 13
and 14of this opinion). The Judgment deals with these two matters in its
paragraphs 20 to 40 and attempts to rule on them, relying only on the
information given in the written and oral pleadings by the respective
Parties, but without the benefit of objective scientificknowledge, which it
could have obtained itself but chose not to.

7. The Judement refers to various acts or conduct relatine to the
u u
Chobe River and to certain survey reports concerning the River pro-
duced by various authorities. 1 accept that these facts and the survey
reports are extremely importantfor the Court's consideration of the mat-
ter. However, 1 am unable to accept the Court's position that such facts
and reports could be considered only as possible evidence of "any subse-
quent agreement between the parties regarding the interpretation of the
treaty or the application of its provisions" or "any subsequent practice in
the application of the treaty which establishes the agreement of the
parties regarding itsinterpretation" within the meaning of Article31,para-
graph 3, of the Vienna Convention on the Law of Treaties, to be taken
into account when interpreting the 1890 Anglo-German Treaty. The

Court, after a lengthy analysis (paras. 47 to 70), cornes to the conclusion
that the facts and documents in question cannot be regarded as consti-
tuting "any subsequent agreement" or "any subsequent practice" to be
used for the interpretation of the 1890Treaty, although the Court ulti-
mately found that these facts "nevertheless supportthe conclusions which
it has reached by interpreting Article III, paragraph 2, of the 1890Treaty
in accordance with the ordinary meaning to be given to its terms"
(para. 80). 1would rather suggest that these facts and documents should
be considered at their face value, as historical background to the present
case but without having any bearing on the provisions of the Vienna
Convention, in order to assist the Court in determining the boundary.

8. As my position in regard to this case differs somewhat from the
views that have led the Court to its Judgment, 1feel that 1should sketch
out the view that 1take of it. ILE CIEKASIKILIISEDU (DP. IND.ODA) 1119

les critères utiliser pour établirquel est sur un plan généralle ((chenal

principal))d'une part, et, de l'autre, une décisionconsistaàtappliquer
lesdits critèresune certaine situation géographique.Les critères permet-
tant de déterminerle chenal «principal» peuvent trèsbien êtredéfinispar
le droit, avec le concours de connaissances scientifiques, mais la détermi-
nation du «chenal principal)) en tant que frontière qui est opéréepar le
recours aux mêmes critèresdans n'importe quelle situation géographique
n'a riend'une fonction juridique. Je rappellerai qu'au moment où lespré-
sidents du Botswana et de la Namibie se sont réunis à Kasane en mai
1992, lesdeux Etats clnt tentéde régler laquestion comme s'il s'agissait
d'un problème terhniqirequ'ils pouvaient résoudreen faisant appelàdes
experts teclznique(voirparagraphes 13et 14de la présenteopinion). Les
deux questions sont examinéesaux paragraphes 20 à 40 de l'arrêtet la

Cour tente de se prononcer àce sujet, en s'appuyant exclusivement sur les
informations données par les parties dans leurs écritures et au cours de
la procédure orale, mais sans bénéficierde connaissances scientifiques
objectivesqii'elle aurait pu obtenir elle-mêmemais qu'elle a refuséde
demander.
7. L'arrêtévoquedliversactes ou comportements concernant le fleuve
Chobe et certains rapports d'enquêtesur le fleuvequi émanent de diver-
ses autorités.'admet:~que ces faits et ces rapports d'enquêtesont extrê-
mement importants aux finsde l'examende la question par la Cour. Mais
je ne peux pas admettre la position de la Cour qui est que ces faits et ces
rapports ne peuvent êtrepris en compte que comme témoignant éventuel-
lement de «tout accord ultérieur intervenu entre les parties au sujet
de I'interprétation du traité ou de l'application de ses dispositions» ou

de «toute pratique riltérieurement suivie dans l'application du traité
par laquelle est établi l'accord des parties l'égardde I'interprétation
du traité)) au sens de l'article 31,paragraphe 3 de la convention de
Vienne sur le droit des traités, témoignagesà prendre en considération
pour interpréter le traité anglo-allemand de 1890. Après une longue
analyse (par. 47-70), la Cour aboutit a la conclusion que les faits et
les documents en question ne peuvent pus êtreconsidéréscomme consti-
tuant «un accord ulté:rieurquelconque» ni «une pratique ultérieurequel-
conque)) qui puisse servir à interpréter le traité de 1890, bien qu'elle
estime finalement que lesdits faits «n'en étayent pas moins les
conclusions auxquel1i:selle est parvenue en interprétant le paragraphe 2
de l'article III du traitésuivant le sens ordinàattribuer àses termes»

(par. 80). Je dirai pour ma part que ces faits et documents doivent
êtrepris simplement pour ce qu'ils sont, si 1'011veut qu'ils aident la
Cour a déterminer le tracé de la frontière, c'est-à-dire comme des
éléments historiques intéressant la présente affairequi n'ont toutefois
aucune incidence du point de vue des dispositions de la convention de
Vienne.
8. Comme ma position ne correspond pas tout àfait aux vues qui ont
conduit la Cour à formuler son arrêt,j'estime devoir indiquer rapidement
comment je conçois Il'affaire. KASIKILI/SEDU DLAND (SEP. OP. ODA)

II. THECASEPRESENTED TO THE COURT
BY MEANS OF A COMPROMIS

(1) Lack of Clarity in the Compromis

9. 1first ask myself what is the subject-matter of the "case" presented
by the compromis between Botswana and Namibia pursuant to
Article 36, paragraph 1, of the Statute.
In the second paragraph of the Preamble to the compromis, Botswana
and Namibia both state that "a dispute exists between [Botswana] and
[Namibia] relative to the boundary around KasikiliISedudu Island"
(emphasis added), but in Article 1they request the Court to determine
not only "the boundury between Namibia and Botswana around Kasikilil
Sedudu Island" (emphasis added) but also "the legalstatus of the island"

(emphasis added). It might be contended that the determination of the
legal status of KasikiliISedudu Island would in fact have the same effect
as the determination of theboundary between Botswana and Namibia in
the area around KasikiliISedudu Island. It would seem that both States
had originally thought that the determination of the boundary in the
Chobe River would automatically determine the legal status of Kasikilil
Sedudu Island.
The determination of the boundary in the Chobe River would indeed
result in the determination of thelegal status of KasikiliISedudu Island.
Conversely, a determination of the legalstatus of KasikiliISedudu Island
would also result in the determination of the boundary. However, the
solutions tothese two issues may not necessarily be the same. It appears
that the two States, whether intentionally or unintentionally, have radi-

cally changed their approach, in that an issue relating to the river bound-
ary in the Chobe River has now become an issue also over the legal
status of KasikiliISedudu Island.
At al1events, the Court should not have overlooked the contradiction
between these two different theses: on the one hand, the definition of the
dispute, including only matters relating to a boundury as defined in the
Preamble to the compromis, and on the otherhand, the request contained
in Article 1 of the compromis concerning the boundary in the Chobe
River and the legal status of KasikiliISedudu Island.
10. The Court is requested "to determine.. .on the basis of the [1890]
Anglo-German Treaty . . and the rules and principles of international
law" (compromis, Art. 1). The words "rules and principles of interna-

tional law" are understood by the Parties tomean "those [as]set forth in
the provisions of Article38, paragraph 1, of the Statute of the Interna-
tional Court of Justice"(compromis, Art. III), namely, "the general prin-
ciples of law recognized by civilizednations" (Statute, Art. 38, para. 1).
In my view these two bases on which to proceed may be mutually con-
tradictory, or even mutually exclusive. If the Court takes the 1890
Anglo-German Treaty as its basis, it cannot at the same time take into
account "the rules and principles of international law", which the Parties 7 LEDE KASIKILI/SEDU(D OP.IND.ODA)

II. L'AFFAIR EOUMISE A LA COUR
AU MOYEN D'UN COMPROMIS

1) Le compromis manque de clarté

9. Je commencerai par m'interroger sur l'objet de l'«affaire» soumise
à la Cour par la voie du compromis conclu entre le Botswana et la Nami-
bie conformément à l'article 36, paragraphe 1 du Statut.
Au deuxième alinéadu préambule dece compromis, le Botswana et la
Namibie déclarent ensemble qu'«un dflérend relatifà lafrontière autour
de l'îledeKasikiliISecluduoppose [leBotswana] et la [Namibie]))(les ita-
liques sont de moi), maisà l'article premier, les deux pays prient la Cour
de déterminer non seulement «la frontière)) entre la Namibie et le
Botswana autour de l'île de KasikiliISedudu)) (les italiques sont de moi)
mais aussi «le statut juridique de cette île» (les italiques sont de moi). On
pourrait soutenir quela détermination du statut juridique de l'îlede Kasi-

kililsedudu aurait en fait le même effetque la détermination de la fron-
tièreentre le Botswana et la Namibie dans la région situautour de cette
île. C'est-à-dire que les deux Etats auraient estiméau départ que la déter-
mination de la frontière dans le Chobe reviendrait automatiquement à
déterminer le statut juridique de I'îlede KasikiliISedudu.
La détermination de la frontière dans le Chobe aboutirait effective-
ment à déterminer le statut juridique de I'île de KasikiliISedudu. A
l'inverse, ladétermination dustatut juridique de I'îlede KasikiliISedudu
reviendrait également à déterminer la frontière. Toutefois, les solutions
apportées à ces deux questions ne sont pas nécessairement les mêmesI.l
semble que les deux Etats aient, intentionnellement ou non, complète-
ment modifiéleur approche, en ce sens que la question qui se pose au

sujet de larontière fluviale dans le Chobe soit désormais aussi une ques-
tion à résoudrequant au statut juridique de l'îlede KasikiliISedudu.
De toute façon, la Cour n'aurait pas dû négliger lacontradiction entre
les deux thèsesdistinctes: d'une part, la définitionduiffërend, laquelle
porte exclusivement :surdes questions relativesà une frontière selon la
définitiondonnéedans le préambule du compromis, et. d'autre part, la
demande formulée à l'article 1 dudit compromis concernant la frontière
dans le Chobe et le statut juridique de l'îlede KasikiliISedudu.
10. La Cour est priée«de déterminer,sur la base du traitéanglo-alle-
mand [de 18901et des règleset principes du droit international...)) (com-
promis, art. 1)Pour les Parties, les termes «règles et principes du droit
international))sont «ceux qui sont énumérés au paragraphe 1de l'article

38 du Statut de la Cour internationale de Justice))(compromis, art. III),
c'est-à-dire «les principes généraux dedroit reconnus par les nations civi-
lisées))(Statut, art. 38, par..
A mon sens, les deux bases sur lesquelles la Cour est appeléà statuer
risquent d'être contradictoires,voire de s'exclure l'unel'autre. Si la Cour
se fonde sur le traitéanglo-allemand de 1890, elle ne peut pas en même
temps prendre en coinsidération«les règleset principes du droit interna-1121 KASIKILI~SEDUDU ISLAND (SEP.OP.ODA)

interpret as being "the general principles of law recognized by civilized
nations".
If we confine ourselves to the first question, relating to thendary in
the Chobe River between Botswana and Namibia in the area of Kasikilil
Sedudu Island, the 1890Anglo-German Treaty can be used as a basis for
the Court's determination. If, however, we deal with the second question,
namely the determination of the legal status of KasikililSedudu Island,
the "rules and principles of international law" in general may be thought

to apply. In sum, the two bases to be applied by the Court cannot be
considered as supplementary or harmonious, for they are mutually con-
tradictory.
1 assume that both countries thought a boundury could be drawn on
the basis of the 1890Anglo-German Treaty, and that for this purpose the
determination of the "main channel" of the Chobe River provided for in
the 1890 Treaty would be the cornerstone of the case. However, given
that the two States changed their positions on the matter, making the
legal status of KasikililSedudu Island one of the two main issues of the
"case", a conclusion cannot be reached simply from an interpretation of
what constitutes the "main channel" of the Chobe River but must also
involve application of "the rules and principles of international law"
(interpreted by the Parties as being the general principles of law recog-
nized by civilized nations).
This change in the Parties' approach to the issuescan be seen from the

account of the background to events that 1 give in the next section.

(2) The Background to the Filing of the Case ut the Court

11. The Court is faced with a "case" between Botswana (which gained
independence from the former British Protectorate Bechuanaland in
1966) and Namibia (which had been under the administration of the
United Nations Council for Namibia until 1990) concerning the geo-
graphy of KasikiliISedudu Island in the Chobe River and the surrounding
area. Let me examine how this "case", submitted under Article 36, para-
graph 1, of the Statute, has arisen between these two States.

On gaining its independence in 1966, Botswana took over the area,
which since 1886had been under the authority of the British Protector-
ate of Bechuanaland (Judgment, para. 14). On independence in 1990,

the territory of Namibia remained identical to that of South West
Africa - the 1881 German sphere of influence (ibid.). Upon the out-
break of the First World War, the area under German influence, known
today as the territory of Namibia, was occupied and governed by Brit-
ish forces from Southern Rhodesia. This area was then transferred to
the mandatory territory under the Union of South Africa in the League
of Nations system in 1919and was, from 1967,placed under the admin-
istration of the United Nations Council for Namibia, though de facto
control by the Republic of South Africa continued until 1990.There hastional)) que les Parties interprètent comme correspondant aux ((principes
généraux dedroit reconnus par les nations civilisées».
Si nous nous limitons à la premièrequestion, celle qui a trait àlafron-
tièredu Chobe qui séparele Botswana et la Namibie dans la régionde
I'île deKasikiliISedudu, le traité anglo-allemand de 1890 peut servir de
base à la décisionde IlaCour. Si toutefois nous répondons àla seconde

question, c'est-à-direue nous déterminons le statut juridique de I'île,on
peut estimer qu'il faut appliquer en général les((règleset principes du
droit international)).lref,lesdeux bases à retenir par la Cour ne peuvent
pas êtreconsidéréescomme complémentairesni harmonieuses car elles se
contredisent I'unel'autre.
Je présumeque les deux pays ont estimé qu'ilétaitpossible de tracer
une frontière sur la base du traitéanglo-allemand de 1890et qu'à cette fin
la détermination du ((chenal principal* du Chobe inscrite dans le traité
de 1890constituerait la pierre angulaire de l'affaire. Mais comme les deux
Etats ont changé de position et ont fait du statut juridique de I'île de
KasikiliISedudu I'une des deux principales questions de l'«affaire», il
n'est pas possible de statuer simplement à partir d'une interprétation de
ce qui constitue le«cttenal principal)) du Chobe, il faut encore appliquer
les((règleset principeisdu droit international)) (c'est-à-dire, selonl'inter-

prétation commune des Parties, les principes générauxde droit reconnus
par les nations civilisées).
Le compte rendu historique ci-dessous montre comment lesParties ont
donc modifiéleur conception des questions à résoudre.

2) Les antkcédentspréludant à la saisine de la Cour

11. La Cour est saisie d'une «affaire» opposant le Botswana (qui était
l'ancien protectorat britannique du Bechuanaland et a accédé à I'indé-
pendance en 1966) el: la Namibie (qui étaitjusqu'en 1990 placéesous
administration du Conseil des Nations Unies pour la Namibie) au sujet
de la géographie deI'îlede KasikiliISedudu situéedans le fleuveChobe et
de la zone entourant l'île. Voyons comment cette «affaire» soumise à la
Cour en vertu du paragraphe 1de l'article 36 du Statut a surgi entre ces
deux Etats.

En accédant à l'indépendanceen 1966, le Botswana s'est installésur le
territoire qui depuis 1886 était. placésous l'autorité du protectorat bri-
tannique du Bechuan.aland (arrêt,par. 14).A son indépendance en 1990,
le territoire de laamibie est resté celui-là même qui avait étécelui du
Sud-Ouest africain, lequel relevait de la sphère d'influence allemande en
188 1 (ibid). Quand éclata la premièreguerre mondiale, la région rele-
vant de la sphère d'-influenceallemande, que l'on connaît aujourd'hui
comme étant le territoire namibien, a étéoccupée etgouvernéepar des
forces britanniques venues de Rhodésiedu Sud. Puis cette régiona été
placée à titre de territoire sous mandat sous administration de l'Union
sud-africaine dans le cadre du systèmeétablipar la Société desNations
en 1919puis, à partir de 1967, elle a été placéseous l'administration du1122 KASIKILI~SEDUDU ISLAND (SEP. OP.ODA)

been no difference of views between Botswana and Namibia on these
facts.

12. If there was any territorial issue between the two States, Botswana
and Namibia, concerning this area in the region of the Chobe River, it
originated from the fact that Namibia, after its independence in 1990,
sent armed forces to KasikililSedudu Island in 1991 and that, also in
1991,Botswana raised its national flag over the Island.

It would appear from these two incidents that in 1991each of the two
States, Botswana and Namibia, thought that KasikiliISedudu Island
formed part of its sovereign territory. However, neither State expressed
the view that there had been any violation of sovereignty by the other

State. If any immediate negotiation did take place between the two coun-
tries on this issue, it was not reported.
13. It was as a result of the above incidents that the two States' dif-
ference of views regarding the territoriality of KasikiliISedudu Island
came to light.
The Presidents of Botswana and Namibia met on 24 May 1992at Kas-
ane, thanks to the good officesof the President of Zimbabwe, in order to
"discuss the boundary between Botswana and Namibia around Sedudul
Kasikili Island" (emphasis added). After touring the Chobe River and
viewing KasikiliISedudu Island, the three Presidents examined various
documents, in particular the 1890Anglo-German Treaty, which defined
the German sphere of influence as being bounded by "the centre of the
main channel of [the Chobe] river" (1890Treaty, Art. III (2)). The three
Presidents "decided that the issueshould be resolved peacefully" (empha-
sis added) and

"[tlo this end they agreed that the boundary . . should be a subject
of investigation by a joint team of six . . .technical experts . . .to
determine where the boundary lies in the terms of the [1890]Treaty
... The Presidents agreed that the findings of [the]team . . shall be
final and binding on Botswana and Namibia" (emphasis added)
(Memorial of Namibia, IV, Ann. 10,p. 71 ;Memorial of Botswana,
III, Ann. 55, p. 412).

There was no disagreement between Botswana and Namibia that they
should rely on the 1890Treaty, which determined the line of separation
of the sphere of influence between Germany and Great Britain as the
centre of the "main channel" of the Chobe River. It would thus seem
that their intention was not to settle an existing dispute, if one existed
at all, but rather to determine the hitherto uncertain boundary with the
assistance of the technical experts who would be able to identify the
"main channel" of the Chobe River.

14. The Presidents of Botswana and Namibia were in agreement that LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. IND. ODA) 1122

Conseil des Nations Unies pour la Namibie, bien que la Républiquesud-
africaine ait continuéa exercer son contrôle defacto jusqu'en 1990.Il n'y
a pas de divergence de vues entre le Botswana et la Namibie sur ces faits.
12. S'ily a eu différendterritorial entre les deux Etats, le Botswana et
la Namibie, au sujet de cette zone de la régiondu fleuve Chobe, il faut
l'attribuer au fait que la Namibie, aprèsavoir accédéà l'indépendanceen

1990,a envoyé des forcesarméesen 1991sur I'îlede KasikiliISedudu et
au fait qu'en 1991 ég,alement,le Botswana a fait flotter son drapeau
national sur I'île.
Il semble découlercleces deux incidents qu'en 1991 chacun des deux
Etats, le Botswana et la Namibie, estimaient que I'îlede KasikiliISedudu
faisait partie intégrante de son territoire souverain. Or, aucun des deux
Etats n'a alors exprirné l'avis que l'autre Etat s'était rendu coupable
d'une violation de sa souveraineté.Si la négociations'est immédiatement
engagéeentre les deux pays sur cette question, on ne l'a pas su.
13. Mais c'est à la suite des incidents ci-dessus que l'on s'estrendu
compte qu'il existait entre les deux Etats une divergence de vues quant à
l'appartenance territoriale de I'îlede KasikiliISedudu.
Le 24 mai 1992,grâce aux bons officesdu président du Zimbabwe, les
présidentsdu Botswana et de la Namibie se rencontrent à Kasane pour

((traiter de laontiPre entre le Botswana et la Namibie autour de I'îlede
Sedudu/Kasikili» (lesitaliques sont de moi). Aprèss'êtrepromenéssur le
Chobe, après avoir vil I'île de KasikiliISedudu, les trois présidents ont
examiné divers docum'ents,en particulier le traitéanglo-allemand de 1890
qui définissait lasphèred'influence allemande comme étantlimitéepar la
ligne qui suit «le centre du chenal principal [du]fleuve[Chobe]))(traitéde
1890,art. III, par. 2). Les trois présidentsont «décidéque cette question
devait êtrerégléepaciFiquement» (les italiques sont de moi) et

«[a]cette fin, ils sont convenus que la frontiè..devrait faire l'objet
d'une étude mentSepar une commission mixte de six experts tech-
niques...pour déterminer oùsetrouve la frontière aux termesdu traité
[de 18901... Les présidents sont convenus que les conclusions de la
commission mixtt: ..auront un caractère définitif etobligatoire pour
le Botswana et la Namibie.)) (Mémoire de la Namibie, vol. IV,
annexe IO,p. 71; mémoiredu Botswana, vol. III, annexe 55,p. 412;
les italiques sont de moi.)

Il ne faisait pas de doute pour le Botswana et la Namibie que I'un et
l'autre devaient s'appuyer sur le traitéde 1890,lequel définissait la ligne
de séparation de la sphère d'influence entre l'Allemagne et la Grande-
Bretagne comme se siituant au centre du «chenal principal)) du Chobe.
Les deux Etats avaient donc pour intention, semble-t-il,nonpas de régler
un dqférend,si du moins il en existait un, mais plutôt de déterminer où se
situait lafrontière jusqu'alors incertaineavec le concours des experts
techniques, lesquels seraienta même d'identifierle «chenal principal)) du
Chobe.
14. Les présidents du Botswana et de la Namibie estimaient I'un etthe boundary should be determined as the "main channel" of the Chobe
River as provided for in the 1890Anglo-German Treaty. It would appear
that, in their view, the issue of thelepl status of KasikiliISedudu Island
would not be taken upas such. The territoriality of the Island did not,of
itself. constitute an issue.

It should also be noted that the expression "dispute" was not used in
thejoint Communiquéissued by the three Presidents. It can be said that,
up to and including the time of the meeting of the three Presidents,
neither Namibia nor Botswana considered that there had been a dispute.
The two States wanted to have the Court determine the actual course of
the boundary in terms of the "main channel" as stated in the 1890Treaty,
with the assistance of the joint team of technical experts,who, by their
investigations, would determine which - either the northern or the
southern channel - was the "main channel". The territoriality of Kasikilil
Sedudu Island would have been automatically settled by drawing such a
delimitation line.

15. It would seem that, a few months after the meeting at Kasane, the
understanding reached by the Presidents of Botswana and Namibia was
completely rejected at governmental level.The issue was termed a dispute
at the meeting at Windhoek starting on 8 December 1992(Memorial of
Botswana, III, Ann. 56, p. 416), which had been convened in order to
decide the terms of reference of the Joint Team of Technical Experts on
Boundary (hereinafter "JTTE") that was to be established. The "Memo-
randum of Understanding" between Botswana and Namibia was drafted
on 23 Deceinber 1992(Memorial of Namibia, IV, Ann. 11,p. 73 ;Memo-

rial of Botswana, III, Ann. 57, p. 428) following this preliminary meeting.

The "Memorandum of UnderstandinpH"States in its Preamble that a
dispute exists relative to theboundury between Botswana and Namibia,
and also refers to the desire of both countries to "settl[e] suchdispute by
peaceful means in accordance with the principles of both the Charter of
the United Nations and the Charter of the Organisation of African
Unity" (emphasis added). The "Memorandum of Understanding" sets up
a JTTE, consisting of three teclzniculexperts from each country "to
determinethe houndary between Botswana and Namibia around Kasikilil
Sedudu Island in accordance with the [1890] Anglo-German Treaty"
(emphasis added); in other words to find whether the northern or the

southern channel should be regarded as the "main channel".

The form of words "a dispute exists relative to theboundcrry between
. ..Botswana and .. .Namibia" (emphasis added) first appeared in this
"Memorandum of Understanding" of 23 December 1992and was later
employed in the compromis of 29 May 1996 by which the present case LEDE KASIKILI~SEDUDU (OP. IND.ODA) 1123

l'autre que laJrontièrc>devait être déterminée comme correspondant au
((chenal principal» du Chobe conformément à ce que prescrivait le traité
anglo-allemand de 1800. Il semble qu'à leur avis, la question du statut
juridique de l'île de K.asikili/Sedudu ne serait pas traitée comme telle.
L'appartenance territoriale de I'îlene constituait, en soi, une question
litigieuse.
Il convient égalementde noter que le terme ((différend))n'apparaît pas

dans le communiqué publiéconjointement par les trois présidents. On
peut dire que jusqu'à cette réunion des trois présidents et jusqu'à sa
conclusion. ni la Namibie ni le Botswana n'estimaient qu'ily avait undif-
férend. Les deux Etats ont voulu que la Cour détermine le tracé dela
frontière qui correspond au «chenal principal)) aux termes du traité de
1890, avec le concours de l'équipe mixte d'experfs techniques qui, à la
suite de leurs recherches, vont établir quel est, entre le chenal nord et le
chenal sud, le «chenal principal)). L'appartenance territoriale de I'îlede
KasikiliISedudu serait automatiquement régléepar le tracéde cette ligne
de délimitation.

15. Il sembleque quelques mois aprèscette réunion de Kasane, l'accord
intervenu entre les présidentsdu Botswana et de la Namibie ait été com-

plètement rejeté à l'échelongouvernemental. La question a été qualifiée
de différend à la réunionqui commence le 8 décembre 1992a Windhoek
(mémoiredu Botswania,vol. III, annexe 56, p. 416), laquelle a étéorga-
niséepour arrêterle mandat de l'équipe mixted'experts techniques de la
frontière (ci-après((l'équipeixte)))qui allait être constituée.Le «mémo-
randum d'accord)) coi~cluentre le Botswana et la Namibie a été rédiglée
23 décembre 1992 (mémoire de la Namibie, vol. IV, annexe 11, p. 73;
mémoiredu Botswana, vol. III, annexe 57, p. 428) à la suite de cette réu-
nion préliminaire.
Il est dit dans le préambule de ce ((mémorandum d'accord)), qu'il
existe un diJ'érendfrontalier entre le Botswana et la Namibie, et aussi
que les deux pays sont désireuxde ((réglerce différendpar des moyens
pacifiques conforménient aux principes tant de la Charte des Nations
Unies que de la Charte de l'organisation de l'unitéafricaine)) (les ita-

liques sont de moi). Aux termes du même((mémorandumd'accord)), il est
constituéune équipe d'expertstechniques composéede trois experts tech-
niques de chaque pays qui est chargée«de déterminerla frontière entre le
Botswana et la Namibie aux alentours de I'îlede KasikiliISedudu confor-
mémentau traité [anglo-allemand de 18901))(les italiques sont de moi);
autrement dit, I'équipe estchargée dedécidersi c'est le chenal nord ou le
chenal sud qu'il faut considérer comme le ((chenal principal)).
La formule «il existe un différendfrontalier entre le Botswana et la
Namibie)) (les italiques sont de moi) apparaît pour la première foisdans
ce ((mémorandum d'accord»du 23 décembre1992et se retrouve ultérieu-
rement dans le compromisdu 29 mai 1996par lequel la présente affaire a1124 KASIKILI~SEDUDU ISLAND (SEP.OP.ODA)

was brought to the Court. The function of the JTTE should have been
limited to the technicalrecognition of what constitutes the "main chan-
nel" of the Chobe River under the terms of the 1890 Anglo-German
Treaty. However, this was not the case. The "rules governing the pro-
ceedings" in the "Memorandum of Understanding" of 23 December 1992
state that "theTeam shall be guided by the generolprinciples of'interna-

rionul law regarding the peucrful settlrment of'international disputeand
any relevant international law principles for the delimitation of river
boundaries" (Memorandum of Understanding, Art. 8, emphasis added).

1would emphasize that this concept does not accord with what the
Presidents of the two States would appear to have had in mind a few
months beforehand; indeed it differs greatly.

16. On 20 August 1994,after six rounds of meetings, the JTTE com-
pleted its work, producing its Final Report, which states that "it emerged
that the JointTeam was unable to agree on issues of substance" (Memo-
rial of Botswana, III, Ann. 58, p. 440; Memorial of Namibia, V,
Ann. 113,p. 88).The Final Report goes onto state that "[the JTTE] was
unable to make a finding determining the boundary between Botswana
and Namibia in thearea of KasikiliISedudu Island in accordance with the
provisions of the Memorandum of Understanding." Thus, the JTTE was
unable to determine the boundary in accordance with the terms used in
the 1890Anglo-German Treaty.

It would appear that the failure of the JTTE was due to the fact that
they did not conduct their work using the mandate, originally agreed at

Kasane in May 1992 by the Presidents of Botswana and Namibia, to
definewhere the "main channel" of the Chobe River lay in the eyesof the
technical experts.
17. Although the JTTE failed to determine the houndary, it did, how-
ever, make a recommendation :

"[Tlhe Joint Team would recommend recourse to the peaceful
settlement of the dispute on the basis of the applicable rules und
principlrs of international la~il(Emphasis added.)
This represents a crucial change, in that the JTTE recommends that the
"dispute" should be settled on the basis of the "applicable rules and prin-
ciples of international law" and not by a technical interpretation of the

"main channel of the river" as stated in the 1890Treaty.
1 very much doubt that the power to make this recommendation fell
strictly within the JTTE's original mandate. It must be recognized that
the JTTE did not remain simply a group of technical experts,dealing LE LIEKASIKILI/SEDU (DP. IND. ODA) 1124

étéportéedevant la Cour (((considérantqu'un différend relatif à la fron-
tièreautour de l'îlede KasikiliISedudu oppose [le Botswana et la Nami-
bie]))).La tâche assignéeà I'équipe mixteaurait dû êtrelimitée à la déter-
mination du point de vue technique de ce qui constitue le ((chenal

principal» du Chobe conformément au traité anglo-allemand de 1890.
Mais tel ne fut pas le cas. D'aprèsle «règlement intérieur))définidans ce
((mémorandumd'accord» du 23 décembre1992,((l'équipese guidera sur
lesrincipes génirauxdu droit international concernant le règlementpaci-
jque des dqjcirend~iri8ternationau.a~insi que sur tout principe pertinent
du droit international concernant la délimitation des frontières consti-
tuéespar des cours d'eau)) (mémorandum d'accord, art. 8; les italiques
sont de moi).
Je tiensa souligner que cette idéene correspond guère à ce que les pré-
sidents des deux Etats semblent avoir eu a l'esprià peine quelques mois
auparavant; en fait, la différenceest trèsgrande.

16. Le 20 août 1994,aprèssix sériesde réunions,l'équipe mixte achève
ses travaux, et établit son rapport final dans lequel elle déclare:l est
apparu ..que la commission mixte ne pouvait tomber d'accord sur des
questions de fond)) (mémoiredu Botswana, vol. III, annexe 58, p. 440;
mémoirede la Namibie, vol. V, annexe 113, p. 88). Dans la suite de ce
rapport final, on lit: (([l'équipemixte] n'a pu aboutir, conformément aux
dispositions du [mémorandum d'accord], à une conclusion en ce qui
concerne la détermination dela frontière entre le Botswana et la Namibie
autour de l'île de Kasikili/Sedudu.» L'équipe mixtea donc étédans
l'impossibilitéde déterminer le tracé de la frontière conformément aux

formules utiliséesaris le traitéanglo-allemand de 1890.
11semble que cet échecde I'équipe mixte s'expliquepar le fait qu'elle
n'a pas menéses travaux conformément au mandat initialement arrêté à
Kasane en mai 1992 par les présidentsdu Botswana et de la Namibie,
lequel visait définiroù se situait, dans le Chobe, le «chenal principal))
d'après les experts techniques.
17. Mais, bien qu'elle n'ait pas pu déterminer la frontière, I'équipe
technique a néanmoins formulé une recommandation :

«[L]a commiijsion mixte recommanderait ..de recourir au règle-
ment pacifique du diffërend [sur la base des] règlesetprincipes appli-
cables du droit i,aternational.»(Les italiques sont de moi.)

Il y a là un changement crucial en ce sens que l'équipe mixterecommande
de réglerle «différend» sur la base des ((règleset principes applicables du
droit international)) eton au moyen d'une interprétation technique de
l'expression((chenal principal du fleuve» figurant dans le traitéde 1890.
Je ne suis vraiment pas sûr du tout que le pouvoir de formuler cette
recommandation découle bien du mandat initial de la commission mixte.
11faut bien voir que cette équipemixte n'est pas restée un simplegroupe1125 KASIKILI~SEDUDU ISLAND (SEP.OP.ODA)

with technical matters concerning the determination of the "main chan-
nel", but turned into a body for diplomatic negotiation between the two
States. In fact, the six members of the JTTE were not necessarily even
technical experts, and the team from Botswana was led by an eminent
professor of international law. This clearly demonstrates that the JTTE's

purpose changed from the technical or scientific matter of determining
the "main channel" of the Chobe River to discussing the more general
legal dispute on territorial issues.

Upon receipt of the JTTE's final report and recommendation, the
Presidents of Botswana and Namibia, together with the President of Zim-
babwe, decided at the Summit Meeting held at Harare on 15 February
1995,after deliberating on the JTTE's report, that "the matter should be
referred to the International Court of Justice" for determination (Memo-
rial of Botswana, III, Ann. 59, p. 463, emphasis added).

The compromis, as fully quoted in paragraph 2 of the Judgment, was
then, one year later, concluded by Botswana and Namibia on 15 Febru-
ary 1996.

(3) Further Comments on the Lack of Clarity
in theCompromis

18. Having examined the process which ledup to the conclusion of the
compromis, it seems to me quite clear that the position of both countries
towards the whole issue was in essence changed somewhat. The original
issue, in which neither State gave much weight to the legal status of

KasikililSedudu Island, but rather considered that the legalstatus of the
Island would be dependent upon the determination of the boundarjj,
became an issue of the legal status of KasikiliISedudu Island.

19. While it was agreed that the houndary should be determined as the
centre of the "main channel" of the Chobe River, which separated the
spheres of influence under the terms of the 1890Anglo-German Treaty,
no agreement could be reached as to which channel - north or south -
constituted the "main channel", a factor which could prove decisive in
determining which territory KasikiliISedudu Island would faIl into.

The issue between the two States could be solved by a scientific inves-
tigation or survey concerning the "main channel" of the Chobe River.

However, the issue, originally considered to be simply a question of
drawing a boundary between the two States,in either the northern chan-
ne1or the southern channel of the Chobe River (whichever was deemed
to be the main channel), has now explicitly been turned into a territorial
issue involving sovereignty over KasikiliISedudu Island - a change LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. IND. ODA) 1125

d'experts techniques, traitant de questions techniques relativesà la déter-
mination du ((chenal principal)), mais qu'elle est devenue un organe de
négociation diplomatiqueentre les deux Etats. En fait, les six membres

de cette équipe technique n'étaient même pas obligatoirement des
experts techniques, et I'équipedu Botswana étaitdirigéepar un éminent
professeur de droit international. Cela prouve clairement que l'objectif
assigné à I'équipetechnique, lequel était d'abord une question tech-
nique ou scientifique consistant à déterminer le ((chenal principal))
du Chobe, a changéet qu'il s'agissaitdésormais de traiter un différend
juridique plus généralopposant les deux pays sur des questions territo-
riales.
Lorsqu'ils ont reçu le rapport final et la recommandation de I'équipe
mixte, les présidentsdLuBotswana et de la Namibie ainsi que le président
du Zimbabwe ont décidél,ors de la réunionau sommet qui s'est tenue le
15 février 1995 a Hairare, après avoir discuté dece rapport de I'équipe

mixte, que «le litige 'devaitêtreporté devant la Cour internationale de
Justice))(mémoire du Botswana, vol. III, annexe 59, p. 463; les italiques
sont de moi).
Et le Botswana et la Namibie ont donc conclu un an plus tard, le
15février1996,le coiripromis dont l'énoncé est citintégralementau para-
graphe 2 de l'arrêt.

3) Observations complémentaires
sur I'emanque de clarté ducompromis

18. Après avoir ainsi étudiétout le processus qui débouche sur la
conclusion du compromis, il m'apparaît très clairement que les deux pays

ont fondamentalement changéde position sur l'ensemble de la question.
En effet, le problème:initial, dans le cadre duquel ni l'un ni l'autre des
deux Etats n'accordaient beaucoup de poids au statut juridique de l'îlede
KasikiliISedudu, considérant plutôt que ce statut juridique de I'îleprocé-
derait de ladéterminaltionde lafrontière, est devenu un problèmeportant
sur le statut juridique de l'îlede KasikiliISedudu.
19. Siles deux pays étaient d'accord surl'idée qu'ilfallait déterminer
la frontière comme étant le centre du ((chenal principal)) du fleuve
Chobe, lequel séparait les sphères d'influence en vertu du traité anglo-
allemand de 1890,ilsne parvenaient pas à s'entendre sur le chenal- che-
nal nord ou chenal sud - qui constituait le ((chenal principal)), élément
qui pouvait êtredéterminant quand il fallait établir dequel territoire relè-

verait I'îlede KasikiliISedudu.
La question opposant ainsi les deux Etats pouvait êtrerésoluepar la
voie d'une enquête scientifique concernant le ((chenal principal)) du
Chobe. Toutefois, la question litigieuse qui était initialement considérée
comme consistant simplement à tracer unefrontière entre les deux Etats,
soit dans le chenal nord, soit dans lechenal sud du Chobe (selon celui des
deux chenaux qui serait réputé être le chenal principal), est désormais
expressémentdevenue une question territoriale portant sur la souverai-1126 KASIKILI~SEDUDU ISLAND (SEP. OP. ODA)

which occurred in 1995 at the stage of preparation of the JTTE's
Report.
As already mentioned in paragraph 9 above, the second paragraph of
the Preamble to the compromis refers only to a"dispute .. .relative to the
boundary" (emphasis added), but Article 1asks the Court to determine
not only the boundary in the Chobe River but also "the legal status of
[KasikiliISedudu] island" (emphasis added). The 1890 Anglo-German

Treaty and the "rules and principles of international law" (and once
more 1point out that this, according to the compromis, is equivalent to
"the general principles of law [as]recognized by civilizednations") being
used as the basis for the settlement of the dispute are from the outset
mutually contradictory. How can the Court deal with such a contradic-
tion in this case?

Itis my belief that the compromis prepared by both States was not
drafted in a proper manner.
20. 1 return to the original question, namely, (i) whether the Court is
requested to determine a boundary, on the basis of the 1890Anglo-Ger-
man Treaty, which provides for the "main channel" of the Chobe River
as a boundary or (ii) whether the Court is to give a final verdict on the
territorial issue ofKasikiliISedudu Island in accordance with the "rules

and principles of international law", interpreted as "general principles of
law recognized by civilizednations". The real intention of the Parties and
the manner in which they have brought this "case" to the Court is un-
clear. These points have not been clarified by either State in their written
documents or during the oral pleadings and the Court's present Judg-
ment also does not address these points.
If option (i)is chosen, the Court will be confined to determining the
"main channel" of the Chobe River in either the northern channel or the
southern channel as the boundary between the two States. If option (ii) is
chosen, the Court must interpret the "rules and principles of interna-
tional law" relating to territorial sovereignty as applied to Kasikilil
Sedudu Island. This confusion of the issues brought jointly by Botswana
and Namibia to the Court puts the latter in an extremely difficult situa-
tion in the handling of this "case"; in particular,ecause the "case" isnot
based on a unilateral application but submitted by the agreement of both

Parties.
21. In this jointly submitted case, the substance of the dispute and the
basis on which the Court is asked to rule seem to me to be extremely
unclear. In my view, the Court should have asked the Parties to clarify
their positions.1 wonder if it would not have been possible for the Court
to have handed this jointly submitted case back to the Parties with the
request that they clarify their common intention and original understand-
ing in coming to the Court, and that they state whether they wish to have
the boundary determined or whether they would prefer to treat the deter-
mination of the legal statusof KasikiliISedudu Island as a separate issue
and not simply as a result of the determination of the boundary. LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP.IND.ODA) 1126

netéexercéesur I'îlede KasikiliISedudu - et le changement s'est opéré
en 1995lors de l'élaborationdu rapport de l'équipe mixte.
Comme je l'ai déjà dit au paragraphe 9 ci-dessus, au deuxième ali-

néade son préambule,le compromis ne vise qu'un ((différend relatif a la
frontière)) (lesitaliqu~:~sont de moi), mais, à l'article1, la Cour est
priée de déterminer rion seulement la frontière dans le fleuve Chobe
mais également «le strrtut juridique de I'île [de Kasikili/Sedudu]» (les
italiques sont de moi). Le traité anglo-allemand de 1890 et les ((règles
et principes du droit international)) (et une fois de plus, je souligne que
d'après le compromis ces règles etprincipes équivalent aux ((principes
générauxde droit reconnus par les nations civilisées)))qui doivent servir
de base au règlement du différend sont d'emblée contradictoires.
Comment la Cour peut-elle en l'espèce trouver une solution A cette
contradiction?
J'estime pour ma part que le compromis établipar les deux Etats n'a
pas étérédigécomme il convient.
20. Je reviensà la question initiale, qui est de savoir si i) la Cour est
priéede déterminer une frontière, sur la base du traitéanglo-allemand de

1890,lequel dispose que le ((chenal principa)du Chobe est unefrontière
ou bien siii) la Cour doit se prononcer de façon définitivesur la question
territoriale de I'îledeasikili/Sedudu conformément aux ((règleset prin-
cipesdu droit international» interprétéscommecorrespondant aux prin-
cipes générauxde droit reconnus par les nations civilisées)).L'intention
réelledes Parties et la façon dont elles ont soumis cette «affaire» à la
Cour ne sont pas claires. Ces points n'ontétéprécisés par aucun des deux
Etats dans leurs écritures ni pendant la procédure orale et l'arrêtde la
Cour n'en traite pasrion plus.
S'il faut retenir I'hypothèse i), la Cour doit se limiterà déterminer
lequel des chenaux nord et sud du Chobe est le «chenal principal)) qui est
la frontière entre les deux Etats. Si l'on retient l'hypothèse ii), la Cour
doit interpréterles((rifgleset principes du droit international)) relatiàes
la souveraineté territoriale tels qu'ils s'appliquentà I'île de Kasikilil

Sedudu. Cette confusion des questions soumises conjointement par le
Botswana et la Namibie la Cour met celle-ci dans une situation extrê-
mement difficile face A «l'affaire» qu'elle doit trancher; en particulier,
parce que cette «affaire» ne relèvepas d'une requête unilatérale maislui
est soumise d'un commun accord par les deux Parties.
21. Or, dans cetteaffaire soumiseconjointement, le fond mêmedu difl
firend et lesbases sur lesquellesla Cour est priéede statuer me paraissent
extrêmementpeu clairs. A mon sens, la Cour aurait dû demander aux
Parties de préciserleur position. Je me demande s'iln'aurait pas étépos-
sibleà la Cour de reinvoyeraux Parties cette affaire soumise bilatérale-
ment en leur demandant de préciser leur intention commune et leur
entente initiale auujet de la saisine de la Cour et de dire s'ilsveulent que
soit déterminée la,frontière, ou bien s'ils préfèrentque la détermination
du st~ztutjuridique de l'îlede KasikiliISedudu soit traàtpart et non pas
simplement comme suite à la détermination de la frontière. KASIKILI/SEDU DLAND (SEP.OP.ODA)

III. "ON THE BASIS OF THE 1890ANGLO-GERMA TNREATY"

(1) Introduction

22. As 1 have already stated in paragraph 3 above, this is a case
brought by means of a comprornis,by which the Parties seek to have the
Court determine the boundary and the legal status of the Island on the
basis of thecriteria which the Parties jointly wish to rely on.The original
intention of the Parties was to rely on the 1890Anglo-German Treaty to

assist in theraivingof a boundary along the Chobe River in the area of
KasikiliISedudu Island. 1 shall now proceed to an analysis of the 1890
Anglo-German Treaty.

(2) The Signrjîcancrof the 1890 Anglo-German Trraty

23. There is no difference of views between Botswana and Namibia
with respect to the fact that the 1890Treaty should be regarded as con-
stituting a basic document to determine the boundary between these two
States. Let me begin with an examination of that Treaty.
24. Germany, which had had little interest in Africa before the latter
part of the nineteenth century, emerged as a colonial State under the
leadership of Bismarck and joined other European nations in the parti-
tion of Africa. Inorder to settle the issues relating to Africa, including
the determination of the legal doctrine of occupation, the Berlin Confer-

ence was convened at the initiative of Bismarck. The General Act of the
Conference of Berlin was adopted in 1885(Memorial of Botswana, II,
Ann. 1, p. 1).
In 1884Germany put South-West Africa under its protectorate and in
1885 Great Britain, by Proclamation of the High Commissioner for
South Africa, declared Bechuanaland a British Protectorate (Memorial
of Botswana, II, Ann. 3, p. 24). In 1889negotiations took place between
Great Britain and Germany, in which Germany wished to be secured free
access from Lake Ngami to the upper waters of the Zambezi River as a
part of its sphere of influence (Memorial of Botswana, II, Ann.4, p. 27;
Ann. 5, p. 29).
25. The Anglo-German Treaty of 1 July 1890determined the separa-
tion of the spheres of influence of the two States. The Treaty reads in

part:
"The undersigned
.............................
Have, after discussion of various questions affecting the Colonial
interests of Germany and Great Britain, come to the following

Agreement on behalf of their respective Governments:
.............................
In South-West Africa the sphere in which the exerciseof influence
is reserved to Germany is bounded : LE D'EKASIKILI/SEDU(D OUP.IND.ODA) 1127

III. «SUR LA BASE DU TRAITÉ ANGLO-ALLEMAND DE 1890))

1) Introduction

22. Comme je l'ai déjàdit au paragraphe 3 ci-dessus, il s'agit ici d'une
affaire introduite par voie de compromis, aux termes duquel les Parties
demandent à la Cour de déterminerla frontière ainsi que le statut juridi-
que de l'île sur laase des critères que les Parties veulent retenir d'un
commun accord. L'intention initiale des Parties était de se fonder sur le
traitéanglo-allemand de 1890 qui aiderait àtracer une frontière le long
du fleuve Chobe dans la zone de l'îlede KasikiliISedudu. Je vais donc
présentanalyser ce traitéanglo-allemand de 1890.

2) L'importunce du trait; anglo-allemund de 1890
23. LeBotswana et la Namibie ne s'opposent pas du tout quant au fait

que ce traité de 1890loitêtreconsidéré comme undocument fondamen-
tal aux fins de la détermination de larontière entre les deux Etats. Je
commencerai par étudierle traitélui-même.
24. L'Allemagne, qui ne s'est guèreintéresséeà l'Afrique avant la fin
du XIXe siècle. est devenue un Etat colonial à I'é. .ueoù elle était
dirigéepar ~iskarck et, aux côtésd'autres pays européens,elle a parti-
cipéau découpage de l'Afrique. C'est pour régler lesquestions qui se
posaient au sujet de l'Afrique, et établir en particulier la doctrine juri-
dique de l'occupation du continent, que Bismarck a pris l'initiative de
convoquer la conférencede Berlin. L'acte généradle cette conférencede
Berlin est adoptéen 1885(mémoiredu Botswana, vol. II, annexe 1,p. 1).
En 1884, I'Allemagineplace sous son protectorat le Sud-Ouest africain
et en 1885,la Grande-Bretagne, aux termes d'une proclamation du haut
commissaire pour l'Afrique australe, fait du Bechuanaland un protecto-

rat britannique (mémoiredu Botswana, vol. II, annexe 3, p. 24). En 1889,
des négociations ont lieu entre la Grande-Bretagne et l'Allemagne, cel-
le-ci souhaitant se voir garantir le libre accèsau cours supérieurdu Zam-
bèze dans le cadre des intérêtscorrespondant à sa sphère d'influence
(mémoiredu Botswana, vol. II, annexe 4, p. 27; annexe 5, p. 29).
25. C'est ce traité anglo-allemand du 1" juillet 1890 qui définitcom-
ment il faut distinguer les sphères d'influence des deux Etats. Le traité
dispose notamment:

«Les soussignks
.............................
Après avoir examiné diverses questions concernant les intérêts
coloniaux de l'Allemagne et de la Grande-Bretagne, sont convenus
de ce qui suit au nom de leurs gouvernements respectifs:
.............................
En Afrique orientale, la sphèred'influence réservàe l'Allemagne
est délimitéeomme suit:1128 KASIKILI/SEDU IDLAND (SEP. OP.ODA)

2. To the east by a line.. [which]runs eastward along [the 22nd
parallel of south latitude] to the point of its intersection by the 21st
degree of east longitude; thence it follows that degree northward to
the point of its intersection by the 18th parallel ofth latitude; it
runs eastward along that parallel till it reaches the River Chobe;and
descends the centre of the main channel of that river to itsunction

with the Zambesi, where it terminates.
.............................
The course of the above boundary is traced in general accordance
with a Map officiallyprepared for the British Government in 1889."
(Anglo-German Treaty, Art. III, para. 2.) (Memorial of Botswana,
II, Ann. II, p. 185; Memorial of Namibia, IV, Ann. 4, p. 6.)

26. The 1890Treaty isan instrument which determined the respec-
tive spheres of influence of the Parties in thisgion of Africa but
which certainly did not fix national boundaries there between the

territories of Germany and Great Britain. The limit of the German
sphere of influence was fixed as the "centre of the main channel of
the Chobe River", but in that Treaty no concrete boundary line was
indicated in this geographically complex area. The determination of
theboundary, which would certainly have had the effect of determin-
ing the legal status of KasikiliISedudu Island, was at that time a
matter far removed from the actual purpose of the Treaty.

27. The 1889 map that purports to illustrate Article III of the
1890 Anglo-German Treaty (Memorial of Botswana, Appendix II,
Map 3) is, in my view, too reduced in scale to be of great assistance.
The course of the Chobe River on this map istaken directly from the
map prepared in 1881 by Dr. B. F. Bradshaw for the Royal Geo-
graphical Society. The Bradshaw map indicates certain geographical

features of the area and shows the northern and southern channels
of the Chobe River but, naturally, did not define any boundary
(Memorial of Namibia, V, Ann. 102, p. 35; Memorial of Namibia,
VI, Atlas 112)(Memorial of Botswana, Appendix II, Map 1)and has
no significance for the determination of the boundary in thisrea.

(3) The Meuning of "Main Chunnel" in the 1890 Treuty

28. A great many explanations have been given by both Parties con-
cerning the phrase "the centre of the main channel of [the Chobe River]"
in Article III of the 1890 Anglo-German Treaty. In particular, both
Parties have devoted a great deal of attention, especially during the oral
hearings, to the purported difference between this concept and that used 2. A l'est, par une ligne ...[qui] suit [le 22' parallèle de latitude
sud]jusqu'à son intersection avec le 21' degréde longitude est; puis
suit ce méridien versle nord jusqu'à son intersection avec le 18"
parallèlede latitude sud; suit ce parallèle vers l'estjusqu'au Chobe et
suit lecentre du chenal principal de cette rivièrequ'à son confluent
avec le Zambèze, où elle s'arrête.

.............................

Le cours de la frontière décrite ci-dessus est tracé d'une façon
généraled'après ilne carte établieofficiellement pour le Gouverne-
ment britannique en 1889.))(Traitéanglo-allemand, art. III, par. 2;
mémoire du Botswana, vol. II, annexe 11, p. 185 ;mémoire de la
Namibie, vol. IV, annexe 4, p. 6.)

26. Le traitéde 1890est un instrument qui a délimitédans cette
régiond'Afrique les sphèresd'influence respectivesdes Partiesmais
qui n'a certainement pas fixéde frontière nationale entre les terri-
toires de l'Allemagne et ceux de la Grande-Bretagne. La limite de
la sphère d'influence allemande a étéfixéecomme étant le ((centre
du chenal principal du Chobe», mais, dans ce traité, il n'a été
indiqué aucune ligne frontalière traversant cette zone géographi-

quement comp1ex.e.La détermination de lafrontière, qui aurait cer-
tainement eu pour effet de déterminer le statut juridique de l'île de
KasikiliISedudu ritaità l'époque tout à fait étrangèreà l'objet réel
du traité.
27. La carte dr: 1889 qui est censée illustrer l'articleIII du traité
anglo-allemand de 1890(mémoiredu Botswana, app. II, carte 3) est
établieà une échelletrop réduite. à mon avis, pour êtred'un grand
secours. Le cours du fleuveChobe sur cette carte est empruntédirec-
tement à la carte établieen 1891par B. F. Bradshaw pour la Royal
Geographical Society. La cartede Bradshaw indique certaines carac-
téristiquesgéogra.phiquesde la zone et montre les chenaux nord et
sud du Chobe mais, bien entendu, cette carte n'indique aucune fron-
tière(mémoire dela Namibie, vol. V, annexe 102,p. 35; mémoirede
la Namibie, vol. 'VI,atlas 112;mémoiredu Botswana, app. II, carte
1) et cette carte .n'apas d'importance pour la détermination de la
frontière dans ladite zone.

3) Le sens de 1'e.upression((chenalprincipul)) dans le truitéde 1890

28. Les Parties ont l'une et l'autre fourni beaucoup d'explications au
sujet de la formule «le centre du chenal principal [du Chobe] »qui figure
a l'article III du traité anglo-allemand de 1890. En particulier, les
Parties ont l'une et l'autre consacré beaucoup d'attention, notamment
au cours de la procédure orale, a la distinction qui est censéeexister1129 KASIKILI~SEDUDU ISLAND (SEP.OP. ODA)

in the other authentic text, the German one, which reads: "Thalweg des
Hauptlaufes dieses Flusses".

The concept expressed by the German language text and that expressed
by the English language text inay not be identical. The English word

"centre" is simply an expression used in geometry while the German
word "Thalweg" has some legal connotation. The fixing of the "centre"
of the main channel of the river is a matter to be determined by a geo-
grapher or a surveyor. In my view,however, the German delegation at the
negotiation of the 1890Treaty does not seem to have used the German
expression "Thaliveg" in order to give a meaning different from the Eng-
lish expression "centre" or inorder to give the word a legal sense.
As stated in the Judgment (para. 46), the original provision of this part
of the 1890Treaty, initialled by Lord Salisbury and by Count Hatzfeldt,
and transmitted to the British Foreign Officeas "Draft Articles of Agree-
ment" read:

"[The boundary] runs eastward ... till it reaches the River Chobe,
and descends the centre of that riverto itsjunction with the Zambesi,
where it terminates." (Memorial of Namibia, IV, Ann. 26, p. 121,
emphasis added.)

Afterwards the British side proposed the insertion of the words "the main
channel of' so that the sentence read "the centre of the main channel of
that river". That proposal was accepted by the German side and trans-
lated first as "in der Thul-Linie des Hauptlaufes dieses Flusses" and, in
the end, the word "Thal-Linie" was replaced with the word "Thalu~eg".
1 would like to point out that the Judgrnent clearly, and in my view quite
properly, states that "[tlhe German text is therefore a word-for-word
translation of the Britishproposal and follows the English text" (Judg-
ment, para. 46).
29. At al1events, the German words "Thalweg des Hauptlaufes" have
the same meaning as the English words "centre of the main channel".
The different interpretation of the German words that was given at the

oral pleadings does not convince me and 1fail to understand why the
Parties have given so much weight in their respective pleadings to a dis-
cussion ofthe word "Thaliveg"and why the Court, in a similar way, shows
so much concern with the use of and definition of this particular word
so extensively in so many parts of its Judgment (Judgment, paras. 21-27,
46, and 89). The word "Thalweg" appears more than 20 times in the
Judgment. 1 reiterate, the German expression is simply a translation of
the English original text. The "centre of the main channel" is the original
expression and reflects the idea of the negotiators of the 1890 Anglo-
German Treaty. In the latter part of the Judgment, the expression "Thal-
weg" is replaced by "line of deepest soundings"- which followsthe sug-
gestions of the Parties during the oral hearing - and this concept
appears in subparagraph (1) of the Judgment's operative part. 1 think
that the Court should have said in its operative part simply that the LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. IND.ODA) 1129

entre cette notion du texte anglais et celle qui figure dans l'autre version
faisant foi, le texte alllemand, qui se lit:((Thalweg des Hauptlaufes die-
ses Flusses».
Il est possible que l'idéequ'exprime la version allemande et celle
qu'exprime la version anglaise ne soient pas identiques. Le terme anglais

«centre» est tout simplement un terme géométrique,tandis que le terme
allemand (Thaliveg~ a une connotation juridique. Fixer le «centre» du
chenal principal du flr:uveest de la compétenced'un géographeou d'un
géomètre. A mon sens toutefois, la délégationallemande qui a négociéle
traitéde 1890ne me paraît pas avoir employéle terme allemand ((Thal-
weg» pour donner au texte un sens différentdu terme anglais «centre» ni
pour donner à ce terme un sens juridique.

Comme il est indiqluéau paragraphe 46 de l'arrêt,le texte initial de
cette partie du traitéde 1890,paraphé par lord Salisbury et par le comte
Hatzfeldt, tel qu'il a étécommuniqué au Foreign Office sous forme de
projet d'accord se lisa.itcomme suit:

«[La frontière]longe ce parallèle versl'estjusqu'au Chobe et suit
le centre de cefleuve jusqu'à son confluent avec le Zambèze, où il
s'arrête.» (Mémoire de la Namibie, vol. IV, annexe 26, p. 121 ; les
italiques sont de moi.)

A la suite de quoi la partie britannique proposa d'ajouter les mots «du
chenal principal)) de sorte que la phrase se lisait désormais«le centre du
chenal principal de ce fleuve)).La proposition a étéacceptéepar la partie
allemande et traduite d'abord sous la forme suivante: ((in der Thal-Linie
des Hauptluujes dieses Flusses» et, finalement, le terme ((Thul-Linie» a

été remplacé par le terme Thalweg. Je tiensà souligner que l'arrêtdéclare
clairement et, à mon sens, de façon tout à fait justifiée,que «[l]e texte
allemand est donc une traduction littéralede la proposition britannique
et suit le texte anglais))(arrêt, par. 46).
29. De toute façon, les termes allemands ((Thalweg des Hauptlaujes»
ont le même sensque les termes anglais ((centre du chenal principal».
L'interprétation différente dece texte allemand qui a étédonnéeau cours

des plaidoiries ne me convainc pas et je vois mal pourquoi les Parties ont
accordé tant d'impoirtance dans leurs écritures et leurs plaidoiries au
terme «Thalweg» et pourquoi la Cour, elle aussi, s'intéressesi longue-
ment, en de si nombreux endroits de son arrêt, à l'utilisation eà la défi-
nition de ce terme (arrêt,par. 21-27, 46 et 89). Le terme ((Thalweg)
apparaît plus de vingitfois dans l'arrêt.Je le répète, laformule allemande
ne fait que traduire Ir:texte initial anglais. Le texte initial est ((centre du

chenal principal)) et rend compte de ce que les négociateurs du traité
anglo-allemand de 1890avaient a l'idée.Dans la secondepartie de I'arrêt,
le terme ((Thulit,eg» est remplacépar «la ligne des sondages les plus pro-
fonds ))- comme l'ont suggéré les Parties lors de la procédure orale - et
cette notion figure au paragraphe 1)du dispositif de l'arrêt.J'estime pour
ma part que la Cour aurait dû secontenter de dire dans son dispositif que
la frontière entre le Botswana et la Namibie «suit le centre du chenalboundary between Botswana and Namibia "follows the centre of the
northern channel" rather than "follows the line of deepest soundings in
the northern channel".

30. It is clear to me that there was nothing in the minds of the officiais
who negotiated the 1890Treaty that could indicate that they had decided
that the separation line between their respective spheres of influence
should be anything other than the centre of the "main channel" of the
Chobe River. The concept of "channel" is a strictly scientific issue.How-
ever, what constitutes "the main" channel is subject to a degree to inter-
pretation. The concept of the "main channel" may well be defined by
various criteria such as the breadth of the river, the depth of the water,
the volume of waterflow, bed profile configuration, and so forth, as
suggested in certain scientific works of reference (Judgment, paras. 29
and 30). The Judgment properly states that there is "[not] one single cri-
terion in order to identify the main channel of the Chobe" (para. 30).

31. 1 submit that the fact that the original English text, namely the
term "centre of the river", was replaced by the term "centre of the main

channel of the river" and, in the German text, the word "Thalcveg"was
used to mean the "centre" of the main channel, might be interpreted as
reflecting aninterest on the part of the parties to the 1890Treaty, in their
choice of the Chobe River as the boundary, in the navigation potential of
that River, thus gaining access to the Zambezi River. It should, however,
be noted that it was not known at that time whether navigation through
the Chobe River was feasible. It was merely of potential interest to each
side. This is properly noted in the Judgment (paras. 40 and 44). Since
there existed no immediate interest in navigating the Chobe River, and
given that the hydrological condition of the river was unknown, the
parties to the 1890 Treaty - without thereby seeking to delimit the
boundary - employed the phrase "centre of the main channel" with a
view to the nuvigubility of the river, but in purely theoretical terms.

Subject to some minor exceptions, the Chobe River has to date not
been navigated for transportation purposes. If the "main channel" should
be considered in terms of navigability, then the Court would have diffi-
culty in choosing between the northern and the southern channel as a
boundary, since neither of those two channels has in the past or at the
present time satisfied the conditions of navigability in a substantive or
commercial sense.
32. If, however, the Court is to decide the boundary in terms of the
"main channel" of the river, in whatever manner the words in the 1890
Treaty might have been interpreted at that time, then it can proceed to
find the whereabouts of the main channel in the general sense. For this
purpose the Court needs the assistance of a hydrological expert and ÎLE I)E KASIKILI~SEDUDU (OP.IND.ODA) 1130

nord» au lieu de dire qu'elle«suit la ligne des sondages les plus profonds
dans le chenal nord».

30. Il est pour moi évidentque les négociateurs officiels du traité de
1890 n'avaient rien à l'esprit qui indiquât qu'ils avaient décidéque la
ligne de séparation entre leurs deux sphères d'influence serait quelque
chose de plus que le centre du «chenal principal)) du fleuve Chobe. La
notion de «chenal» est purement scientifique. Mais ce qui constitue le
chenal «principal» prête à interprétation jusqu'à un certain point. La
notion de ((chenal principal)) peut fort bien se définirsuivant différents
critères, par exemple la largeur du fleuve, sa profondeur, le débit, la
configuration du fond du fleuve, etc., comme le donnent à entendre cer-
tains ouvrages scientifiques de référence(voir les paragraphes 29 et 30
de l'arrêt). LaCour dit fort justement dans l'arrêtqu'il n'existe «[pas]
un seul et unique critère pour identifier le chenal principal duChoben

(par. 30).
31. A mon avis, le fait que le texte anglais initial, c'est-à-dire I'expres-
sion «centre du fleuve)),a été remplacépar l'expression«centre du chenal
principal du fleuve)) et que, dans la version allemande, c'est le terme
«Tl1uliveg» qui a étéutilisépour traduire le «centre)) du chenal principal
peut être interprété comme signifiant que les parties au traitéde 1890,en
choisissant le fleuve Chobe comme délimitant la frontière entre elles,
s'intéressaientaux possibilitésde navigation sur ce fleuve, c'est-à-dire
l'accèsau Zambèze. Mais ilconvient de noter que l'on ne savait pas à
I'époquesi le Chobe était intégralement navigable. Il s'agissait simple-
ment pour chacune des parties d'un intérêt potentiel. L'arrêetn prend
trèsjustement note (par. 40 et 44). Comme les parties au traitéde 1890ne
s'intéressaientpas immédiatement à la navigation sur le Chobe, et étant
donnéque la situation hydrologique du fleuve n'étaitpas connue, elles
ont donc, sans pour autant chercher a délimiter la frontière, employé la

formule ((centre du chenal principal)) en songeant à lanavigabilité du
fleuve, mais d'un point de vue purement théorique.
A quelques exceptions mineures près,le Chobe n'ajusqu'à présentpas
servià une navigation de transport. S'ilfallait distinguer le «chenal prin-
cipal)) par sa navigabilité, laCour aurait alors du malsituer la frontière
soit dans le chenal nord soit dans le chenal sud car aucun de ces deux
chenaux n'a, ni autrefois ni aujourd'hui, répondu aux conditions de navi-
gabilitéentendue au fond ou bien au sens commercial.

32. Si toutefois la Cour doit déterminer la frontièresous la forme du
((chenal principal)) du fleuve, quelle que soit la façon dont l'énoncédu
traitéde 1890ait pu i3treinterprétéà I'époque,elle peut alors chercher où
se situe le chenal principal entendu en un sens général. A cette fin, la
Cour a besoin du concours d'un expert en hydrologie et elle aurait dû1131 KASIKILI~SEDUDU ISLAND (SEP.OP.ODA)

should have sought the help of a specialist in this subject, either as a
ness or as an expert to be called by the Court, who could, first, inform the
Court what criteria were most suitable for the definition of the main
channel in this particular geographical situation and, second, which of

the two channels would in realitymeet those criteria.
Instead the Court has, in one way or another, dealt with the views
expressed by scientists or specialist members of the opposing teams of the
Parties. The views ofthese scientists or specialists are at times contradic-
tory. The Court has, in fact, determined the northern channel as the
"main channel" without the benefit of an expert opinion obtained from
an independent person. It has relied upon its own interpretation of the
geographical and scientific criteria, and hasme to its own conclusion
that "in accordance with the ordinary meaning of the terms that appear
in the pertinent provision of the 1890Treaty, the northern channel of the
River Chobearound KasikiliISedudu Island must be regarded as its main
channel" (Judgment, para. 41). Although, in my view,the Court has not

dealt correctly with thisatter, which involves scientific, hydrographic.
potamological or topographical issues,1am, however, not in a position
to state that the Court'secision is incorrect.

(4) HOM' Hus the "Main Channel" been Recognized on Vurious
Occasions in the Past?

33. In order to determine at present the boundary between Botswana
and Namibia it is extremely important to ascertain how this mainchan-
ne1of the Chobe River, as referred to in Article III (2)of the 1890Treaty,
has been recognized in the past. 1will devote a separate part of this

opinion to a discussion of thistter. These past practices are extensively
referred to in the Judgment but from a totally different aspect.

IV. "ON THE BASIS OF THE RULES AND PRINCIPLE OF
INTERNATIONL AALW"

34. The Court is requested to make a determination "on the basis of'
not only the 1890 Treaty but also "the rules and principles of interna-
tional law"(compromis, Art. 1).As 1 stated above, these words are inter-
preted in thecompromis as meaning the "general principles of law recog-

nized by civilized nations", as provided in Article III of the compromis. It
may be noted that this interpretation, stated in Article III of theo-
mis, was quite new and was not mentioned in the work of the JTTE
which constituted the basis of the compromis. 1 have to ask myself
whether the Parties to thecompromis really intended to limit the inter-
pretation of the wording in Article 1to the meaning stated in Article III. LE IIE KASIKILI~SEDUDU (OP.IND.ODA) 1131

requérir les servicesd'un spécialiste,soit à titre de témoin soit à titre
d'expert, qui aurait pu d'abord lui dire quels critères il était le plus
indiquéd'utiliser pour définirle chenal principal dans ce contexte géo-
graphique particulier et qui lui aurait dit ensuite lequel des deux chenaux

allait en réalité remplir cescritères.
Au lieu de quoi laCour a d'une façon ou d'une autre pris en considéra-
tion les vues expriméespar les scientifiques ou les spécialistes mobilisés
par les équipesopposées desParties. Or, ces scientifiques ou spécialistes
ont des avis parfois contradictoires. La Cour a en fait établi que c'est le
chenal nord qui est 11:«chenal principal)) sans avoir bénéficiéd'un avis
d'expert formulépar une personne indépendante. La Cour s'est fondée
sur sa propre interprktation des critères géographiqueset scientifiques et
a abouti elle-même àla conclusion que «le chenal nord du Chobe autour
de l'îlede KasikiliISedudu doit être considéré comme son chenap lrinci-
pal suivant le sens ordinaire des termes figurant dans la disposition per-
tinente du traitéde 1890))(arrêt, par.41). A mon avis, la Cour n'a pas

traité comme il aurait fallu cette question qui revêt desaspects scienti-
fiques, hydrographiques, potamologiques ou topographiques, mais je
ne suis toutefois pas en mesure de dire que la décisionde la Cour est
erronée.

4) Conrment le rchenal principal)) u-t-iété reconnu ù diverses
reprises dans lepassi.?

33. Pour déterminer actuellement où se situe la frontière entre le
Botswana et la Namibie il importe au plus haut point d'établir comment
ce chenal principal du Chobe dont il est fait état à l'article III, para-
graphe 2 du traitéde 1890,a étédans le passéreconnu comme tel. Je vais

consacrer une sectioindistincte de la présenteopinion a cette question.
Ces pratiques antérieures sont abondamment évoquéesdans l'arrêt,mais
sous un aspect totalement différent.

IV. «SUR LA BASE DES RÈGLES ET PRINCIPES
DU DROIT INTERNATIONAL))

34. La Cour est priéede statuer «sur la base» non seulement du traité
de 1890mais aussi d'es«règleset principes du droit international)) (com-
promis, art. 1). Comme je l'ai dit plus haut, ces termes sont interprétés
dans le compromis lui-mêmecomme correspondant aux ((principes géné-

raux de droit reconnus par les nations civilisées)), ainsi que l'indique
l'article III du compromis. Il y a lieu de noter que cette interprétation qui
figure ainsià l'article III du compromis étaitnouvelle et ne figurait pas
dans les travaux de l'équipe mixte à partir desquels le compromis a été
élaboré.Je dois donc:me poser la question de savoir si les Parties au com-
promis ont effectivement eu l'intention de limiter l'interprétation de
l'énoncéde l'article I acelle qui figure a l'article III.1132 KASIKILI/SEDU IDLAND (SEP.OP.ODA)

35. If, as theomprornissuggests, one takes the words "the rules and

principles of internationalw" to mean the "general principles of law
recognized by civilized nations",en the argument as to whether "pre-
scriptive title" was acquired, on whatever basis, in connection with the
legal status ofasikiliISedudu Island, would be relevant. The Court is
quite justified intaking up the issue of the doctrine of prescription in this
regard (Judgment,paras. 94-99).The Court concludes, however, thatl-
tivation by the Masubia people or the occasional exerciseof authority in
one way or another over the Island would not have constituted a basis
for acquisitive prescription and reaches a negative conclusion on this

point (Judgment, para. 99). fully agree with the Court's conclusion on
this point.
36. What other "general principles of law recognized by civilized
nations" couldthen have been suggested as a basis for the Court's deter-
mination of the matter? 1seeno reference in the arguments of the Parties
to this element.find no reason to take "the rules and principles of inter-
national law" as a basis for the Court's determination, as distinct from
the 1890Anglo-German Treaty.

V. How THE "MAINCHANNEL" OF THE CHOBE RIVERWASRECOGNIZED
IN PASTPRACTIC END HOWTHATWOULD ASSIST THE COURT TO
DETERMIN THE BOUNDAR YLONG THE CHOBE RIVER

37. As 1have stated in paragraph 33 above, it is necessary to examine
how the boundary of the Chobe River and the status ofasikiliISedudu
Island have been viewed at varying times in the past by the respective

authorities in the area in the maps, in certain relevant documents or even
in certaintlractices.
These documents and practices are referred to extensively inthe Judg-
ment, but rather from the standpoint of whether they constitute "any
agreement relating to the treaty which was made betweenl1the parties
in connexion with the conclusion of the treaty"dlor "any instrument
which was made by one or more parties in connexion with the conclusion
of the treaty and accepted by theother parties asan instrument related to
the treaty" as provided for in the Vienna Convention on the Law of
Treaties (Art. 31, para. 2 (a),(b)), for purposes of interpretation of the

1890 Anglo-German Treaty (Judgment, paras. 47-70, 75 and 78). The
Judgment makes many references to the Vienna Convention and con-
cludes generally that the practices to which it refers extensively, and
which 1 quote later in this section, constitute neither "subsequent agree-
ment" nor "subsequent practice" in terms of that Convention (Judgment,
para. 79).
38. On this point, 1am afraid that 1cannot share the viewtaken in the
Judgment that these practices, maps and documents are relevant purely
for thepurpose of interpretation of the 1890Treaty. In my view,the rele- 35. Si, comme le compromis le donne à penser, il faut entendre les ter-
mes (règleset principes du droit international))comme ayant le sens des

((principesgénéraux dedroit reconnus par les nations civilisées»,il serait
alors utile pour établir le statut juridique de l'île deasikiliISedudu de
chercher à savoir s'il a eu, pour une raison ou pour une autre, acquisi-
tion d'un ((titre par prescription». La Cour a tout à fait raison d'exami-
ner à cet égardla doctrine de la prescription (arrêt, par.94-99). La Cour
conclut toutefois que la culture pratiquée sur l'îlepar les Masubia ou les
actes occasionnels d'autorité étatiquequi ont étérelevésn'auraient pas
fondél'acquisition d'un titre par prescription sur l'îleet elleaboutit sur ce
point a une conclusion négative(arrêt,par. 99). Je souscris sans réserve à
cet égard à la conclusion de la Cour.
36. Quels autres «principes généraux dedroit reconnus par les nations
civilisées» peuvent-ilsalors avoirétésuggérés à la Cour pour fondement

de sa décision?Je constate que les Parties n'ont pas du tout plaidésur ce
point. Je ne vois donc aucune raison pour la Cour de se fonder sur les
((règles et principes du droit international)) par opposition au traité
anglo-allemand de 1890.

37. Comme je l'ai dit au paragraphe 33 ci-dessus, il y a lieu d'étudier
comment la frontière du Chobe et le statut de l'îlede KasikiliISedudu ont

été établidsans le passé a différentesépoquespar les autoritésrespectives
de la région, d'après les cartes, d'après certains documents pertinents,
voire d'aprèscertaines pratiques.
Il s'agit de savoir si ces documents et pratiques constituent,aux fins de
l'interprétation du traité anglo-allemand de 1890, «[un] accord [quel-
conque] ayant rapport au traité ..qui est intervenu entre toutes lesparties
a l'occasion de la conclusion [du] traité))etlou «[un] instrument [quel-
conque] établi par une ou plusieurs parties à l'occasion de la conclusion
du traité et acceptépar les autres parties en tant qu'instrument ayant
rapport au traité))comme l'énonce laconvention de Vienne sur le droit
des traités(art. 31, par.2 a), 6); arrêt,par. 47-70, 75 et 78). L'arrêt fait
souvent étatde la convention de Vienne et aboutit à la conclusion géné-

rale que les pratiquirs qu'il évoque abondamment et que je vais citer
dans la présentesection ne constituent ni «un accord ultérieur)) ni une
((pratique ultérieure))au sens de ladite convention (arrêt,par. 79).

38. Sur ce point, je crains de ne pas pouvoir partager le sentiment de la
Cour pour qui lesdites pratiques, cartes et documents ne présentent
d'intérêq tue pour l'interprétation du traitéde 1890. A mon avis, la Courvant facts and activities may usefully be considered by the Court as an
aid to determining the boundary of the Chobe River and the legal status
of the Island, but not for the purpose of the Court's interpretation (with
regard to the Vienna Convention on the Law of Treaties) of the 1890
Treaty. In my view, these past practices themselves constitute a decisive
factor enabling the Court to determine the boundary between Botswana
and Namibia along the northern channel of the Chobe River.
In the part of my opinion that follows, 1refer to several incidents and
quote from the early documents. Those references are, to a great extent,
the same as those cited in the Judgment but 1 include them nevertheless
as, from my standpoint, they are of great importance.

(2) Treutment of Mups

39. 1should like to add a fewwords on the significancein this particu-
lar case of a number of maps of the region produced since 1890and pre-
sented to the Court by the Parties. 1count as many as 52. 1have grave
doubts as to whether the existence of so many maps in this case willbe of
help in finding a solution to this matter. Some of the maps indicate the
width of the northern channel and of the southern channel around
KasikiliISedudu Island, and are thus useful in providing some geographi-
cal details of the region. However, some of the cartographers have gone
so far as to indicate on their maps a "boundary", which could be inter-
preted as being a political boundary between the northern and southern
banks of the Chobe River.
40. The Judgment develops the view of the Court regarding the vari-
ous maps of this area submitted to it and the Court properly considers
that itis "itself unable to draw conclusions from the map evidence pro-
duced in this case" (Judgment, para. 87). 1share the Court's view in this

regard. 1 should, however, like to make some general comments on these
maps, as follows.
First, some maps were simply reproduced from a previous edition
without any additional survey having taken place.

Secondly, the Chobe River region had, before 1890, been explored by
certain individuals, amongst them Selous and Livingstone, but obviously
the maps they produced did not show any political boundary. A map
produced by a relevant government body may sometimes indicate the
government's position concerning the territoriality or sovereignty of a
particular area or island. However, that factalone is not determinative of
the legal status of the area or island in question. The boundary line on
such maps may be interpreted as representing the maximum claim of the
country concerned, but does not necessarilyJustify that claim.

Thirdly, a claim to territory can only be made with the clear indication LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. IND.ODA) 1133

peut utilement examiner les faits et activitéspertinentes qui l'aideront

déterminer la frontière du Chobe et le statut juridique de I'îlemais non
les utiliser aux fins d'interpréter le traitéde 1890(du point de vue de la
convention de Vienne sur le droit des traités).A mon avis encore, cespra-
tiques antérieures constituent en soi un élément éterminant qui permet à
la Cour de situer la frontière entre le Botswana et la Namibie le long du
chenal nord du Chobe.
Dans la partie denion opinion qui suit, j'évoque plusieurs incidents et
je cite les documents;anciensdont nous disposons. Je ne fais que répéter
là, le plus souvent, les citations de la Cour elle-mêmedans son arrêtmais
je tiens à ces citations car,à mon avis, elles revêtent uneimportance
majeure.

2) Examen des cartes

39. Je tiens aussià1ajouter quelques mots sur l'importance qu'il faut
attacher en l'espèce à1un certain nombre de cartes de la région établies
depuis 1890 et présenitéesà la Cour par les Parties. Sije compte bien, il
n'existe pas moins dle cinquante-deux cartes. Mais je doute vraiment
beaucoup que l'existence d'un si grand nombre de cartes en l'espèce
puisse aider àrésoudrela question. Certaines cartes indiquent la largeur
du chenal nord et celle du chenal sud à la hauteur de I'îlede Kasikilil
Sedudu et sont donc utiles puisqu'elles donnent quelques détails géogra-
phiques sur la région. Mais certains des cartographes ont étéjusqu'à
indiquer une «frontii:re» sur leur carte, ce qui peut s'interpréter comme
étant une frontière politique entre les rives nord et sud du Chobe.

40. La Cour indique dans l'arrêt commentelle considère les diverses
cartes de la région qui lui ont été soumises etindique fort justement
qu'elle«ne s'estime pas à mêmede tirer des conclusions du dossier car-
tographique produit en l'espèce))(arrêt, par.87). Je partage sur ce point
le sentiment de la Cour mais je tiens néanmoins à formuler quelques
observations généralessur lesdites cartes.
J'observe en premier lieu que certaines cartes ont purement et simple-
ment été reproduites à partir d'une édition antérieuresans qu'il ait été
procédéau moindre levésupplémentaire.
J'observe en deuxiémelieu que la régiondu Chobe avait étéavant 1890
explorée par certaines personnes, dont Selous et Livingstone, mais les
cartes établiespar ces personnalités n'indiquaient aucune frontière poli-

tique. La carte émanant d'un organe officielcompétent peut parfois indi-
quer quelleest la posiitiondu gouvernement en question sur l'appartenance
territoriale d'une certaine régionou d'une certaine île ou la souveraineté
exercéesur ladite région ou île. Toutefois, ce faità lui seul ne déter-
mine pas le statut juridique de la zone ou de I'îleen question. La ligne
correspondant à la frontière indiquéesur ces cartes peut être interprétée
comme représentant l'étendue maximaledu territoire revendiqué par le
pays en question mais nejustifie pas nécessairementladite revendication.
J'observe en troisiémelieu qu'une revendication territoriale ne peut être1134 KASIKILI/SEDU IDLAND (SEP.OP.ODA)

of a government's intention, which may be reflected in maps. A map on
its own, with no other supporting evidence, cannot justify a political
claim. In this particular case, despite the existence of so many maps and

despite the considerable discussion by both Parties on the subject of their
interpretation, in the final analysis,al1 of this is in my view utterly
irrelevant.

41. To my mind, the drawing of a political boundary is not a task for
a cartographer unless he has been given a clear indication of its place-
ment. No great weight should be given to any boundury depicted by such
maps.
The Parties included in their oral presentation a list indicating which,
of the large number of maps, placed the boundary either to the north or
to the south. This, in my view, was at best an exercise in futility and at
worst absurd.

(3) The Geographical Conditions of the Area Surrounding
KasikililSedudu Island and the Political und Social Situationoj
the Island up to the Middle of This Century

42. This area was essentially unknown before the conclusion in 1890
of the Anglo-German Treaty, except for the report of Livingstone's expe-
dition, "Missionary Travels and Researches in South Africa" (Memorial
of Namibia, V, Ann. 129, p. 197; Memorial of Namibia, 1,p. 23), the
report of the explorer Selous in 1874(referred to, but not fully quoted, in
Memorial of Namibia, V, Ann. 138, p. 229), and the Schulz-Hammar
report of 1884, "The New Africa - A Journey up the Chobe and down

the Okovanga Rivers" (referred to, but not fully quoted, in Memorial of
Namibia, V. Ann. 137, p. 227). As far as1 can tell, none of these reports
refers to the existence of an island now known asKasikiliISedudu Island.

43. Whether at that time KasikililSedudu Island was submerged dur-
ing the rainy season or whether there was any continuous flow of water
throughout the year is not known. Some explanation has been given by
the scientists engaged by the Parties to this case but their explanations
differed, nor was it altogether clear whether they were talking about the
situation a hundred years ago or at the present time. At any rate, the
facts they presented were not explained to the Court by a witness or by
an expert who had made the required solemn declaration. The fact

appears to be that there existed no reliable topographical description of
this area at that time. It is extremely difficult to ascertain from any exist-
ing available information the geographical situation of this region,
namely, KasikililSedudu Island and the surrounding area of the Chobe
River. LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. IND.ODA) 1134

formuléeque sous la forme d'indications claires en ce qui concerne les

intentionsde 1'Etatconcerné, etcesindications peuvent êtreportéessur des
cartes. Mais, à elles seules, en l'absence de toute autre présomption, une
carte ne saurait justifier une revendication politique. En l'espèce,malgré
l'existenced'un si graindnombre de cartes et malgréla place considérable
que les deux Parties ont consacrée à leur interprétation,j'estime en der-
nière analyseque toute cette discussion n'a strictement aucune pertinence.
41. A mon sens, ce n'est pas à un cartographe qu'il incombe de tracer
une frontière politiq~ieà moins qu'on ne lui indique très clairement où
elle se situe.l riefaut.pas accorder beaucoup de poids à une quelconque
frontiPrequi serait ainsi portée surces cartes.

Dans leurs exposésoraux, les Parties ont présenté une listeindiquant
quelles étaient, parrni les nombreuses cartes disponibles, celles qui
situaient la frontière au nord et celles qui la situaient au sud. Je dirais,
pour porter un jugement clément,que l'exerciceétaitvain; sije veux être
plus sévère,jedirais qu'il était absurde.

3) La gkographie de la zone entourant l'île de Ka.rikililSedudu
et la situution politique et sociude l'île

jusqu'uu milieu du XP siPcle
42. Avant la conclusion du traitéanglo-allemand de 1890,cette région

était pour l'essentielinconnue, exception faite du rapport de l'expédition
de Livingstone intitill«Missionury Travrls and Researches in Soutll
Africa)) (mémoire dela Namibie, vol. V, annexe 129,p. 197; ibid, vol.1,
p. 23), le rapport de l'explorateur Selous datant de 1874 (évoqué mais
non pas intégralement cité dans le mémoire de la Namibie, vol. V,
annexe 138,p. 2291,ietle rapport Schulz-Hammar de 1884,intitulé« The
Neli, Afiicu- A Jouipneyup the Chobe und dom the Okovanga Rivers))
(évoquémais non pas intégralementcitédans le mémoirede la Namibie,
vol.V, annexe 137,p. 227).Pour autant queje puisse le dire, aucun de ces
rapports ne parle de I'existenced'une île connue aujourd'hui sous le nom

d'île deKasikiliISediidu.
43. On ne sait pas si à l'époque,l'île de KasikiliISedudu était sub-
mergéependant la saison des pluies ni si l'eau du fleuve coulait de façon
ininterrompue pendant l'annéetout entière. Les scientifiques dont les
Parties ont engagéles services en l'espèceont donné quelques explica-
tions, mais celles-ci divergent, et ne font pas non plus apparaître claire-
ment si leurs auteurs. parlent de laituation telle qu'elle se présentaiyil
a cent ans ou bien clela situation aujourd'hui. De toute façon, les faits
présentésn'ont pas <Stéexpliqués à la Cour par un témoinou un expert
ayant fait la déclaration solennelle requise. Le fait est, semble-t-il, qu'il

n'existait aucune dlescription topographique fiable de la région à
I'époque.II est extriimement difficile d'établird'après l'une quelconque
des informations disponibles aujourd'hui quelle est la situation géogra-
phique de la région, c'est-à-direde l'îledeKasikiliISedudu et de la zone
environnante du fleuve Chobe. 44. It appears to me that, in the oral and written pleadings in this case,
the Parties have, in the main, concentrated on the interpretation of the
terms contained in the 1890Treaty (such as the "centre of the main chan-
ne1of the river") but have not greatly discussed the political and social
status or situation of the north and south banks of the Chobe River.
45. Germany, which in 1884placed South West Africa under its Pro-
tectorate, was greatly concerned about access from the direction of the
Ngami Lake to the east towards the Zambezi River and had not even the
slightestinterest in exercising control over a small island in the Chobe
River. Great Britain, on the other hand, had in 1885placed Bechuana-
land under its Protectorate and put the region under the control of the

Governor of British Bechuanaland.
Germany made no territorial claim, not even over the Eastern Caprivi
Strip to the north of the Chobe River, and the first presence ofa German
administration in this region was in 1909 after the establishment of the
office of the German Governor in South West Africa in 1908at Wind-
hoek. The de facto authority of Great Britain existed in Caprivi until
1914. It is assumed that, at that time, Great Britain's control of the
region extended northwards beyond the Chobe River.

46. During the First World War, Eastern Caprivi, which had been
under German administration, was occupied by the British Army mobi-
lized from South Rhodesia and was placed under the authority of the
District Commissioner of the Bechuanaland Protectorate in Kasane
(Memorial of Namibia, 1,p. 93). In 1919,after the First World War, the
Union of South Africa became the administering power for the whole of
present-day Namibia under the mandate of the League of Nations -
which means, if 1may say so, that the Union of South Africa was under
British influence, albeit indirectly. In the period 1915-1929Caprivi was
administered by the Bechuanaland administration on behalf of the Gov-

ernment of the Union of South Africa. No objection was raised to the
cultivation of KasikiliISedudu Island by Caprivi tribesmen.

The difference in status between the area to the north and the area to
the south of the Chobe River did not actually cause any practical diffi-
culties in this post-war period; these arose only after the Second World
War. It is reported that the British Policepatrolled both the northern and
southern banks as peace officers.
47. A report (the Eason Report) produced by Captain Eason of the
police of the Bechuanaland Protectorate (Great Britain) on 5 August
1912,entitled "Report on the main channel of the Linyanti (or Chobe)
river" (frequently cited in the Judgment, in paras. 33, 42. and 52-55),
gives some geographical description of the area (Memorial of Namibia,
IV, Ann. 47, p. 173; Memorial of Botswana, III, Ann. 15, p. 225). This
Report states that "[hlere [Captain Eason] consider[s] that undoubtedly
the North should be claimed as the main channel" (emphasis added)
and, in the sketch-map attached to this report, the northern channel ÎLE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. IND. ODA) 1135

44. Il me semble que, dans leurs plaidoiries comme dans leurs écri-
tures, les Parties se sont principalement attachéesinterpréter les termes

du traitéde 1890(par exemple, «le centre du chenal principal du fleuve)))
mais n'ont pas beaucoup étudiéle statut ni la situation politique et
sociale des rives nord et sud du Chobe.
45. L'Allemagne qui, en 1884,a placéle Sud-Ouest africain sous son
protectorat, s'intéressait au plus haut point à la possibilité d'accéder,
depuis le lac Ngami à la région situéeà l'est, c'est-à-dire au Zambèze, et
ne cherchait vraiment pas du toutà placer sous son contrôle une petite île
située dans le Chobe. Par ailleurs, la Grande-Bretagne avait en 1885
placéle Bechuanaland sous son protectorat et soumis toute la régionau
contrôle du gouverneur du Bechuanaland britannique.
L'Allemagne n'aformuléaucune revendication territoriale, pas même

sur la bande orientale du Caprivi au nord du Chobe, et c'est en 1909que
I'administration allemande s'est manifestéepour la première foisdans la
région à la suite de la création del'officedu gouverneur allemand au Sud-
Ouest africain en 1908, à Windhoek. Au Caprivi, la Grande-Bretagne a
exercéde facto son autoritéjusqu'en 1914.On présumequ'à l'époque, la
Grande-Bretagne étendaitvers le nord son contrôle de la régionau-delà
du Chobe.
46. Pendant la prernièreguerre mondiale, le Caprivi oriental, qui avait
étésous administration allemande, a été occupépar l'arméebritannique
qui s'est déplacéedepuis la Rhodésiedu Sud et a été placé sous l'autorité
du commissaire de district du protectorat du Bechuanaland à Kasane
(mémoire dela Namibie, vol. 1,p. 93). En 1919,à la suite de la première

guerre mondiale, I'Unjon sud-africaine est devenue la puissance admini-
strante de la totalitédu territoire de la Namibie actuelle, placésous man-
dat de la Société desNations - ce qui signifie,sije puis dire, que l'Union
sud-africaine étaitsouisinfluence britannique, bien que cette influence fût
indirecte. De 1915à 1929,leCaprivi a étéadministrépar I'administration
du Bechuanaland au nom du gouvernement de l'Union sud-africaine.
Personne n'émitalors d'objection à l'encontre de la mise en culture de
l'îlede Kasikili/Seduclu par des membres des tribus du Caprivi.
La différencede statut entre la région situéeau nord et la régionsituée
au sud du Chobe n'a pas vraiment suscité lamoindre difficultéconcrète
au cours de cette après-guerre; lesdifficultésn'ont surgi qu'à la suite de la
seconde guerre mondiale. On dit que la police britannique patrouillait sur

les deux rives, nord et sud, pour faire régner la paix.
47. Un rapport, communément appeléle rapport Eason, établi par le
capitaine Eason de la police du Bechuanaland (Grande-Bretagne) le
5 août 1912 et intitulé ((Rapport concernant le chenal principal du
Linyanti (ou Chobe)» (fréquemment cité dans l'arrêt, aux para-
graphes 33,42 et 52 à 55), donne quelques indications géographiques sur
la zone (mémoirede la Namibie, vol. IV, annexe 47, p. 173; mémoiredu
Botswana, vol. III, annexe 15, p. 225). D'aprèsce rapport, ((là, [le capi-
taine Eason] considère que c'est sans aucun doute lechenal nord qui doit
être considéré comme le chenal principal)) (les italiques sont de moi) et,1136 KASIKILI~SEDUDU ISLAND (SEP. OP. ODA)

was, from a geographical point of view, taken as being the main
channel.

Since that 1912report, there seems to have been no reliable report of
thisregion until the Trollope-Redman report prepared in the mid-1940s,

to which 1will refer later.

(4) The Confrontation in the 1940s betiveen 111Autllorities of the
Union oj'Soutlz Africu und tlze British High Comrnissioner's Of$ce jor

the Bechuanaland Protectorate

48. After the Second World War, despite the termination of the man-
datory system of the League of Nations, the Union of South Africa did
not acquiesce in transforming this mandatory area to the new system of
Trusteeship under the United Nations. Thus, the separation or friction
between the régimescontrolling the territories of the Union of South
Africa (which became a Republic and left the Commonwealth in 1961)
and the British Protectorate of Bechuanaland became apparent. It is
only since that time that the question of the boundary between the two

entities mentioned above, including the status of KasikiliISedudu Island,
emerged.

49. In 1940Major L. Trollope, the Magistrate for the Eastern Caprivi
Zipfel (hereinafter "Strip") (to the north of the Chobe River), surveyed
this area with the co-operation of the Bechuanaland Protectorate police
in Kasane (to the south of the Chobe River) and submitted his report on
the administration of the Eastern Caprivi Strip to the Secretary for
Native Affairs in Pretoria (Memorial of Namibia, IV, Ann. 58, p. 229).
No mention was made of Kasikili/Sedudu Island in that report.

50. Nearly ten years later, in 1948,an exchange of letters took place
between the Office of the Magistrate in Windhoek, Caprivi Strip (to the
north of the Chobe River), and the British Authorities in Kasane (to the

south of the Chobe River), concerning the international status of this
region, including KasikiliISedudu Island. Major Trollope (Magistrate for
the Eastern Caprivi Strip) addressed aletter on3 January 1948to Mr. V.
Dickinson (District Commissioner in Maun, Bechuanaland), entitled
"Channel between Kasikili Island and Kabuta and Kasika Villages",
referring to the application by a Mr. Ker for permission to transport
timber through the northern channel (Memorial of Namibia, IV,
Ann. 59, p. 262) (see Judgment, paras. 40 and 56).

51. A few weeks later, a report dated 19January 1948wasjointly pre-
pared by Major Trollope and Mr. N. V. Redman ([Assistant] District
Commissioner at Kasane, Bechuanaland Protectorate), entitled "Joint
Report on the boundary between the Bechuanaland Protectorate and thed'aprèsla carte sous forme de croquisjointe au rapport, le chenal nordest
effectivement indiquédu point de vue géographique comme étantle che-
nal principal.
Depuis ce rapport de 1912,il n'y a pas eu, semble-t-il, de rapport fiable
sur la régionjusqu'au rapport Trollope-Redman établi au milieu des
années40, dont je parle un peu plus loin.

4) La confrontation, pendant les années quarante, entreles autoritésde
l'Union sud-ufricuine et les services du haut commissaire britannique
chargéciuprotectorat du Bechuanaland

48. A la suite de la seconde guerre mondiale, bien que le régime des
mandats de la Société desNations ait pris fin, l'Union sud-africaine n'a
pas acceptéque ce régimesoit transformé et devienne le nouveau régime
de tutelle sous l'égidede l'organisation des Nations Unies. C'est alors
que se manifestent la scission ou les frictions entre les régimesexerçant
leur contrôle sur les territoires de'Union sud-africaine (laquelle accède
au statutde Républiqueet quitte le Commonwealth en 1961),d'une part,
et, de l'autre, le protectorat britannique du Bechuanaland. Ce n'est que
depuis cette époqueque se pose la question de la frontière entre les deux
entitésci-dessus et que cette question s'étenda celle de savoir quel est le
statut de I'îledeKasi'kiliISedudu.
49. En 1940, le major L. Trollope, qui est le magistrat chargé de la
partie orientale de la bande de Caprivi (ci-après dénomméela «bande»)
(vers le nord du Chobe), procède à un relevéde la zone avec le concours
de la police du protectorat du Bechuanaland de Kasane (vers le sud du

Chobe) et présente sonrapport sur l'administration de la partie orientale
de la bande de Caprivi au secrétaireaux affaires autochtones de Pretoria
(mémoire dela Namibie, vol. IV, annexe 58, p. 229). Il n'est pas dit un
mot de I'îlede KasikiliISedudu dans ce rapport.
50. Une dizaine d'annéesplus tard, en 1948, un échange de lettres a
lieu entre les services du magistrat de Windhoek, l'administrateur de la
bande de Caprivi (au nord du Chobe), et les autorités britanniques de
Kasane (au sud du Clhobe),au sujet du statut international de la région,
y compris I'îlede KaijikiliISedudu. Le major Trollope (magistrat chargé
de la partie orientalee la bande de Caprivi) adresse le 3janvier 1948une
lettreà M. V. Dickinson (commissaire de district à Maun, Bechuana-
land), laquelle est intitulée«Chenal entre I'îlede Kasikili et lesvillages de
Kabuta et Kasika*, dans laquelle il est question d'un monsieur Ker qui
demande l'autorisation d'emprunter le chenal nord pour y transporter du
bois d'Œuvre (mémoire dela Namibie, vol. IV, annexe 59, p. 262; voir
arrêt, par. 40 et 56).
51. Quelques semaines plus tard, le major Trollope et M. N. V. Red-
man (commissaire de district [adjoint] à Kasane, protectorat du Bechua-

naland), établissent conjointement un rapport daté du 19janvier 1948,
intitulé«Rapport conjoint relatif a la frontière entre le protectorat du1137 KASIKILI~SEDUDU ISLAND (SEP.OP.ODA)

Eastern Caprivi Zipfel: Kasikili Island" (see Judgment, paras. 42 and
57-60) in which it was stated that:

"3. We find after separate examination of the terrain and the
examination of an aerial photograph that the 'main Channel'
does not allow the waterway which is usually shown on maps [the
southern channel] as the boundary between the two Territories.
4. We express the opinion that the 'main Channel' lies in the
waterway [the northernchannel] which would include the island in
question in the Bechuanaland Protectorate.
5. On the other hand we are satisfied, after enquiry that since at
least 1907,usehas been made of the Island by Eastern Caprivi Zipfel
tribesmen and that that position still continues.
6. We know of no evidence of the Island having been made use
of, or claimed, by Bechuanaland Tribesmen or Authorities or of any
objection to the use thereof by Caprivi Tribesmen being made."

(Memorial of Namibia, IV, Ann. 60, p. 264.)

52. Major Trollope, in his letter of 21 January 1948addressed to the
Secretary of Native Affairs in Pretoria entitled "Bechuanaland-Eastern
Caprivi Zipfel Boundary" (see Judgment, para. 58), seems to have con-
ceded, in paragraph 3, that the boundary should be in the northernchan-
ne1but that the people of Eastern Caprivi should continue to be allowed
to cultivate the Island. The letter stated:

"There is no doubt if the wording of the 1890Treaty is applied to
the geographical facts as they exist today that the true inter-territo-
rial boundary would be the northern waterway and would include
Kasikili Island in the Protectorate." (Memorial of Namibia, IV,
Ann. 61, p. 271, emphasis added.)

53. It is known that, in spite of the suggestion by Major Trollope
regarding the northern channel. the Union of South Africa was reluctant
to admit that the northern channel was the main channel of the Chobe
River; see the letter of 12June 1948from the Secretary of Justice of the
Union of South Africa to the Secretary for External Affairs in Pretoria
entitled "Bechuanaland - Eastern Caprivi Zipfel Boundary" :

"The main channel is north of Kasikili Island whereas it is appar-
ently usually shown on maps as being south of the island. The map
referred to in the [1890]Treaty is not available to us, but assuming
that on that map also the main channel is shown as being south of
the island, the question arises whether there was not, before thecon- LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. IND.ODA) 1137

Bechuanaland et la partie orientale de la bande de Caprivi: île de Kasi-
kili)) (voir arrêt.par. 442et 57-60), dans lequel il est dit ceci:

((3. Après reconnaissance séparéedu terrain et examen d'une
photographie aérienne, nousconstatons que le «chenal principal))ne
suit pas la voiea~vigablequi est généralementindiquéesur lescartes
comme constituaint la frontière entre les deux territoires.
4. Notre opinion est que le «chenal principal)) se situe dans la
voie d'eau [le chenal nord] qui engloberait I'îleen question dans le
protectorat du Bechuanaland.
5. D'autre pari.,après enquête, nous avonsétabli que, depuis 1907
au moins, I'île est utiliséepar les membres des tribus de la partie
orientale de la bande de Caprivi et que c'estencoreecas aujourd'hui.
6. Rien n'indiqlueà notre connaissance, que I'îleait étéutiliséeou

revendiquéepar des membres des tribus ou les autoritésdu Bechua-
naland, ou qu'il ait été fait objectiànl'utilisation de cette île par les
membres des tribus du Caprivi.)) (Mémoire dela Namibie, vol. IV,
annexe 60, p. 2641.)

52. Dans la lettre qu'il adresse le 21 janvier 1948 au secrétaired'Etat
aux affaires autochtones à Pretoria, laquelle est intitulée((Frontière entre
le Bechuanaland et la partie orientale de la bande de Caprivi»(voir arrêt,
par. 58), le major Trollope semble avoir admis au paragraphe 3 que la
frontière doit se situlrr dans le chenal nord mais qu'il faut continuer
d'autoriser la population du Caprivi oriental à cultiver I'île.La lettre dit

ceci:
«Il ne fait pas de doute que le libellédu traitéde 1890concerne
des faits géographiques tels qu'ils existent actuellement et que la
véritablefrontièri:entre les deux territoires doit se sitàel'intérieur
de la voied'eauseptentrionale et inclure I'îlede Kasikili dans le pro-
tectorat.)) (Mémoire de la Namibie, vol. IV, annexe 61, p. 271; les
italiques sont de moi.)

53. On sait que, malgré la suggestionformuléepar le major Trollope
au sujet du chenal nord, l'Union sud-africaine hésitait à admettre que le
chenal nord fût bien 'lechenal principal du Chobe; sur ce point, on dis-
pose de la lettre du12juin 1948adresséepar le secrétaired'Etat à la jus-
tice del'Union sud-africaine au secrétaired'Etat aux affaires extérieures
à Pretoria, qui est intiitulée((Frontière entre le Bechuanaland et la partie

orientale de la bande de Caprivi)):
«Il [le chenal principal] passe au nord de I'île de Kasikili, alors
qu'apparemment les cartes le situent généralementau sud de cette
île. Nous n'avons pas la carte dont il est question dans l'accord [le
traitéde 18901mais, à supposer que, là aussi, le chenal principal soit
indiquéau sud de I'île,il s'agit de savoir si, avant la conclusion de1138 KASIKILI~SEDUDU ISLAND (SEP.OP. ODA)

clusion of the Treaty, a shifting of the main channel from the
southern waterway to the northern." (Memorial of Namibia, IV,
Ann. 62, p. 277, emphasis added.)

54. In a letter dated 14October 1948from the Secretary to the Prime
Minister and for External Affairs of the Union of South Africa (respon-
sible for the area north of the Chobe River), to the Administrative Sec-
retary to the British High Commissioner for Basutoland, the Bechuana-
land Protectorate and Swaziland (responsible for the area south of the
Chobe River), it is stated that, as far as the former remembered, the

boundary had never been changed from the southern channel to the
northern channel. It seems that the issues between the two authorities
at that time were concerned with the transport of timber through the
northern channel of the Chobe River and the cultivation of Kasikilil
Sedudu Island by Caprivi tribesmen. While the Union of South Africa
was aware of the application for permission to transport timber by a firm
in Bechuanaland, its main concern was the continuation of the culti-
vation of the Island by the tribesmen of the Eastern Caprivi Strip.This is
shown by the following quotation from the letter:

"It is understood that the necessity for consideration of the matter
arises from the fact that a certain river transport venture, which pro-
poses to transport timber down the river from a sawmill in Bech-
uanaland has raised the question of the correct boundary both in
representations to the Magistrate, Eastern Caprivi Zipfel and to
the Bechuanaland authorities.

The Report discloses that while the main channel of the Chobe
River is shown on maps as passing to the South of Kasikili Island it

in fact passes to the North of that Island.
It has been confirmed, as a result of exhaustive enquiries, that
there has been no shifting of the main channel of the river from
South to North within living memory. The facts, therefore, point to
the maps being incorrect.
As against the foregoing there is evidence that the Island has been
cultivated by Caprivi Tribesmen since at least 1907 and that their
right to the occupation of the Island has at no time been disputed.
The Union Government is anxious to preserve the rights of the
Caprivi Zipfel tribesmen on the Island and it is understood that the
Bechuanaland authorities desire the use of the Northern channel for
navigation purposes. As there would appear to be no conflict of
interests it should be possible toome to an arrangement which is
mutually satisfactory." (Memorial of Namibia, IV, Ann. 63,p. 280.)

The letter of 4 November 1948of the Administrative Secretary to the LE DE KASIKILI~SEDUDU(OP. IND. ODA)
1138

l'accord, le chenal principal ne s'est pas déplacédu bras sud au bras
nord.)) (Mémoire de la Namibie, vol. IV, annexe 62, p. 277; les ita-
liques sont de moi.)

54. Dans une lettre adresséele 14octobre 1948par le secrétaire auprés
du premier ministre et secrétaired'Etat aux affaires extérieuresde l'Union
sud-africaine (chargédiela régionsituéeau nord du Chobe), au secrétaire
administratif auprès du haut commissaire pour le Basutoland, le protec-
torat du Bechuanaland et le Swaziland (chargé d'administrer la région

situéeau sud du Chobe), ilest dit que, de mémoired'homme, il n'y a pas
eu de déplacement de la frontihe du chenal sud au profit du chenal nord.
Les problèmes qui se posaient ril'époque entre les deux autorités por-
taient, semble-t-il, sur le transport de bois d'Œuvre par le chenal nord du
Chobe et les cultures pratiquées sur l'îlede KasikiliISedudu par des mem-
bres des tribus du Caprivi. L'Union sud-africaine savait qu'une entreprise

situéeau Bechuanaland demandait l'autorisation de transporter du bois
d'Œuvre maiselle se souciait essentiellement de garantir que les tribus de
la partie orientale de la bande de Caprivi pouvaient continuer à cultiver
l'île. C'est ce que montre le texte de la lettre que je cite ci-dessous:

((11apparaît que l'examen de la question est rendu nécessairepar
le projet formépar une entreprise de transport fluvial de faire des-
cendre du bois d'Œuvre par le Chobe depuis une scierie située au

Bechuanaland, ce qui a soulevéla question de savoir quelle était la
frontière exacte, aussi bien dans les documents soumis au magistrat
de la partie orientale de la bande de Caprivi que dans ceux qui l'ont
étéaux autorités ,du Bechuanaland.
Le rapport montre que, si les cartes indiquent [que] le chenal prin-

cipal du Chobe [est] au sud de l'île de Kasikili, en fait, ilpasse au
nord de cette île.
Des enquêtes exhaustives ont montré qu'il n'y a pas eu de dépla-
cement du chenal principal du sud vers le nord de mémoirehumaine.
Donc, les faits signifient que les cartes sont inexactes.

En revanche, il est prouvé que l'île est cultivée au moins depuis
1907par les tribu!; du Caprivi et que le droit de ces tribus à l'occupa-
tion de l'île n'ajamais été contesté.
Le gouvernement de l'Union est désireuxde protéger les droits des
tribus de la bandt: de Caprivi sur l'île et il apparaît que les autorités
du Bechuanaland souhaitent utiliser le chenal nord pour la naviga-

tion. Comme il semble qu'il n'y ait pas de conflit d'intérêtsi,l devrait
êtrepossible de trouver un arrangement mutuellement satisfaisant. ))
(Mémoire de la Namibie, vol. IV, annexe 63, p. 280.)

Dans la lettre adreissée le 4 novembre 1948 au secrétaire d'Etat aux1139 KASIKILI~SEDUDU ISLAND (SEP.OP. ODA)

British High Commissioner addressed to the Secretary of Statefor Exter-
na1Affairs in the Union of South Africa States that:
"1 am directed by the High Commissioner for Basutoland, the
Bechuanaland Protectorate and Swaziland to inform you that the
Resident Commissioner of the Bechuanaland Protectorate has
directed the Assistant District Commissioner, Kasane, that tribes-

men of the Caprivi Zipfel should be allowed to cultivate land on
Kasikili Island, if they wish to do so, under an annual renewable
permit." (Memorial of Namibia, IV, Ann. 64, p. 281 .)
The letter of 14 February 1949 from the Secretary to the Prime Min-
ister and for External Affairs to the Chief Secretary to the British High
Commissioner on Basutoland, the Bechuanaland Protectorate and
Swaziland, sounded out the possibility of agreeing that the Island
should belong to the northern bank (South West Africa) but that the
navigation route should remain as the northern channel:

"From the available information it isclear that Caprivi Tribesmen
have made use of the Island for a considerable number of years and
that their right to do so has at no time been disputed either by
Bechuanaland Tribesmen or the Bechuanaland authorities.
It was further understood that the interests of the Bechuanaland
authorities centred in the use of the Northern Channel of the Chobe
for navigation purposes.
My object in writing to you was therefore to ascertain whether
agreement could not be reached on the basis of your Administration
recognising the Union's claim to Kasikile Island subject tot issuing
a general permit for the use of the Northern waterway for navigation

purposes." (Memorial of Namibia, IV, Ann. 65, p. 283.)

55. In a letter of 6 June 1949addressed to Lord Noel-Baker (Secretary
of State for Commonwealth Relations), the British High Commissioner
seems to have been ready to accept the proposa1 of the Union of South
Africa that the southern channel would constitute the boundary, as
shown by the following quotation:

"2. Part of that boundary is formed by the main channel of the
Chobe or Linyati River which runs eastwards into the Zambesi, and
divides the northern border of the Bechuanaland Protectorate from
a narrow strip of territory known as the Caprivi Zipfel. About
10 miles West of its junction with the Zambesi, the Chobe river
encloses Kasikile Island, a small strip of land about ll/z square
miles in area; this has hitherto been regarded as part of the Caprivi
Zipfel,since maps show that the main channel passes to the south
of the island.
3. The question of the correct boundary was raised by a firm
which intends to transport timber down the river, and the Union
Government, having examined the question, find that the main LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. IND. ODA) 1139

affairesextérieuresde l'Union sud-africaine par le secrétaireadministratif
auprès du haut commiissairebritannique, il est dit ceci:
«d'ordre du haut commissaire pour le Basutoland, le protectorat du
Bechuanaland et le Swaziland, j'ai l'honneur de vous faire savoir que

le commissaire risident du Drotectorat du Bechuanaland a donné
ordre au commissaire de district à Kasane d'autoriser les membres
des tribus de la bande deCa~rivi à cultiver ...l'îlede Kasikili. s'ilsle
souhaitent, en vertu d'un p&mis annuel renouvelable» (mémoire de
la Namibie, vol. IV, annexe 64, p. 281).
Dans une lettre adresséele 14février1949au secrétaireen chef auprès
du haut commissaire britannique pour le Basutoland, le protectorat du
Bechuanaland et le Swaziland, le secrétaire auprès du premier ministre
chargédes affaires ex1.érieurea évoquéla possibilitéd'accepter que l'île

appartienne à la rive nord (Sud-Ouest africain) tandis que, toutefois, la
voie de navigation continuerait de se situer dans le chenal nord:
((11 ressort clairement des informations disponibles que les
membres des tribus du Caprivi utilisent l'île depuis très longtemps
et que leur droit d'agir ainsi n'ajamais été contesté,i par les tribus
ni par lesautorittis du Bechuanaland.
Nous pensions que les autorités du Bechuanaland s'intéressaient
avant tout à la possibilité d'utiliserle chenal nord du Chobepour la

navigation.
Je vous écrisdonc afin de déterminer s'ilne serait pas possible de
conclure un accord dont l'élément principal seraitque votre admi-
nistration reconnaîtrait les prétentions del'Union sur l'ile de Kasi-
kili, sous réserveque l'Union délivre uneautorisation généraled'uti-
liser le chenalncird pour la navigation.)) (Mémoire de la Namibie,
vol.IV, annexe 65, p. 283.)
55. Dans une lettre adresséele 6 juin 1949a lord Noel-Baker (secré-
taire d'Etat chargédes relations avec le Commonwealth), le haut com-

missaire britannique semble avoir été disposé a accepter la proposition de
l'Union sud-africaine tendant à ce que le chenal sud constitue la fron-
tière, comme il ressort de l'extrait ci-dessous:
((2. Une partie de cette frontière est constituéepar le chenal prin-
cipal du Chobe, ou Linyati, qui s'écoule versl'est pour se jeter dans
le Zambèze et skpare la frontière septentrionale du protectorat du
Bechuanaland d'une étroite bande de territoire appelée bande de
Caprivi. A une dizaine de miles à l'ouest du confluent, on trouve sur

le Chobe l'île de Kasikili, étroitebande de terre d'environ 1,5 mile
carréde superficie; jusqu'à présent,on considérait que cette île fai-
sait partie de la bande de Caprivi car les cartes indiquent que le che-
nal principal coule au sud de l'île.
3. La question de l'emplacement exact de la frontière a étésou-
levéepar une entreprise qui a l'intention de transporter du bois
d'Œuvre sur le Chobe, et le gouvernement de l'Union, après avoir1140 KASIKILI~SEDUDU ISLAND (SEP.OP. ODA)

channel is to the north of the island, and that there has been no
change in the course of the channel within living memory. 1enclose
a copy of a note provided by the Union Government which was
jointly recorded on the 19th January, 1948,by the Magistrate of the
Eastern Caprivi Zipfel and the District Commissioner of Kasane,
Bechuanaland Protectorate, together with a copy of the sketch map
mentioned therein.

4. The Resident Commissioner of the Bechuanaland Protectorate
considers that the Union proposal to set the boundary in the
southern channel need not be resisted, if the use of the northern
channel for navigation is guaranteed for the inhabitants andovern-
ment of the Bechuanaland Protectorate. This guarantee the Union

Government are prepared to give.
5. 1 consider in the circumstances that the proposa1 of the Union
Government is acceptable, and would be glad to have your approval
of it." (Memorial of Namibia, IV, Ann. 66, p. 284.)

56. This correspondence as referred to in paragraphs 54 and 55 above,
seems to indicate the readiness towards the end of the 1940s of the
Bechuanaland Protectorate to concede that the southern channel would
constitute the boundary if the transportation of timber could be con-
tinued by Mr. Ker through the northern channel. However, that sugges-
tion, addressed to Lord Noel-Baker, did not receive the approval of the
British Government.
After the exchange of letters between the Union of South Africa and

the Bechuanaland Protectorate, there was no progress at that time on the
issue concerning the boundary.

(5) The Occurrence of Incidents in 1984 aftcr Botswana's Indepen-
dence in 1966, and the Joint Survey Which Follo~i,ed

57. On 25 October 1984an incident took place in which a South Afri-
can patrol boat on the Chobe River was shot at by Botswana Armed
Forces (Memorial of Namibia, IV, Ann. 84, p. 329).This can be regarded
as the beginning of the territorial dispute between the two entities. At an
intergovernmental meeting held in Pretoria on 19December 1984(Memo-
rial of Botswana, III, Ann. 50, p. 396) it was decided that a joint survey
should be undertaken to determine whether the main channel of the
Chobe River was located in the northern or the southern channel (Memo-
rial of Botswana, III, Ann. 48, p. 384).

In fact, the July 1985 report on the "Chobe River Boundary Survey:
SidudulKasikili Island" suggested in conclusion: "The main channel of
the Chobe River now passes SidudulKasikili Island to the Westand to the LE CIE KASIKILI~SEDUDU (OP. IND. ODA) 1140

examinéla question, a conclu que le chenal principal se trouvait au
nord de l'îleet que son cours n'avait pas variéde mémoired'homme.
Je joinsà la présente lettre une copie d'une note qui a étécommu-
niquéepar le goilvernement de l'union et a été établie conjointe-

ment, le 19janvier 1948,par le magistrat de la partie orientale de la
bande de Caprivi et le commissaire de districtKasane, dans le pro-
tectorat du Bechilanaland, ainsi qu'une copie de la carte rudimen-
taire dont il est question dans cette note.
4. Lecommissiiire résidentdu protectorat du Bechuanaland estime
qu'il n'est pas nécessairede s'opposer la proposition de l'Union de
faire passer la frontière par le chenal sud si l'utilisation du chenal
nord pour la navigation est garantie pour les habitants et le gouver-
nement du protectorat du Bechuanaland. Cette garantie, le gouver-
nement de l'union est disposéà l'accorder.
5. Dans ces conditions, je considère la proposition du gouverne-
ment de 1'Uniori comme acceptable et serais heureux que vous

l'approuviez.»(Mémoirede la Namibie, vol. IV, annexe 66, p. 284.)

56. La correspondance dont je fais état aux paragraphes 54 et 55 ci-
dessus semble indiquer que, vers la fin des annéesquarante, le protectorat
du Bechuanaland était disposé à concéderque le chenal sud constitue la
frontière du moment que M. Ker pourrait continuer à transporter du
bois d'Œuvre par le chenal nord. Toutefois, cette suggestion formulée à
l'intention dz lord Noel-Baker n'a pas étéapprouvée par le Gouverne-
ment britannique.
Aprèscet échangede lettres entre l'union sud-africaine et le protecto-

rat du Bechuanaland, aucun progrèsn'est enregistré à cette époque surla
question de la frontière.

5) Les inciderrrsqui ont Iku en 1984 après l'indépendance duBots~~,ana
en 1966, et l'enquêtetopographique conjointequi a suivi

57. Le 25 octobre 1984,il se produit un incident au cours duquel les
forces de défensedu Elotswanatirent sur une embarcation d'une patrouille
des forces de défensesud-africaines qui parcourent le Chobe (mémoirede
la Namibie, vol.IV, annexe 84, p. 329). C'estcet incident qui est, peut-on
dire,à l'origine du différend territorial entre les deux entités.Lors d'une
réunion intergouvernementale qui se tientà Pretoria le 19décembre1984

(mémoiredu Botswaila, vol. III, annexe 50, p. 396), il est décidéd'orga-
niser une étudetopographique conjointe pour établir si le chenal princi-
pal du Chobe se situe dans le chenal nord ou bien dans le chenal sud
(mémoiredu Botswana, vol. III, annexe 48, p. 384).
En fait, le rapport datant de juillet 1985sur((l'étudede frontière du
Chobe : I'île de Sedu.du/Kasiki»ipropose la conclusion suivante : «Le
chenal principal du C'hobecontourne maintenant I'îlede SedudulKasikili1141 KASIKILI/SEDU IDLAND (SEP.OP.ODA)

north of it" (emphasis added). However no effort was made to find a
solution to the political issue, namely, the national boundary between the
powers to the north and south of the river.

58. The telex dated 22 October 1986from "Pula Gaborne" Botswana
(responsible for the area south of the Chobe River) to "Secextern"
Pretoria (responsible for the area north of the Chobe River), referring to

the discussion held on 13October 1986,States:

"It will be recalled that the Botswana side submitted that Sidudul
Kasikili Island is part of the territory of Botswana, as confirmed by
the Botswana/South Africa joint team of experts which reported to
the two Governments in July, 1985.Pula wishes to inform Secextern
that theGovernment of Botswana has sinceoccupied SiduduIKasikili

Island and expects the Government of South Africa to respect the
sovereignty and territorial integrity of the Republic of Botswana in
respect of the island." (Memorial of Botswana, III, Ann.2, p. 406.)

The South African authorities suggested that a meeting be convened for
the solution of the problem. Theexchange of communication ended with
a telex from the Botswana authorities dated 25 November 1986, which
read as follows:

"The joint BotswanaISouth Africa team of experts were never
asked to demarcate an international boundary but 'to determine
whether the main channel of the Chobe River is located to the north
or south of Sidudu Island'. The joint team confirmed what had
always been the fact, namely that the main channelis located to the
north of the island, and that is where the boundary is.

Itis therefore clear that adequate clarification of the matter has
been made to satisfy normal requirements and no further discussion
of the matter is necessary." (Memorial of Botswana, Ann. 54,
p. 410; emphasis added.)

(6) What Does the Past Practice Indicate?

59. After an examination of certain incidents that occurred in the area,
as well as the correspondence between the authorities of the northern
bank and southern bank and certain surveys conducted in the course of
the past hundred years, 1conclude that the northern channel of the
Chobe River had been regarded, implicitly or explicitly, as the boundary
separating the authorities on the northern and southern banks, and that
KasikiliISedudu Island had been regarded as being under the authority ofpar l'ouest et par le nord.)) (Les italiques sont de moi.) Toutefois, il n'a
pas été tenté de trouver une solution au problème politique, c'est-à-dire
de déterminerla frontièrenationaleentre les puissances installéesau nord
et au sud du fleuve.

58. Dans le télex datédu 22 octobre 1986émanantde ((Pula Gaborne))
Botswana (chargé dela zone situéeau sud du Chobe) et adressé à «Secex-

terri))Pretoria (chargé de la zone située au nord du Chobe), lequel
concerne les discussio~nsqui se sont tenues le 13 octobre 1986, il est dit
ceci:
((11est rappeli: que la partie botswanaise a affirméque I'île de
SeduduIKasikili appartient au territoire du Botswana, comme cela a
été confirmé par la commission mixte d'experts BotswanaIAfrique
du Sud qui a rernis son rapport aux deux gouvernements en juillet

1985. [Nous souhaitons vous] informer ... que le Gouvernement du
Botswana a depuis lors occupél'île de SedudulKasikili et compte
que leGouverneiinent de l'Afrique du Sud respectera la souveraineté
et l'intégritéterritoriale de la République du Botswana en ce qui
concerne I'île. (Mémoiredu Botswana, vol. III, annexe 52, p. 406.)
Les autorités sud-africaines ont alors proposé de tenir une réunionpour
résoudre le problème. L'échangede communications a pris fin avec un
télexadressépar lesautoritésbotswanaises le 25novembre 1986,qui se lit

comme suit :
((11n'a jamais étédemandé à la commission mixte d'experts
BotswanaiAfrique du Sud de procéder à la démarcation d'une fron-
tière internationale mais de ((déterminer si le chenal principal du
Chobe est situé iiu nord ou au sud de l'îlede Sedudu)). La commis-
sion mixte a conifirméce qui existe depuis toujours dans les faits,à
savoir que le ch'enalprincipal est situéau nord de I'îleet que c'est

donc là que se trouve la frontière.
Il est donc évident queles éclaircissementsvoulus ont étédonnés
sur la question, qu'ils satisfont aux exigenceshabituelles et qu'il n'est
pas nécessairedl'endiscuter davantage.)) (Mémoire du Botswana,
annexe 54, p. 410; les italiques sont de moi.)

6) Que dit lu prutique antérieure?

59. Après avoir donc étudié certainsincidents qui ont eu lieu dans la
région, ainsique la c:orrespondance entre les autorités de la rive nord et
de la rive sud etcertiainesenquêtesou étudestopographiques menéesau
cours des cent derniilres années,j'aboutis à la conclusion que le chenal
nord du Chobe a été considéré implicitement ou explicitement comme la
frontière séparant les autorités établies, les unes sur la rive nord, les
autres, sur la rivesiid, et que I'îlede KasikiliISedudu a étéconsidérée1142 KASIKILI~SEDUDU ISLAND (SEP.OP.ODA)

the south, despite the occasional use of the Island by tribespeople from
the northern side.
The Judgment, however, refers to these same past practices as if they
might serve to assist it in interpreting the 1890Anglo-German Treaty as
provided for in the Vienna Convention on the Law of Treaties, and
the Court came to the conclusion that those practices were not in fact
capable of constituting "subsequent practice" or "subsequent agree-

ment" within the meaning of the Vienna Convention. 1would emphasize
once more that in my view this case is not one directly related to the
application of the provisions of the Vienna Convention on the Law
of Treaties to the 1890 Anglo-German Treaty, to which latter Treaty
neither Botswana nor Namibia is a Party.
1refer above to these past practices, as decisive factors in assisting the
Court to determine the course of the boundary in the Chobe River and,
hence, to determine the status of KasikiliISedudu Island as a part of the
territory of Botswana.

VI. CONCLUSION

60. 1suggested at the outset that the compromis agreed by Botswana
and Namibia on 15February 1996and filed in the Registry of the Court

on 29 May 1996was not clearly drafted, with the result that the Court
would not be able properly to ascertain the Parties' real intention in sub-
mitting the "case" to it. The first thing the Court must do is to ascertain
whether the Parties wish it to determine the boundavy between the two
States along the Chobe River or the legal status of KasikiliISedudu
Island. These two issues, rather than being complementary, may well be
contradictory. 1 suggested that the Parties might have been asked to
clarify their common position on the subject of the dispute.

61. The parties to the 1890 Treaty did not attempt to delineate the
boundary in the area of the Chobe River but wanted, by the use of the
words the "main channel" of the river, toseparate their respective spheres
of influence taking into consideration the potential possibility ofnaviga-
tion alongthe Chobe River in order to have accessto the Zambezi River.
In fact, the Chobe River has not been in the past andis not at the present

time used in any substantial way for the purpose of navigation. Thus the
words the "main channel of the Chobe River" may well today be under-
stood in the ordinary sense in hydrological terms. 1regret that the Court
made no attempt to obtain the opinion of an expert regarding the main
channel of the Chobe River and relied instead on the opinions of experts
who were members of the Parties' respective teams. 1 accept, however,
that the Court has determined the northern channel as the boundary in
accordance with the ordinary meaning to be given to the relevant terms
as it understands them and 1 have no objection to its findings on the
matter. ILEDE KASIKILI~SEDUDU (OP.IND.ODA) 1142

comme relevant des autorités de la rive sud, bien que l'îlesoit de temps
autre utiliséepar les rriembres des tribus de la rive nord.
L'arrêt, toutefois,se reportà ces pratiques antérieures comme si elles

pouvaient l'aider àinterpréter le traité anglo-allemand de 1890ainsi que
le prévoitla convention de Vienne sur le droit des traités, et la Cour est
parvenue ii la conclu:~ion que ces pratiques, en fait, n'étaient pas de
nature à constituer ((une conduite ultérieurement suivie)) ni «un accord
ultérieur))au sens de la convention de Vienne. Je tiens à souligner une
fois encore qu'à mon sens, la présente affaire est sans rapport direct avec
l'application des dispositions de la convention de Vienne sur le droit des
traitésau traitéanglo-allemand de 1890, traitéauquel ni le Botswana ni
la Namibie ne sont parties.
Sij'examine ci-dessus ces pratiques antérieures, c'est parce que ce sont
des élémentsdéterminants qui aident la Cour à dire où passe la frontière
dans le Chobe et, par suite, à déterminer le statut de l'île de Kasikilil

Sedudu qui fait partie du territoire du Botswana.

VI. CONCLUSION

60. Au débutde la présenteopinion, j'ai émisI'idéeque le compromis
conclu le 15février1996par le Botswana et la Namibie, déposéau Greffe
de la Cour le 29 mai 1.996,n'étaitpas rédigé avecclarté,de sorte que la
Cour n'allait pas pouvoir bien déterminer quelle était l'intention réelle
des Parties quand elle!;lui ont soumis l'«affaire». La première tâche qui
s'impose àla Cour est d'établirsi les Parties veulent qu'elle déterminela
jrontiPre entre les deux Etats le long du Chobeou bienlestatut juridique

de l'îlede KasikililSedudu. Au lieu d'être complémentairesl,es deux ques-
tions risauent fort d'être contradictoires. J'aiémis l'idéeaue les Parties
puissent êtrepriéesde préciser leur position commune sur l'objet même
du différend.
61. Les parties au traité de 1890 n'ont pas cherché à déterminer la
frontière dans la régiondu Chobe mais ont voulu, en retenant les termes
«chenal principal)) du fleuve, faire le partage entre leurs sphères
d'influence respectives en prenant en considération l'éventuelle possibilité
d'accéderpar la navigation sur le Chobe au fleuve Zambèze. Or, en fait,
le Chobe n'a pas autrefois et n'est pas non plus actuellement utilisétrès
activement àdes fins de navigation. Dans ces conditions, les termes «che-

nal principal du Chobe)) peuvent fort bien s'entendre aujourd'hui au sens
ordinaire qu'ils revêtentdu point de vue hydrologique. Je regrette que la
Cour n'ait pas cherchltà recueillir l'avis d'un expert sur le chenal princi-
pal du Chobe et se soit fiéeà l'avis d'experts appartenantàchacune des
équipesdes Parties. J'accepte toutefois que la Cour ait établique le che-
nal nord correspondait à la frontière conformément au sens ordinaire à
attribuer aux termes pertinentsà ses yeux et je n'ai pas d'objectiànfor-
muler à l'encontre de!;conclusions de la Courà ce sujet.1143 KASIKILI~SEDUDU ISLAND (SEP. OP.ODA)

62. 1agree with the finding of the Judgment that "the rules and prin-
ciples of international law", as a basis for determination of the boundary

and the legal status of the Island, have no significant role to play in this
case.
63. 1would rather suggest that the past practices - the geographical
surveys and the correspondence between the authorities of the northern
and southern bank - which were indicated sufficiently in the Judgment
and of which I have also made an extensive analysis, are of themselves
the most important and decisive element in assisting the Court to deter-
mine that the boundary between Botswana and Namibia is located in the

northern channel and that KasikiliISedudu Island thus falls within the
territory of Botswana.

(Signed) Shigeru ODA. LE DE KASIKILI~SEDUDU (OP. IND. ODA) 1143

62. Je souscris nota.mment
à la conclusion formulée dans l'arrêt sui-
vant laquelle «les règleset principes du droit international » n'ont pas de
rôle important àjouer aux fins de la détermination de la frontière et du
statut juridique del'îleen l'espèce.
63. Je dirais plutôt 'qu'àmon sens, les pratiques antérieures- c'est-à-
dire les étudestechniques géographiques et la correspondance entre les
autorités occupant la rive nord et la rive sud, qui ont été indiquéessuf-
fisamment en détail dians l'arrêtet que j'ai moi-même longuementana-
lysées,sont a elles seuilesl'élémentle plus important et le plus détermi-
nant qui puisse aiderla Cour àdéciderque la frontière entre le Botswana

et la Namibie est situéedans lechenal nord et que l'îledeKasikiliISedudu
fait par conséquent pa~rtiedu territoire du Botswana.

(Signé) Shigeru ODA.

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Opinion individuelle de M. Oda (traduction)

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