Opinion dissidente de M. Buergenthal (traduction)

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104-20010627-JUD-01-06-EN
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OPINION DISSIDENTE DE M. BUERGENTHAL

Irrecev~rhiliti(1. lu troisiPme conclusion de I'Alleinugn- Le dépôttardif de
Icrdernunclcet7intliccirionde me.surcJsonseriwtoircs n'r.~tpa.y,justif-é Difaut
d'riirdiences(16Ù lu r?.Cgligerzcdee I'Alleniag-- D4clcirerlu troi.siér?eonclu-
siori rr(~evuh1eest coiitrcriÙcl'équitproc.4~luruleet ù la bonne a(ln7inistrcition
de lujustice -- Lu d(!cisiorzde lu Cour en fullel~rlie lu recevahilit4 est iti.su[fi-
srirliinentniotivé- L'or~lonnance(ler?landiepur I'Allonugnc ideiltique ù celle

r-cntl~durisl'ufuire IBreard - L'Alleniagne savuit que les Etcits-Unisne recon-
nui.r.raiertus de,forc.eohligutoire Ù l'orrlonnuncc~Brcurd - Strurégieconterl-
ticZ~isleie I'Allc~r?i-ic~Unefaute procédurulc,yr(j~~diciuhleaux Etcrts-Unis.

1. Me trouvant en désaccord avec la Cour lorsqu'elle déclarerecevable
la troisième conclusion de l'Allemagne, je regrette de ne pouvoir m'asso-

cier à cette partie de l'arrèt de la Cour.
2. Dans cette conclusion, à mon sens irrecevable, l'Allemagne prie la
Cour de dire et juger

«que, en ne prenant pas toutes les mesures dont ils disposaient
pour que Walter LaCrand ne soit pas exécutétant que la Cour inter-

nationale de Justice n'aurait pas rendu sa décision définitive en
l'affaire, les Etats-Unis ont violéleur obligation juridique internatio-
nale de se conformer à l'ordonnance en indication de mesures conser-
vatoires rendui: par la Cour le 3 mars 1999 et de s'abstenir de tout

acte pouvant interféreravec l'objet d'un différendtantque l'instance
est en cours)).

3. L'Allemagne a déposésa requête introductive d'instance, assortie
d'une demande en indication de mesures conservatoires, le 2 mars 1999à
19 h 30 (heure de L,a Haye), soit environ vingt-sept heures avant l'heure
prévuepour l'exécutionde Walter LaGrand. Le 3 mars 1999, à 9 heures

(heurede La Haye), le vice-présidentde la Cour' a reçu les représentants
des Parties pour diiscuter de la suite de la procédure. Lors de cette réu-
nion, le représentant de l'Allemagne a priéla Cour d'indiquer d'office les
mesures conservatoires demandées conformément à l'article 75 de son

Règlement et sans que soit tenue la moindre audience à ce sujet. En
réponse à cette demande, le représentant des Etats-Unis a notamment
indiqué

<<queles Etats-Unis auraient de fortes objections contre toute pro-
cédure,telle que celle évoquéeseulement le matin mêmepar le repré-

' Le présidentde la Cour, M. Schwebel. étantde nationalité américaine. avait renoncé

à la présidencedans celte affaire conformémeàtl'article 32 du Règlement de la Cour. LAGRAND (OP.DISSB . UERGENTHAL) 549

sentant de l'Allemagne, qui conduirait la Cour à rendre une ordon-
nance d'office sans avoir dûment entendu les deux Parties au

préalable »2.
4. Au paragraphe I de I'article74, le Règlementde la Cour préciseque
<([l]ademande en indication de mesures conservatoires a priorité sur

toutes autres affaires))et, au paragraphe 3,le même article dispose enpar-
tie que «[l]a Cour ou, si elle ne siègepas, le présidentfixe la date de la
procédure orale de manière A donner aux parties la possibilitéde s'yfaire
représenter 1).
En vertu du paragraphe 1de I'article 75 du Règlement,

«La Cour peut à tout moment déciderd'examiner d'office si les
circonstances cle I'affaire exigent I'indicationde mesures conserva-
toires que les parties ou I'une d'ellesdevraient prendre ou exécuter.»

5. Le 3 mars 1909, à 19 h 15 (heure de La Haye), la Cour a rendu
l'ordonnance en iridication de mesures conservatoires demandée par
l'Allemagne et ce, sans qu'ait eu lieu la procédure orale préalable prévue

au paragraphe 3 de I'article 74 du Règlement, sans que des piècesécrites
aient étééchangées,et alors que la Cour disposait uniquement de la
requête etde la demande en indication de mesures conservatoires de
l'Allemagne où cel1.e-ciavait exposé les allégations qu'elle formulait à
l'appui de sa demande.
6. En rendant l'ordonnance sollicitée, laCour a motivéde la manière

suivante sa décisiond'agir sans que le défendeur aitpu êtreentendu:
((Considérant qu'une bonne administration de la justice exige
qu'une demande en indication de mesures conservatoires fondéesur

I'article73>du Règlement de la Cour soit présentéeen temps utile;
Considérant que l'Allemagne a souligné qu'ellen'a eu pleinement
connaissance des faits de l'espèceque le 24 février1999et qu'elle a
depuis lors poursuivi ses démarchesdiplomatiques;
Considérant que, aux termes du paragraphe 1 de l'article 75 du
Règlement de la Cour, celle-ci ((peut a tout moment décider d'exa-
miner d'office si les circonstances de I'affaire exigent I'indicationde

mesures conservatoires que les parties ou I'une d'elles devraient
prendre ou exi:cuter»; qu'une telle disposition figure en substance

LuGr(rniiAllernugi~<.Eturs-Unis d'Arni.rique),mcJsurcsconsrr~~~toirrso,rdonnance
(lu3 rwrr~1999.C.I.J. Rt~cu1999 JI). p. 13, par. 12.
L'article du Règlementde la Cour. que l'Allemagne aégalement invoqué,est libellé
comme suit:
«1. Une partie peut présenter une demande en indication de mesures conserva-
toires par écàtout moment de la procédure engagéeen I'affaire au sujet de laquelle
la demande est introduite.
2. La demande indique les motifs sur lesquels elle sefonde, les conséquenceséven-
tuelles de son rejet et les mesures sollicitées.Copie certifiéeconforme de la demande
est immédiatement transmise par le greffierpartie adver)). dans le Règlement depuis 1936 et que, si la Cour n'a pas, a ce jour,
fait usage du pouvoir que cette disposition lui confère, celui-ci n'en
apparaît pas rrioins bien établi; que la Cour peut user de ce pouvoir
qu'elle ait ou rion étésaisie par les parties d'une demande en indica-
tion de mesures conservatoires; que, en pareille hypothèse, elle peut,

en cas d'extrêmeurgence, procéder sans tenir d'audience; et consi-
dérant qu'il appartient à la Cour de déciderdans chaque cas si, au
vu des particularités de l'espèce, elledoit faire usage dudit pouvoir»4.

7. La Cour a rendu son ordonnance quatre heures seulement avant

l'heure prévuepour l'exécutionde Walter LaGrand, qui devait avoir lieu
dans 1'Etatde l'Arizona. Les autoritésdes Etats-Unisne disposaient donc
que de très peu de temps pour examiner I'ordonnance et y donner suite
avec, compte tenu de sa gravité, la pondération requise tant en vertu du
droit américain et idela pratique constitutionnelle régissant les relations

entre la fédérationet les Etats fédéréq su'en vertu du droit international.
Il faut toutefois noter que l'Allemagne a présentéà la Cour des demandes
portant sur un ensemble d'élémentsde fait qui imposaient d'agir immé-
diatement pour sauver la vie d'un être humain, lequel aurait étéprivédes
droits que lui recoinnaissait le droit international. Vu ces circonstances,

on peut difficilement reprocher à la Cour d'avoir rendu l'ordonnance
selon les modalités adoptées. En revanche, rien ne justifie de la part de
l'Allemagne d'avoir attendu la dernière minute pour demander I'ordon-
nance. Cela est d'autant plus vrai que - on le voit bien aujourd'hui -
les raisons invoquées par l'Allemagne pour justifier le dépôt tardif de sa

demande ne résistent pas a l'analyse. Comme il sera démontréplus loin,
ce dépôt tardif a gravement léséles Etats-Unis dans la défensede leurs
droits devant la Cour. A mon sens, ces circonstances doivent amener
aujourd'hui la Cour à déclarer la troisième conclusion irrecevable.
8. L'Allemagne ,atentéde justifier le dépôt à la dernière minute de sa

demande en indication de mesures conservatoires en prétendant que,
jusqu'au 23 ou 24 février 1999, elleignorait que les autorités de 1'Etat de
l'Arizona savaient, au moins dès 1982 ou 1984, que les frères LaGrand
étaient des ressortissants allemands. Dans I'ordonnance qu'elle a rendue,
la Cour a donné ,icet argument un poids considérable. C'est ce qui

ressort immédiatement de la façon dont elle évoque avec précision
la demande de l'Allemagnedans l'exposédes motifs de sa décisionet ressort
aussi du contexte dans lequel la référencefigure dans son ordonnance
(voir, plus haut, le paragraphe 6).
9. A supposer mêmeque les motifs invoqués par l'Allemagne puissent

justifier le dépôt tardif de sa requête - ce qui est contestable -, il ressort
du dossier dont la Cour dispose aujourd'hui que l'Allemagne avait bel et

LuGrut~d(.~/I~I?ILIc,~ruts-Unis d'An~i.riciue),mesures consc~ri.u.rdonnunce
dir3 murs 1999, C.I.J. Rrc,ucil 19il),p. 13.par. 19-21.

88bien à sa disposition, depuis 1993 au moins, les élémentsd'information
qu'elle a prétendu ne pas avoir.
10. L'Allemagne a appris en 1992que les LaGrand avaient étéarrêtés
en 1982puis jugéset condamnésen 1984.Selon elle, c'est par une visite
aux frères LaGrancl, le 8 décembre1992,qu'elle a commencé à intervenir
dans la présente affaire. Elle décrit la Cour son action dans les termes
suivants :

«Par la suite, l'Allemagne a aidé, iila fois sur le plan financier et
logistique, les avocats des intéressés enquêtersur leur enfance en
Allemagne, et à soulever la question de l'omissiondu dPjuut d'ussis-
tancc consulaireuu cours u' u procédure judiciaire.))5(Les italiques
sont de moi.)

Les actions judiciaires intentées par les avocats des LaGrand, en coor-
dination avec les fonctionnaires consulaires allemands, ont notamment
consisté à engager le 8 mars 1993une procédure d'appel devant le tribu-
nal fédéralde prernière instance pour le district de l'Arizona. D'après
l'Allemagne, c'est ((lors de cette procédure)) que «les avocats ont invo-

quépour la premièrefois le défautd'assistance consulaire et la violation
de l'article 36 de la convention de Vienne sur les relationsonsulaire^))^.
A l'appui de leur thèse, les avocats ont produit le mêmejour devant le
tribunal fédéralde première instance les rapports présentencielsétablis
en 1984 par les agents de mise à l'épreuvedu comtéde Pima, en Ari-
zona, dans le cadre de la détermination de la peine des frères LaGrand7.
Il était très clairement précisédans chacun de ces rapports que les
LaGrand étaient des citoyensallemandsx. Ces rapports avaient étécom-
muniqués une décennie auparavant aux avocats de la défense qui en
avaient formellement accusé réceptionen audiencepublique le 12décem-

bre 19849.
11. Autrement dit, les avocats des LaGrand avaient à leur disposition
dès 1984,sinon avaint, les élémentsd'information contenus dans les rap-
ports présentencielç,notamment le fait que les autorités de l'Arizona
savaient dèsle débutdes annéesquatre-vingt que les LaGrand étaient des
ressortissants allemands. Ces avocats ont produit les rapports présenten-
ciels devant le tribunal fédéralde première instance de l'Arizona, en mars
1993,dans le cadre de leur recours en habeas corpus pour le compte des
LaGrand. Dès lors, ces rapports étaient à la disposition de l'Allemagne

qui, comme nous l'avons vu, a fait valoir devant la Cour qu'elle avait
«aidé ...les avocats des intéressés à soulever ...la question du défaut

Mémoirede I'Alletna~ne.vol. 1.o. 11.var. 2.06
Ibid., p. 12.par. 2.071
Voir mémoirede I'Allemarne. vol. III. anneP.1009
Voir rapportsré!;entencièlsdu 2 avril 1984 concérnant Karl et Walter LaGrand,
mémoVoir mémoirede l'Allemagne,vol. II, annexe 8, p. 461-462. LAGRAND (OP.DISS. BUERGENTHAL) 552

d'assistance consulaire» et ((la violation de l'articl36 de la convention

de Vienne sur les relations consulaires» dans le cadre des actions inten-
tées en 1993 (voir, plus haut, le paragraphe 10).
12. Ces élémentsfont sérieusement douter du bien-fondé de la thèse
exposéedevant la Cour par l'Allemagne, qui a justifiéle dépôt tardif de
sa demande en indication de mesures conservatoires (le 2 mars 1999) en

expliquant qu'elle n'avait découvert que le 23 février 1999 seulement que
les autorités de 1'A.rizonaétaient dès 1984 au courant de la nationalité
allemande des LaGrand. A supposer mime que l'Allemagne ne fût pas au
courant de ces élémentsde fait, rien ne vient justifier son ignorance
puisqu'elle soutient fermement êtreactivement intervenue dans l'affaire

LaCrand et avoir collaboré avec les avocats des LaGrand après 1992,en
particulier en les aidant à soulever les questions liéesà la convention de
Vienne.
13. Dans ses exp,osésoraux, l'Allemagne a répondu de la manière sui-
vante à l'argument ciesEtats-Unis selon lequel les rapports présentenciels
de 1984 permettaient de savoir à quelle date les autorités de l'Arizona

avaient appris que llesLaGrand étaient des ressortissants allemands:

«la seule auestion aui se Dose raisonnablement dans ce contexte est
celle de savoir si des fonctionnaires allemands ont eu accès facile-
ment ou non aux rapports présentenciels en 1992 ou par la suite.
Sans attribuer d'importance déterminante à ce point, nous pouvons

vous donner une réponseclaire. Nous avons déposédevant la Cour
un mémorandum relatif à la question des rapports présentencielsen
l'affaire LaCr~nrl. rédigépar le Federal Public Dejhnder du district
de l'Arizona ;ila demande du consulat général d'Allemagne à
Los Angeles. I'ermettez-moi de résumer la teneur de ce mémoran-

dum: conformément à un règlement local de la cour supérieure du
comtéde Pima, les rapports présentencielsconcernant Karl et Wal-
ter LaGrand ointétéconservéssous scellés etdemeurent confidentiels
mêmeaprès la condamnation. Lorsque le Fcjdc~ruP l ublic Dejen~lera
tentéde retrouver ces rapports en juin de cette année[1992],ceux-ci
sont restésintrouvables. Comme l'écrit lePublic D~f~nder:

«L'emplo,yédu greffe de la cour supérieurechargéde la conser-
vation des pièces produites aux fins de l'administration de la

preuve a indliquéqu'il n'avait pas d'informations sur les rapports
présentenciels concernant l'un ou l'autre des frères LaGrand, ni
aucune idéede l'endroit où ces rapports étaient classés.Il semble
que les rapports en question ne figurent mêmepas dans le dossier
conservé au greffe de la cour supérieure. ))

Monsieur le président,si l'autoritécompétente des Etats-Unis elle-
mêmen'a pas réussi à retrouver ces rapports, est-il raisonnable

d'affirmer, cornrne le fait le contre-mémoire, que l'on a «du mal à
comprendre comment les fonctionnaires consulaires allemands ne
connaissaient pas déjàces rapports))? Peut-on vraiment accuser un consulat étranger de négligenceparce qu'il n'apas réussia se procu-
rer des documents que les autoritéslocales compétenteselles-mêmes

n'ont pas pu retrou~er?))'~

14. A la question poséepar le conseil de l'Allemagne dans la dernière
phrase du paragraphe ci-dessus, il faut répondre par un «oui» clair et
net. Comme nous l'avons vu, les avocats des LaGrand avaient les rap-
ports présentencielsen leur possession et ils lesont produits devant le tri-
bunal fédéralde première instance en 1993. En outre, à supposer même
que ces rapports fussent confideiltiels ou placés sous scellésaprès la
condamnation des ILaGrand en 1984, ils sont tombés dans le domaine
public dès leur production devant le tribunal fédéralde première ins-
tance. Puisque 1'Alk:magnepouvait ainsi obtenir les rapports dès 1993,il

n'est guère pertinent que le Public Defen~ler,cité précédemmentpar
l'Allemagne, n'aitpas étéen mesure, comme il le dit, semble-t-il, de les
trouver en 2000.
15. Il convient égalementde noter qu'entre 1992,date à laquelle ]'Alle-
magne a été informée de la détention, du procès et de la condamnation
des LaGrand, et le début de 1999, date à laquelle elle a affirmé s'être
rendu compte pour liapremièrefois que lesautoritésde l'Arizona savaient
depuis ledébutdes annéesquatre-vingt que les LaGrand étaientde natio-
nalité allemande,l'Allemagne n'ajamais demandéau département d'Etat
des Etats-Unis d'enquêtersur le cas des LaGrand. En outre, en 1998,le
département d'Etat a expressément invitétoutes les ambassades sises à
Washington a ((parlerà son attention tout manquement éventuel à l'obli-

gation de notification consulaire afin de pouvoir procéder a une enquête
et prendre les mesures voulues le cas échéant» ".Une enquêtede ce type,
sil'Allemagne l'avait demandée conformément à la pratique bien établie
dans ce genre d'affaires, aurait permis de déterminer à quelle date les
autorités de l'Arizona avaient eu connaissance de la nationalité des
LaGrand. De fait, cet élémentd'information se trouve dans le rapport
établi par le département d'Etat à l'issue de l'enquêtequ'il a lui-même
menéesur l'affaire irn 1999-200012.
16. Le manque de vigilance dont l'Allemagne faitpreuve pour vérifier
les faits qu'elle a invoquésafin de justifier le dépôttardif de sa demande
en indication de mesures conservatoires a privéles Etats-Unis de la pos-

sibilitéde faire valoir leurs moyens sur cette demande. Qui plus est, la
Cour n'avait dès lors plus guère d'autre choix que d'accepter tel quel
l'argument de l'ignorance plaidépar l'Allemagne puisque, faute de pou-
voir le présenter,le:;Etats-Unis n'ont pas eu la faculté de réfuterla thèse
de l'Allemagne sur ce point. La conduite de l'Allemagne soulèveici des

IoCR 2000126,p. 38.
Contre-mémoire des Etats-Unis, p. 51, par. 61.
laire, département d'Etat des Etats-Unis, 17février 2000,contre-mémoire des Etats-Unis,
annexe 1, p. 7-8.questions analogue!; à celles que la Cour a traitées en l'affaire de la
LiceitP de l'emploi de la force ( Yougoslavie c. Belgique), où la Yougo-
slavie a tenté d'invoquer unenouvelle base de compétenceà un stade très

avancéde I'instance. Dans cette affaire-là, la Cour a dit ceci:
((Considérant que l'invocation par une partie d'une nouvelle base

dejuridiction aiustade du second tourde plaidoiries surune demande
en indication de mesures conservatoires est sans précédentdans la
pratique de la Cour; qu'une démarche aussi tardive, lorsqu'elle n'est
pas acceptéepar l'autre partie, met gravement en pérille principe du
contradictoire i:t la bonne administration de la justice; et que, par

suite, la Cour niesaurait, aux fins de décidersi elle peut ou non indi-
quer des mesures conservatoires dans le cas d'espèce, prendre en
considération 11:nouveau chef de compétence dont la Yougoslavie a
entendu se prévaloir le 12 mai 1999.» ''

17. La justification que donne l'Allemagne du dépôt tardif de sa
demande, et qui, c'omme il ressort des élémentsdont la Cour dispose
aujourd'hui, s'appuie sur de fausses allégations, a conduit la Cour à

rendre une décision(([mettant] gravement en pérille principe du contra-
dictoire et la bonne administration de lajustice)). Ce résultat, commenous
l'avons vu, découledu manque de vigilance de l'Allemagne, lequel auto-
rise à lui seul à tenir la conclusion formulée pour irrecevable iiraison des

motifs exposés par la Cour en l'affaire ~ou~oslavie c. Belgique que je
viens de citer.
18. En examinant la question de la recevabilitéde la troisième conclu-
sion de I'Allemagrie, la Cour est parvenue à la conclusion suivante

(par. 57):
«La Cour reconnaît que l'Allemagne peut êtrecritiquée pour la
manière dont I'instance a étéintroduite et pour le moment choisi

pour l'introduire. La Cour rappelle toutefois que, tout en étantcons-
ciente des conséquences de l'introduction de I'instance par ]'Alle-
magne à une date si avancée,elle n'en a pas moins estiméappropriéde
rendre son ordonnance du 3 mars 1999, un préjudice irréparable

semblant imminent. Dans ces conditions, la Cour estime que I'Alle-
magne est en diroit de se plaindre aujourd'hui de la non-application,
alléguéepar ellle,de ladite ordonnance par les Etats-Unis. En consé-
quence, la Cour conclut que la troisième conclusion de l'Allemagne

est recevable. ))
19. Je n'ai rien à.redire quand la Cour estime que, vu l'imminence du
«préjudiceirréparable))en l'espèce,ilétait((approprié>> de rendre I'ordon-

nance du 3 mars 1999 sur la base des élémentsde fait dont elle avait
connaissance à ce moment-là. Mais il ne n'ensuit pas, contrairement à ce
que dit la Cour, que, <<[d]ansces conditions ... l'Allemagne est en droit de

-
'j .kIc~surro~rsoizrtoirc.~r,do~z~~trn(d*uer21999, C.1J. R~~,LIE19/99(1).p.139,
par. 44.se plaindre aujourd'hui de la non-application, alléguéepar elle, de ladite

ordonnance par les Etats-Unis)). Que la Cour ait estimé approprié de
rendre l'ordonnance n'emporte pas nécessairement la recevabilité de la
troisième conclusioin de l'Allemagne dès lors que les raisons invoquées
par l'Allemagnepour justifier son dépôt tardif ne résistent manifestementpas

à l'analyse. Il est regrettable que la Cour ait omis d'aborder cette ques-
tion car elle a une incidence directe sur la recevabilité de la troisième
conclusion de l'Allemagne.u
20. La négligencede l'Allemagne a eu d'autres conséquences préjudi-

ciables aux Etats-Unis. s'agissant de l'ordonnance du 3 mars 1999. Dans
sa demande en indication de mesures conservatoires, l'Allemagne a prié
la Cour de rendre une ordonnance dont le libellé suitmot pour mot celui

de l'ordonnance rendue le 9 avril 1998dans l'affaire BrearciI4.Lorsque la
Cour suprêmedes Etats-Unis a examinél'ordonnance Breard, le Solicitor
Genertrldes Etats-Unis a expliquépour quelles raisons, aux yeux du gou-
vernement, cette ordonnance n'avait pas force obligatoire. Il a évoqué

trois points à cet égard. Il a d'abord rappelé que «les juristes [étaient]
profondément divisés sur cette question (voir Restatement (Third) of
Foreign Relations I:aiv of the Unitrd States, par. 903, note 6, p. 369 et
370 (1986)))) et que «[l]a thèse la plus solide [était] qu'une telle ordon-

nance n'a pas un caractère obl~gatoire))'~.Le Solicitor General a ensuite
cherché à démontrer, par une analyse de l'article 41 du Statut de la Cour,
pourquoi il s'agissait de la thèse la plus solide. Le deuxième argument

avancé par le Solicitor General pour démontrer le caractère non obliga-
toire des ordonnances visées à l'article 41 du Statut de la Cour était le
suivant :

«la C.I.J. elle-même n'ajamais conclu que des mesures conserva-
toires s'imposent aux parties à un différend. La C.I.J. a indiqué des

mesures conservatoires dans sept autres affaires dont nous avons
connaissance. Dans la plupart de celles-ci, le défendeur n'a pas
considéré comme obligatoire l'ordonnance en indication de mesures
conservatoires. » Ih

Enfin, le Solicitor General a fait valoir que, «mêmesi les parties à une

affaire dont est saisie la C.I.J. [étaient] tenues d'obtempérer à une ordon-
nance en indication de mesures conservatoires»17, l'ordonnance en
l'affaire Breczrd n'ktait pas libellée en des termes impératifs. La Cour
suprêmedes Etats-Unis a suivi l'avis du Solicitor Grnerul en refusant le

l4 Convention de Vienne sur les relations consulaires (Puruguuy c. Etuts-Unis
d'Amérique). mesures conseriutoires. ordonnance du 9 avril 1998. C.I.J. Recueil 1998,
p. 258, par. 4(1).
IsMémoire soumis par les Etats-Unisà titre d'amicus curiue. R~.l>ucJ'Puruguuj v.
GiDnore,mémoirede l'Allemagne, vol. II, annexe 34. p. 737.
IhIhid..p.738.
l7Ihid..p.739.sursis à l'exécutioncluis'imposait aux termes de l'ordonnance rendue par
la Cour internationale de Justice en cette affaire1*.

21. L'Allemagne savait que la position du gouvernement des Etats-
Unis était. de manière générale,que les ordonnances en indication de
mesures conservatoires rendues par la Cour n'ont pas force obligatoire et
elle savait, en particulier, comment ils interprétaient I'ordonnance Brcard.
Or, moins d'un an plus tard, l'Allemagne a priéla Cour de rendre une

ordonnance libelléeprécisémentdans les mêmes termesau lieu de sollici-
ter une ordonnance qui aurait fourni aux autorités des Etats-Unisdes rai-
sons juridiques de réexaminer leurposition sur le caractère obligatoire de
ces ordonnances. Cette omission de l'Allemagne aurait été moins grave
s'ily avait eu en l'espèceune audience au cours de laquelle les Etats-Unis

auraient pu faire valoir leur position devant la Cour. Mais, comme nous
l'avons vu, il a étéimpossible de tenir des audiences parce que I'Alle-
magne a déposésa demande trop tardivement.
22. On comprend donc mal ce que l'Allemagne cherchait à obtenir par
sa demande en indication de mesures conservatoires du 2 mars 1999. Elle
ne pouvait certainelnent pas s'étonner de voir les Etats-Unis adopter à

l'égard de I'ordonniance demandée la même position que celle qu'ils
avaient prise à l'égardde I'ordonnance Breard du 9 avril 1998. L'ordon-
nance demandée par l'Allemagne le 2 mars 1999n'aurait fourni aux auto-
rités des Etats-Unis aucun fondement juridique autorisant le Solicitor
Genernl à revenir sur la position officielle que celui-ci avait adoptée

moins d'un an auparavant. Que le Solicitor Gcneral revienne sur sa posi-
tion antérieure en l'absence d'une telle justification aurait étésans précé-
dent. En outre, et c'est encore plus important, la Cour elle-même n'avait
pas entre-temps clarifiésa position sur ce point. Aussi l'Allemagne a-t-
elle manqué au devoir élémentaire d'équité dont elle étaittenue vis-i-vis

des Etats-Unis, vu les circonstances de l'espèce,lorsqu'elle a priéla Cour
d'agir d'office, sans tenir d'audiences, et de rendre une ordonnance iden-
tique a celle qui avait étérendue en l'affaire Breard. Il est vrai, certes,
qu'une partie i une instance devant cette Cour,comme devant toute juri-
diction, doit supporter les conséquences d'avoir présuméà tort, comme
on le voit rétrospec:tivement,qu'une certaine ordonnance n'a pas force

obligatoire et d'être tenuepour responsable de la violation qui en résulte.
Mais cela n'exonère pas l'Allemagne de la responsabilité qu'elle encourt
pour avoir adopté une stratégie contentieiise préjudiciable aux Etats-
Unis.
23. Je résume: il a été établq i ue les motifs invoqués par l'Allemagne

pour justifier le dépôt tardif de ses demandes n'étaient pas fondés. De
fait, on voit bien au.jourd'hui que l'Allemagne n'avait aucune raison vala-
ble de ne pas saisir la Cour de sa demande en indication de mesures
conservatoires au nioins un an ou deux auparavant, voire bien plus tôt.

'"reard v. Grrrne. Rrpublic ofPuruguu~v. GilnzorcCt..vol. 118, p. 1352(1998),
Intrrnurionul Lr,qu/Ma!c~riril(s1998), vol. 37, p. 829.

94Toujours est-il que ce dépôttardif a eu pour conséquence d'empêchelres
Etats-Unis de faire valoir en temps opportun leurs moyens sur cette
demande en indication de mesures conservatoires de l'Allemagne.
L'absence d'audience a égalementprivéles Etats-Unis de la possibilité
d'examiner la question du caractère obligatoire des ordonnances de la
Cour et de leur effet sur les normes juridiques des Etats-Unis. Qui plus
est.l'Allemagne a ~riéla Courde rendre une ordonnance dont elle avait
"
tout lieu de penser que les Etats-Unis la considéreraientcomme non obli-
gatoire, et donc corrimenon exécutoire:c'étaitpeut-êtrelà le but recher-
ché, sinon cette stratégie contentieuses'explique fort mal.
24. En conséquence,j'estime que la démarchesuivie par l'Allemagne
pour faire adopter 'l'ordonnance du 3 mars 1999 équivaut à une faute
procédurale préjudiciableaux intérêts des Etats-Unis en tantque partie à
la présenteinstance. Une telle faute constitue un motif suffisant- impé-
rieux,à mon avis - pour déclarerirrecevable la troisièmeconclusion de
l'Allemagne.

(Signé) Thomas BUERGENTHAL.

Bilingual Content

DISSENTING OPINION OF JUDGE BUERGENTHAL

Inadniissibilitj~ of' Gernmny's third subrnission - Late jiling of request /Or
proi~i.viona1meusures unjustiJ?ed - Denial qf hcuring due to Gerrnany'snegli-
gence - Holding third submission admis.~ihleincompatible ~t'irh procedura1,fair-
ne.p.pund sound admini.stration of ju.stice - Court's adnii.ssihility decision tiot
j~roperlyniotivated - Order requesred hj. Germ(inj1ic/enticulto Breard Order -
Gern~anknoii7ledgethat Breard Order deemed not7-hir~ding bj United Stares -
Gern~un litigution strategjl - Procedural t?~i.scot~ducpfr(~udi(.i~~ l0 Ur~ited

States.

1. Since I find myself in disagreement with the Court's ruling that Ger-
many's third submission is admissible, 1regret that 1 must dissent from

that part of the Court's Judgment.
2. In the submission, which 1 consider to be inadmissible, Germany
requests the Court to adjudge and declare:

"that the United States, by failing to take al1measures at its disposal
to ensure that Walter LaGrand was not executed pending the final

decision of the International Court of Justice on the matter, violated
its international obligation to comply with the Order on provisional
measures issued by the Court on 3 March 1999,and to refrain from
any action which might interfere with the subject matter of a dispute

while judicial proceedings are pending".

3. Germany filed its Application in this case, together with its request
for provisional measures, at 7.30 p.m. The Hague time on 2 March 1999,
some 27 hours before the scheduled execution of Walter LaGrand. On

3 March 1999, at 9.00 a.m. The Hague time, the Vice-President of the
Court' met with the representatives of Germany and the United States to
discuss the subsequent course of the proceedings. At this meeting Ger-
many's representative asked the Court to indicate the requested provi-

sional measures proprio motu pursuant to Article 75 of the Rules of
Court and without holding any hearing on the subject. Responding to
this request, the representative of the United States explained, inter ulin:

"that the United States would have strong objections to any pro-

cedure such as that proposed only that very morning by the repre-

'The President of the Court, Judge S. Schwebel of the United States, relinquished the
presidency in this caseursuant to Article 32 of the Rules of Court.

86 OPINION DISSIDENTE DE M. BUERGENTHAL

Irrecev~rhiliti(1. lu troisiPme conclusion de I'Alleinugn- Le dépôttardif de
Icrdernunclcet7intliccirionde me.surcJsonseriwtoircs n'r.~tpa.y,justif-é Difaut
d'riirdiences(16Ù lu r?.Cgligerzcdee I'Alleniag-- D4clcirerlu troi.siér?eonclu-
siori rr(~evuh1eest coiitrcriÙcl'équitproc.4~luruleet ù la bonne a(ln7inistrcition
de lujustice -- Lu d(!cisiorzde lu Cour en fullel~rlie lu recevahilit4 est iti.su[fi-
srirliinentniotivé- L'or~lonnance(ler?landiepur I'Allonugnc ideiltique ù celle

r-cntl~durisl'ufuire IBreard - L'Alleniagne savuit que les Etcits-Unisne recon-
nui.r.raiertus de,forc.eohligutoire Ù l'orrlonnuncc~Brcurd - Strurégieconterl-
ticZ~isleie I'Allc~r?i-ic~Unefaute procédurulc,yr(j~~diciuhleaux Etcrts-Unis.

1. Me trouvant en désaccord avec la Cour lorsqu'elle déclarerecevable
la troisième conclusion de l'Allemagne, je regrette de ne pouvoir m'asso-

cier à cette partie de l'arrèt de la Cour.
2. Dans cette conclusion, à mon sens irrecevable, l'Allemagne prie la
Cour de dire et juger

«que, en ne prenant pas toutes les mesures dont ils disposaient
pour que Walter LaCrand ne soit pas exécutétant que la Cour inter-

nationale de Justice n'aurait pas rendu sa décision définitive en
l'affaire, les Etats-Unis ont violéleur obligation juridique internatio-
nale de se conformer à l'ordonnance en indication de mesures conser-
vatoires rendui: par la Cour le 3 mars 1999 et de s'abstenir de tout

acte pouvant interféreravec l'objet d'un différendtantque l'instance
est en cours)).

3. L'Allemagne a déposésa requête introductive d'instance, assortie
d'une demande en indication de mesures conservatoires, le 2 mars 1999à
19 h 30 (heure de L,a Haye), soit environ vingt-sept heures avant l'heure
prévuepour l'exécutionde Walter LaGrand. Le 3 mars 1999, à 9 heures

(heurede La Haye), le vice-présidentde la Cour' a reçu les représentants
des Parties pour diiscuter de la suite de la procédure. Lors de cette réu-
nion, le représentant de l'Allemagne a priéla Cour d'indiquer d'office les
mesures conservatoires demandées conformément à l'article 75 de son

Règlement et sans que soit tenue la moindre audience à ce sujet. En
réponse à cette demande, le représentant des Etats-Unis a notamment
indiqué

<<queles Etats-Unis auraient de fortes objections contre toute pro-
cédure,telle que celle évoquéeseulement le matin mêmepar le repré-

' Le présidentde la Cour, M. Schwebel. étantde nationalité américaine. avait renoncé

à la présidencedans celte affaire conformémeàtl'article 32 du Règlement de la Cour. sentative of Germany which would result in the Court making an
Order propriomotu without having firstduly heard thetwo Parties" 2.

4. Article 74, paragraph 1, of the Rules of Court specifies that "[a]
request for the indication of provisional measures shall have priority over
al1 other cases", and paragraph 3 of that Article provides in part that
"[tlhe Court, or the President if the Court is not sitting, shall fix a date
for a hearing which will afford the parties an opportunity of being rep-
resented at it".

Under Article 75, paragraph 1, of the Rules:
"The Court may at any time decide to examine proprio motu
whether the circumstances of the case require the indication of pro-
visional measures which ought to be taken or complied with by any

or al1of the parties."
5. On 3 March 1999,at 7.15 p.m. The Hague time, the Court issued
the Order for provisional measures requested by Germany. It did so with-
out the prior hearing provided for in Article 74, paragraph 3, of the

Rules, without an exchange of pleadings, and having before it only Ger-
many's Application and request for provisional measures, which set out
Germany's allegations in justification of its request.

6. In issuing the requested Order, the Court explained its decision to
proceed in this es parte fashion in the following terms:

"Whereas, the sound administration of justice requires that
a request for the indication of provisional measures founded on
Article 73' of the Rules of Court be submitted in good time;
Whereas, Germany emphasizes that it did not become fully aware
of the facts of the case until 24 February 1999and that since then it

has pursued its action at diplomatic level;
Whereas, under Article 75, paragraph 1, of the Rules of Court,
the latter 'may at any time decide to examine proprio motu whether
the circumstances of the case require the indication of provisional
measures which ought to be taken or complied with by any or al1
of the parties'; whereas a provision of this kind has substantially

LuCrund (Germuny v. United States of Arneri<,u),Prorisionul Mrasurc~s,OrdO/
3 March 1999. I.C.J. Reports 1999 (Il, p. 13. para. 12.
Article 73 of the Rules of Court. which Germany had also invoked, reads as
follows:
"1. A written request for the indication of provisional measures may be made by a
party at any time during the course of the proceedings in the case in connection with
which the request is made.
2. The request shall specify the reasons therefor, the possible consequences if it is
not granted. and the measures requested. A certified copy shall forthwith be trans-
mitted by the Registrar to the other party." LAGRAND (OP.DISSB . UERGENTHAL) 549

sentant de l'Allemagne, qui conduirait la Cour à rendre une ordon-
nance d'office sans avoir dûment entendu les deux Parties au

préalable »2.
4. Au paragraphe I de I'article74, le Règlementde la Cour préciseque
<([l]ademande en indication de mesures conservatoires a priorité sur

toutes autres affaires))et, au paragraphe 3,le même article dispose enpar-
tie que «[l]a Cour ou, si elle ne siègepas, le présidentfixe la date de la
procédure orale de manière A donner aux parties la possibilitéde s'yfaire
représenter 1).
En vertu du paragraphe 1de I'article 75 du Règlement,

«La Cour peut à tout moment déciderd'examiner d'office si les
circonstances cle I'affaire exigent I'indicationde mesures conserva-
toires que les parties ou I'une d'ellesdevraient prendre ou exécuter.»

5. Le 3 mars 1909, à 19 h 15 (heure de La Haye), la Cour a rendu
l'ordonnance en iridication de mesures conservatoires demandée par
l'Allemagne et ce, sans qu'ait eu lieu la procédure orale préalable prévue

au paragraphe 3 de I'article 74 du Règlement, sans que des piècesécrites
aient étééchangées,et alors que la Cour disposait uniquement de la
requête etde la demande en indication de mesures conservatoires de
l'Allemagne où cel1.e-ciavait exposé les allégations qu'elle formulait à
l'appui de sa demande.
6. En rendant l'ordonnance sollicitée, laCour a motivéde la manière

suivante sa décisiond'agir sans que le défendeur aitpu êtreentendu:
((Considérant qu'une bonne administration de la justice exige
qu'une demande en indication de mesures conservatoires fondéesur

I'article73>du Règlement de la Cour soit présentéeen temps utile;
Considérant que l'Allemagne a souligné qu'ellen'a eu pleinement
connaissance des faits de l'espèceque le 24 février1999et qu'elle a
depuis lors poursuivi ses démarchesdiplomatiques;
Considérant que, aux termes du paragraphe 1 de l'article 75 du
Règlement de la Cour, celle-ci ((peut a tout moment décider d'exa-
miner d'office si les circonstances de I'affaire exigent I'indicationde

mesures conservatoires que les parties ou I'une d'elles devraient
prendre ou exi:cuter»; qu'une telle disposition figure en substance

LuGr(rniiAllernugi~<.Eturs-Unis d'Arni.rique),mcJsurcsconsrr~~~toirrso,rdonnance
(lu3 rwrr~1999.C.I.J. Rt~cu1999 JI). p. 13, par. 12.
L'article du Règlementde la Cour. que l'Allemagne aégalement invoqué,est libellé
comme suit:
«1. Une partie peut présenter une demande en indication de mesures conserva-
toires par écàtout moment de la procédure engagéeen I'affaire au sujet de laquelle
la demande est introduite.
2. La demande indique les motifs sur lesquels elle sefonde, les conséquenceséven-
tuelles de son rejet et les mesures sollicitées.Copie certifiéeconforme de la demande
est immédiatement transmise par le greffierpartie adver)).550 LAGRAND (DISSO. P.BUERGENTHAL)

featured in the Rules of Court since 1936, and whereas, if the Court
has not, to date, made use of the power conferred upon it by this
provision, the latter appears nonetheless to be clearly established;
whereas the Court may make use of this power, irrespective of

whether or not it has been seised by the parties of a request for
the indication of provisional measures; whereas in such a case it
may, in the event of extreme urgency, proceed without holding oral
hearings; and whereas it is for the Court to decide in each case if,

in the light of the particular circumstances of the case, it should
make use of the said p~wer"~.

7. The Court issued its Order only four hours before the scheduled
execution of Walter LaGrand, which was to take place in the State of
Arizona. The United States authorities were thus left with very little time
to assess and act upon the Order with the deliberateness its gravity
required under American law and constitutional practice applicable to

federal-state relations as well as under international law. It is to be
observed, however, that the Court was presented by Germany with
claims regarding a set of facts that called for immediate action to save the
life of a human being who had allegedly been deprived of his rights under

international law. In linht of these circumstances. it is difficult to fault the
Court for issuing the Qrder in the manner it did. But there is no excuse
for Germany's conduct in waiting until the last minute to seek the Order.
This is so particularly since it is now clear that the grounds Germany
alleged in justification of its late filing do not withstand scrutiny. The late

filing, as will be shown below, had serious negative consequences for the
position of the United States in defending its rights before this Court. In
my opinion, these circumstances now require the Court to hold the third
submission inadmissible.

8. Germany sought to excuse its last minute request for provisional
measures on the ground that it did not know until 23 or 24 Febru-
ary 1999 that the authorities of the State of Arizona had been aware at

least as far back as 1982 or 1984 that the LaGrand brothers were Ger-
man nationals. In issuing its Order, the Court attached considerable
importance to this claim. This is readily apparent from the specific refer-
ence the Court makes to Germany's claim in setting out the reasons moti-

vating its decision and from the context within which the reference
appears in its Order (see paragraph 6, above).

9. Even assuming that Germany's late filing could be justified on the
ground advanced by it - something that is open to some doubt - the

record now before the Court indicates that the information Germany

' LaGrand (Gern~unj~v. Unileci Stuic~.cof Amcricoi, Pro~~i~ilrasures, Order of'
3 Mnrch 1999, 1C.J. Reporis 1999il),p. 14,paras.19-21. dans le Règlement depuis 1936 et que, si la Cour n'a pas, a ce jour,
fait usage du pouvoir que cette disposition lui confère, celui-ci n'en
apparaît pas rrioins bien établi; que la Cour peut user de ce pouvoir
qu'elle ait ou rion étésaisie par les parties d'une demande en indica-
tion de mesures conservatoires; que, en pareille hypothèse, elle peut,

en cas d'extrêmeurgence, procéder sans tenir d'audience; et consi-
dérant qu'il appartient à la Cour de déciderdans chaque cas si, au
vu des particularités de l'espèce, elledoit faire usage dudit pouvoir»4.

7. La Cour a rendu son ordonnance quatre heures seulement avant

l'heure prévuepour l'exécutionde Walter LaGrand, qui devait avoir lieu
dans 1'Etatde l'Arizona. Les autoritésdes Etats-Unisne disposaient donc
que de très peu de temps pour examiner I'ordonnance et y donner suite
avec, compte tenu de sa gravité, la pondération requise tant en vertu du
droit américain et idela pratique constitutionnelle régissant les relations

entre la fédérationet les Etats fédéréq su'en vertu du droit international.
Il faut toutefois noter que l'Allemagne a présentéà la Cour des demandes
portant sur un ensemble d'élémentsde fait qui imposaient d'agir immé-
diatement pour sauver la vie d'un être humain, lequel aurait étéprivédes
droits que lui recoinnaissait le droit international. Vu ces circonstances,

on peut difficilement reprocher à la Cour d'avoir rendu l'ordonnance
selon les modalités adoptées. En revanche, rien ne justifie de la part de
l'Allemagne d'avoir attendu la dernière minute pour demander I'ordon-
nance. Cela est d'autant plus vrai que - on le voit bien aujourd'hui -
les raisons invoquées par l'Allemagne pour justifier le dépôt tardif de sa

demande ne résistent pas a l'analyse. Comme il sera démontréplus loin,
ce dépôt tardif a gravement léséles Etats-Unis dans la défensede leurs
droits devant la Cour. A mon sens, ces circonstances doivent amener
aujourd'hui la Cour à déclarer la troisième conclusion irrecevable.
8. L'Allemagne ,atentéde justifier le dépôt à la dernière minute de sa

demande en indication de mesures conservatoires en prétendant que,
jusqu'au 23 ou 24 février 1999, elleignorait que les autorités de 1'Etat de
l'Arizona savaient, au moins dès 1982 ou 1984, que les frères LaGrand
étaient des ressortissants allemands. Dans I'ordonnance qu'elle a rendue,
la Cour a donné ,icet argument un poids considérable. C'est ce qui

ressort immédiatement de la façon dont elle évoque avec précision
la demande de l'Allemagnedans l'exposédes motifs de sa décisionet ressort
aussi du contexte dans lequel la référencefigure dans son ordonnance
(voir, plus haut, le paragraphe 6).
9. A supposer mêmeque les motifs invoqués par l'Allemagne puissent

justifier le dépôt tardif de sa requête - ce qui est contestable -, il ressort
du dossier dont la Cour dispose aujourd'hui que l'Allemagne avait bel et

LuGrut~d(.~/I~I?ILIc,~ruts-Unis d'An~i.riciue),mesures consc~ri.u.rdonnunce
dir3 murs 1999, C.I.J. Rrc,ucil 19il),p. 13.par. 19-21.

88claimed it did not have was in fact available to Germany at least since
1993.

10. Germany learned in 1992that the LaGrands had been arrested in
1982 and that they had been tried and convicted in Arizona in 1984.
According to Germany, its involvement in this case begins with a prison
visit to the brothers on 8 December 1992. It explained this involvement to
the Court in the following words :

"In the following [after December 19921,Germany helped the
brothers' attorneys to investigate the brothers' childhood in Ger-
many, both by financial and logistical support, and to raise this issue
and the omission of consulurudvicr in Courtproceeding~."~(Empha-
sis added.)
Among the court proceedings instituted by the LaGrands' lawyers in co-

ordination with German consular officials was an appeal tu the United
States District Court for the District of Arizona, filed on 8 March 1993.
"In these proceedings", according to Germany, "the attorneys raised for
the first time the lack of consular advice and the violation of Art. 36 of
the Vienna Convention on Consular relation^."^ In support of their
claim, the attorneys provided the United States District Court on the
same date with the presentence reports prepared in 1984by the probation
officials ofPima County, Arizona, in connection with the sentencing of
the LaGrand brothers7. Each of these presentence reports stated very
clearly that the LaGrands were German citizens8. The reports had been
provided to the defence attorneys of the LaGrands a decade before and

they formally acknowledged receipt of these reports in open court on
12 December 19849.

11. In other words, the information contained in the presentence
reports, including the fact that the Arizona authorities knew as far back
as the early 1980sthat the LaGrands were German nationals, was known
to the attorneys of the LaGrands by 1984,if not earlier. These attorneys
filed the presentence reports with the United States District Court for
Arizona in March 1993in connection with their h~lbeascorpusmotion on
behalf of the LaGrands. As of that date, these reports were available to
Germany which, as we have seen, emphasized to this Court that it

"helped the brothers' attorneys . . to raise. . the omission of consular
advice" and "the violation of Art. 36 of the Vienna Convention on Con-

Memorial of Germany, Vol. 1,p. 11,para. 2.06.
Ibid .,12.para. 2.07.
'See Memorial of Germany, Vol. III.Ann. 46, p. 853, at p. 1009.
of Germany, Vol. II. Ann. 2, pp. 261 and 276.rand, dated 2 April 1984,Memorial
SeeMemorial of Germany, Vol. II. Ann. 8, pp. 461-462.bien à sa disposition, depuis 1993 au moins, les élémentsd'information
qu'elle a prétendu ne pas avoir.
10. L'Allemagne a appris en 1992que les LaGrand avaient étéarrêtés
en 1982puis jugéset condamnésen 1984.Selon elle, c'est par une visite
aux frères LaGrancl, le 8 décembre1992,qu'elle a commencé à intervenir
dans la présente affaire. Elle décrit la Cour son action dans les termes
suivants :

«Par la suite, l'Allemagne a aidé, iila fois sur le plan financier et
logistique, les avocats des intéressés enquêtersur leur enfance en
Allemagne, et à soulever la question de l'omissiondu dPjuut d'ussis-
tancc consulaireuu cours u' u procédure judiciaire.))5(Les italiques
sont de moi.)

Les actions judiciaires intentées par les avocats des LaGrand, en coor-
dination avec les fonctionnaires consulaires allemands, ont notamment
consisté à engager le 8 mars 1993une procédure d'appel devant le tribu-
nal fédéralde prernière instance pour le district de l'Arizona. D'après
l'Allemagne, c'est ((lors de cette procédure)) que «les avocats ont invo-

quépour la premièrefois le défautd'assistance consulaire et la violation
de l'article 36 de la convention de Vienne sur les relationsonsulaire^))^.
A l'appui de leur thèse, les avocats ont produit le mêmejour devant le
tribunal fédéralde première instance les rapports présentencielsétablis
en 1984 par les agents de mise à l'épreuvedu comtéde Pima, en Ari-
zona, dans le cadre de la détermination de la peine des frères LaGrand7.
Il était très clairement précisédans chacun de ces rapports que les
LaGrand étaient des citoyensallemandsx. Ces rapports avaient étécom-
muniqués une décennie auparavant aux avocats de la défense qui en
avaient formellement accusé réceptionen audiencepublique le 12décem-

bre 19849.
11. Autrement dit, les avocats des LaGrand avaient à leur disposition
dès 1984,sinon avaint, les élémentsd'information contenus dans les rap-
ports présentencielç,notamment le fait que les autorités de l'Arizona
savaient dèsle débutdes annéesquatre-vingt que les LaGrand étaient des
ressortissants allemands. Ces avocats ont produit les rapports présenten-
ciels devant le tribunal fédéralde première instance de l'Arizona, en mars
1993,dans le cadre de leur recours en habeas corpus pour le compte des
LaGrand. Dès lors, ces rapports étaient à la disposition de l'Allemagne

qui, comme nous l'avons vu, a fait valoir devant la Cour qu'elle avait
«aidé ...les avocats des intéressés à soulever ...la question du défaut

Mémoirede I'Alletna~ne.vol. 1.o. 11.var. 2.06
Ibid., p. 12.par. 2.071
Voir mémoirede I'Allemarne. vol. III. anneP.1009
Voir rapportsré!;entencièlsdu 2 avril 1984 concérnant Karl et Walter LaGrand,
mémoVoir mémoirede l'Allemagne,vol. II, annexe 8, p. 461-462.sular Relations" in the proceediilgs they instituted in 1993 (see para-
graph 10 above).

12. The foregoing facts raise serious doubts about the legitimacy of
Germany's contention in this Court that the late filing (on 2 March 1999)
of its request for provisional measures was attributable to the fact that it
discovered only on 23 February 1999 that the Arizona authorities knew
as far back as 1984 that the LaGrands were German nationals. Even

assuming that Germany did not actually know these facts, it certainly
had no excuse for not knowing them, given its insistent claim in this
Court of its close involvement in the LaGrand case after 1992 and its
collaboration with the LaGrands' attorneys after that date, particularly
in assisting them in raising issues relating to the Vienna Convention.

13. In its oral argument, Germany responded in the following terms to
the contention of the United States that the 1984presentence reports pro-
vided the answer to the question concerning the date when the Arizona
authorities learned that the LaGrands were German citizens:

"the only question that makes sense at al1in this context is whether

German officials did or did not have easy access to the Presentence
Reports in 1992 or thereafter. Although we do not attribute any
conclusive weight to this issue, we can provide you with a clear
answer. We have filed with the Court a Memorandum regarding the
Presentence Reports issue in the LaGrand matter, drafted by the
Federal Public Defender for the District of Arizona at the request of

the German Consulate General in Los Angeles. Let me summarize
what this Memorandum says: According to a local rule of the Pima
County Superior Court, the Presentence Reports concerning Karl
and Walter LaGrand were filed under seal and kept confidential
even after sentencing. When the Federal Public Defender tried to
locate this report in June of this year [2000], they could not be

found. In the words of the Public Defender:

'The exhibits clerk at the superior court advised that the clerk
did not have pre-sentence reports information on either LaGrand,
and they had no idea where the pre-sentence reports were filed. It
appears that the pre-sentence reports are not even in the superior
court file.'

Mr. President, if not even the competent US authority managed to

retrieve the reports, does it make sense to Say. as the Counter-
Memorial [of the United States] does, that it is 'hard to understand
how these reports were not already familiar to German consular
officers'? Can one really accuse a foreign consulate of negligence LAGRAND (OP.DISS. BUERGENTHAL) 552

d'assistance consulaire» et ((la violation de l'articl36 de la convention

de Vienne sur les relations consulaires» dans le cadre des actions inten-
tées en 1993 (voir, plus haut, le paragraphe 10).
12. Ces élémentsfont sérieusement douter du bien-fondé de la thèse
exposéedevant la Cour par l'Allemagne, qui a justifiéle dépôt tardif de
sa demande en indication de mesures conservatoires (le 2 mars 1999) en

expliquant qu'elle n'avait découvert que le 23 février 1999 seulement que
les autorités de 1'A.rizonaétaient dès 1984 au courant de la nationalité
allemande des LaGrand. A supposer mime que l'Allemagne ne fût pas au
courant de ces élémentsde fait, rien ne vient justifier son ignorance
puisqu'elle soutient fermement êtreactivement intervenue dans l'affaire

LaCrand et avoir collaboré avec les avocats des LaGrand après 1992,en
particulier en les aidant à soulever les questions liéesà la convention de
Vienne.
13. Dans ses exp,osésoraux, l'Allemagne a répondu de la manière sui-
vante à l'argument ciesEtats-Unis selon lequel les rapports présentenciels
de 1984 permettaient de savoir à quelle date les autorités de l'Arizona

avaient appris que llesLaGrand étaient des ressortissants allemands:

«la seule auestion aui se Dose raisonnablement dans ce contexte est
celle de savoir si des fonctionnaires allemands ont eu accès facile-
ment ou non aux rapports présentenciels en 1992 ou par la suite.
Sans attribuer d'importance déterminante à ce point, nous pouvons

vous donner une réponseclaire. Nous avons déposédevant la Cour
un mémorandum relatif à la question des rapports présentencielsen
l'affaire LaCr~nrl. rédigépar le Federal Public Dejhnder du district
de l'Arizona ;ila demande du consulat général d'Allemagne à
Los Angeles. I'ermettez-moi de résumer la teneur de ce mémoran-

dum: conformément à un règlement local de la cour supérieure du
comtéde Pima, les rapports présentencielsconcernant Karl et Wal-
ter LaGrand ointétéconservéssous scellés etdemeurent confidentiels
mêmeaprès la condamnation. Lorsque le Fcjdc~ruP l ublic Dejen~lera
tentéde retrouver ces rapports en juin de cette année[1992],ceux-ci
sont restésintrouvables. Comme l'écrit lePublic D~f~nder:

«L'emplo,yédu greffe de la cour supérieurechargéde la conser-
vation des pièces produites aux fins de l'administration de la

preuve a indliquéqu'il n'avait pas d'informations sur les rapports
présentenciels concernant l'un ou l'autre des frères LaGrand, ni
aucune idéede l'endroit où ces rapports étaient classés.Il semble
que les rapports en question ne figurent mêmepas dans le dossier
conservé au greffe de la cour supérieure. ))

Monsieur le président,si l'autoritécompétente des Etats-Unis elle-
mêmen'a pas réussi à retrouver ces rapports, est-il raisonnable

d'affirmer, cornrne le fait le contre-mémoire, que l'on a «du mal à
comprendre comment les fonctionnaires consulaires allemands ne
connaissaient pas déjàces rapports))? Peut-on vraiment accuser un when it failed to get hold of documents which could not even be
traced by the competent local authorities?" l0

14. The answer to the question counsel for Germany asked in the last
sentence of the preceding paragraph is a resounding "yes". As we have

seen, the presentence reports were in the possession of the LaGrands'
attorneys and transmitted by them to the United States District Court in
1993. Moreover, even assuming that these reports were confidential or
under seal after the conviction in 1984of the LaGrands, they became a
matter of public record when provided to the United States District
Court. Since the reports were thus available to Germany by 1993,it is
quite irrelevant that the Public Defender, quoted above by Germany, was
unable allegedly to find them in the year 2000.

15. It is noteworthy, too, that between 1992,when Germany learned
of the detention, trial and sentencing of the LaGrands, and the beginning
of 1999, when Germany claimed that it found out for the first time that
the Arizona authorities had known since the early 1980s that the
LaGrands were German citizens, Germany never asked the United
States Department of State to investigate the case of the LaGrands.
Moreover, in 1998the Department of State expressly invited al1embas-
sies in Washington "to bring possible failures of consular notification to

its attention, so that it could investigate and take any appropriate
action" l'.Such an investigation, had it been requested by Germany con-
sistent with the practice routinely followed in these types of cases, would
have determined the date as of which the LaGrands' German nationality
was known to the Arizona authorities. This information was in fact con-
tained in the report prepared by the State Department following its own
investigation of the case in 1999-2000'2.

16. Germany's lack of diligencein ascertaining the facts it advanced to
justify its late filing deprived the United States of an opportunity to be
heard on Germany's request for provisional measures. What is more, it
left the Court little choice but to accept on face value Germany's claim
of its lack of knowledge, since the absence of a hearing prevented the
United States from rebutting Germany's contention in this regard. Ger-
many's conduct raises issues analogous to those the Court addressed in
the case concerning Legulity of Use of Force (Yugasluvia v. Belgium),

'OCR 2000126,p. 38.
Counter-Mernorial of the United States. p. 51. para. 61.
j2"Karl and Walter LaGrand. Report of Investigation into Consular Notification
Issues", United States Department of State, 17February 2000,Counter-Mernorial of the
United States,xhibit 1. pp. 7-8. consulat étranger de négligenceparce qu'il n'apas réussia se procu-
rer des documents que les autoritéslocales compétenteselles-mêmes

n'ont pas pu retrou~er?))'~

14. A la question poséepar le conseil de l'Allemagne dans la dernière
phrase du paragraphe ci-dessus, il faut répondre par un «oui» clair et
net. Comme nous l'avons vu, les avocats des LaGrand avaient les rap-
ports présentencielsen leur possession et ils lesont produits devant le tri-
bunal fédéralde première instance en 1993. En outre, à supposer même
que ces rapports fussent confideiltiels ou placés sous scellésaprès la
condamnation des ILaGrand en 1984, ils sont tombés dans le domaine
public dès leur production devant le tribunal fédéralde première ins-
tance. Puisque 1'Alk:magnepouvait ainsi obtenir les rapports dès 1993,il

n'est guère pertinent que le Public Defen~ler,cité précédemmentpar
l'Allemagne, n'aitpas étéen mesure, comme il le dit, semble-t-il, de les
trouver en 2000.
15. Il convient égalementde noter qu'entre 1992,date à laquelle ]'Alle-
magne a été informée de la détention, du procès et de la condamnation
des LaGrand, et le début de 1999, date à laquelle elle a affirmé s'être
rendu compte pour liapremièrefois que lesautoritésde l'Arizona savaient
depuis ledébutdes annéesquatre-vingt que les LaGrand étaientde natio-
nalité allemande,l'Allemagne n'ajamais demandéau département d'Etat
des Etats-Unis d'enquêtersur le cas des LaGrand. En outre, en 1998,le
département d'Etat a expressément invitétoutes les ambassades sises à
Washington a ((parlerà son attention tout manquement éventuel à l'obli-

gation de notification consulaire afin de pouvoir procéder a une enquête
et prendre les mesures voulues le cas échéant» ".Une enquêtede ce type,
sil'Allemagne l'avait demandée conformément à la pratique bien établie
dans ce genre d'affaires, aurait permis de déterminer à quelle date les
autorités de l'Arizona avaient eu connaissance de la nationalité des
LaGrand. De fait, cet élémentd'information se trouve dans le rapport
établi par le département d'Etat à l'issue de l'enquêtequ'il a lui-même
menéesur l'affaire irn 1999-200012.
16. Le manque de vigilance dont l'Allemagne faitpreuve pour vérifier
les faits qu'elle a invoquésafin de justifier le dépôttardif de sa demande
en indication de mesures conservatoires a privéles Etats-Unis de la pos-

sibilitéde faire valoir leurs moyens sur cette demande. Qui plus est, la
Cour n'avait dès lors plus guère d'autre choix que d'accepter tel quel
l'argument de l'ignorance plaidépar l'Allemagne puisque, faute de pou-
voir le présenter,le:;Etats-Unis n'ont pas eu la faculté de réfuterla thèse
de l'Allemagne sur ce point. La conduite de l'Allemagne soulèveici des

IoCR 2000126,p. 38.
Contre-mémoire des Etats-Unis, p. 51, par. 61.
laire, département d'Etat des Etats-Unis, 17février 2000,contre-mémoire des Etats-Unis,
annexe 1, p. 7-8.where Yugoslavia attempted to invoke a new basis of jurisdiction at a
very late stage of the proceedings. In that case, the Court ruled as
follows :

"Whereas the invocation by a party of a new basis of jurisdiction

in the second round of oral argument on a request for the indication
of provisional measures has never before occurred in the Court's
practice; whereas such action at this late stage, when it is not
accepted by the other party, seriously jeopardizes the principle of
procedural fairness and the sound administration of justice; and
whereas in consequence the Court cannot, for the purpose of decid-
ing whether it may or may not indicate provisional measures in the
present case, take into consideration the new title of jurisdiction

which Yugoslavia sought to invoke on 12 May 1999."13
17. Germany's justification for its late filing, which the informa-
tion now before the Court has shown to have been based on spurious
claims, had the effect of obtaining a ruling from the Court that "seriously
jeopardize[d] the principle of procedural fairness and the sound admini-
stration of justice". This result, as we have seen, was brought about

because of Germany's lack of diligence. It alone justifies holding the
submission inadmissible on the grounds invoked by the Court in Yugo-
sla~~iuv. Belgium, above.

18. In addressing the issue of the admissibility of Germany's third
submission, the Court makes the following finding (para. 57):

"The Court recognizes that Germany may be criticized for the
manner in which these proceedings were filed and for their timing.
The Court recalls, however, that notwithstanding its awareness of
the consequences of Germany's filingat such a late date, it neverthe-
less considered it appropriate to enter the Order of 3 March 1999,
given that an irreparable prejudice appeared to be imminent. In

view of these considerations, the Court considers that Germany is
now entitled to challenge the alleged failure of the United States
to comply with the Order. Accordingly, the Court finds that
Germany's third submission is admissible."

19. 1 have no disagreement with the Court's viewthat given the immi-

nence of "an irreparable harm" in the instant case it was "appropriate"
to enter the Order of 3 March 1999on the facts then known to the Court.
But it does not follow therefrom, contrary to what the Court says, that
"in view of these considerations, the Court considers that Germany is

l3Prorzisional Measurc~. rder oj'2 Jzrn1999,I.C.J. RcJ~o~.1999 il). p. 139,
para.44.questions analogue!; à celles que la Cour a traitées en l'affaire de la
LiceitP de l'emploi de la force ( Yougoslavie c. Belgique), où la Yougo-
slavie a tenté d'invoquer unenouvelle base de compétenceà un stade très

avancéde I'instance. Dans cette affaire-là, la Cour a dit ceci:
((Considérant que l'invocation par une partie d'une nouvelle base

dejuridiction aiustade du second tourde plaidoiries surune demande
en indication de mesures conservatoires est sans précédentdans la
pratique de la Cour; qu'une démarche aussi tardive, lorsqu'elle n'est
pas acceptéepar l'autre partie, met gravement en pérille principe du
contradictoire i:t la bonne administration de la justice; et que, par

suite, la Cour niesaurait, aux fins de décidersi elle peut ou non indi-
quer des mesures conservatoires dans le cas d'espèce, prendre en
considération 11:nouveau chef de compétence dont la Yougoslavie a
entendu se prévaloir le 12 mai 1999.» ''

17. La justification que donne l'Allemagne du dépôt tardif de sa
demande, et qui, c'omme il ressort des élémentsdont la Cour dispose
aujourd'hui, s'appuie sur de fausses allégations, a conduit la Cour à

rendre une décision(([mettant] gravement en pérille principe du contra-
dictoire et la bonne administration de lajustice)). Ce résultat, commenous
l'avons vu, découledu manque de vigilance de l'Allemagne, lequel auto-
rise à lui seul à tenir la conclusion formulée pour irrecevable iiraison des

motifs exposés par la Cour en l'affaire ~ou~oslavie c. Belgique que je
viens de citer.
18. En examinant la question de la recevabilitéde la troisième conclu-
sion de I'Allemagrie, la Cour est parvenue à la conclusion suivante

(par. 57):
«La Cour reconnaît que l'Allemagne peut êtrecritiquée pour la
manière dont I'instance a étéintroduite et pour le moment choisi

pour l'introduire. La Cour rappelle toutefois que, tout en étantcons-
ciente des conséquences de l'introduction de I'instance par ]'Alle-
magne à une date si avancée,elle n'en a pas moins estiméappropriéde
rendre son ordonnance du 3 mars 1999, un préjudice irréparable

semblant imminent. Dans ces conditions, la Cour estime que I'Alle-
magne est en diroit de se plaindre aujourd'hui de la non-application,
alléguéepar ellle,de ladite ordonnance par les Etats-Unis. En consé-
quence, la Cour conclut que la troisième conclusion de l'Allemagne

est recevable. ))
19. Je n'ai rien à.redire quand la Cour estime que, vu l'imminence du
«préjudiceirréparable))en l'espèce,ilétait((approprié>> de rendre I'ordon-

nance du 3 mars 1999 sur la base des élémentsde fait dont elle avait
connaissance à ce moment-là. Mais il ne n'ensuit pas, contrairement à ce
que dit la Cour, que, <<[d]ansces conditions ... l'Allemagne est en droit de

-
'j .kIc~surro~rsoizrtoirc.~r,do~z~~trn(d*uer21999, C.1J. R~~,LIE19/99(1).p.139,
par. 44.555 LAGRAND (DISS O.P. BUERGENTHAL)

now entitled to challenge the alleged failure of the United States to
comply with the Order". The fact that it was appropriate for the Court
to issue the Order does not compel the admissibility of Germany's

third submission once it is apparent that Germany's justification for its
late filing is shown not to withstand scrutiny. It is to be regretted that
the Court fails to address this issue since it bears directly on the admis-
sibility of Germany's third submission.

20. Germany's negligence had other detrimental consequences for the

United States, as far as concerns the Order of 3 March 1999. In its
request for provisional measures, Germany asked the Court for an Order
that tracked verbatim the language of the Court's Order of 9 April 1998
in the Breard caseI4. When the Breard Order was before the United
States Supreme Court, the Solicitor General of the United States
explained why the Government believed that the Order was not binding.
He made three points in this regard. He submitted, first, that "there is

substantial disagreement among jurists as to whether an ICJ order indi-
cating provisional measures is binding. See Restatenzent (Third) of For-
eign Relations Laiv of rhc United States, Sec. 903, Reporter's Note 6, at
pp. 369-370 (1986). The better reasoned position is that such an order
is not binding" l5The Solicitor General then attempted to show, by ana-
lysing Article 41 of the Statute of the Court, why that was the better

reasoned view. The Solicitor General's second argument in support
of the non-binding character of the Court's Article 41 orders was that:

"the ICJ itself has never concluded that provisional measures are
binding on the parties to a dispute. That court has indicated provi-
sional measures in seven other cases of which we are aware; in most
of those cases, the order indicating provisional measures was not
regarded as binding by the respondent." ''

Finally, the Solicitor General argued that, even assuming that "parties to
a case before the ICJ are required to heed an order of that court indicat-
ing provisional measures", the Order in the Brpurd case was not worded
in mandatory termsl'. Consistent with the view ofthe Solicitor General,

the Supreme Court of the United States denied the stay of execution in

l4 Viennu Convention on Con.~ulurRe1ution.r(Puruguaj>v. United Sturts of Americu),
Provisinnul Mêasurcs,Order oj'9 April 1991C.J. Reports 1998. p. 258, para.(1).
l5Brief for the United States as Amiçus Curiae. Renuhlic of Puru~uv.'Gilmnrc.
Memorial of Germany, Vol. 11,Ann. 34, p. 737. L. ,
l6Ihid. P.738.se plaindre aujourd'hui de la non-application, alléguéepar elle, de ladite

ordonnance par les Etats-Unis)). Que la Cour ait estimé approprié de
rendre l'ordonnance n'emporte pas nécessairement la recevabilité de la
troisième conclusioin de l'Allemagne dès lors que les raisons invoquées
par l'Allemagnepour justifier son dépôt tardif ne résistent manifestementpas

à l'analyse. Il est regrettable que la Cour ait omis d'aborder cette ques-
tion car elle a une incidence directe sur la recevabilité de la troisième
conclusion de l'Allemagne.u
20. La négligencede l'Allemagne a eu d'autres conséquences préjudi-

ciables aux Etats-Unis. s'agissant de l'ordonnance du 3 mars 1999. Dans
sa demande en indication de mesures conservatoires, l'Allemagne a prié
la Cour de rendre une ordonnance dont le libellé suitmot pour mot celui

de l'ordonnance rendue le 9 avril 1998dans l'affaire BrearciI4.Lorsque la
Cour suprêmedes Etats-Unis a examinél'ordonnance Breard, le Solicitor
Genertrldes Etats-Unis a expliquépour quelles raisons, aux yeux du gou-
vernement, cette ordonnance n'avait pas force obligatoire. Il a évoqué

trois points à cet égard. Il a d'abord rappelé que «les juristes [étaient]
profondément divisés sur cette question (voir Restatement (Third) of
Foreign Relations I:aiv of the Unitrd States, par. 903, note 6, p. 369 et
370 (1986)))) et que «[l]a thèse la plus solide [était] qu'une telle ordon-

nance n'a pas un caractère obl~gatoire))'~.Le Solicitor General a ensuite
cherché à démontrer, par une analyse de l'article 41 du Statut de la Cour,
pourquoi il s'agissait de la thèse la plus solide. Le deuxième argument

avancé par le Solicitor General pour démontrer le caractère non obliga-
toire des ordonnances visées à l'article 41 du Statut de la Cour était le
suivant :

«la C.I.J. elle-même n'ajamais conclu que des mesures conserva-
toires s'imposent aux parties à un différend. La C.I.J. a indiqué des

mesures conservatoires dans sept autres affaires dont nous avons
connaissance. Dans la plupart de celles-ci, le défendeur n'a pas
considéré comme obligatoire l'ordonnance en indication de mesures
conservatoires. » Ih

Enfin, le Solicitor General a fait valoir que, «mêmesi les parties à une

affaire dont est saisie la C.I.J. [étaient] tenues d'obtempérer à une ordon-
nance en indication de mesures conservatoires»17, l'ordonnance en
l'affaire Breczrd n'ktait pas libellée en des termes impératifs. La Cour
suprêmedes Etats-Unis a suivi l'avis du Solicitor Grnerul en refusant le

l4 Convention de Vienne sur les relations consulaires (Puruguuy c. Etuts-Unis
d'Amérique). mesures conseriutoires. ordonnance du 9 avril 1998. C.I.J. Recueil 1998,
p. 258, par. 4(1).
IsMémoire soumis par les Etats-Unisà titre d'amicus curiue. R~.l>ucJ'Puruguuj v.
GiDnore,mémoirede l'Allemagne, vol. II, annexe 34. p. 737.
IhIhid..p.738.
l7Ihid..p.739.the Breard case called for by the Order of the International Court of Jus-
tice in that caseLx.
21. Germany was aware of the position of the United States Govern-
ment regarding the non-binding character of orders of this Court indi-
cating provisional measures in general and with its interpretation of the

Order in the Breard case in particular. Nevertheless, Germany asked the
Court less than a year later for an Order worded in precisely the same
language, instead of seeking an order that provided the authorities of the
United States with some legal basis for reassessing their position on the
binding nature of these orders.This failure by Germany would have been

less serious an omission had there been a hearing in the instant case in
which the United States could have explained its position to the Court.
But because of Germany's late filing, as we have seen, no hearing could
be held.

22. It is difficult to understand, therefore, what Germany sought to
achieve with its 2 March 1999 request for provisional measures. It cer-
tainlv could not have been sur~rised that the United States would ado~t
the same position with regard to the requested order as it did in relation
to the Breurd Order of 9 April 1998.There was nothing in the order Ger-

many requested on 2 March 1999 that would have provided the authori-
ties of the United States with a legal basisjustifying the Solicitor General
to reverse his official position adopted less than a year earlier. In the
absence of such a justification, it would have been unprecedented for him
not to adhere to his earlier view. Moreover, and that is even more impor-
tant, the Court itself had not in the meantime clarified its position on

the subject. Consequently, when Germany asked the Court to proceed
proprio inotu and without a hearing, and sought an order identical to that
the Court issued in the Breurd case, Germany breached an obligation of
elementary fairness it owed the United States in the circumstances of this
case. It is true, of course, that a party in proceedings before this Court, as

before any other court, must bear the consequences of having assumed,
erroneously in retrospect, that a given order is non-binding and being
held responsible for the resulting violation. But this fact does not relieve
Germany of responsibility for having engaged in a litigation strategy
prejudicial to the United States.

23. To summarize, the claim advanced by Germany to justify its late
filing has been shown to be without merit. In fact, it is now clear that
Germany had no good reason for not bringing its request for provisional

measures to the Court at least a year or two earlier, if not much earlier.
Its late filing did nevertheless have the consequence of preventing the

Breurdv.Gri)c~nc~c.~puhlic(,g'Pcirtv.Gi1tnor.c118 SCt. 1352(1998),37Inter-
rlutionul Lrgcil Mtrtc~.1998).p. 829.sursis à l'exécutioncluis'imposait aux termes de l'ordonnance rendue par
la Cour internationale de Justice en cette affaire1*.

21. L'Allemagne savait que la position du gouvernement des Etats-
Unis était. de manière générale,que les ordonnances en indication de
mesures conservatoires rendues par la Cour n'ont pas force obligatoire et
elle savait, en particulier, comment ils interprétaient I'ordonnance Brcard.
Or, moins d'un an plus tard, l'Allemagne a priéla Cour de rendre une

ordonnance libelléeprécisémentdans les mêmes termesau lieu de sollici-
ter une ordonnance qui aurait fourni aux autorités des Etats-Unisdes rai-
sons juridiques de réexaminer leurposition sur le caractère obligatoire de
ces ordonnances. Cette omission de l'Allemagne aurait été moins grave
s'ily avait eu en l'espèceune audience au cours de laquelle les Etats-Unis

auraient pu faire valoir leur position devant la Cour. Mais, comme nous
l'avons vu, il a étéimpossible de tenir des audiences parce que I'Alle-
magne a déposésa demande trop tardivement.
22. On comprend donc mal ce que l'Allemagne cherchait à obtenir par
sa demande en indication de mesures conservatoires du 2 mars 1999. Elle
ne pouvait certainelnent pas s'étonner de voir les Etats-Unis adopter à

l'égard de I'ordonniance demandée la même position que celle qu'ils
avaient prise à l'égardde I'ordonnance Breard du 9 avril 1998. L'ordon-
nance demandée par l'Allemagne le 2 mars 1999n'aurait fourni aux auto-
rités des Etats-Unis aucun fondement juridique autorisant le Solicitor
Genernl à revenir sur la position officielle que celui-ci avait adoptée

moins d'un an auparavant. Que le Solicitor Gcneral revienne sur sa posi-
tion antérieure en l'absence d'une telle justification aurait étésans précé-
dent. En outre, et c'est encore plus important, la Cour elle-même n'avait
pas entre-temps clarifiésa position sur ce point. Aussi l'Allemagne a-t-
elle manqué au devoir élémentaire d'équité dont elle étaittenue vis-i-vis

des Etats-Unis, vu les circonstances de l'espèce,lorsqu'elle a priéla Cour
d'agir d'office, sans tenir d'audiences, et de rendre une ordonnance iden-
tique a celle qui avait étérendue en l'affaire Breard. Il est vrai, certes,
qu'une partie i une instance devant cette Cour,comme devant toute juri-
diction, doit supporter les conséquences d'avoir présuméà tort, comme
on le voit rétrospec:tivement,qu'une certaine ordonnance n'a pas force

obligatoire et d'être tenuepour responsable de la violation qui en résulte.
Mais cela n'exonère pas l'Allemagne de la responsabilité qu'elle encourt
pour avoir adopté une stratégie contentieiise préjudiciable aux Etats-
Unis.
23. Je résume: il a été établq i ue les motifs invoqués par l'Allemagne

pour justifier le dépôt tardif de ses demandes n'étaient pas fondés. De
fait, on voit bien au.jourd'hui que l'Allemagne n'avait aucune raison vala-
ble de ne pas saisir la Cour de sa demande en indication de mesures
conservatoires au nioins un an ou deux auparavant, voire bien plus tôt.

'"reard v. Grrrne. Rrpublic ofPuruguu~v. GilnzorcCt..vol. 118, p. 1352(1998),
Intrrnurionul Lr,qu/Ma!c~riril(s1998), vol. 37, p. 829.

94United States from being heard in a timely fashion on the German
request for provisional measures. The absence of a hearing also deprived
the United States of the opportunity to address the question of the bind-
ing character of the Court's orders and their effect on the laws of the
United States. What is more, Germany sought an order from this Court
that it had every reason to anticipate the United States would consider to
be non-binding and hence not requiring enforcement - a litigation

strategy that is very difficult to understand unless that was its very
purpose.

24. Accordingly, 1 consider that the manner in which Germany pro-
ceeded in obtaining the Court's Order of 3 March 1999 amounted to pro-
cedural misconduct prejudicial to the interests of the United States as a
party to the instant proceedings. Such misconduct provides the requisite
justification - it compels it, in my opinion - for declaring Germany's

third submission inadmissible.

(Signed) Thomas BUERGENTHAL.Toujours est-il que ce dépôttardif a eu pour conséquence d'empêchelres
Etats-Unis de faire valoir en temps opportun leurs moyens sur cette
demande en indication de mesures conservatoires de l'Allemagne.
L'absence d'audience a égalementprivéles Etats-Unis de la possibilité
d'examiner la question du caractère obligatoire des ordonnances de la
Cour et de leur effet sur les normes juridiques des Etats-Unis. Qui plus
est.l'Allemagne a ~riéla Courde rendre une ordonnance dont elle avait
"
tout lieu de penser que les Etats-Unis la considéreraientcomme non obli-
gatoire, et donc corrimenon exécutoire:c'étaitpeut-êtrelà le but recher-
ché, sinon cette stratégie contentieuses'explique fort mal.
24. En conséquence,j'estime que la démarchesuivie par l'Allemagne
pour faire adopter 'l'ordonnance du 3 mars 1999 équivaut à une faute
procédurale préjudiciableaux intérêts des Etats-Unis en tantque partie à
la présenteinstance. Une telle faute constitue un motif suffisant- impé-
rieux,à mon avis - pour déclarerirrecevable la troisièmeconclusion de
l'Allemagne.

(Signé) Thomas BUERGENTHAL.

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Document Long Title

Opinion dissidente de M. Buergenthal (traduction)

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