Opinion individuelle de M. Parra-Aranguren (traduction)

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104-20010627-JUD-01-05-EN
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104-20010627-JUD-01-00-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. PARRA-ARANGUREN

[Traduction]

L'clrticlepremier di1protocole de .signuturefac~ultut-veE.ri.strnc.ed'un dif-
firend en tant que question essentiellenzent préliminair- Déj7nitiond'un dif-
,fc;ren- Inr.~istence d'un (/iffiérendentre 1r.sParties relNtla i~iolution,pur
1c.sEtats-Unis, du parugraphe 1 b) dl, 1'1'cirtiI6' lie,lu convention de Vienne
- Ahsence dt. cornpitence de ICCour sur ce point - La dernande que I'Alle-
rntrgnr,forn7uledans .sutroi.sièrneconc'lusionse rapporte non puN 1'interpri.t~-
/ion c/rlu c.oniv2ntion(le Vic~n,7ai.N celle de l'~~rtj41cdu St(~fzltde lu Cour
- Ah.seizcede conlpétcncede lu Cour pour truilc1zc.rcette qucl.stionen vertu de
l'article prcinier du pi.otocole de .signuturefi~cultative.

1. J'ai votécontre les points 1, 2 u), 2 c) et 5 du dispositif énoncéau
paragraphe 128 de l'arrêtde la Cour pour les motifs suivants:

2. La Cour fonde sa compétence sur l'article premier du protocole de
signature facultativir concernant le règlement obligatoire des différends

joint a la convention de Vienne sur les relations consulaires du 24 avril
1963 (ci-après «le protocole de signature facultative»).
3. L'article premier de ce protocole de signature facultative dispose
que :

((Les différends relatifs à l'interprétation ou A l'application de la
Convention relèvent de la compétence obligatoire de la Cour inter-
nationale de Justice, qui, a ce titre, pourra êtresaisie par une requête

de toute partie au différendqui sera elle-mêmePartie au présentPro-
tocole. »

4. Aux termes de cet article premier du protocole de signature facul-
tative, l'existence d'un différend est unecondition sine quu non pour qu'il
y ait compétence obligatoire de la Cour. Le Statut de la Cour énoncela

mêmecondition, puiisquele paragraphe 1 de son article 38 préciseque, en
matière contentieuse, la mission de la Cour est «de réglerconformément
au droit international les différends qui lui sont soumis)). Le para-
graphe 2 de l'articlie 36 et le paragraphe 1 de l'article 40 du Statut se
réfèrentégalementau différendentre les Parties. C'est pourquoi la Cour a

affirméque l'existence d'un différendétait une question <<essentiellement LAGRAND (OP.IND. PARRA-ARANGUREN) 545

préliminaire))et «la condition premièrede l'exercicede sa fonction judi-
ciaire))(Essaisnuclkaires (Australie c. France), arrêt,C.I.J. Recueil 1974,
p. 260, par. 24, et p. 270-271, par. 55).
5. Dans sa première conclusion, la République fédérale d'Allemagne

(ci-après «l'Allemagne») prie la Cour de dire et juger notamment

« 1) que. en n'informant pas sans retard Karl et Walter LaGrand,
aprèsleur arrestation, des droits qui étaientlesleurs en vertu du
paragraphie 1 6) de l'article 36 de la convention de Vienne sur
les relations consulaires...,les Etats-Unis ont violéles obliga-
tions juridiques internationales découlant de l'article 5 et du
paragraphie 1de l'article 36 de ladite convention...)).

6. Dans la premièrephrase de leur premièreconclusion, les Etats-Unis
d'Amérique(ci-aprils ((les Etats-Unis))) prient la Cour de dire et juger

«1) qu'ils ont violé l'obligationdont ils étaient tenus envers ]'Alle-
magne en vertu de l'alinéab) du paragraphe 1de l'article 36 de
la convention de Vienne sur les relations consulaires en ce que
les autoritéscompétentesdes Etats-Unisn'ont pas informé sans
retard de leurs droits Karl et Walter LaGrand ainsi que I'exi-
geait cet articl...».

7. Comme la Cour le reconnaît dans de nombreux paragraphes de
l'arrêt,par exemple dans la première phrase du paragraphe 39, les
Parties admettent toutes deux que les Etats-Unis n'ont pas informé
sans retard les frères LaGrand après leur arrestation des droits qu'ils
tenaient de l'alinéa b) du paragraphe 1de l'article 36 de la convention
de Vienne et ont par conséquent violé ladite disposition. Au para-
graphe 39 de l'arrêt,la Cour note égalementque les Etats-Unis ne con-
testent pas que cette violation «a donné naissance à un différendentre
les deux Etats)).
8. Néanmoins, la Cour a expliqué dans l'arrêtqu'elle a rendu le
1I juin 1998que

«au sens admis dans sa jurisprudence et celle de sa devancière, un
différend est un désaccord sur un point de droit ou de fait, un
conflit, une cipposition de thèses juridiques ou d'intérêts entre
des parties ..)> (Timor oriental (Portugal c. Australie), arrêt,
C.I.J. Recueil 1995, p. 99-100,par. 22), et que, «[p]our établirI'exis-
tence d'un diffërend: «Il faut démontrer que la réclamationde l'une
des parties se heurteà l'opposition manifeste de l'autre)) (Sud-Ouest
africain,exceptionsprélNninaires,arrêt,C.I.J. Recueil 1962, p. 328);
par ailleurs, «l'existencehn différendinternational demande à être
établie objectivement)) (Interprétation des traités depaix conclus
avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, première phase, avis

consultarif;C.,I.J.Recueil 1950,p. 74)))(C.I.J. Recueil 199.5,p. 100))) (Fronti2re terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigériu,
e.~ceptions préliminaires, urrêt, C. 1J. Recueil 1998, p. 314-315,
par. 87).

9. La Cour a dit en outre que

«il ne suffit pas que l'une des parties à une affaire contentieuse
affirme l'existence d'un différend avecl'autre partie. La simple affir-
mation ne sufit pas pour prouver I'existence d'un différend, tout
comme le simple fait que I'existence d'un différend estcontestée ne
prouve pas que ce différend n'existepas. Il n'est pas suffisant non
plus de démontrer que les intérêts des deux partiesà une telle affaire
sont en conflit. » (Sud-Oue,st ufricain, exceptions prélinîinaire, rrêt,

C. 1J. Rrcueil 1998, p. 328.)
10. Quand il est fait application de ces critères, et mêmes'il estadmis
que les Etats-Unis n'ont pas contestéI'existence d'un différend, iln'a pas

étédémontréobjectivement à la Cour que les Parties s'opposent réelle-
ment iicet égard. Au contraire, comme il ressort des conclusions ci-
dessus, elles s'accordent à dire que les Etats-Unis ont violé lesobligations
leur incombant en vertu du paragraphe 1 b) de l'article 36 de la conven-
tion de Vienne. C'estpourquoi j'estime que la Cour n'est pas compétenteau
titre de l'article premier du protocole de signature facultative pour
trancher la question de savoir si les Etats-Unis ont violéle paragraphe 1 b)

de l'article36 de laconvention quand ils ont arrêtéles frères LaGrand.
La Cour ne peut pas non plus exercer les fonctions qui lui sont dévolues
par le paragraphe 1de l'article 38 de son Statut. C'est pourquoi j'ai voté
contre les points 1 et 2 a) du dispositif énoncéau paragraphe 128 de
l'arrêt.
11. Il en va autrement pour les conséquences de la violation par les
Etats-Unis du paragraphe 1 b) de l'articl36 de la convention de Vienne.

Les Parties s'opposent sur ce point. La Cour est donc compétente pour
trancher ce différeriden vertu de l'article premier du protocole de signa-
ture facultative.

III

12. Dans sa troisième conclusion, l'Allemagne prie la Cour de dire et
juger que:
((3) en ne prenant pas toutes les mesures dont ils disposaient pour

que Waltt:r LaGrand ne soit pas exécutétant que la Cour inter-
nationale de Justice n'aurait pas rendu sa décision définitive en
l'affaire, les Etats-Unis ont violéleur obligation juridique inter-
nationale de se conformer à l'ordonnance en indication de
mesures conservatoires rendue par la Cour le 3 mars 1999et de
s'abstenir de tout acte pouvant interférer avec l'objet d'un dif-
férendtant que l'instance est en cours». 13. Au moyen de l'argumentation résumée dans l'arrêt(par. 93),1'Alle-
magne soutient que les mesures conservatoires indiquéespar la Cour en
vertu de l'article 41 de son Statut sont obligatoires. Les Etats-Unis le
contestent (arrêt,palr.91).
14. A la majoritéde ses membres, la Cour dit:

Le différend existantë cet égardentre les Parties concerne essen-
tiellement l'interprétation de l'article 41, qui est libelléen termes
identiques dans le Statut des deux Cours (sous réservede la référence
faite respectivement au Conseil de la Sociétédes Nations et au
Conseil de sécurité).Cette interprétation a fait l'objet d'abondantes
controverses doctrinales. La Cour passera donc maintenant a l'inter-
prétation de l'article 41 du Statut.)) (Arrêt, par.99.)

15. Comme il est reconnu dans l'arrêt,le différendentre l'Allemagneet
les Etats-Unis sur ce point se rapporteà l'interprétationde l'article 41 du
Statut de la Cour. Ce n'est donc pas un différendrelatifà I'interprétation
de la convention de Vienne comme l'exigele protocole de signature facul-
tative, qui est la base de compétence de laCour en l'espèce.En consé-
quence, la Cour n'est pas compétente, àmon avis, pour se prononcer sur
la troisièmeconclusion de l'Allemagne. C'estpourquoi j'ai votécontre les
points 1, 2c) et 5 dludispositif énoncéau paragraphe 128de l'arrêt.

(Signé) Gonzalo PARRA-ARANGUREN.

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SEPARATE OPINION OF JUDGE PARRA-ARANGUREN

Article Iuf tlze Optionul Protocol - E.uistet1c.cof'a dispute us an es.retztially
prelin~inury question - Defitzition ?/'a dispute- There is no dispute het~iwen
the Purtie.~as to the hrecichhjstlze Utlitrd States of Article 36. parugraplz1 (b),
of'the Viennu Coni>entiotz - No jurisdiction of the Court ot~t11i.psoint - The
clait?z117udehy Gertnutzj~in its t11ii.ds~rhn~i.rsion (lues not urise out of the
interprctutiot~ of tlze Vient~rrCotzrcntion but oj' Article 41 cf the Court's
Statlrte - No jurisdictiotl O/'thc Cozirt tu decick tfhistnatter under Article I
of'the Optional Protocol.

1. 1 have voted against operative paragraph 128 (l), (2) (a), (2) (c)
and (5) of the Judgment for the following reasons:

2. The Court bases its jurisdiction on Article 1of the Optional Proto-

col concerning Compulsory Settlement of Disputes to the Vienna Con-
vention on Consular Relations of 24 April 1963 (hereinafter referred to
as the "Optional Protocol").
3. Article 1of the Optional Protocol prescribes that

"Disputes arising out of the interpretation or application of the

Convention shall lie within the compulsory jurisdiction of the Inter-
national Court of Justice and may accordingly be brought before the
Court by a written application made by any party to the dispute
being a Party to the present Protocol."

4. The existence of a dispute is a condition sine quu non established by
Article 1of the Optional Protocol for the compulsory jurisdiction of the
Court. It is also required by the Statute of the Court. Article 38, para-
graph 1, of the Statute states that the function of the Court in conten-
tious cases "is to decide in accordance with international law such dis-

putes asare submitted to it". Article 36, paragraph 2, and paragraph 1of
Article 40 also refer to the dispute between the Parties. Accordingly, the
Court has stated that the existence of a dispute is an "essentially prelimi-
nary" question and that it is "the primary condition for the Court to OPINION INDIVIDUELLE DE M. PARRA-ARANGUREN

[Traduction]

L'clrticlepremier di1protocole de .signuturefac~ultut-veE.ri.strnc.ed'un dif-
firend en tant que question essentiellenzent préliminair- Déj7nitiond'un dif-
,fc;ren- Inr.~istence d'un (/iffiérendentre 1r.sParties relNtla i~iolution,pur
1c.sEtats-Unis, du parugraphe 1 b) dl, 1'1'cirtiI6' lie,lu convention de Vienne
- Ahsence dt. cornpitence de ICCour sur ce point - La dernande que I'Alle-
rntrgnr,forn7uledans .sutroi.sièrneconc'lusionse rapporte non puN 1'interpri.t~-
/ion c/rlu c.oniv2ntion(le Vic~n,7ai.N celle de l'~~rtj41cdu St(~fzltde lu Cour
- Ah.seizcede conlpétcncede lu Cour pour truilc1zc.rcette qucl.stionen vertu de
l'article prcinier du pi.otocole de .signuturefi~cultative.

1. J'ai votécontre les points 1, 2 u), 2 c) et 5 du dispositif énoncéau
paragraphe 128 de l'arrêtde la Cour pour les motifs suivants:

2. La Cour fonde sa compétence sur l'article premier du protocole de
signature facultativir concernant le règlement obligatoire des différends

joint a la convention de Vienne sur les relations consulaires du 24 avril
1963 (ci-après «le protocole de signature facultative»).
3. L'article premier de ce protocole de signature facultative dispose
que :

((Les différends relatifs à l'interprétation ou A l'application de la
Convention relèvent de la compétence obligatoire de la Cour inter-
nationale de Justice, qui, a ce titre, pourra êtresaisie par une requête

de toute partie au différendqui sera elle-mêmePartie au présentPro-
tocole. »

4. Aux termes de cet article premier du protocole de signature facul-
tative, l'existence d'un différend est unecondition sine quu non pour qu'il
y ait compétence obligatoire de la Cour. Le Statut de la Cour énoncela

mêmecondition, puiisquele paragraphe 1 de son article 38 préciseque, en
matière contentieuse, la mission de la Cour est «de réglerconformément
au droit international les différends qui lui sont soumis)). Le para-
graphe 2 de l'articlie 36 et le paragraphe 1 de l'article 40 du Statut se
réfèrentégalementau différendentre les Parties. C'est pourquoi la Cour a

affirméque l'existence d'un différendétait une question <<essentiellementexerciseitsjudicial function" (Nuclear Tests (Austruliu v.France), Judg-
ment, I.C.J. Reports 1974, p. 260, para. 24; pp. 270-271, para. 55).

5. The first submission of the Federal Republic of Germany (herein-
after referred to as "Germany") requests the Court to adjudge and
declare inter aliu

"(1) that the United States, by not informing Karl and Wal-
ter LaGrand without delay following their arrest of their rights
under Article 36 subparagraph 1 (h) of the Vienna Convention
on Consular Relations . ..,violated its international legal obli-
gations to Germany, in its own right . ., under Articles 5 and
36 paragraph 1 of the said Convention."

6. The first sentence of the first submission of the United States of
America (hereinafter referred to as the "United States") requests the
Court to adjudge and declare that
"(1) There was a breach of the United States obligation to Germany
under Article 36 (1) (b) of the Vienna Convention on Consular
Relations, in that the competent authorities of the United

States did not promptly give to Karl and Walter LaGrand the
notification required by that Article . . ."

7. As recognized in many paragraphs of the Judgment, for example
the first sentenceof paragraph 39, the Parties agree that the United States
did not inform the LaGrand brothers without delay following their arrest
of their rightsunder Article 36, paragraph 1 (b), of the Vienna Conven-
tion, thus violating that provision. Paragraph 39 of the Judgment adds

that the United States did not deny that such violation "has given rise to
a dispute between the two States".

8. However, the Court explained in its Judgment of 11June 1998that

"'in the sense accepted in itsjurisprudence and that of its predeces-
sor. a dispute is a disagreement on a point of law or fact, a conflict

of legalviewsor interests between parties ...'(East Timor (Portugal
v. Australia), Judgment, I.C.J. Reports 1995, pp. 99-100, para. 22);
and that '[ilnorder to establish the existence of a dispute, "It must
be shown that the claim of one party is positively opposed by the
other" (South West Africa, Preliminary Objections,Judgment, I.C.J.
Reports 1962, p. 328); and further, "Whether there exists an inter-
national dispute is a matter for objective determination" (Interpreta-
tion of Peace Treaties with Bulgaria, Hungary and Romunia, First
Phase, Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1950, p. 74)'(1.C.J. Reports
1995, p. IOO)." (Land and Maritime Boundar.y between Cameroon LAGRAND (OP.IND. PARRA-ARANGUREN) 545

préliminaire))et «la condition premièrede l'exercicede sa fonction judi-
ciaire))(Essaisnuclkaires (Australie c. France), arrêt,C.I.J. Recueil 1974,
p. 260, par. 24, et p. 270-271, par. 55).
5. Dans sa première conclusion, la République fédérale d'Allemagne

(ci-après «l'Allemagne») prie la Cour de dire et juger notamment

« 1) que. en n'informant pas sans retard Karl et Walter LaGrand,
aprèsleur arrestation, des droits qui étaientlesleurs en vertu du
paragraphie 1 6) de l'article 36 de la convention de Vienne sur
les relations consulaires...,les Etats-Unis ont violéles obliga-
tions juridiques internationales découlant de l'article 5 et du
paragraphie 1de l'article 36 de ladite convention...)).

6. Dans la premièrephrase de leur premièreconclusion, les Etats-Unis
d'Amérique(ci-aprils ((les Etats-Unis))) prient la Cour de dire et juger

«1) qu'ils ont violé l'obligationdont ils étaient tenus envers ]'Alle-
magne en vertu de l'alinéab) du paragraphe 1de l'article 36 de
la convention de Vienne sur les relations consulaires en ce que
les autoritéscompétentesdes Etats-Unisn'ont pas informé sans
retard de leurs droits Karl et Walter LaGrand ainsi que I'exi-
geait cet articl...».

7. Comme la Cour le reconnaît dans de nombreux paragraphes de
l'arrêt,par exemple dans la première phrase du paragraphe 39, les
Parties admettent toutes deux que les Etats-Unis n'ont pas informé
sans retard les frères LaGrand après leur arrestation des droits qu'ils
tenaient de l'alinéa b) du paragraphe 1de l'article 36 de la convention
de Vienne et ont par conséquent violé ladite disposition. Au para-
graphe 39 de l'arrêt,la Cour note égalementque les Etats-Unis ne con-
testent pas que cette violation «a donné naissance à un différendentre
les deux Etats)).
8. Néanmoins, la Cour a expliqué dans l'arrêtqu'elle a rendu le
1I juin 1998que

«au sens admis dans sa jurisprudence et celle de sa devancière, un
différend est un désaccord sur un point de droit ou de fait, un
conflit, une cipposition de thèses juridiques ou d'intérêts entre
des parties ..)> (Timor oriental (Portugal c. Australie), arrêt,
C.I.J. Recueil 1995, p. 99-100,par. 22), et que, «[p]our établirI'exis-
tence d'un diffërend: «Il faut démontrer que la réclamationde l'une
des parties se heurteà l'opposition manifeste de l'autre)) (Sud-Ouest
africain,exceptionsprélNninaires,arrêt,C.I.J. Recueil 1962, p. 328);
par ailleurs, «l'existencehn différendinternational demande à être
établie objectivement)) (Interprétation des traités depaix conclus
avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, première phase, avis

consultarif;C.,I.J.Recueil 1950,p. 74)))(C.I.J. Recueil 199.5,p. 100))) and Nigeriu, Preliminary Objections,Judgment, 1. C. J. Reports 1998,
pp. 314-315, para. 87).

9. The Court has also stated that
"it is not sufficient for one party to a contentious case to assert that

a dispute exists with the other party. A mere assertion is not suffi-
cient to prove the existence of a dispute any more than a mere denial
of the existence of the dispute proves its non-existence. Nor is it
adequate to show that the interests of the two parties to such a
case are in conflict."(South West Africu (Ethiopiu v.South Ajiicu;
Liberia v. South Africu), Preliniinnry Objections, Judgment,
I.C.J. Reports 1962, p. 328.)

10. On the basis of these criteria, even assuming that the United States
had not denied the existence of a dispute, it has not been shown objec-
tively to the Court that the Parties maintain positively opposed positions
on this point. On the contrary, as it appears from the submissions quoted
above, they agree on the breach by the United States of its violation of
Article 36, paragraph 1 (b), of the Vienna Convention. Therefore, in
my opinion, the Court does not have jurisdiction under Article 1 of
the Optional Protocol to decide whether the United States breached
Article 36, paragraph 1 (h), when arresting the LaGrand brothers.
Nor can the Court exerciseits functions under Article 38, paragraph 1,of
itsStatute. For this reason 1 voted against operative paragraph 128 (1)
and (2) (u) of the Judgment.

11. A different problem is the consequences of the violation by the
United States of Article 36, paragraph 1 (b), of the Vienna Convention.
The Parties disagree upon them. Therefore the Court has jurisdiction to
decide that dispute under Article 1of the Optional Protocol.

III

12. Germany's third submission requests the Court to adjudge and
declare

"(3) that the United States, by failing to take al1measures at its dis-
posai to ensure that Walter LaGrand was not executed pending
the final decision of the International Court of Justice on the
matter, violated its international legal obligation to comply
with the Order on provisional measures issued by the Court on
3 March 1999, and to refrain from any action which might
interfere with the subject matter of a dispute whilejudicial pro-
ceedings are pending". (Fronti2re terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigériu,
e.~ceptions préliminaires, urrêt, C. 1J. Recueil 1998, p. 314-315,
par. 87).

9. La Cour a dit en outre que

«il ne suffit pas que l'une des parties à une affaire contentieuse
affirme l'existence d'un différend avecl'autre partie. La simple affir-
mation ne sufit pas pour prouver I'existence d'un différend, tout
comme le simple fait que I'existence d'un différend estcontestée ne
prouve pas que ce différend n'existepas. Il n'est pas suffisant non
plus de démontrer que les intérêts des deux partiesà une telle affaire
sont en conflit. » (Sud-Oue,st ufricain, exceptions prélinîinaire, rrêt,

C. 1J. Rrcueil 1998, p. 328.)
10. Quand il est fait application de ces critères, et mêmes'il estadmis
que les Etats-Unis n'ont pas contestéI'existence d'un différend, iln'a pas

étédémontréobjectivement à la Cour que les Parties s'opposent réelle-
ment iicet égard. Au contraire, comme il ressort des conclusions ci-
dessus, elles s'accordent à dire que les Etats-Unis ont violé lesobligations
leur incombant en vertu du paragraphe 1 b) de l'article 36 de la conven-
tion de Vienne. C'estpourquoi j'estime que la Cour n'est pas compétenteau
titre de l'article premier du protocole de signature facultative pour
trancher la question de savoir si les Etats-Unis ont violéle paragraphe 1 b)

de l'article36 de laconvention quand ils ont arrêtéles frères LaGrand.
La Cour ne peut pas non plus exercer les fonctions qui lui sont dévolues
par le paragraphe 1de l'article 38 de son Statut. C'est pourquoi j'ai voté
contre les points 1 et 2 a) du dispositif énoncéau paragraphe 128 de
l'arrêt.
11. Il en va autrement pour les conséquences de la violation par les
Etats-Unis du paragraphe 1 b) de l'articl36 de la convention de Vienne.

Les Parties s'opposent sur ce point. La Cour est donc compétente pour
trancher ce différeriden vertu de l'article premier du protocole de signa-
ture facultative.

III

12. Dans sa troisième conclusion, l'Allemagne prie la Cour de dire et
juger que:
((3) en ne prenant pas toutes les mesures dont ils disposaient pour

que Waltt:r LaGrand ne soit pas exécutétant que la Cour inter-
nationale de Justice n'aurait pas rendu sa décision définitive en
l'affaire, les Etats-Unis ont violéleur obligation juridique inter-
nationale de se conformer à l'ordonnance en indication de
mesures conservatoires rendue par la Cour le 3 mars 1999et de
s'abstenir de tout acte pouvant interférer avec l'objet d'un dif-
férendtant que l'instance est en cours».547 LAGRAND (SEP.OP. PARRA-ARANGUREN)

13. Germany, advancing the arguments summarized in the Judgment
(paragraph 93), maintains that the measures indicated by the Court
pursuant to Article 41 of its Statute are obligatory. This contention is
disputed by the United States (paragraph 91 of the Judgment).

14. The majority of the Court States:
"The dispute which exists between the Parties with regard to this
point essentially concerns the interpretation of Article 41, which is
worded in identical terms in the Statute of each Court (apart from
the respective references to the Council of the League of Nations

and the Security Council). These difficulties have been the subject of
extensive controversy in the literature. TheCourtwill therefore now
proceed to the interpretation of Article 41 of the Statute."(Para-
graph 99 of the Judgment.)
15. As the Judgment acknowledges, the dispute between Germany

and the United States on this point arises out of the interpretation of
Article 41 of the Court's Statute. Therefore, it is not a dispute arising
out of the interpretation of the Vienna Convention as required by the
Optional Protocol, which is the basis for the jurisdiction of the Court in
the present case. Consequently, in my opinion, the Court does not have
jurisdiction to decide Germany's third submission. For this reason 1
have voted against operative paragraph 128 (l), (2)(c) and (5) of the
Judgment.

(Signed) Gonzalo PARRA-ARANGUREN. 13. Au moyen de l'argumentation résumée dans l'arrêt(par. 93),1'Alle-
magne soutient que les mesures conservatoires indiquéespar la Cour en
vertu de l'article 41 de son Statut sont obligatoires. Les Etats-Unis le
contestent (arrêt,palr.91).
14. A la majoritéde ses membres, la Cour dit:

Le différend existantë cet égardentre les Parties concerne essen-
tiellement l'interprétation de l'article 41, qui est libelléen termes
identiques dans le Statut des deux Cours (sous réservede la référence
faite respectivement au Conseil de la Sociétédes Nations et au
Conseil de sécurité).Cette interprétation a fait l'objet d'abondantes
controverses doctrinales. La Cour passera donc maintenant a l'inter-
prétation de l'article 41 du Statut.)) (Arrêt, par.99.)

15. Comme il est reconnu dans l'arrêt,le différendentre l'Allemagneet
les Etats-Unis sur ce point se rapporteà l'interprétationde l'article 41 du
Statut de la Cour. Ce n'est donc pas un différendrelatifà I'interprétation
de la convention de Vienne comme l'exigele protocole de signature facul-
tative, qui est la base de compétence de laCour en l'espèce.En consé-
quence, la Cour n'est pas compétente, àmon avis, pour se prononcer sur
la troisièmeconclusion de l'Allemagne. C'estpourquoi j'ai votécontre les
points 1, 2c) et 5 dludispositif énoncéau paragraphe 128de l'arrêt.

(Signé) Gonzalo PARRA-ARANGUREN.

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