Opinion dissidente de M. Oda (traduction)

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104-20010627-JUD-01-03-EN
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OPINION DISSIDENTE DE M. ODA

[Traduction]

Des erreurs ont été commisesen l'espèce.
L'Allemagne - N'introduit pas l'instance comme il aurait ,fallu - Absence
d'un «d~xférend»résultant de l'interprétation ou de l'application de la conven-
tion de Vienne sur les re1arion.sconsu1aire.s - L'instance est sans rapport avec

I'ufjaire de la Compétence en matièredepêcherie(sRépubliquefédéraled'Alle-
magne c. Islande) - Le diflérend n'a pus étésoulevéauprès des Etats-Unis
préalahlement au dépiilde lu requête - La requcte est unilatérale - Incidence
de l'application de la peine de mort aux Etats-Unis - Risque de voir les Etats
revenir sur leur accepi'ationde lajuridiction obligatoire de la Cour.

Les Etats-Unis - ririesoulèvent pas d'exceptions cila requtte de l'Allemagne
uvrrnfleur contre-ménioire.
La Cour internationale de Justice - Indication non justijïée de mesures
conservatoires -- Situation mettant enjeu les droits des individus plutôt que les
droits des Etats.

Des erreurs sont commiscir.dans l'arrêt.
Cinq grandes questions - Les Etc~ts-Unis ont reconnu avoir manqué à l'obli-
~ation dt prompte noliJication consulaire prescrite pur la convention de Vienne
- Ahsence de lien entre lu convention et 1'e.uécutiondes LaGrand - Absence
de lien entre I'ordonnanc~ecn indication de mesures conservatoires du 3 mars

1999et laprésente instance - II est erronéde croire que lu convention opérerait
une distinction entre ies droits des ressorti.s.santsde I'Etut d'envoi et ceux des
res~orti~ssantsde I'Etut de résidence - Protection des étrangers.
Il n'existe pas de diffiérendentre les Parties au sujet de l'interprétationou de

l'application de la colrvention de Vienne - Le., Etats-Unis n'ont pas soulevé
c1'e.uception.sde cornp~!tence - lrrecevabilitk des demandes de I'Allemagne -
Les Etats-Unis n'ont ,pas non plus soulevéd'e-tceptions préliminaires a ce titre
- Question de savoir si la convention de Vienne accorde des droits UU.~ indiii-
dus conmle aux Etais -- Application de lu rPgl(> de la carence procédurule -

Caractère obligatoire ou non des ordonnances en indication de mesures conser-
vatoires - La Cour a'oit-elleparler de mesures visant ù éviterde nouvelles vio-
lations de la convention de Vienne.

1. UNE ACCUMULATION D'ERREURS
EN L'ESPÈCE

1. Je voudrais, pour commencer, dire comment je vois cette affaire

dans son ensemble. C'est une instance exceptionnelle et des plus malai-
sées à appréhender. A mon sens, la Cour s'en est trouvéesaisie à la suite
d'une accumulation d'erreurs, commises par l'Allemagne, d'abord, en sa

qualitéde demandeur; puis par les Etats-Unis, en leur qualitéde défen-
deur; enfin, par la Cour elle-même. LAGRAND (OP.DISS.ODA) 526

1. L'Allernagrze a comrnis l'erreur de saisir unilatéralement la Cour de
demandes relatives ù des violations de la convention sur les relations

consulaires dont les Etats-Unis seraient coupables plutôt que d'un ((dif-
férend» au sens du protocole de signature facultative

2. Le 2 mars 1990, l'Allemagne a déposéau Greffe, <(envertu de I'ar-
ticle premier du protocole de signature facultative a la convention de
Vienne sur les relatiions consulaires concernant le règlement obligatoire
des différends)), une ((requêteintroductive d'instance contre le Gouver-
nement des Etats-Unis d'Amérique en raison de violations de la conven-
tion de Vienne sur /es relations consulaires» (requète de la République

fédérale d'Allemagne;les italiques sont de moi).
Il importe de noter que l'Allemagne n'a nulle part indiqué dans sa
requêtequ'elle introduisait une instance en raison d'un d$férend relatifù
l'interprétationou ù l'application de la convention de Vienne, alors même
qu'elle s'y référaità l'article premier du protocole de signature faculta-
tive, lequel dispose:

«Les difj(2reuidsrelutiji à l'interprétation ou ù I'applic~ationde la
convention relèvent de la compétence obligatoire de la Cour interna-
tionale de Justice, qui, à ce titre, pourra êtresaisie par une requêt».
(Les italiques sont de moi.)

La présente afîaiire se différencie nettement de celle de la Compé-
tence en matière de pêcheries (République fédérale d'Allemagne c.
Islande) : voilà près de trente ans, l'Allemagne déposait une ((requête

introduisant une insfunce ... au sujet d'undiffërend)) l'opposantal'Islande
(Compétenceen matière de pêcheries(Républiquefédéraled'Allemagne c.
Islande), fond, arrét, C.I.J. Recueil 1974, p. 176; les italiques sont de
moi). Ce point revêt laplus haute importance et n'aurait pas dû être
négligélors de I'exiimen des questions relatives à la compétence de la

Cour en l'espèce.
3. Je tiens d'embléeà dire qu'avant l'introduction de la présente ins-
tance, le 2 mars 1999, ni les Etats-Unis, Partie défenderesse, ni I'Alle-
magne elle-même,F'artie demanderesse, n'estiment qu'il existeentre eux
un différend au sujet de ((l'interprétation ou [de] l'application de la
convention [de Vierine])). 11n'y avait pas eu de négociation ni mêmede

discussion au sujet d'un tel différend.
4. L'historique de la présente instance, qui concerne Walter LaGrand
- nom que la Cour a donnéà l'affaire - et son frère, Karl LaGrand, est
exposéen détailaux paragraphes 13 a 29 de l'arrêt.Les faits sont les sui-
vants: les frères LaGrand ont étéarrêtés le 7janvier 1982pour des crimes
commis le mêmejour; ils ont étéreconnus coupables par la cour supé-

rieure du comtéde Pima, en Arizona, le 17 février 1984, et condamnés à
mort le 14 décembre 1984. Ces faits n'ont pas été contestés.Les appels
interjetésdevant la cour suprêmede l'Arizona contre ces verdicts ont été
rejetésle 30 janvier 1987. La Cour suprêmedes Etats-Unis a opposé le5 octobre 1987 une: fin de non-recevoir aux recours en revision de ces
décisions.
Les recours formiis après condamnation ont étérejetéspar une juridic-

tion de I'Etat de l'Arizona en 1989. La cour suprêmede l'Arizona a
refuséde réexaminercette décision en 1990et la Cour suprêmedes Etats-
Unis a fait de mêmee :n 1991. Les recours introduits par la suite, dont une
demande en revision de verdict forméedevant la cour suprêmede 1'Ari-
zona et un recours en grâce, ont tous étérejetés.Le 15janvier 1999, la
cour suprême de l'Arizona a fixé au 24 février 1999 l'exécution de

Karl LaGrand, et au 3 mars 1999 celle de Walter LaGrand. Le 19jan-
vier 1999, le consulat d'Allemagne a eu connaissance de ces décisions
fixant les dates de l'exécution des frèresLaGrand.
5. Au moment de leur arrestation, aucun des frères LaGrand n'avait
conscience d'avoir la nationalité allemande; les autorités américaines
compétentes ignoraient elles aussi que les LaGrand n'étaientpas citoyens

des Etats-Unis. Il est indiqué dans l'arrêtde la Cour que c'est entre le
milieu de 1983 et la fin de 1984 que les ((autorités compétentes)) des
Etats-Unis ont appris que les LaGrand possédaient la nationalité alle-
mande. Si les autorités des Etats-Unis n'ont pas informé les LaGrand de
leur véritable nationalité avant 1991, ils'agissait en réalitéd'un fait que,

A cette date, les deux frères n'ignoraient plus. L'affaire a été portéeà
l'attention du consiilat d'Allemagne en juin 1992 «par les LaGrand eux-
mêmes,qui avaient eu connaissance de leurs droits [aux termes de I'ali-
néa b) du paragraphe 1 de l'article 36 de la convention de Vienne] par
d'autres sources et non par les autorités de l'Arizona» (arrêt, par. 22). Le
consulat d'Allemagne a eu à plusieurs reprises des contacts avec les frères

LaGrand entre décembre 1992et février 1999.La Cour indique que, «[l]e
21 décembre 1998. les LaGrand ont étéoffia.,llement informés Dar les
autorités des Etats-Unis de leur droit de communiquer avec leurs autori-
tésconsulaires» (arrêt, par. 24; les italiques sont de moi). La pertinence
de cette notification «officielle» m'échappe,dans la mesure où l'informa-
tion leur avait déjàéténotifiée«de fait» et qu'«à plusieurs reprises ... un

fonctionnaire du consulat général d'Allemagne à Los Angeles [avait]
rendu visite aux LaGrand dans leur prison» (arrêt, par. 22).
6. Dans cette siiccession d'événementsqui vient d'êtreexposée, a
aucun moment, 1'A.llemagnen'a soulevéauprès des Etats-Unis la ques-
tion des frères LaCirand. C'est seulement en janvier-février 1999 qu'elle
s'est adresséeaux plus hautes iristarices des Etats-Unis pour solliciter la

grâce des frères LaGrand (arrêt, par.26). Le 22 février1999 - deux jours
seulement avant l'exécution de Karl LaGrand , le ministre allemand
des affaires étrangéhreas attiré l'attention du secrétaire d7Etat américain
sur le défaut de notification consulaire.
11convient de noitera nouveau que l'Allemagne n'a pas intentéd'action

portant sur un diffrirend l'opposant aux Etats-Unis quant à l'application
de la convention de Vienne sur les relations consulaires. Même si elle esti-
mait les Etats-Unis coupables d'avoir violécet instrument, l'Allemagne
n'a invoqué aucun grief en ce sens; et les Etats-Unis ne pouvaient, à l'évi-dence, deviner que l'Allemagne pensait peut-être à d'éventuelles viola-
tions de cette convention puisque l'Allemagne n'en disait rien. Aucune
des Parties en cause n'avait conscience, avant le 2 mars 1999, de l'exis-
tence entre elles d'une quelconque divergence de vues au sujet de la
convention de Vienne. 11n'y avait entre les deux Etats aucune négocia-

tion en cours à cet égard.
7.Or, le 2 mars 1999, l'Allemagne a soudainement déposéau Greffe
de la Cour une ((requêteintroductive d'instance ... en raison de violations
de la convention de Vienne sur les relations consulaires» (requête, para-
graphe introductif) ijur la base du paragraphe 1 de l'article40 du Statut
de la Cour et du paragraphe 1de l'article38 de son Règlement.
C'est à ce stade que les Etats-Unis ont pu découvrir qu'ils étaient en

cause dans un «diffitrend» découlant de l'interprétation ou de l'applica-
tion de laconventioin. Expériencebien singulière,à n'en pas douter, pour
les Etats-Unis que d'êtreinformés uniquement [email protected]'introduction d'une
instance à leur encontre de la prétendue existence d'un ((différend)).
Les Etats-Unis ont appris par la requête déposée le 2 mars 1999 que
l'Allemagne leur imputait des violations de la convention de Vienne sur

les relations consulaires. Je suis surpris que l'Allemagne ait unilatérale-
ment saisi la Courdansde telles conditions. Plus de dix-sept ans s'étaient
écoulésdepuis les crimes commis par les frères LaGrand et, le mêmejour
de janvier 1982, leur arrestation. Près de quinze ans s'étaient écoulés
depuis leur condamnation à mort par une juridiction de 1'Etat de 1'Ari-
zona. Pendant tout ce temps, l'Allemagne n'avait rien entrepris qui pût

laisser supposer qu',elle faisait grief aux Etats-Unis de violations de la
convention de Vienineni qu'il existait un problème donnant naissance à
un ((différend» entre les deux pays.
8. L'Allemagne a engagéson action contre les Etats-Unis parce qu'ils
auraient violé laconvention, et non -je tiens à le souligner une fois de
plus - en raison de ((différendsrelatifs à l'interprétation ou à I'applica-
tion de la convention [de Vienne sur les relations consulaires]» qui, aux

termes du protocolii de signature facultative, auraient pu relever de la
compétence obligatoire de la Cour. En réalité,aucun différendn'opposait
l'Allemagne et les Etats-Unis au sujet de l'interprétation ou de I'applica-
tion de la convention, ou, s'ily en avait un, il n'avait donnélieu à aucune
négociation diplomiitique entre les deux Parties. La seule chose qui exis-
tât à l'époqueétaitle grief en puissance de l'Allemagne, ignoré des Etats-

Unis, portant sur de prétendues violations par ceux-ci de la convention.

Je crois que l'Allemagne s'est trompée: le 2 mars 1999, elle a présenté
sa requête introductive d'instance pour violations de la convention de
Vienne comme si elle soumettait un ((différend))au titre de la clause
facultative. Je soutiens que nous avons affaire, en l'espèce,à une requête

unilatérale subordonnée A l'acceptation ultérieure de la juridiction de la
Cour par 1'Etatdéfendeur, auquel cas il y aurait eu dv'erend dès lors que
les Etats-Unis auraient consenti à se soumettre à cette juridiction et que
la Cour aurait étésaisie de l'instance. 9. Je suis tentéde croire que le Gouvernement allemand a étéincité à
saisir la Cour internationale de Justice par le tolléet la réactionaffective

qu'a suscités, chezcertains habitants d'un pays où la peine de mort a été
abolie, une affaire mettant enjeu l'existenceet l'application de cette peine
aux Etats-Unis - riSactionencore amplifiéedans le public quand celui-ci
a compris qu'il n'avaitpas été tenucompte de la nationalité d'un de leurs
compatriotes (Karl LaGrand), exécutéaprès avoir ététraité comme un
citoyen des Etats-lJnis, et qu'un autre ressortissant allemand (Wal-
ter LaGrand), d0n.t l'exécution.était imminente, avait ététraité de la
mèmefaçon.

II me semble que l'Allemagne cherchait avant tout à sauver la vie
de Walter LaGrandl, ce à quoi concourait la demande en indication de

mesures conservatoires déposée conjointement avec la requête.11est peu
vraisemblable que des groupes allemands de défensedesdroits de l'homme
aient songéun seulinstant que cette affaire mettait en cause la convention
de Vienne sur les relations consulaires. Simple conjecture, peut-être, mais
comment expliquer autrement que le Gouvernement allemand ait saisi la
Cour d'une violatioi~alléguéede la convention de Vienne sur les relations
consulaires sans chercherà établir,par le biais d'uneconcertation ou d'une
négociation avec son homologue des Etats-Unis, s'ilexistait réellementune
divergence de vues entre les deux pays à l'égardde cet instrument?
J'ai etj'ai toujours eu pleinement consciencedes préoccupationshuma-
nitaires suscitéespar le sort des frèresGrand. Toutefois, j'ai également
rappeléles droits des victimes des crimes commis par les frèresLaGrand

et fait valoir, dan:; la déclaration que j'ai jointe à l'ordonnance du
3 mars 1999,que:
((s'ily a lieu de respecter les droits de M. Walter LaGrand dès lors
qu'ils ont traità des questions d'ordre humanitaire, il convient en
même temps detenir compte des droits des victimes d'actes de vio-

lence (aspect qlui a souvent éténégligé))) (LaGrund (Alln.liugne c.
Etats-Unis d'Amerique), mesures conservatoires, ordonnance du
3 mars 1999, C: IJ. Recueil 1999 (1), p. 18,déclarationde M. Oda).
10. Je crains vivement que le fait, pour la Cour, d'avoir donnésuite à
cette requêteintroduite par voie unilatéraleen vertu de la ((clause facul-

tative)) ne conduise certains Etats revenir sur leur acceptation de recon-
naissance de la juridiction obligatoire de la Cour, qu'ils l'aient acceptée
aux termes du paragraphe 2 de l'article 36 du Statut ou en vertu du pro-
tocole de signature facultative concernant le règlement obligatoire des
différendsqui est annexéaux traités multilatéraux.

2. Les Etats-Unis ont commis l'erreur de ne pas réagir comme ils
auraient dû à la requêtede l'Allemagne

11. Les Etats-Unis, qui n'ont pris connaissance de la position de
l'Allemagneau sujet du diffërend présentécomme «[relatifJ à I'interpréta-tion ou à l'application de la convention [de Vienne]» qu'au moment où
celle-ci a déposé sa requêtea ,uraient dû, à mon sens, soulever des excep-
tions préliminaires, ce qu'ils auraient pu faire immédiatement après le

dépôt de la requête,le 2 mars 1999, ou dans les quelques jours qui ont
suivi. Tel n'a pas étéle cas, et, le 5 mars 1999, la Cour a indiqué que,
l'instance ayant étéintroduite par la voie d'une requête unilatérale,1'Etat
demandeur (I'Alleniagne) et I'Etat défendeur (les Etats-Unis) - tous
deux parties au protocole de signature facultative - devraient déposer

leurs pièces dans les délais fixés par elle aux 16 septembre 1999 et
27 mars 2000 respectivement.
Les Etats-Unis avaient encore le loisir de soulever une exception avant
le 27 mars 2000, date de l'expiration du délaiimparti pour la présentation
de leur contre-mém.oire. J'ai trouvé surprenant que, en tant que défen-
deur, ils ne fassent rien en ce sens au cours de cet intervalle d'un an. Ils

ont peut-être eu conscience des insuffisances de l'argumentation qu'ils
pouvaient opposer à la requête del'Allemagne. Dès l'origine, les Etats-
Unis n'ignoraient pas avoir manqué a leur obligation de notifier dans les
meilleurs délais au consulat d'Allemagne les faits impliquant les deux
ressortissants allem.ands. Ils ne devaient pas non plus ignorer avoir ainsi
violé par omission, encore que dans une certaine mesure seulement, la

convention de Vienne sur les relations consulaires. Si l'Allemag"e n'avait
excipéque du défauitde notification consulaire en temps voulu, les Etats-
Unis n'auraient eu aucune objection solide à lui opposer.
12. En recevant le mémoire de l'Allemagne le 16 septembre 1999, les
Etats-Unis ont dû comprendre que l'Allemagne cherchait avant tout à
modifier la nature de la requêteinitiale. L'Allemagne ayant intégrédans

son mémoire du 16 septembre 1999 les questions relatives au respect ou
non par les Etats-Unis de l'ordonnance en indication de mesures conser-
vatoires rendue par la Cour le 3 mars 1999, les conclusions qu'elle y pré-
sentait m'ont paru très éloignéesde celles figurant dans sa requêtedu
2 mars 1999, et d'une portée plus large.

Là encore, les Etats-Unis auraient pu, sur la base de l'article 79 du
Règlement de la Cour, soulever des exceptions avant le 27 mars 2000
(date d'expiration clu délaifixépar la Cour pour le dépôt de leur contre-
mémoire),et ils auraient dû le faire, d'autant plus que les questions sou-
levéesétaient ainsi transformées, au lieu de quoi ils ont présentéleur
contre-mémoire à la date arrêtéel,e 27 mars 2000. Ce n'est que dans cette

pièceque les Etats-Unis ont soutenu que «toutes les autres demandes et
conclusions de ... [l']Allemagne [autrement dit toutes celles qui ne se rap-
portent pas à la violation présuméede l'alinéah) du paragraphe 1 de
l'article 36 de la convention de Vienne sur les relations consulaires]
[devaient être] rejetées)()contre-mémoire, p. 140, par. 175, al. 2). C'est à
cette même occasion qu'ils ont contesté à l'Allemagne le droit d'ajou-

ter aux conclusions de sa requêtedu 2 mars 1999 certaines de celles qui
figurent dans son mémoire du 16 septembre 1999.
13. Les Etats-Unis n'ont peut-être choisi de s'abstenir de soulever
immédiatement une exception que parce qu'ils ne pensaient pas quel'Allemagne redéfiniiraitpar la suite dans son mémoirele différend évoqué
dans sa requêteinitiale, mais ils ont dû s'apercevoir, dès réception de ce
mémoire en septembre 1999, que l'Allemagne avait élargi et modifiéla

définition du c<difféirend)). 'affaire a été considérablement compliquée
par la démarche que les Etats-Unis ont ainsi adoptée.
14. A mon sens, Ledépôt dans de mauvaises conditions de sa requête
par l'Allemagne, tel qu'expliqué ci-dessus, et la profonde indifférence
manifestée en réaction par les Etats-Unis constituent l'essence mêmede
l'instance.

3. La Co~wintrrnationule de Justice a conzmis l'erreur d'indiquer des
mesures coizseri.~~~toiresns son ordonnunce du 3 mars 1999

15. En réponseà la demande présentéepar l'Allemagne le 2 mars 1999

en même temps qui:sa requête,la Cour a rendu le 3 mars 1999 une
ordonnance en indication de mesures conservatoires. A mon sens, elle
n'était pas entièrement fondée à le faire. Par solidarité avec la Cour et
pour des motifs humanitaires, j'ai voté - quoique a contrecŒur - en
faveur de I'ordonnance du 3 mars 1999, qui a ainsi étéadoptée à l'una-
nimité.

Je regrette aujourd'hui d'avoir agi ainsi, dans la mesure où je l'ai fait
contre ma consciencejudiciaire. Toutefois, la déclaration que j'ai jointe à
I'ordonnance de la Cour du 3 mars 1999 ne devrait laisser aucun doute
quant à mon opposition profonde à cette mesure.
J'étaisalors d'avis, et le suis encore aujourd'hui que

((des mesures c,onservatoires sont généralement indiquéespour sau-
vegarder des droits des Etars exposésà un risque imminent de viola-
tion irréparable et ces droits des Etuts doivent êtreceux qui seront

examinés lors de la phase du fond et doivent constituer l'objet de la
requête introductive d'instance ou se rapporter directement à celle-
ci» (LuCrand (All~~mugne c. Etuts- Unis d'Amérique), mesures
con.servatoires,ordonnance du 3 mars 1999, C.I.J. Recueil 1999 (1) ,
p. 19, déclaration de M. Oda)

et que

«des demandeurs ne devraient pas se servir de la demande en indica-
tion de mesure:; conservatoires pour obtenir des décisionsinterlocu-
toires qui confirmeraient leurs propres droits et préjugeraient la déci-
sion dans l'instance principale>>(ihid).

16. Examinons les circonstances dans lesquelles a étéprise l'ordon-
nance du 3 mars 1999. Karl LaCrand avait déjà étéexécuté,et la
demande en indication de mesures conservatoires a été soumiseà la Cour

en même temps que la requête introductive d'instance, le 2 mars 1999 a
19 h 30, alors que l'exécutionde Walter LaCrand était imminente. Ce
n'est que dans la matinée du 3 mars 1999 que la demande datée du
2 mars 1999 a été communiquée aux membres de la Cour. Une autreaffaire devait êtreexaminée ce jour-là, de sorte que les membres de la
Cour se trouvaient i:ous présents à La Haye.
La Cour a rendu !sonordonnance à 19h 15le 3 mars 1999.c'est-à-dire
le jour mêmedu début de l'examen de la requêtede l'Allemagne - pré-

cipitation que seule explique l'imminence de l'exécution de Wal-
ter LaCrand --, sans que les Etats-Unis aient pu exprimer leurs vues par
écritet sans qu'auci~ne audience ait permis aux Parties de plaider. (Les
heures sont celles qu'indique M. Buergenthal dans son opinion dissi-
dente.) De toute évidence,la Cour devait faire face a une situation extra-

ordinaire et sans précédent, etc'est uniquement en raison des circons-
tances exceptionnelles entourant cette instance qu'elle a étéen mesure
de rendre une ordonnance aussi inhabituelle dans le temps limité dont
elle disposait.
17. 11ne s'agissait toutefois pas d'une situation mettant en jeu des

droits riesEtc1t.sexposésà une violation irréparable imminente. Les droits
cies Etats en question doivent être ceux qui seront examinés lors de la
phase du fond et constituer l'objet de la requête introductive d'instance
ou se rapporter directement à celle-ci.

J'estime que les mesures conservatoires indiquées par la Cour le
3 mars 1999.tendant à obtenir un sursis à l'exécutionde Walter LaCrand
- et, ainsi, à sauver sa vie, à tout le moins temporairement , ne ressor-
tissaient pas directement aux droits des Etats au sens de la convention de
Vienne et que la Cour a nettement commis une erreur en rendant une

telle ordonnance dans cette affaire, en ce sens que la question à l'origine
de la demande n'était pas de celles à propos desquelles elle est fondée à
indiquer des mesures conservatoires. Je suis fermement convaincu que la
cour a effectivement eu tort de rendre cette ordonnance.
Cette erreur était toutefois aisément compréhensible, puisqu'une vie

humaine étaiten jeu et que la Cour disposait de très peu de temps pour
statuer sur la demande en indication de mesures conservatoires. Comme
je l'ai déjàdit, je tiens l'Allemagne pour responsable des difficultéséprou-
véesdans cette affaire - puisqu'elle a choisi de déposer sa requêtealors
que l'exécutionde Walter LaCrand était imminente - ainsi que de la

position extrêmement délicatedans laquelle s'est trouvée placéela Cour.
A présent, les deux Parties ayant étédûment entendues et l'ensemble des
faits exposés.il devriîit apparaître clairement aux yeux de la Cour (comme
il m'apparaissait déjàle 3 mars 1999)qu'elle n'aurait pas dû rendre cette
ordonnance.

II. LES ERREURS COMMISES DANS L'ARRET DE LA COUR

A. Introduction

18. Ainsi que je l'explique dans ma première partie, je pense que la
Cour est confrontée à une situation née del'accumulation de trois erreurs
distinctes: une première erreur que l'Allemagne commet en saisissant
indûment la Cour, une deuxièmeerreur que les Etats-Uniscommettent ens'abstenant de soulever en temps voulu des exceptions à la requêtede
l'Allemagne, et une troisième erreur que la Cour commet en rendant une

ordonnance qui indique a tort des mesures conservatoires. A cette série
d'erreurs, il semble que la Cour soit en train d'en ajouter une dernière. Je
ne puis souscrire, globalement, à la décision énoncéedans le présent
arrêt.
19. Avant d'expliquer mon vote sur chacun des points du dispositif, je
voudrais rappeler einparticulier cinq grandes questions que cette affaire

soulève.
Premitrenzent, le:; Etats-Unis ont reconnu avoir omis de notifier sans

retard les autorités consulaires allemandes et avoir ainsi violéles dispo-
sitions pertinentes de la convention de Vienne sur les relations consu-
laires. Aucun différend n'opposait l'Allemagne et les Etats-Unis sur ce
point.
Dcuxitmenzent, je ne vois aucun rapport entre, d'une part, le fait que
les autorités américainesont procédé tardivement a la notification consu-

laire et, d'autre part, la condamnation àmort des frères LaCrand par une
juridiction de 1'Etat de l'Arizona puis leur exécution.
Troisièn~ement,la question de l'exécutionde l'ordonnance en indica-
tion de mesures conservatoires du 3 mars 1999 n'a aucune pertinence
dans la présente instance que l'Allemagne a introduite en invoquant de
présuméesviolations, par les Etats-Unis, de la convention de Vienne sur

les relations consula~ires.
Quatrièmement, la Cour semble nourrir l'illusion que, aux termes de
cette convention, uri ressortissant de I'Etat d'envoi doit bénéficierd'une
meilleure protection et de plus de droits que les ressortissants de 1'Etatde
résidence.
Cinquitrnen~ent,j'ai le sentiment que la Cour a confondu les droits

accordéspar la convention de Vienne à tout étranger en état d'arrestation
- si tant est que de tels droits existen- avec le droit a la protection
reconnu aux étrangers par le droit international généralou par d'autres
traités ou conventions, et même,peut-être,avec les droits de l'homme.

B. Critiques prPcises concernant le dispositif

1. Point 1 du dispo.ritif ((arrê,ar. 128)

20. Au point 1 du dispositif de son arrêt,la Cour déclare ((qu'elle a
compétence ... pour connaître de la requête déposée par [l'Allemagne] le
2 mars 1999)).Ainsi que je l'ai dit plus haut, au chapitre 1de la première
partie de mon exposé,rien ne permet de penser qu'il existait entre 1'Alle-
magne et les Etats-Unis un d~yfkrendau sujet de l'interprétation ou de
l'application de la convention de Vienne qui aurait pu motiver I'introduc-
tion d'une instance. Si j'ai souscrit à la décision de la Cour quand elle

s'est déclaréecompétente pour connaître de la requête déposép ear 1'Alle-
magne le 2 mars 1999,c'est uniquement parce que les Etats-Unis, c'est-à-dire la Partie défenderesse,n'avaient pas soulevé d'exceptionpréliminaire
à cette requête.
à souligner que si la Cour est compétente, c'est à
Je tiens toutefois.
l'égardde la requêtedu 2 mars 1999 telle que celle-ci a été déposéieni-
tialement, et non telle qu'elle a étémodifiéepar les conclusions de 1'Alle-
magne, qui ont abondamment transformé et complété ladite requêteau
point d'en changer l'essence même. IIconvient de signaler à ce propos
que les Etats-Unis, dans leur contre-mémoire et dans leurs plaidoiries du
17novembre 2000, ont fait valoir qu'il y avait lieu de rejeter les demandes

et les conclusionsde l'Allemagne autres que celles qui ont trait à leur vio-
lation des dispositions de l'alinéab) du paragraphe l de l'article 36 de la
convention de Vienne.
21. 11me faut égalementrevenir à cet égardsur la troisième conclusion
de l'Allemagne, qui concerne l'ordonnance en indication de mesures
conservatoires rendue par la Cour le 3 mars 1999. Ilest indiqué dans

l'arrêtque cette coriclusion((porte sur des questions qui découlent direc-
tement du différend opposant les Parties devant la Cour, à l'égard des-
quelles la Cour a déjà conclu qu'elle était compétente ... et qui relèvent
déslors de l'article premier du protocole de signature facultative» (arrêt,
par. 45). La Cour ajoute:

«A cet égarcl, laCour réaffirme ce qu'ellea dit dans l'affaire de la
Conlpéicnceen nlati6re de p@chcries,lorsqu'elle a estiméque, afin de
considérerledifférendsous tous ses aspects, elle pouvait aussi connaî-
tre d'une conclusion qui «se fonde sur des faits postérieurs au dépôt

de la requête mais découlant directement de la question qui fait
l'objet de cette requête. Ace titre, elle relèvede la compétence de la
Cour...))(Con7,pétenceen tnuti6re (lepgchcries (R6publiyue fédérulc
d'Allnnugne c. Islande), fond urrPt, C.I.J. Recueil 1974, p. 203,
par. 72).» (lhi,d)

La Cour conclut ensuite:

((Lorsque la Cour a compétence pour trancher un différend,elle a
également conipétence pour se prononcer sur des conclusions la
priant de constater qu'une ordonnance en indication de mesures ren-
due aux fins de:préserverles droits des Parties à ce différend n'a pas
étéexécutée. » (Ihid )

Je ferai faire observer que, dans l'affaire de la Compéterzceen matière
d~pêcheries,I'Allennagneavait soumis Ala Cour un désaccord l'opposant
à l'Islande - désaccord qui avait déjà pris l'ampleur d'un diffkrend -,

en se fondant notamment sur une clause facultutive contenue dans
l'échangede notes du 19juillet 1961.C'est en cela que cette affaire-là se
distingue de la présente. laquelle, comme je l'ai exposé plus haut aux
paragraphes 6 à 8,ne peut êtreconsidéréecomme ayant été soumiseen
vertu du protocole de signature facultative. En outre, dans l'affaire de la
Comp6tcnce en inuiiPre u' etcheries, des mesures conservatoires avaient

été indiquéespour protéger les droits d'un Etat, l'Allemagne, qui ris-quaient d'êtreviolés sil'Islande exerçait ladite compétence en application
des textes législatifsqu'elle avait promulgués. Du point de vue des ordon-
nances en indication de mesures conservatoires, rien ne permet de lier la
présente affaire à celle de laCompétence en matière depêcheries.

2. Point 2 (ludispositf (arrêt,par. 128)

22. Concernant l'epoint 2 du dispositif, je pense que la Cour aurait dû
statuer sur la recevabilitéde la requête déposélee 2 mars 1999 par 1'Alle-
magne, et nonpus sur la recevabilitédes conclusions que cet Etat a expo-
séespar la suite dans son mémoire, puis réitéréed sans ses plaidoiries du
16 novembre 2000. C'est pour cette raison que j'ai votécontre le point 2
dans son ensemble, mêmesi je note que les Etats-Unis n'ont soulevé
aucune exception préliminaire à la recevabilitéde l'affaire.

3. Point 3 du dispositif (arrêt,par. 128)

23. Le point 3 di1dispositif me semble reposer sur le postulat que les
Etats-Unis, aux termes de la convention de Vienne sur les relations
consulaires, avaient une obligation juridique non seulement à l'égardde
l'Allemagne. mais également à l'égard des frèresLaGrand. Je reprends le
raisonnement exposédans l'arrêt.La Cour commence par affirmer:

((La Cour nrJsuuruit retenir l'argument des Etats-Unis qui repose
en partie sur l'hypothèse que le paragraphe 2 de l'article 36 ne
s'applique qu'aux droits de 1'Etat d'envoi et non à ceux de la per-
sonne mise en détention. Lu Cour a déjàétubli que le paragraphe 1
de l'article 36 crée desdroits individuels pour les personnes détenues,
en sus des droits accordésà 1'Etatd'envoi, et que, par voie de consé-
quence, les «droits» visésau paragraphe 2 désignent non seulement

les droits de 1'1Etatd'envoi, mais aussi ceux des personnes détenues
(voir par. 77 cii-dessus).))(Arrêt, par. 89; les italiques sont de moi.)

Ce que (<laCour a déjàétabli)),c'est ceci:

«La Cour constate que l'alinéab) du paragraphe 1de l'article 36
énonce les obligations que 1'Etat de résidence a vis-à-vis d'une per-
sonne détenue et de I7Etat d'envoi. IIdispose [que] ...I'Etat de rési-
dence doit informer ...le poste consulaire de 1'Etat d'envoi...II dis-

pose en outre que toute communication par la personne détenue ...
doit ...êtretransmise [au poste consulaire de 1'Etat d'envoi] par les
autorités de I'AEtatde résidence...11est significatif que cet alinéa se
termine par la disposition suivante : lesdites autorités« doii~ent...
infirmer l'intéresséde ses droits ».En outre, en vertu de l'alinéac)
du paragraphe 1 de I'article 36,le droit de 1'Etat d'envoi de prêter
son assistance consulaire à la personne en détention ne peut s'exercer
si celle-ci <<s'yoppose expressément». La clarté de ces dispositions [article 36, paragraphe 1,alinéash) et c)], lues dans leur contexte, ne
laisse en rien à désirer. De ce fait, et comme il a étéjugéà plusieurs
reprises, la Cour est tenue de les appliquer telles qu'elles sont ...

Compte tenu du libelléde ces dispositions, lu Cour cotzclut que le
paragraphe 1de l'article 36 créedes droits individuels qui, en vertu
de I'article premier du protocole de signature facultative, peuvent
êtreinvoqués devant la Cour par 1'Etat dont la personne détenue a
la nationalité. En l'espèce,ces droits ont étéviolés))(Arrêt,par. 77;
les italiques sont de moi; ceux de la Cour dans l'original ont été sup-
primés.)

Je ne vois aucun argument convaincant susceptible d'étayerla conclu-
sion de la Cour quand elle dit que

<<leparagraph'e I de l'article 36créedes droits irzdividuelspour les
personnes détenues, en sus des droits accordésà 1'Etat d'envoi, et ...
par voie de conséquence, les «droits» visésau paragraphe 2 dési-
gnent non seulement les droits de 1'Etat d'envoi, mais aussi ceux des

personnes détenues))(arrêt,par. 89).
24. Je prends la liberté d'exprimer ma perplexité quant aux raisons et
a l'intérêt,pour la Cour, de mentionner dans son arrêt, à propos des

droits des personnes détenues, la disposition figurant à l'alinéa c) du
paragraphe I de I'iirticle 36 de la convention. Je pense que, si cette dis-
position a étéincluse dans la convention, c'est simplement aux fins de
prévoir le cas où un étranger en état d'arrestation renonce à la notifica-
tion consulaire pour éviterque sa conduite illicite ou mêmesa présence
dans un pays tiers ne soient connues dans son pays d'origine; cette dis-
position n'a peut-être pasd'autre signification.

25. Dans son opinion individuelle, M. Shi, vice-président, donne une
interprétation pénétrante des paragraphes 1 et 2 de l'article 36 de la
convention de Vienne sur les relations consulaires, et je partage entière-
ment son point de vue.

4. Point 4 du di~p~ositi(furrêi.pur. 128)

26. En ce qui concerne la question soulevée au point 4, la Cour admet
que, «en elle-même,[la règle de la ((carence procédurale»] ne viole pas
l'article 36 de la convention de Vienne)),mais conclut que, en l'espèce,
cette règle

«ne permet pias à une personne détenue [en l'occurrence, les frères
LaGrand] de faire recours contre sa condamnation et sa peine en
prétendant, suirla base du paragraphe 1 de l'article 36 de la conven-
tion, que les autorités nationales compétentes ne se seraient pas
acquittées de leur obligation d'informer «sans retard)) les autorités
consulaires compétentes, empêchant par là même cette personne de

solliciter et d'obtenir l'assistance consulaire de 1'Etatd'envoi))(arrêt,
par. 90). LAGRAND (OP.DISS .DA) 537

Cette conclusion peut être rapprochée dela décisionde rejeter un nou-
veau recours rendue le 23 février1999par la cour supérieuredu comtéde

Pima, en Arizona, et rappeléeau paragraphe 28 de l'arrêt. Jen'arrive pas
a comprendre sur qluellesituation objective se fonde la Cour pour affir-
mer que «la règlede la carence procédurale a eu pour effet d'empêcher
«la pleine réalisaticindes fins pour lesquelles les droits sont accordésen
vertu [de l'article 36 de la convention])) et a ainsi violéles dispositions du
paragraphe 2 de l'article 36)) (arrêt,par. 91).
27. Je ne suis Dasconvaincu aue la Cour ait raison de considéreraue
la convention de Vienne sur les relations consulaires accorde aux étran-
gers plus de droits que ceux qui découlentnécessairement desobligations
imposéesaux Etats par cette convention. En outre, je ne peux m'empê-
cher de penser que, aux yeux de la Cour, la convention de Vienne sur les
relations consulaires accorde aux étrangers dans un pays tiers (en l'occur-

rence, des Alleman,ds aux Etats-Unis) une plus grande protection et des
droits individuels plus étendus ou plus importants que ceux dont joui-
raient chez eux les ressortissants d'un pays donné (en l'occurrence, les
Américainsaux Etats-Unis).
S'il faut comprendre que la convention de Vienne sur les relations
consulaires accorde des droits aux particuliers, alors ces droits sont stric-
tement limitésaux droits correspondant aux obligations imposéesaux
Etats par la conven.tionet ne s'étendent pas auxdroits fondamentaux de
l'individu comme lidroit à la vieà la propriété, etc. L'arrêmt 'apparaît
à ce sujet dépourvu de toute explication convaincante.

5. Point 5 du dispositif (arret, par128)

28. Ainsi que je I'ai fait observer plus haut au paragraphe 21, la ques-
tion de l'exécutionou de la non-exécutionde l'ordonnance en indication
de mesures conservatoires du 3 mars 1999 n'est pas pertinente dans la
présenteaffaire, dont la Cour a étésaisie le 2 mars 1999par une requête
déposéepar 1'Allernagnepour violation de la convention de Vienne sur
les relations consulaires. Mais, outre ce fait, il me semble que la Cour n'a
pas bien compris ce que signifie l'adoption de mesures conservatoires.
Comme je I'ai dit plus haut aux paragraphes 15 à 17, la Cour a eu tort
d'indiquer des mesures conservatoires en mars 1999.
29. La Cour semble se soucier principalement de savoir si les mesures

conservatoires qu'elle indique ont ou non un caractère obligatoire. Pas
moins de vingt-cinq paragraphes de l'arrêtsont consacrés à cette question
(par. 92-116).Après avoir résuméles points de vue respectifs de I'Alle-
magne et des Etats-Unis (par. 92-97), la Cour s'efforce d'expliquer en
détail, sur dix-neuf paragraphes (98-116), pourquoi une ordonnance en
indication de mesures conservatoires a force obligatoire ou porte obliga-
toirement effet.
30. La Cour commence par débattre en termes générauxdu sens de
l'article 41 de son Statut relatif aux mesures conservatoires, en affirmant

que LAGRAND (OP.DISS. ()DA) 538

((conformément au droit international coutumier qui a trouvé son

expression dans l'article 31 de la convention de Vienne de 1969sur le
droit der traités...un traitédoit être interprétéde bonne foi suivant
le sens ordinaire à attribuer à ses termes dans leur contexte et à la
lumière de son objet et de son but)) (arrêt, par. 99).

Soulignant la différenceentre les versions française et anglaise du texte,
qui font foi l'une el.l'autre, la Cour passe ensuite à ((l'examen de l'objet
et du but du Statut, ainsi que du contextede l'article 41» (arrêt,par. 101).
Elle poursuit en déclarant :

((L'objet et le but du Statut sont de permettre à la Courde remplir
les fonctions qui lui sont dévoluespar cet instrument, et en particu-
lier de s'acquitter de sa mission fondamentale, qui est le règlement
judiciaire des différends internationaux au moyen de décisions obli-

gatoires confoirmémentà l'article 59 du Statut. L'article 41, analysé
dans le contexte du Statut, a pour but d'éviter que la Cour soit
emdchée d'exercer ses fonctions du fait de l'atteinte ~ortée aux
dro'itsrespectik des parties à un différendsoumis à la Co&. » (Arrêt,
par. 102.)

Elle ajoute ensuite
«Il ressort de l'objet et du but du Statut, ainsi que des termes de

l'article 41 lu:; dans leur contexte, que le pouvoir d'indiquer des
mesures conservatoires emporte le caractère obligatoire desdites
mesures. dans la mesure où le pouvoir en question est fondé sur la
nécessité,lorsclue lescirconstances l'exigent, de sauvegarder les droits
des parties, tels que déterminéspar la Cour dans son arrêtdéfinitif,
et d'éviterqu'idy soit porté préjudice.)) (Ibid.)

La Cour conclut i~nmédiatementaprès que ((prétendre que des mesures
conservatoires indiquées en vertu de l'article 41 ne seraient pas obliga-
toires serait coniraire à l'objet et au but de cette disposition)) (ibid ; les

italiques sont de moi). Je n'arrive pas à trouver dans l'argumentation qui
précèdela moindre raison objective qui permette d'affirmer qu'une ordon-
nance en indication de mesures conservatoires a un caractère obligatoire.
3 1. Pour citer des exemples de ((motif connexe [allant] dans le sens du
caractère obligatoire des ordonnances rendues au titre de l'article 41, et
auquel la Cour attache de l'importance)) (arrêt, par. 103), la Cour ren-

voie à la jurisprudlrnce de la Cour permanente de Justice internationale,
plus précisémentà l'affaire de 1939concernant la Conlpagnie d'électricité
dc~SoJiu et de Bulgarie (Cot?iyagrried'L;Iectvic.itde SoJia et de Bulgavie,
mesures corzservai'oirrs, ordotinunce du 5 décembre 1939, C.P.J.I.
rie AIB 11"79, p. 194), ainsi qu'à un grand nombre d'autres ordon-
nances rendues par elle-mêmeet dans lesquelles l'affaire ci-dessus est citée

(arrêt,par. 103). ,4 mon sens, cependant, le ((principe universellement
admis devant les juridictions internationales et consacré d'ailleurs dans
maintes conventions», évoqué dans cette ordonnance de 1939, n'est
qu'une observation générale sur les mesures conservatoires, «d'après[laquelle] les parties en cause doivent s'abstenir de toute mesure suscep-
tible d'avoir une répercussion préjudiciableà l'exécutionde la décisionà

intervenir))(C.P.J.I. sgric AIB no 79, p. 199); on ne peut en aucun cas y
voir confirmation clucaractère obligatoire des ordonnances en indication
de mesures conservatoires.
32. La Cour, tout en n'estimant «pas nécessairede faire appel aux tra-
vaux préparatoires)), fait ((néanmoins observer que les travaux prépara-
toires relatifs au Statut ne s'opposent pas à la conclusion que les ordon-

nances rendues en vertu de l'article 41 ont force obligatoire)) (arrêt,
par. 104; les italiques sont de moi).
Après avoir dit que ((l'absence de voies d'exécution et le défaut de
caractère obligatoire d'une disposition sont deux questions différentes))
(arrêt,par. 107), la.Cour renvoie à l'article 94 de la Charte des Nations
Unies, qui dispose que ((chaque Membre des Nations Unies s'engage à se

conformer à la décision de la Cour internationale de Justice dans tout
litige auquel ilest partie)) (arrèt, par. 108),et elle conclut que ledit article
((ne fait en tout état de cause pus obsrucle au caractère obligatoire des
ordonnances rendues au titre de l'article 41 )) (ibid; les italiques sont
de moi). La Cour ;qoute que

((aucune des sources d'interprétation mentionnées ...y compris les
travaux préparatoires, ne contredi[t] les conclusions tirées des termes
de l'article 41 [à savoir le caractère obligatoire des ordonnances] lus
dans son contexte à la lumière de l'objet et du but du Statut))(arrêt,

par. 109; les italiques sont de moi).
33. Au terme de cette longue analyse, qui m'apparaît comme une
entreprise quelque peu vaine et stérile,la Cour déclareêtreainsi parvenue

((a la conclusion que les ordonnances indiquant des mesures conserva-
toires au titre de l'article41 ont un caractére obligatoire))(ibid.). Je n'arrive
A comprendre ni la méthode d'analyse tortueuse à laquelle la Cour ne
consacre pas moins de vingt-cinq paragraphes, ni le processus par lequel
cette analyse conduit la Cour à ladite conclusion.
34. 11est à mon sens totalement inutile d'examiner la question générale

de savoir si une ordonnance en indication de mesures conservatoires «a
force obligatoire)) ou «revêtun caractère obligatoire)).Je me demande ce
que la Cour entend exactement lorsqu'elle affirme le caractère contrai-
gnant d'une ordonnance en indication de mesures conservatoires.
Cherche-t-elle à soulever la question de la responsabilité de 1'Etat qui
n'aurait pas exécutél'ordonnance? Cette question ne s'est pas poséedans

la jurisprudence passéede notre Cour. II suffit de dire que des mesures
conservatoires ((doiventêtre prises)) ou, dans la version anglaise, ((ought
to be taken)) (art. 41 du Statut). C'est dans son arrèt sur le fond que la
Cour juge si une ordonnance en indication de mesures conservatoires a ou
non étéexécutée.
35. La Cour examine ensuite, au paragraphe 111 de son arrêt, «la
question de savoir si les Etats-Unis se sont acquittés de l'obligation

découlant pour eux de l'ordonnance du 3 mars 1999)). Au terme d'uneanalyse tortueuse, elle conclut que «dans ces conditions ... les Etats-Unis
n'ont pas respectél'ordonnance du 3 mars 1999))(arrêt, par. 115), sim-
plement parce que 'Walter LaGrand a étéexécuté.

Mêmesi j'admeti~aisque la Cour, lorsqu'elle a rendu son ordonnance
en indication de mesures conservatoires le 3 mars 1999,s'est conforméeà
ses attributions, je n'en penserais pas moins que les Etats-Unis ont bel et
bien exécutécette ordonnance car ils ont pris toutes les mesures en leur
pouvoir pour s'efforcer d'en respecter les termes. En tout étatde cause, la
Cour ne pouvait prescrire - et elle ne l'a d'ailleurs pas f-,t dans son

ordonnance en indication de mesures conservatoires, un sursis à I'exécu-
tion de Walter LaCirand. Je le répète:il est extraordinaire que la Cour,
dans son ordonnance du 3 mars 1999,ait affirmé,non pas les droits et les
obligations d'un Etat, mais les droits d'un particulier. Quoi qu'il en soit,
la question de savoir si l'ordonnance en indication de mesures conser-
vatoires du 3 mars 1999 a ou non étérespectée n'aurait jamais dû être

soulevée.

6. Point 6 du dispositif (arrêt,par. 128)

36. Dans la mesuireoù j'estime que les Etats-Unisn'ont commis aucune
autre violation de liaconvention de Vienne sur les relations consulaires

que celle de leur manquement a l'obligation de notifier sans retard aux
autorités consulaires allemandes la situation des frères LaGrand, et dans
la mesure où les Etats-Unis ont effectivement pris diverses mesures ten-
dant à éviterqu'uni: telle violation se reproduise,je pense qu'il n'y arien
à ajouter à ce sujet dans l'arrêt.Si j'ai néanmoins votéen faveur du
point 6, c'est uniyuemet~tparce qu'il ne pouvait êtrepréjudiciable.

7. Point 7 du tllispositif (arrêt,par. 128)

37. Je ne comprends absolument pas ce que la Cour cherche à dire
dans ce point 7. Cette incompréhension tient peut-êtreà ce que je me fais
une idéediamétralement opposée «des droits reconnus par la convention

[de Vienne])). Je pense néanmoins que la Cour aurait dû examiner
uniquement les violations de la convention de Vienne imputables à un
Etat partie à la convention, ainsi que je l'ai expliquéaux paragraphes 23 à
25 ci-dessus.

(Signh) Shigeru ODA.

Bilingual Content

DISSENTING OPINION OF JUDGEODA

Errors in the pre.rent (use.

Gertnany - Inzproper ba.si.v,forinstitutirzgproceedings - Absence qf'cc"dis-
pute" rirising out of'the interprrtrrtiorlor upplicrition of the VierznuConvention
on Consular Re/trtiori.s - Di.stinctionfiom c,u.scc ,wncerning FisheriesJurisdic-
tion (Federal Republicof Germany v. Iceland) -- Fuilure to raise dispute ivith
United States prior tu suhrnitting Application -- Utzilnterul uliylication -

Itnpcict oJ 'mposition of United States d~~uth pcnulty - Potenrial consequence
that States tlzat have accepted the conzpul.soryjurisdiction of the Co~lrt will
icithdraw their acceptanec.
UriitcdStates - Fuilure to raire objections to the German Application prior
tu .suhrnis.sionof'Counter-Memoriul.
I~zternutiontilCourt of'Ju.~tic'e - I~npropergruntitig (if'Order Nidicatingpro-

visional meusures - Situution entailing rights of ir~dividuul.r ~ather than rights
of Statcs.
Errors in the Judgment.
Five principal issues - United Stute.~udnlitted violation qf Viennri Conven-
tion requiren~entr?fpronipt c~onsulurnot~jïcution - No relation bethveen Con-
vention and e.uecution of'LaGrurtd.~ - No relution heticeen Order of 3 March

1999 indic'utingproi1isiorzuln7eusure.sandprrsent cuse - Illusion tlzat Conven-
tion diffrrentiates hetivern rights qf nafiorluls of sending State und tlzose qf
receiving State - Protection of ,fureign nationuls.

Absence of a dispute hetbceen the Parties concerning the interpretafion or
application of the Viennu Converition - Fuilure of United States to raise pre-

liminary objection on juri.c.dictionu1ground - Inadinissibility of German
cluims - Failure of United Stutes to rui.se prelin~inary objection on this
ground - Whether Viennu Convention con fer.^right.~on individu(ils as ive11as
States - Application qf procedural default rule - Whether orders indicating
proitsionul rneusures urr hinding - Whether the Court should speak qf meas-

Lires,for avoiding the reoc-currenceof violutions qf the Virnna Convention.

1. 1would like to begin this dissenting opinion by stating my view of
the case as a whole. This case is unique and most difficult to understand.
1see it as one that has come before the Court as a result of an accumula-

tion of errors: the first made by Germany, as the Applicant; the second
made by the United States, as Respondent; and the third made by the
Court itself. OPINION DISSIDENTE DE M. ODA

[Traduction]

Des erreurs ont été commisesen l'espèce.
L'Allemagne - N'introduit pas l'instance comme il aurait ,fallu - Absence
d'un «d~xférend»résultant de l'interprétation ou de l'application de la conven-
tion de Vienne sur les re1arion.sconsu1aire.s - L'instance est sans rapport avec

I'ufjaire de la Compétence en matièredepêcherie(sRépubliquefédéraled'Alle-
magne c. Islande) - Le diflérend n'a pus étésoulevéauprès des Etats-Unis
préalahlement au dépiilde lu requête - La requcte est unilatérale - Incidence
de l'application de la peine de mort aux Etats-Unis - Risque de voir les Etats
revenir sur leur accepi'ationde lajuridiction obligatoire de la Cour.

Les Etats-Unis - ririesoulèvent pas d'exceptions cila requtte de l'Allemagne
uvrrnfleur contre-ménioire.
La Cour internationale de Justice - Indication non justijïée de mesures
conservatoires -- Situation mettant enjeu les droits des individus plutôt que les
droits des Etats.

Des erreurs sont commiscir.dans l'arrêt.
Cinq grandes questions - Les Etc~ts-Unis ont reconnu avoir manqué à l'obli-
~ation dt prompte noliJication consulaire prescrite pur la convention de Vienne
- Ahsence de lien entre lu convention et 1'e.uécutiondes LaGrand - Absence
de lien entre I'ordonnanc~ecn indication de mesures conservatoires du 3 mars

1999et laprésente instance - II est erronéde croire que lu convention opérerait
une distinction entre ies droits des ressorti.s.santsde I'Etut d'envoi et ceux des
res~orti~ssantsde I'Etut de résidence - Protection des étrangers.
Il n'existe pas de diffiérendentre les Parties au sujet de l'interprétationou de

l'application de la colrvention de Vienne - Le., Etats-Unis n'ont pas soulevé
c1'e.uception.sde cornp~!tence - lrrecevabilitk des demandes de I'Allemagne -
Les Etats-Unis n'ont ,pas non plus soulevéd'e-tceptions préliminaires a ce titre
- Question de savoir si la convention de Vienne accorde des droits UU.~ indiii-
dus conmle aux Etais -- Application de lu rPgl(> de la carence procédurule -

Caractère obligatoire ou non des ordonnances en indication de mesures conser-
vatoires - La Cour a'oit-elleparler de mesures visant ù éviterde nouvelles vio-
lations de la convention de Vienne.

1. UNE ACCUMULATION D'ERREURS
EN L'ESPÈCE

1. Je voudrais, pour commencer, dire comment je vois cette affaire

dans son ensemble. C'est une instance exceptionnelle et des plus malai-
sées à appréhender. A mon sens, la Cour s'en est trouvéesaisie à la suite
d'une accumulation d'erreurs, commises par l'Allemagne, d'abord, en sa

qualitéde demandeur; puis par les Etats-Unis, en leur qualitéde défen-
deur; enfin, par la Cour elle-même.1. The Error Made by Germany in Unilaterally Bringing hefore this

Court Claimsfor Alleged Violutions by the United States of the Con-
vention on Consular Relations ruther than the "Dispute" iiYthin the
Meaning of the Optionul Protocol

2. On 2 March 1999 Germany, "pursuant to Article 1 of the Vienna
Convention's Optional Protocol concerning the Compulsory Settlement

of Disputes", filed in the Registry of the Court an "Application institut-
ingproceedings .. .against the United States of America for violutions of
the Vienna Convention on Consulur Relations" (Application of the Fed-
eral Republic of Germany; elnphasis added).

It is important to note that Germany never stated in the Application
that it was instituting proceedingsin respect oj'a dispute arising out of the
interpretution or application of the Vienna Convention, although the
Application did refer to Article 1 of the Optional Protocol, which reads:

"Disputes urising out of the interpretution or application of the

Convention shall lie within the compulsory jurisdiction of the Inter-
national Court of Justice and may accordingly be brought before the
Court by an application." (Emphasis added.)

This case stands in clear contrast to the case concerning Fisheries
Jurisdiction (Federal Republic of Germany v.Iceland), a case which Ger-
many brought against Iceland nearly 30years ago and in which Germany
filed an "Application institutingproceedings . . . in respect ofa dispute"
(Fisheries Jurisdiction (Federal Republic of Germany v. Iceland), Merits,
Judgment, I.C.J.Reports 1974, p. 176; emphasis added). This point is
most important and should not have been overlooked in connection with
the issues concerning the jurisdiction of the Court in the present case.

3. 1 submit, first of all, that before this case was instituted on
2 March 1999,neither the United States, the Respondent, nor even Ger-
many, the Applicant, considered there to be a dispute between them
which had "aris[en]out of theinterpretation or application ofthe [Vienna]
Convention". There had been no negotiation, or even discussion, over
any such dispute.
4. The background to this case, involving Walter LaGrand, whose
name is used by the Court as the title of the case, and his brother
Karl LaGrand, is set out in detail in paragraphs 13 to 29 of the Judg-
ment. The facts are: the LaGrand brothers committed crimes on 7 Janu-

ary 1982and were arrested on the same day ;they were convicted by the
Superior Court of Pima County,Arizona,on 17February 1984,and were
sentenced to the death penalty on 14 December 1984. These facts have
not been disputed. ~p~eals against the convictions and sentences to the
Supreme Court of Arizona were rejected on 30 January 1987.Applica- LAGRAND (OP.DISS.ODA) 526

1. L'Allernagrze a comrnis l'erreur de saisir unilatéralement la Cour de
demandes relatives ù des violations de la convention sur les relations

consulaires dont les Etats-Unis seraient coupables plutôt que d'un ((dif-
férend» au sens du protocole de signature facultative

2. Le 2 mars 1990, l'Allemagne a déposéau Greffe, <(envertu de I'ar-
ticle premier du protocole de signature facultative a la convention de
Vienne sur les relatiions consulaires concernant le règlement obligatoire
des différends)), une ((requêteintroductive d'instance contre le Gouver-
nement des Etats-Unis d'Amérique en raison de violations de la conven-
tion de Vienne sur /es relations consulaires» (requète de la République

fédérale d'Allemagne;les italiques sont de moi).
Il importe de noter que l'Allemagne n'a nulle part indiqué dans sa
requêtequ'elle introduisait une instance en raison d'un d$férend relatifù
l'interprétationou ù l'application de la convention de Vienne, alors même
qu'elle s'y référaità l'article premier du protocole de signature faculta-
tive, lequel dispose:

«Les difj(2reuidsrelutiji à l'interprétation ou ù I'applic~ationde la
convention relèvent de la compétence obligatoire de la Cour interna-
tionale de Justice, qui, à ce titre, pourra êtresaisie par une requêt».
(Les italiques sont de moi.)

La présente afîaiire se différencie nettement de celle de la Compé-
tence en matière de pêcheries (République fédérale d'Allemagne c.
Islande) : voilà près de trente ans, l'Allemagne déposait une ((requête

introduisant une insfunce ... au sujet d'undiffërend)) l'opposantal'Islande
(Compétenceen matière de pêcheries(Républiquefédéraled'Allemagne c.
Islande), fond, arrét, C.I.J. Recueil 1974, p. 176; les italiques sont de
moi). Ce point revêt laplus haute importance et n'aurait pas dû être
négligélors de I'exiimen des questions relatives à la compétence de la

Cour en l'espèce.
3. Je tiens d'embléeà dire qu'avant l'introduction de la présente ins-
tance, le 2 mars 1999, ni les Etats-Unis, Partie défenderesse, ni I'Alle-
magne elle-même,F'artie demanderesse, n'estiment qu'il existeentre eux
un différend au sujet de ((l'interprétation ou [de] l'application de la
convention [de Vierine])). 11n'y avait pas eu de négociation ni mêmede

discussion au sujet d'un tel différend.
4. L'historique de la présente instance, qui concerne Walter LaGrand
- nom que la Cour a donnéà l'affaire - et son frère, Karl LaGrand, est
exposéen détailaux paragraphes 13 a 29 de l'arrêt.Les faits sont les sui-
vants: les frères LaGrand ont étéarrêtés le 7janvier 1982pour des crimes
commis le mêmejour; ils ont étéreconnus coupables par la cour supé-

rieure du comtéde Pima, en Arizona, le 17 février 1984, et condamnés à
mort le 14 décembre 1984. Ces faits n'ont pas été contestés.Les appels
interjetésdevant la cour suprêmede l'Arizona contre ces verdicts ont été
rejetésle 30 janvier 1987. La Cour suprêmedes Etats-Unis a opposé letions to the United States Supreme Court for further review of those
judgments were denied on 5 October 1987.
Petitions for post-conviction relief were denied by an Arizona state
court in 1989. Review of that decision was denied by the Supreme Court
of Arizona in 1990and by the United States Supreme Court in 1991.The

subsequent judicial proceedings, including a request to the Supreme
Court of Arizona for review of sentencing and a request for clemency,
were al1dismissed. The Supreme Court of Arizona decided on 15January
1999 that Karl LaGrand and Walter LaGrand were to be executed on
24 February 1999 and on 3 March 1999 respectively. On 19 Janu-
ary 1999,the German Consulate learned of the Arizona Supreme Court
decisions setting the dates for the executions of theLaGrand brothers.
5. At the time of their arrest, neither ofthe LaGrand brothers was aware
that he had German nationality; nor were the competent United States
authorities aware that the LaGrands were not United States nationals.
The present Judgment states that the "competent authorities" of the
United States became aware of the brothers' German nationality at some
point between mid-1983and late 1984. While the United States authori-
ties failed to inform either brother of his true nationality until 1991,the
LaGrands had in fact been made aware of their nationality status before

that date. The case was brought to the attention of the German Consu-
late in June 1992"by the LaGrands themselves, who had learnt of their
rights [under Article 36, paragraph (1) (61, of the Vienna Convention]
from other sources, and not from the Arizona authorities" (Judgment,
para. 22).TheGerman Consulate had repeated contact with the LaGrand
brothers between December 1992and February 1999.The Court states
that "[oln 21 December 1998,the LaGrands wereformully notified by the
United States authorities of their right to consular access" (Judgment,
para. 24; emphasis added). 1fail to see the significance of this "formal"
notification, given that "actual" notification had already occurred and
that "on a number of . .. occasions . . .an official of the Consulate-
General of Germany in Los Angeles[had]visited the LaGrands in prison"
(Judgment, para. 22).

6. At no point in the sequence of events related above did Germany
ever raise the question of the LaGrand brothers with the United
States. Only inJanuaryIFebruary 1999did Germanyapproach the United
States at the highest nationallevelsrequesting clemency for the LaGrand
brothers (Judgment, para. 26). On 22 February 1999 - just two days
before Karl LaGrand's execution - the German Foreign Minister
drew the attention of the United States Secretary of State to the lack of
consular notification.
It must be noted again that Germany did not institute proceedings in
respect of a dispute with the United States regarding application of the
Vienna Convention on Consular Relations. Even if Germany thought
that the United States had violated the Vienna Convention on Consular
Relations, it raised nosuch claims with the United States and the United5 octobre 1987 une: fin de non-recevoir aux recours en revision de ces
décisions.
Les recours formiis après condamnation ont étérejetéspar une juridic-

tion de I'Etat de l'Arizona en 1989. La cour suprêmede l'Arizona a
refuséde réexaminercette décision en 1990et la Cour suprêmedes Etats-
Unis a fait de mêmee :n 1991. Les recours introduits par la suite, dont une
demande en revision de verdict forméedevant la cour suprêmede 1'Ari-
zona et un recours en grâce, ont tous étérejetés.Le 15janvier 1999, la
cour suprême de l'Arizona a fixé au 24 février 1999 l'exécution de

Karl LaGrand, et au 3 mars 1999 celle de Walter LaGrand. Le 19jan-
vier 1999, le consulat d'Allemagne a eu connaissance de ces décisions
fixant les dates de l'exécution des frèresLaGrand.
5. Au moment de leur arrestation, aucun des frères LaGrand n'avait
conscience d'avoir la nationalité allemande; les autorités américaines
compétentes ignoraient elles aussi que les LaGrand n'étaientpas citoyens

des Etats-Unis. Il est indiqué dans l'arrêtde la Cour que c'est entre le
milieu de 1983 et la fin de 1984 que les ((autorités compétentes)) des
Etats-Unis ont appris que les LaGrand possédaient la nationalité alle-
mande. Si les autorités des Etats-Unis n'ont pas informé les LaGrand de
leur véritable nationalité avant 1991, ils'agissait en réalitéd'un fait que,

A cette date, les deux frères n'ignoraient plus. L'affaire a été portéeà
l'attention du consiilat d'Allemagne en juin 1992 «par les LaGrand eux-
mêmes,qui avaient eu connaissance de leurs droits [aux termes de I'ali-
néa b) du paragraphe 1 de l'article 36 de la convention de Vienne] par
d'autres sources et non par les autorités de l'Arizona» (arrêt, par. 22). Le
consulat d'Allemagne a eu à plusieurs reprises des contacts avec les frères

LaGrand entre décembre 1992et février 1999.La Cour indique que, «[l]e
21 décembre 1998. les LaGrand ont étéoffia.,llement informés Dar les
autorités des Etats-Unis de leur droit de communiquer avec leurs autori-
tésconsulaires» (arrêt, par. 24; les italiques sont de moi). La pertinence
de cette notification «officielle» m'échappe,dans la mesure où l'informa-
tion leur avait déjàéténotifiée«de fait» et qu'«à plusieurs reprises ... un

fonctionnaire du consulat général d'Allemagne à Los Angeles [avait]
rendu visite aux LaGrand dans leur prison» (arrêt, par. 22).
6. Dans cette siiccession d'événementsqui vient d'êtreexposée, a
aucun moment, 1'A.llemagnen'a soulevéauprès des Etats-Unis la ques-
tion des frères LaCirand. C'est seulement en janvier-février 1999 qu'elle
s'est adresséeaux plus hautes iristarices des Etats-Unis pour solliciter la

grâce des frères LaGrand (arrêt, par.26). Le 22 février1999 - deux jours
seulement avant l'exécution de Karl LaGrand , le ministre allemand
des affaires étrangéhreas attiré l'attention du secrétaire d7Etat américain
sur le défaut de notification consulaire.
11convient de noitera nouveau que l'Allemagne n'a pas intentéd'action

portant sur un diffrirend l'opposant aux Etats-Unis quant à l'application
de la convention de Vienne sur les relations consulaires. Même si elle esti-
mait les Etats-Unis coupables d'avoir violécet instrument, l'Allemagne
n'a invoqué aucun grief en ce sens; et les Etats-Unis ne pouvaient, à l'évi-States was, of course, not privy to any unexpressed thoughts which Ger-
many might have had about possible violations of the Convention by the
United States. Neither State was aware before 2 March 1999 of any dif-

ference of views between them concerning the Vienna Convention. There
were no negotiations between the two States on this point.

7.Suddenly, on 2 March 1999, Germany filed an "Application insti-
tuting proceedings . . .for violations of the Vienna Convention on Con-

sular Relations" (Application, introductory paragraph) in the Registry of
the Court pursuant to the Statute of the Court, Article 40, paragraph 1,
and the Rules of Court, Article 38, paragraph 1.
It was at that point that the United States could have first discovered
that it was involved in a "dispute" arising out of the interpretation or

application of the Convention. It must have been very odd indeed for the
United States to learn, only after proceedings had been brought against
it, of the alleged existence of a "dispute".
The United States was informed by the Application filed by Germany
on 2 March 1999 that Germany was claiming violations by the United
States of the Vienna Convention on Consular Relations. 1am surprised

that Germany unilaterally brought this case under such circumstances.
More than 17 years had already passed since the LaGrand brothers com-
mitted the crimes in January 1982 and were arrested on the same day.
Nearly 15 years had passed since the Arizona state court sentenced them
to death. During this period, Germany had done nothing to indicate that

it had claims against the United States for violation of the Vienna Con-
vention and that there was an issue giving rise to a "dispute" between the
two countries.
8. Germany filed its Application instituting proceedings against the
United States for an alleged violation of the Convention, but - again 1
wish to emphasize this point - not instituting proceedings in respect of

"disputes arising out of the interpretation or application of the [Vienna]
Convention on Consular Relations", which could have fallen within the
compulsory jurisdiction of the Court pursuant to the Optional Protocol.
A dispute arising out of the interpretation or application of the Conven-
tion either did not in fact exist between Germany and the United States

or, if it did exist, had not been the subject of any diplomatic negotiations
between them. Al1 that existed at that time was Germany's potential
claim, unbeknownst to the United States, of alleged violations of the
Convention by the United States.
1 believe that Germany erred: it presented its Application of

2 March 1999 instituting proceedings for violations of the Vienna Con-
vention as if it were submitting a "dispute" under the Optional Clause. 1
maintain that this is a case of a unilateral application made in reliance
upon subsequent consent to the Court's jurisdiction to be given by the
respondent State. A dispute would then have come into existence once
the Court was seised of the case after the United States consented to the

Court's jurisdiction.dence, deviner que l'Allemagne pensait peut-être à d'éventuelles viola-
tions de cette convention puisque l'Allemagne n'en disait rien. Aucune
des Parties en cause n'avait conscience, avant le 2 mars 1999, de l'exis-
tence entre elles d'une quelconque divergence de vues au sujet de la
convention de Vienne. 11n'y avait entre les deux Etats aucune négocia-

tion en cours à cet égard.
7.Or, le 2 mars 1999, l'Allemagne a soudainement déposéau Greffe
de la Cour une ((requêteintroductive d'instance ... en raison de violations
de la convention de Vienne sur les relations consulaires» (requête, para-
graphe introductif) ijur la base du paragraphe 1 de l'article40 du Statut
de la Cour et du paragraphe 1de l'article38 de son Règlement.
C'est à ce stade que les Etats-Unis ont pu découvrir qu'ils étaient en

cause dans un «diffitrend» découlant de l'interprétation ou de l'applica-
tion de laconventioin. Expériencebien singulière,à n'en pas douter, pour
les Etats-Unis que d'êtreinformés uniquement [email protected]'introduction d'une
instance à leur encontre de la prétendue existence d'un ((différend)).
Les Etats-Unis ont appris par la requête déposée le 2 mars 1999 que
l'Allemagne leur imputait des violations de la convention de Vienne sur

les relations consulaires. Je suis surpris que l'Allemagne ait unilatérale-
ment saisi la Courdansde telles conditions. Plus de dix-sept ans s'étaient
écoulésdepuis les crimes commis par les frères LaGrand et, le mêmejour
de janvier 1982, leur arrestation. Près de quinze ans s'étaient écoulés
depuis leur condamnation à mort par une juridiction de 1'Etat de 1'Ari-
zona. Pendant tout ce temps, l'Allemagne n'avait rien entrepris qui pût

laisser supposer qu',elle faisait grief aux Etats-Unis de violations de la
convention de Vienineni qu'il existait un problème donnant naissance à
un ((différend» entre les deux pays.
8. L'Allemagne a engagéson action contre les Etats-Unis parce qu'ils
auraient violé laconvention, et non -je tiens à le souligner une fois de
plus - en raison de ((différendsrelatifs à l'interprétation ou à I'applica-
tion de la convention [de Vienne sur les relations consulaires]» qui, aux

termes du protocolii de signature facultative, auraient pu relever de la
compétence obligatoire de la Cour. En réalité,aucun différendn'opposait
l'Allemagne et les Etats-Unis au sujet de l'interprétation ou de I'applica-
tion de la convention, ou, s'ily en avait un, il n'avait donnélieu à aucune
négociation diplomiitique entre les deux Parties. La seule chose qui exis-
tât à l'époqueétaitle grief en puissance de l'Allemagne, ignoré des Etats-

Unis, portant sur de prétendues violations par ceux-ci de la convention.

Je crois que l'Allemagne s'est trompée: le 2 mars 1999, elle a présenté
sa requête introductive d'instance pour violations de la convention de
Vienne comme si elle soumettait un ((différend))au titre de la clause
facultative. Je soutiens que nous avons affaire, en l'espèce,à une requête

unilatérale subordonnée A l'acceptation ultérieure de la juridiction de la
Cour par 1'Etatdéfendeur, auquel cas il y aurait eu dv'erend dès lors que
les Etats-Unis auraient consenti à se soumettre à cette juridiction et que
la Cour aurait étésaisie de l'instance. 9. 1would hazard a guess that theGerman Government was prompted
to bring this case before the International Court of Justice by the outcry
raised by some in Germany, by the emotional reaction on the part of
some people there - where the death penalty has been abolished - to a
case involving the existence and application of the death penalty in the
United States, a reaction made even stronger by the realization that the
nationality of a fellow German (Karl LaGrand) had been ignored and

that he had been executed after being afforded the same treatment a
United States citizen would have received and that another German
national (Walter LaGrand) whose execution was imminent had been
treated in the same way.
It appears to me that the main aim was to save the life of Wal-
ter LaGrand, which aim was further supported by the Request for the
indication of provisional measures filed together with the Application. It
is unlikely that any human rights group in Germany ever thought that
this case involved the Vienna Convention on Consular Relations. This
may be mere supposition, but is there any other convincing reason to
explain why the German Government referred an alleged violation of the
Vienna Convention on Consular Relations to the Court without ascer-

taining through consultation or negotiation with the United States Gov-
ernment whether there existed any difference of views concerning the
Vienna Convention between the two countries?
1am and have always been fully aware of the humanitarian concerns
raised by the fate of the LaGrand brothers. However, 1also drew atten-
tion to the rights of the victims of the LaGrand brothers' crimes and
stated in my declaration appended to the Order of 3 March 1999that:

"if Mr. Walter LaGrand's rights as they relate to humanitarian
issues are to be respectedthen, in parallel, the matter of the rights of
victims of violent crime (a point which has often been overlooked)
should be taken into consideration" (LuGrand (Germany v. United
States of'America), Provisiorzal Measures, Order of 3 Murclz 1999,
1.C.J. Rrport.~1999 (l), p. 18,declaration of Judge Oda).

10. 1very much fear that the Court's acceptance of this Application
presented unilaterally pursuant to the "optional clause" will in future
lead States that have accepted the compulsory jurisdiction of the Court,
either under Article 36, paragraph 2, of the Statute or under the Optional
Protocol concerning the Compulsory Settlement of Disputes attached to
multilateral treaties, to withdraw their acceptance of the Court'sjurisdic-
tion.

2. The Error Made by the United States in Not Rcsponding in an Appro-
priate Manner to Germany's Application

11. The United States, which learned of Germany's views concerning
the dispute allegedly "arising out of the interpretation or application of 9. Je suis tentéde croire que le Gouvernement allemand a étéincité à
saisir la Cour internationale de Justice par le tolléet la réactionaffective

qu'a suscités, chezcertains habitants d'un pays où la peine de mort a été
abolie, une affaire mettant enjeu l'existenceet l'application de cette peine
aux Etats-Unis - riSactionencore amplifiéedans le public quand celui-ci
a compris qu'il n'avaitpas été tenucompte de la nationalité d'un de leurs
compatriotes (Karl LaGrand), exécutéaprès avoir ététraité comme un
citoyen des Etats-lJnis, et qu'un autre ressortissant allemand (Wal-
ter LaGrand), d0n.t l'exécution.était imminente, avait ététraité de la
mèmefaçon.

II me semble que l'Allemagne cherchait avant tout à sauver la vie
de Walter LaGrandl, ce à quoi concourait la demande en indication de

mesures conservatoires déposée conjointement avec la requête.11est peu
vraisemblable que des groupes allemands de défensedesdroits de l'homme
aient songéun seulinstant que cette affaire mettait en cause la convention
de Vienne sur les relations consulaires. Simple conjecture, peut-être, mais
comment expliquer autrement que le Gouvernement allemand ait saisi la
Cour d'une violatioi~alléguéede la convention de Vienne sur les relations
consulaires sans chercherà établir,par le biais d'uneconcertation ou d'une
négociation avec son homologue des Etats-Unis, s'ilexistait réellementune
divergence de vues entre les deux pays à l'égardde cet instrument?
J'ai etj'ai toujours eu pleinement consciencedes préoccupationshuma-
nitaires suscitéespar le sort des frèresGrand. Toutefois, j'ai également
rappeléles droits des victimes des crimes commis par les frèresLaGrand

et fait valoir, dan:; la déclaration que j'ai jointe à l'ordonnance du
3 mars 1999,que:
((s'ily a lieu de respecter les droits de M. Walter LaGrand dès lors
qu'ils ont traità des questions d'ordre humanitaire, il convient en
même temps detenir compte des droits des victimes d'actes de vio-

lence (aspect qlui a souvent éténégligé))) (LaGrund (Alln.liugne c.
Etats-Unis d'Amerique), mesures conservatoires, ordonnance du
3 mars 1999, C: IJ. Recueil 1999 (1), p. 18,déclarationde M. Oda).
10. Je crains vivement que le fait, pour la Cour, d'avoir donnésuite à
cette requêteintroduite par voie unilatéraleen vertu de la ((clause facul-

tative)) ne conduise certains Etats revenir sur leur acceptation de recon-
naissance de la juridiction obligatoire de la Cour, qu'ils l'aient acceptée
aux termes du paragraphe 2 de l'article 36 du Statut ou en vertu du pro-
tocole de signature facultative concernant le règlement obligatoire des
différendsqui est annexéaux traités multilatéraux.

2. Les Etats-Unis ont commis l'erreur de ne pas réagir comme ils
auraient dû à la requêtede l'Allemagne

11. Les Etats-Unis, qui n'ont pris connaissance de la position de
l'Allemagneau sujet du diffërend présentécomme «[relatifJ à I'interpréta-the [Vienna] Convention" only upon the filing of Germany's Application,
should, in my view, have raised preliminary objections to the case. The

United States could have done this immediately after the Application was
filed on 2 March 1999 or shortly afterwards. In fact, the United States
did not do so. Instead, on 5 March 1999, the Court ordered that, since
this was a case begun by means of a unilateral application to the Court,
the applicant State (Germany) and the respondent State (the United
States) - both of which are parties to the Optional Protocol - should

submit their written pleadings within the respective tirne-limits set by the
Court, namely, 16 September 1999and 27 March 2000.
The United States could still have presented an objection to the case
prior to 27 March 2000, the time-limit set for the presentation of the
Counter-Mernorial. 1 found it surprising that the United States, as

Respondent, raised no objection during that one-year period. One might
suppose that the United States felt itself to be in a weak position in its
defence against this Application. From the earliest stages, the United
States knew that it had failed to give prompt notice to the German Con-
sulate of the facts involving the two German nationals. The United States

would also have been aware that by that omission it had at that time vio-
lated the Vienna Convention on Consular Relations to a certain limited
extent. If Germany had raised only the matter of the failure to give timely
consular notification, the United States would have been without any
strong counter-argument.
12. Upon receiving Germany's Memorial on 16 September 1999, the

United States must have realized that Germany was essentially attempt-
ing to change the character of the Application as it then stood. Having
incorporated the issues relating to compliance or non-compliance by the
United States with the Court's Order of 3 March 1999 indicating provi-
sional measures, the submissions presented by Germany in its Memorial

of 16 September 1999 appeared to me to be far different in nature and
broader in scope than those in its Application of 2 March 1999.
Once again, the United States could, pursuant to Article 79 of the
Rules of Court, have raised objections before 27 March 2000 (namely,
the time-limit set by the Court for the submission of its Counter-Memo-

rial), and it should have done so, especially in the light of this significant
change in the issues. The United States did not do so and instead pre-
sented its Counter-Memorial on that date. It was only in its Counter-
Memorial of 27 March 2000 that the United States stated that "al1 other
claims and submissions of. . . Germany [Le.,those other than the alleged
breach of Article 36 (1) (h) of the Vienna Convention on Consular Rela-

tions] [should bel dismissed" (Counter-Memorial, p. 140, para. 175 (2)).
It was there that the United States challenged the inclusion in the Appli-
cation of 2 March 1999 of some of Germany's submissions contained in
its Memorial of 16 September 1999.

13. The United Statesmay have chosen not to raise an objection at the
outset simply because it did not think that Germany would, in its subse-tion ou à l'application de la convention [de Vienne]» qu'au moment où
celle-ci a déposé sa requêtea ,uraient dû, à mon sens, soulever des excep-
tions préliminaires, ce qu'ils auraient pu faire immédiatement après le

dépôt de la requête,le 2 mars 1999, ou dans les quelques jours qui ont
suivi. Tel n'a pas étéle cas, et, le 5 mars 1999, la Cour a indiqué que,
l'instance ayant étéintroduite par la voie d'une requête unilatérale,1'Etat
demandeur (I'Alleniagne) et I'Etat défendeur (les Etats-Unis) - tous
deux parties au protocole de signature facultative - devraient déposer

leurs pièces dans les délais fixés par elle aux 16 septembre 1999 et
27 mars 2000 respectivement.
Les Etats-Unis avaient encore le loisir de soulever une exception avant
le 27 mars 2000, date de l'expiration du délaiimparti pour la présentation
de leur contre-mém.oire. J'ai trouvé surprenant que, en tant que défen-
deur, ils ne fassent rien en ce sens au cours de cet intervalle d'un an. Ils

ont peut-être eu conscience des insuffisances de l'argumentation qu'ils
pouvaient opposer à la requête del'Allemagne. Dès l'origine, les Etats-
Unis n'ignoraient pas avoir manqué a leur obligation de notifier dans les
meilleurs délais au consulat d'Allemagne les faits impliquant les deux
ressortissants allem.ands. Ils ne devaient pas non plus ignorer avoir ainsi
violé par omission, encore que dans une certaine mesure seulement, la

convention de Vienne sur les relations consulaires. Si l'Allemag"e n'avait
excipéque du défauitde notification consulaire en temps voulu, les Etats-
Unis n'auraient eu aucune objection solide à lui opposer.
12. En recevant le mémoire de l'Allemagne le 16 septembre 1999, les
Etats-Unis ont dû comprendre que l'Allemagne cherchait avant tout à
modifier la nature de la requêteinitiale. L'Allemagne ayant intégrédans

son mémoire du 16 septembre 1999 les questions relatives au respect ou
non par les Etats-Unis de l'ordonnance en indication de mesures conser-
vatoires rendue par la Cour le 3 mars 1999, les conclusions qu'elle y pré-
sentait m'ont paru très éloignéesde celles figurant dans sa requêtedu
2 mars 1999, et d'une portée plus large.

Là encore, les Etats-Unis auraient pu, sur la base de l'article 79 du
Règlement de la Cour, soulever des exceptions avant le 27 mars 2000
(date d'expiration clu délaifixépar la Cour pour le dépôt de leur contre-
mémoire),et ils auraient dû le faire, d'autant plus que les questions sou-
levéesétaient ainsi transformées, au lieu de quoi ils ont présentéleur
contre-mémoire à la date arrêtéel,e 27 mars 2000. Ce n'est que dans cette

pièceque les Etats-Unis ont soutenu que «toutes les autres demandes et
conclusions de ... [l']Allemagne [autrement dit toutes celles qui ne se rap-
portent pas à la violation présuméede l'alinéah) du paragraphe 1 de
l'article 36 de la convention de Vienne sur les relations consulaires]
[devaient être] rejetées)()contre-mémoire, p. 140, par. 175, al. 2). C'est à
cette même occasion qu'ils ont contesté à l'Allemagne le droit d'ajou-

ter aux conclusions de sa requêtedu 2 mars 1999 certaines de celles qui
figurent dans son mémoire du 16 septembre 1999.
13. Les Etats-Unis n'ont peut-être choisi de s'abstenir de soulever
immédiatement une exception que parce qu'ils ne pensaient pas quequent Memorial, redefine the dispute referred to in its earlier Application,
but the United States must have realized upon receipt of the Memorial
in September 1999that Germany had broadened and modified the defini-

tion of the "dispute". The case has been greatly complicated by the
approach thus adopted by the United States.
14. In my view the improper filing of Germany's Application, as
explained above, and the very indifferent reaction of the United States to
Germany's Application form the essence of this case.

3. The Error Made by the International Court of Justice in Indicating
Provisional Mt.usures in its Order of 3 Murch 1999

15. In response to Germany's request submitted on 2 March 1999
together with its Application of thesame date, the Court on 3 March 1999

issued an Order granting provisional measures. In my view, the issuing of
that Order was not entirely proper. In order to maintain the solidarity of
the Court and out of humanitarian concerns, 1 voted - albeit very reluc-
tantly - in favour of the Order of 3 March 1999,and it was therefore
adopted unanimously.
1now regret that 1 voted in favour of that Order, since 1did so against
my judicial conscience. It should, however, be clear from my declaration
appended to the Court's Order of 3 March 1999that 1was, in substance,
opposed to the issuance of that Order.
At that time, 1held the view (which 1 still hold now) that:

"as a general rule, provisional measures are granted in order to pre-
serve rights of Stateexposed to an imminent breach which is irrepa-
rable and these rights ojStutc.~must be those to be considered at the
merits stage of the case, and must constitute the subject-matter of
the application instituting proceedings or be ~iirectlyrelated to it"
(LaGrand (Germany v. United Stutes of' America), Provisional
Meusures, Ordev of 3 March 1999, I.C.J. Reports 1999 (I), p. 19,

declaration of Judge Oda)
and that

"the request for provisional measures should not be used byappli-
cants for the purpose of obtaining interim judgments that would
affirm their own rights and predetermine the main case" (ihid.).

16. Let us refiect on the circumstances surrounding the Order of
3 March 1999. Karl LaGrand had already been executed, and the
request for provisional measures was submitted to the Court together
with the Application instituting proceedings at 7.30 p.m. on 2 March
1999, when Walter LaGrand's execution was imminent. Only on the
morning of 3 March 1999was the request dated 2 March 1999provided
to Members of the Court. Another case had been scheduled for that day,l'Allemagne redéfiniiraitpar la suite dans son mémoirele différend évoqué
dans sa requêteinitiale, mais ils ont dû s'apercevoir, dès réception de ce
mémoire en septembre 1999, que l'Allemagne avait élargi et modifiéla

définition du c<difféirend)). 'affaire a été considérablement compliquée
par la démarche que les Etats-Unis ont ainsi adoptée.
14. A mon sens, Ledépôt dans de mauvaises conditions de sa requête
par l'Allemagne, tel qu'expliqué ci-dessus, et la profonde indifférence
manifestée en réaction par les Etats-Unis constituent l'essence mêmede
l'instance.

3. La Co~wintrrnationule de Justice a conzmis l'erreur d'indiquer des
mesures coizseri.~~~toiresns son ordonnunce du 3 mars 1999

15. En réponseà la demande présentéepar l'Allemagne le 2 mars 1999

en même temps qui:sa requête,la Cour a rendu le 3 mars 1999 une
ordonnance en indication de mesures conservatoires. A mon sens, elle
n'était pas entièrement fondée à le faire. Par solidarité avec la Cour et
pour des motifs humanitaires, j'ai voté - quoique a contrecŒur - en
faveur de I'ordonnance du 3 mars 1999, qui a ainsi étéadoptée à l'una-
nimité.

Je regrette aujourd'hui d'avoir agi ainsi, dans la mesure où je l'ai fait
contre ma consciencejudiciaire. Toutefois, la déclaration que j'ai jointe à
I'ordonnance de la Cour du 3 mars 1999 ne devrait laisser aucun doute
quant à mon opposition profonde à cette mesure.
J'étaisalors d'avis, et le suis encore aujourd'hui que

((des mesures c,onservatoires sont généralement indiquéespour sau-
vegarder des droits des Etars exposésà un risque imminent de viola-
tion irréparable et ces droits des Etuts doivent êtreceux qui seront

examinés lors de la phase du fond et doivent constituer l'objet de la
requête introductive d'instance ou se rapporter directement à celle-
ci» (LuCrand (All~~mugne c. Etuts- Unis d'Amérique), mesures
con.servatoires,ordonnance du 3 mars 1999, C.I.J. Recueil 1999 (1) ,
p. 19, déclaration de M. Oda)

et que

«des demandeurs ne devraient pas se servir de la demande en indica-
tion de mesure:; conservatoires pour obtenir des décisionsinterlocu-
toires qui confirmeraient leurs propres droits et préjugeraient la déci-
sion dans l'instance principale>>(ihid).

16. Examinons les circonstances dans lesquelles a étéprise l'ordon-
nance du 3 mars 1999. Karl LaCrand avait déjà étéexécuté,et la
demande en indication de mesures conservatoires a été soumiseà la Cour

en même temps que la requête introductive d'instance, le 2 mars 1999 a
19 h 30, alors que l'exécutionde Walter LaCrand était imminente. Ce
n'est que dans la matinée du 3 mars 1999 que la demande datée du
2 mars 1999 a été communiquée aux membres de la Cour. Une autreand al1 Members of the Court therefore happened to be present at
The Hague.
TheCourt made its Order at 7.15 p.m. on 3March 1999,that is, on the

very same day on which the consideration of Germany's request had
begun - the sole reason for such haste being that Walter LaGrand's
execution was imminent - without having given the United States a
chance to express its views in writing and without having held a court
sitting for oral hearings. (The times of day are those reported in Judge
Buergenthal's dissenting opinion.) This Court was clearly faced with an
extraordinary situation for which there was no precedent; it was only
because of the exceptional circumstances of the case that the Court was
able to make such an extraordinary Order in the limited time available
to it.

17.This was not, however, a situation entailingrights ofStuirsexposed
to an imminent, irreparable breach. The vigktsof States in question must
be those to be considered at the merits stage of the case and must con-
stitute the subject-matter of the application instituting proceedings or be
dirrctlyrelated to it.
1 submit that the provisional measures ordered by the Court on
3 March 1999,aimed at staying the execution - and therefore preserving
the life, at least temporarily- of Walter LaGrand, were not directly
related to the rights of Statesnder the Vienna Convention and that the

Court made a significant error in issuing an Order indicating provisional
measures in this case, since the issue for which interim relief was sought
did not figure among those for which provisional measures may be
properly ordered by this Court. 1 am confident in my view that the
Court did indeed err in issuing that Order.
Thiserror was, however, quite understandable, as a human lifehung in
the balance and the Court was given very little time to decide upon the
request for an order. As 1stated earlier1 believethat Germany is respon-
sible for the ensuing difficultiesin this case, since it chose to fileits Appli-
cation at the last minute before Walter LaGrand's execution, and for

placing the Court in a very difficult and delicate position. Now, with the
benefit of a full hearing of both Parties and exposition ofal1the facts, it
should be clear to the Court (as it was already clear to me on
3 March 1999)that it should not have issued the Order.

II. ERRORS IN THE COURT'P SRESENJ TUDGMENT

A. Introduction

18. As explained in Part 1above, 1 believethat the Court is confronted
with a situation which resulted from an accumulation of three separate
errors: the first error was made by Germany in improperly bringing the
case before the Court; the second by the United States in not raisingaffaire devait êtreexaminée ce jour-là, de sorte que les membres de la
Cour se trouvaient i:ous présents à La Haye.
La Cour a rendu !sonordonnance à 19h 15le 3 mars 1999.c'est-à-dire
le jour mêmedu début de l'examen de la requêtede l'Allemagne - pré-

cipitation que seule explique l'imminence de l'exécution de Wal-
ter LaCrand --, sans que les Etats-Unis aient pu exprimer leurs vues par
écritet sans qu'auci~ne audience ait permis aux Parties de plaider. (Les
heures sont celles qu'indique M. Buergenthal dans son opinion dissi-
dente.) De toute évidence,la Cour devait faire face a une situation extra-

ordinaire et sans précédent, etc'est uniquement en raison des circons-
tances exceptionnelles entourant cette instance qu'elle a étéen mesure
de rendre une ordonnance aussi inhabituelle dans le temps limité dont
elle disposait.
17. 11ne s'agissait toutefois pas d'une situation mettant en jeu des

droits riesEtc1t.sexposésà une violation irréparable imminente. Les droits
cies Etats en question doivent être ceux qui seront examinés lors de la
phase du fond et constituer l'objet de la requête introductive d'instance
ou se rapporter directement à celle-ci.

J'estime que les mesures conservatoires indiquées par la Cour le
3 mars 1999.tendant à obtenir un sursis à l'exécutionde Walter LaCrand
- et, ainsi, à sauver sa vie, à tout le moins temporairement , ne ressor-
tissaient pas directement aux droits des Etats au sens de la convention de
Vienne et que la Cour a nettement commis une erreur en rendant une

telle ordonnance dans cette affaire, en ce sens que la question à l'origine
de la demande n'était pas de celles à propos desquelles elle est fondée à
indiquer des mesures conservatoires. Je suis fermement convaincu que la
cour a effectivement eu tort de rendre cette ordonnance.
Cette erreur était toutefois aisément compréhensible, puisqu'une vie

humaine étaiten jeu et que la Cour disposait de très peu de temps pour
statuer sur la demande en indication de mesures conservatoires. Comme
je l'ai déjàdit, je tiens l'Allemagne pour responsable des difficultéséprou-
véesdans cette affaire - puisqu'elle a choisi de déposer sa requêtealors
que l'exécutionde Walter LaCrand était imminente - ainsi que de la

position extrêmement délicatedans laquelle s'est trouvée placéela Cour.
A présent, les deux Parties ayant étédûment entendues et l'ensemble des
faits exposés.il devriîit apparaître clairement aux yeux de la Cour (comme
il m'apparaissait déjàle 3 mars 1999)qu'elle n'aurait pas dû rendre cette
ordonnance.

II. LES ERREURS COMMISES DANS L'ARRET DE LA COUR

A. Introduction

18. Ainsi que je l'explique dans ma première partie, je pense que la
Cour est confrontée à une situation née del'accumulation de trois erreurs
distinctes: une première erreur que l'Allemagne commet en saisissant
indûment la Cour, une deuxièmeerreur que les Etats-Uniscommettent enobjections to Germany's Application at the proper time; and the third by
the Court in handing down an order improperly granting provisional

measures. The Court appears to be making an ultimate error on top of
those cumulative errors. 1 am unable to support the Court's decision as a
whole in the present Judgment.

19. Before explaining how 1 voted on each of the paragraphs of the
operative part, 1would like, in particular, to mention fiveprincipal issues
involved in the present case.

First,the United States admitted its failure to give prompt consular
notification and the ensuing violation of the Vienna Convention on Con-
sular Relations in that respect. There was no dispute on this point
between Germany and the United States.

Second, 1 see no relation between the delay in consular notification on
the part of the United States authorities, on the onehand, and the hand-
ing down of the death sentence by the Arizona state court and the execu-
tion of the LaGrand brothers, on the other.
Third,the question of compliance with the Order for the indication of
provisional measures of 3 March 1999 bears no relation to the present

case, which was submitted by Germany in respect of alleged violations by
the United States of the Vienna Convention on Consular Relations.

Fourth, the Court seems to cherish the illusion that a national of the
sending State should, under the Convention, be accorded greater protec-
tion and enjoy more rights than nationals of the receiving State.

Fifth, it seems to me that the Court has confused the right, if any, of
the arrested foreign national accorded under the Vienna Convention with
the rights of foreign nationals to protection under general international
law or other treaties or conventions, and, possibly, even with human
rights.

B. Specijic Critiques of the Operative Part

1. Subparagraph (1) of the operutive part (Judgment, para. 128)

20. In subparagraph (1) of the operative part of the Judgment the
Court states that "it has jurisdiction .. .to entertain the Application
filed by [Germany] on 2 March 1999". As stated in Part 1, section 1,
above, there is no basis for believing that there existed disputebetween

Germany and the United States urising out ($the interpretution or appli-
cation of the Viennu Convention on Consular Relations in respect of
which an Application could have been filed. 1 voted in favour of the
Court's determination that the Court has jurisdiction to entertain
Germany's Application of 2 March 1999 solely for the reason that thes'abstenant de soulever en temps voulu des exceptions à la requêtede
l'Allemagne, et une troisième erreur que la Cour commet en rendant une

ordonnance qui indique a tort des mesures conservatoires. A cette série
d'erreurs, il semble que la Cour soit en train d'en ajouter une dernière. Je
ne puis souscrire, globalement, à la décision énoncéedans le présent
arrêt.
19. Avant d'expliquer mon vote sur chacun des points du dispositif, je
voudrais rappeler einparticulier cinq grandes questions que cette affaire

soulève.
Premitrenzent, le:; Etats-Unis ont reconnu avoir omis de notifier sans

retard les autorités consulaires allemandes et avoir ainsi violéles dispo-
sitions pertinentes de la convention de Vienne sur les relations consu-
laires. Aucun différend n'opposait l'Allemagne et les Etats-Unis sur ce
point.
Dcuxitmenzent, je ne vois aucun rapport entre, d'une part, le fait que
les autorités américainesont procédé tardivement a la notification consu-

laire et, d'autre part, la condamnation àmort des frères LaCrand par une
juridiction de 1'Etat de l'Arizona puis leur exécution.
Troisièn~ement,la question de l'exécutionde l'ordonnance en indica-
tion de mesures conservatoires du 3 mars 1999 n'a aucune pertinence
dans la présente instance que l'Allemagne a introduite en invoquant de
présuméesviolations, par les Etats-Unis, de la convention de Vienne sur

les relations consula~ires.
Quatrièmement, la Cour semble nourrir l'illusion que, aux termes de
cette convention, uri ressortissant de I'Etat d'envoi doit bénéficierd'une
meilleure protection et de plus de droits que les ressortissants de 1'Etatde
résidence.
Cinquitrnen~ent,j'ai le sentiment que la Cour a confondu les droits

accordéspar la convention de Vienne à tout étranger en état d'arrestation
- si tant est que de tels droits existen- avec le droit a la protection
reconnu aux étrangers par le droit international généralou par d'autres
traités ou conventions, et même,peut-être,avec les droits de l'homme.

B. Critiques prPcises concernant le dispositif

1. Point 1 du dispo.ritif ((arrê,ar. 128)

20. Au point 1 du dispositif de son arrêt,la Cour déclare ((qu'elle a
compétence ... pour connaître de la requête déposée par [l'Allemagne] le
2 mars 1999)).Ainsi que je l'ai dit plus haut, au chapitre 1de la première
partie de mon exposé,rien ne permet de penser qu'il existait entre 1'Alle-
magne et les Etats-Unis un d~yfkrendau sujet de l'interprétation ou de
l'application de la convention de Vienne qui aurait pu motiver I'introduc-
tion d'une instance. Si j'ai souscrit à la décision de la Cour quand elle

s'est déclaréecompétente pour connaître de la requête déposép ear 1'Alle-
magne le 2 mars 1999,c'est uniquement parce que les Etats-Unis, c'est-à-United States, the Respondent, raised no preliminary objection to that
Application.
However, 1must stress that the Court's jurisdiction is over the Applicu-

tion of2 Murcl?1999, as originally filed, not as subsequently qualified by
Germany's submissions extensively altering and supplementing the Appli-
cation so as to change the very essence of it. It is to be noted in this
regard that the United States, in its Counter-Memorial and in the oral
arguments heard on 17November 2000, submitted that Germany's claims
and submissions, other than those concerning the breach by the United
States of Article 36, paragraph 1(b), of the Vienna Convention, should

be dismissed.

21. In this respect 1 must refer also to Germany's third submission,
regarding the Court's Order of 3 March 1999 indicating provisional
measures, which, according to the present Judgment, "concerns issues
that arise directly out of the dispute between the Parties before the Court
over which the Court has already held that it has jurisdiction . . . and

which are thus covered by Article 1of the Optional Protocol" (Judgment,
para. 45). The Court goes on to state:

"The Court reaffirms, in this connection, what it said in its Judg-
ment in the Fisheries Jurisdiction case, where it declared that in
order to consider the dispute in al1its aspects, it may also deal with
a submission that 'is one based on facts subsequent to the filing of
the Application, but arising directly out of the question which is the
subject-matter of that Application. As such it falls within the scope

of the Court's jurisdiction. .'(Fi.sl~eriesurisdiction (Federal Rrpub-
lic of Gerr?~any v. Icelund), Merits, Judgment, I.C.J. Reports 1974,
p. 203, para. 72)." (Ihid.)

From these statements the Court concludes:
"Where the Court has jurisdiction to decide a case, it also has
jurisdiction todeal with submissions requesting it to determine that

an order indicating measures which seeks to preserve the rights of
the Parties to this dispute has not been complied with." (Ihict.)

1would like to point out that in the FisIlcries Jurisdiction case, Ger-
many referred a difference which had already ripened into a dispute with
Iceland to the Court on the basis of, inter uliu, an optionul clause in the
Exchange of Notes dated 19 July 1961. This differentiates it from the
present case, which, as Istated in paragraphs 6 to 8 above, cannot be
considered to have been brought under the Optional Protocol. In addi-
tion, in the Fisherirs Jurisdiction case provisional measures were indi-

cated to protect the rights of a State, Germany, from possible infringe-
ments which might arise from Iceland's exercise of its competence
pursuant to its previously enacted national legislation. There is no basisdire la Partie défenderesse,n'avaient pas soulevé d'exceptionpréliminaire
à cette requête.
à souligner que si la Cour est compétente, c'est à
Je tiens toutefois.
l'égardde la requêtedu 2 mars 1999 telle que celle-ci a été déposéieni-
tialement, et non telle qu'elle a étémodifiéepar les conclusions de 1'Alle-
magne, qui ont abondamment transformé et complété ladite requêteau
point d'en changer l'essence même. IIconvient de signaler à ce propos
que les Etats-Unis, dans leur contre-mémoire et dans leurs plaidoiries du
17novembre 2000, ont fait valoir qu'il y avait lieu de rejeter les demandes

et les conclusionsde l'Allemagne autres que celles qui ont trait à leur vio-
lation des dispositions de l'alinéab) du paragraphe l de l'article 36 de la
convention de Vienne.
21. 11me faut égalementrevenir à cet égardsur la troisième conclusion
de l'Allemagne, qui concerne l'ordonnance en indication de mesures
conservatoires rendue par la Cour le 3 mars 1999. Ilest indiqué dans

l'arrêtque cette coriclusion((porte sur des questions qui découlent direc-
tement du différend opposant les Parties devant la Cour, à l'égard des-
quelles la Cour a déjà conclu qu'elle était compétente ... et qui relèvent
déslors de l'article premier du protocole de signature facultative» (arrêt,
par. 45). La Cour ajoute:

«A cet égarcl, laCour réaffirme ce qu'ellea dit dans l'affaire de la
Conlpéicnceen nlati6re de p@chcries,lorsqu'elle a estiméque, afin de
considérerledifférendsous tous ses aspects, elle pouvait aussi connaî-
tre d'une conclusion qui «se fonde sur des faits postérieurs au dépôt

de la requête mais découlant directement de la question qui fait
l'objet de cette requête. Ace titre, elle relèvede la compétence de la
Cour...))(Con7,pétenceen tnuti6re (lepgchcries (R6publiyue fédérulc
d'Allnnugne c. Islande), fond urrPt, C.I.J. Recueil 1974, p. 203,
par. 72).» (lhi,d)

La Cour conclut ensuite:

((Lorsque la Cour a compétence pour trancher un différend,elle a
également conipétence pour se prononcer sur des conclusions la
priant de constater qu'une ordonnance en indication de mesures ren-
due aux fins de:préserverles droits des Parties à ce différend n'a pas
étéexécutée. » (Ihid )

Je ferai faire observer que, dans l'affaire de la Compéterzceen matière
d~pêcheries,I'Allennagneavait soumis Ala Cour un désaccord l'opposant
à l'Islande - désaccord qui avait déjà pris l'ampleur d'un diffkrend -,

en se fondant notamment sur une clause facultutive contenue dans
l'échangede notes du 19juillet 1961.C'est en cela que cette affaire-là se
distingue de la présente. laquelle, comme je l'ai exposé plus haut aux
paragraphes 6 à 8,ne peut êtreconsidéréecomme ayant été soumiseen
vertu du protocole de signature facultative. En outre, dans l'affaire de la
Comp6tcnce en inuiiPre u' etcheries, des mesures conservatoires avaient

été indiquéespour protéger les droits d'un Etat, l'Allemagne, qui ris-for likening the present case to the Fisheries Jurisdictioncase as regards
orders indicating provisional measures.

2. Subparagraph (2) of the operutive part (Judgment, para. 128)

22. In connection with subparagraph (2) of the operative part, 1believe
that the Court should have decided on the admissibility of Germany's
Application of 2 March 1999, not of Germany's submissions set out sub-

sequently in the Memorial and repeated in its oral pleadings on 16Novem-
ber 2000. For this reason, 1voted against the whole of subparagraph (2),
notwithstanding the fact that 1note that the United States raised no pre-
liminary objection in connection with the admissibility of the present
case.

3. Subparagraph (3) of the operutive purt (Judgment, para. 128)

23. Subparagraph (3)appears to me to proceed from the premise that
the Vienna Convention on Consular Relations placed a legal obligation
on the United States not only to Germany but also to the LaGrand

brothers. Let me follow the reasoning set out in the present Judgment.
The Court begins by stating:
"The Court carznot uccept the argument of the United States
which proceeds, in part, on the assumption that paragraph 2 of

Article 36 applies only to the rights of the sending State and not
also to those of the detained individual. The Court h~zsulreudjl
determined that Article 36, paragraph 1, creates individual rights for
the detained person in addition to the rights accorded the sending
State, and that consequently the reference to 'rights' in paragraph 2
must be read as applying not only to the rights of the sending State,
but also to the rights of the detained individual (see paragraph 77
above)." (Judgment, para. 89; emphasis added.)

What "[tlhe Court has already determined" is as follows:

"The Court notes that Article 36, paragraph 1 (b), spells out the
obligations the receiving State has towards the detained person and
the sending State. It provides that . . . the receiiling State must
inform the consular post of the sending State . . . It provides further
that any communication by the detained person . . .inust be for-
tturded to [the consular post of the sending State] by authorities of
the receiving State ... Significantly, this subparagraph ends with the
following language: 'The said authorities shall inform the person

concerned . . .of his rights . ..'Moreover, under Article 36, para-
graph 1 (c), the sending State's right to provide consular assistance
to the detained person may not be exercised 'if he expressly opposes
such action'. The clarity of these provisions [Article 36, para-quaient d'êtreviolés sil'Islande exerçait ladite compétence en application
des textes législatifsqu'elle avait promulgués. Du point de vue des ordon-
nances en indication de mesures conservatoires, rien ne permet de lier la
présente affaire à celle de laCompétence en matière depêcheries.

2. Point 2 (ludispositf (arrêt,par. 128)

22. Concernant l'epoint 2 du dispositif, je pense que la Cour aurait dû
statuer sur la recevabilitéde la requête déposélee 2 mars 1999 par 1'Alle-
magne, et nonpus sur la recevabilitédes conclusions que cet Etat a expo-
séespar la suite dans son mémoire, puis réitéréed sans ses plaidoiries du
16 novembre 2000. C'est pour cette raison que j'ai votécontre le point 2
dans son ensemble, mêmesi je note que les Etats-Unis n'ont soulevé
aucune exception préliminaire à la recevabilitéde l'affaire.

3. Point 3 du dispositif (arrêt,par. 128)

23. Le point 3 di1dispositif me semble reposer sur le postulat que les
Etats-Unis, aux termes de la convention de Vienne sur les relations
consulaires, avaient une obligation juridique non seulement à l'égardde
l'Allemagne. mais également à l'égard des frèresLaGrand. Je reprends le
raisonnement exposédans l'arrêt.La Cour commence par affirmer:

((La Cour nrJsuuruit retenir l'argument des Etats-Unis qui repose
en partie sur l'hypothèse que le paragraphe 2 de l'article 36 ne
s'applique qu'aux droits de 1'Etat d'envoi et non à ceux de la per-
sonne mise en détention. Lu Cour a déjàétubli que le paragraphe 1
de l'article 36 crée desdroits individuels pour les personnes détenues,
en sus des droits accordésà 1'Etatd'envoi, et que, par voie de consé-
quence, les «droits» visésau paragraphe 2 désignent non seulement

les droits de 1'1Etatd'envoi, mais aussi ceux des personnes détenues
(voir par. 77 cii-dessus).))(Arrêt, par. 89; les italiques sont de moi.)

Ce que (<laCour a déjàétabli)),c'est ceci:

«La Cour constate que l'alinéab) du paragraphe 1de l'article 36
énonce les obligations que 1'Etat de résidence a vis-à-vis d'une per-
sonne détenue et de I7Etat d'envoi. IIdispose [que] ...I'Etat de rési-
dence doit informer ...le poste consulaire de 1'Etat d'envoi...II dis-

pose en outre que toute communication par la personne détenue ...
doit ...êtretransmise [au poste consulaire de 1'Etat d'envoi] par les
autorités de I'AEtatde résidence...11est significatif que cet alinéa se
termine par la disposition suivante : lesdites autorités« doii~ent...
infirmer l'intéresséde ses droits ».En outre, en vertu de l'alinéac)
du paragraphe 1 de I'article 36,le droit de 1'Etat d'envoi de prêter
son assistance consulaire à la personne en détention ne peut s'exercer
si celle-ci <<s'yoppose expressément». La clarté de ces dispositions graph 1 (b), (c)], viewed in their context, admits of no doubt. It
follows, as has been held on a number of occasions, that the Court
must apply these as they stand . . . Based on the text of these pro-
visions, the Court concludes that Article 36, paragraph 1, creates

individual rights, which, by virtue of Article 1of the Optional Pro-
tocol, may be invoked in this Court by the national state of the
detained person. These rights were violated in the present case."
(Judgment,para. 77; original emphasis by the Court deleted; empha-
sis is added.)

1 see no convincing argument to support the determination of the
Court that

"Article 36, paragraph 1, creates individual rights for the detained
person in addition to the rights accorded the sending State, and .. .
consequently the reference to 'rights' in paragraph 2 must be read as
applying not only to the rights of the sending State, but also to the

rights of the detained individual" (Judgment, para. 89).
24. 1shall take the liberty of expressing my puzzlement at the reason
for and relevance of the Court's reference in the Judgment to Article 36,

paragraph 1 (c), of the Convention in connection with the rights of a
detained person. 1believe that this provision was included in the Conven-
tion simply to provide for the situation in which an arrested foreign
national waives consular notification in order to prevent his criminal con-
duct or even his presence in a foreign country from becoming known in
his home country; that provision may not have any further significance.

25. Article 36, paragraphs 1and 2, of the Vienna Convention on Con-
sular Relations is perceptively interpreted by Vice-President Shi in his
separate opinion and 1fully share his views.

4. Subpuragruplz (4) oJ'tlzeopercrtivepart (Judpnent, paru. 128)

26. In connection with this subparagraph (4), the Court admits that
"[iln itself, the [procedural default] rule does not violate Article 36 of the
Convention" but concludes that in the present case:

"the procedural default rule does not allow the detained individual
[in this case the LaGrand brothers] to challenge a conviction and
sentence by claiming, in reliance on Article 36, paragraph 1, of the
Convention, that the competent national authorities failed to
comply with their obligation to provide the requisite consular
information 'without delay', thus preventing the person from

seeking and obtaining consular assistance from the sending State"
(Judgment, para. 90). [article 36, paragraphe 1,alinéash) et c)], lues dans leur contexte, ne
laisse en rien à désirer. De ce fait, et comme il a étéjugéà plusieurs
reprises, la Cour est tenue de les appliquer telles qu'elles sont ...

Compte tenu du libelléde ces dispositions, lu Cour cotzclut que le
paragraphe 1de l'article 36 créedes droits individuels qui, en vertu
de I'article premier du protocole de signature facultative, peuvent
êtreinvoqués devant la Cour par 1'Etat dont la personne détenue a
la nationalité. En l'espèce,ces droits ont étéviolés))(Arrêt,par. 77;
les italiques sont de moi; ceux de la Cour dans l'original ont été sup-
primés.)

Je ne vois aucun argument convaincant susceptible d'étayerla conclu-
sion de la Cour quand elle dit que

<<leparagraph'e I de l'article 36créedes droits irzdividuelspour les
personnes détenues, en sus des droits accordésà 1'Etat d'envoi, et ...
par voie de conséquence, les «droits» visésau paragraphe 2 dési-
gnent non seulement les droits de 1'Etat d'envoi, mais aussi ceux des

personnes détenues))(arrêt,par. 89).
24. Je prends la liberté d'exprimer ma perplexité quant aux raisons et
a l'intérêt,pour la Cour, de mentionner dans son arrêt, à propos des

droits des personnes détenues, la disposition figurant à l'alinéa c) du
paragraphe I de I'iirticle 36 de la convention. Je pense que, si cette dis-
position a étéincluse dans la convention, c'est simplement aux fins de
prévoir le cas où un étranger en état d'arrestation renonce à la notifica-
tion consulaire pour éviterque sa conduite illicite ou mêmesa présence
dans un pays tiers ne soient connues dans son pays d'origine; cette dis-
position n'a peut-être pasd'autre signification.

25. Dans son opinion individuelle, M. Shi, vice-président, donne une
interprétation pénétrante des paragraphes 1 et 2 de l'article 36 de la
convention de Vienne sur les relations consulaires, et je partage entière-
ment son point de vue.

4. Point 4 du di~p~ositi(furrêi.pur. 128)

26. En ce qui concerne la question soulevée au point 4, la Cour admet
que, «en elle-même,[la règle de la ((carence procédurale»] ne viole pas
l'article 36 de la convention de Vienne)),mais conclut que, en l'espèce,
cette règle

«ne permet pias à une personne détenue [en l'occurrence, les frères
LaGrand] de faire recours contre sa condamnation et sa peine en
prétendant, suirla base du paragraphe 1 de l'article 36 de la conven-
tion, que les autorités nationales compétentes ne se seraient pas
acquittées de leur obligation d'informer «sans retard)) les autorités
consulaires compétentes, empêchant par là même cette personne de

solliciter et d'obtenir l'assistance consulaire de 1'Etatd'envoi))(arrêt,
par. 90).This conclusion may be connected with the refusal on 23 February 1999
by the Arizona Superior Court in Pima County to entertain a further
petition, as noted in the Judgment (para. 28). 1 fail to understand the
factual situation underlying the Court's assertion that "the procedural
default rule had the effect of preventing 'full effect[from being] givento

the purposes for which the rights accorded under [Article 36 of the Con-
vention] are intended', and thus violated paragraph 2 of Article 36"
(Judgment, para. 91).
27. 1am not convinced of the correctness of the Court's holding that
the Vienna Convention on Consular Relations grants to foreign indivi-
duals any rights beyond those which might necessarily be impliedby the
obligations imposed on States under that Convention. In addition, 1can-
not but think that the Court holds the view that the Vienna Convention
on Consular Relations grants more extensive protection and greater or
broader individual rights to foreign nationals (in this case, German
nationals in the United States) than would be enjoyed by nationals in
their home countries (in this case, Americans in the United States).

If the Vienna Convention on Consular Relations is to be interpreted as
granting rights to individuals, those rights are strictly limited to those
corresponding to the obligations borne by the States under the Conven-
tion and do not include substantive rights of the individual, such as the
rights tolife, property, etc1find the Judgment devoid of any convincing

explanation of this point.

5. Subparagruph (5) of the operative part (Judgment, puru. 128)

28. As stated in paragraph 21 above, compliance or non-compliance
with the Order indicating provisional measures of 3 March 1999does not
faIl within the scope of the present case, brought before the Court by
Germany's Application of 2 March 1999 in respect of violations of the
Convention on Consular Relations. Apart from this point, it appears to
me that the Court has not properly understood the meaning of the indi-
cation of provisional measures. As stated above in paragraphs 15to 17,
the Court was mistaken in March 1999in granting provisional measures.

29. The Court appears to be mostly concerned with the question of
whether or not provisional measures indicated by it are binding. In the
present Judgment, the Court dedicates as many as 25 paragraphs
(paras. 92-1 16) to this issue. After summarizing the views of Germany
and the United States (paras. 92-97), the Court attempts to explain at

length in 19 paragraphs (paras. 98-116) why an order indicating provi-
sional measures has binding effect or binding force.

30. Commencing with a general discussion of the meaning of
Article 41, concerning provisional measures, of the Court's Statute, the
Court states that LAGRAND (OP.DISS .DA) 537

Cette conclusion peut être rapprochée dela décisionde rejeter un nou-
veau recours rendue le 23 février1999par la cour supérieuredu comtéde

Pima, en Arizona, et rappeléeau paragraphe 28 de l'arrêt. Jen'arrive pas
a comprendre sur qluellesituation objective se fonde la Cour pour affir-
mer que «la règlede la carence procédurale a eu pour effet d'empêcher
«la pleine réalisaticindes fins pour lesquelles les droits sont accordésen
vertu [de l'article 36 de la convention])) et a ainsi violéles dispositions du
paragraphe 2 de l'article 36)) (arrêt,par. 91).
27. Je ne suis Dasconvaincu aue la Cour ait raison de considéreraue
la convention de Vienne sur les relations consulaires accorde aux étran-
gers plus de droits que ceux qui découlentnécessairement desobligations
imposéesaux Etats par cette convention. En outre, je ne peux m'empê-
cher de penser que, aux yeux de la Cour, la convention de Vienne sur les
relations consulaires accorde aux étrangers dans un pays tiers (en l'occur-

rence, des Alleman,ds aux Etats-Unis) une plus grande protection et des
droits individuels plus étendus ou plus importants que ceux dont joui-
raient chez eux les ressortissants d'un pays donné (en l'occurrence, les
Américainsaux Etats-Unis).
S'il faut comprendre que la convention de Vienne sur les relations
consulaires accorde des droits aux particuliers, alors ces droits sont stric-
tement limitésaux droits correspondant aux obligations imposéesaux
Etats par la conven.tionet ne s'étendent pas auxdroits fondamentaux de
l'individu comme lidroit à la vieà la propriété, etc. L'arrêmt 'apparaît
à ce sujet dépourvu de toute explication convaincante.

5. Point 5 du dispositif (arret, par128)

28. Ainsi que je I'ai fait observer plus haut au paragraphe 21, la ques-
tion de l'exécutionou de la non-exécutionde l'ordonnance en indication
de mesures conservatoires du 3 mars 1999 n'est pas pertinente dans la
présenteaffaire, dont la Cour a étésaisie le 2 mars 1999par une requête
déposéepar 1'Allernagnepour violation de la convention de Vienne sur
les relations consulaires. Mais, outre ce fait, il me semble que la Cour n'a
pas bien compris ce que signifie l'adoption de mesures conservatoires.
Comme je I'ai dit plus haut aux paragraphes 15 à 17, la Cour a eu tort
d'indiquer des mesures conservatoires en mars 1999.
29. La Cour semble se soucier principalement de savoir si les mesures

conservatoires qu'elle indique ont ou non un caractère obligatoire. Pas
moins de vingt-cinq paragraphes de l'arrêtsont consacrés à cette question
(par. 92-116).Après avoir résuméles points de vue respectifs de I'Alle-
magne et des Etats-Unis (par. 92-97), la Cour s'efforce d'expliquer en
détail, sur dix-neuf paragraphes (98-116), pourquoi une ordonnance en
indication de mesures conservatoires a force obligatoire ou porte obliga-
toirement effet.
30. La Cour commence par débattre en termes générauxdu sens de
l'article 41 de son Statut relatif aux mesures conservatoires, en affirmant

que "in accordance with customary international law, reflected in
Article 31 of the 1969 Vienna Convention on the Law of Treaties
. ..a treaty must be interpreted in good faith in accordance with the

ordinary meaning to be given to its terms in their context and in the
light of the treaty's object and purpose" (Judgment, para. 99).
Noting the difference between the authentic French text and the authen-
tic English text, the Court then "consider[s] the object and purpose of the

Statute together with the context of Article 41" (Judgment, para. 101).
The Court goes on to state that:
"The object and purpose of the Statute is to enable the Court to

fulfil the functions provided for therein, and, in particular, the basic
function of judicial settlement of international disputes by binding
decisions in accordance with Article 59 of the Statute. The context in
which Article 41 has to be seen within the Statute is to prevent the
Court from being hampered in the exercise of its functions because
the respective rights of the parties to a dispute before the Court are

not preserved." (Judgment, para. 102.)

The Court further states that :

"It follows from the object and purpose of the Statute, as well as
from the terms of Article 41 when read in their context, that the
power to indicate provisional measures entails that such measures
should be binding, inasmuch as the power in question is based on

the necessity, when the circumstances cal1for it, to safeguard, and to
avoid prejudice to, the rights of the parties as determined by the final
judgment of the Court." (Ibi )d.
The Court immediately concludes that "[tlhe contention that provisional

measures indicated under Article 41 might rzotbe binding would be con-
tra- to the object and purpose of that Article" (ibid. ;emphasis added).
1fail to find any affirmative reason in the above argument to support the
binding force of an order for the indication of provisional measures.

31. As "[a] related reason which points to the binding character of

orders made under Article 41 and to which the Court attaches impor-
tance" (Judgment,para. 103),the Judgment refers to thejurisprudence of
the Permanent Court of International Justice in the 1939case concerning
Electvicity Company of Sojîa und Bulguria (Electricity Conipuny of Sofia
und Bulgaria, Interini Measures oj' Protection, Ordcr of 5 Decemher
1939, P.C.I. J.,Series AIB, No. 79, p. 194) and to many other orders of
the present Court in which that case was cited (Judgment, para. 103). In

my view, however, the "principle universally accepted by international
tribunals and likewise laid down in many conventions" mentioned in that
Order was nothing more than a general statement concerning provisional
measures "to the effect that the parties to a case must abstain from any
measure capable of exercising a prejudicial effect in regard to the execu- LAGRAND (OP.DISS. ()DA) 538

((conformément au droit international coutumier qui a trouvé son

expression dans l'article 31 de la convention de Vienne de 1969sur le
droit der traités...un traitédoit être interprétéde bonne foi suivant
le sens ordinaire à attribuer à ses termes dans leur contexte et à la
lumière de son objet et de son but)) (arrêt, par. 99).

Soulignant la différenceentre les versions française et anglaise du texte,
qui font foi l'une el.l'autre, la Cour passe ensuite à ((l'examen de l'objet
et du but du Statut, ainsi que du contextede l'article 41» (arrêt,par. 101).
Elle poursuit en déclarant :

((L'objet et le but du Statut sont de permettre à la Courde remplir
les fonctions qui lui sont dévoluespar cet instrument, et en particu-
lier de s'acquitter de sa mission fondamentale, qui est le règlement
judiciaire des différends internationaux au moyen de décisions obli-

gatoires confoirmémentà l'article 59 du Statut. L'article 41, analysé
dans le contexte du Statut, a pour but d'éviter que la Cour soit
emdchée d'exercer ses fonctions du fait de l'atteinte ~ortée aux
dro'itsrespectik des parties à un différendsoumis à la Co&. » (Arrêt,
par. 102.)

Elle ajoute ensuite
«Il ressort de l'objet et du but du Statut, ainsi que des termes de

l'article 41 lu:; dans leur contexte, que le pouvoir d'indiquer des
mesures conservatoires emporte le caractère obligatoire desdites
mesures. dans la mesure où le pouvoir en question est fondé sur la
nécessité,lorsclue lescirconstances l'exigent, de sauvegarder les droits
des parties, tels que déterminéspar la Cour dans son arrêtdéfinitif,
et d'éviterqu'idy soit porté préjudice.)) (Ibid.)

La Cour conclut i~nmédiatementaprès que ((prétendre que des mesures
conservatoires indiquées en vertu de l'article 41 ne seraient pas obliga-
toires serait coniraire à l'objet et au but de cette disposition)) (ibid ; les

italiques sont de moi). Je n'arrive pas à trouver dans l'argumentation qui
précèdela moindre raison objective qui permette d'affirmer qu'une ordon-
nance en indication de mesures conservatoires a un caractère obligatoire.
3 1. Pour citer des exemples de ((motif connexe [allant] dans le sens du
caractère obligatoire des ordonnances rendues au titre de l'article 41, et
auquel la Cour attache de l'importance)) (arrêt, par. 103), la Cour ren-

voie à la jurisprudlrnce de la Cour permanente de Justice internationale,
plus précisémentà l'affaire de 1939concernant la Conlpagnie d'électricité
dc~SoJiu et de Bulgarie (Cot?iyagrried'L;Iectvic.itde SoJia et de Bulgavie,
mesures corzservai'oirrs, ordotinunce du 5 décembre 1939, C.P.J.I.
rie AIB 11"79, p. 194), ainsi qu'à un grand nombre d'autres ordon-
nances rendues par elle-mêmeet dans lesquelles l'affaire ci-dessus est citée

(arrêt,par. 103). ,4 mon sens, cependant, le ((principe universellement
admis devant les juridictions internationales et consacré d'ailleurs dans
maintes conventions», évoqué dans cette ordonnance de 1939, n'est
qu'une observation générale sur les mesures conservatoires, «d'aprèstion of the decision to be given" (P.C.I.J., Series AIB, No. 79, p. 199)
and cannot be interpreted as supporting the contention that an order on
provisional measures has binding force.

32. The Court, though 'hot consider[ing] it necessary to resort to the
preparatory work", "nevertheless point[s] out that the preparatory

work of the Statute does not preclude the conclusion that orders under
Article 41 have binding force" (Judgment, para. 104; emphasis added).

After stating that "the lack ofeans of execution and the lack of bind-
ing force are two different matters" (Judgment, para. 107)and quoting
Article 94 of the United Nations Charter, which states that "[elach Mem-
ber of the United Nations undertakes to comply with the decision of the
International Court of Justice in any case to which it is a party" (Judg-
ment, para. ]OS),the Court concludes that "Article 94 of the Charter
does not prevent orders made under Article 41 from having a binding
character" (ibid; emphasis added). The present Judgment further states
that

"nonr of the sources of interpretation . . including the preparatory
work, contradict the conclusionsdrawn from the terms of Article 41
read in their context [that is, the binding character of orders] and in
the light of the object and purpose of the Statute" (Judgment,
para. 109;emphasis added).
33. After this extensive discussion, which seems to me a rather vain

and unproductive undertaking, the Court states that "[tlhus, [it] has
reached the conclusion that orders on provisional measures under
Article 41 have binding effect" (ibid.). 1 fail to understand either this
roundabout method of analysis to which the Court dedicates as many
as 25 paragraphs or the process by which that analysis led the Court
to that conclusion.
34. In my view, addressing the general question as to whether or not
an order indicating provisional measures "is binding" or "has binding
force" is an empty, unnecessary exercise. 1wonder what the Court really
wants to Sayin holding that an order indicating provisional measures is
binding. 1sthe Court trying to raise the question of responsibility of the
State which allegedlyhas not complied with the order? This question has
not arisen in the past jurisprudence of this Court. It sufficesthat provi-
sional measures "ought to be taken" or, in the French, "doivent être
prises" (Statute, Art. 41). Whether an order indicating provisional
measures has been complied with or not is decided by the Court in its
judgment on the merits.

35. In paragraph 111 of the Judgment, the Court then considers the

"the question whether the United States has complied with the obligation
incumbent upon it as a result of the Order of 3 March 1999". After a[laquelle] les parties en cause doivent s'abstenir de toute mesure suscep-
tible d'avoir une répercussion préjudiciableà l'exécutionde la décisionà

intervenir))(C.P.J.I. sgric AIB no 79, p. 199); on ne peut en aucun cas y
voir confirmation clucaractère obligatoire des ordonnances en indication
de mesures conservatoires.
32. La Cour, tout en n'estimant «pas nécessairede faire appel aux tra-
vaux préparatoires)), fait ((néanmoins observer que les travaux prépara-
toires relatifs au Statut ne s'opposent pas à la conclusion que les ordon-

nances rendues en vertu de l'article 41 ont force obligatoire)) (arrêt,
par. 104; les italiques sont de moi).
Après avoir dit que ((l'absence de voies d'exécution et le défaut de
caractère obligatoire d'une disposition sont deux questions différentes))
(arrêt,par. 107), la.Cour renvoie à l'article 94 de la Charte des Nations
Unies, qui dispose que ((chaque Membre des Nations Unies s'engage à se

conformer à la décision de la Cour internationale de Justice dans tout
litige auquel ilest partie)) (arrèt, par. 108),et elle conclut que ledit article
((ne fait en tout état de cause pus obsrucle au caractère obligatoire des
ordonnances rendues au titre de l'article 41 )) (ibid; les italiques sont
de moi). La Cour ;qoute que

((aucune des sources d'interprétation mentionnées ...y compris les
travaux préparatoires, ne contredi[t] les conclusions tirées des termes
de l'article 41 [à savoir le caractère obligatoire des ordonnances] lus
dans son contexte à la lumière de l'objet et du but du Statut))(arrêt,

par. 109; les italiques sont de moi).
33. Au terme de cette longue analyse, qui m'apparaît comme une
entreprise quelque peu vaine et stérile,la Cour déclareêtreainsi parvenue

((a la conclusion que les ordonnances indiquant des mesures conserva-
toires au titre de l'article41 ont un caractére obligatoire))(ibid.). Je n'arrive
A comprendre ni la méthode d'analyse tortueuse à laquelle la Cour ne
consacre pas moins de vingt-cinq paragraphes, ni le processus par lequel
cette analyse conduit la Cour à ladite conclusion.
34. 11est à mon sens totalement inutile d'examiner la question générale

de savoir si une ordonnance en indication de mesures conservatoires «a
force obligatoire)) ou «revêtun caractère obligatoire)).Je me demande ce
que la Cour entend exactement lorsqu'elle affirme le caractère contrai-
gnant d'une ordonnance en indication de mesures conservatoires.
Cherche-t-elle à soulever la question de la responsabilité de 1'Etat qui
n'aurait pas exécutél'ordonnance? Cette question ne s'est pas poséedans

la jurisprudence passéede notre Cour. II suffit de dire que des mesures
conservatoires ((doiventêtre prises)) ou, dans la version anglaise, ((ought
to be taken)) (art. 41 du Statut). C'est dans son arrèt sur le fond que la
Cour juge si une ordonnance en indication de mesures conservatoires a ou
non étéexécutée.
35. La Cour examine ensuite, au paragraphe 111 de son arrêt, «la
question de savoir si les Etats-Unis se sont acquittés de l'obligation

découlant pour eux de l'ordonnance du 3 mars 1999)). Au terme d'unecircuitous analysis the Court concludes that "under these circum-
stances . . .the United States has not complied with the Order of

3 March 1999" (Judgment, para. 115), simply because Walter LaGrand
was executed.
Even if 1were to accept that the issuance of the Order indicating pro-
visional measures of 3 March 1999 was a valid exercise of the Court's
jurisdiction, 1 believe that that Order was complied with by the United
States, which took al1measures at its disposa1 in an attempt to respect the
terms. At any rate. the stay of an execution, in this case of Wal-

ter LaGrand, could not be - and, in fact, was not - mandated by the
Court in its Order indicating provisional measures. 1 reiterate: it is
extraordinary that the Court, in its Order of 3 March 1999, determined
not the rights and duties of a State but the rights of an individual. In any
case, the question as to whether or not the Order of 3 March 1999 indi-
cating provisional measures was complied with should never have been

raised.

6. S~rbpuragraph (6) of the operutiile purt (Jucignwnt. parrr. 128)

36. Given my opinion that there was no other violation of the Vienna

Convention on Consular Relations on the part of the United States than
its failure to notify the German consular officials without delay of the
incident involving the LaGrand brothers and the fact that the United
States did indeed take various measures to prevent the reoccurrence of
that violation, 1do not believe there is any more to be said on this subject
in the Judgment. However, 1voted in favour of this subparagraph forthe

sole reason that the statement in this subparagraph cannot cause any
harm.

7. Subpuragrc~ph(7) of the oprrativc purt (Judginent. puru. 128)

37. 1 am utterly at a loss as to what the Court intends to say in this
subparagraph. My failure to understand may stem from the fact that 1

hold a diametrically different view on "the rights set forth in [the Vienna]
Convention". However, 1 believe that the sole subject-matter of the
Court's consideration should have been the violations of the Vienna Con-
vention by a party to it, as explained in paragraphs 23 to 25 above.

(Signed) Shigeru ODA.analyse tortueuse, elle conclut que «dans ces conditions ... les Etats-Unis
n'ont pas respectél'ordonnance du 3 mars 1999))(arrêt, par. 115), sim-
plement parce que 'Walter LaGrand a étéexécuté.

Mêmesi j'admeti~aisque la Cour, lorsqu'elle a rendu son ordonnance
en indication de mesures conservatoires le 3 mars 1999,s'est conforméeà
ses attributions, je n'en penserais pas moins que les Etats-Unis ont bel et
bien exécutécette ordonnance car ils ont pris toutes les mesures en leur
pouvoir pour s'efforcer d'en respecter les termes. En tout étatde cause, la
Cour ne pouvait prescrire - et elle ne l'a d'ailleurs pas f-,t dans son

ordonnance en indication de mesures conservatoires, un sursis à I'exécu-
tion de Walter LaCirand. Je le répète:il est extraordinaire que la Cour,
dans son ordonnance du 3 mars 1999,ait affirmé,non pas les droits et les
obligations d'un Etat, mais les droits d'un particulier. Quoi qu'il en soit,
la question de savoir si l'ordonnance en indication de mesures conser-
vatoires du 3 mars 1999 a ou non étérespectée n'aurait jamais dû être

soulevée.

6. Point 6 du dispositif (arrêt,par. 128)

36. Dans la mesuireoù j'estime que les Etats-Unisn'ont commis aucune
autre violation de liaconvention de Vienne sur les relations consulaires

que celle de leur manquement a l'obligation de notifier sans retard aux
autorités consulaires allemandes la situation des frères LaGrand, et dans
la mesure où les Etats-Unis ont effectivement pris diverses mesures ten-
dant à éviterqu'uni: telle violation se reproduise,je pense qu'il n'y arien
à ajouter à ce sujet dans l'arrêt.Si j'ai néanmoins votéen faveur du
point 6, c'est uniyuemet~tparce qu'il ne pouvait êtrepréjudiciable.

7. Point 7 du tllispositif (arrêt,par. 128)

37. Je ne comprends absolument pas ce que la Cour cherche à dire
dans ce point 7. Cette incompréhension tient peut-êtreà ce que je me fais
une idéediamétralement opposée «des droits reconnus par la convention

[de Vienne])). Je pense néanmoins que la Cour aurait dû examiner
uniquement les violations de la convention de Vienne imputables à un
Etat partie à la convention, ainsi que je l'ai expliquéaux paragraphes 23 à
25 ci-dessus.

(Signh) Shigeru ODA.

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Document Long Title

Opinion dissidente de M. Oda (traduction)

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