Opinion dissidente de M. Al-Khasawneh (traduction)

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119-20000621-JUD-01-04-EN
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OPINION DISSIDENTE DE M. AL-KHASAWNEH

Le &fuur de con~pétencene dispense pus les parties de l'obligation de régler
leur dij'férendpardes moyens pac$ques - Lu compétencenepeut êtreinvoquck

sur la hase de lu Charte des Nations Unies en l'ahsrnce de consentement -
Effet de lu communication fuite par l'Inde en 1974 au sujet de l'Acte gérzérul-
Effrt de 1'uh.vencede réactionsuhsiquente ù cette comnzunicution - Lu conclu-
sion déclinuntlu compétence,bien quejustifiuhlc, ne possèdopas le raructère de
certitude nécessairepoz~rlu dcyendre contre des cloutes récurrents - Lv défuut
riepertinence de lu réseri1ere/atii2eaux «truités multi/utérau.u» - Les doutes ù

l'égurdde lu caducitéde lu réserve«Common~veulth »peuvent sejustrfieu - Lu
(.uducitBn'u pris étéétubliedefaçon c«ncluante - Le droit d~sEtuts defoire
de.s rksrrves n'est pus suns limites - L'intention de 1'Etut déclarant doit Ctre
reclterchéedons le liheik; de lu réserileaussi bien que dans les circon.vtunrcs -
La d>clarution de l'Inde de 1974 - Elle vise un seul Etat - Contruirc~ment à

d'autres réserves rationae personae. clle n'est justijée pur aucun urgunient
défendrrblr - Le caructéreestraortlinaire et exceptionnel dc,la réserve indienne
lu situe hors des limites clesréservespennises - La question de ki diilisibiliti-
Lu pertinence des conctpts tir63 des grunclssystèmes de droit - Anulyse de la
dkcision de lu Cour suprCn7edc l'Ind(, - Pertinence du droit des truitc;.~ct unu-
logies avcc ce rlroit - La diili.sihilit .veju.stijie.

1. Je regrette, dans cette première affaire à laquelle je participe, de ne
pas pouvoir souscrire à toutes les conclusions adoptées par la majorité.

En conséquence, je ne peux pas m'associer à sa décision concluant à
l'incompétence de la Cour.
2. Avant d'expliquer les raisons qui m'ont amenéà prendre cette posi-

tion, je tiens à souligner que je souscris sans réserveà l'appel qu'a lancéla
Cour aux deux Etats pour qu'ils règlentce différend, ainsi d'ailleurs que
tous ceux qui empoisonnent leurs relations depuis 1947, par des moyens

pacifiques. La question de la compétenceest importante, mais c'est en fin
de compte une question de technique juridique, et le défaut de compé-
tence ne signifie pas en soi que le différend n'est pas justiciable, pas plus
qu'il n'exonère les parties de leur obligation de rechercher un règlement

pacifique sur la base du droit international. J'estime aussi que I'appel
lancépar la Cour est urgent et légitime.Son urgence peut se mesurer aux
risques d'escalade qui, à plusieurs reprises dans le passé,ont amenél'Inde

et le Pakistan presque au bord de l'affrontement nucléaire. Quant à sa
légitimité,elle découledes précédents etdu fait qu'en lançant cet appel, la
Cour agit strictement dans le cadre de son mandat qui fait d'elle l'organe

judiciaire principal des Nations Unies.
3. Dans la présente instance, la pertinence de cet appel est soulignée
par le fait inquiétant que toutes les tentatives pour recourir iid'autresmoyens pacifiques ont étérepoussées par 1'Etat défendeur avant que
l'affaire ne soit portée devant la Cour.
4. La compétence de la Cour a été invoquéeau motif que le différend

relèvede ce qui est visépar l'expression ((tous les cas spécialementprévus
dzns la Charte des Nations Unies)). Puisque cet argument a étéaban-
donné par les conseils du Pakistan et puisque, ce qui est plus important,
la Charte ne prévoit pas de système de juridiction obligatoire, je suis en
accord avec la majorité sur ce point.

5. Je partage aussi, pour l'essentiel, l'opinion de mes collègues selon
laquelle l'Acte généralde 1928pour le règlement pacifique des différends
internationaux ne constitue pas une base de compétence eu égard à la
communication faite par I'lnde en 1974,qui, bien qu'elle ne soit pas une
dénonciation formelle de l'Acte puisqu'elle n'a pas été faiteselon la pro-
cédure prévue par l'article 45, n'en a pas moins été traitéecomme une

((notification))par le Secrétaire généralde l'organisation des Nations
Unies. Ce fait, joint à l'absence de réaction subséquente des parties ii
l'Acte, y compris le Pakistan - si I'on admet que la communication faite
par celui-ci en 1974 pour annoncer que l'Acte «continu[ait] d'êtreen
vigueur))a l'égarddu Pakistan par voie de succession signifiait qu'il était

partie k l'Acte général - confirme cette conclusion.
6. Je dois ajouter, cependant, que c'est avec une très grande hésitation
que je me rallie à cette conclusion, parce que je continue de penser que la
seule chose que I'on puisse affirmer au sujet de cette base de compétence
avec certitude et sans trop craindre d'êtrecontredit, c'est que le Domi-

nion de l'lnde était liépar l'Acte généralau 21 mai 1931. Tout le reste
relève d'affirmations subjectives et contradictoires, et en particulier la
réponse à des questions comme celles-ci: l'Acte générala-t-il été dévolu
au Pakistan par voie de succession automatique, l'Inde est-elle restée liée
k l'Acte généralpar succession ou d'une autre manière et - ce qui
déborde le cadre de la présente instance - l'Acte généralest-il un traité

politique, les traitéspolitiques sont-ils transmissibles, et enfin l'Acte a-t-il
survécu a la disparition de la Société desNations et a la conclusion d'un
Acte général revisé? En se bornant A examiner les effets de la communi-
cation de I'lnde de 1974, sans aborder ces questions connexes, dont cer-
taines se sont déjàposées iila Cour dans de précédentesaffaires. la Cour

a peut-être fait preuve d'une louable économie de moyens, mais en
contrepartie elle a laisséces questions sans éclaircissements. Autrement
dit, elle a fondésa décisionsur une conclusion qui est peut-êtrejustifiée
dans la présente espèce, mais qui n'apporte pas la certitude requise pour
défendre cette décisioncontre des doutes récurrents.
7. La troisième base de compétence invoquée est le système de la

clause facultative, a laquelle I'lnde et le Pakistan sont tous deux parties.
Les deux Etats ont assorti leur déclaration d'acceptation de la juridiction
obligatoire de la Cour de conditions et de réservesdiverses, dont deux
nous intéressent ici. Je parlerai d'abord de la réservedite ((relative aux
conventions multilatérales)), qui est commune aux deux déclarations.

Dans la mesure où les actes dont se plaint le Pakistan constitueraientprima Jucir une violation du droit international coutumier, la réserve est
tout simplement dénuéede pertinence et ne peut ôter sa compétence à la
Cour '.

8. L'autre réserve,qui ne figure quedans la déclarationde l'Inde, estla
réserveCommonwealth. On sait que celle-cia son origine dans la réserve
faite en 1930 par le Royaume-Uni et les six autres membres du Com-
monwealth en devenant parties à l'Acte général. Lorsquele Dominion de
l'Inde accéda à l'Actegénéral en1931,cette réservefut incorporéedans la
déclaration indienne. Sa raison d'être étaia tlors que les différendsentre
Etats du Commonwealth seraient régléspar un tribunal qui devait être
spécialement créé à cet effet, mais qui, en fait, n'a jamais vu le jour.
Cependant, et bien que le Commonwealth ait depuis lors subi des chan-

gements fondamentaux, pour ne pas dire une métamorphose, la réservea
continué a figurer dans les déclarations de quelques Etats du Com-
monwealth, y compris récemmentde certains Etats nouvellement indé-
pendants, mêmesi le nombre des Etats qui ont fait cette réserve esttrès
réduit.Dans ces circonstances, les doutes émissur cette réservesont tout
à fait justifiés.Je pense surtout à l'opinion dissidente de M. Ago dans
l'affaire relative Certuines terres ùphosphates ù Nuuru (Nuuru C.AUS-
trulie)2,mais des doutes ont aussi étéexpriméspar la doctrine3. A cela,
il a été objectéque la théoriede la caducité nes'appliquait pas aux actes

unilatéraux. Cet argument n'est pas dépourvu de force, mais il est fondé
sur l'hypothèseque ce qui est au départ un acte unilatéralreste un acte
unilatéral même lorsqu'il se transforme en arrangements mutuels, faisant
naître chez les autres parties à la clause facultative des attentes raison-
nables qui s'apparentent à celles que suscitent des relations convention-
nelles. Quoi qu'il en soit, si des doutes demeurent concernant la caducité
de la réserve,cette caducitén'a pas été établie de façon concluante.

9. Le principal obstacle à l'argument de la caducité,en l'espèce,est le
fait que l'Inde a, de façon répétée, fait figurecrette réservedans ses décla-
rations successivesd'acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour;
ce sont précisémentle maintien de la réserveet lesmodifications qui y ont
étéapportées qui la distinguent des réservesCommonwealth que l'on
trouve dans lesdéclarationsd'autres Etats, et qui ne laissent aucun doute
quant à la volontéconsciente de I'lnde de transformer cette réserve - à
l'origine, unmoyen de prévoird'autres modes de règlement pacifique -
en une réservejustement qualifiéede rarionaepersonae, visant exclusive-

ment un Etat: le Pakistan - Etat qui n'a pas fait de réservesemblable à
l'égardde l'Inde. Ainsi, en 1959,l'Inde modifia comme suit le libelléde sa
réserve: ((2) les différendsavec le gouvernement d'un Etat qui, à la date

' Acrivit6.s riii1ifuir.e~er p<ir.uniilituivr.sutr Niccirciguriet c.ontr<,ci,liri-ci (Nice~ruguc~
c. Ettrl.s-Unis d'Ailii.riqlrr). C.I.J. Re<,uril1984. p. 424-425, par. 73.
' C.I.J. Rc~cucil1992. p. 326.
rlic,t»fntlie I~iternutioricilCourt ojJustice, p. 120-122.ng tlicjCornpu1sor.yJuris-de la présentedéclaration, est membre du Commonwealth de nations~~.
Les mots ((différendsqui seront réglésselon une méthode convenue entre
les parties ou dont elles conviendront ))qui figuraient dans les déclara-

tions précédentes, avaient été supprimésdans cette nouvelle version.

10. En 1974, l'Inde fit une nouvelle déclaration, en maintenant sa
réserve,mais avec une nouvelle modification. Son texte est désormais le
suivant: ((2)les différends avec le gouvernement d'un Etat qui est ou a

été membredu Comnlonwealth de nation^))^.
II. En 1974,le Pakistan avait quittéle Commonwealth, et la modifica-
tion était nécessairepour écarter la compétence de la Cour dans les dif-
férends aveccet Etat, qui essayait en fait de l'invoquer contre l'Inde. II ne
fait pas l'ombre d'un doute, compte tenu de ces circonstances, que la

réservevisait le Pakistan. Les seuls autres Etats à n'être plusmembres du
Commonwealth étaient l'Afrique du Sud, dont le départ remontait a
1960, et l'Irlande, qui avait quitté le Commonwealth en 1948.

12. Ila étésoutenu toutefois que, mêmesi la réservene visait que le

Pakistan, elle ne serait rien d'autre qu'une classique réserve rutionue pet.-
sonac, faite dans un systèmede juridiction obligatoire dans lequel la pra-
tique autorise les Etats à choisir leurs partenaires, et qu'elle n'étaitdonc
pas discriminatoire ni constitutive d'un abus de droit, mais relevait du
pouvoir discrétionnaire de 1'Etat déclarant.
13. Je me propose maintenant d'examiner cette question en tenant

compte du fait que la Cour n'ajamais eu l'occasion de statuer sur la vali-
ditéou la non-validité d'une réserveexcluant des différends rutionuc prr-
sonue.
14. De manière générale,il est depuis longtemps reconnu que la pra-
tique de la Cour tend à reconnaître aux Etats une plus grande liberté

d'assortir de réservesleur déclaration d'acceptation de lajuridiction obli-
gatoire que ne l'autorise le libellédu paragraphe 3 de l'article 36de son
Statut. On chercherait en vain l'ombre d'une application de la maxime
inclu.sio unius est esclusio a1teriu.s. Quoi qu'il en soit, le fait qu'une
réserveest extra-statutaire, dans le sens où elle sort du cadre du para-

graphe 3 de l'article 36, ne peut en soi, compte tenu de la pratique établie,
entraîner sa nullité.En revanche, lorsqu'on a dûment fait la part du réa-
lisme politique et pleinement tenu compte du fait que l'étendue de la
compétence de la Cour est strictement délimitéepar les déclarations
d'acceptation et qu'elle doit êtreabondamment prouvée, il faut bien qu'il
y ait encore place pour une appréciation objective de la validitéou de la

non-validité des réserveset conditionscontenues dans les déclarations. Le
nier, c'est abdiquer ses responsabilités. Le délicat équilibre entre d'unepart la nécessitéde faire preuve de prudence et de retenue dans l'affirma-
tion de sa compétence,et d'autre part son devoir de rendre lajustice, doit
êtrerecherchépar la Cour dans chaque espècecompte tenu des circons-
tances.

15. Une autre considération importante à ne pas perdre de vue pour
trouver ce délicatéquilibreest que le systèmejudiciaire international n'est
pas statique. La notion mêmede système facultatif fait d'ailleurs impli-
citement présumer son caractère temporaire. A l'époqueoù est née l'idée
de ce système, il n'étaitpas possible de faire accepter universellement un
système généralde règlement judiciaire, et ilest encore douteux qu'un

systèmede cette nature puisse s'imposer dans un avenir proche, mais cela
ne doit pas faire oublier la nécessitéd'avancer vers cet idéal.
16. Pour statuer sur la validitéou la non-validité des réserves, laCour
ne peut pas négligerle fait que, en prenant simplement acted'une réserve.
sans en examiner le contenu, elle ne peut guère faire avancer la cause de
la justice internationale. Face aux questions concernant la ((compétence

de la compétence)), la Cour n'a jamais hésité a rejeter les arguments de
ceux qui, s'abritant derrière le caractère unilatéral des déclarations, cher-
chaient à réserver ces questions au pouvoir discrétionnaire de 1'Etat
déclarant. 11n'y a pas de raison de ne pas appliquer le mêmeraisonne-
ment aux autres aspects de la compétence de la Cour.

17. La distinction faite entre les situations qui relèvent du para-
graphe 6 de l'article 36 et celles qui relèvent des autres dispositions de cet
article est artificielle et, si elle est maintenue, fera disparaître l'unitéde
l'intention de l'article 36.
18. Depuis les débuts du système de la clause facultative, des réserves

ratioiiae personrrr ont étéfaites de multiples façons, mais elles avaient
toujours une raison d'être,ou du moins une motivation raisonnablement
défendable. Il ne m'appartient pas de faire des observations sur la validité
ou la non-validité des réservesaui n'ont Dasété examinées Dar la Cour -
d'autant moins que la plupart d'entre elles se rapportent à des déclara-
tions qui sont devenues caduques ou ont étéretirées.Je dirai simplement

que, en général,les réservesrationue personae dont l'objet est de prévoir
d'autres modes de règlement pacifique sont justifiéespar des raisons qui
les mettent à l'abri du reproche d'arbitraire. Les réservesqui subordon-
nent l'acceptation de la juridiction obligatoire à la condition qu'un cer-
tain nombre des Etats Membres de la Sociétédes Nations acceptent les

mêmes engagements sont pareillement justifiées. De même encore, on
peut dire que les réservesqui font de la reconnaissance de 1'Etatdéclarant
une condition préalable du règlement judiciaire en vertu de la clause
facultative ont une justification. Ce qui distingue la réserve Com-
monwealth de l'Inde, dans sa version de 1974, c'est qu'elle ne prétend
mêmepas avoir de justification. Bien sûr, toute réserve, qu'elle soit faite

rcrtionucprrsonae. rufiolzar ternporis ou autrement, aura finalement pour
effet d'exclure la compétence de la Cour à l'égardde différendsopposant
1'Etat déclarant et un ou plusieurs autres Etats. La différence entre cesréserveset la réserveCommonwealth dans la présenteespèce est peut-être
seulement que l'intention des premières est mieux cachée, mais les Etats
déclarants doivent recevoir au moins le bénéficedu doute à cet égard.

S'agissant d'une réserve qu'ilest impossible d'interpréter - vu son libellé
et les circonstances dans lesquelles elle a étéfaite - autrement que par
l'intention de faire obstacle à la compétence de la Cour dans les diffé-

rends avec un seul autre Etat, et si l'on considère aussi que la levéede cet
obstacle à la compétence n'est pas subordonnée à la réalisation d'une
condition objective, que 1'Etat qui est visé par la réserve n'a fait de
réserve semblable à l'égard d'aucun autre Etat, et qu'il est en droit

d'espérer raisonnablement que son différend sera soumis à un règlement
judiciaire en vertu du réseaud'engagements qui constitue le systèmede la
clause facultative, on voit que la réserveindienne, telle qu'elle est actuel-

lement libellée. a un caractère tout à fait exceptionnel. La Cour l'a
déclaréon ne peut plus clairement:

((lecaractère unilatéral des déclarations n'implique pourtant pas que
1'Etatdéclarant soit libre de modifier à son grél'étendueet la teneur

de ses engagements solennels )h.

19. L'examen des termes de la réserve Commonwealth de l'Inde
(l'adjonction des mots «ou a été membre du Commonwealth de nations))),
le fait qu'elle ne fasse pas mention d'autres modes de règlement pacifique

convenus ou à convenir, joints à l'examen des circonstances dans les-
quelles la réservea étéfaite, révèlentune volonté manifeste d'exclusion
arbitraire. et donnent à la réserve un caractère exceptionnel qui la
situe en-dehors des limites des réservespermises. Je suis donc obligéde

conclure que cette réserve n'estpas valable et qu'elle ne peut ôter à la
Cour sa compétence.
20. Etant parvenu à cette conclusion, j'aborderai maintenant la ques-

tion qui en découle et qui est de savoir si la partie de la déclaration de
l'Inde qui est entachée de nullité estséparable du reste ou si, comme l'a
fait valoir l'Inde, réserveet déclaration sont indissociables, et conservent

ou perdent leur effet ensemble.
21. Cette question de la séparabilité desréservesnon valables ou nulles
par rapport aux déclarations d'acceptation de lajuridiction obligatoire de
la Courdont elles font partie, est encore à presque tous les points de vue

une trrrrrincognitrr. Le très petit nombre des précédents etle fait que, les
rares fois où la question a été examinée - notamment dans les affaires de
Crrtcrinseniprunts norlji.gicns et Interhun~/rc.la,insi que dans l'affaire de la
Conipi.tencr en r7zutiPrrdopyL;c.lzcrie(sEspagne c. Cunu(laj7 - elle n'ait

A<,tiritc;.s ~t~iliftrirc,~et ~~rir.ut111Nii,rrr.(iguti c2t c,onfr.rJc.elui-ci (Ni<~ur.tiguu
<..Etrits-Unis cl'Ar116ricl1rc).C.I.J. Rec.urilp. 418.
' Cc,rttii~l.\etl~pr~rnt~nor.~>(:giotfsr.irrét, C.1.J Rccutp.l55: It~tc~r.l~titl.(~,p-
tion.s0r6liniir1eiire~.vr.irrc'l. C.I.J. Rccup. 57. 77 et116;Cornpc;r~n(.ccn rnufi+r.r de
pcîi~h~~r..s.cptignec. Crinutlu). conrp6tence de lu Cour..rirrêt, C.I. J. Rcc,upar. 47.. INCIDEKT AERIEN (OP. DISS. AL-KHASAWNEH) 54

pas été tranchée, expliquentsans aucun doute en partie l'absence de solu-

tions faisant autorité. Néanmoins, une grande part de l'incertitude pro-
vient de la nature mêmede la notion de divisibilitéqui, bien qu'elle soit
régiepar les principes générauxd'interprétation, repose dans une large
mesure sur une reconstruction de l'intention probable qui animait les
parties lorsqu'elles ont fait I'actejuridique en cause, ainsi que d'un autre

facteur, extrinsèque au texte, qui est la question de savoir si, une fois
qu'aura été détachée la portion de I'acte frappée de nullité, la pour-
suite de l'exécution entrainera des résultats injustes pour la partie
concernée.

22. Contrairement a la jurisprudence de la Cour, les grands systèmes
de droit contiennent une quantité de concepts en la matiére, et, que ces
concepts soient empruntés au contrôle juridictionnel des lois ou à celui
des contrats privés,ils sont pertinents en tant que principes générauxdu
droit au sens du paragraphe 1 c) de l'article 38 du Statut de la Cour.

23. S'ilconvient de recourir à ces concepts, et aussi au droit des traités
(les conventions de Vienne de 1969et de 1986),c'est non seulement parce
que les déclarations d'acceptation de lajuridiction obligatoire de la Cour
constituent un ((réseau d'engagements)), mais aussi parce que les points
de vue de certains juges dans les affaires précitéesont eu pour effet

d'amener la Commission du droit international à reprendre l'examen de
la question de la divisibilité, cequi a conduit à l'adoption de l'article 44
de la convention de Vienne sur le droit des traités et de l'article 44 de la
convention de Vienne sur le droit des traités entre Etats et organisations

internationales ou entre organisations internationales, qui traitent l'un et
l'autre de la divisibilité.
24. La Cour a étéinvitéepar l'Attorney Genevulde l'Inde à examiner,
a titre d'exemple tiréd'un des grands systèmesde droit, une décisionren-
due en 1957 par la Cour suprêmede l'Inde, dont le principe sous-jacent,

à savoir que

«le critère à appliquer consiste à déterminer si le législateur aurait
adopté la partie valide d'une loi s'ilavait su que le reste du texte était
entaché de nullité.Quand les dispositions valides et les dispositions
non valides sont si intimement liéesqu'il est impossible de les disso-

cier, la nullité d'une partie d'entre elles emporte nécessairement la
nullitéde la loi tout entière»R

est censéétayer l'affirmation de l'Inde selon laquelle la réserveest indis-
sociable de sa déclaration.
25. Un examen plus approfondi de cette décision, loin de confirmer

cette thèse, fait apparaître en fait un critère de divisibilité pluscomplexe
et moins strict - fondélargement sur la jurisprudence et la doctrine des
Etats-Unis - que ce que l'on a laisséentendre à la Cour.

R. M. D. Chuni<ivbulrgicdlv.The Union uf Indiu. 1957, Siiprrvnc Court Reports,
p. 950-951;CR 200012.p. 14.

46 INCIDENT AÉRIEN (OP. DISS. AL-KHASAWNEH) 55

26. Ainsi la Cour suprêmede l'Inde, commentant une décision anté-
rieure, a déclaré:

«La doctrine de la divisibilitérepose, comme on le verra tout à

l'heure, sur I'intention présuméedu législateur selon laquelle, si une
partie d'une loi s'avère nulle,sa nulliténe doit pas toucher la validité
du reste de la loi, cette intention devant être déduitedu texte de la
loi. Le facteur déterminant est la nature véritablede l'objet de la loi

et, si l'existence dans la loi d'une subdivision des dispositions peut
êtretrès utile pour conclure à la divisibilité, son absence n'interdit
pas nécessairement cette conclusion. »y

27. Quant au critère proprement dit, il comporte sept élémentsdont
certaines parties seulement ont étéévoquéesdans les plaidoiries, à savoir
le premier élémentet la première moitié du deuxième. Le premier élé-

ment, qui concerne la question de savoir si le législateuraurait adopté la
partie valide de la loi s'il avait eu connaissance de la nullitéentachant le
reste de la loi. est ici dépourvu de pertinence.
28. Nul n'a jamais prétendu que l'Inde ait su d'avance que sa réserve
Commonwealth était nulle. En fait, l'Inde a fait valoir que cette réserve

n'était((incompatible ni avec le paragraphe 3 de l'article 36 du Statut, ni
avec aucun autre de ses articles)).
29. Le deuxième élémentdu critère, qui concerne le cas dans lequel les
dispositions valides et les dispositions invalides sont si intimement liées

qu'il est impossible de les dissocier, est contrebalancé par la suite du texte
(qui n'a pas étécitédans les plaidoiries), où il est dit:

((Toutefois, si elles sont suffisamment distinctes et séparéespour
que, après suppression des dispositions nulles, les dispositions qui
demeurent constituent encore une loi indépendante du reste. elles
sont maintenues bien que le reste ait été annulé. »'O

Si l'on applique ce qui précèdeà la déclarationde l'Inde, on constate au pre-

mier coup d'Œilqu'elle est subdiviséeen plusieurs parties bien distinctes
qui s'appliquent vutionur nluteviue a des questions distinctes, et que la
suppression de la réserve incriminée ne nuirait pas à l'intégritédu
reste.

30. Le troisiéme élémentdu critère est que, mêmesi les dispositions
valides et les dispositions nulles peuvent êtredistinguées,la nullitéde cer-
taines entraînera la nullité de toutes si elles font toutes partie d'un en-
semble unique qui est censés'appliquer comme un tout. Cet élémentdu
critère est plus pertinent, car c'est l'intention du législateur - ou, par

analogie, de I'Etat déclarant - qui est ici au premier plan et prime sur les
autres éléments.Mais, Iii non plus, l'argumentation de l'Inde n'est pas

" R. M. D. Clitrnr<rrb~rug~ii.vtr.l/Thc Urriorl(t/'Irlc/ilr.1957, Suprc,riiclCourt Reports.
p. 944.
'"Ihicl.,p. 1. INCIDENT AERIEN (OP. DISS. AL-KHASAWNEH) 56

convaincante, car rien ne prouve que, comme elle l'affirme, ladéclaration
et la réserveétaient censéess'appliquer comme un tout. II est on ne peut
plus évident que des déclarations faites e.vpost Juctn alors que la Cour
était en train d'examiner le différend, et selon lesquelles la déclaration et

la réserve((constituent un tout indivisible traduisant l'intention de la par-
tie)),ne sauraient combler rétroactivement l'absence totale de preuves. Le
seul élémentde preuve qui a pu êtreavancé à cet égard est que l'Inde a
maintenu sa réserveCommonwealth dans toutes ses déclarations d'accep-
tation de la juridiction obligatoire. Aucune conclusion nette ne peut

cependant en êtreinférée,sinon que la réserve était importante - et
mêmepeut-être d'une importance considérable - aux yeux de l'Inde,
mais on ne peut pas pour autant en conclure que c'étaitl'élément crucial
ou essentiel de l'acceptation par l'Inde de la juridiction obligatoire. Bien
sûr, il est généralement présumé que les Etats n'agissent pas de façon
inconsidéréeou frivole et, lorsqu'il s'agit de définir l'étendue de leur

acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour, on peut raisonnable-
ment supposer qu'ils attachent de l'importance à toutes les réserveset
conditions contenues dans leur déclaration, surtout si ces conditions ont
résistéau temps et plus encore à l'examen rigoureux de leurs services.
Mais on irait trop loin si l'on en déduisait que toute réservequi n'a pas

été expurgée ou modifiéeconstitue de ce fait un élémentdéterminant du
consentement.
31. Dans l'affaire relative i Certuins emprunts norvégiens, l'opinion
fréquemment citée de M. Hersch Lauterpacht sur l'indivisibilité de la
réservefrançaise concernant la compétence nationale par rapport au reste
de la déclaration de la France reposait sur deux fondements: l'objet de la

réserve,et les élémentsde preuve. En ce qui concerne son objet, la réserve
française, en ce qu'elle portait sur la compétence nationale, définissait
une attitude généraleà l'égardde la notion de juridiction obligatoire, et
les limites dans lesquelles la France était prête à accepter la limitation de
sa propre compétence. M. Lauterpacht avait donc parfaitement raison de

conclure à l'indivisibilité. Aucontraire, la réserveindienne ne visait qu'un
petit groupe d'Etats, et elle ne pouvait donc définir uneattitude ou une
position généraleà l'égardde la juridiction obligatoire. En outre, le droit
de décider que certaines questions relèvent de la compétence nationale
est, par définition, au cŒur mêmede la notion de souveraineté, et ce fait
a été confirmépar des déclarations faites i l'Assembléenationale fran-

çaise. Dans la présenteespèce, l'Inde n'a pu apporter aucune preuve tirée
de l'historique de l'adoption de la déclaration, ni d'ailleurs aucune autre
preuve du caractère essentiel ou déterminant de la réserveCommonwealth
à l'acceptation de l'Inde.
32. Les autres élémentsdu critère définipar la Cour suprêmede I'lnde

- les éléments 4, 5, 6 et 7 - concernent respectivement les points
suivants: les dispositions qui restent ne doivent pas êtrepar trop insigni-
fiantes et incomplètes; le fond prime sur toutes subdivisions formelles; le
juge ne doit pas apporter aux dispositions valides d'autres modifications
par lesquelles il se substituerait au législateur; il faut tenir compte des INCIDENT AÉRIEN (OP. DISS. AL-KHASAWNEH) 57

travaux préparatoires de la loi, de son objet, de son titre et de son pré-
ambule. Appliqués a la déclaration de l'Inde, tous ces élémentsmilitent
en faveur de la séparabilitéde la réservepar rapport a la déclaration.
33. J'ai examinéen détail l'argumentation savante sur laquelle repose

cette décision indienne, parce que l'Attorney Generul de l'Inde nous
l'avait demandé, mais il est inutile d'étudier dans le même détailles
notions similaires que l'on trouve dans d'autres grands systémesdedroit.
On peut raisonnablement penser que les solutions imaginéespar ces sys-
témesne différeront pas radicalement de cette décision. Je me contenterai

de mentionner par exemple, que, en droit islamique, le problème de la
séparabilitésemblerait régi par la maxime «Mu Lu Udruku kullul~ Lu
Utruku Julloh)) -il ne faut pas abandonner fondamentalemeiit ce qui ne
peut êtreréaliséentièrement. Cette notion est remarquablement proche
de celle du droit romain ut res rnugis i~ulec~ qtuunl pereut- ilfaut chaque
fois que possible donner effet a un acte instrumentaire. Elle est aussi sem-

blable a ce que l'on considère généralementcomme l'un des buts princi-
paux des règlesrégissant la nullité,telles qu'elles sont expriméesdans les
conventions de Vienne de 1969et de 1986,qui est de <préserver, chaque
fois que possible, la validité des arrangements conventionnels plut6t
que de la détruire complètement par des considérations étrangèresà ce

but))".
34. 11 est vrai aue le droit des traités a étécontraint de reconnaître
l'existence d'une tension, mise en évidencepar les premiers publicistes",
entre, d'une part le souci de préserver l'intégritédes traités et de ne pas
admettre la divisibilitéde manière arbitraire et, d'autre part le souci de ne
pas permettre aux Etats d'invoquer la nullité qu'ils peuvent avoir eux-

mêmes causéepour se libérer de leurs autres obligations. En outre, et à
mesure que les traitésont pris un caractère de plus en plus multilatéral et
sont devenus de plus en plus hétérogènesdans leur contenu, les règles
gouvernant la divisibilitéont aussi tendu a s'assouplir.
35. Reflétant cette évolution dans le domaine des traités et conciliant

ces tensions, ou du moins essayant de les concilier, l'article 44 de la
convention de Vienne sur le droit des traités a ouvert la porte au principe
de la divisibilité des dispositions des conventions - avec toute la pru-
dence voulue, et en fixant des conditions cumulatives plus strictes à cer-
tains égardsque celles qui découlent des principes générauxdu droit visés
au paragraphe 1 (3)de l'article 38 du Statut de la Cour.

36. Ainsi, le paragraphe 3 de l'article44 admet le principe de la divi-
sibilitédans les cas où la cause de nullité ne vise que certaines clauses
déterminées(ce qui est évidemment le cas de la réserveCommonwealth)
et où:

a) ces clauses sont séparables du reste du traité en ce qui concerne leur

''Rozakis. Tlrr~Coticc,prof Jus Cogens in i110Luit'of Trc. 976p.124.
''Pour un aperçu historique, voir Co(iiJiofrInrrrnutionul Lubi,.Si~pplc~ti~ctnot t11c.
At>i<~ric.Jl rntrl of Intrrnutionul Ltrit,,vol. 29, 1935.144.1134-1 exécution - ce qui est là encore évidemmentle cas pour la réserve
Commonwealth;

b) il ressort du traité ou il est par ailleurs établique l'acceptation des
clauses en question n'a pas constitué pour l'autre partie ou pour les
autres parties au traité une base essentielle de leur consentement a
êtreliéespar le traitédans son ensemble.
Dans son commentaire sur le texte qui allait devenir le para-
graphe 3 h) de l'article 44, la Commission du droit international indi-
quait clairement que la réponse à la question de savoir si la condition
est remplie ((devra nécessairementêtre établiepar référencea l'objet
qui fait la matière des clauses considérées, a la relation de celles-ci
avec lesautres clauses, aux travaux préparatoires et aux circonstances

de la conclusion du traité»I3.
A cet égard,l'objet dela réserveCommonwealth - qui est parti-
culière à un groupe d'Etats et ne représentepas une attitude générale
a l'égardde la notion de juridiction obligatoire, comme ce serait le
cas, par exemple, d'une réserve excluantles questions qui reléventde
la compétence nationale de I'Etat déclarant - ne permet pas de
déduireque l'acceptation de la réserveétait un élément essentielou
déterminant du consentement à se soumettre à la juridiction obliga-
toire. Le rapprochement de cette réserve avecd'autres réserves,condi-

tions ou autres parties de la déclaration ne saurait d'ailleurs étayer
une telle déduction.La seuledéductionque l'on puisse en tirer est que
la réserve esttout a fait séparable du reste de la déclaration. Quant
aux travaux préparatoires (ou leur équivalent, s'agissant d'accepta-
tion facultative de la juridiction obligatoire), l'Inde n'a fait valoir
aucun élémentextrait de ces sources et montrant que son consente-
ment étaitsubordonné de façon déterminanteau caractère indissocia-
ble de la déclaration et de la réserve.
Les mots ((et aux circonstances de la conclusion du traité))peuvent

donner prima facie de la crédibilitéà l'argument selon lequel, puisque
la dernière revision de la déclaration del'Inde, en 1974,avait eu lieu
dans des circonstances dans lesquelles l'Inde essayait d'empêcherle
Pakistan d'invoquer la compétence dela Cour, la réserveconstituait
un élément essentielde son consentement. Mais une fois encore en
l'absencede preuves, et étant donné quel'objet de la réserve est limité
à une certaine catégorie de différends,toute conclusion par laquelle
on ne se bornerait pas a reconnaître que la réserveconstituait une
base importante - importante et non essentielle - du consentement

de l'Inde serait injustifiée.Le fait mêmeque l'Inde ait, dans ces cir-
constances, décidéde renouveler sa déclaration - avec des modifica-
tions - le confirme.
c) Il n'est pas injuste de continuer a exécuterce qui subsiste du traité.

'jAnnuuirr dulu Comn7is~iot1(lu lclroitintcrnutionul. 1966.vol. II, p. 260. Sinclair, The
LJii,nnuConrc,ntionon tllc L.f Treutie7' éd.,p. 166-167.

50 Comme on le sait, cette troisième condition a étécritiquée comme
étant nécessairement subjective, et n'ajoutant pas grand chose au
principe qui sous-tend la condition de l'alinéab) 14.A cet argument,
on peut répondre que cet alinéasemble avoir sa raison d'êtredans les

situations où - avec le temps - certaines dispositions peuvent
acquérir ou perdre de l'importance d'une manière qui n'avait pas été
prévue dans les négociations. Quels qu'en soient les mérites ou les
défauts, il est apparent que le maintien en vigueur de la déclaration

sans la réservene serait pas injuste pour l'Inde, puisque le Pakistan de
son côté n'a pas fait la mêmeréserveà l'égardde l'Inde. De plus, si les
opinions divergent en ce qui concerne la caducité stricto sensu de la
réserveCommonwealth, il n'est guère douteux que la pertinence de
celle-ci diminue avec le tempsis, comme le montrent non seulement le

nombre décroissant de membres du Commonwealth qui ont main-
tenu cette réserve, mais aussi le phénomène - in statu naseendi.
certes - constitué par le fait que les Etats, y compris les membres
du Commonwealth, sont plus enclins à accepter la compétence obli-

gatoire d'autres juridictions, en vertu d'instruments internationaux
importants comme la convention de 1982 sur le droit de la mer ou
dans le cadre de l'organisation mondiale du commerce.

37. Il semble donc vraisemblable que la réserveCommonwealth soit
appelée à perdre encore de son importance avec le temps, ce qui tend a

confirmer la conclusion selon laquelle il est improbable que la suppres-
sion de cette réserveentraîne des conséquences injustes pour l'Inde si elle
continue à exécuterles obligations qui découlent pour elle du reste de sa
déclaration.

38. 11s'ensuit donc que la réserve peut êtredissociéedu reste de la
déclaration.

(Signé A)wn S. AL-KHASAWNEH.

'Tapotorti, «L'extinction et la suapension des traO,eRr<,~tci(le1.our.s1971,
vol. 134, p. 463.
''La doctrine contirme ce point de vue; Merrills par exemple fiiit observer que «cette
réservedoit ètre considéréecomme ayant perdu aujourd'hui sonutilité(British Yctrr
Booli of'Intc,rricrtL(rii1903. p. 222).

Bilingual Content

DISSENTING OPINION OF JUDGE AL-KHASAWNEH

Luck ofjurisdiction does not relieile Purties of duty to settle dispute through
peaceful rneuns - Jurisdiction cannot he inisoked on tlze basis of the United
Natiorrs Clfurter in the absence qf'con.rent - Effect of Indiun conzmunicution of

1974 regarding the Geneiûl Act - Effect of'lack of.suhsequent reuc,tionto that
con7tlluniccition - Conclusion dc>c/ininjg~lrisdiction, tlroughjustijahlr, does nof
po.ssess necessary ccrtcrintj~to,fOrt~fi it crguinstrc~curringdouhts - Irrrlevance
c~f'"multilatera1tieuty" reservution - Just~jiuhledoubts regurding ob.solescence
of "Corrrtnonivru/th" r-e.c.eriution - Ca.sr not c~on~~lib.sivm elyde f0r ohsoles-
cence - Right of States to muke reseri~utiorinot unlir~iited - Intention of
u'eclurantStute to be tr.scertaitted,front wording of reser~wtionus ii,ellus fio/?i
cirr*u~nstancc. -s Indian decluration of1974 - Intended uguittst otic Stute only

- Unlike other reservutiott.~ratione personae no d<f~.rz.sih/,jrustijicatiot~ -
E'ctraordinury urrde.rceptiona1~zururcof Indiun r~seri~utionpi1t.sif outside pirr-
vieivofpermi.ssihi1itj. - Tlie issue qf'separuhility - Relevunce of conceptsfrom
major systems of luiz, - Anrrlj~.sisf'decision hj, Indiun Suprer,te Court - Rcle-
i1anceof und anrrlogiesfrom luit, of treuties - Sepurabilitj~is possible.

1. 1regret that in this, the first case in which 1participate, 1am unable

to agree with al1the conclusions reached by the rnajority. Consequently
1am unable to join in their decision that the Court has no jurisdiction.

2. Before explaining the reasons that have led me to take this position,

1 must emphasize that 1 endorse wholeheartedly the call made by the
Court on the two States to settle this dispute, and indeed al1the disputes
that have plagued their relations since 1947, through peaceful nieans. The
question of jurisdiction is important but it is ultimately a technical mat-

ter, and lack of jurisdiction does not in itself indicate that the dispute is
not justiciable, nor does it relieve the parties of their duty to pursue
peaceful settlement on the basis of international law. 1also feel that the
cal1made by the Court is both urgent and appropriate. Its urgency may

be measured against the possibilities of dangerous escalation which, on
more than one occasion in the recent past, almost brought India and
Pakistan to the brink of nuclear confrontation. Its appropriateness, on
the other hand, rests on precedent and the fact that in making this call,

the Court is acting wholly within its powers, as the principal judicial
organ of the United Nations.
3. Within the context of the present case the making of this call is al1

the more pertinent in view of the disquieting fact that al1attempts at pur- OPINION DISSIDENTE DE M. AL-KHASAWNEH

Le &fuur de con~pétencene dispense pus les parties de l'obligation de régler
leur dij'férendpardes moyens pac$ques - Lu compétencenepeut êtreinvoquck

sur la hase de lu Charte des Nations Unies en l'ahsrnce de consentement -
Effet de lu communication fuite par l'Inde en 1974 au sujet de l'Acte gérzérul-
Effrt de 1'uh.vencede réactionsuhsiquente ù cette comnzunicution - Lu conclu-
sion déclinuntlu compétence,bien quejustifiuhlc, ne possèdopas le raructère de
certitude nécessairepoz~rlu dcyendre contre des cloutes récurrents - Lv défuut
riepertinence de lu réseri1ere/atii2eaux «truités multi/utérau.u» - Les doutes ù

l'égurdde lu caducitéde lu réserve«Common~veulth »peuvent sejustrfieu - Lu
(.uducitBn'u pris étéétubliedefaçon c«ncluante - Le droit d~sEtuts defoire
de.s rksrrves n'est pus suns limites - L'intention de 1'Etut déclarant doit Ctre
reclterchéedons le liheik; de lu réserileaussi bien que dans les circon.vtunrcs -
La d>clarution de l'Inde de 1974 - Elle vise un seul Etat - Contruirc~ment à

d'autres réserves rationae personae. clle n'est justijée pur aucun urgunient
défendrrblr - Le caructéreestraortlinaire et exceptionnel dc,la réserve indienne
lu situe hors des limites clesréservespennises - La question de ki diilisibiliti-
Lu pertinence des conctpts tir63 des grunclssystèmes de droit - Anulyse de la
dkcision de lu Cour suprCn7edc l'Ind(, - Pertinence du droit des truitc;.~ct unu-
logies avcc ce rlroit - La diili.sihilit .veju.stijie.

1. Je regrette, dans cette première affaire à laquelle je participe, de ne
pas pouvoir souscrire à toutes les conclusions adoptées par la majorité.

En conséquence, je ne peux pas m'associer à sa décision concluant à
l'incompétence de la Cour.
2. Avant d'expliquer les raisons qui m'ont amenéà prendre cette posi-

tion, je tiens à souligner que je souscris sans réserveà l'appel qu'a lancéla
Cour aux deux Etats pour qu'ils règlentce différend, ainsi d'ailleurs que
tous ceux qui empoisonnent leurs relations depuis 1947, par des moyens

pacifiques. La question de la compétenceest importante, mais c'est en fin
de compte une question de technique juridique, et le défaut de compé-
tence ne signifie pas en soi que le différend n'est pas justiciable, pas plus
qu'il n'exonère les parties de leur obligation de rechercher un règlement

pacifique sur la base du droit international. J'estime aussi que I'appel
lancépar la Cour est urgent et légitime.Son urgence peut se mesurer aux
risques d'escalade qui, à plusieurs reprises dans le passé,ont amenél'Inde

et le Pakistan presque au bord de l'affrontement nucléaire. Quant à sa
légitimité,elle découledes précédents etdu fait qu'en lançant cet appel, la
Cour agit strictement dans le cadre de son mandat qui fait d'elle l'organe

judiciaire principal des Nations Unies.
3. Dans la présente instance, la pertinence de cet appel est soulignée
par le fait inquiétant que toutes les tentatives pour recourir iid'autres49 AERJAL INCIDENT (DISS. OP. AL-KHASAWNEH)

suing other peaceful means were rejected by the respondent State before
the case was brought to the Court.

4. The Court's jurisdiction has been invoked on the grounds that it
falls within what is meant by the phrase "al1 matters specially provided
for in the Charter of the United Nations". To the extent that this aruu-
ment was abandoned by counsel for Pakistan and, more importantly,
since the Charter does not provide for compulsory jurisdiction, 1 find

myself in agreement with the majority view.
5. 1am also in substantive agreement with my colleagues that the 1928
General Act for the Pacific Settlement of International Disputes does not
provide a basis for the Court's jurisdiction in view of the Indian commu-

nication of 1974, which, while not constituting a formal denunciation of
the said Act, not having been made in accordance with theprocedure laid
down in Article 45 of the Act, has nevertheless been treated as "a notifi-
cation" by the Secretary-General of the United Nations. This fact, taken
together with the lack of any subsequent reaction by the parties to the

Act, including Pakistan - if one is to accept that the latter's communica-
tion of 1974 announcing that the Act "continued in force" for Pakistan
by way of succession meant that it was party to the General Act - con-
firms this conclusion.
6. 1must add, however. that 1 share in this conclusion with consider-

able hesitation, for 1 continue to believe that the only thing that could be
stated with certainty and without too much fear of contradiction with
regard to this alleged basis of jurisdiction is that the Dominion of India
was bound by the General Act as of 21 May 1931.All else remains in the

realm of subjective and contradictory statements, and this includes such
questions as whether the Act devolved on Pakistan by automatic succes-
sion; whether lndia continued to be bound by it after its independence by
succession or otherwise and - beyond the present case - whether the
Act is a political treaty, whether political treaties are transmittable and

lastly whether the Act survived the demise of the League of Nations and
the conclusion of a revised General Act. By confining itself to the effects
of the Indian communication of 1974 and not dealing with these inter-
related issues, some of which have appeared before the Court in previous
cases, the Court may have achieved mathematical elegance but at the

expense of leaving those issues without clarification. In other words the
Court based its decision on a conclusion which might be justifiable in the
present context, but which falls short of the certainty required to fortify
the decision against recurring doubts.

7. The third basis on which the Court's jurisdiction has been invoked
is the optional clause system, to which both lndia and Pakistan are party.
Both States have attached various conditions and reservations to their
respective declarations accepting the Court's compulsory jurisdiction.

Two of them concern us in the present case. Let me refer first to the so-
called "multilateral convention" reservation common to both declara-
tions. To the extent that the actions complained of by Pakistan wouldmoyens pacifiques ont étérepoussées par 1'Etat défendeur avant que
l'affaire ne soit portée devant la Cour.
4. La compétence de la Cour a été invoquéeau motif que le différend

relèvede ce qui est visépar l'expression ((tous les cas spécialementprévus
dzns la Charte des Nations Unies)). Puisque cet argument a étéaban-
donné par les conseils du Pakistan et puisque, ce qui est plus important,
la Charte ne prévoit pas de système de juridiction obligatoire, je suis en
accord avec la majorité sur ce point.

5. Je partage aussi, pour l'essentiel, l'opinion de mes collègues selon
laquelle l'Acte généralde 1928pour le règlement pacifique des différends
internationaux ne constitue pas une base de compétence eu égard à la
communication faite par I'lnde en 1974,qui, bien qu'elle ne soit pas une
dénonciation formelle de l'Acte puisqu'elle n'a pas été faiteselon la pro-
cédure prévue par l'article 45, n'en a pas moins été traitéecomme une

((notification))par le Secrétaire généralde l'organisation des Nations
Unies. Ce fait, joint à l'absence de réaction subséquente des parties ii
l'Acte, y compris le Pakistan - si I'on admet que la communication faite
par celui-ci en 1974 pour annoncer que l'Acte «continu[ait] d'êtreen
vigueur))a l'égarddu Pakistan par voie de succession signifiait qu'il était

partie k l'Acte général - confirme cette conclusion.
6. Je dois ajouter, cependant, que c'est avec une très grande hésitation
que je me rallie à cette conclusion, parce que je continue de penser que la
seule chose que I'on puisse affirmer au sujet de cette base de compétence
avec certitude et sans trop craindre d'êtrecontredit, c'est que le Domi-

nion de l'lnde était liépar l'Acte généralau 21 mai 1931. Tout le reste
relève d'affirmations subjectives et contradictoires, et en particulier la
réponse à des questions comme celles-ci: l'Acte générala-t-il été dévolu
au Pakistan par voie de succession automatique, l'Inde est-elle restée liée
k l'Acte généralpar succession ou d'une autre manière et - ce qui
déborde le cadre de la présente instance - l'Acte généralest-il un traité

politique, les traitéspolitiques sont-ils transmissibles, et enfin l'Acte a-t-il
survécu a la disparition de la Société desNations et a la conclusion d'un
Acte général revisé? En se bornant A examiner les effets de la communi-
cation de I'lnde de 1974, sans aborder ces questions connexes, dont cer-
taines se sont déjàposées iila Cour dans de précédentesaffaires. la Cour

a peut-être fait preuve d'une louable économie de moyens, mais en
contrepartie elle a laisséces questions sans éclaircissements. Autrement
dit, elle a fondésa décisionsur une conclusion qui est peut-êtrejustifiée
dans la présente espèce, mais qui n'apporte pas la certitude requise pour
défendre cette décisioncontre des doutes récurrents.
7. La troisième base de compétence invoquée est le système de la

clause facultative, a laquelle I'lnde et le Pakistan sont tous deux parties.
Les deux Etats ont assorti leur déclaration d'acceptation de la juridiction
obligatoire de la Cour de conditions et de réservesdiverses, dont deux
nous intéressent ici. Je parlerai d'abord de la réservedite ((relative aux
conventions multilatérales)), qui est commune aux deux déclarations.

Dans la mesure où les actes dont se plaint le Pakistan constitueraientprima facie constitute breaches under customary international law, the
reservation is simply irrelevant and cannot bar the Court's jurisdiction' .

8. The other reservation, found in the Indian declaration only, is the
Commonwealth reservation. As is well known, this reservation has its
genesis in a reservation made by the United Kingdom and the six other
members of the Commonwealth in 1930when they became party to the
General Act. When the Dominion of lndia acceded to the General Act in

1931 the reservation was incorporated into the Indian declaration. The
rationale for it then was that disputes among Commonwealth members
would be settled by a court to be specially created for this purpose but
which in fact never came into existence. Notwithstanding this and the
further fact that the Commonwealth has since undergone fundamental
changes bordering on a metamorphosis, the reservation continued to
appear in the declarations made by some Commonwealth countries
including recent casesof newly independent States, although the number
of States entering such a reservation is quite small. In these circumstances
doubts regarding the obsolescence of the reservation are quite justified.
1 have in mind primarily Judge Ago's dissenting opinion in the case con-
cerning Certain Phosphate Lands in Nauru (Nuuru v. Austr~liu)~, but

doubts have also been expressed in the Iiterature3. Against this line of
thinking, it has been argued that the doctrine of obsolescence does not
apply to unilateral acts. This argument is not without force, except that it
is based on the assumption that what starts as a unilateral undertaking
goes on being so even when it is transformed into mutual arrangements,
raising in other parties to the optional clause system reasonable expecta-
tions not dissimilar to those raised under treaty relations. Be this as it
may, whilst doubts linger regarding the obsolescence of this reservation,
the case has not been conclusively made for obsolescence.
9. The major obstacle to the argument of obsolescence, as far as the
present case is concerned, is the repeated insertion of the Commonwealth
reservation in successive Indian declarations accepting the Court's com-

pulsory jurisdiction, and it is preciselythe maintenance of this reservation
and the modifications that were inserted into it that sets the Indian reser-
vation aside from other Commonwealth reservations found in declara-
tions made by other States, and leaves no doubt as to the existence of a
conscious will on the part of India to transform the reservation - origin-
ally meant as a means of providing for alternative modes of peaceful
settlement - into a reservation rutiotzeprrsonae, properly so described,
directed against one State only: Pakistan, a State which maintains no
similar reservation with regard to India. Thus in 1959India modified the

' Militcrryund Purumilitary Actiixitic.sin und uguinst Nicrrrtrguu(Nicuruguu v. United
Srutes of Arnericu). I.C.J. Rc~ports1984. pp. 424-425. para. 73.
*1.C.J. Reports 1992, p. 326.
Alexandrov. Re.servution.sin Unilutl ec1urution.sAccepting the Compulsory Juris-
diction of'the Internutionul Court of'Justicc~.pp. 120-122.prima Jucir une violation du droit international coutumier, la réserve est
tout simplement dénuéede pertinence et ne peut ôter sa compétence à la
Cour '.

8. L'autre réserve,qui ne figure quedans la déclarationde l'Inde, estla
réserveCommonwealth. On sait que celle-cia son origine dans la réserve
faite en 1930 par le Royaume-Uni et les six autres membres du Com-
monwealth en devenant parties à l'Acte général. Lorsquele Dominion de
l'Inde accéda à l'Actegénéral en1931,cette réservefut incorporéedans la
déclaration indienne. Sa raison d'être étaia tlors que les différendsentre
Etats du Commonwealth seraient régléspar un tribunal qui devait être
spécialement créé à cet effet, mais qui, en fait, n'a jamais vu le jour.
Cependant, et bien que le Commonwealth ait depuis lors subi des chan-

gements fondamentaux, pour ne pas dire une métamorphose, la réservea
continué a figurer dans les déclarations de quelques Etats du Com-
monwealth, y compris récemmentde certains Etats nouvellement indé-
pendants, mêmesi le nombre des Etats qui ont fait cette réserve esttrès
réduit.Dans ces circonstances, les doutes émissur cette réservesont tout
à fait justifiés.Je pense surtout à l'opinion dissidente de M. Ago dans
l'affaire relative Certuines terres ùphosphates ù Nuuru (Nuuru C.AUS-
trulie)2,mais des doutes ont aussi étéexpriméspar la doctrine3. A cela,
il a été objectéque la théoriede la caducité nes'appliquait pas aux actes

unilatéraux. Cet argument n'est pas dépourvu de force, mais il est fondé
sur l'hypothèseque ce qui est au départ un acte unilatéralreste un acte
unilatéral même lorsqu'il se transforme en arrangements mutuels, faisant
naître chez les autres parties à la clause facultative des attentes raison-
nables qui s'apparentent à celles que suscitent des relations convention-
nelles. Quoi qu'il en soit, si des doutes demeurent concernant la caducité
de la réserve,cette caducitén'a pas été établie de façon concluante.

9. Le principal obstacle à l'argument de la caducité,en l'espèce,est le
fait que l'Inde a, de façon répétée, fait figurecrette réservedans ses décla-
rations successivesd'acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour;
ce sont précisémentle maintien de la réserveet lesmodifications qui y ont
étéapportées qui la distinguent des réservesCommonwealth que l'on
trouve dans lesdéclarationsd'autres Etats, et qui ne laissent aucun doute
quant à la volontéconsciente de I'lnde de transformer cette réserve - à
l'origine, unmoyen de prévoird'autres modes de règlement pacifique -
en une réservejustement qualifiéede rarionaepersonae, visant exclusive-

ment un Etat: le Pakistan - Etat qui n'a pas fait de réservesemblable à
l'égardde l'Inde. Ainsi, en 1959,l'Inde modifia comme suit le libelléde sa
réserve: ((2) les différendsavec le gouvernement d'un Etat qui, à la date

' Acrivit6.s riii1ifuir.e~er p<ir.uniilituivr.sutr Niccirciguriet c.ontr<,ci,liri-ci (Nice~ruguc~
c. Ettrl.s-Unis d'Ailii.riqlrr). C.I.J. Re<,uril1984. p. 424-425, par. 73.
' C.I.J. Rc~cucil1992. p. 326.
rlic,t»fntlie I~iternutioricilCourt ojJustice, p. 120-122.ng tlicjCornpu1sor.yJuris-wording of the reservation to read: "(2) Disputes with the Government
of any State which, on the date of this Declaration, is a Member of the
Commonwealth of Nationsm4. Omitted from the new version were the
words "al1of which disputes shall be settled in such manner as the parties
have agreed or shall agree" which were contained in previous declara-

tions.
10. In 1974a new declaration was made by lndia and again the reser-
vation was maintained, but with a new modification. It now reads:
"(2) disputes with the government of any State which is or has been a
Member of the Commonwealth of Nationsw5.
11. By 1974, Pakistan had left the Commonwealth and the change in

the wording was necessary to bar the Court's jurisdiction in disputes with
that State, which was in fact trying to invoke that jurisdiction against
India. There can be no doubt in the light of those circumstances that the
reservation was intended to operate against Pakistan. The only other
States that were no longer Members of the Commonwealth were South
Africa, but that happened in 1960,and Ireland, which had left the Com-

monwealth in 1948.
12. The argument has however been made that even if the reservation
was directed at Pakistan alone, this would be no more than a classic
reservation vufione prvsonae made under a system of compulsory juris-
diction where the practice has permitted a choice of partners, and that
therefore the Indian reservation did not amount to discrimination or

abuse of rights but is wholly within a declarant State's discretion.
13. 1propose now to examine this issue bearing in mind that the Court
has never had the opportunity to decide on the validity or otherwise of a
reservation excluding disputes r-utionrpcvsonue.

14. As a general comment, it has long been recognized that the prac-

tice of the Court has tended to accord States more freedom to enter
reservations in their declarations accepting its compulsory jurisdiction
than the plain words of Article 36, paragraph 3, of the Statute provide for.
One looks in vain for any reflection of the maxim incl~rsiounius r.ste'rclir-
sio ultrvius. Be this as it may, the fact that a reservation is extra-statutory

in the sense that it goes beyond Article 36, paragraph 3, cannot in itself,
in view of the existence of settled practice, lead to invalidity. On the other
hand, when al1 allowance is made for political realism and when cogni-
zance is fully taken of the fact that the Court's jurisdiction operates only
within the parameters of the declarations and that its jurisdiction has to
be proved to the hilt, some room must be left for an objective assessment

of the validity or otherwise of the reservations and conditions contained
in declarations accepting its jurisdiction. To deny this is to abdicate
responsibility. Where the Court strikes a delicate balance between the

' I.C.J. Yeurhook 1996-1997p. 99.de la présentedéclaration, est membre du Commonwealth de nations~~.
Les mots ((différendsqui seront réglésselon une méthode convenue entre
les parties ou dont elles conviendront ))qui figuraient dans les déclara-

tions précédentes, avaient été supprimésdans cette nouvelle version.

10. En 1974, l'Inde fit une nouvelle déclaration, en maintenant sa
réserve,mais avec une nouvelle modification. Son texte est désormais le
suivant: ((2)les différends avec le gouvernement d'un Etat qui est ou a

été membredu Comnlonwealth de nation^))^.
II. En 1974,le Pakistan avait quittéle Commonwealth, et la modifica-
tion était nécessairepour écarter la compétence de la Cour dans les dif-
férends aveccet Etat, qui essayait en fait de l'invoquer contre l'Inde. II ne
fait pas l'ombre d'un doute, compte tenu de ces circonstances, que la

réservevisait le Pakistan. Les seuls autres Etats à n'être plusmembres du
Commonwealth étaient l'Afrique du Sud, dont le départ remontait a
1960, et l'Irlande, qui avait quitté le Commonwealth en 1948.

12. Ila étésoutenu toutefois que, mêmesi la réservene visait que le

Pakistan, elle ne serait rien d'autre qu'une classique réserve rutionue pet.-
sonac, faite dans un systèmede juridiction obligatoire dans lequel la pra-
tique autorise les Etats à choisir leurs partenaires, et qu'elle n'étaitdonc
pas discriminatoire ni constitutive d'un abus de droit, mais relevait du
pouvoir discrétionnaire de 1'Etat déclarant.
13. Je me propose maintenant d'examiner cette question en tenant

compte du fait que la Cour n'ajamais eu l'occasion de statuer sur la vali-
ditéou la non-validité d'une réserveexcluant des différends rutionuc prr-
sonue.
14. De manière générale,il est depuis longtemps reconnu que la pra-
tique de la Cour tend à reconnaître aux Etats une plus grande liberté

d'assortir de réservesleur déclaration d'acceptation de lajuridiction obli-
gatoire que ne l'autorise le libellédu paragraphe 3 de l'article 36de son
Statut. On chercherait en vain l'ombre d'une application de la maxime
inclu.sio unius est esclusio a1teriu.s. Quoi qu'il en soit, le fait qu'une
réserveest extra-statutaire, dans le sens où elle sort du cadre du para-

graphe 3 de l'article 36, ne peut en soi, compte tenu de la pratique établie,
entraîner sa nullité.En revanche, lorsqu'on a dûment fait la part du réa-
lisme politique et pleinement tenu compte du fait que l'étendue de la
compétence de la Cour est strictement délimitéepar les déclarations
d'acceptation et qu'elle doit êtreabondamment prouvée, il faut bien qu'il
y ait encore place pour une appréciation objective de la validitéou de la

non-validité des réserveset conditionscontenues dans les déclarations. Le
nier, c'est abdiquer ses responsabilités. Le délicat équilibre entre d'une52 AERIAL INCIDENT (DISS. OP. AL-KHASAWNEH)

need for care and caution in asserting its jurisdiction on the one hand,
and the duty to do justice on the other, has to be decided contextually in
each case.

15. Another important consideration to be borne in mind in striking
that delicate balance is that the system of international adjudication is
not a static one. Indeed, implicit in the very notion of an optional system
is a presumption of temporariness. When the concept of an optional
clause system was born, it was not possible to gain universal support for

a comprehensive system of adjudication and it is still doubtful that such
a system can gain support in the foreseeable future, but this should not
obscure the need to move towards that ideal.
16. In deciding the validity or otherwise of reservations, the Court
cannot be oblivious to the fact that merely to take note of reservations

without examining their content can hardly advance the cause of inter-
national adjudication. In the realm of questions relating to the determi-
nation of its own jurisdiction (la compétence de lu compétence) the
Court has never shied away from rejecting arguments that sought, under
the guise of the unilateral nature of declarations, to reserve such matters

to the discretion of the declarant State.There is no reason why the same
reasoning should not apply to other areas where the Court's jurisdiction
is invoked.
17. The distinction drawn between situations that fa11under para-
graph 6 of Article 36 and the remainder of that Article is an artificial one
and, if maintained, will mean that the unity of purpose of the Article will

collapse.
18. From the early days of the optional clause system, reservations
ratiane per.sonae have been made in myriad ways, but they have invari-
ably had a rationale, or at least a reasonably defensible justification. It
would not be proper for me to comment on the validity or otherwise of

those reservations that have not been considered by the Court - espe-
cially as most of them are contained in declarations that have either
lapsed or were withdrawn. Suffice it to mention in general that reserva-
tions ratione personue meant to provide for alternative ways of peaceful
settlement have a rationale that fortifies them against accusations of arbi-

trariness. Similarly, reservations that made acceptance of compulsory
jurisdiction conditional upon a number of State Members of the League
of Nations accepting similar commitments also have a justification. Like-
wise reservations that made recognition of the declarant State a prior
condition to adjudication under the optional clause may be said to have
a rationale. What sets the Indian Commonwealth reservation apart, as

worded in the 1974declaration, is that it does not even pretend to have a
justification. To be sure, any reservation, even if made ratione materiue
or ratione tenlporis or otherwise, will ultimately exclude jurisdiction in
respect of disputes between the declzrant State and one or more other
States. The difference between such reservations and the Commonwealth
reservation in this case might be no more than one of more careful con-part la nécessitéde faire preuve de prudence et de retenue dans l'affirma-
tion de sa compétence,et d'autre part son devoir de rendre lajustice, doit
êtrerecherchépar la Cour dans chaque espècecompte tenu des circons-
tances.

15. Une autre considération importante à ne pas perdre de vue pour
trouver ce délicatéquilibreest que le systèmejudiciaire international n'est
pas statique. La notion mêmede système facultatif fait d'ailleurs impli-
citement présumer son caractère temporaire. A l'époqueoù est née l'idée
de ce système, il n'étaitpas possible de faire accepter universellement un
système généralde règlement judiciaire, et ilest encore douteux qu'un

systèmede cette nature puisse s'imposer dans un avenir proche, mais cela
ne doit pas faire oublier la nécessitéd'avancer vers cet idéal.
16. Pour statuer sur la validitéou la non-validité des réserves, laCour
ne peut pas négligerle fait que, en prenant simplement acted'une réserve.
sans en examiner le contenu, elle ne peut guère faire avancer la cause de
la justice internationale. Face aux questions concernant la ((compétence

de la compétence)), la Cour n'a jamais hésité a rejeter les arguments de
ceux qui, s'abritant derrière le caractère unilatéral des déclarations, cher-
chaient à réserver ces questions au pouvoir discrétionnaire de 1'Etat
déclarant. 11n'y a pas de raison de ne pas appliquer le mêmeraisonne-
ment aux autres aspects de la compétence de la Cour.

17. La distinction faite entre les situations qui relèvent du para-
graphe 6 de l'article 36 et celles qui relèvent des autres dispositions de cet
article est artificielle et, si elle est maintenue, fera disparaître l'unitéde
l'intention de l'article 36.
18. Depuis les débuts du système de la clause facultative, des réserves

ratioiiae personrrr ont étéfaites de multiples façons, mais elles avaient
toujours une raison d'être,ou du moins une motivation raisonnablement
défendable. Il ne m'appartient pas de faire des observations sur la validité
ou la non-validité des réservesaui n'ont Dasété examinées Dar la Cour -
d'autant moins que la plupart d'entre elles se rapportent à des déclara-
tions qui sont devenues caduques ou ont étéretirées.Je dirai simplement

que, en général,les réservesrationue personae dont l'objet est de prévoir
d'autres modes de règlement pacifique sont justifiéespar des raisons qui
les mettent à l'abri du reproche d'arbitraire. Les réservesqui subordon-
nent l'acceptation de la juridiction obligatoire à la condition qu'un cer-
tain nombre des Etats Membres de la Sociétédes Nations acceptent les

mêmes engagements sont pareillement justifiées. De même encore, on
peut dire que les réservesqui font de la reconnaissance de 1'Etatdéclarant
une condition préalable du règlement judiciaire en vertu de la clause
facultative ont une justification. Ce qui distingue la réserve Com-
monwealth de l'Inde, dans sa version de 1974, c'est qu'elle ne prétend
mêmepas avoir de justification. Bien sûr, toute réserve, qu'elle soit faite

rcrtionucprrsonae. rufiolzar ternporis ou autrement, aura finalement pour
effet d'exclure la compétence de la Cour à l'égardde différendsopposant
1'Etat déclarant et un ou plusieurs autres Etats. La différence entre cescealment of intent, but declarant States are at least entitled to the benefit

of the doubt in this regard. Byentering a reservation that cannot be inter-
preted - when regard is given to its terms and the circumstances in
which it was made - except as intended to bar jurisdiction with another
State only, and when one also considers that removal of this bar to juris-

diction is not dependent on the fulfilment of an objective condition, and
considers further that the State against whom the reservation is intended
to operate maintains no similar reservation with regard to the declarant
State and is entitled to reasonable expectations of adjudication under the

network of engagements that constitutes the optional clause system, one
appreciates that the Indian reservation, as presently worded, is of a truly
unique nature. The Court could not have been clearer when it stated:

"the unilateral nature of declarations does not signify that the State
making the declaration is free to amend the scope and the contents
of its solemn commitments as it pleases"'.

19. An assessment of the terms of the Indian Commonwealth reserva-

tion (addition of the words "or has been" a Member of the Common-
wealth of Nations), the absence of a reference to alternative means of
peaceful settlement agreed upon or to be agreed upon, and a considera-
tion of the circumstances under which the reservation was made together

with the actual text, reveal a clear will of arbitrary exclusion and give the
reservation an exceptional nature that puts it outside the purview of per-
missibility. 1am compelled therefore to the conclusion that the reserva-
tion is invalid and cannot bar the Court's jurisdiction.

20. Having reached this conclusion, 1shall now turn to the consequen-
tial question of whether the invalid part of the Indian declaration is sepa-
rable from the rest or, whether, as was argued for India, the declaration
and the reservation stand or fall together.

21. The separability of void or invalid reservations from declarations
accepting the Court's compulsory jurisdiction is still in most ways terra
inrognitu. The paucity of precedents and the further fact that, on the few

occasions when the question was considered - notably in the Certuin
Novwegiun Louns and lnterhand~l cases, and in the Fislzerirs Jurisdic~ion
(Spuin v. Cunuda) case7 - it was not settled, are both undoubtedly con-
tributory factors to the lack of authoritative solutions. However, much of

Milittrrj (rnd Puruniilirciry Ac,ti~~iriei.sn crnclugciin.ctNictiruguu (Nicarcigiru v. Unitc,d
Stutc,.ojAn~c~ric~u1)C.J. Report.~1984, p. 418.
' Cc~lui~lNorivegicrnLouiis. Juclgnic~nt.1.C:J. Rc,por.i.s1957, ;Intcrhundi~l,Pre-
iiniintrrl,.0hjection.s. Jlrd,, .C.J. Rc~ports1959. pp. 57. 77 and 116; Fi~hcricsJurix-
diction (Spoin v.Cunrr(/cr).Jurisitliction of' tlle Court. Judgn~c~ritI,.C.J. Reports 1998,
para. 47.réserveset la réserveCommonwealth dans la présenteespèce est peut-être
seulement que l'intention des premières est mieux cachée, mais les Etats
déclarants doivent recevoir au moins le bénéficedu doute à cet égard.

S'agissant d'une réserve qu'ilest impossible d'interpréter - vu son libellé
et les circonstances dans lesquelles elle a étéfaite - autrement que par
l'intention de faire obstacle à la compétence de la Cour dans les diffé-

rends avec un seul autre Etat, et si l'on considère aussi que la levéede cet
obstacle à la compétence n'est pas subordonnée à la réalisation d'une
condition objective, que 1'Etat qui est visé par la réserve n'a fait de
réserve semblable à l'égard d'aucun autre Etat, et qu'il est en droit

d'espérer raisonnablement que son différend sera soumis à un règlement
judiciaire en vertu du réseaud'engagements qui constitue le systèmede la
clause facultative, on voit que la réserveindienne, telle qu'elle est actuel-

lement libellée. a un caractère tout à fait exceptionnel. La Cour l'a
déclaréon ne peut plus clairement:

((lecaractère unilatéral des déclarations n'implique pourtant pas que
1'Etatdéclarant soit libre de modifier à son grél'étendueet la teneur

de ses engagements solennels )h.

19. L'examen des termes de la réserve Commonwealth de l'Inde
(l'adjonction des mots «ou a été membre du Commonwealth de nations))),
le fait qu'elle ne fasse pas mention d'autres modes de règlement pacifique

convenus ou à convenir, joints à l'examen des circonstances dans les-
quelles la réservea étéfaite, révèlentune volonté manifeste d'exclusion
arbitraire. et donnent à la réserve un caractère exceptionnel qui la
situe en-dehors des limites des réservespermises. Je suis donc obligéde

conclure que cette réserve n'estpas valable et qu'elle ne peut ôter à la
Cour sa compétence.
20. Etant parvenu à cette conclusion, j'aborderai maintenant la ques-

tion qui en découle et qui est de savoir si la partie de la déclaration de
l'Inde qui est entachée de nullité estséparable du reste ou si, comme l'a
fait valoir l'Inde, réserveet déclaration sont indissociables, et conservent

ou perdent leur effet ensemble.
21. Cette question de la séparabilité desréservesnon valables ou nulles
par rapport aux déclarations d'acceptation de lajuridiction obligatoire de
la Courdont elles font partie, est encore à presque tous les points de vue

une trrrrrincognitrr. Le très petit nombre des précédents etle fait que, les
rares fois où la question a été examinée - notamment dans les affaires de
Crrtcrinseniprunts norlji.gicns et Interhun~/rc.la,insi que dans l'affaire de la
Conipi.tencr en r7zutiPrrdopyL;c.lzcrie(sEspagne c. Cunu(laj7 - elle n'ait

A<,tiritc;.s ~t~iliftrirc,~et ~~rir.ut111Nii,rrr.(iguti c2t c,onfr.rJc.elui-ci (Ni<~ur.tiguu
<..Etrits-Unis cl'Ar116ricl1rc).C.I.J. Rec.urilp. 418.
' Cc,rttii~l.\etl~pr~rnt~nor.~>(:giotfsr.irrét, C.1.J Rccutp.l55: It~tc~r.l~titl.(~,p-
tion.s0r6liniir1eiire~.vr.irrc'l. C.I.J. Rccup. 57. 77 et116;Cornpc;r~n(.ccn rnufi+r.r de
pcîi~h~~r..s.cptignec. Crinutlu). conrp6tence de lu Cour..rirrêt, C.I. J. Rcc,upar. 47..54 AERIAL INCIDENT (DISS.OP. AL-KHASAWNEH)

the uncertainty stems from the very nature of the concept of separability
itself, which, though governed by the general principles of interpretation,

depends largely on a reconstruction of the parties' probable intention in
making the legal act, as well as on another factor, extraneous to the text
itself, namely whether continued performance will lead to unjust results
for the concerned party after severance of the impugned part.

22. By contrast to the Court's jurisprudence, a wealth of concepts

exists in the major systems of law, and whether these are to be found in
the domain of the judicial review of public statutes or of private con-
tracts, they are relevant as general principles of law within the meaning of
Article 38, paragraph 1 (c), of the Statute of the Court.

23. Recourse should be had to those concepts and also to the law of
treaties (the Vienna Conventions of 1969 and 1986), not only because
declarations accepting the Court's compulsory jurisdiction constitute a
"network of engagements", but also because the views of some of the

judges in the aforementioned cases had the effect of leading the Interna-
tional Law Commission to reopen its consideration of the matter of sepa-
rability, a process which led in turn to the adoption of Article 44 of the
1969 Vienna Convention on the Law of Treaties, and of the same num-
bered Article in the 1986 Vienna Convention on the Law of Treaties

between States and International Organizations or between International
Organizations, both of which deal with separability.
24. As an example from one of the major systems of law, the Court
was kindly invited by the Attorney General for India to consider a case

decided by the Supreme Court of lndia in 1957, in which the underlying
principle that :

"The test to be applied is whether the legislature would have
enacted the valid part if it had known that the rest of the statute was
invalid. If the valid and the invalid provisions are so inextricably

mixed up that they cannot be separated from one another, then the
invalidity of a portion must result in the invalidity of the Act in its
entirety"

is said to support India's contention as to inseparability of the reserva-

tion from its declaration.
25. A closer look at that decision, far from supporting such a conten-
tion, in fact reveals a more complex and less severe test for separabilit-
which relies heavily on United States judicial precedents and authori-
ties - than was suggested to the Court.

R. M. D. Chumurhuugii~crllr. TllcUnion ofInditr. 1957. Supreme Court Reports,
pp. 950-951: CR 200012.p. 14.

46 INCIDEKT AERIEN (OP. DISS. AL-KHASAWNEH) 54

pas été tranchée, expliquentsans aucun doute en partie l'absence de solu-

tions faisant autorité. Néanmoins, une grande part de l'incertitude pro-
vient de la nature mêmede la notion de divisibilitéqui, bien qu'elle soit
régiepar les principes générauxd'interprétation, repose dans une large
mesure sur une reconstruction de l'intention probable qui animait les
parties lorsqu'elles ont fait I'actejuridique en cause, ainsi que d'un autre

facteur, extrinsèque au texte, qui est la question de savoir si, une fois
qu'aura été détachée la portion de I'acte frappée de nullité, la pour-
suite de l'exécution entrainera des résultats injustes pour la partie
concernée.

22. Contrairement a la jurisprudence de la Cour, les grands systèmes
de droit contiennent une quantité de concepts en la matiére, et, que ces
concepts soient empruntés au contrôle juridictionnel des lois ou à celui
des contrats privés,ils sont pertinents en tant que principes générauxdu
droit au sens du paragraphe 1 c) de l'article 38 du Statut de la Cour.

23. S'ilconvient de recourir à ces concepts, et aussi au droit des traités
(les conventions de Vienne de 1969et de 1986),c'est non seulement parce
que les déclarations d'acceptation de lajuridiction obligatoire de la Cour
constituent un ((réseau d'engagements)), mais aussi parce que les points
de vue de certains juges dans les affaires précitéesont eu pour effet

d'amener la Commission du droit international à reprendre l'examen de
la question de la divisibilité, cequi a conduit à l'adoption de l'article 44
de la convention de Vienne sur le droit des traités et de l'article 44 de la
convention de Vienne sur le droit des traités entre Etats et organisations

internationales ou entre organisations internationales, qui traitent l'un et
l'autre de la divisibilité.
24. La Cour a étéinvitéepar l'Attorney Genevulde l'Inde à examiner,
a titre d'exemple tiréd'un des grands systèmesde droit, une décisionren-
due en 1957 par la Cour suprêmede l'Inde, dont le principe sous-jacent,

à savoir que

«le critère à appliquer consiste à déterminer si le législateur aurait
adopté la partie valide d'une loi s'ilavait su que le reste du texte était
entaché de nullité.Quand les dispositions valides et les dispositions
non valides sont si intimement liéesqu'il est impossible de les disso-

cier, la nullité d'une partie d'entre elles emporte nécessairement la
nullitéde la loi tout entière»R

est censéétayer l'affirmation de l'Inde selon laquelle la réserveest indis-
sociable de sa déclaration.
25. Un examen plus approfondi de cette décision, loin de confirmer

cette thèse, fait apparaître en fait un critère de divisibilité pluscomplexe
et moins strict - fondélargement sur la jurisprudence et la doctrine des
Etats-Unis - que ce que l'on a laisséentendre à la Cour.

R. M. D. Chuni<ivbulrgicdlv.The Union uf Indiu. 1957, Siiprrvnc Court Reports,
p. 950-951;CR 200012.p. 14.

46 26. Thus the Indian Supreme Court, in commenting on an earlier deci-
sion stated:

"The doctrine of severability rests, as will presently be shown, on

a presiimed intention of the legislature that if a part of a statute
turns out to be void, that should not affect the validity of the rest of
it, and that that intention is to be ascertained from the terms of the
statute. It is the true nature of the subject-matter of the legislation
that is the determining factor, and while a classification made in the

statute might go far to support a conclusion in favour of severabil-
ity, the absence of it does not necessarily preclude it."Y

27. As for the test itself, it comprises seven elements, only parts of
which were cited in the oral pleadings, Le., the first element and the first
half of the second element. The first element relates to whether the legis-
lature would have enacted the valid part if it had known the invalidity of

the rest and is simply irrelevant in the present case.

28. No one has contended that India knew in advance that its Com-
monwealth reservation was invalid. In fact, India argued that its Com-
monwealth reservation was not "repugnant to Article 36, paragraph 3, or

any other article of the Statute".
29. The second element relating to the valid and invalid portions being
so inextricably mixed up that they cannot be separated, is balanced by
the rest of the element under the same heading (which was not cited), but
which States:

"On the other hand, if they are so distinct and separate that after

striking out what is invalid, what remains is in itself a completecode
independent of the rest, then it will be upheld notwithstanding that
the rest has become unenforceable." l0

Applying this to the Indian declaration, even a cursory perusal would
confirm that its various elements are formally classified into distinct
headings and apply rutione inuteriue to separate matters, the integrity

of which would not be affected by striking out the impugned reserva-
tion.
30. The third element is that even if the valid and invalid parts are dis-
tinct, the invalidity of some will result in the invalidity of the whole, if
they al1form part of a single scheme intended to operate as a whole. This

element of the test is more to the point, for here the intention of the
legislature or - by analogy - the declarant State comes to the forefront
and assumes primacy over the other elements. But in this area also, the
Indian argument fails because of the lack of evidence to support the

" R. M. D.Cl~trr~~trih<vr.iT ~lrc~~~i~rof uIntlitr. 1957. Supremc Court Reports.
p. 944.
"' Ihitl.. p. 951. INCIDENT AÉRIEN (OP. DISS. AL-KHASAWNEH) 55

26. Ainsi la Cour suprêmede l'Inde, commentant une décision anté-
rieure, a déclaré:

«La doctrine de la divisibilitérepose, comme on le verra tout à

l'heure, sur I'intention présuméedu législateur selon laquelle, si une
partie d'une loi s'avère nulle,sa nulliténe doit pas toucher la validité
du reste de la loi, cette intention devant être déduitedu texte de la
loi. Le facteur déterminant est la nature véritablede l'objet de la loi

et, si l'existence dans la loi d'une subdivision des dispositions peut
êtretrès utile pour conclure à la divisibilité, son absence n'interdit
pas nécessairement cette conclusion. »y

27. Quant au critère proprement dit, il comporte sept élémentsdont
certaines parties seulement ont étéévoquéesdans les plaidoiries, à savoir
le premier élémentet la première moitié du deuxième. Le premier élé-

ment, qui concerne la question de savoir si le législateuraurait adopté la
partie valide de la loi s'il avait eu connaissance de la nullitéentachant le
reste de la loi. est ici dépourvu de pertinence.
28. Nul n'a jamais prétendu que l'Inde ait su d'avance que sa réserve
Commonwealth était nulle. En fait, l'Inde a fait valoir que cette réserve

n'était((incompatible ni avec le paragraphe 3 de l'article 36 du Statut, ni
avec aucun autre de ses articles)).
29. Le deuxième élémentdu critère, qui concerne le cas dans lequel les
dispositions valides et les dispositions invalides sont si intimement liées

qu'il est impossible de les dissocier, est contrebalancé par la suite du texte
(qui n'a pas étécitédans les plaidoiries), où il est dit:

((Toutefois, si elles sont suffisamment distinctes et séparéespour
que, après suppression des dispositions nulles, les dispositions qui
demeurent constituent encore une loi indépendante du reste. elles
sont maintenues bien que le reste ait été annulé. »'O

Si l'on applique ce qui précèdeà la déclarationde l'Inde, on constate au pre-

mier coup d'Œilqu'elle est subdiviséeen plusieurs parties bien distinctes
qui s'appliquent vutionur nluteviue a des questions distinctes, et que la
suppression de la réserve incriminée ne nuirait pas à l'intégritédu
reste.

30. Le troisiéme élémentdu critère est que, mêmesi les dispositions
valides et les dispositions nulles peuvent êtredistinguées,la nullitéde cer-
taines entraînera la nullité de toutes si elles font toutes partie d'un en-
semble unique qui est censés'appliquer comme un tout. Cet élémentdu
critère est plus pertinent, car c'est l'intention du législateur - ou, par

analogie, de I'Etat déclarant - qui est ici au premier plan et prime sur les
autres éléments.Mais, Iii non plus, l'argumentation de l'Inde n'est pas

" R. M. D. Clitrnr<rrb~rug~ii.vtr.l/Thc Urriorl(t/'Irlc/ilr.1957, Suprc,riiclCourt Reports.
p. 944.
'"Ihicl.,p. 1.56 AERlAL INCIDENT (DISS. OP. AL-KHASAWNEH)

claim that the declaration and reservation were intended to operate as a
single scheme. Nothing can be more obvious than the fact that ex post
fucto statements made while this case was being considered before the
Court to the effect that the declaration "constitutes an integral whole, an
unity, reflectingthe intention of the party" cannot substitute retroactively
for the total lack of evidence. The only evidencethat could be adduced in
this respect was the fact that the Commonwealth reservation was main-
tained in the various declarations made by India accepting compulsory

jurisdiction. No firm inference however can be drawn from this practice,
save the inference that the reservation was important - perhaps even of
considerable importance - to India, but this cannot of itself support a
finding that it was the crucial or essential element in India's acceptance of
compulsory jurisdiction. In the first place there is a general presumption
that States do not act lightly or frivolously and, in the area of formulat-
ing the terms of their acceptance of the Court's compulsory jurisdiction,
it is reasonable to assume that States attach importance to al1the reser-
vations and conditions contained in their declarations, especially if such
conditions have withstood the test of time and the even more havoc-
wreaking scrutiny of rigorous officials. However, to infer that every
reservation that has not been purged or trimmed falls within the ambit

of the crucial element of consent is to assume too much.

31. In the Certuir~Noriivgiun Louns case Judge Hersch Lauterpacht's
often-quoted opinion on the inseparability of the French reservation on
domestic jurisdiction from the rest of France's declaration rested on two
grounds: the subject-matter of the reservation and the supporting evi-
dence. With respect to the subject-matter, the French reservation, relat-
ing as it did todomestic jurisdiction, defined a general attitude towards
the concept of compulsory jurisdiction and the limitswithin which France
was ready to accept limitations to its ownjurisdiction. His inference as to
inseparability was therefore entirely justified. By contrast, theIndian res-
ervation related only to a group of States and could not therefore define
a general attitude or a general posture to compulsory jurisdiction. Addi-

tionally, the centrality of reserving matters to domestic jurisdiction per-
tains by definition to the very concept of sovereignty and this fact was
supported by statements that had been made in the French Chamber of
Deputies. In the present case no evidence could be supplied by India,
either with referenceto the "legislativehistory" ofthe declaration or other-
wise, regarding the essential or crucial character of the Commonwealth
reservation to India's consent.

32. The remaining elements in the test devised by the Indian Supreme
Court - 4, 5, 6 and 7 - deal respectivelywith the requirement that what
is left should not be so thin and truncated; the primacy of substance over
forma1classification; the requirement that there be no subsequent modi-
fication of the valid part amounting to judicial legislation; arid the need

to look at the legislative history of the Statute, its object, title and pre- INCIDENT AERIEN (OP. DISS. AL-KHASAWNEH) 56

convaincante, car rien ne prouve que, comme elle l'affirme, ladéclaration
et la réserveétaient censéess'appliquer comme un tout. II est on ne peut
plus évident que des déclarations faites e.vpost Juctn alors que la Cour
était en train d'examiner le différend, et selon lesquelles la déclaration et

la réserve((constituent un tout indivisible traduisant l'intention de la par-
tie)),ne sauraient combler rétroactivement l'absence totale de preuves. Le
seul élémentde preuve qui a pu êtreavancé à cet égard est que l'Inde a
maintenu sa réserveCommonwealth dans toutes ses déclarations d'accep-
tation de la juridiction obligatoire. Aucune conclusion nette ne peut

cependant en êtreinférée,sinon que la réserve était importante - et
mêmepeut-être d'une importance considérable - aux yeux de l'Inde,
mais on ne peut pas pour autant en conclure que c'étaitl'élément crucial
ou essentiel de l'acceptation par l'Inde de la juridiction obligatoire. Bien
sûr, il est généralement présumé que les Etats n'agissent pas de façon
inconsidéréeou frivole et, lorsqu'il s'agit de définir l'étendue de leur

acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour, on peut raisonnable-
ment supposer qu'ils attachent de l'importance à toutes les réserveset
conditions contenues dans leur déclaration, surtout si ces conditions ont
résistéau temps et plus encore à l'examen rigoureux de leurs services.
Mais on irait trop loin si l'on en déduisait que toute réservequi n'a pas

été expurgée ou modifiéeconstitue de ce fait un élémentdéterminant du
consentement.
31. Dans l'affaire relative i Certuins emprunts norvégiens, l'opinion
fréquemment citée de M. Hersch Lauterpacht sur l'indivisibilité de la
réservefrançaise concernant la compétence nationale par rapport au reste
de la déclaration de la France reposait sur deux fondements: l'objet de la

réserve,et les élémentsde preuve. En ce qui concerne son objet, la réserve
française, en ce qu'elle portait sur la compétence nationale, définissait
une attitude généraleà l'égardde la notion de juridiction obligatoire, et
les limites dans lesquelles la France était prête à accepter la limitation de
sa propre compétence. M. Lauterpacht avait donc parfaitement raison de

conclure à l'indivisibilité. Aucontraire, la réserveindienne ne visait qu'un
petit groupe d'Etats, et elle ne pouvait donc définir uneattitude ou une
position généraleà l'égardde la juridiction obligatoire. En outre, le droit
de décider que certaines questions relèvent de la compétence nationale
est, par définition, au cŒur mêmede la notion de souveraineté, et ce fait
a été confirmépar des déclarations faites i l'Assembléenationale fran-

çaise. Dans la présenteespèce, l'Inde n'a pu apporter aucune preuve tirée
de l'historique de l'adoption de la déclaration, ni d'ailleurs aucune autre
preuve du caractère essentiel ou déterminant de la réserveCommonwealth
à l'acceptation de l'Inde.
32. Les autres élémentsdu critère définipar la Cour suprêmede I'lnde

- les éléments 4, 5, 6 et 7 - concernent respectivement les points
suivants: les dispositions qui restent ne doivent pas êtrepar trop insigni-
fiantes et incomplètes; le fond prime sur toutes subdivisions formelles; le
juge ne doit pas apporter aux dispositions valides d'autres modifications
par lesquelles il se substituerait au législateur; il faut tenir compte desamble. Applying these elements to the Indian declaration they al1argue
for separability of the reservation from the declaration.

33. 1have delved into the learned arguments in this Indian decision in
answer to the cal1to do so made by the Attorney General for India, but
it is unnecessary to delve in like fashion into similar concepts found in
other major systems of law. It is reasonable to expect that the solutions
devised by those systems would not be radically different from that deci-

sion. Suffice it to mention, for example. that under Islamic law, the prob-
lem of separability would seem to be governed by the maxim "Ma La
Udrcikukullul~ La UtrtrkuJulloh" - that which cannot be attained in its
entirety should not be substantially abandoned. A concept remarkably
similar to the Roman law principle ut rrs mugis voleufquamprreat - a

document should be given validity wherever possible. It is also similar
to what is generally agreed to be one of the basic goals of the law on
invalidity, as formulated in the Vienna Conventions of 1969 and 1986,
namely "to preserve, whenever possible, the validity of conventional
arrangements rather than to altogether destroy it by considerations alien

to that goal" l'.

34. To be sure, the law of treaties has had to acknowledge a tension,
traceable to the early publicists12, between the need on the one hand to

preserve the integrity of treaties and to guard against arbitrary separabil-
ity, and on the other not to permit States to invoke the very invalidity
which they may have caused to be freed from their other obligations.
Additionally, as treaties have tended to become more multilateral and
heterogeneous in content, the rules governing separability have also

tended to become more relaxed.

35. Reflecting those developments in the field of treaty-making and
reconciling, or at least trying to reconcile those tensions, Article 44 of the
Vienna Convention on the Law of Treaties opened the door for the prin-

ciple of separability of treaty provisions, albeit in suitably guarded terms
and subject to cumulative conditions stricter in some respects than those
found under the general principles of law referred to in Article 38, para-
graph I (c), of the Statute.
36. Thus, in paragraph 3 of Article 44, the principle of separability is

established in cases where the ground relates solely to particular clauses
(which is self-evidently the case with respect to the Commonwealth
reservation) and where :

la) The said clauses are separable from the remainder of the treaty with

" Rozakis. Tllr Conccy~tof Jus Cogcns irl tllc~Ltrii o/'Tr<utic~s.1976. p. 124.
l2For an historical overview see CorliJï(,trtioror/'Ir1t1~r11triionL<rrrliv.Sirpplcrncntto the
Atn(~ricurloirrrlulof I17f~rrrt1L11 ,.Vol. 29, 1935. pp. 1134-1144. INCIDENT AÉRIEN (OP. DISS. AL-KHASAWNEH) 57

travaux préparatoires de la loi, de son objet, de son titre et de son pré-
ambule. Appliqués a la déclaration de l'Inde, tous ces élémentsmilitent
en faveur de la séparabilitéde la réservepar rapport a la déclaration.
33. J'ai examinéen détail l'argumentation savante sur laquelle repose

cette décision indienne, parce que l'Attorney Generul de l'Inde nous
l'avait demandé, mais il est inutile d'étudier dans le même détailles
notions similaires que l'on trouve dans d'autres grands systémesdedroit.
On peut raisonnablement penser que les solutions imaginéespar ces sys-
témesne différeront pas radicalement de cette décision. Je me contenterai

de mentionner par exemple, que, en droit islamique, le problème de la
séparabilitésemblerait régi par la maxime «Mu Lu Udruku kullul~ Lu
Utruku Julloh)) -il ne faut pas abandonner fondamentalemeiit ce qui ne
peut êtreréaliséentièrement. Cette notion est remarquablement proche
de celle du droit romain ut res rnugis i~ulec~ qtuunl pereut- ilfaut chaque
fois que possible donner effet a un acte instrumentaire. Elle est aussi sem-

blable a ce que l'on considère généralementcomme l'un des buts princi-
paux des règlesrégissant la nullité,telles qu'elles sont expriméesdans les
conventions de Vienne de 1969et de 1986,qui est de <préserver, chaque
fois que possible, la validité des arrangements conventionnels plut6t
que de la détruire complètement par des considérations étrangèresà ce

but))".
34. 11 est vrai aue le droit des traités a étécontraint de reconnaître
l'existence d'une tension, mise en évidencepar les premiers publicistes",
entre, d'une part le souci de préserver l'intégritédes traités et de ne pas
admettre la divisibilitéde manière arbitraire et, d'autre part le souci de ne
pas permettre aux Etats d'invoquer la nullité qu'ils peuvent avoir eux-

mêmes causéepour se libérer de leurs autres obligations. En outre, et à
mesure que les traitésont pris un caractère de plus en plus multilatéral et
sont devenus de plus en plus hétérogènesdans leur contenu, les règles
gouvernant la divisibilitéont aussi tendu a s'assouplir.
35. Reflétant cette évolution dans le domaine des traités et conciliant

ces tensions, ou du moins essayant de les concilier, l'article 44 de la
convention de Vienne sur le droit des traités a ouvert la porte au principe
de la divisibilité des dispositions des conventions - avec toute la pru-
dence voulue, et en fixant des conditions cumulatives plus strictes à cer-
tains égardsque celles qui découlent des principes générauxdu droit visés
au paragraphe 1 (3)de l'article 38 du Statut de la Cour.

36. Ainsi, le paragraphe 3 de l'article44 admet le principe de la divi-
sibilitédans les cas où la cause de nullité ne vise que certaines clauses
déterminées(ce qui est évidemment le cas de la réserveCommonwealth)
et où:

a) ces clauses sont séparables du reste du traité en ce qui concerne leur

''Rozakis. Tlrr~Coticc,prof Jus Cogens in i110Luit'of Trc. 976p.124.
''Pour un aperçu historique, voir Co(iiJiofrInrrrnutionul Lubi,.Si~pplc~ti~ctnot t11c.
At>i<~ric.Jl rntrl of Intrrnutionul Ltrit,,vol. 29, 1935.144.1134-1 regard to their application - which is again self-evident in the case
of the Commonwealth reservation.
(6) It appears from the treaty or is otherwise established that accept-
ance of those clauses was not an essential basis of the consent of the
other party or parties to be bound by the treaty as a whole.

The International Law Commission's commentary on what was
to become Article 44, paragraph 3 (r), makes it clear that whether
the condition is met "would necessarilybe a matter to be established
by reference to the subject-matter of the clauses, their relation to the
other clauses, to the travaux préparutoires and to the circumstances
of the conclusion of the treaty" 13.

In this regard, the subject-matter of the Commonwealth reserva-
tion - being particular to a group of States and not representing a
general attitude towards the concept of compulsory jurisdiction
such as would be, for example, the exclusion of matters falling
within the domestic jurisdiction of the declarant State - does not
give rise to an inference that acceptance of the reservation was an

essential or crucial basis of consent to submit to compulsory juris-
diction. Moreover, the relationship of the reservation to other res-
ervations or conditions or other parts of the declaration cannot sup-
port such an inference. The only inference that can be drawn is that
the reservation is readily separable from the remainder of the dec-
laration. As for the trui1uu.uprkpuratoircs (or their equivalent in the

area of the optional acceptance of compulsory jurisdiction) no evi-
dence whatsoever was provided by India that, with reference to
those sources, its consent depended crucially on inseparability of
declaration and reservation.
The words "and to the circumstances of the conclusion of the
treaty" may give credence prima facie to the argument that, since
the revised version of India's latest declaration in 1974took place in

circumstances where India was trying to avoid Pakistan's invocation
of the Court's jurisdiction, it represented an essential basis of India's
consent. Again in the absence of supporting evidence and given that
the subject-matter of the reservation is confined to a particular class
of disputes, any conclusion that goes beyond acknowledging that
the reservation was an important - as distinct from an essential -
basis of consent would be unwarranted. Indeed the very fact that

India chose to renew its declaration - with modifications - under
those circumstances would support this conclusion.

(c) Continued performance of the remainder of the treaty would not be

l3 Yeurhook of thc Internurioncil Ltrii Corntni.s. 966.Vol. II, p. 238. Sinclair. The
Viennu Convenrion or1the LUI<of'Treutir.r, 2nd ed., pp. 166-167. exécution - ce qui est là encore évidemmentle cas pour la réserve
Commonwealth;

b) il ressort du traité ou il est par ailleurs établique l'acceptation des
clauses en question n'a pas constitué pour l'autre partie ou pour les
autres parties au traité une base essentielle de leur consentement a
êtreliéespar le traitédans son ensemble.
Dans son commentaire sur le texte qui allait devenir le para-
graphe 3 h) de l'article 44, la Commission du droit international indi-
quait clairement que la réponse à la question de savoir si la condition
est remplie ((devra nécessairementêtre établiepar référencea l'objet
qui fait la matière des clauses considérées, a la relation de celles-ci
avec lesautres clauses, aux travaux préparatoires et aux circonstances

de la conclusion du traité»I3.
A cet égard,l'objet dela réserveCommonwealth - qui est parti-
culière à un groupe d'Etats et ne représentepas une attitude générale
a l'égardde la notion de juridiction obligatoire, comme ce serait le
cas, par exemple, d'une réserve excluantles questions qui reléventde
la compétence nationale de I'Etat déclarant - ne permet pas de
déduireque l'acceptation de la réserveétait un élément essentielou
déterminant du consentement à se soumettre à la juridiction obliga-
toire. Le rapprochement de cette réserve avecd'autres réserves,condi-

tions ou autres parties de la déclaration ne saurait d'ailleurs étayer
une telle déduction.La seuledéductionque l'on puisse en tirer est que
la réserve esttout a fait séparable du reste de la déclaration. Quant
aux travaux préparatoires (ou leur équivalent, s'agissant d'accepta-
tion facultative de la juridiction obligatoire), l'Inde n'a fait valoir
aucun élémentextrait de ces sources et montrant que son consente-
ment étaitsubordonné de façon déterminanteau caractère indissocia-
ble de la déclaration et de la réserve.
Les mots ((et aux circonstances de la conclusion du traité))peuvent

donner prima facie de la crédibilitéà l'argument selon lequel, puisque
la dernière revision de la déclaration del'Inde, en 1974,avait eu lieu
dans des circonstances dans lesquelles l'Inde essayait d'empêcherle
Pakistan d'invoquer la compétence dela Cour, la réserveconstituait
un élément essentielde son consentement. Mais une fois encore en
l'absencede preuves, et étant donné quel'objet de la réserve est limité
à une certaine catégorie de différends,toute conclusion par laquelle
on ne se bornerait pas a reconnaître que la réserveconstituait une
base importante - importante et non essentielle - du consentement

de l'Inde serait injustifiée.Le fait mêmeque l'Inde ait, dans ces cir-
constances, décidéde renouveler sa déclaration - avec des modifica-
tions - le confirme.
c) Il n'est pas injuste de continuer a exécuterce qui subsiste du traité.

'jAnnuuirr dulu Comn7is~iot1(lu lclroitintcrnutionul. 1966.vol. II, p. 260. Sinclair, The
LJii,nnuConrc,ntionon tllc L.f Treutie7' éd.,p. 166-167.

5059 AERIAL INCIDENT (DISS . P. AL-KHASAWNEH)

unjust. As is well known, this condition has been criticized as being
inevitably subjective, adding little to the underlying basis of condi-
tion (hi 14.Against this, the rationale for the paragraph seems to be
that it is useful to deal with situations where - with the passage of
time - certain provisions may gain or lose in importance in a way
not foreseen in the negotiations. Whatever the merits or demerits of

this condition, it is apparent that the continued binding force of the
Indian declaration without the reservation would not be unjust for
India, given that Pakistan maintains no such reservation with regard
to India. Moreover, while opinions differ as to the obsolescence
stricto sensu of the Commonwealth reservation, there can be little
doubt that the reservation is losing in relevance as time passes 15,as

can be seen not only from the diminishing number of Common-
wealth members who maintain such a reservation but also from the
phenomenon - admittedly still in .stafu nuscentl'- of greater readi-
ness on the part of States, including Commonwealth members, to
submit to compulsory jurisdiction in other fora and under important
instruments, for example under the 1982Law of the Sea Convention

and within the framework of the World Trade Organization.

37. It would seem therefore that the reservation in question is likely to
decline further in importance over time, which would support the conclu-
sion that striking out the Commonwealth reservation is unlikely to lead
to unjust results for India by reason of the continued performance of its
remaining obligations under its declaration.

38. It would follow, therefore, that the reservation is separable from
the rest of the declaration.

(Signcd) Awn S. AL-KHASAWNEH.

p. 463.otorti, "L'extinction et la suspension des traites". 134 Ri.i.lcours,1971.
" The literature lends authority to this view; Merrills for example observes "this reser-
vation must be taken to have outlived its usefulness" (British YourBook of1titc~rnutiontrl
Luil.1993. p. 222). Comme on le sait, cette troisième condition a étécritiquée comme
étant nécessairement subjective, et n'ajoutant pas grand chose au
principe qui sous-tend la condition de l'alinéab) 14.A cet argument,
on peut répondre que cet alinéasemble avoir sa raison d'êtredans les

situations où - avec le temps - certaines dispositions peuvent
acquérir ou perdre de l'importance d'une manière qui n'avait pas été
prévue dans les négociations. Quels qu'en soient les mérites ou les
défauts, il est apparent que le maintien en vigueur de la déclaration

sans la réservene serait pas injuste pour l'Inde, puisque le Pakistan de
son côté n'a pas fait la mêmeréserveà l'égardde l'Inde. De plus, si les
opinions divergent en ce qui concerne la caducité stricto sensu de la
réserveCommonwealth, il n'est guère douteux que la pertinence de
celle-ci diminue avec le tempsis, comme le montrent non seulement le

nombre décroissant de membres du Commonwealth qui ont main-
tenu cette réserve, mais aussi le phénomène - in statu naseendi.
certes - constitué par le fait que les Etats, y compris les membres
du Commonwealth, sont plus enclins à accepter la compétence obli-

gatoire d'autres juridictions, en vertu d'instruments internationaux
importants comme la convention de 1982 sur le droit de la mer ou
dans le cadre de l'organisation mondiale du commerce.

37. Il semble donc vraisemblable que la réserveCommonwealth soit
appelée à perdre encore de son importance avec le temps, ce qui tend a

confirmer la conclusion selon laquelle il est improbable que la suppres-
sion de cette réserveentraîne des conséquences injustes pour l'Inde si elle
continue à exécuterles obligations qui découlent pour elle du reste de sa
déclaration.

38. 11s'ensuit donc que la réserve peut êtredissociéedu reste de la
déclaration.

(Signé A)wn S. AL-KHASAWNEH.

'Tapotorti, «L'extinction et la suapension des traO,eRr<,~tci(le1.our.s1971,
vol. 134, p. 463.
''La doctrine contirme ce point de vue; Merrills par exemple fiiit observer que «cette
réservedoit ètre considéréecomme ayant perdu aujourd'hui sonutilité(British Yctrr
Booli of'Intc,rricrtL(rii1903. p. 222).

Document file FR
Document Long Title

Opinion dissidente de M. Al-Khasawneh (traduction)

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