Opinion dissidente de M. Ranjeva

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096-19981204-JUD-01-07-EN
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OPINION DISSIDENTE DE M. RANJEVA

Sommaire analytique - Risque de remise encausede la clauseoptionnelle -
dénaturation de l'objetdu différendprincipal.
Objet du différend - Modificationjudiciaire de l'objetdu différend présenté
par ledemandeur constitutive d'un ultra petita.
Défautde pertinence de lajurisprudence invoquéepar l'arrê t Interpréta-

tion de l'objetdu différendpar référence à l'acte de saisine - Absence de base
légalepour la modification del'objet du différend présenté danla s requête -
Paragraphe 1 de l'article 40 du Statut de la Cour internationalede Justice -
Obligationpour la Cour de respecter l'intégrité du petitum - Demandes au
fond et objections ou exceptions à la compétence - Impossibilitéjuridique de
définirl'objet définitifdu différendprincipal.
Distinction entre différendréelet arguments oufausses conclusionsmise en
euvre lors de la phase declôture de l'instance - DifJicultéde statuer sur la
causa petendi - Procédure préliminaire et situation de l'objet du différend.

Interprétationde la réservecanadienne - Historique des négociationssur la
définition des((mesuresde conservationet de gestion » de la convention de 1995
- Le Canada coauteur delapremièrepropositiorzd'amendementincorporantle
renvoiau droit internationalpour ladéfinitiondesmesures de conservationet de
gestion - Acceptation et portée del'amendementcoparrainé par leCanada -
Analyse de la notion de((mesuresde conservationet de gestion)) - Absence de
pratiques internationales contrairesaux prescriptions de l'alinéa b) de l'article

premier de l'accordde 1995.
Double objetdu renvoi à la définitiondes ((mesuresde conservationet de ges-
tion)) à la conventionde 1982: élémentde licéité relevand tufond et élémend t e
définition pertinentpour la phase préliminaire - Renvoi au droit et définition
juridique en général d'un concept - Référence audroit internationalpour la
définitiondes concepts utilisésdans un acte unilatéral - Dualitéde nature de
l'acte unilatéralde réserve - Réseaude liensjuridictionnels entre lesparties à
la clause optionnelle - Acceptation des conditions de l'auteur dela réserve lors

du dépôt de la requête - Créationde liens conventionnelsentre défendeuret
demandeur - Le droit international cadre commun de référenceaux deux
parties litigantes.
Question lors du diffërend préliminaire - Caractèrenon exclusivement pré-
liminaire de l'objectiondu défendeur.

Le respect que je porte à la Cour et à mes collèguesainsi que les exi-
gences d'une bonne administration de la justice internationale m'amè-
nent, à mon grand regret, à exprimer une opinion dissidente et à justifier

les raisons de mon vote négatifau dispositif du présentarrêt.
1. Je forme le vŒuque le présentarrêtde la Cour ne soit pas interprété
par les commentateurs et les lecteurs comme sonnant le glas du méca-
nisme de la clause optionnelle du paragraphe 2 de l'article 36du Statut dela Cour internationale de Justice. L'arrêta adopté une démarche criti-
quable qui peut porter atteinteà l'intégritédu mécanismede la juridic-
tion internationale dont la base de compétence est denature consensuelle.
2. En premier lieu, il aurait étà,mon avis, plus approprié, à propos
de l'objet du différend, de faire l'économiede longs développements
autonomes qui aboutissent à la dénaturation de l'objet du différendprin-
cipal: en effet, l'objet définipar le demandeur, l'arrêt asubstitué, sans
jurisprudence pertinente à l'appui, un objet autre. Pour ma part, que

l'objet du différendfût interprétéde manière large comme l'entendait le
demandeur ou de manière étroiteselon le défendeur,la question impor-
tait peu;à la phase préliminaire,il s'agissait de déterminersi ledifférend
entrait ou non dans les prévisionsde la réservestipuléedans la déclara-
tion de la partie défenderesse.

3. En second lieu, l'interprétation de la réservede la partie défende-
resse apparaît inacceptable lorsqu'elle limitel'interprétation,mêàetitre
préliminaire, dela définition des ((mesuresdeprotection et degestion))à
la seule dimension matérielle et exclut toute référenceà l'élément juri-
dique de droit international incorporé dans la définition deces mesures

dans plusieurs instruments conventionnels pertinents; la définition des
((mesuresde protection et de gestion)), utiliséepar l'arrêt pourl'interpré-
tation de la réserve canadienne, manque de base pour son effectivité.
L'arrêt invoquedes pratiques nationales, nécessairementen deçà de la
zone des droits souverains de deux cents milles; en revanche, la décision
n'est pasà mêmed'invoquer une seule pratique internationale contraire à
la définition consensuellede cesmesures et constitutive d'une opiniojuris.

4. Contrairement à l'analyse effectuéepar la Cour dans les para-

graphes 29 à 33, j'estime que l'ensemble de la jurisprudence invoquée
pour justifier la modification, par voie judiciaire, de l'objet du différend
tel qu'exposépar le demandeur, n'est pas pertinente à l'analyse. La
conclusion énoncéeau paragraphe 35est sans précédentdans la jurispru-
dence: la Cour ne s'estjamais reconnue la compétence pour modifier
l'objetdu différend, et l'eût-ellevoulu qu'une telledécisionaurait manqué
de base légaleet constituéun ultra petita.
5. Bien qu'à mon avis, il s'agissed'une question subsidiaire pour le
règlementdu présent différend préliminairej,e me dois d'expliquer mon
désaccord,compte tenu des conclusions auxquelles l'arrêtest parvenu sur
ce point.

I. Défautde pertinence de lajurisprudence invoquée

6. L'arrêtinvoque plusieurs décisions antérieuresde la Cour pour jus-
tifier la modification de l'objet du différendpar rapportl'objet du dif-férendprincipal formulépar la partie demanderesse.L'analyse de lajuris-
prudence évoquéemontre que la conclusion de l'arrêtest contestable:
il n'y a pas de précédentqui autorise la Cour àdisqualifier ou àchanger
les termes de l'objet définipar le demandeur; lajuridiction, selon les cir-
constances propres de chaque espèce,a ajustéles limites du différend
mais n'a pas substitué un nouvel objet àcelui présentépar le demandeur
au principal. La Cour ne s'estjamais prononcéede manièreaussi catégo-
rique qu'au paragraphe 29de la présente décision lorsqu'elleaffirmeque:
«La Cour ne saurait s'en tenir aux seuls termes de la requête ni,plus
généralements ,'estimerliéepar les affirmations du demandeur. »Afin de
faciliterla compréhensiondu présentparagraphe, on suivral'ordreadopté

par l'arrêt.

1) Différend territorial (Jamahiriya arabe 1ibyenneITchad)

7. La Cour n'a pas étésaisie d'un compromis stricto sensu contraire-
ment à la description qui a été faite dans le paragraphe 29. Les deux

Parties «sont convenu[e]s ...que l'instance avait en fait été introduitepar
deux notifications successivesdu compromisque constitue l'accord-cadre
du 31 août 1989))(C.I.J. Recueil 1994, p. 11, par. 8). Mais il y avait
accord entre les deux Parties pour qualifier de territorial le différendles
opposant dans la bande d'Aouzou. Les demandes respectives des Parties
(portant sur l'étendue de lazone contestée) étaientsi divergentes que la
Cour devait définirla superficielitigieuse.

«18.La Cour a étésaisie du présentdifférendentre la Libye et le
Tchad par les notificationsqui lui ont été faitesdu compromiscons-
tituépar l'accord-cadre du 31août 1989 ...L'accord-cadre présentait
le différendentre lesParties comme «leur différendterritorial »,mais
ne le qualifiait pas davantage; or il ressort des écritures etdes plai-
doiries des Parties que celles-cisont en désaccord sur la nature du
différend ..
.............................
19. La Libye considère ainsi qu'il n'existe pas de frontière et

demande à la Cour d'en déterminerune. Quant au Tchad, il consi-
dèrequ'il existeunefrontière et demande à la Cour de dire quelleest
cette frontière. Pour la Libye, l'affaire a traitn différendconcer-
nant l'attribution d'un territoire, tandis que, pour le Tchad, elle a
traità un différendsur le tracé d'une frontière.))(C.I.J. Recueil
1994, p. 14-15.)

Mais en réalité,il n'y avait pas de différencesubstantielle entre les
Parties, sur le fond de la question. En effet, si le différendporte sur le
tracéde la frontière ou s'ilporte sur l'attribution d'un territoire, l'objet
véritabledudifférend estd'établirleslimitesprécisesdu territoire de cha-
cun des deux Etats. La Cour, en principe, a admis que tel étaitle cas.2) Essais nucléaires (Nouvelle-Zélandec. France)

8. Dans les affaires des Essais nucléaires,la Cour a souligné qu'elle
étaiten droit d'interpréter les conclusions des Parties pour s'assurer de
l'objet véritabledu différend,de l'objet et du but de la demande, en pre-
nant en considération non seulement les conclusions du demandeur mais
l'ensemblede la requête,les arguments développésdevant la Cour par le
demandeur, les échangesdiplomatiquesqui ont étéportés à son attention
et les déclarations publiques faites au nom du gouvernementdemandeur.

«Si ces éléments délimitenn tettement l'objet de la demande, ils ne peu-
vent manquer d'influer sur l'interprétation des conclusions.» ' La Cour a
aussi soulignéson pouvoir

((d'écarter,s'ilest nécessaire,certaines thèsesou certains arguments
avancés parune partie comme élément desesconclusionsquand elle
les considère,non pas comme des indications de ce que la partie lui
demande de décider,mais comme des motifs invoqués pour qu'elle
se prononce dans le sens désiré»2.

9. Dans le premier arrêt,Australie c.France, les conclusions de la
Cour se comprennent à la lumière des deux données suivantes:

- la Francefaisant défaut àla procédure,la Cour proprio motu et sefon-
dant sur le paragraphe 2 de l'article 53 de son Statut s'est assuréedu
bien-fondé endroit et en fait des conclusions, c'est-à-dire des indica-
tions de ce que le demandeur lui demande de décider.Le doute pou-
vait, en effet, êtreinstilléde la présence de deuxparagraphes distincts
de conclusion dans la requête, le second ayant un objet déclaratoire
de droit;
- c'est en se fondant sur le comportement persistant et les déclarations
constantes de l'Australie, uniquement, que la Cour a définil'objet du

différenden distinguant ce que le demandeur réclamaitet leséléments
de la conclusion: les thèses,les arguments et les motifs.

10. Dans le second arrêt,Nouvelle-Zélande c. France, les termes du
problème sont apparemment quelque peu différents, compte tenu du
caractère spécifiquedes conclusions néo-zélandaises.L'arrêt,en effet, a
procédé à l'analysede l'entièretéde l'objet du différenden en distinguant
l'origine de l'objectifinitial et ultime, dans le passage suivant:

«Il est clair cependant que le différendtrouve son origine dans les

'Essais nucléaires(Australie c. France), C.Z.J.Recueil 1974,p. 263, par. 30, et Essais
nucléaires(Nouvelle-Zélandec. France), 467, par. 31.
Essais nucléaires(Australie c. France), C.Z.J. Recueil 1974, p. 262,par. 29, et Essais
nucléaires(Nouvelle-Zélandec. France), p. 466-467,par. 30. essais nucléaires atmosphériques effectuéspar la France dans la
régiondu Pacifique Sud et que le demandeur a eu pour objectif ini-
tial et conserve pour objectif ultime la cessation de ces essais.))
(C.Z.J. Recueil 1974, p. 467, par. 31;les italiques sont de moi.)

Ainsi, c'esten se fondant sur la continuité et la cohérencede l'attitude
et des demandesde la partie requérante que la Cour s'appuie pour inter-
préter l'objet du différendsans pour autant aboutir à une modification
de cet objet initial. L'arrêt a interprétéles conclusions de la Nouvelle-
Zélandetelles qu'ellesétaientformuléesdans la requête,confirméespar
le comportement constant et continu du demandeur et finaliséesdans
les conclusions.

3) Droit de passage sur territoire indien

II. Dans cette affaire, la Cour, pour ne pas se laisser induire en erreur
par un passage de la requête intitulé((Objet du différend)),qui décrivait
l'objet du différend defaçon restrictive, a précisé cetobjet en récapitulant
les différentesformules des demandes déjàénoncéesdans la requête,les
plaidoiries et les conclusions des Parties.

4) Délimitation maritime et questions territoriales entre Qatar et
Bahrein

12. L'objet du différendétait, d'accord entreles Parties, définiselon la
formule ((bahréïnite));le Qatar, qui a saisi la Cour par voie de requête et
qui n'a présenté que sespropres demandes n'a pas étépour autant déchu
de son droit procéduralpour n'avoir pas soumisl'entièretédu différend;
par un jugement interlocutoire, il a été demandé aux Partiesde présenter
l'entièretéde l'objet du différend.Dans cette affaire, la Cour a confirmé
que le différendsoumis par Qatar le 30 novembre 1994 correspondait
exactement aux accords et décisionsprécédents.

«Par suite, il apparaît que la formulation retenue par Qatar décri-
vait exactementl'objet du litige. Dans ces conditions, la Cour, tout
en regrettant qu'un accord n'ait pu intervenirentre les Parties quant

à ses modalités de présentation, est amenée à constater qu'elle est
maintenant saisie de l'ensemble du différend, et que la requêtede
Qatar est recevable.)) (C..J. Recueil 1995, p. 25, par. 48.)

En conséquence,d'une part lajurisprudence invoquéetraite de l'inter-
prétation de l'objet du différend ense référant auxtermes utilisésdans
l'acte de saisine, d'autre part cette interprétation a consisàdéterminer
l'entièretéde cet objet sans pour autant en modifier les termes. 2. Absence de base légale pour unemodijïcation par la Cour de l'objet
du différendprésentépar le demandeur devantla Cour

L'article 40 du Statut en son paragraphe 1et le caractère incident de la
procédurepréliminaire,n'autorisent pas la Cour àmodifier l'objet du dif-
férend.

1) Les dispositions duparagraphe 1 de l'article 40 sont claires

13. a) L'indication de l'objet du différenddans l'acte introductif est
une obligation prescrite directement par le Statut. Cette obligation est
indépendante de la voie mise en Œuvre pour permettre à l'instance de
s'ouvrir. La meilleure interprétation de la notion d'objet du différendest
fournie à deux reprises dans l'ouvrage de Stauffenberglorsqu'est traitée
la notion d'objet du différend à propos de la rédaction de l'article 40 du
Statut de la Cour permanente de Justice internationale:

«Cette requête détermine l'objetdu différend. L'«objet», terme
juridique, a paru plus préciset plus utile, au point de vue de l'effetde
la chose jugée,que la «nature» dont parlait l'article 30 du texte des

Cinq Puissances» (rapport du comitéconsultatif desjuristes, p. 734,
et Statut et Règlement dela Courpermanente de Justice internatio-
nale - élémentsd'interprétation,Car1 Heymanns Verlag, Berlin,
1934,p. 294),

«lors de la session préliminaire,la suppression des mots «la dési-
gnation de la chose demandée))fut proposée,ces mots étantjugés

superflus, puisqu'il est déjàfait mention de l'indication de l'objet du
différend, ou bien erronés puisqu'ily a des cas dans lesquels on ne
demande pas une chose mais tout simplement la déclaration du
droit» (Statut et Règlement de la Courpermanente de Justice inter-
nationale - éléments d'interprétation o,p. cit., p. 301).

L'objet du différendest très étroitement lié à la ((chose demandée)),le
petitum, c'est-à-dire la reconnaissance, par la voie judiciaire, d'un droit
substantiel auquel prétend la partie demanderesse dans une requête uni-
latérale.
14. b) Dans une introduction de l'action par voie de requête, le
demandeur a la responsabilité principale pour définirl'objet originel du
différend. Formellement, lepetitum est exposédans la requêteet c'est la
seuledescription de l'objet du différenddont dispose la Cour. Tant que la
partie défenderesse n'apas formuléelle-mêmeses prétentions et ses pro-
pres petita au fond soit dans le contre-mémoire(article 43, paragraphe 2

du Statut) soit dans le cadre d'une demande reconventionnelle (article 80
du Règlement),l'objet du différendtel qu'exposédans la requêtes'impose
à la Cour. Avant la détermination définitivede l'objet du différendquiinterviendra après le dépôt des petita du défendeur, l'immutabilité de
l'objet initial du différendau principalà l'égarddu juge est incontour-
nable: la Cour ne peut se prononcer, dans ses actes, que sur la base de

cette définitionsans pouvoir en modifier les termes, ni surtout porter
atteinteà l'intégritdu petitum. Dans l'exercice deson pouvoir d'explici-
ter les prétentionsimplicites, elle ne peut modifier letitum du deman-
deur. Tout au plus peut-elle constater qu'il n'y a pas de différendsur
l'objet ou sur certains aspects de cet objet exposésdans la requête;mais
en disant que le différend véritable esttel que l'arrêtle présentedans le
paragraphe 35, la Cour a modifiélepetitum du demandeur et statuéen
dehors du cadre de ce qui est explicitementdemandé sanss'attacher à la
justification de son analyse sur les propres faits, actes et comportements
de la partie demanderesse. Aussi est-ce en se fondant sur une interpréta-
tion inexacte car incomplètede lajurisprudence sus-rappeléeque la Cour
est parvenue à une conclusion inacceptable selon laquelle «plus généra-
lement, [elle nesaurait] s'estimerliéepar les affirmationsdu demandeur))
(voir le paragraphe 29).

2) Le caractère incidentde laprocédure préliminaire consacr àéla com-
pétenceet à la recevabilitéfixe, par transposition des paragraphes5
et 6 de l'article79 du Règlement,le cadreet la mesurede laréférence
auxfaits de l'espèceau stade actuel de laprocédure

15. Les faits et actes survenàsl'Estaisont pour la partie défenderesse
au principal des arguments et des moyens utiliséspour justifier l'incom-
pétence dela Cour et l'irrecevabilitéde la demande espagnole. Les faits
ne constituent pas des demandes ni des conclusions au fond; ils sont
invoquéspour faire écarter la demande principale sans examen du fond
du différendpar la voie de la contestation du pouvoir de la Cour de sta-
tuer sur le différendqui lui est soumis.

16. Ne disposantpas despetita au fond du défendeur,ni de sesconclu-
sions en défense,laCour ne peut, àce stade, procéderà la détermination
définitive del'objet du différend.Au stade actuelde la procédure, la ren-
contre de la demande principale et de l'objection du défendeur détermine
l'objet du différendpréliminaire;ce dernier différend estdistinct du dif-
férendprincipal tout en lui étantincident; c'est aux seules fins de règle-
ment du différend préliminairedans les termes du paragraphe 7 de l'ar-
ticle79du Règlementdela Courquecette description d'objetesteffectuée.
Dans ces conditions,la Cour ne dispose que d'une seule prétention,celle
du demandeur expriméedans la requête initiale. Cette définition de
l'objet principal continue s'imposer à la Cour qui, sans affecter le fond
du différend, ne peut modifier le petitum du demandeur. En l'espèce,
cependant, la Cour a procédé àune redéfinitionen invoquant au para-
graphe 32 la distinction entre «le différe...[réel]et les arguments uti-

liséspar les parties l'appui de leurs conclusions respectives sur ce diffé-
rend ».3) Différendréelet arguments utilisés à l'appui des conclusionsdu para-
graphe 32 de l'arrêt

17. Les arguments utiliséspar le paragraphe 32pour fonder la distinc-
tion entre différendréelet arguments utilisés à l'appui des conclusions
manquent, àl'analyse,de base démonstrativeconcluante,compte tenu de
la pratique de la Cour et de la nature de la cause de l'action judiciaire.
18. a) Dans la pratique constante de la Cour, la mise en Œuvrede la
distinction entre différendréelet arguments ou conclusions et fausses
conclusions est opéréeau stade de clôture de l'instance, lors de l'examen
du fond du différendou lors d'une décision rél liminairde non-lieu.
Cette pratique s'explique aisémentpour des raisons de bon sens et de
considérations procédurales. Onne peut pas, évidemment,parler de dif-
férendau sens propre tant que seules les prétentions unilatéralesau fond
de l'une des parties, en l'occurrence le demandeur, ont été présentées

devant la Cour. Par ailleurs, c'est une foisl'objet du différenddéfinitive-
ment et entièrement préciséq , u'on peut faire le départentre l'ensemble
ou la totalitédu litiged'unepart et l'objet précis dela controverse d'autre
part: lesfaits et points de droit soumisla décisiondujuge; c'est eneffet
dans l'objet du différendque la Cour doit déterminerlespoints précis sur
lesquels elle peut statuer. Dans les deux affaires desssais nucléairesde
1974, la Cour avait à statuer sur une question préalable, de caractère
essentiellementpréliminaire :l'existenceou non d'un différend;une déci-
sion de non-lieu aurait privéde tout intérêu tne disposition sur la com-
pétence.La mise en Œuvre dela distinction entre conclusions et fausses
conclusions a été effectuéaeu niveau de l'examendes liens logiquesentre
les différentes conclusions formelles des parties. En 1974, pour savoir
laquelle des conclusions était lafausse, la Cour a dû procéderà l'examen
de l'hypothèsed'une demande de jugement déclaratoire par rapport à
l'objetde la demandeprincipalequi était la cessation des essaisnucléaires

en atmosphère; cette revendication avait été,dans les circonstances de
l'affaire, considérée commesatisfaite. L'hypothèse d'une demande de
jugement déclaratoirea étéécartée, comptetenu de la demande princi-
pale.
19. b) En exposant au paragraphe 34 une explication des relations
entre les éléments defait et de droit de l'affaire, l'arrêta pris parti sur la
ou les causes de la demande de l'Espagne. Le problème, à l'analyse, se
réduit cependant à l'interrogation suivante: pour statuer sur la compé-
tence et la recevabilité,doit-on avoir égard l'examendu motif de la pré-
tention du demandeur? En réalité,il est difficilede détermineravec exac-
titude ce qui, parmi tous ces élémentss,erait de natureà justifier l'action
de la partie demanderesse c'est-à-direlacausapetendi, alors mêmeque le
débat contradictoire sur le fond n'a pas étéentamé. Cette contrainte
d'ordre logique et procédural explique la raison pour laquelle les éven-
tuelles relations de causalité ne sont discutéesqu'au niveau des seules

conclusions formelles, les seulesdonnéesquisoient certaineset qui expri-
ment la penséeprofonde des parties et dont on peut prendre connaissanceavec certitude. En donnant, dès la procédure préliminaire, aux faits et
actes litigieux une qualification de caractère définitif (voir le para-
graphe 34) autre que celle que la partie demanderesse a exposéedans sa
requête, l'arrêt procédé à une modification du petitum du demandeur.
Cette conclusion n'est pas acceptable.
20. A la fin de la procédurepréliminaire,la situation de l'objet du dif-
férendpourrait êtredécritedans les termes suivants.La Cour a, à sa dis-
position, la partie la plus importante de l'objet du différenddécrit dans
l'objet de la demande tel que celui-ciest exposédans la requêted'un côté
et de l'autre un ensemble de faits et d'actes constituéspares échanges

diplomatiques, les déclarations publiques et autres éléments depreuve
pertinents)) et utilisésaux fins de soutenir une objection de la partie
défenderesse(voir le paragraphe 31del'arrêt).A partir de ces données,la
Cour a formulé une conclusion dans laquelle l'arrêt a fait entrer'entiè-
retédu différend.Mais le résultatfinal de la procédure, en l'espèce,étant
le rejet définitifde la demandede l'Espagne, l'arrêtest censéavoir jugéla
demande sous toutes les qualifications et toutes les hypothèses.Une telle
condition n'a pu êtrerespectée enl'espèce; l'arrêt aen effet, proprio
motu, procédé à une modification de l'objet du différend sans avoir
épuisé l'examen préalabledes hypothèses possibles.
Pour ces raisonsl'arrêt,en modifiant l'objet du différendpar rapporà
l'objet du différenddécrit dans la requête, a statuéultra petita.

21. Je souhaiterais, pour achever cette première partie, attirer l'atten-
tion sur les risques inhérentàune décisionde cette nature:
1) la désertion du prétoire de la Cour, faute de garantie pour les Etats
contre le risque d'une modification, dès la phase préliminaire, de
l'objet du différend qu'ilssoumettraientàla Cour;

2) l'incertitude du sort des droits des parties litig:quelle est en effet
la mesure de la uesjudicata en l'espèce?

II. INTERPRÉTATI OENLA RÉSERVE CANADIENNE

Dans l'interprétation de la réservecanadienne,l'arrêt adéfini,proprio
motu, les mesures législativescanadiennes de mesures de protection et de
gestion des ressources halieutiques. En fait, la véritablequestion est de
déterminersi une telle définitionsuffit au regard du droit international.

1. Méthoded'interprétationde la dé$nitiondes ((mesures

de conservation et de gestion))
22. La méthode observéepar la Cour pour interpréter la clause de

réservea consisté àfaire prévaloirl'intention du Canada, ce qui est par-
faitementcorrect à condition que cette intention soit contextualiséedansle réseau desdéclarations facultatives de juridiction obligatoire. Pour ce
faire, elle a considéré commeétant de droit la définitionet l'interpréta-
tion exposéespar l'auteur de la réserve,nonobstant tous autres instru-
ments juridiques auxquels participent au moins les deux Etats litigants.
Au stade actuel de la procédure, il ne s'agissait pas de procéder à une
définitionprima facie des mesures de conservation, mais de vérifiersi
toutes les conditions pour que ce que le Canada qualifie de mesures de

conservation et de gestion sont satisfaites.
23. Dans le paragraphe 70 l'arrêtlimite la définition des({mesuresde
conservation et de gestion» àleur seule dimension technique et factuelle,
ce qui amène la Cour à donner sa propre définition, contrairement à la
définition explicitementviséedans les deux seuls instruments internatio-
naux directement pertinents: la convention des Nations Unies de 1995
sur les stockschevauchantset l'accord visantà favoriser le respect par les
navires de pêcheen haute mer des mesures internationales de conser-
vation et de gestion de la FAO. Cette conclusion est inacceptable car
la Cour ne s'est pas limitée à interpréter le droit positif, elle a créédu
droit.

2. Les instruments internationaux contenant la dé3nitiondes mesures
de protection et de gestion

1) Historique de l'accordde 1995 sur les stocks chevauchants

24. Les instruments internationaux pertinents sont constitués par les
articles premiers
de l'accord aux fins de l'application des dispositions de la convention

des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre1982rela-
tivesà la conservation età la gestion des stocks de poissons dont les
déplacementss'effectuent tant à l'intérieur qu'au-delàdes zones éco-
nomiques exclusives (stocks chevauchants) et des stocks de poissons
grands migrateurs, dénommé accord des Nations Unies de 1995 sur
les stocks chevauchants;
et de l'accord visant favoriser le respect par les navires de pêcheen
haute mer des mesures internationales de conservation et de gestion,
dénommé accordFA0 de 1993sur les navires de pêche.

Les articles premiers consacrésaux définitionsstipulent

a) Accord des Nations Unies de 1995sur les stocks chevauchants:

«On entend par ({mesuresde conservation et de gestion)) les me-
sures visantà conserver et à gérer uneou plusieurs espècesde res-
sources biologiques marines qui sont adoptées et appliquées de
manière compatible avec les règlespertinentes du droit international
telles qu'elles ressortent de la convention et du présent accord.» b) Convention FA0 de 1993sur les navires de pêche:

«par ((mesuresinternationales de conservation et de gestion)) on
entend les mesures visant à conserver ou à gérerune ou plusieurs
espècesde ressources biologiquesmarines qui sont adoptées et appli-
quéesconformément aux règlespertinentes du droit international
telles que reflétédans la convention des Nations Unies sur le droit
de la mer de 1982. Ces mesures peuvent être adoptées soit pardes
organisations mondiales, régionalesou sous-régionales ..soit par
accord international.))

25. L'étude comparative de ces deux stipulations ne manque pas
d'intérêtà plusieurs titres. En premier lieu, l'influencedéterminante de
l'accord FA0 de 1993sur l'accord sur les stocks chevauchants lorsqu'il
s'est agide statuer sur l'incorporation de l'élémenjturidique dans la défi-

nition. Le droit de référence envisagé par rapport à la convention de
Montego Bay de 1982et àchaque accord spécifiquequi énonceune défi-
nition est un élémenc tonstitutif de cette définition. deuxièmelieu, les
deux accords sont des instruments conventionnels d'application de la
conventionde 1982sur le droit de la mer. Enfin, bien que cesinstruments
ne soientpas encore en vigueur àla date du présentarrêt,le Canada tant
que l'Espagne sont parties signataires de l'accord sur les stockschevau-
chants respectivement le 4 décembre1995et le 3 décembre1996.
26. L'examen de l'historique de la disposition 1 b) de la convention
sur les stocks chevauchants révèlele rôle important jouépar le Canada
pour la consécration, dans le futur accord, de l'élémenjturidique inter-
national comme élémentconstituant de la définitionjuridique des «me-

sures de conservation et de gestion)). Le Canada, le 14juillet 1993,a été
coauteur de la premièreproposition d'amendement qui prend en consi-
dération l'élémentde droit international pour définirles ((mesuresde
conservation et de gestion)). Le document initial au projet de convention
(NCONF.164IL.22) présenté à la quatrième session ne contenait pas de
dispositions pour définirles «mesures de conservation et de gestion)).Ce
fut le 14juillet 1993que, par la propositionNCONF.164IL.11, les délé-
gations d'Argentine, du Canada, du Chili, de l'Islande et de la Nouvelle-
Zélandeont introduit la référenceau droit international pour la défini-
tion des ((mesuresde protection et de gestion))dans les termes suivants :

«a) Le terme ((mesuresinternationales de conservation et de ges-
tion» s'entend des mesures visantla conservation ou la gestion
d'un ou plusieurs stocks chevauchants ou stocks de poissons
grands migrateurs en haute mer adoptéeset appliquéesconfor-
mémentaux principes du droit international consacrésdans la

convention des Nations Unies sur le droit de la mer et, en par-
ticulier, celles adoptées ou approuvéespar des organisations
régionales ou sous-régionales de conservation ou en vertu
d'arrangements régionaux ou sous-régionauxde conservation
des ressources halieutiques.La proposition conjointe d'amendement n'a pas reçu un appui suffisant
pour pouvoir être immédiatementincluse dans la version reviséedu pro-
jet; cette résistance dela conférence denégociationsexplique l'insistance
dont a fait montre le Japon pour que le problème fût rouvert en mars
1995avec l'amendement formel suivant:

((Article1, paragraphe 1

Ajouter l'alinéasuivant au texte du président:
c) Par ((mesuresinternationales de conservation et de gestion)), on
entend les mesures visant àconserver ou àgérer uneou plusieurs
espècesde stockschevauchants de poissons et de stocks de pois-
sons grands migrateurs qui sont adoptées et appliquéesconfor-
mémentaux règlespertinentes du droit international telles que
reflétéesdans la convention. Ces mesures peuvent être adoptées
soit par des organisations mondiales, régionalesou sous-régiona-

les s'occupant des pêches,sous réserve desdroits et obligations
de leurs membres, soit par accord international.))
(Cet alinéaa été rédigéen s'inspirant de l'alinéab) de l'article 1de
l'accord de la FA0 visant à favoriser le respect par les navires de
pêcheen haute mer des mesuresinternationales de conservation et de
gestion).» (Texte miméographiénon coté.)[Traduction du Greffe.]

27. Le document AlConf.1641CRP.6en date du 6 avril 1995incorpore
pour la première fois une définitionde droit positif, des mesures de
conservation et de gestion au sein de l'article premier du projet revisé:

«a) On entend par ((mesuresde conservation et de gestion» les
mesures visant à conserver et à gérerune ou plusieurs espèces
de ressources biologiques marines qui sont adoptées et appli-
quées de manière compatible avec les règles pertinentes du
droit international telles qu'ellesressortent de la convention et
du présent accord. »

La version finale a repris celle revisée(doc. AICONF. 164122lRev . )
moyennant une modificationmineure dans les termes suivants :

«a) On entend par ((mesures de conservation et de gestion» les
mesures destinées à conserver ou à gérer une ou plusieurs
espèces de ressources biologiques marines qui sont adoptées
et appliquéesde manière compatible avec les règlespertinentes
du droit international exposéesdans la convention et dans le
présent accord.»

28. Au terme de ce rappel historique, deux observations méritent de
retenir l'attention.n premier lieu, le rôle du Canada pour que la men-
tion de la référenceau droit international soit un élémentvisédans la
définition conceptuelle des mesures de conservation et de gestion; il
s'agissait d'une disposition qui n'était pas une simple clause de stylepuisqu'il s'est écoulé un déla die vingt-deux mois entre la présentation
formelle de la proposition et son incorporation dans le projet d'accord.
En second lieu,l'idéede ((mesuresinternationales)) visant la conservation
et la gestion dans lezone de ((hautemer» s'estprogressivement estompée
en tant que notion autonome; ellen'a pas été reprise dansla proposition
d'amendement du Japon, ni relevéedans les versions finale et définitive
du texte de l'accord; il s'agissait, en effet,d'un pléonasmedès lors qu'on
faisait référenceà la convention de 1982.

2) Analyse de la notion de mesures de conservation et de gestion, ali-
néab) de l'articlepremier de la convention desNations Uniessur les
stocks chevauchants

29. Sur le plan formel, la signature par les deux parties litigantes
atteste leur adhésionconceptuelle, au moins au niveau des définitions
juridiques, aux stipulations de cet instrument. Ainsi, la définitionfor-
mulée dans l'article premier de l'accord sur les stocks chevauchants
exprime, en leur étatactuel, l'expressioncommune et raisonnée des dis-
positions qui sont de nature àrecueillirl'appui le plus largede la part des
sujets de droit international. Quant à l'interprétation propredu Canada
de la notion de ((mesures de conservation et de gestion)), elle remonte

à juillet 1993et considèrela référenceau droit international comme un
élémentconstituant de cette définition: *Lr ailleurs cette interwrétation
canadienne a été donnéb eien antérieurement auxévénements liésau pré-
sent litige: la modification de la loi canadienne sur la protection des
pêchescôtières (12 mai 1994); les incidents survenus à l'Estai (9 mars
1995)sans oublier le dépôtde la nouvelle déclaration d'acceptation de la
juridiction obligatoire (10mai 1994).Contrairement à ceque l'onpouvait
attendre du Canada, compte tenu de la séquence des événementls iésà la
((guerre du flétan)),il n'est pas trouvé trace d'unemodification du com-
portement de la partie défenderesse,au principal, lors des négociationsde
l'accord sur les stocks chevauchants en relation avec la définition des
((mesuresde conservation et de gestion)).

30. En dépit de l'affirmation de l'arrêt, aucune pratique contraire
internationale d'Etat ou traité international ne viennent infirmer la défi-
nition donnéepar l'accord de 1995sur les stocks chevauchants inspirée
de la convention FA0 de 1993.A l'appui de sa démonstration, l'arrêt
évoque desdispositionsde législationnationale ou de droit européen qui
se limiteraient à définirdes mesures de protection et de gestion à leur
seule dimension matérielleet factuelle. Ces exemples ne sont pas perti-
nents, car insuffisants pour justifier au regard du droit international la
qualificationdesdites mesures. Il s'agitd'élémentdse fait qui doivent être
considérés comme tels.
En revanche, aucune opinio juris fondée sur une définitionde cette
notion de mesure de conservation et de gestion à sa seule dimension

matériellen'a étéexposéepar les Parties, ni identifiéepar la Cour. Ce
constat de carence amène à examiner au fond la définitionde l'articlepre-
mier de la convention de 1995. 3. Interprétation aufond de l'alinéab) de l'articlepremier
de la convention de 1995

31. L'analyse de cette définitionrappelée dans l'arrêtrévèleles deux
éléments constitutifs de la notion: un élément descriptifet un élémendt e
référence à la règlede droit international.
Face au caractère com~osite de la définition. l'arrêta délibérément
opté pour la qualification des mesures eu égardau seulélémend t escriptif,
à l'exclusion du second élément.Cette option est critiquable et inaccep-
table dans la mesure où la seulejustification avancéepar l'arrêtse borne
à exposer les risques inhérents au renvoi à l'élémend t e droit: le risque
d'une décisionultra petita. Pour la Cour une décisionavant dire droit
traitant de l'élémendte référenceau droit international affecterait le fond
de l'affaire.

32. Avec la majoritédes membres de la Cour, on doit admettre sans
problème qu'iln'y pas à statuer à la phase actuelle sur la licéi. ais le
désaccordporte sur la question de savoir si une explication portant sur
les relations entre les deux éléments dela définitionétaitnécessairepour
justifier toute décisionde la Cour. L'arrêt répond de manièrenégativeen
se retranchant derrière la nature factuelle de ces mesures de gestion et de
conservation. Cette décisionde la Cour est inacceptable car elle ne tient
pas compte du second élément dela définitionqui est à envisager aussi
bien dans son objet que dans sa portée,la Cour n'ayant eu en vue que ce
second élément-ci.Nonobstant toute question de licéitédes mesures, il
appartenait à la Cour de dire si l'élémend te droit est un élémentintrin-
sèque à la définition ou tout simplement un élémentopératoire. En
d'autres termes, si on prive la définitionde l'article premier de l'élément
légal,se trouve-t-on toujours devant des mesures de protection et de
conservation au sensjuridique? Une telle hypothèseconnaît des réponses

en droit tant interne qu'international.

4. Elémentde droit et définitionjuridique

33. En droit suisse des contrats: lorsqu'on examine la source des
contrats individuels, et en l'absence de régimeslégislatifsparticuliers, ce
qui est déterminant pour définir l'origine desrègles «c'est ce dont les
parties sont valablement convenues)).Pour savoir quand elles sont liéeset
quelle est la validitéde leur accord, il faut se reporter aux principes qui
sont exposésen droit des obligations (P. Tercier, Les contrats spéciaux,
2"éd.,1995,p. 3, par. 19).Lorsque le droit suisse envisage dans le droit
des contrats de «donner aux faits constatés leur qualificationjuridique

et de juger notamment si les parties ont suffisamment manifesté leur
intention)), il considèreune telle question comme relevant du droit (voir
S. Cyboz et Gillieron, Code civil suisse et code des obligations annotés,
C.O., 1993,p. 1).
Dans ces conditions, un accord de volontés portant sur la partie nor-
mative, c'est-à-dire l'objet des prestations réciproques, n'est pas suffisantpour qualifier cette rencontre de volontésmanifestéesréciproquement et
de manièreconcordante. Les volontéspassent par le moule du droit pour
que soient assuréesl'identité del'objet de la prestation et la concordance
parfaite des volontésqui se rencontrent.
34. Dans le droit des traités,la définitiondu traitéincorpore l'élément
de droit international pour qualifier un accord de volontés des Etats de
traité international.l est bien connu que faute de renvoi au droit inter-
national, le concours de volontés ne constitue pas un traité,au sens du
droit des traités. Cette soumissionau droit international implique d'une
part le caractère non exclusif de la soumission au droit international et
d'autre part la distinction entre la sanction et l'existencede règle.

35. La soumission du traitéau droit international exclut, à ce niveau,
une idéede sanction, ou plus exactementla déclaration de conformité ou
non à la norme; la question de la licéitau regard du droit international
est hors de propos. Le problèmeest de savoir si lesparties contractantes
entendent soumettre leur accord au droit international ou non; si la
réponseest affirmative, on a affaire à un traité. Mais la soumission au
droit international ne signifiepas que le traité soitsoumis exclusivement
à celui-ci.Ainsi apparaît un espace mixte où se rencontrent pour s'appli-
quer dans leurs sphères respectives le droit international et le droit
interne. C'estàjuste titre que le Canada a édictdes dispositionsde droit
interne maritime pour la conservation et la gestion des ressources halieu-
tiques. Mais en droit international, le problème ne se pose pas exacte-
ment dans les mêmestermes.
36. Le renvoi au droit international n'est pas envisagéde manière

générale à la manière d'uneclause-type analogue à celle qu'on retrouve
dans les contrats privés.Il est envisagéde manièrerestrictive (qualiJied).
La convention de 1982,en raison de son caractèreuniversel, fixe lecadre
juridique de toute activitéen rapport avec le droit de la mer. Aussi est-il
de pratique communeaux Nations Unies d'interprétertoute règleou tout
instrument de droit international dans le domaine du droit de la mer
comme devant envisager spécialementla convention de 1982et l'accord
particulier en question.
37. La référenceà la convention de Montego Bay pour la définition
des conceptsjuridiques implique, à côté dela prise en compte des élé-
ments normatifs de définition, la considération à accorder à l'aspect
ratione loci du droit des espaces maritimes. Cette seconde donnéeest
capitale pour la compréhensionde l'économie générad lee la convention
compte tenu du rôle joué par l'idéede «paquet» lors de la troisième

conférence desNations Unies sur le droit de la mer. La conséquenceest
que dans l'accord sur les stocks chevauchants, seules les mesures de
conservation et de gestion soumiseset conformesaux règlesde la conven-
tion de 1982peuvent êtrequalifiéescomme telles - indépendamment de
leur licéité-, bien qu'il faille admettre que la nuance soit très légère
entre la définition dedroit international et la licéde ces mesures. 38. En conclusion, dans ces exemples tirés certes derapports juridi-
ques conventionnels, la référenceau droit est une condition intrinsèque
de la qualificationd'un actejuridique.

5. Elémentde droit et définitionjuridique
dans un acte unilatéral

39. En la présenteespèce,leproblèmetient àla nature unilatéralede la
déclaration de réserve; l'arrêetn déduitcomme conséquence la primauté
de la volonté de l'auteur de la déclaration etpartant la place large, sinon
exclusive,accordéeau droit interne de la partie défenderesseau principal.
Il en résulteune restriction de la définitiànson aspect matérielmême
pour une qualificationde ces faits en droit international.

La législationde droit interne, au regard du droit international, relève
de la mêmenature juridique que lesfaits soumis à l'examendu juge inter-
national qui est liépar la loi des parties. Il étaitdonc nécessairepour la
Cour d'établiravecexactitude lesfaits pertinents aux finsde règlementdu

différendpréliminaire; maisil étaitinsuffisant de ne s'entenir qu'à cette
dimension, sauf à vouloir méconnaître la nature de l'acte unilatéral de
réserve à la compétenceobligatoire. Unilatérale quant à sa source, la
réserve estinternationale quant au déploiementdeseseffetset en ce sens,
elle relève la fois du droit interne, ce que l'arrêt démontàesuffisance,
et du droit international, ce que l'arrêtévitede trancher voire même
d'envisager,ce qui est inacceptable.
40. Une déclaration assortie de réserve,parfaitement licite au regard
du Statut de la Cour, comme l'est, en la présenteespèce,la déclaration
canadienne, ne peut en effet avoir pour conséquence de conférerau seul
auteur de la réservela réalisationde la condition de l'exercicepar la Cour
de sa compétencejuridictionnelle. Les dispositions du paragraphe 6 de

l'article 36 interdiseàtla Cour de laisser à l'appréciation arbitrairede
l'une desparties l'interprétation d'une déclaration que cettepartiea effec-
tuéede manière entièrement discrétionnaire.
En faisant droit à l'interprétation unilatéralede la réserve, une consé-
cration judiciaire de la définition matérielle des mesures deconservation
et de gestion méconnaît lanature du réseau deliens instituépar les dif-
férentesdéclarations d'acceptationdu paragraphe 2 de l'article 36du Sta-
tut. Les liens entre les parties litigantes se nouent au moment ou les
conditions stipuléespar le défendeur sont acceptées, réserve comprise,
par le demandeur lors du dépôt de la requête. Dorénavanto , n n'a plus
affaireà une seule volonté, unique,celledu défendeur, mais à la volonté

commune des deux parties, telle que réaliséeà l'occasion dela rencontre
des volontésde l'auteur de la réserveet de 1'Etatdemandeur, concomi-
tance qui a mis en action le lienjuridictionnel entre les parties litigantes.
Il est, dès lors,difficilede s'écarterdes règlestraditionnelles d'interpréta-
tion conventionnellelorsqu'ily a lieu d'examiner la rencontre des volon-tés,soutenue par des arrière-penséesdifférentesconcernant la significa-
tion des mesures de conservation et de gestion.

41. La rencontre de volontés, en soi, ne suffit cependant pas pour la
création d'obligations juridiques.Il en est ainsi lorsque les partiàsun
accord n'ont pas voulu établir entreellesun rapport juridique et qu'elles
ont entendu écarter leur volonté commune de l'espace couvert par le
droit. En matière de qualificationjuridique, commentpeut-on être assuré
de la rencontre des volontés sur l'acception commune d'une notion par-
ticulièresi on n'a pas recours au mode d'expression accepté del'opinio

juris international, c'est-à-dire le droit international? La rencontre des
volontésne s'est ainsi opéréequ'à la condition que chaque partie ait
couléson consentement dans le moule de la définition des mesures de
conservation et de gestion en droit international.Il en résulteque c'est
par rapport a la définitionen droit international que doit être interprétée
la notion en cause aux fins de clôturer le différendintermédiairedans la
présenteinstance. Cette définitiondans le droit comprend deux volets
ratione materiae et ratione loci.
La question aurait étéde nature différentesi la réservecanadienne sti-
pulait la compétenceexclusive de l'auteur de la déclaration pour inter-
préterle droit international, mais une telle clause n'existepas. Dans ces
conditions, c'est à la Cour qu'il appartient de définirces mesures de
conservation et de gestion selon le droit international.
Mais la Cour ne peut répondre à la question essentielle du différend

préliminaire (le différend présenté par le demandeur dans sa requête
entre-t-il dans les prévisionsde la déclaration et de la réservedu défen-
deur?) tant qu'elle n'a pas procédé à l'examen au fond du différend.Il
faut en effet examiner le contenu de la mesure, la pratique des Etats, pour
s'assurer s'il s'agit de mesures de protection et de gestion, au sens où
l'entend la convention de 1982. Ainsi l'objection n'a pas un caractère
exclusivementpréliminaire.En répondant parl'affirmative à la question,
l'arrêtdonne droit aux revendications théoriques de fond du défendeur
qui solliciteune immunitédes mesures et actes qu'il accomplit, indépen-
damment de leur licéité.

Au terme de mon analyse:

1) les développements del'arrêtrelatif à l'objet du différendsont sans
lien direct avec la question que la Cour à traiterà l'occasion dela
présente procédure préliminaire;
2) l'objectiondu Canada n'a pasun caractèreexclusivementpréliminaire
et doit être jointeau fond.

(Signé) Raymond RANJEVA.

Bilingual Content

OPINION DISSIDENTE DE M. RANJEVA

Sommaire analytique - Risque de remise encausede la clauseoptionnelle -
dénaturation de l'objetdu différendprincipal.
Objet du différend - Modificationjudiciaire de l'objetdu différend présenté
par ledemandeur constitutive d'un ultra petita.
Défautde pertinence de lajurisprudence invoquéepar l'arrê t Interpréta-

tion de l'objetdu différendpar référence à l'acte de saisine - Absence de base
légalepour la modification del'objet du différend présenté danla s requête -
Paragraphe 1 de l'article 40 du Statut de la Cour internationalede Justice -
Obligationpour la Cour de respecter l'intégrité du petitum - Demandes au
fond et objections ou exceptions à la compétence - Impossibilitéjuridique de
définirl'objet définitifdu différendprincipal.
Distinction entre différendréelet arguments oufausses conclusionsmise en
euvre lors de la phase declôture de l'instance - DifJicultéde statuer sur la
causa petendi - Procédure préliminaire et situation de l'objet du différend.

Interprétationde la réservecanadienne - Historique des négociationssur la
définition des((mesuresde conservationet de gestion » de la convention de 1995
- Le Canada coauteur delapremièrepropositiorzd'amendementincorporantle
renvoiau droit internationalpour ladéfinitiondesmesures de conservationet de
gestion - Acceptation et portée del'amendementcoparrainé par leCanada -
Analyse de la notion de((mesuresde conservationet de gestion)) - Absence de
pratiques internationales contrairesaux prescriptions de l'alinéa b) de l'article

premier de l'accordde 1995.
Double objetdu renvoi à la définitiondes ((mesuresde conservationet de ges-
tion)) à la conventionde 1982: élémentde licéité relevand tufond et élémend t e
définition pertinentpour la phase préliminaire - Renvoi au droit et définition
juridique en général d'un concept - Référence audroit internationalpour la
définitiondes concepts utilisésdans un acte unilatéral - Dualitéde nature de
l'acte unilatéralde réserve - Réseaude liensjuridictionnels entre lesparties à
la clause optionnelle - Acceptation des conditions de l'auteur dela réserve lors

du dépôt de la requête - Créationde liens conventionnelsentre défendeuret
demandeur - Le droit international cadre commun de référenceaux deux
parties litigantes.
Question lors du diffërend préliminaire - Caractèrenon exclusivement pré-
liminaire de l'objectiondu défendeur.

Le respect que je porte à la Cour et à mes collèguesainsi que les exi-
gences d'une bonne administration de la justice internationale m'amè-
nent, à mon grand regret, à exprimer une opinion dissidente et à justifier

les raisons de mon vote négatifau dispositif du présentarrêt.
1. Je forme le vŒuque le présentarrêtde la Cour ne soit pas interprété
par les commentateurs et les lecteurs comme sonnant le glas du méca-
nisme de la clause optionnelle du paragraphe 2 de l'article 36du Statut de DISSENTING OPINION OF JUDGE RANJEVA

[Translation]

Summary - Risk of jeopardizing the optional clausesystem - Distortion of
the subject-matter of the main dispute.
Subject-matter of the dispute - Judicial restatement of the subject of the dis-

pute as submitted by Respondent constitutes an action ultra petita.
Lack of relevanceof the case-law reliedon by the Judgment - Interpretation
of the subject of the dispute by reference to the act of seisin - Absence of legal
groundsfor restatement of the subject of the dispute submitted in the Applica-
tion - Article 40, paragraph 1, of the Statute of the International Court of
Justice - Obligation on the Court to respect the integrity of the petiturn -

Claims on the merits and objections to jurisdiction - Legal impossibility of
defining thefinal subject of the substantive dispute.
Distinction between real dispute andarguments or purported submissions to
be operated ut thefinal phase of the proceedings - Dficulty of ruling on the
causa petendi - Preliminary proceedingsand status of the subject of the dis-
pute.
Interpretation of the Canadian reservation - Historical background to the

negotiations on the definition of "conservation and management measures"
under the 1995 Agreement - Canada CO-authorof thefirst proposed amend-
ment incorporatingthe reference to international lawfor the purpose of dejîning
conservation andmanagement measures - Acceptance and scopeof the amend-
ment CO-sponsored by Canada - Analysis of the concept of "conservation and
management measures" - Absence of any international practice inconsistent

with the requirements of Article 1 (b) of the 1995 Agreement.
Twofold purpose of the reference in the definition of "conservation andman-
agement measures" to the 1982 Convention: legality element relevant both ut
merits stage andfor purposes of definition in the preliminary phase - Role of
law inthegeneral legal dejînition of a concept - Reference to international law
in the definition of terms used in a unilateral instrument - Dual nature of the

unilateral act of reservation - Network of jurisdictional links between the
parties to the optional clause - Acceptance whenjîling the Application of the
conditions stipulated by the author of the reservation - Creation of conven-
tional relationsbetween Respondent and Applicant - International law as com-
monframe of referencefor the two litigating parties.
Question raised in the context of the preliminary dispute? Respondent's
objection not specificallypreliminary in character.

The esteem in which 1 hold the Court and my colleagues and the

requirements of a sound administration of international justice have led
me, to my great regret, to deliver a dissenting opinion, in which 1givethe
reasons for my negative vote on the operative part of the Judgment.

1. 1sincerely hope that the present Judgment by the Court will not be
interpreted by commentators and readers as sounding the death-knell of
the optional clause system under Article 36, paragraph 2, of the Statutela Cour internationale de Justice. L'arrêta adopté une démarche criti-
quable qui peut porter atteinteà l'intégritédu mécanismede la juridic-
tion internationale dont la base de compétence est denature consensuelle.
2. En premier lieu, il aurait étà,mon avis, plus approprié, à propos
de l'objet du différend, de faire l'économiede longs développements
autonomes qui aboutissent à la dénaturation de l'objet du différendprin-
cipal: en effet, l'objet définipar le demandeur, l'arrêt asubstitué, sans
jurisprudence pertinente à l'appui, un objet autre. Pour ma part, que

l'objet du différendfût interprétéde manière large comme l'entendait le
demandeur ou de manière étroiteselon le défendeur,la question impor-
tait peu;à la phase préliminaire,il s'agissait de déterminersi ledifférend
entrait ou non dans les prévisionsde la réservestipuléedans la déclara-
tion de la partie défenderesse.

3. En second lieu, l'interprétation de la réservede la partie défende-
resse apparaît inacceptable lorsqu'elle limitel'interprétation,mêàetitre
préliminaire, dela définition des ((mesuresdeprotection et degestion))à
la seule dimension matérielle et exclut toute référenceà l'élément juri-
dique de droit international incorporé dans la définition deces mesures

dans plusieurs instruments conventionnels pertinents; la définition des
((mesuresde protection et de gestion)), utiliséepar l'arrêt pourl'interpré-
tation de la réserve canadienne, manque de base pour son effectivité.
L'arrêt invoquedes pratiques nationales, nécessairementen deçà de la
zone des droits souverains de deux cents milles; en revanche, la décision
n'est pasà mêmed'invoquer une seule pratique internationale contraire à
la définition consensuellede cesmesures et constitutive d'une opiniojuris.

4. Contrairement à l'analyse effectuéepar la Cour dans les para-

graphes 29 à 33, j'estime que l'ensemble de la jurisprudence invoquée
pour justifier la modification, par voie judiciaire, de l'objet du différend
tel qu'exposépar le demandeur, n'est pas pertinente à l'analyse. La
conclusion énoncéeau paragraphe 35est sans précédentdans la jurispru-
dence: la Cour ne s'estjamais reconnue la compétence pour modifier
l'objetdu différend, et l'eût-ellevoulu qu'une telledécisionaurait manqué
de base légaleet constituéun ultra petita.
5. Bien qu'à mon avis, il s'agissed'une question subsidiaire pour le
règlementdu présent différend préliminairej,e me dois d'expliquer mon
désaccord,compte tenu des conclusions auxquelles l'arrêtest parvenu sur
ce point.

I. Défautde pertinence de lajurisprudence invoquée

6. L'arrêtinvoque plusieurs décisions antérieuresde la Cour pour jus-
tifier la modification de l'objet du différendpar rapportl'objet du dif- of the International Court of Justice. The approach adopted by the Judg-
ment is open to criticism and could damage the integrity of the system of
international jurisdiction, which is built on a consensual foundation.
2. In the Jirst place, it would have been more appropriate in my
opinion, asfar as the subject of the dispute was concerned, to have omit-
ted certain lengthy, autonomous arguments which have resulted in the
nature of the subject-matter of the substantive dispute being changed: in
effect, in place of the subject as it was defined by the Applicant, the Judg-
ment has substituted a different subject, without the support of relevant
case-law.To my mind, it mattered little whether the subject of the dispute
was interpreted broadly as the Applicant wished, or narrowly as the
Respondent contended; what needed to be determined at the preliminary
stage was whether or not the dispute came within the terms of the reser-
vation formulated in the declaration by the respondent Party.
3. In the secondplace, the respondent Party's interpretation of the res-
ervation is plainly unacceptable in so far as, even for preliminary pur-

poses, it confines its definition of "conservation and management meas-
ures" to the material aspect, excluding any reference to the international
law component included in the definition of such measures in various rele-
vant treaty instruments; the definition of "conservation and management
measures" which is employed in the Judgment for purposes of the inter-
pretation of the Canadian reservation lacks an effectivebasis. The Judg-
ment invokes national practices, which are necessarily circumscribed by
the 200-milearea of sovereignjurisdiction; on the other hand, it isunable
to cite a singleexample of international practice inconsistent with the gen-
erally agreed definition of such measures and constituting an opiniojuris.

4. Contrary to the reasoning of the Court in paragraphs 29 to 33,
1consider that none of the case-law cited to justify a judicial restatement
of the subject of the dispute as presented by the Applicant is relevant.

The finding set out in paragraph 35 is without precedent in the Court's
case-law: the Court has never declared itself competent to change the
subject-matter of a dispute, and if it had ever sought to do so, such a
decision would have been without legal foundation and ultra petita.

5. Although 1 consider this a subsidiary question for purposes of a
decision on the present preliminary issue, 1consider it my duty to explain
why 1am in disagreement, in viewof the conclusionsreached in the Judg-
ment on this point.

1. Lack of Relevance of the Case-law Cited

6. The Judgment cites a number of previous decisions of the Court to
justify its restatement of the subject of the dispute in relation to the sub-férendprincipal formulépar la partie demanderesse.L'analyse de lajuris-
prudence évoquéemontre que la conclusion de l'arrêtest contestable:
il n'y a pas de précédentqui autorise la Cour àdisqualifier ou àchanger
les termes de l'objet définipar le demandeur; lajuridiction, selon les cir-
constances propres de chaque espèce,a ajustéles limites du différend
mais n'a pas substitué un nouvel objet àcelui présentépar le demandeur
au principal. La Cour ne s'estjamais prononcéede manièreaussi catégo-
rique qu'au paragraphe 29de la présente décision lorsqu'elleaffirmeque:
«La Cour ne saurait s'en tenir aux seuls termes de la requête ni,plus
généralements ,'estimerliéepar les affirmations du demandeur. »Afin de
faciliterla compréhensiondu présentparagraphe, on suivral'ordreadopté

par l'arrêt.

1) Différend territorial (Jamahiriya arabe 1ibyenneITchad)

7. La Cour n'a pas étésaisie d'un compromis stricto sensu contraire-
ment à la description qui a été faite dans le paragraphe 29. Les deux

Parties «sont convenu[e]s ...que l'instance avait en fait été introduitepar
deux notifications successivesdu compromisque constitue l'accord-cadre
du 31 août 1989))(C.I.J. Recueil 1994, p. 11, par. 8). Mais il y avait
accord entre les deux Parties pour qualifier de territorial le différendles
opposant dans la bande d'Aouzou. Les demandes respectives des Parties
(portant sur l'étendue de lazone contestée) étaientsi divergentes que la
Cour devait définirla superficielitigieuse.

«18.La Cour a étésaisie du présentdifférendentre la Libye et le
Tchad par les notificationsqui lui ont été faitesdu compromiscons-
tituépar l'accord-cadre du 31août 1989 ...L'accord-cadre présentait
le différendentre lesParties comme «leur différendterritorial »,mais
ne le qualifiait pas davantage; or il ressort des écritures etdes plai-
doiries des Parties que celles-cisont en désaccord sur la nature du
différend ..
.............................
19. La Libye considère ainsi qu'il n'existe pas de frontière et

demande à la Cour d'en déterminerune. Quant au Tchad, il consi-
dèrequ'il existeunefrontière et demande à la Cour de dire quelleest
cette frontière. Pour la Libye, l'affaire a traitn différendconcer-
nant l'attribution d'un territoire, tandis que, pour le Tchad, elle a
traità un différendsur le tracé d'une frontière.))(C.I.J. Recueil
1994, p. 14-15.)

Mais en réalité,il n'y avait pas de différencesubstantielle entre les
Parties, sur le fond de la question. En effet, si le différendporte sur le
tracéde la frontière ou s'ilporte sur l'attribution d'un territoire, l'objet
véritabledudifférend estd'établirleslimitesprécisesdu territoire de cha-
cun des deux Etats. La Cour, en principe, a admis que tel étaitle cas.ject of the substantive dispute as formulated by the Applicant. Analysis
of the precedents relied on shows that the conclusion reached in the Judg-
ment is open to question: there is no precedent which authorizes the
Court to change the nature or terms of the subject as defined by the
applicant ;the Court has, according to the specificcircumstances of indi-
vidual cases, adjustedthe parameters of the dispute, but it has never sub-
stituted a new subject for that submitted by the applicant in the substan-
tive dispute. The Court has never before taken such a categoricalstand as
in paragraph 29 of the Judgment, where it Statesthat: "the Court cannot
be restricted to a consideration of the terms of the Application alone nor,
more generally, can it regard itself as bound by the claims of the Appli-
cant". To facilitateunderstanding of the present paragraph, 1shall follow
the order adopted by the Judgment.

(1) Territorial Dispute (Libyan Arab JamahiriyaIChad)

7. The Court, contrary to what was stated in paragraph 29, was not
seised of a Special Agreement stricto sensu. The two Parties "agreed . . .
that the proceedings had in effect been instituted by two successivenoti-
fications of the Special Agreement constituted by the Accord-Cadre of
31 August 1989" (1C.J. Reports 1994, p. 11, para. 8). However, it had
been agreed between the two Parties to describe as territorial the dispute
between them over the Aouzou strip. The respectiveclaims of the Parties
(concerning the size of the disputed area) were so divergent that the
Court was obliged to define the area in dispute.

"18. The Court has been seised of the present dispute between
Libya and Chad by the notifications of the special agreement con-
stituted by the Accord-Cadre of 31 August 1989 . ..The Accord-
Cadre described the dispute between the Parties as 'their territorial
dispute' but gaveno further particularization of it, and ithas become
apparent from the Parties' pleadings and oral arguments that they

disagree as to the nature of the dispute . . .

19. Thus Libya proceeds on the basis that there is no existing
boundary, and asks the Court to determine one. Chad proceeds on
the basis that there is an existing boundary, and asks the Court to
declare what that boundary is. Libya considers that the case con-
cerns a dispute regarding attribution of territory, while in Chad's
view it concerns a dispute over the location of a boundary." (I.C.J.
Reports 1994, pp. 14-15.)

In reality, however, there was no substantial difference between the
Parties on the merits.Indeed, whether the dispute concernedthe location
of the boundary or whether it concerned attribution of territory, the real
issue was to establishthe precise limits of the territory of each of the two
States. The Court acknowledged in principle that that was the case.2) Essais nucléaires (Nouvelle-Zélandec. France)

8. Dans les affaires des Essais nucléaires,la Cour a souligné qu'elle
étaiten droit d'interpréter les conclusions des Parties pour s'assurer de
l'objet véritabledu différend,de l'objet et du but de la demande, en pre-
nant en considération non seulement les conclusions du demandeur mais
l'ensemblede la requête,les arguments développésdevant la Cour par le
demandeur, les échangesdiplomatiquesqui ont étéportés à son attention
et les déclarations publiques faites au nom du gouvernementdemandeur.

«Si ces éléments délimitenn tettement l'objet de la demande, ils ne peu-
vent manquer d'influer sur l'interprétation des conclusions.» ' La Cour a
aussi soulignéson pouvoir

((d'écarter,s'ilest nécessaire,certaines thèsesou certains arguments
avancés parune partie comme élément desesconclusionsquand elle
les considère,non pas comme des indications de ce que la partie lui
demande de décider,mais comme des motifs invoqués pour qu'elle
se prononce dans le sens désiré»2.

9. Dans le premier arrêt,Australie c.France, les conclusions de la
Cour se comprennent à la lumière des deux données suivantes:

- la Francefaisant défaut àla procédure,la Cour proprio motu et sefon-
dant sur le paragraphe 2 de l'article 53 de son Statut s'est assuréedu
bien-fondé endroit et en fait des conclusions, c'est-à-dire des indica-
tions de ce que le demandeur lui demande de décider.Le doute pou-
vait, en effet, êtreinstilléde la présence de deuxparagraphes distincts
de conclusion dans la requête, le second ayant un objet déclaratoire
de droit;
- c'est en se fondant sur le comportement persistant et les déclarations
constantes de l'Australie, uniquement, que la Cour a définil'objet du

différenden distinguant ce que le demandeur réclamaitet leséléments
de la conclusion: les thèses,les arguments et les motifs.

10. Dans le second arrêt,Nouvelle-Zélande c. France, les termes du
problème sont apparemment quelque peu différents, compte tenu du
caractère spécifiquedes conclusions néo-zélandaises.L'arrêt,en effet, a
procédé à l'analysede l'entièretéde l'objet du différenden en distinguant
l'origine de l'objectifinitial et ultime, dans le passage suivant:

«Il est clair cependant que le différendtrouve son origine dans les

'Essais nucléaires(Australie c. France), C.Z.J.Recueil 1974,p. 263, par. 30, et Essais
nucléaires(Nouvelle-Zélandec. France), 467, par. 31.
Essais nucléaires(Australie c. France), C.Z.J. Recueil 1974, p. 262,par. 29, et Essais
nucléaires(Nouvelle-Zélandec. France), p. 466-467,par. 30.(2) Nuclear Tests (New Zealand v.France)

8. In the Nuclear Tests cases, the Court held that it was entitled to

interpret the submissions of the Parties in order to ascertain the true sub-
ject of the dispute and the object and purpose of the claim, taking into
account not only the submissions of the Applicant, but the Application
as a whole, the arguments of the Applicant before the Court, the diplo-
matic exchanges brought to the Court's attention and public statements
made on behalf of the applicant Government. "If these clearly circum-
scribe the object of the claim, the interpretation of the submissions must
necessarily be affected."' The Court also made it clear that it had the

power
"to exclude,when necessary, certaincontentions or arguments which

were advanced by a party as part of the submissions, but which were
regarded by the Court, not as indications of what the party was ask-
ing the Court to decide, but as reasons advanced why the Court
should decide in the sense contended for by that partyM2.

9. In the first Judgment, Australia v. France, the Court's findings are
to be understood in the light of the following two points:

- as France failed to appear in the proceedings, the Court of its own
motion and on the basis of Article 53,paragraph 2, of its Statute, had
to satisfy itself that the submissions - that is to say the statements of
what the Applicant was asking it to decide - were correct in law and
in fact. There was an element of doubt in this regard, because the
submissions in the Application contained two separate paragraphs,

the second of which sought a declaration on the law;
- it was on the basis of the persistent conduct and consistent state-
ments of Australia, and nothing else,that the Court defined the sub-
ject-matter of the dispute, distinguishing between the Applicant's
claims and the elements of the submission: contentions, arguments
and reasons.

10. In the second Judgment, New Zealand v. France, the terms of the
problem are apparently somewhatdifferent, taking into account the spe-
cificnature of New Zealand's submissions. The Judgment set out to ana-
lysethe entire subject-matter of the dispute, making a distinction between

the origin of the dispute and the original and ultimate objective in the
following passage :

"However, it is clear that thefons et origo of the dispute was the

l Nuclear Tests (Australia v. France), I.C.J. Reports 1974, p. 263, para. 30, and
Nuclear Tests (New Zealand v. France), p. 467, para. 31.
Nuclear Tests (Australia v. France), I.C.J. Reports 1974, p. 262, para. 29, and
Nuclear Tests (New Zealand v. France), pp. 466-467,para. 30. essais nucléaires atmosphériques effectuéspar la France dans la
régiondu Pacifique Sud et que le demandeur a eu pour objectif ini-
tial et conserve pour objectif ultime la cessation de ces essais.))
(C.Z.J. Recueil 1974, p. 467, par. 31;les italiques sont de moi.)

Ainsi, c'esten se fondant sur la continuité et la cohérencede l'attitude
et des demandesde la partie requérante que la Cour s'appuie pour inter-
préter l'objet du différendsans pour autant aboutir à une modification
de cet objet initial. L'arrêt a interprétéles conclusions de la Nouvelle-
Zélandetelles qu'ellesétaientformuléesdans la requête,confirméespar
le comportement constant et continu du demandeur et finaliséesdans
les conclusions.

3) Droit de passage sur territoire indien

II. Dans cette affaire, la Cour, pour ne pas se laisser induire en erreur
par un passage de la requête intitulé((Objet du différend)),qui décrivait
l'objet du différend defaçon restrictive, a précisé cetobjet en récapitulant
les différentesformules des demandes déjàénoncéesdans la requête,les
plaidoiries et les conclusions des Parties.

4) Délimitation maritime et questions territoriales entre Qatar et
Bahrein

12. L'objet du différendétait, d'accord entreles Parties, définiselon la
formule ((bahréïnite));le Qatar, qui a saisi la Cour par voie de requête et
qui n'a présenté que sespropres demandes n'a pas étépour autant déchu
de son droit procéduralpour n'avoir pas soumisl'entièretédu différend;
par un jugement interlocutoire, il a été demandé aux Partiesde présenter
l'entièretéde l'objet du différend.Dans cette affaire, la Cour a confirmé
que le différendsoumis par Qatar le 30 novembre 1994 correspondait
exactement aux accords et décisionsprécédents.

«Par suite, il apparaît que la formulation retenue par Qatar décri-
vait exactementl'objet du litige. Dans ces conditions, la Cour, tout
en regrettant qu'un accord n'ait pu intervenirentre les Parties quant

à ses modalités de présentation, est amenée à constater qu'elle est
maintenant saisie de l'ensemble du différend, et que la requêtede
Qatar est recevable.)) (C..J. Recueil 1995, p. 25, par. 48.)

En conséquence,d'une part lajurisprudence invoquéetraite de l'inter-
prétation de l'objet du différend ense référant auxtermes utilisésdans
l'acte de saisine, d'autre part cette interprétation a consisàdéterminer
l'entièretéde cet objet sans pour autant en modifier les termes. atmospheric nuclear tests conducted by France in the South Pacific
region, and that the originaland ultirnateobjective of the Applicant
was and has remainedto obtain a termination of those tests." (I.C.J.
Reports 1974, p. 467, para. 31; emphasis added.)

It is thus on the basis of the continuity and consistency of the attitude
and claims of the applicant Party that the Court founded its interpreta-
tion of the subject of the dispute, without, however, going so far as to
restate the original subject. The Judgment interpreted the submissions of
New Zealand as formulated in the Application, confirmed by the con-
stant and consistent conduct of the Applicant and finalized in the sub-
missions.

(3) Right of Passage over Indian Territory

11. In this case, the Court, in order to avoid being misledby a passage
in the Application entitled "Subject of the Dispute", which gave a restric-
tive description of the subject-matter of the dispute, defined the subject-
matter by recapitulating the various claims already formulated in the
Application, the oral arguments and the submissions of the Parties.

(4) Maritime Delimitation and Territorial Questions between Qatar
and Bahrain

12. By agreement between the Parties, the subject of the dispute had
been defined in accordance with the "Bahraini" formula; Qatar, which

had seisedthe Court by application, presenting only its own claims, was
not thereby deprived of its procedural rights, notwithstanding that it had
failed to submit the dispute in its entirety; in an interlocutory Judgment,
the Parties were requested to present the subject of the dispute in its
entirety. In that case, the Court confirmed that the dispute submitted by
Qatar on 30 November 1994was in exact conformity with the previous
agreementsand decisions.

"As a consequence, it appears that the form of words used by
Qatar accurately described the subject of the dispute. In the circum-
stances, the Court, while regretting that no agreement could be
reached between the Parties as to how it should be presented, con-
cludes that it is now seised ofthe whole of the dispute, and that the
Application of Qatar is admissible." (1C.J. Reports 1995, p. 25,
para. 48.)

It is thus clear, on the one hand, that thejurisprudence cited deals with
the interpretation of the subject of the dispute by reference to the terms
used in the act of seisin and, on the other hand, that such interpretation
has consisted in defining that subject in its entirety, without thereby
restating its terms. 2. Absence de base légale pour unemodijïcation par la Cour de l'objet
du différendprésentépar le demandeur devantla Cour

L'article 40 du Statut en son paragraphe 1et le caractère incident de la
procédurepréliminaire,n'autorisent pas la Cour àmodifier l'objet du dif-
férend.

1) Les dispositions duparagraphe 1 de l'article 40 sont claires

13. a) L'indication de l'objet du différenddans l'acte introductif est
une obligation prescrite directement par le Statut. Cette obligation est
indépendante de la voie mise en Œuvre pour permettre à l'instance de
s'ouvrir. La meilleure interprétation de la notion d'objet du différendest
fournie à deux reprises dans l'ouvrage de Stauffenberglorsqu'est traitée
la notion d'objet du différend à propos de la rédaction de l'article 40 du
Statut de la Cour permanente de Justice internationale:

«Cette requête détermine l'objetdu différend. L'«objet», terme
juridique, a paru plus préciset plus utile, au point de vue de l'effetde
la chose jugée,que la «nature» dont parlait l'article 30 du texte des

Cinq Puissances» (rapport du comitéconsultatif desjuristes, p. 734,
et Statut et Règlement dela Courpermanente de Justice internatio-
nale - élémentsd'interprétation,Car1 Heymanns Verlag, Berlin,
1934,p. 294),

«lors de la session préliminaire,la suppression des mots «la dési-
gnation de la chose demandée))fut proposée,ces mots étantjugés

superflus, puisqu'il est déjàfait mention de l'indication de l'objet du
différend, ou bien erronés puisqu'ily a des cas dans lesquels on ne
demande pas une chose mais tout simplement la déclaration du
droit» (Statut et Règlement de la Courpermanente de Justice inter-
nationale - éléments d'interprétation o,p. cit., p. 301).

L'objet du différendest très étroitement lié à la ((chose demandée)),le
petitum, c'est-à-dire la reconnaissance, par la voie judiciaire, d'un droit
substantiel auquel prétend la partie demanderesse dans une requête uni-
latérale.
14. b) Dans une introduction de l'action par voie de requête, le
demandeur a la responsabilité principale pour définirl'objet originel du
différend. Formellement, lepetitum est exposédans la requêteet c'est la
seuledescription de l'objet du différenddont dispose la Cour. Tant que la
partie défenderesse n'apas formuléelle-mêmeses prétentions et ses pro-
pres petita au fond soit dans le contre-mémoire(article 43, paragraphe 2

du Statut) soit dans le cadre d'une demande reconventionnelle (article 80
du Règlement),l'objet du différendtel qu'exposédans la requêtes'impose
à la Cour. Avant la détermination définitivede l'objet du différendqui 2. Absence of Legal Groundsfor a Restatement by the Court of the
Subject of the Dispute Submitted to the Court by the Applicant

Neither Article 40, paragraph 1, of the Statute nor the incidental
nature of preliminary proceedings authorizes the Court to restate the
subject of the dispute.

(1) Theprovisions of Article 40, paragraph 1, are unambiguous

13. (a) The indication of the subject of the dispute in the document
instituting proceedings is a direct requirement under the Statute. This
requirement is independent of the means used to initiate the proceedings.
The most cogentinterpretation of the notion of the subject of the dispute
is provided in two passages of the work by Stauffenberg, where he deals
with the notion of the subject of the dispute in relation to the text of
Article 40 of the Statute of the Permanent Court of International

Justice :
"This application determinesthe subject of the dispute. It was felt
that the word 'subject', a legal term, should be used as being more
precise and more useful, from the point of view of the resjudicata,

than the term 'nature' used in Article 30 of the five-Power plan"
(Report of the Advisory Committee of Jurists, p. 734, and Statut et
Règlement de la Cour permanente de Justice internationale -
éléments d'interprétationC , ar1 Heymanns Verlag, Berlin 1934,
p. 294) ;
"at the preliminary session, the deletion of the words 'an indication
of the claim' was proposed. They were deemed either redundant,

since reference was already made to an indication of the subject of
the dispute, or erroneous, since there were cases in which there was
no claim but simply a request for a statement of the law" (Statut et
Règlement de la Courpermanente de Justice internationale - élé-
ments d'interprétation,op. cit., p. 301).

The subject of the dispute is closely bound up with the "claim", the peti-
tum, that is to say, the judicial recognition of a substantiveright claimed
by the applicant party in a unilateral application.

14. (b) When proceedings are instituted by application, it is the appli-
cant who has the principal responsibility for defining the original subject
of the dispute. The petitum is fonnally set out in the application and con-
stitutes the only description of the subject of the dispute available to the
Court. As long as the respondent party has not itself formulated its
claims and its own petita on the merits, either in a counter-memorial

(Art. 43, para. 2, of the Statute) or by way of counter-claim (Art. 80,
Rules of Court), it is with the subject of the dispute as described in the
application that the Court must deal. Until it makes a definitive determi-interviendra après le dépôt des petita du défendeur, l'immutabilité de
l'objet initial du différendau principalà l'égarddu juge est incontour-
nable: la Cour ne peut se prononcer, dans ses actes, que sur la base de

cette définitionsans pouvoir en modifier les termes, ni surtout porter
atteinteà l'intégritdu petitum. Dans l'exercice deson pouvoir d'explici-
ter les prétentionsimplicites, elle ne peut modifier letitum du deman-
deur. Tout au plus peut-elle constater qu'il n'y a pas de différendsur
l'objet ou sur certains aspects de cet objet exposésdans la requête;mais
en disant que le différend véritable esttel que l'arrêtle présentedans le
paragraphe 35, la Cour a modifiélepetitum du demandeur et statuéen
dehors du cadre de ce qui est explicitementdemandé sanss'attacher à la
justification de son analyse sur les propres faits, actes et comportements
de la partie demanderesse. Aussi est-ce en se fondant sur une interpréta-
tion inexacte car incomplètede lajurisprudence sus-rappeléeque la Cour
est parvenue à une conclusion inacceptable selon laquelle «plus généra-
lement, [elle nesaurait] s'estimerliéepar les affirmationsdu demandeur))
(voir le paragraphe 29).

2) Le caractère incidentde laprocédure préliminaire consacr àéla com-
pétenceet à la recevabilitéfixe, par transposition des paragraphes5
et 6 de l'article79 du Règlement,le cadreet la mesurede laréférence
auxfaits de l'espèceau stade actuel de laprocédure

15. Les faits et actes survenàsl'Estaisont pour la partie défenderesse
au principal des arguments et des moyens utiliséspour justifier l'incom-
pétence dela Cour et l'irrecevabilitéde la demande espagnole. Les faits
ne constituent pas des demandes ni des conclusions au fond; ils sont
invoquéspour faire écarter la demande principale sans examen du fond
du différendpar la voie de la contestation du pouvoir de la Cour de sta-
tuer sur le différendqui lui est soumis.

16. Ne disposantpas despetita au fond du défendeur,ni de sesconclu-
sions en défense,laCour ne peut, àce stade, procéderà la détermination
définitive del'objet du différend.Au stade actuelde la procédure, la ren-
contre de la demande principale et de l'objection du défendeur détermine
l'objet du différendpréliminaire;ce dernier différend estdistinct du dif-
férendprincipal tout en lui étantincident; c'est aux seules fins de règle-
ment du différend préliminairedans les termes du paragraphe 7 de l'ar-
ticle79du Règlementdela Courquecette description d'objetesteffectuée.
Dans ces conditions,la Cour ne dispose que d'une seule prétention,celle
du demandeur expriméedans la requête initiale. Cette définition de
l'objet principal continue s'imposer à la Cour qui, sans affecter le fond
du différend, ne peut modifier le petitum du demandeur. En l'espèce,
cependant, la Cour a procédé àune redéfinitionen invoquant au para-
graphe 32 la distinction entre «le différe...[réel]et les arguments uti-

liséspar les parties l'appui de leurs conclusions respectives sur ce diffé-
rend ».nation of the subject of the dispute, which it will do after the respondent
has fileditspetita, the Court is bound to accept that it cannot changethe

original subject of the substantivedispute: the Court can rule only on the
basis of that definition and may not alter its terms or, in particular, vio-
late the integrity of the petitum. In the exercise of its power to clarify
implicit claims, it is not entitled to modify the petitum of the applicant.
At the very most, it can find that there is no dispute on the subject as set
out in the application, or on certain aspects thereof; but in stating that
the real dispute is that presented in paragraph 35 of the Judgment, the
Court has altered the petitum of the Applicant and gone outside the
framework of the expressterms of the Application,without attempting to
justify its reasoning on the basis of the actual actions and conduct of the
applicant Party. It is thus on the basis of an incomplete, and therefore
inaccurate, interpretation of the above-mentioned jurisprudence that the
Court reached the unacceptable conclusion that "more generally, [it
could not] regard itself as bound by the claims of the Applicant" (see
paragraph 29).

(2) It is the incidental character of preliminary proceedings on juris-
diction and admissibility which, through the operation of para-
graphs 5 and 6 of Article 79 of the Rules of Court, determines the
scope and extent of the relevant facts ut the current stage of the
proceedings

15. The Respondent relies upon the acts against the Estai as argu-
ments and grounds to establish the Court's lack of jurisdiction and the
inadmissibility of the Spanish Application. Those acts constitute neither
claims nor submissions on the merits; they are invoked in order to have
the substantive claim dismissedwithout consideration of the merits of the
dispute, by means of a challenge to the Court's power to adjudicate upon
the dispute submitted to it.
16. Not having before it the Respondent's petita on the merits, or its
submissions in defence, the Court cannot, at this stage, make a final
determination as to the subject of the dispute. At the present stage of the
proceedings, it is the combined effect of the substantive claim and the
Respondent's objection which determines the subject of the preliminary
dispute; the latter dispute is both distinct from and incidental to the sub-

stantive dispute; this determination of the subject-mztter is carried out
solely for thepurpose of settlingthe preliminarydispute pursuant to Ar-
ticle 79,paragraph 7, of the Rules of Court. Here, the Court has before it
only one claim, that of the Applicant as expressed in the initial Applica-
tion. This statement of the subject of the substantive dispute remains
bindingupon the Court, which cannot, without affecting the substance of
the dispute, restate the petitum of the Applicant. In this case, however,
the Court has redefined the subject, citing, in paragraph 32, a distinction
between "the [real]dispute ... and arguments used by the parties to sus-
tain their respective submissions on the dispute".3) Différendréelet arguments utilisés à l'appui des conclusionsdu para-
graphe 32 de l'arrêt

17. Les arguments utiliséspar le paragraphe 32pour fonder la distinc-
tion entre différendréelet arguments utilisés à l'appui des conclusions
manquent, àl'analyse,de base démonstrativeconcluante,compte tenu de
la pratique de la Cour et de la nature de la cause de l'action judiciaire.
18. a) Dans la pratique constante de la Cour, la mise en Œuvrede la
distinction entre différendréelet arguments ou conclusions et fausses
conclusions est opéréeau stade de clôture de l'instance, lors de l'examen
du fond du différendou lors d'une décision rél liminairde non-lieu.
Cette pratique s'explique aisémentpour des raisons de bon sens et de
considérations procédurales. Onne peut pas, évidemment,parler de dif-
férendau sens propre tant que seules les prétentions unilatéralesau fond
de l'une des parties, en l'occurrence le demandeur, ont été présentées

devant la Cour. Par ailleurs, c'est une foisl'objet du différenddéfinitive-
ment et entièrement préciséq , u'on peut faire le départentre l'ensemble
ou la totalitédu litiged'unepart et l'objet précis dela controverse d'autre
part: lesfaits et points de droit soumisla décisiondujuge; c'est eneffet
dans l'objet du différendque la Cour doit déterminerlespoints précis sur
lesquels elle peut statuer. Dans les deux affaires desssais nucléairesde
1974, la Cour avait à statuer sur une question préalable, de caractère
essentiellementpréliminaire :l'existenceou non d'un différend;une déci-
sion de non-lieu aurait privéde tout intérêu tne disposition sur la com-
pétence.La mise en Œuvre dela distinction entre conclusions et fausses
conclusions a été effectuéaeu niveau de l'examendes liens logiquesentre
les différentes conclusions formelles des parties. En 1974, pour savoir
laquelle des conclusions était lafausse, la Cour a dû procéderà l'examen
de l'hypothèsed'une demande de jugement déclaratoire par rapport à
l'objetde la demandeprincipalequi était la cessation des essaisnucléaires

en atmosphère; cette revendication avait été,dans les circonstances de
l'affaire, considérée commesatisfaite. L'hypothèse d'une demande de
jugement déclaratoirea étéécartée, comptetenu de la demande princi-
pale.
19. b) En exposant au paragraphe 34 une explication des relations
entre les éléments defait et de droit de l'affaire, l'arrêta pris parti sur la
ou les causes de la demande de l'Espagne. Le problème, à l'analyse, se
réduit cependant à l'interrogation suivante: pour statuer sur la compé-
tence et la recevabilité,doit-on avoir égard l'examendu motif de la pré-
tention du demandeur? En réalité,il est difficilede détermineravec exac-
titude ce qui, parmi tous ces élémentss,erait de natureà justifier l'action
de la partie demanderesse c'est-à-direlacausapetendi, alors mêmeque le
débat contradictoire sur le fond n'a pas étéentamé. Cette contrainte
d'ordre logique et procédural explique la raison pour laquelle les éven-
tuelles relations de causalité ne sont discutéesqu'au niveau des seules

conclusions formelles, les seulesdonnéesquisoient certaineset qui expri-
ment la penséeprofonde des parties et dont on peut prendre connaissance(3) Rsions (paragraph 32 of the Judgment)stain the Parties' submis-

17. On analysis, it is clear that the argument used in paragraph 32 to
justify the distinction between the real dispute and arguments used to sus-
tain submissions lacks probative force, having regard to the practice of
the Court and to the nature of the cause of action.
18. (a) It has been the consistent practice of the Court that the dis-
tinction between the real dispute and arguments, or between submissions
and purported submissions, is made at the final stage of the proceedings,
during consideration of the merits of the dispute or at the time of a pre-
liminary decision to terminate the proceedings. This practice is readily
explicable on grounds of common sense and procedural considerations.
Obviously, one cannot speak of a dispute, in the true senseof the term, as
long as only the unilateral claims on the merits of one of the parties, the
Applicant in this instance, have been placed before the Court. Moreover,
it is only once the subject of the dispute has been conclusively and fully
defined that it is possible to extract, from the mass or totality of con-
tested issues, the precise subject-matter of the litigatio:the points of fact

and law submitted to the Court for decision; in effect, it is on the basis of
the subject of the dispute that the Court must determine the precise
points upon which it may adjudicate. In the two Nuclear Tests cases of
1974,the Court had to rule first on a question essentially preliminary in
character: whether or not a dispute existed. A decision that there was no
dispute would have made a ruling on jurisdiction pointless. The Court
distinguished true submissions from purported submissions by examining
the logical nexus between the Parties' various forma1 submissions. In
those 1974cases, in order to determine which of the submissions was not
a true submission, the Court had to consider the request for a declaratory
judgment in light of the subject of the substantive claim, which was the
cessation of atmospheric nuclear tests; it took the view that, in the cir-
cumstances of the case, that claim had been met. Having regard to the
substance of the claim, the request for a declaratory judgment was
rejected.
19. (b) In its exposition, in paragraph 34, of the relationship between
the factual and legal elements of the case, the Judgment stated what it

considered to be the cause or causes of Spain's claim. On closer analysis,
however, the problem can be reduced to the following question: in order
to give a ruling on jurisdiction or admissibility, should consideration be
given to the reasons for the applicant's claim? In reality, it is difficult to
determine precisely which of al1the aforesaid elements would be capable
of supporting the claim brought by the applicant Party, that is to say,the
causapetendi, when the adversarial proceedings on the merits have not
even commenced. This logical and procedural constraint explains why
possible causal links are discussed only in the context of the forma1sub-
missions, these being the only definite data expressing the basic thinking
of the parties which can be known with certainty. In proceeding, at thisavec certitude. En donnant, dès la procédure préliminaire, aux faits et
actes litigieux une qualification de caractère définitif (voir le para-
graphe 34) autre que celle que la partie demanderesse a exposéedans sa
requête, l'arrêt procédé à une modification du petitum du demandeur.
Cette conclusion n'est pas acceptable.
20. A la fin de la procédurepréliminaire,la situation de l'objet du dif-
férendpourrait êtredécritedans les termes suivants.La Cour a, à sa dis-
position, la partie la plus importante de l'objet du différenddécrit dans
l'objet de la demande tel que celui-ciest exposédans la requêted'un côté
et de l'autre un ensemble de faits et d'actes constituéspares échanges

diplomatiques, les déclarations publiques et autres éléments depreuve
pertinents)) et utilisésaux fins de soutenir une objection de la partie
défenderesse(voir le paragraphe 31del'arrêt).A partir de ces données,la
Cour a formulé une conclusion dans laquelle l'arrêt a fait entrer'entiè-
retédu différend.Mais le résultatfinal de la procédure, en l'espèce,étant
le rejet définitifde la demandede l'Espagne, l'arrêtest censéavoir jugéla
demande sous toutes les qualifications et toutes les hypothèses.Une telle
condition n'a pu êtrerespectée enl'espèce; l'arrêt aen effet, proprio
motu, procédé à une modification de l'objet du différend sans avoir
épuisé l'examen préalabledes hypothèses possibles.
Pour ces raisonsl'arrêt,en modifiant l'objet du différendpar rapporà
l'objet du différenddécrit dans la requête, a statuéultra petita.

21. Je souhaiterais, pour achever cette première partie, attirer l'atten-
tion sur les risques inhérentàune décisionde cette nature:
1) la désertion du prétoire de la Cour, faute de garantie pour les Etats
contre le risque d'une modification, dès la phase préliminaire, de
l'objet du différend qu'ilssoumettraientàla Cour;

2) l'incertitude du sort des droits des parties litig:quelle est en effet
la mesure de la uesjudicata en l'espèce?

II. INTERPRÉTATI OENLA RÉSERVE CANADIENNE

Dans l'interprétation de la réservecanadienne,l'arrêt adéfini,proprio
motu, les mesures législativescanadiennes de mesures de protection et de
gestion des ressources halieutiques. En fait, la véritablequestion est de
déterminersi une telle définitionsuffit au regard du droit international.

1. Méthoded'interprétationde la dé$nitiondes ((mesures

de conservation et de gestion))
22. La méthode observéepar la Cour pour interpréter la clause de

réservea consisté àfaire prévaloirl'intention du Canada, ce qui est par-
faitementcorrect à condition que cette intention soit contextualiséedanspreliminary stage of the case, definitivelyto characterize the contentious
events and acts (seeparagraph 34)in a manner at variance with that put
forward by the applicant Party in its Application, the Court changed the
Applicant's petitum. That is unacceptable.

20. At the close of the preliminary proceedings, the situation with
regard to the subject of the dispute could be described in the following
terms. The Court had before it, on the one hand, the major component of
the subject-matter of the dispute as defined in the claim set out in the

Application and, on the other hand, a set of facts and actions constituted
by "diplomatic exchanges, public statements and other pertinent evi-
dence" and relied on to support an objection by the respondent Party (see
paragraph 31 of the Judgment). On the basis of this information, the
Court, in its Judgment, reached a finding which encompassedthe dispute
in its entirety. However, as the final outcome of the proceedings in this
case was the definitive rejection of Spain's claim, the Judgment must be
considered to have examined the claim in terms ofal1possible characteri-
zations and hypotheses. This is not what it did here; instead, the Court
restated the subject-matter of the disputeroprio motu, without having
completed its preliminary examination of al1possible hypotheses.
It follows that, in restating the subject of the dispute by comparison
with that set out in the Application, the Court ruledltrapetita.
21. In concluding this first section, 1 should like to draw attention to
the risks inherent in aecision of this kind:

(1) abandonment of the Court as a judicial forum, since there would be
no guarantee for States against the risk of restatement, at the pre-
liminary stage, of the subject of disputes submitted by them to the
Court;
(2) uncertainty as to the consequences for the rights of the litigating
parties: what, forexample, is the measure of the resjudicata in this
case?

II. INTERPRETATI OFNTHE CANADIAR NESERVATION

In interpreting the Canadian reservation, the Court proprio motu
defined the Canadian legislativemeasures as measures for the protection
and management of fisheriesresources. The real issue to be determined is
whether that definition is adequate from the standpoint of international
law.

1. Method of Interpretation of the Dejînition of "Conservationand
Management Measures"

22. The method followed by the Court in interpreting the reservation
clause was to givepriority to the intention of Canada, which is perfectly
proper provided that intention is placed in the context of the system ofle réseau desdéclarations facultatives de juridiction obligatoire. Pour ce
faire, elle a considéré commeétant de droit la définitionet l'interpréta-
tion exposéespar l'auteur de la réserve,nonobstant tous autres instru-
ments juridiques auxquels participent au moins les deux Etats litigants.
Au stade actuel de la procédure, il ne s'agissait pas de procéder à une
définitionprima facie des mesures de conservation, mais de vérifiersi
toutes les conditions pour que ce que le Canada qualifie de mesures de

conservation et de gestion sont satisfaites.
23. Dans le paragraphe 70 l'arrêtlimite la définition des({mesuresde
conservation et de gestion» àleur seule dimension technique et factuelle,
ce qui amène la Cour à donner sa propre définition, contrairement à la
définition explicitementviséedans les deux seuls instruments internatio-
naux directement pertinents: la convention des Nations Unies de 1995
sur les stockschevauchantset l'accord visantà favoriser le respect par les
navires de pêcheen haute mer des mesures internationales de conser-
vation et de gestion de la FAO. Cette conclusion est inacceptable car
la Cour ne s'est pas limitée à interpréter le droit positif, elle a créédu
droit.

2. Les instruments internationaux contenant la dé3nitiondes mesures
de protection et de gestion

1) Historique de l'accordde 1995 sur les stocks chevauchants

24. Les instruments internationaux pertinents sont constitués par les
articles premiers
de l'accord aux fins de l'application des dispositions de la convention

des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre1982rela-
tivesà la conservation età la gestion des stocks de poissons dont les
déplacementss'effectuent tant à l'intérieur qu'au-delàdes zones éco-
nomiques exclusives (stocks chevauchants) et des stocks de poissons
grands migrateurs, dénommé accord des Nations Unies de 1995 sur
les stocks chevauchants;
et de l'accord visant favoriser le respect par les navires de pêcheen
haute mer des mesures internationales de conservation et de gestion,
dénommé accordFA0 de 1993sur les navires de pêche.

Les articles premiers consacrésaux définitionsstipulent

a) Accord des Nations Unies de 1995sur les stocks chevauchants:

«On entend par ({mesuresde conservation et de gestion)) les me-
sures visantà conserver et à gérer uneou plusieurs espècesde res-
sources biologiques marines qui sont adoptées et appliquées de
manière compatible avec les règlespertinentes du droit international
telles qu'elles ressortent de la convention et du présent accord.»optional declarations of acceptance of compulsoryjurisdiction. In order
to do that, the Court accepted as correct in law the definition and inter-
pretation presented by the author of the reservation,notwithstanding the
various other legal instruments to which the two litigatingStates are inter
alia parties. At this stage in the proceedings, the task of the Court was
not to establish a prima facie definition of conservation measures, but to
ascertain whether al1 the conditions for what Canada characterizes as

conservation and management measures are satisfied.
23. Paragraph 70 of the Judgment restrictsthe definition of "conserva-
tion and management measures" to their technical and factual dimen-
sion,resulting in the Court giving its own definition,one at variance with
that expressly provided in the only two directly relevant international
instruments: the United Nations Agreement on Straddling Stocks of
1995 and the FA0 Agreement to Promote Compliance with Interna-
tional Conservation and Management Measures by Fishing Vessels on
the High Seas. This approach is unacceptable:the Court did not confine
itself to interpreting positive law, but created law.

2. International Instruments Containing a Definition of Conservation
and Management Measures

(1) Historical background to the 1995 Straddling Stocks Agreement

24. The relevant international provisions are constituted by Article 1

- of the Agreement for the Implementation of the Provisions of the

United Nations Convention on the Law of the Sea of 10 December
1982 Relating to the Conservation and Management of Straddling
Fish Stocks and Highly Migratory Fish Stocks, hereinafter "the
United Nations Straddling Stocks Agreement of 1995";

- and of the Agreement to Promote Compliance with International
Conservation and Management Measures by Fishing Vessels on the
High Seas,hereinafter"the FA0 Fishing VesselsAgreement of 1993".

Article 1of each of these instruments, which contains definitions, pro-
vides respectively as follows:

(a) United Nations Straddling Stocks Agreement:of 1995 :

"'conservation and management measures' means measures to con-
serve and manage one or more species of living marine resources
that are adopted and applied consistent with the relevant rules of
international law as reflected in the Convention and this Agree-
ment". b) Convention FA0 de 1993sur les navires de pêche:

«par ((mesuresinternationales de conservation et de gestion)) on
entend les mesures visant à conserver ou à gérerune ou plusieurs
espècesde ressources biologiquesmarines qui sont adoptées et appli-
quéesconformément aux règlespertinentes du droit international
telles que reflétédans la convention des Nations Unies sur le droit
de la mer de 1982. Ces mesures peuvent être adoptées soit pardes
organisations mondiales, régionalesou sous-régionales ..soit par
accord international.))

25. L'étude comparative de ces deux stipulations ne manque pas
d'intérêtà plusieurs titres. En premier lieu, l'influencedéterminante de
l'accord FA0 de 1993sur l'accord sur les stocks chevauchants lorsqu'il
s'est agide statuer sur l'incorporation de l'élémenjturidique dans la défi-

nition. Le droit de référence envisagé par rapport à la convention de
Montego Bay de 1982et àchaque accord spécifiquequi énonceune défi-
nition est un élémenc tonstitutif de cette définition. deuxièmelieu, les
deux accords sont des instruments conventionnels d'application de la
conventionde 1982sur le droit de la mer. Enfin, bien que cesinstruments
ne soientpas encore en vigueur àla date du présentarrêt,le Canada tant
que l'Espagne sont parties signataires de l'accord sur les stockschevau-
chants respectivement le 4 décembre1995et le 3 décembre1996.
26. L'examen de l'historique de la disposition 1 b) de la convention
sur les stocks chevauchants révèlele rôle important jouépar le Canada
pour la consécration, dans le futur accord, de l'élémenjturidique inter-
national comme élémentconstituant de la définitionjuridique des «me-

sures de conservation et de gestion)). Le Canada, le 14juillet 1993,a été
coauteur de la premièreproposition d'amendement qui prend en consi-
dération l'élémentde droit international pour définirles ((mesuresde
conservation et de gestion)). Le document initial au projet de convention
(NCONF.164IL.22) présenté à la quatrième session ne contenait pas de
dispositions pour définirles «mesures de conservation et de gestion)).Ce
fut le 14juillet 1993que, par la propositionNCONF.164IL.11, les délé-
gations d'Argentine, du Canada, du Chili, de l'Islande et de la Nouvelle-
Zélandeont introduit la référenceau droit international pour la défini-
tion des ((mesuresde protection et de gestion))dans les termes suivants :

«a) Le terme ((mesuresinternationales de conservation et de ges-
tion» s'entend des mesures visantla conservation ou la gestion
d'un ou plusieurs stocks chevauchants ou stocks de poissons
grands migrateurs en haute mer adoptéeset appliquéesconfor-
mémentaux principes du droit international consacrésdans la

convention des Nations Unies sur le droit de la mer et, en par-
ticulier, celles adoptées ou approuvéespar des organisations
régionales ou sous-régionales de conservation ou en vertu
d'arrangements régionaux ou sous-régionauxde conservation
des ressources halieutiques. (b) FA0 Fishing VesselsAgreement of 1993 :

"'international conservation and management measures' means
measures to conserve or manage one or more species of living
marine resources that are adopted and applied in accordance with
the relevantrules of international law as reflectedin the 1982United
Nations Convention on the Law of the Sea. Such measures may
be adopted either by global, regional or subregional . . .organiza-
tions . . or by treaties or other international agreements".

25. A comparative examination of these two provisions is not without
interest in several respects. In theJirst place, the decisive influenceof the
1993 FA0 Agreement on the Straddling Stocks Agreement when it came
to deciding whether to include the legal component in the definition.The
relevant law, as reflected in the 1982 Montego Bay Convention and in
each individual agreement containing a definition, is an intrinsic part of
the definition.Secondly, both agreements are treaty instruments for the
implementation of the 1982Convention on the Law of the Sea. Finally,
although neither instrument was yet in force at the date of the present
Judgrnent, both Canada and Spain are parties to the Straddling Stocks
Agreement, having signed it on 4 December 1995and 3 December 1996
respectively.
26. A review of the drafting history of Article 1 (b) of the Straddling
StocksAgreement revealsthe importance of the role played by Canada in

securingthe expressrecognition, in the future agreement, of international
law as a component of the legal definition of "conservation and manage-
ment rneasures". On 14July 1993,Canada was CO-authorof the first pro-
posed amendment, which provided for the inclusion of international law
as a component of the definition of "conservation and management
measures". The initial version of the draft Convention (AlCONF.1641
L.22), presented at the fourth session, contained no provision defining
"conservation and management measures". It was on 14 July 1993, in
proposa1 AICONF. 164lL.11, that the delegations of Argentina, Canada,
Chile,Iceland and New Zealand introduced the referenceto international
law for purposes of the definition of "conservation and management
measures", in the following terms:

"(a) 'international conservation and management measures'means
measures to conserve or manage one or more straddling fish
stocks or highly migratory fish stockson the high seasthat are
adopted and appliedin accordance with the principles of inter-
national law as reflectedin the United Nations Convention on
the Law of the Sea and, in particular, such measures adopted
or approved by regional or subregional fisheries conservation
organizations or under regional fisheries conservation
arrangements".La proposition conjointe d'amendement n'a pas reçu un appui suffisant
pour pouvoir être immédiatementincluse dans la version reviséedu pro-
jet; cette résistance dela conférence denégociationsexplique l'insistance
dont a fait montre le Japon pour que le problème fût rouvert en mars
1995avec l'amendement formel suivant:

((Article1, paragraphe 1

Ajouter l'alinéasuivant au texte du président:
c) Par ((mesuresinternationales de conservation et de gestion)), on
entend les mesures visant àconserver ou àgérer uneou plusieurs
espècesde stockschevauchants de poissons et de stocks de pois-
sons grands migrateurs qui sont adoptées et appliquéesconfor-
mémentaux règlespertinentes du droit international telles que
reflétéesdans la convention. Ces mesures peuvent être adoptées
soit par des organisations mondiales, régionalesou sous-régiona-

les s'occupant des pêches,sous réserve desdroits et obligations
de leurs membres, soit par accord international.))
(Cet alinéaa été rédigéen s'inspirant de l'alinéab) de l'article 1de
l'accord de la FA0 visant à favoriser le respect par les navires de
pêcheen haute mer des mesuresinternationales de conservation et de
gestion).» (Texte miméographiénon coté.)[Traduction du Greffe.]

27. Le document AlConf.1641CRP.6en date du 6 avril 1995incorpore
pour la première fois une définitionde droit positif, des mesures de
conservation et de gestion au sein de l'article premier du projet revisé:

«a) On entend par ((mesuresde conservation et de gestion» les
mesures visant à conserver et à gérerune ou plusieurs espèces
de ressources biologiques marines qui sont adoptées et appli-
quées de manière compatible avec les règles pertinentes du
droit international telles qu'ellesressortent de la convention et
du présent accord. »

La version finale a repris celle revisée(doc. AICONF. 164122lRev . )
moyennant une modificationmineure dans les termes suivants :

«a) On entend par ((mesures de conservation et de gestion» les
mesures destinées à conserver ou à gérer une ou plusieurs
espèces de ressources biologiques marines qui sont adoptées
et appliquéesde manière compatible avec les règlespertinentes
du droit international exposéesdans la convention et dans le
présent accord.»

28. Au terme de ce rappel historique, deux observations méritent de
retenir l'attention.n premier lieu, le rôle du Canada pour que la men-
tion de la référenceau droit international soit un élémentvisédans la
définition conceptuelle des mesures de conservation et de gestion; il
s'agissait d'une disposition qui n'était pas une simple clause de style FISHERIES JURISDICTION (DISSO. P.RANJEVA) 564

The joint proposed amendment did not receive sufficient support to be
immediately included in the revised version of the draft; this reluctance
on the part of the negotiating conference explains why Japan pushed to
have the issue reopened, in March 1995, with the following forma1
amendment :

"Article 1, paragraph 1.
Add the following subparagraphs to the Chairman's text :

(c) 'international conservation and management measures' means
measures to conserve or manage one or more species of
straddling fishstock(s) and highly migratory fish stock(s) that
are adopted and applied in accordance with the relevant rules of
international law as reflected in the Convention. Such measures
may be adopted either by global, subregional or regional fish-
eriesmanagement organizations or arrangements, subject to the
rights and obligations of their members".

(This subparagraph was drafted drawing on Article 1, para-
graph (b) of the FA0 Compliance Agreement)." (Mimeographed
text with no symbol.)

27. Document AlCONF.164lCRP.6 dated 6 April 1995 includes for
the first time a positive-law definition of conservation and management

measures in Article 1 of the revised draft:
"(a) 'conservation and management measures' means measures to
conserve and manage one or more species of living marine
resources that are adopted and applied consistent with the
relevant rules of international law as reflected in the Conven-
tion and this Agreement".

The final version followed the wording of the revised text
(doc. AICONF. 164122lRevl.), subject to a minor amendment, and ran as
follows :

"(a) 'conservation and management measures' means measures to
conserve or manage one or more species of living marine
resources that are adopted and applied consistent with the
relevant rules of international law as reflected in the Conven-
tion and this Agreement".

28. Following this historical review, two points are worthy of note.
First, Canada's role in securinginclusion of the reference to international
law in the definition of the concept of conservation and management
measures; this was no mere standard clause, for 22 months had elapsed
between forma1 submission of the proposa1 and its incorporation in thepuisqu'il s'est écoulé un déla die vingt-deux mois entre la présentation
formelle de la proposition et son incorporation dans le projet d'accord.
En second lieu,l'idéede ((mesuresinternationales)) visant la conservation
et la gestion dans lezone de ((hautemer» s'estprogressivement estompée
en tant que notion autonome; ellen'a pas été reprise dansla proposition
d'amendement du Japon, ni relevéedans les versions finale et définitive
du texte de l'accord; il s'agissait, en effet,d'un pléonasmedès lors qu'on
faisait référenceà la convention de 1982.

2) Analyse de la notion de mesures de conservation et de gestion, ali-
néab) de l'articlepremier de la convention desNations Uniessur les
stocks chevauchants

29. Sur le plan formel, la signature par les deux parties litigantes
atteste leur adhésionconceptuelle, au moins au niveau des définitions
juridiques, aux stipulations de cet instrument. Ainsi, la définitionfor-
mulée dans l'article premier de l'accord sur les stocks chevauchants
exprime, en leur étatactuel, l'expressioncommune et raisonnée des dis-
positions qui sont de nature àrecueillirl'appui le plus largede la part des
sujets de droit international. Quant à l'interprétation propredu Canada
de la notion de ((mesures de conservation et de gestion)), elle remonte

à juillet 1993et considèrela référenceau droit international comme un
élémentconstituant de cette définition: *Lr ailleurs cette interwrétation
canadienne a été donnéb eien antérieurement auxévénements liésau pré-
sent litige: la modification de la loi canadienne sur la protection des
pêchescôtières (12 mai 1994); les incidents survenus à l'Estai (9 mars
1995)sans oublier le dépôtde la nouvelle déclaration d'acceptation de la
juridiction obligatoire (10mai 1994).Contrairement à ceque l'onpouvait
attendre du Canada, compte tenu de la séquence des événementls iésà la
((guerre du flétan)),il n'est pas trouvé trace d'unemodification du com-
portement de la partie défenderesse,au principal, lors des négociationsde
l'accord sur les stocks chevauchants en relation avec la définition des
((mesuresde conservation et de gestion)).

30. En dépit de l'affirmation de l'arrêt, aucune pratique contraire
internationale d'Etat ou traité international ne viennent infirmer la défi-
nition donnéepar l'accord de 1995sur les stocks chevauchants inspirée
de la convention FA0 de 1993.A l'appui de sa démonstration, l'arrêt
évoque desdispositionsde législationnationale ou de droit européen qui
se limiteraient à définirdes mesures de protection et de gestion à leur
seule dimension matérielleet factuelle. Ces exemples ne sont pas perti-
nents, car insuffisants pour justifier au regard du droit international la
qualificationdesdites mesures. Il s'agitd'élémentdse fait qui doivent être
considérés comme tels.
En revanche, aucune opinio juris fondée sur une définitionde cette
notion de mesure de conservation et de gestion à sa seule dimension

matériellen'a étéexposéepar les Parties, ni identifiéepar la Cour. Ce
constat de carence amène à examiner au fond la définitionde l'articlepre-
mier de la convention de 1995.draft agreement. Secondly, the notion of "international measures" of
conservation and management on the "high seas" had progressively
retreated from view as an autonomous concept; it was not included in
Japan's proposed amendment or in the final and definitiveversions of the
text of the Agreement; once reference was made to the 1982Convention,
it had effectively become redundant.

(2) Analysis of the concept of conservation and management measures,
Article 1 (b) of the United Nations Agreement on Straddling
Stocks
29. In forma1 terms. the fact that both Parties to the Dresent disDute
signed this instrument is evidence of their acceptance in principle of its
provisions, at least as regards the legal definitions.hus, the definition
contained in Article 1 of the Straddling Stocks Agreement represents a

common, reasoned expression of the current state of the provisions con-
sidered to be most widely acceptable to subjects of international law.
Canada's own interpretation of the concept of "conservation and man-
agement measures", dating back to July 1993, regards the reference to
international law as an intrinsic part of the definition; moreover, this
Canadian interpretation was given well before the events relating to the
present dispute: the amendment to the Canadian Coastal Fisheries Pro-
tection Act (12 May 1994), the incidents involving the Estai (9 March
1995), and indeed the deposit of the new declaration of acceptance of
compulsory jurisdiction (10 May 1994). Contrary to what might have
been expected from Canada, in view of the sequence of events in connec-
tion with the "halibut war", there was no sign of a change in the attitude
of the Respondent in this case during the negotiations on the Straddling
Stocks Agreement as far as the definition of "conservation and manage-
ment measures" was concerned.

30. Notwithstanding what is stated in the Judgment, there is no evi-

dence of any contrary international State practice or international treaty
that invalidatesthe definition given in the 1995Straddling Stocks Agree-
ment, which was itselfbased on that in the 1993 FA0 Agreement. In sup-
port of its reasoning, the Judgment cites provisions of national or Euro-
pean law which areheld to defineconservation and management measures
exclusively in material and factual terms. These examples are not rele-
vant, for theyprovide an insufficient basis for the characterization of the
measures concerned in terms of international law. They are simply ele-
ments of fact, which must be treated as such.
On the other hand, no opiniojuris based on an exclusively material
definition of conservation and management measures was either put for-
ward by the Parties or identified by the Court. In view of this deficiency,
it is necessary to undertake a detailed analysis of the definition contained
in Article 1 of the 1995Agreement. 3. Interprétation aufond de l'alinéab) de l'articlepremier
de la convention de 1995

31. L'analyse de cette définitionrappelée dans l'arrêtrévèleles deux
éléments constitutifs de la notion: un élément descriptifet un élémendt e
référence à la règlede droit international.
Face au caractère com~osite de la définition. l'arrêta délibérément
opté pour la qualification des mesures eu égardau seulélémend t escriptif,
à l'exclusion du second élément.Cette option est critiquable et inaccep-
table dans la mesure où la seulejustification avancéepar l'arrêtse borne
à exposer les risques inhérents au renvoi à l'élémend t e droit: le risque
d'une décisionultra petita. Pour la Cour une décisionavant dire droit
traitant de l'élémendte référenceau droit international affecterait le fond
de l'affaire.

32. Avec la majoritédes membres de la Cour, on doit admettre sans
problème qu'iln'y pas à statuer à la phase actuelle sur la licéi. ais le
désaccordporte sur la question de savoir si une explication portant sur
les relations entre les deux éléments dela définitionétaitnécessairepour
justifier toute décisionde la Cour. L'arrêt répond de manièrenégativeen
se retranchant derrière la nature factuelle de ces mesures de gestion et de
conservation. Cette décisionde la Cour est inacceptable car elle ne tient
pas compte du second élément dela définitionqui est à envisager aussi
bien dans son objet que dans sa portée,la Cour n'ayant eu en vue que ce
second élément-ci.Nonobstant toute question de licéitédes mesures, il
appartenait à la Cour de dire si l'élémend te droit est un élémentintrin-
sèque à la définition ou tout simplement un élémentopératoire. En
d'autres termes, si on prive la définitionde l'article premier de l'élément
légal,se trouve-t-on toujours devant des mesures de protection et de
conservation au sensjuridique? Une telle hypothèseconnaît des réponses

en droit tant interne qu'international.

4. Elémentde droit et définitionjuridique

33. En droit suisse des contrats: lorsqu'on examine la source des
contrats individuels, et en l'absence de régimeslégislatifsparticuliers, ce
qui est déterminant pour définir l'origine desrègles «c'est ce dont les
parties sont valablement convenues)).Pour savoir quand elles sont liéeset
quelle est la validitéde leur accord, il faut se reporter aux principes qui
sont exposésen droit des obligations (P. Tercier, Les contrats spéciaux,
2"éd.,1995,p. 3, par. 19).Lorsque le droit suisse envisage dans le droit
des contrats de «donner aux faits constatés leur qualificationjuridique

et de juger notamment si les parties ont suffisamment manifesté leur
intention)), il considèreune telle question comme relevant du droit (voir
S. Cyboz et Gillieron, Code civil suisse et code des obligations annotés,
C.O., 1993,p. 1).
Dans ces conditions, un accord de volontés portant sur la partie nor-
mative, c'est-à-dire l'objet des prestations réciproques, n'est pas suffisant 3. Analysis of Article 1 (b) of the 1995 Agreement

31. An analysis of this definition, which is cited in the Judgment,
reveals the two components of the concept: a descriptive element and a
reference to the rules of international law.
Confronted with a composite definition, the Judgment deliberately
opted for a characterization of conservation and management measures
based solely on the descriptive element, excluding the second component.
This approach is criticizable and unacceptable, in that the only justifica-
tion for it put forward in the Judgment is a statement of the risks inher-
ent in a reference to the legal component: the risk of a decision ultra
petita. The Court considers that a preliminary decision involving the
international law aspect would impinge on the merits.
32. 1have no difficultyin agreeing with the majority of the Court that
no ruling on legality is required at the present stage. However, my dis-
agreement is over the question whether an explanation of the relationship
between the two components of the definition was needed in order to jus-
tify the Court's decision. The Judgment, citing the factual nature of con-

servation and management measures, takes the vie~ that it was not. This
approach is unacceptable, for it ignores the second element of the defini-
tion, which has to be examined in terms both of its purpose and of its
scope, whereas the Court considered only the latter. Notwithstanding
any question as to the legality of the measures, the Court had a duty to
state whether the legal component is intrinsic to the definition or merely
an operative element. In other words, if the definition in Article 1 is
deprived of its legal component, do the measures concernedremain con-
servation and management measures in the juridical sense of the term?
Replies to this question are to be found both in domestic and in interna-
tional law.

4. The Role of Law in Legal Definition

33. Let us consider the Swiss lawof contract: ifwe examine the source
of individualcontractual obligations, we find that, in the absence of spe-

cial legislativerégimes,the determiningfactor in identifying the origin of
the relevant rules "is what the parties have validly agreed". In order to
determine the moment at which they become bound and whether their
agreement is valid, recourse must be had to the principles embodied in
the law of obligations (P. Tercier, Les contrats spéciaux,2nd ed., 1995,
p. 3, para. 19).When the Swisslaw of contract contemplates "placing a
legal characterization upon the facts as found and ascertaining whether
the parties have sufficiently manifested their intention", it considers this
to be a matter pertaining to the law (see S. Cyboz and Gillieron, Code
civil suisseet code des obligations annotés,C.O., 1993,p. 1).
It follows that the fact that the parties are ad idemwith regard to the
normative element, that is, the subject of their reciprocal obligations, ispour qualifier cette rencontre de volontésmanifestéesréciproquement et
de manièreconcordante. Les volontéspassent par le moule du droit pour
que soient assuréesl'identité del'objet de la prestation et la concordance
parfaite des volontésqui se rencontrent.
34. Dans le droit des traités,la définitiondu traitéincorpore l'élément
de droit international pour qualifier un accord de volontés des Etats de
traité international.l est bien connu que faute de renvoi au droit inter-
national, le concours de volontés ne constitue pas un traité,au sens du
droit des traités. Cette soumissionau droit international implique d'une
part le caractère non exclusif de la soumission au droit international et
d'autre part la distinction entre la sanction et l'existencede règle.

35. La soumission du traitéau droit international exclut, à ce niveau,
une idéede sanction, ou plus exactementla déclaration de conformité ou
non à la norme; la question de la licéitau regard du droit international
est hors de propos. Le problèmeest de savoir si lesparties contractantes
entendent soumettre leur accord au droit international ou non; si la
réponseest affirmative, on a affaire à un traité. Mais la soumission au
droit international ne signifiepas que le traité soitsoumis exclusivement
à celui-ci.Ainsi apparaît un espace mixte où se rencontrent pour s'appli-
quer dans leurs sphères respectives le droit international et le droit
interne. C'estàjuste titre que le Canada a édictdes dispositionsde droit
interne maritime pour la conservation et la gestion des ressources halieu-
tiques. Mais en droit international, le problème ne se pose pas exacte-
ment dans les mêmestermes.
36. Le renvoi au droit international n'est pas envisagéde manière

générale à la manière d'uneclause-type analogue à celle qu'on retrouve
dans les contrats privés.Il est envisagéde manièrerestrictive (qualiJied).
La convention de 1982,en raison de son caractèreuniversel, fixe lecadre
juridique de toute activitéen rapport avec le droit de la mer. Aussi est-il
de pratique communeaux Nations Unies d'interprétertoute règleou tout
instrument de droit international dans le domaine du droit de la mer
comme devant envisager spécialementla convention de 1982et l'accord
particulier en question.
37. La référenceà la convention de Montego Bay pour la définition
des conceptsjuridiques implique, à côté dela prise en compte des élé-
ments normatifs de définition, la considération à accorder à l'aspect
ratione loci du droit des espaces maritimes. Cette seconde donnéeest
capitale pour la compréhensionde l'économie générad lee la convention
compte tenu du rôle joué par l'idéede «paquet» lors de la troisième

conférence desNations Unies sur le droit de la mer. La conséquenceest
que dans l'accord sur les stocks chevauchants, seules les mesures de
conservation et de gestion soumiseset conformesaux règlesde la conven-
tion de 1982peuvent êtrequalifiéescomme telles - indépendamment de
leur licéité-, bien qu'il faille admettre que la nuance soit très légère
entre la définition dedroit international et la licéde ces mesures.not in itself sufficientto characterize this mutual and concordant mani-
festation of a common intent. That intent must be tested in the crucible
of the law, in order to be certain exactly what that subject-matter is and
whether the parties are of one mind in every respect.
34. In treaty law, before an intended agreement between States can be
characterizedas an international treaty, it must by definition incorporate
the element of international law. It is well known that, without that ref-
erence to international law, concurrence of intentions does not constitute
a treaty within the meaning of the law of treaties. This subordination to
international law isnot necessarily exclusivein character, and at the same

time impliesa distinction between the notion of a sanction and the exist-
ence of a rule.
35. At this stage, the fact that a treaty is subject to international law
precludes any notion of sanction or, more precisely,any issue of compat-
ibility with that law; the question of legalityunder international law does
not arise. The problem is to determine whether or not the contracting
parties intend to make their agreement subject to international law; if the
reply is affirmative,then it is with a treaty that we are dealing. However,
the fact that a treatyis subject to international law does not mean that it
is exclusivelysubject to such law. Thus we are dealing here with an area
of mixedjurisdiction, where international law and domestic law CO-exist
and are applied in their respective spheres. Canada was perfectly entitled
to enact domestic maritime legislation for the conservation and manage-
ment of fisheries resources. However, from the standpoint of interna-

tional law, the problem takes on a slightly different aspect.
36. The reference to international law is not expressed in general
terms, as in a standard clause analogous to those found in private con-
tracts. It is a restrictive or "qualified" reference.The 1982Convention, by
its universal character, establishes the legal framework for al1 activity
relating to the law of the sea. It is thus common practice in a United
Nations context to interpret any rule or instrument of international law
concerned with the law of the sea as necessarily and particularly envis-
aging the 1982Convention and the specificagreement in question.

37. The reference to the Montego Bay Convention for purposes of the
definition of legal concepts means not only that the normative aspects of
definition have to be taken into account, but also that consideration of

the territorial aspect of the law governingmaritime areas is required. The
latter element is essential to an understanding of the general scheme of
the Convention, in view of the significance attached to the "package"
concept at the Third United Nations Conference on the Law of the Sea.
It follows that, in the Straddling Stocks Agreement, only conservation
and management measures subject to and in conformity with the rules of
the 1982Convention may be characterized as such - irrespective of their
legality- although it is has to be admitted that the distinction between
the definition of such measures in international law and their legality is
an extremely fine one. 38. En conclusion, dans ces exemples tirés certes derapports juridi-
ques conventionnels, la référenceau droit est une condition intrinsèque
de la qualificationd'un actejuridique.

5. Elémentde droit et définitionjuridique
dans un acte unilatéral

39. En la présenteespèce,leproblèmetient àla nature unilatéralede la
déclaration de réserve; l'arrêetn déduitcomme conséquence la primauté
de la volonté de l'auteur de la déclaration etpartant la place large, sinon
exclusive,accordéeau droit interne de la partie défenderesseau principal.
Il en résulteune restriction de la définitiànson aspect matérielmême
pour une qualificationde ces faits en droit international.

La législationde droit interne, au regard du droit international, relève
de la mêmenature juridique que lesfaits soumis à l'examendu juge inter-
national qui est liépar la loi des parties. Il étaitdonc nécessairepour la
Cour d'établiravecexactitude lesfaits pertinents aux finsde règlementdu

différendpréliminaire; maisil étaitinsuffisant de ne s'entenir qu'à cette
dimension, sauf à vouloir méconnaître la nature de l'acte unilatéral de
réserve à la compétenceobligatoire. Unilatérale quant à sa source, la
réserve estinternationale quant au déploiementdeseseffetset en ce sens,
elle relève la fois du droit interne, ce que l'arrêt démontàesuffisance,
et du droit international, ce que l'arrêtévitede trancher voire même
d'envisager,ce qui est inacceptable.
40. Une déclaration assortie de réserve,parfaitement licite au regard
du Statut de la Cour, comme l'est, en la présenteespèce,la déclaration
canadienne, ne peut en effet avoir pour conséquence de conférerau seul
auteur de la réservela réalisationde la condition de l'exercicepar la Cour
de sa compétencejuridictionnelle. Les dispositions du paragraphe 6 de

l'article 36 interdiseàtla Cour de laisser à l'appréciation arbitrairede
l'une desparties l'interprétation d'une déclaration que cettepartiea effec-
tuéede manière entièrement discrétionnaire.
En faisant droit à l'interprétation unilatéralede la réserve, une consé-
cration judiciaire de la définition matérielle des mesures deconservation
et de gestion méconnaît lanature du réseau deliens instituépar les dif-
férentesdéclarations d'acceptationdu paragraphe 2 de l'article 36du Sta-
tut. Les liens entre les parties litigantes se nouent au moment ou les
conditions stipuléespar le défendeur sont acceptées, réserve comprise,
par le demandeur lors du dépôt de la requête. Dorénavanto , n n'a plus
affaireà une seule volonté, unique,celledu défendeur, mais à la volonté

commune des deux parties, telle que réaliséeà l'occasion dela rencontre
des volontésde l'auteur de la réserveet de 1'Etatdemandeur, concomi-
tance qui a mis en action le lienjuridictionnel entre les parties litigantes.
Il est, dès lors,difficilede s'écarterdes règlestraditionnelles d'interpréta-
tion conventionnellelorsqu'ily a lieu d'examiner la rencontre des volon- 38. We may accordingly conclude that in the above examples -
drawn admittedly from legal relationships based on contract or treaty -
reference to law is an intrinsic requirement for the characterization of a
legal instrument.

5. The Role of Law in Legal DeJinition in the Case of a Unilateval
Instrument

39. In the present case, the problem derives from the unilateral nature
of the reservation in the declaration; the Judgment concludes that in
these circumstancesthe intention of the author of the declaration is para-
mount and, hence, that substantial, not to Say exclusive, importance
should be accorded to the respondent Party's domestic legislation. As a
result, the definition is restricted to its material aspect, even for purposes

of characterization of the facts in international law.
From the standpoint of international law, domestic legislation is ofthe
same juridical nature as the facts submitted for consideration by the
international forum, which is bound by the law of the parties. It was
therefore necessary for the Court to establishthe pertinent facts with pre-
cision for the purpose of settlingthe preliminary dispute; but it was not
enough to consider that aspect alone, for this was to misconstrue the uni-
lateral nature of a reservation to compulsoryjurisdiction. The reservation
is unilateral in origin but international in its effects, and in consequence
pertains both to domestic law, as the Judgment sufficientlydemonstrates,

and also to international law, an issue which the Judgment avoids resolv-
ing or even contemplating; and that is unacceptable.
40. A declaration to which a reservation is attached, while perfectly
valid under the Court's Statute - as is the Canadian declaration in this
case - cannot have the effect of conferring upon the author of the res-
ervation sole responsibility for determining whether the condition for the
Court's exercise of its jurisdiction is met. The provisions of Article 36,
paragraph 6, prohibit the Court from affording one of the parties unfet-
tered discretion to interpret a declaration made by that party in the free

exercise of its discretion.
In endorsing a unilateral interpretation of the reservation and espous-
ing a material definition of conservation and management measures, the
Court has failed to appreciate the nature of the network of relationships
constituted by the various declarations of acceptance under Article 36,
paragraph 2, of the Statute. The relations between the litigating parties
come into being at the time when the conditions formulated by the
respondent - including any reservation - are accepted by the applicant
when it files its application. From that point in time, we are no longer
dealing with a single, unilateral intention, that of the respondent, but

with the common intention of the two parties, as formed at the moment
when the intention of the author of the reservation meets that of the
applicant State, an event which createsthejurisdictional link between the
litigating parties. Consequently, when faced with a common intent con-tés,soutenue par des arrière-penséesdifférentesconcernant la significa-
tion des mesures de conservation et de gestion.

41. La rencontre de volontés, en soi, ne suffit cependant pas pour la
création d'obligations juridiques.Il en est ainsi lorsque les partiàsun
accord n'ont pas voulu établir entreellesun rapport juridique et qu'elles
ont entendu écarter leur volonté commune de l'espace couvert par le
droit. En matière de qualificationjuridique, commentpeut-on être assuré
de la rencontre des volontés sur l'acception commune d'une notion par-
ticulièresi on n'a pas recours au mode d'expression accepté del'opinio

juris international, c'est-à-dire le droit international? La rencontre des
volontésne s'est ainsi opéréequ'à la condition que chaque partie ait
couléson consentement dans le moule de la définition des mesures de
conservation et de gestion en droit international.Il en résulteque c'est
par rapport a la définitionen droit international que doit être interprétée
la notion en cause aux fins de clôturer le différendintermédiairedans la
présenteinstance. Cette définitiondans le droit comprend deux volets
ratione materiae et ratione loci.
La question aurait étéde nature différentesi la réservecanadienne sti-
pulait la compétenceexclusive de l'auteur de la déclaration pour inter-
préterle droit international, mais une telle clause n'existepas. Dans ces
conditions, c'est à la Cour qu'il appartient de définirces mesures de
conservation et de gestion selon le droit international.
Mais la Cour ne peut répondre à la question essentielle du différend

préliminaire (le différend présenté par le demandeur dans sa requête
entre-t-il dans les prévisionsde la déclaration et de la réservedu défen-
deur?) tant qu'elle n'a pas procédé à l'examen au fond du différend.Il
faut en effet examiner le contenu de la mesure, la pratique des Etats, pour
s'assurer s'il s'agit de mesures de protection et de gestion, au sens où
l'entend la convention de 1982. Ainsi l'objection n'a pas un caractère
exclusivementpréliminaire.En répondant parl'affirmative à la question,
l'arrêtdonne droit aux revendications théoriques de fond du défendeur
qui solliciteune immunitédes mesures et actes qu'il accomplit, indépen-
damment de leur licéité.

Au terme de mon analyse:

1) les développements del'arrêtrelatif à l'objet du différendsont sans
lien direct avec la question que la Cour à traiterà l'occasion dela
présente procédure préliminaire;
2) l'objectiondu Canada n'a pasun caractèreexclusivementpréliminaire
et doit être jointeau fond.

(Signé) Raymond RANJEVA.cealing an underlying divergence of viewswith regard to the meaning of
conservation and management measures, the Court cannot lightly lay
aside the traditional rules for the interpretation of treaties.
41. A common intent is not, however, in itself sufficientto create legal
obligations.This would be the case where the parties to an agreement did
not intend to establish a mutual legal relationship and sought to exclude
their common intent from the area governed by the law. For purposes of
legal characterization, how can the existence of a common intent as to
the generally accepted meaning of a particular concept be established,
otherwise than by reference to the accepted means of expression of inter-
national opiniojuris - international law? Thus, a common intent can
have effectively been formed only if each party has shaped its consent to
fit the definition of conservation and management measures in interna-
tional law. Consequently, it is by reference to its definition in interna-
tional law that this notion must be interpreted for the purpose of settling

the preliminary dispute in this case. That definition comprises two ele-
ments, one ratione materiae, the other ratione loci.

The nature of the issue would have been different if the Canadian res-
ervation had provided for the exclusivecompetence of the author of the
declaration to interpret international law, but there is no such provision.
It is accordingly for the Court to define the conservation and manage-
ment measures in question on the basis of international law.
However, the Court cannot answer the fundamental question raised by
the preliminary dispute (1sthe dispute presented by the Applicant in its
Application covered by the terms of the Respondent's declaration and
reservation?) until it has examined the merits of the dispute. Thus it is
necessary to examine the content of the measures and the practice of
States in order to ascertain whether these were conservation and man-
agement measures within the meaning of the 1982Convention. It follows
that the objection does not possess an exclusively preliminary character.
In answering the above question in the affirmative, the Judgment accepts
the hypothetical claims on the merits of a respondent which seeksimmu-

nity for the measures it takes and the acts it performs, irrespective of their
legality.
In conclusion, 1consider that:
(1) the passages in the Judgment concerning the subject of the dispute
have no direct connection with the question with which it is for the
Court to deal at this preliminary stage of the proceedings;
(2) Canada's objection does not possess an exclusively preliminary

character and should be joined to the merits.

(Signed) Raymond RANJEVA.

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Document Long Title

Opinion dissidente de M. Ranjeva

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