Opinion dissidente de M. Weeramantry, vice-président (traduction)

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096-19981204-JUD-01-05-EN
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096-19981204-JUD-01-00-EN
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[Traduction]

Validitéde la réservecanadienne - Interprétationde la réserve - Impor-
tancede laconservation des ressourcesmarines - Les mesuresprises à cettejn

doiventêtrelicites - Les allégations de l'Espagne ne son ptas prouvéesau stade
actuel - AJin de rejeter la requêtepour défautde compétence à ce stade, la
Cour doit conclure que mêmesi toutes les allégationsde l'Espagne sontprou-
vées, laCour n'est pas compétente - Une telle décisionne peut êtreprise eu

égardaux allégationsde l'Espagne relatives à des violations de principes fon-
damentaux du droit international - Les Etats acceptant la juridiction de la
Cour ne peuvent récuserl'applicabilitéde principes fondamentaux du droit
international - Les affaires trouvant leur originedans des domaines visés par
l'exception mais comportantdes violationsdeprincipes essentielsdu droit inter-

national ne sont pas couvertespar les réserves - Les Etats n'ontpas toute lati-
tude pour faire toutes les réserves qu'ils souhaitent- Une réservedoit être
interprétée de manière conformeau droit - Toute clause de réservedoit être
interprétée danlse contexte de l'ensemble dela déclaration - La faculté de

faire des réserves est unhavrejuridique ménagé àgrand-peinedans un contexte
fait de revendications de souveraineté contradictoires - Bref historique -
Espoir qu'une juridiction consensuelle naîtrade l'expérience - Danger d'un
rétrécissemenptrogressif de lajuridiction consensuelle - Renforcement du sys-

tèmeconsensuelpar une interprétationindépendantedes réservespar la Cour -
L'exception canadiennen'apas un caractèreexclusivementpréliminaire.

Paragraphes
LES QUESTIONS QUI SE POSENT EN L'ESPÈCE 1-6

OBSERVATIO PNÉSIMINAIRES 7-16
LES LIMITES À LA FACULTÉ DES ETATS DE FAIRE TOUTES LES RÉSERVES QU'ILS
SOUHAITENT 17-22

QUALIFICATI OEN ACTIVITÉS RELEVANT À LA FOIS DE LA PARTIE GÉNÉRALE
DE LA DÉCLARATION ET DES RÉSERVES 23-36

EFFETS D'UNE INTERPRÉTATION INDÉPENDANTE DONNÉE PAR LA COUR SUR

L'INTÉGRITÉ DU SYSTÈME CONSENSUEL 53-54
LA DOCTRINE QUI A ÉTÉ À L'ORIGINE DE LA CRÉATION DE LA CLAUSE FACUL-
TATIVE 55-70 1. Les questions poséespar cette instance amènent à réfléchià cer-
tains aspects importants de la clausefacultative,laquelle est le fondement
de la juridiction contentieusede la Cour.

2. La Cour est confrontéeen l'espèce àla tâche délicatede déterminer
si lesquestions soulevéespar les assertions de l'Espagne doivent ou non
êtreconsidérées comme tombant sous lecoup de la réserved) de la décla-
ration canadienne, ou comme relevant de la partie généralede cette
déclaration, quiplace sous la juridiction de la Cour «tous les différends
qui s'élèveraienatprès la date de la présentedéclaration,au sujet de situa-
tions ou de faits postérieurs ladite déclaration».
3. La réserved) exclut de la juridiction de la Cour

((lesdifférendsauxquels pourraient donner lieu les mesures de ges-
tion et de conservation adoptées par le Canada pour les navires
pêchant dans la zone de réglementationde I'OPAN, telle que définie
dans la convention sur la future coopération multilatéraledans les
pêchesde l'Atlantique Nord-Ouest, 1978, et l'exécution detelles
mesures B.

4. L'Espagneaffirmeque les actionsauxquellesseserait livréleCanada
en haute mer, au-delà de sa zone économiqueexclusive,constituent une
violation de principes fondamentaux du droit international ayant trait,
notamment, à la liberté dela haute mer, aux droits souverains de l'Es-
pagne, à la sécurité dela navigation età l'interdiction du recoursà la
force, ce dernier principe étantconsacrépar la Charte des Nations Unies.
Le Canada fait valoir que ses actions relèventde la réserve) et qu'elles
ne sauraient êtreexaminéespar la Cour.
5. La décision prisepar la Cour en l'espèceaura donc pour effet d'éta-

blir si de présuméessituations de fait pouvant constituer des violations
du droit international et mêmedesviolationsde la Charte,sont couvertes
par la partie généraled'une déclaration d'acceptation etpar conséquent
susceptibles d'un recours judiciaire ou si elles échappent au règlement
judiciaire du fait que la situation ayantdonnélieula réclamation trouve
son origine dans une activitéviséepar une réserve.
6. Cette question est cruciale pour l'ensembledu systèmede la clause
facultative et méritedonc que l'on y réfléchisee très près,tant du point
de vue de la procédure que d'un point devue conceptuel.

7. Avant d'aborder ces questions, je souhaite faire quelques observa-
tions préliminairesconcernant certains des arguments qui ont étépré-
sentés àla Cour.
8. Il convient de noter tout d'abord que bien que le Canada ait agi
comme il l'a fait en vertu de certains textes législatifscanadiens, la Courpeut statuer sur les questions qui se posent dans la phase actuelle de la
procédure sans avoir à se prononcer sur la compatibilitéde la législation
canadienne avec le droit international.Il n'est même pas indispensable de
résoudrele problèmeplus étroit de l'inopposabilitéde la législationcana-
dienne à l'Espagne pour trancher lesquestions dont la Cour est saisieà ce

stade. Dans la présente opinion,je n'aborde donc pas ce problème.
9. En second lieu, l'opinion quej'exprime icipart de l'hypothèseque la
réservecanadienne est parfaitement valide et que le Canada étaittout à
fait en droit de l'inclure dans sa déclaration. Ce qui est demandé à la
Cour, c'est d'interpréter cetteréservevalide. Des problèmes se posent en
ce qui concernela mesure dans laquelle l'applicabilitéde cetteclause peut
êtreélargie. Jetraite plus loin de cet aspect de façon plus détaillée.
10. Il y a eu des cas, dans la jurisprudence de la Cour, où celle-ci a eu
à examiner la portée d'uneréserveet ses effets sur l'ensemblede la décla-

ration'. Il peut effectivement y avoir des réservesqui sont contraires à
l'objetmêmede la clause facultative,et qui l'invalident entièrement.Mais
la réservecanadiennen'entre nullement danscettecatégorie,car leCanada
étaittout à fait en droit d'assortir sa déclaration d'uneréserve relativà
des mesures de conservation. En la présente espèce, il appartient à la
Cour d'interpréter cette réserveconformément au droit international et
aux règlesde droit applicables en matière d'interprétation. Il faut aussi
considérercette réservedans le contexte de l'ensemble de la déclaration,
dont elle fait partie intégrante.
11. En troisième lieu,mon opinion se fonde entièrement sur l'idée que

le Canada a incontestablement agi dans lebut de conserver des ressources
marines - un objectif auquel le droit international moderne attache la
plus haute importance. Cet objectif est inextricablement lié à des prin-
cipes aussi fondamentaux que celui du patrimoine commun de l'hurna-
nitéet des droits de la postérité, qu'il importe de renforceàmesure que
le droit international progresse vers le siècàevenir. Mais il va sans dire
que les actes accomplis dans des buts aussi éminemmentlouablesdoivent
être conformesau droit et non faire appel à des procédéscontraires à
des principes essentiels du droit international. La Cour ne saurait dans la

phase actuelle se prononcer sur la question de savoir si les mesures prises
par le Canada sont ou non incompatibles avec ces principes fondamen-
taux. Les assertions de l'Espagne à ce sujet ne sont nullement avérées à
ce stade.
12. En quatrième lieu, il convient de souligner que la question qui se
pose à la Cour lors de cette phase préliminaire est celle de savoir si,à
supposer que le bien-fondé de toutes les allégations de l'Espagne se
trouve en fin de compte démontré, la Cour peut en tout état de cause
décider qu'elle n'est pascompétente, eu égard à la réserve.Les actions

'Voir Certains emprunts norvégiens,C.1.J. Recueil 1957, p. 9; Droit de passage sur
territoire indien, exceptions préliminaires, C.I.J. Recueil;et Interhandel,
exceptions préliminaire1J. Recueil 1959, p. 6.invoquéesincluent le recours illicità la force, la violation du principede
la libertédes mers, l'atteinteà la souveraineté de l'Espagne,la mise en
danger de la sécuritédu navire espagnol et de son équipage, le recours
unilatéralà des mesures coercitives, des manŒuvres de harcèlementde la
part de bateaux patrouilleurs, et l'arraisonnement illicite d'un navire

espagnol. C'est seulement si la Cour peut se déclarer incompétenteen
dépitde l'exactitudede ces allégationsqu'ellepourra rejeter la requête de
l'Espagne en raison de l'exception préliminaire d'incompétenceD . ans le
cas contraire, la Cour devrait reconnaître, conformément au para-
graphe 7 de l'article79de son Règlement,que l'exceptionne présentepas
un caractère exclusivementpréliminaire.
13. 11est vrai que lajuridiction de la Cour est consensuelle. Il est tout
aussi vrai qu'il appartient aux seuls Etats de déterminers'ils sesournet-
tront ounon à la juridiction de la Cour, et qu'ilsont toute latitude, grâce
aux réserves,pour fixer des exceptions à la portée de cettejuridiction2. Il
est tout aussi vrai que d'aprèslajurisprudence de la Cour, les réserves ne
sauraient êtreformuléesd'une façon qui nuise à la déclarationdont elles

font vartie. Ce sont là des lieux communs en droit international. Or la
présenteaffaire nous amène à nous aventurer hors de ces sentiersbattus
afin d'examiner jusqu'où peuvent aller les effets d'une réserve valide,et
de rechercher l'équilibre nécessaire entre l'application de la réserveet
l'application de la partie générale dela déclaration.
14. Afin de déterminer jusqu'où peuvent aller les effets d'une clause
restrictive, il nous faut examiner divers points de droit. Comment carac-
térise-t-ontelle activitéqui, tout en tombant sous le coup d'une clause de
réserve,constitue aussi une violation d'obligations internationales élé-
mentaires dépassant très largement les limites bien circonscrites de la
réserve? Faut-il conférer auxtermes utilisésdans de telles clauses une
significationconforme au droit international, ou doivent-ilsêtre compris

de manière non restrictive, sans se préoccuperde savoir si les activités
couvertes par la réservesont ou non incompatibles avec le droit interna-
tional? N'importe quelle mesure, aussi illicite soit-elle, pourrait-elle être
protégée par la réservepour la simpleraison qu'ellerelèveraitdu domaine
d'activité couvertpar I'exception?
15. Un autre point à prendre en considération estl'effetque pourrait
avoir sur les Etats le fait de donner une réserveune intervrétation vlus
étroite quele plein sens littéral quilui serait conférési elle existait par
elle-même et si on la considéraitcomme un texte distinct. Une telle inter-
prétation entamerait-ellela volontédes Etats d'accepter la juridiction de
la Cour, ce qui compromettrait la viabilitédu systèmede la clause facul-

tative?

*La possibilité de faire des réservefsut acceptéedans son principe dès1924,et étaitsi
solidement établieen 1945que l'on jugea inutile,férencede San Francisco, d'en
faire expressémentmention. (Shabtai Rosenne, The Law and Practice of the International
Court, 1920-1996, 1997,vol. II, p. 767-768.) 16. Voilà des questions qui sont d'une grande importance pour l'en-
semble des activitésjudiciairesde la Cour, étant donnéque bon nombre
de déclarations d'acceptation faites par les Etats comportent effective-
ment des réserves, formulées demanière trèsdiverse. En outre, ces ques-
tions touchent au cŒurmêmede la notion d'acceptation de lajuridiction
obligatoire de la Cour, de telle sorte qu'il faut bien réfléchirla nature
de cette juridiction et aux espoirs que l'on nourrissait lors de sa créa-
tion.

17. Dèslors qu'un Etat adhèreau systèmeconsensuel,il est inévitable-
ment tenu de se soumettre aux règles élémentairesdu droit international,
et aucun arrangement ne saurait le dispenser de respecter ces règles. A
partir du moment où il est entré dansce système,les règlesdu droit inter-
national prennent effet et s'appliquentà la totalité del'affaire soumiseà
la Cour, que 1'Etaten soit d'accord ou non. On nous a fait valoir que la
facultéplus large d'abstention totale ou de retrait inclut nécessairement

une facultémoindre. C'estlà un argument incontestable,mais qui ne sau-
rait changer le fait que c'est ledroit international qui prime dèslors que
1'011a adhéréau système.
18. Il est malheureusementvrai qu'il subsiste de multiples domainesde
l'activitéinternationale qui ne sont pas encore régispar lesrèglesdu droit
international, mais s'ilen est un où le droit prime, c'est celui du système
consensuel.
19. Il esà peine besoin de souligner que les principes fondamentaux
du droit international sont pleinement respectéssur l'ensemblede ce ter-
ritoire restreint, et que la faculté naturelle de faire des réservesccep-
tation de la juridiction obligatoire ne saurait aller jusqu'à la possibilité
d'exclurede ce domaine le respect desnormes élémentaires du droit inter-
national. Préserver l'intégrité dcee domaine dans les limites duquel le

droit prime, impose à ceux qui y entrent certainescontraintes qui sont de
l'intérêt dteous ceux qui s'y trouvent et qui tendent à préserver l'invio-
labilitédu droit international.
20. Il est assez facile de trouver des exemples pour illustrer l'idée selon
laquelle, dès lors qu'il fait partie du système, 1'Etat déclarant doit se
conformer aux règleset procéduresqui y sont en vigueur. C'est ainsi par
exemple qu'il est un principe consacré qui veut que ce soit à la Cour et
non aux Etats parties au différendde se prononcer sur la compétencede
celle-ci. Le principe selon lequel laompétencede la compétenceest du
ressort exclusifde la Cour est bien établipar le Statut de la Cour (art. 36,
par. 6) et par la jurisprudence3. Bien plus, l'idéequ'un tribunalinterna-

Voir par exemple Nottebohm, exception préliminaire, C.I.J. recueil 1953, p. 119.tional a la haute main sur sa propre compétence peut êtreconsidérée
comme un principe fondamental du droit international4, et ainsi que la
Cour l'afait valoir dans l'affaireottebohm, «le paragraphe 6 de l'article
36 ne fait que consacrer, en ce qui concerne la Cour, une règletoujours
appliquéepar le droit international général en matièred'arbitrage inter-
national )P.
21. De même, c'es àt la Cour qu'il incombede fixerson règlementinté-
rieur et non aux Etats qui comparaissent devant elle. Les parties qui
s'adressent à la Cour doivent en accepter le règlement et s'y soumettre,

car le fait de reconnaître la juridiction de la Cour suppose l'acceptation
de ses règlesde procédure et du principe que c'est la Cour et non les
parties qui décidede sa procédure.
22. Ainsi, dès lors que la Cour est saisie d'une question relevant du
domaine de la clause facultative, cette question doit elle aussi êtrestric-
tement régiepar les règlesfixéespar la Charte des Nations Unies et le
Statut de la Cour. On ne saurait s'ysoustraire en formulant des réserves,
quelle que soit la forme qu'on leur donne. Les principes fondamentaux
du droit international priment à l'intérieur de cette enclaveprotégée et ne
sauraient êtreremis en cause au gré de 1'Etatdéclarant.

23. Une question essentiellequi se pose en l'espèce est celde savoir si
une activitétrouvant son origine dans un domaine qui a étéexclu de la
juridiction de la Cour peut suivre son cours en allant jusqu'à violer des

principes de la Charte ou des principes fondamentaux du droit internatio-
nal sans pouvoir faire l'objet d'un examen judiciaire au simple motif
qu'elleressortit au domaine exclu.Par exemple,doit-on considérerquedes
incursionssur leterritoire d'un autre Etat sont l'abri de tout recoursjudi-
ciairepour la simpleraison que l'action dedéparttrouvait son originedans
une mesure de conservation? Des actes de violenceperpétrésen haute mer
à l'encontre d'unnavire battant pavillon d'un Etat souverain sont-ilshors
deportée de l'instancejudiciaire au simplemotif qu'ilsont pour origine des
mesures d'exécution? Oubien y a-t-il un moment où, à partir d'une inter-
prétation raisonnablede la réserve,l'applicabilitéde celle-cicesseou com-

mence d'être douteuseet où l'action considérée peut êtrevue comme rele-
vant de la partie généralede la déclaration? Serait-il plus raisonnable
d'interpréter unetelle clause en disant qu'elle exclut l'examen d'activités
appartenant au domaine exclu, mais non de transgressions allant bien au-
delà de son champ d'application naturel? Ce sont là des questions impor-
tantes qui se posent avec acuitéen l'espèce,et qui touchent à l'essence
mêmede la notion d'acceptation de la juridiction de la Cour.

Voir Rosenne, op. cit., p. 846-852
C.ZJ. recueil 1953, p. 119. 24. Lorsque, comme c'est le cas en l'espèce,on est en présenced'une
acceptation générale dela juridiction de la Cour assortie d'exceptions
particulières,la partie généraleénoncele principe qui sous-tend la décla-
ration, à savoir le principe de la reconnaissance de la juridiction. Cette
partie généralefixe le cadreà l'intérieur duquel lajuridiction de la Cour
est acceptée. Elle représentenotamment une acceptation du droit inter-
national dans son ensemble et en particulier, de ses normes fondamen-
tales. Les réserves constituent des exceptions à cette juridiction -
exception ratione materiae en l'espèce. Elles neconstituent pas des
exceptions aux normes fondamentales du droit international.

25. Si donc un Etat demandeur affirme qu'un autre Etat a tenté dele
contraindre à se soumettre unilatéralement à sa juridiction pénale en
haute mer, de transgresser le principe fondamental de la liberté de la
haute mer, de violer la norme absolue du droit international qui proscrit
l'emploi de la force, de violer ainsi un principefondamental de la Charte
des Nations Unies, de transgresser le principe bien établi dela souverai-
netéabsolue de 1'Etatdemandeur, en haute mer, sur les navires battant
son pavillon, de mettre en danger la vie de ses marins au mépris de
conventions universellement acceptéesconcernant la sauvegarde de la vie
humaine en mer: toutes cesviolations présumées derèglesfondamentales
du droit international, relevant de la compétence dela Cour en vertu de

la reconnaissance générale de sajuridiction, peuvent-elles êtreécartées
d'un revers de main en affirmant simplement que toutes ces actions
étaient des mesures de conservation des ressources halieutiques? Les
réservesne sont pas des trous noirs du systèmeconsensuel où le droit
n'aurait lus cours.
26. 11estvrai que la Cour atout pouvoir pour décider si uneactiondon-
néerelèvedu principe généralou de l'exception particulière. Mais elle se
doit d'exercer ce pouvoir discrétionnaire et non de l'abdiquer au simple
motif qu'il existe une réserve.De plus, lorsqu'elle l'exerce, elle doit le
faire en veillantà bien respecter l'équilibreentre les deux parties de la
déclaration susceptibles d'êtreinvoquées à propos d'une action donnée.

27. Pour illustrer le fait qu'il convientde conserver le sens des propor-
tions en ce qui concerne ces deux aspectset donner un aperçu des valeurs
essentielles qui doivent inspirer le choix faire entre ces deux éléments,
l'Espagne a proposé à la Cour un exemple évocateur concernant une
réservehypothétique qui exclurait les différendsà caractère commercial.
Une requête concernant l'exploitation commerciale des enfants pourrait-
elle êtreexclue en vertu d'une telle réserveau motif qu'il s'agirait d'une
((question commerciale » ?6.Ou encore, la Cour pourrait-elle se déclarer
incompétente s'agissant du bombardement ou du torpillage d'un bateau
de pêcheau motif qu'il s'agit d'une mesure de conservation des pêches?
28. On peut imaginer une situation comparable ou il serait même

porté atteinteà l'intégrité territoriale d'unEtat souverain. Par exemple,

CR 9819,p. 52, par. 35.des mesures législatives prisesà l'intérieur d'un payspour protéger un
troupeau d'éléphantssedéplaçant depart et d'autres des frontièresnatio-
nales ne sont évidemmentpas applicablessur le territoire d'un autre pays.
Si les gardes chargés de la protection de la faune pénètrent sur le terri-
toire du pays voisin afinde protégerleséléphantsetfont usage de la force
à l'encontre des ressortissants de ce pays, leur action outrepassera de

toute évidencelargement les limites d'une clause de réserverelativeà des
mesures de conservationvisant à protégerla faune. Il en irait de mêmede
mesures visant à brouiller les fréquencesradio de navires pêchantilléga-
lement.On pourrait qualifier une telle intervention de mesure d'exécution
puisqu'elle paralyserait l'activitédu navire braconnier. Mais en même
temps, elle enfreindrait toute une séried'obligations contractées par les
Etats en matière de sécuritéen mer, de mêmeque certaines obligations
assumées envertu de divers accords et conventions.
29. Déciderque le fait de transgresser des obligationsaussifondamen-

tales a étéexclu de la compétencede la Cour en vertu de cette réserve
serait priver la Cour d'une part essentielle de la juridiction que les Etats
intéresséslui ont conféréelorsqu'ils ont fait leur déclaration.
30. J'aborderai ceproblème sous unautre angleen faisant observer que
si une clause de réserveprécisait expressémentquetout acte définià l'ori-
gine comme une mesure de conservation est exclu de la juridiction de la
Cour mêmes'iléquivaut à un recours illicità la forceà l'encontre d'un
Etat souverain, il n'ya guèrede doute qu'une telleclause seraittenuepour
incompatible avec la déclaration. De toute évidence,un résultat qui ne
peut être obtenu par une déclaration expresse ne saurait l'êtrepar une

interprétation juridictionnelle de termes qui ne sont pas exprès,et je ne
crois pas qu'une réserve puisseêtre interprétée de telle sorte que l'on
aboutisse àun résultataussi inacceptable. Ainsi quel'a dit sir Hersch Lau-
terpacht dans l'affaire relatiàeCertainsempruntsnorvégienset s'agissant
d'une autre clause de réserve7,unetelle conclusion serait«à la fois nou-
velle et, si elle est acceptée,subversive en droiternati~nal»~.
31. Dans certaines circonstances, il peut s'avérerdifficile de qualifier
telle conduite qui, tout en relevant à la lettre d'une clause de réserve,
équivaut néanmoins a une violation de principes élémentairesdu droit

international d'une telle gravitéqu'elle se trouve ressortir aussia com-
pétence généraleconférée àla Cour en vertu du systèmeconsensuel. Mais
il est des situations que l'on peut sans hésiter classerdans l'une ou l'autre
catégorie - par exemple si l'on est en présenced'une violation de la
norme absolue interdisant l'agression. En pareil cas, on sera inexorable-
ment amené à conclure que des parties qui ont consenti à un régimede
conformitéavec le droit ne sauraient faire fides fondements mêmesde ce

Réservequi excluait de la juridiction de la Cour les ((affairesqui relèvent essentielle-
ment de la compétencenationale telle qu'elle est entendue par le Gouvernement de la
Républiquefrançaise
C.I.J. Recueil 1957, p. 37 (opinion individuelle).régimeauquel elles ont adhéré.A mes yeux, c'est le cas en la présente
espèce, et les faits relèvent manifestement de la partie généralede la
déclaration plutôt que de la réserveparticulière.
32. D'une manièregénérale et non simplement dans leprésentcontexte,

un Etat ne saurait donc prétendre, sous couvert d'une réserveayant trait
à un type d'activitéspécifiéé , chapperà l'examen d'actes fondamentale-
ment illicites commis dans le cadre de cette activité.
33. En décider différemment signifieraitque si un litige porté devantla
Cour présente un lien mêmeténu avec l'objet d'une réserve,la Cour
pourrait se priver (et, plus important encore, priver 1'Etatdemandeur) de
compétence.Chaque différenda par nature de multiples facettes et si la
Cour décidait qu'en raison d'un lien avec une telle réserve,aussi mince
soit-il, ellese trouve dénuéedejuridiction, elleamoindrirait considérable-
ment la compétencequi lui a été conféréeau titre de la partie générale de

la déclaration.
34. Dans ce contexte, il y a lieu de se référeraux observations for-
muléespar la Cour dans l'affaire relative au Personnel diplomatique et
consulairea Téhérane ;lle soulignait que :

((aucune disposition du Statut ou du Règlementne lui interdit de se
saisir d'un aspect d'un différendpour la simple raison que ce diffé-
rend comporterait d'autres aspects, si importants soient-ils»9.
Elle ajoutait:

«si la Cour, contrairement à sa jurisprudence constante, acceptait
une telle conception, il en résulterait une restriction considérable et
injustifiéede son rôle en matière de règlement pacifique des diffé-
rends internationaux)) 'O.

35. La Cour aura toujours le pouvoir discrétionnaire de décidersi telle
situation particulière relèvede la clause de réserveou de la partie générale
de la déclaration. Des réserves((automatiques)), ne laissant aucune lati-
tude à la Cour mais prenant effet par elles-mêmess ,eraientcontraires au
principe selon lequel la Cour est l'arbitre ultime en cette matière. Pour

citer un ancien présidentde la Cour, éminentspécialistequi écrivaitalors
à titre personnel :
«Les arguments selon lesquels une réserveautomatique est enta-
chéede nullitésont irrésistibles dèslors qu'il est constaté quecelle-ci
tend à s'appliquer sans laisser la moindre parcelle de compétence à la

Cour. » ''
36. Pour ces raisons, il ne me semble pas que des actions trouvant leur
origine dans un domaine d'activitéqui a étéexclu puissent être considé-

CI.J. Recueil 1980, p. 19,par. 36.
l0Ibid., p. 20, par. 37.
l1R. Y. Jennings, ((Recent Cases on "Automatic" Reservations to the Optional
Clause)), International and Comparative Law Quarterly, vol. 7, 1958,p. 361.réescomme relevant encore de l'activitéexclue lorsqu'ellesont largement
outrepasséles limites de cette activité.La question de savoir si ceslimites
ont étéfranchies ne peut être tranchée qu'unefois les faits connus; mais

je ne puis souscrire à l'idéeque la Cour peut se déclarer incompétente
avant d'avoir établices faits, au simple motif que les actions viséespar la
réclamationont trouvéleur origine dans le domaine en question.

L'INTERPRÉTAT DIENLA CLAUSE DE RÉSERVE DOIT ÊTRE CONFORME
À LA SIGNIFICATION JURIDIQUE DES TERMES UTILISÉS

37. Les Etats bénéficientd'une présomption de bonne foi en ce qui
concerne toutes leurs actions et, partant, en ce qui concerne les déclara-

tions qu'ilsfont en vertu de l'article6. En conséquence,pour interpréter
l'intention aui étaitcelle du Canada lorsau'il a fait sa déclaration. on le
créditerade l'intention d'utiliser lestermes conformément à leur significa-
tion juridique.
38. Une autre façon d'aborder la question est d'appliquer la règle
habituelle en matière d'interprétation, qui veut que lorsque l'on inter-
prète un texte juridique, on en comprend les termes d'une manière

conforme au droit et non contraire à celui-ci. Les mesures de conserva-
tion et de gestion que le Canada envisageait de prendre doivent donc être
interprétéescomme licites et non comme des mesures allant àl'encontre
du droit. A ce propos, je citerai une observation figurant dans Oppen-
heim's International Law, où est énoncéela règlede droit applicable à
l'interprétation des traités,règlecertainement aussi applicable à l'inter-
prétation d'autres textes juridiques internationaux:

((11est tenu compte de toutes règlespertinentes du droit interna-
tional, non seulement en tant qu'elles constituent le contexte dans
lequel les dispositions du traité doivent êtreconsidérées, mais aussi
en partant de l'hypothèseque l'intention des parties n'est pas incom-

patible avec les principes généralementreconnus du droit internatio-
nal, ni avec des obligations contractées envers des Etats tiers en
vertu de traités antérieurs.l2

D'une manière plus explicite encore, la Cour a fait observer dans
l'affaire duDroit depassage surterritoire indien, à propos de documents
émanantdes gouvernements :
«C'est une règled'interprétation qu'untexte émanant d'un Gou-

vernement doit, en principe, être interprétécomme produisant et
étantdestiné à produire des effets conformes et non pas contraires
au droit existant. l3

39. Mêmesans invoquer des définitionsfigurant dans des traités, nous

l3Exceptions préliminaires, C.Z.J. Recueil 1957, p. 142.1275.voici donc amenés à interpréter les ((mesures de conservation et de ges-
tion» comme des mesures conformes au droit. On se référerautilement à
ce sujetà telles ou telles définitionsfigurant dans des instruments, comme
celleénoncée à l'alinéab) du paragraphe 1de l'article premier del'Accord
des Nations Unies sur la conservation et la gestion des stocks de poissons
chevauchants de 1995,qui définit expressémenltes((mesuresde conserva-

tion et de gestion)) comme
«des mesures destinéesà la conservation età la gestion d'une ou plu-
sieurs espècesde ressources biologiques marines, adoptées et appli-

quées en conformitéavec les règlespertinentes du droit international
telles qu'énoncéesdans la convention et dans le présent accord»(les
italiques sont de moi).

De telles définitions viennentcorroborer la conclusion à laquelle on est
naturellement amené, à savoir que lorsque l'on trouve dans un document
juridique des expressions telles que ((mesuresde conservation et de ges-
tion», il convientde leur conférerune significationconforme au droit. Dans
une autre publication, par exempledans une revuescientifiqueou relativà
l'environnement,une telleexpressionpourra fort bien avoir d'autres conno-
tations, mais dans un documentjuridique solennelémanant d'un Etat,elle
ne peut avoir d'autre significationque compatible avec le droit.
40. Si la conformité au droit est un élément nécessaire dela significa-
tion donnée à cette expression, il est légitimeau moinà premièrevue de
supposer que des allégationsde violation d'aspects essentiels du droit de
la mer moderne (tels que la liberté de la pêcheet de la navigation et le

principe de la juridiction exclusive de 1'Etat sur les navires battant son
pavillon), ainsi que de la norme absolue du droit international proscri-
vant l'emploi dela force, sont des assertionsqui, si elles se vérifient,pla-
cent cette affaire hors du champ de la clause de réserve.Que dire alors
d'allégationsrelativesà une séried'actes précisqui auraient été commis
hors de la zone des 200 milles du Canada, et en particulier du fait qu'un
canon à eau aurait étutiliséet des câbles de chalut sectionnés, actesqui,
aux dires de l'Espagne, ont mis en danger des vies humaines en mer en
violation desrèglementset accordsinternationaux. Cesactions du Canada
ont d'ailleurs fait l'objet d'une note verbale de la délégationde la Com-
mission européenneau Canada, où celle-ci protestait notamment contre

l'arraisonnement d'un bateau dans des eaux internationales par un Etat
autre que 1'Etatdu pavillon - acte selon elle illégaltant au regard de la
convention de I'OPANO que du droit international coutumier, et qui
((dépassede loin la question de la conservation despêcheries»14.
41. Je souligne qu'aucun des faits alléguésn'a encore étédémontré.
Mais aussilongtemps que subsiste la possibilitéqu'ils soient établis,il me
semble que la Cour ne peut affirmer qu'elle est manifestementincompé-
tente. Elle pourrait fort bien êtreamenée à se prononcer dans ce sens

l4Note verbale du 10mars 1995,mémoire del'Espagne, annexe 11lorsque les faits seront connus. C'est alors, et seulement alors, que la
Cour aura la possibilitéde se déclarerincompétentepour connaître de ce
différend.Entre temps, elledoit setenir prêteà s'en saisirsiles conditions
requises sont réunies.
42. Les considérations qui précèdent montrent clairement qu'une in-
terprétation correcte de la réserve veutque celle-ci s'applique aux actes
licites et non aux actes illicites accomplis dans le cadre de mesures de

conservation et d'exécution.

NÉCESSIT É'INTERPRÉTER LES CLAUSES DE RÉSERVE DANS LE CONTEXTE
DE L'ENSEMBLE DE LA DÉCLARATION

43. Pour résoudrele problème qui lui est posé,la Cour doit examiner
de manière équilibréeles deux parties d'un seul et mêmedocument. Elle
ne doit pas commettre l'erreur de se concentrer sur la clause de réserve
comme sielle seulecontenait des termes à interpréter.La Cour doit inter-
préterl'ensemblede la déclaration, par laquelle le Canada:

((conformémentaux dispositions du paragraphe 2 de l'article 36 du
Statut de la Cour, accepte comme obligatoire de plein droit et sans
convention spéciale, souscondition de réciprocitéet jusqu'à ce qu'il
soit donné notification de l'abrogation de cette acceptation, la juri-
diction de la Cour en ce qui concerne tous les différendsqui s'élève-
raient aprèsla date de laprésente déclaration, au sujet de situations

ou defaits postérieurs à ladite déclaration,autres que:
a) les différends au sujet desquels les parties en cause seraient
convenues ou conviendraientd'avoir recours àun autre mode de
règlement pacifique;
b) les différends avecle gouvernement d'un autre pays membre du
Commonwealth britannique des nations, différendsqui seront
réglésselon une méthode convenueentre les parties ou dont elles

conviendront ;
c) les différends relatifà des questions qui, d'après le droit inter-
national, relèventexclusivement de la juridiction du Canada; et
d) les différendsauxquelspourraient donner lieu les mesuresde ges-
tion et de conservation adoptées par le Canada pour les navires
pêchantdans la zone de réglementation de I'OPAN, telle que
définiedans la conventionsur la future coopération multilatérale
dans les pêchesde l'Atlantique Nord-Ouest, 1978,et l'exécution
de telles mesures.» (Les italiques sont de moi.)

44. Dans la présenteopinion, j'ai déjàfait valoir que la déclaration
canadienne concerne deux catégories de questions - des questions
d'ensemble ayant trait au droit international généralet découlant de
l'assujettissement de((tousles différends)à lajuridiction de la Cour, et la
catégorie plus étroite desmesures de conservation et de gestion. Nous

avons déjà observéque si telle ou telle question est susceptible de releverde l'une et l'autre catégorie,des règlesde droit international aussi abso-
lues que la non-agression ou l'inviolabilité destraitésne sauraient tota-
lement échapper à la juridiction de la Cour du seul fait qu'elles ont été
enfreintes sous couvert d'une activitéexclue.
45. On en arrive à une conclusion analogue si l'on se réfère au principe
générald'interprétationdes documentsjuridiques qui veut que les clauses
d'un texte ne soient pas examinéesisolément, maid sans le contexte général

de la signification etde la portée dutexte dont ellesfont partie. Ensemble,
elles forment un tout indissociable et aucune d'entre elles ne saurait être
mise à part et invoquéeaux dépens desautres. S'agissanttout particulière-
ment des clausesde réserve, laCour a fait observer,dans l'affaire dela Mer
Egée, qu'un ((lienétroitet nécessair..existetoujours entre une clausejuri-
dictionnelle etles réservesdont ellefait l'obje15Je m'associe respectueu-
sement au point de vue si bien exposépar la Cour, selon lequella déclara-
tion générale d'acceptation de lajuridiction de la Cour et les réservesdont
elleest assortie sontàconsidérercomme un tout indissociable.

46. Considéréeglobalement,l'interprétationselon laquelle des actions
supposant un recours à la force ou la mise en danger de vies humaines
sortent du champ de la déclaration du seul fait qu'elles découlent, à la
lettre, de mesures de conservation et de gestion me paraît contraire au
principe selon lequel il convient d'examiner la déclarationcomme un tout
indissociable. Une telle interprétation conféreraià mes yeux une impor-
tance excessive à la clause d'exclusion, de telle sorte qu'elle se trouverait
détachée deson contexte.
47. Il convient aussi d'évoquer le principe ut res mugis valeat quam
pereat, qui a fait l'objet de longs débats lors des audiences. Le principe

selon lequel il faut autant que possible conférerune validité à un docu-
ment n'est pas seulement applicable à la clause de réserveprise isolément,
mais bien à la totalitédu texte. L'objet de l'ensembledu document est de
reconnaître la juridiction de la Cour, sous condition de réciprocité,en
toutes matières autres que celles qui ont étéspécifiquementexclues.
L'application de ceprincipe au documentpris dans son ensemble suppose
qu'il soit donnéeffet dans toute la mesure raisonnable à cette intention
générale.Tenir qu'un vaste éventail d'agissementsinternationaux poten-
tiellement répréhensiblesse trouvent exclus de la compétence dela Cour
au simple motif qu'ils ont pour cadre une opération pouvant êtredécrite

comme une mesure de conservation ou d'exécutionéquivaut à priver un
document consensuel d'un aspect vital de sa signification. Du point de
vue de l'ensemble du texte, c'est mêmeméconnaitre totalement le prin-
cipe ut res mugis valeat. Il ne me paraît pas raisonnable de conféreraux
clauses de réserveune portée aussi vaste et exhaustive.
48. Cela étantdit, il convient de souligner qu'une fois que l'on a admis
que les réservesne sauraient porter sur des actions illicites en droit inter-
national, il subsiste cependant de multiples situations auxquelles la clause

l5Voir Plateau continental de la merC.Z.J,R.cueil 1978, p. 33, par. 79.de réservepourrait bel et bien s'appliquer. Mêmesi l'on s'en tient aux
mesures de conservation licites, il est des circonstances qui pourraient
donner lieu à recours judiciaire, par exemple des cas d'abus de droits,
d'absencedeproportionnalité, desproblèmesdequalification ou de défini-
tion, ou des problèmesayant trait àla portéede la réserve(par exemple,
s'applique-t-elle uniquement aux bateaux appartenant à des personnes
privées?).
49. De plus, aucun droit n'étant absolu, aucune clause de réservene
saurait être absolueau sens où elleexclurait toute conduiteayant un rap-
port mêmelointain avec elle.

50. La Cour a entendu de nombreux arguments au sujet de la signifi-
cation du mot «mesure». Toute action visant à la conservation età la
gestion peut fort bien êtrequalifiée demesure» prise à cette fin. Mais
cette interprétation doit elleaussi se fairedans l'optique de l'ensembledu
texte et il est concevable que telle action qui estlettre une mesure de
cetype relèvede la partie généralde la déclarationplutôt que deI'excep-
tion particulière.Mêmesi l'on s'aventure dans le domaine des intentions,
ce serait aller trop loin que d'imputer au Canada le projet d'exclurede la
juridiction qu'il acceptait une violation de principes élémentdu droit
international ou de fairefi de règlesaussi immémorialesque cellesrela-
tivesà la protection de la vie humaine en mer.

51. Il n'est pas nécessairede s'attarder sur les arguments nombreux et
habiles qui nous ont été présentéasu sujet de questions telles que la
charge de la preuve de la compétenceet la présomptiondecompétence, à
propos desquellesnous avons assez longuement entendu les Parties. Que
cette charge incombe à la partie qui plaide en faveur de la compétenceou
à celle qui chercheà y échapperimporte peu. La tâche de la Cour est
d'analyser l'ensembledu document àla lumièred'une interprétationrai-
sonnable et objective, en s'aidant, le cas échéant,des indications appor-
téespar un examen desintentions des parties, lorsque des travaux prépa-
ratoires sont disponibles. Je suis d'avis que cette analyse raisonnable et
objective amènerait à peu près à l'interprétation d'ensemble que j'ai
donnéeci-dessus.

52. De par la nature des choses, il est impossible de déterminer où
s'arrêtela portéed'une clausede réservemais de toute évidence,il est des
cas qui vont manifestement tellement au-delàde son champd'application
qu'on ne saurait douter qu'ellecesse de s'appliquer et que c'est la partie
généralede la déclaration qui devient applicable. Si les allégationsde
l'Espagnesevérifient,il enva ainsi en l'espèce. n'y a donc pas violation
du principe ut res magis valeat quampereat.

EFFETS D'UNE INTERPRÉTATION INDÉPENDANTE DONNÉE PAR LA COUR
SUR L'INTÉGRITÉ DU SYSTÈME CONSENSUEL

53. Beaucoup a étédit au cours des débats sur les effets fâcheux
qu'aurait sur le système dela clause facultative le fait pour la Cour dedécider que la clausede réserve ne la rend pas incompétenteen la pré-
sente espèce.Or, outre le caractère non judiciaire de cet argument, il me
semble que la Cour a pour mission de préserver l'intégrité de sa compé-
tence dans toute la mesure où celle-cilui a été conféré pear le systèmede
la clause facultative. J'ai fait allusion précédemment à ce domaine de

compétencejudiciaire comme à un havre de primautédu droit au sein du
systèmeinternational. A l'intérieur de cette enclaveprotégéeil, est impor-
tant que les principes du droit l'emportent sans qu'il soittenu compte de
considérationstelles que l'accueil favorable ou défavorablequi pourrait
êtreréservéaux décisionsde la Cour en ce qui concerne sa compétence.
54. On pourrait mêmefaire valoir, au contraire, que le respect desprin-
cipesjuridiques à l'intérieurdu système estde nature à en renforcer l'inté-

gritéet non à l'affaiblir.Il ne me semblepas qu'ilsoit loisibàela Cour, si
une violation d'un principe de base du droit international est portée son
attention, de fermer les yeux sur cet acte illiciteau motif qu'il relève dela
clausede réserve.Une telleattitude risque bel et bien deporter atteinte non
seulement à l'autoritéde la Cour, mais aussi à l'intégritéde l'ensemble
du systèmedu droit international, canevas d'un seul tenant qui ne saurait
être appliqué par morceaux. C'est dans l'étoffesans accroc du droit inter-

national que s'insèrele systèmede la clause facultative, et c'est dans ce
cadre qu'il convient de considérerle consentement à la juridiction de la
Cour.

LA DOCTRINEQUI A ÉTÉ À L'ORIGINE DE LA CRÉATION
DE LA CLAUSE FACULTATIVE

55. Je suis d'autant plus convaincu du bien-fondé de la conclusion à
laquellej'aboutis qu'elle est conforme à la doctrine qui a inspiré lamise
en place de la clause facultative. Une brèvedigression historique me per-
mettra de placer le problème qui nous occupe dans son contexte général.
56. Le systèmede la clausefacultative,on s'ensouvient,a été la réponse
apportée parla communauté internationale, après lesterribles épreuvesde
la première guerremondiale, au problèmejusqu'alors resté insolublede

l'instauration d'un dispositif pour le règlement judiciaire des différends
internationaux, face au concert de revendications contradictoires des Etats
en matière de souveraineté16.Ce sont ces intérêts qui avaient faitéchec à

l6Après l'échec des tentatives faiteasux conférences de la paix de1899et de 1907pour
en arriverun accord international de ce genre, le Statut de la Cour permanente de Jus-
tice internationale a étéadoptépar un vote unanime de l'Assemblée de la Société des
Nations le 13 décembre1920àGenève, àl'issue de longsdébatsau cours desquels le
(Documents au sujet de mesuresprises par le Conseil de laSociétédes Nations aux termes
de l'article 14 du Pacte et de l'adoptionpar l'Assemblée duStatut de la Courpermanente,
p. 205).toutes les tentatives de mise en place d'une telle juridiction alors que
depuis des siècleset dans de multiples cultures, on y réfléchissait. Enfin,
une formule viable avait été trouvée,dans les termes suggérés par la délé-
gation brésilienne (et enparticulier par M. Raoul Fernandes) à la Confé-
rence de la paix, en sorte qu'il devenait possible d'instituer, au milieu de
la cacophonie d'intérêts souverains contradictoires, un havre relative-

ment restreint au sein duquel les différendsseraient régléspar une ins-
tance judiciaire supranationale conformément au droit international. On
songe aux paroles prononcées par sir Eric Drummond, Secrétairegénéral
de la Société desNations, lors de l'ouverture solennelle de la Cour per-
manente de Justice internationale, le 15février 1922:«La route que suit
l'humanitéest encore enveloppéedebrumes, mais deslueurs percent çà et
là et éclairentle chemin.» l7
57. L'espacejudiciaire couvert par la clause facultativeétait l'un deces
lieux privilégiéosù la lumière delajustice internationale avait enfin percé

les ténèbres.
58. Dans cet espace, une assembléede juges permanents - et non
des arbitres ad hoc - allaient administrer la justice parmi les nations,
tout comme les tribunaux nationaux administraient depuis longtemps
la justice pour les citoyens des Etats. L'institution, absolument sans
précédent, d'unsystèmejudiciaire véritablement international, fut dé-
crità cette occasion comme «le progrèsle plus remarquable que l'huma-
nitédans sa marche ascendante ait réalisédans le domaine du droit»Is.

Bien que ce dispositif fonctionne maintenant depuis soixante-dix ans
et plus, il est encore dans l'enfance si on le compare à la justice des
Etats qui l'a précédé et dont l'existence remonte à plusieurs milliers
d'années.
59. J'ai citéces déclarations parce que lorsqu'on fait vivre une institu-
tion créée à si grand-peine, on ne doit jamais perdre de vue les idéaux
élevésqui ont présidé à sa naissance. A mesure que cette juridiction se
renforce en s'exerçant, il faut prendre gardeà ne pas céder à la tentation
d'en restreindre la portée par des interprétations limitatives, alors que

d'autres interprétationsplus conformes à son esprit età sa vocation sont
également possiblesdans le cadre du Statut qui la régit. Selon moi, il
convient de préférerl'interprétation qui est de nature à renforcer cette
juridiction, dès lors que cela est possible au vu des élémentscontenus
dans la déclaration de 1'Etataui a consenti à la iuridiction.
60. On se souviendra aussi dans ce contexte qu'à l'époque, onnour-
rissait universellement l'espoir que la création de cette instance judiciaire
ne serait que le premierpas veri un élargissement progressifde lajuridic-

tion à mesure que l'exercicede celle-ci permettrait d'acquérir de I'expé-
rience. Ainsi que le déclaraitle délégué britannique, M. Balfour:

'"esP.mots sont de M. van Karnebeek, ministre des affaires étrangères des Pays-Bas,
ibid., p. 322. «nous sommes convaincus, comme l'ont fait remarquer l'éloquent
orateur qui m'a précédé [M. de Aguero (Cuba)] et d'autres avant
lui, que pour que ce projet réussisse, ilfaut le laisser se dévelop-
per graduellement. Pour qu'il aboutisse au résultat désirépar ses
auteurs, il faut lui permettre de suivre ce développementnaturel qui
est le secret de toutes les réussitespermanentes dans les affaires hu-

maines ..» l9
M. Bourgeois (France) soulignait:

«Natuva non fecit saltus, disait un de nos collègues, en effet,entre
l'état d'anarchie juridiqueinternationale dans lequel le monde a
vécujusqu'à présentet l'état d'organisationde la justice interna-
tionale dans lequel nous allons entrer, il y a des transitions néces-
saires.»20

61. La mise en place dela clause facultative relative àla compétence a
été l'une de ces étapes intermédiairesnécessaires.
62. Je suis conscient qu'il existe deuxfaçons différentesde rechercher
le meilleur moyen de renforçer la confiance dans le système judiciaire
international.
63. Une premièreconceptionveutquelaCour fassepreuved'uneextrême

prudence lorsqu'il s'agitpour elled'établir sa compétence,eé ncartant toute
situation où, si l'on prend à la lettre la déclaration,on peut estimer que
1'Etatconsidéré n'a pas expressémed notnnéson consentement. En optant
pour cette lignede conduite, on risque, tout en se fondant de manièretout
à fait légitimesur le principe du consentement, d'appliquer celui-ci de
manière unpeu trop littérale et de rogner progressivement surle domaine,
conquis de haute lutte, de la compétenceinternationale conférée àla Cour.
64. Selon une autre conception, la Cour doit établir sa compétence

dans la perspectivede la responsabilitéplus vastequi luiincombe d'asseoir
plus largement cette compétence, eu égardau droit de l'un et l'autre Etat
de voir la seulecour internationale existante réglerleur différendconfor-
mémentaux principes généraux dela justice internationale - en se fon-
dant bien entendu toujours sur l'existenced'un consentement.
65. Une déclaration peutfort bien se prêter à toute une séried'interpré-
tations possibles,et il me sembleque ce serait mieux servir lajustice que de
choisir l'acception la plus large lorsqu'elleest compatible aveclestermes de

la déclaration.Ainsi comprises,les acceptations de la juridiction offrent à
la Cour le point d'appui qui lui permettra d'étoffersa jurisprudence et de
renforcer la confiance des Etats dans la portée et la valeurde la justice
internationale. Des décisionstendant à restreindre sa juridiction au stade
où celle-ciest en train de se mettreen place risquent fort d'entraver la crois-
sance de cettejeune pousse pourtant prometteuse qu'estla justice interna-

Assemblée,Documents de la Sociétédes Nations, voir plus haut, p. 247.de la première
2oIbid., p. 253.tionale21et de dissuader lesparties de s'adresseà la Cour pour réglerleurs
différendsdans des cas où ellespourraient le faire.
66. Aucun de ces principes n'empiète enquoi que ce soit sur le droit
inaliénablede tout Etat souverain de décider demanière entièrementdis-
crétionnaires'ilsouhaite ou non entrer dans l'enclavejudiciaire créée par

le Statut. Les discussions qui ont entouré l'adoption de cetteclause mon-
trent à quel point ses rédacteurs ont pris soin de préserverl'autonomie
des Etats à cet égard, car l'imposition d'une juridiction obligatoire, aussi
limitée fût-elle,apparaissait comme empiétant notablement sur l'autono-
mie des Etats.
67. La structure mêmedu dispositif indique cependant qu'on souhai-
tait préserver la prééminencedu droit international à l'intérieurde ce
havre judiciaire dèslorsque l'on y était entré.Il étaitimportant de garan-
tirà ceux qui y pénétraient quele règnedu droit international serait sans
partage dans cette enclave. A plus forte raison, il était hors de question

qu'un Etat se trouvant à l'intérieur dusystèmepuissese dispenser de res-
pecter les normes de la Charte ou les principes fondamentaux du droit
international.
68. Se dégagerainsi des règlesdu droit international est qualitative-
ment différentdu fait d'exclure de la compétencede la Cour certaines
catégoriesspécifiéed se cas ou de domaines d'activité. Se soustraire à la
juridiction en ce qui concerne ces derniers est manifestement possible
pour un Etat, mais non se considérer comme dispenséde respecter les
règlesen question.

69. De graves violations du droit international commises à l'occasion
d'une activitéparticulièrepeuvent fort bien relever du domaine sur lequel
un Etat a reconnu la compétence générale dlea Cour dans sa déclaration.
Cette compétence serad'autant mieux établiesi, comme c'est le cas dans
la déclaration qui nous occupe, la partie généralesoumet tous les diffé-
rends qui s'élèveraienatprès ladate de la déclarationà lajuridiction de la
Cour. En acceptant l'idéeque des actions s'écartant fondamentalement
des règlesélémentairesdu droit international peuvent échapper à la juri-
diction de la Cour parce qu'ellesrelèvent aussi,àla lettre, d'une clause de

réserve,la Cour risque de renoncer à une partie de cette compétence
qu'elle a crééepour exercer et qui lui a étéconférée à si grand-peine.
70. Le rétrécissement progressidfe la compétencede la Cour qui pour-
rait s'ensuivre risquede compromettre les perspectives de son développe-
ment continu, perspectives envisagéeslors de sa création. Ainsi que le
rappelait si éloquemment M. Cardozo à propos de l'administration de la

premièreAssemblée,le 13décembre1920,où le Statut de la Cour permanente de Justicee la
internationale a étéadopté: «La bouture que nous plantons aujourd'hui dans la terre
poussera, se développera, grandira et deviendra un arbre au tronc haut, aux larges
branches et au feuillageépais,mbre duquel reposeront lespeuples.»(Documents de la
Sociétédes Nations,oir plus haut, par. 231.) (M. Loder a par la suite été élu premier
président de laCour permanente de Justice internationale.)justice, ((l'aubergeoùl'ons'abritepour la nuit n'estpas la findu voyage»22

et si l'on veut aplanir quelque peu le chemin long et difficile qui nous
séparedu but, à savoir le règlement judiciaire des différends internatio-
naux, il faut que chaque étape offrele meilleur abri judiciaire possible.

71. Si l'on se fonde sur l'interprétation de la réservedonnéeci-dessus,
la Cour ne peut pas rejeter la requête espagnole inlimine pour défaut

manifeste de juridiction. Elle n'est peut-êtrepas compétente, maistout
aussi bien, il sepeut qu'elle le soit. La question ne pourra êtretranchée
que lorsque l'on saura siles faits en cause relèvent de lapartie générale de
la déclaration d'acceptation de la juridiction ou de la clause de réserve.
Tant que ces faits ne sont pas connus, la Cour n'est pas en mesure de
rejeter la requêtede l'Espagne.

72. Est-il nécessaire de le préciser? La procédure qui va s'ensuivre
occasionnera des frais et des délais, car il faudra au préalableenquêter
sur les faits afin de pouvoir déterminersi la Cour est compétente:c'est le
prix à payer pour prendre en l'espèceune décision conformeau droit et à
la justice. Il est vrai que le pouvoir discrétionnaire qu'avait laCour, au
titre du paragraphe 5 de l'article 62 du Règlement de 1946,de joindre les

exceptions au fond, lui a formellement étéretiré;mais le nouveau prin-
cipe énoncé à l'article 79 du Règlement de 1978n'exclut pas la possibilité
de joindre une exception au fondz3, et c'est précisément cettesituation
qui est viséeau paragraphe 6 de l'article 79. Certes, de telles situations
sont exceptionnelleset doivent rester le plus rares possible24,mais il me
semble que la présente instance est éminemment decelles où, dans un

souci de justice, il importe de procéderde la sorte.
73. Point n'est besoind'aller plusloin àce stade. Les allégationsformu-
léessont suffisantes, à supposer que les faits dénoncés soient établisp ,our

22Benjamin N. Cardozo, The Growth of the Law, 1931,p. 20.
23Rosenne, op. cit., p. 924-928.
24Pour lesaffaires où il a déjfait appeàcette procédureen tout ou en partie, voir:
Activités militaireset paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-
Unis d'Amérique), compétence et recevabilité,C.I.J. Recueil 1984, p. 425-426; Activités
militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis
d'Amérique), C.I.J. Recueil 1986, p. 29-31; Elettronica Sicula S.p.A.I), C.1.J.
tréal de 1971 résultant de l'incident aériende Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne Mon-
c. Etats-Unis d'Amérique), C.I.J. Recueil 1998, p. 23; Questions d'interprétation et
d'application de la convention de Montréal de 1971 résultant de l'incident aériende
Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne c. Royaume-Uni), C.I.J. Recueil 1998, p. 24; Fron-
tière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria(Cameroun c. Nigéria), C.I.J.
Recueil 1998, p. 57.montrer qu'un différendpouvant faire l'objet d'un recours judiciaire rele-
vant de la compétencede la Cour pourrait bien existerentre les parties au
sujet de violations de normes fondamentales du droit international. A mon
avis, cette question ne saurait êtreconsidérée comme couvertepar une
exception d'incompétenceprésentantun caractère exclusivement prélimi-
naire. Je crois que la Cour n'a d'autre choix, pour déterminersi elle est
compétente,que de passer à la phase suivante de la procédure.

(SignéC )hristopher Gregory WEERAMANTRY

Bilingual Content

DISSENTING OPINION OF VICE-PRESIDENT WEERAMANTRY

Validity of Canadianreservation - Znterpretationof reservation - Zmpor-

tance of conservation of maritime resources - Need for legality of measures
taken to this end - Spanish allegationsunprovedut this stage - Rejectionfor
want ofjurisdiction ut this stage requires Court to hold that even ifal1 Spanish
allegations areproved, Court still has nojurisdiction - Such a conclusioncan-
not be reached having regardto Spanish allegationsof breach of fundamental

principles of international law - States subscribing to jurisdiction cannot opt
out of applicability of fundamental principles of international law - Cases
originatingin excepted aveubut involvingfundamental breachesof international
law not coveredby reservations clause - Znabilityof State to make any reser-

vation it pleases - Need for reservation to be construed in accordance with
legality - Reservations clause to be construedin context of entire declaration
- Reservations clausea hard-wonhaven of legality in midst of conjlictingsov-
ereignclaims - Historical overview - Expectation that consensualjurisdiction
would growthrough experience - Dangerof progressive contractionof consen-

sua1jurisdiction - Strengthening effect on consensualsystem of independent
interpretation by Court of reservations clauses - Canadian objection not of
exclusivelypreliminary character.

TABLE OF CONTENTS

Paragraphs
1-6[Traduction]

Validitéde la réservecanadienne - Interprétationde la réserve - Impor-
tancede laconservation des ressourcesmarines - Les mesuresprises à cettejn

doiventêtrelicites - Les allégations de l'Espagne ne son ptas prouvéesau stade
actuel - AJin de rejeter la requêtepour défautde compétence à ce stade, la
Cour doit conclure que mêmesi toutes les allégationsde l'Espagne sontprou-
vées, laCour n'est pas compétente - Une telle décisionne peut êtreprise eu

égardaux allégationsde l'Espagne relatives à des violations de principes fon-
damentaux du droit international - Les Etats acceptant la juridiction de la
Cour ne peuvent récuserl'applicabilitéde principes fondamentaux du droit
international - Les affaires trouvant leur originedans des domaines visés par
l'exception mais comportantdes violationsdeprincipes essentielsdu droit inter-

national ne sont pas couvertespar les réserves - Les Etats n'ontpas toute lati-
tude pour faire toutes les réserves qu'ils souhaitent- Une réservedoit être
interprétée de manière conformeau droit - Toute clause de réservedoit être
interprétée danlse contexte de l'ensemble dela déclaration - La faculté de

faire des réserves est unhavrejuridique ménagé àgrand-peinedans un contexte
fait de revendications de souveraineté contradictoires - Bref historique -
Espoir qu'une juridiction consensuelle naîtrade l'expérience - Danger d'un
rétrécissemenptrogressif de lajuridiction consensuelle - Renforcement du sys-

tèmeconsensuelpar une interprétationindépendantedes réservespar la Cour -
L'exception canadiennen'apas un caractèreexclusivementpréliminaire.

Paragraphes
LES QUESTIONS QUI SE POSENT EN L'ESPÈCE 1-6

OBSERVATIO PNÉSIMINAIRES 7-16
LES LIMITES À LA FACULTÉ DES ETATS DE FAIRE TOUTES LES RÉSERVES QU'ILS
SOUHAITENT 17-22

QUALIFICATI OEN ACTIVITÉS RELEVANT À LA FOIS DE LA PARTIE GÉNÉRALE
DE LA DÉCLARATION ET DES RÉSERVES 23-36

EFFETS D'UNE INTERPRÉTATION INDÉPENDANTE DONNÉE PAR LA COUR SUR

L'INTÉGRITÉ DU SYSTÈME CONSENSUEL 53-54
LA DOCTRINE QUI A ÉTÉ À L'ORIGINE DE LA CRÉATION DE LA CLAUSE FACUL-
TATIVE 55-70 1. The issues raised in this case offer an opportunity for an examina-
tion of some important aspects of the optional clause, the foundation of
the Court's contentiousjurisdiction.
2. The Court is faced in this case with the difficult task of determining
whether the issues raised by the assertions of Spain are to be considered
as falling within reservation (d) of the Canadian declaration, or under
the general part of that declaration which submits to the Court's juris-
diction "al1disputes arising after the present declaration with regard to
situations or facts subsequent to this declaration".

3. Reservation (d) takes away from the Court's jurisdiction

"disputes arising out of or concerning conservation and manage-
ment measures taken by Canada with respect to vesselsfishingin the
NAFO Regulatory Area, as defined in the Convention on Future
Multilateral Co-operation in the Northwest Atlantic Fisheries, 1978,
and the enforcement of such measures".

4. Spain's contentions are that the alleged actions of Canada, which
occurred on the high seas outside Canada's exclusiveeconomiczone, vio-
lated fundamental principles of international law relating, inter alia ,o
the freedom of the high seas, the sovereign rights of Spain, safety at sea,
and the prohibition of the use of force, which last is a principle enshrined
in the United Nations Charter. Canada contends that its actions fa11
within the ambit of reservation (d), and are thus not subject to scrutiny
by the Court.

5. The Court's decision in this case will therefore have the effect of
determining whether alleged factual situations, which may amount to
breaches of international law extending even to Charter violations, are
covered by the general portion of a declaration and hence justiciable, or
whether they are rendered non-justiciable by the fact that the situation
out of which the claim arises takes its origin in an activity specifiedin a
reservation clause.
6. This is a question fundamentally affecting the entire scheme of
optional clause jurisdiction, and is thus one which merits close attention
from both a procedural and a conceptual point of view.

7. Before exarnining these questions 1 would like to make a few pre-
liminary observations regarding some of the arguments that were urged
before the Court.
8. It is to be noted, in the first place, that, though Canada acted as it
did in terms of certainCanadian legislation, the Court can determine the 1. Les questions poséespar cette instance amènent à réfléchià cer-
tains aspects importants de la clausefacultative,laquelle est le fondement
de la juridiction contentieusede la Cour.

2. La Cour est confrontéeen l'espèce àla tâche délicatede déterminer
si lesquestions soulevéespar les assertions de l'Espagne doivent ou non
êtreconsidérées comme tombant sous lecoup de la réserved) de la décla-
ration canadienne, ou comme relevant de la partie généralede cette
déclaration, quiplace sous la juridiction de la Cour «tous les différends
qui s'élèveraienatprès la date de la présentedéclaration,au sujet de situa-
tions ou de faits postérieurs ladite déclaration».
3. La réserved) exclut de la juridiction de la Cour

((lesdifférendsauxquels pourraient donner lieu les mesures de ges-
tion et de conservation adoptées par le Canada pour les navires
pêchant dans la zone de réglementationde I'OPAN, telle que définie
dans la convention sur la future coopération multilatéraledans les
pêchesde l'Atlantique Nord-Ouest, 1978, et l'exécution detelles
mesures B.

4. L'Espagneaffirmeque les actionsauxquellesseserait livréleCanada
en haute mer, au-delà de sa zone économiqueexclusive,constituent une
violation de principes fondamentaux du droit international ayant trait,
notamment, à la liberté dela haute mer, aux droits souverains de l'Es-
pagne, à la sécurité dela navigation età l'interdiction du recoursà la
force, ce dernier principe étantconsacrépar la Charte des Nations Unies.
Le Canada fait valoir que ses actions relèventde la réserve) et qu'elles
ne sauraient êtreexaminéespar la Cour.
5. La décision prisepar la Cour en l'espèceaura donc pour effet d'éta-

blir si de présuméessituations de fait pouvant constituer des violations
du droit international et mêmedesviolationsde la Charte,sont couvertes
par la partie généraled'une déclaration d'acceptation etpar conséquent
susceptibles d'un recours judiciaire ou si elles échappent au règlement
judiciaire du fait que la situation ayantdonnélieula réclamation trouve
son origine dans une activitéviséepar une réserve.
6. Cette question est cruciale pour l'ensembledu systèmede la clause
facultative et méritedonc que l'on y réfléchisee très près,tant du point
de vue de la procédure que d'un point devue conceptuel.

7. Avant d'aborder ces questions, je souhaite faire quelques observa-
tions préliminairesconcernant certains des arguments qui ont étépré-
sentés àla Cour.
8. Il convient de noter tout d'abord que bien que le Canada ait agi
comme il l'a fait en vertu de certains textes législatifscanadiens, la Courissues before it at the present stage of these proceedings without needing
to pronounce upon the compatibility of Canada's legislation with inter-
national law. Even the more limited question of the non-opposability of
Canadian legislation to Spain is not essential to the determination of the
issues before the Court at this stage. This opinion does not therefore deal
with this question.
9. Secondly, this opinion proceeds on the basis that the Canadian res-

ervations clause is a perfectly valid clause, which Canada was wellwithin
its rights in introducing into its declaration. The question before the
Court is the interpretation of that valid reservation. Problems arise in
relation to the extent to which the applicability of that clause can be
extended.This aspect is more fully dealt with later in this opinion.
10. There have been cases in the Court's jurisprudence in which the
Court has been called upon to examine the scope of a reservation and its
impact upon the entire declarationl. There can indeed be reservations
which are contrary to the very purpose of the optional clause, and thus
invalidate the entire clause. However, the Canadian reservation is far
removed from this category, for a reservation relating to conservation

measures is one which Canada was well entitled to insert in its declara-
tion. The Court's task in the present case is to interpret that reservation
in accordance with international law and the applicable canons of legal
interpretation. It must also be viewed in the context of the totality of the
declaration of which it forms a constituent part.
11. Thirdly, this opinion proceeds entirely upon the basis that Canada
undoubtedly acted with the object of conserving maritime resources - a
purpose to which modern international law attaches the greatest impor-
tance. This objective is inextricably linked with such seminal principles as
the common heritage of mankind and the rights of posterity, which need
to be strengthened as international law progresses into the next century.

However, it goes without saying that such action as may be taken for
these pre-eminently laudable purposes must be taken in compliance with
legality, and not by means conflicting with basic principles of interna-
tional law. The Court cannot, at this stage, reach any conclusion as to
whether the action taken by Canada conflictsor not with such basic prin-
ciples. The Spanish assertion to this effect remains completely unproven
at this stage.

12. Fourthly, it is necessary to stress that the question before the
Court at this preliminary stage is whether, even on the assumption that
al1of Spain's allegations will eventually be substantiated, the Court can

still reach the conclusion that it has no jurisdiction in consequence of the
reservations clause. These allegations include the wrongful use of force,

l See Certain NorwegianLoans, Z.C.J. Reports 1957,p. 9; Right of PassageoverZndian
Territory, Preliminary Objections,1.C.J. Reports 1957, p. 125; and Interhandel, Prelimi-
nary Objections,C.J. Reports 1959, p. 6.peut statuer sur les questions qui se posent dans la phase actuelle de la
procédure sans avoir à se prononcer sur la compatibilitéde la législation
canadienne avec le droit international.Il n'est même pas indispensable de
résoudrele problèmeplus étroit de l'inopposabilitéde la législationcana-
dienne à l'Espagne pour trancher lesquestions dont la Cour est saisieà ce

stade. Dans la présente opinion,je n'aborde donc pas ce problème.
9. En second lieu, l'opinion quej'exprime icipart de l'hypothèseque la
réservecanadienne est parfaitement valide et que le Canada étaittout à
fait en droit de l'inclure dans sa déclaration. Ce qui est demandé à la
Cour, c'est d'interpréter cetteréservevalide. Des problèmes se posent en
ce qui concernela mesure dans laquelle l'applicabilitéde cetteclause peut
êtreélargie. Jetraite plus loin de cet aspect de façon plus détaillée.
10. Il y a eu des cas, dans la jurisprudence de la Cour, où celle-ci a eu
à examiner la portée d'uneréserveet ses effets sur l'ensemblede la décla-

ration'. Il peut effectivement y avoir des réservesqui sont contraires à
l'objetmêmede la clause facultative,et qui l'invalident entièrement.Mais
la réservecanadiennen'entre nullement danscettecatégorie,car leCanada
étaittout à fait en droit d'assortir sa déclaration d'uneréserve relativà
des mesures de conservation. En la présente espèce, il appartient à la
Cour d'interpréter cette réserveconformément au droit international et
aux règlesde droit applicables en matière d'interprétation. Il faut aussi
considérercette réservedans le contexte de l'ensemble de la déclaration,
dont elle fait partie intégrante.
11. En troisième lieu,mon opinion se fonde entièrement sur l'idée que

le Canada a incontestablement agi dans lebut de conserver des ressources
marines - un objectif auquel le droit international moderne attache la
plus haute importance. Cet objectif est inextricablement lié à des prin-
cipes aussi fondamentaux que celui du patrimoine commun de l'hurna-
nitéet des droits de la postérité, qu'il importe de renforceàmesure que
le droit international progresse vers le siècàevenir. Mais il va sans dire
que les actes accomplis dans des buts aussi éminemmentlouablesdoivent
être conformesau droit et non faire appel à des procédéscontraires à
des principes essentiels du droit international. La Cour ne saurait dans la

phase actuelle se prononcer sur la question de savoir si les mesures prises
par le Canada sont ou non incompatibles avec ces principes fondamen-
taux. Les assertions de l'Espagne à ce sujet ne sont nullement avérées à
ce stade.
12. En quatrième lieu, il convient de souligner que la question qui se
pose à la Cour lors de cette phase préliminaire est celle de savoir si,à
supposer que le bien-fondé de toutes les allégations de l'Espagne se
trouve en fin de compte démontré, la Cour peut en tout état de cause
décider qu'elle n'est pascompétente, eu égard à la réserve.Les actions

'Voir Certains emprunts norvégiens,C.1.J. Recueil 1957, p. 9; Droit de passage sur
territoire indien, exceptions préliminaires, C.I.J. Recueil;et Interhandel,
exceptions préliminaire1J. Recueil 1959, p. 6.the violation of the principle of the freedom of the seas, the violation

of Spanish sovereignty, the endangering of the safety of its vesse1and
crew, the unilateral use of coercive measures, the adoption of harassing
manŒuvres by patrol boats, and a wrongful act of arrest of its national
ship. It is only if the Court can pronounce that, granted the correctness
of al1 these allegations, there is still a lack of Court jurisdiction, that
Spain's Application can be dismissed on the preliminary objection of
want of jurisdiction. If not, the Court would be constrained to hold,
in accordance with Article 79, paragraph 7, of the Rules of Court, that
the objection does not possess an exclusively preliminary character.

13. It is true the Court's jurisdiction is consensual. It is true that States
alone determine whether they will or will not submit to the Court's juris-
diction, and that it is entirely within their power, through reservations, to

carve out exceptions to the area of their submission2. It is true also that
the jurisprudence of the Court has laid down that reservations clauses
cannot be framed so as to undermine the declaration of which they form
a part. These are well-beaten trails in international law. The present case
requires us to travel beyond the beaten track in order to examine the
reach of a valid reservations clause, and the balance that must be struck
between its operation and that of the general portion of the declaration.

14. In order to determinethe limits of the reach of a restrictive clause,
we need to examine a variety of legal questions.How does one categorize
a given activity which, while falling within the reservations clause, also
constitutes a violation of basic international obligations which reach far
beyond the limited compass of the reservationsclause? Are the words in
such clauses to be given a meaning consistent with international law, or

are they to be given an unrestricted meaning, irrespective of whether the
activities they cover conflict with international law or not? Would any
measures, however illegal, be brought within the reservation merely
because they purport to be taken within the area of activity covered by
the exception?

15. A further consideration to be borne in mind is the possible impact
upon States of giving to a reservations clause a narrower construction
than the full literalmeaningit would bear had it existed by itself, and was
being construed as a self-contained document. Would such a construc-
tion have an adverse impact on the willingnessof States to consent to the
jurisdiction of the Court, and thus constitute a threat to the viability of
the optional clause system?

The idea of reservations was accepted in principle as far back as 1924,and was so well
established in 1945that it was considered unnecessary at the San Francisco Conference to
make express provision for it. (Shabtai Rosenne,Law and Practice of the Znterna-
tional Court, 1920-1996, 1997, Vol. II, pp. 767-768.)invoquéesincluent le recours illicità la force, la violation du principede
la libertédes mers, l'atteinteà la souveraineté de l'Espagne,la mise en
danger de la sécuritédu navire espagnol et de son équipage, le recours
unilatéralà des mesures coercitives, des manŒuvres de harcèlementde la
part de bateaux patrouilleurs, et l'arraisonnement illicite d'un navire

espagnol. C'est seulement si la Cour peut se déclarer incompétenteen
dépitde l'exactitudede ces allégationsqu'ellepourra rejeter la requête de
l'Espagne en raison de l'exception préliminaire d'incompétenceD . ans le
cas contraire, la Cour devrait reconnaître, conformément au para-
graphe 7 de l'article79de son Règlement,que l'exceptionne présentepas
un caractère exclusivementpréliminaire.
13. 11est vrai que lajuridiction de la Cour est consensuelle. Il est tout
aussi vrai qu'il appartient aux seuls Etats de déterminers'ils sesournet-
tront ounon à la juridiction de la Cour, et qu'ilsont toute latitude, grâce
aux réserves,pour fixer des exceptions à la portée de cettejuridiction2. Il
est tout aussi vrai que d'aprèslajurisprudence de la Cour, les réserves ne
sauraient êtreformuléesd'une façon qui nuise à la déclarationdont elles

font vartie. Ce sont là des lieux communs en droit international. Or la
présenteaffaire nous amène à nous aventurer hors de ces sentiersbattus
afin d'examiner jusqu'où peuvent aller les effets d'une réserve valide,et
de rechercher l'équilibre nécessaire entre l'application de la réserveet
l'application de la partie générale dela déclaration.
14. Afin de déterminer jusqu'où peuvent aller les effets d'une clause
restrictive, il nous faut examiner divers points de droit. Comment carac-
térise-t-ontelle activitéqui, tout en tombant sous le coup d'une clause de
réserve,constitue aussi une violation d'obligations internationales élé-
mentaires dépassant très largement les limites bien circonscrites de la
réserve? Faut-il conférer auxtermes utilisésdans de telles clauses une
significationconforme au droit international, ou doivent-ilsêtre compris

de manière non restrictive, sans se préoccuperde savoir si les activités
couvertes par la réservesont ou non incompatibles avec le droit interna-
tional? N'importe quelle mesure, aussi illicite soit-elle, pourrait-elle être
protégée par la réservepour la simpleraison qu'ellerelèveraitdu domaine
d'activité couvertpar I'exception?
15. Un autre point à prendre en considération estl'effetque pourrait
avoir sur les Etats le fait de donner une réserveune intervrétation vlus
étroite quele plein sens littéral quilui serait conférési elle existait par
elle-même et si on la considéraitcomme un texte distinct. Une telle inter-
prétation entamerait-ellela volontédes Etats d'accepter la juridiction de
la Cour, ce qui compromettrait la viabilitédu systèmede la clause facul-

tative?

*La possibilité de faire des réservefsut acceptéedans son principe dès1924,et étaitsi
solidement établieen 1945que l'on jugea inutile,férencede San Francisco, d'en
faire expressémentmention. (Shabtai Rosenne, The Law and Practice of the International
Court, 1920-1996, 1997,vol. II, p. 767-768.) 16. These questions are of great consequence to the entirety of the
Court's judicial activities, having regard to the fact that a substantial
number of declarations by consenting States do in fact incorporate res-
ervations couched in a variety of forms. They also touch the core of the
concept of submission to the Court's jurisdiction, and therefore warrant
some extended consideration of the nature of that jurisdiction and the
hopes attendant on its creation.

17. Once a State has entered the consensual system, submission to the
basic rules of international law inevitably follows, and there can be no
contracting out of the applicability of those rules. Once within the sys-
tem, the rules of international law take effect, and apply to the entirety of
the matter before the Court, irrespective of State approval. It has been
argued before us that the greater power of total abstention or total with-

drawal always includes the less. That proposition is unimpeachable, but
at the same time can make no difference to the dominance of interna-
tional law within the system once it is entered.

18. Though, regrettably, there are still many areas of international
activity which are not reached by the writ of international law, one area
where legality rules is within the consensual system.

19. It scarcely needs emphasis that the basic principles of international
law permeate the entirety of that limited domain, and that the natural
freedom to make reservations to the acceptance of that jurisdiction can-
not extend to excluding the operation within it of the fundamentals of
international law. The preservation of the integrity of that legal territory,
within the limits in which it functions, imposes upon those who enter it

certain constraints in the best interests of al1users, and in order to pre-
serve the inviolability of international law.

20. Illustrations of the proposition that, once within the system, the
declarant State must submit to the rules and proceduresprevalent therein,
are not difficult to find. Examples include the undoubted principle that it
is for the Court, and not for litigatingStates, todecide on itsjurisdiction.
That compétence de la compétenceis a matter exclusivelyfor the Court to
determine is a principle which is well entrenched in the Court's Statute
(Art. 36 (6)) and jurisprudence3. Indeed, the principle that an interna-
tional tribunal is themaster of its own jurisdiction can be described as a

See, for example, Nottebohm, Preliminary Object1.CJ. Reports 1953, p. 119.

72 16. Voilà des questions qui sont d'une grande importance pour l'en-
semble des activitésjudiciairesde la Cour, étant donnéque bon nombre
de déclarations d'acceptation faites par les Etats comportent effective-
ment des réserves, formulées demanière trèsdiverse. En outre, ces ques-
tions touchent au cŒurmêmede la notion d'acceptation de lajuridiction
obligatoire de la Cour, de telle sorte qu'il faut bien réfléchirla nature
de cette juridiction et aux espoirs que l'on nourrissait lors de sa créa-
tion.

17. Dèslors qu'un Etat adhèreau systèmeconsensuel,il est inévitable-
ment tenu de se soumettre aux règles élémentairesdu droit international,
et aucun arrangement ne saurait le dispenser de respecter ces règles. A
partir du moment où il est entré dansce système,les règlesdu droit inter-
national prennent effet et s'appliquentà la totalité del'affaire soumiseà
la Cour, que 1'Etaten soit d'accord ou non. On nous a fait valoir que la
facultéplus large d'abstention totale ou de retrait inclut nécessairement

une facultémoindre. C'estlà un argument incontestable,mais qui ne sau-
rait changer le fait que c'est ledroit international qui prime dèslors que
1'011a adhéréau système.
18. Il est malheureusementvrai qu'il subsiste de multiples domainesde
l'activitéinternationale qui ne sont pas encore régispar lesrèglesdu droit
international, mais s'ilen est un où le droit prime, c'est celui du système
consensuel.
19. Il esà peine besoin de souligner que les principes fondamentaux
du droit international sont pleinement respectéssur l'ensemblede ce ter-
ritoire restreint, et que la faculté naturelle de faire des réservesccep-
tation de la juridiction obligatoire ne saurait aller jusqu'à la possibilité
d'exclurede ce domaine le respect desnormes élémentaires du droit inter-
national. Préserver l'intégrité dcee domaine dans les limites duquel le

droit prime, impose à ceux qui y entrent certainescontraintes qui sont de
l'intérêt dteous ceux qui s'y trouvent et qui tendent à préserver l'invio-
labilitédu droit international.
20. Il est assez facile de trouver des exemples pour illustrer l'idée selon
laquelle, dès lors qu'il fait partie du système, 1'Etat déclarant doit se
conformer aux règleset procéduresqui y sont en vigueur. C'est ainsi par
exemple qu'il est un principe consacré qui veut que ce soit à la Cour et
non aux Etats parties au différendde se prononcer sur la compétencede
celle-ci. Le principe selon lequel laompétencede la compétenceest du
ressort exclusifde la Cour est bien établipar le Statut de la Cour (art. 36,
par. 6) et par la jurisprudence3. Bien plus, l'idéequ'un tribunalinterna-

Voir par exemple Nottebohm, exception préliminaire, C.I.J. recueil 1953, p. 119.fundamental principle of international law4,and as the Court observed in
Nottebohm, "Paragraph 6 of Article 36 merely adopted, in respect of the
Court, a rule consistently accepted by general international law in the
matter of international arbitration."

21. Likewise, itisthe Courtthat determinesits rules of procedure, and

not the States that appear before it. Parties coming before the Court must
accept the Court's rules of procedure and must submit to them, for the
act of submission to the Court's jurisdiction implies a submission to the
Court's procedural rules, and to the principle that the Court, and not the
parties, is themaster of its own procedure.
22. So, also, any matter that arises for adjudication within optional
clause territory would be governed strictly by the rules of the United
Nations Charter and the Statute of the Court. One cannot contract out
of them by reservations, however framed. The basic principles of inter-
national law hold sway within this haven of legality, and cannot be dis-
placed at the wish of the consenting State.

23. A central question arising in this case is whether an activity origi-

nating in an area reserved from the jurisdiction of the Court can run its
course into violations of Charter principles or fundamental principles of
international law, free ofjudicial scrutiny merely because it originated in
the excepted area. For example, are incursions into another State's terri-
tory to be free of judicial scrutiny merely because the initial action origi-
nated in a measure of conservation? Are acts of violence against a vesse1
of a sovereign State on the high seas free of judicial scrutiny merely
because they originated in enforcementmeasures? 1sthere rather a point
at which, upon a reasonable construction of the reservations clause, its
applicability ceases or begins to be shrouded in doubt, and the action in
question moves into the territory of the general part of the declaration?
Would it be a more reasonable interpretation of such a clause that it pre-

cludes scrutiny of activities within the ambit of the exempted area, but
not transgressions extending well beyond its natural scope? These are
important questionspointedly raised by this case, which go to the core of
the concept of submission to the Court's jurisdiction.

See Rosenne, op. cit., pp. 846-852.
1.C.J. Reports 1953, p. 119.

73tional a la haute main sur sa propre compétence peut êtreconsidérée
comme un principe fondamental du droit international4, et ainsi que la
Cour l'afait valoir dans l'affaireottebohm, «le paragraphe 6 de l'article
36 ne fait que consacrer, en ce qui concerne la Cour, une règletoujours
appliquéepar le droit international général en matièred'arbitrage inter-
national )P.
21. De même, c'es àt la Cour qu'il incombede fixerson règlementinté-
rieur et non aux Etats qui comparaissent devant elle. Les parties qui
s'adressent à la Cour doivent en accepter le règlement et s'y soumettre,

car le fait de reconnaître la juridiction de la Cour suppose l'acceptation
de ses règlesde procédure et du principe que c'est la Cour et non les
parties qui décidede sa procédure.
22. Ainsi, dès lors que la Cour est saisie d'une question relevant du
domaine de la clause facultative, cette question doit elle aussi êtrestric-
tement régiepar les règlesfixéespar la Charte des Nations Unies et le
Statut de la Cour. On ne saurait s'ysoustraire en formulant des réserves,
quelle que soit la forme qu'on leur donne. Les principes fondamentaux
du droit international priment à l'intérieur de cette enclaveprotégée et ne
sauraient êtreremis en cause au gré de 1'Etatdéclarant.

23. Une question essentiellequi se pose en l'espèce est celde savoir si
une activitétrouvant son origine dans un domaine qui a étéexclu de la
juridiction de la Cour peut suivre son cours en allant jusqu'à violer des

principes de la Charte ou des principes fondamentaux du droit internatio-
nal sans pouvoir faire l'objet d'un examen judiciaire au simple motif
qu'elleressortit au domaine exclu.Par exemple,doit-on considérerquedes
incursionssur leterritoire d'un autre Etat sont l'abri de tout recoursjudi-
ciairepour la simpleraison que l'action dedéparttrouvait son originedans
une mesure de conservation? Des actes de violenceperpétrésen haute mer
à l'encontre d'unnavire battant pavillon d'un Etat souverain sont-ilshors
deportée de l'instancejudiciaire au simplemotif qu'ilsont pour origine des
mesures d'exécution? Oubien y a-t-il un moment où, à partir d'une inter-
prétation raisonnablede la réserve,l'applicabilitéde celle-cicesseou com-

mence d'être douteuseet où l'action considérée peut êtrevue comme rele-
vant de la partie généralede la déclaration? Serait-il plus raisonnable
d'interpréter unetelle clause en disant qu'elle exclut l'examen d'activités
appartenant au domaine exclu, mais non de transgressions allant bien au-
delà de son champ d'application naturel? Ce sont là des questions impor-
tantes qui se posent avec acuitéen l'espèce,et qui touchent à l'essence
mêmede la notion d'acceptation de la juridiction de la Cour.

Voir Rosenne, op. cit., p. 846-852
C.ZJ. recueil 1953, p. 119. 24. Where, as in this case, there is a general submission to the Court's
jurisdiction, followed by particular exceptions, the general part states the
principleunderlyingthe declaration, namely, the principle of submission.
That general part sets the framework within which the Court's jurisdic-
tion is accepted. It constitutes, inter alia, a submission to the general
corpus of international law and, in particular, to its ruling principles. The
reservations constitute exceptions - in this case ratione rnateriae - to
that jurisdiction. They do not constitute exceptions to the ruling prin-

ciples of the corpus of international law.

25. If, then, a State should assert that another State has sought to
impose upon the applicant Statea submission to the unilateral exerciseof
its penal jurisdiction on the high seas, to violate the basic principle of
freedom of the high seas, to violate the peremptory nom of international
law proscribing the use of force, to violate thereby a fundamental prin-
ciple of the United Nations Charter, to violate the well-established prin-
ciple of the complainant State's exclusive sovereignty on the high seas
over vesselscarrying its national flag, to endanger the lives ofits seamen

by a violation of universally accepted conventions relating to the safety
of lives at seas - can al1these alleged fundamental violations of inter-
national law, which would engage thejurisdiction of the Court under the
general principle of submission, be swept away by the mere assertion that
al1these were done as a measure of conservation of fisheries resources?
Reservations do not constitute a vanishing point of legality within the
consensual system.

26. Pt is true it is entirely within the Court's discretion to determine
whether a given cause of action must be placed within the receptacle of

the general principle or of the particular exception. That discretionmust,
however, be exercised and not abdicated merely owing to the presence of
the exception.Moreover, when it is exercised, it must be exercisedwith a
due sense of balance regarding the claim of each receptacle to contain it.
27. In illustration of this sense of proportion that must be maintained
between the two repositories, and of the primary values underlying a
choice between them, Spain offered the Court a telling example of the
exclusion of commercial disputes under a hypotheticalreservation.Could
any application concerning the commercial exploitation of children be

excluded under the reservation, on the argument that this constituted "a
commercial issue" 6? Or, again, could the Court refrain from assertingits
jurisdiction regarding the bombing or torpedoing of a fishing vesse1on
the basis that it related to a measure of fisheries conservation?

28. A comparable situation can be envisaged which even infringes
upon the territorial integrity of a sovereign State. For example, legal

6 CR 9819,p. 52, para. 35 [translation by the Registvy].

74 24. Lorsque, comme c'est le cas en l'espèce,on est en présenced'une
acceptation générale dela juridiction de la Cour assortie d'exceptions
particulières,la partie généraleénoncele principe qui sous-tend la décla-
ration, à savoir le principe de la reconnaissance de la juridiction. Cette
partie généralefixe le cadreà l'intérieur duquel lajuridiction de la Cour
est acceptée. Elle représentenotamment une acceptation du droit inter-
national dans son ensemble et en particulier, de ses normes fondamen-
tales. Les réserves constituent des exceptions à cette juridiction -
exception ratione materiae en l'espèce. Elles neconstituent pas des
exceptions aux normes fondamentales du droit international.

25. Si donc un Etat demandeur affirme qu'un autre Etat a tenté dele
contraindre à se soumettre unilatéralement à sa juridiction pénale en
haute mer, de transgresser le principe fondamental de la liberté de la
haute mer, de violer la norme absolue du droit international qui proscrit
l'emploi de la force, de violer ainsi un principefondamental de la Charte
des Nations Unies, de transgresser le principe bien établi dela souverai-
netéabsolue de 1'Etatdemandeur, en haute mer, sur les navires battant
son pavillon, de mettre en danger la vie de ses marins au mépris de
conventions universellement acceptéesconcernant la sauvegarde de la vie
humaine en mer: toutes cesviolations présumées derèglesfondamentales
du droit international, relevant de la compétence dela Cour en vertu de

la reconnaissance générale de sajuridiction, peuvent-elles êtreécartées
d'un revers de main en affirmant simplement que toutes ces actions
étaient des mesures de conservation des ressources halieutiques? Les
réservesne sont pas des trous noirs du systèmeconsensuel où le droit
n'aurait lus cours.
26. 11estvrai que la Cour atout pouvoir pour décider si uneactiondon-
néerelèvedu principe généralou de l'exception particulière. Mais elle se
doit d'exercer ce pouvoir discrétionnaire et non de l'abdiquer au simple
motif qu'il existe une réserve.De plus, lorsqu'elle l'exerce, elle doit le
faire en veillantà bien respecter l'équilibreentre les deux parties de la
déclaration susceptibles d'êtreinvoquées à propos d'une action donnée.

27. Pour illustrer le fait qu'il convientde conserver le sens des propor-
tions en ce qui concerne ces deux aspectset donner un aperçu des valeurs
essentielles qui doivent inspirer le choix faire entre ces deux éléments,
l'Espagne a proposé à la Cour un exemple évocateur concernant une
réservehypothétique qui exclurait les différendsà caractère commercial.
Une requête concernant l'exploitation commerciale des enfants pourrait-
elle êtreexclue en vertu d'une telle réserveau motif qu'il s'agirait d'une
((question commerciale » ?6.Ou encore, la Cour pourrait-elle se déclarer
incompétente s'agissant du bombardement ou du torpillage d'un bateau
de pêcheau motif qu'il s'agit d'une mesure de conservation des pêches?
28. On peut imaginer une situation comparable ou il serait même

porté atteinteà l'intégrité territoriale d'unEtat souverain. Par exemple,

CR 9819,p. 52, par. 35.action within one country to protect a herd of elephants that straddles
national boundaries cannot obviously be pursued into the territory of
another. If wildlife rangers should, in protection of the elephants, move
into the neighbouring State's territory and use forceagainst the nationals
of that State, this action would clearly travel far beyond the confines of a
reservations clause relating to conservation measures for the protection
of wildlife. So, also, would a move to jam al1radio frequencies to poach-
ing fishingvessels.This may well bedescribed as an enforcementmeasure
as it cripples the operation of the poaching vessel. Yet, at the same time,
it would breach a seriesof State obligations in relation to safety at sea, as
well as obligations under various treaties and conventions.

29. To hold that a breach of such basic obligations is removed from
the Court's jurisdiction by the reservation would be to denude the Court
of an essential part of the basic jurisdiction conferred upon it by the dec-
laration of the States concerned.
30. To approach this problem in another way, if a reservations clause
should expressly state that any act which originates as a conservation
measure is free of Court jurisdiction, even though it amounts to an un-
authorized use of force against a sovereign State, one can be in little

doubt that such a clause would be held to be incompatible with the dec-
laration. Quite clearly, a result which cannot be achieved by express dec-
laration, cannot be achieved by judicial interpretation of terms which are
lessthan express, and 1do not think a reservations clause can be so con-
strued as to achieve such an unacceptableresult. To borrow the language
Sir Hersch Lauterpacht used in Certain Norwegian Loans, regarding
another reservations clause7, this result would be "both novel and, if
accepted, subversive of international law"

31. There may in some circumstances be difficulty in determining the
classification of a particularpiece of conduct which, while literally falling
within a reservations clause, also amounts to such a violation of basic

international law principles as to fa11within the general consensual juris-
diction granted to the Court. However, there are cases which clearly fa11
within one category or the other, such as a violation of the peremptory
nom against aggression. In such cases, the result must follow inexorably
that parties who have consented to a régimeof legality cannot opt out
of the very foundations of that régimeof legality to which they have
consented. In my view, the present case is one such, which falls clearly

One which excluded from the jurisdiction of the Court "matters which are essentially
within the national jurisdiction, as understood by the Government of the French
lic".
Separate opinion, 2.C.J. Reports 1957, p. 37.des mesures législatives prisesà l'intérieur d'un payspour protéger un
troupeau d'éléphantssedéplaçant depart et d'autres des frontièresnatio-
nales ne sont évidemmentpas applicablessur le territoire d'un autre pays.
Si les gardes chargés de la protection de la faune pénètrent sur le terri-
toire du pays voisin afinde protégerleséléphantsetfont usage de la force
à l'encontre des ressortissants de ce pays, leur action outrepassera de

toute évidencelargement les limites d'une clause de réserverelativeà des
mesures de conservationvisant à protégerla faune. Il en irait de mêmede
mesures visant à brouiller les fréquencesradio de navires pêchantilléga-
lement.On pourrait qualifier une telle intervention de mesure d'exécution
puisqu'elle paralyserait l'activitédu navire braconnier. Mais en même
temps, elle enfreindrait toute une séried'obligations contractées par les
Etats en matière de sécuritéen mer, de mêmeque certaines obligations
assumées envertu de divers accords et conventions.
29. Déciderque le fait de transgresser des obligationsaussifondamen-

tales a étéexclu de la compétencede la Cour en vertu de cette réserve
serait priver la Cour d'une part essentielle de la juridiction que les Etats
intéresséslui ont conféréelorsqu'ils ont fait leur déclaration.
30. J'aborderai ceproblème sous unautre angleen faisant observer que
si une clause de réserveprécisait expressémentquetout acte définià l'ori-
gine comme une mesure de conservation est exclu de la juridiction de la
Cour mêmes'iléquivaut à un recours illicità la forceà l'encontre d'un
Etat souverain, il n'ya guèrede doute qu'une telleclause seraittenuepour
incompatible avec la déclaration. De toute évidence,un résultat qui ne
peut être obtenu par une déclaration expresse ne saurait l'êtrepar une

interprétation juridictionnelle de termes qui ne sont pas exprès,et je ne
crois pas qu'une réserve puisseêtre interprétée de telle sorte que l'on
aboutisse àun résultataussi inacceptable. Ainsi quel'a dit sir Hersch Lau-
terpacht dans l'affaire relatiàeCertainsempruntsnorvégienset s'agissant
d'une autre clause de réserve7,unetelle conclusion serait«à la fois nou-
velle et, si elle est acceptée,subversive en droiternati~nal»~.
31. Dans certaines circonstances, il peut s'avérerdifficile de qualifier
telle conduite qui, tout en relevant à la lettre d'une clause de réserve,
équivaut néanmoins a une violation de principes élémentairesdu droit

international d'une telle gravitéqu'elle se trouve ressortir aussia com-
pétence généraleconférée àla Cour en vertu du systèmeconsensuel. Mais
il est des situations que l'on peut sans hésiter classerdans l'une ou l'autre
catégorie - par exemple si l'on est en présenced'une violation de la
norme absolue interdisant l'agression. En pareil cas, on sera inexorable-
ment amené à conclure que des parties qui ont consenti à un régimede
conformitéavec le droit ne sauraient faire fides fondements mêmesde ce

Réservequi excluait de la juridiction de la Cour les ((affairesqui relèvent essentielle-
ment de la compétencenationale telle qu'elle est entendue par le Gouvernement de la
Républiquefrançaise
C.I.J. Recueil 1957, p. 37 (opinion individuelle).within the ambit of the general submission rather than the particular
reservation.

32. Speaking in general terms, and not in the context of this particular
case, a State may not, therefore, be able, under cover of a reservation
relating to a specifiedkind of activity, to exempt itself from the scrutiny

of basic illegalitiesthat occur within that area of action.
33. A contrary viewwould mean that if any disputebrought before the
Court has even a slender connectionwith the subject-matter of a reserva-
tion, the Court could deny itself (and, even more importantly, the com-
plainant State) of jurisdiction. It is of the nature of every dispute that it
has multiple implications and, if the Court were to take the view that a
connection, however slender, with such a reservation would deprive it of
jurisdiction, the Court would greatly attenuate the jurisdiction conferred
upon it by the general part of the declaration.

34. In this context, it is useful to recall the observations of this Court
in United States Diplornatic and Consular Staff in Tehvan, where the
Court remarked that :
"no provision of the Statute or Rules contemplates that the Court
should decline to take cognizance of one aspect of a dispute merely

because that dispute has other aspects, however imp~rtant"~.
and that

"if the Court were, contrary to its settled jurisprudence, to adopt
such a view,it would impose a far-reaching and unwarranted restric-
tion upon the role of the Court in peaceful solution of international
disputes" Io.

35. The Court will always have the discretion to determine whether a
particular situation falls within the reservations clause or the general sub-
mission. "Automatic" reservations, which leave no discretion to the
Court, but take effect of their own motion, would be contrary to the
principle that the Court is the ultimate arbiter of this question. To quote
a distinguished former President of this Court, writing extrajudicially :

"The arguments that an automatic reservation is void are compel-
ling whenever it is indeed the case that they operate in such a way as
to leave no scintilla of jurisdiction to the Court.""

36. For these reasons, 1 do not think actions originating from an
exempted area of activity can be considered to be still subsumed under

1C.J. Reports 1980,p. 19,para. 36.
'OIbid., p. 20, para. 37.
l1R. Y. Jennings, "Recent Cases on 'Automatic' Reservationsto the Optional Clause",
International and Comparative Law Quarterly, Vol. 7, 1958,p. 349, at p. 361.régimeauquel elles ont adhéré.A mes yeux, c'est le cas en la présente
espèce, et les faits relèvent manifestement de la partie généralede la
déclaration plutôt que de la réserveparticulière.
32. D'une manièregénérale et non simplement dans leprésentcontexte,

un Etat ne saurait donc prétendre, sous couvert d'une réserveayant trait
à un type d'activitéspécifiéé , chapperà l'examen d'actes fondamentale-
ment illicites commis dans le cadre de cette activité.
33. En décider différemment signifieraitque si un litige porté devantla
Cour présente un lien mêmeténu avec l'objet d'une réserve,la Cour
pourrait se priver (et, plus important encore, priver 1'Etatdemandeur) de
compétence.Chaque différenda par nature de multiples facettes et si la
Cour décidait qu'en raison d'un lien avec une telle réserve,aussi mince
soit-il, ellese trouve dénuéedejuridiction, elleamoindrirait considérable-
ment la compétencequi lui a été conféréeau titre de la partie générale de

la déclaration.
34. Dans ce contexte, il y a lieu de se référeraux observations for-
muléespar la Cour dans l'affaire relative au Personnel diplomatique et
consulairea Téhérane ;lle soulignait que :

((aucune disposition du Statut ou du Règlementne lui interdit de se
saisir d'un aspect d'un différendpour la simple raison que ce diffé-
rend comporterait d'autres aspects, si importants soient-ils»9.
Elle ajoutait:

«si la Cour, contrairement à sa jurisprudence constante, acceptait
une telle conception, il en résulterait une restriction considérable et
injustifiéede son rôle en matière de règlement pacifique des diffé-
rends internationaux)) 'O.

35. La Cour aura toujours le pouvoir discrétionnaire de décidersi telle
situation particulière relèvede la clause de réserveou de la partie générale
de la déclaration. Des réserves((automatiques)), ne laissant aucune lati-
tude à la Cour mais prenant effet par elles-mêmess ,eraientcontraires au
principe selon lequel la Cour est l'arbitre ultime en cette matière. Pour

citer un ancien présidentde la Cour, éminentspécialistequi écrivaitalors
à titre personnel :
«Les arguments selon lesquels une réserveautomatique est enta-
chéede nullitésont irrésistibles dèslors qu'il est constaté quecelle-ci
tend à s'appliquer sans laisser la moindre parcelle de compétence à la

Cour. » ''
36. Pour ces raisons, il ne me semble pas que des actions trouvant leur
origine dans un domaine d'activitéqui a étéexclu puissent être considé-

CI.J. Recueil 1980, p. 19,par. 36.
l0Ibid., p. 20, par. 37.
l1R. Y. Jennings, ((Recent Cases on "Automatic" Reservations to the Optional
Clause)), International and Comparative Law Quarterly, vol. 7, 1958,p. 361.the head of the excepted activity when it has far transcended the reason-
able lirnits of that activity. Whether it has transcended those limits can

only be decided when the facts are known, but 1cannot subscribe to the
proposition that, beforehose facts are known, the Court can pronounce
that it has no jurisdiction, merely because the actions complained of
originated under that head.

INTERPRETATI OFNRESERVATIO CLSAUSE IN CONFORMIT WYITHLEGAL
MEANING OFTERMS USED

37. There is a presumption of good faith in al1 State actions and,

hence, in regard to the declarations which a State may make under
Article 36. Consequently, if one were interpretingthe intention of Canada
in making this declaration, one would attribute to Canada the intention
of using terms in conformity with their legal meaning.

38. Another approach to the question is to apply the usual rule of
interpretation that, in interpreting a legal document, one must construe
its terms in accordance with legality rather than in violation thereof. The

conservation and enforcement measures which Canada contemplated
must therefore be interpreted toan such measures as are in accordance
with the law, and not measures which are in violation thereof.cite in
this connection an observation from Oppenheim's International Law
which sets out the law applicable to the interpretation of treaties in a
manner no doubt equally applicable to the interpretation of other inter-
national legal documents:

"Account is taken of any relevant rules of international law not
only as constituting the background against which the treaty's pro-
visions must be viewed, but in the presumption that the parties
intend something not inconsistent with the generally recognised

principles of international law, or with previous treaty obligations
towards third states."2

Even more explicitly, and in reference to texts emanating from Govern-

ments, this Court observed in Right of Passage overIndian Territory:

"It is a rule of interpretation that a text emanating from a Gov-
ernment must, in principle, be interpreted as producing and as

intended to produce effects in accordance with existing law and not
in violation of it."
39. One would thus, even without the benefit of treaty definitions, tend

'2R. Y. Jennings and A. Watts (eds.), 9th ed., 1992,p. 1275.
l3Preliminary Objections, Z.C.J. Reports 1957, p. 142.réescomme relevant encore de l'activitéexclue lorsqu'ellesont largement
outrepasséles limites de cette activité.La question de savoir si ceslimites
ont étéfranchies ne peut être tranchée qu'unefois les faits connus; mais

je ne puis souscrire à l'idéeque la Cour peut se déclarer incompétente
avant d'avoir établices faits, au simple motif que les actions viséespar la
réclamationont trouvéleur origine dans le domaine en question.

L'INTERPRÉTAT DIENLA CLAUSE DE RÉSERVE DOIT ÊTRE CONFORME
À LA SIGNIFICATION JURIDIQUE DES TERMES UTILISÉS

37. Les Etats bénéficientd'une présomption de bonne foi en ce qui
concerne toutes leurs actions et, partant, en ce qui concerne les déclara-

tions qu'ilsfont en vertu de l'article6. En conséquence,pour interpréter
l'intention aui étaitcelle du Canada lorsau'il a fait sa déclaration. on le
créditerade l'intention d'utiliser lestermes conformément à leur significa-
tion juridique.
38. Une autre façon d'aborder la question est d'appliquer la règle
habituelle en matière d'interprétation, qui veut que lorsque l'on inter-
prète un texte juridique, on en comprend les termes d'une manière

conforme au droit et non contraire à celui-ci. Les mesures de conserva-
tion et de gestion que le Canada envisageait de prendre doivent donc être
interprétéescomme licites et non comme des mesures allant àl'encontre
du droit. A ce propos, je citerai une observation figurant dans Oppen-
heim's International Law, où est énoncéela règlede droit applicable à
l'interprétation des traités,règlecertainement aussi applicable à l'inter-
prétation d'autres textes juridiques internationaux:

((11est tenu compte de toutes règlespertinentes du droit interna-
tional, non seulement en tant qu'elles constituent le contexte dans
lequel les dispositions du traité doivent êtreconsidérées, mais aussi
en partant de l'hypothèseque l'intention des parties n'est pas incom-

patible avec les principes généralementreconnus du droit internatio-
nal, ni avec des obligations contractées envers des Etats tiers en
vertu de traités antérieurs.l2

D'une manière plus explicite encore, la Cour a fait observer dans
l'affaire duDroit depassage surterritoire indien, à propos de documents
émanantdes gouvernements :
«C'est une règled'interprétation qu'untexte émanant d'un Gou-

vernement doit, en principe, être interprétécomme produisant et
étantdestiné à produire des effets conformes et non pas contraires
au droit existant. l3

39. Mêmesans invoquer des définitionsfigurant dans des traités, nous

l3Exceptions préliminaires, C.Z.J. Recueil 1957, p. 142.1275.to construe "conservation and management measures" as those taken in
accordance with law. Reference may usefully be made in this connection
to such treaty definitions as that contained in Article 1 (1) (b) of the
United Nations Agreement on the Conservation and Management of
Straddling Fish Stocks of 1995, which expressly defines the expression
"conservation and management measures" as meaning

"measures to conserve and manage one or more species of living
marine resources that are adopted and applied consistent with the
relevant rules of international law as reflected in the Convention and
this Agreement" (emphasis added).

Such definitions reinforce the natural conclusion that when expressions
such as "conservation and management measures" occur in a legal docu-
ment, they must be given a meaning which is consistent with legality.
Such expressions in other publications, such as a scientific or environ-
mentaljournal, may well carry other connotations but, in a solemn legal

document emanatingfrom a State, they can carry only such a meaningas
is consistent with law.

40. If legality be a requisite of the meaning of the expression, at least a
prima facie case exists that such assertionsas breach of essential parts of
the modern law of the sea (such as the freedom of fishing and navigation,
and the principle of exclusive State jurisdiction over ships flying the
national flag), and of the peremptory nom of international law against
the threat or use of force, are assertions which, if substantiated, take this
case out of the ambit of the reservations clause. This is not to speak of
assertions of a series of specific acts committed outside Canada's 200-

mile zone, includingthe use of water cannon and the cutting of trawl net
cables which, according to Spain, have had the effect of endangeringthe
safety of life at sea in violation of international regulations and cov-
enants. These Canadian actions were, moreover, the subject of a Note
Verbale by the Delegation of the European Commission in Canada, pro-
testing, inter alia, at the arrest of a vesse1in international waters by a
State other than the flag State - an act which they alleged is illegal, both
under the NAFO Convention and under customary international law,
and "goes far beyond the question of fisheries conservation" 14.

41. 1stress that there is no finding as yet on any of these matters. Yet,

so long as the possibility is open that they may be proved, it seems to me
that the Court cannot hold that it is manifestly withoutjurisdiction. That
situation may well be reached when the facts are known. Then and only

l4Note Verbaleof 10March 1995,Mernorial of Spain,Ann. 11.voici donc amenés à interpréter les ((mesures de conservation et de ges-
tion» comme des mesures conformes au droit. On se référerautilement à
ce sujetà telles ou telles définitionsfigurant dans des instruments, comme
celleénoncée à l'alinéab) du paragraphe 1de l'article premier del'Accord
des Nations Unies sur la conservation et la gestion des stocks de poissons
chevauchants de 1995,qui définit expressémenltes((mesuresde conserva-

tion et de gestion)) comme
«des mesures destinéesà la conservation età la gestion d'une ou plu-
sieurs espècesde ressources biologiques marines, adoptées et appli-

quées en conformitéavec les règlespertinentes du droit international
telles qu'énoncéesdans la convention et dans le présent accord»(les
italiques sont de moi).

De telles définitions viennentcorroborer la conclusion à laquelle on est
naturellement amené, à savoir que lorsque l'on trouve dans un document
juridique des expressions telles que ((mesuresde conservation et de ges-
tion», il convientde leur conférerune significationconforme au droit. Dans
une autre publication, par exempledans une revuescientifiqueou relativà
l'environnement,une telleexpressionpourra fort bien avoir d'autres conno-
tations, mais dans un documentjuridique solennelémanant d'un Etat,elle
ne peut avoir d'autre significationque compatible avec le droit.
40. Si la conformité au droit est un élément nécessaire dela significa-
tion donnée à cette expression, il est légitimeau moinà premièrevue de
supposer que des allégationsde violation d'aspects essentiels du droit de
la mer moderne (tels que la liberté de la pêcheet de la navigation et le

principe de la juridiction exclusive de 1'Etat sur les navires battant son
pavillon), ainsi que de la norme absolue du droit international proscri-
vant l'emploi dela force, sont des assertionsqui, si elles se vérifient,pla-
cent cette affaire hors du champ de la clause de réserve.Que dire alors
d'allégationsrelativesà une séried'actes précisqui auraient été commis
hors de la zone des 200 milles du Canada, et en particulier du fait qu'un
canon à eau aurait étutiliséet des câbles de chalut sectionnés, actesqui,
aux dires de l'Espagne, ont mis en danger des vies humaines en mer en
violation desrèglementset accordsinternationaux. Cesactions du Canada
ont d'ailleurs fait l'objet d'une note verbale de la délégationde la Com-
mission européenneau Canada, où celle-ci protestait notamment contre

l'arraisonnement d'un bateau dans des eaux internationales par un Etat
autre que 1'Etatdu pavillon - acte selon elle illégaltant au regard de la
convention de I'OPANO que du droit international coutumier, et qui
((dépassede loin la question de la conservation despêcheries»14.
41. Je souligne qu'aucun des faits alléguésn'a encore étédémontré.
Mais aussilongtemps que subsiste la possibilitéqu'ils soient établis,il me
semble que la Cour ne peut affirmer qu'elle est manifestementincompé-
tente. Elle pourrait fort bien êtreamenée à se prononcer dans ce sens

l4Note verbale du 10mars 1995,mémoire del'Espagne, annexe 11then would the Court be able to pronounce that it lacksjurisdiction to
hear the dispute before it. Until such time, the Court must hold itself
available to determinethe dispute if the circumstances which bring it into
operation are satisfied.
42. The foregoingconsiderationsmake it clear that a proper construc-
tion of the reservation relates it to legal and not illegal actionstaken in
pursuance of conservation and enforcementmeasures.

43. The problem before the Court involves the balancing of two por-

tions of one integral document. The mistake must be avoided of concen-
trating on the reservations clause, as though it contains the only words
under construction. The Court is faced with the task of construing the
entire document, under which Canada:
"accepts as compulsory ipsofacto and without special convention,
on condition of reciprocity, the jurisdiction of the International
Court of Justice, in conformity with paragraph 2 of Article 36 of the
Statute of the Court, until such time as notice may be given to ter-

minate the acceptance,over al1disputes arisingafter thepresent dec-
laration with regard to situations orfacts subsequent to this declara-
tion, other than:
(a) disputes in regard to which the parties have agreed or shall
agree to have recourse to some other method of peaceful settle-
ment ;
(b) disputes with the Government of any other country which is a
member of the Commonwealth, al1of which disputes shall be
settled insuch manner as the parties have agreed or shallagree;

(c) disputes with regard to questions which by international law
fa11exclusivelywithin the jurisdiction of Canada; and
(d) disputesarising out of or concerningconservation and manage-
ment measures taken by Canada with respect to vesselsfishing
in the NAFO Regulatory Area, as definedin the Convention on
Future Multilateral Co-operation in the Northwest Atlantic
Fisheries, 1978, and the enforcement of such measures."
(Emphasis added.)

44. This opinion has already pointed out that there are two categories
of questions covered by this declaration - broader questions of general
international law arising from the submission of "al1disputes", and the
narrower category of conservation and management measures. We have
already noted that, while a matter may fa11within both categories, car-
dinal rules of international law, such as non-aggression or the sanctity oflorsque les faits seront connus. C'est alors, et seulement alors, que la
Cour aura la possibilitéde se déclarerincompétentepour connaître de ce
différend.Entre temps, elledoit setenir prêteà s'en saisirsiles conditions
requises sont réunies.
42. Les considérations qui précèdent montrent clairement qu'une in-
terprétation correcte de la réserve veutque celle-ci s'applique aux actes
licites et non aux actes illicites accomplis dans le cadre de mesures de

conservation et d'exécution.

NÉCESSIT É'INTERPRÉTER LES CLAUSES DE RÉSERVE DANS LE CONTEXTE
DE L'ENSEMBLE DE LA DÉCLARATION

43. Pour résoudrele problème qui lui est posé,la Cour doit examiner
de manière équilibréeles deux parties d'un seul et mêmedocument. Elle
ne doit pas commettre l'erreur de se concentrer sur la clause de réserve
comme sielle seulecontenait des termes à interpréter.La Cour doit inter-
préterl'ensemblede la déclaration, par laquelle le Canada:

((conformémentaux dispositions du paragraphe 2 de l'article 36 du
Statut de la Cour, accepte comme obligatoire de plein droit et sans
convention spéciale, souscondition de réciprocitéet jusqu'à ce qu'il
soit donné notification de l'abrogation de cette acceptation, la juri-
diction de la Cour en ce qui concerne tous les différendsqui s'élève-
raient aprèsla date de laprésente déclaration, au sujet de situations

ou defaits postérieurs à ladite déclaration,autres que:
a) les différends au sujet desquels les parties en cause seraient
convenues ou conviendraientd'avoir recours àun autre mode de
règlement pacifique;
b) les différends avecle gouvernement d'un autre pays membre du
Commonwealth britannique des nations, différendsqui seront
réglésselon une méthode convenueentre les parties ou dont elles

conviendront ;
c) les différends relatifà des questions qui, d'après le droit inter-
national, relèventexclusivement de la juridiction du Canada; et
d) les différendsauxquelspourraient donner lieu les mesuresde ges-
tion et de conservation adoptées par le Canada pour les navires
pêchantdans la zone de réglementation de I'OPAN, telle que
définiedans la conventionsur la future coopération multilatérale
dans les pêchesde l'Atlantique Nord-Ouest, 1978,et l'exécution
de telles mesures.» (Les italiques sont de moi.)

44. Dans la présenteopinion, j'ai déjàfait valoir que la déclaration
canadienne concerne deux catégories de questions - des questions
d'ensemble ayant trait au droit international généralet découlant de
l'assujettissement de((tousles différends)à lajuridiction de la Cour, et la
catégorie plus étroite desmesures de conservation et de gestion. Nous

avons déjà observéque si telle ou telle question est susceptible de relevertreaties, do not vanish into a black hole in the Court's jurisdiction merely

because their violation occurs under the cover of an exempted activity.

45. A similar result follows also from the general principle of legal
interpretation that clausesin a documentmust be treated not in isolation,
but in the general context of the meaningand purport of the document in
which they occur.Together they form an integral whole, and no one part
may be compartmentalized and brought into exclusive operation at the
expense of the other. In the special context of reservations clauses,
the Court observed, in the Aegean Sea case, that there is a "close and
necessarylink that always exists between ajurisdictional clause and reser-
vations to it"15. 1 respectfully agree with the view so well expressed by
the Court that the general acceptance of the Court's jurisdiction and the
reservations included in it are to be considered as an integral whole.

46. Taken in its totality, the interpretation that actions involving the
use of force or danger to life are taken out of the declaration by the mere
fact that they arise literally out of measures relating to conservation and
management seems to me to be at odds with a consideration of the dec-
laration as one integral whole. Such an interpretation would seemto give
undue weight to the exemptions clause in a manner which detaches it
from its context.

47. It is necessary also to address the principle ut res magis valeat
quam pereat which was the subject of much argument during the hear-
ings. The principle that a document must, as far as possible, be given
validity applies not merely to the reservations clause, taken in isolation,
but to the document taken as a whole. The purpose of the entire docu-

ment is to subscribe to the jurisdiction of the Court, in accordance with
the principle of reciprocity, in al1matters, other than those which are spe-
cificallyexcepted. The application of this principle to the document read
as a whole means that effect should be given to this general intention as
far asisreasonable. To hold that vast areas ofpossibleinternational wrong-
doing are withdrawn from the Court's jurisdiction merely because they
occur in the context of an operation which can be described as a conser-
vation or enforcement measure is to denude the consensualdocument of
a vital part of its meaning. It is indeed a negation of the ut res mugis
valeat principle when applied to the document as a whole. 1do not think
it would be reasonable to give to reservations clauses such an extended
and all-comprehensive meaning.
48. At the same time it needs to be observed that, granted the meaning

that the reservations clause does not include actions that are illegal at
international law, there are still a great many situations to which the res-

'5SeeAegean Sea Continental She& I.C.J. Reports 1978, p. 33, para. 79.

80de l'une et l'autre catégorie,des règlesde droit international aussi abso-
lues que la non-agression ou l'inviolabilité destraitésne sauraient tota-
lement échapper à la juridiction de la Cour du seul fait qu'elles ont été
enfreintes sous couvert d'une activitéexclue.
45. On en arrive à une conclusion analogue si l'on se réfère au principe
générald'interprétationdes documentsjuridiques qui veut que les clauses
d'un texte ne soient pas examinéesisolément, maid sans le contexte général

de la signification etde la portée dutexte dont ellesfont partie. Ensemble,
elles forment un tout indissociable et aucune d'entre elles ne saurait être
mise à part et invoquéeaux dépens desautres. S'agissanttout particulière-
ment des clausesde réserve, laCour a fait observer,dans l'affaire dela Mer
Egée, qu'un ((lienétroitet nécessair..existetoujours entre une clausejuri-
dictionnelle etles réservesdont ellefait l'obje15Je m'associe respectueu-
sement au point de vue si bien exposépar la Cour, selon lequella déclara-
tion générale d'acceptation de lajuridiction de la Cour et les réservesdont
elleest assortie sontàconsidérercomme un tout indissociable.

46. Considéréeglobalement,l'interprétationselon laquelle des actions
supposant un recours à la force ou la mise en danger de vies humaines
sortent du champ de la déclaration du seul fait qu'elles découlent, à la
lettre, de mesures de conservation et de gestion me paraît contraire au
principe selon lequel il convient d'examiner la déclarationcomme un tout
indissociable. Une telle interprétation conféreraià mes yeux une impor-
tance excessive à la clause d'exclusion, de telle sorte qu'elle se trouverait
détachée deson contexte.
47. Il convient aussi d'évoquer le principe ut res mugis valeat quam
pereat, qui a fait l'objet de longs débats lors des audiences. Le principe

selon lequel il faut autant que possible conférerune validité à un docu-
ment n'est pas seulement applicable à la clause de réserveprise isolément,
mais bien à la totalitédu texte. L'objet de l'ensembledu document est de
reconnaître la juridiction de la Cour, sous condition de réciprocité,en
toutes matières autres que celles qui ont étéspécifiquementexclues.
L'application de ceprincipe au documentpris dans son ensemble suppose
qu'il soit donnéeffet dans toute la mesure raisonnable à cette intention
générale.Tenir qu'un vaste éventail d'agissementsinternationaux poten-
tiellement répréhensiblesse trouvent exclus de la compétence dela Cour
au simple motif qu'ils ont pour cadre une opération pouvant êtredécrite

comme une mesure de conservation ou d'exécutionéquivaut à priver un
document consensuel d'un aspect vital de sa signification. Du point de
vue de l'ensemble du texte, c'est mêmeméconnaitre totalement le prin-
cipe ut res mugis valeat. Il ne me paraît pas raisonnable de conféreraux
clauses de réserveune portée aussi vaste et exhaustive.
48. Cela étantdit, il convient de souligner qu'une fois que l'on a admis
que les réservesne sauraient porter sur des actions illicites en droit inter-
national, il subsiste cependant de multiples situations auxquelles la clause

l5Voir Plateau continental de la merC.Z.J,R.cueil 1978, p. 33, par. 79.ervations clause could validly apply. Even within the context of legal con-
servation measures, there could be situations giving rise to claims at law
such as abuse of rights, lack of proportionality, problems of characteriza-

tion or definition, or problems of the scope of the reservation (e.g., does
it apply only to private vessels?).

49. Furthermore, no right is absolute and, correspondingly, no reser-
vation clause is absolute in the sense of exempting al1conduct that is in
any way related to it.
50. There has been much argument addressed to the Court on the
meaning of the word "measure". Any action aimed at conservation and
management could well be described as a "measure" directed to that end.
Yet this construction must again be in the context of the totality of the
document and, while literally being such a measure, a given action could
yet conceivably fall within the general clause rather than the particular
exception. Even if one moves into the realm of intentions, it seems far-
fetched to conclude that it was in the contemplation of Canada to
exclude from its submission to the jurisdiction a violation of basic prin-
ciples of international law or to disregard such time-honoured rules as
those relating to the safety of lives at sea.

51. It is not necessary to delve into the various learned arguments
advanced before us in regard to such questions as burden of proof of
jurisdiction and presumptions in favour ofjurisdiction on which we were
addressed at some length. Whether the burden lies upon the party assert-
ingjurisdiction or the party seekingexemption matters little.The Court's
task is to construe the document as a whole in the light of a reasonable
and objective interpretation, aided where necessary by such insights as
may become available through a perusal of the parties' intentions, if
travaux préparatoiresshould be available. Such a reasonable and objec-
tive construction would, in my view, lead to the broad overall interpreta-
tion which 1 have indicated above.

52. It is in the nature of things impossible to define where the reach of
a reservation clause ends, but it is clear that thereill be cases which are
manifestly so far beyond its ambit that one can be in no doubt that its
applicability has yielded to the applicability of the general part of the
Declaration. The present case, provided the allegations of Spain are sub-

stantiated, is one such. There is therefore no violation of the principle
ut res magis valeat quam pereat.

53. Much was made in argument of the negative effects that would
ensue to the optional jurisdictional system if the Court were to hold thatde réservepourrait bel et bien s'appliquer. Mêmesi l'on s'en tient aux
mesures de conservation licites, il est des circonstances qui pourraient
donner lieu à recours judiciaire, par exemple des cas d'abus de droits,
d'absencedeproportionnalité, desproblèmesdequalification ou de défini-
tion, ou des problèmesayant trait àla portéede la réserve(par exemple,
s'applique-t-elle uniquement aux bateaux appartenant à des personnes
privées?).
49. De plus, aucun droit n'étant absolu, aucune clause de réservene
saurait être absolueau sens où elleexclurait toute conduiteayant un rap-
port mêmelointain avec elle.

50. La Cour a entendu de nombreux arguments au sujet de la signifi-
cation du mot «mesure». Toute action visant à la conservation età la
gestion peut fort bien êtrequalifiée demesure» prise à cette fin. Mais
cette interprétation doit elleaussi se fairedans l'optique de l'ensembledu
texte et il est concevable que telle action qui estlettre une mesure de
cetype relèvede la partie généralde la déclarationplutôt que deI'excep-
tion particulière.Mêmesi l'on s'aventure dans le domaine des intentions,
ce serait aller trop loin que d'imputer au Canada le projet d'exclurede la
juridiction qu'il acceptait une violation de principes élémentdu droit
international ou de fairefi de règlesaussi immémorialesque cellesrela-
tivesà la protection de la vie humaine en mer.

51. Il n'est pas nécessairede s'attarder sur les arguments nombreux et
habiles qui nous ont été présentéasu sujet de questions telles que la
charge de la preuve de la compétenceet la présomptiondecompétence, à
propos desquellesnous avons assez longuement entendu les Parties. Que
cette charge incombe à la partie qui plaide en faveur de la compétenceou
à celle qui chercheà y échapperimporte peu. La tâche de la Cour est
d'analyser l'ensembledu document àla lumièred'une interprétationrai-
sonnable et objective, en s'aidant, le cas échéant,des indications appor-
téespar un examen desintentions des parties, lorsque des travaux prépa-
ratoires sont disponibles. Je suis d'avis que cette analyse raisonnable et
objective amènerait à peu près à l'interprétation d'ensemble que j'ai
donnéeci-dessus.

52. De par la nature des choses, il est impossible de déterminer où
s'arrêtela portéed'une clausede réservemais de toute évidence,il est des
cas qui vont manifestement tellement au-delàde son champd'application
qu'on ne saurait douter qu'ellecesse de s'appliquer et que c'est la partie
généralede la déclaration qui devient applicable. Si les allégationsde
l'Espagnesevérifient,il enva ainsi en l'espèce. n'y a donc pas violation
du principe ut res magis valeat quampereat.

EFFETS D'UNE INTERPRÉTATION INDÉPENDANTE DONNÉE PAR LA COUR
SUR L'INTÉGRITÉ DU SYSTÈME CONSENSUEL

53. Beaucoup a étédit au cours des débats sur les effets fâcheux
qu'aurait sur le système dela clause facultative le fait pour la Cour dethe reservations clause does not exclude the matter in question from the
jurisdiction of the Court. It seems to me, however, that apart from the
non-judicial nature of this argument, it is the Court's mission to uphold
the integrity of its jurisdiction so far as has been entrusted to it by the
optional clause system. 1have referred earlier to this area ofjudicial juris-

diction as a haven of legality within the international system. Within that
protected area, it is important that the rule of law should prevail, irre-
spective of such considerations as the favourable or unfavourable recep-
tion of the Court's determinations in relation to itsjurisdiction.

54. It may indeed be argued, on the contrary, that the preservation of
legality within the system would strengthen rather than undermine its
integrity. 1do not think it is open to the Court, if a violation of a bedrock

principle of international law is brought to its attention, to pass by this
illegality on the basis that it is subsumed within the reservations clause.
Such an approach could wellweaken not only the authority of the Court,
but also the integrity of the entire system of international law, which is a
seamless web, and cannot be applied in bits and pieces. It is within this
seamless fabric of international law that the entire optional clause system
functions, and that consent to the Court's jurisdiction must be construed.

55. 1am fortified in reaching this conclusion by the circumstance that
it accords with the philosophy underlying the creation of the optional
clause. A brief historical excursus into this area will help to place the
present problem in its overall context.

56. The optional clause system, it will be remembered, was the inter-
national community's answer, after the agonies of World War 1, to the
hitherto intractable problem of carving out an area for the judicial
settlement of international disputes, amidst the welter of conflicting
claims of State sovereignty 16.These interests had for several centuries of
recorded thought in many cultures eluded al1attempts at the creation

l6After a failure to achieve such an international agreement at the Peace Conferences
of 1899 and 1907, the Statute of the Permanent Court of International Justice was
approved by a unanimous vote of the Assembly of the League of Nations on 13December
1920,at Geneva, after lengthyebates during which the entire idea was at many stages in
danger of total rejection. (Documents concerning the Action Taken by the Council of the
League of Nations under Article 14 of the Covenant and the Adoption by the Assembly of
the Statute of the Permanent Court, p. 205.)décider que la clausede réserve ne la rend pas incompétenteen la pré-
sente espèce.Or, outre le caractère non judiciaire de cet argument, il me
semble que la Cour a pour mission de préserver l'intégrité de sa compé-
tence dans toute la mesure où celle-cilui a été conféré pear le systèmede
la clause facultative. J'ai fait allusion précédemment à ce domaine de

compétencejudiciaire comme à un havre de primautédu droit au sein du
systèmeinternational. A l'intérieur de cette enclaveprotégéeil, est impor-
tant que les principes du droit l'emportent sans qu'il soittenu compte de
considérationstelles que l'accueil favorable ou défavorablequi pourrait
êtreréservéaux décisionsde la Cour en ce qui concerne sa compétence.
54. On pourrait mêmefaire valoir, au contraire, que le respect desprin-
cipesjuridiques à l'intérieurdu système estde nature à en renforcer l'inté-

gritéet non à l'affaiblir.Il ne me semblepas qu'ilsoit loisibàela Cour, si
une violation d'un principe de base du droit international est portée son
attention, de fermer les yeux sur cet acte illiciteau motif qu'il relève dela
clausede réserve.Une telleattitude risque bel et bien deporter atteinte non
seulement à l'autoritéde la Cour, mais aussi à l'intégritéde l'ensemble
du systèmedu droit international, canevas d'un seul tenant qui ne saurait
être appliqué par morceaux. C'est dans l'étoffesans accroc du droit inter-

national que s'insèrele systèmede la clause facultative, et c'est dans ce
cadre qu'il convient de considérerle consentement à la juridiction de la
Cour.

LA DOCTRINEQUI A ÉTÉ À L'ORIGINE DE LA CRÉATION
DE LA CLAUSE FACULTATIVE

55. Je suis d'autant plus convaincu du bien-fondé de la conclusion à
laquellej'aboutis qu'elle est conforme à la doctrine qui a inspiré lamise
en place de la clause facultative. Une brèvedigression historique me per-
mettra de placer le problème qui nous occupe dans son contexte général.
56. Le systèmede la clausefacultative,on s'ensouvient,a été la réponse
apportée parla communauté internationale, après lesterribles épreuvesde
la première guerremondiale, au problèmejusqu'alors resté insolublede

l'instauration d'un dispositif pour le règlement judiciaire des différends
internationaux, face au concert de revendications contradictoires des Etats
en matière de souveraineté16.Ce sont ces intérêts qui avaient faitéchec à

l6Après l'échec des tentatives faiteasux conférences de la paix de1899et de 1907pour
en arriverun accord international de ce genre, le Statut de la Cour permanente de Jus-
tice internationale a étéadoptépar un vote unanime de l'Assemblée de la Société des
Nations le 13 décembre1920àGenève, àl'issue de longsdébatsau cours desquels le
(Documents au sujet de mesuresprises par le Conseil de laSociétédes Nations aux termes
de l'article 14 du Pacte et de l'adoptionpar l'Assemblée duStatut de la Courpermanente,
p. 205).of such a jurisdiction. At long last a working formula was devised, in
terms suggested by the Brazilian delegation to the Peace Conference
(and in particular Mr. Raoul Fernandes), so as to create, in the midst
of the clash of opposing sovereigninterests, a comparatively small haven
in which disputes would be resolved by a supra-national judiciary in
accordance with international law. The words come to mind of Sir Eric
Drummond, Secretary-General of the League of Nations, at the
officia1 opening of the Permanent Court of International Justice on

15 February 1922: "The path of world progress lies at the present time
enshrouded in fog, but here and there glimpses of light are breaking
through and illuminating the way."17

57. The judicial territory covered by the optional clause was one such
illuminated area into which the light of international justice had at last
broken through.
58. In this area, a panel of regular judges- as opposed to ad hoc arbi-
trators - would administer justice among the nations, as domestic tri-

bunal~ had traditionally administered justice among the subjects of a
State. This totally unprecedented creation of a system of truly interna-
tional adjudication was described on the same occasion as "the most
remarkable stepforward that humanity in its upward strugglehas accom-
plished in the realm of law"18. Though now upwards of 70 years in
operation, it is still of tender growth when compared with the thousands
of years of domestic adjudication which had preceded it.

59. 1cite these statements because in the administration of this hard-

wonjurisdiction the high idealism that attended its birth needs to be kept
in constant view. As this jurisdiction gathers strength through its con-
tinued exercise,the tendency is to be resisted of limiting it within the con-
fines of circumscribed interpretations, when other interpretations more
consistent with its spirit and purpose are equally available within its
governing Statute. That interpretation should, in my view, be preferred
which tends to strengthen that jurisdiction, provided such interpretation
is available within the parameters of the consenting State's declaration.

60. It is also to be recalled in this context that the universal expecta-

tion of the time was that the creation of thisjurisdiction was only the first
step towards the gradua1 enlargement of that jurisdiction in the light of
the experience of its administration. In the words of the British delegate,
Mr. Balfour:

l8By Mr. van Karnebeek, Minister for Foreign Affairs of the Netherlands, ibid.,
p. 322.toutes les tentatives de mise en place d'une telle juridiction alors que
depuis des siècleset dans de multiples cultures, on y réfléchissait. Enfin,
une formule viable avait été trouvée,dans les termes suggérés par la délé-
gation brésilienne (et enparticulier par M. Raoul Fernandes) à la Confé-
rence de la paix, en sorte qu'il devenait possible d'instituer, au milieu de
la cacophonie d'intérêts souverains contradictoires, un havre relative-

ment restreint au sein duquel les différendsseraient régléspar une ins-
tance judiciaire supranationale conformément au droit international. On
songe aux paroles prononcées par sir Eric Drummond, Secrétairegénéral
de la Société desNations, lors de l'ouverture solennelle de la Cour per-
manente de Justice internationale, le 15février 1922:«La route que suit
l'humanitéest encore enveloppéedebrumes, mais deslueurs percent çà et
là et éclairentle chemin.» l7
57. L'espacejudiciaire couvert par la clause facultativeétait l'un deces
lieux privilégiéosù la lumière delajustice internationale avait enfin percé

les ténèbres.
58. Dans cet espace, une assembléede juges permanents - et non
des arbitres ad hoc - allaient administrer la justice parmi les nations,
tout comme les tribunaux nationaux administraient depuis longtemps
la justice pour les citoyens des Etats. L'institution, absolument sans
précédent, d'unsystèmejudiciaire véritablement international, fut dé-
crità cette occasion comme «le progrèsle plus remarquable que l'huma-
nitédans sa marche ascendante ait réalisédans le domaine du droit»Is.

Bien que ce dispositif fonctionne maintenant depuis soixante-dix ans
et plus, il est encore dans l'enfance si on le compare à la justice des
Etats qui l'a précédé et dont l'existence remonte à plusieurs milliers
d'années.
59. J'ai citéces déclarations parce que lorsqu'on fait vivre une institu-
tion créée à si grand-peine, on ne doit jamais perdre de vue les idéaux
élevésqui ont présidé à sa naissance. A mesure que cette juridiction se
renforce en s'exerçant, il faut prendre gardeà ne pas céder à la tentation
d'en restreindre la portée par des interprétations limitatives, alors que

d'autres interprétationsplus conformes à son esprit età sa vocation sont
également possiblesdans le cadre du Statut qui la régit. Selon moi, il
convient de préférerl'interprétation qui est de nature à renforcer cette
juridiction, dès lors que cela est possible au vu des élémentscontenus
dans la déclaration de 1'Etataui a consenti à la iuridiction.
60. On se souviendra aussi dans ce contexte qu'à l'époque, onnour-
rissait universellement l'espoir que la création de cette instance judiciaire
ne serait que le premierpas veri un élargissement progressifde lajuridic-

tion à mesure que l'exercicede celle-ci permettrait d'acquérir de I'expé-
rience. Ainsi que le déclaraitle délégué britannique, M. Balfour:

'"esP.mots sont de M. van Karnebeek, ministre des affaires étrangères des Pays-Bas,
ibid., p. 322. "we are convinced, as the eloquent speaker who has just preceded
me [Mr. de Aguero (Cuba)], and others, have pointed out, that if
these things are to be successful they must be allowed to grow. If
they are to achieve al1that their framers desire for them, they must
be allowed to pursue that natural development which is the secret of
al1permanent success in human affairs . . .l9

Mr. Bourgeois (France) said :

"Natura non fecitsaltus, said one of Our colleagues. Between the
anarchic state of international law in which the world has hitherto
lived and the state of organised international justice upon which we
are about to enter, there are necessary intermediate step~."~O

61. The creation of this optional clause jurisdiction was one of these
necessary intermediate steps.
62. 1 appreciate that two views are possible as to how an increasing
confidence in the system of international adjudication can be fostered.

63. One view is the use of extreme caution in the assumption of juris-
diction, striking down every situation where, upon the literal meaning of

the declaration. there is room for the inter~retation that the State in
question has not expresslygranted its consent.This approach, while quite
rightly basing itself on the principle of consent, can apply that principle
somewhat too literally, thus resulting in a progressive diminution of that
hard-won area of international jurisdiction that has been entrusted to the
custody of the Court.
64. Another view is that thejurisdiction granted to the Court must be
exercised in the context of the broader responsibility of developing that
jurisdiction in the light of the right of both States to seek from the one

international court that is in existence a resolution of their disPute in
accordance with the overall scheme of international justice - based
always, of course, on the presence of consent.
65. There could well be a range of possible interpretations of a decla-
ration, and it seems to me that the interests of justice are best served
by taking a broader view where that is consistent with the terms of
the declaration. Thus construed, these submissions to the jurisdiction
can afford the Court the basis for building up a growing body of juris-

prudence, as well as for increasing the confidence of States in the reach
and the value of international adjudication. Decisions which tend to
diminish that jurisdiction in its formative stage may well inhibit the
growth of the potentially vigorous sapling of international adjudica-

l9Mr. Balfour (British Empire), Twenty-first Plenary Meeting of the First Assembly,
League of Nations, Documents,supra, p. 247.
2oIbid .,253. «nous sommes convaincus, comme l'ont fait remarquer l'éloquent
orateur qui m'a précédé [M. de Aguero (Cuba)] et d'autres avant
lui, que pour que ce projet réussisse, ilfaut le laisser se dévelop-
per graduellement. Pour qu'il aboutisse au résultat désirépar ses
auteurs, il faut lui permettre de suivre ce développementnaturel qui
est le secret de toutes les réussitespermanentes dans les affaires hu-

maines ..» l9
M. Bourgeois (France) soulignait:

«Natuva non fecit saltus, disait un de nos collègues, en effet,entre
l'état d'anarchie juridiqueinternationale dans lequel le monde a
vécujusqu'à présentet l'état d'organisationde la justice interna-
tionale dans lequel nous allons entrer, il y a des transitions néces-
saires.»20

61. La mise en place dela clause facultative relative àla compétence a
été l'une de ces étapes intermédiairesnécessaires.
62. Je suis conscient qu'il existe deuxfaçons différentesde rechercher
le meilleur moyen de renforçer la confiance dans le système judiciaire
international.
63. Une premièreconceptionveutquelaCour fassepreuved'uneextrême

prudence lorsqu'il s'agitpour elled'établir sa compétence,eé ncartant toute
situation où, si l'on prend à la lettre la déclaration,on peut estimer que
1'Etatconsidéré n'a pas expressémed notnnéson consentement. En optant
pour cette lignede conduite, on risque, tout en se fondant de manièretout
à fait légitimesur le principe du consentement, d'appliquer celui-ci de
manière unpeu trop littérale et de rogner progressivement surle domaine,
conquis de haute lutte, de la compétenceinternationale conférée àla Cour.
64. Selon une autre conception, la Cour doit établir sa compétence

dans la perspectivede la responsabilitéplus vastequi luiincombe d'asseoir
plus largement cette compétence, eu égardau droit de l'un et l'autre Etat
de voir la seulecour internationale existante réglerleur différendconfor-
mémentaux principes généraux dela justice internationale - en se fon-
dant bien entendu toujours sur l'existenced'un consentement.
65. Une déclaration peutfort bien se prêter à toute une séried'interpré-
tations possibles,et il me sembleque ce serait mieux servir lajustice que de
choisir l'acception la plus large lorsqu'elleest compatible aveclestermes de

la déclaration.Ainsi comprises,les acceptations de la juridiction offrent à
la Cour le point d'appui qui lui permettra d'étoffersa jurisprudence et de
renforcer la confiance des Etats dans la portée et la valeurde la justice
internationale. Des décisionstendant à restreindre sa juridiction au stade
où celle-ciest en train de se mettreen place risquent fort d'entraver la crois-
sance de cettejeune pousse pourtant prometteuse qu'estla justice interna-

Assemblée,Documents de la Sociétédes Nations, voir plus haut, p. 247.de la première
2oIbid., p. 253.tion21,and deter parties, who might otherwise approach the Court for a
resolution of their disputes, from doing so.
66. Al1of these principles make no encroachments whatsoever on the
undoubted right of every sovereign State in its own unfettered discretion
to determine whether it will or will not enter the judicial enclave created
by the Statute. The discussions attending the acceptance of this clause
show how careful the drafters were to ensure the preservation of State
autonomy in this regard, for the imposition of compulsoryjurisdiction, in
however small a measure, was seen as a significant encroachment upon

State autonomy.
67. The entire architecture of the scheme points, however, to the pres-
ervation of the international rule of law within that judicial haven once
entered. It was important to ensure that those who so entered had the
assurance of the unimpeded reign of international law within that haven.
Least was it under contemplation that a State could, while being within
the system, disengage itself from the operation of Charter rules or basic
principles of international law.

68. Such disengagement from the ruling principles of international law

is different in quality from the exclusion of Court jurisdiction in respect
of specified categories of cases or areas of activity. Disengagement of
jurisdiction from the latter is just as manifestly within the power of a
State as disengagement from the former is not.

69. Fundamental breaches of international law, if committed in the
course of a particular activity,could clearly fa11into the area over which
the Court has been granted a generaljurisdiction by a State's declaration.
Al1 the more would they tend to attract jurisdiction where, as in the
present declaration, the general part submits al1disputesarisingafter the

declaration to the jurisdiction of the Court. Acceptance of the proposi-
tion that actions diverging fundamentallyfrom the basics of international
law can escape Court scrutiny, because they also fa11literally within a
reservations clause, could amount to an abdication of a portion of that
hard-won jurisdiction which the Court was designed to exercise.

70. The progressive contraction of that jurisdiction which could result
could weaken the prospects for its continuing development, which were
envisaged when it was launched. As Justice Cardozo has so eloquently
reminded us in regard to thejudicial process, "the inn that shelters for the

2'Cf. the observations of Mr. Loder of the Netherlands, at the Twentieth Plenary
Meeting of the First Assembly on 13December 1920,at which the Statute of the Perma-
nent Court of International Justice was adopted: "The slip that we are planting in the
ground to-day willdevelop, willincrease and become a lofty tree with great branchesand
ments, supra, p. 231.) (Mr. Loder was later elected the first President of the Permanent
Court of International Justice.)tionale21et de dissuader lesparties de s'adresseà la Cour pour réglerleurs
différendsdans des cas où ellespourraient le faire.
66. Aucun de ces principes n'empiète enquoi que ce soit sur le droit
inaliénablede tout Etat souverain de décider demanière entièrementdis-
crétionnaires'ilsouhaite ou non entrer dans l'enclavejudiciaire créée par

le Statut. Les discussions qui ont entouré l'adoption de cetteclause mon-
trent à quel point ses rédacteurs ont pris soin de préserverl'autonomie
des Etats à cet égard, car l'imposition d'une juridiction obligatoire, aussi
limitée fût-elle,apparaissait comme empiétant notablement sur l'autono-
mie des Etats.
67. La structure mêmedu dispositif indique cependant qu'on souhai-
tait préserver la prééminencedu droit international à l'intérieurde ce
havre judiciaire dèslorsque l'on y était entré.Il étaitimportant de garan-
tirà ceux qui y pénétraient quele règnedu droit international serait sans
partage dans cette enclave. A plus forte raison, il était hors de question

qu'un Etat se trouvant à l'intérieur dusystèmepuissese dispenser de res-
pecter les normes de la Charte ou les principes fondamentaux du droit
international.
68. Se dégagerainsi des règlesdu droit international est qualitative-
ment différentdu fait d'exclure de la compétencede la Cour certaines
catégoriesspécifiéed se cas ou de domaines d'activité. Se soustraire à la
juridiction en ce qui concerne ces derniers est manifestement possible
pour un Etat, mais non se considérer comme dispenséde respecter les
règlesen question.

69. De graves violations du droit international commises à l'occasion
d'une activitéparticulièrepeuvent fort bien relever du domaine sur lequel
un Etat a reconnu la compétence générale dlea Cour dans sa déclaration.
Cette compétence serad'autant mieux établiesi, comme c'est le cas dans
la déclaration qui nous occupe, la partie généralesoumet tous les diffé-
rends qui s'élèveraienatprès ladate de la déclarationà lajuridiction de la
Cour. En acceptant l'idéeque des actions s'écartant fondamentalement
des règlesélémentairesdu droit international peuvent échapper à la juri-
diction de la Cour parce qu'ellesrelèvent aussi,àla lettre, d'une clause de

réserve,la Cour risque de renoncer à une partie de cette compétence
qu'elle a crééepour exercer et qui lui a étéconférée à si grand-peine.
70. Le rétrécissement progressidfe la compétencede la Cour qui pour-
rait s'ensuivre risquede compromettre les perspectives de son développe-
ment continu, perspectives envisagéeslors de sa création. Ainsi que le
rappelait si éloquemment M. Cardozo à propos de l'administration de la

premièreAssemblée,le 13décembre1920,où le Statut de la Cour permanente de Justicee la
internationale a étéadopté: «La bouture que nous plantons aujourd'hui dans la terre
poussera, se développera, grandira et deviendra un arbre au tronc haut, aux larges
branches et au feuillageépais,mbre duquel reposeront lespeuples.»(Documents de la
Sociétédes Nations,oir plus haut, par. 231.) (M. Loder a par la suite été élu premier
président de laCour permanente de Justice internationale.)night is not the journey's end"22 and, if the long and difficult road
towards the goal of judicial settlement of international disputes is to be
made easier, each stop along the way must offer the maximum judicial
shelter it can provide.

71. Upon the interpretation of the reservations clause which is indi-
cated above, the Court is not in a position to reject the Spanish Applica-
tion in limineon the basis of manifest lack ofjurisdiction. There may well
be no jurisdiction, and there may just as well be jurisdiction. The issue
can only be determined once it is known whether the facts bring the case

within the general submission to jurisdiction, or within the reservations
clause. Until these are known, the Court is not entitled to reject Spain's
Application.
72. It is scarcelynecessary to observe that the resulting procedures will
involve expense and delay, as they will require a survey of facts as a pre-
requisite to determining whether the Court has jurisdiction. Yet, this is

the price that must be paid for a decision of this matter in accordance
with law and justice. It is true that the unqualified power of joining the
objections to the merits, which the Court enjoyed under Article 62, para-
graph 5, of the 1946Rules, has been formally dropped, but the reformu-
lated principle contained in Article 79 of the 1978Rules does not abolish

the option ofjoining an objection to the and this is preciselythe
situation for which Article 79, paragraph 6, is intended to provide. No
doubt such situations are exceptional and are to be kept to a minimum24,
but the present case seems to me to be eminently one in which the
demands of justice require such a course.
73. One need go no further at this stage. Sufficienthas been alleged to

show that, assuming the existence of the facts alleged, a justiciable dis-

22 Benjamin N. Cardozo, The Growth of the Law, 1931,p. 20.
23 Rosenne, op. cit., pp. 924-928.
24 For cases which have already adopted this course, in whole or in part, see Military
and Paramilitary Activities in and against Nicaragua (Nicaraguav. United States of
America), Jurisdiction and AdmissibilityC.J. Reports 1984, pp. 425-426; Military and
Z.C.J. Reports 1986,pp. 29-31; Elettronica Sicula S.P.A. (ELSZ), Z.C.J. Reports 1989,
p. 18; Questions of Znterpretation and Applicationof the 1971 Montreal Conventionaris-
ingfrom the Aerial Incident ut Lockerbie (Libyan Arab Jamahiriya v. United Kingdom),
Z.C.J. Reports 1998,. 24; Questions of Interpretation and Application of the 1971Mon-
treal Convention arisingfrom the Aerial Incident ut Lockerbie (Libyan Arab Jamahiviya
v. United States of America), 1.C.J. Reports 1998, p. 23; Land and Maritime Boundary
between Cameroon and Nigeria (Cameroon v. Nigeria), Z.C.J. Reports 1998, p. 57.justice, ((l'aubergeoùl'ons'abritepour la nuit n'estpas la findu voyage»22

et si l'on veut aplanir quelque peu le chemin long et difficile qui nous
séparedu but, à savoir le règlement judiciaire des différends internatio-
naux, il faut que chaque étape offrele meilleur abri judiciaire possible.

71. Si l'on se fonde sur l'interprétation de la réservedonnéeci-dessus,
la Cour ne peut pas rejeter la requête espagnole inlimine pour défaut

manifeste de juridiction. Elle n'est peut-êtrepas compétente, maistout
aussi bien, il sepeut qu'elle le soit. La question ne pourra êtretranchée
que lorsque l'on saura siles faits en cause relèvent de lapartie générale de
la déclaration d'acceptation de la juridiction ou de la clause de réserve.
Tant que ces faits ne sont pas connus, la Cour n'est pas en mesure de
rejeter la requêtede l'Espagne.

72. Est-il nécessaire de le préciser? La procédure qui va s'ensuivre
occasionnera des frais et des délais, car il faudra au préalableenquêter
sur les faits afin de pouvoir déterminersi la Cour est compétente:c'est le
prix à payer pour prendre en l'espèceune décision conformeau droit et à
la justice. Il est vrai que le pouvoir discrétionnaire qu'avait laCour, au
titre du paragraphe 5 de l'article 62 du Règlement de 1946,de joindre les

exceptions au fond, lui a formellement étéretiré;mais le nouveau prin-
cipe énoncé à l'article 79 du Règlement de 1978n'exclut pas la possibilité
de joindre une exception au fondz3, et c'est précisément cettesituation
qui est viséeau paragraphe 6 de l'article 79. Certes, de telles situations
sont exceptionnelleset doivent rester le plus rares possible24,mais il me
semble que la présente instance est éminemment decelles où, dans un

souci de justice, il importe de procéderde la sorte.
73. Point n'est besoind'aller plusloin àce stade. Les allégationsformu-
léessont suffisantes, à supposer que les faits dénoncés soient établisp ,our

22Benjamin N. Cardozo, The Growth of the Law, 1931,p. 20.
23Rosenne, op. cit., p. 924-928.
24Pour lesaffaires où il a déjfait appeàcette procédureen tout ou en partie, voir:
Activités militaireset paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-
Unis d'Amérique), compétence et recevabilité,C.I.J. Recueil 1984, p. 425-426; Activités
militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis
d'Amérique), C.I.J. Recueil 1986, p. 29-31; Elettronica Sicula S.p.A.I), C.1.J.
tréal de 1971 résultant de l'incident aériende Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne Mon-
c. Etats-Unis d'Amérique), C.I.J. Recueil 1998, p. 23; Questions d'interprétation et
d'application de la convention de Montréal de 1971 résultant de l'incident aériende
Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne c. Royaume-Uni), C.I.J. Recueil 1998, p. 24; Fron-
tière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria(Cameroun c. Nigéria), C.I.J.
Recueil 1998, p. 57.pute which is within the Court's jurisdiction could well exist between the
Parties regarding the violation of basic rules of international law. This
matter cannot, in my view, be treated as involving a jurisdictional objec-

tion of an exclusively preliminary character.believe the Court is left
with no alternative but to proceed to the next phase of this case, in order
to determine whether it has jurisdiction.

(Signed C)hristopher Gregory WEERAMANTRY.montrer qu'un différendpouvant faire l'objet d'un recours judiciaire rele-
vant de la compétencede la Cour pourrait bien existerentre les parties au
sujet de violations de normes fondamentales du droit international. A mon
avis, cette question ne saurait êtreconsidérée comme couvertepar une
exception d'incompétenceprésentantun caractère exclusivement prélimi-
naire. Je crois que la Cour n'a d'autre choix, pour déterminersi elle est
compétente,que de passer à la phase suivante de la procédure.

(SignéC )hristopher Gregory WEERAMANTRY

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Opinion dissidente de M. Weeramantry, vice-président (traduction)

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