Opinion dissidente de M. Oda (traduction)

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102-20011023-JUD-01-01-EN
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OPINION DISSIDENTE DE M. ODA

[Traduction]

Interprétation du mot ((intervention)) au sens de l'urticle 62 du Statut -
Jurisprudencc de lu Cour; quatre crrrCtsconcernant dcs rc~quCtes ù Jin d'inter-
vention au titre do 1'artic.le62, rendus e1981, 1984, IYYO et lYYY - Evolution
de l'institution deI'(intervention en qualité de non-partie))- Participation de
I'Etut irztervenant soit en qualité u' <a.rtie, soit en qualité de non-pirrtie -
Que.vtioncle~uvoirsi I'Etcitdenwndunt à intervenir doit préuluhlement dérnotz-
trer qu'un intér2test pour lui en cause. ou .s'ilinconzhe aux partiesà l'instance

principale de démontrerque I'intérCtde cet Etrrt tiers n'est pas en cause -
Que.stioizde srrvoir.si1'e.ui.stenced'un int4rêtde nature juridique ne peut Ctr~
csaminkc qu'au staa'edu,fBnd - Application desprincipes de l'interi~entionaux
circonstances de I'e~pèce - Refus opposéaux Plzilippines d'avoir accPs aux
c;crituresdes Partier - Ir?zpo.~.sihiliour les Philippines. du moins jusqu'uu
c/~usiénzctour de pbaidoiries, de suvoir comment les prétentions respectivc.~dcjs
Purries se rattachc.i.aient à leur propre revendication de souveraineté sur le

Nord-Bortzéo Question de .suvoirs'il aurait conilenu de recevoir l'irzterven-
tion.

1. J'ai votécontre le dispositif de l'arrêt parceque je suis fermement
convaincu qu'il aurait dû êtrefait droit à la requête desPhilippines a fin
d'intervention en l'affaire entre l'Indonésieet la Malaisie.

Ce vote m'a conduit a exposer la présente opinion dissidente. Je sou-
haite toutefois insister sur le fait que mon désaccord avec la Cour se
limite pour l'instant strictement a la question tranchée dans cet arrêt,

c'est-à-dire au droit pour les Philippinesd'intervenir en la présenteespèce,
et ne saurait nullement êtreconsidérécomme reflétant mon point de vue
quant a la validitéde toute revendication que les Philippines pourraient
formuler iil'égarddu Nord-Bornéo, ou quant au fond de l'instance prin-

cipale entre l'Indonésieet la Malaisie.

2. Ma position en la présenteespècedécoulede mon interprétation de
l'<<intervention»ailisens de l'article 62 du Statut, interprétation qui, par

certains aspects, s'écarte de celle de la Cour. Mon interprétation étant
demeuréeconstante dans toute lajurisprudence de la Cour sur cette ques-
tion, ilme semblt: opportun de commencer par un bref historique de
l'application par la Cour de la disposition précitée.

3. Bien que l'article 63 du Statut concernant l'intervention lorsque est
en cause l'interprétation de conventions multilatérales remonte aux
conventions de La Haye de 1899et 1907 pour le règlement pacifique des
différends internationaux, ce n'est pas avant 1920, avec l'introduction de

l'article 62 dans le Statut de la Cour permanente de Justice interna- PULAU LIGITAN ET PULAU SIPADAN (OP.DISS. ODA) 61 0

tionale, qu'apparui; une disposition traitant de l'intervention d'Etats dont
un intérêt seraiten cause. Toutefois, l'introduction de cette disposition ne

mit nullement un terme au débat sur le rôle dévoluà un Etat tiers auto-
risé à intervenir et le résultat potentiel d'une telle intervention.

4. Dans l'affaire du Pluteau c.ontincntu1 (TunisielJainahiriyu arabe

lihyrnnc). qui fut, de fait, la première affaire d'intervention a être sou-
mise à la Cour depuis l'adoption, en 1920, de I'article 62 du Statut de la
Cour permanente (deJustice internationale (lequel était quasiment iden-
tique à I'article 62 du Statut actuel), la Cour rendit, le 14 avril 1981, un
arrêtrejetant Li I'uizuniniitcla demande à fin d'intervention présentéepar

Malte. Dans mon opinion séparée jointeà cet arrêt (etje voudrais faire
observer ici que certains commentateurs ont considéré cetteopinion sépa-
réecomme dC,filcto une opinion dissidente), je concluais, après une étude
attentive de l'élaboration de I'article 62 du Statut de la Cour permanente,
qu'un Etat pouvait être autoriséà participer à l'instance principale en

qualité de non-purfie et qu'il n'était pasnécessaire, pour une telle inter-
vention, qu'existe un lien juridictionnel entre 1'Etat intervenant et les
parties à l'instance principale. Cette proposition n'ayant pas reçu le sou-
tien de la majorité de la Cour, je crois que c'est probablement la première
fois qu'a alors été évoqué le concept d'intervention en quulitt: de non-

purtic).Dans cette opinion, je déclarais:
<<[A ] on avis, les motifs exposéspar la Cour interprètent d'une

façon trop restrictive le paragraphe 1 de l'article 62. Je regrette
qu'on ait ainsi limité la notion d'intervention lors de la première
occasion réelleo: ù l'on en ait demandé l'application. ))(Pluteuu confi-
nentcrl /TunisielJainahiriyu uruhe libyenne), reyuete Li,fin d'irltervcn-
tion, rrrrêt,C.I.J. Rc~curil1981, p. 23, par. 1.)

5. Dans l'affaire du Pluteuu corztinental (Jan7uhiriya urahe 1ih.vcnnel
Malte), qui fut la deuxième affaire, dans la jurisprudence de la Cour, à

traiter de l'interverition au titre de I'article 62, la Cour, dans son arrêtdu
21 mars 1984, rejeta la requête à fin d'intervention de l'Italie. mais, cette
fois-ci,pur onze ilois contre cinq. Cinq juges, dont moi-même, émirent
l'avis que l'intervention de l'Italie aurait dû êtrereçue. Dans l'opinion
dissidentejointe à l'arrêt dela Cour en cette affaire, j'affirmais que:

«La Cour y définità priori la portéedu type d'intervention qu'elle
tient pour une véritable intervention (façon de faire qui me paraît

erronée),puis en tire la concliision que la requêtede l'Italie ne rentre
pas dans cette catégorie)) (Plutecru continental (Jarnuhiriyu urube
libyenne/Maltl~), rc.yuL;trLi,fin d'intervention, arrêt, C.I.J. Recueil
1984. p. 90-91, par. 2)

((J'ai expos~Sci-dessus comment, selon moi, la requêtede I'ltalie
entrait dans le cadre de l'institution de l'intervention prévue par le PULAU LIGITAN ET PULAU SIPADAN (OP. DISS. ODA) 61 1

Statut, et pourquoi c'est abon droit que I'ltalie considère qu'un inté-

rêtd'ordre juridique est pour elle en cause dans le différend. Il y a
trois ans, à propos de I'intervention de Malte, j'avais avancé une
thèse presque identique, fondée sur des motifs pratiquement sem-
blables.)) (C.I.J. Recueil 1584, p. 113, par. 43.)

Le concept d'intervention en qualité de non-partic semblait ainsi avoir
quelque peu gagnédu terrain à la Cour.
6. En 1990, aprésces deux affaires dans lesquelles la Cour avait rejeté

les requêtes à fin d'intervention soumises par des Etats tiers, une chambre
de la Cour constituée en 1987 pour connaître de l'affaire du Dij'fërend
Jrontulier terrestre, insulaire et ~nuritime accorda au Nicaragua I'autori-
sation d'intervenir. Ce fut la première fois, dans toute l'histoire de la
Cour, qu'une telle intervention était admise. La chambre, constituée de

trois des cinq juges dissidents qui s'étaient exprimésdans la précédente
affaire et de deux juges ud hoc, jugea ù l'unanimité, le 13septembre 1990,
que l'objet de I'intervention du Nicaragua, qui était d'informer la Cour
de la nature des droits du Nicaragua qui étaienten cause dans le litige, ne
pouvait êtreconsidérécomme inapproprié (C.I.J. Recueil 1990, p. 92).

Du point de vue cle la Cour, il ne pouvait y avoir aucun doute quant à
l'importance des principes générauxde la juridiction consensuelle, selon
lesquels aucun autre Etat que les parties a la procédure ne saurait parti-
ciper à celle-ci sans le consentement des parties initiales. La Cour déclara
pourtant que:

«Il découle ..aussi dela nature juridique et des buts de l'interven-
tion que l'existence d'un lien juridictionnel entre I'Etat qui demande
à intervenir et.les parties en cause n'est pas une condition du succès

de sa requête. » (Différend,fiontalier terrestre, insulaire et maritime
(El SulvudorlHondurus), requGte ù,fi1d'intervention, C.I.J. Recaueil
1Y90, p. 135,par. 100.)

La Cour poursuivit:
«la procédure de I'intervention doit permettre que 1'Etat dont les

intérêts risquent d'êtra effectés puisseêtreautorisé à intervenir, alors
mêmequ'il n'existe pas de lien juridictionnel et qu'il ne peut par
conséquent pas devenir partie à l'instance » (ihid ).

Le Nicaragua, qui avait obtenu copie des écritures soumises par El Sal-
vador et le Honduras, considérait qu'il avait un intérêtde nature juri-
dique susceptible d'êtreaffectépar la décision en l'espèce;la Cour accorda
au Nicaragua l'autorisation d'intervenir sur la question du régimejuri-
dique des eaux du golfe de Fonseca. Le véritabledébatne commença qu'a

ce moment-là: pal- une ordonnance en date du 14 septembre 1990 (Difl
j2rend fiontulier terrestre, insulaireet muritime (El Sali~udorlHonduras:
Nicaragua (intervenunt)), C.I.J. Recueil 1990, p. 146), la Cour autorisa
le Nicaragua à prisenter une déclaration écrite et El Salvador et le Hon-
duras à présenter des observations écritessur celle-ci. Le Nicaragua put

ensuite plaider oralement en qualité de non-purtie lors de la phase du PULAU LIGITAN ET PULAU SIPADAN (OP.DISS. ODA) 612

fond. Ce fut la première fois dans l'histoire de la Cour qu'un Etat fut
autorisé à intervenir au titre de l'article 62 du Statut.

7. Dans l'affaire de la Frontière terrestre et maritime entre Ir Cume-
roun et le Nigéria, la Cour, par son ordonnance du 21 octobre 1999, a
autorisé à l'unanitniti. la Guinée équatoriale à intervenir (requête de la
Guinéeéquatoriale afin d'intervention, C.1.J.Recueil 1999 (II), p. 1029).
La Guinée équatoriale, dans sa requête,avait préciséqu'elle ne cherchait
((pas A êtrepartie ;iI'affaire soumise à la Cour)) (ihid.; les italiques sont

de moi). Conformé.mentà cette ordonnance, la Guinée équatoriale a, lors
de la phase du fond, présentésa déclaration écriteet les Parties ont alors
chacune soumis leurs observations concernant cette déclaration. La Gui-
néeéquatoriale va maintenant être autorisée à participer en qualité de
non-purtic) à la procédure orale lors de la phase du fond en I'instance
principale, prévue pour le printemps 2002. Il convient de noter que le pré-

sident de la Cour iil'époqueoù a étérendue cette ordonnance était l'un
des cinq juges dissidents en I'affaire de I'intervention de l'Italie en 1984.
8. Tout au long, de ces quatre affaires (lesquelles représentent quasi-
ment la totalité de la jurisprudence de la Cour sur la question de I'inter-
vention),ma position est demeurée inchangée:l'article 62 du Statut de la
Cour devrait ètre interprété largement de manière à permettre a un Etat

qui, mêmeen 1'ab:sencede lien juridictionnel avec les parties, démontre
qu'<<unintérêtd'ordre juridique est pour lui en cause)) de plaider en
I'affaire en qualité de non-partie, sans devoir nécessairement se ranger du
côté de 1'Etat demandeur ni de celui de 1'Etat défendeur en I'instance
principale. L'institution de l'«intervention en qualité de non-partie)) a
considérablement kvoluéau coursde ces vingt dernières années et ilserait

peut-être exagéré d'affirmer que la jurisprudence consfunte de la Cour
limite l'intervention à la participation en qualité &partie.

9. Il nous faut garder présente à l'esprit la manière dont I'<<interven-
tion)) a été considéréepar la Cour dans son ensemble ou par des
membres de celle-ci. Après avoir pris part à trois affaires dans lesquelles
avait été déposée une requêteà fin d'intervention - respectivement par
Malte, par l'Italie et par le Nicaragua , j'ai exposéma conception de
l'<(interventionen (qualitéde non-partie)) au titre de l'article 62 du Statut,

forme d'intervention pour laquelle il n'est pas nécessaire qu'existe unlien
juridictionnel entre 1'Etat intervenant et les parties à l'instance principale
et par laquelle I'Etat intervenant (aprèsavoir eu accèsà toutes les écritures
des parties) peut êtreautorisé a participer, mais non en qualité de purtic',
en présentant ses observations écriteset en prenant part ensuite a la pro-
cédure orale en l'instance principale. J'ai formulé cette conception dans

un cours donné à ]l'Académiede droit international de La Haye en 1993.
Il m'a sembléutile d'en citer quelques passages: PULAU LIGITAN ET PULAU SIPADAN (OP. DISS. ODA) 613

((2. Intervention duns des uflùires mettunt en cause des intkrêts(le
nuture juridique d'Etuts tiers - upplicution de l'urticle 62

C) Quelquesrt5fie'cionc.foncerriatztl'interventionau titre de l'urticle62

116. Après avoir commenté les trois dernières requêtes à fin
d'intervention. qui concernaient toutes trois des questions de délimi-
tation maritirnie ou de statut de zones maritimes - coïncidence qui
n'est pas sans revêtirune certaine importance-, je voudrais formu-
ler quelques observations généralessur l'intervention au titre de
l'article 62, en d'autres termes, sur I'intervention lorsqu'un Etat tiers

considère qu'un intérêtjuridiqueest pour lui en cause. J'examinerai
premièrement la question de savoir si un lienjuridictionnel est néces-
saire entre 1'Etat intervenant et les Etats initialement parties au litige
en l'affaire priincipale et, &u'ri$tnement, la question de savoir si la
décision rendue par la Cour dans l'instance principale doit égale-

ment lier 1'Etat intervenant.
117. On peut soutenir l'idéequ'un lien juridictionnel entre 1'Etat
souhaitant intervenir et les parties initiales à l'affaire serait nécessaire
si I'Etat en question devait participera l'instance en tant que partie de
plein droit, et qu'en ce cas l'arrêtde la Cour aurait indubitablement

pour lui force obligatoire. Il est d'ailleurs probable que I'Etat tiers
serait alors en droit d'introduire devant la Cour une affaire distincte
ayant le même objet. En revanche,laisser participer à la procédureun
Etat tiers qui agirait comme partie de plein droit sans avoir de lien
juridictionnel avec les parties initiales et sans êtrede cefàit liépar le

caractère contraignant de l'arrêt reviendrait sansdoute purement et
simplement A introduire par un subterfuge une affaire qui n'aurait pu
autrement êtresoumise à la Cour var défautde comvétence.Une telle
situation semtlle inadmissible dans la mesure où la juridiction de la
Cour internationale de Justice repose sur le consentement d'Etats sou-
verains et n'est pas obligatoire en l'absence de ce consentement.

118. 11me semble toutefois que la situation dans laquelle un droit
ergu ornnes est en cause entre deux Etats, mais où un Etat tiers a
également émis une prétentionconcernant un tel droit, constitue une
hypothèse qui mérite ici une attention particulière. S'agissant par
exemple d'une affaire de souveraineté sur une île ou de délimitation

d'une frontière territoriale entre deux Etats, lorsqu'un Etat tiers se
trouve lui aussi en mesure de faire valoir sa souveraineté sur l'îleen
question ou sur le territoire susceptible d'êtredélimitépar ladite
frontière, ou encore d'un différend sur un droit de propriété, faire
dépendre I'intervention de 1'Etattiers de l'existence d'un lien juridic-

tionnel risquerait d'aboutir à un résultat déraisonnable. Et si l'on
considère que ce lien est dans tous les cas indispensable pour rece-
voir I'intervention, la notion d'intervention dans des affaires portées
devant la Cour internationale de Justice ne pourra que s'étiolersans
que son objectif ait pu êtreatteint. La cause généralede la justice

internationale en aura étédesservie. PULAU ILIGITAN ET PULAU SIPADAN (OP.DISS. ODA) 614

Dès lors, mêmesi 1'Etat tiers n'a pas de lien juridictionnel à pro-
prement parler avec les parties initiales à I'instance, la possibilité
qu'il puisse intervenir ne doit pas êtreexclue; toutefois, son statut
dans l'instance ne pourra dans ce cas être celui de partie au sens
donné a ce terrne dans le droit interne des Etats. Dans de tels cas, le

rôle joué par 1"Etat intervenant doit êtrelimité.Cet Etat peut faire
valoir une prétiintionconcrète contre les parties initialea I'instance,
sans toutefois que cette prétention n'outrepasse les limites de la
requêteou du lrompromis à l'origine de I'instance principale. Même
alors, 1'Etat intervenant ne pourra demander à la Cour une décision
confirmant directement sa prétention.
119. En d'autres termes, la portée potentielle de la décisionde la

Cour n'en serait pas étendue: cette dernière resterait toujours tenue
de ne se prononcer que dans les limites de la requêteou du compro-
mis a l'origine de I'affaire. L'Etat intervenant devrait se satisfaire de
tout avantage qu'il pourrait tirer de la situation néed'une telle déci-
sion. Qui plus est, il ne pourrait certainement se soustraire à la force
obligatoire de la décisionpour aucun des aspects a l'égarddesquels

l'intervention alété admise.
L'Etat intervenant n'aura ainsi réussi a faire protéger ses droits
que si la Cour refuse de reconnaître la prééminencede ceux de l'une
ou l'autre des parties initiales. Si, au contraire, la Cour se prononce
dans son arrêt enfaveur des droits de l'une ou l'autre de ces parties,
I'Etat intervenant se verra sans aucun doute privéde toute possibilité

présente ou future de faire valoir des prétentions contraires a ces
droits. A la lumière de ces considérations, il ne semble pas possible
de soutenir que 1'Etat intervenant, à moins qu'il ne soit partie à la
procédure au mêmetitre que les parties initiales, tirerait de son inter-
vention un avantage indu sans pour autant se placer lui-mêmedans
une position désavantageuse.
120. A cet égard,je voudrais réitérer mesdoutes quant à la ques-

tion de savoir :sila Chambre de la Cour constituée dans l'affaire du
Diffrrendfiontalier terrestre, insuluireet maritime a eu raison d'affir-
mer, dans son arrêtrendu sur le fond en 1992, que
«un Etat qui est autoriséa intervenir au titre de l'artic62 du Sta-

tut et qui n'iicquiert pas la qualité de partie à l'affaire considérée
n'est pas liépar l'arrêt rendudans I'instance dans laquelle ilest
intervenu)) (C.1J. Recueil 1992, p. 609).
N'étant pas en mesure de partager la conclusion de cet arrêt,
j'avais expriméle point de vue que

((en tant qu'intervenant non partie, le Nicaragua sera certaine-
ment tenu par l'arrêtdans la mesure où celui-ci porte sur la situa-
tion juridique des espaces maritimes du Golfe)) (ihid.,p. 620).

J'ajouteraiqlu'affirmer le contraire pourrait laisser penser qu'un
intervenant au titre de l'article 62 devrait pouvoir adopter une posi-
tion moins responsable qu'un intervenant au titre de l'article 63,et setrouverait ainsi avantagé par rapport aux parties initiales. Le simple
fait qu'un intervenant pourrait éventuellement ne pas êtreconsidéré
comme une partie au sens de l'article 59 ne suffit pas pour passer

outre aux exigences de l'équitéqui sont ici évidentes.Mais il importe
également que tout Etat souhaitant intervenir sache ce qu'il en est
avant de demander l'autorisation d'intervenir.

3. Cus où est en cause l'interpr4ttrtior de principes et de r6g1ecsde
droit intcrnational - incidence de l'arricl~63 sur l'article 62

121. Si l'interprétation d'une convention multilatérale par la Cour
intéresse forcément un Etat partie i cet instrument, quoique non
partie à l'instance, il semble qu'il n'y ait aucune raison valable de
penser que I'iriterprétation par la Cour des principes et règles de
droit international présente moins d'intérêp tour les Etats. Par consé-
quent. si l'interprétation d'une convention internationale permet

l'intervention d'Etats tiers en application de I'article 63 du Statut,on
peut se demander pourquoi il ne pourrait en aller de mêmes'agissant
de I'interprétation des principes et règlesde droit international.

L'absence dl? lien juridictionnel n'est pas une raison suffisante
pour empêcherun Etat d'intervenir en qualité de non-partie dans

une instance principale où est en cause l'application de principes et
règles de droit international, car I'interprétation de ces principes et
règles par la Cour aura certainement force obligatoire pour 1'Etat
intervenant. Qui plus est, tout comme dans le cas de I'article 63, les
dispositions de l'article 59 ne garantissent en réalitéaux Etats qui ne
sont pas intervenus dans I'instance principale aucune immunité à

l'égard de l'application ultérieure de l'interprétation donnée par la
Cour des principes et règlesen question.
122. Je ne i~étends évidemment Das aue l'article 63 du Statut
autorise une telle intervention. Jedis simplement que ce mode d'inter- ,
vention, n'entraînant pas la qualitéde partie, dans une instance où le
lien juridictionnel fait défaut mais où I'interprétation donnée par la
Cour a force obligatoire, a été instituépar I'article 63. Si ce genre

d'intervention est possible, I'article 62,rapproché de I'article 63,peut
êtreconsidérécomme englobant ce mode d'intervention, à condition
que l'intérêtd'ordre juridique existe. En d'autres termes, l'interven-
tion foridéesur I'article62 couvre les cas dans lesquels un Etat inter-
venant qui n'e:stpas partie à l'instance cherche i se protéger contre
une certaine interprétation des principes et règles de droit interna-

tional. Le mode d'intervention pourrait dans ce cas êtreidentique i
celui prévu par l'article 63, 1'Etat tiers ne comparaissant ni comme
demandeur, ni comme défendeur, et ne pouvant revendiquer aucun
droit ou titre spécifiquecontre les Etats parties a l'instance initiale.
J'ai par exemple à l'esprit l'affaire du Pussugc.par Ir Grand-Belt, ou
encore l'affaire Jun Mu-yen.

123. On pourrait objecter que les Etats qui risquent d'êtreaffectés PULAU LlGlTAN ET PULAIJ SIPADAN (OP. DISS. ODA) 616

par l'interprétation des principes et règlesde droit international par
la Cour seront innombrables et que, si l'interprétation de ces prin-
cipes et règlespeut avoir pour effet de donner accèsà la Cour à tous

les Etats en tant au'intervenants. cela suscitera à l'avenir de nom-
breux cas d'intervention. Ce problème doit êtreexaminédu point de
vue de la politique judiciaire future et plus particulièrement du point
de vue de la bonne administration de la justice internationale. Cela
ne doit toutefois pas conduire à rejeter une requêteeffective à fin
d'intervention dans laquelle I'Etat requérant affirme qu'un intérêt

d'ordre juridique peut êtreaffectépar l'interprétation donnée par la
Cour des principes et règlesde droit international. De même,la pos-
sibilité ne saurait être exclue que la Cour soit saisie d'un nombre
croissant d'instances sur la base de l'article 63. Le fait que celui-ci ait
rarement été invoqué jusqu'à présentne garantit pas qu'il continuera
à en aller de même,si je me fonde sur l'affaire pendante concernant

l'Application de lu convention sur le gknocide. Ainsi ce problème
concerne-t-iln'onseulement l'article 62, mais aussi l'article 63.
Cependant, à la différencede I'article 63,qui concerne l'interpré-
tation de conventions internationales. l'article 62 est assorti de cer-
taines restrictions. Son paragraphe 2 prévoit ainsi que «la Cour
décide)). En d'autres termes, la Cour dispose de certains pouvoirs

discrétionnaires pour autoriser ou non 1'Etat qui présentela requête
à intervenir dans l'instance. Plus importante encore est la restriction
énoncéeau paragraphe 1 de cet article 62, où ilest exigéde 1'Etat
demandant à intervenir qu'<<unintérêtd'ordre juridique [soit] pour
lui en cause)). Tout risque de voir s'étendre l'application de I'ar-
ticle62 ne pourra donc qu'êtrelimité du fait de l'exercice par la

Cour de son pouvoir discrétionnaire, en particulier pour ce qui est
de déterminer si 1'Etat demandant à intervenir a ou non un inté-
rêtde cet ordre. » (Oda, «The International Court of Justice Viewed
from the Bench (1976-1993)», Recueil des cours de 13Académicde
droit internutionul de Lu Haye, vol. 244, 1993, p. 83-87.)

10. Après avoir examiné l'institution de l'<(intervention en qualité de
non-partie)), j'exaniineraià présent la façon dont fonctionne, et devrait
en pratique fonctionner, cette institution aux termes de l'article 62 du
Statut, le seul à concerner l'«intervention)), et qui dispose:

« 1. Lorsqu'un Etat estime que, dans un différend, un intérêt
d'ordre juridique est pour lui en cause, il peut adresser à la Cour une
requête,à fin d'intervention.

2. La Cour décide.>>
Telle que je l'interprète, cette disposition signifie qu'un Etat pour qui «un

intérêtd'ordre juridique est ... en cause)) devrait avoir la possibilité de
participer, soit en qualitéde purtie (aux côtésdu demandeur ou aux côtés
du défendeur), soit en qualité de non-purtie, à la phase de l'examen au PULAU 1-IGITANET PULAU SIPADAN (OP. DISS.ODA) 617

fond en présentant des observations écritespuis en prenant part à la pro-
cédureorale.
11. Lorsque la participation en qualitéde non-plirtic devrait êtreauto-

risée.ce aui est le cas ici. ce n'est Das à 1'Etat cherchant à interveni-
lequel, en la présemeespèce, n'a eu connaissance de I'objet du différend
qu'au travers du coirnpromis du 31 mai 1997par lequel la Cour a étésai-
sie de celui-ci- de démontrer à l'avance qu'un intérêtest pour lui en
cause. A défautde participer a la phase de l'examen au fond, 1'Etatcher-

chant ii intervenir n'a aucun moyen de connaître les questions soulevées
en l'espèce,en particulier lorsque l'accèsaux piècesécriteslui est refusé.
Dans la perspective d'un rejet de la demande d'intervention, c'est au
contraire aux parties à I'instance principale que devrait incomber la tâche
de démontrer que ]"intérêd te 1'Etat tiers ne sera pas affectépar la déci-

sion de la Cour.
Celle-ci peut, dans certaines affaires, retenir les objections des parties
I'instance principale établissant ((avec une clarté toute particulière))
(expression qui apparaît aux paragraphes 59 et 70 de l'arrêt)que l'intérêt
alléguépal- 1'Etat cherchant à intervenir n'entretient qu'un rapport très

éloigné avecI'objet de l'affaire. C'est ainsi que, lorsqu'un Etat se trouve
géographiquement (listant du lieu objet du différendet n'entretient aucun
lien de nature historique ou administrative avec les parties, il est possible
de démontrer à l'avance qu'aucun de ses intérêtsn'est susceptible d'être
mis en cause en rapport avec aucune des questions territoriales ou fron-

talières objet du différend. Tel n'est pas le cas ici. Les deux îles objet du
différend setrouvent à proximité du Nord-Bornéo, quoique la question
de savoir si elles font historiquement et géographiquement partie de
celui-ci doive être tranchée parla Cour.
12. En réalité,dams le cas de la requêtede la Guinée équatoriale à fin

d'intervention (dans l'affaire entre le Cameroun et le Nigéria), les deux
parties principalessl:mblent avoireu quelque difficultéà déterminer si des
intérêtsde 1'Etatcherchant à intervenir seraient effectivement en cause et
elles ne se sont donc:pas opposées a la demande de la Guinée équatoriale.
La Cour a reçu cette intervention uniquement parce que les parties à

I'instance principale ne s'yétaientpas opposées - mais non, il est vital de
le souligner, en raison d'un quelconque point de vue que la Cour aurait
pu nourrir sur la question de savoir si I'intérêdte la tierce partie risquait
d'être encause. Dans l'affaire en question, la Cour n'a pas indiqué si un
tel intérêtpouvait êtreen cause.

La question de savoir si, en fait, il existe ou non pour 1'Etatintervenant
un intérêtd'ordre juridique ne peut êtreconsidéréequ'au moment de
l'examen au fond. II peut arriver que la Cour, après avoir entendu les
vues de 1'Etatintervenant iiI'instance principale, conclue que, après tout,
I'intérêdte I'Etat tiers ne sera pas affectépar sa décision enl'espèce.Tel
est le sens de l'expression ((intervention en qualitéde non-partie)), qui se

rapporte à une forme d'intervention totalement différente de celle dans
laquelle un Etat tiers souhaite participer à I'instance principale du côtéde
1'Etat demandeur ou de I'Etat défendeur afin d'y plaider sur I'objet PULAU 1.IGITAN ET PULAU SIPADAN (OP. DISS. ODA) 618

de l'instance en question. Ce type d'intervention relèveégalementde l'ar-
ticle62 du Statut, ainsi que je l'ai indiqué plus haut au paragraphe 8.

13. La présenteprocédure s'est dérouléed'une manière trèséloignéede
ce qui vient d'être décrit.Les Philippines ont eu connaissance de l'objet
du différend entre L'Indonésieet la Malaisie (en d'autres termes, de la
question de la souveraineté sur Sipadan et Ligitan) tel qu'il avait été

exposé à l'article2 du compromis du 31 mai 1997. Les Philippines igno-
raient, et ignorent toujours, comment les deux Parties présenteraient
leurs positions respectives concernant la souveraineté sur les deux îles en
question et comment ces positions pourraient affecter les intérêts des Phi-
lippines. Ces dernières pouvaient tout au plus supputer que leurs intérêts

au Nord-Bornéo pourraient être affectés enfonction de ce que I'lndoné-
sie et la Malaisie pla.ideraient en I'instance principale au sujet de ces deux
îles, mais elles n'étaient certainement pas en mesure de déterminer quels
seraient les cctraités, accords et ... tou[s] autre[s] éIément[s]de preuve
produit[s] par les Parties)) sur la base desquels celles-ci demanderaient a

«la Cour de déterminer ..si la souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau
Sipadan appartient à la République d'Indonédie ou a la Malaisie)).
En conséquence des objections soulevéespar l'Indonésieet la Malaisie,
les Philippines se sointvu refuser l'accèsaux écritures des Parties et n'ont
donc pas été(et ne sont toujours pas) en mesure de savoir si, en fait, leurs

intérêtssont ou nori en cause dans I'instance principale. En demandant
l'autorisation d'intervenir, les Philippines n'avaient d'autre choix que de
faire connaître dan:; leur requête leur revendication de souveraineté au
Nord-Bornéo, laquelle pourrait êtreaffectéepar la décisionde la Cour en
l'espèce.

14. C'est à l'Indonésie et à la Malaisie, et non aux Philippines, qu'il
incombe d'assurer a ces dernières que leurs intérêts neseront pas affectés
par l'arrêtque la Cour rendra en I'instance principale. Est-il vraiment rai-
sonnable -- ou mSme acceptable - que l'Indonésie et la Malaisie
demandent aux Philippines d'expliquer dans quelle mesure les intérêts

de ces dernières pourraient être affectés par une décision de la Cour
en l'espècealors qu'elles refusent l'une et l'autre de leur faire connaître
le raisonnement sur lequel elles appuient leur revendication en l'instance
principale? J'ai à cet égard du mal à suivre le raisonnement de la Cour
lorsque celle-ci affirme que:

«l'Etat qui, cornme en l'espèce,se prévaut d'un intérêd t'ordre juri-
dique ne portaint pas sur l'objet mêmede l'affaire doit nécessaire-
ment établir avec une clartétoute particulière l'existence de l'intérêt

dont ilse réclame))(arrêt. par. 59).

et que
((l'intérêdt'ordre juridique que les Philippines invoquent pour être admises A intervenir en l'espècepeut être établi avecd'autant plus de
clartéqu'il ne porte pas sur l'objet mêmede l'affaire)) (arrêt, par. 78).

La Cour me semble confondre cette forme d'intervention avec celle qui

résulterait d'une requêteà fin d'intervention en I'instance principale, soit
en qualité d'Etat deimandeur, soit en qualité d'Etat défendeur.
15. C'est avec surprise, et non sans consternation, que je note que la
Malaisie, dans ses <<observationssur la requêteà fin d'intervention dépo-
séepar le Gouvernement de la République des Philippines)), en date du
2 mai 2001. a renvoyéau moins treize fois à son propre mémoireen I'ins-

tance principale et a mêmefait référence A deux reprises au mémoirede
l'Indonésie. ni l'une ni l'autre de ces deux pièces n'ayant étécommuni-
quée aux Philippines. Dans ses c(observations», la Malaisie a élevédes
objections A la requête des Philippines a fin d'intervention, s'exprimant
sur les «traités, accords et.. tou[s] autre[s] élément[s]de preuve)) sur les-
quels, supposait-elle simplement, les Philippines pourraient s'appuyer
pour affirmer que leur intérêtpourrait êtreen cause. En fait, lorsque les

Philippines. dans leur requêtedu 13mars 2001, ont fait étatde leur inté-
rêtau Nord-Bornéo. elles n'ont fait référence qu'endes termes très géné-
raux à des ((traités, accords et ... tou[s] autre[s] éIément[s]de preuve)),
sans s'exprimer de façon plus spécifiqueà leur égard.
L'Indonésiea en revanche été plusprudente et n'a fait référence,dans
ses observations, ni à ses écritures, ni à celles de la Malaisie. Au moment

où elles ont déposéleur requête à fin d'intervention, et au moins jusqu'au
deuxième tour de plaidoiries, les Philippines ne pouvaient connaître la
manière dont les revendications respectives de l'Indonésieet de la Malai-
sie sur les deux îles en question se rattacheraieAtleur propre revendica-
tion de souveraineté sur le Nord-Bornéo. II n'existait aucun élément
autre que le compromis du 31 mai 1997entre l'Indonésieet la Malaisie à

partir duquel les Philippines auraient pu ne fût-ce que spéculer sur la
position de ces dernières ou sur la substance de leurs revendications res-
pectives.
16. Au cours du premier tour de plaidoiries, les Philippines (auxquelles
il avait étédemandi: d'exposer leurs vues avant l'Indonésieet la Malai-
sie), s'étant vu refuser l'accès aux écritures, firent état d'un certain
nombre de ((traités,accords et ..autre[s] éIément[sd]e preuve)) dont elles

pensaient qu'ils pourraient être invoquéspar les Partiesà l'instance prin-
cipale. Au cours de:; deux tours de plaidoiries qui suivirent la présenta-
tion initiale des Philippines, l'Indonésieet la Malaisie, tout en maintenant
les Philippines dans l'ignorance du contenu de ces documents, purent
débattre librement de la pertinence ou non en I'instance principale de ces
((traités,accords et ... autre[s] élément[s]de preuve))évoquéspar les Phi-

lippines.
A l'issue du premier tour de plaidoiries par l'Indonésieet la Malaisie,
qui faisait suite aux. premières plaidoiries des Philippines, ces dernières
avaient désormais une vague idéedes points de vue adoptéspar ces deuxEtats a l'égarddes ((traités,accords et ...autre[s] élément[s]de preuve))
auxquels elles avaient d'elles-mêmesfait initialement référencelors de
leurs premières plaitloiries. De surcroît, les Philippines ne pouvaient être
certaines que l'Indonésieet la Malaisie avaient, au cours de ces plaidoi-
ries, épuisé leursarguments concernant les ((traités,accords et ... autre[s]
éIément[sd ]e preuve)), les deux Parties en question s'étant en fait limitées

àcommenter ceux des ((traités,accords et ...autre[s] élément[sd ]e preuve))
évoquéspar les Philippines lors de leurs plaidoiries. Toute la procédure
suivie en cette affaire me frappe comme ayant étéquelque peu déloyale
envers I'Etat intervenant. Je pense que la question des ((traités,accords
et ...autre[s] élémeiit[s]de preuve)) ne pouvait, et n'aurait pas dû, être
discutéeavant que les Philippines n'aient eu une possibilité de participer

à l'instance principale, ainsi que cela avait étéle cas pour le Nicaragua
dans l'affaire portée en 1992 devant la Chambre.
J'estime que tous les arguments de fond (exposésau cours de la pro-
cédure orale lors des audiences tenues du 25 au 29 juin 2001) concernant
les ((traités,accords et ... autre[s] éIément[s]de preuve))sur la base des-
quels la Cour décidera qui de l'Indonésieou de la Malaisie détientla sou-
veraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan auraient dû êtreavancés

lors de la phase au fond de l'instance principale, et que les Philippines
auraient dù êtreautorisées à prendre part à celle-ci en qualité de non-
partie, tout comme le Nicaragua et la Guinée équatoriale l'ont étédans
les deux affaires les plus récentes au cours desquelles a étésoulevéela
question de l'intervention.
17. Je ne pense pas qu'il incombait aux Philippines, afin que la Cour

leur accorde l'autorisation d'intervenir, de convaincre celle-ci que «des
intérêtsd'ordre juridique spécifiéspourraient être en cause dans les cir-
constances de la présenteespèce))(arrêt, par. 93),ni qu'il leur incombait
de démontrer à la Cour ((qu'elles étaient fondées à intervenir dans
l'affaire pendante entre l'Indonésieet la Malaisie)) (arrêt,par. 94). Si la
Cour ((demeure informée des positions exposéesdevant elle dans la pré-

sente instance par l'Indonésie, la Malaisie et les Philippines)) (arrêt,
par. 94), pourquoi n'a-t-elle pas donné aux Philippines la possibilité de
plaider leur cause sur un pied d'égalité avecl'Indonésieet la Malaisie lors
de la phase au fond de l'instance principale?
Les Parties à l'instance principale et la Cour n'auraient rien eiiperdre
en autorisant les Philippines iiintervenir en qualité de non-partie en la

présente espèceet, en particulier, les intérêtslégitimesdes Parties à l'ins-
tance principale n'en auraient pas été compromis,mêmes'il était devenu
clair, lors de la phase au fond, qu'il n'y avait pus pour les Philippines
d'intérêten cause.

18. En conclusion, je crains que la Cour ne soit parvenue au présent
arrêtsans avoir correctement déterminéla signification de ((l'intervention
en qualitéde non-partie)) prévueà l'article 62du Statut de la Cour. Cette PULAU 1-IGITAN ET PULAU SIPADAN (OP. DISS. ODA) 621

notion a considérablement évoluédans la jurisprudence de la Cour au
cours des vingt dernières années de son histoire, en particulier depuis
l'intervention du Nicaragua en 1990 et celle de la Guinée équatoriale
en 1999.

(Signk) Shigeru ODA.

Bilingual Content

DISSENTING OPINION OF JUDGEODA

Interpretution q/"'intervention" under Article 62 of the Stutute -- Jurispru-
tkc~ncuef the Court :four previous rulings on upplicu fionsfor pcwnission to inter-
vene urzu'rrArticle 62, in 1981. 1984, 1990 crnd 1999 - Drvelopnzrnt of' the

instit~~tion of "non-purty intervention" -- Participation of intervening State
eitlzerlis u ptirty or u non-pcrrty - Wllether Stcrte seekirzg to inter~lerzenlust
proile in advance thirt its intcrcst irill he uij'kctedhj. the decision in the crrse,or
\vlzetherthe hurden slzould he placed on the parties to the principul proceeclings
to shoit~tlzat thclinterest of the third State rrillnot he affectrd hy the decision in
the case - Whether the existence of un interest of'a legul nature car7only be
considerrd ut the merits phase - Application ofprinciples ?/'intervention to the

circ~un~stunceo .sf this case- Refusul ofuccess hl! the Philippines to the icritten
plc~udingsofthe P(rrtie.s - Inuhilityof'the Philippines to knoii,, ut least until the
.secondround qf oral pleudings, hoii, the rc.rliectivc1 cluitns of'th? Partics irould
relute to ifs oirn clainz to sovereigrztj.in North Borr~e~ o WI~etl~eu rpplicution
to intc~rveneshould Iiavc heen granted

1. 1 voted against the operative part of the Judgment, as 1 firmly
believe that the Philippine request for permission to intervene in the case
between Indonesia and Malaysia should have been granted.
That vote has led me to express this dissenting opinion. 1 wish, how-

ever, to emphasize that my disagreement with the Court is limited at this
time strictly to the issue decided in this Judgment, namely the Philippines
right to intervene in these proceedings, and is not in any way indicative of
my views in respect of the validity of any claim the Philippines might

have to North Borneo or in respect of the merits in the principal case
between Indonesia and Malaysia.

2. My position in this case results from my interpretation of "interven-
tion" under Article 62 of the Statute, an interpretation which may differ
from the Court's in some respects. As my interpretation has remained
consistent throughout the Court's entire jurisprudence on this subject,
1
believe it appropriate to begin with a brief sketch of the history of the
Court's application of that provision.
3. Although Article 63 of the Statute concerning intervention when the

construction of multilateral conventions is in question dates back to the
1899 and 1907 Hague Conventions for the Pacific Settlement of Interna-
tional Disputes, there was no provision dealing with intervention by a
State having an interest which may be affected by the Court's decision OPINION DISSIDENTE DE M. ODA

[Traduction]

Interprétation du mot ((intervention)) au sens de l'urticle 62 du Statut -
Jurisprudencc de lu Cour; quatre crrrCtsconcernant dcs rc~quCtes ù Jin d'inter-
vention au titre do 1'artic.le62, rendus e1981, 1984, IYYO et lYYY - Evolution
de l'institution deI'(intervention en qualité de non-partie))- Participation de
I'Etut irztervenant soit en qualité u' <a.rtie, soit en qualité de non-pirrtie -
Que.vtioncle~uvoirsi I'Etcitdenwndunt à intervenir doit préuluhlement dérnotz-
trer qu'un intér2test pour lui en cause. ou .s'ilinconzhe aux partiesà l'instance

principale de démontrerque I'intérCtde cet Etrrt tiers n'est pas en cause -
Que.stioizde srrvoir.si1'e.ui.stenced'un int4rêtde nature juridique ne peut Ctr~
csaminkc qu'au staa'edu,fBnd - Application desprincipes de l'interi~entionaux
circonstances de I'e~pèce - Refus opposéaux Plzilippines d'avoir accPs aux
c;crituresdes Partier - Ir?zpo.~.sihiliour les Philippines. du moins jusqu'uu
c/~usiénzctour de pbaidoiries, de suvoir comment les prétentions respectivc.~dcjs
Purries se rattachc.i.aient à leur propre revendication de souveraineté sur le

Nord-Bortzéo Question de .suvoirs'il aurait conilenu de recevoir l'irzterven-
tion.

1. J'ai votécontre le dispositif de l'arrêt parceque je suis fermement
convaincu qu'il aurait dû êtrefait droit à la requête desPhilippines a fin
d'intervention en l'affaire entre l'Indonésieet la Malaisie.

Ce vote m'a conduit a exposer la présente opinion dissidente. Je sou-
haite toutefois insister sur le fait que mon désaccord avec la Cour se
limite pour l'instant strictement a la question tranchée dans cet arrêt,

c'est-à-dire au droit pour les Philippinesd'intervenir en la présenteespèce,
et ne saurait nullement êtreconsidérécomme reflétant mon point de vue
quant a la validitéde toute revendication que les Philippines pourraient
formuler iil'égarddu Nord-Bornéo, ou quant au fond de l'instance prin-

cipale entre l'Indonésieet la Malaisie.

2. Ma position en la présenteespècedécoulede mon interprétation de
l'<<intervention»ailisens de l'article 62 du Statut, interprétation qui, par

certains aspects, s'écarte de celle de la Cour. Mon interprétation étant
demeuréeconstante dans toute lajurisprudence de la Cour sur cette ques-
tion, ilme semblt: opportun de commencer par un bref historique de
l'application par la Cour de la disposition précitée.

3. Bien que l'article 63 du Statut concernant l'intervention lorsque est
en cause l'interprétation de conventions multilatérales remonte aux
conventions de La Haye de 1899et 1907 pour le règlement pacifique des
différends internationaux, ce n'est pas avant 1920, avec l'introduction de

l'article 62 dans le Statut de la Cour permanente de Justice interna-until 1920, when Article 62 was introduced into the Statute of the Per-
manent Court of International Justice. In fact, however, the inclusion of
that provision did not by any means put an end to discussion of the role

to be played by a third State permitted to intervene, or of the potential
outcome of the intervention.
4. In the case concerning the Contin~ntal Shelf' (TunisialLibyun Arab
Jumuhiriyu), which, for al1practical purposes, was the first case of inter-
vention to come before the Court since Article 62 of the Statute of the
Permanent Court of International Justice (which is practically identical

to Article 62 of the present Court's Statute) was adopted in 1920, the
Court on 14 April 1981 handed down a Judgment unclnitnouslyrejecting
Malta's Application for permission to intervene. In my separate opinion
appended to that Judgment (and 1would point out that some commen-
tators considered that separate opinion to be a dejircto dissenting opinion)
1 concluded, after thorough examination of the drafting of Article 62 of

the Statute of the Permanent Court, that a State could be permitted to
participate in the principal dispute as a non-purty and that a judicial link
between that intervening State and the parties to the principal case was
not required for such an intervention. As that proposition was not sup-
ported by the majority of the Court, 1believe that this was probably the
first time that the concept of non-purtj, intcrvrntion was ever raised. In

that opinion 1stated:
"In my view ... the Court's reasoning places too restrictive a con-
struction upon the first paragraph of Article 62. 1 regret that the

institution of intervention is afforded so narrow a focus on essen-
tially the first occasion of its application." (Cor~tin~ntulSlzelf (Tuni-
siulLibyun Aruh Jumuhiriyu), Application ,for Permission to Inter-
vene, Judgtnent, I.C.J. Reports IYKI, p. 23, para. 1.)

5. In the Continental Slzelf'(Libj~unArcrbJumuhiriyulMultu) case, the
second case in the Court's jurisprudence dealing with intervention under
Article 62, the Court in its Judgment of 21 March 1984 rejected Italy's
Application for permission to intervene but, this time, hj>eleilen votes to
five. Five judges, including myself, were of the opinion that Italy's Appli-

cation for permission to intervene should have been granted. My dissent-
ing opinion appended to the Court's Judgment in that case states as
follows:
"It seems that the Court presupposes rpriori the scope of the kind

of intervention it deems genuine (a procedure which 1do not think is
correct), and then draws the conclusions that Italy's application does
not fa11into this category" (Continental Sheij"(Libj~an Arub Juma-
hiriyulMulta), Application for Permi.~sionto Intervene, Judgment,
I.C.J. Reports 1984, pp. 90-91, para. 2)

and

"1 have thus elaborated my point that Italy's application falls
within the purview of the institution of intervention provided for PULAU LIGITAN ET PULAU SIPADAN (OP.DISS. ODA) 61 0

tionale, qu'apparui; une disposition traitant de l'intervention d'Etats dont
un intérêt seraiten cause. Toutefois, l'introduction de cette disposition ne

mit nullement un terme au débat sur le rôle dévoluà un Etat tiers auto-
risé à intervenir et le résultat potentiel d'une telle intervention.

4. Dans l'affaire du Pluteau c.ontincntu1 (TunisielJainahiriyu arabe

lihyrnnc). qui fut, de fait, la première affaire d'intervention a être sou-
mise à la Cour depuis l'adoption, en 1920, de I'article 62 du Statut de la
Cour permanente (deJustice internationale (lequel était quasiment iden-
tique à I'article 62 du Statut actuel), la Cour rendit, le 14 avril 1981, un
arrêtrejetant Li I'uizuniniitcla demande à fin d'intervention présentéepar

Malte. Dans mon opinion séparée jointeà cet arrêt (etje voudrais faire
observer ici que certains commentateurs ont considéré cetteopinion sépa-
réecomme dC,filcto une opinion dissidente), je concluais, après une étude
attentive de l'élaboration de I'article 62 du Statut de la Cour permanente,
qu'un Etat pouvait être autoriséà participer à l'instance principale en

qualité de non-purfie et qu'il n'était pasnécessaire, pour une telle inter-
vention, qu'existe un lien juridictionnel entre 1'Etat intervenant et les
parties à l'instance principale. Cette proposition n'ayant pas reçu le sou-
tien de la majorité de la Cour, je crois que c'est probablement la première
fois qu'a alors été évoqué le concept d'intervention en quulitt: de non-

purtic).Dans cette opinion, je déclarais:
<<[A ] on avis, les motifs exposéspar la Cour interprètent d'une

façon trop restrictive le paragraphe 1 de l'article 62. Je regrette
qu'on ait ainsi limité la notion d'intervention lors de la première
occasion réelleo: ù l'on en ait demandé l'application. ))(Pluteuu confi-
nentcrl /TunisielJainahiriyu uruhe libyenne), reyuete Li,fin d'irltervcn-
tion, rrrrêt,C.I.J. Rc~curil1981, p. 23, par. 1.)

5. Dans l'affaire du Pluteuu corztinental (Jan7uhiriya urahe 1ih.vcnnel
Malte), qui fut la deuxième affaire, dans la jurisprudence de la Cour, à

traiter de l'interverition au titre de I'article 62, la Cour, dans son arrêtdu
21 mars 1984, rejeta la requête à fin d'intervention de l'Italie. mais, cette
fois-ci,pur onze ilois contre cinq. Cinq juges, dont moi-même, émirent
l'avis que l'intervention de l'Italie aurait dû êtrereçue. Dans l'opinion
dissidentejointe à l'arrêt dela Cour en cette affaire, j'affirmais que:

«La Cour y définità priori la portéedu type d'intervention qu'elle
tient pour une véritable intervention (façon de faire qui me paraît

erronée),puis en tire la concliision que la requêtede l'Italie ne rentre
pas dans cette catégorie)) (Plutecru continental (Jarnuhiriyu urube
libyenne/Maltl~), rc.yuL;trLi,fin d'intervention, arrêt, C.I.J. Recueil
1984. p. 90-91, par. 2)

((J'ai expos~Sci-dessus comment, selon moi, la requêtede I'ltalie
entrait dans le cadre de l'institution de l'intervention prévue par le under the Statute, and that Italy isjustified in considering that it has
an interest of a legal nature which may be affected by the decision in
the case. 1made almost the same argument in the case of the Maltese
intervention three years ago, based on almost the same reasoning."
(1.C.J. Reports 1984, p. 113, para. 43.)

Thus, it would appear that the concept of non-party intervention had
gained some support in the Court.
6. In 1990, after these two cases in which the Court had rejected

requests by third States for permission to intervene, a Chamber of the
Court formed in 1987 to deal with the case concerning the Land, Island
and Muritinle Frontier Dispute granted such permission to Nicaragua.
This marked the first time in the entire history of the Court that such
intervention was allowed. The Chamber, consisting of three of the five
dissentingjudges in the previous case and two judges adhoc, ununimously
Sound on 13 September 1990that the object of Nicaragua's intervention,

to inform the Court of the nature of Nicaragua's legal rights which were
at issue in the dispute, indeed accorded with the function of intervention
and could not be regarded as improper (I.C.J. Reports 1990, p. 91). In
the view of the Court, there could be no doubt as to the importance of
the general principles of consensual jurisdiction, so that no State but the
parties to the proceedings might involve itself in those proceedings with-

out the consent of the original parties. Yet the Court stated that:

"lt . . . follows also from the juridical nature and from the pur-

poses of intervention that the existence of a valid link of jurisdiction
between the would-be intervener and the parties is not a requirement
for the success of the application." (Lund, Island and Maritime
Frontier Dispute (El SalvudorlHon~~uras).Application to Intervene,
1.C.J. Reports 1990, p. 135, para. 100.)

The Court went on to say that
"the procedure of intervention is to ensure that a State with possibly

affected interests may be permitted to intervene even though there is
no jurisdictional link and it therefore cannot become a party" (ihid.).

Nicaragua, which had been given copies of the written pleadings sub-

mitted by El Salvador and Honduras, considered that it had an interest
of a legal nature which might be affected by the decision in the case; the
Court granted Nicaragua permission to intervene on the question of the
legal régime ofthe waters of the Gulf of Fonseca. The real discussion
only began at that point: by Order dated 14 September 1990 (Land,
Isltrr~dund Maritime Frontier Dispute (El Salva~lorIHo~~durusN ; icuru-
guu intervening), 1. C.J. Rc.ports 1990, p. 146), the Court authorized

Nicaragua to present a written statement and El Salvador and Honduras
to submit their written observations on that statement. Nicaragua was
then given the opportunity to plead orally as a non-party during the PULAU LIGITAN ET PULAU SIPADAN (OP. DISS. ODA) 61 1

Statut, et pourquoi c'est abon droit que I'ltalie considère qu'un inté-

rêtd'ordre juridique est pour elle en cause dans le différend. Il y a
trois ans, à propos de I'intervention de Malte, j'avais avancé une
thèse presque identique, fondée sur des motifs pratiquement sem-
blables.)) (C.I.J. Recueil 1584, p. 113, par. 43.)

Le concept d'intervention en qualité de non-partic semblait ainsi avoir
quelque peu gagnédu terrain à la Cour.
6. En 1990, aprésces deux affaires dans lesquelles la Cour avait rejeté

les requêtes à fin d'intervention soumises par des Etats tiers, une chambre
de la Cour constituée en 1987 pour connaître de l'affaire du Dij'fërend
Jrontulier terrestre, insulaire et ~nuritime accorda au Nicaragua I'autori-
sation d'intervenir. Ce fut la première fois, dans toute l'histoire de la
Cour, qu'une telle intervention était admise. La chambre, constituée de

trois des cinq juges dissidents qui s'étaient exprimésdans la précédente
affaire et de deux juges ud hoc, jugea ù l'unanimité, le 13septembre 1990,
que l'objet de I'intervention du Nicaragua, qui était d'informer la Cour
de la nature des droits du Nicaragua qui étaienten cause dans le litige, ne
pouvait êtreconsidérécomme inapproprié (C.I.J. Recueil 1990, p. 92).

Du point de vue cle la Cour, il ne pouvait y avoir aucun doute quant à
l'importance des principes générauxde la juridiction consensuelle, selon
lesquels aucun autre Etat que les parties a la procédure ne saurait parti-
ciper à celle-ci sans le consentement des parties initiales. La Cour déclara
pourtant que:

«Il découle ..aussi dela nature juridique et des buts de l'interven-
tion que l'existence d'un lien juridictionnel entre I'Etat qui demande
à intervenir et.les parties en cause n'est pas une condition du succès

de sa requête. » (Différend,fiontalier terrestre, insulaire et maritime
(El SulvudorlHondurus), requGte ù,fi1d'intervention, C.I.J. Recaueil
1Y90, p. 135,par. 100.)

La Cour poursuivit:
«la procédure de I'intervention doit permettre que 1'Etat dont les

intérêts risquent d'êtra effectés puisseêtreautorisé à intervenir, alors
mêmequ'il n'existe pas de lien juridictionnel et qu'il ne peut par
conséquent pas devenir partie à l'instance » (ihid ).

Le Nicaragua, qui avait obtenu copie des écritures soumises par El Sal-
vador et le Honduras, considérait qu'il avait un intérêtde nature juri-
dique susceptible d'êtreaffectépar la décision en l'espèce;la Cour accorda
au Nicaragua l'autorisation d'intervenir sur la question du régimejuri-
dique des eaux du golfe de Fonseca. Le véritabledébatne commença qu'a

ce moment-là: pal- une ordonnance en date du 14 septembre 1990 (Difl
j2rend fiontulier terrestre, insulaireet muritime (El Sali~udorlHonduras:
Nicaragua (intervenunt)), C.I.J. Recueil 1990, p. 146), la Cour autorisa
le Nicaragua à prisenter une déclaration écrite et El Salvador et le Hon-
duras à présenter des observations écritessur celle-ci. Le Nicaragua put

ensuite plaider oralement en qualité de non-purtie lors de la phase du612 PULAU LIGITAN AND PULAU SIPADAN (DISSO. P.ODA)

merits phase of the case. This was the first time in the Court's history
that a State was accorded permission to intervene under Article 62 of the

Statute.
7. In the case concerning Lund and Muritime Boundury betlveen Cum-
rroon and Nigeriu the Court, in its Order of 21 October 1999, unani-
mously granted Equatorial Guinea permission to intervene (Application
by Equatorial Guinea for permission to intervene, 1.C.J. Reports
1999 (II), p. 1029). Equatorial Guinea in its Application had specified
that it did "not seek to be u party to the case before the Court (ihid,
emphasis added). In accordance with that Order, Equatorial Guinea, in
the merits phase of the case, submitted its written statement and the
Parties presented their respective observations in it. Equatorial Guinea

will now be allowed to participate as a non-purty in the oral proceedings
in the merits phase of the principal case, scheduled for the spring of2002.
It should be noted that the President of the Court at that time was one of
the five dissentingjudges in the case of Italy's intervention in 1984.

8. My position remained unchanged throughout these four cases
(which, practically speaking, represent the entire jurisprudence of the
Court on the subject of intervention): Article 62 of the Court's Statute
should be interpreted liberally so as to entitle a State, even one not
having a jurisdictional link with the parties, which shows "an interest of

a legal nature which ma!, be affected by the decision in the case" (empha-
sis added) to participate in the case as anon-part!,,not necessarily on the
side of either the applicant State or the respondent State in the principal
case. The institution of "non-party intervention" has developed greatly
over the past 20 years and it is perhaps an exaggeration to say that the
Court's estahlishedjurisprudence limits intervention to participation as a
party.

9. One should keep in mind the manner in which "intervention" has
been considered by the Court as a whole or by individual members. After
having participated in the three cases involving requests for permission to
intervene - Malta's, Italy's and Nicaragua's - 1 formulated my viewof
"non-party intervention" under Article 62 of the Statute, where a juris-
dictional link between the intervening State and the parties to the prin-
cipal case is not required, and where the intervening State (after having
had full access to the pleadings of the parties) should be allowed to par-
ticipate, but not as a partj3, by presenting its written observations and

then joining in the oral proceedings in the principal case. 1 enunciated
that view in a lecture given to the Hague Academy of International Law
in 1993. In the interest of efficiency, it would be appropriate to quote
from that lecture: PULAU LIGITAN ET PULAU SIPADAN (OP.DISS. ODA) 612

fond. Ce fut la première fois dans l'histoire de la Cour qu'un Etat fut
autorisé à intervenir au titre de l'article 62 du Statut.

7. Dans l'affaire de la Frontière terrestre et maritime entre Ir Cume-
roun et le Nigéria, la Cour, par son ordonnance du 21 octobre 1999, a
autorisé à l'unanitniti. la Guinée équatoriale à intervenir (requête de la
Guinéeéquatoriale afin d'intervention, C.1.J.Recueil 1999 (II), p. 1029).
La Guinée équatoriale, dans sa requête,avait préciséqu'elle ne cherchait
((pas A êtrepartie ;iI'affaire soumise à la Cour)) (ihid.; les italiques sont

de moi). Conformé.mentà cette ordonnance, la Guinée équatoriale a, lors
de la phase du fond, présentésa déclaration écriteet les Parties ont alors
chacune soumis leurs observations concernant cette déclaration. La Gui-
néeéquatoriale va maintenant être autorisée à participer en qualité de
non-purtic) à la procédure orale lors de la phase du fond en I'instance
principale, prévue pour le printemps 2002. Il convient de noter que le pré-

sident de la Cour iil'époqueoù a étérendue cette ordonnance était l'un
des cinq juges dissidents en I'affaire de I'intervention de l'Italie en 1984.
8. Tout au long, de ces quatre affaires (lesquelles représentent quasi-
ment la totalité de la jurisprudence de la Cour sur la question de I'inter-
vention),ma position est demeurée inchangée:l'article 62 du Statut de la
Cour devrait ètre interprété largement de manière à permettre a un Etat

qui, mêmeen 1'ab:sencede lien juridictionnel avec les parties, démontre
qu'<<unintérêtd'ordre juridique est pour lui en cause)) de plaider en
I'affaire en qualité de non-partie, sans devoir nécessairement se ranger du
côté de 1'Etat demandeur ni de celui de 1'Etat défendeur en I'instance
principale. L'institution de l'«intervention en qualité de non-partie)) a
considérablement kvoluéau coursde ces vingt dernières années et ilserait

peut-être exagéré d'affirmer que la jurisprudence consfunte de la Cour
limite l'intervention à la participation en qualité &partie.

9. Il nous faut garder présente à l'esprit la manière dont I'<<interven-
tion)) a été considéréepar la Cour dans son ensemble ou par des
membres de celle-ci. Après avoir pris part à trois affaires dans lesquelles
avait été déposée une requêteà fin d'intervention - respectivement par
Malte, par l'Italie et par le Nicaragua , j'ai exposéma conception de
l'<(interventionen (qualitéde non-partie)) au titre de l'article 62 du Statut,

forme d'intervention pour laquelle il n'est pas nécessaire qu'existe unlien
juridictionnel entre 1'Etat intervenant et les parties à l'instance principale
et par laquelle I'Etat intervenant (aprèsavoir eu accèsà toutes les écritures
des parties) peut êtreautorisé a participer, mais non en qualité de purtic',
en présentant ses observations écriteset en prenant part ensuite a la pro-
cédure orale en l'instance principale. J'ai formulé cette conception dans

un cours donné à ]l'Académiede droit international de La Haye en 1993.
Il m'a sembléutile d'en citer quelques passages:"2. Intervention in cuscs involving third States' intcrest of a legal
nuture - applicution of Article 62

.............................
(c) Some reflections on intervention under Article 62
116. After having reviewed the three latest applications for per-

mission to intervene, al1of which were related to maritime delimita-
tion or the status of maritime areas - a coincidence which is not
without a certain significance - 1would like to make a few general
observations on intervention under Article 62, in other words, inter-

vention made in cases where a third State considers it has an interest
of a legal nature which may be affected by the decision in that case.
1shall consider,Jirst, whether or not there has to be a jurisdictional
link between the intervening State and the original litigant States in
the principal case and, sccond, whether or not the judgment of the

Court in the principal case should also be binding upon the inter-
vening State.
117. It is tenable that a jurisdictional link between the intervening
State and the original parties to the case would be required if the
intervening State were to participate as a full party and that, in such

a case, the judgment of the Court would undoubtedly be binding
upon the intervening State. Probably, in fact, this third State would
in such circumstances also be entitled to bring a separate case on the
same subject before the Court. Conversely, it may be true that par-
ticipation in the proceedings, as a full party by a third State which

has no jurisdictional link with the original parties, and which remains
immune from the binding force of the judgment, would be clearly
tantamount to introducing through the back door a case which
could not otherwise have been brought to the Court because of lack
of jurisdiction. This seems impermissible, because the jurisdiction of

the International Court of Justice is based on the consent of sover-
eign States and is not otherwise compulsory.
118. In my view, however, the situation where a right ergu omnes
is at issue between two States, but a third State has also laid a claim

to that right, is a hypothesis which here merits special consideration.
For instance, in a case of sovereignty over an island, or the delimita-
tion of a territorial boundary dividing two States, with a third party
also being in a position to claim sovereignty over that island or over
the territory which may be delimited by that boundary, or in a case
in which a claim to property is in dispute, an unreasonable result

could be expected if a jurisdictional link were required for the inter-
vention of the third State. If this link is deemed at al1 times indis-
pensable for intervention, the concept of intervention in cases before
the ICJ will inevitably die out and its purpose be defeated. The over-

al1cause of international justice would not be served. PULAU LIGITAN ET PULAU SIPADAN (OP. DISS. ODA) 613

((2. Intervention duns des uflùires mettunt en cause des intkrêts(le
nuture juridique d'Etuts tiers - upplicution de l'urticle 62

C) Quelquesrt5fie'cionc.foncerriatztl'interventionau titre de l'urticle62

116. Après avoir commenté les trois dernières requêtes à fin
d'intervention. qui concernaient toutes trois des questions de délimi-
tation maritirnie ou de statut de zones maritimes - coïncidence qui
n'est pas sans revêtirune certaine importance-, je voudrais formu-
ler quelques observations généralessur l'intervention au titre de
l'article 62, en d'autres termes, sur I'intervention lorsqu'un Etat tiers

considère qu'un intérêtjuridiqueest pour lui en cause. J'examinerai
premièrement la question de savoir si un lienjuridictionnel est néces-
saire entre 1'Etat intervenant et les Etats initialement parties au litige
en l'affaire priincipale et, &u'ri$tnement, la question de savoir si la
décision rendue par la Cour dans l'instance principale doit égale-

ment lier 1'Etat intervenant.
117. On peut soutenir l'idéequ'un lien juridictionnel entre 1'Etat
souhaitant intervenir et les parties initiales à l'affaire serait nécessaire
si I'Etat en question devait participera l'instance en tant que partie de
plein droit, et qu'en ce cas l'arrêtde la Cour aurait indubitablement

pour lui force obligatoire. Il est d'ailleurs probable que I'Etat tiers
serait alors en droit d'introduire devant la Cour une affaire distincte
ayant le même objet. En revanche,laisser participer à la procédureun
Etat tiers qui agirait comme partie de plein droit sans avoir de lien
juridictionnel avec les parties initiales et sans êtrede cefàit liépar le

caractère contraignant de l'arrêt reviendrait sansdoute purement et
simplement A introduire par un subterfuge une affaire qui n'aurait pu
autrement êtresoumise à la Cour var défautde comvétence.Une telle
situation semtlle inadmissible dans la mesure où la juridiction de la
Cour internationale de Justice repose sur le consentement d'Etats sou-
verains et n'est pas obligatoire en l'absence de ce consentement.

118. 11me semble toutefois que la situation dans laquelle un droit
ergu ornnes est en cause entre deux Etats, mais où un Etat tiers a
également émis une prétentionconcernant un tel droit, constitue une
hypothèse qui mérite ici une attention particulière. S'agissant par
exemple d'une affaire de souveraineté sur une île ou de délimitation

d'une frontière territoriale entre deux Etats, lorsqu'un Etat tiers se
trouve lui aussi en mesure de faire valoir sa souveraineté sur l'îleen
question ou sur le territoire susceptible d'êtredélimitépar ladite
frontière, ou encore d'un différend sur un droit de propriété, faire
dépendre I'intervention de 1'Etattiers de l'existence d'un lien juridic-

tionnel risquerait d'aboutir à un résultat déraisonnable. Et si l'on
considère que ce lien est dans tous les cas indispensable pour rece-
voir I'intervention, la notion d'intervention dans des affaires portées
devant la Cour internationale de Justice ne pourra que s'étiolersans
que son objectif ait pu êtreatteint. La cause généralede la justice

internationale en aura étédesservie. Accordingly, if the third State does not have a proper jurisdic-
tional link with the original litigant States,the possibility of its inter-

vention should not be excluded, though its position in the case
would then not be that of a party within the meaning of the term in
municipal law. The role to be played by the intervening State in such
circumstances must be circumscribed. It may assert a concrete claim
against the original litigant States, but that claim must be confined

to the scope of the original application or special agreement in the
principal case. Even then, the intervening State could not seek a
judgment of the Court which directly upholds its own claim.

119. Neither - in other words - would the potential scope of
the judgment be expanded: the Court would still be bound to give

judgment only within the scope of the original application or special
agreement. The intervening State would have to be content with
whatever advantage it could glean from the post-judgment situation.
What is more, it would not, surely, escape the binding force of the
judgment in the area concerning which its intervention was allowed.

The intervening State will thus have been able to protect its own
rights merely in so far as thejudgment declines to recognize as coun-
tervailing the rights of either of the original two litigant States. On
the other hand, to the extent that the Court gives a judgment posi-

tively recognizing rights of either of the litigant States, the interven-
ing State will certainly lose a11present or future claims in conflict
with those rights. In this light, it does not seem tenable to argue that,
unless the intervener participates onan equal footing with the origi-
nal litigant States, it would derive an unreasonable benefit from its

intervention without putting itself in any disadvantageous position.

120. In this connection, 1would like to reiterate my doubt as to
whether the Chamber of the Court for the Lund Island und Muri-
time Frontier Dispute case was correct to state, in its 1992Judgment
on the merits, that

'a State permitted to intervene under Article 62 of the Statute, but
which does not acquire the status of party to the case, is not
bound by the judgment in the proceedings in which it has inter-

vened' (ICJ Rep. 1992, p. 609).
Being unable to agree with the conclusion of this judgment, 1took
the view that

'Nicaragua, as a non-party intervener, will certainly be bound by
this Judgment in so far as it relates to the legal situation of the
maritime spaces of the Gulf (ibid., p. 620).

1may add that to maintain the contrary would appear to suggest
that an intervener under Article 62 should be free to adopt a less
responsible position than an intervener under Article 63, and would PULAU ILIGITAN ET PULAU SIPADAN (OP.DISS. ODA) 614

Dès lors, mêmesi 1'Etat tiers n'a pas de lien juridictionnel à pro-
prement parler avec les parties initiales à I'instance, la possibilité
qu'il puisse intervenir ne doit pas êtreexclue; toutefois, son statut
dans l'instance ne pourra dans ce cas être celui de partie au sens
donné a ce terrne dans le droit interne des Etats. Dans de tels cas, le

rôle joué par 1"Etat intervenant doit êtrelimité.Cet Etat peut faire
valoir une prétiintionconcrète contre les parties initialea I'instance,
sans toutefois que cette prétention n'outrepasse les limites de la
requêteou du lrompromis à l'origine de I'instance principale. Même
alors, 1'Etat intervenant ne pourra demander à la Cour une décision
confirmant directement sa prétention.
119. En d'autres termes, la portée potentielle de la décisionde la

Cour n'en serait pas étendue: cette dernière resterait toujours tenue
de ne se prononcer que dans les limites de la requêteou du compro-
mis a l'origine de I'affaire. L'Etat intervenant devrait se satisfaire de
tout avantage qu'il pourrait tirer de la situation néed'une telle déci-
sion. Qui plus est, il ne pourrait certainement se soustraire à la force
obligatoire de la décisionpour aucun des aspects a l'égarddesquels

l'intervention alété admise.
L'Etat intervenant n'aura ainsi réussi a faire protéger ses droits
que si la Cour refuse de reconnaître la prééminencede ceux de l'une
ou l'autre des parties initiales. Si, au contraire, la Cour se prononce
dans son arrêt enfaveur des droits de l'une ou l'autre de ces parties,
I'Etat intervenant se verra sans aucun doute privéde toute possibilité

présente ou future de faire valoir des prétentions contraires a ces
droits. A la lumière de ces considérations, il ne semble pas possible
de soutenir que 1'Etat intervenant, à moins qu'il ne soit partie à la
procédure au mêmetitre que les parties initiales, tirerait de son inter-
vention un avantage indu sans pour autant se placer lui-mêmedans
une position désavantageuse.
120. A cet égard,je voudrais réitérer mesdoutes quant à la ques-

tion de savoir :sila Chambre de la Cour constituée dans l'affaire du
Diffrrendfiontalier terrestre, insuluireet maritime a eu raison d'affir-
mer, dans son arrêtrendu sur le fond en 1992, que
«un Etat qui est autoriséa intervenir au titre de l'artic62 du Sta-

tut et qui n'iicquiert pas la qualité de partie à l'affaire considérée
n'est pas liépar l'arrêt rendudans I'instance dans laquelle ilest
intervenu)) (C.1J. Recueil 1992, p. 609).
N'étant pas en mesure de partager la conclusion de cet arrêt,
j'avais expriméle point de vue que

((en tant qu'intervenant non partie, le Nicaragua sera certaine-
ment tenu par l'arrêtdans la mesure où celui-ci porte sur la situa-
tion juridique des espaces maritimes du Golfe)) (ihid.,p. 620).

J'ajouteraiqlu'affirmer le contraire pourrait laisser penser qu'un
intervenant au titre de l'article 62 devrait pouvoir adopter une posi-
tion moins responsable qu'un intervenant au titre de l'article 63,et se615 PULAU LIGITAN AND PULAU SIPADAN (DISS. OP. ODA)

thus be given an advantage over the original parties. The mere fact
that an intervener may arguably not be regarded as a party within

the meaningof Article 59 cannot suffice to override the requirements
of equity which are evident here. At the same time, it is important
that any would-be interveners should know where they stand before
applying for permission to intervene.

3. Case of the interpretation of tlzeprinciples and rules of internu-
tionul 1u)t.- impact of Article 63 upon Article 62

121. If an interpretation of a multilateral convention given by the
Court is necessarily of concern to a State which is a party to that
instrument, though nota party to the case,there seems to be no con-

vincing reason why the Court's interpretation of the principles and
rules of international law should be of less concern to a State. If.
therefore, the interpretation of an international convention can
attract the intervention of third States under Article 63 of the
Statute, it may be asked why the interpretation of the principles

and rules of international law should exclude a third State from inter-
vening in a case.
Lack of jurisdiction is not a sufficient reason for preventing a
State from intervening as a non-party in a principal case in which
the application of the principles and rules of international law is at

issue, for the interpretation given by the Court of those principles
and rules will certainly be binding on the intervening State. What is
more, as in the case of Article 63, the provisions of Article 59 do not
in reality guarantee a State which has not intervened in the principal

case any immunity from the subsequent application of the Court's
interpretation of the principles and rules of international law.

122. 1 am not of course suggesting that such an intervention
would fall within the meaning of Article 63 of the Statute. 1 am

simply saying that such a type of intervention - that is, non-party
intervention in the case in which a jurisdictional link is absent, but
the interpretation given by the Court is binding - was introduced
under Article 63. If such a type of intervention is therefore possible,
Article 62, if looked at in the light of Article 63, can be viewed as

comprehending this form of intervention as well, providing that the
interest of a legal nature is present. That is to Say,intervention under
Article 62 encompasses the hypothesis where a given interpretation
of principles and rules of international law is sought to be protected
by a non-party intervention. In this hypothesis, the mode of inter-

vention may be the same as under Article 63, so that the third State
neither appears as a plaintiff or defendant nor submits any specific
claim to rights or titles against the original litigant States.have in
mind the Passage flzrough the Great Belt case or the Jan Mayen
case, as examples.

123. Objections may be raised that the States which may betrouverait ainsi avantagé par rapport aux parties initiales. Le simple
fait qu'un intervenant pourrait éventuellement ne pas êtreconsidéré
comme une partie au sens de l'article 59 ne suffit pas pour passer

outre aux exigences de l'équitéqui sont ici évidentes.Mais il importe
également que tout Etat souhaitant intervenir sache ce qu'il en est
avant de demander l'autorisation d'intervenir.

3. Cus où est en cause l'interpr4ttrtior de principes et de r6g1ecsde
droit intcrnational - incidence de l'arricl~63 sur l'article 62

121. Si l'interprétation d'une convention multilatérale par la Cour
intéresse forcément un Etat partie i cet instrument, quoique non
partie à l'instance, il semble qu'il n'y ait aucune raison valable de
penser que I'iriterprétation par la Cour des principes et règles de
droit international présente moins d'intérêp tour les Etats. Par consé-
quent. si l'interprétation d'une convention internationale permet

l'intervention d'Etats tiers en application de I'article 63 du Statut,on
peut se demander pourquoi il ne pourrait en aller de mêmes'agissant
de I'interprétation des principes et règlesde droit international.

L'absence dl? lien juridictionnel n'est pas une raison suffisante
pour empêcherun Etat d'intervenir en qualité de non-partie dans

une instance principale où est en cause l'application de principes et
règles de droit international, car I'interprétation de ces principes et
règles par la Cour aura certainement force obligatoire pour 1'Etat
intervenant. Qui plus est, tout comme dans le cas de I'article 63, les
dispositions de l'article 59 ne garantissent en réalitéaux Etats qui ne
sont pas intervenus dans I'instance principale aucune immunité à

l'égard de l'application ultérieure de l'interprétation donnée par la
Cour des principes et règlesen question.
122. Je ne i~étends évidemment Das aue l'article 63 du Statut
autorise une telle intervention. Jedis simplement que ce mode d'inter- ,
vention, n'entraînant pas la qualitéde partie, dans une instance où le
lien juridictionnel fait défaut mais où I'interprétation donnée par la
Cour a force obligatoire, a été instituépar I'article 63. Si ce genre

d'intervention est possible, I'article 62,rapproché de I'article 63,peut
êtreconsidérécomme englobant ce mode d'intervention, à condition
que l'intérêtd'ordre juridique existe. En d'autres termes, l'interven-
tion foridéesur I'article62 couvre les cas dans lesquels un Etat inter-
venant qui n'e:stpas partie à l'instance cherche i se protéger contre
une certaine interprétation des principes et règles de droit interna-

tional. Le mode d'intervention pourrait dans ce cas êtreidentique i
celui prévu par l'article 63, 1'Etat tiers ne comparaissant ni comme
demandeur, ni comme défendeur, et ne pouvant revendiquer aucun
droit ou titre spécifiquecontre les Etats parties a l'instance initiale.
J'ai par exemple à l'esprit l'affaire du Pussugc.par Ir Grand-Belt, ou
encore l'affaire Jun Mu-yen.

123. On pourrait objecter que les Etats qui risquent d'êtreaffectés PULAU LICITAN AND PULAU SIPADAN (DISS.OP.ODA)
616

affected by the interpretation of such principles and rules by the
Court will be without number and tl-iat, if an interpretation of
the principles and rules of international law can open the door of
the Court to al1 States as interveners, this will invite many future
instances of intervention. This problem should be considered from

the viewpoint of future judicial policy, and more particularly from
the viewpoint of the economy of international justice. Yet this can-
not be the reason why a request for intervention which is actually
pending should be refused when the requesting State claims that its
legal interest may be affected by the Court's rulings on the principles
and rules of international law. The possibility of an increasing
number of cases invoking Article 63 may likewise not be avoided.

The fact that in the past Article 63 has been rarely invoked does not
guarantee that the situation will remain unchanged in the future,
if1 take note of the pending case concerning the Application of'
the Cenocide Convention. Thus the problem is related not only to
Article 62, but also to Article 63.
However, unlike Article 63, dealing with the case of interpretation

of an international convention, Article 62 comprises certain restric-
tions. Paragraph 2 of Article 62 provides that '[ilt shall be for the
Court to decide upon this request'. This means that the Court has
certain discretionary powers to allow or to disallow any requesting
State to intervene in the litigation.ll more important is the restric-
tion of paragraph 1 of Article 62. This paragraph requires the State
requesting intervention to show that 'it has an interest of a legal

nature which may be affected by the decision in the case'. Thus any
danger of expansive application of Article 62 will certainly be
restricted by the Court's exercising its discretionary power, more
particularly to determine whether the requesting State has such an
interest." (Oda, "The International Court of Justice Viewed from the
Bench (1976-1993)". Recueil des cours de l'Académie u' dc.oit inter-

nutionul de Lu Hc~ye, Vol. 244, 1993, pp. 83-87.)

10. Having examined the institution of "non-party intervention", 1
shall now turn to how that institution operates, and should operate in
practice, under Article 62 of the Statute, the only provision in the Statute
relating to "intervention", which provides:

"1. Should a State consider that it has an interest of a legal nature
which may be affected by the decision in the case, it may submit a
request to the Court to be permitted to intervene.

2. It shall be for the Court to decide upon this request."
As 1interpret it, this provision means that a State which has "an interest
of a legal nature which may be affected by the decision in the case"

should be given a chance to participate either as a purty (on the side of
either the applicant or the respondent) or as a non-purty in the discussion PULAU LlGlTAN ET PULAIJ SIPADAN (OP. DISS. ODA) 616

par l'interprétation des principes et règlesde droit international par
la Cour seront innombrables et que, si l'interprétation de ces prin-
cipes et règlespeut avoir pour effet de donner accèsà la Cour à tous

les Etats en tant au'intervenants. cela suscitera à l'avenir de nom-
breux cas d'intervention. Ce problème doit êtreexaminédu point de
vue de la politique judiciaire future et plus particulièrement du point
de vue de la bonne administration de la justice internationale. Cela
ne doit toutefois pas conduire à rejeter une requêteeffective à fin
d'intervention dans laquelle I'Etat requérant affirme qu'un intérêt

d'ordre juridique peut êtreaffectépar l'interprétation donnée par la
Cour des principes et règlesde droit international. De même,la pos-
sibilité ne saurait être exclue que la Cour soit saisie d'un nombre
croissant d'instances sur la base de l'article 63. Le fait que celui-ci ait
rarement été invoqué jusqu'à présentne garantit pas qu'il continuera
à en aller de même,si je me fonde sur l'affaire pendante concernant

l'Application de lu convention sur le gknocide. Ainsi ce problème
concerne-t-iln'onseulement l'article 62, mais aussi l'article 63.
Cependant, à la différencede I'article 63,qui concerne l'interpré-
tation de conventions internationales. l'article 62 est assorti de cer-
taines restrictions. Son paragraphe 2 prévoit ainsi que «la Cour
décide)). En d'autres termes, la Cour dispose de certains pouvoirs

discrétionnaires pour autoriser ou non 1'Etat qui présentela requête
à intervenir dans l'instance. Plus importante encore est la restriction
énoncéeau paragraphe 1 de cet article 62, où ilest exigéde 1'Etat
demandant à intervenir qu'<<unintérêtd'ordre juridique [soit] pour
lui en cause)). Tout risque de voir s'étendre l'application de I'ar-
ticle62 ne pourra donc qu'êtrelimité du fait de l'exercice par la

Cour de son pouvoir discrétionnaire, en particulier pour ce qui est
de déterminer si 1'Etat demandant à intervenir a ou non un inté-
rêtde cet ordre. » (Oda, «The International Court of Justice Viewed
from the Bench (1976-1993)», Recueil des cours de 13Académicde
droit internutionul de Lu Haye, vol. 244, 1993, p. 83-87.)

10. Après avoir examiné l'institution de l'<(intervention en qualité de
non-partie)), j'exaniineraià présent la façon dont fonctionne, et devrait
en pratique fonctionner, cette institution aux termes de l'article 62 du
Statut, le seul à concerner l'«intervention)), et qui dispose:

« 1. Lorsqu'un Etat estime que, dans un différend, un intérêt
d'ordre juridique est pour lui en cause, il peut adresser à la Cour une
requête,à fin d'intervention.

2. La Cour décide.>>
Telle que je l'interprète, cette disposition signifie qu'un Etat pour qui «un

intérêtd'ordre juridique est ... en cause)) devrait avoir la possibilité de
participer, soit en qualitéde purtie (aux côtésdu demandeur ou aux côtés
du défendeur), soit en qualité de non-purtie, à la phase de l'examen auon the merits by presenting its observations in writing and taking part in

the oral proceedings in the merits phase of the case.
11. Where participation as a non-party should be permitted, which is
the case here, it is not for the intervening State - which in the present
case learned of the subject-matter of the dispute only through the Special

Agreement of 31 May 1997 by means of which the dispute was brought
to the Court - to prove in advance that its interest will be affected by the
decision in the case. Without participating in the merits phase of the case,
the intervening State has no way of knowing the issues involved, particu-
larly when it is refused access to the written pleadings. Rather, if a

request for permission to intervene is to be rejected, the burden should be
placed on the parties to the principal case to show that the interest of the
third State will not be affected by the decision in the case.

The Court may in some cases uphold objections by the parties to the
principal case showing "with a particular clarity" (the expression appear-
ing in the Judgment, paragraphs 59 and 78) that the alleged interest of
the intervening State is far removed from the subject-matter of the case.
For example, where a State is situated far from the scene and has no his-

torical or administrative connection with the parties, it can be shown in
advance that that State has no interest in any territorial or boundary
issues which will be affected. That is not the case here. The two islands in
issue lie close to North Borneo, although whether or not geographically
and historically they are a part of North Borneo is a matter to be decided

by the Court.

12. In fact, in the case of Equatorial Guinea's intervention (in the case

between Cameroon and Nigeria), the two parties to the principal case
appear to have been unsure whether the intervening State's interests
would be affected by the decision in the case and thus did not oppose
Equatorial Guinea's Application for permission to intervene. The Court
granted the request for permission to intervene solely because the parties

to the principal case did not object - but not, it is crucial to note,
because of any view the Court might have held on the question of
whether or not the interest of the third party would be affected. In that
case, the Court made no statement on whether or not there was an inter-

est of a legal nature that might be affected by the decision in the case.
The question of whether, in fact, an intervening State does or does not
have an interest of a legal nature can only be considered in the merits
phase. After having heard the views of the intervening State in the main
case, the Court may, after al], find in some cases that the third State's

interest will not be affected by the decision in the case. This is the mean-
ing of "non-party intervention" and this is quite different from another
type of intervention in which a third State wishes to participate in the
principal case on the side of the applicant State or of the respondent
State to argue the subject-matter. This type of intervention also falls PULAU 1-IGITANET PULAU SIPADAN (OP. DISS.ODA) 617

fond en présentant des observations écritespuis en prenant part à la pro-
cédureorale.
11. Lorsque la participation en qualitéde non-plirtic devrait êtreauto-

risée.ce aui est le cas ici. ce n'est Das à 1'Etat cherchant à interveni-
lequel, en la présemeespèce, n'a eu connaissance de I'objet du différend
qu'au travers du coirnpromis du 31 mai 1997par lequel la Cour a étésai-
sie de celui-ci- de démontrer à l'avance qu'un intérêtest pour lui en
cause. A défautde participer a la phase de l'examen au fond, 1'Etatcher-

chant ii intervenir n'a aucun moyen de connaître les questions soulevées
en l'espèce,en particulier lorsque l'accèsaux piècesécriteslui est refusé.
Dans la perspective d'un rejet de la demande d'intervention, c'est au
contraire aux parties à I'instance principale que devrait incomber la tâche
de démontrer que ]"intérêd te 1'Etat tiers ne sera pas affectépar la déci-

sion de la Cour.
Celle-ci peut, dans certaines affaires, retenir les objections des parties
I'instance principale établissant ((avec une clarté toute particulière))
(expression qui apparaît aux paragraphes 59 et 70 de l'arrêt)que l'intérêt
alléguépal- 1'Etat cherchant à intervenir n'entretient qu'un rapport très

éloigné avecI'objet de l'affaire. C'est ainsi que, lorsqu'un Etat se trouve
géographiquement (listant du lieu objet du différendet n'entretient aucun
lien de nature historique ou administrative avec les parties, il est possible
de démontrer à l'avance qu'aucun de ses intérêtsn'est susceptible d'être
mis en cause en rapport avec aucune des questions territoriales ou fron-

talières objet du différend. Tel n'est pas le cas ici. Les deux îles objet du
différend setrouvent à proximité du Nord-Bornéo, quoique la question
de savoir si elles font historiquement et géographiquement partie de
celui-ci doive être tranchée parla Cour.
12. En réalité,dams le cas de la requêtede la Guinée équatoriale à fin

d'intervention (dans l'affaire entre le Cameroun et le Nigéria), les deux
parties principalessl:mblent avoireu quelque difficultéà déterminer si des
intérêtsde 1'Etatcherchant à intervenir seraient effectivement en cause et
elles ne se sont donc:pas opposées a la demande de la Guinée équatoriale.
La Cour a reçu cette intervention uniquement parce que les parties à

I'instance principale ne s'yétaientpas opposées - mais non, il est vital de
le souligner, en raison d'un quelconque point de vue que la Cour aurait
pu nourrir sur la question de savoir si I'intérêdte la tierce partie risquait
d'être encause. Dans l'affaire en question, la Cour n'a pas indiqué si un
tel intérêtpouvait êtreen cause.

La question de savoir si, en fait, il existe ou non pour 1'Etatintervenant
un intérêtd'ordre juridique ne peut êtreconsidéréequ'au moment de
l'examen au fond. II peut arriver que la Cour, après avoir entendu les
vues de 1'Etatintervenant iiI'instance principale, conclue que, après tout,
I'intérêdte I'Etat tiers ne sera pas affectépar sa décision enl'espèce.Tel
est le sens de l'expression ((intervention en qualitéde non-partie)), qui se

rapporte à une forme d'intervention totalement différente de celle dans
laquelle un Etat tiers souhaite participer à I'instance principale du côtéde
1'Etat demandeur ou de I'Etat défendeur afin d'y plaider sur I'objetwithin the purview of Article 62 of the Statute, as 1 mentioned in para-
graph 8 above.

13. The present proceedings have been dealt with in a way widely at

variance with the foregoing. The Philippines learned of the subject-matter
of the dispute between Indonesia and Malaysia (in other words, the ques-
tion of sovereignty over Ligitan and Sipadan) specified in Article 2 of the
Special Agreement of 31 May 1997. The Philippines did not know, and
still does not know, how the two Parties will present their position con-
cerning sovereignty over the two islands and those positions may affect

the Philippines interest. At best, the Philippines could speculate that its
interests in North Borneo mi~"t be affected de~endine un what Indonesia
and Malaysia will Sayin the principal case about the two islands but was
certainly not in a position to ascertain which of the "treaties, agreements
and any other evidence furnished by the Parties" would be used by them

as the basis for requesting "[tlhe Court . . . to determine .. . whether
sovereignty over Pulau Ligitan and Pulau Sipadan belongs to the Repub-
lic of Indonesia or to Malaysia".

As a result of the objections by Indonesia and Malaysia, the Philip-
pines was refused access to the Parties' written pleadings and thus was

not (and still is not) in a position to know whether or not its interests
may, in fact, be affected by the decision of the Court in the principal case.
In seeking permission to intervene, al1the Philippines could do, as it did
in its Application, was to make known its claim to sovereignty in North
Borneo, which may be affected by the decision in the case.

14. The burden is not on the Philippines but on Indonesia and Malay-
sia to assure the Philippines that its interests will not be affected by the
Judgment the Court eventually renders in the principal case. 1s it really
reasonable - or even acceptable - for Indonesia and Malaysia to
require the Philippines to explain how its interest muy be affected by the

decision in the case, while they conceal from it the reasoning supporting
their claims in the principal case? In this respect, 1fail to understand the
Court's reasoning when it states that:

"a State which, as in this case, relies on an interest of a legal nature
other than in the subject-matter of the case itself necessarily bears
the burden of showing with a particular clarity the existence of

the interest of a legal nature which it claims to have" (Judgment,
para. 59).
and that

"the interest of a legal nature invoked by the Philippines in order to PULAU 1.IGITAN ET PULAU SIPADAN (OP. DISS. ODA) 618

de l'instance en question. Ce type d'intervention relèveégalementde l'ar-
ticle62 du Statut, ainsi que je l'ai indiqué plus haut au paragraphe 8.

13. La présenteprocédure s'est dérouléed'une manière trèséloignéede
ce qui vient d'être décrit.Les Philippines ont eu connaissance de l'objet
du différend entre L'Indonésieet la Malaisie (en d'autres termes, de la
question de la souveraineté sur Sipadan et Ligitan) tel qu'il avait été

exposé à l'article2 du compromis du 31 mai 1997. Les Philippines igno-
raient, et ignorent toujours, comment les deux Parties présenteraient
leurs positions respectives concernant la souveraineté sur les deux îles en
question et comment ces positions pourraient affecter les intérêts des Phi-
lippines. Ces dernières pouvaient tout au plus supputer que leurs intérêts

au Nord-Bornéo pourraient être affectés enfonction de ce que I'lndoné-
sie et la Malaisie pla.ideraient en I'instance principale au sujet de ces deux
îles, mais elles n'étaient certainement pas en mesure de déterminer quels
seraient les cctraités, accords et ... tou[s] autre[s] éIément[s]de preuve
produit[s] par les Parties)) sur la base desquels celles-ci demanderaient a

«la Cour de déterminer ..si la souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau
Sipadan appartient à la République d'Indonédie ou a la Malaisie)).
En conséquence des objections soulevéespar l'Indonésieet la Malaisie,
les Philippines se sointvu refuser l'accèsaux écritures des Parties et n'ont
donc pas été(et ne sont toujours pas) en mesure de savoir si, en fait, leurs

intérêtssont ou nori en cause dans I'instance principale. En demandant
l'autorisation d'intervenir, les Philippines n'avaient d'autre choix que de
faire connaître dan:; leur requête leur revendication de souveraineté au
Nord-Bornéo, laquelle pourrait êtreaffectéepar la décisionde la Cour en
l'espèce.

14. C'est à l'Indonésie et à la Malaisie, et non aux Philippines, qu'il
incombe d'assurer a ces dernières que leurs intérêts neseront pas affectés
par l'arrêtque la Cour rendra en I'instance principale. Est-il vraiment rai-
sonnable -- ou mSme acceptable - que l'Indonésie et la Malaisie
demandent aux Philippines d'expliquer dans quelle mesure les intérêts

de ces dernières pourraient être affectés par une décision de la Cour
en l'espècealors qu'elles refusent l'une et l'autre de leur faire connaître
le raisonnement sur lequel elles appuient leur revendication en l'instance
principale? J'ai à cet égard du mal à suivre le raisonnement de la Cour
lorsque celle-ci affirme que:

«l'Etat qui, cornme en l'espèce,se prévaut d'un intérêd t'ordre juri-
dique ne portaint pas sur l'objet mêmede l'affaire doit nécessaire-
ment établir avec une clartétoute particulière l'existence de l'intérêt

dont ilse réclame))(arrêt. par. 59).

et que
((l'intérêdt'ordre juridique que les Philippines invoquent pour être be permitted to intervene in the case must be shown with a particular
clarity, since it does not relate to the actual subject-matter of the
case" (Judgment, para. 78).

In my view the Court seems to confuse this kind of intervention with that
involving a request for permission to intervene either as an applicant
State or as a respondent State in the principal case.
15. 1note with surprise, and some dismay, that Malaysia, in its "Obser-
vations on the Application for Permission to Intervene by the Govern-
ment of the Republic of the Philippines" dated 2 May 2001, made refer-

ence at least 13 times to its own Memorial in the principal case and even
referred twice to Indonesia's Memorial, neither of which had been pro-
vided to the Philippines. In its "observations", Malaysia raised objections
to the Philippine Application for permission to intervene, commenting on
"treaties, agreements and any other evidence" which, Malaysia simply
speculated, the Philippines might rely on in contending that its interest

might be affected. In fact, in referring to its interest in North Borneo, the
Philippines in its Application of 13 March 2001 had merely alluded in
very general terms to "treaties, agreements and any other evidence" and
had not stated any more specific viewon them.

In contrast, Indonesia was more prudent and made no reference what-
soever in its observations to either its own or Malaysia's written plead-
ings. At the time it filed its Application for permission to intervene, and
at least until the second round of oral pleadings, the Philippines could
not have known how the respective claims of lndonesia and Malaysia to
the two islands in question would relate to its own claim to sovereignty

over North Borneo. In fact there was no basis, other than the Special
Agreement of 31 May 1997 between Indonesia and Malaysia, on which
the Philippines could even speculate on the position of Indonesia and
Malaysia or the essence of their respective claims.

16. In the first round of the oral pleadings, the Philippines (which was

required to make its presentation before either Indonesia or Malaysia),
having been refused access to the written pleadings, referred to certain
"treaties, agreements and any other evidence" that it speculated might be
employed by the Parties to the principal case. In the two rounds of oral
pleadings that followed the initial presentation by the Philippines, Indo-
nesia and Malaysia, while still keeping the Philippines in the dark as to

the content of those documents, argued freely on the relevance or irrele-
vance to the principal case of those "treaties, agreements and any other
evidence" referred to by the Philippines.

Having heard only the first round of the oral pleadings by Indonesia
and Malaysia (which were presented after the Philippine first oral plead-
ings), the Philippines had a vague idea of the views taken by these two admises A intervenir en l'espècepeut être établi avecd'autant plus de
clartéqu'il ne porte pas sur l'objet mêmede l'affaire)) (arrêt, par. 78).

La Cour me semble confondre cette forme d'intervention avec celle qui

résulterait d'une requêteà fin d'intervention en I'instance principale, soit
en qualité d'Etat deimandeur, soit en qualité d'Etat défendeur.
15. C'est avec surprise, et non sans consternation, que je note que la
Malaisie, dans ses <<observationssur la requêteà fin d'intervention dépo-
séepar le Gouvernement de la République des Philippines)), en date du
2 mai 2001. a renvoyéau moins treize fois à son propre mémoireen I'ins-

tance principale et a mêmefait référence A deux reprises au mémoirede
l'Indonésie. ni l'une ni l'autre de ces deux pièces n'ayant étécommuni-
quée aux Philippines. Dans ses c(observations», la Malaisie a élevédes
objections A la requête des Philippines a fin d'intervention, s'exprimant
sur les «traités, accords et.. tou[s] autre[s] élément[s]de preuve)) sur les-
quels, supposait-elle simplement, les Philippines pourraient s'appuyer
pour affirmer que leur intérêtpourrait êtreen cause. En fait, lorsque les

Philippines. dans leur requêtedu 13mars 2001, ont fait étatde leur inté-
rêtau Nord-Bornéo. elles n'ont fait référence qu'endes termes très géné-
raux à des ((traités, accords et ... tou[s] autre[s] éIément[s]de preuve)),
sans s'exprimer de façon plus spécifiqueà leur égard.
L'Indonésiea en revanche été plusprudente et n'a fait référence,dans
ses observations, ni à ses écritures, ni à celles de la Malaisie. Au moment

où elles ont déposéleur requête à fin d'intervention, et au moins jusqu'au
deuxième tour de plaidoiries, les Philippines ne pouvaient connaître la
manière dont les revendications respectives de l'Indonésieet de la Malai-
sie sur les deux îles en question se rattacheraieAtleur propre revendica-
tion de souveraineté sur le Nord-Bornéo. II n'existait aucun élément
autre que le compromis du 31 mai 1997entre l'Indonésieet la Malaisie à

partir duquel les Philippines auraient pu ne fût-ce que spéculer sur la
position de ces dernières ou sur la substance de leurs revendications res-
pectives.
16. Au cours du premier tour de plaidoiries, les Philippines (auxquelles
il avait étédemandi: d'exposer leurs vues avant l'Indonésieet la Malai-
sie), s'étant vu refuser l'accès aux écritures, firent état d'un certain
nombre de ((traités,accords et ..autre[s] éIément[sd]e preuve)) dont elles

pensaient qu'ils pourraient être invoquéspar les Partiesà l'instance prin-
cipale. Au cours de:; deux tours de plaidoiries qui suivirent la présenta-
tion initiale des Philippines, l'Indonésieet la Malaisie, tout en maintenant
les Philippines dans l'ignorance du contenu de ces documents, purent
débattre librement de la pertinence ou non en I'instance principale de ces
((traités,accords et ... autre[s] élément[s]de preuve))évoquéspar les Phi-

lippines.
A l'issue du premier tour de plaidoiries par l'Indonésieet la Malaisie,
qui faisait suite aux. premières plaidoiries des Philippines, ces dernières
avaient désormais une vague idéedes points de vue adoptéspar ces deuxStates of the "treaties, agreements and any other evidence" to which
it itself had initially referred in its first oral pleading. Furthermore, the
Philippines could not be certain that lndonesia and Malaysia, in the
oral pleadings, exhausted their arguments concerning the "treaties, agree-

ments or any other evidence". In fact, they confined themselves to com-
menting solely on those "treaties, agreements and any other evidence"
referred to by the Philippines in its oral argument. The whole procedure
in this case strikes me as being rather unfair to the intervening State. 1
believe that the argument concerning "treaties, agreement and any other
evidence" could not, and should not, have been made until the Philip-

pines had been afforded an opportunity to participate in the principal
case, just as Nicaragua was given in the 1992 case before the Chamber.

1 submit that al1 the arguments (expounded in the oral pleadings at
public sittings held on 25-29 June 2001) on the merits of the "treaties,

agreements and any other evidence" on the basis of which the Court will
determine whether Indonesia or Malaysia has sovereignty over Pulau
Ligitan and Pulau Sipadan should have been made in the merits phase of
the principal case and that the Philippines should have been allowed to
participate as a non-party.',as Nicaragua and Equatorial Guinea were
allowed to do in the two most recent cases involving intervention.

17. 1do not believe that the Philippines had to convince the Court that
"specified legal interests may be affected in the particular circumstances
of this case" (Judgment, para. 93) or that the Philippines had to demon-
strate to the Court "an entitlement to intervene in the pending case

between lndonesia and Malaysia" (Judgment, para. 94) before the Court
could grant it permission to intervene. If the Court "remains cognizant of
the positions stated before it by Indonesia, Malaysia and the Philippines
in the present proceedings" (Judgment, para. 94), why has the Court not
given the Philippines an opportunity to argue its case onan equal footing
with Indonesia and Malaysia in the merits phase of the principal case?

The Parties to the principal case and the Court would have nothing to
lose by allowing the Philippines to intervene as a non-purty in the present
case and, in particular, the legitimate interests of the Parties to the prin-
cipal case would not bejeopardized, even if it becomes clear at the merits
stage that the Philippine interest i.~not affected by the decision of the

Court.

18. In conclusion, 1 fear that the Court has arrived at the present
Judgment without properly appreciating the meaning of "non-party inter-

vention" under Article 62 of the Court's Statute. That concept hasEtats a l'égarddes ((traités,accords et ...autre[s] élément[s]de preuve))
auxquels elles avaient d'elles-mêmesfait initialement référencelors de
leurs premières plaitloiries. De surcroît, les Philippines ne pouvaient être
certaines que l'Indonésieet la Malaisie avaient, au cours de ces plaidoi-
ries, épuisé leursarguments concernant les ((traités,accords et ... autre[s]
éIément[sd ]e preuve)), les deux Parties en question s'étant en fait limitées

àcommenter ceux des ((traités,accords et ...autre[s] élément[sd ]e preuve))
évoquéspar les Philippines lors de leurs plaidoiries. Toute la procédure
suivie en cette affaire me frappe comme ayant étéquelque peu déloyale
envers I'Etat intervenant. Je pense que la question des ((traités,accords
et ...autre[s] élémeiit[s]de preuve)) ne pouvait, et n'aurait pas dû, être
discutéeavant que les Philippines n'aient eu une possibilité de participer

à l'instance principale, ainsi que cela avait étéle cas pour le Nicaragua
dans l'affaire portée en 1992 devant la Chambre.
J'estime que tous les arguments de fond (exposésau cours de la pro-
cédure orale lors des audiences tenues du 25 au 29 juin 2001) concernant
les ((traités,accords et ... autre[s] éIément[s]de preuve))sur la base des-
quels la Cour décidera qui de l'Indonésieou de la Malaisie détientla sou-
veraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan auraient dû êtreavancés

lors de la phase au fond de l'instance principale, et que les Philippines
auraient dù êtreautorisées à prendre part à celle-ci en qualité de non-
partie, tout comme le Nicaragua et la Guinée équatoriale l'ont étédans
les deux affaires les plus récentes au cours desquelles a étésoulevéela
question de l'intervention.
17. Je ne pense pas qu'il incombait aux Philippines, afin que la Cour

leur accorde l'autorisation d'intervenir, de convaincre celle-ci que «des
intérêtsd'ordre juridique spécifiéspourraient être en cause dans les cir-
constances de la présenteespèce))(arrêt, par. 93),ni qu'il leur incombait
de démontrer à la Cour ((qu'elles étaient fondées à intervenir dans
l'affaire pendante entre l'Indonésieet la Malaisie)) (arrêt,par. 94). Si la
Cour ((demeure informée des positions exposéesdevant elle dans la pré-

sente instance par l'Indonésie, la Malaisie et les Philippines)) (arrêt,
par. 94), pourquoi n'a-t-elle pas donné aux Philippines la possibilité de
plaider leur cause sur un pied d'égalité avecl'Indonésieet la Malaisie lors
de la phase au fond de l'instance principale?
Les Parties à l'instance principale et la Cour n'auraient rien eiiperdre
en autorisant les Philippines iiintervenir en qualité de non-partie en la

présente espèceet, en particulier, les intérêtslégitimesdes Parties à l'ins-
tance principale n'en auraient pas été compromis,mêmes'il était devenu
clair, lors de la phase au fond, qu'il n'y avait pus pour les Philippines
d'intérêten cause.

18. En conclusion, je crains que la Cour ne soit parvenue au présent
arrêtsans avoir correctement déterminéla signification de ((l'intervention
en qualitéde non-partie)) prévueà l'article 62du Statut de la Cour. Cette621 PULAU LIGITAN AND PULAU SIPADAN (DISS. OP. ODA)

greatly evolved in the Court's jurisprudence over the past 20 years of its
history, particularlysince Nicaragua's intervention in 1990 and that of
Equatorial Guinea in 1999.

(Signed) Shigeru ODA. PULAU 1-IGITAN ET PULAU SIPADAN (OP. DISS. ODA) 621

notion a considérablement évoluédans la jurisprudence de la Cour au
cours des vingt dernières années de son histoire, en particulier depuis
l'intervention du Nicaragua en 1990 et celle de la Guinée équatoriale
en 1999.

(Signk) Shigeru ODA.

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Document Long Title

Opinion dissidente de M. Oda (traduction)

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