Opinion individuelle de M. le juge Ranjeva

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124-20071213-JUD-01-02-EN
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124-20071213-JUD-01-00-EN
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886

OPINION INDIVIDUELLE DE M. LE JUGE RANJEVA

Concordance entre les demandes du Nicaragua et l’objet de l’arrêt — Déci-
sion intérimaire au fond ou arrêt sur une exception préliminaire — Déclaration
de validité du traité de 1928 — Statut des trois îles et clôture du différend —
Intimités des liens entre le fond et le droit procédural — La double demande du
Nicaragua: possessoire et pétitoire — Cumul d’actions dans l’exception colom-

bienne — Caractère non exclusivement préliminaire de l’exception de la Colom-
bie — Risque de conflit de décision relatif à l’exercice de la compétence —
Article VI du pacte de Bogotá et article 36, paragraphe 2, du Statut — Insuf-
fisance de motivation sur l’exclusion de la clause optionnelle.

1. Dans son mémoire, le Nicaragua demande au principal à la Cour:

«1) de dire et juger que la République du Nicaragua a la souverai-
neté sur les îles de San Andrés, Providencia et Santa Catalina,
ainsi que sur les îlots et cayes qui en dépendent;

.............................
4) de dire et juger que le traité Bárcenas-Esguerra signé à Mana-
gua le 24 mars 1928 était nul, et en particulier ne pouvait fonder
en droit les prétentions de la Colombie sur San Andrés et

Providencia...».
La Colombie, dans sa première exception préliminaire, demande à la
Cour de dire et de juger que:

«1) en vertu du pacte de Bogotá, et en particulier de ses articles VI
et XXXIV, elle n’a pas compétence pour connaître du différend
qui lui est soumis par le Nicaragua au titre de l’article XXXI et

déclare ce différend terminé...».
Au paragraphe 90, le présent arrêt dit que:

«la Cour juge qu’elle peut, à ce stade de la procédure, considérer
comme tranchée la question des trois îles de l’archipel de San Andrés
expressément nommées au premier paragraphe de l’article premier
du traité de 1928. Cette question [la souveraineté sur les îles de San

Andrés, Providencia et Santa Catalina] a été réglée par le traité.»
2. La concordance et l’identité de l’objet apparaissant immédiatement

au lecteur non averti, la Cour a fait droit en rejetant ces deux demandes
du Nicaragua. On pourra faire observer que ce n’est pas par une action
ou un prononcé direct que la Cour a accédé à la demande de la Colom-
bie, mais par voie d’exception. Au vu des demandes principales, la
Colombie aurait pu solliciter in limine une décision confirmative, aussi

58887 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (OP. IND. RANJEVA )

bien de la validité du traité de 1928 que de la dévolution des trois îles à
la Colombie. La Cour aurait pu prononcer un jugement avant dire droit
au fond, à caractère intérimaire sous certaines conditions: si les deux
Parties étaient d’accord, si l’une des Parties demandait une telle décision

et si le Statut et le Règlement l’autorisaient. Mais la défenderesse n’a pas
agi de la sorte; elle a choisi la voie de l’exception préliminaire de l’arti-
cle 79 du Règlement. A la première exception de la Colombie, le présent
arrêt répond en tranchant une partie du principal, s’agissant de la souve-
raineté sur les trois îles et de la validité du traité de 1928. La présente

décision n’a cependant pas un caractère définitif, car elle ne tranche pas
tout le litige et ne statue pas sur toutes les demandes au principal.

3. La première exception préliminaire de la Colombie a-t-elle un carac-
tère exclusivement préliminaire? A cette question, la Cour a retenu une

réponse affirmative. Le jugement admet ne rencontrer aucun obstacle
juridique à l’exercice de sa compétence. Pour ce dire, l’arrêt a choisi une
option en limitant à la délimitation maritime le seul et véritable objet du
différend entre les Parties. Le traité de 1928, en reconnaissant la souve-

raineté de la Colombie sur les trois îles, a mis un terme au différend, au
point qu’un prononcé sur la validité ou la nullité éventuelle du traité de
1928 ne saurait s’imposer en ce qui concerne la délimitation maritime
sollicitée. Faute de différend et du fait du règlement conventionnel du
statut territorial des trois îles, il n’y aurait donc plus lieu de statuer sur la

quatrième demande principale.
4. Sur le plan formel et textuel, la concordance négative entre les
demandes au principal et les conséquences directes de l’arrêt amène à
un réexamen de la jurisprudence de la Cour, telle qu’elle a été fixée dans
les affaires dites de Lockerbie :

«Cette exception s’attache à de multiples aspects du litige... [L]e
Royaume-Uni tente d’obtenir de la Cour une décision de non-lieu
qui mettrait immédiatement fin à l’instance. Or, en sollicitant une

telle décision, le Royaume-Uni en sollicite en réalité au moins deux
autres, que le prononcé d’un non-lieu postulerait nécessairement ...
pour la Cour ... les droits de la Libye au fond seraient non seulement
touchés par une décision de non-lieu rendue à ce stade de la procé-
dure, mais constitueraient, à maints égards, l’objet même de cette

décision. L’exception soulevée par le Royaume-Uni sur ce point a le
caractère de défense au fond. De l’avis de la Cour, cette exception
fait bien plus qu’«effleurer des sujets appartenant au fond de
l’affaire».» (Questions d’interprétation et d’application de la conven-

tion de Montréal de 1971 résultant de l’incident aérien de Lockerbie
(Jamahiriya arabe libyenne c. Royaume-Uni), exceptions prélimi-
naires, arrêt, C.I.J. Recueil 1998 , p. 28-29, par. 50.)

59888 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (OP .IND .RANJEVA )

La Cour a relevé que c’est par voie d’exception que le Royaume-Uni a,

de manière indirecte, demandé une réponse qui concernait les droits du
demandeur au principal et aurait mis fin à l’instance et au différend. Si la
Cour statuait sur l’exception du Royaume-Uni, selon laquelle les résolu-
tions du Conseil de sécurité ont privé de tout objet les demandes de la
Libye, elle statuerait immanquablement sur le fond; telle aurait été la

conséquence, que l’exception britannique fût accueillie ou écartée. Or, en
invoquant l’article 79, le défendeur a mis en Œuvre une procédure qui vise
précisément à empêcher la Cour de ce faire. Elle a retenu le caractère non
exclusivement préliminaire en raison non pas des effets de la décision sur
le fond du litige, mais du fait que la décision disposerait du fond des

droits en litige dans le cadre d’une procédure incidente sur les questions
de compétence et de recevabilité.

5. En la présente espèce, le problème est de savoir si, en clôturant le

débat sur la validité du traité de 1928, le jugement de la Cour ne statuait
pas de manière incidente au fond sur les demandes du Nicaragua. Il est
évident que la délimitation territoriale impliquait au préalable une réponse
sur le statut territorial des îles. Or, l’exception de la Colombie visait à
empêcher la Cour de le faire, c’est-à-dire de discuter des dispositions de

fond du traité dont le Nicaragua contestait la validité et soutenait la nul-
lité. Le problème était alors double: la demande en nullité du traité et le
blocage d’une telle adjudication par le recours à l’article 79 du Règlement.

6. La remise en cause de la validité du traité de 1928 est étroitement

liée au statut territorial des îles de l’archipel de San Andrés, Providencia
et Santa Catalina, mais elle est présentée comme une demande autonome
dans la stratégie nicaraguayenne. Un Etat peut-il être questionné par
voie judiciaire sur les fondements de ses titres territoriaux? Le problème
tient au fait que le Nicaragua a, de manière explicite, affirmé limiter à la

seule dimension de la compétence son argumentation sur la nullité et
réservé de nouveaux moyens complémentaires sur la même question pour
la phase du fond. Or, ni la Partie défenderesse ni la Cour ne l’ont inter-
pellé sur ce point alors que deux causes de nullité ont été invoquées: la
coercition et la violation des dispositions constitutionnelles. En disposant

in limine et de manière apparemment définitive de la question de la nullité
du traité de 1928, la décision de la Cour a été prise au mépris de la règle
du contradictoire.
7. La Cour aurait pu faire droit à une telle exception non exclusive-
ment préliminaire si, d’une part, une action abusive du demandeur avait

existé, notion discutée, voire inexistante, dans le Statut et le Règlement de
la Cour, et si, d’autre part, le défendeur au principal avait soutenu un tel
argument. Ces deux conditions présupposées ne sont pas remplies en
l’espèce. A supposer qu’une telle action existât en droit international, elle
n’a de sens que, pour autant qu’au préalable les droits au fond soient éta-

blis, elle ne peut pas avoir un caractère exclusivement préliminaire.
L’abus de procédure consisterait à tenter de rouvrir devant le juge une

60889 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME OP .IND .RANJEVA )

question déjà résolue et à remettre en cause les droits constatés. La remise

en cause du fondement même de ces droits devient alors une question
connexe au fond du droit; elle ne se limiterait pas seulement à en effleurer
le fond, mais toucherait le fond même du droit du demandeur. Le droit
d’action devant la Cour étant de base consensuelle, c’est le consentement
des parties qui ouvre à la Cour la voie de l’exercice de sa compétence.

8. En traitant comme étant exclusivement préliminaire la première
branche de la réponse à la première exception préliminaire afférant au
statut territorial des trois îles pour le règlement par voie conventionnelle

du différend y afférant, l’arrêt dispose incidemment au fond de la qua-
trième demande du Nicaragua. L’arrêt a tranché directement la question
de la validité du traité au stade des exceptions préliminaires. Opposer
l’article XXXIV du pacte de Bogotá pour déclarer le différend terminé

était concevable si la nullité dudit instrument pour vices de fond n’était
pas sollicitée comme étant une demande formelle autonome. La dé-
marche analytique de caractère formaliste suivie dans l’arrêt ne reflète pas
fidèlement l’économie générale de la demande du Nicaragua: l’arrêt, en
effet, n’examine pas les rapports véritables entre la première et la qua-

trième demande.
9. Le Nicaragua, dans sa première conclusion, demandait à la Cour
de protéger sa possession. La demande faite au juge est de trancher la
question du possessoire: sa souveraineté sur les trois îles, et les îlots et
cayes qui en dépendent, et ce, dans le cadre d’un chef de demande indé-

pendant du point de savoir s’il est titulaire d’un titre juridique valide ou
non. Or, en l’espèce, l’action possessoire du Nicaragua était accompagnée
d’une action pétitoire. Au principal, le demandeur met en cause le fond
du droit: en réclamant la nullité du traité de 1928, le Nicaragua sollicite
de la Cour une réponse à la double question suivante: existe-t-il un titre

territorial et qui en est le titulaire? Car le même traité de 1928 serait
revendiqué par la Colombie comme titre juridique sur San Andrés, Pro-
videncia et Santa Catalina.
Le Nicaragua a cumulé deux actions. A cette demande, la Colombie
opposait une action pétitoire négative, à savoir la reconnaissance impli-

cite, au stade de la procédure incidente, de la validité du traité de 1928
par la Cour, pour que la conséquence en fût déduite: la clôture du diffé-
rend entre les Parties, pour reprendre les termes dudit instrument.
10. La présence simultanée de deux actions pétitoires contraires avec
une action possessoire aura contribué à créer la confusion. Dans la pré-

sente affaire, ces différences étaient intimement liées au fond du droit
procédural. On peut, en effet, au niveau procédural concevoir une solu-
tion portant sur le possessoire, en raison de sa nature. Mais, s’agissant du
pétitoire, les questions se posent en termes différents. On a eu affaire à
une opposition entre une action en revendication et une action en néga-

tion portant sur le titre de souveraineté et le traité de 1928. Les Parties ne
s’y sont pas méprises, compte tenu de la place réservée à la question de la

61890 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (OP .IND .RANJEVA )

nullité et de la validité du traité de 1928 dans les échanges. Ce débat a mis

en cause le fond du droit litigieux sur la souveraineté.

La Cour, en déboutant le Nicaragua de son action tant possessoire que
pétitoire et en acceptant la demande de la Colombie, a assuré la conti-
nuité de ce cumul d’actions. Par une décision unique, la possession sou-

veraine et le titre de souveraineté ont été tranchés. Elle a ainsi considéré
que la question de la souveraineté sur les îles de San Andrés, Providencia et
Santa Catalina était réglée par le traité de 1928, sans relever que les
actions des Parties, apparemment procédurales, étaient liées au double
aspect de l’objet du différend sur ce point. En procédant de ce fait, l’arrêt

a implicitement tranché une question qui constituait une partie de l’objet
du différend: la validité du titre territorial. Dès lors, le problème se pose
de savoir si un traité frappé de nullité ex tunc et non ex nunc peut être
toujours considéré comme en vigueur, en particulier en 1948, ainsi qu’à la

date de l’introduction de la requête. La prise en compte, décrite dans
l’arrêt, du comportement du Nicaragua est un élément de paramètre
incontournable pour déterminer si le traité était en vigueur aux yeux du
demandeur, mais, dans la mesure où l’exception vise la nullité et non
l’opposabilité dudit traité, l’arrêt tranche un argument portant sur le

fond du droit. Cependant, il est aberrant de concevoir un seul instant
qu’un traité puisse être en vigueur s’il est entaché de nullité, nonobstant
les dispositions de l’article VI du pacte de Bogotá.
11. Dans ces conditions, la première exception préliminaire ne pouvait
pas avoir un caractère exclusivement préliminaire.

12. Le cumul d’actions a eu pour conséquence le choix du seul pacte
de Bogotá comme base de compétence, avec pour effet la clôture du dif-
férend entre les Parties et le non-lieu à statuer sur la seconde base: les
clauses optionnelles de l’article 36 du Statut de la Cour permanente de
Justice internationale.

13. Le non-lieu décidé par l’arrêt requiert des explications complémen-
taires. La juridiction internationale est libre de choisir, parmi les bases
proposées, celle qui lui paraît la plus appropriée pour l’exercice de sa com-
pétence; encore y a-t-il lieu d’expliquer les raisons de la préférence. Sur le
plan politique, le pacte de Bogotá est plausible, mais, sur le plan juridique

et judiciaire, la Cour, face à la conclusion à laquelle est parvenu l’arrêt,
devait pratiquer le test de non-conflit, alors que deux bases autonomes de
compétence étaient revendiquées. Le droit d’accès à la Cour est soumis à
des conditions strictes, d’une part fixées par le Statut et le Règlement et
de l’autre développées par la jurisprudence. L’impérativité caractérise le

droit et l’exercice de la compétence judiciaire de la Cour; lorsque les
conditions requises sont satisfaites, la Cour au contentieux ne peut dis-
poser de sa propre compétence. Aussi devait-elle en l’espèce s’assurer de
l’absence de risque de conflit de décisions. Telle aurait été la situation si
l’examen des déclarations optionnelles respectives avait abouti à une

conclusion différente: le caractère non exclusivement préliminaire de la
première exception.

62891 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME OP .IND .RANJEVA )

14. Au paragraphe 138, l’arrêt oppose à l’applicabilité de la clause

optionnelle l’absence de différend juridique dans le sens où l’arrêt l’entend.
Logiquement, sur le plan théorique, la clause optionnelle peut encore être
utile. Le différend sur les îles étant considéré comme résolu par l’arrêt par

un traité déjà déclaré «valide», la Cour dispose-t-elle d’une compétence
pour revenir, d’une autre manière, sur une question déjà tranchée?

A cette question, il était indispensable de donner une réponse non équi-

voque pour écarter un conflit possible de décision.
Les problèmes ainsi évoqués et toute l’argumentation exposée par les
Parties confirment le caractère non exclusivement préliminaire de la pre-
mière exception soulevée par la Colombie.

(Signé) Raymond R ANJEVA .

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OPINION INDIVIDUELLE DE M. LE JUGE RANJEVA

Concordance entre les demandes du Nicaragua et l’objet de l’arrêt — Déci-
sion intérimaire au fond ou arrêt sur une exception préliminaire — Déclaration
de validité du traité de 1928 — Statut des trois îles et clôture du différend —
Intimités des liens entre le fond et le droit procédural — La double demande du
Nicaragua: possessoire et pétitoire — Cumul d’actions dans l’exception colom-

bienne — Caractère non exclusivement préliminaire de l’exception de la Colom-
bie — Risque de conflit de décision relatif à l’exercice de la compétence —
Article VI du pacte de Bogotá et article 36, paragraphe 2, du Statut — Insuf-
fisance de motivation sur l’exclusion de la clause optionnelle.

1. Dans son mémoire, le Nicaragua demande au principal à la Cour:

«1) de dire et juger que la République du Nicaragua a la souverai-
neté sur les îles de San Andrés, Providencia et Santa Catalina,
ainsi que sur les îlots et cayes qui en dépendent;

.............................
4) de dire et juger que le traité Bárcenas-Esguerra signé à Mana-
gua le 24 mars 1928 était nul, et en particulier ne pouvait fonder
en droit les prétentions de la Colombie sur San Andrés et

Providencia...».
La Colombie, dans sa première exception préliminaire, demande à la
Cour de dire et de juger que:

«1) en vertu du pacte de Bogotá, et en particulier de ses articles VI
et XXXIV, elle n’a pas compétence pour connaître du différend
qui lui est soumis par le Nicaragua au titre de l’article XXXI et

déclare ce différend terminé...».
Au paragraphe 90, le présent arrêt dit que:

«la Cour juge qu’elle peut, à ce stade de la procédure, considérer
comme tranchée la question des trois îles de l’archipel de San Andrés
expressément nommées au premier paragraphe de l’article premier
du traité de 1928. Cette question [la souveraineté sur les îles de San

Andrés, Providencia et Santa Catalina] a été réglée par le traité.»
2. La concordance et l’identité de l’objet apparaissant immédiatement

au lecteur non averti, la Cour a fait droit en rejetant ces deux demandes
du Nicaragua. On pourra faire observer que ce n’est pas par une action
ou un prononcé direct que la Cour a accédé à la demande de la Colom-
bie, mais par voie d’exception. Au vu des demandes principales, la
Colombie aurait pu solliciter in limine une décision confirmative, aussi

58 886

SEPARATE OPINION OF JUDGE RANJEVA

[Translation]

Correspondence between Nicaragua’s requests and the subject-matter of the
Judgment — Interim decision on the merits or judgment on a preliminary objec-
tion — Declaration of the validity of the 1928 Treaty — Status of the three
islands and ending of the dispute — Closeness of links between the merits and
the procedural law — Nicaragua’s dual claim: possessory and petitory — Com-

bination of actions in Colombia’s objection — Colombia’s objection not of an
exclusively preliminary character — Risk of conflict of decisions on the exercise
of jurisdiction — Article VI of the Pact of Bogotá and Article 36, paragraph 2,
of the Statute — Inadequate grounds for exclusion of the optional clause.

1. In its Memorial, Nicaragua requests the Court, in the main pro-
ceedings, to adjudge and declare that:

“(1) the Republic of Nicaragua has sovereignty over the islands of
San Andrés, Providencia, and Santa Catalina and the appurte-
nant islets and cays.

.............................
(4) the Bárcenas-Esguerra Treaty signed in Managua on 24 March
1928 was not legally valid and, in particular, did not provide a
legal basis for Colombian claims to San Andrés and Providen-

cia”.
Colombia, in its first preliminary objection, requests the Court to
adjudge and declare that:

“(1) under the Pact of Bogotá, and in particular in pursuance of
Articles VI and XXXIV, the Court declares itself to be without
jurisdiction to hear the controversy submitted to it by Nicara-

gua under Article XXXI, and declares that controversy ended”.
Paragraph 90 of this Judgment states that:

“the Court finds that it can dispose of the issue of the three islands
of the San Andrés Archipelago expressly named in the first para-
graph of Article I of the 1928 Treaty at the current stage of the pro-
ceedings. That matter [sovereignty over the islands of San Andrés,

Providencia and Santa Catalina] has been settled by the Treaty.”
2. The correspondence and similarity in terms of subject-matter being

immediately obvious even to an uninformed reader, the Court has made
its decision to reject these two claims by Nicaragua. It may be pointed
out that the Court has not upheld Colombia’s request by means of a
direct action or ruling, but by dealing with it as an objection. In view of
the submissions in the main proceedings, Colombia could have requested

58887 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (OP. IND. RANJEVA )

bien de la validité du traité de 1928 que de la dévolution des trois îles à
la Colombie. La Cour aurait pu prononcer un jugement avant dire droit
au fond, à caractère intérimaire sous certaines conditions: si les deux
Parties étaient d’accord, si l’une des Parties demandait une telle décision

et si le Statut et le Règlement l’autorisaient. Mais la défenderesse n’a pas
agi de la sorte; elle a choisi la voie de l’exception préliminaire de l’arti-
cle 79 du Règlement. A la première exception de la Colombie, le présent
arrêt répond en tranchant une partie du principal, s’agissant de la souve-
raineté sur les trois îles et de la validité du traité de 1928. La présente

décision n’a cependant pas un caractère définitif, car elle ne tranche pas
tout le litige et ne statue pas sur toutes les demandes au principal.

3. La première exception préliminaire de la Colombie a-t-elle un carac-
tère exclusivement préliminaire? A cette question, la Cour a retenu une

réponse affirmative. Le jugement admet ne rencontrer aucun obstacle
juridique à l’exercice de sa compétence. Pour ce dire, l’arrêt a choisi une
option en limitant à la délimitation maritime le seul et véritable objet du
différend entre les Parties. Le traité de 1928, en reconnaissant la souve-

raineté de la Colombie sur les trois îles, a mis un terme au différend, au
point qu’un prononcé sur la validité ou la nullité éventuelle du traité de
1928 ne saurait s’imposer en ce qui concerne la délimitation maritime
sollicitée. Faute de différend et du fait du règlement conventionnel du
statut territorial des trois îles, il n’y aurait donc plus lieu de statuer sur la

quatrième demande principale.
4. Sur le plan formel et textuel, la concordance négative entre les
demandes au principal et les conséquences directes de l’arrêt amène à
un réexamen de la jurisprudence de la Cour, telle qu’elle a été fixée dans
les affaires dites de Lockerbie :

«Cette exception s’attache à de multiples aspects du litige... [L]e
Royaume-Uni tente d’obtenir de la Cour une décision de non-lieu
qui mettrait immédiatement fin à l’instance. Or, en sollicitant une

telle décision, le Royaume-Uni en sollicite en réalité au moins deux
autres, que le prononcé d’un non-lieu postulerait nécessairement ...
pour la Cour ... les droits de la Libye au fond seraient non seulement
touchés par une décision de non-lieu rendue à ce stade de la procé-
dure, mais constitueraient, à maints égards, l’objet même de cette

décision. L’exception soulevée par le Royaume-Uni sur ce point a le
caractère de défense au fond. De l’avis de la Cour, cette exception
fait bien plus qu’«effleurer des sujets appartenant au fond de
l’affaire».» (Questions d’interprétation et d’application de la conven-

tion de Montréal de 1971 résultant de l’incident aérien de Lockerbie
(Jamahiriya arabe libyenne c. Royaume-Uni), exceptions prélimi-
naires, arrêt, C.I.J. Recueil 1998 , p. 28-29, par. 50.)

59 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (SEP. OP.RANJEVA ) 887

a confirmatory decision in limine both on the validity of the 1928 Treaty

and the attribution of the three islands to Colombia. The Court could
have delivered a preliminary interim finding on the legal merits, in certain
circumstances: if the two Parties were in agreement, if one of the Parties
requested such a decision, and if the Statute and the Rules of Court
allowed it. However, the Respondent did not act in that way; it chose the

path of preliminary objections, pursuant to Article 79 of the Rules of
Court. The present Judgment responds to Colombia’s first objection by
deciding part of the main proceedings, concerning sovereignty over the
three islands and the validity of the 1928 Treaty. However, this decision
is not a definitive one, since it does not settle the whole of the dispute or

rule on all the claims made in the main proceedings.
3. Does Colombia’s first preliminary objection possess an exclusively
preliminary character? The Court has answered this question in the
affirmative. It sees no legal obstacle to prevent it from exercising its juris-

diction. To arrive at this finding, the Judgment has chosen to regard
maritime delimitation as the only real subject of the dispute between the
Parties. The 1928 Treaty, by recognizing Colombia’s sovereignty over the
three islands, put an end to that dispute, so there is no need for a ruling
on the validity or possible nullity of the 1928 Treaty with regard to the

maritime delimitation that has been requested. In the absence of a dis-
pute, and the territorial status of the three islands having been settled by
treaty, there is consequently no reason to adjudicate on the fourth sub-
mission.
4. In formal and textual terms, the lack of correspondence between the

submissions and the direct consequences of the Judgment leads one to
reflect on the jurisprudence of the Court, as established in the Lockerbie
cases:

“That objection relates to many aspects of the dispute . . . [T]he

United Kingdom seeks to obtain from the Court a decision not to
proceed to judgment on the merits, which would immediately termi-
nate the proceedings. However, by requesting such a decision, the
United Kingdom is requesting, in reality, at least two others which
the decision not to proceed to judgment on the merits would neces-

sarily postulate...The Court therefore has no doubt that Libya’s
rights on the merits would not only be affected by a decision, at this
stage of the proceedings, not to proceed to judgment on the merits,
but would constitute, in many respects, the very subject-matter of
that decision. The objection raised by the United Kingdom on that

point has the character of a defence on the merits. In the view of the
Court, this objection does much more than ‘touch[ing] upon subjects
belonging to the merits of the case’.” (Questions of Interpretation
and Application of the 1971 Montreal Convention arising from the
Aerial Incident at Lockerbie (Libyan Arab Jamahiriya v. United

Kingdom), Preliminary Objections, Judgment , I.C.J. Reports 1998,
pp. 28-29, para. 50.)

59888 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (OP .IND .RANJEVA )

La Cour a relevé que c’est par voie d’exception que le Royaume-Uni a,

de manière indirecte, demandé une réponse qui concernait les droits du
demandeur au principal et aurait mis fin à l’instance et au différend. Si la
Cour statuait sur l’exception du Royaume-Uni, selon laquelle les résolu-
tions du Conseil de sécurité ont privé de tout objet les demandes de la
Libye, elle statuerait immanquablement sur le fond; telle aurait été la

conséquence, que l’exception britannique fût accueillie ou écartée. Or, en
invoquant l’article 79, le défendeur a mis en Œuvre une procédure qui vise
précisément à empêcher la Cour de ce faire. Elle a retenu le caractère non
exclusivement préliminaire en raison non pas des effets de la décision sur
le fond du litige, mais du fait que la décision disposerait du fond des

droits en litige dans le cadre d’une procédure incidente sur les questions
de compétence et de recevabilité.

5. En la présente espèce, le problème est de savoir si, en clôturant le

débat sur la validité du traité de 1928, le jugement de la Cour ne statuait
pas de manière incidente au fond sur les demandes du Nicaragua. Il est
évident que la délimitation territoriale impliquait au préalable une réponse
sur le statut territorial des îles. Or, l’exception de la Colombie visait à
empêcher la Cour de le faire, c’est-à-dire de discuter des dispositions de

fond du traité dont le Nicaragua contestait la validité et soutenait la nul-
lité. Le problème était alors double: la demande en nullité du traité et le
blocage d’une telle adjudication par le recours à l’article 79 du Règlement.

6. La remise en cause de la validité du traité de 1928 est étroitement

liée au statut territorial des îles de l’archipel de San Andrés, Providencia
et Santa Catalina, mais elle est présentée comme une demande autonome
dans la stratégie nicaraguayenne. Un Etat peut-il être questionné par
voie judiciaire sur les fondements de ses titres territoriaux? Le problème
tient au fait que le Nicaragua a, de manière explicite, affirmé limiter à la

seule dimension de la compétence son argumentation sur la nullité et
réservé de nouveaux moyens complémentaires sur la même question pour
la phase du fond. Or, ni la Partie défenderesse ni la Cour ne l’ont inter-
pellé sur ce point alors que deux causes de nullité ont été invoquées: la
coercition et la violation des dispositions constitutionnelles. En disposant

in limine et de manière apparemment définitive de la question de la nullité
du traité de 1928, la décision de la Cour a été prise au mépris de la règle
du contradictoire.
7. La Cour aurait pu faire droit à une telle exception non exclusive-
ment préliminaire si, d’une part, une action abusive du demandeur avait

existé, notion discutée, voire inexistante, dans le Statut et le Règlement de
la Cour, et si, d’autre part, le défendeur au principal avait soutenu un tel
argument. Ces deux conditions présupposées ne sont pas remplies en
l’espèce. A supposer qu’une telle action existât en droit international, elle
n’a de sens que, pour autant qu’au préalable les droits au fond soient éta-

blis, elle ne peut pas avoir un caractère exclusivement préliminaire.
L’abus de procédure consisterait à tenter de rouvrir devant le juge une

60 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (SEP. OP.RANJEVA ) 888

The Court pointed out that, by raising an objection, the United King-

dom was indirectly seeking a reply which concerned the rights of the
Applicant in the main proceedings and which would have put an end to
the proceedings and the dispute. If the Court ruled on the objection by
the United Kingdom, according to which the resolutions of the Security
Council had rendered the Libyan claims without object, it would inevi-

tably be ruling on the merits; that would have been the consequence
whether the British objection had been upheld or rejected. However, by
invoking Article 79, the Respondent set in train a procedure which is
designed precisely to prevent the Court from doing this. It found that the
objection did not possess an exclusively preliminary character, not because

of the effects of the decision on the merits of the dispute, but because the
decision would dispose of the merits of the rights at issue, in the context
of a procedure relating to questions of jurisdiction and admissibility.
5. In the present case, the issue is whether, by closing the debate on the

validity of the 1928 Treaty, the Court was not ruling incidentally on the
merits of Nicaragua’s claims. Clearly, the territorial delimitation first
entailed a response concerning the territorial status of the islands. How-
ever, Colombia’s objection sought to prevent the Court from giving one,
in other words from discussing the substantive provisions of the Treaty

whose validity Nicaragua was contesting, maintaining it to be null and
void. The problem was then twofold: the claim that the Treaty was null
and void, and the blocking of such a finding by the use of Article 79 of
the Rules of Court.
6. The questioning of the validity of the 1928 Treaty is closely linked

to the territorial status of the islands in the archipelago, San Andrés,
Providencia and Santa Catalina, but it is presented as an independent
claim in Nicaragua’s strategy. Can a State be challenged, through the
courts, as regards the basis for its territorial titles? The problem stems
from the fact that Nicaragua explicitly stated that its arguments on nul-

lity were confined solely to the jurisdictional debate, and reserved further
complementary arguments on the same issue for the merits phase. But
neither the Respondent nor the Court has questioned it on that issue,
whereas two grounds for nullity have been invoked: coercion and the
violation of the treaty provisions. By ruling in limine and, it would seem,

definitively on the question of the nullity of the 1928 Treaty, the Court’s
decision has been taken without regard for the rule of procedural fair-
ness.
7. The Court could have upheld such an objection without an exclu-
sively preliminary character if, on the one hand, the Applicant had

brought an improper action — a debatable notion, indeed a non-existent
one, in terms of the Statute and the Rules of Court — and if, on the
other, the Respondent in the main proceedings had put forward such an
argument. These two presumed conditions were not met in the present
case. Assuming that such an action might exist in international law, it can

only be of such a kind, in so far as the rights on the merits are established
in advance, that it cannot have an exclusively preliminary character. It

60889 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME OP .IND .RANJEVA )

question déjà résolue et à remettre en cause les droits constatés. La remise

en cause du fondement même de ces droits devient alors une question
connexe au fond du droit; elle ne se limiterait pas seulement à en effleurer
le fond, mais toucherait le fond même du droit du demandeur. Le droit
d’action devant la Cour étant de base consensuelle, c’est le consentement
des parties qui ouvre à la Cour la voie de l’exercice de sa compétence.

8. En traitant comme étant exclusivement préliminaire la première
branche de la réponse à la première exception préliminaire afférant au
statut territorial des trois îles pour le règlement par voie conventionnelle

du différend y afférant, l’arrêt dispose incidemment au fond de la qua-
trième demande du Nicaragua. L’arrêt a tranché directement la question
de la validité du traité au stade des exceptions préliminaires. Opposer
l’article XXXIV du pacte de Bogotá pour déclarer le différend terminé

était concevable si la nullité dudit instrument pour vices de fond n’était
pas sollicitée comme étant une demande formelle autonome. La dé-
marche analytique de caractère formaliste suivie dans l’arrêt ne reflète pas
fidèlement l’économie générale de la demande du Nicaragua: l’arrêt, en
effet, n’examine pas les rapports véritables entre la première et la qua-

trième demande.
9. Le Nicaragua, dans sa première conclusion, demandait à la Cour
de protéger sa possession. La demande faite au juge est de trancher la
question du possessoire: sa souveraineté sur les trois îles, et les îlots et
cayes qui en dépendent, et ce, dans le cadre d’un chef de demande indé-

pendant du point de savoir s’il est titulaire d’un titre juridique valide ou
non. Or, en l’espèce, l’action possessoire du Nicaragua était accompagnée
d’une action pétitoire. Au principal, le demandeur met en cause le fond
du droit: en réclamant la nullité du traité de 1928, le Nicaragua sollicite
de la Cour une réponse à la double question suivante: existe-t-il un titre

territorial et qui en est le titulaire? Car le même traité de 1928 serait
revendiqué par la Colombie comme titre juridique sur San Andrés, Pro-
videncia et Santa Catalina.
Le Nicaragua a cumulé deux actions. A cette demande, la Colombie
opposait une action pétitoire négative, à savoir la reconnaissance impli-

cite, au stade de la procédure incidente, de la validité du traité de 1928
par la Cour, pour que la conséquence en fût déduite: la clôture du diffé-
rend entre les Parties, pour reprendre les termes dudit instrument.
10. La présence simultanée de deux actions pétitoires contraires avec
une action possessoire aura contribué à créer la confusion. Dans la pré-

sente affaire, ces différences étaient intimement liées au fond du droit
procédural. On peut, en effet, au niveau procédural concevoir une solu-
tion portant sur le possessoire, en raison de sa nature. Mais, s’agissant du
pétitoire, les questions se posent en termes différents. On a eu affaire à
une opposition entre une action en revendication et une action en néga-

tion portant sur le titre de souveraineté et le traité de 1928. Les Parties ne
s’y sont pas méprises, compte tenu de la place réservée à la question de la

61 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (SEP. OP.RANJEVA ) 889

would be an abuse of process to seek to re-open before the courts an issue

which had already been resolved and to challenge the rights that had
been established. Challenging the very basis of those rights then becomes
a question associated with the legal merits; it would not be limited to
merely touching upon these, but would go to the very substance of the
right of the Applicant. Since the right of action before the Court has a

consensual basis, it is the consent of the Parties which allows the Court to
exercise its jurisdiction.
8. By regarding as exclusively preliminary in nature the first part of the
reply to the first preliminary objection concerning the territorial status of
the three islands, so as to settle the dispute on that subject by conven-

tional means, the Judgment incidentally disposes of Nicaragua’s fourth
submission on the merits. The Judgment has ruled directly on the ques-
tion of the validity of the Treaty at the preliminary objections stage.
Relying upon Article XXXIV of the Pact of Bogotá in order to declare

the controversy ended was conceivable, if the nullity of the Treaty as
defective had not been claimed as a separate formal submission. The for-
malistic analysis pursued in the Judgment does not accurately reflect the
overall structure of Nicaragua’s claim, and the Judgment does not con-
sider the real links between the first and fourth submissions.

9. Nicaragua, in its first submission, was asking the Court to protect
its possession. The request is for a ruling on a possessory claim, its sov-
ereignty over the three islands and the appurtenant islets and cays, and is
an independent submission, aimed at establishing whether or not it holds

a valid legal title. Here, though, Nicaragua’s possessory action was
accompanied by a petitory one. In the main proceedings, the Applicant is
questioning the basis in law: by claiming the nullity of the 1928 Treaty,
Nicaragua is asking the Court to reply to a dual question — is there a
territorial title, and who holds it? For the same 1928 Treaty is claimed by

Colombia as providing a legal title to San Andrés, Providencia and Santa
Catalina.

Nicaragua has combined two actions. Colombia opposed this request
with a negative petitory action, seeking the implicit recognition by the

Court, at the incidental proceedings stage, of the validity of the 1928
Treaty, with the inferred consequence that the controversy between the
Parties shall be declared ended, to use the words of the Pact of Bogotá.
10. The simultaneous presence of two conflicting petitory actions and
a possessory action will have helped to create confusion. In this case,

these disagreements were closely linked to the substance of the pro-
cedural law. Indeed, at a procedural level one can envisage a solution
dealing with the possessory aspect, because of its nature. As regards the
petitory aspect, however, the questions are framed in different terms. In
relation to sovereign title and the 1928 Treaty, the Court was faced with

one action in the form of a claim and another contradicting it. The
Parties made no mistake in this respect, as reflected by the importance

61890 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (OP .IND .RANJEVA )

nullité et de la validité du traité de 1928 dans les échanges. Ce débat a mis

en cause le fond du droit litigieux sur la souveraineté.

La Cour, en déboutant le Nicaragua de son action tant possessoire que
pétitoire et en acceptant la demande de la Colombie, a assuré la conti-
nuité de ce cumul d’actions. Par une décision unique, la possession sou-

veraine et le titre de souveraineté ont été tranchés. Elle a ainsi considéré
que la question de la souveraineté sur les îles de San Andrés, Providencia et
Santa Catalina était réglée par le traité de 1928, sans relever que les
actions des Parties, apparemment procédurales, étaient liées au double
aspect de l’objet du différend sur ce point. En procédant de ce fait, l’arrêt

a implicitement tranché une question qui constituait une partie de l’objet
du différend: la validité du titre territorial. Dès lors, le problème se pose
de savoir si un traité frappé de nullité ex tunc et non ex nunc peut être
toujours considéré comme en vigueur, en particulier en 1948, ainsi qu’à la

date de l’introduction de la requête. La prise en compte, décrite dans
l’arrêt, du comportement du Nicaragua est un élément de paramètre
incontournable pour déterminer si le traité était en vigueur aux yeux du
demandeur, mais, dans la mesure où l’exception vise la nullité et non
l’opposabilité dudit traité, l’arrêt tranche un argument portant sur le

fond du droit. Cependant, il est aberrant de concevoir un seul instant
qu’un traité puisse être en vigueur s’il est entaché de nullité, nonobstant
les dispositions de l’article VI du pacte de Bogotá.
11. Dans ces conditions, la première exception préliminaire ne pouvait
pas avoir un caractère exclusivement préliminaire.

12. Le cumul d’actions a eu pour conséquence le choix du seul pacte
de Bogotá comme base de compétence, avec pour effet la clôture du dif-
férend entre les Parties et le non-lieu à statuer sur la seconde base: les
clauses optionnelles de l’article 36 du Statut de la Cour permanente de
Justice internationale.

13. Le non-lieu décidé par l’arrêt requiert des explications complémen-
taires. La juridiction internationale est libre de choisir, parmi les bases
proposées, celle qui lui paraît la plus appropriée pour l’exercice de sa com-
pétence; encore y a-t-il lieu d’expliquer les raisons de la préférence. Sur le
plan politique, le pacte de Bogotá est plausible, mais, sur le plan juridique

et judiciaire, la Cour, face à la conclusion à laquelle est parvenu l’arrêt,
devait pratiquer le test de non-conflit, alors que deux bases autonomes de
compétence étaient revendiquées. Le droit d’accès à la Cour est soumis à
des conditions strictes, d’une part fixées par le Statut et le Règlement et
de l’autre développées par la jurisprudence. L’impérativité caractérise le

droit et l’exercice de la compétence judiciaire de la Cour; lorsque les
conditions requises sont satisfaites, la Cour au contentieux ne peut dis-
poser de sa propre compétence. Aussi devait-elle en l’espèce s’assurer de
l’absence de risque de conflit de décisions. Telle aurait été la situation si
l’examen des déclarations optionnelles respectives avait abouti à une

conclusion différente: le caractère non exclusivement préliminaire de la
première exception.

62 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE SEP .OP. RANJEVA ) 890

given in their exchanges to the issue of the nullity or validity of the 1928

Treaty. This debate brought into question the substance of the law on
sovereignty that is in dispute.
The Court, by dismissing Nicaragua’s possessory and petitory actions
and acceding to Colombia’s request, has preserved intact this combina-
tion of actions. By a single decision, both sovereign possession and the

title to sovereignty have been determined. It has thus taken the view that
the question of sovereignty over the islands of San Andrés, Providencia
and Santa Catalina was settled by the 1928 Treaty, without noting that
the seemingly procedural actions of the Parties were linked to the dual
nature of the dispute’s subject-matter in this respect. By adopting this

approach, the Judgment has implicitly decided an issue which formed
part of the subject-matter of the dispute: the validity of the territorial
title. Consequently, the question arises of whether a treaty rendered null
and void ex tunc and not ex nunc may still be regarded as in force, in

particular in 1948 and on the date the Application was filed. The Judg-
ment’s consideration of Nicaragua’s conduct is an essential parameter for
determining whether the Treaty was in force in the eyes of the Applicant,
but inasmuch as the objection concerns the nullity and not the oppos-
ability of the said Treaty, the Judgment decides an argument relating to

the legal merits. However, it is absurd to think for a moment that a treaty
could be in force if it is flawed by nullity, notwithstanding the provisions
of Article VI of the Pact of Bogotá.
11. In these circumstances, the first preliminary objection could not
possess an exclusively preliminary character.

12. The result of the combination of actions has been the choice of the
Pact of Bogotá alone as the basis of jurisdiction, the effect of which has
been the ending of the controversy between the Parties and the decision
not to entertain the second basis: the optional clauses of Article 36 of the
Statute of the Permanent Court of International Justice.

13. This latter decision in the Judgment requires some further explana-
tion. An international court is free to choose from among the proposed
bases the one which seems to it the most appropriate for the exercise of
its jurisdiction; even so, the reasons for its preference have to be explained.
In political terms, the Pact of Bogotá is plausible, but in legal and judicial

terms, the Court, in view of the conclusion reached in the Judgment,
needed to apply the test of non-conflict, in a situation where two inde-
pendent bases of jurisdiction were being claimed. The right of access to
the Court is subject to strict conditions, on the one hand laid down by the
Statute and the Rules of Court, and on the other developed through its

jurisprudence. The law and the exercise of the Court’s jurisdiction are of
a peremptory nature; when the necessary conditions are met in conten-
tious proceedings, the Court may not dispose of its own jurisdiction. In
this case, therefore, it needed to ensure that there was no risk of conflict
in its decisions. That would have been so if the consideration of the

respective optional declarations had reached a different conclusion: that
the first objection did not possess an exclusively preliminary character.

62891 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME OP .IND .RANJEVA )

14. Au paragraphe 138, l’arrêt oppose à l’applicabilité de la clause

optionnelle l’absence de différend juridique dans le sens où l’arrêt l’entend.
Logiquement, sur le plan théorique, la clause optionnelle peut encore être
utile. Le différend sur les îles étant considéré comme résolu par l’arrêt par

un traité déjà déclaré «valide», la Cour dispose-t-elle d’une compétence
pour revenir, d’une autre manière, sur une question déjà tranchée?

A cette question, il était indispensable de donner une réponse non équi-

voque pour écarter un conflit possible de décision.
Les problèmes ainsi évoqués et toute l’argumentation exposée par les
Parties confirment le caractère non exclusivement préliminaire de la pre-
mière exception soulevée par la Colombie.

(Signé) Raymond R ANJEVA .

63 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (SEP. OP. RANJEVA ) 891

14. In paragraph 138, the Judgment sets against the applicability of

the optional clause the absence of a legal dispute in the sense understood
by the Judgment. Logically, in theoretical terms, the optional clause may
still be of use. Since the dispute over the islands is regarded as settled in

the Judgment by a treaty which has already been declared “valid”, does
the Court have jurisdiction to return, by other means, to a matter which
has already been decided?
It was essential to give an unequivocal answer to this question in order

to eliminate a possible conflict of decisions.
The issues thus described and all the arguments set out by the Parties
confirm that the first preliminary objection raised by Colombia does not
possess an exclusively preliminary character.

(Signed) Raymond R ANJEVA .

63

Document file FR
Document Long Title

Opinion individuelle de M. le juge Ranjeva

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