Déclaration de M. Keith

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091-20070226-JUD-01-07-EN
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352

DEuCLARATION DE M. LE JUGE KEITH

[Traduction]

Explication de mon vote sur la complicité — Connaissance de l’intention
génocidaire de l’auteur principal juridiquement nécessaire, mais intention non
partagée — Eléments de preuve attestant l’aide et l’assistance — Preuve de la
connaissance des faits à la base de l’intention génocidaire — Conclusion quant
à la complicité dans le génocide commis à Srebrenica.

1. Cette déclaration explique mon vote quant à la complicité, réprimée
au litt. e) de l’article III de la convention sur le génocide, alléguée à

l’encontre du défendeur dans le génocide commis à Srebrenica en juillet
1995. En un mot, il doit être, à mon avis, juridiquement prouvé que le
défendeur, en tant que complice, connaissait (sans nécessairement la par-
tager) l’intention génocidaire de l’auteur principal et qu’il a en connais-
sance de cause prêté aide et assistance à ce dernier. Du point de vue

factuel, ces deux éléments ont, à mon sens, été avérés conformément aux
critères de preuve requis.
2. Les raisons qui m’ont amené à conclure que, du point de vue juri-
dique, il suffit, aux termes du litt. e) de l’article III, de démontrer que le
complice connaissait l’intention génocidaire de l’auteur principal,

s’appuient sur la définition et la nature de la complicité dans la commis-
sion d’actes illicites, l’objet de l’interdiction de la complicité dans le géno-
cide et la jurisprudence.
3. Les dictionnaires usuels définissent les termes «complicité» et «com-
plice» à la fois au sens strict et au sens large. Si, dans leur acception juri-

dique, ces expressions semblent assimiler, au sens strict, la notion de
complicité à celles d’aide et d’encouragement (ou d’assistance), elles
s’étendent, au sens large, également au coauteur de l’infraction. C’est
ainsi que l’Oxford English Dictionary (OED Online, 2 éd., 1989) définit
le terme «complice» [complice] comme «[o]ne associated in any affair

with another, the latter being regarded as the principal» [une personne
associée à une autre dans une affaire quelconque, la seconde personne
étant considérée comme étant l’auteur principal], et aussi comme un
«confederate» [comparse] ou «comrade» [camarade], termes pouvant
s’étendre à un coauteur. Le Petit Robert (format électronique, deuxième

version, 2001), quant à lui, définit le terme «complicité» comme la par-
ticipation par assistance intentionnelle à la violation commise par un
autre, d’une part, et comme un accord ou une entente, d’autre part. Les
dictionnaires juridiques contiennent eux aussi des définitions au sens
e
strict et au sens large. Le Vocabulaire juridique de Gérard Cornu (7 éd.,
2005, p. 188), s’appuyant sur les articles 121-6 et 121-7 du code pénal
français, définit la «complicité» comme une contribution à la réalisation
d’une infraction soit par aide et assistance à l’auteur de celle-ci, soit par

313 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (DÉCL . KEITH ) 353

instigation; un «complice» y est défini par opposition à un auteur prin-

cipal ou coauteur; voir également le Dictionnaire de droit international
public publié sous la direction de Jean Salmon (2001, p. 218-219). Dans
Halsbury’s Laws of England (4 éd., vol. 11, par. 43), sont complices les
personnes qui ont participé à l’infraction, que ce soit en tant qu’auteurs,
ou en fournissant des moyens ou en prêtant leur concours ou leur assis-

tance. Le Mellinkoff’s Dictionary of American Legal Usage (1992, p. 463)
définit le terme «accomplice» [complice] comme «a general term for a
person who participates with others in the commission of a crime, whether
as principal or accessory» [un terme générique désignant une personne
qui participe avec d’autres à la commission d’un crime en tant qu’auteur

principal ou accessoirement], le dernier mot étant assimilé à «someone
who aids and abets» [quelqu’un qui aide et encourage]. Je terminerai
en me référant à Law Terminology in English, French and Spanish
(1990, p. 196), une publication de l’Office des Nations Unies. Cet

ouvrage fait judicieusement la distinction entre le sens large et le sens
strict du terme «complice»; au sens large, le complice est celui qui parti-
cipe au crime ou au délit d’autrui, même en tant que coauteur; au sens
strict, le complice, par opposition au coauteur, est celui qui y participe
accessoirement.

4. Comme le montrent ces définitions, la complicité est souvent assi-
milée en tout ou en partie à l’aide et l’assistance. Cet aspect de l’affaire ne
conçoit le terme «complicité» que dans le sens d’aide et d’assistance. Je
partage le point de vue de la Cour selon lequel le demandeur n’a pas
démontré que le défendeur avait manqué à l’obligation qui lui incombait,

en tant qu’auteur principal, de ne pas commettre de génocide. Je passe à
présent à l’élément moral pour démontrer qu’il y a eu complicité au sens
strict.
5. Dans un grand nombre de systèmes juridiques internes, il suffit que
les personnes qui prêtent aide ou assistance sachent que, par leur contri-

bution, elles aident l’auteur principal dans la commission de son infrac-
tion (voir par exemple le droit français, allemand, suisse, anglais, cana-
dien, australien et de quelques Etats des Etats-Unis auxquels il est fait
référence dans Le procureur c. Krstic´ , IT 98-33-A, arrêt du 19 avril 2004,
par. 141). Qui plus est, dans l’affaire Krstic ´, la Chambre d’appel du

TPIY, donnant suite à des décisions antérieures, s’est alignée sur un
ensemble de lois internes selon lesquelles «tout individu qui aide et
encourage à commettre une infraction supposant une intention spécifique
peut en être tenu responsable s’il le fait en connaissant l’intention qui
l’inspire» (Krsti´, par. 140). Ayant rappelé cette jurisprudence et ce prin-

cipe constants, la Chambre les a appliqués à l’interdiction de commettre
un génocide, prescrite dans son Statut, dont le libellé reproduit celui de
l’article II de la convention sur le génocide.
6. Cette conception de l’élément moral qu’exige la complicité lorsqu’elle
se limite à l’aide et l’assistance vise à sanctionner les actions de ceux qui

aident sciemment l’auteur principal à commettre l’acte illicite, en connais-
sant en particulier son intention génocidaire. L’intention requise chez le

314 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (DÉCL .KEITH ) 354

complice est l’intention de fournir à l’auteur les moyens de réaliser sa

propre intention de commettre le génocide. Comme l’a indiqué le juge
Shahabuddeen au paragraphe 67 de son opinion dans l’affaire Krstic ´, les
auteurs de la convention sur le génocide n’auraient pu s’abstenir d’ériger
en crime le fait, pour des industriels, de fournir du gaz toxique tout en
sachant que les acheteurs avaient l’intention d’utiliser le gaz pour élimi-

ner un groupe national, ethnique, racial ou religieux, même sans partager
eux-mêmes cette intention.
7. Il est vrai que, dans l’affaire Krst´, la Chambre d’appel poursuit en
indiquant que, dans certains cas, pour qu’il y ait complicité, le complice
doit partager l’intention de l’auteur principal (Le procureur c. Krstic ´,

IT-98-33-A, arrêt du 19 avril 2004, par. 142). Or, comme cette indication
se limitait expressément à un comportement allant au-delà de l’aide et de
l’assistance, et n’était pas, dans cette affaire-là, pertinente aux fins de la
décision (comme le reconnaît la Chambre dans la note 247), elle est sans

objet dans la présente espèce. De plus, les deux raisons que la Chambre
invoque à l’appui de cette précision ne sont pas convaincantes. La pre-
mière — la lecture littérale du litt. e) de l’article III — est une simple
affirmation. Cette lecture devrait, en outre, nécessairement s’appliquer à
l’aide et l’assistance, ainsi qu’aux formes plus larges de complicité cou-

vertes par le litt. e) de l’article III, ce qui contredirait la thèse principale
de la Chambre, à savoir que la connaissance de l’intention suffit pour éta-
blir la complicité. Ce problème se pose aussi en ce qui concerne le
deuxième argument, lequel repose sur les travaux préparatoires à la
Sixième Commission de l’Assemblée générale en 1948. En tout état de

cause, ces travaux préparatoires montrent qu’il faut que le complice pré-
sumé sache que l’auteur principal a l’intention requise, mais non qu’il la
partage (Nations Unies, Documents officiels de l’Assemblée générale,
troisième session, Sixième Commission , compte rendu analytique de la
87 séance, p. 254-259). La discussion au sujet de l’amendement proposé

(concernant l’insertion de l’adjectif «intentionnelle» après le terme «com-
plicité», qui fut retiré au motif que, pour ce qui est du génocide, la com-
plicité doit être «intentionnelle») indique que les actions doivent être
«intentionnelles», en ce sens qu’elles doivent reposer sur la connaissance
de l’intention de l’auteur; l’intention ne devant pas nécessairement être

partagée.
8. Je passe à présent aux faits et à la question de savoir si le deman-
deur a démontré que le défendeur, connaissant l’intention génocidaire des
auteurs, avait continué de fournir à ceux-ci les moyens propres à faciliter
la mise en Œuvre de cette intention. Ce soutien a incontestablement existé

et s’est poursuivi. C’est ce qui ressort de la très large participation du
défendeur aux actions de la Republika Srpska et de la VRS en Bosnie-
Herzégovine, notamment l’affectation, à partir de la fin de 1991, et plus
précisément à compter du 19 mai 1992, de mille huit cents officiers à la
VRS et les avantages dont ils ont continuellement bénéficié («transfert»,

logements, promotions et pouvoirs disciplinaires), la fourniture initiale et
ultérieure de matériel, les opérations conjointes et l’implication du

315 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (DÉCL . KEITH ) 355

ministère de l’intérieur, et le financement, y compris un énorme soutien

budgétaire et l’intégration des banques centrales. Une documentation ex-
haustive a été présentée à la Cour à ce sujet. Le président Karadžic´ a tenu
des propos révélateurs lors d’une session de l’Assemblée de la Republika
Srpska au mois de mai 1994: «sans la Serbie, rien ne se serait passé. Nous
ne disposions pas des ressources nécessaires et nous n’aurions pas pu

faire la guerre.» Ou bien, comme l’a observé la Cour, si le défendeur
avait décidé de retirer ce soutien militaire et financier, cela aurait gran-
dement limité les options ouvertes aux autorités de la Republika Srpska
(arrêt, par. 241).
9. Cela étant, le défendeur a-t-il eu la connaissance nécessaire dans la

période très courte durant laquelle eut lieu le massacre de Srebrenica,
essentiellement du 13 au 16 juillet 1995? Pour répondre à cette question,
je m’appuierai principalement sur le rapport présenté par le Secrétaire
général de l’Organisation des Nations Unies en 1999, intitulé «La chute

de Srebrenica» (A/54/549, chap. VIII); voir paragraphes 228-230 de
l’arrêt de la Cour.
10. Ces renseignements relatifs à des événements précis sont à placer
dans le contexte des informations plus générales sur les liens très étroits
qui unissaient les dirigeants de Belgrade et de Pale, notamment le prési-

dent Miloševic´, le président Karadži´ et le général Mladi´, et plus particu-
lièrement le président Miloševic´ et le général Mladi´. La Cour dispose de
nombreux témoignages étayant ces liens, comme ceux de deux comman-
dants de la FORPRONU, le général Dannatt et le général Rose. Comme
le fait observer la Cour, les dirigeants de la République fédérale de Yougo-

slavie, et au premier chef le président Miloševi´, n’ignoraient rien, en effet,
du climat particulièrement haineux qui régnait entre les Serbes de Bosnie
et les Musulmans dans la région de Srebrenica (arrêt, par. 438). Et surtout,
ils étaient informés de la situation désastreuse qui régnait à Srebrenica
et allait en empirant durant la première partie de l’année 1995.

11. A l’approche de la date à laquelle les atrocités furent commises,
non seulement les dirigeants de Belgrade, mais aussi la communauté
internationale au sens large, avaient été alertés de la détérioration, du
point de vue de la sécurité, de la situation à Srebrenica par la résolu-
tion 1004 (1995) du Conseil de sécurité, adoptée le 12 juillet 1995 en vertu

du chapitre VII de la Charte. Le Conseil se déclarait vivement préoccupé
par les souffrances qu’endurait la population civile «dans la zone de sécu-
rité de Srebrenica … et alentour». Il considéra comme impératifs le
retrait des forces des Serbes de Bosnie de la zone et la garantie, pour les
organismes internationaux d’aide humanitaire, de pouvoir accéder libre-

ment à la zone de sécurité de Srebrenica afin d’alléger les souffrances de
la population civile.
12. Le lendemain, 13 juillet, les observateurs militaires des Nations
Unies rapportèrent que le général Mladic ´ leur avait dit qu’il y avait plu-
sieurs centaines de corps de soldats bosniaques dans une partie de

l’enclave. Il y eut d’autres rapports faisant état de meurtres et d’atrocités
ce jour-là. Ce même jour, le chargé d’affaires de Bosnie-Herzégovine à

316 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE DÉCL . KEITH ) 356

New York communiqua officiellement, dans une lettre au Secrétaire

général, les préoccupations de son gouvernement quant au sort qui allait
être réservé aux détenus, craignant qu’ils ne fussent exécutés. Le rapport
de 1999 en a rendu compte comme suit:

«Ainsi, le 13 juillet, de fortes craintes ont été exprimées à divers
niveaux que les hommes qui se trouvaient à Srebrenica auraient été
victimes ou seraient victimes d’actes de violence, mais sans qu’il y ait
eu alors confirmation qu’il en eût été commis. On s’était néanmoins

mobilisé au plus haut niveau pour tenter de réagir à la situation.»
(A/54/549, par. 359.)
Ce jour-là également, l’envoyé spécial du Secrétaire général, Thor-

vald Stoltenberg, reçut des instructions sur la façon dont il devait mener
les négociations avec les dirigeants des Serbes de Bosnie et, s’il le jugeait
approprié, avec les autorités de Belgrade. Il devait obtenir, entre autres,
l’engagement que les réfugiés et les personnes déplacées seraient traités
avec humanité. Il fut instamment prié de collaborer avec le représentant

spécial du Secrétaire général et le négociateur de l’Union européenne,
Carl Bildt, qui, espérait-on, «pourrait jouer un rôle utile en prenant
contact avec les autorités de la République fédérale yougoslave» (ibid.,
par. 360).
13. Les exécutions massives commencèrent le lendemain, 14 juillet, et

se poursuivirent jusqu’au 16 ou 17 juillet. Le 14 juillet, M. Bildt rencon-
tra le président Miloševi´ à Belgrade:

«Selon le compte rendu qu’il a publié de cette deuxième rencontre,
M. Bildt a demandé instamment au président Miloševic ´ de donner
immédiatement au Haut Commissariat des Nations Unies pour les
réfugiés la possibilité de venir en aide à la population de Srebrenica
et au Comité international de la Croix-Rouge la possibilité de com-

mencer à enregistrer ceux qui étaient traités par l’armée des Serbes
de Bosnie comme des prisonniers de guerre.» (A/54/549, par. 372; le
«compte rendu publié» est extrait de l’ouvrage de Carl Bildt, intitulé
Peace Journey: The Struggle for Peace in Bosnia (1998), p. 61.)

(Cette rencontre est qualifiée de deuxième parce que M. Bildt avait ren-
contré le président Miloševic ´ et le général Mladic´ au même endroit la
semaine précédente (ibid., p. 52-54).) M. Bildt présenta également d’autres
demandes, comme l’indique le rapport de 1999:

«Le président Miloševic ´ a semblé accéder à toutes ces demandes,
mais a aussi fait valoir qu’il n’était pas maître de la situation. Il

aurait aussi expliqué, au début de la réunion, que toute l’affaire avait
été provoquée par l’escalade des offensives lancées par les [M]usul-
mans à partir de l’enclave, en violation de l’accord de démilitarisa-
tion de 1993.
Quelques heures après le début de l’entretien, le général Mladic´ est

arrivé à Dobanovci. M. Bildt a noté que le général Mladic ´ accédait
de bonne grâce à la plupart des demandes concernant Srebrenica,

317 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE DÉCL . KEITH ) 357

mais qu’il rejetait certaines des dispositions concernant les autres

enclaves, en particulier Sarajevo. Finalement, après l’intervention du
président Miloševic´, un accord de principe a, semble-t-il, été conclu.
Il a été décidé qu’une autre réunion aurait lieu le lendemain pour
confirmer les dispositions arrêtées. M. Bildt s’était déjà entendu avec
M. Stoltenberg et M. Akashi [le représentant spécial du Secrétaire

général] pour qu’ils le rejoignent à Belgrade. Il a demandé en outre
que le commandant de la FORPRONU vienne aussi à Belgrade
pour mettre au point certains détails d’ordre militaire avec le général
Mladic´.» (A/54/549, par. 372-373.)

Le même jour, le 14 juillet, le Conseil de sécurité s’était de nouveau réuni
et avait adopté la déclaration de son président qui disait le Conseil gra-

vement préoccupé par la réinstallation forcée de dizaines de milliers de
civils, qu’il considérait comme une violation patente des droits de la
population civile.

«Le Conseil était «particulièrement préoccupé d’apprendre … que
la partie des Serbes de Bosnie avait emmené par la force jusqu’à
quatre mille hommes et garçons de la zone de sécurité de Srebrenica».
Il exigeait «qu’en conformité avec les normes de conduite interna-

tionalement reconnues et les dispositions du droit international, la
partie des Serbes de Bosnie les libère immédiatement, qu’elle respecte
pleinement les droits de la population civile de la zone de sécurité de
Srebrenica et des autres personnes protégées en vertu du droit inter-
national humanitaire, et qu’elle permette au Comité international de

la Croix-Rouge d’accéder à ladite zone.» (Ibid., par. 374.)
14. Le 15 juillet, M. Bildt rendit compte à des hauts fonctionnaires

internationaux des résultats de son entretien de la veille avec le président
Miloševic´ et le général Mladi´ qui avaient également rejoint le groupe de
hauts fonctionnaires pour un déjeuner qui s’apparentait à une sorte de
cérémonie. Le commandant de la FORPRONU et le général Mladic ´
s’entretinrent ensuite afin de mettre au point les détails définitifs de

l’accord. A ce stade-là, si les hauts fonctionnaires internationaux avaient
connaissance de rapports faisant état de graves violations des droits de
l’homme à l’encontre des hommes et jeunes garçons de Srebrenica, ils ne
savaient pas que des exécutions systématiques avaient déjà commencé
(ibid., par. 375). Les dispositions concernant Srebrenica qui avaient fait

l’objet d’un accord étaient les suivantes:
«Autorisation donnée au HCR et au Comité international de la

Croix-Rouge d’avoir pleinement accès à la zone;
Autorisation donnée au Comité international de la Croix-Rouge
de se rendre immédiatement auprès des «prisonniers de guerre»
pour s’assurer de leur bien-être, les dénombrer et passer en revue les
procédures suivies dans les centres de réception établis par les Serbes

de Bosnie conformément aux conventions de Genève;
Les demandes de réapprovisionnement de Srebrenica par la voie

318 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (DÉCL .KEITH ) 358

Belgrade, Ljubovija et Bratunac seraient soumises par la FOR-
PRONU le 17 juillet;
Les troupes du bataillon néerlandais à Srebrenica seraient libres
de quitter les lieux en emportant leur matériel le 21 juillet ou peu

après, en passant par Bratunac (le commandant de la FORPRONU
et Mladic´ devant l’un et l’autre observer le déroulement de l’opéra-
tion);
La FORPRONU organiserait immédiatement l’évacuation des
blessés hors de Potocˇari et Bratunac, et fournirait notamment des

ambulances; il a été convenu de la présence de la FORPRONU
«sous une forme ou une autre» pour les «zones clefs».» (A/54/549,
par. 377.)

A l’évidence, le général Mladic´ continua de ne pas honorer ces accords
dans les jours qui suivirent (ibid., par. 383-390).
15. Ces accords avaient bien entendu été conclus entre la FORPRONU

et le général Mladic´ au nom des autorités de Pale. L’importance qu’ils
revêtent cependant pour moi, c’est qu’ils succèdent directement aux dis-
cussions et aux négociations qui eurent lieu entre le président Milošev´ et
le général Mladic´ d’une part, et M. Bildt de l’autre. Compte tenu du rôle
global que joua le président Miloševic´ dans les guerres des Balkans et des

informations dont il disposait, de ses liens particuliers avec le général
Mladic´ et de sa participation aux différentes étapes des négociations
des 14 et 15 juillet, il devait alors avoir eu connaissance du change-
ment que le commandement de la VRS allait apporter à ses plans le
12 ou 13 juillet et devait par conséquent savoir qu’il avait l’intention de

détruire en partie le groupe protégé. Je suis convaincu que cette connais-
sance du défendeur a été avérée conformément aux critères requis indi-
qués par la Cour dans son arrêt (par. 209).
16. Je conclus donc que le défendeur s’est rendu complice du génocide

commis à Srebrenica en juillet 1995 en violation du litt. e) de l’article III
de la convention sur le génocide.

(Signé) Kenneth K EITH .

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352

DECLARATION OF JUDGE KEITH

Explanation of vote on complicity — Knowledge of principal’s genocidal
intent necessary as a matter of law, but not shared intent — Evidence of aid and
assistance established — Evidence of knowledge of the facts underlying the
genocidal intent established — Finding of complicity in the genocide committed
at Srebrenica.

1. This declaration explains my vote on the alleged complicity of the
Respondent, in breach of Article III (e) of the Genocide Convention, in
the genocide committed at Srebrenica in July 1995. In summary, my posi-
tion on the law is that the Respondent, as an alleged accomplice, must be
proved to have knowledge of the genocidal intent of the principal perpe-
trator (but need not share that intent) and, with that knowledge, to have

provided aid and assistance to the perpetrator. My position on the facts
is that those two elements are proved to the necessary standard.

2. The reasons for my conclusion on the law that it is sufficient in
terms of Article III (e) to establish that the accomplice knew that the
principal perpetrator had genocidal intent, relate to the definition and the

nature of complicity in unlawful acts, the purpose of the prohibition on
complicity in genocide, and the case law.

3. Dictionary definitions of “complicity” and “(ac)complice” provide
both narrower and broader meanings. To put the matter in legal terms,

the narrower meaning appears to equate complicity with aiding and abet-
ting (or assisting) while the broader meaning also includes a co-author or
co-perpetrator of the offence. Thus the Oxford English Dictionary (OED
Online, 2nd ed., 1989) defines “complice” as “[o]ne associated in any
affair with another, the latter being regarded as the principal”, and also
as a “confederate” or “comrade”, words apt to include a co-perpetrator.

And Le Petit Robert (electronic version, version 2, 2001) defines “com-
plicité” as participation by intentional assistance in the breach committed
by another and in terms of agreement or entente. Legal dictionaries
also include narrower and broader approaches. Gérard Cornu, Vocabu-
laire Juridique (7th ed., 2005, p. 188), drawing on Articles 121-6 and
121-7 of the French Penal Code, defines “complicité” as a contribution

to the realization of a breach by aid or assistance to the author of
the offence, or by instigation; a “complice” in his definition is contrasted
with a principal author or co-author; see similarly Jean Salmon,
Dictionnaire de droit international public (2001, pp. 218-219).
Halsbury’s Laws of England (4th ed., Vol. 11, para. 43), says that

persons are accomplices if they are participants in the offence charged,

313 352

DEuCLARATION DE M. LE JUGE KEITH

[Traduction]

Explication de mon vote sur la complicité — Connaissance de l’intention
génocidaire de l’auteur principal juridiquement nécessaire, mais intention non
partagée — Eléments de preuve attestant l’aide et l’assistance — Preuve de la
connaissance des faits à la base de l’intention génocidaire — Conclusion quant
à la complicité dans le génocide commis à Srebrenica.

1. Cette déclaration explique mon vote quant à la complicité, réprimée
au litt. e) de l’article III de la convention sur le génocide, alléguée à

l’encontre du défendeur dans le génocide commis à Srebrenica en juillet
1995. En un mot, il doit être, à mon avis, juridiquement prouvé que le
défendeur, en tant que complice, connaissait (sans nécessairement la par-
tager) l’intention génocidaire de l’auteur principal et qu’il a en connais-
sance de cause prêté aide et assistance à ce dernier. Du point de vue

factuel, ces deux éléments ont, à mon sens, été avérés conformément aux
critères de preuve requis.
2. Les raisons qui m’ont amené à conclure que, du point de vue juri-
dique, il suffit, aux termes du litt. e) de l’article III, de démontrer que le
complice connaissait l’intention génocidaire de l’auteur principal,

s’appuient sur la définition et la nature de la complicité dans la commis-
sion d’actes illicites, l’objet de l’interdiction de la complicité dans le géno-
cide et la jurisprudence.
3. Les dictionnaires usuels définissent les termes «complicité» et «com-
plice» à la fois au sens strict et au sens large. Si, dans leur acception juri-

dique, ces expressions semblent assimiler, au sens strict, la notion de
complicité à celles d’aide et d’encouragement (ou d’assistance), elles
s’étendent, au sens large, également au coauteur de l’infraction. C’est
ainsi que l’Oxford English Dictionary (OED Online, 2 éd., 1989) définit
le terme «complice» [complice] comme «[o]ne associated in any affair

with another, the latter being regarded as the principal» [une personne
associée à une autre dans une affaire quelconque, la seconde personne
étant considérée comme étant l’auteur principal], et aussi comme un
«confederate» [comparse] ou «comrade» [camarade], termes pouvant
s’étendre à un coauteur. Le Petit Robert (format électronique, deuxième

version, 2001), quant à lui, définit le terme «complicité» comme la par-
ticipation par assistance intentionnelle à la violation commise par un
autre, d’une part, et comme un accord ou une entente, d’autre part. Les
dictionnaires juridiques contiennent eux aussi des définitions au sens
e
strict et au sens large. Le Vocabulaire juridique de Gérard Cornu (7 éd.,
2005, p. 188), s’appuyant sur les articles 121-6 et 121-7 du code pénal
français, définit la «complicité» comme une contribution à la réalisation
d’une infraction soit par aide et assistance à l’auteur de celle-ci, soit par

313353 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (DECL .KEITH )

whether as principals, procurers, aiders or abettors. Mellinkoff’s Diction-

ary of American Legal Usage (1992, p. 463), defines “accomplice” as “a
general term for a person who participates with others in the commission
of a crime, whether as principal or accessory”, with the last word
being equated with “someone who aids and abets”. My final reference
is to a publication of the United Nations Office at Geneva, Law

Terminology in English, French and Spanish (1990, p. 196). It help-
fully distinguishes between the broader and narrower sense of “complice”;
in the broader sense, the accomplice is the person who participates in
the crime or wrong of another, including as a co-author; and in the
narrower, by contrast to a co-author, the person who participates as an

accessory.

4. As those definitions show, complicity is often equated in whole or in
part with aiding and abetting. The present aspect of the case is concerned
with complicity only in the sense of aiding and abetting. I agree with the
Court that the Applicant has not established that the Respondent is in
breach of its obligation, as a principal, not to commit genocide. I now

turn to the mental element required if complicity in this more restricted
sense is to be established.

5. In many national legal systems aiders and abettors need only be
aware that they are aiding the principal perpetrator in the commission of

its offence by their contribution (see e.g. the law of France, Germany,
Switzerland, England, Canada, Australia and some of the states of the
United States referred to in Prosecutor v. Krstic´, IT 98-33-A, Judgment
of 19 April 2004, para. 141). More significantly, the Appeals Chamber of
the ICTY in Krstic ´, following earlier decisions, has ruled consistently

with that body of national law that “an individual who aids and abets a
specific intent offense may be held responsible if he assists the commis-
sion of the crime knowing the intent behind the crime” (Krsti´, para. 140).
Having recalled that consistent jurisprudence and principle, the Chamber
applied it to the prohibition of genocide stated in its Statute, the wording

of which is taken directly from Article II of the Genocide Convention.

6. That understanding of the mental element required by complicity
when it is limited to aiding and abetting serves the purpose of sanctioning

the actions of those who knowingly assist the unlawful act of the primary
perpetrator, knowing in particular of the primary perpetrator’s genocidal

314 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (DÉCL . KEITH ) 353

instigation; un «complice» y est défini par opposition à un auteur prin-

cipal ou coauteur; voir également le Dictionnaire de droit international
public publié sous la direction de Jean Salmon (2001, p. 218-219). Dans
Halsbury’s Laws of England (4 éd., vol. 11, par. 43), sont complices les
personnes qui ont participé à l’infraction, que ce soit en tant qu’auteurs,
ou en fournissant des moyens ou en prêtant leur concours ou leur assis-

tance. Le Mellinkoff’s Dictionary of American Legal Usage (1992, p. 463)
définit le terme «accomplice» [complice] comme «a general term for a
person who participates with others in the commission of a crime, whether
as principal or accessory» [un terme générique désignant une personne
qui participe avec d’autres à la commission d’un crime en tant qu’auteur

principal ou accessoirement], le dernier mot étant assimilé à «someone
who aids and abets» [quelqu’un qui aide et encourage]. Je terminerai
en me référant à Law Terminology in English, French and Spanish
(1990, p. 196), une publication de l’Office des Nations Unies. Cet

ouvrage fait judicieusement la distinction entre le sens large et le sens
strict du terme «complice»; au sens large, le complice est celui qui parti-
cipe au crime ou au délit d’autrui, même en tant que coauteur; au sens
strict, le complice, par opposition au coauteur, est celui qui y participe
accessoirement.

4. Comme le montrent ces définitions, la complicité est souvent assi-
milée en tout ou en partie à l’aide et l’assistance. Cet aspect de l’affaire ne
conçoit le terme «complicité» que dans le sens d’aide et d’assistance. Je
partage le point de vue de la Cour selon lequel le demandeur n’a pas
démontré que le défendeur avait manqué à l’obligation qui lui incombait,

en tant qu’auteur principal, de ne pas commettre de génocide. Je passe à
présent à l’élément moral pour démontrer qu’il y a eu complicité au sens
strict.
5. Dans un grand nombre de systèmes juridiques internes, il suffit que
les personnes qui prêtent aide ou assistance sachent que, par leur contri-

bution, elles aident l’auteur principal dans la commission de son infrac-
tion (voir par exemple le droit français, allemand, suisse, anglais, cana-
dien, australien et de quelques Etats des Etats-Unis auxquels il est fait
référence dans Le procureur c. Krstic´ , IT 98-33-A, arrêt du 19 avril 2004,
par. 141). Qui plus est, dans l’affaire Krstic ´, la Chambre d’appel du

TPIY, donnant suite à des décisions antérieures, s’est alignée sur un
ensemble de lois internes selon lesquelles «tout individu qui aide et
encourage à commettre une infraction supposant une intention spécifique
peut en être tenu responsable s’il le fait en connaissant l’intention qui
l’inspire» (Krsti´, par. 140). Ayant rappelé cette jurisprudence et ce prin-

cipe constants, la Chambre les a appliqués à l’interdiction de commettre
un génocide, prescrite dans son Statut, dont le libellé reproduit celui de
l’article II de la convention sur le génocide.
6. Cette conception de l’élément moral qu’exige la complicité lorsqu’elle
se limite à l’aide et l’assistance vise à sanctionner les actions de ceux qui

aident sciemment l’auteur principal à commettre l’acte illicite, en connais-
sant en particulier son intention génocidaire. L’intention requise chez le

314354 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (DECL .KEITH )

intent. The necessary intent of the aider and abettor is the intent to pro-

vide the means by which the perpetrator may realize his own intent to
commit genocide. As Judge Shahabuddeen said in paragraph 67 of his
opinion in Krstic´, those preparing the text of the Genocide Convention
could not have failed to criminalize the actions of the commercial sup-
pliers of poisonous gas who knew of the intent of the purchasers to use

the gas for the purpose of destroying a national, ethnical, racial or reli-
gious group, even if the suppliers themselves did not share that intent.
7. It is true that the Appeals Chamber in Krstic ´ did go on to suggest
that, for complicity to be established in some circumstances, the accom-
plice had to share the principal’s intent (Prosecutor v. Krs´, IT 98-33-A,

Judgment of 19 April 2004, para. 142). But, because that suggestion is
expressly limited to conduct broader than aiding and abetting, as well as
being unnecessary for the decision in that case (as the Chamber acknowl-
edges at footnote 247), it is irrelevant to the present case. Further, the

two reasons the Chamber gives for its suggestion are unpersuasive. The
first reason — the natural reading of Article III (e) — is merely asserted.
Moreover, that reading would necessarily have to apply to aiding and
abetting as well as to the broader matters encompassed within Arti-
cle III (e), an application which would contradict the Chamber’s main

ruling that knowledge is sufficient for aiding and abetting. That problem
also arises with the second argument based on an examination of the
drafting history in the Sixth Committee of the General Assembly in 1948.
In any event, that history is better read as requiring that the alleged
accomplice know that the principal perpetrator has the necessary intent,

not that the alleged accomplice share it (United Nations, Official Records
of the General Assembly, Third Session, Sixth Committee , Summary
Records of the 87th meeting, pp. 254-259). The discussion on the pro-
posed amendment (which was to add the word “deliberate” before “com-
plicity” but which was withdrawn on the basis that complicity in geno-

cide must be “deliberate”) indicates that the actions had to be “deliberate”
in the sense of knowing of the perpetrator’s intent; the intent did not
have to be shared.

8. I now turn to the facts and to the question whether the Applicant
has shown that the Respondent, knowing of the perpetrator’s genocidal
intent, continued to supply the perpetrators with the means to facilitate
the realization of that intent. There can be no possible dispute about that

supply and its continuation. It is seen in the very extensive involvement
of the Respondent in the actions of Republika Srpska and the VRS in
Bosnia and Herzegovina, notably in the provision from late 1991, and
especially from 19 May 1992, of 1,800 officers to the VRS and their con-
tinued support (including “rehatting”, housing, promotion and disci-

pline), of material, both initially and subsequently, of joint operations
and the involvement of the Ministry of the Interior, and of funding,

315 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (DÉCL .KEITH ) 354

complice est l’intention de fournir à l’auteur les moyens de réaliser sa

propre intention de commettre le génocide. Comme l’a indiqué le juge
Shahabuddeen au paragraphe 67 de son opinion dans l’affaire Krstic ´, les
auteurs de la convention sur le génocide n’auraient pu s’abstenir d’ériger
en crime le fait, pour des industriels, de fournir du gaz toxique tout en
sachant que les acheteurs avaient l’intention d’utiliser le gaz pour élimi-

ner un groupe national, ethnique, racial ou religieux, même sans partager
eux-mêmes cette intention.
7. Il est vrai que, dans l’affaire Krst´, la Chambre d’appel poursuit en
indiquant que, dans certains cas, pour qu’il y ait complicité, le complice
doit partager l’intention de l’auteur principal (Le procureur c. Krstic ´,

IT-98-33-A, arrêt du 19 avril 2004, par. 142). Or, comme cette indication
se limitait expressément à un comportement allant au-delà de l’aide et de
l’assistance, et n’était pas, dans cette affaire-là, pertinente aux fins de la
décision (comme le reconnaît la Chambre dans la note 247), elle est sans

objet dans la présente espèce. De plus, les deux raisons que la Chambre
invoque à l’appui de cette précision ne sont pas convaincantes. La pre-
mière — la lecture littérale du litt. e) de l’article III — est une simple
affirmation. Cette lecture devrait, en outre, nécessairement s’appliquer à
l’aide et l’assistance, ainsi qu’aux formes plus larges de complicité cou-

vertes par le litt. e) de l’article III, ce qui contredirait la thèse principale
de la Chambre, à savoir que la connaissance de l’intention suffit pour éta-
blir la complicité. Ce problème se pose aussi en ce qui concerne le
deuxième argument, lequel repose sur les travaux préparatoires à la
Sixième Commission de l’Assemblée générale en 1948. En tout état de

cause, ces travaux préparatoires montrent qu’il faut que le complice pré-
sumé sache que l’auteur principal a l’intention requise, mais non qu’il la
partage (Nations Unies, Documents officiels de l’Assemblée générale,
troisième session, Sixième Commission , compte rendu analytique de la
87 séance, p. 254-259). La discussion au sujet de l’amendement proposé

(concernant l’insertion de l’adjectif «intentionnelle» après le terme «com-
plicité», qui fut retiré au motif que, pour ce qui est du génocide, la com-
plicité doit être «intentionnelle») indique que les actions doivent être
«intentionnelles», en ce sens qu’elles doivent reposer sur la connaissance
de l’intention de l’auteur; l’intention ne devant pas nécessairement être

partagée.
8. Je passe à présent aux faits et à la question de savoir si le deman-
deur a démontré que le défendeur, connaissant l’intention génocidaire des
auteurs, avait continué de fournir à ceux-ci les moyens propres à faciliter
la mise en Œuvre de cette intention. Ce soutien a incontestablement existé

et s’est poursuivi. C’est ce qui ressort de la très large participation du
défendeur aux actions de la Republika Srpska et de la VRS en Bosnie-
Herzégovine, notamment l’affectation, à partir de la fin de 1991, et plus
précisément à compter du 19 mai 1992, de mille huit cents officiers à la
VRS et les avantages dont ils ont continuellement bénéficié («transfert»,

logements, promotions et pouvoirs disciplinaires), la fourniture initiale et
ultérieure de matériel, les opérations conjointes et l’implication du

315355 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION DECL . KEITH)

including the huge budget support and the integrating of the central

banks. Extensive documentation of that was presented to the Court. One
revealing acknowledgment is provided by President Karad∫ic ´ speaking at
a session of the Assembly of Republika Srpska in May 1994 — “[w]ith-
out Serbia nothing would have happened, we don’t have the resources
and would not have been able to make war”. Or, as the Court concludes,

had the Respondent chosen to withdraw its military and financial sup-
port from the Republika Srpska, this would have greatly constrained the
options available to the authorities of Republika Srpska (Judgment,
para. 241).
9. But did the Respondent have the necessary knowledge in the very

short time the Srebrenica massacre was undertaken, essentially from 13
to 16 July 1995? My primary specific source in answering that question is
the 1999 Report of the United Nations Secretary-General, “The Fall of
Srebrenica” (A/54/549, Ch. VIII); see paragraphs 228-230 of the Judg-

ment of the Court.

10. That specific information is to be understood in the context of the
more general information about the very close relationships between the
leaderships in Belgrade and in Pale and especially between President Milo-

∏evi´ and President Karad∫ic ´ and General Mladic ´, and particularly
between President Milo∏evic ´ and General Mladic ´. The Court had exten-
sive evidence of those relationships, for instance from two of the UNPRO-
FOR Commanders, General Dannatt and General Rose. As the Court
says, the leadership of the Federal Republic of Yugoslavia, and Presi-

dent Milo∏evic´ above all, were fully aware of the climate of deep seated
hatred which reigned between the Bosnian Serbs and Muslims of the Sre-
brenica region (Judgment, paragraph 438). More specifically they were
aware of the dire and deteriorating situation in Srebrenica in the first part
of 1995.

11. Coming closer to the time of the atrocities, not just the leadership
in Belgrade but also the wider international community was alerted to
the deterioration of the security situation in Srebrenica by Security Coun-
cil resolution 1004 (1995) adopted on 12 July 1995 under Chapter VII of
the Charter. The Council expressed grave concern at the plight of the

civilian population “in and around the safe area of Srebrenica”. It
demanded, with binding force, the withdrawal of the Bosnian Serb forces
from the area and the allowing of unimpeded access for international
humanitarian agencies to the area to alleviate the plight of the civilian
population.

12. On the following day, 13 July, United Nations military observers
reported that General Mladic ´ had told them that there were several hun-
dred bodies of dead Bosnian soldiers in one part of the enclave. There

were other reports of murders and other atrocities that day. On that day
the Chargé d’Affaires of Bosnia and Herzegovina in New York officially

316 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (DÉCL . KEITH ) 355

ministère de l’intérieur, et le financement, y compris un énorme soutien

budgétaire et l’intégration des banques centrales. Une documentation ex-
haustive a été présentée à la Cour à ce sujet. Le président Karadžic´ a tenu
des propos révélateurs lors d’une session de l’Assemblée de la Republika
Srpska au mois de mai 1994: «sans la Serbie, rien ne se serait passé. Nous
ne disposions pas des ressources nécessaires et nous n’aurions pas pu

faire la guerre.» Ou bien, comme l’a observé la Cour, si le défendeur
avait décidé de retirer ce soutien militaire et financier, cela aurait gran-
dement limité les options ouvertes aux autorités de la Republika Srpska
(arrêt, par. 241).
9. Cela étant, le défendeur a-t-il eu la connaissance nécessaire dans la

période très courte durant laquelle eut lieu le massacre de Srebrenica,
essentiellement du 13 au 16 juillet 1995? Pour répondre à cette question,
je m’appuierai principalement sur le rapport présenté par le Secrétaire
général de l’Organisation des Nations Unies en 1999, intitulé «La chute

de Srebrenica» (A/54/549, chap. VIII); voir paragraphes 228-230 de
l’arrêt de la Cour.
10. Ces renseignements relatifs à des événements précis sont à placer
dans le contexte des informations plus générales sur les liens très étroits
qui unissaient les dirigeants de Belgrade et de Pale, notamment le prési-

dent Miloševic´, le président Karadži´ et le général Mladi´, et plus particu-
lièrement le président Miloševic´ et le général Mladi´. La Cour dispose de
nombreux témoignages étayant ces liens, comme ceux de deux comman-
dants de la FORPRONU, le général Dannatt et le général Rose. Comme
le fait observer la Cour, les dirigeants de la République fédérale de Yougo-

slavie, et au premier chef le président Miloševi´, n’ignoraient rien, en effet,
du climat particulièrement haineux qui régnait entre les Serbes de Bosnie
et les Musulmans dans la région de Srebrenica (arrêt, par. 438). Et surtout,
ils étaient informés de la situation désastreuse qui régnait à Srebrenica
et allait en empirant durant la première partie de l’année 1995.

11. A l’approche de la date à laquelle les atrocités furent commises,
non seulement les dirigeants de Belgrade, mais aussi la communauté
internationale au sens large, avaient été alertés de la détérioration, du
point de vue de la sécurité, de la situation à Srebrenica par la résolu-
tion 1004 (1995) du Conseil de sécurité, adoptée le 12 juillet 1995 en vertu

du chapitre VII de la Charte. Le Conseil se déclarait vivement préoccupé
par les souffrances qu’endurait la population civile «dans la zone de sécu-
rité de Srebrenica … et alentour». Il considéra comme impératifs le
retrait des forces des Serbes de Bosnie de la zone et la garantie, pour les
organismes internationaux d’aide humanitaire, de pouvoir accéder libre-

ment à la zone de sécurité de Srebrenica afin d’alléger les souffrances de
la population civile.
12. Le lendemain, 13 juillet, les observateurs militaires des Nations
Unies rapportèrent que le général Mladic ´ leur avait dit qu’il y avait plu-
sieurs centaines de corps de soldats bosniaques dans une partie de

l’enclave. Il y eut d’autres rapports faisant état de meurtres et d’atrocités
ce jour-là. Ce même jour, le chargé d’affaires de Bosnie-Herzégovine à

316356 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (DECL .KEITH )

expressed his government’s concern about the fate of detainees and fears

of their execution in a letter to the Secretary-General. The 1999 Report
provides this summary:

“Thus, on 13 July, strong alarm was expressed at various levels
that abuses might have been or were being committed against the
men of Srebrenica, but none had been confirmed as having taken
place at that time. Efforts were nevertheless focused at the highest

levels to try to address the situation.” (A/54/549, para. 359.)

Also on that day the Secretary-General’s Special Envoy, Thor-

vald Stoltenberg, was given instructions on how he was to proceed with
high level negotiations with the Bosnian Serbs and, if appropriate, with
the authorities in Belgrade. Among other things he was to obtain com-
mitments for humane treatment of the refugees and displaced persons.
He was urged to co-ordinate with the Special Representative of the Sec-

retary-General and the European Union negotiator, Carl Bildt, who was
hopeful of “be[ing] able to offer assistance through contact[s] with the
authorities of the Federal Republic of Yugoslavia” (ibid., para. 360).

13. The mass executions began the next day, 14 July, and continued

until 16 or 17 July. On 14 July Mr. Bildt met President Milo∏evic´ in Bel-
grade:

“According to Mr. Bildt’s public account of that second meeting,
he pressed the President to arrange immediate access for UNHCR to
assist the people of Srebrenica, and for ICRC to start to register
those who were being treated by the BSA as prisoners of war.”
(A/54/549, para. 372; the “public account” is in Carl Bildt, Peace

Journey: The Struggle for Peace in Bosnia (1998), p. 61.)

(The meeting is referred to as a second meeting because Mr. Bildt had
met President Milo∏evic ´ and General Mladic ´ at the same place the
previous week (ibid., pp. 52-54).) Mr. Bildt also made a number of other
demands as the 1999 Report records:

“President Milo∏evic´ apparently acceded to the various demands,
but also claimed that he did not have control over the matter. Milo-

∏evi´ had also apparently explained, earlier in the meeting, that the
whole incident had been provoked by escalating Muslim attacks
from the enclave, in violation of the 1993 demilitarization agree-
ment.
A few hours into the meeting, General Mladic ´ arrived at Doba-

novci. Mr. Bildt noted that General Mladic ´ readily agreed to most
of the demands on Srebrenica, but remained opposed to some of the

317 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE DÉCL . KEITH ) 356

New York communiqua officiellement, dans une lettre au Secrétaire

général, les préoccupations de son gouvernement quant au sort qui allait
être réservé aux détenus, craignant qu’ils ne fussent exécutés. Le rapport
de 1999 en a rendu compte comme suit:

«Ainsi, le 13 juillet, de fortes craintes ont été exprimées à divers
niveaux que les hommes qui se trouvaient à Srebrenica auraient été
victimes ou seraient victimes d’actes de violence, mais sans qu’il y ait
eu alors confirmation qu’il en eût été commis. On s’était néanmoins

mobilisé au plus haut niveau pour tenter de réagir à la situation.»
(A/54/549, par. 359.)
Ce jour-là également, l’envoyé spécial du Secrétaire général, Thor-

vald Stoltenberg, reçut des instructions sur la façon dont il devait mener
les négociations avec les dirigeants des Serbes de Bosnie et, s’il le jugeait
approprié, avec les autorités de Belgrade. Il devait obtenir, entre autres,
l’engagement que les réfugiés et les personnes déplacées seraient traités
avec humanité. Il fut instamment prié de collaborer avec le représentant

spécial du Secrétaire général et le négociateur de l’Union européenne,
Carl Bildt, qui, espérait-on, «pourrait jouer un rôle utile en prenant
contact avec les autorités de la République fédérale yougoslave» (ibid.,
par. 360).
13. Les exécutions massives commencèrent le lendemain, 14 juillet, et

se poursuivirent jusqu’au 16 ou 17 juillet. Le 14 juillet, M. Bildt rencon-
tra le président Miloševi´ à Belgrade:

«Selon le compte rendu qu’il a publié de cette deuxième rencontre,
M. Bildt a demandé instamment au président Miloševic ´ de donner
immédiatement au Haut Commissariat des Nations Unies pour les
réfugiés la possibilité de venir en aide à la population de Srebrenica
et au Comité international de la Croix-Rouge la possibilité de com-

mencer à enregistrer ceux qui étaient traités par l’armée des Serbes
de Bosnie comme des prisonniers de guerre.» (A/54/549, par. 372; le
«compte rendu publié» est extrait de l’ouvrage de Carl Bildt, intitulé
Peace Journey: The Struggle for Peace in Bosnia (1998), p. 61.)

(Cette rencontre est qualifiée de deuxième parce que M. Bildt avait ren-
contré le président Miloševic ´ et le général Mladic´ au même endroit la
semaine précédente (ibid., p. 52-54).) M. Bildt présenta également d’autres
demandes, comme l’indique le rapport de 1999:

«Le président Miloševic ´ a semblé accéder à toutes ces demandes,
mais a aussi fait valoir qu’il n’était pas maître de la situation. Il

aurait aussi expliqué, au début de la réunion, que toute l’affaire avait
été provoquée par l’escalade des offensives lancées par les [M]usul-
mans à partir de l’enclave, en violation de l’accord de démilitarisa-
tion de 1993.
Quelques heures après le début de l’entretien, le général Mladic´ est

arrivé à Dobanovci. M. Bildt a noté que le général Mladic ´ accédait
de bonne grâce à la plupart des demandes concernant Srebrenica,

317357 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (DECL .KEITH )

arrangements pertaining to the other enclaves, Sarajevo in particu-

lar. Eventually, with President Milo∏evi´’s intervention, it appeared
that an agreement in principle had been reached. It was decided that
another meeting would be held the next day in order to confirm the
arrangements. Mr. Bildt had already arranged with Mr. Stoltenberg
and Mr. Akashi [the Special Representative of the Secretary-Gen-

eral] that they would join him in Belgrade. He also requested that
the UNPROFOR Commander also come to Belgrade in order to
finalize some of the military details with Mladic ´.” (A/54/549,
paras. 372-373.)

On the same day, 14 July, the Security Council had again convened and
adopted a presidential statement expressing deep concern about the

ongoing forced relocation of tens of thousands of civilians which it char-
acterized as a clear violation of the rights of the civilian population.

“The Council was ‘especially concerned about reports that up to
4,000 men and boys had been forcibly removed by the Bosnian Serb
party from the Srebrenica safe area’. It demanded that ‘in conform-
ity with internationally recognized standards of conduct and inter-

national law the Bosnian Serb party release them immediately,
respect fully the rights of the civilian population of the Srebrenica
safe area and other persons protected under international humani-
tarian law and permit access by the International Committee of the
Red Cross’.” (Ibid., para. 374.)

14. On 15 July Mr. Bildt briefed senior international officials on the

result of his meeting the previous day with President Milo∏evi´ and Gen-
eral Mladic´, who also joined the officials for a largely ceremonial meeting
over lunch. The UNPROFOR Commander and General Mladic ´ then
met to finalize the details. At that point, while the international officials
were aware of reports that grave human rights abuses might have been

committed against the men and boys of Srebrenica, they were unaware
that systematic executions had begun (ibid., para. 375). The points of
agreement on Srebrenica were as follows:

“Full access to the area for UNHCR and ICRC;

ICRC to have immediate access to ‘prisoners of war’ to assess
their welfare, register them, and review procedures at Bosnian Serb
reception centres in accordance with the Geneva Conventions;

UNPROFOR requests for resupply of Srebrenica, via Belgrade,

318 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE DÉCL . KEITH ) 357

mais qu’il rejetait certaines des dispositions concernant les autres

enclaves, en particulier Sarajevo. Finalement, après l’intervention du
président Miloševic´, un accord de principe a, semble-t-il, été conclu.
Il a été décidé qu’une autre réunion aurait lieu le lendemain pour
confirmer les dispositions arrêtées. M. Bildt s’était déjà entendu avec
M. Stoltenberg et M. Akashi [le représentant spécial du Secrétaire

général] pour qu’ils le rejoignent à Belgrade. Il a demandé en outre
que le commandant de la FORPRONU vienne aussi à Belgrade
pour mettre au point certains détails d’ordre militaire avec le général
Mladic´.» (A/54/549, par. 372-373.)

Le même jour, le 14 juillet, le Conseil de sécurité s’était de nouveau réuni
et avait adopté la déclaration de son président qui disait le Conseil gra-

vement préoccupé par la réinstallation forcée de dizaines de milliers de
civils, qu’il considérait comme une violation patente des droits de la
population civile.

«Le Conseil était «particulièrement préoccupé d’apprendre … que
la partie des Serbes de Bosnie avait emmené par la force jusqu’à
quatre mille hommes et garçons de la zone de sécurité de Srebrenica».
Il exigeait «qu’en conformité avec les normes de conduite interna-

tionalement reconnues et les dispositions du droit international, la
partie des Serbes de Bosnie les libère immédiatement, qu’elle respecte
pleinement les droits de la population civile de la zone de sécurité de
Srebrenica et des autres personnes protégées en vertu du droit inter-
national humanitaire, et qu’elle permette au Comité international de

la Croix-Rouge d’accéder à ladite zone.» (Ibid., par. 374.)
14. Le 15 juillet, M. Bildt rendit compte à des hauts fonctionnaires

internationaux des résultats de son entretien de la veille avec le président
Miloševic´ et le général Mladi´ qui avaient également rejoint le groupe de
hauts fonctionnaires pour un déjeuner qui s’apparentait à une sorte de
cérémonie. Le commandant de la FORPRONU et le général Mladic ´
s’entretinrent ensuite afin de mettre au point les détails définitifs de

l’accord. A ce stade-là, si les hauts fonctionnaires internationaux avaient
connaissance de rapports faisant état de graves violations des droits de
l’homme à l’encontre des hommes et jeunes garçons de Srebrenica, ils ne
savaient pas que des exécutions systématiques avaient déjà commencé
(ibid., par. 375). Les dispositions concernant Srebrenica qui avaient fait

l’objet d’un accord étaient les suivantes:
«Autorisation donnée au HCR et au Comité international de la

Croix-Rouge d’avoir pleinement accès à la zone;
Autorisation donnée au Comité international de la Croix-Rouge
de se rendre immédiatement auprès des «prisonniers de guerre»
pour s’assurer de leur bien-être, les dénombrer et passer en revue les
procédures suivies dans les centres de réception établis par les Serbes

de Bosnie conformément aux conventions de Genève;
Les demandes de réapprovisionnement de Srebrenica par la voie

318358 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (DECL .KEITH )

Ljubovija and Bratunac, to be submitted on 17 July;

Dutchbat troops in Srebrenica to be free to leave with their equip-
ment on 21 July or shortly thereafter via Bratunac (both the UNPRO-

FOR Commander and Mladic ´ to observe the move);

UNPROFOR to organize immediate evacuation of injured per-
sons from Potoc ˇari and Bratunac, including provision of ambu-

lances; UNPROFOR presence, ‘in one form or another’ [was] agreed
for ‘key areas’.” (A/54/549, para. 377.)

General Mladic ´ plainly did not honour those agreements over the follow-
ing days (ibid., paras. 383-390).
15. Those agreements were of course between UNPROFOR and Gen-

eral Mladic´ on behalf of the Pale authorities. Their significance for me,
however, is that they followed directly from the discussions and negotia-
tions between President Milo∏evic´ and General Mladic ´ on the one hand
and Mr. Bildt on the other. Given President Milo∏evic ´’s overall role in
the Balkan wars and his knowledge, his specific relationship with Gen-

eral Mladic´, and his involvement in the detail of the negotiations of 14
and 15 July, by that time he must have known of the change in plans
made by the VRS command on 12 or 13 July and consequently he must
have known that they had formed the intent to destroy in part the pro-
tected group. I am convinced that that knowledge of the Respondent is

proved to the necessary standard stated by the Court in its Judgment
(para. 209).

16. Accordingly, I conclude that the Respondent was complicit in the

genocide committed at Srebrenica in July 1995 in breach of Article
III (e) of the Genocide Convention.

(Signed) Kenneth K EITH.

319 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (DÉCL .KEITH ) 358

Belgrade, Ljubovija et Bratunac seraient soumises par la FOR-
PRONU le 17 juillet;
Les troupes du bataillon néerlandais à Srebrenica seraient libres
de quitter les lieux en emportant leur matériel le 21 juillet ou peu

après, en passant par Bratunac (le commandant de la FORPRONU
et Mladic´ devant l’un et l’autre observer le déroulement de l’opéra-
tion);
La FORPRONU organiserait immédiatement l’évacuation des
blessés hors de Potocˇari et Bratunac, et fournirait notamment des

ambulances; il a été convenu de la présence de la FORPRONU
«sous une forme ou une autre» pour les «zones clefs».» (A/54/549,
par. 377.)

A l’évidence, le général Mladic´ continua de ne pas honorer ces accords
dans les jours qui suivirent (ibid., par. 383-390).
15. Ces accords avaient bien entendu été conclus entre la FORPRONU

et le général Mladic´ au nom des autorités de Pale. L’importance qu’ils
revêtent cependant pour moi, c’est qu’ils succèdent directement aux dis-
cussions et aux négociations qui eurent lieu entre le président Milošev´ et
le général Mladic´ d’une part, et M. Bildt de l’autre. Compte tenu du rôle
global que joua le président Miloševic´ dans les guerres des Balkans et des

informations dont il disposait, de ses liens particuliers avec le général
Mladic´ et de sa participation aux différentes étapes des négociations
des 14 et 15 juillet, il devait alors avoir eu connaissance du change-
ment que le commandement de la VRS allait apporter à ses plans le
12 ou 13 juillet et devait par conséquent savoir qu’il avait l’intention de

détruire en partie le groupe protégé. Je suis convaincu que cette connais-
sance du défendeur a été avérée conformément aux critères requis indi-
qués par la Cour dans son arrêt (par. 209).
16. Je conclus donc que le défendeur s’est rendu complice du génocide

commis à Srebrenica en juillet 1995 en violation du litt. e) de l’article III
de la convention sur le génocide.

(Signé) Kenneth K EITH .

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Déclaration de M. Keith

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