Opinion individuelle de M. Owada

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091-20070226-JUD-01-05-EN
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285

OPINION INDIVIDUELLE DE M. LE JUGE OWADA

[Traduction]

Question de la qualité pour agir du défendeur en tant qu’élément objectif de la

compétence — Pertinence de l’arrêt rendu en 2000 dans les affaires relatives à
la Licéité de l’emploi de la force — Estoppel, acquiescement, bonne foi et forum
prorogatum, notions afférentes dans leur ensemble à l’élément subjectif du
consentement et donc sans pertinence — Arrêt de 1996 n’abordant pas expres-
sément, en fait, la question de la qualité pour agir — Arrêt devant néanmoins
être interprété en droit comme ayant définitivement tranché la question —
Applicabilité du principe de l’autorité de la chose jugée.
Question de l’application aux Etats de la convention sur le génocide —
Aucune disposition de la Convention, y compris son article I ne pouvant créer
pour les Etats d’obligation de ne pas commettre le crime de génocide en
l’absence de disposition expresse à cet effet — Existence d’une telle obligation
en droit international général mais pas selon la Convention — Extension de la
portée de l’article IX de la Convention donnant compétence à la Cour pour

connaître de différends fondés sur le droit international général.

I. OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES

1. Tant sur la question de la compétence que sur les questions de fond,
je souscris dans l’ensemble aux conclusions de la Cour en la présente

espèce telles qu’exposées dans le dispositif.

2. A d’importants égards, toutefois, certaines parties de l’arrêt ne reflè-
tent pas nécessairement mon propre point de vue. C’est notamment le cas
en ce qui concerne la question de la qualité pour agir du défendeur, trai-

tée à la section III de l’arrêt intitulée «Compétence de la Cour», et celle
de l’application au défendeur de la convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide (ci-après dénommée la «convention sur
le génocide»), traitée à la section IV de l’arrêt intitulée «Le droit appli-
cable…». Plus particulièrement, je suis d’avis que la décision de la Cour
sur la question de la qualité pour agir du défendeur en l’espèce, à laquelle

je souscris, devrait être un peu plus détaillée afin de répondre à certains
points soulevés par les Parties, tandis que sa conclusion, à laquelle je
souscris, concernant l’application au défendeur de la convention sur le
génocide résulte de motifs que je n’approuve pas.

3. Telles sont les raisons pour lesquelles j’ai souhaité joindre à l’arrêt
ma propre opinion individuelle, qui se limite à ces deux questions.

246 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP.IND .OWADA ) 286

II. LA QUESTION DE LA QUALITÉ POUR AGIR DU DÉFENDEUR

4. Je procéderai tout d’abord, à titre d’introduction à l’examen de
cette question, à quelques observations préliminaires. Premièrement,

l’arrêt rendu par la Cour en 2004 dans les affaires relatives à la Licéité de
l’emploi de la force (voir Licéité de l’emploi de la force (Serbie-et-Mon-
ténégro c. Belgique), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2004 ,
p. 279 et suiv.) constitue à mon sens, en dépit de différences évidentes sur
le plan technique, un élément de référence important pour la présente

affaire. Il s’agit en effet de l’exposé de principe de la position juridique de
la Cour vis-à-vis de certains points afférents à la présente affaire. Je ne
partage pas l’approche du demandeur consistant à affirmer que la Cour
serait, en l’espèce, appelée à choisir entre deux solutions — à savoir soit
a) harmoniser une «incohérence verticale» entre l’arrêt de 1996 sur les

exceptions préliminaires en l’espèce et le présent arrêt, soit b) harmoniser
une «incohérence horizontale» entre l’arrêt sur les exceptions prélimi-
naires dans les affaires relatives à la Licéité de l’emploi de la force en
2004 et le présent arrêt — et qu’elle devrait opter pour la première.

Telle ne saurait être, en tout état de cause, l’alternative. Selon moi,
la Cour devrait, dans le présent arrêt, partir du principe qu’il n’y a
pas incompatibilité entre l’arrêt de 1996 et celui de 2004.

5. Deuxièmement, la phase actuelle de la procédure m’apparaît non

comme une discussion de plus sur les exceptions préliminaires relatives à
la «compétence» — ratione personae — de la Cour, mais plutôt comme
un aspect jusqu’ici inexploré de la procédure, consistant pour la Cour à
examiner l’allégation selon laquelle une erreur essentielle dans l’applica-
tion de ses règles de procédure aurait porté atteinte aux bases mêmes de

sa compétence pour connaître de la présente affaire au fond. Il m’appa-
raît que cette question de l’accès à la Cour est une question distincte des
questions de compétence au sens strict, qu’elle soit ratione personae,
ratione materiae ou ratione temporis, questions qui se rapportent toutes à

la portée du consentement donné par les parties aux termes des instru-
ments (ou, dans le cas du forum prorogatum, de l’acte) juridiques perti-
nents dans le cadre d’un différend concret.
6. Enfin, j’estime que, pour cette raison, le principe énoncé à l’occasion
de l’affaire relative à l’Appel concernant la compétence du Conseil de

l’OACI (ci-après dénommée l’affaire du «Conseil de l’OACI») est tout
simplement dénué de pertinence. Je souscris incontestablement au prin-
cipe formulé dans cet arrêt, selon lequel «toujours» dans ce prononcé
signifie «toujours» au sens de «à quelque stade de la procédure en ins-

tance» (Appel concernant la compétence du Conseil de l’OACI (Inde c.
Pakistan), arrêt, C.I.J. Recueil 1972 , p. 52, par. 13). Mais ce n’est là
qu’un truisme, puisque la Cour a pour mandat ipso jure — c’est-à-dire
qu’il s’agit pour elle d’un droit et d’un devoir — d’établir sa compétence
à tous les stades de la procédure, pour autant que le point dont il s’agit

n’ait pas été soulevé précédemment au cours de la même procédure et

247 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP.IND .OWADA ) 287

qu’il n’ait pas été tranché par la Cour de sorte qu’il revêtirait l’autorité

de la chose jugée. J’estime d’autre part que le point soulevé dans l’«Ini-
tiative présentée à la Cour aux fins d’un réexamen d’office de sa
compétence à l’égard de la Yougoslavie» (ci-après dénommée
l’«Initiative») du 4 mai 2001 par la Serbie-et-Monténégro
n’est pas une question de «compétence» au sens strict du

terme dans lequel ce dernier est utilisé dans l’affaire du Conseil de
l’OACI.
7. Dans les affaires relatives à la Licéité de l’emploi de la force ,l
Cour a précisé, par son arrêt de 2004 sur les exceptions préliminaires, la
nature juridique de l’«accès à la Cour» dans les termes suivants:

«[l]a question qui se pose [dans ces affaires] est celle de savoir si, en

droit, au moment où elle a introduit les présentes instances, la Ser-
bie-et-Monténégro était habilitée à saisir la Cour en tant que partie
au Statut» (voir Licéité de l’emploi de la force (Serbie-et-Monténé-
gro c. Belgique), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2004 ,
p. 295, par. 36; les italiques sont dans l’original),

indiquant que cette question était distincte de celle de la compétence dans
une affaire donnée.

La Cour est parvenue à la conclusion que,
«au moment où il a déposé sa requête pour introduire la présente

instance devant la Cour, le 29 avril 1999, le demandeur en l’espèce ...
n’était pas membre de l’Organisation des Nations Unies ni, dès lors,
en cette qualité, partie au Statut de la Cour internationale de Jus-
tice» (voir ibid., p. 314, par. 91).

8. Contrairement au demandeur, qui prie la Cour de considérer cette
conclusion comme un unicum, et même de l’écarter pour défaut de perti-
nence en la présente instance, je la juge, pour ma part, pertinente à cet

égard. Il ne convient guère en effet que la Cour s’écarte de la position
exprimée dans cette conclusion et dans son raisonnement — après tout
elle s’est prononcée de manière définitive sur cette question. Je pour-
rais ajouter qu’il ne s’agit pas de l’une de ces affaires dans lesquelles le
vieil adage «une affaire difficile ne fait pas un bon droit» trouverait à

s’appliquer. C’est en ayant déployé tous les efforts qu’elle pouvait
déployer que la Cour est parvenue à cette conclusion. (Il ne faut d’ailleurs
pas perdre de vue que, dans ces affaires, tous les demandeurs, excepté
la France, ont avancé comme principal argument l’absence alléguée de
qualité pour agir du demandeur.) Bien qu’à l’évidence, en vertu de

l’article 59 du Statut, l’arrêt en question ne revête pas, techniquement,
l’autorité de la chose jugée pour d’autres affaires, y compris la pré-
sente, il échet à la Cour d’examiner la question de savoir si, et dans
quelle mesure, le raisonnement juridique qu’elle a développé pour
parvenir à sa conclusion dans l’arrêt précité est applicable à la présente

espèce.
9. Le demandeur, invoquant le principe de l’estoppel ou celui de

248 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE OP .IND .OWADA ) 288

l’acquiescement, a soutenu que le défendeur était réputé avoir accepté la

compétence de la Cour en la présente espèce; il a également invoqué à cet
effet la doctrine du forum prorogatum. Tous les arguments avancés
semblent reposer sur le même raisonnement, à savoir que le défendeur,
ayant agi comme s’il ne contestait pas la compétence de la Cour pour
d’autres motifs que ceux spécifiquement soulevés à titre d’exception d’in-

compétence de la Cour lors de la phase de l’affaire consacrée aux
exceptions préliminaires, doit être considéré en droit comme ayant ac-
cepté la compétence de la Cour en la présente espèce (principe de
l’acquiescement), comme étant empêché d’invoquer un nouveau moyen,
objet de la démarche actuelle du défendeur (principe de l’estoppel),

ou encore comme ayant perdu la faculté d’agir autrement (principe de
la bonne foi). A titre subsidiaire, le demandeur soutient en outre que
le comportement du défendeur revient en fait à avoir consenti à l’exer-
cice de la compétence de la Cour en l’espèce (doctrine du forum proro-

gatum).

10. En résumé, ces arguments se fondent sur une seule et même pré-
misse: quelque lacunaire que puisse être le rapport de compétence entre-
tenu par la Cour et les Parties, cette insuffisance peut être comblée par

l’effet d’une règle de droit ou par quelque comportement effectif des
Parties, de telle sorte que serait établie l’acceptation par celles-ci de la
compétence de la Cour.
11. Il convient toutefois de relever que, bien que tous ces principes
puissent s’appliquer à la question des rapports juridiques inter partes

devant la Cour, la question soulevée dans la phase actuelle de la procé-
dure est fondamentalement différente. Elle a fait l’objet d’une décision de
principe dans l’arrêt rendu par la Cour en 2004 dans les affaires relatives
àlaLicéité de l’emploi de la force. Celle-ci s’est à cette occasion exprimée
sans ambiguïté:

«de l’avis de la Cour, il y a lieu d’établir une distinction entre une
question de compétence liée au consentement d’une partie et celle du

droit d’une partie à ester devant la Cour conformément aux pres-
criptions du Statut, qui n’implique pas un tel consentement»

et
«[a]insi la Cour se doit-elle d’examiner la question pour tirer ses

propres conclusions indépendamment du consentement des parties,
ce qui n’est en aucun cas incompatible avec le principe selon lequel
la compétence de la Cour est subordonnée à un tel consentement»
(voir Licéité de l’emploi de la force (Serbie-et-Monténégro c.
Belgique), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2004 ,

p. 295, par. 36).
Cette position de la Cour doit, dans la présente espèce, être acceptée

comme un énoncé de principe du droit applicable.
12. Pour cette raison, tous les arguments avancés par le demandeur

249 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP. IND. OWADA ) 289

afin de justifier l’exercice de la compétence de la Cour en réponse à une

nouvelle tentative du défendeur de faire valoir qu’il n’avait pas qualité
pour agir/accès à la Cour doivent être rejetés. Sur ce point, j’approuve la
conclusion à laquelle est parvenue la Cour dans son arrêt (par. 102-103).
13. Toutefois, le demandeur a également tenté de soutenir que, en tout
état de cause, l’arrêt de 1996 sur les exceptions préliminaires dans son

ensemble revêtait l’autorité de la chose jugée en la présente espèce et
empêchait ainsi le défendeur de soulever, à ce stade de la procédure, la
question de l’accès à la Cour/de la compétence ratione personae telle
qu’exposée dans la nouvelle «Initiative» du défendeur. Il me semble
néanmoins que présenter le principe de l’autorité de la chose jugée en

droit international comme étant d’application aussi absolue et générale
ne saurait en constituer une interprétation valable.
14. L’article 60 du Statut est généralement considéré comme la dispo-
sition qui exprime le principe de l’autorité de la chose jugée tel qu’appli-

cable à la Cour internationale de Justice.
Les termes de l’article 60 du Statut sont interprétés comme la transpo-
sition concrète dans le Statut de la règle de l’autorité de la chose jugée en
tant que «principe général de droit général reconnu par les nations civi-
lisées». Ainsi, lors des discussions tenues par le comité consultatif de

juristes chargé de rédiger le Statut de la Cour permanente de Justice
internationale, l’un des membres du comité (lord Philimore) avait-il
considéré que, par «principes généraux visés par [le présent article 38]», il
fallait entendre

«ceux qui sont acceptés par toutes les nations in foro domestico, tels
certains principes de procédure, le principe de la bonne foi, le prin-
cipe de la chose jugée, etc.» (CPJI, Comité consultatif de juristes,

Procès-verbaux des séances du Comité , 1920, p. 335).

Néanmoins, la jurisprudence de la présente Cour, notamment dans son
avis consultatif en l’affaire relative à l’Effet de jugements du Tribunal
administratif des Nations Unies accordant indemnité , indique clairement
que le principe visé par l’article 60 du Statut ne peut être considéré
comme une règle absolue pour un tribunal international. Dans cet avis

consultatif, la Cour a déclaré que

«[c]ette règle ... ne peut … être considérée comme interdisant au tri-
bunal de reviser lui-même un jugement, dans des circonstances par-
ticulières, lorsque des faits nouveaux d’importance décisive ont été
découverts» (Effet de jugements du Tribunal administratif des
Nations Unies accordant indemnité, avis consultatif, C.I.J. Recueil

1954, p. 55).
15. Cela est particulièrement vrai lorsqu’il s’agit d’une juridiction inter-

nationale dont la compétence n’est pas à priori déterminée par l’ordre
juridique au sein duquel elle opère, mais est soumise au cadre juridiction-

250 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP. IND. OWADA ) 290

nel élaboré par les parties en litige. Pour cette raison, le juge Jessup, dans
son opinion dissidente jointe à l’arrêt rendu en l’affaire du Sud-Ouest
africain, en 1966, a souligné le caractère relatif de la chose jugée en droit
international en déclarant que «la Cour a toujours la faculté d’examiner

de son propre chef si elle est compétente ou non» (Sud-Ouest africain,
deuxième phase, arrêt, C.I.J. Recueil 1966, p. 333), pour conclure en ces
termes:

«On ne trouve ni dans la jurisprudence des deux Cours, ni dans les
opinions individuelles, ni dans «la doctrine des publicistes les plus
qualifiés» de critères permettant de déterminer automatiquement ce
qui relève ou non de la règle de la chose jugée.» (Ibid.)

Il est de fait essentiel que nous évitions toute application automatique

de la règle de l’autorité de la chose jugée et que nous nous efforcions de
déterminer la portée de ce qui est revêtu de cette autorité dans le contexte
concret de l’affaire considérée.
16. En particulier, s’agissant de la présente espèce, le point crucial est

de savoir si la question de l’accès à la Cour, largement développée par le
défendeur lors de la phase actuelle de la procédure, sur la base de son
«Initiative» de 2001, a été tranchée par la Cour dans son arrêt de 1996
relatif aux exceptions préliminaires à sa compétence et si cette question
doit, dès lors, être considérée comme relevant de la res judicata —«ce

qui a déjà été jugé» — aux fins de la présente espèce.

17. Soulignons que, dans la présente affaire, la question de la qualité
pour agir/de l’accès à la Cour du défendeur n’a, en fait, jamais été sou-
mise à la Cour à l’époque de l’arrêt de 1996 — ni soulevée par le deman-

deur ou le défendeur. Dans les sept exceptions préliminaires relatives à la
compétence de la Cour qu’il a soulevées, le défendeur n’a pas mentionné
cette question de l’accès à la Cour. Fondé qu’il est sur les arguments sou-
mis par les Parties, l’arrêt de 1996 n’aborde pas cet aspect du problème de

la «juridiction» lato sensu, à savoir le problème de la «compétence» de la
Cour pour connaître de l’affaire. Le dispositif de l’arrêt se contente de
rejeter expressément les six — l’une des sept ayant été retirée — excep-
tions préliminaires et, sur cette base, parvient à la conclusion que «sur la
base de l’article IX de la convention sur le génocide, [la Cour] [est] com-

pétente pour se prononcer sur le différend» (Application de la convention
pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzé-
govine c. Yougoslavie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil
1996 (II), p. 623, par. 47, point 2) a) du dispositif).

18. Or, ces termes se démarquent fortement de ceux employés par la
Cour dans son ordonnance du 8 avril 1993 sur la demande en indication
de mesures conservatoires. Dans celle-ci, la Cour attirait l’attention des

Parties sur le fait que

251 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP. IND. OWADA ) 291

«[L]e paragraphe 1 de l’article 35 du Statut de la Cour dispose
que: «La Cour est ouverte aux Etats parties au présent Statut», et
que le paragraphe 1 de l’article 93 de la Charte des Nations Unies
porte que: «Tous les Membres des Nations Unies sont ipso facto

parties au Statut de la Cour internationale de Justice»; et qu’il est
soutenu, dans la requête, que: «En tant que Membres de l’Organisa-
tion des Nations Unies, la Bosnie-Herzégovine et la Yougoslavie
(Serbie et Monténégro) sont parties au Statut»; et que cependant la
Bosnie-Herzégovine indique dans sa requête que la «continuité»

entre la Yougoslavie et l’ex-République fédérative socialiste de You-
goslavie, Etat Membre des Nations Unies, «a été vigoureusement
contestée par l’ensemble de la communauté internationale, y compris
par le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies ...
ainsi que par l’Assemblée générale»; que référence est faite, à cet

égard, notamment à la résolution 777 (1992) du Conseil de sécurité
et à la résolution 47/1 de l’Assemblée générale.» (Application de la
convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie), mesures conservatoires, ordon-

nance du 8 avril 1993, C.I.J. Recueil 1993 , p. 12, par. 15.)

Ayant examiné le contenu de la résolution 777 du Conseil de sécurité
(1992) et la résolution 47/1 de l’Assemblée générale, ainsi que la lettre du
Secrétaire général adjoint et conseiller juridique de l’Organisation des

Nations Unies en date du 29 septembre 1992 dans laquelle celui-ci faisait
état de la «position réfléchie du Secrétariat des Nations Unies en ce qui
concerne les conséquences pratiques de l’adoption par l’Assemblée géné-
rale de la résolution 47/1» (ibid., p. 13, par. 17), la Cour a déclaré que

«si la solution adoptée ne laisse pas de susciter des difficultés juri-
diques, la Cour n’a pas à statuer définitivement au stade actuel de la
procédure sur la question de savoir si la Yougoslavie est ou non
membre de l’Organisation des Nations Unies et, à ce titre, partie au

Statut de la Cour» (ibid., p. 14, par. 18; les italiques sont de moi).

Il ressort ainsi clairement que, dans l’ordonnance de 1993, la Cour s’est
délibérément abstenue d’exposer sa position sur cette question cruciale,

tout en réservant implicitement sa «décision définitive» sur la question.
19. En dépit de ces éléments et du fait qu’elle ne pouvait ignorer cette
question de l’incertitude juridique entourant le statut du défendeur (qua-
lité pour agir) à son égard, la Cour n’a pas mentionné cet aspect du pro-

blème de «juridiction» lato sensu dans son arrêt de 1996 et a décidé
qu’elle avait

«compétence, sur la base de l’article IX de la convention pour la
prévention et la répression du crime de génocide, pour statuer sur

le différend »( Application de la convention pour la prévention et la

252 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE OP .IND .OWADA ) 292

répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Yougosla-

vie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II) , p. 623,
par. 47, point 2) a) du dispositif; les italiques sont de moi).

Plus précisément, aux paragraphes 41 et 42 de l’arrêt de 1996, la Cour
a déclaré:

«41. Il découle de ce qui précède que la Cour ne peut retenir
aucune des bases supplémentaires de compétence invoquées par le

demandeur et qu’elle n’est compétente pour connaître de l’affaire
que sur la base de l’article IX de la convention sur le génocide.
42. S’étant prononcée sur les exceptions soulevées par la Yougo-
slavie au sujet de sa compétence, la Cour passera maintenant à l’exa-

men des exceptions yougoslaves qui ont trait à la recevabilité de la
requête.» (Ibid., p. 621.)

Ce passage peut uniquement s’interpréter comme signifiant que, en
matière de compétence, seules les questions soulevées par les Parties rete-
naient l’attention de la Cour. L’énoncé de l’arrêt laisse fortement en-
tendre qu’en faisant cette déclaration ainsi que celles qui suivaient, y

compris le paragraphe 46 et le point 2) a) du dispositif, la Cour répondait
aux questions de juridiction stricto sensu soulevées par le défendeur, sans
examiner la question de l’accès à la Cour, question qui, par nature,
était indépendante de l’argumentation des Parties et devait être réglée
par la Cour en tant que question objective.

20. De cet ensemble de faits entourant l’arrêt de 1996 devrait claire-
ment apparaître que la question ici n’est pas de savoir si le principe de
l’autorité de la chose jugée, tel qu’énoncé à l’article 60 du Statut, doit être
respecté ou non. Il ne fait pas de doute qu’il s’agit d’un principe qui, en

tant que principe juridique, doit être respecté par la Cour, sous réserve
bien sûr de toutes les précautions que j’ai déjà évoquées. La question
n’est pas non plus de savoir si ce principe s’applique uniquement aux
décisions sur le fond ou s’il s’étend à ses décisions d’ordre procédural,
tranchant notamment les questions de compétence. A l’évidence, ce prin-

cipe devrait s’appliquer aux deux. Il ne s’agit même pas de savoir si l’arrêt
de 1996, en tant que proposition générale, revêt l’autorité de la force
jugée — tel est incontestablement le cas. Sur tous ces points, je souscris à
la position adoptée par la Cour dans le présent arrêt.
21. La seule question, déterminante, est de savoir ce qui exactement,

dans l’arrêt de 1996, doit être considéré comme revêtant l’autorité de la
chose jugée aux fins du présent arrêt.
22. Il est peut-être à regretter, dans ce contexte, que la Serbie-et-Mon-
ténégro ait porté cette question devant la Cour en 2001 sous forme d’une
demande en revision de l’arrêt de 1996 (Demande en revision de l’arrêt du

11 juillet 1996 en l’affaire relative à l’ Application de la convention pour
la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine

253 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP. IND .OWADA ) 293

c. Yougoslavie), exceptions préliminaires (Yougoslavie c. Bosnie-Herzé-

govine) (ci-après dénommée l’affaire de la «Revision de l’arrêt de 1996» ),
plutôt que sous forme d’une demande d’interprétation de l’arrêt de 1996.
Comme la première portait uniquement sur l’application de l’article 61
du Statut, la Cour a, en 2003, rendu — à juste titre selon moi — un arrêt
s’inscrivant dans les strictes limites édictées par l’article 61. Si cette ques-

tion avait été soumise sous la forme d’un nouveau différend relatif à
l’interprétation de l’arrêt de 1996 sur le point de savoir si celui-ci couvrait
la question de l’accès du défendeur à la Cour, c’est-à-dire sous la forme
d’une «contestation sur le sens et la portée de l’arrêt» au sens de l’ar-
ticle 60, la Cour aurait eu la possibilité, en 2003, de se pencher sur cette

question.
23. Quoi qu’il en soit, il semble difficile d’affirmer, à la lumière du
tableau dressé ci-dessus, que la Cour, bien que pleinement informée du
problème dont elle avait déjà admis l’existence dans l’ordonnance rendue

le 8 avril 1993 et qu’elle avait délibérément choisi d’ignorer, aurait de fait
procédé, en 1996, à un examen de cette question sans toutefois se pro-
noncer sur elle expressis verbis dans l’arrêt, et aurait «définitivement sta-
tué» sur cette question sous la forme d’un dispositif. Si tel avait été le cas,
sans aucun doute devrions-nous considérer cet aspect spécifique du pro-

blème comme nécessairement couvert par l’application du principe de
l’autorité de la chose jugée.
24. Compte tenu des circonstances qui, ainsi que le démontre l’examen
du contexte factuel, prévalaient en 1996, il apparaît cependant difficile à
mes yeux d’accepter l’argument du demandeur selon lequel la Cour

aurait tranché, en fait, la question de l’accès à la Cour, que, partant, cette
question tomberait nécessairement sous le coup de l’arrêt de 1996 en ce
qu’elle fait partie intégrante de la chose jugée par l’arrêt de 1996 et que,
dès lors, elle ne saurait à priori être examinée par la Cour à ce stade.
25. En réalité, divers points transparaissent des conclusions dévelop-

pées par la Cour dans son arrêt de 2004. En ce sens, les réflexions expo-
sées plus haut ne font que réaffirmer ce qu’avait indiqué celle-ci dans son
arrêt de 2004.
26. Ayant ainsi exposé le fond de ma position, je dois néanmoins pré-
ciser qu’il subsiste un point sur lequel la Cour aurait dû, dans le contexte

spécifique de l’espèce, se pencher. Ce point constitue d’ailleurs, selon moi,
le facteur déterminant qui distingue la présente affaire de celles relatives à
la Licéité de l’emploi de la force tranchées en 2004. L’élément essentiel
qui distingue la présente affaire de ces dernières réside, à mon sens, dans
les délais dont disposait la Cour pour examiner un problème identique —

la qualité pour agir/l’accès à la Cour de la Serbie-et-Monténégro — dans
les affaires relatives à la Licéité de l’emploi de la force d’une part et dans
la présente affaire d’autre part.
27. Dans les affaires relatives à la Licéité de l’emploi de la force ,e l
dépôt de la requête intervint le 29 avril 1999 et, ce jour-là, une demande

en indication de mesures conservatoires de protection fut soumise par le
demandeur en l’affaire, la Serbie-et-Monténégro. Par l’ordonnance du

254 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP.IND .OWADA ) 294

2 juin 1999, la Cour rejeta cette demande au motif qu’elle n’avait pas

compétence prima facie pour connaître des affaires en question (C.I.J.
Recueil 1999 (I), p. 134, par. 26). La procédure ne connut de nouveau
développement que bien après 2000, date d’admission de la Serbie-et-
Monténégro à l’Organisation des Nations Unies. C’est en 2004 que la
Cour eut pour la première fois la possibilité, à l’occasion de son arrêt sur

les exceptions préliminaires rendu dans ces affaires, d’entreprendre un
examen complet du problème de la compétence à l’égard de celles-ci, y
compris la question de l’accès du demandeur à la Cour.
28. C’est donc en 2004 que la Cour fut pour la première fois en mesure
de se pencher sur la question de la qualité pour agir du demandeur dans

le contexte du statut juridique de la République fédérale de Yougoslavie
(ci-après dénommée «la RFY»), c’est-à-dire sur la question de savoir si le
demandeur (la Serbie-et-Monténégro) remplissait les conditions visées
aux articles 34 et 35 du Statut et si la Cour était ouverte au demandeur.

Dans l’arrêt lui-même, la Cour déclara pour la première fois en 2004:

«[c]e n’est que si la réponse à cette question est affirmative que la
Cour aura à examiner les questions relatives aux conditions énon-
cées aux articles 36 et 37 du Statut de la Cour» (voir Licéité de
l’emploi de la force, exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil
2004, p. 299, par. 46).

Sur la base d’un examen détaillé des éléments de fait et de droit connus
d’elle à l’époque, la Cour parvint à la conclusion que le demandeur

n’avait pas été membre de l’Organisation des Nations Unies pendant la
période critique comprise entre 1999 et 2000 et qu’il ne remplissait donc
pas les conditions fixées par l’article 35 du Statut. Il s’ensuivait par consé-
quent que le demandeur n’avait pas accès à la Cour et que, partant,
celle-ci n’était pas compétente pour connaître des affaires en question.

29. En parvenant à cette conclusion, la Cour savait parfaitement que
le demandeur en ces affaires, la RFY (la Serbie-et-Monténégro), avait, en
2003, dans l’affaire de la Revision de l’arrêt de 1996 , présenté un argu-
ment qui était pour l’essentiel le même que celui invoqué par le défendeur
en l’espèce, à savoir que la RFY n’était pas partie au Statut à la date

d’introduction de l’instance relative à la convention sur le génocide en
1993. A cela, le défendeur en l’affaire de la Revision de l’arrêt de 1996 ,la
Bosnie-Herzégovine, répondit entre autres choses que l’arrêt de 1996 sur
les exceptions préliminaires en la présente affaire était revêtu de l’autorité
de la chose jugée (cf. observations écrites de la Bosnie-Herzégovine en

date du 3 décembre 2001 sur l’affaire de la Revision de l’arrêt de 1996 ,
par. 5.36), que la Serbie-et-Monténégro avait acquiescé à la compétence
de la Cour fondée sur sa qualité de Membre de l’Organisation des
Nations Unies et de partie au Statut et ne pouvait revenir sur cette posi-
tion (ibid., par. 4.4-4.7), et que la Serbie-et-Monténégro était empêchée,

par l’estoppel ou en vertu du principe général de la bonne foi, d’invoquer
sa propre erreur dans l’interprétation de la situation juridique (ibid.,

255 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE OP .IND .OWADA ) 295

par. 4.19). Il soutenait également que la Cour devait avoir compétence en

vertu du paragraphe 2 de l’article 35 du Statut (Revision de l’arrêt de
1996, par. 5.1-5.27).
30. Néanmoins, dans son arrêt rendu en l’affaire de la Revision de
l’arrêt de 1996, la Cour ne s’est prononcée sur aucune de ces affirmations
pour la simple raison qu’elle avait considéré que sa tâche se limitait à exa-

miner uniquement la question de savoir si un «fait nouveau» avait été
découvert qui permît de juger remplies les conditions énoncées à l’ar-
ticle 61 du Statut. C’est sur cette base, et sur cette base seulement, que la
Cour a rejeté la demande en revision du demandeur — la Serbie-et-Mon-
ténégro. C’est pendant cette même période qui s’était ouverte par les évé-

nements nouveaux de 2000 que la Cour a eu pour la première fois l’occa-
sion, en 2004, d’examiner la question de sa compétence pour connaître
des affaires introduites par la RFY en tant que demandeur, et notam-
ment la question de l’accès de ce dernier à la Cour. A la lumière des cir-

constances qui avaient été clarifiées après 2000, la Cour est parvenue à la
conclusion bien connue qu’elle n’avait pas compétence au motif que, au
vu des faits dont elle disposait à l’époque, le demandeur n’avait pas qua-
lité pour agir devant elle.

31. Par contraste, la situation juridique entourant l’arrêt de 1996 sur
les exceptions préliminaires en l’espèce était très différente. Ainsi qu’il a
déjà été indiqué, dans son ordonnance du 8 avril 1993 sur la demande en
indication de mesures conservatoires, la Cour avait déclaré:

«si la solution adoptée [aux Nations Unies à l’époque considérée] ne
laisse pas de susciter des difficultés juridiques, la Cour n’a pas à sta-
tuer définitivement au stade actuel de la procédure sur la question de

savoir si la Yougoslavie est ou non membre de l’Organisation des
Nations Unies et, à ce titre, partie au Statut de la Cour» (Applica-
tion de la convention pour la prévention et la répression du crime de
génocide (Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie), mesures conserva-
toires, ordonnance du 8 avril 1993, C.I.J. Recueil 1993, p. 14, par. 18;

les italiques sont de moi).
C’est en 1996, bien avant 2000, que la Cour, dans son arrêt sur les

exceptions préliminaires, a conclu qu’elle avait
«compétence, sur la base de l’article IX de la convention pour la

prévention et la répression du crime de génocide, pour statuer sur le
différend» (C.I.J. Recueil 1996 (II), par. 47, point 2) a) du dispo-
sitif, p. 623).

32. Ainsi, si nous acceptons que la Cour a, par cet arrêt, effectivement
tranché l’ensemble des questions de compétence stricto sensu soulevées
par le défendeur et déclaré qu’«elle a[vait] compétence pour statuer sur le
différend», cette décision peut uniquement signifier, en droit, que tous les

actes qui devaient être accomplis avant que la Cour ne puisse procéder à
l’examen du fond de l’affaire avaient été accomplis en 1996, bien avant

256 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE OP .IND .OWADA ) 296

que la situation juridique concernant le statut de la RFY ne soit finale-

ment clarifiée à la lumière des faits nouveaux survenus en 2000. C’est ce
qui, selon moi, différencie de manière décisive l’arrêt de 1996 de celui de
2004, tous deux consacrés aux exceptions préliminaires à la compétence.
33. Il est vrai que l’arrêt de 1996 ne fait pas expressément référence à
la question de la situation juridique du défendeur à l’égard du Statut de

la Cour, ni ne «statue définitivement» sur celle-ci. Néanmoins, il est tout
simplement impossible de supposer que la Cour ait pu ne pas avoir cons-
cience que se posait la question du statut juridique du défendeur (c’est-
à-dire de la qualité pour agir de celui-ci/de son accès à la Cour), déjà
identifiée et expressément mentionnée dans son ordonnance de 1993.

Dans ces circonstances, la conclusion s’impose que, quel que soit le point
de vue adopté par la Cour à l’époque de l’arrêt de 1996 sur la question du
statut juridique de la RFY pendant la période pertinente (de 1993 à
1996), elle n’a pas, du moins à l’époque de l’arrêt de 1996, contesté àa l

RFY sa capacité à agir devant elle aux termes du Statut. Puisque la ques-
tion de la qualité d’une partie pour agir devant la Cour doit être consi-
dérée comme précédant logiquement les questions de compétence stricto
sensu — à savoir les questions de compétence ratione personae, ratione
materiae et ratione temporis aux termes des instruments juridiques perti-

nents constituant le titre de compétence de la Cour dans une affaire
concrète —, l’on voit mal, d’un point de vue juridique, comment la Cour
elle-même, lorsqu’elle a indiqué dans son arrêt de 1996 qu’«elle a[vait]
compétence pour statuer sur le différend» — et non simplement une com-
pétence prima facie mais une compétence ratione personae, ratione mate-

riae et ratione temporis —, pourrait ne pas avoir tranché, et avoir laissé
en suspens, ce qui constitue la prémisse logique d’un tel prononcé, à
savoir que le défendeur avait qualité pour agir devant elle, sur quelque
fondement que ce fût. En d’autres termes, cet arrêt doit être considéré en
droit comme ayant «statué définitivement», pour reprendre l’expression

contenue dans l’ordonnance de 1993, en ce qui concerne la présente
affaire.
34. Soulignons que cette position doit être strictement distinguée de
celle fondée sur «l’acceptation tacite» ou «l’acceptation implicite» de
compétence. Cette logique ne vaut qu’en tant que la Cour elle-même, par

implication juridique, doit être réputée en droit avoir réglé la question de
l’accès à la Cour, condition logique à remplir par cette dernière pour
qu’elle puisse établir sa compétence ratione personae, ratione materiae et
ratione temporis. Si cette question n’avait pas été réglée, la Cour n’aurait
pu procéder à l’examen de la compétence stricto sensu.

35. Il en découle en outre, pour autant qu’il soit admis que la Cour est
réputée, par implication juridique, avoir «statué définitivement», bien
que ne l’indiquant pas expressément dans l’arrêt, que la question de
l’accès à la Cour doit également être considérée comme relevant de la

chose jugée par l’arrêt de 1996.

257 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP. IND. OWADA ) 297

36. Pourrait encore être avancé l’argument selon lequel jusqu’en 2000,
c’est-à-dire jusque bien après l’arrêt de 1996, les Parties, tout comme la
Cour, ont agi en se fondant sur la conclusion, amenée par la Cour elle-

même, que le défendeur avait effectivement qualité pour agir devant elle,
et que ce fait en lui-même constitue une situation juridique objective qui
ne peut plus être ignorée à ce stade par les Parties et par la Cour.

37. En un mot, mon opinion sur la question est que la Cour elle-même,

et non le défendeur, est à présent empêchée d’adopter à ce stade une posi-
tion différente, qui serait diamétralement opposée à celle qu’elle est elle-
même réputée avoir, en droit, définitivement adoptée en l’espèce. Le prin-
cipe de cohérence en tant que condition essentielle de la stabilité des

relations juridiques devrait conforter une telle approche.

III. LA NATURE DES OBLIGATIONS PRÉVUES PAR LA CONVENTION
SUR LE GÉNOCIDE

38. Au paragraphe 179 du présent arrêt, la Cour conclut que

«les parties contractantes sont tenues en vertu de la Convention de
ne pas commettre, par l’intermédiaire de leurs organes ou de per-
sonnes ou groupes de personnes dont le comportement leur est attri-
buable, le génocide ni aucun des autres actes énumérés à l’ar-

ticle III» (arrêt, par. 179; les italiques sont de moi).
39. Je souscris à cette conclusion de la Cour dans ses termes généraux,
et j’ai donc voté en faveur des paragraphes correspondants du dispositif

(dispositif, points 2) à 5)).
40. Je n’en tiens pas moins à indiquer ici que — tout en acceptant la
position de la Cour selon laquelle le défendeur, «par l’intermédiaire de
[ses] organes ou de personnes ou groupes de personnes dont le compor-

tement [lui] est attribuable» (arrêt, par. 179), peut non seulement enga-
ger sa responsabilité internationale à raison des actes de génocide ou des
autres actes, énumérés à l’article III, commis par ces organes ou per-
sonnes ou groupes en droit international, mais peut aussi avoir à répon-

dre devant cette Cour de tous faits internationalement illicites relevant de
la compétence de celle-ci aux termes de l’article IX de la convention sur le
génocide — je ne puis souscrire au raisonnement juridique par lequel la
Cour est parvenue à cette conclusion, dans la mesure où il se fonde essen-
tiellement sur les conclusions touchant à la portée de l’article premier de

la Convention.
41. Dans la partie centrale de l’arrêt consacrée à la responsabilité
directe de l’Etat pour génocide, la Cour déclare:

«L’article premier [de la convention sur le génocide] fait obliga-
tion aux Etats parties de prévenir la commission d’un génocide, qu’il
qualifie de «crime du droit des gens». Il n’impose pas expressis

258 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP. IND. OWADA ) 298

verbis aux Etats de s’abstenir de commettre eux-mêmes un génocide.

De l’avis de la Cour, cependant, eu égard à l’objet de la Convention
tel que généralement accepté, l’article premier a pour effet d’interdire
aux Etats parties de commettre eux-mêmes un génocide. Une telle
prohibition résulte, d’abord, de la qualification de «crime du droit
des gens» donnée par cet article au génocide:en acceptant cette qua-

lification, les Etats parties s’engagent logiquement à ne pas com-
mettre l’acte ainsi qualifié. Elle résulte, ensuite, de l’obligation, expres-
sément stipulée, de prévenir la commission d’actes de génocide.
Cette obligation impose notamment aux Etats parties de mettre en
Œuvre les moyens dont ils disposent, dans des conditions qui seront

précisées plus loin dans le présent arrêt, afin d’empêcher des per-
sonnes ou groupes de personnes qui ne relèvent pas directement de
leur autorité de commettre un acte de génocide ou l’un quelconque
des autres actes mentionnés à l’article III. Il serait paradoxal que les

Etats soient ainsi tenus d’empêcher, dans la mesure de leurs moyens,
des personnes sur lesquelles ils peuvent exercer une certaine influence
de commettre le génocide, mais qu’il ne leur soit pas interdit de com-
mettre eux-mêmes de tels actes par l’intermédiaire de leurs propres
organes, ou des personnes sur lesquelles ils exercent un contrôle si

étroit que le comportement de celles-ci leur est attribuable selon le
droit international. En somme, l’obligation de prévenir le génocide
implique nécessairement l’interdiction de le commettre. » (Arrêt,
par. 166; les italiques sont de moi.)

42. A mes yeux, il ne fait aucun doute que, en vertu du droit général de
la responsabilité des Etats, la responsabilité internationale d’un Etat est
engagée lorsqu’une personne physique ou morale agissant en tant
qu’organe de cet Etat ou à tout autre titre rendant son acte imputable à
ce dernier est tenue pour responsable de ce fait internationalement illicite.

43. Je puis également approuver sans difficulté la thèse selon laquelle
le principe fondamental sous-jacent de la convention sur le génocide
consiste à qualifier le génocide défini dans la Convention de «crime
[odieux] du droit des gens» (art. I), que les Etats membres de la commu-

nauté internationale, collectivement en tant que communauté et séparé-
ment à titre individuel, ont obligation de prévenir et de réprimer, et à
fortiori de ne pas commettre eux-mêmes.
44. Pour autant, je ne pense pas que cette proposition générale im-
plique que la Convention, en tant que telle, doive ainsi être nécessairement

considérée comme imposant, en vertu de l’article premier — et bien que
cet article ne contienne aucune disposition sur ce point à l’égard des Etats
parties —, aux Etats parties l’obligation de s’engager à ne pas commettre
d’acte de génocide et à accepter une responsabilité internationale directe à
raison de ces actes, et de répondre de ceux-ci aux termes de la Conven-

tion. La question n’est pas de savoir si une telle obligation de la part des
Etats existe ou non en droit international contemporain; la question est

259 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP. IND. OWADA ) 299

de connaître l’origine d’une telle obligation, si elle existe, aux fins de la
présente affaire.

45. Il me semble parfaitement clair, d’après son titre même et sa struc-
ture d’ensemble, que le but et l’objet de la Convention sont d’instituer un
contrat solennel entre les Etats parties par lequel ceux-ci confirment que
«le génocide [défini par la Convention] est un crime du droit des gens»

qu’ils «s’engagent à prévenir et à punir» (art. I), en mettant essentielle-
ment l’accent, comme moyen concret de réaliser cet engagement, sur les
poursuites engagées contre les individus coupables de ce crime. Aucune
disposition de la Convention ne prescrit aux Etats parties l’obligation de
s’engager à ne pas commettre eux-mêmes d’acte de génocide et d’assumer

la responsabilité découlant directement d’une violation de l’obligation
visée par la Convention. Celle-ci constituant un contrat solennel entre
Etats souverains, je ne pense pas que l’on puisse simplement présumer
qu’un tel engagement est implicitement contracté par les Etats parties à la

Convention alors que cette dernière est muette sur ce point.

46. Pour reprendre un prononcé célèbre de la Cour permanente de

Justice internationale, l’un des principes fondamentaux reconnus par
l’ordre juridique international contemporain est que:

«Le droit international régit les rapports entre des Etats indépen-
dants. Les règles de droit liant les Etats procèdent donc de la volonté
de ceux-ci, volonté manifestée dans des conventions ou dans des
usages acceptés généralement comme consacrant des principes de

droit et établis en vue de régler la co-existence de ces communautés
indépendantes ou en vue de la poursuite de buts communs. Les
limitations de l’indépendance des Etats ne se présument donc pas .»
(Lotus, arrêt n 9, 1927, C.P.J.I. série A n o 10, p. 18; les italiques

sont de moi.)

47. Dans le même ordre d’idées, concernant une affaire qui posait la
question de savoir si pouvait être déduit d’un traité qui n’en disait mot un
certain degré d’autonomie accordé par l’une des parties, cette même Cour
a déclaré:

«l’exercice [des pouvoirs autonomes] exige l’existence d’une règle
juridique qui ne peut pas être tirée du silence de l’acte dont l’auto-

nomie tire sa source, ni d’une interprétation ayant en vue d’élargir
l’autonomie en empiétant sur le fonctionnement du pouvoir souve-
rain» (Interprétation du statut du territoire de Memel, fond, arrêt,
1932, C.P.J.I. série A/B n o49, p. 313; les italiques sont de moi).

48. De plus, quand bien même une telle présomption serait autorisée

dans le présent contexte, elle serait certainement réfragable — puisqu’elle
pourrait en effet être contredite au vu de la genèse de la Convention,
comme je le démontrerai plus loin.

260 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE OP .IND .OWADA ) 300

49. Il va de soi que, en affirmant cela, il ne s’agit pas pour moi de lais-

ser entendre un seul instant que le droit international, sous sa forme
actuelle, laisse aux Etats la liberté de commettre un acte de génocide. Ma
position ne saurait être plus éloignée d’une telle idée. J’affirme simple-
ment que le but et l’objet de la Convention concernent la question de la
prévention et de la répression de cet acte odieux qu’est le génocide,

unanimement rejeté et condamné par la communauté internationale, la-
quelle le qualifie de crime international et punit, au titre de leur respon-
sabilité pénale, les individus qui se sont rendus coupables de génocide.
50. Soulignons que cette approche va également dans le sens de celle
adoptée par le tribunal militaire international de Nuremberg, qui a lar-

gement inspiré la convention sur le génocide. Le tribunal, célèbre pour sa
phrase selon laquelle «[c]e sont les hommes, et non des entités abstraites,
qui commettent les crimes [de] droit international…» (jugement du
Tribunal militaire international, procès des grands criminels de guerre ,

1947, t. 1, p. 235), a puni les individus impliqués, et non l’Etat en tant
que tel.
51. Il va sans dire qu’un Etat, en tant que personne morale, agit tou-
jours par l’intermédiaire d’individus qui sont ses organes et interviennent
en son nom, et que les actes de ces individus constituent, en droit, des

actes de l’Etat. Partant, un acte commis par ceux-ci en tant qu’organes de
l’Etat doit être considéré comme un acte de l’Etat au nom duquel ils
agissent, acte qui, pour peu qu’il puisse être qualifié de fait interna-
tionalement illicite, est susceptible d’emporter la responsabilité inter-
nationale de l’Etat concerné. C’est précisément pour cette raison que la

Convention traite de cette question à son article IV.
52. La question ici est toutefois différente. Même si l’on admet que,
dans un grand nombre de cas de génocide, c’est l’Etat qui est le véritable
coupable, y compris lorsque ce dernier est le fait d’un individu agissant en
qualité d’organe de cet Etat, la question qui se pose en relation avec la

Convention est de savoir si celle-ci, telle qu’elle est structurée, a pour
objet d’amener directement l’Etat à répondre de l’acte déclaré constituer
un crime international aux termes de la Convention. Selon moi, la ques-
tion consiste à déterminer quelle est, parmi les trois approches suivantes,
celle adoptée par la Convention comme moyen de réaliser le but et l’objet

de celle-ci consistant à prévenir et à punir le génocide:

a) l’approche consistant à amener l’individu ayant effectivement parti-
cipé à l’acte en question à répondre d’un crime de génocide, ce qui, en

droit pénal, exige l’existence du dolus specialis de la part du cou-
pable;
b) l’approche consistant à amener l’Etat au nom duquel l’individu a
accompli cet acte à répondre d’un fait internationalement illicite au
sens du droit international de la responsabilité des Etats; ou

c) l’approche consistant à amener l’individu et l’Etat à répondre consé-
cutivement.

261 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP. IND. OWADA ) 301

Dans tous les cas, il est clair que la Convention a rejeté une autre pos-

sibilité, à savoir d) l’approche consistant à amener l’Etat à répondre
directement d’un crime international de génocide , au motif qu’un Etat ne
saurait commettre de crime au sens pénal.
53. Sur la base d’une interprétation naturelle des dispositions de la
Convention relativement au but et à l’objet de celle-ci tels que reflétés

dans sa structure, renforcée par la genèse de cette même Convention telle
qu’elle ressort des travaux préparatoires, je suis persuadé — laissant pour
le moment de côté les conséquences juridiques que la modification du
libellé de l’article IX devait ultérieurement entraîner (point que j’aborde-
rai plus loin dans la présente opinion) — que toutes les preuves dont nous

disposons convergent vers ceci que la Convention retint dès l’origine
l’approche a), à savoir celle consistant à poursuivre l’objectif de prévenir
et de réprimer — et par là même bannir — le génocide en tant que «crime
international», en poursuivant essentiellement pour ce faire les individus

à l’origine de l’acte criminel assorti du dolus specialis, qu’ils aient agi en
qualité d’organes de l’Etat ou à tout autre titre. Les dispositions de l’ar-
ticle IV attestent clairement de cette approche. Par ailleurs, le fait que
l’article II mette l’accent sur le dolus specialis en tant qu’élément consti-
tutif essentiel du crime de génocide tend également à confirmer cette

interprétation.
54. Il convient de noter à ce propos que rien dans cette approche de la
Convention ne contredirait ou n’exclurait logiquement la proposition
contenue dans l’approche b). Ainsi qu’il est indiqué plus haut (par. 41 et
suiv.), si un acte commis par un individu agissant en tant qu’organe d’un

Etat équivaut à un fait internationalement illicite, le droit de la respon-
sabilité des Etats l’attribue à l’Etat au nom duquel l’individu a agi en tant
qu’organe, exposant ainsi la responsabilité internationale de l’Etat en
question à raison de cet acte. Il s’agit là toutefois d’une situation juri-
dique découlant des règles du droit international général et qui est sans rap-

port avec la question de la portée des obligations énoncées par la Conven-
tion dans ses dispositions de nature substantielle (à savoir les articles I à
VII). En d’autres termes, l’approcheb) serait certainement viable, sur la
base du lien juridique qui pourrait exister en droit international entre,
d’une part, le droit de l’Etat lésé au travers de l’un de ses ressortissants

victime du crime de génocide d’obtenir réparation de ce fait internatio-
nalement illicite et, d’autre part, les obligations découlant pour l’autre
Etat de ce fait internationalement illicite.

55. S’agissant d’une proposition générale de droit sur ce lien juridique,

je ne désapprouve pas la position suivante énoncée dans l’arrêt:

«La Cour relève que cette dualité en matière de responsabilité [à
savoir la responsabilité d’un individu et la responsabilité de l’Etat au

nom duquel l’individu a agi, existant côte à côte] continue à être une
constante du droit international. Cet élément figure au paragraphe 4

262 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE OP .IND .OWADA ) 302

de l’article 25 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale,

auquel sont à présent parties cent quatre Etats: «Aucune disposition
du présent Statut relative à la responsabilité pénale des individus
n’affecte la responsabilité des Etats en droit international.» La Cour
relève également que les articles de la CDI sur la responsabilité de
l’Etat pour fait internationalement illicite ... abordent, à l’article 58,

la question par son autre aspect: «Les présents articles sont sans
préjudice de toute question relative à la responsabilité individuelle
d’après le droit international de toute personne qui agit pour le
compte d’un Etat.»...» (Arrêt, par. 173.)

56. Je dirais toutefois que cet argument, bien que certainement valide,
porte à faux. En effet, il est question non de savoir si le droit international
reconnaît cette «dualité en matière de responsabilité» (ibid.), ce qu’il fait

manifestement, mais de savoir si la convention sur le génocide se fonde
sur une telle approche s’articulant autour d’une «dualité en matière de
responsabilité» (ibid.) pour amener l’Etat à répondre directement, aux
termes de la Convention, de son fait internationalement illicite, et pour
amener également l’individu à répondre de son crime de génocide tel que

défini dans la Convention. Je n’ai pas le sentiment que la portée des dis-
positions de nature substantielle de la Convention s’étende à ce premier
aspect lié à la responsabilité directe de l’Etat. La Convention, en tant que
telle, n’aborde pas ce lien juridique et s’en remet à cet égard au droit
international général.

57. A ce propos, il convient de noter que l’arrêt affirme que
«la Cour tire sa compétence de l’article IX de la Convention et que

[le fait que] les différends qui relèvent de cette compétence portent
sur «l’interprétation, l’application ou l’exécution de» la Convention
n’a pas nécessairement pour conséquence que seule doive entrer en
ligne de compte cette Convention»,

pour ajouter:
«Afin de déterminer si, comme le soutient le demandeur, le défen-

deur a violé l’obligation qu’il tient de la Convention et, s’il y a eu
violation, d’en déterminer les conséquences juridiques, la Cour fera
appel non seulement à la Convention proprement dite, mais aussi
aux règles du droit international général qui régissent l’interpréta-
tion des traités et la responsabilité de l’Etat pour fait internationa-

lement illicite.» (Arrêt, par. 149.)
58. Cette approche de l’arrêt nous conduit toutefois à observer que la

question des règles du droit international général sur la responsabilité des
Etats est une question de fond distincte, indépendante de celle de la por-
tée de l’article premier de la Convention dans le présent contexte; en
effet, le point de savoir si tel acte d’un Etat constitue une violation de
l’obligation souscrite par celui-ci aux termes de l’article premier de la

Convention est une chose; rechercher si le même acte constitue un fait
internationalement illicite en droit international général en est une autre.

263 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE OP .IND .OWADA ) 303

La première question ne saurait être tranchée via la seconde. De mon

point de vue, la question de la responsabilité de l’Etat en ce sens, que le
droit international général pourrait certainement admettre à raison de la
commission du crime de génocide par un individu, constitue une question
distincte de la responsabilité de l’Etat résultant de l’attribution à celui-ci
de l’acte en question et non directement de l’article premier de la Conven-

tion. Partant, la Cour pourrait être compétente à cet égard en vertu de
son article IX, à condition d’établir que cet aspect de la responsabilité de
l’Etat en droit international général tombe dans le champ d’application
de l’article IX, non par «interprétation, application ou exécution de la
Convention», mais par quelque moyen de faire indirectement relever

cette question de la compétence de la Cour. Je ne pense pas que celle-ci
puisse d’office étendre sa compétence à la question de droit international
général considérée — comme si un processus d’interprétation des obliga-
tions spécifiques prévues dans la Convention permettait une telle séquence

logique.

59. Au vu du contexte, il y a donc lieu d’établir avec précision le cadre
juridictionnel dans lequel évolue la Cour en l’espèce, cadre fourni par

l’article IX de la Convention. A cet égard, la formule standard que l’on
retrouve habituellement dans la clause compromissoire de nombreux trai-
tés — et la formule qui avait d’ailleurs été initialement retenue dans la
clause compromissoire de la Convention, qui nous intéresse ici — ne
nous permettrait pas d’aborder ces questions de droit international géné-

ral, à savoir les questions ayant trait à la responsabilité internationale
d’un Etat au titre d’un fait internationalement illicite relevant du droit
international général mais non de dispositions spécifiques du traité en
question. La question n’entrerait pas dans le champ opérationnel d’une
telle clause compromissoire limitant la compétence de la Cour à des ques-

tions relatives à «l’interprétation et l’application de la présente Conven-
tion».
60. La question essentielle consiste donc à savoir si les termes ajoutés
à la version initiale de l’article IX ont modifié cette situation juridique,
notamment du point de vue de la portée de la compétence de la Cour, de

manière à faire entrer dans le champ d’application de la Convention la
question de la responsabilité d’un Etat en droit international général à
raison de faits internationalement illicites résultant de la commission du
crime de génocide par des individus, expressément visée par la Conven-
tion.

61. Afin d’établir ce point, un examen attentif des travaux prépara-
toires concernant l’histoire rédactionnelle de cet article semble s’imposer,
notamment parce que le libellé modifié de l’article IX est si ambigu qu’il
le rend «[dénué] de sens bien défini» pour certains. (Voir, par exemple, la
déclaration du juge Oda dans l’arrêt de 1996, C.I.J. Recueil 1996 (II) ,

p. 628, par. 5.) En d’autres termes, nous nous trouvons ici précisément
dans un cas où «l’interprétation donnée conformément à [la règle générale

264 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP.IND .OWADA ) 304

d’interprétation énoncée à] l’article 31: a) laisse le sens ambigu ou
obscur,oub)conduitàunrésultatquiestmanifestementabsurdeoudéraison-
nable» (Convention de Vienne sur le droit des traités, art. 32).

62. Comme cela a souvent été relevé, la terminologie particulière de
l’article IX, qui résulte, notamment, de l’adjonction du membre de phrase
«y compris les différends relatifs à la responsabilité d’un Etat au titre de
l’un quelconque des actes énumérés aux articles II et IV [aujourd’hui
article III]», fut proposée par voie d’amendement à l’article X (actuel

article IX) du projet initial de convention, amendement déposé par la
Belgique et le Royaume-Uni (Nations Unies, doc. A/C.6/258).
Cette proposition fut avancée lors de la délibération consacrée au
projet de convention devant la Sixième Commission de l’Assemblée
générale des Nations Unies, et fut adoptée à une très légère majorité

(19 voix pour, 17 voix contre et 9 abstentions) (Nations Unies,
Documents officiels de l’Assemblée générale, troisième session,
Sixième Commission, compte rendu analytique de la 104 e séance,
p. 447).

63. Toutefois, afin de bien comprendre la portée de cet amendement,
il convient de revenir à sa préhistoire. Initialement, le Royaume-
Uni avait proposé l’amendement suivant à l’article V (aujourd’hui
article IV):

«Seront pénalement responsables de tout acte de génocide spécifié
aux articles II et IV non seulement tous les particuliers ou associa-

tions, mais également les Etats, les gouvernements, ou les organes ou
autorités de l’Etat ou du gouvernement , qui auront commis de tels
actes. Ces actes, lorsqu’ils seront commis par des Etats ou des gou-
vernements, ou en leur nom, constitueront une violation de la pré-

sente Convention.» (Nations Unies, doc. A/C.6/236; les italiques
sont de moi.)

Cette proposition, qui avait reçu le soutien de la Belgique, suscita une
vive opposition de la part d’un certain nombre de délégations, dont la
France, les Etats-Unis et le Canada, essentiellement au motif qu’il s’agis-
sait là d’une tentative d’appliquer à des Etats le concept de responsabilité

pénale; elle fut rejetée par 24 voix contre 22.
64. Le Royaume-Uni essaya de réintroduire le même principe de res-
ponsabilité directe d’un Etat sous la forme d’un amendement à l’ar-
ticle VI (actuel article V), amendement ainsi libellé:

«Lorsque l’un des actes de génocide spécifiés aux articles II et IV

sera le fait de l’Etat ou du gouvernement lui-même ou d’un organe
ou autorité quelconque de l’Etat ou du gouvernement, ou qu’il sera
présenté comme tel, l’affaire, à la demande de toute autre partie à la
présente Convention, sera soumise à la Cour internationale de Jus-
tice, dont la décision sera définitive et obligatoire. Tous actes, toutes

mesures dont la Cour jugera qu’ils constituent des actes de génocide

265 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP. IND. OWADA ) 305

seront respectivement interrompus ou annulés immédiatement; si

leur exécution a déjà été suspendue, ces actes ne seront pas repris ni
ces mesures imposées à nouveau.» (Nations Unies, doc. A/C.6/236 et
corr.)

Il est très difficile de savoir si, dans sa formulation quelque peu

confuse, cet amendement avait pour objectif de couvrir la responsabilité
pénale de l’Etat — ce que paraît suggérer l’architecture générale de cette
proposition — ou sa responsabilité civile (délictuelle) au titre d’un crime
commis par lui — ce que paraît suggérer la référence faite à la Cour inter-
nationale de Justice. En tout état de cause, il semble ressortir clairement

du texte même de cet amendement que l’idée qu’un Etat puisse être tenu
pour responsable du crime de génocide commis par lui avait été retenue,
le pays à l’origine de l’amendement ayant apparemment abandonné l’idée
de faire reconnaître le principe de la responsabilité pénale d’un Etat,

puisqu’il était cette fois proposé de soumettre toute question de cet ordre
à la Cour internationale de Justice qui, de par son Statut, n’était pas en
mesure d’imputer à un Etat une responsabilité pénale.

65. Adoptant la même approche, la Belgique proposa un amendement

à ce texte britannique, dans lequel figurait notamment la disposition sui-
vante: «[l]a Cour aura compétence pour ordonner les mesures de nature
à faire cesser les actes incriminés ou réparer les dommages causés aux
personnes ou communautés lésées» (Nations Unies, doc.A/C.6/252), pro-
bablement dans l’intention de préciser la signification de cet amende-

ment.
66. Toutefois, les Etats-Unis s’opposèrent vigoureusement à cette nou-
velle proposition, estimant que la question avait déjà été débattue en
substance et tranchée lors de l’examen de l’article IV. Face à cette opposi-
tion, la Belgique et le Royaume-Uni retirèrent leurs amendements et éla-

borèrent une nouvelle proposition, cette fois sous la forme d’un amende-
ment à l’article X (actuel article IX), qui devait plus tard donner naissance
à l’actuel article IX.
67. Notons que, tout au long de ce débat, la question centrale fut celle
de savoir si un Etat pouvait être tenu pour responsable du crime de géno-

cide, objet même de la Convention. La position initiale du Royaume-Uni
semble avoir été de considérer que, en principe, un Etat pouvait et devait
être tenu pour responsable du crime de génocide. Au cours des discus-
sions, le délégué du Royaume-Uni fit observer que son pays, reconnais-
sant le fait que l’on ne pouvait attendre d’une procédure pénale de droit

interne que, en cas de génocide commis par l’Etat lui-même, elle puisse
être d’une quelconque efficacité vis-à-vis de l’Etat en question, et notant
qu’il n’existait alors aucune perspective de voir se constituer dans un ave-
nir proche un quelconque tribunal international, considérait comme essen-
tiel de prévoir la possibilité de saisir la Cour internationale de Justice,

seule juridiction internationale alors existante. Il semble raisonnable de
conclure de ces observations que le délégué du Royaume-Uni cherchait

266 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE OP .IND .OWADA ) 306

ainsi à trouver, dans cette nouvelle proposition d’amendement à l’ar-

ticle X, une sorte de charnière autour de laquelle articuler son objectif, qui
était de faire en sorte qu’un Etat puisse être tenu pour responsable de ses
propres actes de génocide, et ce, en élaborant une formule qui aurait per-
mis de lier ce problème à celui de la clause compromissoire, déjà contenue
dans le projet de Convention, prévoyant la saisine de la Cour internatio-

nale de Justice. Il convient toutefois de rappeler que cette clause juridic-
tionnelle, telle qu’elle figurait dans la version initiale de l’article X (actuel
article IX), ne constituait pour ses auteurs rien de plus qu’une clause
compromissoire standard prévoyant la possibilité de renvoyer devant la
Cour internationale de Justice un différend relatif à l’interprétation et à

l’application d’une disposition de la Convention, et nullement un moyen
de créer une nouvelle obligation de nature substantielle, une telle obliga-
tion ne figurant pas dans les dispositions de nature substantielle de la
Convention.

68. A l’examen de la teneur des débats menés devant la Sixième Com-
mission dans cette situation quelque peu confuse, je me demande si la
nature profonde et les conséquences juridiques de l’amendement proposé
par la Belgique et le Royaume-Uni dans le contexte du but et de l’objet
mêmes de la Convention, à savoir criminaliser le génocide commis par

des personnes et créer pour les Etats l’obligation de prévenir et de punir
le crime de génocide, avaient été perçues de manière suffisamment précise
par les coauteurs de cet amendement, et si les délégations qui votèrent en
faveur de celui-ci avaient pleinement saisi l’étendue de son incidence sur
la nature et la portée de la Convention. Il convient d’ajouter que, dans

leur grande majorité, les délégations qui participèrent à ce débat étaient
généralement d’accord pour considérer que cette nouvelle formulation ne
pouvait viser à criminaliser un Etat en tant que tel pour la perpétration
de l’acte de génocide. On peut toutefois se demander si beaucoup d’entre
elles (à l’exception de celle des Etats-Unis) réfléchirent suffisamment à la

compatibilité entre cette approche et la nature profonde de la Convention
en tant qu’instrument destiné à criminaliser au niveau international le
génocide commis par des personnes physiques.
69. En conséquence de cette ambiguïté introduite dans l’actuel
article IX, certaines délégations semblent avoir interprété cette formule

comme simplement déclaratoire du principe traditionnel de la responsabi-
lité de l’Etat résultant de la violation d’obligations spécifiques d’un traité,
principe qui veut qu’un Etat soit tenu pour responsable de toute violation
commise par lui d’obligations nées des dispositions de nature substan-
tielle d’une convention. Selon cette interprétation, dans une convention

qui ne concernerait que la responsabilité pénale individuelle pour géno-
cide et l’obligation spécifique pour les Etats contractants de prévenir et de
punir la commission du génocide par de tels individus sur leur territoire,
la référence de l’article IX à la responsabilité d’un Etat ne peut avoir trait
qu’à la responsabilité traditionnellement acceptée pour violation de l’obli-

gation de l’Etat de prévenir et de punir le génocide en vertu de l’article
premier. C’est ainsi que, par exemple, le président des Etats-Unis, au

267 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE OP .IND .OWADA ) 307

moment de recueillir l’avis et l’approbation du Sénat le 16 juin 1949

concernant la convention sur le génocide, proposa cette interprétation:
«Je recommande au Sénat de donner son avis et d’approuver la

ratification de la Convention
«étant entendu que l’article IX sera compris dans le sens tradition-
nel de la responsabilité encourue par un Etat à raison de dom-

mages subis par les ressortissants de l’Etat demandeur en viola-
tion des principes du droit international, et non dans le sens où
l’Etat en question pourrait être tenu de réparer les dommages
par lui causés à ses propres ressortissants».» (Bulletin du dépar-
tement d’Etat, 4 juillet 1949.)

70. Selon d’autres interprétations, cette formule devrait au contraire
être considérée comme constituant une nouvelle règle de droit internatio-
nal aux termes de laquelle un Etat, de par ses propres actes et en son nom

propre, pourrait désormais être considéré comme l’auteur d’un acte inter-
nationalement illicite de génocide — que celui-ci soit qualifié de «crime
international», d’«acte délictuel international» ou autre — dont il devrait
être tenu pour internationalement responsable. Selon cette interprétation,
la Convention aurait établi qu’un Etat peut commettre un crime de géno-

cide du fait de ses propres actes; les institutions permettant d’obliger
l’Etat en question à rendre compte de ses actes sont cependant quelque
peu limitées. Mis à part des organes politiques tels que le Conseil de sécu-
rité des Nations Unies, le seul organe judiciaire international susceptible
de conclure à la responsabilité d’un Etat auteur d’un génocide est la Cour

internationale de Justice, et celle-ci ne peut le faire que dans un cadre très
strict, en tant qu’elle ne peut amener l’Etat à répondre de cet acte de
génocide que sous l’angle de la responsabilité civile délictuelle, mais non
sous celui de la responsabilité pénale. C’est probablement avec une telle

interprétation à l’esprit que le délégué du Royaume-Uni, s’exprimant au
nom des coauteurs de l’amendement proposé, décrivit en ces termes les
principes qui l’avaient inspiré:

«Les délégations de la Belgique et du Royaume-Uni ont toujours
déclaré que la Convention serait incomplète si elle ne traitait pas de
la responsabilité des Etats dans les actes énumérés aux articles II et
IV.» (Documents officiels de l’Assemblée générale, troisième session,
Sixième Commission, p. 430.)

71. Quelle que soit l’interprétation qu’il convient de faire de l’histoire
rédactionnelle, force est de conclure que les travaux préparatoires ne per-

mettent de tirer aucune conclusion définitive quant à la portée juridique
exacte de la responsabilité de l’Etat qui fut finalement retenue comme
relevant de la compétence de la Cour. Partant de l’analyse de cet état de
fait extrêmement confus concernant l’histoire rédactionnelle de l’ar-
ticle IX à cet égard, l’on peut raisonnablement considérer qu’il n’est que

difficilement possible de conclure avec certitude que l’intention générale
des auteurs de cette Convention était d’incorporer dans celle-ci, par cet

268 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP. IND. OWADA ) 308

amendement technique à l’article IX, une nouvelle norme de fond venant

s’ajouter à celles qui y étaient déjà énumérées et par laquelle la respon-
sabilité d’un Etat pourrait désormais être engagée à raison d’un acte de
génocide, que celui-ci soit qualifié de «crime international» ou d’«acte
délictuel international». Ainsi convient-il d’écarter l’interprétation selon
laquelle cette nouvelle formule pourrait exposer la responsabilité directe

d’un Etat en son nom propre en tant qu’auteur du génocide, même si les
contraintes juridictionnelles auxquelles est soumise la Cour internatio-
nale de Justice atténuent quelque peu l’aspect pénal de cette procédure
consistant à faire comparaître un Etat devant la Cour au titre d’un acte
de génocide.

72. D’autre part, le principe d’interprétation exprimé par la maxime ut
res magis valeat quam pereat , ou principe de l’effet utile, impose semble-
t-il d’attribuer à cette nouvelle formulation de l’article IX son sens propre
et rationnel. A la lumière de l’histoire rédactionnelle, si confuse soit-elle,

et des mobiles explicites des coauteurs de la proposition d’amendement
— pour autant qu’ils semblent avoir été acceptés ou, du moins, n’avoir
pas été contredits par ceux qui se sont exprimés en sa faveur —, il semble
raisonnable de conclure que cette nouvelle formulation de l’article IX a
eu quelque peu pour effet d’étendre la portée de la compétence de la Cour

aux termes de la Convention. Selon mon interprétation, l’adjonction à la
formule habituellement employée dans une clause compromissoire de
même nature des termes «y compris ceux [c’est-à-dire les différends] rela-
tifs à la responsabilité d’un Etat en matière de génocide ou de l’un quel-
conque des autres actes énumérés à l’article III» a permis de faire entrer

dans le champ d’application de la Convention, quoique par le détour de
l’article IX, la possibilité d’un examen judiciaire de la question de la res-
ponsabilité d’un Etat en droit international général au titre d’un acte de
génocide internationalement illicite, considéré par la Convention comme
un crime international du fait d’individus. Partant, j’en conclus que la

Cour est à présent compétente pour examiner cette question de droit
international général sous l’angle de la Convention, sous réserve que
l’acte individuel concerné puisse être imputable à l’Etat en tant qu’acte
propre selon la doctrine de l’imputabilité du droit de la responsabilité des
Etats.

73. A la lumière de l’analyse qui précède, j’estime que la portée de la
Convention, en ce qu’elle touche au crime de génocide, doit être ainsi
comprise:

i) L’article premier prescrit la répression du crime de génocide en tant

que crime international, tant par les tribunaux nationaux que par les
tribunaux internationaux compétents, lorsque les auteurs en sont des
personnes physiques, et impose aux parties contractantes l’obligation
légale de prévenir et de punir ce crime de génocide.
ii) La Convention exclut de son champ d’application la question de la

responsabilité directe d’un Etat pour la commission du génocide en
tant que crime international de l’Etat , même au sens générique. Ce

269 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP. IND. OWADA ) 309

concept de la responsabilité directe d’un Etat pour génocide doit être
rejeté comme étant étranger au but et à l’objet de la Convention et,
partant, comme étant exclu de son champ d’application. Même la
nouvelle formule incorporée à l’article IX ne permet pas de tenir un

Etat pour directement responsable de la perpétration d’un acte de
génocide commis en son nom propre, que cet acte de génocide puisse
être qualifié de crime de l’Etat ou d’acte délictuel international de
l’Etat.
iii) Néanmoins, la nouvelle formule incorporée à l’article IX, avec pour

effet de faire entrer la question de «la responsabilité d’un Etat pour
l’un quelconque des actes énumérés à l’article III» dans le champ de
compétence de la Cour, est déclaratoire d’un nouveau mandat conféré
à cette dernière par la Convention, sans pour autant créer une nou-
velle obligation de fond pour les Etats contractants. Elle revient en

effet à élargir la portée de la clause compromissoire de l’article IX,
puisque la question de savoir dans quelle mesure un Etat peut être
rendu comptable au titre de la responsabilité de l’Etat en droit inter-
national général à raison d’actes constitutifs du crime de génocide

commis par une personne ou un groupe de personnes physiques relève
désormais de la compétence obligatoire de la Cour.

L’article IX ne saurait, en tant que clause compromissoire, créer pour
les Etats contractants de nouvelles obligations de nature substantielle
autres que celles prévues dans les articles de fond (art. I-VIII). Il peut
toutefois étendre la portée procédurale de la compétence de la Cour en
ouvrant à celle-ci la possibilité d’examiner des obligations dont elle

n’aurait pas autrement à connaître, à savoir les obligations que le droit
international général impose aux Etats parties à raison d’actes individuels
réprimés par la Convention.
Selon moi, c’est sur cette base, et non sur celle de l’article premier de la

Convention, source d’obligations de fond pour les parties contractantes,
comme l’affirme l’arrêt, que la Cour peut procéder à l’examen de la ques-
tion de la responsabilité de l’Etat du défendeur à raison de faits allégués
de génocide commis par des individus, groupes ou entités dont les actes
peuvent être imputables au défendeur selon le droit de la responsabilité

des Etats.

(Signé) Hisashi O WADA .

270

Bilingual Content

285

SEPARATE OPINION OF JUDGE OWADA

Issue of jus standi of the Respondent as objective element of jurisdiction —
Relevance of 2004 Judgment on the Legality of Use of Force cases — Estoppel,
Acquiescence, Good Faith and forum prorogatum all relating to subjective ele-
ment of consent and thus irrelevant — 1996 Judgment did not specifically
address as a matter of fact the issue of jus standi — The Judgment to be con-
strued nonetheless as a matter of law to have finally determined the issue — the
res judicata principle applicable.
Issue of application of the Genocide Convention to States — No provision of
the Convention including Article I of the Convention capable of creating obliga-

tion upon States not to commit the crime of genocide in the absence of express
stipulation to that effect — The obligation in existence under general interna-
tional law but not under the Convention — Article IX of the Convention
expanded in its scope to give jurisdiction to the Court to entertain claim based
on general international law.

I. NTRODUCTORY R EMARKS

1. I concur in general with the conclusions that the Court has reached
in this case as contained in its operative clause (dispositif). This position
of mine applies both to the issue of jurisdiction and to the issues of
merits.

2. However, I find some parts of the Judgment are not necessarily the
same as my own view in some important respects. I find this to be the
case, especially in relation to the issue of jus standi of the Respondent,
as contained in Section III of the Judgment on “The Court’s jurisdic-
tion”, and in relation to the issue of the application of the Convention

on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide (hereinafter
referred to as the “Genocide Convention”) to the Respondent, as
contained in Section IV of the Judgment on “The applicable law . . .”.
More specifically, it is my view that the Court’s pronouncement on
the issue of jus standi of the Respondent in the present case, to which

I agree, should be elaborated a little further to answer to some of the
points raised by the Parties, whereas the Court’s conclusion on the issue
of the application of the Genocide Convention to the Respondent,
to which I also agree, has been reached on grounds which I cannot
share.

3. For these reasons, I wish to append to the Judgment my own sepa-
rate opinion, which is confined to these two issues.

246 285

OPINION INDIVIDUELLE DE M. LE JUGE OWADA

[Traduction]

Question de la qualité pour agir du défendeur en tant qu’élément objectif de la

compétence — Pertinence de l’arrêt rendu en 2000 dans les affaires relatives à
la Licéité de l’emploi de la force — Estoppel, acquiescement, bonne foi et forum
prorogatum, notions afférentes dans leur ensemble à l’élément subjectif du
consentement et donc sans pertinence — Arrêt de 1996 n’abordant pas expres-
sément, en fait, la question de la qualité pour agir — Arrêt devant néanmoins
être interprété en droit comme ayant définitivement tranché la question —
Applicabilité du principe de l’autorité de la chose jugée.
Question de l’application aux Etats de la convention sur le génocide —
Aucune disposition de la Convention, y compris son article I ne pouvant créer
pour les Etats d’obligation de ne pas commettre le crime de génocide en
l’absence de disposition expresse à cet effet — Existence d’une telle obligation
en droit international général mais pas selon la Convention — Extension de la
portée de l’article IX de la Convention donnant compétence à la Cour pour

connaître de différends fondés sur le droit international général.

I. OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES

1. Tant sur la question de la compétence que sur les questions de fond,
je souscris dans l’ensemble aux conclusions de la Cour en la présente

espèce telles qu’exposées dans le dispositif.

2. A d’importants égards, toutefois, certaines parties de l’arrêt ne reflè-
tent pas nécessairement mon propre point de vue. C’est notamment le cas
en ce qui concerne la question de la qualité pour agir du défendeur, trai-

tée à la section III de l’arrêt intitulée «Compétence de la Cour», et celle
de l’application au défendeur de la convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide (ci-après dénommée la «convention sur
le génocide»), traitée à la section IV de l’arrêt intitulée «Le droit appli-
cable…». Plus particulièrement, je suis d’avis que la décision de la Cour
sur la question de la qualité pour agir du défendeur en l’espèce, à laquelle

je souscris, devrait être un peu plus détaillée afin de répondre à certains
points soulevés par les Parties, tandis que sa conclusion, à laquelle je
souscris, concernant l’application au défendeur de la convention sur le
génocide résulte de motifs que je n’approuve pas.

3. Telles sont les raisons pour lesquelles j’ai souhaité joindre à l’arrêt
ma propre opinion individuelle, qui se limite à ces deux questions.

246286 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (SEP.OP .OWADA )

II. THE ISSUE OF J US STANDI OF THE R ESPONDENT

4. As the starting point for my examination of this issue, I wish to
make a few preliminary comments. First, I wish to make the point that
the Judgment of the Court in the 2004 Legality of Use of Force cases (see
Legality of Use of Force (Serbia and Montenegro v. Belgium), Prelimi-

nary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 2004 , pp. 279 et seq.) should
be taken as one important point of reference for our consideration of the
present case, in spite of the fact that it is obviously a different case in the
technical sense. It is the most recent authoritative statement on the legal
position of this Court on a number of points relevant to the present case.

I do not accept as valid the approach advanced by the Applicant to the
effect that the Court in the present case would have to choose between
the two alternatives — (a) to harmonize a “vertical inconsistency”
between the 1996 Judgment on preliminary objections in the present case

and the present Judgment, or (b) to harmonize a “horizontal inconsist-
ency” between the Judgment on preliminary objections in the 2004 Legal-
ity of Use of Force cases and the present Judgment, and that the Court
should choose the first approach. These two, however, are not to be the

alternatives from which to choose one rather than the other. In my view,
the Court should proceed in the present Judgment on the basis that there
is no inconsistency between the 1996 Judgment and the 2004 Judgment.
5. Second I regard the present phase of the proceedings, not as one

more additional argument on preliminary objections to the “jurisdiction”
— ratione personae — of the Court, but rather as a so far unexplored
phase of the proceedings, in which the Court would have to conduct an
examination into the allegation of some fundamental defect in the appli-

cation of the law of procedure of the Court that might vitiate the basis of
competence of the Court to deal with the present case on the merits. It is
my view that this issue of access to the Court is an issue separate from the
issues of jurisdiction in its specific sense, whether ratione personae, ratione

materiae,orratione temporis , which are all issues relating to the scope of
the consent given by the parties under the relevant legal instruments (or
the relevant legal act in the case of forum prorogatum) in relation to a
concrete dispute.

6. Finally, it is my view that for this reason the principle enunciated in
the case concerning the Appeal Relating to the Jurisdiction of the ICAO
Council (hereinafter referred to as “ICAO Council” case) is simply irrele-
vant. I certainly endorse the principle enunciated in that Judgment to the
effect that “always” in this dictum means “always” in the sense of “at any

stage of the proceedings in the case” (Appeal Relating to the Jurisdiction
of the ICAO Council (India v. Pakistan), Judgment, I.C.J. Reports 1972 ,
p. 52, para. 13). This, however, is stating the obvious and nothing more,
since the Court is ipso jure mandated, both as of right and as of duty, to

ascertain that it has jurisdiction at any stage of the proceedings, to the
extent that the point at issue has not been raised earlier in the same pro-
ceedings and decided upon by the Court in a way which would constitute

247 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP.IND .OWADA ) 286

II. LA QUESTION DE LA QUALITÉ POUR AGIR DU DÉFENDEUR

4. Je procéderai tout d’abord, à titre d’introduction à l’examen de
cette question, à quelques observations préliminaires. Premièrement,

l’arrêt rendu par la Cour en 2004 dans les affaires relatives à la Licéité de
l’emploi de la force (voir Licéité de l’emploi de la force (Serbie-et-Mon-
ténégro c. Belgique), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2004 ,
p. 279 et suiv.) constitue à mon sens, en dépit de différences évidentes sur
le plan technique, un élément de référence important pour la présente

affaire. Il s’agit en effet de l’exposé de principe de la position juridique de
la Cour vis-à-vis de certains points afférents à la présente affaire. Je ne
partage pas l’approche du demandeur consistant à affirmer que la Cour
serait, en l’espèce, appelée à choisir entre deux solutions — à savoir soit
a) harmoniser une «incohérence verticale» entre l’arrêt de 1996 sur les

exceptions préliminaires en l’espèce et le présent arrêt, soit b) harmoniser
une «incohérence horizontale» entre l’arrêt sur les exceptions prélimi-
naires dans les affaires relatives à la Licéité de l’emploi de la force en
2004 et le présent arrêt — et qu’elle devrait opter pour la première.

Telle ne saurait être, en tout état de cause, l’alternative. Selon moi,
la Cour devrait, dans le présent arrêt, partir du principe qu’il n’y a
pas incompatibilité entre l’arrêt de 1996 et celui de 2004.

5. Deuxièmement, la phase actuelle de la procédure m’apparaît non

comme une discussion de plus sur les exceptions préliminaires relatives à
la «compétence» — ratione personae — de la Cour, mais plutôt comme
un aspect jusqu’ici inexploré de la procédure, consistant pour la Cour à
examiner l’allégation selon laquelle une erreur essentielle dans l’applica-
tion de ses règles de procédure aurait porté atteinte aux bases mêmes de

sa compétence pour connaître de la présente affaire au fond. Il m’appa-
raît que cette question de l’accès à la Cour est une question distincte des
questions de compétence au sens strict, qu’elle soit ratione personae,
ratione materiae ou ratione temporis, questions qui se rapportent toutes à

la portée du consentement donné par les parties aux termes des instru-
ments (ou, dans le cas du forum prorogatum, de l’acte) juridiques perti-
nents dans le cadre d’un différend concret.
6. Enfin, j’estime que, pour cette raison, le principe énoncé à l’occasion
de l’affaire relative à l’Appel concernant la compétence du Conseil de

l’OACI (ci-après dénommée l’affaire du «Conseil de l’OACI») est tout
simplement dénué de pertinence. Je souscris incontestablement au prin-
cipe formulé dans cet arrêt, selon lequel «toujours» dans ce prononcé
signifie «toujours» au sens de «à quelque stade de la procédure en ins-

tance» (Appel concernant la compétence du Conseil de l’OACI (Inde c.
Pakistan), arrêt, C.I.J. Recueil 1972 , p. 52, par. 13). Mais ce n’est là
qu’un truisme, puisque la Cour a pour mandat ipso jure — c’est-à-dire
qu’il s’agit pour elle d’un droit et d’un devoir — d’établir sa compétence
à tous les stades de la procédure, pour autant que le point dont il s’agit

n’ait pas été soulevé précédemment au cours de la même procédure et

247287 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION SEP .OP .OWADA )

res judicata. On the other hand, I submit that the issue raised in the “Ini-
tiative to the Court to Reconsider ex officio Jurisdiction over Yugosla-
via” (hereinafter referred to as the “Initiative”) of 4 May 2001 by Serbia
and Montenegro is not an issue of “jurisdiction” of such character in its

specific sense in which the term is used in the ICAO Council case.

7. In the Legality of Use of Force cases, the Court clarified by its 2004

Judgment on preliminary objections the legal character of the “access to
the Court” in the following words:

“[t]he question [in those cases] is whether as a matter of law Serbia
and Montenegro was entitled to seise the Court as a party to the
Statute at the time when it instituted proceedings” (see Legality of
Use of Force (Serbia and Montenegro v. Belgium), Preliminary

Objections, Judgment, I.C.J. Reports 2004 , p. 295, para. 36; empha-
sis in the original),

and that this was a separate question from the issue of jurisdiction in a
specific case.
The Court came out with the conclusion that

“at the time of filing of its Application to institute the present pro-
ceedings before the Court on 29 April 1999, the Applicant in the
present case . . . was not a Member of the United Nations, and, con-
sequently, was not, on that basis, a State party to the Statute of the

International Court of Justice” (see ibid., p. 314, para. 91).
8. Contrary to urging from the Applicant that the Court treat this con-

clusion as exceptional and even as something to be disregarded as irrele-
vant to the present case, I do consider it relevant to the present case. It is
proper for the Court not to depart from the position expressed in this
conclusion of the Court and its basic reasoning; after all the Court has

pronounced a definitive position on this matter. I might add that this is
not one of those cases to which an old adage that “a difficult case makes
a bad law” would apply. The conclusion reached by the Court is the
result of the best efforts on the part of the Court. (It should also be
recalled that in these case all the applicants except France advanced an

argument based on the alleged lack of jus standi of the Applicant as their
principal line of argument.) While obviously this judgment does not tech-
nically constitute a res judicata for other cases including the present one,
to which Article 59 of the Statute applies, what is relevant for the con-

sideration of the Court is the question of whether and to what extent the
legal reasoning enunciated by the Court in arriving at its conclusion in
that judgment is applicable to the present case.

9. The Applicant has tried to argue that the Respondent is deemed to

248 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP.IND .OWADA ) 287

qu’il n’ait pas été tranché par la Cour de sorte qu’il revêtirait l’autorité

de la chose jugée. J’estime d’autre part que le point soulevé dans l’«Ini-
tiative présentée à la Cour aux fins d’un réexamen d’office de sa
compétence à l’égard de la Yougoslavie» (ci-après dénommée
l’«Initiative») du 4 mai 2001 par la Serbie-et-Monténégro
n’est pas une question de «compétence» au sens strict du

terme dans lequel ce dernier est utilisé dans l’affaire du Conseil de
l’OACI.
7. Dans les affaires relatives à la Licéité de l’emploi de la force ,l
Cour a précisé, par son arrêt de 2004 sur les exceptions préliminaires, la
nature juridique de l’«accès à la Cour» dans les termes suivants:

«[l]a question qui se pose [dans ces affaires] est celle de savoir si, en

droit, au moment où elle a introduit les présentes instances, la Ser-
bie-et-Monténégro était habilitée à saisir la Cour en tant que partie
au Statut» (voir Licéité de l’emploi de la force (Serbie-et-Monténé-
gro c. Belgique), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2004 ,
p. 295, par. 36; les italiques sont dans l’original),

indiquant que cette question était distincte de celle de la compétence dans
une affaire donnée.

La Cour est parvenue à la conclusion que,
«au moment où il a déposé sa requête pour introduire la présente

instance devant la Cour, le 29 avril 1999, le demandeur en l’espèce ...
n’était pas membre de l’Organisation des Nations Unies ni, dès lors,
en cette qualité, partie au Statut de la Cour internationale de Jus-
tice» (voir ibid., p. 314, par. 91).

8. Contrairement au demandeur, qui prie la Cour de considérer cette
conclusion comme un unicum, et même de l’écarter pour défaut de perti-
nence en la présente instance, je la juge, pour ma part, pertinente à cet

égard. Il ne convient guère en effet que la Cour s’écarte de la position
exprimée dans cette conclusion et dans son raisonnement — après tout
elle s’est prononcée de manière définitive sur cette question. Je pour-
rais ajouter qu’il ne s’agit pas de l’une de ces affaires dans lesquelles le
vieil adage «une affaire difficile ne fait pas un bon droit» trouverait à

s’appliquer. C’est en ayant déployé tous les efforts qu’elle pouvait
déployer que la Cour est parvenue à cette conclusion. (Il ne faut d’ailleurs
pas perdre de vue que, dans ces affaires, tous les demandeurs, excepté
la France, ont avancé comme principal argument l’absence alléguée de
qualité pour agir du demandeur.) Bien qu’à l’évidence, en vertu de

l’article 59 du Statut, l’arrêt en question ne revête pas, techniquement,
l’autorité de la chose jugée pour d’autres affaires, y compris la pré-
sente, il échet à la Cour d’examiner la question de savoir si, et dans
quelle mesure, le raisonnement juridique qu’elle a développé pour
parvenir à sa conclusion dans l’arrêt précité est applicable à la présente

espèce.
9. Le demandeur, invoquant le principe de l’estoppel ou celui de

248288 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (SEP. OP. OWADA )

have accepted the jurisdiction of the Court in the present case, by invok-

ing the principle of estoppel and/or the principle of acquiescence or
further to rely on the doctrine of forum prorogatum. The basic rationale
for this position would seem to be common in all of these arguments. It
rests on the proposition that the Respondent, by acting as if it did not
contest the jurisdiction of the Court for any other grounds than those

which it had specifically raised as the basis for objection to the jurisdic-
tion of the Court in the preliminary objections phase of the present case,
has to be regarded in law either as having accepted the jurisdiction of the
Court in the present case (the principle of acquiescence), or as having
been barred from raising a new ground which is the subject-matter of the

present démarche of the Respondent (the principle of estoppel), or as
having been deprived of the freedom to act in a different way (the prin-
ciple of good faith). Alternatively the Applicant further argues that the
Respondent has acted in fact in such a way as to be tantamount to con-

senting to the exercise of jurisdiction by the Court in the present case (the
doctrine of forum prorogatum).
10. These arguments, in a word, are based on one common presuppo-
sition, i.e., whatever lacuna may have existed in the lien of jurisdiction
that would tie the parties to the Court could be filled by the operation of

law or by some actual behaviour of the parties, in such a way as to estab-
lish the consent of the Parties to jurisdiction.

11. However, it must be pointed out that while all these principles may
be relevant to the issue of legal relationship inter partes before the Court,

the issue raised in the present phase of the proceedings is a different one
in its essential character. And this issue, as a matter of principle, has been
the subject of the decision by the Court in its 2004 Judgment on the
Legality of Use of Force cases. As the Court so unequivocally stated in
that Judgment

“it is the view of the Court that a distinction has to be made between
a question of jurisdiction that relates to the consent of a party and

the question of the right of a party to appear before the Court under
the requirements of the Statute, which is not a matter of consent”

and
“[t]he function of the Court to enquire into the matter and reach its

own conclusion is thus mandatory upon the Court irrespective of the
consent of the parties and is in no way incompatible with the prin-
ciple that the jurisdiction of the Court depends on consent” (see
Legality of Use of Force (Serbia and Montenegro v. Belgium), Pre-
liminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 2004 , p. 295, para. 36).

This position of the Court has to be accepted as an authoritative state-

ment of the law in dealing with the present case.
12. For this reason, all these arguments advanced by the Applicant to

249 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE OP .IND .OWADA ) 288

l’acquiescement, a soutenu que le défendeur était réputé avoir accepté la

compétence de la Cour en la présente espèce; il a également invoqué à cet
effet la doctrine du forum prorogatum. Tous les arguments avancés
semblent reposer sur le même raisonnement, à savoir que le défendeur,
ayant agi comme s’il ne contestait pas la compétence de la Cour pour
d’autres motifs que ceux spécifiquement soulevés à titre d’exception d’in-

compétence de la Cour lors de la phase de l’affaire consacrée aux
exceptions préliminaires, doit être considéré en droit comme ayant ac-
cepté la compétence de la Cour en la présente espèce (principe de
l’acquiescement), comme étant empêché d’invoquer un nouveau moyen,
objet de la démarche actuelle du défendeur (principe de l’estoppel),

ou encore comme ayant perdu la faculté d’agir autrement (principe de
la bonne foi). A titre subsidiaire, le demandeur soutient en outre que
le comportement du défendeur revient en fait à avoir consenti à l’exer-
cice de la compétence de la Cour en l’espèce (doctrine du forum proro-

gatum).

10. En résumé, ces arguments se fondent sur une seule et même pré-
misse: quelque lacunaire que puisse être le rapport de compétence entre-
tenu par la Cour et les Parties, cette insuffisance peut être comblée par

l’effet d’une règle de droit ou par quelque comportement effectif des
Parties, de telle sorte que serait établie l’acceptation par celles-ci de la
compétence de la Cour.
11. Il convient toutefois de relever que, bien que tous ces principes
puissent s’appliquer à la question des rapports juridiques inter partes

devant la Cour, la question soulevée dans la phase actuelle de la procé-
dure est fondamentalement différente. Elle a fait l’objet d’une décision de
principe dans l’arrêt rendu par la Cour en 2004 dans les affaires relatives
àlaLicéité de l’emploi de la force. Celle-ci s’est à cette occasion exprimée
sans ambiguïté:

«de l’avis de la Cour, il y a lieu d’établir une distinction entre une
question de compétence liée au consentement d’une partie et celle du

droit d’une partie à ester devant la Cour conformément aux pres-
criptions du Statut, qui n’implique pas un tel consentement»

et
«[a]insi la Cour se doit-elle d’examiner la question pour tirer ses

propres conclusions indépendamment du consentement des parties,
ce qui n’est en aucun cas incompatible avec le principe selon lequel
la compétence de la Cour est subordonnée à un tel consentement»
(voir Licéité de l’emploi de la force (Serbie-et-Monténégro c.
Belgique), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2004 ,

p. 295, par. 36).
Cette position de la Cour doit, dans la présente espèce, être acceptée

comme un énoncé de principe du droit applicable.
12. Pour cette raison, tous les arguments avancés par le demandeur

249289 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION SEP .OP .OWADA )

justify the exercise of jurisdiction by the Court in the face of a new

attempt of the Respondent based on its claim of the lack of jus standi
access to the Court should be rejected. On this point, I am in agreement,
with the conclusion reached by the Judgment (paras. 102-103).
13. However, the Applicant has also tried to argue that in any case the
1996 Judgment on preliminary objections in its entirety constitutes res

judicata in the present case and thus prevents the Respondent from rais-
ing the issue of the access to the Court/jurisdiction ratione personae,as
contained in the new “Initiative” of the Respondent, at this stage of the
proceedings. It is my view, however, that an assertion of the principle of
res judicata with such a sweeping and general application cannot be

accepted as a valid construction of the principle of res judicata in inter-
national law.
14. Article 60 of the Statute is generally regarded to be the provision in
the Statute that gives expression to the principle of res judicata as applied

to the International Court of Justice.
The statement contained in Article 60 of the Statute has been inter-
preted as the practical embodiment within the Statute of the rule of res
judicata as “a general principle of law recognized by civilized nations”.
Thus, during the discussion in the Advisory Committee of Jurists con-

tracted with the task of drafting the Statute of the Permanent Court of
International Justice, it was suggested by one member of the Committee
(Lord Philimore) that

“the general principles referred to in [the present Article 38] were
these which were accepted by all nations in foro domestico, such as
certain principles of procedure, the principle of good faith, and the

principle of res judicata, etc.” (PCIJ, Advisory Committee of Jurists,
Procès-Verbaux of the Proceedings of the Committee , 1920, p. 335).

Nevertheless, the jurisprudence of this Court, especially in its Advisory
Opinion in the case concerning the Effect of Awards of Compensation
Made by the United Nations Administrative Tribunal (hereinafter referred
to as the “Effects of Awards” case), makes it quite clear that the principle
contained in Article 60 of the Statute cannot be considered as an absolute

rule in relation to an international tribunal. The Court stated in that
Advisory Opinion that

“[t]his rule . . . cannot . . . be considered as excluding the Tribunal
from itself revising a judgment in special circumstances when new
facts of decisive importance have been discovered” (Effects of Awards
of Compensation Made by the United Nations Administrative Tribu-
nal, Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1954 , p. 55).

15. This is particularly true with an international jurisdiction in which

the competence of the tribunal is not a priori determined by the legal sys-
tem itself within which the tribunal operates but is subject to the juris-

250 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP. IND. OWADA ) 289

afin de justifier l’exercice de la compétence de la Cour en réponse à une

nouvelle tentative du défendeur de faire valoir qu’il n’avait pas qualité
pour agir/accès à la Cour doivent être rejetés. Sur ce point, j’approuve la
conclusion à laquelle est parvenue la Cour dans son arrêt (par. 102-103).
13. Toutefois, le demandeur a également tenté de soutenir que, en tout
état de cause, l’arrêt de 1996 sur les exceptions préliminaires dans son

ensemble revêtait l’autorité de la chose jugée en la présente espèce et
empêchait ainsi le défendeur de soulever, à ce stade de la procédure, la
question de l’accès à la Cour/de la compétence ratione personae telle
qu’exposée dans la nouvelle «Initiative» du défendeur. Il me semble
néanmoins que présenter le principe de l’autorité de la chose jugée en

droit international comme étant d’application aussi absolue et générale
ne saurait en constituer une interprétation valable.
14. L’article 60 du Statut est généralement considéré comme la dispo-
sition qui exprime le principe de l’autorité de la chose jugée tel qu’appli-

cable à la Cour internationale de Justice.
Les termes de l’article 60 du Statut sont interprétés comme la transpo-
sition concrète dans le Statut de la règle de l’autorité de la chose jugée en
tant que «principe général de droit général reconnu par les nations civi-
lisées». Ainsi, lors des discussions tenues par le comité consultatif de

juristes chargé de rédiger le Statut de la Cour permanente de Justice
internationale, l’un des membres du comité (lord Philimore) avait-il
considéré que, par «principes généraux visés par [le présent article 38]», il
fallait entendre

«ceux qui sont acceptés par toutes les nations in foro domestico, tels
certains principes de procédure, le principe de la bonne foi, le prin-
cipe de la chose jugée, etc.» (CPJI, Comité consultatif de juristes,

Procès-verbaux des séances du Comité , 1920, p. 335).

Néanmoins, la jurisprudence de la présente Cour, notamment dans son
avis consultatif en l’affaire relative à l’Effet de jugements du Tribunal
administratif des Nations Unies accordant indemnité , indique clairement
que le principe visé par l’article 60 du Statut ne peut être considéré
comme une règle absolue pour un tribunal international. Dans cet avis

consultatif, la Cour a déclaré que

«[c]ette règle ... ne peut … être considérée comme interdisant au tri-
bunal de reviser lui-même un jugement, dans des circonstances par-
ticulières, lorsque des faits nouveaux d’importance décisive ont été
découverts» (Effet de jugements du Tribunal administratif des
Nations Unies accordant indemnité, avis consultatif, C.I.J. Recueil

1954, p. 55).
15. Cela est particulièrement vrai lorsqu’il s’agit d’une juridiction inter-

nationale dont la compétence n’est pas à priori déterminée par l’ordre
juridique au sein duquel elle opère, mais est soumise au cadre juridiction-

250290 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (SEP. OP. OWADA )

dictional framework set by the parties to the dispute. For this reason

Judge Jessup, in his dissenting opinion in the 1966 South West Africa
case, emphasized the relative nature of res judicata in international law
by stating that “the Court is always free, sua sponte, to examine into its
own jurisdiction” (South West Africa, Second Phase, Judgment, I.C.J.
Reports 1966, p. 333). Thus he concluded as follows:

“Various pronouncements in the jurisprudence of the two Courts

[i.e., the PICJ and the ICJ], in various separate opinions and in the
‘teachings of the most highly qualified publicists’ do not provide an
automatic test to determine what is within and what is without the
res judicata rule.” (Ibid.)

In applying the res judicata rule, it is indeed essential that we avoid an
automatic application of the rule and try to determine the scope of what

has been decided as res judicata in the concrete context of the case.

16. Specifically in relation to the present case, the critical question in
issue is whether the problem of access to the Court, argued by the
Respondent extensively at the present phase of the proceedings on the

basis of its “Initiative” of 2001, is something which has been disposed of
by the Court in its 1996 Judgment dealing with preliminary objections to
the jurisdiction of the Court and should thus be regarded as falling within
the scope of res judicata — “that which has already been judged” — for
the purposes of the present case.

17. It must be emphasized that in the present case the question of jus
standi of the Respondent/access of the Respondent to the Court was, as
a matter of fact, never an issue before the Court at the time of the 1996
Judgment — neither raised by the Applicant nor by the Respondent. In
the proceedings on preliminary objections, the Respondent raised seven

preliminary objections relating to the jurisdiction of the Court but did
not refer to this issue of access to the Court. On the basis of the argu-
ments of the parties, the 1996 Judgment made no mention of this aspect
of the problem of “jurisdiction” lato sensu, i.e., the problem of the “com-
petence” of the Court to entertain the case. The dispositif of the Judg-

ment was confined to specifically rejecting all six — one out of the seven
having been withdrawn — preliminary objections and on this basis pro-
ceeded to a finding that “on the basis of Article IX of the [Genocide]
Convention, [the Court] has jurisdiction to adjudicate upon the dispute”
(Application of the Convention on the Prevention and Punishment of the

Crime of Genocide (Bosnia and Herzegovina v. Yugoslavia), Preliminary
Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1996 (II) , p. 623, para. 47 (2)
(a) (dispositif)).
18. This makes a conspicuous contrast to the language of the Court in
its earlier Order of 8 April 1993 on the Request for the Indication of Pro-

visional Measures. In that Order the Court drew the attention of the
parties to the point that

251 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP. IND. OWADA ) 290

nel élaboré par les parties en litige. Pour cette raison, le juge Jessup, dans
son opinion dissidente jointe à l’arrêt rendu en l’affaire du Sud-Ouest
africain, en 1966, a souligné le caractère relatif de la chose jugée en droit
international en déclarant que «la Cour a toujours la faculté d’examiner

de son propre chef si elle est compétente ou non» (Sud-Ouest africain,
deuxième phase, arrêt, C.I.J. Recueil 1966, p. 333), pour conclure en ces
termes:

«On ne trouve ni dans la jurisprudence des deux Cours, ni dans les
opinions individuelles, ni dans «la doctrine des publicistes les plus
qualifiés» de critères permettant de déterminer automatiquement ce
qui relève ou non de la règle de la chose jugée.» (Ibid.)

Il est de fait essentiel que nous évitions toute application automatique

de la règle de l’autorité de la chose jugée et que nous nous efforcions de
déterminer la portée de ce qui est revêtu de cette autorité dans le contexte
concret de l’affaire considérée.
16. En particulier, s’agissant de la présente espèce, le point crucial est

de savoir si la question de l’accès à la Cour, largement développée par le
défendeur lors de la phase actuelle de la procédure, sur la base de son
«Initiative» de 2001, a été tranchée par la Cour dans son arrêt de 1996
relatif aux exceptions préliminaires à sa compétence et si cette question
doit, dès lors, être considérée comme relevant de la res judicata —«ce

qui a déjà été jugé» — aux fins de la présente espèce.

17. Soulignons que, dans la présente affaire, la question de la qualité
pour agir/de l’accès à la Cour du défendeur n’a, en fait, jamais été sou-
mise à la Cour à l’époque de l’arrêt de 1996 — ni soulevée par le deman-

deur ou le défendeur. Dans les sept exceptions préliminaires relatives à la
compétence de la Cour qu’il a soulevées, le défendeur n’a pas mentionné
cette question de l’accès à la Cour. Fondé qu’il est sur les arguments sou-
mis par les Parties, l’arrêt de 1996 n’aborde pas cet aspect du problème de

la «juridiction» lato sensu, à savoir le problème de la «compétence» de la
Cour pour connaître de l’affaire. Le dispositif de l’arrêt se contente de
rejeter expressément les six — l’une des sept ayant été retirée — excep-
tions préliminaires et, sur cette base, parvient à la conclusion que «sur la
base de l’article IX de la convention sur le génocide, [la Cour] [est] com-

pétente pour se prononcer sur le différend» (Application de la convention
pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzé-
govine c. Yougoslavie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil
1996 (II), p. 623, par. 47, point 2) a) du dispositif).

18. Or, ces termes se démarquent fortement de ceux employés par la
Cour dans son ordonnance du 8 avril 1993 sur la demande en indication
de mesures conservatoires. Dans celle-ci, la Cour attirait l’attention des

Parties sur le fait que

251291 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (SEP.OP .OWADA )

“Article 35, paragraph 1, of the Statute of the Court provides that

‘The Court shall be open to the States parties to the present Statute’,
and Article 93, paragraph 1, of the United Nations Charter that ‘All
Members of the United Nations are ipso facto parties to the Statute
of the International Court of Justice’; and . . . it is maintained in the
Application that ‘As Members of the United Nations Organization,

the Republic of Bosnia and Herzegovina and Yugoslavia (Serbia
and Montenegro) are parties to the Statute’; . . . however in the
Application Bosnia-Herzegovina indicates that the ‘continuity’ of
Yugoslavia with the former Socialist Federal Republic of Yugosla-
via, a Member of the United Nations, ‘has been vigorously contested

by the entire international community, and [sic] including by the
United Nations Security Council . . . as well as by the General
Assembly’, and reference is there made to (inter alia) Security
Council resolution 777 (1992) and General Assembly resolution 47/1”

(Application of the Convention on the Prevention and Punishment of
the Crime of Genocide (Bosnia and Herzegovina v. Yugoslavia),
Provisional Measures, Order of 8 April 1993, I.C.J. Reports 1993 ,
p. 12, para. 15).

After reviewing the contents of Security Council resolution 777 (1992)
and General Assembly resolution 47/1, as well as the letter of the Under-
Secretary-General and Legal Counsel of the United Nations of 29 Sep-
tember 1992 in which he stated the “considered view of the United
Nations Secretariat regarding the practical consequences of the adoption

by the General Assembly of resolution 47/1” (ibid., p. 13, para. 17), the
Court declared that

“while the solution adopted [in the United Nations as of that time] is
not free from legal difficulties, the question whether or not Yugosla-

via is a Member of the United Nations and as such a party to the
Statute of the Court is one which the Court does not need to deter-
mine definitively at the present stage of the proceedings ”( ibid.,p.14,
para. 18; emphasis added).

It is thus clear that the Court in this 1993 Order consciously refrained
from pronouncing its position on this crucial issue, while implicitly
reserving the matter for future “definitive determination”.
19. In spite of this background, the Court in its 1996 Judgment, while
it could not have been unaware of this problem concerning the legal situ-

ation surrounding the legal status of the Respondent (jus standi) vis-à-
vis the Court, made no mention of this aspect of the problem of “jurisdic-
tion” lato sensu, and decided that

“on the basis of Article IX of the Convention on the Prevention and

Punishment of the Crime of Genocide, it has jurisdiction to adjudi-
cate upon the dispute”( Application of the Convention on the Preven-

252 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP. IND. OWADA ) 291

«[L]e paragraphe 1 de l’article 35 du Statut de la Cour dispose
que: «La Cour est ouverte aux Etats parties au présent Statut», et
que le paragraphe 1 de l’article 93 de la Charte des Nations Unies
porte que: «Tous les Membres des Nations Unies sont ipso facto

parties au Statut de la Cour internationale de Justice»; et qu’il est
soutenu, dans la requête, que: «En tant que Membres de l’Organisa-
tion des Nations Unies, la Bosnie-Herzégovine et la Yougoslavie
(Serbie et Monténégro) sont parties au Statut»; et que cependant la
Bosnie-Herzégovine indique dans sa requête que la «continuité»

entre la Yougoslavie et l’ex-République fédérative socialiste de You-
goslavie, Etat Membre des Nations Unies, «a été vigoureusement
contestée par l’ensemble de la communauté internationale, y compris
par le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies ...
ainsi que par l’Assemblée générale»; que référence est faite, à cet

égard, notamment à la résolution 777 (1992) du Conseil de sécurité
et à la résolution 47/1 de l’Assemblée générale.» (Application de la
convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie), mesures conservatoires, ordon-

nance du 8 avril 1993, C.I.J. Recueil 1993 , p. 12, par. 15.)

Ayant examiné le contenu de la résolution 777 du Conseil de sécurité
(1992) et la résolution 47/1 de l’Assemblée générale, ainsi que la lettre du
Secrétaire général adjoint et conseiller juridique de l’Organisation des

Nations Unies en date du 29 septembre 1992 dans laquelle celui-ci faisait
état de la «position réfléchie du Secrétariat des Nations Unies en ce qui
concerne les conséquences pratiques de l’adoption par l’Assemblée géné-
rale de la résolution 47/1» (ibid., p. 13, par. 17), la Cour a déclaré que

«si la solution adoptée ne laisse pas de susciter des difficultés juri-
diques, la Cour n’a pas à statuer définitivement au stade actuel de la
procédure sur la question de savoir si la Yougoslavie est ou non
membre de l’Organisation des Nations Unies et, à ce titre, partie au

Statut de la Cour» (ibid., p. 14, par. 18; les italiques sont de moi).

Il ressort ainsi clairement que, dans l’ordonnance de 1993, la Cour s’est
délibérément abstenue d’exposer sa position sur cette question cruciale,

tout en réservant implicitement sa «décision définitive» sur la question.
19. En dépit de ces éléments et du fait qu’elle ne pouvait ignorer cette
question de l’incertitude juridique entourant le statut du défendeur (qua-
lité pour agir) à son égard, la Cour n’a pas mentionné cet aspect du pro-

blème de «juridiction» lato sensu dans son arrêt de 1996 et a décidé
qu’elle avait

«compétence, sur la base de l’article IX de la convention pour la
prévention et la répression du crime de génocide, pour statuer sur

le différend »( Application de la convention pour la prévention et la

252292 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (SEP. OP. OWADA )

tion and Punishment of the Crime of Genocide (Bosnia and Herze-

govina v. Yugoslavia), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J.
Reports 1996 (II), p. 623, para. 47 (2) (a) (dispositif) ; emphasis
added).

More specifically, in paragraphs 41 and 42 of the 1996 Judgment, the
Court stated as follows:

“41. It follows from the foregoing that the Court is unable to
uphold any of the additional bases of jurisdiction invoked by the

Applicant and that its only jurisdiction to entertain the case is on the
basis of Article IX of the Genocide Convention.
42. Having ruled on the objections raised by Yugoslavia with
respect to its jurisdiction, the Court will now proceed to consider the

objections of Yugoslavia that relate to the admissibility of the Appli-
cation.” (Ibid., p. 621.)

This passage can only be interpreted as signifying that the Court was
focusing its attention with regard to jurisdiction exclusively upon the
issues raised by the parties. The language of the Judgment strongly sug-
gests that in making that statement and those that followed, including

paragraph 46 and the dispositif subparagraph 2 (a), the Court was
addressing to those issues of jurisdiction stricto sensu which had been
raised by the Respondent, without going into examination of the issue of
access, an issue which, in its nature, was independent from the argument
of the parties and which was to be determined by the Court as an objec-

tive question.
20. It should be clear from this background of facts surrounding the
1996 Judgment that what is at issue here is not the question of whether
the principle of res judicata as incorporated in Article 60 of the Statute is
to be honoured or not. It is clear that this is a principle to be honoured

by this Court, though with all the caveats that I have discussed earlier on
as a legal principle. Neither is it the question of whether the principle
applies to the decision of the Court on the merits only or extends to its
decision on procedural issues, including the issues of jurisdiction. Clearly
the principle should be applicable to both. It is not even the question of

whether the 1996 Judgment as a general proposition constitutes res judi-
cata either. It does certainly constitute res judicata. On all these points, I
endorse the position taken by the Court in the present Judgment.

21. The sole and crucial question is what is to be regarded as the exact

element of this 1996 Judgment that constitutes res judicata for the pur-
poses of the present Judgment.
22. It could be said in this context that perhaps it was unfortunate that
in 2001 Serbia and Montenegro brought this very issue before the Court
in the form of an application for revision of the 1996 Judgment (Applica-

tion for Revision of the Judgment of 11 July 1996 in the Case concerning
Application of the Convention on the Prevention and Punishment of the

253 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE OP .IND .OWADA ) 292

répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Yougosla-

vie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II) , p. 623,
par. 47, point 2) a) du dispositif; les italiques sont de moi).

Plus précisément, aux paragraphes 41 et 42 de l’arrêt de 1996, la Cour
a déclaré:

«41. Il découle de ce qui précède que la Cour ne peut retenir
aucune des bases supplémentaires de compétence invoquées par le

demandeur et qu’elle n’est compétente pour connaître de l’affaire
que sur la base de l’article IX de la convention sur le génocide.
42. S’étant prononcée sur les exceptions soulevées par la Yougo-
slavie au sujet de sa compétence, la Cour passera maintenant à l’exa-

men des exceptions yougoslaves qui ont trait à la recevabilité de la
requête.» (Ibid., p. 621.)

Ce passage peut uniquement s’interpréter comme signifiant que, en
matière de compétence, seules les questions soulevées par les Parties rete-
naient l’attention de la Cour. L’énoncé de l’arrêt laisse fortement en-
tendre qu’en faisant cette déclaration ainsi que celles qui suivaient, y

compris le paragraphe 46 et le point 2) a) du dispositif, la Cour répondait
aux questions de juridiction stricto sensu soulevées par le défendeur, sans
examiner la question de l’accès à la Cour, question qui, par nature,
était indépendante de l’argumentation des Parties et devait être réglée
par la Cour en tant que question objective.

20. De cet ensemble de faits entourant l’arrêt de 1996 devrait claire-
ment apparaître que la question ici n’est pas de savoir si le principe de
l’autorité de la chose jugée, tel qu’énoncé à l’article 60 du Statut, doit être
respecté ou non. Il ne fait pas de doute qu’il s’agit d’un principe qui, en

tant que principe juridique, doit être respecté par la Cour, sous réserve
bien sûr de toutes les précautions que j’ai déjà évoquées. La question
n’est pas non plus de savoir si ce principe s’applique uniquement aux
décisions sur le fond ou s’il s’étend à ses décisions d’ordre procédural,
tranchant notamment les questions de compétence. A l’évidence, ce prin-

cipe devrait s’appliquer aux deux. Il ne s’agit même pas de savoir si l’arrêt
de 1996, en tant que proposition générale, revêt l’autorité de la force
jugée — tel est incontestablement le cas. Sur tous ces points, je souscris à
la position adoptée par la Cour dans le présent arrêt.
21. La seule question, déterminante, est de savoir ce qui exactement,

dans l’arrêt de 1996, doit être considéré comme revêtant l’autorité de la
chose jugée aux fins du présent arrêt.
22. Il est peut-être à regretter, dans ce contexte, que la Serbie-et-Mon-
ténégro ait porté cette question devant la Cour en 2001 sous forme d’une
demande en revision de l’arrêt de 1996 (Demande en revision de l’arrêt du

11 juillet 1996 en l’affaire relative à l’ Application de la convention pour
la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine

253293 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (SEP. OP. OWADA )

Crime of Genocide (Bosnia and Herzegovina v. Yugoslavia), Preliminary

Objections (Yugoslavia v. Bosnia and Herzegovina) (hereinafter referred
to as the “Revision of the 1996 Judgment” case), rather than in the form
of a request for interpretation of the 1996 Judgment. As the former was
strictly the question of the application of Article 61 of the Statute, the
Court — quite correctly in my view — gave its 2003 Judgment strictly

within the confines of the conditions set out in Article 61. If the issue had
been raised as a new dispute concerning the interpretation of the 1996
Judgment as to whether the Judgment covered the question of access of
the Respondent to the Court, i.e., as a “dispute as to the meaning or
scope of the judgment” under Article 60, the Court could have had the

opportunity in 2003 to address the present issue before the Court.
23. Be that as it may, it would seem difficult to establish against the
background as reviewed above, that the Court in 1996, while fully aware
of the problem which it had already acknowledged in its Order of 8 April

1993 to exist and chosen to avoid to answer, did go, as a matter of fact,
into an examination of that issue, though without pronouncing upon it
expressis verbis in the Judgment, and came out with the “definitive deter-
mination” on that issue in the form of such dispositif. If that had been the
case, the conclusion would certainly be warranted that this specific aspect

of the problem would certainly be covered automatically by the appli-
cation of the res judicata principle.
24. Under the actual circumstances of 1996 as revealed through the
examination of the factual background, however, I find it difficult to
accept the argument of the Applicant that the Court did decide, as a mat-

ter of fact, the issue of access to the Court and that therefore the issue
automatically falls within the purview of the 1996 Judgment as constitut-
ing an integral part of res judicata established by the 1996 Judgment and
is thus a priori precluded from the Court’s consideration at this stage.
25. In fact, all these points are reflected in the conclusions that the

Court has drawn in its 2004 Judgment. In this sense what is stated above
represents nothing more than a reconfirmation of the points enunciated
by the Court in its 2004 Judgment.
26. Having thus stated my basic position, nevertheless I have to pro-
ceed to point out that there is yet one more element which would require

further consideration by the Court on this question in the specific context
of the present case. And I believe that this element constitutes the critical
factor in distinguishing the present case from the 2004 Judgment on the
Legality of Use of Force cases. The essential element for distinguishing
the present case from the Legality of Use of Force cases in my view lies in

the difference in the time-frame in which the Court has to look at the
same problem of jus standi/access to the Court of Serbia and Montenegro
in the Legality of Use of Force cases and in the present case.
27. In the Legality of Use of Force cases, the filing of the Application
took place on 29 April 1999, and on that day a request for the indication

of provisional measures of protection was submitted by the Applicant in
that case, Serbia and Montenegro. The Court, by its Order of 2 June

254 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP. IND .OWADA ) 293

c. Yougoslavie), exceptions préliminaires (Yougoslavie c. Bosnie-Herzé-

govine) (ci-après dénommée l’affaire de la «Revision de l’arrêt de 1996» ),
plutôt que sous forme d’une demande d’interprétation de l’arrêt de 1996.
Comme la première portait uniquement sur l’application de l’article 61
du Statut, la Cour a, en 2003, rendu — à juste titre selon moi — un arrêt
s’inscrivant dans les strictes limites édictées par l’article 61. Si cette ques-

tion avait été soumise sous la forme d’un nouveau différend relatif à
l’interprétation de l’arrêt de 1996 sur le point de savoir si celui-ci couvrait
la question de l’accès du défendeur à la Cour, c’est-à-dire sous la forme
d’une «contestation sur le sens et la portée de l’arrêt» au sens de l’ar-
ticle 60, la Cour aurait eu la possibilité, en 2003, de se pencher sur cette

question.
23. Quoi qu’il en soit, il semble difficile d’affirmer, à la lumière du
tableau dressé ci-dessus, que la Cour, bien que pleinement informée du
problème dont elle avait déjà admis l’existence dans l’ordonnance rendue

le 8 avril 1993 et qu’elle avait délibérément choisi d’ignorer, aurait de fait
procédé, en 1996, à un examen de cette question sans toutefois se pro-
noncer sur elle expressis verbis dans l’arrêt, et aurait «définitivement sta-
tué» sur cette question sous la forme d’un dispositif. Si tel avait été le cas,
sans aucun doute devrions-nous considérer cet aspect spécifique du pro-

blème comme nécessairement couvert par l’application du principe de
l’autorité de la chose jugée.
24. Compte tenu des circonstances qui, ainsi que le démontre l’examen
du contexte factuel, prévalaient en 1996, il apparaît cependant difficile à
mes yeux d’accepter l’argument du demandeur selon lequel la Cour

aurait tranché, en fait, la question de l’accès à la Cour, que, partant, cette
question tomberait nécessairement sous le coup de l’arrêt de 1996 en ce
qu’elle fait partie intégrante de la chose jugée par l’arrêt de 1996 et que,
dès lors, elle ne saurait à priori être examinée par la Cour à ce stade.
25. En réalité, divers points transparaissent des conclusions dévelop-

pées par la Cour dans son arrêt de 2004. En ce sens, les réflexions expo-
sées plus haut ne font que réaffirmer ce qu’avait indiqué celle-ci dans son
arrêt de 2004.
26. Ayant ainsi exposé le fond de ma position, je dois néanmoins pré-
ciser qu’il subsiste un point sur lequel la Cour aurait dû, dans le contexte

spécifique de l’espèce, se pencher. Ce point constitue d’ailleurs, selon moi,
le facteur déterminant qui distingue la présente affaire de celles relatives à
la Licéité de l’emploi de la force tranchées en 2004. L’élément essentiel
qui distingue la présente affaire de ces dernières réside, à mon sens, dans
les délais dont disposait la Cour pour examiner un problème identique —

la qualité pour agir/l’accès à la Cour de la Serbie-et-Monténégro — dans
les affaires relatives à la Licéité de l’emploi de la force d’une part et dans
la présente affaire d’autre part.
27. Dans les affaires relatives à la Licéité de l’emploi de la force ,e l
dépôt de la requête intervint le 29 avril 1999 et, ce jour-là, une demande

en indication de mesures conservatoires de protection fut soumise par le
demandeur en l’affaire, la Serbie-et-Monténégro. Par l’ordonnance du

254294 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (SEP.OP .OWADA )

1999, rejected this request on the ground that it had no prima facie juris-

diction to entertain the cases (I.C.J. Reports 1999 (I), p. 134, para. 26).
Nothing further came about in the proceedings of the Court on these
cases until well after 2000, when Serbia and Montenegro was admitted to
the United Nations. It was in 2004 that the Court had the opportunity,
for the first time on the occasion of its Judgment on Preliminary Objec-

tions in these cases, to engage in an overall examination of the question
of jurisdiction in relation to these cases, including the issue of the access
of the Applicant to the Court.
28. Under these circumstances, the Court, for the first time in 2004,
was in a position to engage in an examination of the issue of jus standi of

the Applicant in the context of the issue of the legal status of the then
Federal Republic of Yugoslavia (hereinafter referred to as “the FRY”)
from the viewpoint of whether the Applicant (i.e., Serbia and Montene-
gro) satisfied the conditions laid down in Articles 34 and 35 of the Statute

and whether the Court was open to the Applicant. In the Judgment itself
the Court declared for the first time in 2004 that

“[o]nly if the answer to that question is in the affirmative will the
Court have to deal with the issues relating to the conditions laid
down in Articles 36 and 37 of the Statute of the Court” (see Legality
of Use of Force, Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports
2004, p. 299, para. 46).

Based on a detailed examination of facts and law involved as they were
known to the Court as of that time, the Court came out with the conclu-

sion that the Applicant had not been a member of the United Nations
during the critical period between 1999-2000 and thus did not satisfy the
conditions laid down in Article 35 of the Statute. It thus followed that the
Applicant could not have access to the Court, with the consequent result
that the Court did not have jurisdiction to entertain these cases.

29. In coming to this conclusion, the Court was clearly aware that the
Applicant in these cases, the FRY (Serbia and Montenegro), had in 2003
in the Revision of the 1996 Judgment case, put forward essentially the
same argument that the Respondent in the instant cases was invoking,
i.e., that the FRY had not been a party to the Statute at the date of insti-

tution of the proceedings in the Genocide Convention case in 1993.
Against this, the Respondent in the Revision of the 1996 Judgment case,
Bosnia and Herzegovina, argued, inter alia, that the 1996 Judgment on
preliminary objections in the Genocide Convention case had the force of
res judicata (cf. Written Observations of Bosnia and Herzegovina of

3 December 2001 on the Revision of the 1996 Judgment case, para. 5.36);
that Serbia and Montenegro had acquiesced in the Court’s jurisdiction
on the basis that it was a Member of the United Nations and party to the
Statute and could not retract that position (ibid., paras. 4.4-4.7); that
Serbia and Montenegro was precluded, whether on the basis of estoppel

or of the general principle of good faith, from invoking its own mistake
in interpreting the legal situation (ibid., para. 4.19). It also argued that

255 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP.IND .OWADA ) 294

2 juin 1999, la Cour rejeta cette demande au motif qu’elle n’avait pas

compétence prima facie pour connaître des affaires en question (C.I.J.
Recueil 1999 (I), p. 134, par. 26). La procédure ne connut de nouveau
développement que bien après 2000, date d’admission de la Serbie-et-
Monténégro à l’Organisation des Nations Unies. C’est en 2004 que la
Cour eut pour la première fois la possibilité, à l’occasion de son arrêt sur

les exceptions préliminaires rendu dans ces affaires, d’entreprendre un
examen complet du problème de la compétence à l’égard de celles-ci, y
compris la question de l’accès du demandeur à la Cour.
28. C’est donc en 2004 que la Cour fut pour la première fois en mesure
de se pencher sur la question de la qualité pour agir du demandeur dans

le contexte du statut juridique de la République fédérale de Yougoslavie
(ci-après dénommée «la RFY»), c’est-à-dire sur la question de savoir si le
demandeur (la Serbie-et-Monténégro) remplissait les conditions visées
aux articles 34 et 35 du Statut et si la Cour était ouverte au demandeur.

Dans l’arrêt lui-même, la Cour déclara pour la première fois en 2004:

«[c]e n’est que si la réponse à cette question est affirmative que la
Cour aura à examiner les questions relatives aux conditions énon-
cées aux articles 36 et 37 du Statut de la Cour» (voir Licéité de
l’emploi de la force, exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil
2004, p. 299, par. 46).

Sur la base d’un examen détaillé des éléments de fait et de droit connus
d’elle à l’époque, la Cour parvint à la conclusion que le demandeur

n’avait pas été membre de l’Organisation des Nations Unies pendant la
période critique comprise entre 1999 et 2000 et qu’il ne remplissait donc
pas les conditions fixées par l’article 35 du Statut. Il s’ensuivait par consé-
quent que le demandeur n’avait pas accès à la Cour et que, partant,
celle-ci n’était pas compétente pour connaître des affaires en question.

29. En parvenant à cette conclusion, la Cour savait parfaitement que
le demandeur en ces affaires, la RFY (la Serbie-et-Monténégro), avait, en
2003, dans l’affaire de la Revision de l’arrêt de 1996 , présenté un argu-
ment qui était pour l’essentiel le même que celui invoqué par le défendeur
en l’espèce, à savoir que la RFY n’était pas partie au Statut à la date

d’introduction de l’instance relative à la convention sur le génocide en
1993. A cela, le défendeur en l’affaire de la Revision de l’arrêt de 1996 ,la
Bosnie-Herzégovine, répondit entre autres choses que l’arrêt de 1996 sur
les exceptions préliminaires en la présente affaire était revêtu de l’autorité
de la chose jugée (cf. observations écrites de la Bosnie-Herzégovine en

date du 3 décembre 2001 sur l’affaire de la Revision de l’arrêt de 1996 ,
par. 5.36), que la Serbie-et-Monténégro avait acquiescé à la compétence
de la Cour fondée sur sa qualité de Membre de l’Organisation des
Nations Unies et de partie au Statut et ne pouvait revenir sur cette posi-
tion (ibid., par. 4.4-4.7), et que la Serbie-et-Monténégro était empêchée,

par l’estoppel ou en vertu du principe général de la bonne foi, d’invoquer
sa propre erreur dans l’interprétation de la situation juridique (ibid.,

255295 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (SEP. OP. OWADA )

the Court would have jurisdiction under Article 35, paragraph 2, of the

Statute (Revision of the 1996 Judgment , paras. 5.1-5.27).

30. Nevertheless, in its Judgment on the Revision of the 1996 Judg-
ment case the Court did not pronounce on any of these contentions for
the simple reason that the Court decided that the task of the Court was

to confine itself to the examination of the question whether a “new fact”
had been adduced to satisfy the conditions required under Article 61 of
the Statute. The Court, solely on that basis, rejected the application for
revision of the Applicant, Serbia and Montenegro, as not satisfying the
conditions under Article 61. It was during this same period following the

new developments of 2000, which definitively clarified the legal status of
FRY in and vis-à-vis the United Nations, that the Court in 2004 for the
first time had the opportunity to address the issue of its competence to
entertain the cases brought by the FRY as the Applicant, including the

issue of the Applicant’s access to the Court. In light of the circumstances
which had come to be clarified in the post-2000 period, the Court came to
its well-known conclusion that it lacked jurisdiction because the Appli-
cant lacked the jus standi to appear before the Court in light of the facts
available to it as of that time.

31. By contrast, the legal situation surrounding the 1996 Judgment on
preliminary objections in the present case was quite different. As already
stated, in its Order of 8 April 1993 on the request for the indication of
provisional measures, the Court determined that

“while the solution adopted [in the United Nations as of that time] is
not free from legal difficulties, the question whether or not Yugosla-
via is a Member of the United Nations and as such a party to the

Statute of the Court is one which the Court does not need to deter-
mine definitively at the present stage of the proceedings ”( Application
of the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of
Genocide (Bosnia and Herzegovina v. Yugoslavia), Provisional
Measures, Order of 8 April 1993, I.C.J. Reports 1993 , p. 14, para. 18;

emphasis added).
It was in 1996, well before 2000, that the Court, in its Judgment on Pre-

liminary Objections made the finding that
“on the basis of Article IX of the Convention on the Prevention and

Punishment of the Crime of Genocide, it has jurisdiction to adjudi-
cate upon the dispute” (I.C.J. Reports 1996 (II) , para. 47 (2) (a)
(dispositif), p. 623).

32. This means that if we accept that this Judgment did dispose of all
the issues relating to jurisdiction stricto sensu raised by the Respondent
and declared that “it has jurisdiction to adjudicate upon the dispute”,
then this decision could only mean as a matter of law that every process

to be completed before the Court could proceed to the examination of
the merits of the case had been completed in 1996, long before the legal

256 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE OP .IND .OWADA ) 295

par. 4.19). Il soutenait également que la Cour devait avoir compétence en

vertu du paragraphe 2 de l’article 35 du Statut (Revision de l’arrêt de
1996, par. 5.1-5.27).
30. Néanmoins, dans son arrêt rendu en l’affaire de la Revision de
l’arrêt de 1996, la Cour ne s’est prononcée sur aucune de ces affirmations
pour la simple raison qu’elle avait considéré que sa tâche se limitait à exa-

miner uniquement la question de savoir si un «fait nouveau» avait été
découvert qui permît de juger remplies les conditions énoncées à l’ar-
ticle 61 du Statut. C’est sur cette base, et sur cette base seulement, que la
Cour a rejeté la demande en revision du demandeur — la Serbie-et-Mon-
ténégro. C’est pendant cette même période qui s’était ouverte par les évé-

nements nouveaux de 2000 que la Cour a eu pour la première fois l’occa-
sion, en 2004, d’examiner la question de sa compétence pour connaître
des affaires introduites par la RFY en tant que demandeur, et notam-
ment la question de l’accès de ce dernier à la Cour. A la lumière des cir-

constances qui avaient été clarifiées après 2000, la Cour est parvenue à la
conclusion bien connue qu’elle n’avait pas compétence au motif que, au
vu des faits dont elle disposait à l’époque, le demandeur n’avait pas qua-
lité pour agir devant elle.

31. Par contraste, la situation juridique entourant l’arrêt de 1996 sur
les exceptions préliminaires en l’espèce était très différente. Ainsi qu’il a
déjà été indiqué, dans son ordonnance du 8 avril 1993 sur la demande en
indication de mesures conservatoires, la Cour avait déclaré:

«si la solution adoptée [aux Nations Unies à l’époque considérée] ne
laisse pas de susciter des difficultés juridiques, la Cour n’a pas à sta-
tuer définitivement au stade actuel de la procédure sur la question de

savoir si la Yougoslavie est ou non membre de l’Organisation des
Nations Unies et, à ce titre, partie au Statut de la Cour» (Applica-
tion de la convention pour la prévention et la répression du crime de
génocide (Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie), mesures conserva-
toires, ordonnance du 8 avril 1993, C.I.J. Recueil 1993, p. 14, par. 18;

les italiques sont de moi).
C’est en 1996, bien avant 2000, que la Cour, dans son arrêt sur les

exceptions préliminaires, a conclu qu’elle avait
«compétence, sur la base de l’article IX de la convention pour la

prévention et la répression du crime de génocide, pour statuer sur le
différend» (C.I.J. Recueil 1996 (II), par. 47, point 2) a) du dispo-
sitif, p. 623).

32. Ainsi, si nous acceptons que la Cour a, par cet arrêt, effectivement
tranché l’ensemble des questions de compétence stricto sensu soulevées
par le défendeur et déclaré qu’«elle a[vait] compétence pour statuer sur le
différend», cette décision peut uniquement signifier, en droit, que tous les

actes qui devaient être accomplis avant que la Cour ne puisse procéder à
l’examen du fond de l’affaire avaient été accomplis en 1996, bien avant

256296 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (SEP. OP. OWADA )

situation regarding the status of the FRY became finally clarified in a

new light in 2000. And this to my mind is the decisive difference that dis-
tinguishes the 1996 Judgment from the 2004 Judgment, both relating to
the preliminary objections on jurisdiction.
33. It is true that the 1996 Judgment did not make any express refer-
ence, nor any express “definitive determination” by the Court with regard

to the issue of the legal status of the Respondent vis-à-vis the Statute of
the Court. Nevertheless, it is simply impossible to think that the Court
was unaware of the issue surrounding the legal status of the Respondent
(the issue of jus standi/access to the Court) which had already been iden-
tified and expressly referred to in its Order of 1993. Under such circum-

stances, the conclusion is inescapable that whatever the view of the Court
may have been at the time of this 1996 Judgment on the issue of the legal
status of the FRY during the relevant period between 1993 and 1996, the
Court at the time of its 1996 Judgment at least did not put in question the

capacity of the FRY to have access to the Court under the Statute. Since
the issue of the capacity of a party to have the legal standing to appear
before the Court has to be regarded as a question which logically pre-
cedes the issues relating to jurisdiction stricto sensu — i.e., the issues
relating to jurisdiction ratione personae, ratione materiae and ratione

temporis under the relevant legal instruments that afford the basis for
jurisdiction of the Court in a concrete case — it would be impossible to
argue as a matter of law that the Court itself, when it pronounced in its
1996 Judgment that “it had jurisdiction to adjudicate upon the dispute”
— and not just prima facie jurisdiction but jurisdiction ratione personae,

ratione materiae and ratione temporis — should be deemed to have left
undecided, and kept open, what is the logical premise for such a pro-
nouncement — i.e., the premise that the Respondent had the legal stand-
ing to appear before the Court, on whatever ground that might be. In
other words, this Judgment has to be regarded in law as amounting to the

“definitive determination” as referred to in its Order of 1993, as far as the
present case is concerned.
34. It should be emphasized that this position is strictly to be distin-
guished from the one based on “tacit acceptance” or “implied accept-
ance” of jurisdiction. The only context in which this logic prevails is that

the Court itself, by legal construction, must be deemed in law to have
settled the issue of access to the Court, an issue which constitutes the
logical prerequisite that the Court has to satisfy before it can proceed to
the conclusion that it has jurisdiction ratione personae, ratione materiae,
and ratione temporis. Without addressing that problem, the Court simply

could not have proceeded to the examination of jurisdiction stricto sensu.
35. Furthermore, it would follow from this conclusion as long as we
accept that the Court by legal construction has to be deemed to have
made such “definitive determination”, though without specifically
addressing it in the Judgment, the issue of access to the Court has to be

regarded also as coming into the ambit of issues that constitute res judi-
cata of the 1996 Judgment.

257 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE OP .IND .OWADA ) 296

que la situation juridique concernant le statut de la RFY ne soit finale-

ment clarifiée à la lumière des faits nouveaux survenus en 2000. C’est ce
qui, selon moi, différencie de manière décisive l’arrêt de 1996 de celui de
2004, tous deux consacrés aux exceptions préliminaires à la compétence.
33. Il est vrai que l’arrêt de 1996 ne fait pas expressément référence à
la question de la situation juridique du défendeur à l’égard du Statut de

la Cour, ni ne «statue définitivement» sur celle-ci. Néanmoins, il est tout
simplement impossible de supposer que la Cour ait pu ne pas avoir cons-
cience que se posait la question du statut juridique du défendeur (c’est-
à-dire de la qualité pour agir de celui-ci/de son accès à la Cour), déjà
identifiée et expressément mentionnée dans son ordonnance de 1993.

Dans ces circonstances, la conclusion s’impose que, quel que soit le point
de vue adopté par la Cour à l’époque de l’arrêt de 1996 sur la question du
statut juridique de la RFY pendant la période pertinente (de 1993 à
1996), elle n’a pas, du moins à l’époque de l’arrêt de 1996, contesté àa l

RFY sa capacité à agir devant elle aux termes du Statut. Puisque la ques-
tion de la qualité d’une partie pour agir devant la Cour doit être consi-
dérée comme précédant logiquement les questions de compétence stricto
sensu — à savoir les questions de compétence ratione personae, ratione
materiae et ratione temporis aux termes des instruments juridiques perti-

nents constituant le titre de compétence de la Cour dans une affaire
concrète —, l’on voit mal, d’un point de vue juridique, comment la Cour
elle-même, lorsqu’elle a indiqué dans son arrêt de 1996 qu’«elle a[vait]
compétence pour statuer sur le différend» — et non simplement une com-
pétence prima facie mais une compétence ratione personae, ratione mate-

riae et ratione temporis —, pourrait ne pas avoir tranché, et avoir laissé
en suspens, ce qui constitue la prémisse logique d’un tel prononcé, à
savoir que le défendeur avait qualité pour agir devant elle, sur quelque
fondement que ce fût. En d’autres termes, cet arrêt doit être considéré en
droit comme ayant «statué définitivement», pour reprendre l’expression

contenue dans l’ordonnance de 1993, en ce qui concerne la présente
affaire.
34. Soulignons que cette position doit être strictement distinguée de
celle fondée sur «l’acceptation tacite» ou «l’acceptation implicite» de
compétence. Cette logique ne vaut qu’en tant que la Cour elle-même, par

implication juridique, doit être réputée en droit avoir réglé la question de
l’accès à la Cour, condition logique à remplir par cette dernière pour
qu’elle puisse établir sa compétence ratione personae, ratione materiae et
ratione temporis. Si cette question n’avait pas été réglée, la Cour n’aurait
pu procéder à l’examen de la compétence stricto sensu.

35. Il en découle en outre, pour autant qu’il soit admis que la Cour est
réputée, par implication juridique, avoir «statué définitivement», bien
que ne l’indiquant pas expressément dans l’arrêt, que la question de
l’accès à la Cour doit également être considérée comme relevant de la

chose jugée par l’arrêt de 1996.

257297 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (SEP.OP .OWADA )

36. It might further be added that a case could be made that the
parties, as well as the Court itself, until 2000 long after the 1996 Judg-

ment, had been acting in reliance on the conclusion, induced by the
Court itself, that the Respondent did indeed have the capacity to appear
before the Court, and that this fact in itself constitutes an objective legal
situation which can no longer be ignored at this stage by the parties and

by the Court.
37. In a nutshell, my view on this question is that the Court itself, and
not the Respondent, is precluded now from taking a different position at
this stage which would be diametrically opposed to the one that the
Court itself is deemed in law to have so definitively determined in the

present case. The principle of consistency as an essential prerequisite for
the stability of legal relations should support such an approach.

III. THE N ATURE OF O BLIGATIONS UNDER THE G ENOCIDE C ONVENTION

38. The Court, in paragraph 179 of the present Judgment, concludes

that
“[i]t affirms that the Contracting Parties are bound by the obligation

under the Convention not to commit, through their organs or per-
sons or groups whose conduct is attributable to them , genocide and
the other acts enumerated in Article III” (Judgment, para. 179;
emphasis added).

39. I agree with this finding of the Court in its present general formu-
lation, and on this basis have voted in favour of the items of the dispositif
relating to this point (dispositif, sub-paras. (2) to (5)).

40. At the same time, however, I wish to register here my position that
while I accept the conclusion of the Court that the Respondent “through
[its] organs or persons or groups whose conduct is attributable to [it]”
(Judgment, para. 179) may not only incur international responsibility for
acts of genocide or the other acts enumerated in Article III committed by

such organs or persons or groups under international law, but also can be
held to account before this Court for such internationally wrongful acts
as falling within the jurisdiction of the Court under Article IX the Geno-
cide Convention, I cannot agree with the legal ground on which the Judg-

ment has arrived at this conclusion, inasmuch as the Judgment is pri-
marily based on its finding on the scope of Article I of the Convention.

41. In the most crucial part of the Judgment which discusses this point
of direct responsibility of the State for genocide, the Judgment declares as
follows:

“Under Article I [of the Genocide Convention] the States parties
are bound to prevent such an act, which it describes as ‘a crime
under international law’, being committed. The Article does not

258 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP. IND. OWADA ) 297

36. Pourrait encore être avancé l’argument selon lequel jusqu’en 2000,
c’est-à-dire jusque bien après l’arrêt de 1996, les Parties, tout comme la
Cour, ont agi en se fondant sur la conclusion, amenée par la Cour elle-

même, que le défendeur avait effectivement qualité pour agir devant elle,
et que ce fait en lui-même constitue une situation juridique objective qui
ne peut plus être ignorée à ce stade par les Parties et par la Cour.

37. En un mot, mon opinion sur la question est que la Cour elle-même,

et non le défendeur, est à présent empêchée d’adopter à ce stade une posi-
tion différente, qui serait diamétralement opposée à celle qu’elle est elle-
même réputée avoir, en droit, définitivement adoptée en l’espèce. Le prin-
cipe de cohérence en tant que condition essentielle de la stabilité des

relations juridiques devrait conforter une telle approche.

III. LA NATURE DES OBLIGATIONS PRÉVUES PAR LA CONVENTION
SUR LE GÉNOCIDE

38. Au paragraphe 179 du présent arrêt, la Cour conclut que

«les parties contractantes sont tenues en vertu de la Convention de
ne pas commettre, par l’intermédiaire de leurs organes ou de per-
sonnes ou groupes de personnes dont le comportement leur est attri-
buable, le génocide ni aucun des autres actes énumérés à l’ar-

ticle III» (arrêt, par. 179; les italiques sont de moi).
39. Je souscris à cette conclusion de la Cour dans ses termes généraux,
et j’ai donc voté en faveur des paragraphes correspondants du dispositif

(dispositif, points 2) à 5)).
40. Je n’en tiens pas moins à indiquer ici que — tout en acceptant la
position de la Cour selon laquelle le défendeur, «par l’intermédiaire de
[ses] organes ou de personnes ou groupes de personnes dont le compor-

tement [lui] est attribuable» (arrêt, par. 179), peut non seulement enga-
ger sa responsabilité internationale à raison des actes de génocide ou des
autres actes, énumérés à l’article III, commis par ces organes ou per-
sonnes ou groupes en droit international, mais peut aussi avoir à répon-

dre devant cette Cour de tous faits internationalement illicites relevant de
la compétence de celle-ci aux termes de l’article IX de la convention sur le
génocide — je ne puis souscrire au raisonnement juridique par lequel la
Cour est parvenue à cette conclusion, dans la mesure où il se fonde essen-
tiellement sur les conclusions touchant à la portée de l’article premier de

la Convention.
41. Dans la partie centrale de l’arrêt consacrée à la responsabilité
directe de l’Etat pour génocide, la Cour déclare:

«L’article premier [de la convention sur le génocide] fait obliga-
tion aux Etats parties de prévenir la commission d’un génocide, qu’il
qualifie de «crime du droit des gens». Il n’impose pas expressis

258298 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (SEP. OP. OWADA )

expressis verbis require States to refrain from themselves committing

genocide. However, in the view of the Court, taking into account the
established purpose of the Convention, the effect of Article I is to
prohibit States from themselves committing genocide. Such a prohi-
bition follows, first, from the fact that the Article categorizes geno-
cide as ‘a crime under international law’: by agreeing to such a

categorization, the States parties must logically be undertaking not
to commit the act described . Secondly, it follows from the expressly
stated obligation to prevent the commission of acts of genocide.
That obligation requires the States parties, inter alia, to employ the
means at their disposal, in circumstances to be described more spe-

cifically later in this Judgment, to prevent persons or groups not
directly under their authority from committing an act of genocide or
any of the other acts mentioned in Article III. It would be paradoxi-
cal if States were thus under an obligation to prevent, so far as

within their power, commission of genocide by persons over whom
they have a certain influence, but were not forbidden to commit such
acts through their own organs, or persons over whom they have such
firm control that their conduct is attributable to the State concerned
under international law. In short, the obligation to prevent genocide

necessarily implies the prohibition of the commission of genocide .”
(Judgment, para. 166; emphasis added.)

42. In my view, there could be no question that under the general law
of State responsibility international responsibility could certainly be
incurred on the part of a State if an individual or an entity, acting as an
organ of that State or in any other matter which makes the act attribut-
able to the State, should be held responsible for this internationally

wrongful act.
43. I also have no difficulty in accepting the proposition that the
underlying basic principle of the Genocide Convention is that genocide
as defined in the Convention is a heinous “crime under international law”
(Art. I), which the States members of the international community, col-

lectively as community and severally in their individual capacity, are obli-
gated to prevent and punish, and a fortiori to forego its commission by
themselves.
44. But I do not believe that it follows from this general proposition
that the Convention, as such, therefore should by necessary implication

be deemed to impose upon States parties an obligation under Article I
that the State parties undertake not to commit an act of genocide and to
accept direct international responsibility for such an act and be held to
account under the Convention , despite the fact that the article does not
contain any provision imposing such an obligation upon the States

parties. The issue is not whether such an obligation on the part of States
exists in contemporary international law or not; the issue is what is the

259 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP. IND. OWADA ) 298

verbis aux Etats de s’abstenir de commettre eux-mêmes un génocide.

De l’avis de la Cour, cependant, eu égard à l’objet de la Convention
tel que généralement accepté, l’article premier a pour effet d’interdire
aux Etats parties de commettre eux-mêmes un génocide. Une telle
prohibition résulte, d’abord, de la qualification de «crime du droit
des gens» donnée par cet article au génocide:en acceptant cette qua-

lification, les Etats parties s’engagent logiquement à ne pas com-
mettre l’acte ainsi qualifié. Elle résulte, ensuite, de l’obligation, expres-
sément stipulée, de prévenir la commission d’actes de génocide.
Cette obligation impose notamment aux Etats parties de mettre en
Œuvre les moyens dont ils disposent, dans des conditions qui seront

précisées plus loin dans le présent arrêt, afin d’empêcher des per-
sonnes ou groupes de personnes qui ne relèvent pas directement de
leur autorité de commettre un acte de génocide ou l’un quelconque
des autres actes mentionnés à l’article III. Il serait paradoxal que les

Etats soient ainsi tenus d’empêcher, dans la mesure de leurs moyens,
des personnes sur lesquelles ils peuvent exercer une certaine influence
de commettre le génocide, mais qu’il ne leur soit pas interdit de com-
mettre eux-mêmes de tels actes par l’intermédiaire de leurs propres
organes, ou des personnes sur lesquelles ils exercent un contrôle si

étroit que le comportement de celles-ci leur est attribuable selon le
droit international. En somme, l’obligation de prévenir le génocide
implique nécessairement l’interdiction de le commettre. » (Arrêt,
par. 166; les italiques sont de moi.)

42. A mes yeux, il ne fait aucun doute que, en vertu du droit général de
la responsabilité des Etats, la responsabilité internationale d’un Etat est
engagée lorsqu’une personne physique ou morale agissant en tant
qu’organe de cet Etat ou à tout autre titre rendant son acte imputable à
ce dernier est tenue pour responsable de ce fait internationalement illicite.

43. Je puis également approuver sans difficulté la thèse selon laquelle
le principe fondamental sous-jacent de la convention sur le génocide
consiste à qualifier le génocide défini dans la Convention de «crime
[odieux] du droit des gens» (art. I), que les Etats membres de la commu-

nauté internationale, collectivement en tant que communauté et séparé-
ment à titre individuel, ont obligation de prévenir et de réprimer, et à
fortiori de ne pas commettre eux-mêmes.
44. Pour autant, je ne pense pas que cette proposition générale im-
plique que la Convention, en tant que telle, doive ainsi être nécessairement

considérée comme imposant, en vertu de l’article premier — et bien que
cet article ne contienne aucune disposition sur ce point à l’égard des Etats
parties —, aux Etats parties l’obligation de s’engager à ne pas commettre
d’acte de génocide et à accepter une responsabilité internationale directe à
raison de ces actes, et de répondre de ceux-ci aux termes de la Conven-

tion. La question n’est pas de savoir si une telle obligation de la part des
Etats existe ou non en droit international contemporain; la question est

259299 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (SEP.OP .OWADA )

source of such obligation if it exists, for the purposes of the present

case.
45. It seems to me absolutely clear from the very title and the whole
structure of the Convention that the object and purpose of the Conven-
tion is to make a solemn compact among the States parties to the Con-
vention to “confirm that genocide [as defined by the Convention] is a

crime under international law ” and to “undertake to prevent and to pun-
ish” this international crime (Art. I), primarily focusing, as the concrete
means to carry out this undertaking, on prosecuting individuals who are
the actual culprits of the crime. We find no provisions in the Convention
which prescribe an undertaking on the part of the States parties that they

bind themselves to the obligation not to commit an act of genocide them-
selves and to assume direct responsibility directly for a breach of such
obligation under the Convention. Since the Convention is a solemn com-
pact among sovereign States, I do not believe that one can simply pre-

sume that such an undertaking is implicitly assumed by the States parties
to the Convention when the Convention itself is totally silent on that
point.
46. As the Permanent Court of International Justice declared in its
famous dictum, it is one of the fundamental principles accepted in the

contemporary international legal order that:
“International law governs relations between independent States.

The rules of law binding upon States therefore emanate from their
own free will as expressed in conventions or by usages generally
accepted as expressing principles of law and established in order to
regulate the relations between these co-existing independent commu-
nities or with a view to the achievement of common aims. Restric-

tions upon the independence of States cannot therefore be presumed .”
(“Lotus”, Judgment No. 9, 1927, P.C.I.J., Series A, No. 10 ,p.18;
emphasis added.)

47. In the same vein, the same Court stated, in the context of a case in
which the question at issue was whether the extent of autonomy granted
by one of the parties under a treaty could be inferred when the treaty in
question was silent, as follows:

“the exercise of the [autonomous] powers necessitates the existence
of a legal rule which cannot be inferred from the silence of the instru-

ment from which the autonomy is derived, or from an interpretation
designed to extend the autonomy by encroaching upon the operation
of the sovereign power” (Interpretation of the Statute of the Memel
Territory, Merits, Judgment, 1932, P.C.I.J., Series A/B, No. 49 ,
p. 313; emphasis added).

48. Moreover, even if such a presumption were to be permissible in the
present context, it would certainly be a rebuttable presumption. And it

can indeed be rebutted in light of the legislative history of the Conven-
tion, as I am going to demonstrate in a moment.

260 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP. IND. OWADA ) 299

de connaître l’origine d’une telle obligation, si elle existe, aux fins de la
présente affaire.

45. Il me semble parfaitement clair, d’après son titre même et sa struc-
ture d’ensemble, que le but et l’objet de la Convention sont d’instituer un
contrat solennel entre les Etats parties par lequel ceux-ci confirment que
«le génocide [défini par la Convention] est un crime du droit des gens»

qu’ils «s’engagent à prévenir et à punir» (art. I), en mettant essentielle-
ment l’accent, comme moyen concret de réaliser cet engagement, sur les
poursuites engagées contre les individus coupables de ce crime. Aucune
disposition de la Convention ne prescrit aux Etats parties l’obligation de
s’engager à ne pas commettre eux-mêmes d’acte de génocide et d’assumer

la responsabilité découlant directement d’une violation de l’obligation
visée par la Convention. Celle-ci constituant un contrat solennel entre
Etats souverains, je ne pense pas que l’on puisse simplement présumer
qu’un tel engagement est implicitement contracté par les Etats parties à la

Convention alors que cette dernière est muette sur ce point.

46. Pour reprendre un prononcé célèbre de la Cour permanente de

Justice internationale, l’un des principes fondamentaux reconnus par
l’ordre juridique international contemporain est que:

«Le droit international régit les rapports entre des Etats indépen-
dants. Les règles de droit liant les Etats procèdent donc de la volonté
de ceux-ci, volonté manifestée dans des conventions ou dans des
usages acceptés généralement comme consacrant des principes de

droit et établis en vue de régler la co-existence de ces communautés
indépendantes ou en vue de la poursuite de buts communs. Les
limitations de l’indépendance des Etats ne se présument donc pas .»
(Lotus, arrêt n 9, 1927, C.P.J.I. série A n o 10, p. 18; les italiques

sont de moi.)

47. Dans le même ordre d’idées, concernant une affaire qui posait la
question de savoir si pouvait être déduit d’un traité qui n’en disait mot un
certain degré d’autonomie accordé par l’une des parties, cette même Cour
a déclaré:

«l’exercice [des pouvoirs autonomes] exige l’existence d’une règle
juridique qui ne peut pas être tirée du silence de l’acte dont l’auto-

nomie tire sa source, ni d’une interprétation ayant en vue d’élargir
l’autonomie en empiétant sur le fonctionnement du pouvoir souve-
rain» (Interprétation du statut du territoire de Memel, fond, arrêt,
1932, C.P.J.I. série A/B n o49, p. 313; les italiques sont de moi).

48. De plus, quand bien même une telle présomption serait autorisée

dans le présent contexte, elle serait certainement réfragable — puisqu’elle
pourrait en effet être contredite au vu de la genèse de la Convention,
comme je le démontrerai plus loin.

260300 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (SEP. OP. OWADA )

49. Needless to say, in making this point I do not mean to suggest for

a moment that under the current state of international law States are left
free to commit an act of genocide. Nothing could be further from my
own position on this question. The point is simply that the object and
purpose of the Convention is to pursue the question of preventing and
punishing the heinous act of genocide, which the international commu-

nity is unanimous in abhorring and condemning, through an approach of
treating it as an international crime and holding to account the individuals
who are actual culprits of genocide for their criminal responsibility .
50. It is to be emphasized that this approach is also in line with the
approach adopted by the International Military Tribunal at Nuremberg,

which formed the crucial background for the Genocide Convention. The
Tribunal famously stated that “crimes against international law are com-
mitted by men, not by abstract entities” (Judgment of the International
Military Tribunal, Trial of Major War Criminals , 1947, Vol. 1, p. 223)

and went on to punish the individuals involved, rather than the State as
such.
51. Needless to say, there is no question that a State, as a legal entity,
always acts in its name through individuals who are its organs and that
such acts of these individuals constitute in law acts of the State. As a

result, an act of such individuals acting as an organ of the State is to be
identified as an act of the State in whose name they are acting, and could
incur the international responsibility of the State concerned, if the act in
question is something which can be characterized as an internationally
wrongful act. Precisely for this reason, the Convention addresses that

very issue in its Article IV.
52. But the issue here is a different one. Even granting that in a great
number of cases of genocide, it is the State which is the real culprit
behind the act even when the act in question is perpetrated as an act of
the individual involved acting as an organ of that State, the question to

ask in relation to the Convention is whether the Convention in its actual
structure takes the approach of directly holding the State to account for
the act which is declared to be an international crime under the Conven-
tion. In my view, the question to ascertain is which of the following three
approaches the Convention, in dealing with the act of genocide, is adopt-

ing as the effective means of achieving the object and purpose of the Con-
vention to prevent and punish genocide:

(a) an approach of holding the individual who actually had a hand in
the act in question to account for a crime of genocide, which

requires the existence of dolus specialis on the part of the culprit as
a matter of criminal law;
(b) an approach of holding the State, in whose name the individual has
committed the act, to account for an internationally wrongful act ,
under the international law of State responsibility; or

(c) an approach of holding both the individual and the State to account
consecutively.

261 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE OP .IND .OWADA ) 300

49. Il va de soi que, en affirmant cela, il ne s’agit pas pour moi de lais-

ser entendre un seul instant que le droit international, sous sa forme
actuelle, laisse aux Etats la liberté de commettre un acte de génocide. Ma
position ne saurait être plus éloignée d’une telle idée. J’affirme simple-
ment que le but et l’objet de la Convention concernent la question de la
prévention et de la répression de cet acte odieux qu’est le génocide,

unanimement rejeté et condamné par la communauté internationale, la-
quelle le qualifie de crime international et punit, au titre de leur respon-
sabilité pénale, les individus qui se sont rendus coupables de génocide.
50. Soulignons que cette approche va également dans le sens de celle
adoptée par le tribunal militaire international de Nuremberg, qui a lar-

gement inspiré la convention sur le génocide. Le tribunal, célèbre pour sa
phrase selon laquelle «[c]e sont les hommes, et non des entités abstraites,
qui commettent les crimes [de] droit international…» (jugement du
Tribunal militaire international, procès des grands criminels de guerre ,

1947, t. 1, p. 235), a puni les individus impliqués, et non l’Etat en tant
que tel.
51. Il va sans dire qu’un Etat, en tant que personne morale, agit tou-
jours par l’intermédiaire d’individus qui sont ses organes et interviennent
en son nom, et que les actes de ces individus constituent, en droit, des

actes de l’Etat. Partant, un acte commis par ceux-ci en tant qu’organes de
l’Etat doit être considéré comme un acte de l’Etat au nom duquel ils
agissent, acte qui, pour peu qu’il puisse être qualifié de fait interna-
tionalement illicite, est susceptible d’emporter la responsabilité inter-
nationale de l’Etat concerné. C’est précisément pour cette raison que la

Convention traite de cette question à son article IV.
52. La question ici est toutefois différente. Même si l’on admet que,
dans un grand nombre de cas de génocide, c’est l’Etat qui est le véritable
coupable, y compris lorsque ce dernier est le fait d’un individu agissant en
qualité d’organe de cet Etat, la question qui se pose en relation avec la

Convention est de savoir si celle-ci, telle qu’elle est structurée, a pour
objet d’amener directement l’Etat à répondre de l’acte déclaré constituer
un crime international aux termes de la Convention. Selon moi, la ques-
tion consiste à déterminer quelle est, parmi les trois approches suivantes,
celle adoptée par la Convention comme moyen de réaliser le but et l’objet

de celle-ci consistant à prévenir et à punir le génocide:

a) l’approche consistant à amener l’individu ayant effectivement parti-
cipé à l’acte en question à répondre d’un crime de génocide, ce qui, en

droit pénal, exige l’existence du dolus specialis de la part du cou-
pable;
b) l’approche consistant à amener l’Etat au nom duquel l’individu a
accompli cet acte à répondre d’un fait internationalement illicite au
sens du droit international de la responsabilité des Etats; ou

c) l’approche consistant à amener l’individu et l’Etat à répondre consé-
cutivement.

261301 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (SEP.OP .OWADA )

In any case it is clear that the Convention has rejected yet another pos-

sibility, i.e., (d) an approach to hold the State directly to account for an
international crime of genocide , on the ostensible ground that a State
cannot commit a crime in the penal sense.
53. On the basis of a natural interpretation of the provisions of the
Convention having regard to the object and purpose of the Convention

as reflected in its structure, and reinforced by its legislative history as
demonstrated by the travaux preparatoires, I am persuaded by the con-
clusion that — setting aside for the moment the legal implication which
came later to be introduced into the picture by an amendment to the
language of Article IX (a point I am going to deal with later in this

opinion) — all the evidence available to us points to the direction
that the Convention in its original scheme followed the approach (a),
i.e., the approach to pursue the goal of preventing and punishing and
thus banishing genocide as an “international crime”, primarily through

prosecuting the individuals who have committed the criminal act with
dolus specialis, whether acting in the capacity as organs of State or other-
wise. The provisions of Article IV clearly testify to this approach. Also
the emphasis on dolus specialis as one essential constituent element of
genocide as a crime specified in Article II also tends to confirm this inter-

pretation.
54. It must be noted in this connection that there is nothing in this
approach of the Convention which would logically contradict or exclude
the proposition contained in the approach (b). As is stated above
(paras. 41 et seq.), if an act committed by an individual, acting in his

capacity as an organ of a State, amounts to an internationally wrongful
act in the eyes of international law, the law of State responsibility
attributes this act in question to the State for whom the individual has
acted as its organ, thus incurring international responsibility of the State
for that act. This, however, is a legal situation arising under the rules of

general international law and is separate from the question of the scope
of the obligations under the Convention as represented by the substantive
provisions of the Convention (i.e., Arts. I-VII). In other words, the
approach (b) would certainly be viable, based on the legal link that
could exist under general international law between the rights of the State

that suffers injury through its nationals who are victims of the crime of
genocide to seek remedy for this internationally wrongful act on the one
hand, and the obligations of the State for this internationally wrongful
act on the other.
55. As a general proposition of the law on this legal nexus, I have no

disagreement with the position enunciated in the Judgment when it pro-
nounces as the following:

“The Court observes that that duality of responsibility [i.e., the
responsibility of an individual and the responsibility of the State on

whose behalf the individual has acted, both existing side by side]
continues to be a constant feature of international law. This feature

262 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP. IND. OWADA ) 301

Dans tous les cas, il est clair que la Convention a rejeté une autre pos-

sibilité, à savoir d) l’approche consistant à amener l’Etat à répondre
directement d’un crime international de génocide , au motif qu’un Etat ne
saurait commettre de crime au sens pénal.
53. Sur la base d’une interprétation naturelle des dispositions de la
Convention relativement au but et à l’objet de celle-ci tels que reflétés

dans sa structure, renforcée par la genèse de cette même Convention telle
qu’elle ressort des travaux préparatoires, je suis persuadé — laissant pour
le moment de côté les conséquences juridiques que la modification du
libellé de l’article IX devait ultérieurement entraîner (point que j’aborde-
rai plus loin dans la présente opinion) — que toutes les preuves dont nous

disposons convergent vers ceci que la Convention retint dès l’origine
l’approche a), à savoir celle consistant à poursuivre l’objectif de prévenir
et de réprimer — et par là même bannir — le génocide en tant que «crime
international», en poursuivant essentiellement pour ce faire les individus

à l’origine de l’acte criminel assorti du dolus specialis, qu’ils aient agi en
qualité d’organes de l’Etat ou à tout autre titre. Les dispositions de l’ar-
ticle IV attestent clairement de cette approche. Par ailleurs, le fait que
l’article II mette l’accent sur le dolus specialis en tant qu’élément consti-
tutif essentiel du crime de génocide tend également à confirmer cette

interprétation.
54. Il convient de noter à ce propos que rien dans cette approche de la
Convention ne contredirait ou n’exclurait logiquement la proposition
contenue dans l’approche b). Ainsi qu’il est indiqué plus haut (par. 41 et
suiv.), si un acte commis par un individu agissant en tant qu’organe d’un

Etat équivaut à un fait internationalement illicite, le droit de la respon-
sabilité des Etats l’attribue à l’Etat au nom duquel l’individu a agi en tant
qu’organe, exposant ainsi la responsabilité internationale de l’Etat en
question à raison de cet acte. Il s’agit là toutefois d’une situation juri-
dique découlant des règles du droit international général et qui est sans rap-

port avec la question de la portée des obligations énoncées par la Conven-
tion dans ses dispositions de nature substantielle (à savoir les articles I à
VII). En d’autres termes, l’approcheb) serait certainement viable, sur la
base du lien juridique qui pourrait exister en droit international entre,
d’une part, le droit de l’Etat lésé au travers de l’un de ses ressortissants

victime du crime de génocide d’obtenir réparation de ce fait internatio-
nalement illicite et, d’autre part, les obligations découlant pour l’autre
Etat de ce fait internationalement illicite.

55. S’agissant d’une proposition générale de droit sur ce lien juridique,

je ne désapprouve pas la position suivante énoncée dans l’arrêt:

«La Cour relève que cette dualité en matière de responsabilité [à
savoir la responsabilité d’un individu et la responsabilité de l’Etat au

nom duquel l’individu a agi, existant côte à côte] continue à être une
constante du droit international. Cet élément figure au paragraphe 4

262302 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (SEP.OP .OWADA )

is reflected in Article 25, paragraph 4, of the Rome Statute for the
International Criminal Court, now accepted by 104 States: ‘No pro-
vision in this Statute relating to individual criminal responsibility
shall affect the responsibility of States under international law’. The

Court notes also that the ILC’s Articles on the Responsibility of
States for Internationally Wrongful Acts . . . affirm in Article 58 the
other side of the same coin: ‘These articles are without prejudice to
any question of the individual responsibility under international law
of any person acting on behalf of a State’ . . .” (Judgment, para. 173).

56. However, I submit that this argument, while certainly valid, misses

the point. The point at issue is not whether international law recognizes
this “duality of responsibility” (ibid.), which it clearly does, but whether
the Genocide Convention is based on such an approach based on “duality
of responsibility” (ibid.) by holding the State to account directly under
the Convention for its internationally wrongful act, as well as holding the

individual to account for his crime of genocide as defined under the Con-
vention. In my view the Convention leaves this first aspect relating to the
direct responsibility of the State as falling outside the scope of the Con-
vention, as far as the substantive provisions of the Convention are con-
cerned. The Convention as such does not touch on this legal link and

leaves the matter to general international law.

57. In this connection, it is to be noted that the Judgment states that

“[t]he jurisdiction of the Court is founded on Article IX of the Con-
vention, and the disputes subject to that jurisdiction are those ‘relat-
ing to the interpretation, application or fulfilment’ of the Conven-
tion, but it does not follow that the Convention stands alone”,

and then goes on to say that:

“In order to determine whether the Respondent breached its obli-
gations under the Convention, as claimed by the Applicant, and if a

breach is committed, to determine its legal consequences, the Court
will have recourse not only to the Convention itself, but also to the
rules of general international law on treaty interpretation and on
responsibility of States for internationally wrongful acts.” (Judg-
ment, para. 149.)

58. However, it has to be pointed out with regard to this approach of
the Judgment that the issue of the rules of general international law on

State responsibility is a separate issue of substance which is independent
of the scope of Article I of the Convention in the present context, in the
sense that the question of whether a certain act of a State constitutes a
violation of the obligation undertaken by the State under Article I the
Convention is one thing, while the question of whether the same act con-

stitutes an internationally wrongful act under general international law is

263 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE OP .IND .OWADA ) 302

de l’article 25 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale,

auquel sont à présent parties cent quatre Etats: «Aucune disposition
du présent Statut relative à la responsabilité pénale des individus
n’affecte la responsabilité des Etats en droit international.» La Cour
relève également que les articles de la CDI sur la responsabilité de
l’Etat pour fait internationalement illicite ... abordent, à l’article 58,

la question par son autre aspect: «Les présents articles sont sans
préjudice de toute question relative à la responsabilité individuelle
d’après le droit international de toute personne qui agit pour le
compte d’un Etat.»...» (Arrêt, par. 173.)

56. Je dirais toutefois que cet argument, bien que certainement valide,
porte à faux. En effet, il est question non de savoir si le droit international
reconnaît cette «dualité en matière de responsabilité» (ibid.), ce qu’il fait

manifestement, mais de savoir si la convention sur le génocide se fonde
sur une telle approche s’articulant autour d’une «dualité en matière de
responsabilité» (ibid.) pour amener l’Etat à répondre directement, aux
termes de la Convention, de son fait internationalement illicite, et pour
amener également l’individu à répondre de son crime de génocide tel que

défini dans la Convention. Je n’ai pas le sentiment que la portée des dis-
positions de nature substantielle de la Convention s’étende à ce premier
aspect lié à la responsabilité directe de l’Etat. La Convention, en tant que
telle, n’aborde pas ce lien juridique et s’en remet à cet égard au droit
international général.

57. A ce propos, il convient de noter que l’arrêt affirme que
«la Cour tire sa compétence de l’article IX de la Convention et que

[le fait que] les différends qui relèvent de cette compétence portent
sur «l’interprétation, l’application ou l’exécution de» la Convention
n’a pas nécessairement pour conséquence que seule doive entrer en
ligne de compte cette Convention»,

pour ajouter:
«Afin de déterminer si, comme le soutient le demandeur, le défen-

deur a violé l’obligation qu’il tient de la Convention et, s’il y a eu
violation, d’en déterminer les conséquences juridiques, la Cour fera
appel non seulement à la Convention proprement dite, mais aussi
aux règles du droit international général qui régissent l’interpréta-
tion des traités et la responsabilité de l’Etat pour fait internationa-

lement illicite.» (Arrêt, par. 149.)
58. Cette approche de l’arrêt nous conduit toutefois à observer que la

question des règles du droit international général sur la responsabilité des
Etats est une question de fond distincte, indépendante de celle de la por-
tée de l’article premier de la Convention dans le présent contexte; en
effet, le point de savoir si tel acte d’un Etat constitue une violation de
l’obligation souscrite par celui-ci aux termes de l’article premier de la

Convention est une chose; rechercher si le même acte constitue un fait
internationalement illicite en droit international général en est une autre.

263303 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION SEP .OP .OWADA )

quite another, In deciding on the former issue, the latter question cannot

be brought into play. In my view the question of State responsibility in
this sense, which could certainly be brought into existence under general
international law as a result of the commission of the crime of genocide
by an individual, would be a distinct issue of responsibility of the State
arising out of the link of attribution of the act in question to the State

and not arising directly out of Article I of the Convention. Therefore it
could come under the jurisdiction of the Court under Article IX of the
Convention, only if it can be established that this aspect of State respon-
sibility under general international law is brought into the ambit of the
operation of Article IX, not as a matter of “interpretation, application or

fulfilment of the Convention” but through some mechanism for incorpo-
rating this issue by reference into the scope of the jurisdiction of the
Court. I do not believe that the Court can extend its jurisdiction to this
issue of general international law automatically as if it were a logical

sequence that can be incorporated into the scope of the jurisdiction of the
Court through the process of interpretation on specific obligations pro-
vided for under the Convention.
59. In considering the matter in the present context, therefore, we have
to examine the precise scope of the jurisdictional framework, within

which the Court operates in the present case, as set by Article IX of the
Convention. In this respect, the standard formula that one normally finds
in a compromissory clause in many treaties — and indeed the formula
that had been adopted in the original compromissory clause of the
present Convention — would not allow us to go into this area of issues of

general international law — i.e., the issues relating to international respon-
sibility of a State for an internationally wrongful act emanating under
general international law, but not under specific provisions of the treaty
in issue. The issue would not fall within the operational scope of such
compromissory clause which limits the jurisdiction of the Court to issues

relating to “interpretation and application of the present Convention”.

60. The crucial question therefore is whether the added language in
Article IX has changed this legal situation, especially from the viewpoint
of the scope of the jurisdiction of the Court in such a way as to include

within the ambit of the Convention the issue of State responsibility under
general international law for internationally wrongful acts arising out of
the commission of the crime of genocide by individuals specifically pro-
vided for under the Convention.

61. In order to ascertain this point, a close examination of the travaux
preparatoires on the legislative history of this article would seem to be
indispensable, given the fact that in particular the amended language of
Article IX is so ambiguous as to render it “[devoid of] any meaningful
sense” according to some. (See, e.g., the declaration of Judge Oda in the

1996 Judgment, I.C.J. Reports 1996 (II) , p. 628, para. 5) In other words,
here we are faced with a situation in which “the interpretation according

264 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE OP .IND .OWADA ) 303

La première question ne saurait être tranchée via la seconde. De mon

point de vue, la question de la responsabilité de l’Etat en ce sens, que le
droit international général pourrait certainement admettre à raison de la
commission du crime de génocide par un individu, constitue une question
distincte de la responsabilité de l’Etat résultant de l’attribution à celui-ci
de l’acte en question et non directement de l’article premier de la Conven-

tion. Partant, la Cour pourrait être compétente à cet égard en vertu de
son article IX, à condition d’établir que cet aspect de la responsabilité de
l’Etat en droit international général tombe dans le champ d’application
de l’article IX, non par «interprétation, application ou exécution de la
Convention», mais par quelque moyen de faire indirectement relever

cette question de la compétence de la Cour. Je ne pense pas que celle-ci
puisse d’office étendre sa compétence à la question de droit international
général considérée — comme si un processus d’interprétation des obliga-
tions spécifiques prévues dans la Convention permettait une telle séquence

logique.

59. Au vu du contexte, il y a donc lieu d’établir avec précision le cadre
juridictionnel dans lequel évolue la Cour en l’espèce, cadre fourni par

l’article IX de la Convention. A cet égard, la formule standard que l’on
retrouve habituellement dans la clause compromissoire de nombreux trai-
tés — et la formule qui avait d’ailleurs été initialement retenue dans la
clause compromissoire de la Convention, qui nous intéresse ici — ne
nous permettrait pas d’aborder ces questions de droit international géné-

ral, à savoir les questions ayant trait à la responsabilité internationale
d’un Etat au titre d’un fait internationalement illicite relevant du droit
international général mais non de dispositions spécifiques du traité en
question. La question n’entrerait pas dans le champ opérationnel d’une
telle clause compromissoire limitant la compétence de la Cour à des ques-

tions relatives à «l’interprétation et l’application de la présente Conven-
tion».
60. La question essentielle consiste donc à savoir si les termes ajoutés
à la version initiale de l’article IX ont modifié cette situation juridique,
notamment du point de vue de la portée de la compétence de la Cour, de

manière à faire entrer dans le champ d’application de la Convention la
question de la responsabilité d’un Etat en droit international général à
raison de faits internationalement illicites résultant de la commission du
crime de génocide par des individus, expressément visée par la Conven-
tion.

61. Afin d’établir ce point, un examen attentif des travaux prépara-
toires concernant l’histoire rédactionnelle de cet article semble s’imposer,
notamment parce que le libellé modifié de l’article IX est si ambigu qu’il
le rend «[dénué] de sens bien défini» pour certains. (Voir, par exemple, la
déclaration du juge Oda dans l’arrêt de 1996, C.I.J. Recueil 1996 (II) ,

p. 628, par. 5.) En d’autres termes, nous nous trouvons ici précisément
dans un cas où «l’interprétation donnée conformément à [la règle générale

264304 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (SEP. OP.OWADA )

to [the general rule of interpretation in accordance with] Article 31:

(a) leaves the meaning ambiguous or obscure; or (b) leads to a result
which is manifestly absurd or unreasonable.” (Vienna Convention on the
Law of Treaties, Art. 32.)
62. As is well known, the particular language in question in Article IX,
consisting, inter alia, of the addition of the phrase “including disputes

relating to the responsibility of a State for any of the acts enumerated in
Articles II and IV [present Article III]” was proposed by way of an
amendment to Article X (present Article IX) of the original draft Con-
vention by Belgium and the United Kingdom (United Nations doc. A/
C.6/258).

This proposal for amendment was made in the course of the delibera-
tion on the draft Convention in the Sixth Committee of the United
Nations General Assembly, and was accepted by a narrow margin of
19 votes to 17, with 9 abstentions (United Nations, Official Records of

the General Assembly, Third Session, Sixth Committee , Summary Record
of the 104th meeting, p. 447).

63. However, in order properly to understand the scope of this amend-
ment, it is necessary to go back to the pre-history to this development.

Originally the United Kingdom had earlier proposed the following
amendment to Article V (present Article IV):

“Criminal responsibility for any act of genocide as specified in
articles II and IV shall extend not only to all private persons or asso-
ciations, but also to States, governments, or organs or authorities of
the State or government, by whom such acts are committed. Such

acts committed by or on behalf of States or governments constitute
a breach of the present Convention.” (United Nations doc. A/C.6/
236; emphasis added.)

This proposal, while supported by Belgium, was met with a strong
challenge from a number of delegations, including France, the United

States, Canada and others, mainly on the ground that it was an attempt
to apply the concept of criminal responsibility to States, and was rejected
by 24 votes to 22.
64. The United Kingdom tried to reintroduce the same idea of direct
responsibility of State in the form of an amendment to Article VI

(present Article V) in the following words:

“Where the act of genocide as specified by articles II and IV is, or
is alleged to be the act of the State or government itself or of any
organ or authority of the State or government, the matter shall, at
the request of any other party to the present Convention, be referred
to the International Court of Justice, whose decision shall be final

and binding. Any acts or measures found by the Court to constitute
acts of genocide shall be immediately discontinued or rescinded and

265 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP.IND .OWADA ) 304

d’interprétation énoncée à] l’article 31: a) laisse le sens ambigu ou
obscur,oub)conduitàunrésultatquiestmanifestementabsurdeoudéraison-
nable» (Convention de Vienne sur le droit des traités, art. 32).

62. Comme cela a souvent été relevé, la terminologie particulière de
l’article IX, qui résulte, notamment, de l’adjonction du membre de phrase
«y compris les différends relatifs à la responsabilité d’un Etat au titre de
l’un quelconque des actes énumérés aux articles II et IV [aujourd’hui
article III]», fut proposée par voie d’amendement à l’article X (actuel

article IX) du projet initial de convention, amendement déposé par la
Belgique et le Royaume-Uni (Nations Unies, doc. A/C.6/258).
Cette proposition fut avancée lors de la délibération consacrée au
projet de convention devant la Sixième Commission de l’Assemblée
générale des Nations Unies, et fut adoptée à une très légère majorité

(19 voix pour, 17 voix contre et 9 abstentions) (Nations Unies,
Documents officiels de l’Assemblée générale, troisième session,
Sixième Commission, compte rendu analytique de la 104 e séance,
p. 447).

63. Toutefois, afin de bien comprendre la portée de cet amendement,
il convient de revenir à sa préhistoire. Initialement, le Royaume-
Uni avait proposé l’amendement suivant à l’article V (aujourd’hui
article IV):

«Seront pénalement responsables de tout acte de génocide spécifié
aux articles II et IV non seulement tous les particuliers ou associa-

tions, mais également les Etats, les gouvernements, ou les organes ou
autorités de l’Etat ou du gouvernement , qui auront commis de tels
actes. Ces actes, lorsqu’ils seront commis par des Etats ou des gou-
vernements, ou en leur nom, constitueront une violation de la pré-

sente Convention.» (Nations Unies, doc. A/C.6/236; les italiques
sont de moi.)

Cette proposition, qui avait reçu le soutien de la Belgique, suscita une
vive opposition de la part d’un certain nombre de délégations, dont la
France, les Etats-Unis et le Canada, essentiellement au motif qu’il s’agis-
sait là d’une tentative d’appliquer à des Etats le concept de responsabilité

pénale; elle fut rejetée par 24 voix contre 22.
64. Le Royaume-Uni essaya de réintroduire le même principe de res-
ponsabilité directe d’un Etat sous la forme d’un amendement à l’ar-
ticle VI (actuel article V), amendement ainsi libellé:

«Lorsque l’un des actes de génocide spécifiés aux articles II et IV

sera le fait de l’Etat ou du gouvernement lui-même ou d’un organe
ou autorité quelconque de l’Etat ou du gouvernement, ou qu’il sera
présenté comme tel, l’affaire, à la demande de toute autre partie à la
présente Convention, sera soumise à la Cour internationale de Jus-
tice, dont la décision sera définitive et obligatoire. Tous actes, toutes

mesures dont la Cour jugera qu’ils constituent des actes de génocide

265305 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (SEP.OP .OWADA )

if already suspended shall not be resume or reimposed.” (United

Nations doc. A/C.6/236 and Corr.)

It is not at all clear whether this amendment purported to deal with

criminal responsibility of a State for its own commission of the crime of
genocide — which seems to be the implication from the general context
of the proposal — or tortious liability of a State for an act of genocide
committed by the State — which seems to be the implication from its ref-
erence to the International Court of Justice — in this somewhat confused

formulation. In any case, it seems clear from the language of the amend-
ment that the same idea of holding a State to account for its own com-
mission of the crime of genocide was retained, whereas the sponsor of the
amendment would no longer seem to have intended to pursue criminal

responsibility of a State, seeing that this time the amendment was pro-
posed on the basis that the matter be referred to the International Court
of Justice which by its Statute could not charge a State for its criminal
responsibility.
65. Belgium, along the same line of approach, proposed an amend-

ment to this United Kingdom text, which included the provision that
“[t]he Court shall be competent to order appropriate measures to bring
about the cessation of the imputed acts or to repair the damage caused to
the injured persons or communities” (United Nations doc. A/C.6/252),
presumably with the intention of making the purport of this amendment

clear.
66. However, the United States raised a strong objection to this new
proposal on the ground that the substance of the issue had already been
debated and decided during the consideration of Article IV. Faced with
this objection, Belgium and the United Kingdom withdrew their amend-

ments; they instead developed a further new proposal, this time in the
form of an amendment to Article X (present Article IX), which later
became the basis for the present wording of Article IX.
67. It should be noted that throughout the whole debate on this issue,
the focus was on whether a State could be held to account for the crime

of genocide which was the focus of the Convention. The contention of the
United Kingdom in its original position would seem to have been that in
principle the State could and should be held to account for its own com-
mission of the crime of genocide. The United Kingdom delegate made the
remarks in the discussion to the effect that the United Kingdom, recog-

nizing the reality that the domestic criminal procedure of a State simply
could not be expected to be effective vis-à-vis its own State in a situation
of the commission of genocide by the State itself, and emphasizing that
there was no prospect whatsoever for an international tribunal to come
into existence in the foreseeable future, thought it essential to provide for

a recourse to the International Court of Justice, the only international
court in existence at that juncture. It seems reasonable to infer from these

266 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP. IND. OWADA ) 305

seront respectivement interrompus ou annulés immédiatement; si

leur exécution a déjà été suspendue, ces actes ne seront pas repris ni
ces mesures imposées à nouveau.» (Nations Unies, doc. A/C.6/236 et
corr.)

Il est très difficile de savoir si, dans sa formulation quelque peu

confuse, cet amendement avait pour objectif de couvrir la responsabilité
pénale de l’Etat — ce que paraît suggérer l’architecture générale de cette
proposition — ou sa responsabilité civile (délictuelle) au titre d’un crime
commis par lui — ce que paraît suggérer la référence faite à la Cour inter-
nationale de Justice. En tout état de cause, il semble ressortir clairement

du texte même de cet amendement que l’idée qu’un Etat puisse être tenu
pour responsable du crime de génocide commis par lui avait été retenue,
le pays à l’origine de l’amendement ayant apparemment abandonné l’idée
de faire reconnaître le principe de la responsabilité pénale d’un Etat,

puisqu’il était cette fois proposé de soumettre toute question de cet ordre
à la Cour internationale de Justice qui, de par son Statut, n’était pas en
mesure d’imputer à un Etat une responsabilité pénale.

65. Adoptant la même approche, la Belgique proposa un amendement

à ce texte britannique, dans lequel figurait notamment la disposition sui-
vante: «[l]a Cour aura compétence pour ordonner les mesures de nature
à faire cesser les actes incriminés ou réparer les dommages causés aux
personnes ou communautés lésées» (Nations Unies, doc.A/C.6/252), pro-
bablement dans l’intention de préciser la signification de cet amende-

ment.
66. Toutefois, les Etats-Unis s’opposèrent vigoureusement à cette nou-
velle proposition, estimant que la question avait déjà été débattue en
substance et tranchée lors de l’examen de l’article IV. Face à cette opposi-
tion, la Belgique et le Royaume-Uni retirèrent leurs amendements et éla-

borèrent une nouvelle proposition, cette fois sous la forme d’un amende-
ment à l’article X (actuel article IX), qui devait plus tard donner naissance
à l’actuel article IX.
67. Notons que, tout au long de ce débat, la question centrale fut celle
de savoir si un Etat pouvait être tenu pour responsable du crime de géno-

cide, objet même de la Convention. La position initiale du Royaume-Uni
semble avoir été de considérer que, en principe, un Etat pouvait et devait
être tenu pour responsable du crime de génocide. Au cours des discus-
sions, le délégué du Royaume-Uni fit observer que son pays, reconnais-
sant le fait que l’on ne pouvait attendre d’une procédure pénale de droit

interne que, en cas de génocide commis par l’Etat lui-même, elle puisse
être d’une quelconque efficacité vis-à-vis de l’Etat en question, et notant
qu’il n’existait alors aucune perspective de voir se constituer dans un ave-
nir proche un quelconque tribunal international, considérait comme essen-
tiel de prévoir la possibilité de saisir la Cour internationale de Justice,

seule juridiction internationale alors existante. Il semble raisonnable de
conclure de ces observations que le délégué du Royaume-Uni cherchait

266306 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION SEP .OP. OWADA )

remarks that the United Kingdom delegate tried in this new proposed

amendment to Article X to find a hook to hang on to for achieving the
objective that he had persistently pursued of holding a State to account
for its own act of genocide, through devising a formula of linking this
problem with the compromissory clause already in existence in the draft
Convention for the reference of disputes to the International Court of

Justice. It should be noted, however, that this jurisdictional clause con-
tained in Article X (present Article IX) in its original form had been
meant to be no more than a standard compromissory provision for the
reference of a dispute relating to the interpretation and application of the
provision of the Convention to the International Court of Justice, and as

such would not be available for creating a new obligation of a substan-
tive nature, where no such obligation had been incorporated in the sub-
stantive provisions of the Convention.

68. A perusal of the debate in the Sixth Committee in this confused
situation makes me wonder whether the essential nature and the legal
implications of the Belgium/United Kingdom amendment, seen within
the framework of the basic object and purpose of the Convention which
was to criminalize genocide committed by individuals and to create the

obligations on the part of States to prevent and punish the crime of geno-
cide, were sufficiently precisely conceived by the co-sponsors of the Bel-
gium/United Kingdom amendment, and its impact upon the essential
character and the scope of the Convention fully grasped by the delegates
who voted for the amendment. It is interesting to note in this context that

a great majority of the delegates who participated in the debate were in
general consensus that this new formulation should not be aimed at
criminalizing a State as such for perpetrating the act of genocide. It is
however doubtful whether many of them (a notable exception being the
delegate of the United States) gave enough thought to the question of

compatibility of this approach with the essential character of the Conven-
tion as the legal instrument to penalize the crime of genocide committed
by individuals on the international level.
69. As a result of this ambiguity brought into the present Article IX,
some of them would seem to have interpreted the formula only to be

declaratory of the traditional principle of State responsibility on the
breach of specific treaty obligations, whereby a State is held responsible
for its own breach of the obligations arising under the substantive pro-
visions of the Convention. According to this interpretation, in a conven-
tion which dealt essential with criminal responsibility of individuals for

genocide, as well as the specific obligation of the contracting States to
prevent and punish the commission of genocide by such individuals
within their jurisdiction, the reference to State responsibility in Article IX
can only relate to the traditional sense of responsibility arising out of the
breach of such obligation of State to prevent and punish under Article I.

Thus, for example, the President of the United States, in presenting the
Genocide Convention for advice and consent of the Senate on 16 June

267 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE OP .IND .OWADA ) 306

ainsi à trouver, dans cette nouvelle proposition d’amendement à l’ar-

ticle X, une sorte de charnière autour de laquelle articuler son objectif, qui
était de faire en sorte qu’un Etat puisse être tenu pour responsable de ses
propres actes de génocide, et ce, en élaborant une formule qui aurait per-
mis de lier ce problème à celui de la clause compromissoire, déjà contenue
dans le projet de Convention, prévoyant la saisine de la Cour internatio-

nale de Justice. Il convient toutefois de rappeler que cette clause juridic-
tionnelle, telle qu’elle figurait dans la version initiale de l’article X (actuel
article IX), ne constituait pour ses auteurs rien de plus qu’une clause
compromissoire standard prévoyant la possibilité de renvoyer devant la
Cour internationale de Justice un différend relatif à l’interprétation et à

l’application d’une disposition de la Convention, et nullement un moyen
de créer une nouvelle obligation de nature substantielle, une telle obliga-
tion ne figurant pas dans les dispositions de nature substantielle de la
Convention.

68. A l’examen de la teneur des débats menés devant la Sixième Com-
mission dans cette situation quelque peu confuse, je me demande si la
nature profonde et les conséquences juridiques de l’amendement proposé
par la Belgique et le Royaume-Uni dans le contexte du but et de l’objet
mêmes de la Convention, à savoir criminaliser le génocide commis par

des personnes et créer pour les Etats l’obligation de prévenir et de punir
le crime de génocide, avaient été perçues de manière suffisamment précise
par les coauteurs de cet amendement, et si les délégations qui votèrent en
faveur de celui-ci avaient pleinement saisi l’étendue de son incidence sur
la nature et la portée de la Convention. Il convient d’ajouter que, dans

leur grande majorité, les délégations qui participèrent à ce débat étaient
généralement d’accord pour considérer que cette nouvelle formulation ne
pouvait viser à criminaliser un Etat en tant que tel pour la perpétration
de l’acte de génocide. On peut toutefois se demander si beaucoup d’entre
elles (à l’exception de celle des Etats-Unis) réfléchirent suffisamment à la

compatibilité entre cette approche et la nature profonde de la Convention
en tant qu’instrument destiné à criminaliser au niveau international le
génocide commis par des personnes physiques.
69. En conséquence de cette ambiguïté introduite dans l’actuel
article IX, certaines délégations semblent avoir interprété cette formule

comme simplement déclaratoire du principe traditionnel de la responsabi-
lité de l’Etat résultant de la violation d’obligations spécifiques d’un traité,
principe qui veut qu’un Etat soit tenu pour responsable de toute violation
commise par lui d’obligations nées des dispositions de nature substan-
tielle d’une convention. Selon cette interprétation, dans une convention

qui ne concernerait que la responsabilité pénale individuelle pour géno-
cide et l’obligation spécifique pour les Etats contractants de prévenir et de
punir la commission du génocide par de tels individus sur leur territoire,
la référence de l’article IX à la responsabilité d’un Etat ne peut avoir trait
qu’à la responsabilité traditionnellement acceptée pour violation de l’obli-

gation de l’Etat de prévenir et de punir le génocide en vertu de l’article
premier. C’est ainsi que, par exemple, le président des Etats-Unis, au

267307 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (SEP. OP. OWADA )

1949, proposed such understanding as follows:

“I recommend that the Senate give its advice and consent to rati-
fication of the Convention —
‘with the understanding that article IX shall be understood in the

traditional sense of responsibility to another state for injuries sus-
tained by nationals of the complaining state in violation of prin-
ciples of international law, and shall not be understood as mean-
ing that a state can be held liable in damages for injuries inflicted
by it on its own nationals’” (Department of State Bulletin , 4 July

1949).
70. Others would appear to interpret this formula as being constitutive

of a new international legal norm whereby a State by its own action and
in its own name can commit an internationally wrongful act of genocide,
whether one calls it an “international crime”, an “international delict” or
otherwise, for which it should be held internationally responsible. In this
view, the Convention has established that a State can commit a crime of

genocide by its own action, but the institutions for holding the State to
account under the Convention are somewhat restricted. Apart from the
political organs like the Security Council of the United Nations, the only
international judicial organ available for holding a State committing

genocide to account is the International Court of Justice, and it can do so
only in a limited sense that it can hold the State to account for this act of
genocide only in the form of civil/tortious liability, and not in the form of
criminal responsibility. It is presumably with such interpretation in mind
that the United Kingdom delegate spoke of the tenet of the proposed

amendment on behalf of the co-sponsors as follows:

“The delegations of Belgium and the United Kingdom [have]
always maintained that the Convention would be incomplete if no

mention were made of the responsibility of States for the acts enu-
merated in articles II and IV.” (United Nations, Official Records of
the General Assembly, Third Session, Sixth Committee , p. 430.)

71. Whatever may be the correct reading of the legislative history, it
must be accepted that the travaux preparatoires are totally inconclusive
in shedding a definitive light on the precise legal scope of the State

responsibility which came to be declared to fall within the jurisdiction of
the Court. Based on the analysis of this extremely confused state of leg-
islative history concerning Article IX in this respect, one can safely say
that it seems hardly possible to come to a positive conclusion that the
general intention of the parties who participated in the drafting of this

Convention was to enact into the Convention, through this technical

268 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE OP .IND .OWADA ) 307

moment de recueillir l’avis et l’approbation du Sénat le 16 juin 1949

concernant la convention sur le génocide, proposa cette interprétation:
«Je recommande au Sénat de donner son avis et d’approuver la

ratification de la Convention
«étant entendu que l’article IX sera compris dans le sens tradition-
nel de la responsabilité encourue par un Etat à raison de dom-

mages subis par les ressortissants de l’Etat demandeur en viola-
tion des principes du droit international, et non dans le sens où
l’Etat en question pourrait être tenu de réparer les dommages
par lui causés à ses propres ressortissants».» (Bulletin du dépar-
tement d’Etat, 4 juillet 1949.)

70. Selon d’autres interprétations, cette formule devrait au contraire
être considérée comme constituant une nouvelle règle de droit internatio-
nal aux termes de laquelle un Etat, de par ses propres actes et en son nom

propre, pourrait désormais être considéré comme l’auteur d’un acte inter-
nationalement illicite de génocide — que celui-ci soit qualifié de «crime
international», d’«acte délictuel international» ou autre — dont il devrait
être tenu pour internationalement responsable. Selon cette interprétation,
la Convention aurait établi qu’un Etat peut commettre un crime de géno-

cide du fait de ses propres actes; les institutions permettant d’obliger
l’Etat en question à rendre compte de ses actes sont cependant quelque
peu limitées. Mis à part des organes politiques tels que le Conseil de sécu-
rité des Nations Unies, le seul organe judiciaire international susceptible
de conclure à la responsabilité d’un Etat auteur d’un génocide est la Cour

internationale de Justice, et celle-ci ne peut le faire que dans un cadre très
strict, en tant qu’elle ne peut amener l’Etat à répondre de cet acte de
génocide que sous l’angle de la responsabilité civile délictuelle, mais non
sous celui de la responsabilité pénale. C’est probablement avec une telle

interprétation à l’esprit que le délégué du Royaume-Uni, s’exprimant au
nom des coauteurs de l’amendement proposé, décrivit en ces termes les
principes qui l’avaient inspiré:

«Les délégations de la Belgique et du Royaume-Uni ont toujours
déclaré que la Convention serait incomplète si elle ne traitait pas de
la responsabilité des Etats dans les actes énumérés aux articles II et
IV.» (Documents officiels de l’Assemblée générale, troisième session,
Sixième Commission, p. 430.)

71. Quelle que soit l’interprétation qu’il convient de faire de l’histoire
rédactionnelle, force est de conclure que les travaux préparatoires ne per-

mettent de tirer aucune conclusion définitive quant à la portée juridique
exacte de la responsabilité de l’Etat qui fut finalement retenue comme
relevant de la compétence de la Cour. Partant de l’analyse de cet état de
fait extrêmement confus concernant l’histoire rédactionnelle de l’ar-
ticle IX à cet égard, l’on peut raisonnablement considérer qu’il n’est que

difficilement possible de conclure avec certitude que l’intention générale
des auteurs de cette Convention était d’incorporer dans celle-ci, par cet

268308 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (SEP.OP .OWADA )

amendment to Article IX, a new substantive norm under the Convention,

in addition to those enumerated therein, by which a State should be held
to account for the act of genocide of its own commission, whether it be
categorized as an “international crime” or “international delict”. Thus an
interpretation is to be discounted that purports to suggest that under this
new formula, a State can be held to incur direct responsibility in its own

name as the perpetrator of genocide, even though the jurisdictional limit
of the International Court of Justice makes the justiciability of this act of
genocide by a State before the Court somewhat less than criminal respon-
sibility for jurisdictional reasons.

72. On the other hand, the principle of interpretation expressed in the
maxim ut res magis valeat quam pereat , often referred to as the rule of
effectiveness would seem to dictate that we give to this amended language
of Article IX its proper and rational meaning. Against the background of

the legislative history, confused as it may be, and the professed motives
of the co-sponsors for the proposed amendment to the extent that they
seem to have been accepted or at any rate not contradicted by those who
voted for it, it would seem reasonable to conclude that this amended lan-
guage of Article IX has had the effect of somehow enlarging the scope of

jurisdiction of the Court under the Convention. In my interpretation,
what it has done by adding the words “including those [i.e., disputes]
relating to the responsibility of a State for genocide or for any of the
other acts enumerated in article III” to the standard formula used for a
compromissory clause of a similar kind is to bring into the Convention,

albeit through a jurisdictional backdoor of Article IX, the justiciability of
the question of State responsibility under general international law for an
internationally wrongful act of genocide, classified as an international
crime of individuals under the Convention, within the scope of the juris-
diction of the Convention. As a result, it is my conclusion that the Court

is now competent to consider this issue of general international law as an
issue under the Convention, provided that the act in question of the indi-
vidual can be attributable to the State as its own act through the doctrine
of attribution in the law of State Responsibility.

73. In light of the foregoing analysis, it is my position that the scope of
the Convention in relation to the act of genocide should be as follows:

(i) Article I prescribes the crime of genocide as an international crime

to be punished by national courts and competent international tri-
bunals on the basis of individual perpetrators, as well as lays down
the legal obligation upon the contracting parties to prevent and
punish such crime of genocide.
(ii) The Convention excludes from its scope the issue of direct respon-

sibility of a State for the commission of genocide as an international
crime of the State even in its generic sense. This concept of direct

269 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP. IND. OWADA ) 308

amendement technique à l’article IX, une nouvelle norme de fond venant

s’ajouter à celles qui y étaient déjà énumérées et par laquelle la respon-
sabilité d’un Etat pourrait désormais être engagée à raison d’un acte de
génocide, que celui-ci soit qualifié de «crime international» ou d’«acte
délictuel international». Ainsi convient-il d’écarter l’interprétation selon
laquelle cette nouvelle formule pourrait exposer la responsabilité directe

d’un Etat en son nom propre en tant qu’auteur du génocide, même si les
contraintes juridictionnelles auxquelles est soumise la Cour internatio-
nale de Justice atténuent quelque peu l’aspect pénal de cette procédure
consistant à faire comparaître un Etat devant la Cour au titre d’un acte
de génocide.

72. D’autre part, le principe d’interprétation exprimé par la maxime ut
res magis valeat quam pereat , ou principe de l’effet utile, impose semble-
t-il d’attribuer à cette nouvelle formulation de l’article IX son sens propre
et rationnel. A la lumière de l’histoire rédactionnelle, si confuse soit-elle,

et des mobiles explicites des coauteurs de la proposition d’amendement
— pour autant qu’ils semblent avoir été acceptés ou, du moins, n’avoir
pas été contredits par ceux qui se sont exprimés en sa faveur —, il semble
raisonnable de conclure que cette nouvelle formulation de l’article IX a
eu quelque peu pour effet d’étendre la portée de la compétence de la Cour

aux termes de la Convention. Selon mon interprétation, l’adjonction à la
formule habituellement employée dans une clause compromissoire de
même nature des termes «y compris ceux [c’est-à-dire les différends] rela-
tifs à la responsabilité d’un Etat en matière de génocide ou de l’un quel-
conque des autres actes énumérés à l’article III» a permis de faire entrer

dans le champ d’application de la Convention, quoique par le détour de
l’article IX, la possibilité d’un examen judiciaire de la question de la res-
ponsabilité d’un Etat en droit international général au titre d’un acte de
génocide internationalement illicite, considéré par la Convention comme
un crime international du fait d’individus. Partant, j’en conclus que la

Cour est à présent compétente pour examiner cette question de droit
international général sous l’angle de la Convention, sous réserve que
l’acte individuel concerné puisse être imputable à l’Etat en tant qu’acte
propre selon la doctrine de l’imputabilité du droit de la responsabilité des
Etats.

73. A la lumière de l’analyse qui précède, j’estime que la portée de la
Convention, en ce qu’elle touche au crime de génocide, doit être ainsi
comprise:

i) L’article premier prescrit la répression du crime de génocide en tant

que crime international, tant par les tribunaux nationaux que par les
tribunaux internationaux compétents, lorsque les auteurs en sont des
personnes physiques, et impose aux parties contractantes l’obligation
légale de prévenir et de punir ce crime de génocide.
ii) La Convention exclut de son champ d’application la question de la

responsabilité directe d’un Etat pour la commission du génocide en
tant que crime international de l’Etat , même au sens générique. Ce

269309 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION SEP .OP .OWADA )

responsibility of a State for genocide has to be rejected as being alien
to the object and purpose of the Convention and thus as being out-
side the scope of the Convention. Even with the new formula incor-

porated in Article IX, a State cannot be held directly accountable
for the perpetration of an act of genocide committed in its own
name, whether that act of genocide may be categorized as a crime of
the State or as an international delict of the State.

(iii) However, the addition in Article IX of the new language to include
the issue of “the responsibility of a State for any of the acts enumer-
ated in Article III” within the scope of the jurisdiction of the Court
is constitutive of a new mandate for the Court, though not a new

substantive obligation for the contracting States, under the Conven-
tion. This is so to the extent that it had the effect of introducing an
additional scope to the compromissory clause of Article IX, since
the issue of accountability of a State arising under the law of State

responsibility in general international law resulting from the criminal
act of genocide committed by an individual or a group of individuals
now falls within the compulsory jurisdiction of the Court.

Article IX, as a compromissory clause, cannot create new substantive
obligations to the contracting States in addition to those which are pro-

vided in substantive articles (Arts. I-VIII). It can however create a new
procedural scope to the jurisdiction of the Court by including within the
Court’s purview the obligations which it would not otherwise have, i.e.,
the obligations flowing to the State parties under general international
law from the acts of individuals contemplated as punishable under the

Convention.
It is my view that it is on this basis, and not on the basis of Article I of
the Convention, which forms a source of substantive obligations of the
Contracting Parties, as the Judgment asserts, that the Court can proceed

to examine the issue of State responsibility of the Respondent arising out
of alleged acts of genocide committed by individuals and groups as well
as entities, whose action can be attributable to the Respondent under the
law of State responsibility.

(Signed) Hisashi O WADA .

270 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP. IND. OWADA ) 309

concept de la responsabilité directe d’un Etat pour génocide doit être
rejeté comme étant étranger au but et à l’objet de la Convention et,
partant, comme étant exclu de son champ d’application. Même la
nouvelle formule incorporée à l’article IX ne permet pas de tenir un

Etat pour directement responsable de la perpétration d’un acte de
génocide commis en son nom propre, que cet acte de génocide puisse
être qualifié de crime de l’Etat ou d’acte délictuel international de
l’Etat.
iii) Néanmoins, la nouvelle formule incorporée à l’article IX, avec pour

effet de faire entrer la question de «la responsabilité d’un Etat pour
l’un quelconque des actes énumérés à l’article III» dans le champ de
compétence de la Cour, est déclaratoire d’un nouveau mandat conféré
à cette dernière par la Convention, sans pour autant créer une nou-
velle obligation de fond pour les Etats contractants. Elle revient en

effet à élargir la portée de la clause compromissoire de l’article IX,
puisque la question de savoir dans quelle mesure un Etat peut être
rendu comptable au titre de la responsabilité de l’Etat en droit inter-
national général à raison d’actes constitutifs du crime de génocide

commis par une personne ou un groupe de personnes physiques relève
désormais de la compétence obligatoire de la Cour.

L’article IX ne saurait, en tant que clause compromissoire, créer pour
les Etats contractants de nouvelles obligations de nature substantielle
autres que celles prévues dans les articles de fond (art. I-VIII). Il peut
toutefois étendre la portée procédurale de la compétence de la Cour en
ouvrant à celle-ci la possibilité d’examiner des obligations dont elle

n’aurait pas autrement à connaître, à savoir les obligations que le droit
international général impose aux Etats parties à raison d’actes individuels
réprimés par la Convention.
Selon moi, c’est sur cette base, et non sur celle de l’article premier de la

Convention, source d’obligations de fond pour les parties contractantes,
comme l’affirme l’arrêt, que la Cour peut procéder à l’examen de la ques-
tion de la responsabilité de l’Etat du défendeur à raison de faits allégués
de génocide commis par des individus, groupes ou entités dont les actes
peuvent être imputables au défendeur selon le droit de la responsabilité

des Etats.

(Signé) Hisashi O WADA .

270

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Document Long Title

Opinion individuelle de M. Owada

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