Opinion dissidente de M. Ajibola, juge ad hoc (traduction)

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101-19990325-JUD-01-03-EN
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101-19990325-JUD-01-00-EN
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OPINION DISSIDENTE DE M. AJIBOLA

[Traduction J

Introduction - Questionprocédurale - Nécessitéd'accorderaux Parties un
second tour deplaidoiries - Accord avec I'arrê dte la Coursur la question de la
compétenceet celle des dépens - Nécessité pour laCour d'interpréterson arrêt
- Distinction entrefaits et incidents - La Cour aurait dû faire droit à la
demande du Nigéria - Paragraphe2 de l'article36 du Statut et significationdu
mot «diffërend)).

Dans son arrêt, laCour a rejeté lademande nigériane eninterpréta-
tion, comme étant irrecevable. J'ai décidéde joindre la présenteopinion
dissidente a I'arrêtparce que je ne souscris pas à la conclusion de la Cour.

Il s'agit d'une demande que le Nigériaa présentéele 28 octobre 1998et
par laquelle il priait la Cour d'interpréter la portée et le sens des para-
graphes 99 et 100de son arrêtdu Il juin 1998.Cette demande nigériane
en interprétation est tout à fait indépendante de l'affaire pendante intro-
duite par le Cameroun et enregistréeau rôle de la Cour.
Le 13 novembre 1998, le Cameroun a déposéses observations sur la

demande et a présentéles conclusions suivantes:
«1. La République du Cameroun s'en remet à la sagesse de la

Cour pour décider de sa compétence pour se prononcer sur une
demande en interprétation d'une décision rendue a la suite d'une
procédure incidente et, en particulier, d'un arrêtrelatif aux excep-
tions préliminaires soulevéespar la partie défenderesse;
2. La République du Cameroun prie la Cour de bien vouloir:

- A titre principal:
Déclarer irrecevable la demande de la République fédéraledu
Nigéria, dire et juger qu'il n'y a pas lieu d'interpréter l'arrêtdu
l l juin 1998 ;

- A titre subsidiaire:
Dire et juger que la Républiquedu Cameroun est en droit d'invo-

quer tous faits, quelle qu'en soit la date, qui permettent d'établir la
violation continue de ses obligations internationales par le Nigéria;
que la République du Cameroun peut aussi invoquer les faits per-
mettant d'évaluerle préjudice qu'ellea subi et la réparation adé-
quate qui lui est due. ))

Sur la base des documents qui lui ont été soumis,la Cour a considéré
qu'elle étaitsuffisamment informée de la position des Parties et n'a pas
estimé nécessaired'inviter celles-ci a lui ((fournir par écritou oralement
un supplément d'information)), comme le prévoit le paragraphe 4 de

l'article 98 de son Règlement. La Cour est fondée à agir de la sorte puisqu'elle ((peut, s'il y a lieu,
donner aux parties la possibilitéde lui fournir par écritou oralement un
supplémentd'information)) (les italiques sont de moi). Cela relèvedonc
manifestement de son pouvoir discrétionnaire. Dans certains cas, la Cour
a exercéce pouvoir discrétionnaire en priant les parties de lui fournir par
écritun supplémentd'information. Par exemple, elle a autorisé la présen-
tation de ce genre d'observations ou d'informations écritesdans l'affaire
du Droit d'asile (Demande d'interprétationde l'arrêtdu 20 novembre
1950 en l'affaire du droit d'asile (Colombie c. Pérou), C.I.J. Recueil
1950, p. 400-401). Dans cette affaire, bien que la demande ait été déposée
par la Colombie, le Gouvernement péruviena présenté sesobservations
dans une lettre du 22 novembre 1950,qui a été communiquée à la Colom-
bie afin que celle-ci puisse, si elle le souhaitait, faire part de ses observa-
tions avant le 24 novembre 1950. Dans d'autres instances, la Cour a
autorisé les partiesà lui fournir ((oralement un supplément d'informa-
tion)), par exemple dans l'affaire del'Interprétation des arrêtnso"7 et 8

(usine de Chorzbw), arrêtn" 11, 1927, C.P.J.I. sérieA no 13, et dans
celle de laDemande en revision et en interprétationde l'arrêtdu 24 fé-
vrier 1982 en l'affaire duPlateau continental (TunisieIJamahiriya arabe
libyenne) (Tunisie c. Jamahiriya arabe libyenne) (arrêt,C.I.J. Recueil
1985, p. 192-194).Il existe toutefois en l'espèceune raison décisivepour
demander aux Parties un supplément d'information, comme cela ressort
clairement de la formulation des conclusions du Cameroun. Dans ses
observations, celui-ci soutient que la Cour devrait déclarer irrecevable la
requêtedu Nigéria, maisil fait égalementvaloir, à titre subsidiaire, que la
Cour devrait

«[d]ire et juger que la République du Camerounest en droit d'invo-
quer tousfaits, quelle qu'en soit la date, qui permettent d'établirla
violation continue de ses obligations internationales par le Nigéria;
que la République du Cameroun peut aussi invoquer les faits per-
mettant d'évaluerle préjudice qu'ellea subi et la réparation adé-
quate qui lui estdue.)) (Les italiques sont de moi.)

Bien que le Nigériaait pris connaissance des conclusions que le Came-
roun a présentéesdans ses observations, il est privéde l'occasion d'yréa-
gir alors que, dans ses conclusions, le Cameroun non seulement prie la
Cour de rejeter la demande, mais soutient égalementque la situation visi-
blement anticipéepar le Nigériasejustifie aussi au regard de l'arrêt dela
Cour. Cela illustre clairement la nature contentieuse de cette demande
post hoc. En la matière, il est opportun pour la Cour de tenir compte des
termes de l'article 31 de son Règlement, qui dispose que:

«Dans toute affaire soumise à la Cour, le Présidentse renseigne
auprès des parties sur les questions de procédure. A cette fin, il
convoque les agents des parties le plus tôt possible après leur dési-
gnation, puis chaque fois qu'il y a lieu.)) (Les italiques sont de
moi.) Sila Cour peut considérerinutile d'autoriser en l'espèceles Parties a lui
fournir oralement un supplément d'information, il serait àmon avis sou-

haitable qu'ellecherche a recueillir la réactiondu Nigériaaux conclusions
du Cameroun. Parce que cette demande est autonome, indépendante de
I'affaire initiale introduitetitre principal, et pour que la Cour ait une
image complète des vues et conclusions des Parties, un second tour de
plaidoiries, qui ne durerait qu'une semaine, permettrait d'assurerI'équi-
librejuridique et de sauvegarder le principe essentiel audi alteram partem.
A nion avis, il est nécessaired'accorder aux Parties, a tout le moins au
Nigéria, untour supplémentaire de procédure. La Cour a toute liberté
pour déterminerla procédure à adopter en matière de demande en inter-
prétation. Il pourrait mêmeêtre souhaitable, dans une affaire comme
celle-ci où une question d'importance et fondamentale doit êtretran-
chée,d'autoriser la tenue d'audiences. De l'avis de Shabtai Rosenne:

«Si l'article 68 accorde donc à la Cour une grande latitude pour
déterminer le déroulement de la procédure en interprétation, et en
particulier pour déciders'ily a lieu de tenir des audiences, la pra-
tique indique que d'une manière généralela procédure revêt un
caractère contentieux (comme cela ressort inéluctablement du mot
«contestation» employé a I'article 60 du Statut et au paragraphe 1
de l'article 98 du Règlement). En outre, la procédureen interpréta-
tion constitue une affaire entièrement nouvelle et non une procédure
incidente directement liéeà l'affaire initiale introduàttitre princi-
pal.))(The Law and Practice of the International Court of Justice

1920-1996, vol. III, p. 1677.)
La Cour doit trancher trois questions principales au sujet de la pré-
sente demande, à savoir celles de la compétence,de la recevabilitéet des
dépens.
Je souscris sans aucune réserveà la décisionde la Cour sur la demande
du Cameroun relative aux dépens.
Je suis égalementd'accord avec la décisionde la Cour sur la question

de la compétence, et avec sa conclusion selon laquelle «l'exposé des
motifs» est liéau dispositif de l'arrêt.
Toutefois, commeje l'aidéjà indiqué, et avtout le respect dà la déci-
sion de la Cour, cette dernièreaurait dû en I'espèceconsidérerla demande
du Nigéria comme recevable.Cette demande est claire et directe. En effet,
le Nigéria,se référant aux nombreux incidentsque le Cameroun a men-
tionnésnon seulement dans ses requêtes des29 mars et 6juin 1994,mais
égalementdans son mémoire,ses observations et son répertoire desinci-
dents, prie la Cour de préciser lesquels,parmi ces incidents, sont pertinents
ou recevableset lesquelsne le sont pas. Du point de vue procédural,et afin
de permettre que I'affaire initialeintroduite par le Cameroun soit rapide-
ment tranchée,la question de savoir quels incidents sont recevables et les-
quels ne le sont pas est devenue trèsimportante pour les Parties.
Lors des audiences tenues en l'instance, le Cameroun a soutenu qu'il y
avait tant d'incidents frontaliers imputables au Nigéria qu'ilne pouvait DEMANDE EN INTERPRÉTATION (OP.DISS.AJIBOLA) 57

en donner une liste exhaustive. C'estjustement ce que craignait le Nigéria
quant àla teneur des piècesécrites et des plaidoiries desParties. Au cours
d'un exposéoral prononcé le 3 mars 1998 à l'appui de ses exceptions pré-
liminaires, le Nigériaa présentésa position comme suit:

«Mais il faut distinguer entre commenter légitimementles excep-
tions et, d'autre part, étoffer considérablementun dossier auquel
1'Etatdéfendeurdoit pouvoir répondre. Pas plus que le mémoirene
saurait élargir la portée du différend telleque l'énonce larequête
(bien qu'il puisse développerles arguments qui y figurent), il serait

encore moins admissible que les observations d'un Etat visent à élar-
gir encore davantage la portée du fond du différend enprésentant
des circonstances nouvelles qui ne figuraient pas dans la requêteet le
mémoire. Pourtant, c'est ce qu'a fait le Cameroun en introduisant
dans ses observations des allégations d'incidents supplémentaires
dont il prétend que le Nigéria est responsable: le Cameroun s'est
efforcéd'étoffersur le fond le dossier qu'il avait présentédans sa
requête,telle qu'amendée,et telle que développéedans son mémoire.
Ces élémentssupplémentaires devraient donc êtreécartés. ))

Le Nigéria n'apas niéle droit du Cameroun de développerdans son
mémoire l'exposé des incidentsmentionnés dans sa requête,mais il
conteste clairement le droit du Cameroun de donner des détailssur des
incidents survenus aprèsle dépôtde la requête. Onconstate que le Came-
roun s'est référéàde nombreux incidents,certains dans sa requêteinitiale

du 29 mars 1994,d'autres dans sa requête additionnelledu 6juin 1994,
d'autres encore dans son mémoireet dans ses observations. Il a, de fait,
énuméré de nombreux incidents dans son répertoire des incidents.
11est donc clair que la Cour doit traiter la question de ces incidents au
regard de la responsabilité internationale des Etats. C'est pourquoi il lui
est très difficile de procéder un véritableexamen de ces incidents tels
qu'alléguéspar le Cameroun dans ses différentesconclusions sans déter-
miner, dèsle stade de la soumission des écritures,lesquels parmi ces inci-
dents sont recevables aux fins de la présenteaffaire et lesquels ne le sont
pas. En ne le faisant pas, la Cour manquerait une occasion de développer
le droit international sur ce point important, tout en occasionnant aux

Parties, pour ce qui est de leurs écritureset plaidoiries, des difficultésqui
se traduiraient par des retards.

Les deux paragraphes de l'arrêtdu 1I juin 1998que le Nigériaprie la
Cour de bien vouloir interpréter sont les paragraphes 99 et 100,ainsi
libellés

((99. 11ne découlepas davantage du paragraphe 2 de l'article 38
que la latitude dont dispose 1'Etatdemandeur pour dGvelopperce qu'il
a exposédans sa requête soitstrictement limitée, comme le suggère le
Nigéria. Une telle conclusion ne saurait êtretiréedu terme ((suc-
cinct)); elle ne saurait non plus êtretirée desprononcés dela Courselon lesquels la date pertinente pour apprécierla recevabilitéd'une
requêteest la date de son dépôt; en effet, ces prononcés ne se réfè-
rent pas au contenu des requêtes (Questions d'interprétation et
d'application de la convention de Montréal de 1971 résultant de
l'incident aérien de Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne
c. Royaume- Uni), exceptions préliminaires, arrêt, C. I.J. Recueil
1998, p. 26, par. 44, et Questions d'interprétation et d'applicationde
la convention de Montréalde 1971 résultant de l'incidentaériende
Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne c. Etats-Unis d'Amérique),
exceptions préliminaires,arrêt,C. 1J. Recueil 1998, p. 130, par. 43).
Une interprétation aussi restrictive ne correspondrait pas davantage
aux conclusions de la Cour selon lesquelles:

«si, en vertu de l'article 40 du Statut, l'objet d'un différendporté
devant la Cour doit êtreindiqué, l'article 32, paragraphe 2, du
Règlement de la Cour [aujourd'hui l'article 38, paragraphe 21
impose au demandeur de se conformer «autant que possible)) à
certaines prescriptions. Cette expression s'applique non seulement
à la mention de la disposition par laquelle le requérant prétend
établirla compétencede la Cour mais aussi à l'indication précise
de l'objet de la demande et à l'exposé succinct desfaits et des
motifs par lesquels la demande est prétendue justifiée.)) (Came-
roun septentrional (Cameroun c. Royaume- Uni), exceptions préli-

minaires, arrêt,C.I.J. Recueil 1963, p. 28.)
La Cour rappellera égalementque, selon une pratique établie, les
Etats qui déposent une requête à la Cour se réserventle droit de pré-
senter ultérieurement des éléments de fait et de droit supplémen-
taires. Cette liberté de présenterde tels élémentstrouve sa limite
dans l'exigenceque le différendportédevant la Courpar requête «ne
se trouve pas transforméen un autre différend dontle caractèrene
serait nus le même»(Activités militaires et naramilitaires au Nica-

ragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique),com-
pétence et recevabilité,arrêt, C.I.. Recueil 1984, p. 427, par. 80).
En l'espèce,le Cameroun n'a pas opéréune telle transformation du
différend.
100. En ce qui concerne le sens à donner au terme «succinct», la
Cour se bornera à noter que dans la présenteaffaire la requêtedu
Camerouncontientun exposé suffisamment précis des faits et moyens
sur lesquels s'appuie le demandeur. Cet exposé remplit lesconditions
fixéespar le paragraphe 2 de l'article 38 du Statut et la requêteest
par suite recevable.
Cette constatation ne préjuge cependant en rienla question de
savoir si, compte tenu des éléments fournis a la Cour, lesfaits allé-
guéspar le demandeur sont ou non établis et siles moyens invoqués
par lui sont ou non fondés. Ces questions relèvent du fond et il ne
saurait en êtrepréjugédans laprésente phase del'affaire. » (Les ita-
liques sont de moi.) A la lecture de ces deux paragraphes de l'arrêt,il apparaît clairement
que la Cour s'est prononcée sur le droit procédural du Cameroun de:
a) développer ce qu'il a «dit» dans sa «requête» et 6) présenter «des
faits supplémentaires P.
Mais il est manifeste que la Cour n'a pas tranché la question des inci-
dents supplémentairesou nouveaux incidents. C'est pourquoi il est néces-
saire que la Cour indique, de façon définitive,ce qu'elle attend de tout
demandeur faisant état de certains incidents qui, bien que liés à la
requête,se sont produits aprèsle dépôtde celle-ci.
A mon avis, le Nigéria soulève uneimportante question de fond rela-
tive àl'interprétation de l'arrêtdu Il juin 1998,qui nécessiteque la Cour
se prononce définitivementa ce sujet. Il ne s'agit pas à proprement parler
d'examiner la signification des deux paragraphes cités,mais plutôt la
portée de la décisionde la Cour. Il s'agit donc d'une question ratione

temporis.
Compte tenu de l'intention que le Cameroun a affirméedans ses obser-
vations (par. 6.04) de soulever la question des incidents nouveaux et a
venir, et étant donnéqu'il l'a déjàfait lors des audiences qui se sont
tenues du 2 au 11mars 1998(incidents du 16mars 1995,du 30 avril 1996,
etc.), je considère, après réflexion,que la Cour devrait fixer une limite
claire pour les piècesécriteset les plaidoiries s'agissant desincidents allé-
guéspar le Cameroun dans ses requêtes des29 mars et 6juin 1994.Posée
en termes succincts, la question est la suivante: quels incidents, parmi
ceux que le Cameroun a alléguésdans ses requêtes,la Cour considère-
t-elle comme pertinents en l'espèce?Autrement dit, la Cour examinera-
t-elle les incidents survenus après 1994en mêmetemps que ceux qui sont
survenus avant cette date, ou bien demandera-t-elle au Cameroun de se
limiter aux incidents antérieurs a1994?
Dans l'affaire de Certaines terres à phosphates a Nauru, la Cour a
refuséde connaître d'une «demande additionnelle)) en disant qu'elle ne

pouvait connaître d'une telle demande que si celle-ci découlait ((directe-
ment de la question qui fai[sai]tl'objet de cette requête))(Certaines terres
a phosphates à Nauru (Nauru c. Australie), exceptions préliminaires,
arrêt, C.I.J. Recueil 1992, p. 266, par. 67; voir égalementCompétenceen
matière de pêcheries(Républiquefédéraled'Allemagne c. Islande), fond,
arrêt,C. I.J. Recueil 1974,p. 203, par. 72). De la même manière, la Cour
doit en l'espèceclarifier quels incidents, parmi ceux allégupar le Came-
roun, sont pertinents. S'agit-iluniquement des incidents antérieursa 1994
ou bien des incidents tant antérieurs que postérieurs a 1994?
De même, laCour doit dire trèsclairement ce qu'elle attend du Came-
roun pour ce qui est des faits additionnels: ces faits additionnels se rap-
portent-ils aux incidents antérieurs au dépôtdes requêtesdu Cameroun
en 1994ou se rapportent-ils égalementaux incidents postérieurs a 1994?
Si la Cour estime que le Cameroun peut faire étatdefaits additionnels,
l'autorise-t-elle par la mêmeà fournir des donnéesdétailléessur des inci-
dents additionnels survenus après 1994?
Dans ses observations, le Cameroun reconnaît que sa libertén'est pas DEMANDE EN INTERPRÉTATION (OP.DISSA . JIBOLA) 60

illimitée, maisil soutient que cette question devrait être résoluelors de
la phase de l'examen au fond. Or, le Nigéria doit déposer son contre-
mémoiretrès bientôt. Supposons que la Cour autorise le Cameroun à
faire état d'élémentsnouveaux relatifs a des incidents survenus après
1994: rien ne viendrait alors limiter les écritures et les plaidoiries, ce qui
pourrait causer des retards infinis et faire perdre du tempsla Cour. Si,
par exemple, le Cameroun faisait état d'incidents additionnels ou nou-
veaux (par exemple, survenus en 1998-1999)dans sa répliqueau contre-
mémoire du Nigéria (ce qui pourrait créer un élémend te surprise), le
Nigéria devrait répondre sur ces incidents pour la première foisdans sa

duplique, ce qui pourrait alors inciter les deux Partiesemander a être
autorisées a déposerde nouvelles piècesécrites,un processus qui pour-
rait se prolonger a l'infini. Si des incidents nouveaux ou additionnels
étaientallégués à la clôture de la procédureécriteou au cours de la pro-
cédure oralerelative au fond, cela pourrait également créer unesituation
complexe et amener les Parties a demander à être autoriséesà déposer
de nouvelles piècesécrites.
Outre que la demande du Nigéria appelle une décisionde la Cour dans
un sens ou dans un autre, une décisionsur cette question enrichirait la
jurisprudence de la Cour et fournirait aux parties des lignes directrices
sur les limites imposéesau contenu des requêtes.Il est juste que la Cour
n'accepte pas le moindre retard dans une affaire de cette nature; l'affaire
devrait être régléerapidement en raison de la situation qui prévaut

actuellement le long de la frontière entre les Parties. Mais, dans le même
temps, la prudence s'impose: cela ne devrait pas se faire au détriment de
la justice et d'une procédurerégulière.Il n'est pas douteux que les inci-
dents antérieurs à 1994 sont en cause en l'espèce, etl'on peut admettre
des faits additionnels qui viennent corroborer ces incidents, mais non des
faits introduits pour étayerdes incidents postérieurs 1994.
En outre, j'estime qu'interprétédans son sens ordinaire le mot(diffé-
rend)), qui apparaît au paragraphe 2 de l'article 36 du Statut de la Cour,
ne viseque lesdifférendsou incidents préexistants au dépôtde la requête,
et certainement pas les différendsàvenir. Outre que cette interprétation
serait illogique, elle aurait pour conséquence un prolongement indu et
inutile de la procédure devant la Cour et ferait obstacle au règlement
rapide des affaires.

(SignéB )ola AJIBOLA.

Bilingual Content

DISSENTING OPINION OF JUDGE AJIBOLA

Introduction - Procedural issue - Parties and theneed to allowfor second
round of pleadings - Agreement with the CourtSJudgment onjzrrisdictionand
costs - Need for the Court to interpret - Distinction betweenfacts and inci-
dents - Court should have granted Nigeria's request - Article 36 (2) of the
Statute and meaning of "dispute".

In this Judgment, the Court has decided to reject Nigeria's request for
interpretation as inadmissible. 1have decided to filethis dissenting opinion
because 1 do not agree with the conclusion reached by the Court. This

was an Application filed by Nigeria on 28 October 1998requesting the
Court to interpret the scope and meaning of paragraphs 99 and 100of its
Judgment of 11June 1998.This request by Nigeria for interpretation is
quite independent from the pending case filedby Cameroon as entered in
the General List of the Court.
Cameroon filed its observations to the Application on 13 November

1998and made the following submissions:
"1. The Republic of Cameroon leaves it to the Court to decide
whether it has jurisdiction to rule on a request for interpretation of a

decision handed down following incidental proceedings and, in par-
ticular, with regard to a judgment concerning the preliminary objec-
tions raised by the defending Party;
2. The Republic of Cameroon requests the Court:

- Primarily:
To declare the request by the Federal Republic of Nigeria
inadmissible; to adjudge and declare that there is no reason to inter-
pret the Judgment of 11June 1998;

- Alternatively:
To adjudge and declare that the Republic of Cameroon is entitled
to rely on al1facts, irrespective of their date, that go to establish the

continuing violation by Nigeria of its international obligations; that
the Republic of Cameroon may also rely on such facts to enable an
assessment to be made of the damage it has suffered and theadequate
reparation that is due to it."

Based on the documents submitted to it, the Court considered that it
had sufficient information on the position of the Parties and did not
deem it necessary to invite the Parties to "furnish further written or oral
explanations" as provided for in paragraph 4 of Article 98 of the Rules of
Court. OPINION DISSIDENTE DE M. AJIBOLA

[Traduction J

Introduction - Questionprocédurale - Nécessitéd'accorderaux Parties un
second tour deplaidoiries - Accord avec I'arrê dte la Coursur la question de la
compétenceet celle des dépens - Nécessité pour laCour d'interpréterson arrêt
- Distinction entrefaits et incidents - La Cour aurait dû faire droit à la
demande du Nigéria - Paragraphe2 de l'article36 du Statut et significationdu
mot «diffërend)).

Dans son arrêt, laCour a rejeté lademande nigériane eninterpréta-
tion, comme étant irrecevable. J'ai décidéde joindre la présenteopinion
dissidente a I'arrêtparce que je ne souscris pas à la conclusion de la Cour.

Il s'agit d'une demande que le Nigériaa présentéele 28 octobre 1998et
par laquelle il priait la Cour d'interpréter la portée et le sens des para-
graphes 99 et 100de son arrêtdu Il juin 1998.Cette demande nigériane
en interprétation est tout à fait indépendante de l'affaire pendante intro-
duite par le Cameroun et enregistréeau rôle de la Cour.
Le 13 novembre 1998, le Cameroun a déposéses observations sur la

demande et a présentéles conclusions suivantes:
«1. La République du Cameroun s'en remet à la sagesse de la

Cour pour décider de sa compétence pour se prononcer sur une
demande en interprétation d'une décision rendue a la suite d'une
procédure incidente et, en particulier, d'un arrêtrelatif aux excep-
tions préliminaires soulevéespar la partie défenderesse;
2. La République du Cameroun prie la Cour de bien vouloir:

- A titre principal:
Déclarer irrecevable la demande de la République fédéraledu
Nigéria, dire et juger qu'il n'y a pas lieu d'interpréter l'arrêtdu
l l juin 1998 ;

- A titre subsidiaire:
Dire et juger que la Républiquedu Cameroun est en droit d'invo-

quer tous faits, quelle qu'en soit la date, qui permettent d'établir la
violation continue de ses obligations internationales par le Nigéria;
que la République du Cameroun peut aussi invoquer les faits per-
mettant d'évaluerle préjudice qu'ellea subi et la réparation adé-
quate qui lui est due. ))

Sur la base des documents qui lui ont été soumis,la Cour a considéré
qu'elle étaitsuffisamment informée de la position des Parties et n'a pas
estimé nécessaired'inviter celles-ci a lui ((fournir par écritou oralement
un supplément d'information)), comme le prévoit le paragraphe 4 de

l'article 98 de son Règlement. Quite justifiably, the Court "may, if necessary, afford the parties the

opportunity of furnishing further written or oral explanations" (emphasis
added). This demonstrably is within the discretion of the Court. There
are instances when the Court has exercised this discretion by requesting
the parties to furnish further written explanations. For example, such
written observations or explanations were allowed in the Asylum case
(Request for Interpretation of the Judgment of 20 November 1950in the
Asylum Case (Colombia v. Peru), 1.C.J. Reports 1950, pp. 400-401). In
that case, although the Application was made by Colombia, the Peruvian
Government submitted its observations in a letter of 22 November 1950
and this letter was forwarded to Colombia in order that, if Colombia
wished to submit any observations, it could do so by 24 November 1950.
In other cases the Court has allowed for "oral explanations". Such
examples are reflected in the cases concerning the Interpretation of Judg-
ments Nos. 7and 8 (Factoryut Chorzow), Judgment No. Il, 1927,P.C.I.J.,
Series A, No. 13, and Application for Revision and Interpretation of the
Judgment of 24 February 1982 in the Case concerning the Continental
Shelf (TunisiaILibyan Arab Jamahiriya) (Tunisia v. Libyan Arab Jama-

hiriya), Judgment, 1.C.J. Reports 1985,pp. 192-194.There is, however, a
compelling reason, as far as the present case is concerned, to request
further observations from the Parties. This is clearly reflected in the
manner in which the submissions of Cameroon were presented. In its
observations Cameroon argues that the Court should declare Nigeria's
request inadmissible, but also submits alternatively that the Court
should

"adjudge and declare that the Republic of Cameroon is entitled to
rely on al1facts, irrespective of their date, that go to establish the
continuing violation by Nigeria of its international obligations; that
the Republic of Cameroon may also rely on such facts to enable an
assessment to be made of the damage it has suffered and the adequate
reparation that is due to it" (emphasis added).

Although Nigeria is aware of the submissions made by Cameroon in
its observations, it is deprived of the opportunity to react to such sub-
missions, which not only urge for dismissal but argue further that the
situation apparently anticipated by Nigeria is also justified in accordance
with the Judgment of the Court. This is a clear indication of the conten-
tious nature of this Application post hoc. It is not out of place in this
regard for the Court to take into consideration the terms of Article 31 of
the Rules of Court, which provides that:

"In every case submitted to the Court, the President shall ascer-
tain the views of the parties with regard to questions of procedure.
For this purpose he shall summon the agents of the parties to meet
him as soon as possible after their appointment, and whenever
necessary thereafter." (Emphasis added.) La Cour est fondée à agir de la sorte puisqu'elle ((peut, s'il y a lieu,
donner aux parties la possibilitéde lui fournir par écritou oralement un
supplémentd'information)) (les italiques sont de moi). Cela relèvedonc
manifestement de son pouvoir discrétionnaire. Dans certains cas, la Cour
a exercéce pouvoir discrétionnaire en priant les parties de lui fournir par
écritun supplémentd'information. Par exemple, elle a autorisé la présen-
tation de ce genre d'observations ou d'informations écritesdans l'affaire
du Droit d'asile (Demande d'interprétationde l'arrêtdu 20 novembre
1950 en l'affaire du droit d'asile (Colombie c. Pérou), C.I.J. Recueil
1950, p. 400-401). Dans cette affaire, bien que la demande ait été déposée
par la Colombie, le Gouvernement péruviena présenté sesobservations
dans une lettre du 22 novembre 1950,qui a été communiquée à la Colom-
bie afin que celle-ci puisse, si elle le souhaitait, faire part de ses observa-
tions avant le 24 novembre 1950. Dans d'autres instances, la Cour a
autorisé les partiesà lui fournir ((oralement un supplément d'informa-
tion)), par exemple dans l'affaire del'Interprétation des arrêtnso"7 et 8

(usine de Chorzbw), arrêtn" 11, 1927, C.P.J.I. sérieA no 13, et dans
celle de laDemande en revision et en interprétationde l'arrêtdu 24 fé-
vrier 1982 en l'affaire duPlateau continental (TunisieIJamahiriya arabe
libyenne) (Tunisie c. Jamahiriya arabe libyenne) (arrêt,C.I.J. Recueil
1985, p. 192-194).Il existe toutefois en l'espèceune raison décisivepour
demander aux Parties un supplément d'information, comme cela ressort
clairement de la formulation des conclusions du Cameroun. Dans ses
observations, celui-ci soutient que la Cour devrait déclarer irrecevable la
requêtedu Nigéria, maisil fait égalementvaloir, à titre subsidiaire, que la
Cour devrait

«[d]ire et juger que la République du Camerounest en droit d'invo-
quer tousfaits, quelle qu'en soit la date, qui permettent d'établirla
violation continue de ses obligations internationales par le Nigéria;
que la République du Cameroun peut aussi invoquer les faits per-
mettant d'évaluerle préjudice qu'ellea subi et la réparation adé-
quate qui lui estdue.)) (Les italiques sont de moi.)

Bien que le Nigériaait pris connaissance des conclusions que le Came-
roun a présentéesdans ses observations, il est privéde l'occasion d'yréa-
gir alors que, dans ses conclusions, le Cameroun non seulement prie la
Cour de rejeter la demande, mais soutient égalementque la situation visi-
blement anticipéepar le Nigériasejustifie aussi au regard de l'arrêt dela
Cour. Cela illustre clairement la nature contentieuse de cette demande
post hoc. En la matière, il est opportun pour la Cour de tenir compte des
termes de l'article 31 de son Règlement, qui dispose que:

«Dans toute affaire soumise à la Cour, le Présidentse renseigne
auprès des parties sur les questions de procédure. A cette fin, il
convoque les agents des parties le plus tôt possible après leur dési-
gnation, puis chaque fois qu'il y a lieu.)) (Les italiques sont de
moi.) While the Court may consider it unnecessary for oral explanations to
be allowed in the present case, it is, in my opinion, desirable that it
should seek to ascertain the reaction of Nigeria to the submissions of
Cameroon. Because this Application stands on its own, independent of
the original mainline proceedings, and in order for the Court to ensure a
full representation of the Parties' views and submissions, a second round
of pleadings, which could just take a week, would ensure ajuridical equi-
librium and safeguard the essential need for audi alterampartem. In my
view, therefore, there is need for one more round of observations from
the Parties, or at least from Nigeria. The Court has unfettered freedom to
decide on the procedure to be adopted as regards the Application request-
ing interpretation. It may even be advisable in a case like this, where an
important and fundamental issue is to be determined, to allow for an oral
hearing. In Shabtai Rosenne's view :

"While Article 98 thus leaves the Court with a broad freedom to
decide how proceedings in interpretation will be conducted, and in
particular whether oral proceedings shall be held, practice indicates
in general that the proceedings will be contentious in character (as is
inevitable from the word dispute in Article 60 of the Statute and
Article 98,paragraph 1,of the Rules). Moreover, proceedingsin inter-
pretation are an entirely new case and not incidental proceedings
directly relating to the original mainline proceedings."(The Law and
Practice of the International Court of Justice, 1920-1996, Vol. III,
p. 1677.)

In the present Application there are three main issues to be decided
upon by the Court, namely jurisdiction, admissibility and costs.

1 agree with the Court, without any reservation, on its decision on
costs as claimed by Cameroon.
1also agree with the Court regarding its decision on the issue of juris-

diction, and with its finding that "the statement of reasons" is linked with
the operative part of the Judgment.
However, as earlier indicated and with due deference to the decision of
the Court, this is a case where the Court should consider the Application
of Nigeria admissible. Nigeria's request is clear and straightforward. In
effect Nigeria, referring to the many incidents mentioned not only in
Cameroon's Applications of 29 March and 6 June 1994, but also in its
Memorial, observations and repertory of incidents, is asking the Court to
clarify which of those incidents are relevant or admissible and which ones
are not. Procedurally, and in order to ensure the expeditious determina-
tion of Cameroon's original case, the issue of which incidents are admis-
sible or not admissible has become very important to the Parties.

Cameroon, at one stage during the hearings of the case, alleged that
there are so many border incidents for which Nigeria should be blamed Sila Cour peut considérerinutile d'autoriser en l'espèceles Parties a lui
fournir oralement un supplément d'information, il serait àmon avis sou-

haitable qu'ellecherche a recueillir la réactiondu Nigériaaux conclusions
du Cameroun. Parce que cette demande est autonome, indépendante de
I'affaire initiale introduitetitre principal, et pour que la Cour ait une
image complète des vues et conclusions des Parties, un second tour de
plaidoiries, qui ne durerait qu'une semaine, permettrait d'assurerI'équi-
librejuridique et de sauvegarder le principe essentiel audi alteram partem.
A nion avis, il est nécessaired'accorder aux Parties, a tout le moins au
Nigéria, untour supplémentaire de procédure. La Cour a toute liberté
pour déterminerla procédure à adopter en matière de demande en inter-
prétation. Il pourrait mêmeêtre souhaitable, dans une affaire comme
celle-ci où une question d'importance et fondamentale doit êtretran-
chée,d'autoriser la tenue d'audiences. De l'avis de Shabtai Rosenne:

«Si l'article 68 accorde donc à la Cour une grande latitude pour
déterminer le déroulement de la procédure en interprétation, et en
particulier pour déciders'ily a lieu de tenir des audiences, la pra-
tique indique que d'une manière généralela procédure revêt un
caractère contentieux (comme cela ressort inéluctablement du mot
«contestation» employé a I'article 60 du Statut et au paragraphe 1
de l'article 98 du Règlement). En outre, la procédureen interpréta-
tion constitue une affaire entièrement nouvelle et non une procédure
incidente directement liéeà l'affaire initiale introduàttitre princi-
pal.))(The Law and Practice of the International Court of Justice

1920-1996, vol. III, p. 1677.)
La Cour doit trancher trois questions principales au sujet de la pré-
sente demande, à savoir celles de la compétence,de la recevabilitéet des
dépens.
Je souscris sans aucune réserveà la décisionde la Cour sur la demande
du Cameroun relative aux dépens.
Je suis égalementd'accord avec la décisionde la Cour sur la question

de la compétence, et avec sa conclusion selon laquelle «l'exposé des
motifs» est liéau dispositif de l'arrêt.
Toutefois, commeje l'aidéjà indiqué, et avtout le respect dà la déci-
sion de la Cour, cette dernièreaurait dû en I'espèceconsidérerla demande
du Nigéria comme recevable.Cette demande est claire et directe. En effet,
le Nigéria,se référant aux nombreux incidentsque le Cameroun a men-
tionnésnon seulement dans ses requêtes des29 mars et 6juin 1994,mais
égalementdans son mémoire,ses observations et son répertoire desinci-
dents, prie la Cour de préciser lesquels,parmi ces incidents, sont pertinents
ou recevableset lesquelsne le sont pas. Du point de vue procédural,et afin
de permettre que I'affaire initialeintroduite par le Cameroun soit rapide-
ment tranchée,la question de savoir quels incidents sont recevables et les-
quels ne le sont pas est devenue trèsimportante pour les Parties.
Lors des audiences tenues en l'instance, le Cameroun a soutenu qu'il y
avait tant d'incidents frontaliers imputables au Nigéria qu'ilne pouvaitthat it cannot possibly givean exhaustive list of them. This wellillustrates
Nigeria's fear with regard to the content of the Parties' pleadings. During

its oral arguments of 3 March 1998in support of its preliminary objec-
tions, Nigeria expressed its views thus:
"But a distinction has to be drawn between properly commenting
on objections, and, on the other hand, substantially adding to the

case which has to be answered by the respondent State. Just as the
Memorial cannot enlarge the scope of the dispute as specifiedin the
Application (although it can amplify the case there set out), even
more so is it improper for a State's observations to seek to enlarge
the substantive scope of the dispute yet further by bringing forward
new circumstances not apparent from the Application and Memo-
rial. This, however, is what Cameroon, by introducing in its obser-
vations yet further alleged incidents for which Nigeria is said to be
responsible, has done: Cameroon has sought substantially to add to
the case set out in its Application as amended, and as elaborated in
its Memorial. Those additions should therefore be disregarded."

Nigeria did not dispute the right of Cameroon to amplify in its Memo-
rial in respect of the incidents referred to in its Application, but it clearly
rejects Cameroon's right to give details of incidents occurring after the
Application has been filed. It is observed that Cameroon referred to
many incidents, some in its original Application of 29 March 1994,others
in its subsequent amending Application of 6 June 1994, others in its
Memorial as well as in its observations. In fact, it catalogued many inci-
dents in the repertory of incidents.
It isthus clear that the issue of these incidents in relation to States'

international responsibility has to be addressed by the Court. It is there-
fore very difficult for the Court to give any meaningful consideration to
the incidents as alleged by Cameroon in al1of its various submissions to
the Court, without determining, from the stage of the pleadings, which of
these incidents are admissible and which are not admissible for the pur-
poses of this case. Failure on the part of the Court to give such an inter-
pretation in this regard would be to miss another opportunity to develop
international law on this important issue, while at the same time creating
difficulties for the Parties as regards their pleadings. Such difficulties
would in turn result in delay.
The two paragraphs of the Judgment of 11 June 1998 that Nigeria
is requesting the Court to interpret are paragraphs 99 and 100, which
read :

"99. Nor does Article 38, paragraph 2, provide that the latitude of
an applicant State, indevelopingwhat it has said in its application is
strictly limited, as suggested by Nigeria. That conclusion cannot be
inferred from the term 'succinct'; nor can it be drawn from the
Court's pronouncements on the importance of the point of time of DEMANDE EN INTERPRÉTATION (OP.DISS.AJIBOLA) 57

en donner une liste exhaustive. C'estjustement ce que craignait le Nigéria
quant àla teneur des piècesécrites et des plaidoiries desParties. Au cours
d'un exposéoral prononcé le 3 mars 1998 à l'appui de ses exceptions pré-
liminaires, le Nigériaa présentésa position comme suit:

«Mais il faut distinguer entre commenter légitimementles excep-
tions et, d'autre part, étoffer considérablementun dossier auquel
1'Etatdéfendeurdoit pouvoir répondre. Pas plus que le mémoirene
saurait élargir la portée du différend telleque l'énonce larequête
(bien qu'il puisse développerles arguments qui y figurent), il serait

encore moins admissible que les observations d'un Etat visent à élar-
gir encore davantage la portée du fond du différend enprésentant
des circonstances nouvelles qui ne figuraient pas dans la requêteet le
mémoire. Pourtant, c'est ce qu'a fait le Cameroun en introduisant
dans ses observations des allégations d'incidents supplémentaires
dont il prétend que le Nigéria est responsable: le Cameroun s'est
efforcéd'étoffersur le fond le dossier qu'il avait présentédans sa
requête,telle qu'amendée,et telle que développéedans son mémoire.
Ces élémentssupplémentaires devraient donc êtreécartés. ))

Le Nigéria n'apas niéle droit du Cameroun de développerdans son
mémoire l'exposé des incidentsmentionnés dans sa requête,mais il
conteste clairement le droit du Cameroun de donner des détailssur des
incidents survenus aprèsle dépôtde la requête. Onconstate que le Came-
roun s'est référéàde nombreux incidents,certains dans sa requêteinitiale

du 29 mars 1994,d'autres dans sa requête additionnelledu 6juin 1994,
d'autres encore dans son mémoireet dans ses observations. Il a, de fait,
énuméré de nombreux incidents dans son répertoire des incidents.
11est donc clair que la Cour doit traiter la question de ces incidents au
regard de la responsabilité internationale des Etats. C'est pourquoi il lui
est très difficile de procéder un véritableexamen de ces incidents tels
qu'alléguéspar le Cameroun dans ses différentesconclusions sans déter-
miner, dèsle stade de la soumission des écritures,lesquels parmi ces inci-
dents sont recevables aux fins de la présenteaffaire et lesquels ne le sont
pas. En ne le faisant pas, la Cour manquerait une occasion de développer
le droit international sur ce point important, tout en occasionnant aux

Parties, pour ce qui est de leurs écritureset plaidoiries, des difficultésqui
se traduiraient par des retards.

Les deux paragraphes de l'arrêtdu 1I juin 1998que le Nigériaprie la
Cour de bien vouloir interpréter sont les paragraphes 99 et 100,ainsi
libellés

((99. 11ne découlepas davantage du paragraphe 2 de l'article 38
que la latitude dont dispose 1'Etatdemandeur pour dGvelopperce qu'il
a exposédans sa requête soitstrictement limitée, comme le suggère le
Nigéria. Une telle conclusion ne saurait êtretiréedu terme ((suc-
cinct)); elle ne saurait non plus êtretirée desprononcés dela Courthe submission of the application as the critical date for the deter-
mination of its admissibility; these pronouncements do not refer to
the content of applications (Questions of Interpretation and Applica-
tion of the 1971 Montreal Convention arisingfrom the Aerial Inci-
dent ut Lockerbie (Libyan Arab Jamahiriya v. United Kingdom),
Preliminary Objections, Judgment, I.C. J. Reports 1998, p. 26,
para. 44; and Questions of Interpretation and Application of the
1971 Montreal Conventionarisingfrom theAerial Incident ut Locker-
hie (Libyan Arab Jamahiriya v. United States of America), Prelimi-
nary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1998, p. 130, para. 43).
Nor would so narrow an interpretation correspond to the finding of
the Court that,

'whilst under Article 40 of its Statute the subject of a dispute
brought before the Court shall be indicated, Article 32 (2) of the
Rules of Court [today Article 38, paragraph 21requires the Appli-
cant "as far as possible" to do certain things. These words apply
not only to specifying the provision on which the Applicant
founds the jurisdiction of the Court, but also tostating the precise
nature of the claim and giving a succinct statement of the facts
and grounds on which the claim is based.' (Northern Cameroons
(Cameroon v. United Kingdom), Preliminary Objections, Judg-
ment, I.C.J. Reports 1963, p. 28.)

The Court also recalls that it has become an established practice for
States submitting an application to the Court to reserve the right to
present additional facts and legal considerations. The limit of the
freedom to present suchfacts and considerations is 'that the result is
not to transform the dispute brought before the Court by the applica-
tion into another dispute which is different in character' (Military
and Paramilitary Activities in and against Nicaragua (Nicaragua v.

United States of America), Jurisdiction and Admissibility, Judg-
ment, I.C.J. Reports 1984, p. 427, para. 80). In this case, Cameroon
has not so transformed the dispute.

100. As regards the meaning to be given to the term 'succinct',the
Court would simply note that Cameroon's Application contains a
sufficiently precise statement of the facts and grounds on which the
Applicant bases its claim. That statement fulfils the conditions laid
down in Article 38, paragraph 2, and the Application is accordingly
admissible.
This observation does not, hoivever,prejudge the question whether,
taking account of the information submitted to the Court, thefacts
alleged by the Applicant are established or not, and whether the
grounds it relies upon arefounded or not. Those questions belong to
the merits and may not be prejudged in this phase of the proceed-
ings." (Emphasis added.)selon lesquels la date pertinente pour apprécierla recevabilitéd'une
requêteest la date de son dépôt; en effet, ces prononcés ne se réfè-
rent pas au contenu des requêtes (Questions d'interprétation et
d'application de la convention de Montréal de 1971 résultant de
l'incident aérien de Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne
c. Royaume- Uni), exceptions préliminaires, arrêt, C. I.J. Recueil
1998, p. 26, par. 44, et Questions d'interprétation et d'applicationde
la convention de Montréalde 1971 résultant de l'incidentaériende
Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne c. Etats-Unis d'Amérique),
exceptions préliminaires,arrêt,C. 1J. Recueil 1998, p. 130, par. 43).
Une interprétation aussi restrictive ne correspondrait pas davantage
aux conclusions de la Cour selon lesquelles:

«si, en vertu de l'article 40 du Statut, l'objet d'un différendporté
devant la Cour doit êtreindiqué, l'article 32, paragraphe 2, du
Règlement de la Cour [aujourd'hui l'article 38, paragraphe 21
impose au demandeur de se conformer «autant que possible)) à
certaines prescriptions. Cette expression s'applique non seulement
à la mention de la disposition par laquelle le requérant prétend
établirla compétencede la Cour mais aussi à l'indication précise
de l'objet de la demande et à l'exposé succinct desfaits et des
motifs par lesquels la demande est prétendue justifiée.)) (Came-
roun septentrional (Cameroun c. Royaume- Uni), exceptions préli-

minaires, arrêt,C.I.J. Recueil 1963, p. 28.)
La Cour rappellera égalementque, selon une pratique établie, les
Etats qui déposent une requête à la Cour se réserventle droit de pré-
senter ultérieurement des éléments de fait et de droit supplémen-
taires. Cette liberté de présenterde tels élémentstrouve sa limite
dans l'exigenceque le différendportédevant la Courpar requête «ne
se trouve pas transforméen un autre différend dontle caractèrene
serait nus le même»(Activités militaires et naramilitaires au Nica-

ragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique),com-
pétence et recevabilité,arrêt, C.I.. Recueil 1984, p. 427, par. 80).
En l'espèce,le Cameroun n'a pas opéréune telle transformation du
différend.
100. En ce qui concerne le sens à donner au terme «succinct», la
Cour se bornera à noter que dans la présenteaffaire la requêtedu
Camerouncontientun exposé suffisamment précis des faits et moyens
sur lesquels s'appuie le demandeur. Cet exposé remplit lesconditions
fixéespar le paragraphe 2 de l'article 38 du Statut et la requêteest
par suite recevable.
Cette constatation ne préjuge cependant en rienla question de
savoir si, compte tenu des éléments fournis a la Cour, lesfaits allé-
guéspar le demandeur sont ou non établis et siles moyens invoqués
par lui sont ou non fondés. Ces questions relèvent du fond et il ne
saurait en êtrepréjugédans laprésente phase del'affaire. » (Les ita-
liques sont de moi.)59 REQUEST FOR INTERPRETATION (DISSO. P.AJIBOLA)

Reading the two paragraphs of the Judgment quoted above, it is clear
that the Court has decided on the issue of the procedural right of
Cameroon to: (a) develop what it "said" in its "Application" and
(b) present "additional facts".
But,quite clearly, the Court has not determined the issue of additional
incidents or new incidents. Hence the need for the Court to interpret
definitivelywhat is expected from any applicant alleging that certain inci-
dents, although relevant to the application, occurredafter the application
was filed.
Itis my view that Nigeria is raising an important issue of substance on
the interpretation of the Court's Judgment of 11June 1998which requires
a definitive pronouncement of this Court. The question is not strictly
speaking one of looking for the meaning of the two quoted para-
graphs but rather of the scope of the Court's decision. It is therefore one
of ratione temporis.

In view of Cameroon's intention, as stated in its observations
(para. 6.04), to raise the issue of new and future incidents, and of the fact
that it has indeed already done so at the oral hearings of 2 to II March
1998(incidents of 16March 1995,30 April 1996,etc.), it is myconsidered
opinion that the Court should draw a clear line of limitation on pleadings
as they relate to the issue of incidents alleged by Cameroon in its Appli-
cations of 29 March and 6 June 1994. Put succinctly, the question is,
which of the incidents alleged by Cameroon in its Applications will the
Court consider as incidents relevant to the present case? In other words,
will the Court consider post-1994 incidents along with the pre-1994
incidents or will the Court restrict Cameroon to the pre-1994 incidents
only ?

In the Nauru case the Court refused to entertain a "new claim" and
said that such a new claim could only be entertained if it arose "directly
out of the question which is thesubject-matter of that Application" (Cer-
tain Phosphate Lands in Nauru (Nauru v. Australia), Preliminary Objec-

tions, Judgment, I.C.J. Reports 1992, p. 266, para. 67; see also Fisheries
Jurisdiction (Federal Republic of Germany v. Iceland), Merits, Judg-
ment, I.C.J. Reports 1974, p. 203, para. 72). In the present case too the
Court needs to clarify the category of incidents alleged by Cameroon to
be relevant. Are they pre-1994 incidents only, or both pre- and post-1994
incidents?

Equally, the issue of what additional facts are required from Cam-
eroon must be spelled out very clearly by the Court; are these additional
facts in relation to the incidents before the Applications of Cameroon in
1994or do they include additional facts concerning incidents subsequent
to the year 1994? If the Court agrees that Cameroon may fileadditional
facts, is the Court also saying that Cameroon can fileparticulars of addi-
tional incidents after 1994?
Cameroon in its observations admits that its freedom is not unlimited, A la lecture de ces deux paragraphes de l'arrêt,il apparaît clairement
que la Cour s'est prononcée sur le droit procédural du Cameroun de:
a) développer ce qu'il a «dit» dans sa «requête» et 6) présenter «des
faits supplémentaires P.
Mais il est manifeste que la Cour n'a pas tranché la question des inci-
dents supplémentairesou nouveaux incidents. C'est pourquoi il est néces-
saire que la Cour indique, de façon définitive,ce qu'elle attend de tout
demandeur faisant état de certains incidents qui, bien que liés à la
requête,se sont produits aprèsle dépôtde celle-ci.
A mon avis, le Nigéria soulève uneimportante question de fond rela-
tive àl'interprétation de l'arrêtdu Il juin 1998,qui nécessiteque la Cour
se prononce définitivementa ce sujet. Il ne s'agit pas à proprement parler
d'examiner la signification des deux paragraphes cités,mais plutôt la
portée de la décisionde la Cour. Il s'agit donc d'une question ratione

temporis.
Compte tenu de l'intention que le Cameroun a affirméedans ses obser-
vations (par. 6.04) de soulever la question des incidents nouveaux et a
venir, et étant donnéqu'il l'a déjàfait lors des audiences qui se sont
tenues du 2 au 11mars 1998(incidents du 16mars 1995,du 30 avril 1996,
etc.), je considère, après réflexion,que la Cour devrait fixer une limite
claire pour les piècesécriteset les plaidoiries s'agissant desincidents allé-
guéspar le Cameroun dans ses requêtes des29 mars et 6juin 1994.Posée
en termes succincts, la question est la suivante: quels incidents, parmi
ceux que le Cameroun a alléguésdans ses requêtes,la Cour considère-
t-elle comme pertinents en l'espèce?Autrement dit, la Cour examinera-
t-elle les incidents survenus après 1994en mêmetemps que ceux qui sont
survenus avant cette date, ou bien demandera-t-elle au Cameroun de se
limiter aux incidents antérieurs a1994?
Dans l'affaire de Certaines terres à phosphates a Nauru, la Cour a
refuséde connaître d'une «demande additionnelle)) en disant qu'elle ne

pouvait connaître d'une telle demande que si celle-ci découlait ((directe-
ment de la question qui fai[sai]tl'objet de cette requête))(Certaines terres
a phosphates à Nauru (Nauru c. Australie), exceptions préliminaires,
arrêt, C.I.J. Recueil 1992, p. 266, par. 67; voir égalementCompétenceen
matière de pêcheries(Républiquefédéraled'Allemagne c. Islande), fond,
arrêt,C. I.J. Recueil 1974,p. 203, par. 72). De la même manière, la Cour
doit en l'espèceclarifier quels incidents, parmi ceux allégupar le Came-
roun, sont pertinents. S'agit-iluniquement des incidents antérieursa 1994
ou bien des incidents tant antérieurs que postérieurs a 1994?
De même, laCour doit dire trèsclairement ce qu'elle attend du Came-
roun pour ce qui est des faits additionnels: ces faits additionnels se rap-
portent-ils aux incidents antérieurs au dépôtdes requêtesdu Cameroun
en 1994ou se rapportent-ils égalementaux incidents postérieurs a 1994?
Si la Cour estime que le Cameroun peut faire étatdefaits additionnels,
l'autorise-t-elle par la mêmeà fournir des donnéesdétailléessur des inci-
dents additionnels survenus après 1994?
Dans ses observations, le Cameroun reconnaît que sa libertén'est pasbut contends that this matter should be left to the merits stage. However,
Nigeria is required to file its Counter-Memorial very soon. If, for
example, Cameroon is given the latitude by the Court to introduce new
elements relating to incidents after 1994,this could involve open-ended
pleadings that might result in an indefinite delay and wasting of the
Court's time. If, for example, such additional or new incidents (say of
1998-1999) are introduced by Cameroon in its Reply to the Counter-
Memorial of Nigeria (which could be an element of surprise) then Nigeria
might have to respond to such incidents for the first time in its Rejoinder,
which could then also warrant applications from both Parties for further
rounds of pleadings and which in turn could continue ad infinitum.
Another complex situation could emerge if there are further allegations
of new or additional incidents at the close of pleadings oruring the oral
proceedings of the case on the merits. This might also compel the Parties
to request further pleadings.

Apart from the fact that Nigeria's Application requires a decision of
the Court one way or the other, a decision on this issue would further
enrich the jurisprudence of the Court and serve as a guideline to litigants
with regard to the limitations imposed on the content of applications.
Quite rightly, the Court should not accept any delay in a matter of this
nature; the case should be disposed of expeditiously because of the
present situationalong the Parties' frontiers. But at the same time there is
need for caution; this should not be done at the expense of justice and
proper procedure. There is no doubt that the pre-1994 incidents are the
facts in issue in this case, and additional facts are indeed welcome to
support such incidents; but not facts introduced to buttress post-1994
incidents.
Furthermore, 1 believe that the ordinary interpretation of the word
"dispute" in Article 36, paragraph 2, of the Statute of the Court relates

only to pre-existing disputes or incidents that occurred before the filingof
an application, but definitely not to a future dispute. Apart from the
illogicality of such an interpretation, its consequences could unduly and
unnecessarily prolong pleadings before the Court and delay a speedy
settlement of cases.

(SignedB )ola AJIBOLA. DEMANDE EN INTERPRÉTATION (OP.DISSA . JIBOLA) 60

illimitée, maisil soutient que cette question devrait être résoluelors de
la phase de l'examen au fond. Or, le Nigéria doit déposer son contre-
mémoiretrès bientôt. Supposons que la Cour autorise le Cameroun à
faire état d'élémentsnouveaux relatifs a des incidents survenus après
1994: rien ne viendrait alors limiter les écritures et les plaidoiries, ce qui
pourrait causer des retards infinis et faire perdre du tempsla Cour. Si,
par exemple, le Cameroun faisait état d'incidents additionnels ou nou-
veaux (par exemple, survenus en 1998-1999)dans sa répliqueau contre-
mémoire du Nigéria (ce qui pourrait créer un élémend te surprise), le
Nigéria devrait répondre sur ces incidents pour la première foisdans sa

duplique, ce qui pourrait alors inciter les deux Partiesemander a être
autorisées a déposerde nouvelles piècesécrites,un processus qui pour-
rait se prolonger a l'infini. Si des incidents nouveaux ou additionnels
étaientallégués à la clôture de la procédureécriteou au cours de la pro-
cédure oralerelative au fond, cela pourrait également créer unesituation
complexe et amener les Parties a demander à être autoriséesà déposer
de nouvelles piècesécrites.
Outre que la demande du Nigéria appelle une décisionde la Cour dans
un sens ou dans un autre, une décisionsur cette question enrichirait la
jurisprudence de la Cour et fournirait aux parties des lignes directrices
sur les limites imposéesau contenu des requêtes.Il est juste que la Cour
n'accepte pas le moindre retard dans une affaire de cette nature; l'affaire
devrait être régléerapidement en raison de la situation qui prévaut

actuellement le long de la frontière entre les Parties. Mais, dans le même
temps, la prudence s'impose: cela ne devrait pas se faire au détriment de
la justice et d'une procédurerégulière.Il n'est pas douteux que les inci-
dents antérieurs à 1994 sont en cause en l'espèce, etl'on peut admettre
des faits additionnels qui viennent corroborer ces incidents, mais non des
faits introduits pour étayerdes incidents postérieurs 1994.
En outre, j'estime qu'interprétédans son sens ordinaire le mot(diffé-
rend)), qui apparaît au paragraphe 2 de l'article 36 du Statut de la Cour,
ne viseque lesdifférendsou incidents préexistants au dépôtde la requête,
et certainement pas les différendsàvenir. Outre que cette interprétation
serait illogique, elle aurait pour conséquence un prolongement indu et
inutile de la procédure devant la Cour et ferait obstacle au règlement
rapide des affaires.

(SignéB )ola AJIBOLA.

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Opinion dissidente de M. Ajibola, juge ad hoc (traduction)

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