Opinion individuelle de M. le juge Simma

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334

OPINION INDIVIDUELLE DE M. LE JUGE SIMMA

[Traduction]

La Cour aurait dû qualifier d’acte d’agression l’invasion par l’Ouganda
d’une importante partie du territoire de la RDC — La Cour n’aurait pas dû
s’abstenir d’examiner la question de la légitime défense contre des attaques
armées transfrontalières d’envergure menées par des acteurs non étatiques,
mais aurait dû saisir l’occasion pour clarifier un sujet qu’elle a elle-même

contribué à rendre confus — En raison des tentatives actuelles visant à priver
certaines personnes de la protection qui leur est due en vertu du droit interna-
tional humanitaire et du droit international des droits de l’homme, la Cour
aurait dû dire que les personnes privées victimes de mauvais traitements à
l’aéroport de Kinshasa en août 1998 jouissaient d’une telle protection et que
l’Ouganda aurait eu qualité pour introduire une demande les concernant, indé-
pendamment de leur nationalité.

1. Pour commencer, j’aimerais souligner que je souscris à l’ensemble

de ce que la Cour a dit dans son arrêt. Je m’intéresserai donc surtout à
certaines questions sur lesquelles la Cour a décidé de ne pas se prononcer.
Les deux premières ont trait à l’emploi de la force dans le cadre des
demandes de la République démocratique du Congo; la troisième porte
sur l’applicabilité du droit international humanitaire et du droit interna-

tional des droits de l’homme à une partie de la deuxième demande recon-
ventionnelle de l’Ouganda.

1. L’ EMPLOI DE LA FORCE PAR L ’OUGANDA ,UN ACTE D ’AGRESSION

2. L’une des omissions délibérées qui caractérise le présent arrêt et ne
manquera pas de frapper tout lecteur averti en matière de politique est

la façon dont la Cour a évité de traiter la demande explicite de la RDC
visant à ce qu’il soit déclaré que l’Ouganda, par son recours massif à la
force contre le demandeur, avait commis un acte d’agression. Sur ce
point, je m’associe à la critique formulée par le juge Elaraby dans son
opinion individuelle. Après tout, l’Ouganda a envahi une portion du

territoire de la RDC de la taille de l’Allemagne et l’a gardée sous son
contrôle, ou celui des différents chefs militaires congolais qu’il soute-
nait, pendant plusieurs années, puisant dans les immenses richesses na-
turelles de ces régions tourmentées. Evidemment, la Cour ne pouvait, dans

son arrêt, que reconnaître que, en se livrant à ces «actions militaires»,
l’Ouganda «a[vait] violé le principe du non-recours à la force dans les
relations internationales et le principe de non-intervention» (arrêt, dis-
positif, par. 345, point 1)). L’arrêt est plus sévère au paragraphe 165
puisqu’il y est indiqué que «[l]’intervention militaire illicite de l’Ouganda

a été d’une ampleur et d’une durée telles que la Cour la considère

170 ACTIVITÉS ARMÉES (OP.IND .SIMMA ) 335

comme une violation grave de l’interdiction de l’emploi de la force
énoncée au paragraphe 4 de l’article 2 de la Charte des Nations Unies».
Dès lors, pourquoi ne pas appeler un chat un chat? De toutes les acti-

vités militaires dont la Cour a eu à connaître, si une seule devait être
qualifiée d’acte d’agression, ce serait l’invasion de la RDC par
l’Ouganda. En comparaison avec l’ampleur et les conséquences de cette
dernière, les péripéties militaires que la Cour a eues à examiner à ce jour
dans d’autres affaires, telles que celles du Détroit de Corfou , des Acti-

vités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci ou des
Plates-formes pétrolières , confinent à l’anecdotique.
3. Il est vrai que le Conseil de sécurité des Nations Unies, bien qu’ayant
adopté une série de résolutions sur la situation dans la région des Grands

Lacs (voir arrêt, par. 150), n’est jamais allé jusqu’à qualifier expressément
l’invasion ougandaise d’acte d’agression, alors même que celle-ci doit être
considérée comme un cas d’école de la première des définitions de cette
«forme la plus grave et la plus dangereuse de l’emploi illicite de la force»

énoncée par l’Assemblée générale dans sa résolution 3314 (XXIX). Le
Conseil de sécurité aura eu ses raisons — politiques — de s’abstenir de
procéder à une telle qualification. Mais la Cour, en sa qualité d’organe
judiciaire principal de l’Organisation des Nations Unies, n’est pas tenue
d’en faire de même. Sa raison d’être est de formuler des décisions fondées

en droit et uniquement en droit, sans perdre de vue le contexte politique,
certes, mais en ne s’abstenant pas de constater des faits manifestes pour
des raisons tenant à ces considérations extrajuridiques. Telle est la répar-
tition des rôles, prévue par la Charte, entre la Cour et les organes poli-

tiques de l’Organisation des Nations Unies.

2. L ÉGITIME DÉFENSE EN RÉPONSE À DES ATTAQUES ARMÉES D ’ENVERGURE
MENÉES PAR DES ACTEURS NON ÉTATIQUES

4. Je souscris à la conclusion formulée par la Cour au paragraphe 146
de l’arrêt selon laquelle les attaques armées que l’Ouganda invoque au
soutien de son allégation selon laquelle il aurait agi en état de légitime

défense contre la RDC n’étaient pas le fait des forces armées congolaises,
mais celui des Forces démocratiques alliées (FDA), c’est-à-dire d’un
groupe rebelle agissant contre l’Ouganda depuis le territoire congolais.
La Cour a indiqué que l’Ouganda n’avait fourni aucun élément de preuve

satisfaisant au soutien de son allégation selon laquelle ces attaques
auraient été le fait de bandes armées ou de forces régulières envoyées par
la RDC ou agissant en son nom. En conséquence, ces attaques ne sont
pas attribuables à la RDC.
5. Toutefois, la Cour a ensuite estimé que, pour ces raisons, les condi-

tions de droit et de fait justifiant l’exercice d’un droit de légitime défense
par l’Ouganda à l’encontre de la RDC n’étaient pas réunies (arrêt,
par. 147). Aussi a-t-elle poursuivi en indiquant qu’elle n’avait pas à se
prononcer sur les thèses des Parties relatives à la question de savoir si,

171 ACTIVITÉS ARMÉES (OP .IND .SIMMA ) 336

et à quelles conditions, le droit international contemporain prévoyait

un droit de légitime défense pour riposter à des attaques d’envergure me-
nées par des forces irrégulières (arrêt, par. 147).
6. Dès lors, le raisonnement sur lequel se fondent les conclusions de
l’arrêt relatives à la première demande de la RDC est le suivant:

— la RDC ayant, dans sa demande, (seulement) prié la Cour de dire que
c’était l’emploi de la force par l’Ouganda qui constituait l’acte d’agres-
sion,

— la Cour n’estimant pas que les activités militaires menées depuis
le territoire congolais sur le territoire du demandeur par les forces
rebelles antiougandaises soient attribuables à la RDC,
— la thèse de l’Ouganda selon laquelle son emploi de la force contre la

RDC était justifié au titre de la légitime défense ne pouvant, en consé-
quence, être retenue,

la Cour peut se contenter de dire que l’Ouganda a violé l’interdiction de
l’emploi de la force consacrée par la Charte des Nations Unies et le droit
international général. La Cour semble dire que la RDC n’a rien demandé
de plus, et qu’il n’y avait dès lors pas lieu pour elle de s’interroger sur
la qualification juridique des activités militaires transfrontalières des

groupes antiougandais en tant que tels ou des contre-mesures déci-
dées par l’Ouganda en réponse à ces actes hostiles.
7. Ainsi, la Cour n’a pas apporté de réponse à la question de savoir si,
à supposer, donc, que de telles actions ne soient pas attribuables à la
RDC, l’Ouganda pouvait, si nécessaire, repousser celles-ci en intervenant

contre ces groupes sur le territoire congolais, à condition que les attaques
rebelles soient d’une ampleur suffisante pour être qualifiées d’«agres-
sion[s] armée[s]» au sens de l’article 51 de la Charte des Nations Unies.
8. A l’instar du juge Kooijmans, aux paragraphes 25 et suivants de son
opinion individuelle, je pense que la Cour aurait dû saisir l’occasion qui

lui était offerte en la présente affaire d’éclaircir l’état du droit sur une
question hautement controversée et confuse — la Cour ayant elle-même
largement contribué à ce caractère confus par son arrêt rendu il y a
vingt ans en l’affaire des Activités militaires et paramilitaires . Tout
comme le juge Kooijmans, je déplore que la Cour «a[it] ainsi laissé pas-

ser, malgré l’invitation explicite faite en ce sens par l’une des Parties, une
occasion de préciser sa position adoptée vingt ans plus tôt» (opinion indi-
viduelle du juge Kooijmans, par. 25).
9. Depuis l’affaire des Activités militaires et paramilitaires , la Cour a
rendu plusieurs décisions sur des questions relatives à l’emploi de la force

et à la légitime défense, décisions à l’origine de certaines difficultés, moins
par ce qu’elles établissent que par les questions qu’elles laissent en sus-
pens, au premier rang desquelles celle de la légitime défense en réponse à
des attaques armées menées par des acteurs non étatiques.
10. A cet égard, la déclaration la plus récente — et la plus pertinente

— figure dans l’examen (extrêmement bref) fait par la Cour, dans son
avis sur le Mur, de l’argument d’Israël selon lequel l’édification de la bar-

172 ACTIVITÉS ARMÉES (OP. IND. SIMMA ) 337

rière de séparation était une mesure tout à fait conforme au droit de légi-
time défense des Etats consacré par l’article 51 de la Charte (Consé-
quences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire pales-

tinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 , p. 194, par. 138). La
Cour a répondu en précisant que l’article 51 de la Charte reconnaissait
l’existence d’un droit naturel de légitime défense en cas d’agression
armée par un Etat contre un autre Etat et que, Israël ne prétendant pas

que les violences dont il était victime étaient imputables à un Etat étran-
ger, l’article 51 de la Charte était dépourvu de pertinence dans le cas
du mur (ibid., par. 139).
11. Une conception aussi restrictive de l’article 51 pourrait fort bien

être considérée comme l’expression de l’état dans lequel se trouverait,
depuis un certain temps déjà, le droit international de la légitime défense,
ou plus exactement de l’interprétation dominante de celui-ci. Toutefois, à

la lumière de certaines évolutions plus récentes, non seulement dans la
pratique des Etats, mais aussi dans l’opinio juris qui l’accompagne, il
apparaît urgent, y compris pour la Cour, de revenir sur cette interpréta-
tion. Telle est, en effet, l’évolution que nous connaissons tous, consé-

quence des événements du 11 septembre, au lendemain desquels la thèse
selon laquelle l’article 51 concernerait également les mesures défensives
prises à l’encontre de groupes terroristes a été accueillie bien plus favo-

rablement par la communauté internationale que d’autres ré-interpréta-
tions importantes des dispositions pertinentes de la Charte, notamment
la «doctrine Bush», qui tend à justifier le recours préventif à la force . 1
Il semble difficile d’éviter d’interpréter les résolutions 1368 (2001) et

1373 (2001) du Conseil de Sécurité autrement que comme autorisant à
qualifier des attaques menées à grande échelle par des acteurs non
étatiques comme une «agression armée» au sens de l’article 51 de la

Charte.
12. Dans son opinion individuelle, le juge Kooijmans souligne que
l’absence presque totale d’autorité gouvernementale sur tout ou partie du
territoire d’un Etat est malheureusement devenue aussi courante que le

terrorisme international (opinion individuelle du juge Kooijmans,
par. 30). Je souscris sans réserve à ses conclusions selon lesquelles, si des
attaques armées sont menées par des forces irrégulières à partir d’un tel
territoire à l’encontre d’un Etat voisin, elles restent des attaques armées,

même si elles ne peuvent être attribuées à l’Etat à partir du territoire
duquel elles sont menées et qu’il «ne serait pas raisonnable de nier à
l’Etat agressé le droit de la légitime défense, simplement parce qu’il
2
n’y a pas d’Etat agresseur, ce que la Charte n’exige pas» (ibid.).
13. Je partage également l’opinion du juge Kooijmans selon laquelle la

1 Th. Bruha et Ch. Tams, «Self-Defence against Terrorist Attacks. Considerations in
the Light of the ICJ’s «Israeli Wall» Opinion», dans K. Dicke et al. (dir. publ.), Weltin-
nenrecht. Liber Amicorum Jost Delbrück , 2005, p. 84-112, p. 97.
2 e
En référence à Y. Dinstein, War, Aggression, and Self-Defencéd., 2001, p. 216.

173 ACTIVITÉS ARMÉES (OP. IND. SIMMA ) 338

question de la licéité de la conduite d’un Etat faisant l’objet d’une telle

agression armée menée par un groupe non étatique doit être soumise
au même examen qu’une prétention de légitime défense formulée à l’en-
contre d’un Etat: l’action armée de forces irrégulières constitue-t-elle, par
son ampleur, une agression armée, et, si oui, la réaction de l’Etat agressé

satisfait-elle aux exigences de nécessité et de proportionnalité (opinion
individuelle du juge Kooijmans, par. 31)?
14. Analysant les activités militaires de l’Ouganda sur le territoire
congolais à compter du mois d’août 1998 à l’aune de ces critères, le juge

Kooijmans parvient à la conclusion — à laquelle je souscris — que, alors
que les activités menées par l’Ouganda en août dans une zone frontalière
peuvent encore être considérées comme respectant ces limites, l’escalade
des opérations militaires qui a débuté avec l’occupation de l’aéroport de

Kisangani pour ensuite mener les forces ougandaises loin dans l’intérieur
de la RDC était d’une ampleur et d’une durée ne pouvant plus être jus-
tifiées par l’exercice d’un droit de légitime défense. Ainsi adhérons-nous
tous deux, à ce stade, à la conclusion finale de la Cour selon laquelle

l’intervention militaire de l’Ouganda constitue «une violation grave de
l’interdiction de l’emploi de la force énoncée au paragraphe 4 de l’ar-
ticle 2 de la Charte des Nations Unies» (arrêt, par. 165).
15. Par ce raisonnement, je souhaitais montrer que la Cour aurait très

bien pu s’autoriser à aborder la question de l’emploi de la force armée à
grande échelle par des acteurs non étatiques sous un angle réaliste, plutôt
que de la balayer d’un revers de la main, et parvenir néanmoins au même
résultat convaincant. En raison des précautions inutiles dont elle s’est

entourée pour traiter cet aspect, ainsi qu’en éludant celui de l’«agres-
sion», la Cour donne l’impression d’être mise dans l’embarras par cer-
taines questions qui sont pourtant de la plus haute importance dans
les relations internationales contemporaines.

3. M AUVAIS TRAITEMENTS INFLIGÉS À CERTAINES PERSONNES À L ’AÉROPORT
INTERNATIONAL DE N DJIL, DROIT HUMANITAIRE INTERNATIONAL ET DROIT

INTERNATIONAL DES DROITS DE L HOMME

16. Ma troisième observation a trait aux mauvais traitements infligés à
certaines personnes par des soldats congolais à Ndjili, l’aéroport interna-

tional de Kinshasa, en août 1998.
Dans sa deuxième demande reconventionnelle, l’Ouganda soutient
notamment que, en infligeant des mauvais traitements à certaines per-
sonnes autres que des diplomates ougandais alors qu’elles tentaient de

quitter le pays à la suite du déclenchement d’un conflit armé, la RDC a
violé les obligations qui lui incombaient en vertu «de la norme internatio-
nale minimale de traitement que tout Etat doit observer à l’égard de res-
sortissants étrangers présents en toute légalité sur son territoire» ainsi

que des «principes universellement reconnus des droits de l’homme en ma-
tière de sécurité de la personne humaine» (contre-mémoire de l’Ouganda,

174 ACTIVITÉS ARMÉES (OP. IND .SIMMA ) 339

par. 405-407). Au paragraphe 333 de son arrêt, la Cour a conclu que, en
présentant cette partie de sa demande reconventionnelle, l’Ouganda avait

cherché à exercer son droit de protection diplomatique à l’égard de ses
ressortissants. Il s’ensuivait que l’Ouganda devait satisfaire aux condi-
tions requises pour l’exercice de la protection diplomatique, telles qu’éta-
blies en droit international général, à savoir que les demandeurs devaient

être de nationalité ougandaise et que les voies de recours internes devaient
préalablement avoir été épuisées. La Cour a relevé qu’aucun document
particulier permettant d’identifier les personnes concernées comme des
ressortissants ougandais ne figurait au dossier de l’affaire. Elle en a dès
lors conclu que, cette condition n’étant pas remplie, le volet en question

de la demande reconventionnelle de l’Ouganda était irrecevable. Elle a
donc fait droit à l’exception soulevée à cet égard par la RDC (arrêt, dis-
positif, par. 345, point 11)).
17. Mon vote en faveur de cette partie de l’arrêt ne vaut que pour

l’irrecevabilité de l’action en protection diplomatique formée par
l’Ouganda, étant donné que je souscris à la conclusion de la Cour selon
laquelle l’Ouganda n’a pas satisfait aux conditions préalables à l’exercice
du droit de protection diplomatique. J’estime toutefois que son raisonne-

ment n’aurait pas dû s’arrêter là. Il eût été préférable qu’elle reconnût que
les victimes des attaques perpétrées à l’aéroport international de Ndjili
continuaient, indépendamment de leur nationalité, à bénéficier d’une pro-
tection juridique contre de tels actes de mauvais traitement en vertu

d’autres branches du droit international, à savoir le droit international
des droits de l’homme et, plus particulièrement, le droit international
humanitaire. Dans son arrêt, la Cour a fait un effort louable pour appli-
quer, de manière aussi large que possible, les règles établies dans ces

domaines à la situation des personnes de nationalités et statuts différents
se trouvant dans des zones de conflit. Les seules à n’avoir pas bénéficié du
bouclier juridique ainsi conçu par la Cour sont les dix-sept malheureuses
personnes qui se sont heurtées à la violence des soldats congolais à l’aéro-

port de Kinshasa.
18. Je dois reconnaître que j’ai été frappé par le caractère quelque peu
superficiel de la présentation et de la motivation par l’Ouganda du volet
de sa deuxième demande reconventionnelle consacré à ces personnes, tant

sur le plan des éléments de preuve rassemblés par lui que sur celui de la
qualité de son raisonnement juridique. Ce caractère superficiel est proba-
blement dû au fait que des conseils plus ou moins désespérés ont cherché
des éléments à partir desquels ils pourraient construire quelque chose res-
semblant, selon eux, à une demande reconventionnelle techniquement
3
acceptable , plutôt que de faire preuve d’un intérêt véritable pour le sort
des intéressés.

3La présente affaire n’est pas la première à me donner cette impression; voir mon
opinion individuelle dans l’affaire des Plates-formes pétrolières (République islamique
d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt , C.I.J. Recueil 2003, p. 342-343, par. 36.

175 ACTIVITÉS ARMÉES (OP.IND .SIMMA ) 340

19. Quoi qu’il en soit, je saisirai l’occasion de la demande de l’Ouganda

concernant les événements qui se sont déroulés à l’aéroport pour déve-
lopper plus avant la thèse, à savoir que, dans son arrêt, la Cour aurait pu,
sur le fondement du droit international humanitaire et du droit interna-
tional des droits de l’homme, examiner la situation dans laquelle se trou-
vaient ces personnes, et qu’aucun vide juridique n’existait les concernant.

Le lecteur peut se demander pourquoi j’accorde une telle importance à un
incident qui s’est produit il y a plus de sept ans et dont la gravité est
incontestablement atténuée par les innommables atrocités commises au
cours de la guerre au Congo. Pour être tout à fait clair, je considère que,
au vu de certaines évolutions récentes déplorables, les arguments juri-

diques selon lesquels il n’existerait, dans des situations semblables à
celle dont nous avons eu à connaître, aucune lacune du droit suscep-
tible de priver les personnes concernées de toute protection juridique,
n’ont jamais eu autant d’importance qu’aujourd’hui.

20. J’examinerai tout d’abord la pertinence du droit international
humanitaire à l’égard de l’incident qui s’est produit à l’aéroport interna-
tional de Ndjili.
Pour commencer, le fait que l’aéroport n’ait pas été le théâtre d’affron-
tements majeurs dans le cadre du conflit armé entre la RDC et l’Ouganda

ne fait pas obstacle à l’application du droit international humanitaire aux
événements qui s’y sont produits, et ce, pour deux raisons.
21. En premier lieu, pour établir si le droit international humanitaire
doit également s’appliquer dans des zones du territoire d’un Etat belligé-
rant épargnées par les combats, la principale question est de savoir si ces

zones sont, d’une manière ou d’une autre, en rapport avec le conflit. Tel
était bien entendu le cas de l’aéroport international de Ndjili, puisque les
personnes y ayant subi des mauvais traitements attendaient d’être éva-
cuées pour échapper au conflit armé. La note de protestation adressée
par l’ambassade de l’Ouganda au ministère des affaires étrangères de la

RDC le 21 août 1998 — que la Cour qualifie de preuve fiable au para-
graphe 339 de son arrêt — indique que des ressortissants ougandais,
parmi lesquels des diplomates, se trouvaient à l’aéroport international de
Ndjili pour être évacués (contre-mémoire de l’Ouganda, annexe 23).
Cette évacuation était nécessaire en raison du conflit armé qui se dérou-

lait en RDC. Dès lors, un rapport existait bien, dans les faits, entre les
événements survenus à l’aéroport et le conflit armé. Il ne s’agissait pas
d’un lieu quelconque paisible, sans rapport avec le conflit, mais, bien
au contraire, du point de départ d’une évacuation précisément rendue
nécessaire par le conflit. Au cours de cette opération, l’aéroport est de-

venu le théâtre de violences exercées par les forces congolaises contre les
personnes évacuées.
22. Le paragraphe 1 de l’article 80 du Règlement de la Cour dispose
que: «La Cour ne peut connaître d’une demande reconventionnelle que
si celle-ci relève de sa compétence et est en connexité directe avec l’objet

de la demande de la partie adverse.» (Les italiques sont de moi.) Dans
son ordonnance du 29 novembre 2001, la Cour a jugé la deuxième

176 ACTIVITÉS ARMÉES (OP .IND .SIMMA ) 341

demande reconventionnelle recevable eu égard au critère de la «connexité
directe» de l’article 80, précisant que «chacune des Parties accuse l’autre
d’être responsable de diverses exactions qui auraient accompagné un

emploi illicite de la force ; ... qu’il s’agit là de faits de même nature et que
les demandes des Parties s’inscrivent dans le cadre du même ensemble
factuel complexe» (par. 40; les italiques sont de moi). Ainsi, la Cour
avait d’ores et déjà établi, dans son ordonnance rendue en application de
l’article 80, que les événements de l’aéroport entraient dans le cadre du

«même ensemble factuel complexe» que le conflit armé, fondement de la
demande principale. Le droit international humanitaire devrait dès lors
être applicable à la demande reconventionnelle tout comme il l’est à la
demande principale.

23. En deuxième lieu, l’application du droit international humanitaire
aux événements qui se sont déroulés à l’aéroport serait conforme à la
définition donnée par la chambre d’appel du TPIY de la portée du droit
international humanitaire. Dans l’affaire Le procureur c. Tadic ´ ,al

chambre d’appel a indiqué:
«Sur la base de ce qui précède, nous estimons qu’un conflit armé

existe chaque fois qu’il y a recours à la force armée entre Etats ou un
conflit armé prolongé entre ... de tels groupes au sein d’un Etat. Le
droit international humanitaire s’applique dès l’ouverture de ces
conflits armés et s’étend au-delà de la cessation des hostilités jusqu’à

la conclusion générale de la paix; ou, dans le cas de conflits internes,
jusqu’à ce qu’un règlement pacifique soit atteint. Jusqu’alors, le droit
international humanitaire continue de s’appliquer sur l’ensemble du
territoire des Etats belligérants ou, dans le cas de conflits internes,
sur l’ensemble du territoire sous le contrôle d’une partie, que des
o
combats effectifs s’y déroulent ou non.» (Affaire n IT-94-1, arrêt
relatif à l’appel de la défense concernant l’exception préjudicielle
d’incompétence, 2 octobre 1995, par. 70; les italiques sont de moi.)

La Chambre d’appel a également indiqué que «le champ temporel et
géographique des conflits armés internationaux et internes s’étend au-
delà de la date et du lieu exacts des hostilités» (ibid., par. 67). Par la suite,

en cette même affaire, une chambre de première instance a analysé
l’expression «commis dans le cadre d’un conflit armé», qui qualifie les
actes illicites visés par l’article 5 du Statut du TPIY, et a conclu qu’il
«n’[était] pas nécessaire que les actes aient eu lieu au cŒur de la bataille»
o
(Le procureur c. Duško Tadic ´ , affaire n IT-94-1-T, chambre de première
instance, jugement, 7 mai 1997, par. 632). De la même manière, une
chambre de première instance du TPIY a déclaré qu’«il n’[était] pas
nécessaire que des combats se déroulent effectivement en un lieu particu-
lier pour que les normes du droit international humanitaire soient appli-
o
cables» (Le procureur c. Delalic ´, Muci´, Deli´, et Landzo , affaire n IT-
96-21-T, chambre de première instance, jugement, 16 novembre 1998,
par. 185).
24. J’en viens maintenant aux règles de fond du droit international

177 ACTIVITÉS ARMÉES OP .IND .SIMMA ) 342

humanitaire applicables aux personnes en question. La première disposi-

tion qui vient à l’esprit est l’article 4 de la quatrième convention de
Genève de 1949. Conformément à cet article, les personnes qui, «à un
moment quelconque et de quelque manière que ce soit, se trouvent, en cas
de conflit ou d’occupation, au pouvoir d’une partie au conflit ou d’une
puissance occupante dont elles ne sont pas ressortissantes» sont considé-

rées comme des personnes protégées aux termes de la convention. Si les
personnes maltraitées par la RDC à l’aéroport international de Ndjili
devaient être considérées comme des personnes protégées aux termes de
l’article 4 de la quatrième convention de Genève, le comportement des
soldats congolais aurait été contraire à plusieurs dispositions de cette

convention, notamment à l’article 27 (lequel exige que les personnes pro-
tégées soient «traitées, en tout temps, avec humanité et protégées notam-
ment contre tout acte de violence ou d’intimidation, contre les insultes et
la curiosité publique»), à l’article 32 (lequel prohibe toute mesure de

nature à causer des souffrances physiques aux personnes protégées), à
l’article 33 (lequel prohibe les mesures de représailles à l’égard des per-
sonnes protégées et leurs biens) et à l’article 36 (lequel exige que l’évacua-
tion des personnes protégées soit réalisée de manière sûre).
25. Cependant, il est difficile de qualifier les dix-sept personnes pré-

sentes à l’aéroport de «personnes protégées» au sens de l’article 4. Ainsi
que je l’ai indiqué précédemment, l’Ouganda n’a pas été en mesure de
prouver que ces personnes étaient ses ressortissants; en réalité, nous ne
disposons d’aucun élément d’information quant à leur nationalité. A cet
égard, l’article 4 de la quatrième convention de Genève dispose que:

«Les ressortissants d’un Etat neutre se trouvant sur le territoire

d’un Etat belligérant et les ressortissants d’un Etat cobelligérant ne
seront pas considérés comme des personnes protégées aussi long-
temps que l’Etat dont ils sont ressortissants aura une représentation
diplomatique normale auprès de l’Etat au pouvoir duquel ils se
trouvent.»

Les intéressés auraient pu se révéler ressortissants d’un Etat neutre ou

d’un Etat cobelligérant (tel que le Rwanda), et nous n’aurions pas su si
leur Etat national avait maintenu des relations diplomatiques avec la
RDC à l’époque de l’incident. Compte tenu de ce contexte factuel — ou
plutôt de son absence —, la Cour n’aurait pu considérer les intéressés
comme des «personnes protégées».

26. Le sujet n’est pas épuisé pour autant. Le vide ainsi laissé par l’ar-
ticle 4 de la convention de Genève a entre-temps été — délibérément —
comblé par l’article 75 du protocole additionnel aux conventions de
Genève de 1949 (protocole I). Les passages pertinents de cette disposition
qui énonce les garanties fondamentales du droit international humani-

taire se lisent comme suit:

«1. Dans la mesure où elles sont affectées par une situation visée
à l’article premier du présent protocole, les personnes qui sont au

178 ACTIVITÉS ARMÉES (OP. IND. SIMMA ) 343

pouvoir d’une partie au conflit et qui ne bénéficient pas d’un traite-
ment plus favorable en vertu des conventions et du présent protocole

seront traitées avec humanité en toutes circonstances et bénéficieront
au moins des protections prévues par le présent article...
2. Sont et demeureront prohibés en tout temps et en tout lieu

les actes suivants, qu’ils soient commis par des agents civils ou mili-
taires:

a) les atteintes portées à la vie, à la santé et au bien-être physique ou
mental des personnes, notamment:
............................

iii) les peines corporelles;
............................

b) les atteintes à la dignité de la personne, notamment les traite-
ments humiliants et dégradants, ...»

Le commentaire du Comité international de la Croix-Rouge de l’article 75

indique expressément que l’objectif de cette disposition était d’assurer
une protection aux personnes qui, en raison des exceptions énumérées à
l’article 4 de la quatrième convention de Genève, ne peuvent être quali-

fiées de «personnes protégées». Le commentaire indique donc clairement
que l’article 75 assure une protection à la fois aux ressortissants d’Etats
non parties au conflit et aux ressortissants d’Etats alliés, même si l’Etat
considéré se trouve avoir une représentation diplomatique régulière auprès
4
de l’Etat aux mains duquel ces ressortissants se trouvent . Le commen-
taire souligne que «[s]i ... il se présentait des cas où le statut ... [de] per-
sonne protégée [était] refusé à certains individus, les protections de l’ar-
5
ticle 75 devraient au minimum leur être appliquées» .
27. Cette conclusion a été récemment confirmée dans un avis de la
Commission européenne pour la démocratie par le droit (commission de
6
Venise) créée par le Conseil de l’Europe . Cet avis a été rédigé pour
répondre à la question de savoir si les nouveaux défis liés au terrorisme
international, et les allégations des Etats-Unis d’Amérique au lendemain
des événements du 11 septembre selon lesquelles ils pourraient refuser à

certaines personnes la protection des conventions de Genève au motif
que lesdites personnes seraient des «combattants [ennemis] illégaux»,
avaient rendu nécessaire une évolution du droit international humani-

taire. Selon la commission de Venise, l’article 75 du protocole additionnel
aux conventions de Genève de 1949 (protocole I) ainsi que l’article 3
commun auxdites conventions:

«reposent sur l’hypothèse que les ressortissants des Etats qui ne sont

4 Commentaire des protocoles additionnels du 8 juin 1977 aux conventions de Genève du
12 août 1949, Y. Sandoz, Ch. Swinarski, B. Zimmermann (dir. publ.), 1987, p. 869.
5 Ibid., p. 891.
6 Adopté par la commission de Venise lors de sa cinquante-septième session plénière,
Venise, 12-13 décembre 2003, avis n45/2003, doc. CDL-AD (2003) 018, par. 34 et suiv.

179 ACTIVITÉS ARMÉES (OP .IND .SIMMA ) 344

pas parties au conflit ou les ressortissants des états cobelligérants
n’ont pas besoin de la protection pleine et entière de la CG IV

puisque, normalement, ils sont encore mieux protégés par les règles
de la protection diplomatique. Cependant, si cette protection diplo-
matique n’était pas (correctement) exercée en faveur de ces ressortis-

sants de pays tiers, le droit international humanitaire leur accorde
une protection en vertu de l’article 75 P I et l’article 3 commun aux
CG, de telle sorte que ces personnes ne sont pas privées de certains
7
droits minimaux.»
Toujours selon la commission de Venise, il n’existe, en conséquence, «en
ces matières ... pas de vide juridique dans le droit international» . 8

28. Il peut en outre être raisonnablement conclu que les garanties fon-
damentales énoncées à l’article 75 du protocole additionnel (protocole I)
sont également consacrées par le droit international coutumier . 9

29. Il convient par ailleurs de rappeler l’article 3 commun aux quatre
conventions de Genève, lequel définit certaines règles devant être appli-
quées lors de conflits armés n’ayant pas un caractère international. Ainsi

que la Cour l’a indiqué dans l’affaire des Activités militaires et paramili-
taires:
«Il ne fait pas de doute que ces règles constituent aussi, en cas

de conflits armés internationaux, un minimum indépendamment de
celles, plus élaborées, qui viennent s’y ajouter pour de tels
conflits; il s’agit de règles qui, de l’avis de la Cour, correspondent à

ce qu’elle a appelé en 1949 des «considérations élémentaires
d’humanité» (Détroit de Corfou, fond, C.I.J. Recueil 1949 ,
p. 22...).» (Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et

contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), fond, arrêt,
C.I.J. Recueil 1986, p. 114, par. 218.)

Ainsi, dans cette affaire, la Cour a-t-elle jugé que ces règles étaient
applicables en l’état au différend international dont elle était saisie. Cela
vaut également en la présente espèce. A cet égard, l’arrêt de la chambre
d’appel en l’affaire Tadic ´ examiné ci-dessus est également important,

puisqu’il indique que «les règles figurant à l’article 3 s’appliquent aussi à
l’extérieur du contexte géographique étroit du théâtre effectif des com-
bats» (Le procureur c. Tadic ´ , arrêt relatif à l’appel de la défense concer-

nant l’exception préjudicielle d’incompétence, par. 69; voir également ci-
dessus, par. 23).
30. Constitutifs de violations du droit international humanitaire, les

7
Op. cit. note 6, par. 38.
8 Ibid., par. 85.
9 Pour une référence particulièrement pertinente à cet égard (cf. plus haut, par. 19), voir
United States Army, Operational Law Handbook , 2002, International and Opera-
tional Law Department, The Judge Advocate General’s School, United States Army,
Charlottesville, Virginie, publié le 15 juin 2001, chap. 2, p. 5. Voir également, de manière
plus générale, A. Roberts, «The Laws of War in the War on Terror», Israel Yearbook on
Human Rights, vol. 32, 2002, p. 192-245.

180 ACTIVITÉS ARMÉES (OP .IND .SIMMA ) 345

actes de mauvais traitement infligés à certaines personnes à l’aéroport

international de Ndjili l’étaient également de violations du droit interna-
tional des droits de l’homme. Au paragraphe 216 de son arrêt, la Cour
rappelle la conclusion à laquelle elle est parvenue dans son avis consul-
tatif du 9 juillet 2004 sur les Conséquences juridiques de l’édification d’un
mur dans le territoire palestinien occupé , dans lequel il est indiqué que «la

protection offerte par les conventions régissant les droits de l’homme ne
cesse pas en cas de conflit armé...» (C.I.J. Recueil 2004, p. 178, par. 106)
et, plus loin, que:

«Dans les rapports entre droit international humanitaire et droits
de l’homme, trois situations peuvent dès lors se présenter: certains
droits peuvent relever exclusivement du droit international humani-

taire; d’autres peuvent relever exclusivement des droits de l’homme;
d’autres enfin peuvent relever à la fois de ces deux branches du droit
international.» (Ibid.)

A mon sens, les actes de mauvais traitement infligés à l’aéroport entrent
dans la troisième catégorie: ils relèvent à la fois du droit international
humanitaire et du droit international des droits de l’homme.
31. L’application du droit international humanitaire aux personnes

maltraitées par la RDC à l’aéroport international de Ndjili conduirait à
conclure que la RDC a agi en violation des dispositions du Pacte inter-
national relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966, de la
Charte africaine des droits de l’homme et des peuples du 27 juin 1981 et
de la convention contre la torture et autres peines et traitements cruels,

inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984, auxquels la RDC et
l’Ouganda sont tous deux parties. Plus particulièrement, le comporte-
ment de la RDC contreviendrait, s’agissant du Pacte international relatif
aux droits civils et politiques, à l’article 7 («Nul ne sera soumis ... à des
peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants»), au paragraphe

1 de l’article 9 («Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa
personne. Nul ne peut faire l’objet d’une arrestation ou d’une détention
arbitraire. Nul ne peut être privé de sa liberté, si ce n’est pour des motifs,
et conformément à la procédure prévus par la loi»), au paragraphe 1 de
l’article 10 («Toute personne privée de sa liberté est traitée avec humanité

et avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine») et aux
paragraphes 1 et 2 de l’article 12 («1. Quiconque se trouve légalement sur
le territoire d’un Etat a le droit d’y circuler librement et d’y choisir libre-
ment sa résidence. 2. Toute personne est libre de quitter n’importe quel
pays, y compris le sien»).

S’agissant de la Charte de l’Unité africaine, le comportement de la
RDC constituerait une infraction à l’article 4 («La personne humaine est
inviolable. Tout être humain a droit au respect de sa vie...: nul ne peut
être privé arbitrairement de ce droit»), à l’article 5 («Tout individu a
droit au respect de la dignité inhérente à la personne humaine et à la

reconnaissance de sa personnalité juridique. Toutes formes d’exploitation
et d’avilissement de l’homme notamment ... et les peines ou les traite-

181 ACTIVITÉS ARMÉES (OP .IND .SIMMA ) 346

ments cruels inhumains ou dégradants sont interdites»), à l’article 6

(«Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne
peut être privé de sa liberté sauf pour des motifs et dans des conditions
préalablement déterminés par la loi; en particulier nul ne peut être arrêté
ou détenu arbitrairement»), ainsi qu’aux paragraphes 1 et 2 de l’ar-
ticle 12 («1. Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir

sa résidence à l’intérieur d’un Etat, sous réserve de se conformer aux règles
édictées par la loi. 2. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y
compris le sien, et de revenir dans son pays...»). Enfin, bien que le com-
portement de la RDC à l’aéroport international de Ndjili ne soit pas
constitutif de torture, il est néanmoins contraire au paragraphe 1 de

l’article 16 de la convention contre la torture qui se lit comme suit:

«Tout Etat partie s’engage à interdire dans tout territoire sous sa
juridiction d’autres actes constitutifs de peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants qui ne sont pas des actes de torture telle
qu’elle est définie à l’article premier lorsque de tels actes sont commis
par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agis-

sant à titre officiel, ou à son instigation ou avec son consentement
exprès ou tacite.»

32. La compétence de la Cour étant bien établie, reste la question de la
qualité pour agir s’agissant de violations du droit international humani-
taire et du droit international des droits de l’homme dans le cas de per-
sonnes susceptibles de ne pas avoir la nationalité de l’Etat demandeur. En
la présente affaire, concernant la demande reconventionnelle de

l’Ouganda, la question ne se pose pas en termes techniques puisque
l’Ouganda n’a pas plaidé, eu égard aux intéressés, la violation de l’une ou
l’autre de ces branches du droit international. Toutefois, s’il avait pris le
parti d’invoquer ces violations devant la Cour, il aurait assurément eu
qualité pour le faire.

33. S’agissant du droit international humanitaire, l’Ouganda aurait eu
qualité pour agir puisque, ainsi que la Cour l’a souligné dans son avis
consultatif sur le Mur:

«aux termes de l’article 1 de la quatrième convention de Genève, dis-
position commune aux quatre conventions de Genève, «[l]es Hautes
Parties contractantes s’engagent à respecter et à faire respecter la
présente convention en toutes circonstances». Il résulte de cette dis-

position l’obligation de chaque Etat partie à cette convention, qu’il
soit partie ou non à un conflit déterminé, de faire respecter les pres-
criptions des instruments concernés.» (C.I.J. Recueil 2004, p. 199-
200, par. 158.)

La Cour a conclu que, en raison de la nature et de l’importance des droits
et obligations en cause, tous les Etats parties à la convention avaient pour
obligation de respecter et de faire respecter le droit international huma-

nitaire codifié dans la convention (ibid., p. 200, par. 158-159). Le même
raisonnement est applicable en la présente affaire. Nul doute que l’obliga-

182 ACTIVITÉS ARMÉES (OP .IND .SIMMA ) 347

tion, non seulement de respecter, mais aussi de faire respecter, le droit
international humanitaire vaut pour les obligations contenues dans l’ar-

ticle 3 commun et dans le protocole additionnel aux conventions de
Genève (protocole I).
34. Dans son commentaire de l’article 1 commun aux conventions, le
CICR, lorsqu’il examine l’obligation de respecter et de faire respecter,

aboutit à la même conclusion et indique que:
«si une puissance manque à ses obligations, les autres parties contrac-

tantes (neutres, alliées ou ennemies) peuvent ... et doivent ... chercher
à la ramener au respect de la convention. Le système de protection
prévu par la convention exige en effet, pour être efficace, que les
parties contractantes ne se bornent pas à appliquer elles-mêmes la

convention, mais qu’elles fassent également tout ce qui est en leur
pouvoir pour que les principes humanitaires qui sont à la base des
conventions soient universellement appliqués.» 10

Dès lors, indépendamment du fait de savoir si les personnes victimes de

mauvais traitements étaient ou non des ressortissants ougandais,
l’Ouganda avait le droit — et même le devoir — d’invoquer les violations
du droit international humanitaire commises contre ces personnes pré-
sentes à l’aéroport. La façon la plus constructive pour un Etat partie
d’exercer son devoir de faire respecter par un autre Etat partie des obli-

gations qui sont les siennes en vertu des traités relatifs au droit humani-
taire est assurément de saisir la Cour internationale de Justice.
35. Quant à la question de la qualité pour agir d’un Etat présentant
une demande fondée sur des allégations de violations des droits de

l’homme commises contre des personnes ayant ou non sa nationalité (et
dans l’hypothèse où la question de la compétence de la Cour ne se pose
pas), le droit contemporain de la responsabilité des Etats apporte égale-
ment une réponse précise. Le projet d’articles de 2001 de la Commission

du droit international sur la responsabilité de l’Etat pour fait internatio-
nalement illicite envisage bien l’hypothèse où un Etat lésé invoque la res-
ponsabilité d’un autre Etat (qualité qui pourrait être reconnue à
l’Ouganda s’il avait été en mesure d’établir que les personnes présentes à

l’aéroport avaient la nationalité ougandaise), mais prévoit également
qu’une telle responsabilité puisse être invoquée par un Etat autre qu’un
Etat lésé. A cet égard, l’article 48 du projet se lit comme suit:

«Article 48

Invocation de la responsabilité par un Etat autre qu’un Etat lésé

1. Conformément au paragraphe 2, tout Etat autre qu’un Etat
lésé est en droit d’invoquer la responsabilité d’un autre Etat, si:

10Commentaire de la convention de Genève relative à la protection des personnes
civiles en temps de guerre, J. S. Pictet (dir. publ.), 1958, p. 21.

183 ACTIVITÉS ARMÉES (OP .IND .SIMMA ) 348

a) l’obligation violée est due à un groupe d’Etats dont il fait partie,

et si l’obligation est établie aux fins de la protection d’un intérêt
collectif du groupe; ou
b) l’obligation violée est due à la communauté internationale dans

son ensemble.
2. Tout Etat en droit d’invoquer la responsabilité en vertu du

paragraphe 1 peut exiger de l’Etat responsable:
a) la cessation du fait internationalement illicite et des assurances et

garanties de non-répétition, conformément à l’article 30; et
b) l’exécution de l’obligation de réparation conformément aux ar-
ticles précédents, dans l’intérêt de l’Etat lésé ou des bénéficiaires
de l’obligation violée.

3. Les conditions posées par les articles 43, 44 et 45 à l’invocation

de la responsabilité par un Etat lésé s’appliquent à l’invocation de la
responsabilité par un Etat en droit de le faire en vertu du para-
graphe 1.» 11

Les obligations découlant des traités susmentionnés relatifs aux droits de
l’homme et violées par la RDC sont l’illustration par excellence d’obliga-

tions envers un groupe d’Etat, dont l’Ouganda, et ont été établies dans le
but de sauvegarder un intérêt commun aux Etats parties au pacte.

36. S’agissant de la condition d’épuisement des voies de recours in-
ternes qu’impose le droit coutumier, encore faut-il, pour qu’elle s’ap-
plique, que des voies de recours efficaces existent (cf. CDI, article 44 b)
et le commentaire y annexé). Eu égard aux circonstances de l’incident

de l’aéroport et, plus généralement, à la situation politique prévalant en
RDC à l’époque de l’invasion ougandaise, j’aurais tendance à souscrire à
l’argument de l’Ouganda selon lequel toute tentative des victimes de cet
incident de chercher à ce que justice soit rendue auprès des juridictions

congolaises serait restée vaine (voir arrêt, paragraphe 317). Dès lors,
rien ne s’opposait à ce que l’Ouganda invoquât la violation des droits de
l’homme s’agissant des personnes victimes de mauvais traitements à
l’aéroport international de Ndjili, et ce même si les intéressés ne possé-

daient pas sa nationalité.
37. En résumé, l’Ouganda, relativement aux mauvais traitements infli-
gés à certaines personnes à l’aéroport, et quelle qu’ait été la nationalité de
ces dernières, aurait eu qualité pour introduire une demande, et la Cour

compétence pour statuer à la fois en vertu du droit international huma-
nitaire et du droit international des droits de l’homme. La conception
particulière des droits et obligations énoncés par la quatrième convention

11
Rapport de la Commission du droit international, cinquante-troisième session,
Nations Unios, Documents officiels de l’Assemblée générale, cinquante-sixième session,
supplément n 10, doc. A/56/10, p. 57.

184 ACTIVITÉS ARMÉES OP .IND .SIMMA ) 349

de Genève ainsi que par les dispositions pertinentes du protocole addi-
tionnel (protocole I) non seulement confère à chaque Etat partie le droit
d’invoquer ces violations, mais crée une obligation de faire respecter le

droit humanitaire en question. Les règles du droit international de la res-
ponsabilité des Etats conduisent à un résultat analogue concernant les
violations des droits de l’homme des intéressés par des soldats congolais.
L’Ouganda a opté pour la voie de la protection diplomatique et a échoué.
Selon moi, la Cour aurait pu, sans pour autant déroger à la règle non

ultra petitum, rappeler l’applicabilité des normes du droit international
humanitaire et du droit des droits de l’homme ainsi que la qualité de
l’Ouganda pour tirer grief des violations des obligations découlant de ces
normes par la RDC.

38. Je conclurai par une observation plus générale sur l’importance
que revêtent le droit international humanitaire et le droit des droits de
l’homme pour la société. Si je me sens tenu de le faire, c’est en raison des
hésitations et de la faiblesse dont fait montre aujourd’hui cette société

face aux tentatives visant à démanteler des pans considérables de ces
branches du droit international dans le cadre de la «guerre» déclarée
contre le terrorisme international.
39. Face à ces limitations injustifiées, il convient de rappeler que les
obligations découlant des règles du droit international humanitaire et du

droit des droits de l’homme sont, en substance, valables erga omnes.
Selon le commentaire du CICR de l’article 4 de la quatrième convention,
«[c]ertes, dans l’esprit qui inspire les conventions de Genève, il serait sou-
haitable que celles-ci, considérées comme la codification de principes déjà
12
reconnus, soient applicables erga omnes » . Dans son avis consultatif sur
la Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires , la Cour a indi-
qué qu’«un grand nombre de règles du droit humanitaire applicable dans
les conflits armés sont si fondamentales pour le respect de la personne
humaine et pour des «considérations élémentaires d’humanité»», qu’elles

«s’imposent ... à tous les Etats, qu’ils aient ou non ratifié les instruments
conventionnels qui les expriment, parce qu’elles constituent des principes
intransgressibles du droit international coutumier» (C.I.J. Recueil 1996
(I), p. 257, par. 79). De manière analogue, dans son avis sur le Mur,la

Cour a affirmé que les règles du droit international humanitaire «incor-
porent des obligations revêtant par essence un caractère erga omnes »
(Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire pales-
tinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 , p. 199, par. 157).

40. Ainsi que la Cour l’a indiqué dans l’affaire Barcelona Traction, les
obligations erga omnes, par leur nature même, «concernent tous les
Etats» et, «[v]u l’importance des droits en cause, tous les Etats peuvent
être considérés comme ayant un intérêt juridique à ce que ces droits
soient protégés» (Barcelona Traction, Light and Power Company, Limi-

ted, deuxième phase, arrêt, C.I.J. Recueil 1970 , p. 32, par. 33). Dans le

12Op. cit. note 10, p. 54.

185 ACTIVITÉS ARMÉES (OP. IND .SIMMA ) 350

même ordre d’idées, la Commission du droit international a précisé, dans

ses commentaires des articles sur la responsabilité de l’Etat pour fait
internationalement illicite, que, vis-à-vis de certains droits particulière-
ment importants, «tous les Etats ont un intérêt juridique» à ce que
13
ceux-ci soient protégés (A/56/10, p. 299).
41. Si la communauté internationale laissait s’éroder un tel intérêt,
non seulement face à des violations d’obligations erga omnes, mais éga-

lement à des tentatives directes de supprimer ces obligations fondamen-
tales, laissant, en leur lieu et place, se créer des vides juridiques dans
lesquels des êtres humains pourraient tomber et se voir privés de toute

protection pour une durée indéterminée, alors, le droit international per-
drait, à mon sens, beaucoup de son intérêt.

(Signé) Bruno S IMMA .

13
S’agissant de la question spécifique de la qualité pour agir dans l’hypothèse de vio-
lations d’obligations erga omnes, l’Institut de droit international, dans une résolution rela-
tive à des obligations de cette nature adoptée lors de sa session à Cracovie en 2005, a
énoncé les dispositions suivantes:

«Article 3
S’il existe un lien juridictionnel entre l’Etat prétendument responsable de la viola-
tion d’une obligation erga omnes et un autre Etat auquel cette obligation est due, ce
dernier Etat a qualité pour soumettre à la Cour internationale de Justice ou à un
autre tribunal international une demande relative à un différend portant sur le
respect de cette obligation.

Article 4

La Cour internationale de Justice ou un autre tribunal international devrait donner
à un Etat auquel une obligation erga omnes est due la possibilité de participer à une
procédure pendante devant la Cour ou devant ce tribunal, qui est relative à cette obli-
gation. Des règles spécifiques devraient régir une telle participation.»

186

Bilingual Content

334

SEPARATE OPINION OF JUDGE SIMMA

The Court should have called the Ugandan invasion of a large part of the
DRC’s territory an act of aggression — The Court should not have avoided

dealing with the issue of self-defence against large-scale cross-boundary armed
attacks by non-State actors but rather it should have taken the opportunity to
clarify a matter to the confused state of which it has itself contributed —
Against the background of current attempts to deprive certain persons of the
protection due to them under international humanitarian and human rights law,
the Court should have found that the private persons maltreated at Kinshasa
Airport in August 1998 did enjoy such protection, and that Uganda would have
had standing to raise a claim in their regard irrespective of their nationality.

1. Let me emphasize at the outset that I agree with everything the
Court is saying in its Judgment. Rather, what I am concerned about are
certain issues on which the Court decided to say nothing. The first two
matters in this regard fall within the ambit of the use of force in the con-

text of the claims of the Democratic Republic of the Congo; the third
issue concerns the applicability of international humanitarian and human
rights law to a certain part of Uganda’s second counter-claim.

1. THE U SE OF FORCE BY UGANDA AS AN A CT OF A GGRESSION

2. One deliberate omission characterizing the Judgment will strike any
politically alert reader: it is the way in which the Court has avoided deal-
ing with the explicit request of the DRC to find that Uganda, by its mas-
sive use of force against the Applicant has committed an act of aggres-

sion. In this regard I associate myself with the criticism expressed in the
separate opinion of Judge Elaraby. After all, Uganda invaded a part of
the territory of the DRC of the size of Germany and kept it under its own
control, or that of the various Congolese warlords it befriended, for sev-

eral years, helping itself to the immense natural riches of these tormented
regions. In its Judgment the Court cannot but acknowledge of course
that by engaging in these “military activities” Uganda “violated the prin-
ciple of non-use of force in international relations and the principle of
non-intervention” (Judgment, para. 345 (1)). The Judgment gets toughest

in paragraph 165 of its reasoning where it states that “[t]he unlawful mili-
tary intervention by Uganda was of such a magnitude and duration that
the Court considers it to be a grave violation of the prohibition of the use
of force expressed in Article 2, paragraph 4, of the Charter”. So, why not

170 334

OPINION INDIVIDUELLE DE M. LE JUGE SIMMA

[Traduction]

La Cour aurait dû qualifier d’acte d’agression l’invasion par l’Ouganda
d’une importante partie du territoire de la RDC — La Cour n’aurait pas dû
s’abstenir d’examiner la question de la légitime défense contre des attaques
armées transfrontalières d’envergure menées par des acteurs non étatiques,
mais aurait dû saisir l’occasion pour clarifier un sujet qu’elle a elle-même

contribué à rendre confus — En raison des tentatives actuelles visant à priver
certaines personnes de la protection qui leur est due en vertu du droit interna-
tional humanitaire et du droit international des droits de l’homme, la Cour
aurait dû dire que les personnes privées victimes de mauvais traitements à
l’aéroport de Kinshasa en août 1998 jouissaient d’une telle protection et que
l’Ouganda aurait eu qualité pour introduire une demande les concernant, indé-
pendamment de leur nationalité.

1. Pour commencer, j’aimerais souligner que je souscris à l’ensemble

de ce que la Cour a dit dans son arrêt. Je m’intéresserai donc surtout à
certaines questions sur lesquelles la Cour a décidé de ne pas se prononcer.
Les deux premières ont trait à l’emploi de la force dans le cadre des
demandes de la République démocratique du Congo; la troisième porte
sur l’applicabilité du droit international humanitaire et du droit interna-

tional des droits de l’homme à une partie de la deuxième demande recon-
ventionnelle de l’Ouganda.

1. L’ EMPLOI DE LA FORCE PAR L ’OUGANDA ,UN ACTE D ’AGRESSION

2. L’une des omissions délibérées qui caractérise le présent arrêt et ne
manquera pas de frapper tout lecteur averti en matière de politique est

la façon dont la Cour a évité de traiter la demande explicite de la RDC
visant à ce qu’il soit déclaré que l’Ouganda, par son recours massif à la
force contre le demandeur, avait commis un acte d’agression. Sur ce
point, je m’associe à la critique formulée par le juge Elaraby dans son
opinion individuelle. Après tout, l’Ouganda a envahi une portion du

territoire de la RDC de la taille de l’Allemagne et l’a gardée sous son
contrôle, ou celui des différents chefs militaires congolais qu’il soute-
nait, pendant plusieurs années, puisant dans les immenses richesses na-
turelles de ces régions tourmentées. Evidemment, la Cour ne pouvait, dans

son arrêt, que reconnaître que, en se livrant à ces «actions militaires»,
l’Ouganda «a[vait] violé le principe du non-recours à la force dans les
relations internationales et le principe de non-intervention» (arrêt, dis-
positif, par. 345, point 1)). L’arrêt est plus sévère au paragraphe 165
puisqu’il y est indiqué que «[l]’intervention militaire illicite de l’Ouganda

a été d’une ampleur et d’une durée telles que la Cour la considère

170335 ARMED ACTIVITIES SEP.OP .SIMMA )

call a spade a spade? If there ever was a military activity before the Court

that deserves to be qualified as an act of aggression, it is the Ugandan
invasion of the DRC. Compared to its scale and impact, the military
adventures the Court had to deal with in earlier cases, as in Corfu Chan-

nel, Military and Paramilitary Activities in and against Nicaragua or Oil
Platforms, border on the insignificant.

3. It is true that the United Nations Security Council, despite adopting
a whole series of resolutions on the situation in the Great Lakes region

(cf. paragraph 150 of the Judgment) has never gone as far as expressly
qualifying the Ugandan invasion as an act of aggression, even though it
must appear as a textbook example of the first one of the definitions of
“this most serious and dangerous form of the illegal use of force” laid

down in General Assembly resolution 3314 (XXIX). The Council will
have had its own — political — reasons for refraining from such a deter-
mination. But the Court, as the principal judicial organ of the United

Nations, does not have to follow that course. Its very raison d’être is to
arrive at decisions based on law and nothing but the law, keeping the
political context of the cases before it in mind, of course, but not desist-
ing from stating what is manifest out of regard for such non-legal con-

siderations. This is the division of labour between the Court and the
political organs of the United Nations envisaged by the Charter!

2. SELF-D EFENCE AGAINST L ARGE -SCALE ARMED A TTACKS BY N ON -STATE
A CTORS

4. I am in agreement with the Court’s finding in paragraph 146 of the
Judgment that the “armed attacks” to which Uganda referred when
claiming to have acted in self-defence against the DRC were perpetrated

not by the Congolese armed forces but rather by the Allied Democratic
Forces (ADF), that is, from a rebel group operating against Uganda
from Congolese territory. The Court stated that Uganda could provide
no satisfactory proof that would have sustained its allegation that these

attacks emanated from armed bands or regulars sent by or on behalf of
the DRC. Thus these attacks are not attributable to the DRC.

5. The Court, however, then finds, that for these reasons the legal and
factual circumstances for the exercise of a right to self-defence by Uganda
against the DRC were not present (Judgment, para. 147). Accordingly,
the Court continues, it has no need to respond to the contentions of the

Parties as to whether and under what conditions contemporary interna-

171 ACTIVITÉS ARMÉES (OP.IND .SIMMA ) 335

comme une violation grave de l’interdiction de l’emploi de la force
énoncée au paragraphe 4 de l’article 2 de la Charte des Nations Unies».
Dès lors, pourquoi ne pas appeler un chat un chat? De toutes les acti-

vités militaires dont la Cour a eu à connaître, si une seule devait être
qualifiée d’acte d’agression, ce serait l’invasion de la RDC par
l’Ouganda. En comparaison avec l’ampleur et les conséquences de cette
dernière, les péripéties militaires que la Cour a eues à examiner à ce jour
dans d’autres affaires, telles que celles du Détroit de Corfou , des Acti-

vités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci ou des
Plates-formes pétrolières , confinent à l’anecdotique.
3. Il est vrai que le Conseil de sécurité des Nations Unies, bien qu’ayant
adopté une série de résolutions sur la situation dans la région des Grands

Lacs (voir arrêt, par. 150), n’est jamais allé jusqu’à qualifier expressément
l’invasion ougandaise d’acte d’agression, alors même que celle-ci doit être
considérée comme un cas d’école de la première des définitions de cette
«forme la plus grave et la plus dangereuse de l’emploi illicite de la force»

énoncée par l’Assemblée générale dans sa résolution 3314 (XXIX). Le
Conseil de sécurité aura eu ses raisons — politiques — de s’abstenir de
procéder à une telle qualification. Mais la Cour, en sa qualité d’organe
judiciaire principal de l’Organisation des Nations Unies, n’est pas tenue
d’en faire de même. Sa raison d’être est de formuler des décisions fondées

en droit et uniquement en droit, sans perdre de vue le contexte politique,
certes, mais en ne s’abstenant pas de constater des faits manifestes pour
des raisons tenant à ces considérations extrajuridiques. Telle est la répar-
tition des rôles, prévue par la Charte, entre la Cour et les organes poli-

tiques de l’Organisation des Nations Unies.

2. L ÉGITIME DÉFENSE EN RÉPONSE À DES ATTAQUES ARMÉES D ’ENVERGURE
MENÉES PAR DES ACTEURS NON ÉTATIQUES

4. Je souscris à la conclusion formulée par la Cour au paragraphe 146
de l’arrêt selon laquelle les attaques armées que l’Ouganda invoque au
soutien de son allégation selon laquelle il aurait agi en état de légitime

défense contre la RDC n’étaient pas le fait des forces armées congolaises,
mais celui des Forces démocratiques alliées (FDA), c’est-à-dire d’un
groupe rebelle agissant contre l’Ouganda depuis le territoire congolais.
La Cour a indiqué que l’Ouganda n’avait fourni aucun élément de preuve

satisfaisant au soutien de son allégation selon laquelle ces attaques
auraient été le fait de bandes armées ou de forces régulières envoyées par
la RDC ou agissant en son nom. En conséquence, ces attaques ne sont
pas attribuables à la RDC.
5. Toutefois, la Cour a ensuite estimé que, pour ces raisons, les condi-

tions de droit et de fait justifiant l’exercice d’un droit de légitime défense
par l’Ouganda à l’encontre de la RDC n’étaient pas réunies (arrêt,
par. 147). Aussi a-t-elle poursuivi en indiquant qu’elle n’avait pas à se
prononcer sur les thèses des Parties relatives à la question de savoir si,

171336 ARMED ACTIVITIES (SEP.OP. SIMMA )

tional law provides for a right of self-defence against large-scale attacks

by irregular forces (Judgment, para. 147).

6. Thus, the reasoning on which the Judgment relies in its findings on
the first submission by the DRC appears to be as follows:

— since the submission of the DRC requests the Court (only) to find
that it was Uganda’s use of force against the DRC which constituted
an act of aggression, and

— since the Court does not consider that the military activities carried
out from Congolese territory onto the territory of the Respondent by
anti-Ugandan rebel forces are attributable to the DRC,
— and since therefore Uganda’s claim that its use of force against the

DRC was justified as an exercise of self-defence, cannot be upheld,

it suffices for the Court to find Uganda in breach of the prohibition of the
use of force enshrined in the United Nations Charter and in general inter-
national law. The Applicant, the Court appears to say, has not asked for
anything beyond that. Therefore, it is not necessary for the Court to deal
with the legal qualification of either the cross-boundary military activities

of the anti-Ugandan groups as such, or of the Ugandan countermeasures
against these hostile acts.
7. What thus remains unanswered by the Court is the question whether,
even if not attributable to the DRC, such activities could have been
repelled by Uganda through engaging these groups also on Congolese

territory, if necessary, provided that the rebel attacks were of a scale suf-
ficient to reach the threshold of an “armed attack” within the meaning of
Article 51 of the United Nations Charter.
8. Like Judge Kooijmans in paragraphs 25 ff. of his separate opinion,
I submit that the Court should have taken the opportunity presented by

the present case to clarify the state of the law on a highly controversial
matter which is marked by great controversy and confusion — not the
least because it was the Court itself that has substantially contributed to
this confusion by its Nicaragua Judgment of two decades ago. With
Judge Kooijmans, I regret that the Court “thus has missed a chance to

fine-tune the position it took 20 years ago in spite of the explicit invita-
tion by one of the Parties to do so” (separate opinion of Judge Kooij-
mans, para. 25).
9. From the Nicaragua case onwards the Court has made several pro-
nouncements on questions of use of force and self-defence which are

problematic less for the things they say than for the questions they leave
open, prominently among them the issue of self-defence against armed
attacks by non-State actors.

10. The most recent — and most pertinent — statement in this context

is to be found in the (extremely succinct) discussion by the Court in its
Wall Opinion of the Israeli argument that the separation barrier under

172 ACTIVITÉS ARMÉES (OP .IND .SIMMA ) 336

et à quelles conditions, le droit international contemporain prévoyait

un droit de légitime défense pour riposter à des attaques d’envergure me-
nées par des forces irrégulières (arrêt, par. 147).
6. Dès lors, le raisonnement sur lequel se fondent les conclusions de
l’arrêt relatives à la première demande de la RDC est le suivant:

— la RDC ayant, dans sa demande, (seulement) prié la Cour de dire que
c’était l’emploi de la force par l’Ouganda qui constituait l’acte d’agres-
sion,

— la Cour n’estimant pas que les activités militaires menées depuis
le territoire congolais sur le territoire du demandeur par les forces
rebelles antiougandaises soient attribuables à la RDC,
— la thèse de l’Ouganda selon laquelle son emploi de la force contre la

RDC était justifié au titre de la légitime défense ne pouvant, en consé-
quence, être retenue,

la Cour peut se contenter de dire que l’Ouganda a violé l’interdiction de
l’emploi de la force consacrée par la Charte des Nations Unies et le droit
international général. La Cour semble dire que la RDC n’a rien demandé
de plus, et qu’il n’y avait dès lors pas lieu pour elle de s’interroger sur
la qualification juridique des activités militaires transfrontalières des

groupes antiougandais en tant que tels ou des contre-mesures déci-
dées par l’Ouganda en réponse à ces actes hostiles.
7. Ainsi, la Cour n’a pas apporté de réponse à la question de savoir si,
à supposer, donc, que de telles actions ne soient pas attribuables à la
RDC, l’Ouganda pouvait, si nécessaire, repousser celles-ci en intervenant

contre ces groupes sur le territoire congolais, à condition que les attaques
rebelles soient d’une ampleur suffisante pour être qualifiées d’«agres-
sion[s] armée[s]» au sens de l’article 51 de la Charte des Nations Unies.
8. A l’instar du juge Kooijmans, aux paragraphes 25 et suivants de son
opinion individuelle, je pense que la Cour aurait dû saisir l’occasion qui

lui était offerte en la présente affaire d’éclaircir l’état du droit sur une
question hautement controversée et confuse — la Cour ayant elle-même
largement contribué à ce caractère confus par son arrêt rendu il y a
vingt ans en l’affaire des Activités militaires et paramilitaires . Tout
comme le juge Kooijmans, je déplore que la Cour «a[it] ainsi laissé pas-

ser, malgré l’invitation explicite faite en ce sens par l’une des Parties, une
occasion de préciser sa position adoptée vingt ans plus tôt» (opinion indi-
viduelle du juge Kooijmans, par. 25).
9. Depuis l’affaire des Activités militaires et paramilitaires , la Cour a
rendu plusieurs décisions sur des questions relatives à l’emploi de la force

et à la légitime défense, décisions à l’origine de certaines difficultés, moins
par ce qu’elles établissent que par les questions qu’elles laissent en sus-
pens, au premier rang desquelles celle de la légitime défense en réponse à
des attaques armées menées par des acteurs non étatiques.
10. A cet égard, la déclaration la plus récente — et la plus pertinente

— figure dans l’examen (extrêmement bref) fait par la Cour, dans son
avis sur le Mur, de l’argument d’Israël selon lequel l’édification de la bar-

172337 ARMED ACTIVITIES SEP .OP .SIMMA )

construction was a measure wholly consistent with the right of States to
self-defence enshrined in Article 51 of the Charter (Legal Consequences
of the Construction of a Wall in the Occupied Palestinian Territory , Advi-

sory Opinion, I.C.J. Reports 2004 , p. 194, para. 138). To this argument
the Court replied that Article 51 recognizes the existence of an inherent
right of self-defence in the case of an armed attack by one State against
another. Since Israel did not claim that the attacks against it were

imputable to a foreign State, however, Article 51 of the Charter had
no relevance in the case of the wall (ibid., para. 139).

11. Such a restrictive reading of Article 51 might well have reflected

the state, or rather the prevailing interpretation, of the international law
on self-defence for a long time. However, in the light of more recent
developments not only in State practice but also with regard to accom-

panying opinio juris, it ought urgently to be reconsidered, also by the
Court. As is well known, these developments were triggered by the terror-
ist attacks of September 11, in the wake of which claims that Article 51
also covers defensive measures against terrorist groups have been received

far more favourably by the international community than other extensive
re-readings of the relevant Charter provisions, particularly the “Bush
doctrine” justifying the pre-emptive use of force . Security Council reso-

lutions 1368 (2001) and 1373 (2001) cannot but be read as affirmations of
the view that large-scale attacks by non-State actors can qualify as
“armed attacks” within the meaning of Article 51.

12. In his separate opinion, Judge Kooijmans points to the fact that
the almost complete absence of governmental authority in the whole
or part of the territory of certain States has unfortunately become a

phenomenon as familiar as international terrorism (separate opinion of
Judge Kooijmans, para. 30). I fully agree with his conclusions that, if
armed attacks are carried out by irregular forces from such territory
against a neighbouring State, these activities are still armed attacks even

if they cannot be attributed to the territorial State, and, further, that it
“would be unreasonable to deny the attacked State the right to self-
defence merely because there is no attacker State and the Charter does
2
not so require” (ibid.) .
13. I also subscribe to Judge Kooijmans’s opinion that the lawfulness

1 Th. Bruha and Ch. Tams, “Self-Defence against Terrorist Attacks. Considerations in
the Light of the ICJ’s ‘Israeli Wall’ Opinion”, in K. Dicke et al (eds.), Weltinnenrecht.
Liber Amicorum Jost Delbrück, 2005, pp. 84-112, at p. 97.
2
Referring to Y. Dinstein, War, Aggression, and Self-Defence , 3rd ed., 2001, p. 216.

173 ACTIVITÉS ARMÉES (OP. IND. SIMMA ) 337

rière de séparation était une mesure tout à fait conforme au droit de légi-
time défense des Etats consacré par l’article 51 de la Charte (Consé-
quences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire pales-

tinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 , p. 194, par. 138). La
Cour a répondu en précisant que l’article 51 de la Charte reconnaissait
l’existence d’un droit naturel de légitime défense en cas d’agression
armée par un Etat contre un autre Etat et que, Israël ne prétendant pas

que les violences dont il était victime étaient imputables à un Etat étran-
ger, l’article 51 de la Charte était dépourvu de pertinence dans le cas
du mur (ibid., par. 139).
11. Une conception aussi restrictive de l’article 51 pourrait fort bien

être considérée comme l’expression de l’état dans lequel se trouverait,
depuis un certain temps déjà, le droit international de la légitime défense,
ou plus exactement de l’interprétation dominante de celui-ci. Toutefois, à

la lumière de certaines évolutions plus récentes, non seulement dans la
pratique des Etats, mais aussi dans l’opinio juris qui l’accompagne, il
apparaît urgent, y compris pour la Cour, de revenir sur cette interpréta-
tion. Telle est, en effet, l’évolution que nous connaissons tous, consé-

quence des événements du 11 septembre, au lendemain desquels la thèse
selon laquelle l’article 51 concernerait également les mesures défensives
prises à l’encontre de groupes terroristes a été accueillie bien plus favo-

rablement par la communauté internationale que d’autres ré-interpréta-
tions importantes des dispositions pertinentes de la Charte, notamment
la «doctrine Bush», qui tend à justifier le recours préventif à la force . 1
Il semble difficile d’éviter d’interpréter les résolutions 1368 (2001) et

1373 (2001) du Conseil de Sécurité autrement que comme autorisant à
qualifier des attaques menées à grande échelle par des acteurs non
étatiques comme une «agression armée» au sens de l’article 51 de la

Charte.
12. Dans son opinion individuelle, le juge Kooijmans souligne que
l’absence presque totale d’autorité gouvernementale sur tout ou partie du
territoire d’un Etat est malheureusement devenue aussi courante que le

terrorisme international (opinion individuelle du juge Kooijmans,
par. 30). Je souscris sans réserve à ses conclusions selon lesquelles, si des
attaques armées sont menées par des forces irrégulières à partir d’un tel
territoire à l’encontre d’un Etat voisin, elles restent des attaques armées,

même si elles ne peuvent être attribuées à l’Etat à partir du territoire
duquel elles sont menées et qu’il «ne serait pas raisonnable de nier à
l’Etat agressé le droit de la légitime défense, simplement parce qu’il
2
n’y a pas d’Etat agresseur, ce que la Charte n’exige pas» (ibid.).
13. Je partage également l’opinion du juge Kooijmans selon laquelle la

1 Th. Bruha et Ch. Tams, «Self-Defence against Terrorist Attacks. Considerations in
the Light of the ICJ’s «Israeli Wall» Opinion», dans K. Dicke et al. (dir. publ.), Weltin-
nenrecht. Liber Amicorum Jost Delbrück , 2005, p. 84-112, p. 97.
2 e
En référence à Y. Dinstein, War, Aggression, and Self-Defencéd., 2001, p. 216.

173338 ARMED ACTIVITIES(SEP.OP. SIMMA)

of the conduct of the attacked State in the face of such an armed attack

by a non-State group must be put to the same test as that applied in the
case of a claim of self-defence against a State, namely, does the scale of
the armed action by the irregulars amount to an armed attack and, if so,

is the defensive action by the attacked State in conformity with the
requirements of necessity and proportionality? (Separate opinion of Judge
Kooijmans, para. 31.)
14. In applying this test to the military activities of Uganda on Con-

golese territory from August 1998 onwards, Judge Kooijmans concludes
— and I agree — that, while the activities that Uganda conducted in
August in an area contiguous to the border may still be regarded as keep-
ing within these limits, the stepping up of Ugandan military operations

starting with the occupation of the Kisangani airport and continuing
thereafter, leading the Ugandan forces far into the interior of the DRC,
assumed a magnitude and duration that could not possibly be justified
any longer by reliance on any right of self-defence. Thus, at this point,

our view meets with, and shares, the Court’s final conclusion that
Uganda’s military intervention constitutes “a grave violation of the
prohibition on the use of force expressed in Article 2, paragraph 4, of

the Charter” (Judgment, para. 165).
15. What I wanted to demonstrate with the preceding reasoning is that
the Court could well have afforded to approach the question of the use of
armed force on a large scale by non-State actors in a realistic vein,

instead of avoiding it altogether by a sleight of hand, and still arrive at
the same convincing result. By the unnecessarily cautious way in which it
handles this matter, as well as by dodging the issue of “aggression”, the
Court creates the impression that it somehow feels uncomfortable being

confronted with certain questions of utmost importance in contemporary
international relations.

3. THE M ALTREATMENT OF PERSONS AT NDJILIINTERNATIONAL A IRPORT
AND INTERNATIONAL H UMANITARIAN AND H UMAN RIGHTS LAW

16. My third observation relates to the maltreatment inflicted on
certain persons by Congolese soldiers at Ndjili International Airport in
Kinshasa in August 1998.

In its second counter-claim, Uganda alleged, inter alia, that by mal-
treating certain individuals other than Ugandan diplomats when they
attempted to leave the country following the outbreak of the armed con-
flict, the DRC violated its obligations under the “international minimal

standard relating to the treatment of foreign nationals lawfully on State
territory”, as well as “universally recognized standards of human rights
concerning the security of the human person” (Counter-Memorial of
Uganda (CMU), paras. 405-407). The Court concluded in paragraph 333

of its Judgment that in presenting this part of the counter-claim Uganda

174 ACTIVITÉS ARMÉES (OP. IND. SIMMA ) 338

question de la licéité de la conduite d’un Etat faisant l’objet d’une telle

agression armée menée par un groupe non étatique doit être soumise
au même examen qu’une prétention de légitime défense formulée à l’en-
contre d’un Etat: l’action armée de forces irrégulières constitue-t-elle, par
son ampleur, une agression armée, et, si oui, la réaction de l’Etat agressé

satisfait-elle aux exigences de nécessité et de proportionnalité (opinion
individuelle du juge Kooijmans, par. 31)?
14. Analysant les activités militaires de l’Ouganda sur le territoire
congolais à compter du mois d’août 1998 à l’aune de ces critères, le juge

Kooijmans parvient à la conclusion — à laquelle je souscris — que, alors
que les activités menées par l’Ouganda en août dans une zone frontalière
peuvent encore être considérées comme respectant ces limites, l’escalade
des opérations militaires qui a débuté avec l’occupation de l’aéroport de

Kisangani pour ensuite mener les forces ougandaises loin dans l’intérieur
de la RDC était d’une ampleur et d’une durée ne pouvant plus être jus-
tifiées par l’exercice d’un droit de légitime défense. Ainsi adhérons-nous
tous deux, à ce stade, à la conclusion finale de la Cour selon laquelle

l’intervention militaire de l’Ouganda constitue «une violation grave de
l’interdiction de l’emploi de la force énoncée au paragraphe 4 de l’ar-
ticle 2 de la Charte des Nations Unies» (arrêt, par. 165).
15. Par ce raisonnement, je souhaitais montrer que la Cour aurait très

bien pu s’autoriser à aborder la question de l’emploi de la force armée à
grande échelle par des acteurs non étatiques sous un angle réaliste, plutôt
que de la balayer d’un revers de la main, et parvenir néanmoins au même
résultat convaincant. En raison des précautions inutiles dont elle s’est

entourée pour traiter cet aspect, ainsi qu’en éludant celui de l’«agres-
sion», la Cour donne l’impression d’être mise dans l’embarras par cer-
taines questions qui sont pourtant de la plus haute importance dans
les relations internationales contemporaines.

3. M AUVAIS TRAITEMENTS INFLIGÉS À CERTAINES PERSONNES À L ’AÉROPORT
INTERNATIONAL DE N DJIL, DROIT HUMANITAIRE INTERNATIONAL ET DROIT

INTERNATIONAL DES DROITS DE L HOMME

16. Ma troisième observation a trait aux mauvais traitements infligés à
certaines personnes par des soldats congolais à Ndjili, l’aéroport interna-

tional de Kinshasa, en août 1998.
Dans sa deuxième demande reconventionnelle, l’Ouganda soutient
notamment que, en infligeant des mauvais traitements à certaines per-
sonnes autres que des diplomates ougandais alors qu’elles tentaient de

quitter le pays à la suite du déclenchement d’un conflit armé, la RDC a
violé les obligations qui lui incombaient en vertu «de la norme internatio-
nale minimale de traitement que tout Etat doit observer à l’égard de res-
sortissants étrangers présents en toute légalité sur son territoire» ainsi

que des «principes universellement reconnus des droits de l’homme en ma-
tière de sécurité de la personne humaine» (contre-mémoire de l’Ouganda,

174339 ARMED ACTIVITIES SEP .OP. SIMMA )

was attempting to exercise its right to diplomatic protection with regard

to its nationals. It followed that Uganda would need to meet the condi-
tions necessary for the exercise of diplomatic protection as recognized in
general international law, that is, the requirement of Ugandan national-
ity of the individuals concerned and the prior exhaustion of local

remedies. The Court observed that no specific documentation could be
found in the case file identifying the persons as Ugandan nationals. The
Court thus decided that, this condition not being met, the part of
Uganda’s counter-claim under consideration here was inadmissible.

It thus upheld the objection of the DRC to this effect (Judgment,
para. 345 (11)).

17. My vote in favour of this part of the Judgment only extends to the
inadmissibility of Uganda’s claim to diplomatic protection, since I agree
with the Court’s finding that the preconditions for a claim of diplomatic

protection by Uganda were not met. I am of the view, however, that the
Court’s reasoning should not have finished at this point. Rather, the
Court should have recognized that the victims of the attacks at the Ndjili
International Airport remained legally protected against such maltreat-

ment irrespective of their nationality, by other branches of international
law, namely international human rights and, particularly, international
humanitarian law. In its Judgment the Court has made a laudable effort
to apply the rules developed in these fields to the situation of persons of

varying nationality and status finding themselves in the war zones, in as
comprehensive a manner as possible. The only group of people that
remains unprotected by the legal shield thus devised by the Court are
the 17 unfortunate individuals encountering the fury of the Congolese

soldiers at the airport in Kinshasa.

18. I have to admit that the way in which Uganda presented and

argued the part of its second counter-claim devoted to this group struck
me as somewhat careless, both with regard to the evidence that Uganda
mustered and to the quality of its legal reasoning. Such superficiality
might stem from the attempts of more or less desperate counsel to find

issues out of which they think they could construe what to them might
look like a professionally acceptable counter-claim , instead of genuine
concern for the fate of the persons concerned.

3This is not the first case giving me this impression; cf. my separate opinion in the
case concerning Oil Platforms (Islamic Republic of Iran v. United States of America),
Judgment, I.C.J. Reports 2003, pp. 342-343, para. 36.

175 ACTIVITÉS ARMÉES (OP. IND .SIMMA ) 339

par. 405-407). Au paragraphe 333 de son arrêt, la Cour a conclu que, en
présentant cette partie de sa demande reconventionnelle, l’Ouganda avait

cherché à exercer son droit de protection diplomatique à l’égard de ses
ressortissants. Il s’ensuivait que l’Ouganda devait satisfaire aux condi-
tions requises pour l’exercice de la protection diplomatique, telles qu’éta-
blies en droit international général, à savoir que les demandeurs devaient

être de nationalité ougandaise et que les voies de recours internes devaient
préalablement avoir été épuisées. La Cour a relevé qu’aucun document
particulier permettant d’identifier les personnes concernées comme des
ressortissants ougandais ne figurait au dossier de l’affaire. Elle en a dès
lors conclu que, cette condition n’étant pas remplie, le volet en question

de la demande reconventionnelle de l’Ouganda était irrecevable. Elle a
donc fait droit à l’exception soulevée à cet égard par la RDC (arrêt, dis-
positif, par. 345, point 11)).
17. Mon vote en faveur de cette partie de l’arrêt ne vaut que pour

l’irrecevabilité de l’action en protection diplomatique formée par
l’Ouganda, étant donné que je souscris à la conclusion de la Cour selon
laquelle l’Ouganda n’a pas satisfait aux conditions préalables à l’exercice
du droit de protection diplomatique. J’estime toutefois que son raisonne-

ment n’aurait pas dû s’arrêter là. Il eût été préférable qu’elle reconnût que
les victimes des attaques perpétrées à l’aéroport international de Ndjili
continuaient, indépendamment de leur nationalité, à bénéficier d’une pro-
tection juridique contre de tels actes de mauvais traitement en vertu

d’autres branches du droit international, à savoir le droit international
des droits de l’homme et, plus particulièrement, le droit international
humanitaire. Dans son arrêt, la Cour a fait un effort louable pour appli-
quer, de manière aussi large que possible, les règles établies dans ces

domaines à la situation des personnes de nationalités et statuts différents
se trouvant dans des zones de conflit. Les seules à n’avoir pas bénéficié du
bouclier juridique ainsi conçu par la Cour sont les dix-sept malheureuses
personnes qui se sont heurtées à la violence des soldats congolais à l’aéro-

port de Kinshasa.
18. Je dois reconnaître que j’ai été frappé par le caractère quelque peu
superficiel de la présentation et de la motivation par l’Ouganda du volet
de sa deuxième demande reconventionnelle consacré à ces personnes, tant

sur le plan des éléments de preuve rassemblés par lui que sur celui de la
qualité de son raisonnement juridique. Ce caractère superficiel est proba-
blement dû au fait que des conseils plus ou moins désespérés ont cherché
des éléments à partir desquels ils pourraient construire quelque chose res-
semblant, selon eux, à une demande reconventionnelle techniquement
3
acceptable , plutôt que de faire preuve d’un intérêt véritable pour le sort
des intéressés.

3La présente affaire n’est pas la première à me donner cette impression; voir mon
opinion individuelle dans l’affaire des Plates-formes pétrolières (République islamique
d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt , C.I.J. Recueil 2003, p. 342-343, par. 36.

175340 ARMED ACTIVITIES (SEP.OP. SIMMA )

19. Be this as it may, I will take the opportunity of Uganda’s claim
concerning the events at the airport further to develop the thesis pre-
sented at the outset, namely that it would have been possible for the
Court in its Judgment to embrace the situation in which these individuals

found themselves, on the basis of international humanitarian and human
rights law, and that no legal void existed in their regard. The reader
might ask himself why I should give so much attention to an incident
which happened more than seven years ago, whose gravity must certainly
pale beside the unspeakable atrocities committed in the war in the Congo.

I will be very clear: I consider that legal arguments clarifying that in situ-
ations like the one before us no gaps exist in the law that would deprive
the affected persons of any legal protection, have, unfortunately, never
been as important as at present, in the face of certain recent deplorable
developments.

20. Let me, first, turn to the relevance of international humanitarian
law to the incident at Ndjili International Airport.

To begin with, the fact that the airport was not a site of major hostili-
ties in the armed conflict between the DRC and Uganda does not present
a barrier to the application of international humanitarian law to the
events which happened there. There are two reasons for this.
21. First, the key issue in finding whether international humanitarian

law should apply also in peaceful areas of the territory of a belligerent
State is whether those areas are somehow connected to the conflict. This
was indeed the case with Ndjili International Airport because the indi-
viduals maltreated there found themselves in a situation of evacuation
from armed conflict. The Note of Protest sent by the Embassy of Uganda

to the Ministry of Foreign Affairs of the DRC on 21 August 1998 —
which the Court considers reliable evidence in paragraph 339 of its Judg-
ment — states that individuals and Ugandan diplomats were at Ndjili
International Airport in the context of an evacuation (CMU, Ann. 23).

This evacuation was necessary due to the armed conflict taking place in
the DRC. Therefore, the events at the airport were factually connected to
the armed conflict. The airport was not a random peaceful location com-
pletely unconnected to that conflict. Quite the contrary, it was the point
of departure for an evacuation rendered necessary precisely by the armed

conflict. During that evacuation, the airport became the scene of violence
by Congolese forces against the evacuees.

22. Article 80 (1) of the Rules of Court states that: “A counter-claim
may be presented provided that it is directly connected with the subject-
matter of the claim of the other party and that it comes within the juris-
diction of the Court.” (Emphasis added.) In its Order of 29 November

2001, the Court found the second counter-claim admissible under the

176 ACTIVITÉS ARMÉES (OP.IND .SIMMA ) 340

19. Quoi qu’il en soit, je saisirai l’occasion de la demande de l’Ouganda

concernant les événements qui se sont déroulés à l’aéroport pour déve-
lopper plus avant la thèse, à savoir que, dans son arrêt, la Cour aurait pu,
sur le fondement du droit international humanitaire et du droit interna-
tional des droits de l’homme, examiner la situation dans laquelle se trou-
vaient ces personnes, et qu’aucun vide juridique n’existait les concernant.

Le lecteur peut se demander pourquoi j’accorde une telle importance à un
incident qui s’est produit il y a plus de sept ans et dont la gravité est
incontestablement atténuée par les innommables atrocités commises au
cours de la guerre au Congo. Pour être tout à fait clair, je considère que,
au vu de certaines évolutions récentes déplorables, les arguments juri-

diques selon lesquels il n’existerait, dans des situations semblables à
celle dont nous avons eu à connaître, aucune lacune du droit suscep-
tible de priver les personnes concernées de toute protection juridique,
n’ont jamais eu autant d’importance qu’aujourd’hui.

20. J’examinerai tout d’abord la pertinence du droit international
humanitaire à l’égard de l’incident qui s’est produit à l’aéroport interna-
tional de Ndjili.
Pour commencer, le fait que l’aéroport n’ait pas été le théâtre d’affron-
tements majeurs dans le cadre du conflit armé entre la RDC et l’Ouganda

ne fait pas obstacle à l’application du droit international humanitaire aux
événements qui s’y sont produits, et ce, pour deux raisons.
21. En premier lieu, pour établir si le droit international humanitaire
doit également s’appliquer dans des zones du territoire d’un Etat belligé-
rant épargnées par les combats, la principale question est de savoir si ces

zones sont, d’une manière ou d’une autre, en rapport avec le conflit. Tel
était bien entendu le cas de l’aéroport international de Ndjili, puisque les
personnes y ayant subi des mauvais traitements attendaient d’être éva-
cuées pour échapper au conflit armé. La note de protestation adressée
par l’ambassade de l’Ouganda au ministère des affaires étrangères de la

RDC le 21 août 1998 — que la Cour qualifie de preuve fiable au para-
graphe 339 de son arrêt — indique que des ressortissants ougandais,
parmi lesquels des diplomates, se trouvaient à l’aéroport international de
Ndjili pour être évacués (contre-mémoire de l’Ouganda, annexe 23).
Cette évacuation était nécessaire en raison du conflit armé qui se dérou-

lait en RDC. Dès lors, un rapport existait bien, dans les faits, entre les
événements survenus à l’aéroport et le conflit armé. Il ne s’agissait pas
d’un lieu quelconque paisible, sans rapport avec le conflit, mais, bien
au contraire, du point de départ d’une évacuation précisément rendue
nécessaire par le conflit. Au cours de cette opération, l’aéroport est de-

venu le théâtre de violences exercées par les forces congolaises contre les
personnes évacuées.
22. Le paragraphe 1 de l’article 80 du Règlement de la Cour dispose
que: «La Cour ne peut connaître d’une demande reconventionnelle que
si celle-ci relève de sa compétence et est en connexité directe avec l’objet

de la demande de la partie adverse.» (Les italiques sont de moi.) Dans
son ordonnance du 29 novembre 2001, la Cour a jugé la deuxième

176341 ARMED ACTIVITIES (SEP.OP. SIMMA )

Article 80 “direct connection” test, stating that “each Party holds the

other responsible for various acts of oppression allegedly accompanying
an illegal use of force ;...thesearefactsofthesamenature,and...the
Parties’ claims form part of the same factual complex” (para. 40; empha-
sis added). Therefore the Court had already determined, in its Order
under Article 80, that the events at the airport formed part of the “same

factual complex” as the armed conflict which constitutes the basis of the
main claim. Hence, international humanitarian law should apply to the
counter-claim as it does to the main claim.

23. Second, the application of international humanitarian law to the
events at the airport would be consistent with the understanding of the
scope of international humanitarian law developed by the ICTY Appeals

Chamber. In Prosecutor v. Tadic ´, the Appeals Chamber stated:

“Armed conflict exists whenever there is a resort to armed force
between States or protracted armed violence between . . . such
groups within a State. International humanitarian law applies from
the initiation of such armed conflicts and extends beyond the cessa-
tion of hostilities until a general conclusion of peace is reached; or,

in the case of internal armed conflicts, a peaceful settlement is
achieved. Until that moment, international humanitarian law con-
tinues to apply in the whole territory of the warring States or, in the
case of internal conflicts, the whole territory under the control of a
party, whether or not actual combat takes place there.” (No. IT-94-1,

Decision of the Appeals Chamber on the defence motion for inter-
locutory appeal on jurisdiction, para. 70 (2 October 1995); emphasis
added.)

The Appeals Chamber also noted that “the temporal and geographical
scope of both internal and international armed conflicts extends beyond
the exact time and place of hostilities” (ibid., para. 67). Later in the same
case, a Trial Chamber analysed the phrase “when committed in armed

conflict”, which qualifies the unlawful acts set out in Article 5 of the
Statute of the ICTY, and concluded that “it is not necessary that the acts
occur in the heat of battle” (Prosecutor v. Duško Tadic ´, No. IT-94-1-T,
Trial Chamber, Opinion and Judgment, para. 632 (7 May 1997)). Simi-
larly, a Trial Chamber of the ICTY has stated that “there does not have

to be actual combat activities in a particular location for the norms of
international humanitarian law to be applicable” (Prosecutor v. Delalic ´,
Mucic´, Delic´, & Landzo , No. IT-96-21-T, Trial Chamber Judgment,
para. 185 (16 November 1998)).

24. I turn, next, to the substantive rules of international humanitarian

177 ACTIVITÉS ARMÉES (OP .IND .SIMMA ) 341

demande reconventionnelle recevable eu égard au critère de la «connexité
directe» de l’article 80, précisant que «chacune des Parties accuse l’autre
d’être responsable de diverses exactions qui auraient accompagné un

emploi illicite de la force ; ... qu’il s’agit là de faits de même nature et que
les demandes des Parties s’inscrivent dans le cadre du même ensemble
factuel complexe» (par. 40; les italiques sont de moi). Ainsi, la Cour
avait d’ores et déjà établi, dans son ordonnance rendue en application de
l’article 80, que les événements de l’aéroport entraient dans le cadre du

«même ensemble factuel complexe» que le conflit armé, fondement de la
demande principale. Le droit international humanitaire devrait dès lors
être applicable à la demande reconventionnelle tout comme il l’est à la
demande principale.

23. En deuxième lieu, l’application du droit international humanitaire
aux événements qui se sont déroulés à l’aéroport serait conforme à la
définition donnée par la chambre d’appel du TPIY de la portée du droit
international humanitaire. Dans l’affaire Le procureur c. Tadic ´ ,al

chambre d’appel a indiqué:
«Sur la base de ce qui précède, nous estimons qu’un conflit armé

existe chaque fois qu’il y a recours à la force armée entre Etats ou un
conflit armé prolongé entre ... de tels groupes au sein d’un Etat. Le
droit international humanitaire s’applique dès l’ouverture de ces
conflits armés et s’étend au-delà de la cessation des hostilités jusqu’à

la conclusion générale de la paix; ou, dans le cas de conflits internes,
jusqu’à ce qu’un règlement pacifique soit atteint. Jusqu’alors, le droit
international humanitaire continue de s’appliquer sur l’ensemble du
territoire des Etats belligérants ou, dans le cas de conflits internes,
sur l’ensemble du territoire sous le contrôle d’une partie, que des
o
combats effectifs s’y déroulent ou non.» (Affaire n IT-94-1, arrêt
relatif à l’appel de la défense concernant l’exception préjudicielle
d’incompétence, 2 octobre 1995, par. 70; les italiques sont de moi.)

La Chambre d’appel a également indiqué que «le champ temporel et
géographique des conflits armés internationaux et internes s’étend au-
delà de la date et du lieu exacts des hostilités» (ibid., par. 67). Par la suite,

en cette même affaire, une chambre de première instance a analysé
l’expression «commis dans le cadre d’un conflit armé», qui qualifie les
actes illicites visés par l’article 5 du Statut du TPIY, et a conclu qu’il
«n’[était] pas nécessaire que les actes aient eu lieu au cŒur de la bataille»
o
(Le procureur c. Duško Tadic ´ , affaire n IT-94-1-T, chambre de première
instance, jugement, 7 mai 1997, par. 632). De la même manière, une
chambre de première instance du TPIY a déclaré qu’«il n’[était] pas
nécessaire que des combats se déroulent effectivement en un lieu particu-
lier pour que les normes du droit international humanitaire soient appli-
o
cables» (Le procureur c. Delalic ´, Muci´, Deli´, et Landzo , affaire n IT-
96-21-T, chambre de première instance, jugement, 16 novembre 1998,
par. 185).
24. J’en viens maintenant aux règles de fond du droit international

177342 ARMED ACTIVITIES (SEP. OP. SIMMA )

law applicable to the persons in question. The provision which first
comes to mind is Article 4 of the Fourth Geneva Convention of 1949.
According to Article 4, persons who “at a given moment and in any man-
ner whatsoever, find themselves, in case of a conflict or occupation, in the

hands of a Party to the conflict or Occupying Power of which they are
not nationals” are considered “protected persons” under the Convention.
If the individuals maltreated by the DRC at Ndjili International Airport
were considered protected persons under Article 4 of the Fourth Geneva
Convention, the behaviour of the Congolese soldiers would have violated

several provisions of that Convention, including Article 27 (requiring
that protected persons “shall at all times be humanely treated, and shall
be protected especially against all acts of violence or threats thereof and
against insults and public curiosity”), Article 32 (prohibiting the infliction
of physical suffering on protected persons), Article 33 (prohibiting

reprisals against protected persons and their property), and Article 36
(requiring that evacuations of protected persons be carried out safely).

25. However, the qualification of the 17 individuals at the airport as
“protected persons” within the meaning of Article 4 meets with great
difficulties. As I stated above, Uganda was not able to prove that these
persons were its own nationals; in fact we have no information what-

soever as to their nationality. In this regard, Article 4 of the Fourth
Geneva Convention states that:

“Nationals of a neutral State who find themselves in the territory
of a belligerent State, and nationals of a co-belligerent State, shall
not be regarded as protected persons while the State of which they

are nationals has normal diplomatic representation in the State in
whose hands they are.”

The individuals under consideration might have been nationals of
a neutral State or those of a co-belligerent (like Rwanda), and we do
not know whether their home State maintained normal diplomatic rela-

tions with the DRC at the time of the incident. Against this factual
background — or rather, the lack thereof — it would not have been
possible for the Court to regard them as “protected persons”.
26. But this is not the end of the matter. The gap thus left by Geneva
Convention Article 4 has in the meantime been — deliberately — closed

by Article 75 of Protocol I Additional to the Geneva Conventions of
1949. This provision enshrines the fundamental guarantees of interna-
tional humanitarian law and reads in pertinent part as follows:

“1. In so far as they are affected by a situation referred to in

Article 1 of this Protocol, persons who are in the power of a Party

178 ACTIVITÉS ARMÉES OP .IND .SIMMA ) 342

humanitaire applicables aux personnes en question. La première disposi-

tion qui vient à l’esprit est l’article 4 de la quatrième convention de
Genève de 1949. Conformément à cet article, les personnes qui, «à un
moment quelconque et de quelque manière que ce soit, se trouvent, en cas
de conflit ou d’occupation, au pouvoir d’une partie au conflit ou d’une
puissance occupante dont elles ne sont pas ressortissantes» sont considé-

rées comme des personnes protégées aux termes de la convention. Si les
personnes maltraitées par la RDC à l’aéroport international de Ndjili
devaient être considérées comme des personnes protégées aux termes de
l’article 4 de la quatrième convention de Genève, le comportement des
soldats congolais aurait été contraire à plusieurs dispositions de cette

convention, notamment à l’article 27 (lequel exige que les personnes pro-
tégées soient «traitées, en tout temps, avec humanité et protégées notam-
ment contre tout acte de violence ou d’intimidation, contre les insultes et
la curiosité publique»), à l’article 32 (lequel prohibe toute mesure de

nature à causer des souffrances physiques aux personnes protégées), à
l’article 33 (lequel prohibe les mesures de représailles à l’égard des per-
sonnes protégées et leurs biens) et à l’article 36 (lequel exige que l’évacua-
tion des personnes protégées soit réalisée de manière sûre).
25. Cependant, il est difficile de qualifier les dix-sept personnes pré-

sentes à l’aéroport de «personnes protégées» au sens de l’article 4. Ainsi
que je l’ai indiqué précédemment, l’Ouganda n’a pas été en mesure de
prouver que ces personnes étaient ses ressortissants; en réalité, nous ne
disposons d’aucun élément d’information quant à leur nationalité. A cet
égard, l’article 4 de la quatrième convention de Genève dispose que:

«Les ressortissants d’un Etat neutre se trouvant sur le territoire

d’un Etat belligérant et les ressortissants d’un Etat cobelligérant ne
seront pas considérés comme des personnes protégées aussi long-
temps que l’Etat dont ils sont ressortissants aura une représentation
diplomatique normale auprès de l’Etat au pouvoir duquel ils se
trouvent.»

Les intéressés auraient pu se révéler ressortissants d’un Etat neutre ou

d’un Etat cobelligérant (tel que le Rwanda), et nous n’aurions pas su si
leur Etat national avait maintenu des relations diplomatiques avec la
RDC à l’époque de l’incident. Compte tenu de ce contexte factuel — ou
plutôt de son absence —, la Cour n’aurait pu considérer les intéressés
comme des «personnes protégées».

26. Le sujet n’est pas épuisé pour autant. Le vide ainsi laissé par l’ar-
ticle 4 de la convention de Genève a entre-temps été — délibérément —
comblé par l’article 75 du protocole additionnel aux conventions de
Genève de 1949 (protocole I). Les passages pertinents de cette disposition
qui énonce les garanties fondamentales du droit international humani-

taire se lisent comme suit:

«1. Dans la mesure où elles sont affectées par une situation visée
à l’article premier du présent protocole, les personnes qui sont au

178343 ARMED ACTIVITIES SEP .OP .SIMMA )

to the conflict and who do not benefit from more favourable treat-
ment under the Conventions or under this Protocol shall be treated
humanely in all circumstances and shall enjoy, as a minimum, the

protection provided by this Article . . .
2. The following acts are and shall remain prohibited at any time
and in any place whatsoever, whether committed by civilian or by

military agents:
(a) violence to the life, health, or physical or mental well-being of

persons, in particular:
...........................

(iii) corporal punishment;
...........................

(b) outrages upon personal dignity, in particular humiliating and
degrading treatment, . . .”

The Commentary of the International Committee of the Red Cross to
Article 75 specifically notes that this provision was meant to provide pro-
tection to individuals who, by virtue of the exceptions listed in Article 4

of the Fourth Geneva Convention, did not qualify as “protected per-
sons”. Thus, the Commentary makes clear that Article 75 provides pro-
tection to both nationals of States not parties to the conflict and natio-

nals of allied States, even if their home State happened to have normal
diplomatic representation in the State in whose hands they find them-
selves . The Commentary emphasizes that “[i]f . . . there were . . . cases

in which the status of . . . protected person were denied to certain indi-
viduals, the protection of Article 75 must be applied to them as a mini-
mum” . 5
27. The conclusion just arrived at has been confirmed recently in an

Opinion of the European Commission for Democracy through Law
(Venice Commission) established by the Council of Europe . This 6
Opinion was prepared to answer the question whether the new challenges

posed by international terrorism, and the claims made by the United
States in the wake of September 11 to the effect that the United States
could deny certain persons the protection of the Geneva Conventions
because they were “enemy unlawful combatants”, rendered necessary a

further development of international humanitarian law. According to the
Venice Commission, Article 75 of Protocol I Additional to the Geneva
Conventions, as well as common Article 3 to the Geneva Conventions

(on which infra)

“are based on the assumption that nationals of States which are not

4 Commentary on the Additional Protocols of 8 June 1977 to the Geneva Conventions of
12 August 1949, Y. Sandoz, Ch. Swinarski, B. Zimmermann (eds.), 1987, p. 869.
5 Ibid., p. 867.
6 Adopted by the Venice Commission at its 57th Plenary Session, Venice, 12-13 Decem-
ber 2003, Opinion No. 245/2003, doc. No. CDL-AD (2003) 018, paras. 34 ff.

179 ACTIVITÉS ARMÉES (OP. IND. SIMMA ) 343

pouvoir d’une partie au conflit et qui ne bénéficient pas d’un traite-
ment plus favorable en vertu des conventions et du présent protocole

seront traitées avec humanité en toutes circonstances et bénéficieront
au moins des protections prévues par le présent article...
2. Sont et demeureront prohibés en tout temps et en tout lieu

les actes suivants, qu’ils soient commis par des agents civils ou mili-
taires:

a) les atteintes portées à la vie, à la santé et au bien-être physique ou
mental des personnes, notamment:
............................

iii) les peines corporelles;
............................

b) les atteintes à la dignité de la personne, notamment les traite-
ments humiliants et dégradants, ...»

Le commentaire du Comité international de la Croix-Rouge de l’article 75

indique expressément que l’objectif de cette disposition était d’assurer
une protection aux personnes qui, en raison des exceptions énumérées à
l’article 4 de la quatrième convention de Genève, ne peuvent être quali-

fiées de «personnes protégées». Le commentaire indique donc clairement
que l’article 75 assure une protection à la fois aux ressortissants d’Etats
non parties au conflit et aux ressortissants d’Etats alliés, même si l’Etat
considéré se trouve avoir une représentation diplomatique régulière auprès
4
de l’Etat aux mains duquel ces ressortissants se trouvent . Le commen-
taire souligne que «[s]i ... il se présentait des cas où le statut ... [de] per-
sonne protégée [était] refusé à certains individus, les protections de l’ar-
5
ticle 75 devraient au minimum leur être appliquées» .
27. Cette conclusion a été récemment confirmée dans un avis de la
Commission européenne pour la démocratie par le droit (commission de
6
Venise) créée par le Conseil de l’Europe . Cet avis a été rédigé pour
répondre à la question de savoir si les nouveaux défis liés au terrorisme
international, et les allégations des Etats-Unis d’Amérique au lendemain
des événements du 11 septembre selon lesquelles ils pourraient refuser à

certaines personnes la protection des conventions de Genève au motif
que lesdites personnes seraient des «combattants [ennemis] illégaux»,
avaient rendu nécessaire une évolution du droit international humani-

taire. Selon la commission de Venise, l’article 75 du protocole additionnel
aux conventions de Genève de 1949 (protocole I) ainsi que l’article 3
commun auxdites conventions:

«reposent sur l’hypothèse que les ressortissants des Etats qui ne sont

4 Commentaire des protocoles additionnels du 8 juin 1977 aux conventions de Genève du
12 août 1949, Y. Sandoz, Ch. Swinarski, B. Zimmermann (dir. publ.), 1987, p. 869.
5 Ibid., p. 891.
6 Adopté par la commission de Venise lors de sa cinquante-septième session plénière,
Venise, 12-13 décembre 2003, avis n45/2003, doc. CDL-AD (2003) 018, par. 34 et suiv.

179344 ARMED ACTIVITIES (SEP .OP .SIMMA )

Parties to the conflict or nationals of co-belligerent States do not

need the full protection of GC IV since they are normally even better
protected by the rules on diplomatic protection. Should, however,
diplomatic protection not be (properly) exercised on behalf of such

third party nationals, International Humanitarian Law provides for
protection under Article 75 P I and common Article 3 so that such
persons do not remain without certain minimum rights.” 7

Thus, also according to the Venice Commission, there is “in respect of
8
these matters . . . no legal void in international law” .
28. Further, it can safely be concluded that the fundamental guaran-
tees enshrined in Article 75 of Additional Protocol I are also embodied in
9
customary international law .
29. Attention must also be drawn to Article 3 common to all four
Geneva Conventions, which defines certain rules to be applied in armed

conflicts of a non-international character. As the Court stated in the
Nicaragua case:

“There is no doubt that, in the event of international armed con-
flicts, these rules also constitute a minimum yardstick, in addition to

the more elaborate rules which are also to apply to international
conflicts; and they are rules which, in the Court’s opinion, reflect
what the Court in 1949 called ‘elementary considerations of human-

ity’ (Corfu Channel, Merits, I.C.J. Reports 1949, p. 22 . . .).” (Mili-
tary and Paramilitary Activities in and against Nicaragua (Nicara-
gua v. United States of America), Merits, Judgment, I.C.J. Reports
1986, p. 114, para. 218.)

As such, the Court in Nicaragua found these rules applicable to the inter-
national dispute before it. The same is valid in the present case. In this

regard, the decision of the Tadic ´ Appeals Chamber discussed above is
also of note. In relation to common Article 3, it stated that “the rules
contained in Article 3 also apply outside the narrow geographical context

of the actual theatre of combat operations” (Prosecutor v. Tadic ´, Deci-
sion of the Appeals Chamber on the defence motion for interlocutory
appeal on jurisdiction, para. 69; see supra, para. 23).

30. In addition to constituting breaches of international humanitarian

7
8 Op. cit. footnote 6, para. 38.
9 Ibid., para. 85.
For a highly relevant reference in this regard (cf. supra, para. 19), United States
Army, Operational Law Handbook (2002), International and Operational Law Depart-
ment, The Judge Advocate General’s School, United States Army, Charlottesville, Vir-
ginia, issued 15 June 2001, Chap. 2, p. 5. See also, more generally, A. Roberts, “The Laws
of War in the War on Terror”, Israel Yearbook on Human Rights , Vol. 32 (2002), pp. 192-
245.

180 ACTIVITÉS ARMÉES (OP .IND .SIMMA ) 344

pas parties au conflit ou les ressortissants des états cobelligérants
n’ont pas besoin de la protection pleine et entière de la CG IV

puisque, normalement, ils sont encore mieux protégés par les règles
de la protection diplomatique. Cependant, si cette protection diplo-
matique n’était pas (correctement) exercée en faveur de ces ressortis-

sants de pays tiers, le droit international humanitaire leur accorde
une protection en vertu de l’article 75 P I et l’article 3 commun aux
CG, de telle sorte que ces personnes ne sont pas privées de certains
7
droits minimaux.»
Toujours selon la commission de Venise, il n’existe, en conséquence, «en
ces matières ... pas de vide juridique dans le droit international» . 8

28. Il peut en outre être raisonnablement conclu que les garanties fon-
damentales énoncées à l’article 75 du protocole additionnel (protocole I)
sont également consacrées par le droit international coutumier . 9

29. Il convient par ailleurs de rappeler l’article 3 commun aux quatre
conventions de Genève, lequel définit certaines règles devant être appli-
quées lors de conflits armés n’ayant pas un caractère international. Ainsi

que la Cour l’a indiqué dans l’affaire des Activités militaires et paramili-
taires:
«Il ne fait pas de doute que ces règles constituent aussi, en cas

de conflits armés internationaux, un minimum indépendamment de
celles, plus élaborées, qui viennent s’y ajouter pour de tels
conflits; il s’agit de règles qui, de l’avis de la Cour, correspondent à

ce qu’elle a appelé en 1949 des «considérations élémentaires
d’humanité» (Détroit de Corfou, fond, C.I.J. Recueil 1949 ,
p. 22...).» (Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et

contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), fond, arrêt,
C.I.J. Recueil 1986, p. 114, par. 218.)

Ainsi, dans cette affaire, la Cour a-t-elle jugé que ces règles étaient
applicables en l’état au différend international dont elle était saisie. Cela
vaut également en la présente espèce. A cet égard, l’arrêt de la chambre
d’appel en l’affaire Tadic ´ examiné ci-dessus est également important,

puisqu’il indique que «les règles figurant à l’article 3 s’appliquent aussi à
l’extérieur du contexte géographique étroit du théâtre effectif des com-
bats» (Le procureur c. Tadic ´ , arrêt relatif à l’appel de la défense concer-

nant l’exception préjudicielle d’incompétence, par. 69; voir également ci-
dessus, par. 23).
30. Constitutifs de violations du droit international humanitaire, les

7
Op. cit. note 6, par. 38.
8 Ibid., par. 85.
9 Pour une référence particulièrement pertinente à cet égard (cf. plus haut, par. 19), voir
United States Army, Operational Law Handbook , 2002, International and Opera-
tional Law Department, The Judge Advocate General’s School, United States Army,
Charlottesville, Virginie, publié le 15 juin 2001, chap. 2, p. 5. Voir également, de manière
plus générale, A. Roberts, «The Laws of War in the War on Terror», Israel Yearbook on
Human Rights, vol. 32, 2002, p. 192-245.

180345 ARMED ACTIVITIES (SEP.OP. SIMMA )

law, the maltreatment of the persons in question at Ndjili International

Airport was also in violation of international human rights law. In para-
graph 216 of its Judgment, the Court recalls its finding in the Advisory
Opinion of 9 July 2004 on the Legal Consequences of the Construction of
a Wall in the Occupied Palestinian Territory , according to which “the
protection offered by human rights conventions does not cease in case

of armed conflict . . .” (I.C.J. Reports 2004, p. 178, para. 106). In its
Advisory Opinion, the Court continued:

“As regards the relationship between international humanitarian
law and human rights law, there are thus three possible situations:
some rights may be exclusively matters of international humanitar-

ian law; others may be exclusively matters of human rights law; yet
others may be matters of both these branches of international law.”
(Ibid.)

In my view, the maltreatment of the individuals at the airport falls under
the third category of the situations mentioned: it is a matter of both
international humanitarian and international human rights law.
31. Applying international human rights law to the individuals mal-

treated by the DRC at Ndjili International Airport, the conduct of the
DRC would violate provisions of the International Covenant on Civil
and Political Rights of 19 December 1966, the African Charter on Human
and Peoples’ Rights of 27 June 1981, and the Convention against Torture
and Other Cruel, Inhuman or Degrading Treatment or Punishment of

10 December 1984, to all of which both the DRC and Uganda are
parties. Specifically, under the International Covenant on Civil and Politi-
cal Rights, the conduct of the DRC would violate Article 7 (“No one
shall be subjected to . . . cruel, inhuman or degrading treatment or pun-
ishment”), Article 9, paragraph 1 (“Everyone has the right to liberty and

security of person. No one shall be subjected to arbitrary arrest or deten-
tion. No one shall be deprived of his liberty except on such grounds and
in accordance with such procedure as are established by law”), Article 10,
paragraph 1 (“All persons deprived of their liberty shall be treated with
humanity and with respect for the inherent dignity of the human per-

son”), and Article 12, paragraphs 1 and 2 (“1. Everyone lawfully within
the territory of a State shall, within that territory, have the right to liberty
of movement . . . 2. Everyone shall be free to leave any country, including
his own”).

Under the African Charter, the conduct of the DRC would violate
Article 4 (“Human beings are inviolable. Every human being shall be
entitled to respect for . . . the integrity of his person. No one may be arbi-
trarily deprived of this right”), Article 5 (“Every individual shall have the
right to the respect of the dignity inherent in a human being and to the

recognition of his legal status. All forms of exploitation and degradation
of man particularly . . . cruel, inhuman or degrading punishment and

181 ACTIVITÉS ARMÉES (OP .IND .SIMMA ) 345

actes de mauvais traitement infligés à certaines personnes à l’aéroport

international de Ndjili l’étaient également de violations du droit interna-
tional des droits de l’homme. Au paragraphe 216 de son arrêt, la Cour
rappelle la conclusion à laquelle elle est parvenue dans son avis consul-
tatif du 9 juillet 2004 sur les Conséquences juridiques de l’édification d’un
mur dans le territoire palestinien occupé , dans lequel il est indiqué que «la

protection offerte par les conventions régissant les droits de l’homme ne
cesse pas en cas de conflit armé...» (C.I.J. Recueil 2004, p. 178, par. 106)
et, plus loin, que:

«Dans les rapports entre droit international humanitaire et droits
de l’homme, trois situations peuvent dès lors se présenter: certains
droits peuvent relever exclusivement du droit international humani-

taire; d’autres peuvent relever exclusivement des droits de l’homme;
d’autres enfin peuvent relever à la fois de ces deux branches du droit
international.» (Ibid.)

A mon sens, les actes de mauvais traitement infligés à l’aéroport entrent
dans la troisième catégorie: ils relèvent à la fois du droit international
humanitaire et du droit international des droits de l’homme.
31. L’application du droit international humanitaire aux personnes

maltraitées par la RDC à l’aéroport international de Ndjili conduirait à
conclure que la RDC a agi en violation des dispositions du Pacte inter-
national relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966, de la
Charte africaine des droits de l’homme et des peuples du 27 juin 1981 et
de la convention contre la torture et autres peines et traitements cruels,

inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984, auxquels la RDC et
l’Ouganda sont tous deux parties. Plus particulièrement, le comporte-
ment de la RDC contreviendrait, s’agissant du Pacte international relatif
aux droits civils et politiques, à l’article 7 («Nul ne sera soumis ... à des
peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants»), au paragraphe

1 de l’article 9 («Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa
personne. Nul ne peut faire l’objet d’une arrestation ou d’une détention
arbitraire. Nul ne peut être privé de sa liberté, si ce n’est pour des motifs,
et conformément à la procédure prévus par la loi»), au paragraphe 1 de
l’article 10 («Toute personne privée de sa liberté est traitée avec humanité

et avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine») et aux
paragraphes 1 et 2 de l’article 12 («1. Quiconque se trouve légalement sur
le territoire d’un Etat a le droit d’y circuler librement et d’y choisir libre-
ment sa résidence. 2. Toute personne est libre de quitter n’importe quel
pays, y compris le sien»).

S’agissant de la Charte de l’Unité africaine, le comportement de la
RDC constituerait une infraction à l’article 4 («La personne humaine est
inviolable. Tout être humain a droit au respect de sa vie...: nul ne peut
être privé arbitrairement de ce droit»), à l’article 5 («Tout individu a
droit au respect de la dignité inhérente à la personne humaine et à la

reconnaissance de sa personnalité juridique. Toutes formes d’exploitation
et d’avilissement de l’homme notamment ... et les peines ou les traite-

181346 ARMED ACTIVITIES (SEP.OP. SIMMA )

treatment shall be prohibited”), Article 6 (“Every individual shall have

the right to liberty and to the security of his person. No one may be
deprived of his freedom except for reasons and conditions previously laid
down by law. In particular, no one may be arbitrarily arrested or
detained”), as well as Article 12, paragraphs 1 and 2 (“1. Every individual
shall have the right to freedom of movement and residence within the

borders of a State provided he abides by the law. 2. Every individual shall
have the right to leave any country including his own, and to return to
his country . . .”). Finally, although the conduct of the DRC at Ndjili
International Airport did not rise to the level of torture, it was never-
theless in violation of Article 16, paragraph 1, of the Convention against

Torture which reads as follows:

“Each State Party shall undertake to prevent in any territory
under its jurisdiction other acts of cruel, inhuman or degrading
treatment or punishment which do not amount to torture as defined
in article I, when such acts are committed by or at the instigation
of or with the consent or acquiescence of a public official or other

person acting in an official capacity.”

32. The jurisdiction of the Court being firmly established, there remains
the issue of standing to raise violations of international humanitarian and
human rights law in the case of persons who may not have the nationality
of the claimant State. In the present case, regarding Uganda’s counter-
claim, the issue does not present itself in a technical sense because

Uganda has not actually pleaded a violation of either of these branches
of international law in relation to the persons in question. But if
Uganda had chosen to raise these violations before the Court, it would
undoubtedly have had standing to bring such claims.

33. As to international humanitarian law, Uganda would have had
standing because, as the Court emphasized in its Advisory Opinion on
the Wall:

“Article 1 of the Fourth Geneva Convention, a provision common
to the four Geneva Conventions, provides that ‘The High Contract-
ing Parties undertake to respect and to ensure respect for the present
Convention in all circumstances.’ It follows from that provision that

every State party to that Convention, whether or not it is a party to
a specific conflict, is under an obligation to ensure that the require-
ments of the instruments in question are complied with.” (I.C.J.
Reports 2004, pp. 199-200, para. 158.)

The Court concluded that given the character and the importance of the
rights and obligations involved, there is an obligation on all States parties
to the Convention to respect and ensure respect for violations of the

international humanitarian law codified in the Convention (ibid., p. 200,
paras. 158-159). The same reasoning is applicable in the instant case.

182 ACTIVITÉS ARMÉES (OP .IND .SIMMA ) 346

ments cruels inhumains ou dégradants sont interdites»), à l’article 6

(«Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne
peut être privé de sa liberté sauf pour des motifs et dans des conditions
préalablement déterminés par la loi; en particulier nul ne peut être arrêté
ou détenu arbitrairement»), ainsi qu’aux paragraphes 1 et 2 de l’ar-
ticle 12 («1. Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir

sa résidence à l’intérieur d’un Etat, sous réserve de se conformer aux règles
édictées par la loi. 2. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y
compris le sien, et de revenir dans son pays...»). Enfin, bien que le com-
portement de la RDC à l’aéroport international de Ndjili ne soit pas
constitutif de torture, il est néanmoins contraire au paragraphe 1 de

l’article 16 de la convention contre la torture qui se lit comme suit:

«Tout Etat partie s’engage à interdire dans tout territoire sous sa
juridiction d’autres actes constitutifs de peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants qui ne sont pas des actes de torture telle
qu’elle est définie à l’article premier lorsque de tels actes sont commis
par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agis-

sant à titre officiel, ou à son instigation ou avec son consentement
exprès ou tacite.»

32. La compétence de la Cour étant bien établie, reste la question de la
qualité pour agir s’agissant de violations du droit international humani-
taire et du droit international des droits de l’homme dans le cas de per-
sonnes susceptibles de ne pas avoir la nationalité de l’Etat demandeur. En
la présente affaire, concernant la demande reconventionnelle de

l’Ouganda, la question ne se pose pas en termes techniques puisque
l’Ouganda n’a pas plaidé, eu égard aux intéressés, la violation de l’une ou
l’autre de ces branches du droit international. Toutefois, s’il avait pris le
parti d’invoquer ces violations devant la Cour, il aurait assurément eu
qualité pour le faire.

33. S’agissant du droit international humanitaire, l’Ouganda aurait eu
qualité pour agir puisque, ainsi que la Cour l’a souligné dans son avis
consultatif sur le Mur:

«aux termes de l’article 1 de la quatrième convention de Genève, dis-
position commune aux quatre conventions de Genève, «[l]es Hautes
Parties contractantes s’engagent à respecter et à faire respecter la
présente convention en toutes circonstances». Il résulte de cette dis-

position l’obligation de chaque Etat partie à cette convention, qu’il
soit partie ou non à un conflit déterminé, de faire respecter les pres-
criptions des instruments concernés.» (C.I.J. Recueil 2004, p. 199-
200, par. 158.)

La Cour a conclu que, en raison de la nature et de l’importance des droits
et obligations en cause, tous les Etats parties à la convention avaient pour
obligation de respecter et de faire respecter le droit international huma-

nitaire codifié dans la convention (ibid., p. 200, par. 158-159). Le même
raisonnement est applicable en la présente affaire. Nul doute que l’obliga-

182347 ARMED ACTIVITIES SEP .OP. SIMMA )

There cannot be any doubt that the obligation (not only to respect but
also) to ensure respect for international humanitarian law applies to the

obligations enshrined both in common Article 3 and in Protocol I Addi-
tional to the Geneva Conventions.
34. The ICRC Commentary to common Article 1 of the Conventions
arrives at the same result in its analysis of the obligation to respect and to

ensure respect, where it is stated that:
“in the event of a Power failing to fulfil its obligations [under the

Convention], the other Contracting Parties (neutral, allied or enemy)
may, and should, endeavour to bring it back to an attitude of respect
for the Convention. The proper working of the system of protection
provided by the Convention demands in fact that the Contracting

Parties should not be content merely to apply its provisions them-
selves, but should do everything in their power to ensure that the
humanitarian principles underlying the Conventions are applied
universally.”10

Thus, regardless of whether the maltreated individuals were Ugandans or

not, Uganda had the right — indeed the duty — to raise the violations of
international humanitarian law committed against the private persons at
the airport. The implementation of a State party’s international legal
duty to ensure respect by another State party for the obligations arising
under humanitarian treaties by way of raising it before the International

Court of Justice is certainly one of the most constructive avenues in this
regard.
35. As to the question of standing of a claimant State for violations of
human rights committed against persons which might or might not

possess the nationality of that State, the jurisdiction of the Court not
being at issue, the contemporary law of State responsibility provides a
positive answer as well. The International Law Commission’s 2001 draft
on Responsibility of States for Internationally Wrongful Acts provides

not only for the invocation of responsibility by an injured State (which
quality Uganda would possess if it had been able to establish the
Ugandan nationality of the individuals at the airport) but also for the
possibility that such responsibility can be invoked by a State other

than an injured State. In this regard, Article 48 of the draft reads as
follows:

“Article 48

Invocation of Responsibility by a State Other than an Injured State

1. Any State other than an injured State is entitled to invoke the
responsibility of another State in accordance with paragraph 2 if:

10Commentary to the Fourth Geneva Convention relative to the Protection of Civilian
Persons in Time of War, J. S. Pictet (ed.), 1958, p. 16.

183 ACTIVITÉS ARMÉES (OP .IND .SIMMA ) 347

tion, non seulement de respecter, mais aussi de faire respecter, le droit
international humanitaire vaut pour les obligations contenues dans l’ar-

ticle 3 commun et dans le protocole additionnel aux conventions de
Genève (protocole I).
34. Dans son commentaire de l’article 1 commun aux conventions, le
CICR, lorsqu’il examine l’obligation de respecter et de faire respecter,

aboutit à la même conclusion et indique que:
«si une puissance manque à ses obligations, les autres parties contrac-

tantes (neutres, alliées ou ennemies) peuvent ... et doivent ... chercher
à la ramener au respect de la convention. Le système de protection
prévu par la convention exige en effet, pour être efficace, que les
parties contractantes ne se bornent pas à appliquer elles-mêmes la

convention, mais qu’elles fassent également tout ce qui est en leur
pouvoir pour que les principes humanitaires qui sont à la base des
conventions soient universellement appliqués.» 10

Dès lors, indépendamment du fait de savoir si les personnes victimes de

mauvais traitements étaient ou non des ressortissants ougandais,
l’Ouganda avait le droit — et même le devoir — d’invoquer les violations
du droit international humanitaire commises contre ces personnes pré-
sentes à l’aéroport. La façon la plus constructive pour un Etat partie
d’exercer son devoir de faire respecter par un autre Etat partie des obli-

gations qui sont les siennes en vertu des traités relatifs au droit humani-
taire est assurément de saisir la Cour internationale de Justice.
35. Quant à la question de la qualité pour agir d’un Etat présentant
une demande fondée sur des allégations de violations des droits de

l’homme commises contre des personnes ayant ou non sa nationalité (et
dans l’hypothèse où la question de la compétence de la Cour ne se pose
pas), le droit contemporain de la responsabilité des Etats apporte égale-
ment une réponse précise. Le projet d’articles de 2001 de la Commission

du droit international sur la responsabilité de l’Etat pour fait internatio-
nalement illicite envisage bien l’hypothèse où un Etat lésé invoque la res-
ponsabilité d’un autre Etat (qualité qui pourrait être reconnue à
l’Ouganda s’il avait été en mesure d’établir que les personnes présentes à

l’aéroport avaient la nationalité ougandaise), mais prévoit également
qu’une telle responsabilité puisse être invoquée par un Etat autre qu’un
Etat lésé. A cet égard, l’article 48 du projet se lit comme suit:

«Article 48

Invocation de la responsabilité par un Etat autre qu’un Etat lésé

1. Conformément au paragraphe 2, tout Etat autre qu’un Etat
lésé est en droit d’invoquer la responsabilité d’un autre Etat, si:

10Commentaire de la convention de Genève relative à la protection des personnes
civiles en temps de guerre, J. S. Pictet (dir. publ.), 1958, p. 21.

183348 ARMED ACTIVITIES (SEP. OP. SIMMA )

(a) The obligation breached is owed to a group of States including
that State, and is established for the protection of a collective

interest of the group; or
(b) The obligation breached is owed to the international commu-
nity as a whole.

2. Any State entitled to invoke responsibility under paragraph 1
may claim from the responsible State:

(a) Cessation of the internationally wrongful act, and assurances
and guarantees of non-repetition in accordance with article 30;
and
(b) Performance of the obligation of reparation in accordance with

the preceding articles, in the interest of the injured State or of
the beneficiaries of the obligation breached.

3. The requirements for the invocation of responsibility by an
injured State under articles 43, 44 and 45 apply to an invocation of
responsibility by a State entitled to do so under paragraph 1.” 11

The obligations deriving from the human rights treaties cited above and

breached by the DRC are instances par excellence of obligations that
are owed to a group of States including Uganda, and are established
for the protection of a collective interest of the States parties to the
Covenant.
36. With regard to the customary requirement of the exhaustion of

local remedies, this condition only applies if effective remedies are avail-
able in the first place (cf. ILC Article 44 (b) and the commentary
thereto). In view of the circumstances of the airport incident and, more
generally, of the political situation prevailing in the DRC at the time of

the Ugandan invasion, I tend to agree with the Ugandan argument that
attempts by the victims of that incident to seek justice in the Congolese
courts would have remained futile (cf. paragraph 317 of the Judgment).
Hence, no obstacle would have stood in the way for Uganda to raise the

violation of human rights of the persons maltreated at Ndjili Inter-
national Airport, even if these individuals did not possess its nationality.

37. In summary of this issue, Uganda would have had standing to
bring, and the Court would have had jurisdiction to decide upon a claim
both under international humanitarian law and international human
rights law for the maltreatment of the individuals at the airport, irrespec-

tive of the nationality of these individuals. The specific construction of
the rights and obligations under the Fourth Geneva Convention as well

11Report of the ILC on the Work of its Fifty-third Session, Official Records of the
General Assembly, Fifty-sixth Session, Suppl. No. 10 (A/56/10), p. 56.

184 ACTIVITÉS ARMÉES (OP .IND .SIMMA ) 348

a) l’obligation violée est due à un groupe d’Etats dont il fait partie,

et si l’obligation est établie aux fins de la protection d’un intérêt
collectif du groupe; ou
b) l’obligation violée est due à la communauté internationale dans

son ensemble.
2. Tout Etat en droit d’invoquer la responsabilité en vertu du

paragraphe 1 peut exiger de l’Etat responsable:
a) la cessation du fait internationalement illicite et des assurances et

garanties de non-répétition, conformément à l’article 30; et
b) l’exécution de l’obligation de réparation conformément aux ar-
ticles précédents, dans l’intérêt de l’Etat lésé ou des bénéficiaires
de l’obligation violée.

3. Les conditions posées par les articles 43, 44 et 45 à l’invocation

de la responsabilité par un Etat lésé s’appliquent à l’invocation de la
responsabilité par un Etat en droit de le faire en vertu du para-
graphe 1.» 11

Les obligations découlant des traités susmentionnés relatifs aux droits de
l’homme et violées par la RDC sont l’illustration par excellence d’obliga-

tions envers un groupe d’Etat, dont l’Ouganda, et ont été établies dans le
but de sauvegarder un intérêt commun aux Etats parties au pacte.

36. S’agissant de la condition d’épuisement des voies de recours in-
ternes qu’impose le droit coutumier, encore faut-il, pour qu’elle s’ap-
plique, que des voies de recours efficaces existent (cf. CDI, article 44 b)
et le commentaire y annexé). Eu égard aux circonstances de l’incident

de l’aéroport et, plus généralement, à la situation politique prévalant en
RDC à l’époque de l’invasion ougandaise, j’aurais tendance à souscrire à
l’argument de l’Ouganda selon lequel toute tentative des victimes de cet
incident de chercher à ce que justice soit rendue auprès des juridictions

congolaises serait restée vaine (voir arrêt, paragraphe 317). Dès lors,
rien ne s’opposait à ce que l’Ouganda invoquât la violation des droits de
l’homme s’agissant des personnes victimes de mauvais traitements à
l’aéroport international de Ndjili, et ce même si les intéressés ne possé-

daient pas sa nationalité.
37. En résumé, l’Ouganda, relativement aux mauvais traitements infli-
gés à certaines personnes à l’aéroport, et quelle qu’ait été la nationalité de
ces dernières, aurait eu qualité pour introduire une demande, et la Cour

compétence pour statuer à la fois en vertu du droit international huma-
nitaire et du droit international des droits de l’homme. La conception
particulière des droits et obligations énoncés par la quatrième convention

11
Rapport de la Commission du droit international, cinquante-troisième session,
Nations Unios, Documents officiels de l’Assemblée générale, cinquante-sixième session,
supplément n 10, doc. A/56/10, p. 57.

184349 ARMED ACTIVITIES SEP .OP. SIMMA )

as the relevant provisions of Protocol I Additional to this Convention
not only entitles every State party to raise these violations but even cre-

ates an obligation to ensure respect for the humanitarian law in question.
The rules of the international law of State responsibility lead to an analo-
gous result as concerns the violations of human rights of the persons con-
cerned by the Congolese soldiers. Uganda chose the avenue of diplomatic

protection and failed. A reminder by the Court of the applicability
of international humanitarian and human rights law standards and of
Uganda’s standing to raise violations of the obligations deriving from
these standards by the DRC would, in my view, not have gone ultra
petita partium.

38. Let me conclude with a more general observation on the commu-
nity interest underlying international humanitarian and human rights
law. I feel compelled to do so because of the notable hesitation and weak-

ness with which such community interest is currently manifesting itself
vis-à-vis the ongoing attempts to dismantle important elements of these
branches of international law in the proclaimed “war” on international
terrorism.

39. As against such undue restraint it is to be remembered that at least
the core of the obligations deriving from the rules of international humani-
tarian and human rights law are valid erga omnes. According to the
Commentary of the ICRC to Article 4 of the Fourth Geneva Conven-

tion, “[t]he spirit which inspires the Geneva Conventions naturally makes
it desirable that they should be applicable ‘erga omnes’, since they may
be regarded as the codification of accepted principles” . In its Advisory
Opinion on the Legality of the Threat or Use of Nuclear Weapons the

Court stated that “a great many rules of humanitarian law applicable in
armed conflict are so fundamental to the respect of the human person
and ‘elementary considerations of humanity’ . . .”, that they are “to be
observed by all States whether or not they have ratified the conventions

that contain them, because they constitute intransgressible principles of
international customary law” (I.C.J. Reports 1996 (I), p. 257, para. 79).
Similarly, in the Wall Advisory Opinion, the Court affirmed that the
rules of international humanitarian law “incorporate obligations which

are essentially of an erga omnes character” (Legal Consequences of the
Construction of a Wall in the Occupied Palestinian Territory, Advisory
Opinion, I.C.J. Reports 2004, p. 199, para. 157).
40. As the Court indicated in the Barcelona Traction case, obligations
erga omnes are by their very nature “the concern of all States” and, “[i]n

view of the importance of the rights involved, all States can be held to
have a legal interest in their protection” (Barcelona Traction, Light and
Power Company, Limited, Second Phase, Judgment, I.C.J. Reports 1970 ,
p. 32, para. 33). In the same vein, the International Law Commission has

12Op. cit. footnote 10, p. 48.

185 ACTIVITÉS ARMÉES OP .IND .SIMMA ) 349

de Genève ainsi que par les dispositions pertinentes du protocole addi-
tionnel (protocole I) non seulement confère à chaque Etat partie le droit
d’invoquer ces violations, mais crée une obligation de faire respecter le

droit humanitaire en question. Les règles du droit international de la res-
ponsabilité des Etats conduisent à un résultat analogue concernant les
violations des droits de l’homme des intéressés par des soldats congolais.
L’Ouganda a opté pour la voie de la protection diplomatique et a échoué.
Selon moi, la Cour aurait pu, sans pour autant déroger à la règle non

ultra petitum, rappeler l’applicabilité des normes du droit international
humanitaire et du droit des droits de l’homme ainsi que la qualité de
l’Ouganda pour tirer grief des violations des obligations découlant de ces
normes par la RDC.

38. Je conclurai par une observation plus générale sur l’importance
que revêtent le droit international humanitaire et le droit des droits de
l’homme pour la société. Si je me sens tenu de le faire, c’est en raison des
hésitations et de la faiblesse dont fait montre aujourd’hui cette société

face aux tentatives visant à démanteler des pans considérables de ces
branches du droit international dans le cadre de la «guerre» déclarée
contre le terrorisme international.
39. Face à ces limitations injustifiées, il convient de rappeler que les
obligations découlant des règles du droit international humanitaire et du

droit des droits de l’homme sont, en substance, valables erga omnes.
Selon le commentaire du CICR de l’article 4 de la quatrième convention,
«[c]ertes, dans l’esprit qui inspire les conventions de Genève, il serait sou-
haitable que celles-ci, considérées comme la codification de principes déjà
12
reconnus, soient applicables erga omnes » . Dans son avis consultatif sur
la Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires , la Cour a indi-
qué qu’«un grand nombre de règles du droit humanitaire applicable dans
les conflits armés sont si fondamentales pour le respect de la personne
humaine et pour des «considérations élémentaires d’humanité»», qu’elles

«s’imposent ... à tous les Etats, qu’ils aient ou non ratifié les instruments
conventionnels qui les expriment, parce qu’elles constituent des principes
intransgressibles du droit international coutumier» (C.I.J. Recueil 1996
(I), p. 257, par. 79). De manière analogue, dans son avis sur le Mur,la

Cour a affirmé que les règles du droit international humanitaire «incor-
porent des obligations revêtant par essence un caractère erga omnes »
(Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire pales-
tinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 , p. 199, par. 157).

40. Ainsi que la Cour l’a indiqué dans l’affaire Barcelona Traction, les
obligations erga omnes, par leur nature même, «concernent tous les
Etats» et, «[v]u l’importance des droits en cause, tous les Etats peuvent
être considérés comme ayant un intérêt juridique à ce que ces droits
soient protégés» (Barcelona Traction, Light and Power Company, Limi-

ted, deuxième phase, arrêt, C.I.J. Recueil 1970 , p. 32, par. 33). Dans le

12Op. cit. note 10, p. 54.

185350 ARMED ACTIVITIES (SEP .OP .SIMMA )

stated in the Commentaries to its Articles on the Responsibility of States

for Internationally Wrongful Acts that there are certain rights in the
protection of which, by reason of their importance, “all States have a
legal interest . . .” (A/56/10 at p. 278) . 13

41. If the international community allowed such interest to erode in

the face not only of violations of obligations erga omnes but of outright
attempts to do away with these fundamental duties, and in their place to
open black holes in the law in which human beings may be “disappeared”

and deprived of any legal protection whatsoever for indefinite periods of
time, then international law, for me, would become much less worthwhile.

(Signed) Bruno S IMMA .

13 Concerning the specific question of standing in case of breaches of obligations erga
omnes the Institute of International Law, in a resolution on the topic of obligations of this
nature adopted at its Krakow Session of 2005, accepted the following provisions:

“Article 3

In the event of there being a jurisdictional link between a State alleged to have
committed a breach of an obligation erga omnes and a State to which the obligation
is owed, the latter State has standing to bring a claim to the International Court of
Justice or other international judicial institution in relation to a dispute concerning
compliance with that obligation.

Article 4

The International Court of Justice or other international judicial institution should
give a State to which an obligation erga omnes is owed the possibility to participate
in proceedings pending before the Court or that institution and relating to that obli-
gation. Specific rules should govern this participation.”

186 ACTIVITÉS ARMÉES (OP. IND .SIMMA ) 350

même ordre d’idées, la Commission du droit international a précisé, dans

ses commentaires des articles sur la responsabilité de l’Etat pour fait
internationalement illicite, que, vis-à-vis de certains droits particulière-
ment importants, «tous les Etats ont un intérêt juridique» à ce que
13
ceux-ci soient protégés (A/56/10, p. 299).
41. Si la communauté internationale laissait s’éroder un tel intérêt,
non seulement face à des violations d’obligations erga omnes, mais éga-

lement à des tentatives directes de supprimer ces obligations fondamen-
tales, laissant, en leur lieu et place, se créer des vides juridiques dans
lesquels des êtres humains pourraient tomber et se voir privés de toute

protection pour une durée indéterminée, alors, le droit international per-
drait, à mon sens, beaucoup de son intérêt.

(Signé) Bruno S IMMA .

13
S’agissant de la question spécifique de la qualité pour agir dans l’hypothèse de vio-
lations d’obligations erga omnes, l’Institut de droit international, dans une résolution rela-
tive à des obligations de cette nature adoptée lors de sa session à Cracovie en 2005, a
énoncé les dispositions suivantes:

«Article 3
S’il existe un lien juridictionnel entre l’Etat prétendument responsable de la viola-
tion d’une obligation erga omnes et un autre Etat auquel cette obligation est due, ce
dernier Etat a qualité pour soumettre à la Cour internationale de Justice ou à un
autre tribunal international une demande relative à un différend portant sur le
respect de cette obligation.

Article 4

La Cour internationale de Justice ou un autre tribunal international devrait donner
à un Etat auquel une obligation erga omnes est due la possibilité de participer à une
procédure pendante devant la Cour ou devant ce tribunal, qui est relative à cette obli-
gation. Des règles spécifiques devraient régir une telle participation.»

186

Document file FR
Document Long Title

Opinion individuelle de M. le juge Simma

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