Opinion individuelle de M. le juge Kooijmans

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116-20051219-JUD-01-03-EN
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306

OPINION INDIVIDUELLE DE M. LE JUGE KOOIJMANS

[Traduction]

Contexte général du différend — Instabilité chronique dans la région — Lien
entre différend bilatéral et crise d’ensemble — Fonction du règlement judiciaire
d’un différend — Importance d’une analyse équilibrée des préoccupations et des
intérêts des Parties — Arrêt rendant insuffisamment compte de la complexité de
la situation.
Actions militaires ougandaises après le 7 août 1998 justifiables uniquement en
vertu du droit de légitime défense — Absence d’implication du Gouvernement de
la RDC dans les actions armées de groupes rebelles ougandais — Actions par
conséquent non imputables à la RDC — Droit de légitime défense non soumis à

la condition d’une agression armée par un Etat — Droit de l’Ouganda de recou-
rir à la légitime défense contre des forces irrégulières — ernditions de nécessité
et de proportionnalité ayant cessé d’être remplies après le 1 septembre 1998.
Occupation de guerre dans les régions envahies autres que le district de l’Ituri
— RDC placée dans l’incapacité d’exercer son autorité par l’invasion —
Ouganda comme puissance occupante dans toutes les régions envahies jusqu’à
l’accord de Lusaka — Statut des mouvements rebelles congolais postérieure-
ment à Lusaka — Effet sur le statut de puissance occupante de l’Ouganda.
Occupation non synonyme de violation du principe du non-recours à la force
— Distinction conceptuelle entre jus ad bellum et jus in bello.
Mesures conservatoires adressées aux deux Parties — Aucune preuve de vio-

lation par l’Ouganda apportée par la RDC — Appréciations de la Cour dans le
dispositif non appropriées.
Première demande reconventionnelle — Obligation de vigilance et charge de
la preuve — Aucune preuve de mesures prises par le Gouvernement du Zaïre
pour faire obstacle aux groupes rebelles au cours de la période considérée.

1. Même si j’ai voté en faveur de la plupart des conclusions de la Cour
telles qu’elles apparaissent dans le dispositif, je me sens néanmoins tenu
de faire les observations suivantes. La principale critique que je formule-

rais à l’égard du présent arrêt concerne un certain déséquilibre dans la
description du différend et des faits pertinents, même si j’estime que les
conclusions qui en ont été tirées sont dans l’ensemble juridiquement cor-
rectes. Je commencerai donc par faire plusieurs remarques générales

avant de traiter certains points de droit au sujet desquels j’aurais préféré
que soit adoptée une position différente.

A. R EMARQUES GÉNÉRALES

2. Dans un article intitulé «Explaining Ugandan Intervention in
Congo: Evidence and Interpretations» [Explications de l’intervention

ougandaise au Congo: éléments de preuve et interprétations], J. P. Clark
écrit:

142 ACTIVITÉS ARMÉES OP .IND .KOOIJMANS ) 307

«[L]a tâche consistant à expliquer l’intervention d’un Etat dans les
affaires d’un autre Etat est rarement simple et donne presque tou-

jours lieu à controverse... Il est particulièrement difficile de rester
objectif devant des éléments de preuve contradictoires... Les conclu-
sions que l’on en tire risquent d’être hypothétiques, partiales et com-
plexes et, par conséquent, de ne pas être pleinement satisfaisantes. Il

y a davantage de chances qu’elles débouchent sur la description
grossière d’un épisode complexe plutôt que sur l’explication «scien-
tifique» d’un fait de société particulier.» 1

3. Ces mots prudents d’un spécialiste des sciences humaines ne sont
pas d’une grande utilité pour une cour de justice qui doit juger la licéité
de certains actes qui lui sont soumis. De par sa tâche, un organe judi-

ciaire ne saurait rendre une décision en s’appuyant sur la «description
grossière» d’un épisode complexe, mais doit parvenir à déterminer clai-
rement et d’une manière dépourvue d’ambiguïtés les conséquences juri-
diques d’actes commis au cours de cet «épisode complexe».

4. Toutefois, afin de rendre ses analyses et ses conclusions juridiques
intelligibles et, par là, acceptables par les Etats parties au litige, dont les
responsables ne sont pas des juristes qualifiés (même s’ils peuvent se faire
assister par des professionnels du droit) mais les acteurs principaux du

processus de mise en Œuvre de l’arrêt, une cour doit faire apparaître clai-
rement dans ses motifs qu’elle est pleinement consciente du contexte dans
son ensemble et de la complexité des questions en jeu. Un arrêt qui n’est
pas considéré comme logique et juste dans ses dimensions historique,
politique et sociale s’expose à ce que les parties s’y conforment difficile-

ment.
5. Les Parties au présent différend ont en commun une histoire post-
coloniale malheureuse. Elles ont été sous l’emprise de dictateurs sans
merci qui ont suscité une résistance violente et des rébellions armées. Le

renversement de ces dictatures (en 1986 en Ouganda et en 1997 en RDC)
n’a pas apporté la stabilité sur le plan interne; des groupes armés, fidèles
au précédent régime ou poursuivant des objectifs personnels et agissant à
partir de régions reculées de leur propre territoire ou depuis l’étranger,

ont continué de menacer les nouveaux dirigeants. A cet égard, les Parties
ont enduré les souffrances qui semblent être devenues endémiques dans la
plus grande partie du continent africain, celles des régimes placés sous la
menace constante de mouvements armés agissant souvent depuis le terri-

toire d’Etats voisins, dont les gouvernements parfois les soutiennent, plus
souvent se contentent de les tolérer, n’ayant pas les moyens d’y faire obs-
tacle ou de les repousser. On se trouve dans ce dernier cas en présence
d’un gouvernement qui, par défaut de pouvoir, ne parvient pas à exercer

efficacement son autorité territoriale; en un mot, l’autorité de l’Etat fait
partiellement défaut et l’exercice officiel des fonctions étatiques au niveau

1John P. Clark, professeur associé de relations internationales, The Journal of Modern
African Studies, vol. 39, 2001, p. 262.

143 ACTIVITÉS ARMÉES (OP .IND .KOOIJMANS ) 308

international dissimule mal ce manque d’autorité. Les engagements pris
par des gouvernements dans l’incapacité de les tenir manquent, dès leur

signature, de toute fiabilité et contribuent difficilement à créer plus de sta-
bilité.
6. Dans de telles circonstances, les instances dirigeantes peuvent se
sentir abandonnées à elles-mêmes. Afin de combattre les mouvements

armés opérant depuis l’étranger, lesquels recourent généralement à des
tactiques de raids éclairs, et puisque les démarches diplomatiques sont
inefficaces, elles s’attribuent souvent une sorte de droit de suite qu’elles
vont énergiquement exercer sur le territoire voisin. Elles risquent en outre
de perdre toute confiance dans les bonnes intentions du gouvernement

voisin, malgré les engagements pris par celui-ci, ce qui peut les conduire à
soutenir à leur tour les mouvements d’opposition cherchant à renverser
ce gouvernement «indigne de confiance».
7. La boucle est ainsi bouclée et l’on se trouve devant un schéma tout

à fait typique de l’Afrique de l’après-guerre froide: des gouvernements,
harcelés par des mouvements rebelles armés opérant souvent depuis un
territoire étranger, tentent de renforcer leur sécurité en s’ingérant dans les
affaires d’Etats voisins; des gouvernements, qui plus est, parfois eux-

mêmes parvenus au pouvoir grâce à une aide extérieure mais qui, une
fois au pouvoir, se retournent contre leurs anciens alliés afin de devenir
maîtres chez eux et de mieux contrôler la situation intérieure.
8. Cette instabilité chronique et les violences effrénées et incessantes

qui s’en sont suivies ont, inutile de le dire, été à l’origine d’immenses
souffrances. Le désastre humain qui s’est produit au Rwanda en 1994
constitue l’exemple extrême, porté aux dimensions d’un génocide, d’un
schéma beaucoup plus général de graves violations des droits de l’homme

par des factions armées et des autorités essayant de se maintenir au
pouvoir.
9. La communauté internationale organisée a jusqu’ici été incapable
de fournir une assistance structurelle, nécessaire pour renforcer les insti-

tutions étatiques, et n’a donc pas réussi à poser les bases d’un meilleur
système de sécurité dans la région. Elle s’est essentiellement limitée à
contrôler la situation, en fournissant une aide parfois solide, mais le plus
souvent impuissante, en vue de maintenir la paix dans des régions tou-

chées par la guerre, et à fournir une assistance humanitaire.
10. C’est dans ce cadre que doit être replacé le différend soumis à la
Cour. Il n’est pas nécessaire de décrire en détail la crise telle qu’elle a évo-
lué depuis le génocide rwandais de 1994 ni de démontrer comment elle
s’est étendue à un nombre croissant d’Etats de la région des Grands Lacs,

voire au-delà. Ces événements ont été solidement documentés dans plu-
sieurs articles ainsi que dans un grand nombre de rapports d’organes des
Nations Unies et d’organisations non gouvernementales . Je me conten-

2Voir, notamment, Mel McNulty, «The Collapse of Zaire: Implosion, Revolution or
External Sabotage?», The Journal of Modern African Studies , vol. 37, 1999, p. 53-82;

144 ACTIVITÉS ARMÉES (OP. IND .KOOIJMANS ) 309

terai de dire que la région frontalière à l’est du Congo, «une ligne d’ins-
tabilité politique dont l’avenir de l’Afrique centrale pourrait bien dé-
pendre» (comme l’a judicieusement qualifiée David Shearer), a occupé

une place centrale dans la crise. Ce tableau se trouve par ailleurs obscurci
par le fait que, mis à part les gouvernements impliqués, un nombre
encore plus grand de mouvements d’insurgés, parfois contrôlés par des
gouvernements mais entretenant le plus souvent des alliances instables,

a dicté et continue de dicter la situation sur le terrain.
11. Est-il vraiment possible d’extraire un fil de cet écheveau, de l’isoler,
de le soumettre à une analyse juridique et de parvenir à une évaluation
juridique de ses conséquences sur les relations existant entre seulement

deux des parties impliquées? Une cour, à laquelle son statut donne pour
mandat de trancher des différends entre Etats dès lors qu’elle est compé-
tente, ne peut s’abstenir d’exécuter ce mandat au motif que son arrêt ne

couvrirait qu’un différend, lequel est lié de manière indissoluble à l’en-
semble du conflit. Comme cela est apparu clairement dans les affaires
relatives à la Licéité de l’emploi de la force (la République fédérale de
Yougoslavie contre dix Etats membres de l’OTAN), notamment, le

système de règlement judiciaire international des différends pose comme
prémisse l’existence de différends bilatéraux entre Etats, différends qui
peuvent parfois être artificiels.

12. Dans un contexte légèrement différent (en ce qu’il a été dit que le
différend soumis à la Cour représentait «un élément marginal et secon-
daire d’un problème d’ensemble» entre les Parties), la Cour a indiqué
qu’«aucune disposition du Statut ou du Règlement ne lui interdit de se

saisir d’un aspect d’un différend pour la simple raison que ce différend
comporterait d’autres aspects, si importants soient-ils». En l’espèce, on
pourrait paraphraser le dernier membre de la phrase comme suit: «pour

la simple raison que ce différend est lié de manière inextricable à un pro-
blème bien plus large qui implique également d’autres parties». La Cour
a poursuivi en indiquant que

«[n]ul n’a ... jamais prétendu que, parce qu’un différend juridique

soumis à la Cour ne constitue qu’un aspect d’un différend politique,
la Cour doit se refuser à résoudre dans l’intérêt des parties les ques-
tions juridiques qui les opposent...; si la Cour, contrairement à sa
jurisprudence constante, acceptait une telle conception, il en résulte-

Gérard Prunier, «Rebel Movements and Proxy Warfare: Uganda, Sudan and the Congo
(1986-1999)», African Affairs, vol. 103, n p. 359-383; l’article de John P. Clark cité
dans la note de bas de page n David Shearer, «Africa’s Great War», Survival, vol. 41,
1999, p. 89-106; voir également les rapports suivants de l’International Crisis Group:
«North Kivu, into the Quagmire?» (15 août 1998); «Congo at War, a Briefing on the
Internal and External Players in the Central African Conflict» (17 novembre 1998);
«How Kabila Lost His Way» (21 mai 1999); «Africa’s Seven-Nation War» (21 mai
1999); «The Agreement on a Cease-Fire in the Democratic Republic of Congo» (20 août

1999).

145 ACTIVITÉS ARMÉES (OP. IND. KOOIJMANS ) 310

rait une restriction considérable et injustifiée de son rôle en matière
de règlement pacifique des différends internationaux» (Personnel
diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran, arrêt , C.I.J.

Recueil 1980, p. 20, par. 37; les italiques sont de moi).

13. La dernière partie de cette citation illustre la place importante assi-
gnée par la Charte à la Cour en matière de règlement pacifique des dif-
férends, au paragraphe 3 de l’article 36, qui figure au chapitre VI, consa-
cré au règlement pacifique des différends. Le concept de règlement
pacifique des différends suppose que les parties à un différend trouvent,

dans le règlement qui leur est proposé ou imposé, l’expression de leur
position particulière et de leurs inquiétudes spécifiques. Le règlement doit
reconnaître ces préoccupations, même s’il ne satisfait pas les demandes
des parties, voire censure leur conduite.

14. Je regrette que l’arrêt de la Cour ne remplisse pas, selon moi, le
critère que je viens de mentionner. Il rend compte de manière imparfaite
de l’instabilité et de l’insécurité structurelles dans la région, de la ten-
dance générale à l’anarchie et au désordre ainsi que du comportement
répréhensible de toutes les parties impliquées. En lisant l’arrêt, l’on

n’échappe pas à l’impression que le différend est d’abord et avant tout un
différend entre deux Etats voisins portant sur l’emploi de la force par l’un
d’eux et les excès dont il s’est ensuite rendu coupable. Une image en deux
dimensions peut représenter correctement un objet, mais elle manque de

profondeur et ne fait, par conséquent, pas apparaître la réalité dans son
entier.
15. Il est vrai qu’au paragraphe 26 la Cour indique être consciente de
la situation complexe qui prévaut dans la région des Grands Lacs et du

fait que l’instabilité en RDC a eu des incidences négatives pour la sécurité
de l’Ouganda et d’autres Etats voisins.
Il est également vrai qu’au paragraphe 221 la Cour observe que les
actes commis par les diverses parties à ce conflit complexe ont contribué
aux immenses souffrances de la population congolaise.

Mais, selon moi, cette conscience n’apparaît pas suffisamment dans
l’examen fait par la Cour des différentes demandes des Parties. C’est ce
que je vais tenter de démontrer dans les sections de la présente opinion
qui traitent du droit de légitime défense tel qu’invoqué par l’Ouganda

(voir sect. B ci-après), de la première demande reconventionnelle de
l’Ouganda (voir sect. E) et de la violation par l’Ouganda des obligations
qui lui incombaient en vertu de l’ordonnance en indication de mesures
conservatoires (voir sect. D).

B. E MPLOI DE LA FORCE
ET LÉGITIME DÉFENSE

16. Je partage pleinement l’opinion de la Cour selon laquelle, à comp-
ter de début août 1998, l’Ouganda ne pouvait plus s’appuyer sur le

146 ACTIVITÉS ARMÉES (OP.IND .KOOIJMANS ) 311

consentement donné par la RDC pour justifier la présence de ses forces

sur le territoire congolais, les activités militaires engagées par l’Ouganda
à partir de cette date ne pouvant dès lors être examinées qu’au regard du
droit de légitime défense (arrêt, par. 106).
17. Au cours des mois précédents, les bonnes relations, qui avaient
tout d’abord existé entre les présidents de la RDC et de l’Ouganda

s’étaient dégradées. Pendant cette même période, la fréquence et l’inten-
sité des attaques perpétrées par des mouvements rebelles ougandais opé-
rant à partir du territoire congolais avaient augmenté. En moins de deux
mois, cinq attaques graves avaient eu lieu, au cours desquelles un nombre
considérable de civils avaient été tués ou blessés (arrêt, par. 132). Un

retour à l’instabilité chronique d’avant 1997 n’était certainement pas du
domaine de l’impossible, en particulier après le déclenchement, le 2 août,
d’une rébellion contre le président Kabila.
18. L’Ouganda choisit de réagir en intensifiant ses activités militaires

du côté congolais de la frontière. Pendant le mois d’août, les UPDF
s’emparèrent successivement des villes et aéroports de Béni, Bunia et
Watsa, «toutes situées à proximité immédiate de la frontière». Je partage
entièrement l’avis de la Cour lorsqu’elle juge que la nature de ces actions
différait de celle des opérations antérieures entreprises le long de la fron-

tière commune en vertu de l’accord bilatéral informel (arrêt, par. 110). Il
s’agissait d’assauts militaires, qui ne pouvaient être justifiés qu’en vertu
du droit de légitime défense.
19. L’Ouganda a prétendu que les autorités congolaises soutenaient
activement les attaques lancées par les rebelles ougandais, mais la Cour

n’a pas été en mesure de trouver «de preuve satisfaisante d’une implica-
tion directe ou indirecte du Gouvernement de la RDC dans ces at-
taques». Elle en a donc conclu que ces attaques ne pouvaient être
attribuées à la RDC et je ne trouve aucune faille dans cette conclusion
(arrêt, par. 146).

20. La Cour conclut donc que, «[p]our tous [c]es motifs..., les condi-
tions de droit et de fait justifiant l’exercice d’un droit de légitime défense
par l’Ouganda à l’encontre de la RDC n’étaient pas réunies». Toutefois,
la phrase suivante n’est pas tout à fait claire:

«En conséquence, elle n’a pas à se prononcer sur les arguments
des Parties relatifs à la question de savoir si et à quelles conditions le
droit international contemporain prévoit un droit de légitime défense
pour riposter à des attaques d’envergure menées par des forces irré-
gulières.» (Arrêt, par. 147.)

21. La Cour se réfère vraisemblablement ici à l’échange de vues entre
les Parties sur la question de savoir si le seuil, que la Cour avait précé-
demment déterminé comme approprié lorsqu’elle avait qualifié le soutien
aux activités de groupes irréguliers d’attaque de l’Etat «qui apporte le

soutien» (Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre
celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil

147 ACTIVITÉS ARMÉES (OP. IND. KOOIJMANS ) 312

1986, p. 104, par. 195), était toujours conforme au droit international

contemporain.
Au cours de sa plaidoirie, le conseil de l’Ouganda a affirmé que:

«les agressions armées menées par des bandes armées dont l’exis-
tence est tolérée par le souverain territorial créent une responsabilité
en droit et constituent par conséquent des agressions armées au sens
de l’article 51. Il existe de ce fait une norme distincte, surajoutée, de
responsabilité suivant laquelle, en l’absence de contrôle exercé sur

l’activité de bandes armées, on risquera de voir des Etats voisins
prendre l’initiative d’assurer leur légitime défense.» (CR 2005/7,
p. 30, par. 80.)

La RDC a nié, pour sa part, que le simple fait de reconnaître que des
groupes armés étaient présents sur son territoire revienne à apporter un
soutien à ces groupes.

«L’assimilation d’une simple tolérance du souverain territorial à
l’égard de bandes armées présentes sur son territoire à un acte

d’agression va clairement à l’encontre des principes les mieux établis
dans le domaine. Cette position, qui consiste à abaisser considéra-
blement le seuil requis pour que l’on puisse parler d’agression,
ne peut évidemment trouver aucun appui dans l’arrêt Nicaragua.»
(CR 2005/12, p. 26, par. 6.)

22. La Cour n’a pas jugé nécessaire à ce stade de se pencher sur ces
affirmations puisqu’elle conclut que les attaques par les rebelles «n’étaient

pas le fait de bandes armées ou de forces irrégulières envoyées par la
RDC ou en son nom, au sens de l’article 3 g) de la résolution 3314
(XXIX) de l’Assemblée générale sur la définition de l’agression, adoptée
le 14 décembre 1974» (arrêt, par. 146; les italiques sont de moi). En tirant
cette conclusion, la Cour rejette toutefois implicitement l’argument de

l’Ouganda selon lequel le simple fait de tolérer des irréguliers «risquera
de voir des Etats voisins prendre l’initiative d’assurer leur légitime
défense».
23. Le fait que la Cour traite de cette question de manière plus
détaillée lorsqu’elle examine la première demande reconventionnelle de

l’Ouganda au regard de la période allant de 1994 à 1997 mérite cependant
d’être mentionné. La Cour indique alors qu’elle «ne saurait ... conclure
que l’absence d’action du Gouvernement du Zaïre à l’encontre des
groupes rebelles dans la région frontalière correspond à une «tolé-
rance» de ces activités ou à un «acquiescement» à celles-ci» et que «[l]e

volet de la première demande reconventionnelle de l’Ouganda qui met en
cause la responsabilité de la RDC pour avoir toléré les groupes rebelles
avant le mois de mai 1997 ne peut donc être retenu» (arrêt, par. 301).
24. Je conviens que, de manière générale, on ne peut dire que la simple
incapacité à contrôler les activités de bandes armées présentes sur le ter-

ritoire d’un Etat corresponde en soi à un acte pouvant être attribué à cet
Etat, même si je ne partage pas la conclusion de la Cour concernant la

148 ACTIVITÉS ARMÉES (OP.IND .KOOIJMANS ) 313

première demande reconventionnelle. Mais je ne comprends pas pour-

quoi la Cour a alors exprimé de façon explicite ce qu’elle n’a indiqué que
de façon implicite lorsqu’elle a examiné la première demande de la RDC,
bien que l’Ouganda ait soulevé exactement le même argument quand il a
contesté cette demande.
25. Mais ce qui importe davantage, c’est que la Cour n’ait pas pris

position sur la question de savoir si le seuil établi dans l’arrêt rendu en
l’affaire des Activités militaires et paramilitaires demeurait conforme au
droit international contemporain, bien que ce seuil ait fait l’objet de cri-
tiques de plus en plus nombreuses depuis qu’il a été énoncé en 1986. La
Cour a ainsi laissé passer, malgré l’invitation explicite faite en ce sens par

l’une des Parties, une occasion de préciser sa position adoptée vingt ans
plus tôt.
26. Mais la phrase citée au paragraphe 20 appelle un autre commen-
taire. A supposer même (comme je suis tenté de le faire) que la simple

absence de contrôle des activités de bandes armées ne puisse pas, en soi,
être imputée comme acte illicite à l’Etat sur le territoire duquel ces acti-
vités s’exercent, cela ne signifie pas nécessairement selon moi que l’Etat
victime ne soit pas en droit, dans de telles circonstances, d’exercer le droit
de légitime défense prévu à l’article 51. La Cour ne traite que de la ques-

tion de savoir si l’Ouganda était en droit d’agir en légitime défense contre
la RDC et répond par la négative puisque les activités des mouvements
rebelles ne pouvaient pas être imputées à la RDC. En procédant ainsi, la
Cour ne répond pas à la question de savoir quelle sorte d’action un Etat
victime peut prendre si l’action armée de forces irrégulières est telle «par

ses dimensions et ses effets, qu’elle aurait été qualifiée d’agression armée
et non de simple incident de frontière si elle avait été le fait de forces
armées régulières» (Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et
contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J.
Recueil 1986, p. 104, par. 195), mais qu’aucune implication du «gouver-

nement hôte» ne peut être prouvée.
27. La Cour semble adopter l’opinion selon laquelle l’Ouganda ne
pouvait se prévaloir du droit de légitime défense que contre la RDC,
puisque le droit de légitime défense est subordonné à une attaque impu-
table, directement ou indirectement, à un Etat. Cette position irait dans

le sens de ce qu’a dit la Cour dans son avis consultatif du 9 juillet 2004:
«L’article 51 de la Charte reconnaît ainsi l’existence d’un droit naturel
de légitime défense en cas d’agression armée par un Etat contre un
autre Etat.» ( Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le
territoire palestinien occupé, C.I.J. Recueil 2004 , p. 194, par. 139; les

italiques sont de moi.)
28. En s’en tenant implicitement à cette position, la Cour semble igno-
rer, voire même nier, l’importance juridique de la question soulevée à la
fin du paragraphe 26.
Mais, comme je l’ai déjà souligné dans mon opinion individuelle jointe

à l’avis consultatif de 2004 relatif aux Conséquences juridiques de l’édifi-
cation d’un mur dans le territoire palestinien occupé , l’article 51

149 ACTIVITÉS ARMÉES (OP. IND. KOOIJMANS ) 314

«subordonne [simplement] l’exercice du droit naturel de légitime
défense à l’existence d’une agression armée préalable sans indiquer
que cette agression armée doit être le fait d’un autre Etat, même si

telle est l’interprétation qui est généralement acceptée depuis plus de
cinquante ans» (C.I.J. Recueil 2004, p. 230, par. 35).

J’ai également fait observer que cette interprétation ne semblait plus être
partagée par le Conseil de sécurité, celui-ci ayant reconnu, dans ses réso-

lutions 1368 (2001) et 1373 (2001), le droit naturel de légitime défense,
individuelle ou collective, sans faire aucunement référence à une agres-
sion armée par un Etat. Dans ces résolutions, le Conseil a désigné les
actes de terrorisme international, sans les qualifier plus avant et sans les

imputer à un Etat particulier, comme constituant une menace pour la
paix et la sécurité internationales.
29. Si les activités des bandes armées présentes sur le territoire d’un

Etat ne peuvent pas être attribuées à celui-ci, l’Etat victime ne fait pas
l’objet d’une agression armée de la part de l’Etat en question. Mais si l’on
se trouve dans la situation où les attaques perpétrées par des forces irré-
gulières auraient pu, par leurs dimensions et leurs effets, être qualifiées

d’agression armée eussent-elles été le fait de forces armées régulières, rien
dans les termes de l’article 51 de la Charte n’empêche l’Etat victime
d’exercer son droit naturel de légitime défense.
30. Traitant de la première demande reconventionnelle au paragraphe

301 de l’arrêt, la Cour décrit un phénomène qui, dans les relations inter-
nationales actuelles, est malheureusement devenu aussi courant que le
terrorisme, à savoir l’absence presque totale d’autorité gouvernementale

sur tout ou partie du territoire d’un Etat. Si des forces irrégulières
conduisent des attaques armées à partir d’un tel territoire à l’encontre
d’un Etat voisin, ces attaques restent des attaques armées même si elles ne
peuvent être attribuées à l’Etat à partir du territoire duquel elles sont

menées. Il ne serait pas raisonnable de nier à l’Etat agressé le droit de
légitime défense, simplement parce qu’il n’y a pas d’Etat agresseur, ce que
la Charte n’exige pas. «De la même façon qu’Utopie a le droit d’exercer

la légitime défense contre une agression armée d’Arcadie, elle a le droit de
se défendre contre des bandes armées ou des terroristes opérant à partir
du territoire arcadien», ainsi que l’a exposé M. Yoram Dinstein . 3
31. Qu’une telle réaction de la part de l’Etat attaqué soit appelée légi-
4
time défense ou acte au titre de l’état de nécessité ou encore qu’il lui soit
donné un autre nom, par exemple, «exercice extraterritorial des pouvoirs
de police», comme l’a proposé Dinstein lui-même, est une question qui ne
présente en l’espèce aucune pertinence. La licéité de la conduite de l’Etat

attaqué doit être soumise au même examen qu’une prétention de légitime
défense formulée à l’encontre d’un Etat: l’action armée de forces régu-

3 Yoram Dinstein, War, Agression and Self-Defence ,éd., 2001, p. 216.
4 Voir Oscar Schachter, «The Use of Force against Terrorists in Another Country»,

Israel Yearbook on Human Rights , vol. 19, 1989, p. 225 et suiv.

150 ACTIVITÉS ARMÉES (OP. IND. KOOIJMANS ) 315

lières correspond-elle à une agression armée, et, si oui, la réaction de l’Etat
agressé satisfait-elle aux exigences de nécessité et de proportionnalité?
32. Pour ce qui est de la première question, je suis d’avis que les at-
taques menées entre juin et début août 1998, lesquelles sont énumérées

au paragraphe 132 de l’arrêt, peuvent être considérées comme correspon-
dant à une agression armée au sens de l’article 51, autorisant ainsi
l’Ouganda à exercer son droit de légitime défense. Bien que l’Ouganda ait
prétendu obstinément, pendant la procédure, que la RDC était directe-
ment ou indirectement impliquée dans ces attaques, la conclusion selon

laquelle cette allégation ne peut être étayée et ces attaques ne sont par
conséquent pas attribuables à la RDC n’a aucune pertinence juridique
directe quant à la question de savoir si l’Ouganda pouvait exercer son
droit de légitime défense.
33. La question qui se pose ensuite est par conséquent la suivante: Ce

droit de légitime défense a-t-il été exercé conformément aux règles du
droit international?
Pendant le mois d’août 1998, les forces militaires ougandaises se sont
emparées d’un certain nombre de villes et d’aéroports dans une région

adjacente à la zone frontalière dans laquelle l’Ouganda avait antérieure-
ment agi avec le consentement de la RDC et, conformément au protocole
d’avril 1998, en coopération avec elle.
Si l’on tient compte de l’instabilité croissante et de la possibilité d’un
retour à la situation indésirable qui avait prévalu à la fin de la période

Mobutu, j’estime que ces actions étaient nécessaires et proportionnées
par rapport à l’objectif visant à repousser les attaques continuelles des
mouvements rebelles ougandais.
34. Ce n’est que lorsque l’Ouganda, agissant à l’instigation du Rwanda,
a, le 1r septembre 1998, envoyé un bataillon pour occuper l’aéroport de

Kisangani — situé à une distance considérable de la région frontalière —
qu’il a largement dépassé les limites fixées par le droit international cou-
tumier à l’exercice licite du droit de légitime défense.
Même un gros effort d’imagination ne permet pas de considérer cette

action, ni aucune des attaques suivantes contre un grand nombre de villes
et de bases militaires congolaises, comme nécessaire à la protection des
intérêts de l’Ouganda en matière de sécurité. En outre, ces actions étaient
largement disproportionnées par rapport à l’objectif annoncé de sécu-
riser la frontière ougandaise contre les attaques armées des mouvements

rebelles antiougandais.
35. Par conséquent, je partage pleinement la conclusion finale de la
Cour selon laquelle l’intervention militaire de l’Ouganda a été d’une
ampleur et d’une durée telles qu’elle doit être considérée comme une vio-

lation grave de l’interdiction de l’emploi de la force énoncée au para-
graphe 4 de l’article 2 de la Charte des Nations Unies (arrêt, par. 165).
Toutefois, je suis convaincu que la Cour, sur la base des faits et des
arguments que lui ont présentés les Parties et indépendamment des motifs
qu’elles leur ont attribués, n’aurait pas dû se limiter à conclure que

l’Ouganda n’avait pas réussi à étayer sa thèse selon laquelle la RDC était

151 ACTIVITÉS ARMÉES (OP. IND. KOOIJMANS ) 316

directement ou indirectement impliquée dans les attaques des mouve-

ments rebelles et qu’il n’était donc pas en droit de recourir à la légitime
défense. Dans les circonstances de l’espèce et devant sa complexité, il
aurait été approprié selon moi de procéder à une analyse juridique plus
complète de la position de l’Ouganda et des droits qui en découlent.

La Cour s’est ainsi privée d’une occasion précieuse de fournir des pré-
cisions sur un certain nombre de points de grande importance pour la
société internationale d’aujourd’hui et qui restent en grande partie obs-
curs d’un point de vue juridique.

C. O CCUPATION DE GUERRE

36. La Cour est d’avis qu’il faut considérer l’Ouganda comme une
puissance occupante au sens du jus in bello dans le district de l’Ituri. Elle

conclut en outre qu’aucune preuve n’a été apportée de ce que les forces
armées ougandaises auraient exercé leur autorité en tant que puissance
occupante dans d’autres régions que le district de l’Ituri (arrêt, par. 176-
177).

37. Même si je m’associe pleinement à la conclusion de la Cour en ce
qui concerne le district de l’Ituri, j’ai quelques doutes quant au raisonne-
ment qui l’a amenée à conclure que l’Ouganda n’était pas dans la posi-
tion de puissance occupante dans d’autres régions envahies par les UPDF.

38. L’article 42 du règlement de La Haye de 1907 dispose que:
«Un territoire est considéré comme occupé lorsqu’il se trouve

placé de fait sous l’autorité de l’armée ennemie.
L’occupation ne s’étend qu’aux territoires où cette autorité est éta-
blie et en mesure de s’exercer.»

Selon toute apparence, cette définition est fondée sur un critère factuel.
Toutefois, comme l’a judicieusement fait remarquer Adam Roberts: «La

signification centrale de ce terme est suffisamment évidente; mais, ainsi
qu’il arrive souvent avec les concepts abstraits, ses frontières sont moins
claires.»5
39. Les raisons de ce manque de clarté peuvent être tout d’abord de

nature factuelle. La situation sur le terrain est souvent confuse et les
parties impliquées peuvent en présenter des tableaux contradictoires.
Toutefois, en l’espèce, les Parties sont d’accord dans une mesure éton-
namment large sur les lieux dont se sont emparées les UPDF dans la

période considérée. En revanche, leurs opinions divergent considérable-
ment sur la question de savoir si les lieux où se trouvaient les troupes
ougandaises étaient effectivement sous l’autorité de l’Ouganda. Il s’agit
essentiellement d’une question de fait.

40. L’absence de clarté peut toutefois être également due à des consi-

5Adam Roberts, «What is Military Occupation?», British Year Book of International
Law, vol. 55, 1984, p. 249.

152 ACTIVITÉS ARMÉES (OP. IND .KOOIJMANS ) 317

dérations autres que factuelles. Comme le souligne Eyal Benvenisti:
««[l]’occupation» a ... acquis une connotation péjorative et, en consé-
quence, les occupants tendent à préférer des euphémismes pour décrire
6
leur position» . Cet auteur note en outre que, au moment de l’adoption
du règlement de La Haye, il était généralement présumé qu’une fois pris
le contrôle d’un territoire l’occupant établissait son autorité sur le terri-
toire occupé en introduisant une sorte d’administration directe et, par

conséquent, aisément identifiable. A une période où la guerre ou l’emploi
de la force en tant que tel n’étaient pas juridiquement répréhensibles, la
notion d’occupation, en tant que terme technique, n’était pas non plus
entachée de discrédit. Aussi, la mise en place d’un système d’administra-

tion par l’occupant était-elle considérée comme tout à fait normale.
41. C’est en partie parce que la guerre a été mise hors la loi que cette
pratique est devenue l’exception plutôt que la règle. Les occupants sont

de plus en plus enclins à recourir à des arrangements par lesquels l’auto-
rité passe pour être exercée par des gouvernements de transition ou des
mouvements rebelles ou par lesquels il évite simplement de mettre en
place une quelconque administration.

«Dans ces cas, les occupants ont tendance à ne pas reconnaître
l’applicabilité du droit relatif à l’occupation à leurs propres activités
ou à celles de leurs agents et, lorsqu’ils ont recours à des institutions
de substitution, à nier toute responsabilité dans les actions de ces
7
dernières.»

42. En l’espèce, la Cour s’est trouvée confrontée à ces deux aspects,
factuel et non factuel. L’Ouganda a tout d’abord nié sa responsabilité au

regard du droit de l’occupation au motif que, premièrement, ses troupes
étaient si éparses qu’elles n’auraient pu être en mesure d’exercer une
autorité, et que, deuxièmement, c’étaient les mouvements rebelles congo-
lais qui étaient investis de l’autorité réelle et occupaient pratiquement

toutes les fonctions administratives.
43. La Cour a jugé que sa tâche était de

«s’assurer que les forces armées ougandaises présentes en RDC
n’étaient pas seulement stationnées en tel ou tel endroit, mais qu’elles

avaient également substitué leur propre autorité à celle du Gouver-
nement congolais» (arrêt, par. 173; les italiques sont de moi).

44. C’est en particulier cet élément de «substitution de l’autorité de
l’occupant à celle du pouvoir territorial» qui conduit, selon moi, à un

rétrécissement indu des critères du droit de l’occupation de guerre tels
qu’ils sont interprétés en droit coutumier depuis 1907.

6 Eyal Benvenisti, The International Law of Occupation , 1993, p. 212. Roberts fait
également référence à ce phénomène: «Pour beaucoup, «l’occupation» est presque
synonyme d’agression et d’oppression.» (Op. cit., p. 301.)
7
Eyal Benvenisti, op. cit., p. 5.

153 ACTIVITÉS ARMÉES OP .IND .KOOIJMANS ) 318

45. L’article 41 des «résolutions d’Oxford» adoptées en 1880 par l’Ins-
titut de droit international disposait déjà:

«Un territoire est considéré comme occupé lorsque, à la suite de
son invasion par des forces ennemies, l’Etat dont il relève a cessé, en

fait, d’y exercer une autorité régulière, et que l’Etat envahisseur se
trouve être seul à même d’y maintenir l’ordre . Les limites dans les-
quelles ce fait se produit déterminent l’étendue et la durée de l’occu-
pation.» (Les italiques sont de moi.)

Il convient de noter que ces critères sont restés pratiquement iden-
tiques. Ils sont exprimés en termes similaires dans les manuels modernes
consacrés au droit des conflits armés:

«[premièrement,] l’occupation militaire doit impliquer une invasion
hostile — à laquelle peut éventuellement s’opposer une résistance —

à l’issue de laquelle l’envahisseur rend le gouvernement envahi inca-
pable d’exercer son autorité; [deuxièmement,] l’envahisseur doit être
en position de substituer sa propre autorité à celle de l’ancien gou-
vernement» . 8

46. En l’espèce, le premier critère est certainement respecté; même si
l’autorité réelle du Gouvernement de la RDC dans la partie nord-est du

pays était déjà vraiment très faible avant l’invasion par les UPDF, ce
gouvernement a sans conteste été mis dans l’incapacité, à la suite de cette
invasion, d’exercer le peu d’autorité qui lui restait. En occupant les
centres opérationnels de l’autorité gouvernementale — à savoir, dans
cette situation géographique particulière, les aéroports et les bases

militaires —, les UPDF ont effectivement empêché la RDC d’exercer
son autorité sur les territoires concernés.
47. La Cour, sans mentionner explicitement ce critère, semble néan-
moins supposer qu’il a été satisfait. Elle s’attache cependant au deuxième

critère, l’exercice réel de l’autorité par les forces armées ougandaises, et
conclut qu’«aucune preuve spécifique [ne lui a été apportée] de ce qu[’elles
(les forces armées ougandaises)] auraient exercé leur autorité dans d’autres
régions que le district de l’Ituri». Elle semble faire sienne l’opinion selon

laquelle l’autorité était exercée dans ces régions par les mouvements
rebelles, lesquels ne peuvent être considérés comme ayant été contrôlés
par l’Ouganda (arrêt, par. 177).
48. Selon moi, la Cour n’accorde pas assez d’attention au fait que c’est

l’invasion armée ougandaise qui a permis aux mouvements rebelles congo-
lais de prendre le contrôle des provinces du Nord-Est. S’il n’y avait pas
eu invasion, le gouvernement central aurait été en bien meilleure position
pour résister à ces mouvements rebelles. L’invasion ougandaise a par

conséquent été décisive pour la situation telle qu’elle a évolué après le
déclenchement de la guerre civile. En tant qu’elle a joué un rôle détermi-

8United States Manual on the Law of Land Warfare , 1956, FM 27-10. Voir également
United Kingdom Manual of the Law of Armed Conflict , 2004, p. 275, 11.3.

154 ACTIVITÉS ARMÉES OP . IND. KOOIJMANS ) 319

nant dans l’élimination de toute autorité de la RDC dans la région

envahie, l’Ouganda a effectivement remplacé cette autorité par la sienne
propre.
49. J’estime par conséquent que la question de savoir si l’Ouganda a

exercé cette autorité directement ou s’il en a laissé la plus grande partie
aux forces ou aux autorités locales n’est pas pertinente d’un point de vue
juridique. Tant qu’il a effectivement occupé les localités sur lesquelles le

Gouvernement de la RDC aurait eu besoin d’établir de nouveau la
sienne, l’Ouganda exerçait une autorité effective, et donc une autorité de
facto. Son argument, selon lequel il ne peut être considéré comme ayant
véritablement constitué une puissance occupante, étant donné le nombre
9
limité de ses troupes, ne peut être retenu .
50. Tant que l’Ouganda a maintenu son emprise sur ces localités, il est
resté l’autorité réelle, et donc la puissance occupante, et ce, jusqu’à ce

qu’une nouvelle situation apparaisse. Ce nouvel état de choses a été créé
par l’accord de cessez-le-feu de Lusaka du 10 juillet 1999. Dans des cir-
constances normales, un accord de cessez-le-feu ne modifie pas en soi la

situation juridique, à tout le moins tant que la puissance occupante garde
le contrôle. Mais l’accord de Lusaka est, comme l’indique la Cour,

«plus qu’un simple accord de cessez-le-feu, en ce qu’il énonce divers

«principes» (art. III) touchant aussi bien à la situation intérieure de
la RDC qu’aux relations entre celle-ci et ses voisins» (arrêt, par. 97).

51. L’accord de Lusaka a posé les fondements du rétablissement de
l’autorité administrative de l’Etat congolais. A cette fin, le statut de deux
des plus importants mouvements rebelles — le MLC et le RCD —, désor-
mais appelés l’«opposition armée», a été modifié; ils sont devenus des

participants officiels au dialogue national ouvert (art. III, par. 19). Cette
nouvelle position est illustrée par leur signature de l’accord en tant que
parties distinctes dans la liste jointe.

52. Selon moi, cette «promotion» des deux mouvements rebelles a
affecté directement la position de l’Ouganda en tant que puissance occu-

9 e
Voir également Oppenheim-Lauterpacht, International Law,7 éd., 1962, p. 435:
«Lorsque le souverain légitime est empêché d’exercer ses pouvoirs, et que l’occupant,
qui est en mesure d’affirmer son autorité, établit en fait une administration sur un
territoire, peu importe par quels moyens et de quelles manières son autorité s’exerce.»
(Les italiques sont de moi.)

Voir également H. P. Gasser, dans D. Fleck (dir. publ.), The Handbook of Humani-
tarian Law in Armed Conflict , 1995, p. 243:

«Même si l’objectif stratégique affirmé de l’invasion d’un territoire étranger n’est
pas de prendre le contrôle de la région ni de ses habitants, mais «simplement» de
garantir la sécurité contre des attaques portées sur le propre territoire de l’envahisseur
proche de la frontière, ce dernier reste responsable des parties du territoire qu’il
contrôle effectivement. De la même manière, ni la courte durée invoquée de l’occu-
pation, ni l’absence d’administration militaire du territoire occupé ne font de diffé-
rence.» (Les italiques sont de moi.)

155 ACTIVITÉS ARMÉES OP .IND .KOOIJMANS ) 320

pante. Ces mouvements sont devenus — selon la formule employée au
chapitre 6 — les deux parties investies, avec le gouvernement central, de
l’essentiel de la responsabilité consistant à rétablir l’autorité administra-

tive de l’Etat, conformément au paragraphe 2 du chapitre VI.
53. L’accord de Lusaka n’a certainement pas mis automatiquement fin
au statut de puissance occupante de l’Ouganda, puisque ce statut est
fondé sur un contrôle de fait. En revanche, la reconnaissance du statut
officiel du RCD et du MLC ne peut être négligée.

Après l’accord de Lusaka, le gouvernement central ne pouvait plus être
considéré comme seul investi de l’autorité territoriale, mais comme par-
tageant celle-ci avec les mouvements d’«opposition armée», qui venaient
d’être reconnus comme faisant partie de l’autorité nationale.

54. C’est seulement là où il continuait d’exercer un contrôle effectif et
complet, comme dans le district de l’Ituri, que l’Ouganda a conservé son
statut de puissance occupante, et je partage à cet égard l’opinion de la
Cour selon laquelle l’Ouganda a occupé le district de l’Ituri jusqu’à la date

du retrait de ses troupes. Pour ce qui est des autres régions dans lesquelles
s’étaient déployées ses activités militaires, l’Ouganda devrait en revanche
être considéré comme puissance occupante à partir de la date à laquelle il
s’est emparé des différentes localités et jusqu’à la signature de l’accord de
Lusaka. En effet, même après cette date, s’il a gardé la mainmise sur les

aéroports et d’autres localités stratégiques, il ne peut plus, par suite des
dispositions de cet accord, être considéré comme s’étant substitué à l’auto-
rité du gouvernement territorial, puisque cette autorité était, en vertu des
termes de l’accord, également exercée par les mouvements rebelles.

55. Tandis que mon désaccord avec la manière dont la Cour a inter-
prété les critères d’applicabilité du droit de l’occupation de guerre est,
dans une certaine mesure, simplement d’ordre technique (avec toutefois
des conséquences juridiques), j’émets des réserves plus substantielles
quant à la manière dont le phénomène d’«occupation» est traité dans le

dispositif.
56. Au premier paragraphe du dispositif, la Cour conclut que
l’Ouganda, en se livrant à des actions militaires à l’encontre de la RDC
sur le territoire de celle-ci, en occupant l’Ituri et en soutenant les forces

irrégulières qui opéraient sur le territoire congolais, a violé le principe du
non-recours à la force et le principe de non-intervention. Selon moi,
l’occupation de l’Ituri n’aurait pas dû être qualifiée de violation du prin-
cipe du non-recours à la force au sens propre.

57. Le droit de l’occupation de10uerre a été établi à l’origine comme un
«mécanisme de rééquilibrage» entre les intérêts du souverain évincé et
ceux de la puissance occupante. L’obligation de cette dernière, en tant
qu’autorité temporaire, de rétablir et d’assurer l’ordre public tout en res-
pectant les lois en vigueur (règlement de La Haye, art. 43) et ses compé-

tences en ce qui concerne les biens (art. 48 et suiv.) illustrent ce méca-

10Benvenisti, op. cit., p. 30.

156 ACTIVITÉS ARMÉES (OP. IND .KOOIJMANS ) 321

nisme. C’est seulement en 1949, dans la quatrième convention de Genève,
que les règles relatives à l’occupation ont été étoffées, avec l’ajout de

plusieurs dispositions concernant le traitement des populations des ter-
ritoires occupés.
58. Du fait de leur corrélation, les règles relatives à l’occupation cons-
tituent une part importante du jus in bello ou droit international huma-

nitaire. Le principal objectif de ce droit est de protéger des personnes
prises dans un conflit, même s’il prend effectivement en compte les inté-
rêts des parties belligérantes, entre lesquelles il n’opère aucune distinc-
tion. En particulier, une occupation résultant d’un recours licite à l’emploi
de la force n’est pas distinguée, dans le jus in bello, de celle qui découle

d’une agression. Cette dernière question est tranchée par l’application du
jus ad bellum, le droit relatif à l’emploi de la force, qui permet d’attribuer
la responsabilité d’actes dont l’occupation est le résultat.
59. En l’espèce, la Cour a conclu que l’Ouganda avait violé l’obliga-

tion lui incombant au titre du principe du non-recours à la force, ses acti-
vités militaires ne constituant pas des actes de légitime défense. Il a ainsi
violé son obligation au titre du jus ad bellum. La Cour a également
conclu que l’Ouganda avait violé les obligations lui incombant au titre du

jus in bello, en particulier en ce qui concerne le district de l’Ituri dont
l’occupation a été la conséquence d’un emploi illicite de la force.
60. Il va sans dire que le résultat d’un acte illicite est entaché d’illicéité.
L’occupation issue d’un emploi illicite de la force trahit son origine mais

les règles régissant le régime de l’occupation ne qualifient pas l’origine du
résultat de licite ou d’illicite.
61. Dans son rapport rédigé à l’occasion du centenaire de la Confé-
rence internationale de la Paix, M. Christopher Greenwood a traité de ce

qu’implique le fait que, de nos jours, le jus in bello existe «dans le cadre
du droit international, lequel limite de manière significative le droit des
Etats à recourir à la force», ajoutant que restaient encore à définir les
répercussions complètes de la relation entre le jus ad bellum et le jus in
11
bello contemporains .
62. J’ai attiré l’attention plus haut sur le fait que la réticence des gou-
vernements à déclarer applicable le droit de l’occupation de guerre peut
être due à l’impression que l’«occupation» est presque devenue syno-

nyme d’agression et d’oppression.
63. Je n’ignore pas que l’article 3 de la résolution 3314 (XXIX) de
l’Assemblée générale sur la définition de l’agression confère une certaine
crédibilité à cette impression; à l’alinéa a) dudit article sont définies
comme acte d’agression: «[l]’invasion ou l’attaque du territoire d’un Etat

par les forces armées d’un autre Etat, ou toute occupation militaire , même
temporaire, résultant d’une telle invasion ou d’une telle attaque...» (les
italiques sont de moi).

11F. Kalshoven (dir. publ.), The Centennial of the First International Peace Confe-
rence, Reports and Conclusions , 2000, p. 186.

157 ACTIVITÉS ARMÉES (OP. IND. KOOIJMANS ) 322

Tous les termes de cette résolution, aussi importante soit-elle d’un

point de vue juridique, ne sont pas la manifestation du droit coutumier.
La mention de l’occupation militaire comme un acte d’agression est
d’après moi loin d’être heureuse . 12

64. M. Greenwood indique que: «[l]e droit de l’occupationede guerre a
été peu respecté pendant la plus grande partie du XX siècle». Le prin-
cipal problème n’est pas, selon lui, celui d’insuffisances qui pourraient

entacher ce droit, mais plutôt celui13e la réticence des Etats à seulement
admettre qu’il puisse s’appliquer . Je regrette que la Cour ait pu contri-
buer, au premier paragraphe du dispositif, à cette réticence de la part de
parties belligérantes à déclarer applicable le droit de l’occupation.

D. M ESURES CONSERVATOIRES

66. Dans son cinquième chef de conclusions, la RDC a demandé à la
Cour de déclarer que l’Ouganda avait violé son ordonnance en indication
de mesures conservatoires en date du 1 juillet 2000. Au paragraphe 7 du

dispositif, la Cour a fait droit à cette demande.
Pour un certain nombre de raisons, je ne juge pas convaincant le rai-
sonnement de la Cour à l’appui de cette décision.

67. Les mesures conservatoires indiquées par la Cour dans son ordon-
nance du 1 er juillet 2000 étaient au nombre de trois et s’adressaient aux
deux Parties. Ces dernières étaient tout d’abord appelées à prévenir et à

s’abstenir de tout acte, en particulier de toute action armée, qui risquerait
de porter atteinte aux droits de l’autre Partie ou qui risquerait d’aggraver
ou d’étendre le différend. Il leur était ensuite ordonné de prendre toutes

mesures pour se conformer à leurs obligations en vertu du droit interna-
tional ainsi qu’à la résolution 1304 (2000) du Conseil de sécurité en date
du 16 juin 2000. Enfin, la Cour leur indiquait de prendre toutes mesures

nécessaires pour assurer, dans la zone de conflit, le plein respect des
droits de l’homme, ainsi que du droit international humanitaire.
68. Il convient d’indiquer que, tandis que le demandeur avait solli-

cité la Cour pour qu’elle indique des mesures conservatoires adressées à
l’Ouganda, la Cour a décidé propio motu d’indiquer des mesures conser-
vatoires adressées aux deux Parties, comme s’il existait un risque sérieux
que surviennent des faits de nature à aggraver ou étendre le différend

ou à en rendre la solution plus difficile ( C.I.J. Recueil 2000 ,p .,
par. 44).

12
Voir B. Broms, «The Definition of Aggression», Recueil des cours, vol. 154, 1977,
p. 348:
«[E]tant donné la manière dont le paragraphe a été interprété, on pourrait pré-
tendre que l’occupation militaire ou l’annexion présuppose l’existence d’un acte
d’agression sous la forme d’une invasion ou d’une attaque et qu’il n’aurait pas,
par conséquent, été nécessaire de les inclure séparément dans ce paragraphe.»

13Op. cit., p. 218-219.

158 ACTIVITÉS ARMÉES OP .IND .KOOIJMANS ) 323

69. Pendant la procédure, écrite et orale, leserarties n’ont prêté
presque aucune attention à l’ordonnance du 1 juillet 2000. Les conclu-
sions de la RDC dans sa réplique, datée du 29 mai 2002, n’y font aucune
référence. La demande visant à ce qu’il soit jugé que l’Ouganda avait

violé les dispositions de l’ordonnance n’est apparue pour la première
fois que dans les conclusions finales.
70. Au paragraphe 264 de l’arrêt, la Cour relève «que la RDC ne pré-
sente aucun élément de preuve précis démontrant que l’Ouganda aurait,
après juillet 2000, commis des actes en violation de chacune des trois

mesures conservatoires indiquées».
71. Cette remarque aurait suffi à écarter la demande de la RDC, exac-
tement comme l’a fait la Cour relativement à une conclusion similaire
dans son arrêt rendu en l’affaire relative à la Frontière terrestre et mari-
time entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria; Guinée équa-

toriale (intervenant)) . La Cour, après avoir indiqué qu’il incombait au
Cameroun d’établir que le Nigéria avait, par ses actes, méconnu les me-
sures conservatoires indiquées dans l’ordonnance du 15 mars 1996, a
conclu que le Cameroun n’avait pas apporté la preuve des faits qui lui

incombait (C.I.J. Recueil 2002, p. 453, par. 321-322). A cet égard, la
Cour s’est appuyée sur une déclaration qu’elle avait faite précédem-
ment, selon laquelle c’est

«au plaideur qui cherche à établir un fait qu’incombe la charge de la
preuve; lorsque celle-ci n’est pas produite, une conclusion peut être
rejetée dans l’arrêt comme insuffisamment démontrée» (Activités
militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicara-

gua c. Etats-Unis d’Amérique), compétence et recevabilité, arrêt,
C.I.J. Recueil 1984, p. 437, par. 101).

72. Toutefois, la Cour ne procède pas ainsi en l’espèce, car elle a déjà
conclu (lors de l’examen de la deuxième demande de la RDC) que
l’Ouganda était responsable des actes commis en violation du droit des
droits de l’homme et du droit international humanitaire tout au long de

la période durant laquelle les troupes ougandaises étaient présentes en
RDC, y compris celle qui a suivi l’ordonnance en indication de mesures
conservatoires.
La Cour conclut par conséquent que l’Ouganda ne s’est pas conformé
à cette ordonnance.

73. Au paragraphe 265, la Cour relève que les mesures conservatoires
s’adressaient aux deux Parties et que sa conclusion relative à leur non-
respect par l’Ouganda est «sans préjudice de la question de savoir si la
RDC a manqué également de se conformer aux mesures conservatoires

par elle indiquées».
74. Etant donné que la Cour a jugé nécessaire de rappeler que l’objet
de ces mesures conservatoires était de protéger les droits de chacune des
Parties jusqu’à ce que l’affaire soit jugée au fond (par. 263), la formule
choisie semble indiquer qu’elle est consciente de ce que cet objet n’a été

respecté ni par l’Ouganda ni par la RDC, même si ce dernier point n’a

159 ACTIVITÉS ARMÉES (OP. IND. KOOIJMANS ) 324

pas été soulevé par l’Ouganda et n’appelait donc pas une décision de la
Cour.
75. Dans ces circonstances, il aurait été selon moi judicieux de ne pas

inclure dans le dispositif une conclusion indiquant que l’Ouganda ne
s’était pas conformé à l’ordonnance en indication de mesures conserva-
toires.
Que l’Ouganda a violé les obligations qui étaient les siennes en vertu de
l’ordonnance ne fait, selon moi, pas l’ombre d’un doute. Cela est suffi-

samment démontré dans la partie de l’arrêt qui traite de la deuxième
demande de la RDC et dans la conclusion de la Cour sur cette demande.
Mais la Cour est aussi «profondément consciente» que de nombreuses
atrocités ont également été commises par d’autres parties (arrêt, par. 221).

76. Pour résumer, eu égard au fait que la RDC n’a apporté aucun élé-
ment de preuve tendant spécifiquement à démontrer la violation de
l’ordonnance par l’Ouganda et tenant compte de ce que les mesures
conservatoires ont pour objet la protection des intérêts juridiques de cha-

cune des parties, je regrette sincèrement que la Cour ait décidé d’inclure
dans le dispositif de l’arrêt la conclusion selon laquelle l’une d’elles avait
violé l’ordonnance du 1 er juillet 2000, et ce d’autant plus que la Cour
n’exclut en aucune façon que l’autre Partie ait également commis une
telle violation.

77. La Cour n’a aucunement besoin de rendre une décision sur toutes
les demandes, sans exception, présentées par les Parties. En l’espèce, par
exemple, le dispositif ne traite pas des demandes congolaises visant à ce
que cessent les violations et à obtenir des garanties de non-répétition, les-

quelles n’ont été examinées que dans l’exposé des motifs. Les para-
graphes 264 et 265 de l’arrêt suffisaient à préciser la position de la
Cour relativement à la demande de la RDC concernant les mesures
conservatoires.
78. La décision de la Cour d’inclure une conclusion dans le dispositif

est selon moi une illustration du manque d’équilibre auquel j’ai fait allu-
sion plus haut. Pour ces raisons — et non par désaccord avec la conclu-
sion elle-même —, je me suis senti tenu de voter contre le paragraphe 7
du dispositif.

E. L A PREMIÈRE DEMANDE RECONVENTIONNELLE

79. La Cour a eu tout à fait raison de distinguer trois périodes dans la
première demande reconventionnelle. Je suis d’accord avec elle sur le fait
que cette dernière n’est pas fondée en ce qui concerne les deuxième et
troisième périodes. Les observations suivantes ne concernent donc que la
période précédant mai 1997 et seulement en ce qui concerne le fond de ce

volet de la demande reconventionnelle.
80. Aux paragraphes 298 et 299 de l’arrêt, la Cour conclut que
l’Ouganda n’a pas produit de preuves convaincantes démontrant que le
Zaïre (comme se nommait alors la RDC) a bel et bien fourni un soutien

160 ACTIVITÉS ARMÉES (OP. IND. KOOIJMANS ) 325

aux mouvements rebelles ougandais opérant sur son territoire. Je n’ai

aucune observation à faire concernant la position de la Cour sur cette
question.
81. Au paragraphe 300 de l’arrêt, la Cour traite de la question de
savoir si le Zaïre a agi conformément à son devoir de vigilance, ce qui,
selon elle, «diffère» d’autres questions. A ce sujet, la Cour prend note de

l’argument de l’Ouganda selon lequel les groupes rebelles pouvaient opé-
rer «librement» dans la région frontalière grâce à l’absence presque
totale de représentants du gouvernement central ou d’autorités régionales
pendant les trente-deux années de présidence de Mobutu. La Cour pour-
suit en disant que ni le Zaïre ni l’Ouganda n’ont été en mesure de mettre

fin aux activités tant des groupes rebelles antiougandais que des groupes
rebelles antizaïrois qui opéraient dans la région. Elle constate ensuite que,
compte tenu des éléments de preuve dont elle dispose , elle ne saurait néan-
moins conclure que l’absence d’action du Gouvernement du Zaïre cor-

respond à une «tolérance» de leurs activités ou à un «acquiescement» à
celles-ci et que ce volet de la première demande reconventionnelle de
l’Ouganda ne peut donc être retenu.
82. Mais il n’appartient certainement pas à l’Ouganda d’apporter la
preuve de ce que le Zaïre était en mesure de contrôler ses frontières et

donc de prendre des mesures. Le conseil de la RDC n’a pas non plus été
convaincant lorsqu’il a prétendu que l’Ouganda lui-même reconnaissait
«l’impossibilité de contrôler efficacement» la frontière commune. Il
appartient à l’Etat tenu au devoir de vigilance de démontrer quelles
mesures il a prises pour s’acquitter de cette obligation et quelles diffi-

cultés il a rencontrées. Selon moi, la RDC n’a réussi à apporter suffi-
samment de preuve qu’en ce qui concerne «l’absence presque totale» de
représentants du pouvoir central ou d’autorité gouvernementale pour la
période allant d’octobre 1996 à mai 1997, qui correspond à celle de la
première guerre civile. Mais je n’ai trouvé aucun élément de preuve dans

le dossier de l’affaire ni dans les rapports pertinents démontrant que le
gouvernement de Kinshasa n’avait pas été en mesure d’exercer son
autorité dans la partie orientale du pays pour l’ensemble de la période
considérée et n’avait donc pu s’acquitter de son devoir de vigilance
avant octobre 1996; la RDC n’a même pas essayé de fournir de telles

preuves.
83. J’ai par conséquent du mal à saisir les éléments factuels sur les-
quels se fonde la Cour pour conclure que «[l]e volet de la première
demande reconventionnelle de l’Ouganda qui met en cause la responsa-
bilité de la RDC pour avoir toléré les groupes rebelles avant le mois de

mai 1997 ne peut donc être retenu» (arrêt, par. 301). Il aurait été logique,
selon moi, de conclure que la RDC n’avait pas démontré avoir pris des
mesures crédibles pour empêcher des mouvements rebelles de mener des
attaques transfrontalières ou qu’elle n’avait pas été en mesure de le faire
et que le premier volet de la demande reconventionnelle devait donc être

retenu.
84. J’ajouterai que des circonstances de fait, telles que des conditions

161 ACTIVITÉS ARMÉES (OP .IND .KOOIJMANS ) 326

géographiques (terrain montagneux), peuvent expliquer une absence de

résultat mais ne peuvent jamais justifier des mesures inadéquates ou
l’absence de toute mesure.

(Signé) P. H. K OOIJMANS .

162

Bilingual Content

306

SEPARATE OPINION OF JUDGE KOOIJMANS

General context of the dispute — Chronic instability in the region — Inter-
connection between bilateral dispute and overall crisis — Function of judicial
dispute settlement — Importance of balanced appraisal of concerns and inter-
ests of litigants — Judgment insufficiently reflects complexity of situation.

Ugandan military actions after 7 August 1998 only justifiable under right of
self-defence — No involvement of DRC Government in armed actions by Ugan-
dan rebel groups — Actions thus not attributable to DRC — Right of self-
defence not conditional upon armed attack by State — Uganda entitled to self-

defence against armed irregulars — Standard of necessity and proportionality
no longer met after 1 September 1998.

Belligerent occupation in invaded areas other than Ituri district — DRC ren-
dered incapable of exercising authority by invasion — Uganda occupying Power
in all invaded areas until Lusaka Agreement — Status of Congolese rebel move-
ments after Lusaka — Effect on status of Uganda as occupying Power.

Occupation no violation of principle of non-use of force — Conceptual dis-
tinction between jus ad bellum and jus in bello.
Provisional measures addressed to both Parties — No evidence of violation by

Uganda provided by DRC — Court’s finding in operative part not appropriate.

First counter-claim — Duty of vigilance and burden of proof — No evidence
of efforts by Zaire Government to control rebel groups in relevant period.

1. Although I have voted in favour of most of the findings of the
Court as reflected in the dispositif, I nevertheless feel constrained to make
the following remarks. My main difficulty with the present Judgment is a

certain lack of balance in the description of the dispute and of the rele-
vant facts even if the conclusions drawn are in my view in general legally
correct. I will therefore start with a number of general remarks and sub-
sequently deal with certain legal issues with regard to which I would have

preferred a different approach.

A. G ENERAL R EMARKS

2. In an article entitled “Explaining Ugandan Intervention in Congo:
Evidence and Interpretations”, the author writes:

142 306

OPINION INDIVIDUELLE DE M. LE JUGE KOOIJMANS

[Traduction]

Contexte général du différend — Instabilité chronique dans la région — Lien
entre différend bilatéral et crise d’ensemble — Fonction du règlement judiciaire
d’un différend — Importance d’une analyse équilibrée des préoccupations et des
intérêts des Parties — Arrêt rendant insuffisamment compte de la complexité de
la situation.
Actions militaires ougandaises après le 7 août 1998 justifiables uniquement en
vertu du droit de légitime défense — Absence d’implication du Gouvernement de
la RDC dans les actions armées de groupes rebelles ougandais — Actions par
conséquent non imputables à la RDC — Droit de légitime défense non soumis à

la condition d’une agression armée par un Etat — Droit de l’Ouganda de recou-
rir à la légitime défense contre des forces irrégulières — ernditions de nécessité
et de proportionnalité ayant cessé d’être remplies après le 1 septembre 1998.
Occupation de guerre dans les régions envahies autres que le district de l’Ituri
— RDC placée dans l’incapacité d’exercer son autorité par l’invasion —
Ouganda comme puissance occupante dans toutes les régions envahies jusqu’à
l’accord de Lusaka — Statut des mouvements rebelles congolais postérieure-
ment à Lusaka — Effet sur le statut de puissance occupante de l’Ouganda.
Occupation non synonyme de violation du principe du non-recours à la force
— Distinction conceptuelle entre jus ad bellum et jus in bello.
Mesures conservatoires adressées aux deux Parties — Aucune preuve de vio-

lation par l’Ouganda apportée par la RDC — Appréciations de la Cour dans le
dispositif non appropriées.
Première demande reconventionnelle — Obligation de vigilance et charge de
la preuve — Aucune preuve de mesures prises par le Gouvernement du Zaïre
pour faire obstacle aux groupes rebelles au cours de la période considérée.

1. Même si j’ai voté en faveur de la plupart des conclusions de la Cour
telles qu’elles apparaissent dans le dispositif, je me sens néanmoins tenu
de faire les observations suivantes. La principale critique que je formule-

rais à l’égard du présent arrêt concerne un certain déséquilibre dans la
description du différend et des faits pertinents, même si j’estime que les
conclusions qui en ont été tirées sont dans l’ensemble juridiquement cor-
rectes. Je commencerai donc par faire plusieurs remarques générales

avant de traiter certains points de droit au sujet desquels j’aurais préféré
que soit adoptée une position différente.

A. R EMARQUES GÉNÉRALES

2. Dans un article intitulé «Explaining Ugandan Intervention in
Congo: Evidence and Interpretations» [Explications de l’intervention

ougandaise au Congo: éléments de preuve et interprétations], J. P. Clark
écrit:

142307 ARMED ACTIVITIES (SEP.OP .KOOIJMANS )

“[T]o explain the intervention of one State into the affairs of
another is rarely simple or uncontroversial . . . To maintain objec-

tivity in the face of confusing and contradictory evidence is particu-
larly difficult . . . Moreover, the results are likely to be tentative,
partial and complex, and therefore less than totally satisfying. One is
more likely to end with a ‘thick description’ of a complex episode
1
than a ‘scientific’ explanation of a discrete social event.”

3. These cautious words of a social scientist are of limited use for a
court of justice which has to evaluate the legality of certain specific activi-
ties which have been put before it. The task of a judicial body does not

allow it to conclude with a “thick description” of a complex episode but
compels it to come to a clear and unequivocal determination of the legal
consequences of acts committed during that “complex episode”.

4. However, in order to make its legal assessments and conclusions
comprehensible and thereby acceptable to litigant States whose leaders
are no trained lawyers (even though they may be assisted by legal pro-
fessionals), but are the main actors in the process of implementing the

judgment, a court should make clear in its reasoning that it is fully aware
of the wider context and the complexity of the issues involved. A judg-
ment which is not seen as logical and fair in its historical, political and
social dimensions runs the risk of being one compliance with which will
be difficult for the parties.

5. The Parties to the present dispute share a hapless post-decoloniza-
tion history. They have been in the grip of merciless dictatorships which
elicited violent resistance and armed rebellions. The overthrow of these

dictatorships (in Uganda in 1986 and the Congo in 1997) did not bring
internal stability; armed groups, either loyal to the previous régime or
pursuing goals of their own and operating from remote parts of their own
territory or from abroad continued to threaten the new leadership. In this

respect the Parties shared the plight which seems to have become endemic
in much of the African continent: régimes under constant threat from
armed movements often operating from the territory of neighbouring
States, whose Governments sometimes support such movements but often

merely tolerate them since they do not have the means to control or repel
them. The latter case is one where a Government lacks power and conse-
quently fails to exercise effectively its territorial authority; in short, there
is a partial failure of State authority and such failure is badly concealed

by the formal performance of State functions on the international level.
Commitments entered into by Governments unable to implement them

1John P. Clark, Associate Professor of International Relations, The Journal of Modern
African Studies, Vol. 39 (2001), p. 262.

143 ACTIVITÉS ARMÉES OP .IND .KOOIJMANS ) 307

«[L]a tâche consistant à expliquer l’intervention d’un Etat dans les
affaires d’un autre Etat est rarement simple et donne presque tou-

jours lieu à controverse... Il est particulièrement difficile de rester
objectif devant des éléments de preuve contradictoires... Les conclu-
sions que l’on en tire risquent d’être hypothétiques, partiales et com-
plexes et, par conséquent, de ne pas être pleinement satisfaisantes. Il

y a davantage de chances qu’elles débouchent sur la description
grossière d’un épisode complexe plutôt que sur l’explication «scien-
tifique» d’un fait de société particulier.» 1

3. Ces mots prudents d’un spécialiste des sciences humaines ne sont
pas d’une grande utilité pour une cour de justice qui doit juger la licéité
de certains actes qui lui sont soumis. De par sa tâche, un organe judi-

ciaire ne saurait rendre une décision en s’appuyant sur la «description
grossière» d’un épisode complexe, mais doit parvenir à déterminer clai-
rement et d’une manière dépourvue d’ambiguïtés les conséquences juri-
diques d’actes commis au cours de cet «épisode complexe».

4. Toutefois, afin de rendre ses analyses et ses conclusions juridiques
intelligibles et, par là, acceptables par les Etats parties au litige, dont les
responsables ne sont pas des juristes qualifiés (même s’ils peuvent se faire
assister par des professionnels du droit) mais les acteurs principaux du

processus de mise en Œuvre de l’arrêt, une cour doit faire apparaître clai-
rement dans ses motifs qu’elle est pleinement consciente du contexte dans
son ensemble et de la complexité des questions en jeu. Un arrêt qui n’est
pas considéré comme logique et juste dans ses dimensions historique,
politique et sociale s’expose à ce que les parties s’y conforment difficile-

ment.
5. Les Parties au présent différend ont en commun une histoire post-
coloniale malheureuse. Elles ont été sous l’emprise de dictateurs sans
merci qui ont suscité une résistance violente et des rébellions armées. Le

renversement de ces dictatures (en 1986 en Ouganda et en 1997 en RDC)
n’a pas apporté la stabilité sur le plan interne; des groupes armés, fidèles
au précédent régime ou poursuivant des objectifs personnels et agissant à
partir de régions reculées de leur propre territoire ou depuis l’étranger,

ont continué de menacer les nouveaux dirigeants. A cet égard, les Parties
ont enduré les souffrances qui semblent être devenues endémiques dans la
plus grande partie du continent africain, celles des régimes placés sous la
menace constante de mouvements armés agissant souvent depuis le terri-

toire d’Etats voisins, dont les gouvernements parfois les soutiennent, plus
souvent se contentent de les tolérer, n’ayant pas les moyens d’y faire obs-
tacle ou de les repousser. On se trouve dans ce dernier cas en présence
d’un gouvernement qui, par défaut de pouvoir, ne parvient pas à exercer

efficacement son autorité territoriale; en un mot, l’autorité de l’Etat fait
partiellement défaut et l’exercice officiel des fonctions étatiques au niveau

1John P. Clark, professeur associé de relations internationales, The Journal of Modern
African Studies, vol. 39, 2001, p. 262.

143308 ARMED ACTIVITIES (SEP. OP. KOOIJMANS )

are unworthy of reliance from the very start and hardly contribute to the

creation of more stability.

6. Under such circumstances, the ruling powers may feel left to their

own resources. In order to fight the armed movements operating from
abroad, usually by carrying out hit and run tactics, they often engage in
a kind of hot pursuit onto neighbouring territory since diplomatic
démarches have no effect. They may, moreover, lack all confidence in the

good intentions of the neighbour Government in spite of its commit-
ments and this may, in turn, induce them to support opposition move-
ments seeking to overthrow that “untrustworthy” Government.

7. And so the circle is closed and we find ourselves confronted with a
pattern which is so typical for post-Cold War Africa: Governments, har-
assed by armed rebel movements often operating from foreign territory,

trying to improve their security by meddling in the affairs of neighbour-
ing States; Governments, moreover, which have sometimes come to
power through external intervention themselves but which, once in power,
turn against their former supporters in order to become master in their

own house and to strengthen their grip on the internal situation.
8. Needless to say, such chronic instability and the ensuing incessant
practice of unrestrained violence lead to immense human suffering. The
human disaster in Rwanda in 1994 is an extreme example, genocidal in

dimension, of a much more general pattern of gross violations of human
rights by warring factions and authorities trying to remain in power.

9. The organized international community has thus far been unable to
provide structural assistance, necessary to strengthen State institutions,
and has thus failed to lay the basis for an improved security system in the
region. It has mainly limited itself to monitoring the situation, providing

a sometimes robust, but more often impotent, peace-keeping assistance in
war-stricken areas, and to furnishing humanitarian assistance.

10. It is within this framework that the dispute before the Court must

be placed. It is not necessary to describe in detail the crisis as it developed
since the 1994 genocide in Rwanda nor to demonstrate how an increasing
number of States, in the Great Lakes region and even beyond, became
involved. These events have been well documented in various articles and

in a great number of reports from United Nations agencies and non-
governmental organizations . Suffice it to say that the Congo’s eastern

2See, inter alia, Mel McNulty, “The Collapse of Zaire: Implosion, Revolution or
External Sabotage?”, The Journal of Modern African Studies , Vol. 37 (1999), pp. 53-82;

144 ACTIVITÉS ARMÉES (OP .IND .KOOIJMANS ) 308

international dissimule mal ce manque d’autorité. Les engagements pris
par des gouvernements dans l’incapacité de les tenir manquent, dès leur

signature, de toute fiabilité et contribuent difficilement à créer plus de sta-
bilité.
6. Dans de telles circonstances, les instances dirigeantes peuvent se
sentir abandonnées à elles-mêmes. Afin de combattre les mouvements

armés opérant depuis l’étranger, lesquels recourent généralement à des
tactiques de raids éclairs, et puisque les démarches diplomatiques sont
inefficaces, elles s’attribuent souvent une sorte de droit de suite qu’elles
vont énergiquement exercer sur le territoire voisin. Elles risquent en outre
de perdre toute confiance dans les bonnes intentions du gouvernement

voisin, malgré les engagements pris par celui-ci, ce qui peut les conduire à
soutenir à leur tour les mouvements d’opposition cherchant à renverser
ce gouvernement «indigne de confiance».
7. La boucle est ainsi bouclée et l’on se trouve devant un schéma tout

à fait typique de l’Afrique de l’après-guerre froide: des gouvernements,
harcelés par des mouvements rebelles armés opérant souvent depuis un
territoire étranger, tentent de renforcer leur sécurité en s’ingérant dans les
affaires d’Etats voisins; des gouvernements, qui plus est, parfois eux-

mêmes parvenus au pouvoir grâce à une aide extérieure mais qui, une
fois au pouvoir, se retournent contre leurs anciens alliés afin de devenir
maîtres chez eux et de mieux contrôler la situation intérieure.
8. Cette instabilité chronique et les violences effrénées et incessantes

qui s’en sont suivies ont, inutile de le dire, été à l’origine d’immenses
souffrances. Le désastre humain qui s’est produit au Rwanda en 1994
constitue l’exemple extrême, porté aux dimensions d’un génocide, d’un
schéma beaucoup plus général de graves violations des droits de l’homme

par des factions armées et des autorités essayant de se maintenir au
pouvoir.
9. La communauté internationale organisée a jusqu’ici été incapable
de fournir une assistance structurelle, nécessaire pour renforcer les insti-

tutions étatiques, et n’a donc pas réussi à poser les bases d’un meilleur
système de sécurité dans la région. Elle s’est essentiellement limitée à
contrôler la situation, en fournissant une aide parfois solide, mais le plus
souvent impuissante, en vue de maintenir la paix dans des régions tou-

chées par la guerre, et à fournir une assistance humanitaire.
10. C’est dans ce cadre que doit être replacé le différend soumis à la
Cour. Il n’est pas nécessaire de décrire en détail la crise telle qu’elle a évo-
lué depuis le génocide rwandais de 1994 ni de démontrer comment elle
s’est étendue à un nombre croissant d’Etats de la région des Grands Lacs,

voire au-delà. Ces événements ont été solidement documentés dans plu-
sieurs articles ainsi que dans un grand nombre de rapports d’organes des
Nations Unies et d’organisations non gouvernementales . Je me conten-

2Voir, notamment, Mel McNulty, «The Collapse of Zaire: Implosion, Revolution or
External Sabotage?», The Journal of Modern African Studies , vol. 37, 1999, p. 53-82;

144309 ARMED ACTIVITIES (SEP. OP. KOOIJMANS )

border area, a “line of political instability on which the future of

central Africa may well hinge” (as it was aptly called by David Shearer),
occupied a central place in the crisis. The overall picture is moreover
obfuscated by the fact that, apart from the Governments involved, an
even greater number of insurgent movements, sometimes controlled by

Governments but more often with shifting alliances, determined and
determine the situation on the ground.

11. Is it possible to extract from this tangled web one element, to iso-

late it, to subject it to legal analysis and to arrive at a legal assessment as
to its consequences for the relations between only two of the parties
involved? A court mandated by its Statute to decide disputes between
States whenever it has jurisdiction to do so cannot refrain from carrying

out that mandate on the ground that its judgment would only cover one
dispute which is indissolubly linked to the overall conflict. The system of
international judicial dispute settlement is premised on the existence of a
series of bilateral inter-State disputes, artificial as this sometimes may be,

as became clear, for example, in the Legality of the Use of Force cases
(the Federal Republic of Yugoslavia versus ten individual Member States
of NATO).

12. In a slightly different context (different in that the dispute before
the Court was said to represent “a marginal and secondary aspect of an
overall problem” between the Parties) the Court stated that “no provi-
sion of the Statute or Rules contemplates that the Court should decline

to take cognizance of one aspect of a dispute merely because that dispute
has other aspects, however important”. In the present case the latter part
of the sentence could be paraphrased as “merely because that dispute is
intricately linked to a much wider problem which involves other parties

as well”. The Court went on to say that

“never has the view been put forward that, because a legal dispute
submitted to the Court is only one aspect of a political dispute, the

Court should decline to resolve for the parties the legal question at
issue between them . . .; if the Court were, contrary to its settled
jurisprudence, to adopt such a view, it would impose a far-reaching

Gérard Prunier, “Rebel Movements and Proxy Warfare: Uganda, Sudan and the Congo
(1986-1999)”, African Affairs, Vol. 103/412, pp. 359-383; John P. Clark’s article, cited in
footnote 1; David Shearer, “Africa’s Great War”, Survival, Vol. 41 (1999), pp. 89-106.
See also the following reports of the International Crisis Group: “North Kivu, into the
Quagmire?” (15 August 1998); “Congo at War, a Briefing on the Internal and External
Players in the Central African Conflict” (17 November 1998); “How Kabila Lost His
Way” (21 May 1999); “Africa’s Seven-Nation War” (21 May 1999); “The Agreement on
a Cease-Fire in the Democratic Republic of Congo” (20 August 1999).

145 ACTIVITÉS ARMÉES (OP. IND .KOOIJMANS ) 309

terai de dire que la région frontalière à l’est du Congo, «une ligne d’ins-
tabilité politique dont l’avenir de l’Afrique centrale pourrait bien dé-
pendre» (comme l’a judicieusement qualifiée David Shearer), a occupé

une place centrale dans la crise. Ce tableau se trouve par ailleurs obscurci
par le fait que, mis à part les gouvernements impliqués, un nombre
encore plus grand de mouvements d’insurgés, parfois contrôlés par des
gouvernements mais entretenant le plus souvent des alliances instables,

a dicté et continue de dicter la situation sur le terrain.
11. Est-il vraiment possible d’extraire un fil de cet écheveau, de l’isoler,
de le soumettre à une analyse juridique et de parvenir à une évaluation
juridique de ses conséquences sur les relations existant entre seulement

deux des parties impliquées? Une cour, à laquelle son statut donne pour
mandat de trancher des différends entre Etats dès lors qu’elle est compé-
tente, ne peut s’abstenir d’exécuter ce mandat au motif que son arrêt ne

couvrirait qu’un différend, lequel est lié de manière indissoluble à l’en-
semble du conflit. Comme cela est apparu clairement dans les affaires
relatives à la Licéité de l’emploi de la force (la République fédérale de
Yougoslavie contre dix Etats membres de l’OTAN), notamment, le

système de règlement judiciaire international des différends pose comme
prémisse l’existence de différends bilatéraux entre Etats, différends qui
peuvent parfois être artificiels.

12. Dans un contexte légèrement différent (en ce qu’il a été dit que le
différend soumis à la Cour représentait «un élément marginal et secon-
daire d’un problème d’ensemble» entre les Parties), la Cour a indiqué
qu’«aucune disposition du Statut ou du Règlement ne lui interdit de se

saisir d’un aspect d’un différend pour la simple raison que ce différend
comporterait d’autres aspects, si importants soient-ils». En l’espèce, on
pourrait paraphraser le dernier membre de la phrase comme suit: «pour

la simple raison que ce différend est lié de manière inextricable à un pro-
blème bien plus large qui implique également d’autres parties». La Cour
a poursuivi en indiquant que

«[n]ul n’a ... jamais prétendu que, parce qu’un différend juridique

soumis à la Cour ne constitue qu’un aspect d’un différend politique,
la Cour doit se refuser à résoudre dans l’intérêt des parties les ques-
tions juridiques qui les opposent...; si la Cour, contrairement à sa
jurisprudence constante, acceptait une telle conception, il en résulte-

Gérard Prunier, «Rebel Movements and Proxy Warfare: Uganda, Sudan and the Congo
(1986-1999)», African Affairs, vol. 103, n p. 359-383; l’article de John P. Clark cité
dans la note de bas de page n David Shearer, «Africa’s Great War», Survival, vol. 41,
1999, p. 89-106; voir également les rapports suivants de l’International Crisis Group:
«North Kivu, into the Quagmire?» (15 août 1998); «Congo at War, a Briefing on the
Internal and External Players in the Central African Conflict» (17 novembre 1998);
«How Kabila Lost His Way» (21 mai 1999); «Africa’s Seven-Nation War» (21 mai
1999); «The Agreement on a Cease-Fire in the Democratic Republic of Congo» (20 août

1999).

145310 ARMED ACTIVITIES SEP .OP. KOOIJMANS )

and unwarranted restriction upon the role of the Court in the peace-
ful solution of international disputes” (United States Diplomatic and

Consular Staff in Tehran, Judgment, I.C.J. Reports 1980 ,p .,
para. 37; emphasis added).

13. The last part of this quotation illustrates the important place
assigned by the Charter to the Court in the context of the peaceful
settlement of disputes, as is clear from Article 36, paragraph 3, in

Chapter VI on the Pacific Settlement of Disputes. The concept of peaceful
dispute settlement is premised on the condition that the parties to a dis-
pute find their particular position and their specific concerns reflected in
the settlement suggested to or imposed upon them. That settlement must
acknowledge those concerns, even if it fails to satisfy the parties’ demands

or even censures their conduct.
14. I regret that the Judgment of the Court in my view falls short of
meeting the standard just mentioned. It inadequately reflects the struc-
tural instability and insecurity in the region, the overall pattern of law-

lessness and disorder and the reprehensible behaviour of all parties
involved. A reading of the Judgment cannot fail to leave the impression
that the dispute is first and foremost a dispute between two neighbouring
States about the use of force and the ensuing excesses, perpetrated by one

of them. A two-dimensional picture may correctly depict the object
shown but it lacks depth and therefore does not reflect reality in full.

15. It is true that in paragraph 26 the Court states that it is aware of
the complexity of the situation which has prevailed in the Great Lakes
region and that the instability in the DRC has had negative security
implications for Uganda and other neighbouring States.

It is also true that in paragraph 221 the Court observes that the actions
of the various Parties in the complex conflict have contributed to the
immense suffering faced by the Congolese population.
But in my view this awareness is insufficiently reflected in the Court’s

consideration of the various claims of the Parties. I will try to demon-
strate this in the sections of this opinion dealing with the right of self-
defence as claimed by Uganda (see B below), Uganda’s first counter-
claim (see E below) and Uganda’s breach of its obligations under the
Order on provisional measures (see D below).

B. U SE OF F ORCE
AND S ELF-DEFENCE

16. I am in full agreement with the Court that, as from the beginning
of August 1998, Uganda could, for the presence of its forces on Congo-

146 ACTIVITÉS ARMÉES (OP. IND. KOOIJMANS ) 310

rait une restriction considérable et injustifiée de son rôle en matière
de règlement pacifique des différends internationaux» (Personnel
diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran, arrêt , C.I.J.

Recueil 1980, p. 20, par. 37; les italiques sont de moi).

13. La dernière partie de cette citation illustre la place importante assi-
gnée par la Charte à la Cour en matière de règlement pacifique des dif-
férends, au paragraphe 3 de l’article 36, qui figure au chapitre VI, consa-
cré au règlement pacifique des différends. Le concept de règlement
pacifique des différends suppose que les parties à un différend trouvent,

dans le règlement qui leur est proposé ou imposé, l’expression de leur
position particulière et de leurs inquiétudes spécifiques. Le règlement doit
reconnaître ces préoccupations, même s’il ne satisfait pas les demandes
des parties, voire censure leur conduite.

14. Je regrette que l’arrêt de la Cour ne remplisse pas, selon moi, le
critère que je viens de mentionner. Il rend compte de manière imparfaite
de l’instabilité et de l’insécurité structurelles dans la région, de la ten-
dance générale à l’anarchie et au désordre ainsi que du comportement
répréhensible de toutes les parties impliquées. En lisant l’arrêt, l’on

n’échappe pas à l’impression que le différend est d’abord et avant tout un
différend entre deux Etats voisins portant sur l’emploi de la force par l’un
d’eux et les excès dont il s’est ensuite rendu coupable. Une image en deux
dimensions peut représenter correctement un objet, mais elle manque de

profondeur et ne fait, par conséquent, pas apparaître la réalité dans son
entier.
15. Il est vrai qu’au paragraphe 26 la Cour indique être consciente de
la situation complexe qui prévaut dans la région des Grands Lacs et du

fait que l’instabilité en RDC a eu des incidences négatives pour la sécurité
de l’Ouganda et d’autres Etats voisins.
Il est également vrai qu’au paragraphe 221 la Cour observe que les
actes commis par les diverses parties à ce conflit complexe ont contribué
aux immenses souffrances de la population congolaise.

Mais, selon moi, cette conscience n’apparaît pas suffisamment dans
l’examen fait par la Cour des différentes demandes des Parties. C’est ce
que je vais tenter de démontrer dans les sections de la présente opinion
qui traitent du droit de légitime défense tel qu’invoqué par l’Ouganda

(voir sect. B ci-après), de la première demande reconventionnelle de
l’Ouganda (voir sect. E) et de la violation par l’Ouganda des obligations
qui lui incombaient en vertu de l’ordonnance en indication de mesures
conservatoires (voir sect. D).

B. E MPLOI DE LA FORCE
ET LÉGITIME DÉFENSE

16. Je partage pleinement l’opinion de la Cour selon laquelle, à comp-
ter de début août 1998, l’Ouganda ne pouvait plus s’appuyer sur le

146311 ARMED ACTIVITIES (SEP. OP.KOOIJMANS )

lese territory, no longer rely on the consent given by the DRC and that its
military activities from that time on thus can only be considered in the
light of the right of self-defence (Judgment, para. 106).

17. In the preceding months the initially warm relations between the
Presidents of the DRC and Uganda had soured. In that same period the
frequency and intensity of attacks by Ugandan rebel movements oper-
ating from Congolese territory had increased. In less than two months
five attacks of a serious nature, in which a considerable number of

civilians were killed or abducted, had taken place (Judgment, para. 132).
A reoccurrence of the chronic instability of the pre-1997 period was, in
particular after the outbreak of a rebellion against President Kabila on
2 August, certainly not beyond the realm of possibility.

18. Uganda chose to react by stepping up its military activities on the
Congolese side of the border. During the month of August the UPDF
successively took the towns and airports of Beni, Bunia and Watsa, “all
in close proximity to the border”. I fully agree with the Court when it

states that these actions were of a different nature from previous opera-
tions along the common border under the informal bilateral agreement
(Judgment, para. 110). They were military assaults which could only be
justified under the law of self-defence.

19. Uganda has claimed that the Congolese authorities were actively
supporting the Ugandan rebels in carrying out their attacks but the
Court has not been able to find “satisfactory proof of the involvement in
these attacks, direct or indirect, of the Government of the DRC”. It thus
found that these attacks could not be attributed to the DRC and I cannot

fault this finding. (Judgment, para. 146.)

20. The Court consequently finds that “[f]or all these reasons . . . the
legal and factual circumstances for the exercise of the right of self-defence

by Uganda against the DRC were not present”. Then follows, however, a
sentence which is not altogether clear:

“Accordingly, the Court has no need to respond to the con-
tentions of the Parties as to whether and under what conditions

contemporary international law provides for a right of self-
defence against large-scale attacks by irregular forces.” (Judgment,
para. 147.)

21. Presumably, the Court refers here to the exchange of arguments
between the Parties whether the threshold, which the Court had pre-
viously determined as appropriate in characterizing support of activities
by irregular bands as an attack by the “supporting” State (Military and
Paramilitary Activities in and against Nicaragua (Nicaragua v. United

States of America), Merits, Judgment, I.C.J. Reports 1986 , p. 104,

147 ACTIVITÉS ARMÉES (OP.IND .KOOIJMANS ) 311

consentement donné par la RDC pour justifier la présence de ses forces

sur le territoire congolais, les activités militaires engagées par l’Ouganda
à partir de cette date ne pouvant dès lors être examinées qu’au regard du
droit de légitime défense (arrêt, par. 106).
17. Au cours des mois précédents, les bonnes relations, qui avaient
tout d’abord existé entre les présidents de la RDC et de l’Ouganda

s’étaient dégradées. Pendant cette même période, la fréquence et l’inten-
sité des attaques perpétrées par des mouvements rebelles ougandais opé-
rant à partir du territoire congolais avaient augmenté. En moins de deux
mois, cinq attaques graves avaient eu lieu, au cours desquelles un nombre
considérable de civils avaient été tués ou blessés (arrêt, par. 132). Un

retour à l’instabilité chronique d’avant 1997 n’était certainement pas du
domaine de l’impossible, en particulier après le déclenchement, le 2 août,
d’une rébellion contre le président Kabila.
18. L’Ouganda choisit de réagir en intensifiant ses activités militaires

du côté congolais de la frontière. Pendant le mois d’août, les UPDF
s’emparèrent successivement des villes et aéroports de Béni, Bunia et
Watsa, «toutes situées à proximité immédiate de la frontière». Je partage
entièrement l’avis de la Cour lorsqu’elle juge que la nature de ces actions
différait de celle des opérations antérieures entreprises le long de la fron-

tière commune en vertu de l’accord bilatéral informel (arrêt, par. 110). Il
s’agissait d’assauts militaires, qui ne pouvaient être justifiés qu’en vertu
du droit de légitime défense.
19. L’Ouganda a prétendu que les autorités congolaises soutenaient
activement les attaques lancées par les rebelles ougandais, mais la Cour

n’a pas été en mesure de trouver «de preuve satisfaisante d’une implica-
tion directe ou indirecte du Gouvernement de la RDC dans ces at-
taques». Elle en a donc conclu que ces attaques ne pouvaient être
attribuées à la RDC et je ne trouve aucune faille dans cette conclusion
(arrêt, par. 146).

20. La Cour conclut donc que, «[p]our tous [c]es motifs..., les condi-
tions de droit et de fait justifiant l’exercice d’un droit de légitime défense
par l’Ouganda à l’encontre de la RDC n’étaient pas réunies». Toutefois,
la phrase suivante n’est pas tout à fait claire:

«En conséquence, elle n’a pas à se prononcer sur les arguments
des Parties relatifs à la question de savoir si et à quelles conditions le
droit international contemporain prévoit un droit de légitime défense
pour riposter à des attaques d’envergure menées par des forces irré-
gulières.» (Arrêt, par. 147.)

21. La Cour se réfère vraisemblablement ici à l’échange de vues entre
les Parties sur la question de savoir si le seuil, que la Cour avait précé-
demment déterminé comme approprié lorsqu’elle avait qualifié le soutien
aux activités de groupes irréguliers d’attaque de l’Etat «qui apporte le

soutien» (Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre
celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil

147312 ARMED ACTIVITIES (SEP. OP. KOOIJMANS )

para. 195), was still in conformity with contemporary international
law.
In the oral pleadings counsel for Uganda contended that

“armed attacks by armed bands whose existence is tolerated by the
territorial sovereign generate legal responsibility and therefore con-
stitute armed attacks for the purpose of Article 51. And thus, there is

a separate, a super-added standard of responsibility, according to
which a failure to control the activities of armed bands, creates
a susceptibility to action in self-defence by neighbouring States.”
(CR 2005/7, p. 30, para. 80.)

The DRC for its part denied that the mere acknowledgment that
armed groups were present on its territory was tantamount to support.

“To assimilate mere tolerance by the territorial sovereign of armed
groups on its territory with an armed attack clearly runs counter to
the most established principles in such matters. That position, which
consists in considerably lowering the threshold required for the
establishment of aggression, obviously finds no support in the

Nicaragua Judgment.” (CR 2005/12, p. 26, para. 6.)

22. The Court does not deem it necessary at this point to deal with
these contentions since it has found that the attacks by the rebels “did
not emanate from armed bands or irregulars sent by the DRC or on
behalf of the DRC, within the sense of Article 3 (g) of General Assembly
resolution 3314 (XXIX) on the definition of aggression adopted on

14 December 1974” (Judgment, para. 146; emphasis added). By drawing
this conclusion, the Court, however, implicitly rejects Uganda’s argument
that mere tolerance of irregulars “creates a susceptibility to action in self-
defence by neighbouring States”.

23. It deserves mentioning, however, that the Court deals in more
explicit detail with this issue when considering Uganda’s first counter-
claim with regard to the period 1994-1997. The Court there says that it
“cannot conclude that the absence of action by Zaire’s Government

against the rebel groups in the border area is tantamount to ‘tolerating’
or ‘acquiescing’ in their activities” and that “[t]hus the part of Uganda’s
first counter-claim alleging Congolese responsibility for tolerating the
rebel groups prior to May 1997 cannot be upheld.” (Judgment, para. 301).

24. I agree that in general it cannot be said that a mere failure to con-
trol the activities of armed bands present on a State’s territory is by itself
tantamount to an act which can be attributed to that State, even though

I do not share the Court’s finding with regard to the first counter-claim.

148 ACTIVITÉS ARMÉES (OP. IND. KOOIJMANS ) 312

1986, p. 104, par. 195), était toujours conforme au droit international

contemporain.
Au cours de sa plaidoirie, le conseil de l’Ouganda a affirmé que:

«les agressions armées menées par des bandes armées dont l’exis-
tence est tolérée par le souverain territorial créent une responsabilité
en droit et constituent par conséquent des agressions armées au sens
de l’article 51. Il existe de ce fait une norme distincte, surajoutée, de
responsabilité suivant laquelle, en l’absence de contrôle exercé sur

l’activité de bandes armées, on risquera de voir des Etats voisins
prendre l’initiative d’assurer leur légitime défense.» (CR 2005/7,
p. 30, par. 80.)

La RDC a nié, pour sa part, que le simple fait de reconnaître que des
groupes armés étaient présents sur son territoire revienne à apporter un
soutien à ces groupes.

«L’assimilation d’une simple tolérance du souverain territorial à
l’égard de bandes armées présentes sur son territoire à un acte

d’agression va clairement à l’encontre des principes les mieux établis
dans le domaine. Cette position, qui consiste à abaisser considéra-
blement le seuil requis pour que l’on puisse parler d’agression,
ne peut évidemment trouver aucun appui dans l’arrêt Nicaragua.»
(CR 2005/12, p. 26, par. 6.)

22. La Cour n’a pas jugé nécessaire à ce stade de se pencher sur ces
affirmations puisqu’elle conclut que les attaques par les rebelles «n’étaient

pas le fait de bandes armées ou de forces irrégulières envoyées par la
RDC ou en son nom, au sens de l’article 3 g) de la résolution 3314
(XXIX) de l’Assemblée générale sur la définition de l’agression, adoptée
le 14 décembre 1974» (arrêt, par. 146; les italiques sont de moi). En tirant
cette conclusion, la Cour rejette toutefois implicitement l’argument de

l’Ouganda selon lequel le simple fait de tolérer des irréguliers «risquera
de voir des Etats voisins prendre l’initiative d’assurer leur légitime
défense».
23. Le fait que la Cour traite de cette question de manière plus
détaillée lorsqu’elle examine la première demande reconventionnelle de

l’Ouganda au regard de la période allant de 1994 à 1997 mérite cependant
d’être mentionné. La Cour indique alors qu’elle «ne saurait ... conclure
que l’absence d’action du Gouvernement du Zaïre à l’encontre des
groupes rebelles dans la région frontalière correspond à une «tolé-
rance» de ces activités ou à un «acquiescement» à celles-ci» et que «[l]e

volet de la première demande reconventionnelle de l’Ouganda qui met en
cause la responsabilité de la RDC pour avoir toléré les groupes rebelles
avant le mois de mai 1997 ne peut donc être retenu» (arrêt, par. 301).
24. Je conviens que, de manière générale, on ne peut dire que la simple
incapacité à contrôler les activités de bandes armées présentes sur le ter-

ritoire d’un Etat corresponde en soi à un acte pouvant être attribué à cet
Etat, même si je ne partage pas la conclusion de la Cour concernant la

148313 ARMED ACTIVITIES (SEP.OP. KOOIJMANS )

But I fail to understand why the Court said explicitly there what it only
said implicitly with regard to the DRC’s first claim, notwithstanding that
Uganda raised that very same argument when it contested that claim.

25. What is more important, however, is that the Court refrains from
taking a position with regard to the question whether the threshold set
out in the Nicaragua Judgment is still in conformity with contemporary
international law in spite of the fact that that threshold has been subject

to increasingly severe criticism ever since it was established in 1986. The
Court thus has missed a chance to fine-tune the position it took 20 years
ago in spite of the explicit invitation by one of the Parties to do so.

26. But the sentence quoted in paragraph 20 calls for another com-

ment. Even if one assumes (as I am inclined to do) that mere failure to
control the activities of armed bands cannot in itself be attributed to the
territorial State as an unlawful act, that in my view does not necessarily
mean that the victim State is under such circumstances not entitled to

exercise the right of self-defence under Article 51. The Court only deals
with the question whether Uganda was entitled to act in self-defence
against the DRC and replies in the negative since the activities of the
rebel movements could not be attributed to the DRC. By doing so, the
Court does not answer the question as to the kind of action a victim State

is entitled to take if the armed operation by irregulars, “because of its
scale and effects, would have been classified as an armed attack rather
than as a mere frontier incident had it been carried out by regular armed
forces” (Military and Paramilitary Activities in and against Nicaragua
(Nicaragua v. United States of America), Merits, Judgment, I.C.J.

Reports 1986, p. 103, para. 195) but no involvement of the “host Govern-
ment” can be proved.

27. The Court seems to take the view that Uganda would have only

been entitled to self-defence against the DRC since the right of self-
defence is conditional on an attack being attributable, either directly or
indirectly, to a State. This would be in line with what the Court said in its
Advisory Opinion of 9 July 2004: “Article 51 of the Charter thus recog-
nizes the existence of an inherent right of self-defence in the case of

armed attack by one State against another State ”( Legal Consequences of
the Construction of a Wall in the Occupied Palestinian Territory , I.C.J.
Reports 2004, p. 194, para. 139; emphasis added).

28. By implicitly sticking to that position, the Court seems to ignore or
even to deny the legal relevance of the question referred to at the end of
paragraph 26.
But, as I already pointed out in my separate opinion to the 2004
Advisory Opinion on Legal Consequences of the Construction of a Wall

in the Occupied Palestinian Territory , Article 51 merely

149 ACTIVITÉS ARMÉES (OP.IND .KOOIJMANS ) 313

première demande reconventionnelle. Mais je ne comprends pas pour-

quoi la Cour a alors exprimé de façon explicite ce qu’elle n’a indiqué que
de façon implicite lorsqu’elle a examiné la première demande de la RDC,
bien que l’Ouganda ait soulevé exactement le même argument quand il a
contesté cette demande.
25. Mais ce qui importe davantage, c’est que la Cour n’ait pas pris

position sur la question de savoir si le seuil établi dans l’arrêt rendu en
l’affaire des Activités militaires et paramilitaires demeurait conforme au
droit international contemporain, bien que ce seuil ait fait l’objet de cri-
tiques de plus en plus nombreuses depuis qu’il a été énoncé en 1986. La
Cour a ainsi laissé passer, malgré l’invitation explicite faite en ce sens par

l’une des Parties, une occasion de préciser sa position adoptée vingt ans
plus tôt.
26. Mais la phrase citée au paragraphe 20 appelle un autre commen-
taire. A supposer même (comme je suis tenté de le faire) que la simple

absence de contrôle des activités de bandes armées ne puisse pas, en soi,
être imputée comme acte illicite à l’Etat sur le territoire duquel ces acti-
vités s’exercent, cela ne signifie pas nécessairement selon moi que l’Etat
victime ne soit pas en droit, dans de telles circonstances, d’exercer le droit
de légitime défense prévu à l’article 51. La Cour ne traite que de la ques-

tion de savoir si l’Ouganda était en droit d’agir en légitime défense contre
la RDC et répond par la négative puisque les activités des mouvements
rebelles ne pouvaient pas être imputées à la RDC. En procédant ainsi, la
Cour ne répond pas à la question de savoir quelle sorte d’action un Etat
victime peut prendre si l’action armée de forces irrégulières est telle «par

ses dimensions et ses effets, qu’elle aurait été qualifiée d’agression armée
et non de simple incident de frontière si elle avait été le fait de forces
armées régulières» (Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et
contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J.
Recueil 1986, p. 104, par. 195), mais qu’aucune implication du «gouver-

nement hôte» ne peut être prouvée.
27. La Cour semble adopter l’opinion selon laquelle l’Ouganda ne
pouvait se prévaloir du droit de légitime défense que contre la RDC,
puisque le droit de légitime défense est subordonné à une attaque impu-
table, directement ou indirectement, à un Etat. Cette position irait dans

le sens de ce qu’a dit la Cour dans son avis consultatif du 9 juillet 2004:
«L’article 51 de la Charte reconnaît ainsi l’existence d’un droit naturel
de légitime défense en cas d’agression armée par un Etat contre un
autre Etat.» ( Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le
territoire palestinien occupé, C.I.J. Recueil 2004 , p. 194, par. 139; les

italiques sont de moi.)
28. En s’en tenant implicitement à cette position, la Cour semble igno-
rer, voire même nier, l’importance juridique de la question soulevée à la
fin du paragraphe 26.
Mais, comme je l’ai déjà souligné dans mon opinion individuelle jointe

à l’avis consultatif de 2004 relatif aux Conséquences juridiques de l’édifi-
cation d’un mur dans le territoire palestinien occupé , l’article 51

149314 ARMED ACTIVITIES (SEP. OP. KOOIJMANS )

“conditions the exercise of the inherent right of self-defence on a

previous armed attack without saying that this armed attack must
come from another State even if this has been the generally accepted
interpretation for more than 50 years” (I.C.J. Reports 2004, p. 230,

para. 35).

I also observed that this interpretation no longer seems to be shared by
the Security Council, since in resolutions 1368 (2001) and 1373 (2001) it
recognizes the inherent right of individual or collective self-defence with-

out making any reference to an armed attack by a State. In these resolu-
tions the Council called acts of international terrorism, without any
further qualification and without ascribing them to a particular State, a
threat to international peace and security.

29. If the activities of armed bands present on a State’s territory can-
not be attributed to that State, the victim State is not the object of an
armed attack by it. But if the attacks by the irregulars would, because of

their scale and effects, have had to be classified as an armed attack had
they been carried out by regular armed forces, there is nothing in the
language of Article 51 of the Charter that prevents the victim State
from exercising its inherent right of self-defence.

30. When dealing with the first counter-claim in paragraph 301 of the
Judgment, the Court describes a phenomenon which in present-day inter-

national relations has unfortunately become as familiar as terrorism, viz.
the almost complete absence of government authority in the whole or
part of the territory of a State. If armed attacks are carried out by irregu-
lar bands from such territory against a neighbouring State, they are still

armed attacks even if they cannot be attributed to the territorial State. It
would be unreasonable to deny the attacked State the right to self-
defence merely because there is no attacker State, and the Charter does
not so require. “Just as Utopia is entitled to exercise self-defence against

an armed attack by Arcadia, it is equally empowered to defend itself
against armed bands or terrorists operating from within the Arcadian
territory”, as Professor Yoram Dinstein puts it . 3

31. Whether such reaction by the attacked State should be called self-
defence or an act under the state of necessity or be given a separate
name, for example “extra-territorial law enforcement”, as suggested by
Dinstein himself, is a matter which is not relevant for the present pur-

pose. The lawfulness of the conduct of the attacked State must be put to
the same test as that applied in the case of a claim of self-defence against
a State: does the armed action by the irregulars amount to an armed

3
4 Yoram Dinstein, War, Aggression and Self-Defence , 3rd ed., 2001, p. 216.
See Oscar Schachter, “The Use of Force against Terrorists in Another Country”,
Israel Yearbook on Human Rights , Vol. 19 (1989), pp. 225 ff.

150 ACTIVITÉS ARMÉES (OP. IND. KOOIJMANS ) 314

«subordonne [simplement] l’exercice du droit naturel de légitime
défense à l’existence d’une agression armée préalable sans indiquer
que cette agression armée doit être le fait d’un autre Etat, même si

telle est l’interprétation qui est généralement acceptée depuis plus de
cinquante ans» (C.I.J. Recueil 2004, p. 230, par. 35).

J’ai également fait observer que cette interprétation ne semblait plus être
partagée par le Conseil de sécurité, celui-ci ayant reconnu, dans ses réso-

lutions 1368 (2001) et 1373 (2001), le droit naturel de légitime défense,
individuelle ou collective, sans faire aucunement référence à une agres-
sion armée par un Etat. Dans ces résolutions, le Conseil a désigné les
actes de terrorisme international, sans les qualifier plus avant et sans les

imputer à un Etat particulier, comme constituant une menace pour la
paix et la sécurité internationales.
29. Si les activités des bandes armées présentes sur le territoire d’un

Etat ne peuvent pas être attribuées à celui-ci, l’Etat victime ne fait pas
l’objet d’une agression armée de la part de l’Etat en question. Mais si l’on
se trouve dans la situation où les attaques perpétrées par des forces irré-
gulières auraient pu, par leurs dimensions et leurs effets, être qualifiées

d’agression armée eussent-elles été le fait de forces armées régulières, rien
dans les termes de l’article 51 de la Charte n’empêche l’Etat victime
d’exercer son droit naturel de légitime défense.
30. Traitant de la première demande reconventionnelle au paragraphe

301 de l’arrêt, la Cour décrit un phénomène qui, dans les relations inter-
nationales actuelles, est malheureusement devenu aussi courant que le
terrorisme, à savoir l’absence presque totale d’autorité gouvernementale

sur tout ou partie du territoire d’un Etat. Si des forces irrégulières
conduisent des attaques armées à partir d’un tel territoire à l’encontre
d’un Etat voisin, ces attaques restent des attaques armées même si elles ne
peuvent être attribuées à l’Etat à partir du territoire duquel elles sont

menées. Il ne serait pas raisonnable de nier à l’Etat agressé le droit de
légitime défense, simplement parce qu’il n’y a pas d’Etat agresseur, ce que
la Charte n’exige pas. «De la même façon qu’Utopie a le droit d’exercer

la légitime défense contre une agression armée d’Arcadie, elle a le droit de
se défendre contre des bandes armées ou des terroristes opérant à partir
du territoire arcadien», ainsi que l’a exposé M. Yoram Dinstein . 3
31. Qu’une telle réaction de la part de l’Etat attaqué soit appelée légi-
4
time défense ou acte au titre de l’état de nécessité ou encore qu’il lui soit
donné un autre nom, par exemple, «exercice extraterritorial des pouvoirs
de police», comme l’a proposé Dinstein lui-même, est une question qui ne
présente en l’espèce aucune pertinence. La licéité de la conduite de l’Etat

attaqué doit être soumise au même examen qu’une prétention de légitime
défense formulée à l’encontre d’un Etat: l’action armée de forces régu-

3 Yoram Dinstein, War, Agression and Self-Defence ,éd., 2001, p. 216.
4 Voir Oscar Schachter, «The Use of Force against Terrorists in Another Country»,

Israel Yearbook on Human Rights , vol. 19, 1989, p. 225 et suiv.

150315 ARMED ACTIVITIES (SEP. OP. KOOIJMANS )

attack and, if so, is the armed action by the attacked State in conformity
with the requirements of necessity and proportionality.
32. As for the first question, I am of the view that the series of attacks
which were carried out from June till the beginning of August 1998, and

which are enumerated in paragraph 132 of the Judgment, can be said
to have amounted to an armed attack in the sense of Article 51, thus
entitling Uganda to the exercise of self-defence. Although Uganda,
during the proceedings, persistently claimed that the DRC was directly
or indirectly involved in these attacks, the finding that this allegation

cannot be substantiated and that these attacks are therefore not attribu-
table to the DRC has no direct legal relevance for the question whether
Uganda is entitled to exercise its right of self-defence.

33. The next question therefore is: was this right of self-defence exer-

cised in conformity with the rules of international law?

During the month of August 1998 Ugandan military forces seized a
number of towns and airports in an area contiguous to the border-zone

where Uganda had previously operated with the consent of and, accord-
ing to the Protocol of April 1998, in co-operation with the DRC.

Taking into account the increased instability and the possibility of a
return to the undesirable conditions of the late Mobutu period, I do not

find these actions unnecessary or disproportionate to the purpose of
repelling the persistent attacks of the Ugandan rebel movements.

34. It was only when Uganda acted upon the invitation of Rwanda
and sent a battalion to occupy the airport of Kisangani — located at a

considerable distance from the border area — on 1 September 1998 that
it grossly overstepped the limits set by customary international law for
the lawful exercise of the right of self-defence.
Not by any stretch of the imagination can this action or any of the

subsequent attacks against a great number of Congolese towns and mili-
tary bases be considered as having been necessitated by the protection of
Uganda’s security interests. These actions moreover were grossly dispro-
portionate to the professed aim of securing Uganda’s border from armed
attacks by anti-Ugandan rebel movements.

35. I therefore fully share the Court’s final conclusion that Uganda’s
military intervention was of such a magnitude and duration that it must
be considered a grave violation of the prohibition on the use of force

expressed in Article 2, paragraph 4, of the Charter (Judgment, para. 165).

I feel strongly, however, that the Court, on the basis of the facts and
the arguments presented by the Parties and irrespective of the motives
ascribed to them, should have gone further than merely finding that

Uganda had failed to substantiate its claim that the DRC was directly or

151 ACTIVITÉS ARMÉES (OP. IND. KOOIJMANS ) 315

lières correspond-elle à une agression armée, et, si oui, la réaction de l’Etat
agressé satisfait-elle aux exigences de nécessité et de proportionnalité?
32. Pour ce qui est de la première question, je suis d’avis que les at-
taques menées entre juin et début août 1998, lesquelles sont énumérées

au paragraphe 132 de l’arrêt, peuvent être considérées comme correspon-
dant à une agression armée au sens de l’article 51, autorisant ainsi
l’Ouganda à exercer son droit de légitime défense. Bien que l’Ouganda ait
prétendu obstinément, pendant la procédure, que la RDC était directe-
ment ou indirectement impliquée dans ces attaques, la conclusion selon

laquelle cette allégation ne peut être étayée et ces attaques ne sont par
conséquent pas attribuables à la RDC n’a aucune pertinence juridique
directe quant à la question de savoir si l’Ouganda pouvait exercer son
droit de légitime défense.
33. La question qui se pose ensuite est par conséquent la suivante: Ce

droit de légitime défense a-t-il été exercé conformément aux règles du
droit international?
Pendant le mois d’août 1998, les forces militaires ougandaises se sont
emparées d’un certain nombre de villes et d’aéroports dans une région

adjacente à la zone frontalière dans laquelle l’Ouganda avait antérieure-
ment agi avec le consentement de la RDC et, conformément au protocole
d’avril 1998, en coopération avec elle.
Si l’on tient compte de l’instabilité croissante et de la possibilité d’un
retour à la situation indésirable qui avait prévalu à la fin de la période

Mobutu, j’estime que ces actions étaient nécessaires et proportionnées
par rapport à l’objectif visant à repousser les attaques continuelles des
mouvements rebelles ougandais.
34. Ce n’est que lorsque l’Ouganda, agissant à l’instigation du Rwanda,
a, le 1r septembre 1998, envoyé un bataillon pour occuper l’aéroport de

Kisangani — situé à une distance considérable de la région frontalière —
qu’il a largement dépassé les limites fixées par le droit international cou-
tumier à l’exercice licite du droit de légitime défense.
Même un gros effort d’imagination ne permet pas de considérer cette

action, ni aucune des attaques suivantes contre un grand nombre de villes
et de bases militaires congolaises, comme nécessaire à la protection des
intérêts de l’Ouganda en matière de sécurité. En outre, ces actions étaient
largement disproportionnées par rapport à l’objectif annoncé de sécu-
riser la frontière ougandaise contre les attaques armées des mouvements

rebelles antiougandais.
35. Par conséquent, je partage pleinement la conclusion finale de la
Cour selon laquelle l’intervention militaire de l’Ouganda a été d’une
ampleur et d’une durée telles qu’elle doit être considérée comme une vio-

lation grave de l’interdiction de l’emploi de la force énoncée au para-
graphe 4 de l’article 2 de la Charte des Nations Unies (arrêt, par. 165).
Toutefois, je suis convaincu que la Cour, sur la base des faits et des
arguments que lui ont présentés les Parties et indépendamment des motifs
qu’elles leur ont attribués, n’aurait pas dû se limiter à conclure que

l’Ouganda n’avait pas réussi à étayer sa thèse selon laquelle la RDC était

151316 ARMED ACTIVITIES (SEP. OP. KOOIJMANS )

indirectly involved in the attacks by the rebel movements and thus con-

cluding that Uganda was not entitled to self-defence. In the circum-
stances of the case and in view of its complexity, a further legal analysis
of Uganda’s position, and the rights ensuing therefrom, would in my
view have been appropriate.

Thus the Court has forgone a precious opportunity to provide clarifi-
cation on a number of issues which are of great importance for present-
day international society but still are largely obscure from a legal point of
view.

C. B ELLIGERENT O CCUPATION

36. The Court is of the view that Uganda must be considered as
the occupying Power, in the sense of the jus in bello, in Ituri district. It

further concludes that it has not been provided with evidence to show
that authority as occupying Power was exercised by Ugandan armed
forces in any areas other than in Ituri district (Judgment, paras. 176 and
177).

37. Although I have no difficulty with the Court’s finding with regard
to Ituri district, I have some doubts in respect of the Court’s reasoning
leading to the conclusion that Uganda was not in the position of an
occupying Power in other areas invaded by the UDPF.

38. Article 42 of the 1907 Hague Regulations provides that:
“territory is considered occupied when it is actually placed under the

authority of the hostile army.
The occupation extends only to the territory where such authority
has been established and can be exercised.”

To all appearances this definition is based on factual criteria. However,
as Professor Adam Roberts aptly remarks: “The core meaning of the

term is obvious enough; but 5s usually happens with abstract concepts,
its frontiers are less clear.”

39. The reasons for this lack of clarity may in the first place be of a

factual nature. The situation on the ground is often confused and the
parties involved may present conflicting pictures of this situation. In the
present case, however, the Parties agree to a remarkably great extent on
the localities taken by the UPDF in the relevant period. They differ, how-

ever, considerably on the question whether the places where Ugandan
troops were present, were actually under the authority of Uganda. This is
mainly a factual issue.

40. The lack of clarity may, however, also be due to non-factual con-

5Adam Roberts, “What Is Military Occupation?”, British Year Book of International
Law, Vol. 55 (1984), pp. 249-305, at p. 249.

152 ACTIVITÉS ARMÉES (OP. IND. KOOIJMANS ) 316

directement ou indirectement impliquée dans les attaques des mouve-

ments rebelles et qu’il n’était donc pas en droit de recourir à la légitime
défense. Dans les circonstances de l’espèce et devant sa complexité, il
aurait été approprié selon moi de procéder à une analyse juridique plus
complète de la position de l’Ouganda et des droits qui en découlent.

La Cour s’est ainsi privée d’une occasion précieuse de fournir des pré-
cisions sur un certain nombre de points de grande importance pour la
société internationale d’aujourd’hui et qui restent en grande partie obs-
curs d’un point de vue juridique.

C. O CCUPATION DE GUERRE

36. La Cour est d’avis qu’il faut considérer l’Ouganda comme une
puissance occupante au sens du jus in bello dans le district de l’Ituri. Elle

conclut en outre qu’aucune preuve n’a été apportée de ce que les forces
armées ougandaises auraient exercé leur autorité en tant que puissance
occupante dans d’autres régions que le district de l’Ituri (arrêt, par. 176-
177).

37. Même si je m’associe pleinement à la conclusion de la Cour en ce
qui concerne le district de l’Ituri, j’ai quelques doutes quant au raisonne-
ment qui l’a amenée à conclure que l’Ouganda n’était pas dans la posi-
tion de puissance occupante dans d’autres régions envahies par les UPDF.

38. L’article 42 du règlement de La Haye de 1907 dispose que:
«Un territoire est considéré comme occupé lorsqu’il se trouve

placé de fait sous l’autorité de l’armée ennemie.
L’occupation ne s’étend qu’aux territoires où cette autorité est éta-
blie et en mesure de s’exercer.»

Selon toute apparence, cette définition est fondée sur un critère factuel.
Toutefois, comme l’a judicieusement fait remarquer Adam Roberts: «La

signification centrale de ce terme est suffisamment évidente; mais, ainsi
qu’il arrive souvent avec les concepts abstraits, ses frontières sont moins
claires.»5
39. Les raisons de ce manque de clarté peuvent être tout d’abord de

nature factuelle. La situation sur le terrain est souvent confuse et les
parties impliquées peuvent en présenter des tableaux contradictoires.
Toutefois, en l’espèce, les Parties sont d’accord dans une mesure éton-
namment large sur les lieux dont se sont emparées les UPDF dans la

période considérée. En revanche, leurs opinions divergent considérable-
ment sur la question de savoir si les lieux où se trouvaient les troupes
ougandaises étaient effectivement sous l’autorité de l’Ouganda. Il s’agit
essentiellement d’une question de fait.

40. L’absence de clarté peut toutefois être également due à des consi-

5Adam Roberts, «What is Military Occupation?», British Year Book of International
Law, vol. 55, 1984, p. 249.

152317 ARMED ACTIVITIES (SEP .OP .KOOIJMANS )

siderations. As one author points out: “‘[o]ccupation’ has . . . acquired a
pejorative connotation, and as a result, occupants would tend to prefer
euphemistic titles to portray their position” . This author further observes

that at the time of the adoption of the Hague Regulations it was gener-
ally assumed that, upon gaining control, the occupant would establish its
authority over the occupied territory by introducing some kind of direct
and therefore easily identifiable administration. In a period when war or

the use of force as such was not legally objectionable, the notion of occu-
pation as a term of art was not held in disrepute either. And thus the
establishment of an administrative system by the occupant was seen as
quite normal.

41. Partly as a result of the outlawing of war, that practice has become
the exception rather than the rule. Occupants feel more and more inclined

to make use of arrangements where authority is said to be exercised by
transitional governments or rebel movements or where the occupant
simply refrains from establishing an administrative system.

“In these cases, the occupants would tend not to acknowledge the
applicability of the law of occupation to their own or their surro-
gate’s activities, and when using surrogate institutions, would deny
any international responsibility for the latter’s actions.” 7

42. In the present case, the Court was confronted with both these fac-
tual and non-factual issues. Uganda denied its responsibility under the

law of occupation firstly on the ground that its troops were too thinly
spread to be able to exercise authority. It argued secondly that actual
authority was vested in the Congolese rebel movements, which carried
out virtually all administrative functions.

43. The Court has deemed it its task

“to satisfy itself that the Ugandan armed forces in the DRC were
not only stationed in particular locations but also that they had sub-

stituted their own authority for that of the Congolese Government”
(Judgment, para. 173; emphasis added).

44. It is in particular this element of “substitution of the occupant’s
authority for that of the territorial power” which leads in my opinion to

an unwarranted narrowing of the criteria of the law of belligerent occu-
pation as these have been interpreted in customary law since 1907.

6 Eyal Benvenisti, The International Law of Occupation , 1993, p. 212. Roberts also
refers to this phenomenon: “To many, ‘occupation’ is almost synonymous with aggres-
sion and oppression”, op. cit., p. 301.
7
Eyal Benvenisti, op. cit.,p.5.

153 ACTIVITÉS ARMÉES (OP. IND .KOOIJMANS ) 317

dérations autres que factuelles. Comme le souligne Eyal Benvenisti:
««[l]’occupation» a ... acquis une connotation péjorative et, en consé-
quence, les occupants tendent à préférer des euphémismes pour décrire
6
leur position» . Cet auteur note en outre que, au moment de l’adoption
du règlement de La Haye, il était généralement présumé qu’une fois pris
le contrôle d’un territoire l’occupant établissait son autorité sur le terri-
toire occupé en introduisant une sorte d’administration directe et, par

conséquent, aisément identifiable. A une période où la guerre ou l’emploi
de la force en tant que tel n’étaient pas juridiquement répréhensibles, la
notion d’occupation, en tant que terme technique, n’était pas non plus
entachée de discrédit. Aussi, la mise en place d’un système d’administra-

tion par l’occupant était-elle considérée comme tout à fait normale.
41. C’est en partie parce que la guerre a été mise hors la loi que cette
pratique est devenue l’exception plutôt que la règle. Les occupants sont

de plus en plus enclins à recourir à des arrangements par lesquels l’auto-
rité passe pour être exercée par des gouvernements de transition ou des
mouvements rebelles ou par lesquels il évite simplement de mettre en
place une quelconque administration.

«Dans ces cas, les occupants ont tendance à ne pas reconnaître
l’applicabilité du droit relatif à l’occupation à leurs propres activités
ou à celles de leurs agents et, lorsqu’ils ont recours à des institutions
de substitution, à nier toute responsabilité dans les actions de ces
7
dernières.»

42. En l’espèce, la Cour s’est trouvée confrontée à ces deux aspects,
factuel et non factuel. L’Ouganda a tout d’abord nié sa responsabilité au

regard du droit de l’occupation au motif que, premièrement, ses troupes
étaient si éparses qu’elles n’auraient pu être en mesure d’exercer une
autorité, et que, deuxièmement, c’étaient les mouvements rebelles congo-
lais qui étaient investis de l’autorité réelle et occupaient pratiquement

toutes les fonctions administratives.
43. La Cour a jugé que sa tâche était de

«s’assurer que les forces armées ougandaises présentes en RDC
n’étaient pas seulement stationnées en tel ou tel endroit, mais qu’elles

avaient également substitué leur propre autorité à celle du Gouver-
nement congolais» (arrêt, par. 173; les italiques sont de moi).

44. C’est en particulier cet élément de «substitution de l’autorité de
l’occupant à celle du pouvoir territorial» qui conduit, selon moi, à un

rétrécissement indu des critères du droit de l’occupation de guerre tels
qu’ils sont interprétés en droit coutumier depuis 1907.

6 Eyal Benvenisti, The International Law of Occupation , 1993, p. 212. Roberts fait
également référence à ce phénomène: «Pour beaucoup, «l’occupation» est presque
synonyme d’agression et d’oppression.» (Op. cit., p. 301.)
7
Eyal Benvenisti, op. cit., p. 5.

153318 ARMED ACTIVITIES (SEP. OP. KOOIJMANS )

45. Article 41 of the “Oxford Manual” adopted in 1880 by the Institut
de droit international already stated:

“Territory is regarded as occupied when, as the consequence of
invasion by hostile forces, the State to which it belongs has ceased,

in fact, to exercise its authority therein, and the invading State is
alone in a position to maintain order there . The limits within which
this state of affairs exists determine the extent and duration of the
occupation.” (Emphasis added.)

It is noteworthy that these criteria have remained virtually unaltered.
In modern national manuals on the law of armed conflict these criteria
are expressed in similar terms; they are, firstly, that

“military occupation presupposes a hostile invasion, resisted or un-
resisted, as a result of which the invader has rendered the invaded

government incapable of exercising its authority, and [secondly] that
the invader is in a position to substitute its own authority for that of
the former government” . 8

46. In the present case the first criterion is certainly met; even if the
actual authority of the DRC Government in the north-eastern part of the

country was already decidedly weak before the invasion by the UPDF,
that Government indisputably was rendered incapable of exercising the
authority it still had as a result of that invasion. By occupying the nerve
centres of governmental authority — which in the specific geographical
circumstances were the airports and military bases — the UPDF effec-

tively barred the DRC from exercising its authority over the territories
concerned.
47. The Court, without explicitly mentioning this criterion, never-
theless seems to assume that it has been met. It concentrates, however,

on the second criterion, the actual exercise of authority by the Ugandan
armed forces and concludes that it has not been provided with “any spe-
cific evidence . . . that authority was exercised by [them] in any areas
other than in Ituri district”. It seems to adopt the view that in these areas

authority was exercised by the rebel movements which cannot be con-
sidered to have been controlled by Uganda. (Judgment, para. 177.)

48. The Court in my view did not give sufficient consideration to the

fact that it was the Ugandan armed invasion which enabled the Congo-
lese rebel movements to bring the north-eastern provinces under their
control. Had there been no invasion, the central Government would have
been in a far better position to resist these rebel movements. Uganda’s

invasion was therefore crucial for the situation as it developed after the
outbreak of the civil war. As the decisive factor in the elimination of the

8United States Manual on the Law of Land Warfare (1956), FM 27-10. See also
United Kingdom Manual of the Law of Armed Conflict (2004), p. 275, 11.3.

154 ACTIVITÉS ARMÉES OP .IND .KOOIJMANS ) 318

45. L’article 41 des «résolutions d’Oxford» adoptées en 1880 par l’Ins-
titut de droit international disposait déjà:

«Un territoire est considéré comme occupé lorsque, à la suite de
son invasion par des forces ennemies, l’Etat dont il relève a cessé, en

fait, d’y exercer une autorité régulière, et que l’Etat envahisseur se
trouve être seul à même d’y maintenir l’ordre . Les limites dans les-
quelles ce fait se produit déterminent l’étendue et la durée de l’occu-
pation.» (Les italiques sont de moi.)

Il convient de noter que ces critères sont restés pratiquement iden-
tiques. Ils sont exprimés en termes similaires dans les manuels modernes
consacrés au droit des conflits armés:

«[premièrement,] l’occupation militaire doit impliquer une invasion
hostile — à laquelle peut éventuellement s’opposer une résistance —

à l’issue de laquelle l’envahisseur rend le gouvernement envahi inca-
pable d’exercer son autorité; [deuxièmement,] l’envahisseur doit être
en position de substituer sa propre autorité à celle de l’ancien gou-
vernement» . 8

46. En l’espèce, le premier critère est certainement respecté; même si
l’autorité réelle du Gouvernement de la RDC dans la partie nord-est du

pays était déjà vraiment très faible avant l’invasion par les UPDF, ce
gouvernement a sans conteste été mis dans l’incapacité, à la suite de cette
invasion, d’exercer le peu d’autorité qui lui restait. En occupant les
centres opérationnels de l’autorité gouvernementale — à savoir, dans
cette situation géographique particulière, les aéroports et les bases

militaires —, les UPDF ont effectivement empêché la RDC d’exercer
son autorité sur les territoires concernés.
47. La Cour, sans mentionner explicitement ce critère, semble néan-
moins supposer qu’il a été satisfait. Elle s’attache cependant au deuxième

critère, l’exercice réel de l’autorité par les forces armées ougandaises, et
conclut qu’«aucune preuve spécifique [ne lui a été apportée] de ce qu[’elles
(les forces armées ougandaises)] auraient exercé leur autorité dans d’autres
régions que le district de l’Ituri». Elle semble faire sienne l’opinion selon

laquelle l’autorité était exercée dans ces régions par les mouvements
rebelles, lesquels ne peuvent être considérés comme ayant été contrôlés
par l’Ouganda (arrêt, par. 177).
48. Selon moi, la Cour n’accorde pas assez d’attention au fait que c’est

l’invasion armée ougandaise qui a permis aux mouvements rebelles congo-
lais de prendre le contrôle des provinces du Nord-Est. S’il n’y avait pas
eu invasion, le gouvernement central aurait été en bien meilleure position
pour résister à ces mouvements rebelles. L’invasion ougandaise a par

conséquent été décisive pour la situation telle qu’elle a évolué après le
déclenchement de la guerre civile. En tant qu’elle a joué un rôle détermi-

8United States Manual on the Law of Land Warfare , 1956, FM 27-10. Voir également
United Kingdom Manual of the Law of Armed Conflict , 2004, p. 275, 11.3.

154319 ARMED ACTIVITIES (SEP.OP .KOOIJMANS )

DRC’s authority in the invaded area, Uganda actually replaced it with its
own authority.

49. I am, therefore, of the opinion that it is irrelevant from a legal
point of view whether it exercised this authority directly or left much of it

to local forces or local authorities. As long as it effectively occupied the
locations which the DRC Government would have needed to re-establish
its authority, Uganda had effective, and thus factual, authority. Its argu-

ment that it cannot be considered to have been an effective occupying
Power, in view of the limited number of its troops, cannot therefore be
upheld .9

50. As long as Uganda maintained its hold on these locations, it
remained the effective authority and thus the occupying Power, until a
new state of affairs developed. Such a new state of affairs was effected by

the Lusaka Ceasefire Agreement of 10 July 1999. In normal circum-
stances, a ceasefire agreement as such does not change the legal situation,
at least as long as the occupying Power remains in control. But the

Lusaka Agreement is, as the Court states,

“more than a mere ceasefire agreement, in that it lays down various
‘principles’ (Art. III) which cover both the internal situation within

the DRC and its relations with its neighbours” (Judgment, para. 97).

51. The Lusaka Agreement laid the foundation for the re-establish-
ment of an integrated Congolese State structure. For this purpose the

status of the two most important rebel movements — the MLC and the
RCD — now called the “armed opposition”, was modified; they became
formal participants in the open national dialogue (Art. III, para. 19).

This new position was reflected in their signing of the agreement as
separate parties per the attached list.
52. In my opinion the “upgraded” status of the two rebel movements
directly affected Uganda’s position as occupying Power. These move-

9 See also Oppenheim-Lauterpacht, International Law, 7th ed., 1962, p. 435:

“When the legitimate sovereign is prevented from exercising his powers, and the
occupant, being able to assert his authority, actually establishes an administration
over a territory, it matters not with what means, and in what ways, his authority is
exercised.” (Emphasis added.)
See also H. P. Gasser in D. Fleck (ed.), The Handbook of Humanitarian Law in Armed
Conflict, 1995, p. 243:

“Even if the stated strategic goal of an invasion of foreign territory is not to gain
control of the area or its inhabitants, but ‘merely’ to secure against attacks on the
invader’s own territory close to the border, the invading power still bears responsi-
bility for the parts of the territory actually controlled. Similarly, neither the claimed
short duration of the occupation nor the absence of military administration for the
occupied territory makes any difference.” (Emphasis added.)

155 ACTIVITÉS ARMÉES OP . IND. KOOIJMANS ) 319

nant dans l’élimination de toute autorité de la RDC dans la région

envahie, l’Ouganda a effectivement remplacé cette autorité par la sienne
propre.
49. J’estime par conséquent que la question de savoir si l’Ouganda a

exercé cette autorité directement ou s’il en a laissé la plus grande partie
aux forces ou aux autorités locales n’est pas pertinente d’un point de vue
juridique. Tant qu’il a effectivement occupé les localités sur lesquelles le

Gouvernement de la RDC aurait eu besoin d’établir de nouveau la
sienne, l’Ouganda exerçait une autorité effective, et donc une autorité de
facto. Son argument, selon lequel il ne peut être considéré comme ayant
véritablement constitué une puissance occupante, étant donné le nombre
9
limité de ses troupes, ne peut être retenu .
50. Tant que l’Ouganda a maintenu son emprise sur ces localités, il est
resté l’autorité réelle, et donc la puissance occupante, et ce, jusqu’à ce

qu’une nouvelle situation apparaisse. Ce nouvel état de choses a été créé
par l’accord de cessez-le-feu de Lusaka du 10 juillet 1999. Dans des cir-
constances normales, un accord de cessez-le-feu ne modifie pas en soi la

situation juridique, à tout le moins tant que la puissance occupante garde
le contrôle. Mais l’accord de Lusaka est, comme l’indique la Cour,

«plus qu’un simple accord de cessez-le-feu, en ce qu’il énonce divers

«principes» (art. III) touchant aussi bien à la situation intérieure de
la RDC qu’aux relations entre celle-ci et ses voisins» (arrêt, par. 97).

51. L’accord de Lusaka a posé les fondements du rétablissement de
l’autorité administrative de l’Etat congolais. A cette fin, le statut de deux
des plus importants mouvements rebelles — le MLC et le RCD —, désor-
mais appelés l’«opposition armée», a été modifié; ils sont devenus des

participants officiels au dialogue national ouvert (art. III, par. 19). Cette
nouvelle position est illustrée par leur signature de l’accord en tant que
parties distinctes dans la liste jointe.

52. Selon moi, cette «promotion» des deux mouvements rebelles a
affecté directement la position de l’Ouganda en tant que puissance occu-

9 e
Voir également Oppenheim-Lauterpacht, International Law,7 éd., 1962, p. 435:
«Lorsque le souverain légitime est empêché d’exercer ses pouvoirs, et que l’occupant,
qui est en mesure d’affirmer son autorité, établit en fait une administration sur un
territoire, peu importe par quels moyens et de quelles manières son autorité s’exerce.»
(Les italiques sont de moi.)

Voir également H. P. Gasser, dans D. Fleck (dir. publ.), The Handbook of Humani-
tarian Law in Armed Conflict , 1995, p. 243:

«Même si l’objectif stratégique affirmé de l’invasion d’un territoire étranger n’est
pas de prendre le contrôle de la région ni de ses habitants, mais «simplement» de
garantir la sécurité contre des attaques portées sur le propre territoire de l’envahisseur
proche de la frontière, ce dernier reste responsable des parties du territoire qu’il
contrôle effectivement. De la même manière, ni la courte durée invoquée de l’occu-
pation, ni l’absence d’administration militaire du territoire occupé ne font de diffé-
rence.» (Les italiques sont de moi.)

155320 ARMED ACTIVITIES (SEP. OP. KOOIJMANS )

ments had become — in the formulation of Chapter VI — the two parties
who, together with the central Government, had primary responsibility

for the re-establishment of an integrated State administration, as spelled
out in paragraph 2 of Chapter VI.
53. The Lusaka Agreement certainly did not automatically bring to an
end Uganda’s status as occupying Power since that status is based on

control in fact. The recognition of the formal status of the RCD and
MLC cannot, however, be disregarded.
After Lusaka, territorial authority could no longer be seen as vested
exclusively in the central Government but as being shared with “armed
opposition” movements which had been recognized as part of the national

authority.
54. Only in those places where it remained in full and effective control,
like Ituri district, did Uganda retain its status as occupying Power and in
this respect I share the Court’s view that Uganda occupied Ituri district

until the date its troops withdrew. As for the other areas where it had
carried out its military activities, Uganda should, however, be considered
as the occupying Power from the date when it seized the various locations
until the signing of the Lusaka Agreement. Even if it retained its military

grip on the airports and other strategic locations, it can, as a result of the
arrangements made in the Lusaka Agreement, no longer be said to have
substituted itself for or replaced the authority of the territorial govern-
ment since under the terms of the Agreement that authority was also

exercised by the rebel movements.

55. Whereas my disagreement with the way in which the Court inter-
preted the criteria for the applicability of the law of belligerent occupa-

tion is to a certain extent merely technical (although not without legal
consequences), I have more substantive reservations as to the way in
which the phenomenon of “occupation” is dealt with in the dispositif.

56. In the first paragraph of the operative part the Court finds that
Uganda, by engaging in military activities against the DRC on the lat-
ter’s territory, by occupying Ituri and by supporting the irregular forces
having operated on the territory of the DRC, violated the principle of

non-use of force and the principle of non-intervention. In my view, the
occupation of Ituri should not have been characterized in a direct sense
as a violation of the principle of the non-use of force.
57. The law on belligerent occupation was originally set up as a
“balancing mechanism” 10between the interests of the ousted sovereign

and the occupying Power. The latter’s obligation as temporary authority
to restore and ensure public order while respecting the laws in force
(Art. 43, Hague Regulations) and its powers with respect to property
(Arts. 48 ff.) reflect this balancing mechanism. It was only in 1949 that

10Benvenisti, op. cit.,p.30.

156 ACTIVITÉS ARMÉES OP .IND .KOOIJMANS ) 320

pante. Ces mouvements sont devenus — selon la formule employée au
chapitre 6 — les deux parties investies, avec le gouvernement central, de
l’essentiel de la responsabilité consistant à rétablir l’autorité administra-

tive de l’Etat, conformément au paragraphe 2 du chapitre VI.
53. L’accord de Lusaka n’a certainement pas mis automatiquement fin
au statut de puissance occupante de l’Ouganda, puisque ce statut est
fondé sur un contrôle de fait. En revanche, la reconnaissance du statut
officiel du RCD et du MLC ne peut être négligée.

Après l’accord de Lusaka, le gouvernement central ne pouvait plus être
considéré comme seul investi de l’autorité territoriale, mais comme par-
tageant celle-ci avec les mouvements d’«opposition armée», qui venaient
d’être reconnus comme faisant partie de l’autorité nationale.

54. C’est seulement là où il continuait d’exercer un contrôle effectif et
complet, comme dans le district de l’Ituri, que l’Ouganda a conservé son
statut de puissance occupante, et je partage à cet égard l’opinion de la
Cour selon laquelle l’Ouganda a occupé le district de l’Ituri jusqu’à la date

du retrait de ses troupes. Pour ce qui est des autres régions dans lesquelles
s’étaient déployées ses activités militaires, l’Ouganda devrait en revanche
être considéré comme puissance occupante à partir de la date à laquelle il
s’est emparé des différentes localités et jusqu’à la signature de l’accord de
Lusaka. En effet, même après cette date, s’il a gardé la mainmise sur les

aéroports et d’autres localités stratégiques, il ne peut plus, par suite des
dispositions de cet accord, être considéré comme s’étant substitué à l’auto-
rité du gouvernement territorial, puisque cette autorité était, en vertu des
termes de l’accord, également exercée par les mouvements rebelles.

55. Tandis que mon désaccord avec la manière dont la Cour a inter-
prété les critères d’applicabilité du droit de l’occupation de guerre est,
dans une certaine mesure, simplement d’ordre technique (avec toutefois
des conséquences juridiques), j’émets des réserves plus substantielles
quant à la manière dont le phénomène d’«occupation» est traité dans le

dispositif.
56. Au premier paragraphe du dispositif, la Cour conclut que
l’Ouganda, en se livrant à des actions militaires à l’encontre de la RDC
sur le territoire de celle-ci, en occupant l’Ituri et en soutenant les forces

irrégulières qui opéraient sur le territoire congolais, a violé le principe du
non-recours à la force et le principe de non-intervention. Selon moi,
l’occupation de l’Ituri n’aurait pas dû être qualifiée de violation du prin-
cipe du non-recours à la force au sens propre.

57. Le droit de l’occupation de10uerre a été établi à l’origine comme un
«mécanisme de rééquilibrage» entre les intérêts du souverain évincé et
ceux de la puissance occupante. L’obligation de cette dernière, en tant
qu’autorité temporaire, de rétablir et d’assurer l’ordre public tout en res-
pectant les lois en vigueur (règlement de La Haye, art. 43) et ses compé-

tences en ce qui concerne les biens (art. 48 et suiv.) illustrent ce méca-

10Benvenisti, op. cit., p. 30.

156321 ARMED ACTIVITIES (SEP. OP. KOOIJMANS )

the rules on occupation were extended in the Fourth Geneva Convention
by adding a number of provisions regarding the treatment of the popula-

tion of occupied territory.

58. In their interrelationship the rules on occupation form an impor-
tant part of the jus in bello or international humanitarian law. The main

purpose of that law is to protect persons caught up in conflict, even if it
does take into account the interests of the belligerent parties. It does not
differentiate between belligerents. In particular, no distinction is made in
the jus in bello between an occupation resulting from a lawful use of force
and one which is the result of aggression. The latter issue is decided by

application of the jus ad bellum, the law on the use of force, which
attributes responsibility for the commission of the acts of which the occu-
pation is the result.
59. In the present case, the Court has found that Uganda has violated

its obligation under the principle of the non-use of force, since its military
activities do not constitute self-defence. It thus has breached its obliga-
tions under the jus ad bellum. The Court has also found that Uganda has
violated its obligations under the jus in bello, in particular in regard to

the district of Ituri, the occupation of which was the outcome of its illegal
use of force.
60. It goes without saying that the outcome of an unlawful act is
tainted with illegality. The occupation resulting from an illegal use of

force betrays its origin but the rules governing its régime do not charac-
terize the origin of the result as lawful or unlawful.
61. In his report for the Centennial of the First Hague Peace Confer-
ence Professor Christopher Greenwood has dealt with the implications of

the fact that nowadays the jus in bello exists “within a framework of
international law which significantly restricts the right of States to resort
to force”. He continues by saying that the full implications of the rela-
tionship between the contemporary jus ad bellum and jus in bello have yet
11
to be determined .
62. Earlier I drew attention to the fact that the reluctance of Govern-
ments to declare the law of belligerent occupation applicable may be due
to the impression that “occupation” has become almost synonymous

with aggression and oppression.
63. I am aware that this impression is lent credibility by Article 3 of
General Assembly resolution 3314 (XXIX) on the Definition of Aggres-
sion, which under (a) qualifies as an act of aggression: “The invasion or
attack by the armed forces of a State of the territory of another State, or

any military occupation , however temporary, resulting from such inva-
sion or attack . . .” (Emphasis added.)

11F. Kalshoven (ed.), The Centennial of the First International Peace Conference ,
Reports and Conclusions , 2000, p. 186.

157 ACTIVITÉS ARMÉES (OP. IND .KOOIJMANS ) 321

nisme. C’est seulement en 1949, dans la quatrième convention de Genève,
que les règles relatives à l’occupation ont été étoffées, avec l’ajout de

plusieurs dispositions concernant le traitement des populations des ter-
ritoires occupés.
58. Du fait de leur corrélation, les règles relatives à l’occupation cons-
tituent une part importante du jus in bello ou droit international huma-

nitaire. Le principal objectif de ce droit est de protéger des personnes
prises dans un conflit, même s’il prend effectivement en compte les inté-
rêts des parties belligérantes, entre lesquelles il n’opère aucune distinc-
tion. En particulier, une occupation résultant d’un recours licite à l’emploi
de la force n’est pas distinguée, dans le jus in bello, de celle qui découle

d’une agression. Cette dernière question est tranchée par l’application du
jus ad bellum, le droit relatif à l’emploi de la force, qui permet d’attribuer
la responsabilité d’actes dont l’occupation est le résultat.
59. En l’espèce, la Cour a conclu que l’Ouganda avait violé l’obliga-

tion lui incombant au titre du principe du non-recours à la force, ses acti-
vités militaires ne constituant pas des actes de légitime défense. Il a ainsi
violé son obligation au titre du jus ad bellum. La Cour a également
conclu que l’Ouganda avait violé les obligations lui incombant au titre du

jus in bello, en particulier en ce qui concerne le district de l’Ituri dont
l’occupation a été la conséquence d’un emploi illicite de la force.
60. Il va sans dire que le résultat d’un acte illicite est entaché d’illicéité.
L’occupation issue d’un emploi illicite de la force trahit son origine mais

les règles régissant le régime de l’occupation ne qualifient pas l’origine du
résultat de licite ou d’illicite.
61. Dans son rapport rédigé à l’occasion du centenaire de la Confé-
rence internationale de la Paix, M. Christopher Greenwood a traité de ce

qu’implique le fait que, de nos jours, le jus in bello existe «dans le cadre
du droit international, lequel limite de manière significative le droit des
Etats à recourir à la force», ajoutant que restaient encore à définir les
répercussions complètes de la relation entre le jus ad bellum et le jus in
11
bello contemporains .
62. J’ai attiré l’attention plus haut sur le fait que la réticence des gou-
vernements à déclarer applicable le droit de l’occupation de guerre peut
être due à l’impression que l’«occupation» est presque devenue syno-

nyme d’agression et d’oppression.
63. Je n’ignore pas que l’article 3 de la résolution 3314 (XXIX) de
l’Assemblée générale sur la définition de l’agression confère une certaine
crédibilité à cette impression; à l’alinéa a) dudit article sont définies
comme acte d’agression: «[l]’invasion ou l’attaque du territoire d’un Etat

par les forces armées d’un autre Etat, ou toute occupation militaire , même
temporaire, résultant d’une telle invasion ou d’une telle attaque...» (les
italiques sont de moi).

11F. Kalshoven (dir. publ.), The Centennial of the First International Peace Confe-
rence, Reports and Conclusions , 2000, p. 186.

157322 ARMED ACTIVITIES (SEP. OP. KOOIJMANS )

This resolution, as important as it may be from a legal point of view,
does not in all its terms reflect customary law. The reference to military
12
occupation as an act of aggression is in my opinion less than felicitous .

64. Professor Greenwood says that “[t]he law of belligerent occupation

has had a poor record of compliance for most of the 20th century”. In his
view the principal problem is not one of a deficiency in the law but rather
the reluctance of States to admit that the law applies at all . I regret that

in the first paragraph of the dispositif the Court may have contributed to
this reluctance on the part of belligerent parties to declare the law of
occupation applicable.

D. P ROVISIONAL M EASURES

66. In its fifth submission the DRC requested the Court to declare that

Uganda had violated the Court’s Order on provisional measures of 1 July
2000. In paragraph 7 of the dispositif the Court acceded to this request.

For a number of reasons I do not find the Court’s reasoning in support
of this ruling to be cogent.
67. The provisional measures indicated by the Court in its Order of

1 July 2000 were three in number and were addressed to both Parties.
The Parties were first called upon to prevent and refrain from any action,
in particular armed action, which might prejudice the rights of the other
Party or might aggravate or extend the dispute. They were further

ordered to take all measures to comply with their obligations under inter-
national law and with Security Council resolution 1304 (2000) of 16 June
2000. Finally, they were instructed to take all measures necessary to

ensure full respect within the zone of conflict for human rights and for
international humanitarian law.

68. It deserves mentioning that, whereas the Applicant requested the
Court to indicate provisional measures addressed to Uganda, the Court
decided proprio motu to indicate measures for both Parties, as there
existed a serious risk of events occurring which might aggravate or

extend the dispute or make it more difficult to resolve (I.C.J. Reports
2000, p. 21, para. 44).

12See B. Broms, “The Definition of Aggression”; Recueil des cours, Vol. 154 (1977),
p. 348:

“[I]t could be argued in view of the way in which the paragraph has been construed
that the military occupation or the annexation presupposes the existence of an act of
aggression in the form of an invasion or attack and that it would therefore not have
been necessary to include them separately in this paragraph.”
13Op. cit., pp. 218-219.

158 ACTIVITÉS ARMÉES (OP. IND. KOOIJMANS ) 322

Tous les termes de cette résolution, aussi importante soit-elle d’un

point de vue juridique, ne sont pas la manifestation du droit coutumier.
La mention de l’occupation militaire comme un acte d’agression est
d’après moi loin d’être heureuse . 12

64. M. Greenwood indique que: «[l]e droit de l’occupationede guerre a
été peu respecté pendant la plus grande partie du XX siècle». Le prin-
cipal problème n’est pas, selon lui, celui d’insuffisances qui pourraient

entacher ce droit, mais plutôt celui13e la réticence des Etats à seulement
admettre qu’il puisse s’appliquer . Je regrette que la Cour ait pu contri-
buer, au premier paragraphe du dispositif, à cette réticence de la part de
parties belligérantes à déclarer applicable le droit de l’occupation.

D. M ESURES CONSERVATOIRES

66. Dans son cinquième chef de conclusions, la RDC a demandé à la
Cour de déclarer que l’Ouganda avait violé son ordonnance en indication
de mesures conservatoires en date du 1 juillet 2000. Au paragraphe 7 du

dispositif, la Cour a fait droit à cette demande.
Pour un certain nombre de raisons, je ne juge pas convaincant le rai-
sonnement de la Cour à l’appui de cette décision.

67. Les mesures conservatoires indiquées par la Cour dans son ordon-
nance du 1 er juillet 2000 étaient au nombre de trois et s’adressaient aux
deux Parties. Ces dernières étaient tout d’abord appelées à prévenir et à

s’abstenir de tout acte, en particulier de toute action armée, qui risquerait
de porter atteinte aux droits de l’autre Partie ou qui risquerait d’aggraver
ou d’étendre le différend. Il leur était ensuite ordonné de prendre toutes

mesures pour se conformer à leurs obligations en vertu du droit interna-
tional ainsi qu’à la résolution 1304 (2000) du Conseil de sécurité en date
du 16 juin 2000. Enfin, la Cour leur indiquait de prendre toutes mesures

nécessaires pour assurer, dans la zone de conflit, le plein respect des
droits de l’homme, ainsi que du droit international humanitaire.
68. Il convient d’indiquer que, tandis que le demandeur avait solli-

cité la Cour pour qu’elle indique des mesures conservatoires adressées à
l’Ouganda, la Cour a décidé propio motu d’indiquer des mesures conser-
vatoires adressées aux deux Parties, comme s’il existait un risque sérieux
que surviennent des faits de nature à aggraver ou étendre le différend

ou à en rendre la solution plus difficile ( C.I.J. Recueil 2000 ,p .,
par. 44).

12
Voir B. Broms, «The Definition of Aggression», Recueil des cours, vol. 154, 1977,
p. 348:
«[E]tant donné la manière dont le paragraphe a été interprété, on pourrait pré-
tendre que l’occupation militaire ou l’annexion présuppose l’existence d’un acte
d’agression sous la forme d’une invasion ou d’une attaque et qu’il n’aurait pas,
par conséquent, été nécessaire de les inclure séparément dans ce paragraphe.»

13Op. cit., p. 218-219.

158323 ARMED ACTIVITIES (SEP.OP .KOOIJMANS )

69. During the written and oral proceedings hardly any attention was

paid by the Parties to the Order of 1 July 2000. The DRC’s submissions
in its Reply, dated 29 May 2002, made no reference to it. The request for
a ruling that Uganda had violated the provisions of the Order appeared
for the first time in the final submissions.

70. In paragraph 264 of the Judgment the Court notes “that the DRC
put forward no specific evidence demonstrating that after July 2000
Uganda committed acts in violation of each of the three provisional
measures indicated by the Court”.
71. This observation would have sufficed to dismiss the DRC’s sub-

mission, just as the Court did in respect of a similar submission in its
Judgment in the case concerning the Land and Maritime Boundary
between Cameroon and Nigeria (Cameroon v. Nigeria: Equatorial Guinea
intervening). There the Court stated that it was for Cameroon to show

that Nigeria acted in violation of the provisional measures indicated in
the Order of 15 March 1996 but that Cameroon had not established the
facts which it bore the burden of proving (I.C.J. Reports 2002, p. 453,
paras. 321-322). In this respect the Court relied on its earlier statement
that it is

“the litigant seeking to establish a fact who bears the burden of

proving it; and in cases where evidence may not be forthcoming, a
submission may in the judgment be rejected as unproved” (Military
and Paramilitary Activities in and against Nicaragua (Nicaragua v.
United States of America) , Jurisdiction and Admissibility, I.C.J.
Reports 1984, p. 437, para. 101).

72. In the present case, however, the Court does not do so because it
has already found (in its consideration of the DRC’s second claim) that

Uganda is responsible for acts in violation of human rights and interna-
tional humanitarian law throughout the period when Ugandan troops
were present in the DRC, including the period subsequent to the issuance
of the Order on provisional measures.

The Court therefore concludes that Uganda did not comply with that
Order.
73. In paragraph 265 the Court notes that the provisional measures
were addressed to both Parties and that its finding as to Uganda’s non-
compliance is “without prejudice to the question as to whether the DRC

did not also fail to comply with the provisional measures indicated by the
Court”.
74. In view of the fact that the Court deemed it necessary to recall that
the purpose of these provisional measures was to protect the rights of
either of the Parties pending the determination of the merits (para. 263)

the formulation chosen by the Court seems to indicate an aware-
ness that this purpose has been respected neither by Uganda nor by

159 ACTIVITÉS ARMÉES OP .IND .KOOIJMANS ) 323

69. Pendant la procédure, écrite et orale, leserarties n’ont prêté
presque aucune attention à l’ordonnance du 1 juillet 2000. Les conclu-
sions de la RDC dans sa réplique, datée du 29 mai 2002, n’y font aucune
référence. La demande visant à ce qu’il soit jugé que l’Ouganda avait

violé les dispositions de l’ordonnance n’est apparue pour la première
fois que dans les conclusions finales.
70. Au paragraphe 264 de l’arrêt, la Cour relève «que la RDC ne pré-
sente aucun élément de preuve précis démontrant que l’Ouganda aurait,
après juillet 2000, commis des actes en violation de chacune des trois

mesures conservatoires indiquées».
71. Cette remarque aurait suffi à écarter la demande de la RDC, exac-
tement comme l’a fait la Cour relativement à une conclusion similaire
dans son arrêt rendu en l’affaire relative à la Frontière terrestre et mari-
time entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria; Guinée équa-

toriale (intervenant)) . La Cour, après avoir indiqué qu’il incombait au
Cameroun d’établir que le Nigéria avait, par ses actes, méconnu les me-
sures conservatoires indiquées dans l’ordonnance du 15 mars 1996, a
conclu que le Cameroun n’avait pas apporté la preuve des faits qui lui

incombait (C.I.J. Recueil 2002, p. 453, par. 321-322). A cet égard, la
Cour s’est appuyée sur une déclaration qu’elle avait faite précédem-
ment, selon laquelle c’est

«au plaideur qui cherche à établir un fait qu’incombe la charge de la
preuve; lorsque celle-ci n’est pas produite, une conclusion peut être
rejetée dans l’arrêt comme insuffisamment démontrée» (Activités
militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicara-

gua c. Etats-Unis d’Amérique), compétence et recevabilité, arrêt,
C.I.J. Recueil 1984, p. 437, par. 101).

72. Toutefois, la Cour ne procède pas ainsi en l’espèce, car elle a déjà
conclu (lors de l’examen de la deuxième demande de la RDC) que
l’Ouganda était responsable des actes commis en violation du droit des
droits de l’homme et du droit international humanitaire tout au long de

la période durant laquelle les troupes ougandaises étaient présentes en
RDC, y compris celle qui a suivi l’ordonnance en indication de mesures
conservatoires.
La Cour conclut par conséquent que l’Ouganda ne s’est pas conformé
à cette ordonnance.

73. Au paragraphe 265, la Cour relève que les mesures conservatoires
s’adressaient aux deux Parties et que sa conclusion relative à leur non-
respect par l’Ouganda est «sans préjudice de la question de savoir si la
RDC a manqué également de se conformer aux mesures conservatoires

par elle indiquées».
74. Etant donné que la Cour a jugé nécessaire de rappeler que l’objet
de ces mesures conservatoires était de protéger les droits de chacune des
Parties jusqu’à ce que l’affaire soit jugée au fond (par. 263), la formule
choisie semble indiquer qu’elle est consciente de ce que cet objet n’a été

respecté ni par l’Ouganda ni par la RDC, même si ce dernier point n’a

159324 ARMED ACTIVITIES (SEP.OP. KOOIJMANS )

the DRC even though the latter question was not raised by Uganda and
was thus not for the Court to decide.

75. In these circumstances it would in my view have been judicially
sound not to include in the dispositif a finding that Uganda did not
comply with the Order on provisional measures.

I have no doubt whatsoever that Uganda breached its obligations
under the Order. This is sufficiently demonstrated in the part of the Judg-
ment dealing with the DRC’s second submission and the Court’s finding
on that submission. But the Court is also “painfully aware” that many
atrocities have been committed by other parties as well (Judgment,

para. 221).
76. In short, in view of the fact that the DRC has not provided any
specific evidence of Uganda’s violation of the Order and taking into
account the purpose of provisional measures being the protection of the

legal interests of either party, I sincerely regret that the Court has decided
to include in the dispositif of the Judgment the finding that one of them
has violated the Order of 1 July 2000, in particular since the Court in no
way excludes that such violation has also been committed by the other

Party.

77. There is no need for the Court to decide on each and every submis-
sion presented by the Parties. In the present case, for example, the

dispositif does not deal with the Congolese requests for cessation and
for guarantees and assurances, which only have been considered in the
reasoning. Paragraphs 264 and 265 of the Judgment were sufficient to
make clear the Court’s position in respect of the DRC’s submission on

provisional measures.

78. The Court’s decision to include a finding in the dispositif is in my
view an illustration of the lack of balance I have referred to earlier. For

these reasons — and not because I disagree with the finding itself — I felt
constrained to vote against paragraph 7 of the dispositif.

E. T HE FIRST C OUNTER -C LAIM

79. I share the Court’s view that it is useful to divide Uganda’s first
counter-claim into three periods. I agree with the Court that the counter-

claim is without merit as regards the second and the third period. The
following comments thus relate only to the period prior to May 1997 and
only to the merits of that part of the counter-claim.

80. In paragraphs 298 and 299 of the Judgment the Court concludes
that Uganda has not produced satisfactory evidence that Zaire (as the
DRC was then called) actually supported the Ugandan rebel movements

160 ACTIVITÉS ARMÉES (OP. IND. KOOIJMANS ) 324

pas été soulevé par l’Ouganda et n’appelait donc pas une décision de la
Cour.
75. Dans ces circonstances, il aurait été selon moi judicieux de ne pas

inclure dans le dispositif une conclusion indiquant que l’Ouganda ne
s’était pas conformé à l’ordonnance en indication de mesures conserva-
toires.
Que l’Ouganda a violé les obligations qui étaient les siennes en vertu de
l’ordonnance ne fait, selon moi, pas l’ombre d’un doute. Cela est suffi-

samment démontré dans la partie de l’arrêt qui traite de la deuxième
demande de la RDC et dans la conclusion de la Cour sur cette demande.
Mais la Cour est aussi «profondément consciente» que de nombreuses
atrocités ont également été commises par d’autres parties (arrêt, par. 221).

76. Pour résumer, eu égard au fait que la RDC n’a apporté aucun élé-
ment de preuve tendant spécifiquement à démontrer la violation de
l’ordonnance par l’Ouganda et tenant compte de ce que les mesures
conservatoires ont pour objet la protection des intérêts juridiques de cha-

cune des parties, je regrette sincèrement que la Cour ait décidé d’inclure
dans le dispositif de l’arrêt la conclusion selon laquelle l’une d’elles avait
violé l’ordonnance du 1 er juillet 2000, et ce d’autant plus que la Cour
n’exclut en aucune façon que l’autre Partie ait également commis une
telle violation.

77. La Cour n’a aucunement besoin de rendre une décision sur toutes
les demandes, sans exception, présentées par les Parties. En l’espèce, par
exemple, le dispositif ne traite pas des demandes congolaises visant à ce
que cessent les violations et à obtenir des garanties de non-répétition, les-

quelles n’ont été examinées que dans l’exposé des motifs. Les para-
graphes 264 et 265 de l’arrêt suffisaient à préciser la position de la
Cour relativement à la demande de la RDC concernant les mesures
conservatoires.
78. La décision de la Cour d’inclure une conclusion dans le dispositif

est selon moi une illustration du manque d’équilibre auquel j’ai fait allu-
sion plus haut. Pour ces raisons — et non par désaccord avec la conclu-
sion elle-même —, je me suis senti tenu de voter contre le paragraphe 7
du dispositif.

E. L A PREMIÈRE DEMANDE RECONVENTIONNELLE

79. La Cour a eu tout à fait raison de distinguer trois périodes dans la
première demande reconventionnelle. Je suis d’accord avec elle sur le fait
que cette dernière n’est pas fondée en ce qui concerne les deuxième et
troisième périodes. Les observations suivantes ne concernent donc que la
période précédant mai 1997 et seulement en ce qui concerne le fond de ce

volet de la demande reconventionnelle.
80. Aux paragraphes 298 et 299 de l’arrêt, la Cour conclut que
l’Ouganda n’a pas produit de preuves convaincantes démontrant que le
Zaïre (comme se nommait alors la RDC) a bel et bien fourni un soutien

160325 ARMED ACTIVITIES (SEP. OP. KOOIJMANS )

which were active on Zairean territory. I have no difficulty with the
Court’s view on that matter.

81. In paragraph 300 of the Judgment the Court deals with the ques-

tion whether Zaire had acted in conformity with its duty of vigilance,
which in its words is “a different issue”. In this respect the Court takes
note of Uganda’s argument that the rebel groups were able to operate
“unimpeded” in the border area because of the almost complete absence
of central government presence or authority in the region during Presi-

dent Mobutu’s 32-year term in office. The Court continues by saying that
neither Zaire nor Uganda was in a position to put an end to the activities
of the anti-Ugandan and anti-Zairean rebel movements operating in the
area. Then it finds that, in the light of the evidence before it , it cannot,
however, conclude that the absence of action of Zaire’s Government is

tantamount to “tolerating” or “acquiescing” in their activities and that,
consequently, this part of Uganda’s counter-claim cannot be upheld.

82. But surely it is not Uganda that has to provide evidence that Zaire
was in a position to exercise control over its borders and thus to take
action. Nor was counsel for the DRC persuasive when he argued that
Uganda itself recognized “the impossibility of effectively policing” the
common border. It is for the State under a duty of vigilance to show what

efforts it has made to fulfil that duty and what difficulties it has met. In
my view the DRC has only been successful in sufficiently substantiating
an “almost complete absence” of government presence or authority for
the period from October 1996 to May 1997, the time of the first civil war.
But I have found no evidence in the case file nor in relevant reports that

the Government in Kinshasa was not in a position to exercise its authority
in the eastern part of the country for the whole of the relevant period and
thus was unable to discharge its duty of vigilance before October 1996;
the DRC has not even tried to provide such evidence.

83. I therefore fail to understand the factual ground for the Court’s

conclusion that “the part of Uganda’s first counter-claim alleging Con-
golese responsibility for tolerating the rebel groups prior to May 1997
cannot be upheld” (Judgment, para. 301). In my view the logical conclu-
sion would have been that the DRC has failed to provide evidence that it

took credible measures to prevent rebel movements from carrying out
transborder attacks or was unable to do so and that the first part of the
counter-claim thus must be upheld.

84. Let me add that factual circumstances, such as geographical con-

161 ACTIVITÉS ARMÉES (OP. IND. KOOIJMANS ) 325

aux mouvements rebelles ougandais opérant sur son territoire. Je n’ai

aucune observation à faire concernant la position de la Cour sur cette
question.
81. Au paragraphe 300 de l’arrêt, la Cour traite de la question de
savoir si le Zaïre a agi conformément à son devoir de vigilance, ce qui,
selon elle, «diffère» d’autres questions. A ce sujet, la Cour prend note de

l’argument de l’Ouganda selon lequel les groupes rebelles pouvaient opé-
rer «librement» dans la région frontalière grâce à l’absence presque
totale de représentants du gouvernement central ou d’autorités régionales
pendant les trente-deux années de présidence de Mobutu. La Cour pour-
suit en disant que ni le Zaïre ni l’Ouganda n’ont été en mesure de mettre

fin aux activités tant des groupes rebelles antiougandais que des groupes
rebelles antizaïrois qui opéraient dans la région. Elle constate ensuite que,
compte tenu des éléments de preuve dont elle dispose , elle ne saurait néan-
moins conclure que l’absence d’action du Gouvernement du Zaïre cor-

respond à une «tolérance» de leurs activités ou à un «acquiescement» à
celles-ci et que ce volet de la première demande reconventionnelle de
l’Ouganda ne peut donc être retenu.
82. Mais il n’appartient certainement pas à l’Ouganda d’apporter la
preuve de ce que le Zaïre était en mesure de contrôler ses frontières et

donc de prendre des mesures. Le conseil de la RDC n’a pas non plus été
convaincant lorsqu’il a prétendu que l’Ouganda lui-même reconnaissait
«l’impossibilité de contrôler efficacement» la frontière commune. Il
appartient à l’Etat tenu au devoir de vigilance de démontrer quelles
mesures il a prises pour s’acquitter de cette obligation et quelles diffi-

cultés il a rencontrées. Selon moi, la RDC n’a réussi à apporter suffi-
samment de preuve qu’en ce qui concerne «l’absence presque totale» de
représentants du pouvoir central ou d’autorité gouvernementale pour la
période allant d’octobre 1996 à mai 1997, qui correspond à celle de la
première guerre civile. Mais je n’ai trouvé aucun élément de preuve dans

le dossier de l’affaire ni dans les rapports pertinents démontrant que le
gouvernement de Kinshasa n’avait pas été en mesure d’exercer son
autorité dans la partie orientale du pays pour l’ensemble de la période
considérée et n’avait donc pu s’acquitter de son devoir de vigilance
avant octobre 1996; la RDC n’a même pas essayé de fournir de telles

preuves.
83. J’ai par conséquent du mal à saisir les éléments factuels sur les-
quels se fonde la Cour pour conclure que «[l]e volet de la première
demande reconventionnelle de l’Ouganda qui met en cause la responsa-
bilité de la RDC pour avoir toléré les groupes rebelles avant le mois de

mai 1997 ne peut donc être retenu» (arrêt, par. 301). Il aurait été logique,
selon moi, de conclure que la RDC n’avait pas démontré avoir pris des
mesures crédibles pour empêcher des mouvements rebelles de mener des
attaques transfrontalières ou qu’elle n’avait pas été en mesure de le faire
et que le premier volet de la demande reconventionnelle devait donc être

retenu.
84. J’ajouterai que des circonstances de fait, telles que des conditions

161326 ARMED ACTIVITIES (SEP .OP .KOOIJMANS )

ditions (mountainous terrain) may explain a lack of result but can never
justify inadequate efforts or the failure to make efforts.

(Signed) P. H. K OOIJMANS .

162 ACTIVITÉS ARMÉES (OP .IND .KOOIJMANS ) 326

géographiques (terrain montagneux), peuvent expliquer une absence de

résultat mais ne peuvent jamais justifier des mesures inadéquates ou
l’absence de toute mesure.

(Signé) P. H. K OOIJMANS .

162

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Document Long Title

Opinion individuelle de M. le juge Kooijmans

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