Opinion individuelle de Sir Percy Spender (traduction)

Document Number
039-19601118-JUD-01-02-EN
Parent Document Number
039-19601118-JUD-01-00-EN
Document File
Bilingual Document File

OPINION ISI)IV11>17ELLE DE SIR PERCY SPESDER

Je conviens que la sentence est valable et que le Sicaragua est
tenu de l'exécuter. Attendu que ma manière de voir sur certaines

des questions en litige dans cette affaire est quelque peu différente
de celle que la Cour a adoptée, je désire exposer brièvement mes
1-ues sur les principales d'entre elles.

1,a validjté de la sentence dépend d'abord de l'accord souverain
des deux Etats pour la solliciter. La nature et les conditions de
cet accord se trouvent dans le traité Gamez-Bonilla qui devait
êtreen vigueur pour une période de dix ans.
Le Nicaragua a soutenu que cette période avait commencé à
courir à dater de la signature du traité et qu'en conséquence le
traité était expiré lorsque le roi d'Espagne a accepté les fonctions
d'arbitre unique et, a fortior losqu'il a rendu sa sentence.

Je suis d'accord avec la conclusion de la Cour que la période
pendant laquelle le traité était en vigueur a commencé de courir
à dater de l'échange des ratifications fait en vertu de l'article 8
du traité.
En conséquence, cet argument du Nicaragua est sans fondement.

Le Nicaragua soutient ensuite que le roi d'Espagne n'a jamais

eu la qualité d'arbitre unique; que ce qui a paru êtresa désignation
était contraire aux dispositions du traité et était absolument dénué
de toute validité.
A inon avis, il n'est pas nécessaire de déterminer si la désignation
du roi est entachée d'inexécution des dispositions du traité. Rien
que je penche fortement à croire que la désignation a étéirrégulière,
c,et argument du Nicaragua échoue parce que la conduite de cet
Etat, avant et pendant l'arbitrage, lui interdit d'invoquer une
irrégularité quelconque dans la désignation du roi coinme motif
pour invalider la sentence.
Faute d'avoir-, avant ou pendant l'arbitrage, excipé de l'incom-
pétence du roi comme arbitre iinique mais l'ayant ai1 contraire
in\,itià rendre une sentence au fond, le Nicaragua i~rlpou~ait,
par la suite, contester la régularité de sa désignation.

Tous les faits pertinents se rapportant i cettc, dbsignation liii
etaient connus lors(lii'i1a pris part B l'arbitrage. ('l-iaciindes I3tats ARRET 18 XI 60 (OP. ISDIV.SIR PERCT SPESDER! 210

partie à la procédure arbitrale avait le droit de se fieà la conduite
délibéréede l'autre Etat au cours de cette procédure. On ne saurait
permettre au Nicaragua de se placer dans une position où il aurait
pu accepter la sentence si celle-ci était satisfaisante, à son point
de vue, et où il aurait pu l'écarter comme nulle dans le cascontraire.
Il serait CO-ntraireau principe de la bonne foi qui régit les rap-
ports entre Etats de permettre d'invoquer une irrégularité quel-
conque dans la désignation de l'arbitre pour invalider la sentence.
La conduite du Nicaragua jusqu'au moment où la sentence a été

rendue a eu, à mon avis, pour efiet de lui interdire de la contester
par la suite, quelle que soit la conduite qu'il ait pu avoir plus tard.
C'est sur ce motif que je fonde mon opinion.

Quant aux allégations du Xicaragua que la sentence serait
nulle pour les motifs suivants:

a) Excès de pouvoir,
b) Erreurs essentielles,
c) Défaut ou insuffisance de motifs à l'appui de la sentence.

je partage l'opinion que le Nicaragua est forclos à invoquer l'une
ou l'autre de ces allégations pour invalider la sentence. J'attache
une importance particulière au fait que, pendant de longues années
après avoir pris connaissance des termes de la sentence, le Sica-
ragua n'a soulevé aucune objection quant à sa validité.

Mon opinion sur cet aspect de la question repose exclusivement
sur le motif de la forclusion. Il est inutile de déterminer si,défaut
de cette forclusion, l'une des trois allégations du Nicaragua aurait
fourni un motif de nullité. Cette tentative, à mon avis, serait sans

pertinence.

Enfin, je reconnais que la thèse du Nicaragua d'après laquelle
la sentence ne peut êtreexécutéeen raison des obscurités et con-
tradictions qui l'affecteraient est sans fondement. On ne voit
aucune raison empêchant la sentence de recevoir son effet.

Bilingual Content

SEPARATE OPINION OF SIR PERCY SPEXDEK

1 agree that the Award is valid and that Nicaragua is under an
obligation to give effect to it.nce however my approach to certain
of the issues involved in these proceedings varies in some respects
from that which the Court has adopted, 1desire tostate in summary
form my views on the main issues.

The validity of the Award depends initially upon the sovereign
consent of the two States that an award may be made. The nature
and the conditions of such consent are contained in the Gamez-
Bonilla Treaty which was to be in force for a period of ten years.
Nicaragua has contended that this period of time began to run
as from the date of signature of the Treatyand that accordingly the
Treaty had expired at the time the King of Spain accepted the
office of sole arbitrator anda fortiow rien the Award was made.
1 agree with the conclusion of the Court that the period of time
that the Treaty was to be in force began to run as from the date
of the exchange of ratifications made under Article VI11 thereof.

This contention of Nicaragua is accordingly without substance.

Nicaragua next contends that the King of Spain never possessed
the capacity of a sole arbitrator; that what purported to be his
appointment was in breach of the provisions of the Treaty and
\vas totally devoid of al1validity.
1 do not find it necessary to determine whether the King's
appointment involved any non-compliance with the provisions of
the Treaty. Although 1incline strongly to the view that the appoint-
ment was irregular, this contention of Nicaragua fails because that
State is precluded hy its conduct prior to and during the course of
the arbitration from relying upon any irregularity in the appoint-
ment of the King as a ground to invalidate the Award.
Having failed to challenge the competency of the King as sole

arbitrator before or during the course of the arbitration but, on the
contrary, having invited him to make an award on the merits,
Nicaragua was thereafter precluded from contesting the regularity
of the appointment.
Al1the relevant facts relating to that appointment were known
to it when it participated in the arbitration. Each State party to OPINION ISI)IV11>17ELLE DE SIR PERCY SPESDER

Je conviens que la sentence est valable et que le Sicaragua est
tenu de l'exécuter. Attendu que ma manière de voir sur certaines

des questions en litige dans cette affaire est quelque peu différente
de celle que la Cour a adoptée, je désire exposer brièvement mes
1-ues sur les principales d'entre elles.

1,a validjté de la sentence dépend d'abord de l'accord souverain
des deux Etats pour la solliciter. La nature et les conditions de
cet accord se trouvent dans le traité Gamez-Bonilla qui devait
êtreen vigueur pour une période de dix ans.
Le Nicaragua a soutenu que cette période avait commencé à
courir à dater de la signature du traité et qu'en conséquence le
traité était expiré lorsque le roi d'Espagne a accepté les fonctions
d'arbitre unique et, a fortior losqu'il a rendu sa sentence.

Je suis d'accord avec la conclusion de la Cour que la période
pendant laquelle le traité était en vigueur a commencé de courir
à dater de l'échange des ratifications fait en vertu de l'article 8
du traité.
En conséquence, cet argument du Nicaragua est sans fondement.

Le Nicaragua soutient ensuite que le roi d'Espagne n'a jamais

eu la qualité d'arbitre unique; que ce qui a paru êtresa désignation
était contraire aux dispositions du traité et était absolument dénué
de toute validité.
A inon avis, il n'est pas nécessaire de déterminer si la désignation
du roi est entachée d'inexécution des dispositions du traité. Rien
que je penche fortement à croire que la désignation a étéirrégulière,
c,et argument du Nicaragua échoue parce que la conduite de cet
Etat, avant et pendant l'arbitrage, lui interdit d'invoquer une
irrégularité quelconque dans la désignation du roi coinme motif
pour invalider la sentence.
Faute d'avoir-, avant ou pendant l'arbitrage, excipé de l'incom-
pétence du roi comme arbitre iinique mais l'ayant ai1 contraire
in\,itià rendre une sentence au fond, le Nicaragua i~rlpou~ait,
par la suite, contester la régularité de sa désignation.

Tous les faits pertinents se rapportant i cettc, dbsignation liii
etaient connus lors(lii'i1a pris part B l'arbitrage. ('l-iaciindes I3tats220 JCDG31. 18 XI 60 (SEP. OPIS. SIR PERCY SPESL~EK)
the arbitration proceedings was entitled to place faith upon thr
deliberate conduct of the other State in the course of such pro-

ceedings. h'icaragua cannot be permitted to be placed in the poai-
tion where, had the Award been satisfactory from its point of vien-,
it could have accepted it, if not be free to disregard it as a nullity.
It would be contrary to the principle of good faith governing the
relations between States urere it permitted noM-to rely upon an?
irregularitj- in the appointment to invalidate the Award. Its con-
duct up to the moment the Award was made operated in mh-
opinion so as to preclude it thereafter frorn doing so, irrespecti1-t.
of any subsequent conduct on its part.
1 rest mj- opinion on this ground.

As to the contentions of Sicaragua that the An-ard is nuli on
the grounds of
(a) Excess of jurisdiction
(b) Essential error

(c) Lack or inadequacy of reasons in support of the Award,
I agree that Nicaragua, by reason of its conduct subsequent tu
the Award being made, is precluded from relying upon any one of
these contentions to invalidate the Award. 1 place particular im-
portance upon the fact that Nicaragua, for many years after the
terms of the Award became known to it, failed to raise any question
whatever as to its validity.

1 rest my opinion on this aspect of the case exclusively on the
ground of preclusion. It is unnecessary to determine whether but
for this preclusion any ofthese contentions of Nicaragua would haxre
afforded a cause of nullity. To attempt to do so would be, in my
view. an irrelevant excursion.

Finally, 1agree that the contention of Nicaragua that the Award,
by reason of obscurities and contradictions alleged by it, is in-
capable of execution, iswithout substance. No reason appears which
would prevent the Award being carried into effect.

(Signeg) Percy SPESDER. ARRET 18 XI 60 (OP. ISDIV.SIR PERCT SPESDER! 210

partie à la procédure arbitrale avait le droit de se fieà la conduite
délibéréede l'autre Etat au cours de cette procédure. On ne saurait
permettre au Nicaragua de se placer dans une position où il aurait
pu accepter la sentence si celle-ci était satisfaisante, à son point
de vue, et où il aurait pu l'écarter comme nulle dans le cascontraire.
Il serait CO-ntraireau principe de la bonne foi qui régit les rap-
ports entre Etats de permettre d'invoquer une irrégularité quel-
conque dans la désignation de l'arbitre pour invalider la sentence.
La conduite du Nicaragua jusqu'au moment où la sentence a été

rendue a eu, à mon avis, pour efiet de lui interdire de la contester
par la suite, quelle que soit la conduite qu'il ait pu avoir plus tard.
C'est sur ce motif que je fonde mon opinion.

Quant aux allégations du Xicaragua que la sentence serait
nulle pour les motifs suivants:

a) Excès de pouvoir,
b) Erreurs essentielles,
c) Défaut ou insuffisance de motifs à l'appui de la sentence.

je partage l'opinion que le Nicaragua est forclos à invoquer l'une
ou l'autre de ces allégations pour invalider la sentence. J'attache
une importance particulière au fait que, pendant de longues années
après avoir pris connaissance des termes de la sentence, le Sica-
ragua n'a soulevé aucune objection quant à sa validité.

Mon opinion sur cet aspect de la question repose exclusivement
sur le motif de la forclusion. Il est inutile de déterminer si,défaut
de cette forclusion, l'une des trois allégations du Nicaragua aurait
fourni un motif de nullité. Cette tentative, à mon avis, serait sans

pertinence.

Enfin, je reconnais que la thèse du Nicaragua d'après laquelle
la sentence ne peut êtreexécutéeen raison des obscurités et con-
tradictions qui l'affecteraient est sans fondement. On ne voit
aucune raison empêchant la sentence de recevoir son effet.

Document file FR
Document Long Title

Opinion individuelle de Sir Percy Spender (traduction)

Links