Opinion dissidente de M. Oda (traduction)

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090-19961212-JUD-01-07-EN
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OPINION DISSIDENTE DE M. ODA

[Traduction]

1. A mon grand regret, je ne peux pas souscrirà l'arrêtde la Cour qui
aurait dû, à mon avis, retenir l'exception préliminairesoulevéepar les
Etats-Unis et refuser de connaître de la requêtede l'Iran.

2. Le 2 novembre 1992,l'Iran a déposéune requête introduisant une
instance contre les Etats-Unisà la suite de l'attaque et de la destruction,
en 1987et en 1988,de trois installations de production pétrolière par la
marine de guerre des Etats-Unis; ces derniersauraient ainsi violéles obli-
gations leur incombant à l'égard del'Iran au titre du traité d'amitié,de

commerce et de droits consulaires,traité bilatéralconclu en 1955entre les
Etats-Unis et l'Iran, et auraient en outre violéle droit international.
L'Iran a invoquéle traité conclu avec les Etats-Unis comme titre de la
compétence dela Cour à connaître du différend. L'article pertinent du
traité(la clause cornpromissoire) se lit comme suit:
((ArticleXXI

.............................
2. Tout différend qui pourrait s'éleverentre les Hautes Parties
contractantes quant à l'interprétation ouà l'application du présent
traité et quine pourrait pas êtrerégd'une manière satisfaisantepar
la voie diplomatique seraporté devant la Cour internationale de Jus-
ticeà moins que les Hautes Parties contractantes ne conviennent de
le réglerpar d'autres moyens pacifiques.»

Le 16décembre1993,les Etats-Unis ont demandé à la Cour de faire droit
à leur exception préliminaired'incompétence.

3. A titre liminaire, je tiens tout d'aboàdposer la question de savoir
s'il existait réellement,avant le dépôt de la requête iranienne,un diffé-
rend entrel'Iran et les Etats-Unis quanà ((l'interprétation oà l'applica-
tion» du traitéde 1955.D'aprèsle dossier dont la Cour est saisie, il n'y a
pas eu de négociations diplomatiques entre les deux pays sur cette ques-

tion avant le dépôtde la requête iranienneen novembre 1992.Certes, au
cours de la procédureécriteet orale qui a suivi le dépôtde cette requête,
l'Iran a exposéson point de vue sur divers articles du traité(les articles 1,
IV, paragraphe 1,et X, paragraphe 1)et, en répondant à l'Iran, les Etats-
Unis ont exprimésur ces dispositions un autre avis. Mais cela ne veut
certainement pas dire qu'il y avait un différendentre l'Iran et les Etats- PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.DISS.ODA) 891

Unis quant à ((l'interprétation ouàl'application» du traité de 1955 qui
fût de nature à être porté devant laCour. Ne serait-ce que pour cette
simple raison, je crois qu'il étaitpossible de rejeter la requête iranienne
en la présente instance.

4. La présente affaire est pratiquement la première dans toute l'his-
toire de la Cour dans laquelle le demandeur cherche à s'appuyer essen-
tiellement sur une clause compromissoirefigurant dans un traité bilatéral
auquel il est partie, même s'l a déjà eu plusieursaffairesdans lesquelles
la clause compromissoire d'un traitébilatéral a servi de titre de compé-
tence complémentaireou subsidiaire(par exemple, le ((traitéd'amitié de
1955entre l'Iran et les Etats-Unis)- celui-là mêmequi est invoquéen
l'espèce- dans l'affaire relative au Personnel diplomatique et consulaire
des Etats-Unis à Téhéran (C.1J. Recueil 1980,p. 3) et le «traitéd'amitié,
de commerce et de navigation de 1956 entre le Nicaragua et les Etats-

Unis» qui fut invoqué dans l'affaire des Activitésmilitaires et paramili-
taires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amé-
rique), compétence etrecevabilité (C.I.J. Recueil 1984, p. 392)). C'est
pourquoi il me paraît pertinent d'examiner quel sens revêt uneclause
compromissoire figurant dans un traité bilatéral,quel qu'il soit, sous
l'angle du principe fondamental suivant lequel les Etats en litige sont
tenus de donner leur consentement àla compétence dela Cour.

II. LA CLAUSE COMPROMISSOIRE D'UN TRAITÉ ,

SOUS L'ANGLE DU CONSENTEMENT OBLIGATOIRE DES ETATS
À SAISIR LACOUR DE LEURS DIFFÉRENDS

5. Il ne fait Dasde doute aue le consentement d'Etats souverains à se
soumettre à la compétencede la Cour est une pierre angulaire de la jus-
tice internationale. Comme la Cour le fait observer dans sajurisprudence
récente,«l'un des principes fondamentaux de son Statut est qu'elle ne
peut trancher un différendentre des Etats sans que ceux-ci aient consenti
à sa juridiction)) (Timor oriental (Portugal c. Australie), arrêt,C.I.J.

Recueil 1995, p. 101 ; voir aussi les précédentsque la Cour cite à cette
occasion). D'après son Statut, la Cour peut être saisie de différends
d'ordre juridique de trois façons: i) quand les parties lui soumettent
ensemble le différend(art. 36, par. 1), ii) quand elle est saisie au titre de
la clause facultative par laquelle les Etats peuvent déclarerreconnaître sa
juridiction comme obligatoire (art. 36, par. 2), et iii) quand le différend
lui est soumis conformément à des dispositions conventionnelles (art. 36,
par. 1). Le fait qu'en cas de requête unilatérallea juridiction de la Cour
soit limitéeaux deux derniers modes de saisine (c'est-à-direii) et iii))pro-
cèdetoujours du principe fondamental selon lequel 1'Etat souverain est

tenu de donner son consentement à l'exercicede lajuridiction de la Cour,
car dans ces deux cas de figure1'Etatdéfendeurest censéavoir donné ce
consentement à l'avance, sous une forme générale, soitau moyen de la
clause facultative prévuedans le Statut, soit au moyen d'une clauseom-promissoire énoncéedans un traité. En l'absence du consentement des
Etats intéressés,que ce consentement ait valeur particulière ou valeur
générale,il n'y a pas de différendd'ordre juridique dont la Cour puisse
connaître.

1. Saisine conjointe de la Courpar la voie d'un compromis
(art. 36, par. 1).

6. Certains différendsont été portés devant la Courpar la voie d'un
compromis conclu spécialementpar les deux Etats en litige au titre de la
premièrepartie de l'article 36, paragraphe 1, du Statut. Du point de vue
de lajustice internationale, cette saisine conjointe de la Coàrla suite du
consentement des Etats parties au différendest incontestablement celle
qui se rapproche le plus de l'idéal.Au cours de ses trente premières
annéesd'existence, la Cour a étésaisie plusieurs fois par voie de com-

promis, mais au cours des vingt dernières années,mises à part certaines
affairesportées devant une chambre ad hoc, le cas ne s'estproduitànou-
veau que pour l'affaire du Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe
libyenne) (C.I.J. Recueil 1982, p. 18), l'affaire du Plateau continental
(Jamahiriya arabe libyenne/Malte) (C.I.J. Recueil 1985, p. 13) et celle
du Différend territorial (Jamahiriya arabe libyenne/Tchad) (C.I.J.
Recueil 1994, p. 6).

2. Engagement général pris par les Etats de saisir la Cour
des différends d'une portée plus large (la clausefacultative du Statut,
art. 36, par. 2).

7. Certains Etats sont disposés à donner compétence à la Cour pour
une gamme extrêmementétenduede différendsles opposant à d'autres
Etats qui restent indéterminés. Autrement dit, la Cour a alors compé-
tence pour :

((tous les différendsd'ordre juridique ayant pour objet:
a) l'interprétation d'untraité;
b) tout point de droit international;
c) la réalitéde tout fait qui, s'ilétait établi,constituerait la violation
d'un engagement international;
d) la nature ou l'étenduede la réparation due pour la rupture d'un
engagement international)),

dans des conditions de réciprocitépour certains Etats, car le para-
graphe 2 de l'article 3- ce qu'on appelle la clause facultativ- dispose
que les Etats parties au Statut de la Cour

((pourront, à n'importe quel moment, déclarerreconnaître comme
obligatoire de plein droit et sans convention spéciale, à l'égard de
tout autre Etat acceptant la mêmeobligation, la juridiction de la
Cour »sur tous les différendsvisésdans la citation ci-dessus. L'objet des diffé-
rends qui peuvent ainsi êtresoumis à lajuridiction obligatoire de la Cour
est assez vaste, nous l'avons dit, pour couvrir tous les différendsd'ordre
juridique. L'Etat qui fait cette déclaration d'acceptation est censéêtre
prêt etdisposé à se soumettre à la juridiction de la Cour pour toute une
large gamme de différendsd'ordre juridique susceptibles de s'éleverdans
ses relations avec d'autres Etats qui font une déclaration similaire.
8. En fait, pourtant, comme il est indiqué dans la dernièrelivraison en
date du rapport annuel de la Cour, à la fin de juillet 1996, seuls cin-
quante-neuf Etats sur cent quatre-vingt-sept au total qui sont parties au

Statut de la Cour ont fait une déclarationau titre du paragraphe 2 de l'ar-
ticle 36 du Statut. En outre, la plupart de ces déclarations s'accompa-
gnent de diverses réserveset ne sont valables que pour certaines périodes
limitées.Il convient de noter égalementque, naguère, quand la Cour a re-
jetéles exceptions préliminairessoulevéespar certains Etats, ces derniers
ont retiré la déclaration d'acceptation de la juridiction de la Cour qu'ils
avaient précédemmentfaite au titre de la clause facultative (ce fut le cas
de la France en janvier 1974, après les affaires des Essais nucléaires;le
cas des Etats-Unis aussi, en octobre 1985, après l'affaire des Activités
militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua
c. Etats-Unis d'Amérique)). Cela nous indique que les Etats ne sont pas
si nombreux à être vraimentdisposésou prêts à se soumettre à la juridic-
tion obligatoire de la Cour en ce qui concerne n'importe quel différend,

quelle que soit sa forme ou son type, susceptible de s'éleverentre eux à
l'avenir. En fait, en novembre 1992, date du dépôtde la requêteintro-
ductive d'instance en l'espèce,ni l'Iran ni les Etats-Unis n'avaient fait de
déclarationen ce sens.
9. L'histoire de la Cour nous indique que la plupart des affairesintro-
duites par voie de requête unilatéraleont porté surdes différendsoppo-
sant les Etats qui avaient acceptéla juridiction de la Cour au titre de la
clause facultative évoquée ci-dessusD. ans certaines de ces affaires, le dif-
férenda atteint la phase du fond sans susciter la moindre exception de la
part de 1'Etat défendeur et a étéen définitiveréglépar un arrêtde la
Cour. Pendant les trente premièresannéesde son existence,la Cour a été
saisiede quatre affairesde ce type, tandis qu'ellen'en a tranché quedeux
au cours des vingt dernières années:l'affaire de la Sentence arbitrale du
31juillet 1989 (C.I.J. Recueil 1991, p. 53) et l'affaire de la Délimitation

maritime dans la régionsituée entrele Groenlandet Jan Mayen (C.I.J.
Recueil 1993, p. 38). Toutefois, dans un certain nombre d'affaires intro-
duites par voie de requête unilatéraleau titre de la clause facultative du
Statut de la Cour, 1'Etatdéfendeura soulevédes exceptions préliminaires
à la compétence dela Cour motivéespar l'interprétation qu'il donnaitde
l'application qui avait étéfaite de ladite clause. Parfois, la Cour a rejeté
lesdites exceptions, de sorte que l'affaire a jugéeau fond. L'affaire des
Activitésmilitaires etparamilitaires auNicaraguaet contre celui-ci (Nica-
ragua c. Etats-Unis d'Amérique)(C.I.J. Recueil 1986, p. 14)est la seule
de ce type que la Cour ait jugéeau cours des vingt dernières années. LaCour peut aussi suivre le chemin inverse et retenir l'exception en faisant

application de la clause facultative, ce qui met fànl'instance. Mais il n'y
a en fait eu aucune affaire de ce type devant la Cour depuis vingt ans.
10. L'application de la clausefacultativedu Statut dela Cour ne peut être
invoquéequ'entre un nombrelimitéd'Etats.C'estla raison pour laquelle cer-
tains traitésconclus pour promouvoir le règlement pacifiquedes différends
entre un groupe d'Etats confèrejuridiction obligatoireà la Cour pour les
Etats signatairesde cestraités. L'actegénéralour lerèglement pacifiquedes
différendsinternationaux de 1928(art. 17) a servi de titre de compétence
dans l'affaire duPlateau continentalde la mer Egée(C.I.J. Recueil 1978,
p. 3) dans laquelle,toutefois, la Cour a rejetéla requêtede la Grèce;1'Aus-
tralie et la Nouvelle-Zélandeont égalementinvoqué l'acte général dan lss
affairesdes Essais nucléaire(sC.I.J. Recueil1974,p. 253,p. 457). Le traité
américainde règlement pacifiquede 1948(pacte de Bogota, art. XXXI) est
un autre exemple dece type de traité quia étéinvoquéavec succèsdans

l'affaire relatiàedesActionsarméesfrontalièree st transfrontalières(Nica-
ragua c.Honduras),compétence et recevabilitéC.I.J.Recuei11988,p. 67).

3. La saisine dela Cour danstous les cas prévus dans le tsaités
et conventionsen vigueur(la clausecompromissoire)

Il. Il arrive que les Etats passent des accords dans lesquels ils accep-

tent de donner compétence à la Cour pour certains différendsconformé-
ment à son Statut- car la seconde partie du paragraphe 1de l'article 36
dispose que la Cour peut être compétente dans ((tous lescas spécialement
prévus ..dans les traitéset conventions en vigueur)).

a) Les Etats s'engagentpar avance à porter devantla Courtout différend
particulier

12. Dans l'affaire du Plateau continentalde lamer Egée,nous l'avons
dit, la Grècea invoqué,pour deuxièmetitre de compétence,lecommuniqué
conjoint de Bruxellesde 1975émanantdes premiers ministres de Grèce et
de Turquie et attribuant compétence à la Cour pour le différend particulier
concernant le plateau continental de la mer Egée (voir ci-dessuspar. 10).
Dans l'affaire de Délimitation maritime etquestions territoriales entre
Qatar et Bahrein, compétence et recevabilité(C.I.J. Recueil 1995, p. 6),
Qatar a fondéla compétence dela Cour sur deux accords définissantl'objet
et la portée de l'engagement prisen ce qui concerne la compétence de la

Cour (c'était la((formulebahreïnite))). Chacun de ces accords entre deux
Etats ne constitue pas en soi une convention spécialemais c'estun accord
exprimant l'intention deporter un différend concretdevant la Cour.

b) La clause compromissoire des traités multilatéraux

13. Les Etats peuvent aussi convenir à l'avance en termes assez géné-
raux de porter devant la Cour des différends particuliers qui se situent PLATES-FORM PESROLIÈRES (OP.DISSO . DA) 895

dans un certain contexte prédéterminé.C'est ainsi que certains traités
multilatéraux (conclus pour définirles droits et obligations de fond de
plus de deux Etats) contiennent une clause compromissoire qui revient à
dire que tout différend s'élevantentre les Etats en question au sujet de
((l'interprétation ou l'application))esdits traités et qui ne serait pas
résolupar la négociationsera porté devant la Cour internationale de Jus-
tice. En outre, certainstraités multilatérauxdecaractèrenormatif adoptés
lors de conférencesdiplomatiques réuniespar l'organisation des Nations
Unies, dont un premier exemple fut celui des quatre conventions de
Genèvede 1958sur le droit de la mer, s'accompagnent d'un ((Protocole
de signature facultatif concernant le règlement obligatoire des diffé-
rends)), lequel constitue un instrument distinct annexé au corps du traité
et prévoitlajuridiction obligatoire de la Cour pour les Etats qui l'accep-

tent. Les différendsque les Etats soumettront ainsi à la Cour en invo-
quant comme titre de compétencela clause compromissoire d'un traité
multilatéral ou le protocole facultatif de règlement obligatoire des diffé-
rends n'ont pas un caractère aussi généralque ceux ((ayant pour objet
l'interprétation [de tout] traité [ou de] tout point de droit international))
qui sont visésdans la clause facultative énoncdans le Statut de la Cour,
et ils se limitent ((l'interprétation oà l'application)) du traité particu-
lier qui énoncela clause compromissoire ou auquel est annexéun proto-
cole facultatif.
14. Les Etats signatairesqui ont acceptéde ratifier les traités multila-
téraux contenant une clause compromissoire sans formuler de réserveau
sujet de ladite clause ou bien qui ont acceptéde ratifier le protocole facul-
tatif de règlement obligatoire des différends, selonle cas, sont censés

avoir optépour la compétenceobligatoire de la Cour dans leurs relations
avec les autres Etats signataires ayant acceptéla mêmeobligation quand
il surgit un différendau sujet de ((l'interprétation ou l'application)) du
traitéen question.
15. Il y n'a qu'un petit nombre d'affaires introduites par voie de
requête unilatérale danslesquellesle demandeur a invoquéla clause com-
promissoire d'un traité multilatéral ou bien le protocole facultatif de
règlement obligatoire des différends pour fonder la compétence de la
Cour. Toutefois, même chezles Etats qui ont accepté decette façon la
juridiction obligatoire de la Cour, la requête unilatéraleaurait pu susciter
des exceptions préliminairestout comme il en est pour des requêtes fon-
déessur la clause facultative du Statut. En fait, la convention de Vienne
sur les relations diplomatiques et la convention de Vienne sur les rela-
tions consulaires auxquelles a étéannexéun protocole facultatif de règle-

ment obligatoire des différendsont été invoquées commteitre de compé-
tence par les Etats-Unis dans l'affaire relative aursonnel diplomatique
et consulairedes Etats-Unis à Téhéran(voir ci-dessus par. 4). De même,
la Bosnie s'estfondéesur une clausecompromissoirede la convention sur
le génocide(art. IX) dans l'affaire relatiàl'Applicationde la convention
pour laprévention etla répressiondu crime de génocide,exceptions pré-
liminaires (C.I.J. Recueil 1996, p. 595). Dans la première de ces deux PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.DISSO. DA) 896

affaires, la Cour a procédéà un examen au fond en l'absence du défen-
deur (l'Iran), et, dans la seconde, la Cour a décidé deprocédàrcet exa-
men au fond en rejetant les exceptions préliminaires soulevéespar le
défendeur(la Yougoslavie).

III.LES PROBLÈMES PARTICULIERS LIÉS A LA CLAUSE COMPROMISSOIRE
D'UN TRAITÉ BILATÉRAL

16. Les traités multilatérauxne sont pas les seàlénoncerune clause
compromissoire; celle-ci figure aussi parfois dans des traités bilatéraux.
Mais la conclusion par deux Etats d'un traité bilatéral énonçant aii ne
clause compromissoireest par nature différente del'adhésiond'un Etat à
un traité multilatéral assorti d'uneclause compromissoire, en ce sens que,
par définition, la conclusion du traité bilatéralrepose implicitement sur
l'acceptation de lajuridiction obligatoire de la Cour.st manifestement
inconcevable d'offrir la possibilitéde formuler des réservesne disposi-
tion quelconqued'un traité bilatéral et,du seulfait que les deux Etats ont
conclu ce traité bilatéral qui énonceune clause compromissoire, chacun

de ces deux Etats est censénon seulement avoir souscrit aux dispositions
de fond du traité lui-même,mais encore avoir donné expressémentson
consentement à la compétence dela Cour sur les différends nésdu traité.
Le cas de figure est donc tout différentde celui du traité multilatéral,
puisque tout Etat signataire du traité multilatéralest en principe libre de
formuler des réservesàla clause compromissoire ou bien de ne pas ratifier
le protocole facultatif annexéau traité.Il faut par conséquentse pencher
avec plus d'attention encore sur le sensà attribuerà la clause compro-
missoire d'un traité bilatéral parce qu'aucunedes deux parties ne peut
échapper à la juridiction obligatoire de la Cour une fois que les deux
Etats ont convenu d'un commun accord de négocieret de conclure le

traité bilatéralen question. Et tout particulièrement, dans le cas d'un
traité bilatéral,il importe plus encorede rechercher jusqu'à quel point les
deux Etats ont acceptél'un et l'autre dese soumettrà lajuridiction obli-
gatoire de la Cour en faisant figurer une clause compromissoire dans le
traitéqu'ils concluent entre eux.
17. Le traité bilatéral doit, sans l'ombre d'un doute, procéderd'un
accord total entre les deux Etats, non seulement en ce qui concerne les
dispositions de fond, mais aussi en ce qui concernela portée, c'est-à-dire
l'objet et le but, du traité. Cette concordance de vues et d'intention des
deux Etats parties est le préalablede la conclusiondu traité bilatérallui-
même,en l'absence duquel le traité n'existerait pas.est donc invraisem-

blable qu'un différend puisses'éleverde bonne foi entre les deux Etats en
ce qui concerne la portée du traité, même s'ilest concevable qu'il faille
procéder à une interprétation des dispositions de foàl'occasion de leur
application à certains événementsconcrets. Par voie de conséquence,
mêmesi lesparties à un traité bilatéral sontdisposéeàs'enremettre à la
compétencede la Cour en faisant figurer dans le traité une clausecom-promissoive, il n'est pas possible qu'un différendporte sur la question de
savoir si des points essentiels relèvent de la portée générale du traité,
c'est-à-dire de son objet et de son but; le différendne peut porter exclu-
sivement que sur ((l'interprétationou l'application)) d'une dispositiondu
texte conventionnel tel qu'il a étéadoptéd'un commun accord. La déci-
sionjudiciaire ne peut qu'être limitée l'interprétationou à l'application
technique de telle ou telle disposition individuelle du traité,dont la portée
généralea été acceptée d'un commun accord par les Etats eux-mêmes.
L'étendue de((l'interprétation ou l'application)) d'un traité envisagée
dans la clause compromissoived'un traitébilatéral est strictement limitée.
Aucune des deux parties ne saurait confierl'évaluationdela portée, c'est-

à-dire de l'objet et du but, du traité à une tierce partie sans y avoir
consenti, mêmesi la clause compvomissoiveprévoitle cas du différend
relatifà l'interprétation ouà l'application des dispositions individuelles
du traité.
18. Compte tenu du principe fondamental de la justice internationale
qui est que la saisine de la Cour repose nécessairement sur le consente-
ment d7Etats souverains, ni l'un ni l'autre des Etats partieà un traité
bilatéral nepeut êtreprésuméavoir accepté (et n'a certainement jamais
en fait accepté) de laisserl'autre Etat saisir unilatéralement laCour d'un
différendtouchant l'objet etlebut du traitépuisque, en l'absence d'entente
sur ces questions entre deux Etats, le traitélui-mêmen'aurait jamais été
conclu. Une divergencede vues entre lesdeux Etats qui a traità la portée,
c'est-à-direà l'objet et au but d'un traiténe peut pas faire l'objet d'un
règlementpar la Cour en l'absenced'un consentement exprèspar les deux

Etats; le différend peut toutefois être porté devantla Cour par voie de
compromis, ou bien il donnera peut-être l'occasiond'appliquer la règle
du forum pvorogatum. Mais il s'agit alors de quelque chose de trèsdiffé-
rent d'une affaire d'((interprétation ou [d']application» de dispositions
individuellesdu traitéau sujet de laquelle les deux Etats sont habilitéspar
la clause compromissoire du traité à plaider, le cas échéant,devant la
Cour des thèses opposées.
19. Le nombre de traitésbilatéraux assortis d'une clause comuromis-
soire conférantjuridiction àla Cour est minime, comme le prouve le fait
qu'au cours des vingt dernières annéesil n'a été conclu quequatre traités
bilatéraux dece type (voir C.I.J. Annuaire 1994-1995,p. 127),mêmesi
ces traitésbilatéraux ont étéassez nombreux pendant l'immédiat après-
guerre, et le traitéde 1955est de ceux-là. L'explication est peut-être que

rares sont les Etats acceptant de risquer d'élargir considérablementdans
la pratique la compétence de la Cour du seul fait qu'ils ont consenti à
conclure un traitébilatéralimposant aux Etats parties de respecter dans
leurs relations certains droits et certaines obligations. La saisine de la
Cour au titre de laclause compromissoived'un traitébilatérala été beau-
coup moins fréquenteque sa saisine au titre de la clause facultative, voire
au titre de lalause compromissoived'un traité multilatéral.En fait, dans
toute l'histoire de la Cour, il n'y a jamais eu d'affaire dans laquelle le
principal titre de compétence invoquéait été la clause compromissoiveclassique qui figure dans un traité bilatéral, je l'ai déjà signalé (voir
par. 4). (L'accord de tutelle de 1946 (dont l'article 19constituait une
clause compromissoire) qui a été invoqué commetitre de compétence
dans l'affaire du Cameroun septentrional (C.I.J. Recueil 1963, p. 15)ne
peut pas être considéré commu en traitébilatéralau sens courant.)
20. Pour en terminer, la clause compvomissoired'un traitébilatéralne
peut pas être réputéd eonner le loisià l'une desparties de porter devant
laCour des différendsl'opposant àl'autre partie qui n'ont pas derapport

précis avecles intérêtsd'ordre juridique (c'est-à-direles droits et les obli-
gations) correspondant à l'objet et au but du traitéconclu d'un commun
accord par les deux Etats. S'agissant tout particulièrement d'un traité
bilatéral,le principe fondamental de la compétencede la Cour qui est que
cette compétence repose surle consentement d'Etats souverains donné à
titre ad hoc ou donné à l'avance sous une forme ou sous une autre doit
s'interpréterde façon restrictive et ne souffre aucun laxisme.

IV. CONCLUSION

21. Le traitéd'amitié de1955a été conclu entre l'Iran et les Etats-Unis
pour protégerles biens et les intérêtsdes ressortissants et des sociétés de
l'une des partiessur le territoire de l'autre, et consigne l'engagementréci-

proque d'assurer un traitement équitableet non discriminatoire aux res-
sortissants et aux sociétsui selivrentà des activités commerciales,indus-
trielles et financières.Il peut arriver qu'un différends'élentre les deux
Etats quant à ((l'interprétationouàl'application» del'une quelconque des
dispositions particulières dece traitéd'amitié de1955en cas de violation
des droits d'un ressortissant ou d'une société de l'udes parties protégés
par letraité surleterritoire del'autre partiecommisepar cette autre partie,
ou bien au cas où le gouvernement de l'unedesparties ne s'acquittepas des
obligations qui luiincombent en vertu du traité l'égardd'un ressortissant
ou d'une société de l'autrepartie. Si le différend n'estpasréglé...par la
voie diplomatique))entre les deux Etats parties (certainement aprèsépui-
sement des recours internes),la Cour peut êtresaisie d'une requêteunila-
térale de l'une desparties sous l'effetdu paragraphe 2 de l'articleXXI du
traité.Toutefois, cela ne veut pas du tout dire que le différenddéfinidans
la requête déposé par l'Iran le 2 novembre 1992correspond vraiment au

type de différendque le traité aainsi défini.Le problèmeà trancher par la
Cour est d'établirsi le vrai différendentre l'Iran et les Etats-Unis qui
découlede l'attaque lancéecontre les plates-formes pétrolières iraniennes
et de leur destruction par lesEtats-Unis au terme d'une séried'événements
qui se sont déroulésalors que l'une etl'autre partie recouraient l'emploi
de la force pendant la guerre Iran-Iraq est, comme l'Iran le prétend et
comme la Cour le conclut, un différend relatif à ((l'interprétationouà
l'application» du traitéau sensdu paragraphe 2de son articleXXI. Amon
sens, tel n'estabsolument pas le cas.
22. A supposer que l'attaque lancéecontre les plates-formes ou leurdestruction (ou le recours à la force armée en général)ait fait l'objet de
négociations diplomatiques entre l'Iran et les Etats-Unis, négociations
qui n'auraient pas abouti, ladite attaque ne peut pas être considérée
comme rentrant dans les prévisionsdu traité de1955pour les raisons que
le conseil des Etats-Unisa qualifiéesde ((manque de lien raisonnable))et,
à mon sens, est par nature totalement étrangèreau champ d'application
du traité.Les Etats-Unis n'ont certainementpas voulu (et aucun Etat ne
saurait vouloir)conférerjuridiction à la Cour pour connaître d'un tel dif-
férenden se contentant de conclure ce type de traité. Il est aujourd'hui

demandé à la Cour si l'action menéeen l'occurrence par les Etats-Unis a
été decelles qui rentrent véritablement dans les prévisionsdu traité ou,
plus précisément, decelles qui portent atteinte aux intérêts d'ordre juri-
dique (c'est-à-direaux droits et obligations) de l'Iran que le traité de1955
étaitcenséprotéger.
23. A mon sens, l'Iran n'a pas compétencepour porter unilatéralement
devant la Cour, en invoquant la clause cornpromissoire de ce traité,un
différendqui va au-delà de l'interprétation oude l'application des dispo-
sitions du traité bilatéral d'amitié de1955et qui a trait la portéegéné-
rale du traité. Sans aucun doute, un différenddécoulantde la destruction
par les forces armées des Etats-Unis des plates-formes pétrolières en
question peut êtresoumis à la Cour par d'autres moyens, c'est-à-dire par
voie de saisine conjointe (au moyen d'un compromis) ou bien par appli-
cation de la règledu forum pvorogaturn au cas où les Etats-Unis accep-

teraient par la suite de se soumettre à la juridiction de la Cour. Or, en
fait, les Etats-Unis ont soulevéune exception à la compétence dela Cour
par rapport à la requête iranienne.
24. Tout en disant que l'article premier du traité d'amitié«ne sau-
rait ..fonder la compétence dela Cour» (arrêt,par. 31) et que le para-
graphe 1 de l'article IV «ne saurait ...[pas plus] fonder la compétence
de la Cour» (ibid., par. 36),la Cour est d'avis que «[la]licéité [dla des-
truction des plates-formes pétrolièresiraniennes] est susceptible d'être
évaluéeau regard [du paragraphe 1de l'article XI» (ibid., par. 51) et elle
dit ceci:

«En considération de ce qui précède,la Cour conclut qu'il existe
entre les Parties un différendquant à l'interprétation età l'applica-
tion du paragraphe 1 de l'article X du traité de 1955; que ce diffé-
rend entre dans les prévisionsde la clause compromissoirefigurant
au paragraphe 2 de l'article XXI du traité; et que la Cour est par
suite compétente pour connaître dudit différend.» (Ibid., par. 53.)

L'Iran a saisi la Cour en l'espècedans l'espoir qu'elle déciderait que les
Etats-Unis ont violéplusieurs obligations leur incombant au titre du
traitéde 1955et au titre du droit international et a soutenu aue «la Cour
a compétenceen vertu du traité d'amitiépour connaître du différend))
(requêtede l'Iran, p. 12; les italiques sont de moi). La Cour répond
aujourd'hui qu'elle «a compétencesur la base du paragraphe 2 de l'ar-
ticle XXI du traité de 1955pour connaître des demandesformuléespar la PLATES-FORM PETROLIÈRES (OP.DISS.ODA) 900

Républiqueislamique d'Iran au titre dupavagvaphe 1 de l'avticleX dudit
traité))(arrêt,dispositif, par. 2; les italiques sont de moi).
25. En répondant ainsi à la requête iraniennedans le présentarrêt,la
Cour commet une erreur d'interprétation. La Cour étaitpriéepar l'Iran
de dire et jugeràce stade qu'elleétait compétenteau titre du traitépour
connaître du différendoccasionnépar la destruction desplates-formes par
les forces des Etats-Unis mais non pas de dire qu'elle était compétente
pour connaître de demandes, quelles qu'ellessoient, formuléespar l'Iran
au titre de tel ou tel autre article dudit traité,en l'espècele paragraphe 1
de l'article X. A mon sens, la conclusionà laquelle la Cour a abouti est

injustifiée,parce que la Cour n'aurait pas dû interpréter chacune des dis-
positions correspondant à l'article premier,au paragraphe 1de l'articleIV
et au paragraphe 1 de l'article X comme lui conférantun titre de compé-
tence, elle aurait dû plutôt établir qu'un différs'élevantentre l'Iran et
les Etats-Unis au sujet de l'attaque lancéecontre les plates-formes pétro-
lièresiraniennes et de leur destruction, au cas où un tel différend existerait
effectivement, entre dans les prévisionsdu traitéd'amitié de1955.
26. A ne pas rejeter la requête iranienneen l'espèce,on risque d'inciter
lesEtats àprendre prétextedela violation de n'importe quelledisposition
banale de n'importe quel traitéassorti d'uneclause compromissoirepour
intenter unilatéralement devant la Cour une action contre l'autre partie
au traitéen soutenant purement et simplement qu'il existe un différend

entrant dans lesprévisionsdu traité alorsquela partie adverse leconteste.
Cela reviendrait à appliquer une sorte de fausse logique, complètement
étrangèreau contexte authentique du traitéet constituerait bel et bien un
abus d'interprétation conventionnelle: la Cour risquerait de ((paraître se
prêter à la soumission d'une affaire)) par la petite porte)) (voir mon
opinion individuelle dans l'affaire des Activités militaires et paramili-
taives au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Ami-
rique), C.I.J. Recueil 1984, p. 472).

(Signé) Shigeru ODA.

Bilingual Content

DISSENTING OPINION OF JUDGE ODA

1. To my great regret 1find myself dissenting from the Court's Judg-
ment on account of my belief that the Court should have upheld the pre-
liminary objection concerning the Court's jurisdiction as raised by the
United States, and should have declined to entertain the Application filed
by Iran.
2. On 2 November 1992,Iran filedthe Application instituting proceed-
ings against the United States in respect of a dispute arising out of the
attack on and destruction of three oil platforms by the United States
Navy in 1987and 1988, in which it claimed that the United States had
breached its obligations to Iran under the Treaty of Amity, Economic
Relations and Consular Rights, a bilateral treaty which it had concluded
in 1955with the United States, and had breached international law. Iran

invoked that Treaty as a basis for the Court's jurisdiction to entertain the
dispute. The relevant Article in the Treaty (compromissory clause) reads :

"Article XXI
.............................

2. Any dispute between the High Contracting Parties as to the
interpretation or application of the present Treaty, not satisfactorily
adjusted by diplomacy,shall be submitted to the International Court
of Justice, unless the High Contracting Parties agree to settlement by
some other pacific means."

On 16December 1993,the United States requested the Court to uphold
its preliminary objection to the jurisdiction of the Court to entertain the

case.
3. By way of an introduction to my opinion, 1wonder if there was in
fact any dispute between Iran and the United Statesprior to the filing of
the Application of Iran with respect to the "interpretation or applica-
tion" of the 1955 Treaty. As far as the record before the Court shows,
there was no diplomatic negotiation between the two countries on this
subject before Iran filed the Application in November 1992.Certainly, in
the written and oral proceedings which followed on from the Applica-
tion, Iran expressed its views on various articles (i.e., Articles 1, IV (1)
and X (1)) of that Treaty and, in response, the United States presented
different views. But this surely does not mean that there was previously
any dispute between Iran and the United States as to the "interpretation OPINION DISSIDENTE DE M. ODA

[Traduction]

1. A mon grand regret, je ne peux pas souscrirà l'arrêtde la Cour qui
aurait dû, à mon avis, retenir l'exception préliminairesoulevéepar les
Etats-Unis et refuser de connaître de la requêtede l'Iran.

2. Le 2 novembre 1992,l'Iran a déposéune requête introduisant une
instance contre les Etats-Unisà la suite de l'attaque et de la destruction,
en 1987et en 1988,de trois installations de production pétrolière par la
marine de guerre des Etats-Unis; ces derniersauraient ainsi violéles obli-
gations leur incombant à l'égard del'Iran au titre du traité d'amitié,de

commerce et de droits consulaires,traité bilatéralconclu en 1955entre les
Etats-Unis et l'Iran, et auraient en outre violéle droit international.
L'Iran a invoquéle traité conclu avec les Etats-Unis comme titre de la
compétence dela Cour à connaître du différend. L'article pertinent du
traité(la clause cornpromissoire) se lit comme suit:
((ArticleXXI

.............................
2. Tout différend qui pourrait s'éleverentre les Hautes Parties
contractantes quant à l'interprétation ouà l'application du présent
traité et quine pourrait pas êtrerégd'une manière satisfaisantepar
la voie diplomatique seraporté devant la Cour internationale de Jus-
ticeà moins que les Hautes Parties contractantes ne conviennent de
le réglerpar d'autres moyens pacifiques.»

Le 16décembre1993,les Etats-Unis ont demandé à la Cour de faire droit
à leur exception préliminaired'incompétence.

3. A titre liminaire, je tiens tout d'aboàdposer la question de savoir
s'il existait réellement,avant le dépôt de la requête iranienne,un diffé-
rend entrel'Iran et les Etats-Unis quanà ((l'interprétation oà l'applica-
tion» du traitéde 1955.D'aprèsle dossier dont la Cour est saisie, il n'y a
pas eu de négociations diplomatiques entre les deux pays sur cette ques-

tion avant le dépôtde la requête iranienneen novembre 1992.Certes, au
cours de la procédureécriteet orale qui a suivi le dépôtde cette requête,
l'Iran a exposéson point de vue sur divers articles du traité(les articles 1,
IV, paragraphe 1,et X, paragraphe 1)et, en répondant à l'Iran, les Etats-
Unis ont exprimésur ces dispositions un autre avis. Mais cela ne veut
certainement pas dire qu'il y avait un différendentre l'Iran et les Etats-or application" of the 1955Treaty, such as to be submitted to this Court.
1believe, evenif only for that simple reason, that the Iranian Application
in the present case could have been dismissed.

4. This is practically the first case in the history of this Court in which
the Applicant attempts to rely mainly on a compromissory clause of a
bilateral treaty to which it is aarty, although there have been a few
cases in which a compromissory clause of a bilateral treaty was relied
upon as an additional or subsidiary basis for the Court's jurisdiction
(e.g., the "1955 Iran-United StatesTreaty of Amity- which is invoked
in the present case- in the case concerning United States Diplornatic
and Consular Staff in Tehran (I.C.J. Reports 1980, p. 3) and the "1956

Nicaragua-United States Treaty of Friendship, Commerce and Naviga-
tion" invoked in the case concerningilitary and Paramilitary Activities
in and against Nicaragua (Nicaragua v. United States of America),
Jurisdiction and Admissibility (I.C.J. Reports 1984, p. 392)). For this rea-
son, it would seem to be pertinent to examine the meaning of a compro-
missory clause included in any given bilateral treaty in the context of the
fundamental principle concerning the required consent to jurisdiction of
the States in dispute.

II. THE COMPROMISSO CLYAUSE OF A TREATY IN
RELATIO TNO THE REQUIRED CONSEN TF STATE SOR
REFERRA LF DISPUTE SO THE COURT

5. There is no doubt whatever that the consent of sovereign States to
be subject to the Court's jurisdiction is a cornerstone of international jus-

tice. As is pointed out in the recent jurisprudence of the Court, "one of
the fundamental principles of the Statute is that the Court cannot decide
a dispute between States without the consent of those States to its juris-
diction" (East Timor (Portugal v. Australia), Judgment, I.C.J. Reports
1995, p. 101; see also the precedents of the Court referred to therein).
According to its Statute, the Court may be seised of legal disputes in
three different ways: namely, (i) by joint referral of disputes to the Court
(Art. 36 (l)), (ii) by seisingthe Court under the optional clause whereby

the States may declare that they recognize as compulsory the jurisdiction
of the Court (Art. 36(2)), and (iii) by the referral of disputes in accord-
ance with treaty provisions (Art. 36 (1)). The fact that the Court's juris-
diction in a case of unilateral application is restricted to the latter two
instances (in other words, (ii)and (iii)) remains as a reflection ofthe basic
principle that the consent of the sovereign State is required for the
ciseof the Court's jurisdiction, as in these cases the respondent States are
deemed to have given such consent in advance in general terms by means

of the optional clause of the Statute or by the insertion of a compromis-
sory clauseinto treaties. Without the consent, whether individual or gen- PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.DISS.ODA) 891

Unis quant à ((l'interprétation ouàl'application» du traité de 1955 qui
fût de nature à être porté devant laCour. Ne serait-ce que pour cette
simple raison, je crois qu'il étaitpossible de rejeter la requête iranienne
en la présente instance.

4. La présente affaire est pratiquement la première dans toute l'his-
toire de la Cour dans laquelle le demandeur cherche à s'appuyer essen-
tiellement sur une clause compromissoirefigurant dans un traité bilatéral
auquel il est partie, même s'l a déjà eu plusieursaffairesdans lesquelles
la clause compromissoire d'un traitébilatéral a servi de titre de compé-
tence complémentaireou subsidiaire(par exemple, le ((traitéd'amitié de
1955entre l'Iran et les Etats-Unis)- celui-là mêmequi est invoquéen
l'espèce- dans l'affaire relative au Personnel diplomatique et consulaire
des Etats-Unis à Téhéran (C.1J. Recueil 1980,p. 3) et le «traitéd'amitié,
de commerce et de navigation de 1956 entre le Nicaragua et les Etats-

Unis» qui fut invoqué dans l'affaire des Activitésmilitaires et paramili-
taires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amé-
rique), compétence etrecevabilité (C.I.J. Recueil 1984, p. 392)). C'est
pourquoi il me paraît pertinent d'examiner quel sens revêt uneclause
compromissoire figurant dans un traité bilatéral,quel qu'il soit, sous
l'angle du principe fondamental suivant lequel les Etats en litige sont
tenus de donner leur consentement àla compétence dela Cour.

II. LA CLAUSE COMPROMISSOIRE D'UN TRAITÉ ,

SOUS L'ANGLE DU CONSENTEMENT OBLIGATOIRE DES ETATS
À SAISIR LACOUR DE LEURS DIFFÉRENDS

5. Il ne fait Dasde doute aue le consentement d'Etats souverains à se
soumettre à la compétencede la Cour est une pierre angulaire de la jus-
tice internationale. Comme la Cour le fait observer dans sajurisprudence
récente,«l'un des principes fondamentaux de son Statut est qu'elle ne
peut trancher un différendentre des Etats sans que ceux-ci aient consenti
à sa juridiction)) (Timor oriental (Portugal c. Australie), arrêt,C.I.J.

Recueil 1995, p. 101 ; voir aussi les précédentsque la Cour cite à cette
occasion). D'après son Statut, la Cour peut être saisie de différends
d'ordre juridique de trois façons: i) quand les parties lui soumettent
ensemble le différend(art. 36, par. 1), ii) quand elle est saisie au titre de
la clause facultative par laquelle les Etats peuvent déclarerreconnaître sa
juridiction comme obligatoire (art. 36, par. 2), et iii) quand le différend
lui est soumis conformément à des dispositions conventionnelles (art. 36,
par. 1). Le fait qu'en cas de requête unilatérallea juridiction de la Cour
soit limitéeaux deux derniers modes de saisine (c'est-à-direii) et iii))pro-
cèdetoujours du principe fondamental selon lequel 1'Etat souverain est

tenu de donner son consentement à l'exercicede lajuridiction de la Cour,
car dans ces deux cas de figure1'Etatdéfendeurest censéavoir donné ce
consentement à l'avance, sous une forme générale, soitau moyen de la
clause facultative prévuedans le Statut, soit au moyen d'une clauseom-eral, of the States concerned, there will be no legal dispute which can be
adjudicated by the Court.

1. Joint Referral to the Courtby a Special Agreement -

Article 36 (1)

6. Some disputes have been presented to the Court on an ad hoc basis
by a special agreement of the two States in dispute under the first part of
Article 36 (1). The joint referral of any case to the Court, as a result of
the consent of the Statesparties thereto, is undoubtedly the closest to the
ideal in terms of the application of international legaljustice. There were
somecases referred to the Court by a specialagreement in its first 30-year
period but the following are the only cases of this type with which the
Court has dealt during the past 20 years, apart from some ad hoc Cham-
ber cases : Continental Shelf (Tunisia/Libyan Arab Jamahiriya) (I.C.J.

Reports 1982, p. 18),Continental Shelf (Libyan Arab Jamahiriya/Malta)
(I.C.J. Reports 1985, p. 13),and Territorial Dispute (Libyan Arab Jama-
hiriya/Chad) (1C ..J. Reports 1994, p. 6).

2. The General Commitments of States to Refer to the Court

Disputes of a Wider Scope - the Optional Clause in the Statute -
Article 36 (2)

7. Some States are prepared to defer to the Court's jurisdiction on an
extremely wide range of disputes with other unspecified States. In other
words, the Court's jurisdiction in

"al1legal disputes concerning :
(a) the interpretation of a treaty;
(b) any question of international law;
(c) the existence of any fact which, if established, would constitute
a breach of an international obligation;

(d) the nature or extent of the reparation to be made for the breach
of an international obligation"
exists on a reciprocal basis among certain States, as Article 36 (2) - the
optional clause - provides that the States parties to the Court's Statute

"may at any time declare that they recognize as compulsory ipso
facto and without special agreement, in relation to any other State
acceptingthe same obligation, the jurisdiction of the Court"promissoire énoncéedans un traité. En l'absence du consentement des
Etats intéressés,que ce consentement ait valeur particulière ou valeur
générale,il n'y a pas de différendd'ordre juridique dont la Cour puisse
connaître.

1. Saisine conjointe de la Courpar la voie d'un compromis
(art. 36, par. 1).

6. Certains différendsont été portés devant la Courpar la voie d'un
compromis conclu spécialementpar les deux Etats en litige au titre de la
premièrepartie de l'article 36, paragraphe 1, du Statut. Du point de vue
de lajustice internationale, cette saisine conjointe de la Coàrla suite du
consentement des Etats parties au différendest incontestablement celle
qui se rapproche le plus de l'idéal.Au cours de ses trente premières
annéesd'existence, la Cour a étésaisie plusieurs fois par voie de com-

promis, mais au cours des vingt dernières années,mises à part certaines
affairesportées devant une chambre ad hoc, le cas ne s'estproduitànou-
veau que pour l'affaire du Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe
libyenne) (C.I.J. Recueil 1982, p. 18), l'affaire du Plateau continental
(Jamahiriya arabe libyenne/Malte) (C.I.J. Recueil 1985, p. 13) et celle
du Différend territorial (Jamahiriya arabe libyenne/Tchad) (C.I.J.
Recueil 1994, p. 6).

2. Engagement général pris par les Etats de saisir la Cour
des différends d'une portée plus large (la clausefacultative du Statut,
art. 36, par. 2).

7. Certains Etats sont disposés à donner compétence à la Cour pour
une gamme extrêmementétenduede différendsles opposant à d'autres
Etats qui restent indéterminés. Autrement dit, la Cour a alors compé-
tence pour :

((tous les différendsd'ordre juridique ayant pour objet:
a) l'interprétation d'untraité;
b) tout point de droit international;
c) la réalitéde tout fait qui, s'ilétait établi,constituerait la violation
d'un engagement international;
d) la nature ou l'étenduede la réparation due pour la rupture d'un
engagement international)),

dans des conditions de réciprocitépour certains Etats, car le para-
graphe 2 de l'article 3- ce qu'on appelle la clause facultativ- dispose
que les Etats parties au Statut de la Cour

((pourront, à n'importe quel moment, déclarerreconnaître comme
obligatoire de plein droit et sans convention spéciale, à l'égard de
tout autre Etat acceptant la mêmeobligation, la juridiction de la
Cour »in the matters referred to in the above quotation. The subject-matter of
the disputes that can be submitted to the Court's compulsoryjurisdiction
is wide enough to cover al1legal disputes, as mentioned above. A State
which makes such a declaration is deemed to be readv and willinrrto "
defer to the Court's jurisdiction on a wide range of legal disputes which
may possibly arise in its relations with other States making similar dec-
larations.
8. In fact, however, as can be seen from the Annual Report of the
Court for this year, as of the end of July 1996, only 59 States out of a
total of 187States members of the Court's Statute had made declarations
under Article 36 (2). In addition. most of the declarations are accom-
\,
panied by various reservations and their validity is limited to certain
restricted periods. It should also be noted that, in the past, when the pre-
liminary objections raised by some States were rejected by the Court,
those States proceeded to withdraw the declaration of the acceptance of
the Court's jurisdiction under the optional clause which they had previ-
ously made (e.g., France, in January 1974after the Nuclear Tests cases;
the United States, in October 1985after the case concerning Military and
Paramilitary Activities in and against Nicaragua (Nicaragua v. United
States of America)). This tells us that there are not so many States that
are really willing or prepared to subject themselves to the compulsory
jurisdiction of the Court in relation to any disputes, in whatever shape or
form, that might arise in the future. In fact, neither Iran nor the United
States had made such a declaration as of November 1992, the date of

filing of the Application in the present case.

9. It is noted in the history of the Court that most cases of unilateral
application were related to disputes which arose between those States
which had accepted the Court's jurisdiction under the optional clause, as
referred to above. In some of those cases, the disputes came to the merits
phase of the Court's proceedings without occasioning any objection by
the respondent State and were finally settled by a Judgrnent of the Court.
While there were four cases in the first 30-year period of the Court, the
only two cases of this type with which the Court dealt during the past
20 years are: Arbitral Award of 31 July 1989 (I.C.J. Reports 1991, p. 53)
and Maritime Delimitation in the Area between Greenland and
Jan Mayen (I.C.J. Reports 1993, p. 38). However, in a number of cases

of unilateral application on the basis of the optional clause of the Court's
Statute, preliminary objections to the Court's jurisdiction were raised by
the respondent States on account of their interpretations of the ways in
which that clause had been applied. In some cases, the Court dismissed
such objections, so that the cases in question came to the merits phase.
The case concerning Military and Paramilitary Activities in and against
Nicaragua (Nicaragua v. United States of America) (I. C.J. Reports
1986,p. 14) isthe only one of this type with which the Court has dealt in
the course of the past 20 years. Alternatively, the Court could uphold thesur tous les différendsvisésdans la citation ci-dessus. L'objet des diffé-
rends qui peuvent ainsi êtresoumis à lajuridiction obligatoire de la Cour
est assez vaste, nous l'avons dit, pour couvrir tous les différendsd'ordre
juridique. L'Etat qui fait cette déclaration d'acceptation est censéêtre
prêt etdisposé à se soumettre à la juridiction de la Cour pour toute une
large gamme de différendsd'ordre juridique susceptibles de s'éleverdans
ses relations avec d'autres Etats qui font une déclaration similaire.
8. En fait, pourtant, comme il est indiqué dans la dernièrelivraison en
date du rapport annuel de la Cour, à la fin de juillet 1996, seuls cin-
quante-neuf Etats sur cent quatre-vingt-sept au total qui sont parties au

Statut de la Cour ont fait une déclarationau titre du paragraphe 2 de l'ar-
ticle 36 du Statut. En outre, la plupart de ces déclarations s'accompa-
gnent de diverses réserveset ne sont valables que pour certaines périodes
limitées.Il convient de noter égalementque, naguère, quand la Cour a re-
jetéles exceptions préliminairessoulevéespar certains Etats, ces derniers
ont retiré la déclaration d'acceptation de la juridiction de la Cour qu'ils
avaient précédemmentfaite au titre de la clause facultative (ce fut le cas
de la France en janvier 1974, après les affaires des Essais nucléaires;le
cas des Etats-Unis aussi, en octobre 1985, après l'affaire des Activités
militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua
c. Etats-Unis d'Amérique)). Cela nous indique que les Etats ne sont pas
si nombreux à être vraimentdisposésou prêts à se soumettre à la juridic-
tion obligatoire de la Cour en ce qui concerne n'importe quel différend,

quelle que soit sa forme ou son type, susceptible de s'éleverentre eux à
l'avenir. En fait, en novembre 1992, date du dépôtde la requêteintro-
ductive d'instance en l'espèce,ni l'Iran ni les Etats-Unis n'avaient fait de
déclarationen ce sens.
9. L'histoire de la Cour nous indique que la plupart des affairesintro-
duites par voie de requête unilatéraleont porté surdes différendsoppo-
sant les Etats qui avaient acceptéla juridiction de la Cour au titre de la
clause facultative évoquée ci-dessusD. ans certaines de ces affaires, le dif-
férenda atteint la phase du fond sans susciter la moindre exception de la
part de 1'Etat défendeur et a étéen définitiveréglépar un arrêtde la
Cour. Pendant les trente premièresannéesde son existence,la Cour a été
saisiede quatre affairesde ce type, tandis qu'ellen'en a tranché quedeux
au cours des vingt dernières années:l'affaire de la Sentence arbitrale du
31juillet 1989 (C.I.J. Recueil 1991, p. 53) et l'affaire de la Délimitation

maritime dans la régionsituée entrele Groenlandet Jan Mayen (C.I.J.
Recueil 1993, p. 38). Toutefois, dans un certain nombre d'affaires intro-
duites par voie de requête unilatéraleau titre de la clause facultative du
Statut de la Cour, 1'Etatdéfendeura soulevédes exceptions préliminaires
à la compétence dela Cour motivéespar l'interprétation qu'il donnaitde
l'application qui avait étéfaite de ladite clause. Parfois, la Cour a rejeté
lesdites exceptions, de sorte que l'affaire a jugéeau fond. L'affaire des
Activitésmilitaires etparamilitaires auNicaraguaet contre celui-ci (Nica-
ragua c. Etats-Unis d'Amérique)(C.I.J. Recueil 1986, p. 14)est la seule
de ce type que la Cour ait jugéeau cours des vingt dernières années. Laobjections on the ground of the application of the optional clause, thus
bringing the case to an end. There has, in fact, been no case of this kind
dealt with by this Court in this past 20-year period.
10. The application of the optional clause of the Court's Statute can
only be effected among a certain limited number of States. For this
reason, some treaties concluded to promote the peaceful settlement of
disputes among a group of States establish the compulsoryjurisdiction

of the Court among the States signing these treaties. The 1928General
Act for the Pacific Settlement of International Disputes (Art. 17) was
used as the basis of jurisdiction in the case concerning the Aegean Sea
Continental Shelf (I.C.J. Reports 1978, p. 3), in which, however, the
Court dismissed the Application of Greece; it was also invoked by Aus-
tralia and New Zealand in the Nuclear Tests cases (I.C.J. Reports 1974,
pp. 253, 457). The 1948American Treaty on Pacific Settlement(the Pact
of Bogota) (Art. XXX1) is another such example successfullyinvoked in
the case concerning Border and TransborderArmed Actions (Nicaragua
v. Honduras), Jurisdiction and Admissibility (I.C.J. Reports 1988, p. 67).

3. The Referral of al1Matters Providedfor in Treaties and
Conventions - the Compromissory Clause

11. There are some cases in which States enter into agreements in
which they accept the Court's jurisdiction to deal with certain disputes in
accordance with the Statute - as the second part of Article 36 (1) pro-
vides that the Court may deal with "al1matters speciallyprovided for .. .

in treaties and conventions in force".

(a) The commitments of States given inadvance to refer any particular
dispute to the Court

12. In the Aegean Sea Continental Shelf case, as mentioned above,
Greece relied - as a second basis of jurisdiction - upon the Brussels
Joint Communiquéof 1975issued by the Prime Ministers of Greece and
Turkey and conferringjurisdiction in that particular case concerningthe
continental shelf of the Aegean Sea (seepara. 10 above). In the case con-
cerning Maritime Delimitation and Territorial Questions between Qatar
and Bahrain, Jurisdiction and Admissibility (I.C.J. Reports 1995, p. 6),
Qatar invoked as the basis of jurisdiction the two agreements determin-
ing the subject and scope of the commitment to accept that jurisdiction

(the "Bahraini formula"). Each of these agreements between two States
does not itself constitute a special agreement but is an agreement express-
ing the intention to submit a concrete dispute to the Court.

(b) The compromissory clause of multilateral treaties

13. States may agree in advance in rather general terms to submit to
the Court specific disputes in a certain fixed context. Some multilateralCour peut aussi suivre le chemin inverse et retenir l'exception en faisant

application de la clause facultative, ce qui met fànl'instance. Mais il n'y
a en fait eu aucune affaire de ce type devant la Cour depuis vingt ans.
10. L'application de la clausefacultativedu Statut dela Cour ne peut être
invoquéequ'entre un nombrelimitéd'Etats.C'estla raison pour laquelle cer-
tains traitésconclus pour promouvoir le règlement pacifiquedes différends
entre un groupe d'Etats confèrejuridiction obligatoireà la Cour pour les
Etats signatairesde cestraités. L'actegénéralour lerèglement pacifiquedes
différendsinternationaux de 1928(art. 17) a servi de titre de compétence
dans l'affaire duPlateau continentalde la mer Egée(C.I.J. Recueil 1978,
p. 3) dans laquelle,toutefois, la Cour a rejetéla requêtede la Grèce;1'Aus-
tralie et la Nouvelle-Zélandeont égalementinvoqué l'acte général dan lss
affairesdes Essais nucléaire(sC.I.J. Recueil1974,p. 253,p. 457). Le traité
américainde règlement pacifiquede 1948(pacte de Bogota, art. XXXI) est
un autre exemple dece type de traité quia étéinvoquéavec succèsdans

l'affaire relatiàedesActionsarméesfrontalièree st transfrontalières(Nica-
ragua c.Honduras),compétence et recevabilitéC.I.J.Recuei11988,p. 67).

3. La saisine dela Cour danstous les cas prévus dans le tsaités
et conventionsen vigueur(la clausecompromissoire)

Il. Il arrive que les Etats passent des accords dans lesquels ils accep-

tent de donner compétence à la Cour pour certains différendsconformé-
ment à son Statut- car la seconde partie du paragraphe 1de l'article 36
dispose que la Cour peut être compétente dans ((tous lescas spécialement
prévus ..dans les traitéset conventions en vigueur)).

a) Les Etats s'engagentpar avance à porter devantla Courtout différend
particulier

12. Dans l'affaire du Plateau continentalde lamer Egée,nous l'avons
dit, la Grècea invoqué,pour deuxièmetitre de compétence,lecommuniqué
conjoint de Bruxellesde 1975émanantdes premiers ministres de Grèce et
de Turquie et attribuant compétence à la Cour pour le différend particulier
concernant le plateau continental de la mer Egée (voir ci-dessuspar. 10).
Dans l'affaire de Délimitation maritime etquestions territoriales entre
Qatar et Bahrein, compétence et recevabilité(C.I.J. Recueil 1995, p. 6),
Qatar a fondéla compétence dela Cour sur deux accords définissantl'objet
et la portée de l'engagement prisen ce qui concerne la compétence de la

Cour (c'était la((formulebahreïnite))). Chacun de ces accords entre deux
Etats ne constitue pas en soi une convention spécialemais c'estun accord
exprimant l'intention deporter un différend concretdevant la Cour.

b) La clause compromissoire des traités multilatéraux

13. Les Etats peuvent aussi convenir à l'avance en termes assez géné-
raux de porter devant la Cour des différends particuliers qui se situenttreaties (concluded to deal with the substantive rights and duties of more
than two States) contain a compromissovyclausewhich in effectprovides
that any dispute which may arise between the States concerning the

"interpretation or application" of those treaties, and which is not settled
by negotiation, shall be referred to the International Court of Justice. In
addition, some law-making multilateral treaties adopted at diplomatic
conferences convened by the United Nations, of which a first example
was that of the four 1958Geneva Conventions on the law of the sea, are
accompanied by an "Optional Protocol [of Signature] concerning the
Compulsory Settlement of Disputes" which, constituting a separate
instrument appended to the main body of the treaty, provides for the
compulsory jurisdiction of the Court for those States that accept it. The
type of disputes to be subjected to the Court's jurisdiction by invoking as
a basis of that jurisdiction aompromissory clauseof a multilateral treaty
or an optional protocol concerning the compulsory settlement of disputes
is not so general as are those "concerning the interpretation of [any]
treaty or any questions of international law" as defined by the optional
clause of the Court's Statute. but is limited to the "inter~retation or
application7'of the particular treaty in which a comprornissoryclause is
included or to which an optional protocol is attached.

14. The signatory States which have either been willingto ratify those
multilateral treaties containing a compromissovy clause without making
any reservations with respect to that particular clause or have been ready
to ratify the optional protocol concerning the compulsory settlement of
disputes, as the case may be, are considered to have opted for the com-
pulsory jurisdiction of the Court, in their relations with other signatory
States which have accepted the same obligation, in a dispute as to the
"interpretation or application" of the relevant treaty.
15. There are only a few precedents of a unilateral application relying
on the compromissory clause of a multilateral treaty or on the optional
protocol concerning the compulsory settlement of disputes as a basis of
the Court's jurisdiction. However, even among those States which have
thus accepted the Court's compulsory jurisdiction, a unilateral applica-
tion might have met with preliminary objections,just as in the case of an
application on the basis of the optional clause of the Statute. In fact, the
Vienna Convention on Diplomatic Relations and the Vienna Convention
on Consular Relations, to both of which an optional protocol concerning
the compulsory settlement of disputes was appended, were relied upon by

the United States as a basis for jurisdiction in the case concerning United
States Diplomatic and Consular Staff in Tehran (see para. 4 above). A
compromissory clause (Art. IX) of the Genocide Convention was simi-
larly relied upon by Bosnia and Herzegovina in the case concerning the
Application of the Convention on the Prevention and Punishment of the
Crime of Genocide, Preliminary Objections (I.C.J. Reports 1996, p. 595).
In the former case, the Court proceeded to the merits phase without the PLATES-FORM PESROLIÈRES (OP.DISSO . DA) 895

dans un certain contexte prédéterminé.C'est ainsi que certains traités
multilatéraux (conclus pour définirles droits et obligations de fond de
plus de deux Etats) contiennent une clause compromissoire qui revient à
dire que tout différend s'élevantentre les Etats en question au sujet de
((l'interprétation ou l'application))esdits traités et qui ne serait pas
résolupar la négociationsera porté devant la Cour internationale de Jus-
tice. En outre, certainstraités multilatérauxdecaractèrenormatif adoptés
lors de conférencesdiplomatiques réuniespar l'organisation des Nations
Unies, dont un premier exemple fut celui des quatre conventions de
Genèvede 1958sur le droit de la mer, s'accompagnent d'un ((Protocole
de signature facultatif concernant le règlement obligatoire des diffé-
rends)), lequel constitue un instrument distinct annexé au corps du traité
et prévoitlajuridiction obligatoire de la Cour pour les Etats qui l'accep-

tent. Les différendsque les Etats soumettront ainsi à la Cour en invo-
quant comme titre de compétencela clause compromissoire d'un traité
multilatéral ou le protocole facultatif de règlement obligatoire des diffé-
rends n'ont pas un caractère aussi généralque ceux ((ayant pour objet
l'interprétation [de tout] traité [ou de] tout point de droit international))
qui sont visésdans la clause facultative énoncdans le Statut de la Cour,
et ils se limitent ((l'interprétation oà l'application)) du traité particu-
lier qui énoncela clause compromissoire ou auquel est annexéun proto-
cole facultatif.
14. Les Etats signatairesqui ont acceptéde ratifier les traités multila-
téraux contenant une clause compromissoire sans formuler de réserveau
sujet de ladite clause ou bien qui ont acceptéde ratifier le protocole facul-
tatif de règlement obligatoire des différends, selonle cas, sont censés

avoir optépour la compétenceobligatoire de la Cour dans leurs relations
avec les autres Etats signataires ayant acceptéla mêmeobligation quand
il surgit un différendau sujet de ((l'interprétation ou l'application)) du
traitéen question.
15. Il y n'a qu'un petit nombre d'affaires introduites par voie de
requête unilatérale danslesquellesle demandeur a invoquéla clause com-
promissoire d'un traité multilatéral ou bien le protocole facultatif de
règlement obligatoire des différends pour fonder la compétence de la
Cour. Toutefois, même chezles Etats qui ont accepté decette façon la
juridiction obligatoire de la Cour, la requête unilatéraleaurait pu susciter
des exceptions préliminairestout comme il en est pour des requêtes fon-
déessur la clause facultative du Statut. En fait, la convention de Vienne
sur les relations diplomatiques et la convention de Vienne sur les rela-
tions consulaires auxquelles a étéannexéun protocole facultatif de règle-

ment obligatoire des différendsont été invoquées commteitre de compé-
tence par les Etats-Unis dans l'affaire relative aursonnel diplomatique
et consulairedes Etats-Unis à Téhéran(voir ci-dessus par. 4). De même,
la Bosnie s'estfondéesur une clausecompromissoirede la convention sur
le génocide(art. IX) dans l'affaire relatiàl'Applicationde la convention
pour laprévention etla répressiondu crime de génocide,exceptions pré-
liminaires (C.I.J. Recueil 1996, p. 595). Dans la première de ces deuxparticipation of the Respondent (Iran) and, in the latter case, by rejecting
the preliminary objections raised by the Respondent (Yugoslavia).

111.SPECIFIP CROBLEM RSELATED TO THE COMPROMISSO CLYAUSE OF A
BILATERA TREATY

16.A compromissory clause is included not only in multilateral
treaties but also sometimes in bilateral treaties. The conclusion between
two States of a bilateral treaty with aompromissoryclauseis, however,
different in nature from a State's participation in a multilateral treaty
containing a compromissoryclause in the sense that the conclusion of
such a bilateral treaty must in itself inevitably imply acceptance of the
compulsoryjurisdiction of the Court. The making of reservations to any
provision of a bilateral treaty is clearly inconceivable and, simply on
account of the fact that the two States have concluded a bilateral treaty
which contains a compromissory clause,each one of those two States is
regarded not only as having agreed on the substantive text of the bilateral
treaty itself but also as having given its definite consent to the exerciseof

the Court's jurisdiction over disputes arisingnder the treaty. This is in
contrast to the case of a multilateral treaty in which any signatory State
isin principle free to make reservations to the compromissoryclauseor
not to ratify the optional protocol appended to the treaty. It follows that,
the meaning of the compromissoryclausein a bilateral treaty should be
considered with even greater care, because neither party can escape from
the compulsoryjurisdiction of the Court once the two States have agreed
to negotiate and conclude that particular bilateral treaty. Particularly in
the case of a bilateral treaty, it is more important to investigate thet
to which the two States have agreed to be subject to the compulsory juris-
diction of the Court by including a compromissoryclausein the treaty
between them.

17. The bilateral treaty must, without a doubt, be a product of com-
plete accord of the two States parties not only with regard to the sub-
stantive text but concerningthe scope- the object and purpose - of the
treaty.Such a conveyance of views and intentions of the two States is a
prerequisitefor the conclusion of the bilateral treaty itself, without which
the treaty itself would not exist. Thus it is most unlikely that a good-faith
dispute could arise between the two States with regard to the scope of the
treaty even though it could happen that an interpretation of the substan-
tive provisions in their application to some concrete events might be
called for. It followsthat, eventhe parties to a bilateral treaty are ready

to defer to the jurisdiction of the Court by including a compromissory
clause,the subject of any dispute cannot relate to the question of whether PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.DISSO. DA) 896

affaires, la Cour a procédéà un examen au fond en l'absence du défen-
deur (l'Iran), et, dans la seconde, la Cour a décidé deprocédàrcet exa-
men au fond en rejetant les exceptions préliminaires soulevéespar le
défendeur(la Yougoslavie).

III.LES PROBLÈMES PARTICULIERS LIÉS A LA CLAUSE COMPROMISSOIRE
D'UN TRAITÉ BILATÉRAL

16. Les traités multilatérauxne sont pas les seàlénoncerune clause
compromissoire; celle-ci figure aussi parfois dans des traités bilatéraux.
Mais la conclusion par deux Etats d'un traité bilatéral énonçant aii ne
clause compromissoireest par nature différente del'adhésiond'un Etat à
un traité multilatéral assorti d'uneclause compromissoire, en ce sens que,
par définition, la conclusion du traité bilatéralrepose implicitement sur
l'acceptation de lajuridiction obligatoire de la Cour.st manifestement
inconcevable d'offrir la possibilitéde formuler des réservesne disposi-
tion quelconqued'un traité bilatéral et,du seulfait que les deux Etats ont
conclu ce traité bilatéral qui énonceune clause compromissoire, chacun

de ces deux Etats est censénon seulement avoir souscrit aux dispositions
de fond du traité lui-même,mais encore avoir donné expressémentson
consentement à la compétence dela Cour sur les différends nésdu traité.
Le cas de figure est donc tout différentde celui du traité multilatéral,
puisque tout Etat signataire du traité multilatéralest en principe libre de
formuler des réservesàla clause compromissoire ou bien de ne pas ratifier
le protocole facultatif annexéau traité.Il faut par conséquentse pencher
avec plus d'attention encore sur le sensà attribuerà la clause compro-
missoire d'un traité bilatéral parce qu'aucunedes deux parties ne peut
échapper à la juridiction obligatoire de la Cour une fois que les deux
Etats ont convenu d'un commun accord de négocieret de conclure le

traité bilatéralen question. Et tout particulièrement, dans le cas d'un
traité bilatéral,il importe plus encorede rechercher jusqu'à quel point les
deux Etats ont acceptél'un et l'autre dese soumettrà lajuridiction obli-
gatoire de la Cour en faisant figurer une clause compromissoire dans le
traitéqu'ils concluent entre eux.
17. Le traité bilatéral doit, sans l'ombre d'un doute, procéderd'un
accord total entre les deux Etats, non seulement en ce qui concerne les
dispositions de fond, mais aussi en ce qui concernela portée, c'est-à-dire
l'objet et le but, du traité. Cette concordance de vues et d'intention des
deux Etats parties est le préalablede la conclusiondu traité bilatérallui-
même,en l'absence duquel le traité n'existerait pas.est donc invraisem-

blable qu'un différend puisses'éleverde bonne foi entre les deux Etats en
ce qui concerne la portée du traité, même s'ilest concevable qu'il faille
procéder à une interprétation des dispositions de foàl'occasion de leur
application à certains événementsconcrets. Par voie de conséquence,
mêmesi lesparties à un traité bilatéral sontdisposéeàs'enremettre à la
compétencede la Cour en faisant figurer dans le traité une clausecom-essential issues fa11within the comprehensive scope - the object and pur-
pose - of the treaty but only to the "interpretation or application" of a
provision of the agreed text of the treaty. This power to adjudicate would
have been limited to the technical interpretation or application of any
individual provisions in the treaty, the whole scope of which the States
themselves had agreed to accept. The range of the "interpretation or
application" of a treaty as covered by the compromissory clause in a
bilateral treaty is strictly limited. Neither party may be presumed to

entrust the evaluation of the scope - the object and purpose - of the
treaty to a third party without its consent, even where a dispute as to the
interpretation or application of the individual provisions of the treaty is
specified in the compromissory clause.

18. In view of the basic principle of international justice that referral
to the Court should be based upon the consent of sovereign States,
neither one of the States to a bilateral treaty could be presumed to have
agreed (and certainly, in fact, never has agreed) to let the other State refer
unilaterally to the Court a dispute touching upon the object and purpose

of the treaty, as, without a mutual understanding on those matters, the
treaty itself would not have been concluded. The difference of views of
the two States relating to the scope - the object and purpose - of a
treaty cannot be the subject of an adjudication by the Court unless both
States have given their consent; such a dispute may, however, be brought
to the Court by a special agreement or, alternatively, there may be an
occasion for the application of the rule of forum provogatum. This is,
then, quite different from the case of the "interpretation or application"
of the individual provisions of the treaty on which the two States may, if
the need arises, argue under the compvomissoryclauseof that treaty from
opposite stances before the Court.

19. The number of bilateral treaties containinga compromissovyclause
conferring jurisdiction upon the Court is minimal, as can be seen from
the fact that during the past 20years only four such bilateral treaties have
been concluded (see 1.C.J. Yearbook 1994-1995, p. 119), although the
immediate post-war period witnessed the conclusion of a fair number of
such bilateral treaties, of which the 1955Treaty was one. This may per-
haps be explained by the consideration that few States are willing to risk
giving an expansive scope to the exercise of the Court's jurisdiction by
reason of consenting to the conclusion of a bilateral treaty providing for
specified rights and duties in their mutual relations. The referral of dis-
putes under the compromissory clause of a bilateral treaty has been far
less frequent than referrals under the optional clause or even under the

compromissory clause of a multilateral treaty. In fact, throughout the
history of the Court, there has been no single case in which the typical
form of the compromissovy clause included in a bilateral treaty has beenpromissoive, il n'est pas possible qu'un différendporte sur la question de
savoir si des points essentiels relèvent de la portée générale du traité,
c'est-à-dire de son objet et de son but; le différendne peut porter exclu-
sivement que sur ((l'interprétationou l'application)) d'une dispositiondu
texte conventionnel tel qu'il a étéadoptéd'un commun accord. La déci-
sionjudiciaire ne peut qu'être limitée l'interprétationou à l'application
technique de telle ou telle disposition individuelle du traité,dont la portée
généralea été acceptée d'un commun accord par les Etats eux-mêmes.
L'étendue de((l'interprétation ou l'application)) d'un traité envisagée
dans la clause compromissoived'un traitébilatéral est strictement limitée.
Aucune des deux parties ne saurait confierl'évaluationdela portée, c'est-

à-dire de l'objet et du but, du traité à une tierce partie sans y avoir
consenti, mêmesi la clause compvomissoiveprévoitle cas du différend
relatifà l'interprétation ouà l'application des dispositions individuelles
du traité.
18. Compte tenu du principe fondamental de la justice internationale
qui est que la saisine de la Cour repose nécessairement sur le consente-
ment d7Etats souverains, ni l'un ni l'autre des Etats partieà un traité
bilatéral nepeut êtreprésuméavoir accepté (et n'a certainement jamais
en fait accepté) de laisserl'autre Etat saisir unilatéralement laCour d'un
différendtouchant l'objet etlebut du traitépuisque, en l'absence d'entente
sur ces questions entre deux Etats, le traitélui-mêmen'aurait jamais été
conclu. Une divergencede vues entre lesdeux Etats qui a traità la portée,
c'est-à-direà l'objet et au but d'un traiténe peut pas faire l'objet d'un
règlementpar la Cour en l'absenced'un consentement exprèspar les deux

Etats; le différend peut toutefois être porté devantla Cour par voie de
compromis, ou bien il donnera peut-être l'occasiond'appliquer la règle
du forum pvorogatum. Mais il s'agit alors de quelque chose de trèsdiffé-
rent d'une affaire d'((interprétation ou [d']application» de dispositions
individuellesdu traitéau sujet de laquelle les deux Etats sont habilitéspar
la clause compromissoire du traité à plaider, le cas échéant,devant la
Cour des thèses opposées.
19. Le nombre de traitésbilatéraux assortis d'une clause comuromis-
soire conférantjuridiction àla Cour est minime, comme le prouve le fait
qu'au cours des vingt dernières annéesil n'a été conclu quequatre traités
bilatéraux dece type (voir C.I.J. Annuaire 1994-1995,p. 127),mêmesi
ces traitésbilatéraux ont étéassez nombreux pendant l'immédiat après-
guerre, et le traitéde 1955est de ceux-là. L'explication est peut-être que

rares sont les Etats acceptant de risquer d'élargir considérablementdans
la pratique la compétence de la Cour du seul fait qu'ils ont consenti à
conclure un traitébilatéralimposant aux Etats parties de respecter dans
leurs relations certains droits et certaines obligations. La saisine de la
Cour au titre de laclause compromissoived'un traitébilatérala été beau-
coup moins fréquenteque sa saisine au titre de la clause facultative, voire
au titre de lalause compromissoived'un traité multilatéral.En fait, dans
toute l'histoire de la Cour, il n'y a jamais eu d'affaire dans laquelle le
principal titre de compétence invoquéait été la clause compromissoiveinvoked as a main basis of jurisdiction, as 1 have already indicated (see
para. 4). (The Trusteeship Agreement of 1946(of which Article 19 con-
stituted a compromissory clause) which was referred to as a basis ofjuris-
diction in the Northevn Camevoonscase (I.C.J. Reports 1963,p. 15)may
not be regarded as a bilateral treaty in the ordinary sense.)
20. In conclusion, the compromissovy clause of a bilateral treaty can-
not be deemed to givethe freedom to oneparty to bring before the Court
disputes with the other party that may not relate specificallyto the legal
interests (rights and duties) reflecting theject and purpose for which
the treaty was agreed by the two States. In the case of a bilateral treaty in
particular, the basic principle concerningthejurisdiction of the Court to
the effect that thejurisdiction is based on the consent of sovereign States
given on an ad hoc basis or in advance in one way or the other, should be
interpreted restrictively and not given any kind of loose interpretation.

IV. CONCLUDIN RGEMARKS

21. The 1955 Treaty of Amity was concluded between Iran and the
United States, a treaty aimed at providing protection for the property
and interests of theitizens and companies of oneparty in the territory of
the other party, and which gives a mutual assurance of fair and non-
discriminatory treatment of nationals and companies engaged in com-
mercial, industrial and financial activities. It may be that a dispute may
arise between the two States as to the "interpretation or application" of
any particular provision of the 1955Treaty of Amity, in the event that
the right of an individual or a company of one party protected by the
Treaty in the territory of another party is violated by the other party, or
that the Government of one party fails to perform its obligations to an
individual or a company of the other party as prescribed in the Treaty. If
the disputeis not "adjusted by diplomacy" between the two Statesparties
(certainly after the exhaustion of local remedies), a unilateral application
by one party may be filed with the Court by virtue of Article XXI (2) of
that Treaty. However, whether the dispute described in the Application
filed by Iran on 2 November 1992 is indeed the kind of dispute thus

defined in the Treaty is quite a different matter. The problem which faces
the Court is to determine whether the real dispute between Iran and the
United States that has arisen as a result of the latter's attack on and
destruction of the Iranian oil platforms in a chain of events that took
place during the use of force by both sidesin the Iran-Iraq War is, as Iran
alleges and the Court concludes, a dispute as to the "interpretation or
application" of the Treaty within the meaning of its Article XXI (2). In
my view, this is certainly not the case.

22. Assuming that the attack on the platforms or their destruction (orclassique qui figure dans un traité bilatéral, je l'ai déjà signalé (voir
par. 4). (L'accord de tutelle de 1946 (dont l'article 19constituait une
clause compromissoire) qui a été invoqué commetitre de compétence
dans l'affaire du Cameroun septentrional (C.I.J. Recueil 1963, p. 15)ne
peut pas être considéré commu en traitébilatéralau sens courant.)
20. Pour en terminer, la clause compvomissoired'un traitébilatéralne
peut pas être réputéd eonner le loisià l'une desparties de porter devant
laCour des différendsl'opposant àl'autre partie qui n'ont pas derapport

précis avecles intérêtsd'ordre juridique (c'est-à-direles droits et les obli-
gations) correspondant à l'objet et au but du traitéconclu d'un commun
accord par les deux Etats. S'agissant tout particulièrement d'un traité
bilatéral,le principe fondamental de la compétencede la Cour qui est que
cette compétence repose surle consentement d'Etats souverains donné à
titre ad hoc ou donné à l'avance sous une forme ou sous une autre doit
s'interpréterde façon restrictive et ne souffre aucun laxisme.

IV. CONCLUSION

21. Le traitéd'amitié de1955a été conclu entre l'Iran et les Etats-Unis
pour protégerles biens et les intérêtsdes ressortissants et des sociétés de
l'une des partiessur le territoire de l'autre, et consigne l'engagementréci-

proque d'assurer un traitement équitableet non discriminatoire aux res-
sortissants et aux sociétsui selivrentà des activités commerciales,indus-
trielles et financières.Il peut arriver qu'un différends'élentre les deux
Etats quant à ((l'interprétationouàl'application» del'une quelconque des
dispositions particulières dece traitéd'amitié de1955en cas de violation
des droits d'un ressortissant ou d'une société de l'udes parties protégés
par letraité surleterritoire del'autre partiecommisepar cette autre partie,
ou bien au cas où le gouvernement de l'unedesparties ne s'acquittepas des
obligations qui luiincombent en vertu du traité l'égardd'un ressortissant
ou d'une société de l'autrepartie. Si le différend n'estpasréglé...par la
voie diplomatique))entre les deux Etats parties (certainement aprèsépui-
sement des recours internes),la Cour peut êtresaisie d'une requêteunila-
térale de l'une desparties sous l'effetdu paragraphe 2 de l'articleXXI du
traité.Toutefois, cela ne veut pas du tout dire que le différenddéfinidans
la requête déposé par l'Iran le 2 novembre 1992correspond vraiment au

type de différendque le traité aainsi défini.Le problèmeà trancher par la
Cour est d'établirsi le vrai différendentre l'Iran et les Etats-Unis qui
découlede l'attaque lancéecontre les plates-formes pétrolières iraniennes
et de leur destruction par lesEtats-Unis au terme d'une séried'événements
qui se sont déroulésalors que l'une etl'autre partie recouraient l'emploi
de la force pendant la guerre Iran-Iraq est, comme l'Iran le prétend et
comme la Cour le conclut, un différend relatif à ((l'interprétationouà
l'application» du traitéau sensdu paragraphe 2de son articleXXI. Amon
sens, tel n'estabsolument pas le cas.
22. A supposer que l'attaque lancéecontre les plates-formes ou leur the use of anned force in general) had become a subject of diplomatic
negotiations between Iran and the United States which had failed, that
attack could not be seen as falling within the scope of the 1955Treaty for
reasons which counsel for the United States called "a lack of a reasonable
connection" and, as 1seeit, is byits very nature irrelevant to the scope of
the Treaty. The United States had certainly not intended (and no State
may be prepared to intend) to conferjurisdiction upon the Court to deal
with such a dispute simply by having concluded such a treaty. The Court
is at present required to ascertain whether the particular action of the
United States was of the kind which really fell within the scope of the
Treaty, or, more particularly, affected the legal interests (rights and
duties) of Iran which were meant to have been protected under the 1955
Treaty.

23. In my view, Iran is not competent to refer to the Court unilater-
ally, by invoking the compromissovy clause in that Treaty, a dispute

going beyond the interpretation or application of the provisions of the
bilateral 1955Treaty of Amity and turning upon the scope of the Treaty.
Certainly a dispute created by the destruction by the United States'
armed forces of the Iranian oil platforms can be subjected to the Court's
jurisdiction by other means, i.e., by a joint submission (a special agree-
ment) or, by the application of the rule offorum pvovogatum inthe event
that the United States should subsequently agree to accept the Court's
jurisdiction. In fact the United States has raised an objection to the
Court's jurisdiction in respect of the Iranian Application.

24. While rejecting Article 1of the Treaty of Amity as "a basis for the
jurisdiction of the Court" (Judgment, para. 31) and Article IV (1) as "the
basis for the Court's jurisdiction" (ibid., para. 36), the Court holds the
view that "[the] lawfulness [of the destruction of the Iranian oil
platforms] can be evaluated in relation to [ArticleX (l)]" (ibid., para. 51)
and

"[iln the light of the foregoing,the Court concludes that there exists
between the Parties a dispute as to the interpretation and the appli-
cation of Article X, paragraph 1, of the Treaty of 1955; that this
dispute falls within the scope of the compromissory clause in
Article XXI, paragraph 2, of the Treaty; and that as a consequence
the Court hasjurisdiction to entertain this dispute" (ibid., para. 53).

Iran has brought the present case to the Court in the hope that the Court
will find that the United States had breached several obligations under
the 1955 Treaty and international law, and has contended that "the
Court hasjurisdiction under the Treaty of Amity to entertain the dispute"
(Application of Iran, p. 12; emphasis added). The Court now responds
that "it has jurisdiction, on the basis of Article XXI, paragraph 2, of the
Treaty of 1955,to entertain the claims made by the Islamic Republic ofdestruction (ou le recours à la force armée en général)ait fait l'objet de
négociations diplomatiques entre l'Iran et les Etats-Unis, négociations
qui n'auraient pas abouti, ladite attaque ne peut pas être considérée
comme rentrant dans les prévisionsdu traité de1955pour les raisons que
le conseil des Etats-Unisa qualifiéesde ((manque de lien raisonnable))et,
à mon sens, est par nature totalement étrangèreau champ d'application
du traité.Les Etats-Unis n'ont certainementpas voulu (et aucun Etat ne
saurait vouloir)conférerjuridiction à la Cour pour connaître d'un tel dif-
férenden se contentant de conclure ce type de traité. Il est aujourd'hui

demandé à la Cour si l'action menéeen l'occurrence par les Etats-Unis a
été decelles qui rentrent véritablement dans les prévisionsdu traité ou,
plus précisément, decelles qui portent atteinte aux intérêts d'ordre juri-
dique (c'est-à-direaux droits et obligations) de l'Iran que le traité de1955
étaitcenséprotéger.
23. A mon sens, l'Iran n'a pas compétencepour porter unilatéralement
devant la Cour, en invoquant la clause cornpromissoire de ce traité,un
différendqui va au-delà de l'interprétation oude l'application des dispo-
sitions du traité bilatéral d'amitié de1955et qui a trait la portéegéné-
rale du traité. Sans aucun doute, un différenddécoulantde la destruction
par les forces armées des Etats-Unis des plates-formes pétrolières en
question peut êtresoumis à la Cour par d'autres moyens, c'est-à-dire par
voie de saisine conjointe (au moyen d'un compromis) ou bien par appli-
cation de la règledu forum pvorogaturn au cas où les Etats-Unis accep-

teraient par la suite de se soumettre à la juridiction de la Cour. Or, en
fait, les Etats-Unis ont soulevéune exception à la compétence dela Cour
par rapport à la requête iranienne.
24. Tout en disant que l'article premier du traité d'amitié«ne sau-
rait ..fonder la compétence dela Cour» (arrêt,par. 31) et que le para-
graphe 1 de l'article IV «ne saurait ...[pas plus] fonder la compétence
de la Cour» (ibid., par. 36),la Cour est d'avis que «[la]licéité [dla des-
truction des plates-formes pétrolièresiraniennes] est susceptible d'être
évaluéeau regard [du paragraphe 1de l'article XI» (ibid., par. 51) et elle
dit ceci:

«En considération de ce qui précède,la Cour conclut qu'il existe
entre les Parties un différendquant à l'interprétation età l'applica-
tion du paragraphe 1 de l'article X du traité de 1955; que ce diffé-
rend entre dans les prévisionsde la clause compromissoirefigurant
au paragraphe 2 de l'article XXI du traité; et que la Cour est par
suite compétente pour connaître dudit différend.» (Ibid., par. 53.)

L'Iran a saisi la Cour en l'espècedans l'espoir qu'elle déciderait que les
Etats-Unis ont violéplusieurs obligations leur incombant au titre du
traitéde 1955et au titre du droit international et a soutenu aue «la Cour
a compétenceen vertu du traité d'amitiépour connaître du différend))
(requêtede l'Iran, p. 12; les italiques sont de moi). La Cour répond
aujourd'hui qu'elle «a compétencesur la base du paragraphe 2 de l'ar-
ticle XXI du traité de 1955pour connaître des demandesformuléespar laIran under Article X, paragraph 1, of that Treaty" (Judgment, dispositif,
para. 2; emphasis added).
25. The way in which the Court responds to the Iranian Application in
this Judgment derives from a misconception.The Court was requested by
Iran to adjudge at this stage that it has jurisdiction under the Treaty to
entertain the dispute occasioned by the destruction of the platforms by
the United States force, but not to entertain any claims made by Iran

under any specific article - in this case Article X (1). In my view the
conclusion reached by the Court is unjustified because the Court should
not have interpreted each provision of Articles 1,IV (1)and X (1) as pro-
viding a basis for the jurisdiction of the Court but should rather have
determined that a dispute - if any such exists - between Iran and the
United States arising from the attack on and destruction of the Iranian
oil platforms falls within the purview of the 1955Treaty of Amity.

26. Failure to dismiss Iran's Application in the present case invites a

situation in which a State could, under the pretext of the violation of any
trivial provision of any treaty containing a compromissory clause, uni-
laterally bring the other State party to the treaty before the Court on the
sole ground that one of the parties contends that a dispute within the
scope of the treaty exists whilethe other denies it. This would be no more
than the application of a form of false logic far removed from the real
context of such a treaty, and constituting nothing short of an abuse of
treaty interpretation, so that "the Court might seem in danger of inviting
a case 'through the back door'" (seemy separate opinion in the case con-
cerning Military and Paramilitary Activities in and against Nicaragua
(Nicaragua v. United States of America), I.C.J. Reports 1984, p. 472).

(Signed) Shigeru ODA. PLATES-FORM PETROLIÈRES (OP.DISS.ODA) 900

Républiqueislamique d'Iran au titre dupavagvaphe 1 de l'avticleX dudit
traité))(arrêt,dispositif, par. 2; les italiques sont de moi).
25. En répondant ainsi à la requête iraniennedans le présentarrêt,la
Cour commet une erreur d'interprétation. La Cour étaitpriéepar l'Iran
de dire et jugeràce stade qu'elleétait compétenteau titre du traitépour
connaître du différendoccasionnépar la destruction desplates-formes par
les forces des Etats-Unis mais non pas de dire qu'elle était compétente
pour connaître de demandes, quelles qu'ellessoient, formuléespar l'Iran
au titre de tel ou tel autre article dudit traité,en l'espècele paragraphe 1
de l'article X. A mon sens, la conclusionà laquelle la Cour a abouti est

injustifiée,parce que la Cour n'aurait pas dû interpréter chacune des dis-
positions correspondant à l'article premier,au paragraphe 1de l'articleIV
et au paragraphe 1 de l'article X comme lui conférantun titre de compé-
tence, elle aurait dû plutôt établir qu'un différs'élevantentre l'Iran et
les Etats-Unis au sujet de l'attaque lancéecontre les plates-formes pétro-
lièresiraniennes et de leur destruction, au cas où un tel différend existerait
effectivement, entre dans les prévisionsdu traitéd'amitié de1955.
26. A ne pas rejeter la requête iranienneen l'espèce,on risque d'inciter
lesEtats àprendre prétextedela violation de n'importe quelledisposition
banale de n'importe quel traitéassorti d'uneclause compromissoirepour
intenter unilatéralement devant la Cour une action contre l'autre partie
au traitéen soutenant purement et simplement qu'il existe un différend

entrant dans lesprévisionsdu traité alorsquela partie adverse leconteste.
Cela reviendrait à appliquer une sorte de fausse logique, complètement
étrangèreau contexte authentique du traitéet constituerait bel et bien un
abus d'interprétation conventionnelle: la Cour risquerait de ((paraître se
prêter à la soumission d'une affaire)) par la petite porte)) (voir mon
opinion individuelle dans l'affaire des Activités militaires et paramili-
taives au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Ami-
rique), C.I.J. Recueil 1984, p. 472).

(Signé) Shigeru ODA.

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Opinion dissidente de M. Oda (traduction)

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