Opinion individuelle de M. Rigaux, juge ad hoc

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090-19961212-JUD-01-05-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. RIGAUX

1. DÉCLARATIO RNLATIVE AU DISPOSITIF

M'étantjoint à la majoritésur les deux points du dispositif, je l'ai fait
sans réserve à l'égarddu point 1. En ce qui concerne le point 2, je suis
d'accord avec la décision de compétencequi y est incluse, tout en regret-
tant que le titre de compétence de laCour y soit implicitement limitéau
paragraphe 1 de l'article X du traitéd'amitié.

II. OBSERVATIONS RELATIVES À LA MOTIVATION

En ce qui concerne la partie de la motivation relativeà l'article pre-

mier, je puis me rallier au contenu des paragraphes 27 et 28 et du para-
graphe 31. Il n'en va pas de mêmepour les paragraphes 29 et 30 qui
affaiblissent la motivation bien loin de la renforcer. S'ilest conformea
jurisprudence de la Cour de faire étatdes travaux préparatoires d'un ins-
trument international pour en éclairerles termes quand ceux-ciparaissent
ambigus, la mêmeportéene saurait êtrereconnue à l'absence de toute
indication pertinente dans les documents produits par les Parties. Pareil
silence ne saurait êtreinvoquéen faveur d'une interprétation plutôt que
de l'interprétation contraire. Il s'agit en réalitéd'une non-interprétation.
Que les documents produits ne procurent aucune indication utile n'est

pas étonnant: il est rare non seulement que les parties contractantes-
qu'il s'agisse d'un traité international ou d'un contrat de droit pri-é
prennent le soin de se mettre d'accord surl'interprétationdes clauses qui
auraient eu le plus besoin d'êtreélucidées, ais mêmeque chacune d'elles
ait donnéun sens plutôt qu'un autre à une disposition qui peut recevoir
plusieurs interprétations. Ce n'est qu'au moment où la règle doit être
appliquée quela question d'interprétationsera soulevée à l'occasion d'un
litige particulier. C'est pour ces raisons que l'interprétation donnéepar la
Cour à l'article premier du traitéd'amitiéme paraît affaiblie par le para-

graphe 29quicontient desconsidérations étrangèrea sux méthodes d'inter-
prétation prévuespar la convention de Vienne sur le droit des traitésdu
23mai 1969.Les ((documents))invoquéspar les Parties ne relèventpas de
la catégoriedes ((travaux préparatoires)),ils ne fournissent aucune indi-
cation sur les circonstances dans lesquelles l'instrument a été rédigéet
adopté.Il est permis de se référer surce poinà l'arrêtdu 15février1995
en l'affaire de Délimitation maritime et questions territoriales entre
Qatar et Bahreïn (C.I.J. Recueil 1995, p. 5, spécialement les para-
graphes 41-42, p. 21-23). Voir aussi l'analyse très éclairantedu Vice-Pré-865 PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.IND.RIGAUX)

sident Schwebel dans son opinion dissidente, pages 28 à 32. Dans cette
affaire comme dans l'affaire du Différend territorial(Jamahiriya arabe
libyenne/Tchad) (voir arrêt,C.I.J. Recueil 1994,p. 5,spécialementlepara-
graphe 55, p. 27-28), lesdocuments produits par les parties portaient sur
leurs négociations et les hésitations ou les repentirs qui avaient accom-
pagnél'adoption du texte. Quelle que soit la valeur interprétative recon-
nue à de tels documents, elle est sans commune mesure avec celle de

documents internes dans un des Etats entre lesquels le traité aété conclu
et,à plus forte raison, contenant une interprétation unilatérale relatiàe
un traité similaire conclu avec un autre Etat. Si la Cour estimait devoir
sur ce point rencontrer l'argumentation des Parties, elle aurait dû refuser
toute pertinence àdes documents ne soutenant aucune des deux interpré-
tations, objet du différendentre les Parties.

Le paragraphe 30 suscite des objections de nature différente. Il n'est
guère adéquat de tirer des conclusions d'une absence de pratique pour
donner à un traité une interprétation plutôt qu'une autre. La pratique
aurait été pertinentesielle avait démontré quelesParties, ou l'une d'elles,
avaient donné à l'article premier l'interprétation retenue par la Cour ou,

à tout le moins, avaient, serait-ce implicitement, écarté l'interprétation
contraire. Les sources citées l'appui de l'absence de pratique ne sont pas
non plus très convaincantes. Dans l'affaire du Personnel diplomatique et
consulairedes Etats-Unis à Téhéranl,e traitéd'amitié de1955ne jouait
qu'un rôle subsidiaire et le fait que la partie demanderesse ne se soit pas
prévalue de l'article premier dece traitéen l'affaire dencident aériendu
3juillet 1988 (Républiqueislamique d'Iran c. Etats-Unis d'Amérique)ne
saurait la priver du droit de l'invoquer pour la première fois en la pré-
sente es~èce.En outre. dans cette affaire le traitéd'amitié n'étaitDas le
seul ni mêmele principal titre avancépour justifier la compétence de la
Cour, bien plus il avait été invoqupour la première fois dans le mémoire
de la partie requérante (24 juillet 1990, p. 179-184).Dans sa réponse à
l'objection soulevéeà cet égardpar la partie américaine (exceptions pré-
liminaires soulevéespar les Etats-Unis d'Amérique, p. 109-1 17), l'Iran

écrit qu'il s'agit d'un((titre supplémentaire de compétence))(observations
et conclusions sur les exceptions préliminaires, présentéespar la Répu-
blique islamique d'Iran, vol.1, p. 214, par. 6.31).
Sans préjudicedes réflexionsplus généralesqui seront proposéesdans
la troisième partie de cette opinion, la motivation relativel'interpréta-
tion du paragraphe 1 de l'article IV ne paraît pas soutenir de manière
adéquate l'exclusion implicitement portée par le point 2 du dispositif et
dont j'estime devoir me dissocier.En effet, ce qui est présenté comme une
motivation de l'interprétation donnéepar la Cour est une pure répétition
en d'autres mots du contenu de la disposition. Il est difficile d'y recon-
naître la valeur d'une véritable motivation. Force est de respectueuse-
ment se dissocier de pareille méthode d'interprétationet de la conclusion

que contient la dernière phrase du paragraphe 36.866 PLATES-FORMES PÉTROLIÉRES (OP.IND.RIGAUX)

111.CONSIDÉRATIO GÉNÉRALES SUR LA MÉTHODE DE RAISONNEMENT
SUIVIE PAR LACOUR

L'exception préliminairesoulevéedans la présente affaire aurait pu
êtrel'occasion pour la Cour de mieux préciserla nature et l'étenduedes
devoirs qu'elle s'est elle-mêmefixéspar la modification apportée en
1972 à son Règlement de procédure, tels qu'ils résultent aujourd'hui de
l'article 79 de cet instrument.
Les trois branches de l'alternative ouverte par l'article 79, para-
graphe 7, du Règlementde la Cour n'ont pas le mêmepoids. La modifi-
cation apportée par la Cour à son Règlement en 1972tendait àconférer
à la décisiondéclarantque l'exception n'était pasexclusivementprélimi-

naire une portée subsidiaire.Quand elle est saisie d'une exception préli-
minaire la Cour s'està elle-mêmefixéune priorité,choisir entre l'admis-
sion ou le rejet de l'exception. Si l'exception porte sur la compétence
mêmede la Cour, les raisons de ne pas différerla décisionsont encore
plus contraignantes: en admettant que l'exception n'est pas exclusive-
ment préliminaire,la Cour condamne un Etat à se défendreau fond alors
qu'elle entretient un doute sur sa propre compétenceet finira peut-être
par se déclarer incompétente.L'économie de moyensqui a étél'objectif
de la réforme de1972a deux aspects complémentaires,prévenir undébat
au fond avant que la Cour n'ait pu se prononcer sur sa compétence, mais

éviter aussique les parties ne plaident deux fois la question de compé-
tence. Par le rejet de l'exception préliminairela Cour s'est déccom-e
pétenteet ellene saurait plus revenir sur l'autorité qui s'attachehose
ainsi jugée.Toutefois, la décisionsur la compétencene devrait contenir
aucun préjugé denature à orienter dans une direction ou dans une autre
la solution du litige au fond. La décision, exceptionnelle, quiconsiste en
réalitéà ioindre l'exce~tion au fond doit êtreréservéeaux cas dans les-
quels la Cour ne saurait vider l'exception sans s'engager elle-mêmesur le
fond.

Pour que l'exception soitexclusivementpréliminaireil faut que la Cour
puisse l'admettre ou la rejeter sans émettreaucune opinion quant'issue
du litige au fond. C'estpourquoi lajurisprudence de la Cour relative aux
affaires où elle s'estprononcée sur la compétenced'une autre juridiction
est particulièrement pertinente pour la décisionqui lui incombe sur une
exception préliminaire d'incompétence:mêmesi c'estpour des motifs dif-
férentselledoit, dans un cas comme dans l'autre, s'abstenir de s'immiscer
dans un jugement sur le fond, qu'un tel jugement soit dèsl'abord sous-
traità sa compétenceou qu'il soit seulement prématuré.

L'admission del'exception d'incompétence esatiséeà prononcer quand
elle consistà dénierl'existenced'une clause attributive dejuridictioà,
soutenir que l'accord interétatique où elle est contenue a cesséd'êtreen
vigueur, que l'une desparties a renoncéà s'en prévaloir ou que les faits
litigieux se situent en dehors de la périodede temps durant laquelle ladite
clause est applicable.La décisionest plus difficileteindre sans empié-867 PLATES-FORMES PETROLIERES(OP. IND. RIGAUX)

ter sur le fond quand, comme c'est le cas en l'espèce,les Parties sont en

désaccord sur l'étendue de laclause, c'est-à-dire sur son applicabilitéa la
catégorie de faits à laquelle appartiennent les faits litigieux. Saisie d'une
telle exception,la Cour doit assurément interpréter la disposition conven-
tionnelle par laquelle les Parties lui ont, de commun accord, attribué
cornpetence. Dans l'articleXXI, paragraphe 2, du traitéd'amitiélesmots
décisifssont «toute question d'interprétation ou d'application» du pré-
sent traité. Pour qu'elle puisse se prononcer sur une quelconque de ces
questions («toute» question) il faut que la Cour ait compétencea cette
fin. Dès lors, cette question de compétenceest préalable aux questions
d'interprétation ou d'application des autres dispositions du traitéet, si la
Cour devait définitivement vider unequelconque de cette seconde sériede
questions, elle excéderaitl'objet actuel et le seul objet immédiat de sa

compétence, lacompétencede la compétence, et elle empiéterait sur le
fond du différend,ce qui la contraindrait à ne pas tenir l'exception pour
exclusivement préliminaire. Le problème consiste dès lors à séparer la
question de compétencedes questions de fond, mêmes'il est nécessaire,
pour répondre à la première, de s'avancer un tant soit peu dans l'inter-
prétation des autres dispositions du traitéd'amitié,notamment de celles
qui ont été invoquéespar la Partie requérante. En effet, quand l'excep-
tion préliminaire consiste à dénier que les griefs de cette Partientrent
dans les prévisionsdes articles du traitépris pour fondement de l'action
(en l'occurrence les articlesIV, paragraphe 1,etX, paragraphe 1)force
est de vérifiers'ilexiste entre ces articousl'un d'eux etles demandes un
lien suffisant pour qu'il existe entre les Parties un différend quant à

«une »question d'interprétation ou d'application du traité. Plutôt que de
déciderque le critère à retenir est celui d'un {{lienraisonnable}},termino-
logie étrangéreà la jurisprudence de la Cour, il faut s'interroger sur la
notion de question. Qu'est-ce qu'une «question d'interprétation ou
d'application» d'un ou de plusieurs articles du traité?Face à une excep-
tion préliminaire d'incompétence, laCour doit exercer son devoir d'inter-
préter l'articleXI, paragraphe 1,sur ce point. Il convient, en d'autres
termes, de déciders'ilse pose une question d'interprétation ou d'applica-
tion du traité d'amitié sans se prononcer prématurément sur le fond
d'une telle question. Pour déciders'il y a question il faut inévitablement
soumettre à un examen préalable les dispositions du traité dont l'inter-
prétation ou l'application fait l'objet du différend entre les Parties.

Certes, si les demandes n'ont aucun lien avec l'une des dispositions du
traite il est aisé deconclure a l'inexistenced'une question d'interprétation
ou d'application et d'accueillir l'exceptiond'incompétence. A I'inverse, il
ne saurait suffireque lesParties soient en désaccordsur l'interprétationdu
traité pour que la Cour doive sedéclarer compétente.On peut appliquer
par analogie ce que les deux Cours ont affirmé a maintes reprises à pro-
pos d'un différend:il est possible de dégagerune notion objective d'une
question aussi bien que d'un différend. Plus exactement, il n'y a de ques-
tion que s'ily a un différend,si lespoints d'interprétation ou d'applica-
tion du traité ont donnélieu à des positions contrastées, suffisamment 868 PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP. IND. RIGAUX)

documentées depart et d'autre, entretenant un doute suffisant pour que
la Cour soit effectivement saisie d'une question (et, en l'occurrence, de
plusieurs questions) d'interprétation et d'application du traitéd'amitié.

Dans la jurisprudence de la Cour et de la Cour permanente on trouve
plusieurs définitionsde la notion de différend.La plus ancienne remonte
à l'arrêtno 2 de la Cour permanente de Justice internationale en l'affaire
des ConcessionsMavrommatis en Palestine:
«Un différend estun désaccordsur un point de droit ou de fait,
une contradiction, une opposition de thèsesjuridiques ou d'intérêts

entre deux personnes. » (C.P.J.I. sérieA no2, p. 11 .)
Dans la jurisprudence de la Cour on peut citer les solutions suivante:

((L'existenced'un différendinternational demande à êtreétablie
objectivement. Le simple fait que l'existence d'un différend est
contestée ne prouvepas que ce différendn'existe pas.)) (Interpréta-
tion des traitésde paix conclus avec laBulgarie, la Hongrie et la
Roumanie, premièrephase, avis consultatif du 30 mars 1950, C.I.J.
Recueil 19.50,p. 74.)

Le critère objectif dégagpar la Cour dans le mêmeavis consultatif est
le suivant:
((11s'estdonc produit une situation dans laquelle les points de vue
des deux parties, quant à l'exécutionou à la non-exécution de cer-

taines obligations découlant des traités, sont nettement opposés.))
(Ibid., p. 74.)
Ce dernier passage est reproduit dans l'arrêtdu Il juillet 1996relatià
l'Applicationde la convention pour lapréventionet la répressiondu crime
de génocide(Bosnie-Herzégovinec. Yougoslavie) (par. 29), qui cite éga-
lement l'arrêtdu 30 juin 1995 dans l'affaire relative au Timor oriental

(Portugal c. Australie) (C.I.J. Recueil 1995,p. 99-100, par. 22).

Encore faut-il que le différend concernel'interprétation ou l'applica-
tion du traité. Tant l'avis consultatif du 30 mars 1950, qui vient d'être
cité, quele récentarrêtrelatifà l'affaire de l'Application de la convention
pour la préventionet la répressiondu crime de génocide(Bosnie-Herzé-
govine c. Yougoslavie) distinguent soigneusement cette deuxième ques-
tion de la précédente. Ainsi,aux termes du paragraphe 30 de l'arrêtdu
Il juillet 1996:

«Pour asseoir sa compétence, la Cour doit cependant s'assurer
que le différendentre bien dans les prévisionsde l'article IX de la
convention sur le génocide.))(Comparer déjà dans le même sens
l'arrêten l'affairedes ConcessionsMavrommatis en Palestine, C.P.J.I.
sérieA no2, p. 11.) Dans l'avisconsultatifdu 30 mars 1950le différendportait aussi sur le
devoir de certains Etats de respecter une clause de règlement des diffé-
rends ayant trait «à l'interprétation ouà l'exécutiondes traités))et la
Cour observe ce qui suit:

«En particulier, certaines réponses des gouvernements auxquels
des manquements aux traités depaix ont été reprochée sntrent dans
des considérations qui mettent nettement en jeu l'interprétation de
ces traités.))(C.I.J. Recueil 1950, p. 75.)

La détermination de sa propre compétence, seule question dont la
Cour est saisie après avoir invitéles Partieà s'expliquer sur l'exception
préliminaire soulevéepar la Partie défenderesse, se réduit dès lors à
savoir s'il existe entre les Parties un différend relatifà une question
d'application ou d'interprétation du traité. La compétencede la compé-
tence est distincte de la compétenceau fond, c'est-à-dire des questions
d'interprétation et d'application du traité d'amitié que laCour aurait dû
s'abstenir de trancher. Clairement prévue par l'article 79 du Règlement
de la Cour, la scission de ces deux compétences rend particulièrement
pertinente la jurisprudence relativeà deux séries de casprésentant une
sérieuseanalogie avec les cas de l'espèce.La première série decas est
empruntée à la jurisprudence de la Cour elle-mêmequand elle a dû se

prononcer sur la compétenced'une autre juridiction. Le second type de
scission entre la détermination de l'existenced'une question et la compé-
tence pour résoudre cette question apparaît quand ces deux opérations
sont partagéesentre deux ordres juridictionnels.
Dans l'arrêt Ambatielos, fond (C.Z.J. Recueil 1953, p. IO), la Cour a
constaté que les parties différaientsur l'interprétation de l'une des dispo-
sitions du traité,mais que celle-cipouvait «se prêter))tant à l'une qu'à
l'autre interprétation sans que la Cour fût compétente pour décider
laquelle des deux interprétations lui paraissait correcte. Dans le même
arrêt,la Cour emploie diverses expressions qu'elleparaît tenir pour syno-
nymes: les arguments avancéspar le Gouvernement helléniquesont «de
caractère suffisamment plausible)); l'interprétation selon laquelle la
demande est fondée

((apparaît comme l'une des interprétations auxquelles cette disposi-
tion peut se prêter,sinon nécessairement commela vraie ...
En d'autres termes, s'il apparaît que le Gouvernement hellénique
avance une interprétation défendabledu traité,c'est-à-direune inter-
prétation qui puisse se soutenir, qu'ellel'emporte finalement ou pas,
il existe des motifs raisonnablespour conclure que sa réclamation est

fondée surle traité.))C.I.J. Recueil 1953, p. 18.)
Ainsi, quatre expressions semblent équivalentes: une interprétation
«de caractère suffisamment plausible)), l'une de celles «auxquelles cette
disposition peut se prêter)),une interprétation «défendable» c'est-à-dire
«qui peut se soutenir ».
L'avis consultatif du 23 octobre 1956 sur les Jugements du Tribunal870 PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.IND. RIGAUX)

administratif de l'OIT sur requêtes contrel'Unesco,qui se réfère à l'arrêt
Ambatielos, fond, et est également relatif à l'interprétation d'un instru-

ment international pour la détermination de la compétenced'unejuridic-
tion autre que la Cour elle-même,emploie une formule souple, à savoir:
«que la requête fasseapparaître un rapport réelentre le grief et les dis-
positions invoquées ..», «il est nécessairede rechercher si les stipulations
et dispositions invoquées apparaissent comme ayant un rapport sérieux
et non factice avec le refus de renouveler les contrats)) (C.I.J. Recueil
1956, p. 89).

Sur ce point aussi il existe une jurisprudence constante de la Cour per-
manente de Justice internationale. Selon l'arrêt no 2, déjàcité:

«[La Cour] constatera, avant de statuer sur le fond, que le diffé-
rend qui lui est soumis, tel qu'il se présente actuellement et sur la
base des faits établisen ce moment, tombe sous l'application des dis-
positions du Mandat. ))(C.P.J.I. sérieA no2, p. 16.)

Dans les affaires plus proches de la présente, où la Cour s'est pro-
noncée surune exception préliminaire relative à sa propre compétence,

elle n'a guère explicitéles motifs pour lesquels elle s'est déclarée com-
pétente, tout en s'abstenant de trancher prématurément les questions
d'interprétation sur lesquelles elle exercerait sa compétence le moment
venu. Selon l'arrêtdu 26 novembre 1984 relatif à l'affaire des Activités
militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua
c. Etats-Unis d'Amérique), compétence et recevabilité, la Cour rejette
l'exception d'incompétenceen paraissant se satisfaire de ce que «d'après
les faits..allégués)d)ans la requêtedu Nicaragua «il existe un différend
entre les Parties, notamment quant à «l'interprétation ouà l'application))
du traité)) (C.I.J. Recueil 1984, p. 428, par. 83). Voir aussi la con-
clusion du mêmeparagraphe, page 429. Dans le mêmearrêt,la Cour a

justifiésa compétencepar un examen d'ensemble du traitéd'amitiésans
exclure à priori aucune des dispositions qu'il contenait. Le paragraphe 82
de l'arrêt(p. 428) contient une analyse sommaire de cinq articles du traité
d'amitiéque la partie demanderesse a fait valoir dans son mémoire sans
que, pour le règlement de l'exception préliminaire, la Cour entre plus
avant dans les mérites respectifsdeces diverses dispositions. Il est regret-
table que dans la présente affaire et pour la première fois, semble-t-il,
l'opinion de la majoritése soit écartée de cette méthode.Dans l'arrêtdu
11juillet 1996relatifà l'Applicationde laconventionpour lapréventionet
la répressiondu crime de génocide(Bosnie-Herzégovinec. Yougoslavie)
la démarche de la Cour paraît s'inspirer de celle qu'elle a suivie dans

l'arrêtdu 26 novembre 1984, bien que ce dernier ne soit pas cité.Pour
rejeter la cinquième exception préliminaire de la Yougoslavie, la Cour
fait

((observerqu'il ressortà suffisancedes termes mêmesde cette excep-871 PLATES-FORM PÉSROLIÈRES (OP.IND.RIGAUX)

tion que lesParties, non seulements'opposent surlesfaits de l'espèce,
sur leur imputabilité et sur l'applicabiliàéceux-ci des dispositions

de la convention sur le génocide, mais, enoutre, sont en désaccord
quant au sens et à la portéejuridique de plusieurs de ces disposi-
tions, dont l'article IX. Pour la Cour, il ne saurait en conséquence
faire de doute qu'il existe entre elles un différend relatif(l'inter-
prétation, l'application ou l'exécution de la...convention, y com-
pris...la responsabilitéd'un Etat en matière de génocide..»,selon la
formule utiliséepar cette dernière disposition (voir Applicabilitéde
l'obligation d'arbitrage en vertu de la section 21 de l'accord du
26 juin 1947 relatif au siège de l'Organisation des Nations Unies,
avis consultat$ C.Z.J. Recueil 1988, p. 27-32).)>(C.I.J. Recueil
1996, p. 616-617,par. 33.)

Pas plus que l'arrêtdu 26 novembre 1984l'arrêtdu Il juillet 1996 ne
fait ledétaildesdispositions conventionnelles appartenant au traitéconte-
nant la clause de juridiction.
La seconde analogie entre la scission de la compétence etl'exercicede
la compétenceau fond peut êtrecherchéedu côté de lascission de cer-

taines compétencesentre deux ordres juridictionnels. Tel est le cas pour
l'application de l'article 177du traitéCE en vertu duquel la Cour dejus-
tice des Communautés européennes est saisie à titre préjudiciel d'une
question d'interprétation d'une norme de droit communautaire. Ici, le
partage des compétences consiste à distinguer l'application de l'interpré-
tation. La juridiction communautaire est seulement compétente pour
énoncer une interprétation (parfois qualifiéed'abstraite) d'une norme
dont l'application relèveintégralement destribunaux nationaux. Pareille
répartitiondes compétencessusciteun problème très proche decelui dont
la Cour était présentement saisie. En effet, étant seul compétent pour
appliquer le droit communautaire et, le cas échéant,pour constater
l'incompatibilité avec cedroit d'une norme étatique,le tribunal national

doit décidersi la question d'interprétation est pertinente pour l'issue du
litige dont il est saisi et, même,s'ilse pose une telle question. Il existe sur
ce point une abondante jurisprudence de la Cour de justice des Commu-
nautéseuropéennes,dont l'orientation doit êtrecherchéedans les conclu-
sions de l'avocat général Lagrange précédanltes deux arrêtsles plus
anciens en la matière. La répartition des compétences entre les deux
ordres juridictionnels obéità une règlequi, selon ce magistrat, est ((très
simple» :

«pour qu'il y ait lieuà la mise en route de la procédure de renvoi
d'une question à titre préjudiciel,il faut évidemment qu'onse trouve
en présence d'unequestionet que cette question soit relativàl'inter-
prétation du texte en cause: sinon, si le texte est parfaitement clair, il
n'y a plus lieà interprétation, maisà application, ce qui ressortià
la compétencedu juge chargé précisément d'appliquer la loi. C'es cte
qu'on appelle parfois, d'une expression d'ailleurs peu exacte et sou-

vent mal comprise, la théorie de l'acteclair:vrai dire, il s'agit sim-872 PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.IND.RIGAUX)

plement de la ligne de démarcation entre les deux compétences.Bien
entendu, comme toujours en pareil cas, il peut y avoir des cas dou-
teux, des cas limites; dans ce doute, évidemment,lejuge devrait pro-
noncer le renvoi.» '

La Cour de justice des Communautés européenness'est approprié la
doctrine de son avocat généraldans une longue suite d'arrêts,l'un des
derniers en date rappelant «une jurisprudence constante))dans les termes
suivants :

«il appartient aux seulesjuridictions nationales, qui sont saisies du
litige et doivent assumer la responsabilité de la décisionjudiciaireà
intervenir, d'apprécier,au regard desparticularités dechaque affaire,
tant la nécessitéd'une décision préjudiciellepour êtreen mesure de
rendre leur jugement que la pertinence des questions qu'ellesposent
à la Cour. Le rejet d'une demande forméepar une juridiction natio-
nale est possible s'il apparaît de manière manifeste que l'interpréta-
tion du droit communautaire ou l'examen de la validitéd'une règle
communautaire n'ont aucun rapport avec la réalitéou l'objet du
litige au principal.

Bien qu'ils soient appliquésaux rapports entre deux ordres de juridic-
tion, les principes ainsi dégagésse laissent transposerà l'hypothèsedans
laquelleunejuridiction scindela question de compétence et la question de
fond, alors que la première est subordonnée à l'existenced'une question
d'interprétation ou d'application d'un texte conventionnel. Pour décider

s'ilexiste une telle question, point n'est besoind'en préjuger la réponse,il
suffit de constater que le texte ou les textesà interpréter autorisent des
lectures diverses. Dès qu'un doute peut raisonnablement êtreélevésur
l'interprétation du texte il faut conclure à l'existence d'une question
d'interprétation, pareil doute ne rendant pas douteuse la compétence de
la Cour puisque au contraire c'estun tel doute qui rend cette compétence
certaine. Et ce n'est que si la question d'interprétation (oud'application)
n'avait ((aucun rapport avec la réalitéou l'objet du litige au principal))
(selon lestermes de l'arrêtdu 3mars 1994reproduits ci-dessusqui parais-
sent faire échoà la formulation de la Cour internationale de Justice, dans
son avis consultatif du 23 octobre 1956 déjà cité,C.I.J. Recueil 1956,

p. 89) que la Cour pourrait accueillir une exception d'incompétence à
propos d'une clause de juridiction ayant pour objet ((toute question

SociétéDa Costa et autres c. Administrationfiscale néerlandaise,Recueil, 1963,p. 88-89.
(Les italiques sont dans le texte.) Voir aussi les conclusions précédant l'arrêdtu 20 février
1964,affaire 6164,aminio Costa c. ENEL, Recueil, 1964,p. 1172.

Cour de justice des Communautés européennes, 3 mars 1994, affaires jointes
C-332192, C-333192, C-335192,co ItaliaS.r.1.et autres c. Ente nazionaleRisi, Recueil,
1994, 1-711, p. 1-734,par. 17.873 PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.IND.RIGAUX)

d'interprétation ou d'application)). Ce que le mêmearrêt du3 mars 1994
appelle «la nécessitéd'une décision préjudicielle)v)ise l'existence d'un

doute suffisant pour que l'interprétation fasse questionet un arrêt anté-
rieur exclut pareille nécessitéquand il existe un précédenten la matière
ou que
«l'application du droit communautaire peut s'imposer avecune évi-
dence telle qu'elle ne laisse aucun doute raisonnable sur la manière

de résoudrela question posée»3 .
Ces termes sont parfaitement adaptés àla vérificationpar la Cour de sa
compétenceau regard d'une clausepar laquelledeux Etats sesont engagés
à lui soumettre ((toute question)) relat«àe l'interprétationouà l'appli-
cation)) d'un traité.

Si la Cour avait suivi la méthode préconiséeans la troisième partie de
cette opinion, elleaurait pu, aprèsavoir rejetéla partie de l'exception pré-
liminaire selon laquelle le traitéde 1955ne saurait s'appliqueres ques-
tions concernant l'emploi de la force, se borner constater qu'il existait
entre les Parties un différend juridique quant à l'interprétation ou à
l'application des trois articles de ce traitéinvoquéspar la Partie deman-
deresse à l'appui de son action. Pour décider qu'ily a une question

d'interprétationou d'application d'un traité contenant une clause dejuri-
diction relativeà une telle question, il suffit de constater l'existence de
celle-cisans qu'il soitnécessairede la trancher, c'est-à-dire d'exercer pré-
maturément la compétencedont il aurait suffi de reconnaître le principe.

(SignéF )rançois RIGAUX.

Cour de justice des Communautés européennes, 6 octobre 1982, affaire 283181,
CILFIT, Recueil, 1982,p. 3430, par. 16.

74

Bilingual Content

OPINION INDIVIDUELLE DE M. RIGAUX

1. DÉCLARATIO RNLATIVE AU DISPOSITIF

M'étantjoint à la majoritésur les deux points du dispositif, je l'ai fait
sans réserve à l'égarddu point 1. En ce qui concerne le point 2, je suis
d'accord avec la décision de compétencequi y est incluse, tout en regret-
tant que le titre de compétence de laCour y soit implicitement limitéau
paragraphe 1 de l'article X du traitéd'amitié.

II. OBSERVATIONS RELATIVES À LA MOTIVATION

En ce qui concerne la partie de la motivation relativeà l'article pre-

mier, je puis me rallier au contenu des paragraphes 27 et 28 et du para-
graphe 31. Il n'en va pas de mêmepour les paragraphes 29 et 30 qui
affaiblissent la motivation bien loin de la renforcer. S'ilest conformea
jurisprudence de la Cour de faire étatdes travaux préparatoires d'un ins-
trument international pour en éclairerles termes quand ceux-ciparaissent
ambigus, la mêmeportéene saurait êtrereconnue à l'absence de toute
indication pertinente dans les documents produits par les Parties. Pareil
silence ne saurait êtreinvoquéen faveur d'une interprétation plutôt que
de l'interprétation contraire. Il s'agit en réalitéd'une non-interprétation.
Que les documents produits ne procurent aucune indication utile n'est

pas étonnant: il est rare non seulement que les parties contractantes-
qu'il s'agisse d'un traité international ou d'un contrat de droit pri-é
prennent le soin de se mettre d'accord surl'interprétationdes clauses qui
auraient eu le plus besoin d'êtreélucidées, ais mêmeque chacune d'elles
ait donnéun sens plutôt qu'un autre à une disposition qui peut recevoir
plusieurs interprétations. Ce n'est qu'au moment où la règle doit être
appliquée quela question d'interprétationsera soulevée à l'occasion d'un
litige particulier. C'est pour ces raisons que l'interprétation donnéepar la
Cour à l'article premier du traitéd'amitiéme paraît affaiblie par le para-

graphe 29quicontient desconsidérations étrangèrea sux méthodes d'inter-
prétation prévuespar la convention de Vienne sur le droit des traitésdu
23mai 1969.Les ((documents))invoquéspar les Parties ne relèventpas de
la catégoriedes ((travaux préparatoires)),ils ne fournissent aucune indi-
cation sur les circonstances dans lesquelles l'instrument a été rédigéet
adopté.Il est permis de se référer surce poinà l'arrêtdu 15février1995
en l'affaire de Délimitation maritime et questions territoriales entre
Qatar et Bahreïn (C.I.J. Recueil 1995, p. 5, spécialement les para-
graphes 41-42, p. 21-23). Voir aussi l'analyse très éclairantedu Vice-Pré- SEPARATE OPINION OF JUDGE RIGAUX

[Translation]

1voted with the majority on the two points in the operative part and
1did so without reservation as regards point 1. As far as point 2 is con-
cerned, 1agree with the decision on jurisdiction therein, but regret that it
implicitly limits the jurisdiction of the Court to paragraph 1 of Article X
of the Amity Treaty.

II. OBSERVATIOR NESLATING TO THE GROUNDS

As regards the part of the grounds relating to Article 1, 1 am able to
support the content of paragraphs 27 and 28 and of paragraph 31. The
same cannot be said for paragraphs 29 and 30 which undermine the
grounds rather than reinforce them. Although to have regard to the
travaux préparatoires of an international instrument in order to shed
light on its wording if it seemsambiguous is in accordance with the case-
law of the Court, the same cannot be said of the absence of any relevant
indication in the documents produced by the Parties. That silence may

not be invoked in favour of one interpretation rather than the opposite
interpretation. We are dealing here in reality with a failure to interpret. It
is not surprising that the documents produced do not offer any useful
information :it is rare not only for contracting part-eswhether they be
to an international treaty or to a contract in private la- to take the
trouble to agree on the interpretation of the clauses which would have
most needed clarification, but even for each of the Parties to have inter-
preted a provision one way rather than another when that provision may
be interpreted in several ways. It is only when the rule is to be applied
that the question of interpretation is raised on the occasion of a specific
dispute. Itis for those reasons that the interpretation given by the Court

to Article1of the Amity Treaty appears to me to be weakened by para-
graph 29 which contains considerations not referred to in the methods of
interpretation provided by the Vienna Convention on the Law of Trea-
ties of 23 May 1969. The "documents" invoked by the Parties do not
come under the category of "travaux préparatoires", they provide no
information as to the circumstances in which the instrument was drafted
and adopted. Reference should be made on this point to the Judgment of
15February 1995in the case concerning Maritime Delimitation and Ter-
ritorial Questions between Qatarand Bahrain (1C.J. Reports 1995, p. 5,
especially paras. 41-42, pp. 21-23). See also the enlightening analysis865 PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.IND.RIGAUX)

sident Schwebel dans son opinion dissidente, pages 28 à 32. Dans cette
affaire comme dans l'affaire du Différend territorial(Jamahiriya arabe
libyenne/Tchad) (voir arrêt,C.I.J. Recueil 1994,p. 5,spécialementlepara-
graphe 55, p. 27-28), lesdocuments produits par les parties portaient sur
leurs négociations et les hésitations ou les repentirs qui avaient accom-
pagnél'adoption du texte. Quelle que soit la valeur interprétative recon-
nue à de tels documents, elle est sans commune mesure avec celle de

documents internes dans un des Etats entre lesquels le traité aété conclu
et,à plus forte raison, contenant une interprétation unilatérale relatiàe
un traité similaire conclu avec un autre Etat. Si la Cour estimait devoir
sur ce point rencontrer l'argumentation des Parties, elle aurait dû refuser
toute pertinence àdes documents ne soutenant aucune des deux interpré-
tations, objet du différendentre les Parties.

Le paragraphe 30 suscite des objections de nature différente. Il n'est
guère adéquat de tirer des conclusions d'une absence de pratique pour
donner à un traité une interprétation plutôt qu'une autre. La pratique
aurait été pertinentesielle avait démontré quelesParties, ou l'une d'elles,
avaient donné à l'article premier l'interprétation retenue par la Cour ou,

à tout le moins, avaient, serait-ce implicitement, écarté l'interprétation
contraire. Les sources citées l'appui de l'absence de pratique ne sont pas
non plus très convaincantes. Dans l'affaire du Personnel diplomatique et
consulairedes Etats-Unis à Téhéranl,e traitéd'amitié de1955ne jouait
qu'un rôle subsidiaire et le fait que la partie demanderesse ne se soit pas
prévalue de l'article premier dece traitéen l'affaire dencident aériendu
3juillet 1988 (Républiqueislamique d'Iran c. Etats-Unis d'Amérique)ne
saurait la priver du droit de l'invoquer pour la première fois en la pré-
sente es~èce.En outre. dans cette affaire le traitéd'amitié n'étaitDas le
seul ni mêmele principal titre avancépour justifier la compétence de la
Cour, bien plus il avait été invoqupour la première fois dans le mémoire
de la partie requérante (24 juillet 1990, p. 179-184).Dans sa réponse à
l'objection soulevéeà cet égardpar la partie américaine (exceptions pré-
liminaires soulevéespar les Etats-Unis d'Amérique, p. 109-1 17), l'Iran

écrit qu'il s'agit d'un((titre supplémentaire de compétence))(observations
et conclusions sur les exceptions préliminaires, présentéespar la Répu-
blique islamique d'Iran, vol.1, p. 214, par. 6.31).
Sans préjudicedes réflexionsplus généralesqui seront proposéesdans
la troisième partie de cette opinion, la motivation relativel'interpréta-
tion du paragraphe 1 de l'article IV ne paraît pas soutenir de manière
adéquate l'exclusion implicitement portée par le point 2 du dispositif et
dont j'estime devoir me dissocier.En effet, ce qui est présenté comme une
motivation de l'interprétation donnéepar la Cour est une pure répétition
en d'autres mots du contenu de la disposition. Il est difficile d'y recon-
naître la valeur d'une véritable motivation. Force est de respectueuse-
ment se dissocier de pareille méthode d'interprétationet de la conclusion

que contient la dernière phrase du paragraphe 36.given by Vice-President Schwebel in his dissenting opinion, pages 28 to
32. In that case, as in the case concerning the Territorial Dispute (Libyan
Avab Jamahiriya/Chad) (see Judgment, 1. C.J. Reports 1994, p. 5, espe-
cially para. 55,pp. 27-28),the documents produced by the Parties related
to their negotiations and the hesitations or the second thoughts which
had occurred when the text was adopted. Whatever the interpretative
value placed on such documents, it is altogether different from that of
interna1 documents produced in one of the States between which the
Treaty was concluded and that is al1the more so since it contains a uni-
lateral interpretation relating to a similar treaty concluded with another
State. If the Court considered that, on this point, it should uphold the
reasoning of the Parties, it should have refused to see any relevance in

documents which did not support either of the two interpretations which
form the subject-matter of the dispute between the Parties.
Paragraph 30 gives rise to objections of a different nature. It is hardly
appropriate to draw conclusions from the absence of a practice in order
to confer one interpretation rather than another on a treaty. The practice
would have been relevant if it had shown that the Parties or one of them
had interpreted Article 1the same way as the Court had or, at the very
least, had, if only implicitly, discarded the opposite interpretation. The
cases cited in support of the absence of any practice are not very con-
vincing. In the case of the UnitedStates Diplomatic and ConsularStaff in
Tehran, the 1955Amity Treaty only played a subsidiary role and the fact
that the Applicant did not rely on Article 1 of that Treaty in the case of
the Aerial Incident of 3 July 1988 (Islamic Republic of Iran v. United
States of Amevica) does not deprive it of the right to invoke it for the
first time in the present case. Moreover, in that earlier case the Amity
Treaty was not the only or even the principal ground put forward to jus-
tify the Court's jurisdiction; and furthermore it was invoked for the first

time in the Applicant's Memorial (24July 1990,pp. 179-184).In its reply
to the objection raised in that regard by the United States (Preliminary
Objections raised by the United States of America, pp. 109-1 17), Iran
stated that it was "a supplementary basis of jurisdiction" (Observations
and Submissions on the Preliminary Objections, submitted by the Islamic
Republic of Iran, Vol. 1,p. 214, para. 6.31).

Without prejudice to the more general considerations which 1shall put
forward in the third part of this opinion, the reasons relating to the inter-
pretation of paragraph 1 of Article IV do not appear to support
adequately the exclusion implicitly conveyed by point 2 of the operative
part and from which 1consider that 1must dissociate myself. In reality, it
is merely a repetition, using different wording, of the content of the pro-
vision which is presented as the reasons for the interpretation given by
the Court. It is difficult to consider it as having the value of real reason-
ing. 1 am therefore respectfully obliged to dissociate myself from such a

method of interpretation and from the conclusion set out in the last sen-
tence of paragraph 36.866 PLATES-FORMES PÉTROLIÉRES (OP.IND.RIGAUX)

111.CONSIDÉRATIO GÉNÉRALES SUR LA MÉTHODE DE RAISONNEMENT
SUIVIE PAR LACOUR

L'exception préliminairesoulevéedans la présente affaire aurait pu
êtrel'occasion pour la Cour de mieux préciserla nature et l'étenduedes
devoirs qu'elle s'est elle-mêmefixéspar la modification apportée en
1972 à son Règlement de procédure, tels qu'ils résultent aujourd'hui de
l'article 79 de cet instrument.
Les trois branches de l'alternative ouverte par l'article 79, para-
graphe 7, du Règlementde la Cour n'ont pas le mêmepoids. La modifi-
cation apportée par la Cour à son Règlement en 1972tendait àconférer
à la décisiondéclarantque l'exception n'était pasexclusivementprélimi-

naire une portée subsidiaire.Quand elle est saisie d'une exception préli-
minaire la Cour s'està elle-mêmefixéune priorité,choisir entre l'admis-
sion ou le rejet de l'exception. Si l'exception porte sur la compétence
mêmede la Cour, les raisons de ne pas différerla décisionsont encore
plus contraignantes: en admettant que l'exception n'est pas exclusive-
ment préliminaire,la Cour condamne un Etat à se défendreau fond alors
qu'elle entretient un doute sur sa propre compétenceet finira peut-être
par se déclarer incompétente.L'économie de moyensqui a étél'objectif
de la réforme de1972a deux aspects complémentaires,prévenir undébat
au fond avant que la Cour n'ait pu se prononcer sur sa compétence, mais

éviter aussique les parties ne plaident deux fois la question de compé-
tence. Par le rejet de l'exception préliminairela Cour s'est déccom-e
pétenteet ellene saurait plus revenir sur l'autorité qui s'attachehose
ainsi jugée.Toutefois, la décisionsur la compétencene devrait contenir
aucun préjugé denature à orienter dans une direction ou dans une autre
la solution du litige au fond. La décision, exceptionnelle, quiconsiste en
réalitéà ioindre l'exce~tion au fond doit êtreréservéeaux cas dans les-
quels la Cour ne saurait vider l'exception sans s'engager elle-mêmesur le
fond.

Pour que l'exception soitexclusivementpréliminaireil faut que la Cour
puisse l'admettre ou la rejeter sans émettreaucune opinion quant'issue
du litige au fond. C'estpourquoi lajurisprudence de la Cour relative aux
affaires où elle s'estprononcée sur la compétenced'une autre juridiction
est particulièrement pertinente pour la décisionqui lui incombe sur une
exception préliminaire d'incompétence:mêmesi c'estpour des motifs dif-
férentselledoit, dans un cas comme dans l'autre, s'abstenir de s'immiscer
dans un jugement sur le fond, qu'un tel jugement soit dèsl'abord sous-
traità sa compétenceou qu'il soit seulement prématuré.

L'admission del'exception d'incompétence esatiséeà prononcer quand
elle consistà dénierl'existenced'une clause attributive dejuridictioà,
soutenir que l'accord interétatique où elle est contenue a cesséd'êtreen
vigueur, que l'une desparties a renoncéà s'en prévaloir ou que les faits
litigieux se situent en dehors de la périodede temps durant laquelle ladite
clause est applicable.La décisionest plus difficileteindre sans empié- III. GENERAL CONSIDERATIO ON THE METHOD OF REASONING
FOLLOWE DY THE COURT

The preliminary objection raised in the this case could have been the
Court's opportunity to specify in greateretail the nature and the scope
of the duties it imposed on itself when it amended its Rules of Procedure
in 1972, such as those duties arise today under Article 79 of the Rules of
Court.
The three limbs of the choiceoffered by Article 79, paragraph 7, of the
Rules of Court do not carry the same weight. The amendment made by

the Court to its Rules in 1972intended to confer a subsidiary scope on
the decision to declare that the objection does not possess an exclusively
preliminary character. The Court has set its own priority in cases when
is seised of a preliminary objection, that of choosing between upholding
or rejecting the objection. If the objection relates to the veryjurisdiction
of the Court, the reasons not toefer the decision are al1the more press-
ing: if it decides that the objection is not exclusively preliminary, the
Court compels a State to put up a defence on the merits even though the
Court has some doubt as to whether it actually has jurisdiction and may
ultimately declinejurisdiction. There were two supplementary aspects to
the streamlining for which the 1972reform aimed, to prevent a debate on
the merits before the Court has had the chance to make a ruling as to its

jurisdiction, but also to avoid the parties having to make submissions
twice on the question of jurisdiction. If it rejects the preliminary objec-
tion, the Court declares itself to have jurisdiction and it cannot come
back on that decision which then has the force of resjudicata. However,
the decision on jurisdiction should not influencethe resolution of the dis-
pute on the merits at all, one way or the other. The decision, only reached
in exceptional cases, which consists in reality of joining the objection to
the merits must be reserved for cases in which the Court cannot decide
the objection without itself taking a view on the merits.
For the objection to be exclusivelypreliminary, it must be possible for
the Court to uphold or reject it without expressingany opinion as to the
issue of the dispute on the merits. That is why the case-law of the Court

relating to cases where it made a finding on the jurisdiction of another
court is particularly relevant for thecision it has to take on the pre-
liminary objection of lack of jurisdiction: even if it is for different
reasons, it must, in one case as in the other, abstain from getting involved
in a judgment on the merits, whether that judgment is removed from
itsjurisdiction at the outset or whether it would merely be premature to
do so.
It is easy toecide to uphold an objection of lack of jurisdiction when
that objection consists of denying the existence of ajurisdiction clause, of
maintaining that the agreement made between States which contains that
clause is no longer in force, that one of the parties has decided not to
on it or that the facts in dispute occurred outside the time period during

which the said clause applied. The decision is harder to reach without867 PLATES-FORMES PETROLIERES(OP. IND. RIGAUX)

ter sur le fond quand, comme c'est le cas en l'espèce,les Parties sont en

désaccord sur l'étendue de laclause, c'est-à-dire sur son applicabilitéa la
catégorie de faits à laquelle appartiennent les faits litigieux. Saisie d'une
telle exception,la Cour doit assurément interpréter la disposition conven-
tionnelle par laquelle les Parties lui ont, de commun accord, attribué
cornpetence. Dans l'articleXXI, paragraphe 2, du traitéd'amitiélesmots
décisifssont «toute question d'interprétation ou d'application» du pré-
sent traité. Pour qu'elle puisse se prononcer sur une quelconque de ces
questions («toute» question) il faut que la Cour ait compétencea cette
fin. Dès lors, cette question de compétenceest préalable aux questions
d'interprétation ou d'application des autres dispositions du traitéet, si la
Cour devait définitivement vider unequelconque de cette seconde sériede
questions, elle excéderaitl'objet actuel et le seul objet immédiat de sa

compétence, lacompétencede la compétence, et elle empiéterait sur le
fond du différend,ce qui la contraindrait à ne pas tenir l'exception pour
exclusivement préliminaire. Le problème consiste dès lors à séparer la
question de compétencedes questions de fond, mêmes'il est nécessaire,
pour répondre à la première, de s'avancer un tant soit peu dans l'inter-
prétation des autres dispositions du traitéd'amitié,notamment de celles
qui ont été invoquéespar la Partie requérante. En effet, quand l'excep-
tion préliminaire consiste à dénier que les griefs de cette Partientrent
dans les prévisionsdes articles du traitépris pour fondement de l'action
(en l'occurrence les articlesIV, paragraphe 1,etX, paragraphe 1)force
est de vérifiers'ilexiste entre ces articousl'un d'eux etles demandes un
lien suffisant pour qu'il existe entre les Parties un différend quant à

«une »question d'interprétation ou d'application du traité. Plutôt que de
déciderque le critère à retenir est celui d'un {{lienraisonnable}},termino-
logie étrangéreà la jurisprudence de la Cour, il faut s'interroger sur la
notion de question. Qu'est-ce qu'une «question d'interprétation ou
d'application» d'un ou de plusieurs articles du traité?Face à une excep-
tion préliminaire d'incompétence, laCour doit exercer son devoir d'inter-
préter l'articleXI, paragraphe 1,sur ce point. Il convient, en d'autres
termes, de déciders'ilse pose une question d'interprétation ou d'applica-
tion du traité d'amitié sans se prononcer prématurément sur le fond
d'une telle question. Pour déciders'il y a question il faut inévitablement
soumettre à un examen préalable les dispositions du traité dont l'inter-
prétation ou l'application fait l'objet du différend entre les Parties.

Certes, si les demandes n'ont aucun lien avec l'une des dispositions du
traite il est aisé deconclure a l'inexistenced'une question d'interprétation
ou d'application et d'accueillir l'exceptiond'incompétence. A I'inverse, il
ne saurait suffireque lesParties soient en désaccordsur l'interprétationdu
traité pour que la Cour doive sedéclarer compétente.On peut appliquer
par analogie ce que les deux Cours ont affirmé a maintes reprises à pro-
pos d'un différend:il est possible de dégagerune notion objective d'une
question aussi bien que d'un différend. Plus exactement, il n'y a de ques-
tion que s'ily a un différend,si lespoints d'interprétation ou d'applica-
tion du traité ont donnélieu à des positions contrastées, suffisammentgetting involved in the merits when, as is the case here, the Parties do not
agree as to the scope of the clause, that is to Sayas to whether it applies
to the category of facts in which the facts in dispute here may be classi-
fied. Seised of such an objection, the Court must undoubtedly interpret
the treaty provision by which the Parties, by common accord, conferred
jurisdiction upon it. In Article XXI, paragraph 2, of the Amity Treaty the
decisivewords are "any question of interpretation or application" of the
present Treaty. In order for it to be able to make a ruling on any of these
questions ("any" question), the Court must have jurisdiction to do so.
Therefore, the question of jurisdiction is preliminary to any questions of
interpretation or application of the other provisions of the Treaty and if
the Court were to rule definitively on any of that second series of ques-
tions, it would be exceedingthe actual subject and the only subject which
is immediately within its jurisdiction, the compétencede la compétence,
and it would be encroaching upon the merits of the dispute, which would

compel it not to find that the objection was exclusivelypreliminary. The
problem therefore consists of separatingthe question ofjurisdiction from
the questions on the merits, even if it is necessary inorder to reply to the
first question to embark to a certain extent on the interpretation of the
other provisions of the Amity Treaty, inter alia those which have been
invoked by the Applicant. When a preliminary objection consists of
denying that the Applicant's complaints fa11within the scope of the pro-
visions of the articles of the treaty which form the basis of the action (in
this case Articles1,IV, paragraph 1,and X, paragraph 1),it is absolutely
necessary to verify whether there is a sufficientconnection between these
articles or between one of them and the claims, for there to be a dispute
between the parties as to "a" question of interpretation or application of
the treaty. Rather than deciding that the relevant criterion is that of a
"reasonable connection", which terminology is unknown in the case-law
of the Court, we should ask ourselves what is meant by a question. What

is "a question of interpretation or application" of one or several ar-
ticles of a treaty? Faced with a preliminary objection of lack of jurisdic-
tion, the Court must exercise its duty to interpret Article XXI, para-
graph 1,on that point. It is necessary, in other words, to decide whether
there is a question of interpretation or application of the Amity Treaty
without making a premature ruling on the merits of that question. In
order to decide whether there is a question, we must inevitably carry out
a preliminary examination of the provisions of the treaty whose interpre-
tation or application form the subject-matter of the dispute between the
Parties. Certainly, if the claims have no connection with any of the pro-
visions of the Treaty, it is easy to conclude that there is no question of
interpretation or application and to uphold the objection of lack ofjuris-
diction. Conversely,it is not sufficientfor the Parties to disagree asto the
interpretation of the Treaty for the Court to find that it has jurisdiction.
By analogy, one may apply what both Courts have asserted on many

occasions in relation to a dispute: that it is possible toecide objectively
what is meant by a question as well as by a dispute. More precisely, there 868 PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP. IND. RIGAUX)

documentées depart et d'autre, entretenant un doute suffisant pour que
la Cour soit effectivement saisie d'une question (et, en l'occurrence, de
plusieurs questions) d'interprétation et d'application du traitéd'amitié.

Dans la jurisprudence de la Cour et de la Cour permanente on trouve
plusieurs définitionsde la notion de différend.La plus ancienne remonte
à l'arrêtno 2 de la Cour permanente de Justice internationale en l'affaire
des ConcessionsMavrommatis en Palestine:
«Un différend estun désaccordsur un point de droit ou de fait,
une contradiction, une opposition de thèsesjuridiques ou d'intérêts

entre deux personnes. » (C.P.J.I. sérieA no2, p. 11 .)
Dans la jurisprudence de la Cour on peut citer les solutions suivante:

((L'existenced'un différendinternational demande à êtreétablie
objectivement. Le simple fait que l'existence d'un différend est
contestée ne prouvepas que ce différendn'existe pas.)) (Interpréta-
tion des traitésde paix conclus avec laBulgarie, la Hongrie et la
Roumanie, premièrephase, avis consultatif du 30 mars 1950, C.I.J.
Recueil 19.50,p. 74.)

Le critère objectif dégagpar la Cour dans le mêmeavis consultatif est
le suivant:
((11s'estdonc produit une situation dans laquelle les points de vue
des deux parties, quant à l'exécutionou à la non-exécution de cer-

taines obligations découlant des traités, sont nettement opposés.))
(Ibid., p. 74.)
Ce dernier passage est reproduit dans l'arrêtdu Il juillet 1996relatià
l'Applicationde la convention pour lapréventionet la répressiondu crime
de génocide(Bosnie-Herzégovinec. Yougoslavie) (par. 29), qui cite éga-
lement l'arrêtdu 30 juin 1995 dans l'affaire relative au Timor oriental

(Portugal c. Australie) (C.I.J. Recueil 1995,p. 99-100, par. 22).

Encore faut-il que le différend concernel'interprétation ou l'applica-
tion du traité. Tant l'avis consultatif du 30 mars 1950, qui vient d'être
cité, quele récentarrêtrelatifà l'affaire de l'Application de la convention
pour la préventionet la répressiondu crime de génocide(Bosnie-Herzé-
govine c. Yougoslavie) distinguent soigneusement cette deuxième ques-
tion de la précédente. Ainsi,aux termes du paragraphe 30 de l'arrêtdu
Il juillet 1996:

«Pour asseoir sa compétence, la Cour doit cependant s'assurer
que le différendentre bien dans les prévisionsde l'article IX de la
convention sur le génocide.))(Comparer déjà dans le même sens
l'arrêten l'affairedes ConcessionsMavrommatis en Palestine, C.P.J.I.
sérieA no2, p. 11.)will be a question only if there is a dispute, if the points of interpretation
or application of a treaty have given rise to contrasting positions which
are sufficientlydocumented on both sides, and raise a doubt sufficientfor
the Court to be effectively seisedof a question (and, in the present case,
of several questions) of interpretation and application of the Arnity
Treaty.
In the case-law of the Court and of the Permanent Court there are sev-
eral definitions of what is meant by a dispute. The oldest goes back to
Judgment No. 2 of the Permanent Court of International Justice in the
Mavrommatis Palestine Concessionscase :

"A dispute is a disagreement on a point of law or fact, a conflict of
legal views or of interests between two persons." (P.C.I.J., Series A,
No. 2, p. 11.)

From the case-law of the Court, one may cite the following solutions:
"Whether there exists an international dispute is a matter for
objective determination. The mere denial of the existence of a dis-
pute does not prove its non-existence." (Interpretation of Pcace
Treaties with Bulgaria, Hungary and Romania, First Phase, Advi-
sory Opinionof 30 March 1950, I.C.J. Reports 1950, p. 74.)

The objectivecriterion outlined by the Court in that Advisory Opinion
is the following :
"There has thus arisen a situation in which the two sides hold

clearlyopposite viewsconcerning the question of the performance or
non-performance of certain treaty obligations." (Ibid., p. 74.)

The latter passage is reproduced in the Judgment of 11July 1996in the
case concerning the Application of the Convention on the Prevention and
Punishment of the Crime of Genocide (Bosnia and Herzegovina v. Yugo-
slavia) (para. 29) which also cites the Judgment of 30 June 1995in the
case concerning East Timor (Portugal v. Australia) (I.C.J. Reports
1995, pp. 99-100, para. 22).

The dispute must also relate to the interpretation or the application of
a treaty. Both the Advisory Opinion of 30 March 1950,which has just
been quoted, and the recent Judgment in the case concerning the Applica-
tion of the Conventionon the Prevention and Punishment of the Crime of
Genocide (Bosnia and Herzegovina v. Yugoslavia) carefully distinguish
that secondquestion from the preceding one. Therefore, according to para-
graph 30 of the Judgment of 11July 1996:
"To found its jurisdiction, the Court must, however, still ensure

that the dispute in question does indeed fa11within the provisions of
Article IX of the Genocide Convention." (Compare the similar find-
ing in the Judgment in the case concerning Mavrommatis Palestine
Concessions,P.C.I.J., Series A, No. 2, p. 11 .) Dans l'avisconsultatifdu 30 mars 1950le différendportait aussi sur le
devoir de certains Etats de respecter une clause de règlement des diffé-
rends ayant trait «à l'interprétation ouà l'exécutiondes traités))et la
Cour observe ce qui suit:

«En particulier, certaines réponses des gouvernements auxquels
des manquements aux traités depaix ont été reprochée sntrent dans
des considérations qui mettent nettement en jeu l'interprétation de
ces traités.))(C.I.J. Recueil 1950, p. 75.)

La détermination de sa propre compétence, seule question dont la
Cour est saisie après avoir invitéles Partieà s'expliquer sur l'exception
préliminaire soulevéepar la Partie défenderesse, se réduit dès lors à
savoir s'il existe entre les Parties un différend relatifà une question
d'application ou d'interprétation du traité. La compétencede la compé-
tence est distincte de la compétenceau fond, c'est-à-dire des questions
d'interprétation et d'application du traité d'amitié que laCour aurait dû
s'abstenir de trancher. Clairement prévue par l'article 79 du Règlement
de la Cour, la scission de ces deux compétences rend particulièrement
pertinente la jurisprudence relativeà deux séries de casprésentant une
sérieuseanalogie avec les cas de l'espèce.La première série decas est
empruntée à la jurisprudence de la Cour elle-mêmequand elle a dû se

prononcer sur la compétenced'une autre juridiction. Le second type de
scission entre la détermination de l'existenced'une question et la compé-
tence pour résoudre cette question apparaît quand ces deux opérations
sont partagéesentre deux ordres juridictionnels.
Dans l'arrêt Ambatielos, fond (C.Z.J. Recueil 1953, p. IO), la Cour a
constaté que les parties différaientsur l'interprétation de l'une des dispo-
sitions du traité,mais que celle-cipouvait «se prêter))tant à l'une qu'à
l'autre interprétation sans que la Cour fût compétente pour décider
laquelle des deux interprétations lui paraissait correcte. Dans le même
arrêt,la Cour emploie diverses expressions qu'elleparaît tenir pour syno-
nymes: les arguments avancéspar le Gouvernement helléniquesont «de
caractère suffisamment plausible)); l'interprétation selon laquelle la
demande est fondée

((apparaît comme l'une des interprétations auxquelles cette disposi-
tion peut se prêter,sinon nécessairement commela vraie ...
En d'autres termes, s'il apparaît que le Gouvernement hellénique
avance une interprétation défendabledu traité,c'est-à-direune inter-
prétation qui puisse se soutenir, qu'ellel'emporte finalement ou pas,
il existe des motifs raisonnablespour conclure que sa réclamation est

fondée surle traité.))C.I.J. Recueil 1953, p. 18.)
Ainsi, quatre expressions semblent équivalentes: une interprétation
«de caractère suffisamment plausible)), l'une de celles «auxquelles cette
disposition peut se prêter)),une interprétation «défendable» c'est-à-dire
«qui peut se soutenir ».
L'avis consultatif du 23 octobre 1956 sur les Jugements du Tribunal In the Advisory Opinion of 30 March 1950the dispute related also to
the duty of certain States to comply with a clause concerning the reso-
lution of disputes relating to "the interpretation or the performance of
treaties" and the Court observes asfollows:

"In particular, certain answers from the Governments accused of
violations of the Peace Treaties make use of arguments which clearly
involve an interpretation of those Treaties." (I.C.J. Reports 1950,
p. 75.)

The determination of its own jurisdiction, the only question of which
the Court is seised after having invited the Parties to give their views on
the preliminary objection raised by the Respondent, is therefore reduced
to whether there is a dispute relating to a question of application or inter-
pretation of the Treaty between the Parties. The compétencede la com-
pétence is separate from jurisdiction on the merits, that is to say the
questions of interpretation and application of the Amity Treaty which
the Court should have refrained from deciding. The scission of these two
jurisdictions is clearly provided for in Article 79 of the Rules of Court
and it makes the case-law relating to two series of cases which are
strongly analogous with the present case particularly relevant. The first
series of cases is borrowed from the case-law of the Court itself when it
has had to rule on the jurisdiction of another court. The second type of
scission between the determination of the existence of a question and the
jurisdiction to solve that question appears when those two functions are

divided between two jurisdictional orders.
In the Judgment in Ambatielos, Merits (I.C.J. Reports 1953, p. IO),
the Court found that the Parties were in dispute on the interpretation of
one of the provisions of the Treaty, but that that provision could "lend
itself" both to one or the other interpretation without the Court being
competent to decide which of the two interpretations appeared to it to be
correct. In the same Judgment, the Court uses various expressionswhich
it seems to find synonymous: the arguments put forward by the Greek
Government are "sufficiently plausible" ;the interpretation according to
which the Application is based

"appears to be one of the possible interpretations that may be placed
upon it, though not necessarily the correct one . . .
In other words, if it is made to appear that the Hellenic Govern-
ment is relying upon an arguable construction of the Treaty, that is
to say, a construction which can be defended, whether or not it ulti-
mately prevails, then there are reasonable grounds for concluding
that its claim is based on the Treaty." (I.C.J. Reports 1953, p. 18.)

Thus, four expressions seem equivalent: an interpretation "of a suffi-
cientlyplausible character", one of those "that may be placed upon [that
provision]", an "arguable construction" that is to say one "which can be
defended".
The Advisory Opinion of 23 October 1956 on the Judgments of the870 PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.IND. RIGAUX)

administratif de l'OIT sur requêtes contrel'Unesco,qui se réfère à l'arrêt
Ambatielos, fond, et est également relatif à l'interprétation d'un instru-

ment international pour la détermination de la compétenced'unejuridic-
tion autre que la Cour elle-même,emploie une formule souple, à savoir:
«que la requête fasseapparaître un rapport réelentre le grief et les dis-
positions invoquées ..», «il est nécessairede rechercher si les stipulations
et dispositions invoquées apparaissent comme ayant un rapport sérieux
et non factice avec le refus de renouveler les contrats)) (C.I.J. Recueil
1956, p. 89).

Sur ce point aussi il existe une jurisprudence constante de la Cour per-
manente de Justice internationale. Selon l'arrêt no 2, déjàcité:

«[La Cour] constatera, avant de statuer sur le fond, que le diffé-
rend qui lui est soumis, tel qu'il se présente actuellement et sur la
base des faits établisen ce moment, tombe sous l'application des dis-
positions du Mandat. ))(C.P.J.I. sérieA no2, p. 16.)

Dans les affaires plus proches de la présente, où la Cour s'est pro-
noncée surune exception préliminaire relative à sa propre compétence,

elle n'a guère explicitéles motifs pour lesquels elle s'est déclarée com-
pétente, tout en s'abstenant de trancher prématurément les questions
d'interprétation sur lesquelles elle exercerait sa compétence le moment
venu. Selon l'arrêtdu 26 novembre 1984 relatif à l'affaire des Activités
militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua
c. Etats-Unis d'Amérique), compétence et recevabilité, la Cour rejette
l'exception d'incompétenceen paraissant se satisfaire de ce que «d'après
les faits..allégués)d)ans la requêtedu Nicaragua «il existe un différend
entre les Parties, notamment quant à «l'interprétation ouà l'application))
du traité)) (C.I.J. Recueil 1984, p. 428, par. 83). Voir aussi la con-
clusion du mêmeparagraphe, page 429. Dans le mêmearrêt,la Cour a

justifiésa compétencepar un examen d'ensemble du traitéd'amitiésans
exclure à priori aucune des dispositions qu'il contenait. Le paragraphe 82
de l'arrêt(p. 428) contient une analyse sommaire de cinq articles du traité
d'amitiéque la partie demanderesse a fait valoir dans son mémoire sans
que, pour le règlement de l'exception préliminaire, la Cour entre plus
avant dans les mérites respectifsdeces diverses dispositions. Il est regret-
table que dans la présente affaire et pour la première fois, semble-t-il,
l'opinion de la majoritése soit écartée de cette méthode.Dans l'arrêtdu
11juillet 1996relatifà l'Applicationde laconventionpour lapréventionet
la répressiondu crime de génocide(Bosnie-Herzégovinec. Yougoslavie)
la démarche de la Cour paraît s'inspirer de celle qu'elle a suivie dans

l'arrêtdu 26 novembre 1984, bien que ce dernier ne soit pas cité.Pour
rejeter la cinquième exception préliminaire de la Yougoslavie, la Cour
fait

((observerqu'il ressortà suffisancedes termes mêmesde cette excep-Administrative Tribunal of the IL0 upon Complaints Made against
Unesco, which refers to the Judgment on the merits in the Ambatielos
case, and also relates to the interpretation of an international instrument
for the determination of the jurisdiction of a court other than the Court
itself, uses a flexible form of words, namely "that the complaint should
indicate some genuine relationship between the complaint and the provi-
sionsinvoked ...", "it is necessary to ascertain whether the terms and the

provisions invoked appear to have a substantial and not merely an artifi-
cial connexion with the refusa1 to renew the contracts" (I.C.J. Reports
1956, p. 89).
There is also established case-law of the Permanent Court of Interna-
tional Justice on that point. According to Judgrnent No. 2, cited above:

"The Court, before givingjudgment on the merits of the case, will
satisfy itself that the suit before it, in the form in which it has been
submitted and on the basis of the facts hitherto established, falls to
be decided by application of the clauses of the mandate." (P.C.I.J.,
Series A, No. 2, p. 16.)

In the casesmost similar to the present one, where the Court has ruled
on a preliminary objection relating to its own jurisdiction, it has never
explained the grounds on which it found that it had jurisdiction, whilst
abstaining from prematurely deciding the questions of interpretation on
which it was to exercise its jurisdiction at the appropriate time. Accord-
ing to the Judgment of 26 November 1984relating to the case concerning
Military and Paramilitary Activities in and against Nicaragua (Nicava-
gua V. United States of Amevica), Jurisdiction and Admissibility, the
Court dismissed the objection of lack of jurisdiction by seemingly being
satisfied that "on the basis of the facts . . .asserted" in Nicaragua's
Application "there is a dispute between the Parties, inter alia, as to the
'interpretation or application' of the Treaty" (Z.C.J. Reports 1984,
p. 428, para. 83). See also the conclusion of that paragraph, page 429. In
that Judgment, the Court justified its jurisdiction by viewing the Amity
Treaty as a whole without, apriori, excluding any of its provisions. Para-
graph 82 of the Judgment (p. 428) contains a summary analysis of five
Articles of the Amity Treaty which the Applicant relied upon in its

Memorial without the Court going further into the respective merits of
those various provisions in order to reach a decision regarding the pre-
liminary objection. It is regrettable that in the present case and for the
first time, it would seem, the opinion of the majority diverged from that
method. In its Judgment of 11 July 1996concerning the Application of
the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of Geno-
cide (Bosnia and Hevzegovina v. Yugoslavia) the course taken by the
Court seems to be inspired by the one it followed in the Judgment of
26 November 1984,although that latter Judgment is not cited. In order
to reject the fifth preliminary objection raised by Yugoslavia, the Court

"observe[s]that it is sufficientlyapparent from the very terms of that871 PLATES-FORM PÉSROLIÈRES (OP.IND.RIGAUX)

tion que lesParties, non seulements'opposent surlesfaits de l'espèce,
sur leur imputabilité et sur l'applicabiliàéceux-ci des dispositions

de la convention sur le génocide, mais, enoutre, sont en désaccord
quant au sens et à la portéejuridique de plusieurs de ces disposi-
tions, dont l'article IX. Pour la Cour, il ne saurait en conséquence
faire de doute qu'il existe entre elles un différend relatif(l'inter-
prétation, l'application ou l'exécution de la...convention, y com-
pris...la responsabilitéd'un Etat en matière de génocide..»,selon la
formule utiliséepar cette dernière disposition (voir Applicabilitéde
l'obligation d'arbitrage en vertu de la section 21 de l'accord du
26 juin 1947 relatif au siège de l'Organisation des Nations Unies,
avis consultat$ C.Z.J. Recueil 1988, p. 27-32).)>(C.I.J. Recueil
1996, p. 616-617,par. 33.)

Pas plus que l'arrêtdu 26 novembre 1984l'arrêtdu Il juillet 1996 ne
fait ledétaildesdispositions conventionnelles appartenant au traitéconte-
nant la clause de juridiction.
La seconde analogie entre la scission de la compétence etl'exercicede
la compétenceau fond peut êtrecherchéedu côté de lascission de cer-

taines compétencesentre deux ordres juridictionnels. Tel est le cas pour
l'application de l'article 177du traitéCE en vertu duquel la Cour dejus-
tice des Communautés européennes est saisie à titre préjudiciel d'une
question d'interprétation d'une norme de droit communautaire. Ici, le
partage des compétences consiste à distinguer l'application de l'interpré-
tation. La juridiction communautaire est seulement compétente pour
énoncer une interprétation (parfois qualifiéed'abstraite) d'une norme
dont l'application relèveintégralement destribunaux nationaux. Pareille
répartitiondes compétencessusciteun problème très proche decelui dont
la Cour était présentement saisie. En effet, étant seul compétent pour
appliquer le droit communautaire et, le cas échéant,pour constater
l'incompatibilité avec cedroit d'une norme étatique,le tribunal national

doit décidersi la question d'interprétation est pertinente pour l'issue du
litige dont il est saisi et, même,s'ilse pose une telle question. Il existe sur
ce point une abondante jurisprudence de la Cour de justice des Commu-
nautéseuropéennes,dont l'orientation doit êtrecherchéedans les conclu-
sions de l'avocat général Lagrange précédanltes deux arrêtsles plus
anciens en la matière. La répartition des compétences entre les deux
ordres juridictionnels obéità une règlequi, selon ce magistrat, est ((très
simple» :

«pour qu'il y ait lieuà la mise en route de la procédure de renvoi
d'une question à titre préjudiciel,il faut évidemment qu'onse trouve
en présence d'unequestionet que cette question soit relativàl'inter-
prétation du texte en cause: sinon, si le texte est parfaitement clair, il
n'y a plus lieà interprétation, maisà application, ce qui ressortià
la compétencedu juge chargé précisément d'appliquer la loi. C'es cte
qu'on appelle parfois, d'une expression d'ailleurs peu exacte et sou-

vent mal comprise, la théorie de l'acteclair:vrai dire, il s'agit sim- objection that the Parties not only differ with respect to the facts of
the case, their imputability and the applicability to them of the pro-
visions of the Genocide Convention, but are moreover in disagree-
ment with respect to the meaning and legal scope of several of those
provisions, including Article IX. For the Court, there is accordingly

no doubt that there exists a dispute between them relating to 'the
interpretation, application or fulfilment of the . . . Convention,
including . . the responsibility of a State for genocide . ..', accord-
ing to the form of words employed by that latter provision (cf.
Applicability of the Obligation to Arbitrate under Section 21 of the
United Nations Headquarters Agreement of 26 June 1947, Advisory
Opinion, I. C.J. Reports 1988, pp. 27-32)." (I.C.J. Reports 1996,
pp. 616-617,para. 33.)

The Judgment of 11July 1996 does not go into any more detail than
the Judgment of 26 November 1984about the provisions making up the
Treaty containing the jurisdiction clause.
The second analogy between the scission of jurisdiction and the exer-
cise ofjurisdiction on the merits may be sought by examining the scission
of certainjurisdictions between twojurisdictional orders. That is the case
for the application of Article 177of the EC Treaty by virtue of which the
Court of Justice of the European Communities is seised, by way of pre-
liminary reference,of a question of interpretation of a provision of Com-
munity law. Here the distribution of jurisdiction consists of separating
application from interpretation. The Community Court is merely cornpe-
tent to givean interpretation (whichissometimesdescribed asan abstract)
of a provision whose application is entirely governed by domestic courts.
This distribution of jurisdictions raises a problem very similar to the one
that is presently before the Court. Indeed, as it is the only court cornpe-
tent to apply Community law, and, if necessary, to declare that a dom-
estic law is incompatible with Community legislation, the national court

must decide whether the question of interpretation is relevant to the reso-
lution of the dispute before it and, even, whether such a question arises.
There is extensivecase-law of the Court of Justice of the Euro~ean Com-
munities on this point the gist of which must be sought in theAopinionof
Advocate General Lagrange given prior to the two oldest judgments on
the subject. The distribution of jurisdictions between the two jurisdic-
tional orders follows a rule which, according to that Advocate General, is
"very simple" :

"before the procedure of referring a question for a preliminary rul-
ing on interpretation can be set in motion, there must clearly be a
question, and that question must be relative to the interpretation of
the provision involved; otherwise, if the provision is perfectly clear,
there is no longer any need for interpretation but only for applica-
tion, which belongs to the jurisdiction of the national court whose
very task it is to apply the law. Thisis what is sometimes described,
not perhaps very accurately and in a way which is often misunder-872 PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.IND.RIGAUX)

plement de la ligne de démarcation entre les deux compétences.Bien
entendu, comme toujours en pareil cas, il peut y avoir des cas dou-
teux, des cas limites; dans ce doute, évidemment,lejuge devrait pro-
noncer le renvoi.» '

La Cour de justice des Communautés européenness'est approprié la
doctrine de son avocat généraldans une longue suite d'arrêts,l'un des
derniers en date rappelant «une jurisprudence constante))dans les termes
suivants :

«il appartient aux seulesjuridictions nationales, qui sont saisies du
litige et doivent assumer la responsabilité de la décisionjudiciaireà
intervenir, d'apprécier,au regard desparticularités dechaque affaire,
tant la nécessitéd'une décision préjudiciellepour êtreen mesure de
rendre leur jugement que la pertinence des questions qu'ellesposent
à la Cour. Le rejet d'une demande forméepar une juridiction natio-
nale est possible s'il apparaît de manière manifeste que l'interpréta-
tion du droit communautaire ou l'examen de la validitéd'une règle
communautaire n'ont aucun rapport avec la réalitéou l'objet du
litige au principal.

Bien qu'ils soient appliquésaux rapports entre deux ordres de juridic-
tion, les principes ainsi dégagésse laissent transposerà l'hypothèsedans
laquelleunejuridiction scindela question de compétence et la question de
fond, alors que la première est subordonnée à l'existenced'une question
d'interprétation ou d'application d'un texte conventionnel. Pour décider

s'ilexiste une telle question, point n'est besoind'en préjuger la réponse,il
suffit de constater que le texte ou les textesà interpréter autorisent des
lectures diverses. Dès qu'un doute peut raisonnablement êtreélevésur
l'interprétation du texte il faut conclure à l'existence d'une question
d'interprétation, pareil doute ne rendant pas douteuse la compétence de
la Cour puisque au contraire c'estun tel doute qui rend cette compétence
certaine. Et ce n'est que si la question d'interprétation (oud'application)
n'avait ((aucun rapport avec la réalitéou l'objet du litige au principal))
(selon lestermes de l'arrêtdu 3mars 1994reproduits ci-dessusqui parais-
sent faire échoà la formulation de la Cour internationale de Justice, dans
son avis consultatif du 23 octobre 1956 déjà cité,C.I.J. Recueil 1956,

p. 89) que la Cour pourrait accueillir une exception d'incompétence à
propos d'une clause de juridiction ayant pour objet ((toute question

SociétéDa Costa et autres c. Administrationfiscale néerlandaise,Recueil, 1963,p. 88-89.
(Les italiques sont dans le texte.) Voir aussi les conclusions précédant l'arrêdtu 20 février
1964,affaire 6164,aminio Costa c. ENEL, Recueil, 1964,p. 1172.

Cour de justice des Communautés européennes, 3 mars 1994, affaires jointes
C-332192, C-333192, C-335192,co ItaliaS.r.1.et autres c. Ente nazionaleRisi, Recueil,
1994, 1-711, p. 1-734,par. 17. stood, as the theory of the 'acte clair' (a measure whose meaningis
self-evident): really, it is simply a question of a demarcation line
between the two jurisdictions. Of course, as always in such a case,
there can be doubtful cases or borderline cases. When in doubt,
obviously, the court should make the reference."'

The Court of Justice of the European Communities has adopted the
views of its Advocate General in a long series of Judgments, one of the
most recent of which noted that there was "established case-law" in the
following terms :

"it is solelyfor the national courts before which actions are brought,
and which must bear the responsibility for the subsequent judicial
decision, to determine in the light of the specialfeatures of each case
both the need for a preliminary ruling in order to enable them to
deliverjudgment and the relevance of the questions which they sub-
mit to the Court. Dismissal of a request from a national court is pos-
sible where it is plainly apparent that the interpretation of Commu-

nity law or the consideration of the validity of a Community rule,
requested by that court, has no bearing on the real situation or on
the subject-matter of the case in the main pr~ceedings."~
Although they are applied to the relationship between two orders of

court, the principles set out here may be transposed to the case in which
a court separates the question of jurisdiction and the question of merits,
when the first is dependent on there being a question of interpretation or
application of a treaty text. To decide whether there is such a question,
there is no need to prejudge the outcome, it is sufficient to note that the
text or texts to be interpreted allow for various readings. As soon as a
doubt may reasonably be raised on the interpretation of a text, one must
conclude that there exists a question of interpretation, and that that
doubt does not cal1in question the jurisdiction of the Court since, on the
contrarv. it is such a doubt which confirms that the Court has iurisdic-
tion. ~hd it is only if the question of interpretation (or application) had

"no bearing on the real situation or on the subject-matter of the case in
the main proceedings" (according to the wording of the Judgment of
3 March 1994cited above which seemed to echo the words of the Snter-
national Court of Justice in its Advisory Opinion of 23 October 1956
cited previously, I.C.J. Reports 1956,p. 89),that the Court could uphold
an objection of lack of jurisdiction in relation to a jurisdiction clause

'Opinion of Advocate General Lagrange given prior to the Judgment of 27 March
1963in Joined Cases 28162, 29162, 30Da Costa, and Schaake n.v. and Othersv. Neth-
erlandsInland Revenue Administration, [1963]ECR 31, at pp. 44 and 45. (The italics are
in the text.) Seealso the opinion of the Advocate General givenprior to the Judgment of
20 Court of Justice of the European Communities, Judgment 3 March 1994in Joined.
Cases C-332192, C-333192, C-33519Enrico Italia Sr1and Othersv. Ente Nazionale Risi,
[1994]ECR 1-711,at p. 1-734,para. 17.873 PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.IND.RIGAUX)

d'interprétation ou d'application)). Ce que le mêmearrêt du3 mars 1994
appelle «la nécessitéd'une décision préjudicielle)v)ise l'existence d'un

doute suffisant pour que l'interprétation fasse questionet un arrêt anté-
rieur exclut pareille nécessitéquand il existe un précédenten la matière
ou que
«l'application du droit communautaire peut s'imposer avecune évi-
dence telle qu'elle ne laisse aucun doute raisonnable sur la manière

de résoudrela question posée»3 .
Ces termes sont parfaitement adaptés àla vérificationpar la Cour de sa
compétenceau regard d'une clausepar laquelledeux Etats sesont engagés
à lui soumettre ((toute question)) relat«àe l'interprétationouà l'appli-
cation)) d'un traité.

Si la Cour avait suivi la méthode préconiséeans la troisième partie de
cette opinion, elleaurait pu, aprèsavoir rejetéla partie de l'exception pré-
liminaire selon laquelle le traitéde 1955ne saurait s'appliqueres ques-
tions concernant l'emploi de la force, se borner constater qu'il existait
entre les Parties un différend juridique quant à l'interprétation ou à
l'application des trois articles de ce traitéinvoquéspar la Partie deman-
deresse à l'appui de son action. Pour décider qu'ily a une question

d'interprétationou d'application d'un traité contenant une clause dejuri-
diction relativeà une telle question, il suffit de constater l'existence de
celle-cisans qu'il soitnécessairede la trancher, c'est-à-dire d'exercer pré-
maturément la compétencedont il aurait suffi de reconnaître le principe.

(SignéF )rançois RIGAUX.

Cour de justice des Communautés européennes, 6 octobre 1982, affaire 283181,
CILFIT, Recueil, 1982,p. 3430, par. 16.

74whose object is "any question of interpretation or application". What is
described as "the need for a preliminary ruling" in the Judgment of

3 March 1994refers to the existence of a sufficient doubt for the inter-
pretation to raise questions and such a need was excluded in an earlier
judgment when there is a precedent on the same subject or when
"the correct application of Community law may be so obvious as to
leave no scope for any reasonable doubt as to the manner in which
the question raised is to beresolvedX3.

Those words may be perfectly well adapted to review by the Court as
to whether it has jurisdiction in relation to a clause by which two States
undertook to submit to it "any question" relating "to the interpretation
or the application" of a treaty.

If the Court had followed the method recommended in the third part
of this opinion, it could, after having dismissed the part of theprelimi-
nary objection according to which the 1955 Treaty could not apply to
questions concerning the use of force, have merely declared that there
existed between the Parties a legal dispute as to the interpretation or to
the application of the three Articles of the Treaty invoked by the Appli-
cant in support of its action. In order to decide that there was a question
of interpretation or application of a treaty containing a jurisdiction
clause relating to that type of question, itis sufficient to note the exis-
tence of the clause without it being necessary toecide the question, that
is to say to exercisejurisdiction prematurely when it would have been suf-
ficient to recognize that jurisdiction in principle.

(Signed F rançois RIGAUX.

Court of Justice of the European Communities, Judgrnent of 6 October 1982 in
Case 283181,CILFIT, the Ministry of Health, [1982]ECR3415, at p. 3430, para. 16.

Document file FR
Document Long Title

Opinion individuelle de M. Rigaux, juge ad hoc

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