Opinion individuelle de Mme. Higgins (traduction)

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090-19961212-JUD-01-03-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE MMEHIGGINS

[Traduction]

1. En la présente phasede l'affaire quia traià sa compétence, laCour
devait décidersi le traitéd'amitié,de commerce et de droits consulaires
conclu en 1955entre l'Iran et les Etats-Unis lui confère un titre de com-
pétenceen ce qui concerne l'une quelconque des demandes présentéespar
l'Iran.
2. Mais il sepose égalementd'importantes questions quant àla métho-
dologie à adopter pour établirsi une demande relèvede la clause com-
promissoire d'un certain traité. Certaines de ces questions se posaient
manifestement aux Parties en la présente instance. J'aidonc jugéutile de
m'arrêter neserait-ce qu'un moment sur leproblème,d'autant que la pra-

tique de la Cour témoigne à cet égard d'une incertitudepatente.
3. L'article XXI, paragraphe 2, du traitéde 1955dispose, en des termes
identiques à ceux de clausescomparables figurant dans beaucoup d'autres
traitésmultilatéraux et bilatérauxou en des termes très voisins, que:

((Tout différend qui pourrait s'éleverentre les Hautes Parties
contractantes quant à l'interprétation ouà l'application du présent
traitéet qui ne pourrait pas êtrerégld'une manière satisfaisantepar
la voie diplomatique sera porté devantla Cour internationale de Jus-
tice.»

Dans certains autres traités, la formule«l'interprétation ou ..l'applica-
tion)) est énoncéedans l'ordre inverse, c'est-à-dire «l'application ou
l'interprétation)).Que ce soit sous une forme ou sous d'autres, la formule
contient deux élémentsdistinctsqui peuvent chacun motiver la saisine de
la Cour. Le plus souvent, les deux élémentssont considérés comme un
seul.
4. Quand la compétence de laCour est contestée,l'«application» d'un
traité peut manifestement motiver une exception d'incompétence sinon
plusieurs. Ily a une foule de raisons pour lesquelles, face aux demandes
présentées,on peut soutenir qu'un traité ne s'applique pas. On peut dire
qu'ily a extinction du traité(convention de Vienne sur le droit des traités,

art. 54-60); on peut invoquer la nullitédu traité(art. 46-53); on peut dire
qu'il a perdu son importance juridique sous l'effet d'un traitépostérieur
portant sur la mêmematière(art. 30); ou que son application est soumise
au principe de la non-rétroactivité des trait(art. 28); ou encore qu'il est
inapplicable du fait de sa portée territoriale (art. 29); ou encore qu'il fait
l'objet d'une réservepertinente (art. 21). On peut aussi soutenir qu'un
traitéest inapplicableratione ternporis(voir l'affaire du Détroitde Cor-
fou, fond, arrêt,C.I.J. Recueil 1949, p. 22); ou bien qu'il n'est pas envigueur entre les deux parties (voir l'affairedu Droit d'asile,arrêt,C.I.J.
Recueil 1950, p. 276-277, et l'affaire de la Composition du-Comitéde la
sécuritémaritime de l'Organisationintevgourvernementaleconsultative de
la navigation maritime, avis consultatif,.I.J. Recueil 1960, p. 171).
5.Il arrive, mais plus rarement, que dans son exception préliminaire
l'une desparties soutienneque le traité surlequella partie adverse cherche
à fonder la compétencede la Cour n'est pas applicable ratione materiae.

L'étude delajurisprudence pertinente à cet égardest instructive.
6. Ily a toute une séried'affaires que l'on pourraità bon droit invo-
quer mais qui n'ont en fait qu'un intérêt marginap lour notre problème.
L'affaire del'Usine de Chorzbw (arrêtno8, 1927, C.P.J.I. sérieA no9),
l'affaire du Droit d'asile(C.I.J. Recueil 1950, p. 266), l'affaire de l7Inter-
prétation destraitésde paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la
Roumanie (C. I.J. Recueil 1950, p. 65), l'affaire Haya de la Torre (C.I.J.
Recueil 1951, p. 71), l'affaire de l'dnglo-Iranian Oil Co. (C.I.J. Recueil
1952, p. 93), l'affaire du Cameroun septentrional (C.I.J. Recueil 1963,
p. 15), l'affaire de la Barcelona Traction, Light and Power Company
Limited (C.I.J. Recueil 1964,p. 6), et l'affaire deCertaines terràplzos-
phates à Nauru (C.I.J. Recueil 1992, p. 240) sont de celles où il a fallu

interpréterun traitédans un cadrejuridictionnel, mais sans que cela sou-
lèvedu tout la question de l'application d'untraitécomme c'estle cas en
la présenteespèce.
7. Dans l'affaire du Personnel diplomatique et consulaire des Etats-
Unis à Téhéran(C.I.J. Recueil 1980, p. 3), l'Iran n'a pas déposéde
pièces.Dans les diverses communications qu'il a néanmoins adressées
à la Cour, l'Iran n'a pas contestél'«application», au sens juridique du
terme, de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques, ni du
traitéd'amitié, de commerce et dedroits consulaires de 1955.L'Iran dit
alors au contraire:

«Le problèmeen cause ...ne tient donc pas de l'interprétationet
de l'application des traitéssur lesquelsse base la requête américaine,
mais découled'une situation d'ensemble comprenant des éléments
beaucoup plus fondamentaux et plus complexes. » (Ibid., p. 19.)

8. Dans l'affaire de 1'Applicabilitéde l'obligation d'arbitrageen vertu
de la section 21 de l'accorddu 26juin 1947relatif au siègede l'Organisa-
tion des Nations Unies(C.I.J Recueil 1988, p. 12),la Cour fut appelée à
déciders'il existait entre les Etats-Unis et l'organisation des Nations
Unies un différendau sujet de l'interprétation ou de l'application de
l'accord desiègequ'il convenait de soumettre à arbitrage comme il était
prévu à la section 21, alinéac), de cet instrument. Bien qu'elleait dit que
«la demande d'avis concern[ait] uniquement l'applicabilitéau différend
allégué de la procédured'arbitrage prévuepar l'accord de siège))(ibid.,

p. 26),la Cour a cherchéavant tout à déterminers'ilexistait un différend
et s'est intéressée tous les élémentsjuridiques relatifà cette question.
Elle a déclaréqu'ellene vo[yait]donc aucune raison qui puisse l'amener à
ne pas conclure à l'existence,entre l'organisation des Nations Unies etles Etats-Unis, d'un différendconcernant ((l'interprétationou ..l'appli-
cation» de l'accord de siège))(C.I.J. Recueil 1988, p. 32). Dans son

opinion individuelle, M. Schwebel a relevé avecpertinence que le diffé-
rend se limitait probablement à l'applicationdes dispositions d'arbitrage
et n'existait sans doute pas sur l'interprétation de l'accorden cause (ibid.,
p. 43).
9. Il y a d'autres affaires qui sont plus directement pertinentes quand
on se pose les problèmesméthodologiquesqui sont au cŒur même de la
présente espèce. Cesaffaires font naître un débat entre l'idée qu'il suffit
la Cour d'estimer à titre provisoire que la compétencese soutient, et
l'idée divergenteque la Cour est tenue d'être fondée à établir de façon
définitive dèscette phase préliminaire dela compétencequ'elle est bel et
bien compétente.
10. Dans l'affaire desDécretsde nationalité promulguésen Tunisie et
au Maroc(avis consultatg 1923, C.P.J.I. sérieB no 4), il a étésoulevé
une exception préliminaire à la compétence dela Cour. Celle-cia estimé
qu'il luifallait pouvoir formuler une conclusion provisoire au sujet des

titres de compétence invoqués.
11. Dans l'affaireMavrommatis (Concessions Mavrommatis en Pales-
tine, arrêtno2, 1924, C.P.J.1.sérieA no2), il fallait que la Cour s'assure
que le différendentrait dans les prévisionsde l'article26 du mandat de la
Société des Nations, c'est-à-dire qu'ilétaitrelatif l'interprétationou à
l'application des dispositions du mandat)). La Cour a déclaré à cette
occasion qu'elle «ne cro[yait] pas pouvoir se contenter d'une conclusion
provisoire sur le point de savoir si le différendrelev[ait] des dispositions
du mandat)) (ibid., p. 16). La Cour a mis à part l'affaire desDécretsde
nationalité promulguésen Tunisie et au Maroc parce que, dans un avis
consultatif, le principe du consentement des Etatsà la saisine n'étaitpas
en cause. Le Gouvernement grec avait allégué desviolations de l'ar-
ticle 11 du mandat. La Cour permanente a déclaré qu'«il s7agiss[ait]de
savoir si le différend ci-dessusd[evait] êtrerésolu sur la base de cette

disposition)) (ibid., p. 17). La technique utiliséepar la Cour permanente
a consisté à procéder à une analyse de fond extrêmementdétaillée des
demandes présentéea su titre des diversesconcessions,enseréférantau pre-
mier paragraphe de l'article 11. Cette analyse n'avait absolument rien de
((provisoire)).La Cour permanente n'a pasnon plus donnéle moins du
monde àentendre que sa tâche étaitde vérifiersi la Grèce avait formulé
des ((arguments plausibles» ou envisagé un((lien raisonnable» entre les-
dites demandes et lesdites dispositions.La Cour permanente a dit qu'elle
«d[evait] constater dès maintenant que ...[la] violation [des obligations
viséespar l'article 111,si elle existait, entraînerait une violation de cet ar-
ticle))ibid.,p. 23).La Cour a trèsjustement fait observerque cen'était pas
là préjugerle fond, car c'était seulementu stade du fond qu'il serait pos-
siblede savoir si les obligations en question avaient vraiment violées.
12. C'est enprocédantainsi que la Cour permanente a retenu l'excep-

tion préliminairedu Royaume-Uni pour ce qui concernait la demande
relative aux travaux réalisés à Jaffa et qu'elle l'a rejetéepour ce qui PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.IND.HIGGINS) 850

concernait la demande concernant les travaux en cours à Jérusalem.La
Cour pouvait donc poursuivre l'examen de l'affaire au fond pour la par-
tie de la demande qui concernait Jérusalem.
13. Dans l'affaire relative Certains intévêtasllemands en Haute-Silé-
sie polonaise (compétence,arrêtno 6, 1925, C.P.J.I. sévieA no 6), la
Pologne a soulevéplusieurs exceptions préliminaires, l'une d'elles étant
que la Cour n'était pas compétentepuisque le différendn'était pasde
ceux qui étaientenvisagés à l'article 23 de la convention de Genève, sur
lequel l'Allemagne prétendait fonder la compétence dela Cour. Obser-

vant que sa compétencene pouvait être fondée sur aucunedes thèsesque
les Parties formulaient au sujet de l'article 23, la Cour permanente a
reconnu qu'elle devait trancher cette question pour son propre compte,
dèsle début.Elle a admis qu'il importait de ne préjuger en rien sapropre
décisionsur le fond, mais elle a poursuivi de la façon suivante:
((Mais, d'un autre côté, la Cour ne saurait décliner sa compétence

par ce seul fait, car ainsi elle ouvrirait la pàrla possibilitépour
une Partie de donner à une exception d'incompétence,ne pouvant
êtrejugéesans avoir recours à des éléments puiséd sans le fond, un
caractère péremptoire,simplement en la présentant in limine litis, ce
qui est inadmissible. (Ibid., p. 15.)

Et la Cour permanente a conclu qu'elle devait aborder l'examen del'ar-
ticle 23 pour établir si celui-ci s'appliquait ((quand mêmecet examen
devrait l'amener à effleurer des sujets appartenant au fond de l'affaire))
(ibid.).
14. L'affaire Mavvommatis, dans laquelle des questions qui sont direc-
tement pertinentes pour la présente instance ont été examinées directe-
ment et à fond, garde une importance fondamentale. La façon dont il
faut aborder cesquestions difficiles,qui est si clairement traitée dans cette
affaire, semble avoir étécontestée, quelque vingt-neuf ans plus tard, par
une autre affaire opposant la Grèceet le Royaume-Uni. Et cette seconde

affaire, l'affaire Ambatielos, a beaucoup retenu l'attentionà la fois de
l'Iran et des Etats-Unis en la présenteinstance. La question comparable
qu'il fallait tranche- consistant à savoir si une demande était effecti-
vement «fondéesur» un traité(le traité decommerce et de navigation de
1886),fut cette fois réglédans un arrêtsur le fond, la Cour ayant décidé
dans son arrêtsur la compétence,l'annéeprécédente, qu'elle étaitbel et
bien compétente pour dire si le Royaume-Uni était ou non tenu de sou-
mettre le différendà l'arbitrage, conformément à la déclaration annexée
au traitéde commerce et de navigation du 16juillet 1926entre la Grande-
Bretagne et la Grèce. La Cour avait décidé qu'elleétait compétente pour
trancher cette question «en tant que cette réclamation est fondée sur le

traité de commerce et de navigation du 10 novembre 1886)) (C.I.J.
Recueil 1953, p. 12).Et cette question-làserait donc réglédans l'arrêt de
la Cour de 1953.
15. La Grècedonnait à entendre qu'un lien ténu entre l'objet du dif- PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.IND.HIGGINS) 851

férend etle traitéde commerce suffirait: elle disait en effet que la récla-
mation «n'apparai[ssait] pas prima facie comme étrangèreauxdites dis-
positions (C.I.J. Recueil 1953, p. 12). De son côté le Royaume-Uni
estimait que ce critère de compétence était mauvais et que, mêmes'il
avait étébon, la réclamation était ((manifestement privée detout rap-
port» avec le traitéde 1886(ibid., p. 13).Le Royaume-Uni a soutenu en
outre que «mêmesi tous les faits alléguéspar le Gouvernement helléni-
que étaientvérifiésl,e traité n'aurait pasétéviolé))(ibid.).
16. La Cour a dérogé à l'approche pourtant définiesi clairement dans
l'affaire Mavrommatis en disant qu'en interprétant les mots «en tant que

cetteréclamationest fondéesurle traitéde 1886))ellene devaitpas néces-
sairement «arriver à la conclusion que la réclamation Ambatielos est
valablement fondée sur le traité de 1886))(ibid., p. 16). La Cour avait
plutôt pour tâche de s'assurer que:
«les arguments avancéspar le Gouvernement helléniqueau sujet des
dispositions du traité sur lesquelles la réclamation Ambatielos est
prétendument fondée sontde caractère suffisamment plausible pour

permettre la conclusion que la réclamationest fondéesurle traité.Il
ne suffit pas que le gouvernement qui présentela réclamation éta-
blisse un rapport lointain entre les faits de la réclamation et le traité
de 1886. En revanche, il n'est pas nécessaire quece gouvernement
démontre, auxfins de la procédureactuelle, qu'une prétendue viola-
tion du traité présenteun fondement juridique inattaquable ...Si
l'interprétation donnéepar le Gouvernement hellénique de l'une
quelconque des dispositionsqu'il invoque apparaît comme l'une des
interprétations auxquelles cette disposition peut se prêter, sinon
nécessairement comme la vraie. alors la réclamation Amabatielos
doit êtreconsidéréeaux fins de la procédure actuelle comme une
réclamation fondée surle traitéde 1886)).(Ibid., p. 18.)

17. Cet extrait a été beaucoup étudié enla présenteinstance. Il établit
manifestement à la fois une autre norme et une autre méthodologieque
celles qui ont été retenuesdans l'affaire Mavrommatis. La Cour a cher-
ché à expliquer la différence endisant que l'affaire Ambatielos avait un
caractère distinctif«au contraire de celle des Concessions Mavrom-
matis en Palestine)) (ibid., p. 14),parce que, dans l'affaire Ambatielos, la
Cour ne pouvait pas se prononcer elle-mêmesur le fond de la demande,
c'étaità un autre tribunal de statuer au fond. La Cour avait pour seule

obligation de voir s'ilfallait ou non porter le différenddevant cet autre
tribunal.
18. On pourrait s'interroger sur cette distinction, en relevant que la
Cour internationale est égalementtenue de s'abstenir de seprononcer sur
le fond lors de la phasejuridictionnelle d'une affaire si c'est elle qui doit
juger l'affaire au fond quand la procédureva jusque-là. Et, par la suite,
dans l'affaire del'Appelconcernant la compétencedu Conseil de I'OACI,
la Cour devait décider que l'analyse dela clause compromissoire serait:
nécessairementla même,que ce soit elle-mêmeou bien I'OACI qui ait PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.IND.HIGGINS) 852

compétenceau fond (C.I.J. Recueil 1972, p. 61). En tout état de cause,
que l'on partage ou non le sentiment que l'affaire Ambatielos est
((contraire))à l'affaire Mavrommatis, en la présente instanceil n'est pas
question qu'un autre tribunal que la Cour se prononce sur le fond de
l'affaire. Des deux modèles, c'est celui de l'affaire Mavrommatis qui
demeure le plus convaincant.
19. Dans l'affaire de171nterhande(l1959),la Cour devait décidersi elle

étaitcompétentepour statuer sur lesdemandes suissesalors que les Etats-
Unis faisaient valoirà titre d'exception que les questions soulevéesdans
la requêteet le mémoire de laSuisserelevaient de la compétence interne
des Etats-Unis. Le Gouvernement suisse, en répondant à cette exception,
invoquait l'accord de Washington conclu entre les deux Parties. La Cour
a déclaré qu'elle:

((se bornera[ità rechercher si les titres invoquéspar le Gouverne-
ment suisse permettent la conclusion provisoirequ'ilspeuvent être
pertinents en l'espèceet, dans ce cas, à rechercher si les questions
relativesàla validité eà l'interprétation deces titres sont des ques-
tions de droitinternational»(C.I.J. Recueil 1959,p. 24; les italiques
sont de moi).

En ce qui concerne l'application de l'accord de Washington, la Cour
entendait chercher si ellepouvait direà titre de «conclusion provisoirD,
si cet instrument pouvait être ((pertinent en l'espèce)),c'est-à-dire s'appli-
quer aux demandes présentées. Mais laCour ne s'est pas arrêtéeplus
longtemps sur ce point.
20. L'affaire desActivitésmilitaires etparamilitaires au Nicaragua et
contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique),tant dans sa phase
juridictionnelle que dans l'arrêt surle fond, a des incidences importantes
pour la présenteespèce,comme l'ont soulignéles deux Parties. Le Nica-
ragua fondait sa demande sur certaines activitésmilitairesmenéessur son

territoire et dans les eaux situéesau large de sa côte, dont il attribuait la
responsabilitéaux Etats-Unis d'Amérique(C.I.J. Recueil 1984, p. 428).
Le titre de compétence attribué à la Cour reposait essentiellement sur
l'article 36, paragraphe 2, du Statut, mais le Nicaragua invoquait aussi
subsidiairement le traitéd'amitié, de commerce et de navigation conclu
en 1956entre le Nicaragua et les Etats-Unis. L'énoncé de la clausecom-
promissoire, au paragraphe 2 de l'article XXIV dudit traité, est exacte-
ment le mêmeque celui de l'article XXI du traitéconclu en 1955entre
l'Iran et les Etats-Unis. Dans son mémoire,le Nicaragua alléguaitdes
violations des articles XIX, XIV, XVII, XX et premier du traité, bien
qu'au cours des plaidoiries il n'ait pratiquement plus été question deces

griefs énoncésdans la demande subsidiaire (voir ibid., opinion indivi-
duelle de M. Oda, p. 472).
21. La Cour a décidé,par quatorze voix contre deux, qu'elle était
compétente en vertu de l'article XXIV. Ce faisant, elle s'est référée
à l'ensembledes articles invoqués,((notamment [lesdispositions] de l'ar-
ticle XIX)). Et, prenant ces élémentsen compte, elle a poursuivi: PLATES-FORM PETROLIÈRES (OP. IND.HIGGINS) 853

«il n'est pas douteux que, dans les circonstances où le Nicaragua a
présenté sa requêteà la Cour et d'aprèsles faits qui y sont allégués,
il existe un différendentre les Parties, notamment quantà ((l'inter-

prétation ouà l'application» du traité» (C.I.J. Recueil 1984, p. 428,
par. 83).

22. A cette occasion, comme précédemment, laCour semble avoir
conclu de façon définitiveen s'appuyant sur lesdivers articles du traitéde
1956, notamment son article XIX, mais cette fois, elle n'indique pas le
raisonnement juridique qui l'a conduite à cette conclusion. Dans leur
ensemble, les opinions individuelles et dissidentes n'éclairentpas davan-
tage ce raisonnement juridique. Parmi ceux qui ont néanmoins évoqué la
question, M. Singh s'est borné à faire observer que le traitéd'amitié,de

commerce et de navigation constituait en fait le meilleur titre de compé-
tence.M. Oda a, quant àlui, manifestement estimé queni les conseils ni
les juges n'avaient assez prêté attentioà la question. Pour M. Ago, le
simple énoncéde demandes faisant état de violations d'articles déter-
minésdu traitésuffisait à fonder la compétence.La conclusion implicite
qu'il faut en tirer est que la Cour elle-mêmen'avait pas autre chose à
faire au stade juridictionnel. Sir Robert Jennings a estimé qu'il était jus-
tifiéde faire du traitéd'amitié,de commerce et de navigation un titre de
compétence,et a considéré globalement l'obligation d'examinersi une

clause «répond» aux faits alléguéset l'obligation d'apporter la preuve de
ces allégations.La démonstration et la preuve «ser[ont] apportée[s]au
stade de la procédure sur le fond»(ibid., p. 556).
23. Par opposition, M. Schwebel a été manifestement d'avis qu'il fal-
lait que le Nicaragua établisse unlien entre ses demandes et le traitéet
que la Cour devait aboutir à une conclusion ferme à cet égard dès la
phase de la compétence. M. Schwebel s'estattelé lui-même à cette tâche
en ce qui concerne chacun des articles invoqués et a conclu qu'«il [était]
certain que le traitélui-mêmene saurait être interpréde façon plausible
comme donnant compétence àla Cour» (ibid., p. 637). Pour M. Schwe-
bel, semble-t-il, le criàèappliquer était le critère relativement modeste

de l'«interprétation plausible)) (ibid.) et il incombàla Cour de tran-
cher d'emblée la question juridictionnellesur cette base-là.
24. Or, la Cour a attendu le stade du fond pour procéder l'analyseau
fond des dispositions du traitéqui étaientcenséesêtreun titre subsidiaire
de compétence.
25. Dans l'affaire récente relativel'Application de laconventionpour
lapréventionet la répressiondu crime de génocide,la Cour est revenue à
une approche plus traditionnelle. La Bosnie-Herzégovinea invoqué l'ar-
ticleIX de la convention sur le génocide eten a fait le titre de compé-
tence qui lui a servi
à fonder les demandes qu'ellea présentéeà l'encontre
de la Républiquefédérative de Yougoslavie. Celle-cia soutenu que le dif-
férendne relevait pas de la clause compromissoire énoncéedans la con-
vention sur le génocide, clausequi rend la Cour compétenteen ce qui
concerne les ((différends...relatifsà l'interprétation, l'application oul'exécution dela présenteconvention)) (Application de la conventionpour
lapréventionet la répressiondu cvime de génocide, avvêC t,.I.J. Recueil
1996, p. 614, par. 27). La Yougoslavie n'a pas donné à entendre, comme
les Etats-Unis l'ont fait dans la présente instance,que la demande n'avait
rien à voir avec l'objet du traité. Mais la Yougoslavie a soutenu que
l'article IX envisageait un différend de caractère international, lequàl

son avis faisait défaut, et qu'en outre la responsabilitéincombant à un
Etat du chef de sespropres actions ne relèvepas de la compétence vatione
materiae définie àl'article IX.
26. Il est exact que la question de savoir s'ily avait «un rapport suf-
fisant quant àl'objet du différend))n'étaitpas en litige. La façon dont la
Cour devait aborder sa tâche n'a pas non plus été spécialementexaminée
par les Parties ni par la Cour elle-même.La Cour ne s'en est pas moins
simplementprononcée de façondéfinitivesur les exceptions rationemate-
viae soulevéespar la République fédérative de Yougoslavieau titre de
l'article IX de la convention. La Cour n'a pas donnéà entendre qu'il suf-
fisaità son avis que la Yougoslavie présente une ((interprétation pos-
sible)) (Ambatielos) ni qu'elle formulait une «conclusion provisoire))

(Interhandel).

27. La présente instancea nettement mis en évidenceune sériede ques-
tions connexes mais distinctes les unes des autres qu'il convient d'exami-
ner. Quand la Cour est face à une exception préliminaire d'incompétence

faisant valoir que letraitéinvoquéne visepas les demandes présentées ou
bien qu'elle conclut que les demandes ne relèvent pas dudit traité ou
n'ont pas à êtretranchéespar référence audit traité,il sepose trois ques-
tions. Premièrement, quelest le critère suivant lequella Cour doit formu-
ler sa conclusion? Deuxièmement, la conclusion que la Cour formule sur
ce point àl'issuede la phase juridictionnelle de la procédureest-ellepro-
visoire ou définitive? Troisièmement, de quelle façon la réponseest-elle
dictéepar l'obligation où se trouve la Cour d'éviterd'aborder le fond au
stade juridictionnel?
28. Il n'estpas facile de dégager surces différentes questions unejuris-
prudence claire ni constante, mais certaines réponses s'imposent.Néan-
moins, on doit en les énonçantne pas oublier que:

«Ni le Statut, ni le Règlementne contiennent aucune disposition
relativeà la procédure à suivre dans le cas où la juridiction serait
contestée in limine litis. Dans ces circonstances, la Cour est libre
d'adopter la règlequ'elle considère comme la plus appropriée à la

bonne administration de la justice,la procédure devantun tribunal
international, et la plus conforme aux principes fondamentaux du
droit international. (Concessions Mavrommatis en Palestine, arrêt
no2, 1924,C.P.J.I. sévieA no2, p. 16.) PLATES-FORM PETROLIÈRES (OP. IND.HIGGINS) 855

29. Dans cette affaire des Concessions Mavrommatis, l'interprétation
indispensable se situait dans le cadre de l'article 11 du mandat. Mais il
ne fait pas de doute qu'au cas où la Grèce aurait soutenu que le Gou-
vernement britannique avait violéd'autres dispositions du mandat la
Cour permanente aurait procédé à la mêmeanalyse pour interpréter
égalementces articles-là. Il est exact, bien entendu, que la Cour doit

en l'espècefonder sa compétence sur la clause compromissoire, c'est-
à-dire sur l'article XXI du traitéde 1955.Mais la conclusion sur ce point
ne saurait procéder purement et simplement de quelques impressions.
La Cour ne peut établir l'existence d'un différend relatif l'interpréta-
tion et à l'application du traité de 1955 qui relève desdispositions du
paragraphe 2 de l'article XXI qu'en interprétant les articles que l'Iran
prétendavoir étéviolésdu fait que les Etats-Unis ont détruitles plates-
formes pétrolières.La Cour doit donc à cet égard procéder àune analyse
détaillée.
30. Il ne suffit pas non plus de dire qu'il existe manifestement un dif-
férend relatià l'application et du reste auàsl'interprétationdu traitéet
que, par conséquent, la Cour est compétente au titre de l'article XXI.

L'Iran a donné à entendre à la Cour qu'il suffisait que les deux parties
divergent quant à l'application du traité(CR96115, p. 31). Mais il faut
alors poser la question suivante: cela suffit pour quoi? Il suffit bien
entendu que la Cour doive exercer sa ((compétence de la compétence)),
comme elle le fait en l'occurrence. Mais cela ne suffit pas nécessaire-
ment si cela doit conférerautomatiquement le droit de poursuivre l'af-
faire au fond. La Cour doit d'abord déterminersi les demandes relèvent
bien du traité de 1955 - autrement dit, déterminer si le traité s'ap-
plique. En l'espèce,du moment que la compétenceest contestéeet qu'il
y a un différend quant à ((l'interprétation ouà l'application» d'un
traité,il faut trancher la question de«application» au stade juridiction-
nel.

31. O.and la Cour doit décider. en se fondant sur un traité dont
l'application et l'interprétationsont contestées, qu'ellea ou non compé-
tence. cette décisiondoit avoir un caractère définitif.(On ne saitDasbien
si les affaires qui, au stade du fond, doivent êtretranchéespar un autre
tribunal, font peut-être exception cette disposition généra-e bien que
la justification d'une telle hypothèse,l'étudierde près, prêteà discus-
sion.) 11ne suffitpas que la Cour,pour aboutirà cette décisiondéfinitive,
décidequ'elle a entendu, au sujet des divers articles du traité, présenter
des griefs qui correspondent à des questions ((défendables))ou qui sont
{(authentiquement des questions d'interprétation)) (autant d'arguments
qui ont été formulés en l'espèce).Il en est ainsi bien que le précédentde
l'lnterhandel (où il est fait allusioà une «conclusion provisoire))) et

l'affaire des Activitésmilitaires etparamilitaires au Nicaragua ne cadrent
pas bien avec cette approche. Dans cette dernière affaire, l'examen de ce
point fait appeà tant d'éléments remarquables,a tant de vues différentes
qu'il est impossible d'en déduireque la Cour, en l'occurrence, a claire-
ment décidéde renoncer à l'approche définieavec tant de conviction dansl'affaire Mavvommatis. Et, à mon avis, la réponsene se trouve pas non
plus dans l'existence d'un «lien raisonnable)) entre les demandes et le
traité- il s'agit là d'une condition nécessairemais non pas suffisante.
32. On a aussi donné à entendre que la «plausibilité»est égalementun
critèrepermettant d'établirsi la Cour est ou non compétente.La Cour a
dit dans l'affaireAmbatielos qu'elle devait s'assurer que les arguments
avancéspar 1'Etatdemandeur

«au sujet des dispositions du traité sur lesquelles la réclamation
Ambatielos est prétendument fondéesont de caractère suffisamment
plausible pour permettre la conclusion que la réclamationest fondée
sur le traité))(C.Z.J.Recuei11953, p. 18;les italiques sont de moi).

Mais le ((caractèreplausible))n'étaitpas lecritèrepermettant de conclure
que la réclamation pouvait peut-êtreêtrefondée sur le traité. Le seul
moyen d'établir en la présente instancesiles demandes de l'Iran sont fon-
déesde façon assezplausible sur le traitéde 1955consiste àaccepter pro-
visoirement que lesfaits alléguéspar l'Iran sont vrais àtinterpréter dans
cette optique les articles premier, IV et X du traitéa des finsjuridiction-
nelles,c'est-à-direpour voir s'il est possible,sur la base des faits invoqués
par l'Iran, qu'il y ait violation de l'une au moins de ces dispositions.
33. Dans l'affaire Ambatielos (1953), la Cour a rejeté l'argumentdu
Royaume-Uni qui voulait qu'elleaccepteprovisoirement les faits allégués
par le demandeur et cherche àétablirsi ces faits constitueraient ou non
une violation du traité aui était censéfaire iouer la com~étencede la

Cour. La Cour a refusél'argument pour deux raisons: la première était
que conclure que cesfaits constituevaientune violation reviendraitàfran-
chir le pas et statuer au fond; la seconde raison étaitqu'en cetteespèce
il était réservéà un autre organe de statuer au fond, la commission
d'arbitrage prévuepar le protocole de 1886.Cette contrainte-là n'inter-
vient pas dans la présente instance. Il est intéressant denoter que dans
l'affaireMavrommatis, la Cour permanente a dit qu'il luifallait, pour
établir sa compétence, voirsi les demandes grecques ((entraîneraient))
une violation des dispositions de l'article invoqué. Maiscela semblealler
trop loin. Ce n'est qu'au stade du fond, une fois exposésles moyens de
preuve et les moyens de défense éventuels que l'on peut passerdu mode
éventuel à celuide la réalité.La Cour devrait donc chercher si, d'aprèsles
faits tels qu'ils sont allégupar l'Iran, le comportement des Etats-Unis
qui fait l'objet de la plainte risquait de violer les dispositions du traité.

34. Rien dans cette approche ne met en péril l'obligationincombant à
la Cour de préserver la séparation entre la phase juridictionnelle et la
phase du fond (àmoins qu'il ait étédécidé qu'une exception préliminaire
n'avait pas un caractèreexclusivementpréliminaireau sensde l'article29,
paragraphe 2, du Règlement) ni l'obligation de protéger l'intégrité d le
procéduresur le fond. Bien entendu, n'importe quelle conclusion défini-
tive en vertu de laquelle, mêmed'aprèsles faits tels que l'Iran les décrit,
il ne saurait y avoir violation d'une disposition quelconque du traité
((concernele fond)), en ce sens qu'ilne serait plus possible d'aborder cettequestion au fond. Mais le phénomèneest inhérent à la nature de la pro-
cédure préliminaireconcernant la compétence dela Cour. Ce qui relève
de la procédureau fond - et qui demeure intact, sans la moindre altéra-
tion quand on aborde ainsi la question juridictionnelle -, c'est d'établir
ce que sont exactement les faits et de dire, une fois qu'ils sont établisde
façon définitive,s'ilsconfirment une violation de l'article par exemple;
et, si tel est lecas, si ladite violation peut déclencher un moyen de défense
qui serait défini l'articleXX ou ailleurs. Bref, c'estau stade du fond que
l'on voit «si vraiment ces obligations ont été violées»(Concessions
Mavrommatis en Palestine, arrêtno2, 1924, C.P.J.I. sérieA no2, p. 23).
35. Il ressort clairement de la jurisprudence de la Cour permanente et

de celle d,ela Cour internationale de Justice qu'il n'ya pas de règle exi-
geant d'interpréterlesclauses compromissoires en un sens restrictif. Mais
il n'existe pas non plus de preuve que la pratique des deux Cours en
matièrejuridictionnelle permette vraiment de conclure à une présomption
sur ce plan juridictionnel en faveur du demandeur. (Je ne me réfèrepas
dans lesprésentesobservations aux normes juridictionnelles applicables à
l'établissement de la compétence voulue pour ordonner des mesures
conservatoires.) La Cour n'a pas de politique judiciaire particulièrel'inci-
tant au libéralismeou au contraire au rigorisme quand elle appréciela
portée d'uneclause compromissoire: il s'agit de rendre une décision judi-
ciaire au mêmetitre que n'importe quelle autre décision judiciaire.
36. Un dernierpoint deméthodologiejudiciaire: dansson arrêt,la Cour a
retenu certainesdes exceptions préliminaireset elle en a rejetéd'autres. Le
fait n'est pas sans précédentuisque, par exemple,dans l'affaire Mavrom-

matis, ellea traitédifféremmentlesexceptionsconcernant lesconcessionsde
Jaffa et cellesqui avaient trait aux concessionsde Palestine. La Cour peut
parfaitementétablirqu'elleestcompétenteencequiconcernecertainesréclama-
tions mais qu'ellen'a pas compétenceen cequi concerned'autres demandes.
(C'estlà une approche que, soit dit en passant, les juridictions appeléesa
se prononcer sur des litiges relatifsaux droits de l'hommeconnaissent bien
quand ellesont à établir leur propre compétencee:llessont souventsaisies de
demandes faisantétatde la violation d'unesérie dedispositionsconvention-
nellesmais décidentque, pour des raisonsjuridictionnelles,le demandeurne
peut accéder à l'examenau fond qu'en ce qui concerne une ou plusieurs
d'entreelles.)Choisir les causesd'une réclamationqu'ily a lieu d'examiner
au fond, c'est exercercommeil convientla compétencede la compétence.

37. Ce sont ces considérations méthodologiquesqui m'ont conduite à
aborder commeje l'ai fait l'examen au fond des articles premier, IV et X
du traitéde 1955qu'ilfaut mener sous l'angle de l'exception préliminaire
soulevéeDarles Etats-Unis. Il convient de déciderune fois Dour toutes si
l'une quelconque de ces dispositions confère àla Cour un titre de com-
pétence;le seuil juridique à franchir à cet égardest exactement ce qu'il
serait pour toute autredécision. 38. D'après les informations communiquées à la Cour par l'Iran, les
plates-formes détruites faisaient l'objet d'une exploitation commerciale
active, sauf la plate-forme 7 du complexe de Reshadat et la salle de
contrôle du complexe de Salman où des travaux de réparation étaienten
cours. Les Etats-Unis ont quant àeux dit à la Cour que les plates-formes
étaientexploitées à des finsmilitaires hostiles. La questioà résoudreest
de savoir si, mêmequand on retient provisoirement la version iranienne
des faits, la destruction des plates-formes peut être une violationde l'ar-
ticle premier, du paragraphe 1de l'article IV ou du paragraphe 1de l'ar-

ticleX.
39. Pour l'essentiel,je souscrià ce que la Cour dit de l'application aux
faits tels que'Iran les invoque de l'article premier et du paragraphe 1de
l'article IV du traité de 1955.En particulier, je suis comme elle d'avis que
l'emploi dela force n'est pas«exclu» en tant que tel du champ d'applica-
tion du traité:le problème estplutôt de savoir si l'emploi dela force visé
en l'espècepouvait en principe entraîner une violation du traité. Je suis
également d'avis que ni l'article premier nile paragraphe 1de l'article IV
n'offre cette possibilité. Ence qui concernel'article premier, mes raisons
sont pour l'essentielcellesqu'expose la Cour. En ce qui concerne le para-
graphe 1de l'article IV,mes raisons sont en revanche assez différentes.A

mon sens, le paragraphe 1 de l'article IV vise trèsclairement les obliga-
tions incombant aux Etats-Unis à l'égard desressortissants iraniens, de
leurs biens et de leurs entreprises sur le territoire des Etats-Unis, et vice
versa. Mon interprétation découle del'obligation expressémentfaite aux
Parties de ne pas porter atteinteà ((leurs droit..légalementacquis)) -
formulenormalement appliquée à la protection des investissementsétran-
gers. Et mon interprétation tient égalementà ce queje lisce paragraphe 1
de l'article IV dans le contexte des dispositions qui suivent. Je pense en
outre que certaines formules clés, «un traitement juste et équitable aux
ressortissants et aux sociétés)),«aucune mesure arbitraire ou discrimina-
toire)), sont des expressions juridiques constamment appliquées au

domaine des investissements à l'étranger, c'est-à-dire le domaine visé
dans les dispositions en question. Et le sens couramment donné à ces
expressions n'a tout simplement rien de commun avec l'exposé desfaits
que présente l'Iran.
40. La Cour a fondésa compétencesur le paragraphe 1 de l'article X,
qui dispose: «Il y aura libertéde commerce et de navigation entre les ter-
ritoires des deux Hautes Parties contractantes.)) Dans l'affaire Oscar
Chinn (arrêt,1934, C.P.J.I. sérieA/B no63), tout comme dans la pré-
sente instance, la Cour permanente a noté que lalibertéde navigation et
la liberté de commercecorrespondaient bien à des notions distinctes mais
qu'il n'y aurait pas lieu de les examiner séparément dansle cadre des
droits soumis à examen. Comme la Cour le fait observer au para-

graphe 38 de son arrêt,l'Iran ne soutient pas qu'il ait étéporté atteinàe
sa liberté denavigation, mais il n'en faut pas moins ici égalementappré-
cier la libertéde commerce affirméeau paragraphe 1de l'article X dans le
contextedans lequel cette disposition se situe. La libertéde commerce en PLATES-FORM PESROLIÈRES (OP.IND.HIGGINS) 859

un sens général estexactement ce qu'étaient les dispositions des ar-
ticlesVI11et IX.Dans le contexte de cesarticles-là et dans celui despara-

graphes qui suivent dans l'article X lui-même, ilme paraît que le com-
merce viséici est le commerce maritime ou, comme dans l'affaire Oscar
Chinn, le commerce intrinsèquement lié,étroitement associé,au com-
merce maritime ou tout commerce accessoiredu commerce maritime.
41. Si l'expression ((liberté de commerce))qui figure au paragraphe1
de l'article X était entendue en un sens totalement distinct de tout ce qui
suit dans l'article X lui-même,elle aurait certainement étéformulée à
l'article VI11ou à l'article IX, ou bien elle auraàtelle seule fait l'objet
d'un article séparé.Le fait que le traitéde 1955ait remplacél'accord pro-
visoire de 1928(arrêt, par.41) ne me paraît pas avoir plus de poids que
ces considérations-là.
42. L'arrêtlaisse entendre (par. 46) que les traités portant sur des
questions commerciales couvrent «le droit..d'exploiter des entreprises)).
Mais tout droit de ce type est un droit conférépar les ressortissants

de l'une des parties sur le territoire de l'autre. Les traités relatifs aux
échangeset au commerce ne disent pas que la partie A autorisera la par-
tie B àexploiter des entreprises sur le propre territoire de cette partie B.
Ce serait là une disposition fort étrange.
43. A côté deces différentspoints,il sepose aussi la question de savoir
sides plates-formes de production pétrolière(qu'ellessoient ou non effec-
tivement affectéesà une activité deproduction aux moments pertinents)
font du «commerce» au sens du paragraphe 1 de l'article X. La Cour
montre de façon convaincante au paragraphe 45 de son arrêtque le mot
«commerce», suivant l'interprétation habituelle, ne se limite pas aux
seulesactivitésd'achat et de vente et désignetoute une gamme d'activités
accessoires liéesau commerce. Il est égalementvrai que le pétrole fait
l'objet d'exportations commerciales importantes de l'Iran vers les Etats-

Unis. Mais il faut encore franchir un pas supplémentairepour montrer
que le commerce s'entend généralementaussi des moyens de production
du produit qui peut, à un stade beaucoup plus lointain de la chaîne, être
objet mêmede commerce international.
44. Or, la Cour n'autorise nullement à franchir encore ce qui serait un
«pas de trop)).
45. La citation tiréede l'arrêtrendu par la Cour permanente de Justice
internationale dans l'affaire Oscar Chinn (arrêt,1934, C.P.J.I. sérieA/B
no 63, p. 84) que la Cour retient dans son arrêten l'espèce(par. 48) ne
doit pas êtreconsidéréehors contexte. La Cour permanente avait à déci-
der si, sous l'effet de certaines actions belges visant M. Oscar Chinn,
transporteur britannique sur le fleuve Congo, la Belgique avait violéles
obligations lui incombant à l'égard du Royaume-Uni au titre de la
convention de Saint-Germain-en-Layede 1919.L'article premier dela con-

vention de Saint-Germain incorporait l'article premier de l'acte général
de Berlin du 26 février1885aux termes duquel «le commerce de toutes
les nations jouira d'une complète liberté)).Et l'article 5 de la conven-
tion de Saint-Germain-en-Laye disposaitque la navigation sur le Niger et PLATES-FORM PÉTROLIÈRES (OP.IND.HIGGINS) 860

les lacs situéssur certains territoiresera..entièrementlibre aussi bien
pour lesnaviresde commerceque pour letransport desmarchandiseset des
voyageurs. »En outre, les bateaux de toute nature appartenant aux ressor-
tissants des puissances signataires ((seront traités, sous tous les rapports,
sur un pied d'une parfaite égalité.
46. La Cour permanente a constatéque, dans le cadre du régimeétabli
par la convention de Saint-Germain, l'industrie des transports fluviaux
rentrait dans l'activité commerciale etaue la liberté de commerce (la

((libertéommerciale») étaitenvisagéeexpressément(Oscar Chinn, arrêt,
1934, C.P.J.I. sévieA/B no63, p. 81 et 83). La Cour permanente n'avait
donc plus qu'à franchir un pas trèsbref pour constater que la libertédu
commercegarantissait le droit de selivreràtoute activité commerciale,et
que celle-cipouvait s'appliquerà ((l'industrie et notammentà l'industrie
des transports))(ibid p..,4).
47. L'industrie destransports fluviauxfaisait partie intégrantedu com-
merce tel que celui-ciétaitenvisagà l'article 5 dela convention de Saint-
Germain, mais la production de pétrole nefait pas sur le mêmemode
partie intégrantede ce qui a étéenvisagé à l'article X du traitéd'amitié,
de commerce et des droits consulaires conclu en 1955entre l'Iran et les
Etats-Unis. En outre, la partie lésde l'époqueétaitun étranger quifai-

sait grief de son comportement à 1'Etat hôte. L'affaire Oscar Chinnne
peut pas à mon avis autoriserà soutenir qu'il faut apprécier la légalité de
la destruction des plates-formes pétrolièrespar rapport à l'obligation
conventionnelle d'assurer la liberté de commerce.
48. Et l'on ne sauve pas non plus la situation,à mon sens, en soute-
nant que la «libertéde commerce)), mêmesi elle ne correspond pas au
«commerce» lui-même, s'étend à tout ce qui est produit et qui peut ulté-
rieurement peut-êtreêtreexportéet êtreexportépeut-êtreaux Etats-Unis
(voir présentarrêt, par.50).
49. Si, pour se prononcer sur l'un quelconque des points ci-dessus, il
était possible de se contenter d'établir un «lien raisonnable)) ou une

«conclusion provisoire)),j'admets que le critère est peut-êtredûment res-
pecté. Mais,pour les motifs que j'ai développés plushaut, la Cour doit
pouvoir s'appuyer sur une solide raison de fond à mêmed'étayerune
conclusion de caractère définitif.
50. Dans ses piècesécrites,l'Iran a fait valoir que le pétrole extraitdu
gisement de Reshadat passait par une plate-forme centrale du complexe
pour êtreacheminépar oléoduc jusqu'aux installations d'emmagasinage
et de chargement de l'îledeLavan. L'Iran dit aussi que c'eàtpartir de la
plate-forme A du complexe de Nasr que le pétroleétait transporté par
oléoducaux installations de chargement, d'emmagasinage et d'exporta-
tion de l'îledeirri. Sitel est lecas (et les Etats-Unis ne reconnaissent pas
les faits ainsi exposés,lesquelsne peuvent pas êtreétablisdans un sens ou

un autre avant le stade du fond), les plates-formes en question peuvent
alors êtreconsidérées commefaisant partie intégrante du transport du
pétrolejusqu'aux points de chargement sur pétroliers (et commene rele-
vant pas uniquement de la production pétrolière).L'Iran a fait savoàrla PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP. IND.HIGGINS) 861

Cour que les attaques des Etats-Unis visaient la plate-forme centrale de
Reshadat et la plate-forme A du complexe de Nasr. Par conséquent, la
destruction de ces plates-formes pourrait entraîner violation du para-
graphe 1 de l'article X. Les manuels qui font autorité disent clairement
que le transport (c'est-à-dire le ((transport de marchandises))) est un
aspect fondamental du commerce et c'est ce qui ressort également des
citations que la Cour retient aux paragraphes 45 et 46 de son arrêt.
51. C'est pour ces raisons très étroites quej'ai votépour le dispositif
de la Cour en l'espèce. Cesmotifs étayent suffisammentl'existence, au
titre du paragraphe 2 de l'article XXI, d'un différendentre l'Iran et les
Etats-Unis concernant l'application et l'interprétation du paragraphe 1
de l'article X du traitéde 1955car le différend met alorsen cause la des-
truction du complexede Reshadat et de Nasr. Je ne crois pas que la Cour

soit compétente en ce qui concerne la destruction du complexe de Sal-
man, au sujet de laquelle il n'a pas étformuléd'allégationsde fait com-
parables en ce qui concerne le rôle de moyen de transport qu'auraient
jouéles installations détruites.
52. Il appartiendra aux Etats-Unis, au stade du fond, de contester
les allégations de fait formuléespar l'Iran quant au caractère propre-
ment technique des installations détruites etde tenter de prouver que ces
installations, comme ils le soutiennent, étaientexploitéesà des fins mili
taires. Les Etats-Unis pourront aussi faire valoir tous les moyens dont
ils disposent.

(SignéR )osalyn HIGGINS.

Bilingual Content

SEPARATE OPINION OF JUDGE HIGGINS

1. In thisjurisdictional phase the Court has had to decide whether the
1955Treaty of Amity, Economic Relations and Consular Rights between
Iran and the United States affords a basis ofjurisdiction in respect of any
of the claims advanced by Iran.

2. But there are also important questions relating to the methodology
for determining whether a particular claim falls within the compromis-
sory clause of a specifictreaty. Some of these questions were clearly of
concern to the Parties in this case. 1 have thought it useful briefly to
address this issue, not leastbecause of a marked uncertainty in the prac-
tice of the Court.
3. Article XXI (2) of the 1955Treaty provides (in phraseology iden-
tical to, or closely approximating, comparable clauses in many other
treaties, multilateral and bilateral) tha:

"Any dispute between the High Contracting Parties as to the
interpretation or application of the present Treaty, not satisfactorily
adjusted by diplomacy, shall be submitted to the International Court
of Justice . . ."

In certain other treaties the phrase "interpretation or application" appears
in the reverse order, as "application or interpretation". Either way, the
phrase contains two distinct elements which may form the subject-matter
of a reference to the Court. Al1 too frequently, they are treated

compendiously.

4. Where the jurisdiction of the Court is contested, the "application"
of a treaty can manifestly form one or more of the grounds of objection.
There are a multitude of reasons why, in the face of claims advanced, a
treaty may be contended not to apply. It may be said to have been ter-
minated (Arts. 54-60,Vienna Convention on the Law of Treaties); or to
be invalid (Arts. 46-53); or to have lost legal significancebecause of the
effect of a later treaty on the same subject-matter (Art. 30); or to be non-
retroactive in its application (Art. 28); or inapplicable by reference to its
territorial scope (Art. 29); or subject to a relevant reservation (Art. 21). A
treaty may also be claimed to be inapplicable ratione temporis (see Corfu
Channelcase, Merits, Judgment, 1.C.J. Reports 1949,p. 22); or not to be
in force between both parties (see the Asylum case, Judgment, I.C.J.
Reports 1950, pp. 276-277; and the case concerning Constitution of the OPINION INDIVIDUELLE DE MMEHIGGINS

[Traduction]

1. En la présente phasede l'affaire quia traià sa compétence, laCour
devait décidersi le traitéd'amitié,de commerce et de droits consulaires
conclu en 1955entre l'Iran et les Etats-Unis lui confère un titre de com-
pétenceen ce qui concerne l'une quelconque des demandes présentéespar
l'Iran.
2. Mais il sepose égalementd'importantes questions quant àla métho-
dologie à adopter pour établirsi une demande relèvede la clause com-
promissoire d'un certain traité. Certaines de ces questions se posaient
manifestement aux Parties en la présente instance. J'aidonc jugéutile de
m'arrêter neserait-ce qu'un moment sur leproblème,d'autant que la pra-

tique de la Cour témoigne à cet égard d'une incertitudepatente.
3. L'article XXI, paragraphe 2, du traitéde 1955dispose, en des termes
identiques à ceux de clausescomparables figurant dans beaucoup d'autres
traitésmultilatéraux et bilatérauxou en des termes très voisins, que:

((Tout différend qui pourrait s'éleverentre les Hautes Parties
contractantes quant à l'interprétation ouà l'application du présent
traitéet qui ne pourrait pas êtrerégld'une manière satisfaisantepar
la voie diplomatique sera porté devantla Cour internationale de Jus-
tice.»

Dans certains autres traités, la formule«l'interprétation ou ..l'applica-
tion)) est énoncéedans l'ordre inverse, c'est-à-dire «l'application ou
l'interprétation)).Que ce soit sous une forme ou sous d'autres, la formule
contient deux élémentsdistinctsqui peuvent chacun motiver la saisine de
la Cour. Le plus souvent, les deux élémentssont considérés comme un
seul.
4. Quand la compétence de laCour est contestée,l'«application» d'un
traité peut manifestement motiver une exception d'incompétence sinon
plusieurs. Ily a une foule de raisons pour lesquelles, face aux demandes
présentées,on peut soutenir qu'un traité ne s'applique pas. On peut dire
qu'ily a extinction du traité(convention de Vienne sur le droit des traités,

art. 54-60); on peut invoquer la nullitédu traité(art. 46-53); on peut dire
qu'il a perdu son importance juridique sous l'effet d'un traitépostérieur
portant sur la mêmematière(art. 30); ou que son application est soumise
au principe de la non-rétroactivité des trait(art. 28); ou encore qu'il est
inapplicable du fait de sa portée territoriale (art. 29); ou encore qu'il fait
l'objet d'une réservepertinente (art. 21). On peut aussi soutenir qu'un
traitéest inapplicableratione ternporis(voir l'affaire du Détroitde Cor-
fou, fond, arrêt,C.I.J. Recueil 1949, p. 22); ou bien qu'il n'est pas enMaritime Safety Committee of the Inter-Governmental Maritime Con-

sultative Organization, Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1960, p. 171).

5. There occurs rather more infrequently a preliminary objection
whereby one party contends that a treaty claimed by the other party to
found the jurisdiction of the Court is non-applicable ratione materiae.
Study of such relevant jurisprudence as exists on this point is instructive.
6. There are a series of cases which should properly be referred to, but
which are really marginal to the issue. The Factory ut Chorzdw case
(Judgment No. 8, 1927, P.C.I.J., Series A, No. 9), the Asylum case
(I.C.J. Reports 1950, p. 266), the Interpretation of Peace Treaties with
Bulgaria, Hungary and Romania case (I.C.J. Reports 1950, p. 65), the
Haya de la Torre case (I.C.J. Reports 1951,p. 71), the Anglo-Iranian Oil
Co. case (I.C.J. Reports 1952, p. 93), the Northern Cameroons case
(I.C.J. Reports 1963, p. 15), the Barcelona Traction, Light and Power
Company, Limited case (I.C.J. Reports 1964, p. 6) and Certain Phos-
phate Lands in Nauru case (I.C.J. Reports 1992, p. 240) are among those

where a treaty has fallen for interpretation in ajurisdictional context, but
without raising any point directly relevant to the application of a treaty
as it arises in the present case.

7. In the United States Diplomatic and Consular Staff in Tehran case
(I.C.J. Reports 1980, p. 3) Iran filed no pleadings. In the various com-
munications it nonetheless sent to the Court, it did notontest the "appli-
cation" of the Vienna Convention on Diplomatic Relations and the 1955
Treaty of Amity, Economic Relations and Consular Rights in the juridi-
cal sense of that term. Rather, it said:

"the problem ... is thus not one of the interpretation and the appli-
cation of the treaties upon which the American Application is based,
but results from an overall situation containing much more funda-
mental and more complex elements" (ibid., p. 19).
8. In the case concerning Applicability of the Obligation to Arbitrate

under Section 21 of the United Nations Headquarters Agreement oj
26 June 1947 (I.C.J. Reports 1988, p. 12)the Court was called upon to
decide whether there existed between the United States and the United
Nations a dispute concerning the interpretation or application of the
Headquarters Agreement which should be referred to arbitration as
envisaged in Section 21 (c) of that instrument. Although the Court
stated that "the request for an opinion concerns solelythe applicability to
the alleged dispute of the arbitration procedure provided for by the
Headquarters Agreement" (ibid., p. 26), the Court focused above al1
upon whether there was a dispute and upon al1the legal elementsrelating
to that question. It stated that it "seesno reason not to find that a dispute
exists between the United Nations and the United States concerning thevigueur entre les deux parties (voir l'affairedu Droit d'asile,arrêt,C.I.J.
Recueil 1950, p. 276-277, et l'affaire de la Composition du-Comitéde la
sécuritémaritime de l'Organisationintevgourvernementaleconsultative de
la navigation maritime, avis consultatif,.I.J. Recueil 1960, p. 171).
5.Il arrive, mais plus rarement, que dans son exception préliminaire
l'une desparties soutienneque le traité surlequella partie adverse cherche
à fonder la compétencede la Cour n'est pas applicable ratione materiae.

L'étude delajurisprudence pertinente à cet égardest instructive.
6. Ily a toute une séried'affaires que l'on pourraità bon droit invo-
quer mais qui n'ont en fait qu'un intérêt marginap lour notre problème.
L'affaire del'Usine de Chorzbw (arrêtno8, 1927, C.P.J.I. sérieA no9),
l'affaire du Droit d'asile(C.I.J. Recueil 1950, p. 266), l'affaire de l7Inter-
prétation destraitésde paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la
Roumanie (C. I.J. Recueil 1950, p. 65), l'affaire Haya de la Torre (C.I.J.
Recueil 1951, p. 71), l'affaire de l'dnglo-Iranian Oil Co. (C.I.J. Recueil
1952, p. 93), l'affaire du Cameroun septentrional (C.I.J. Recueil 1963,
p. 15), l'affaire de la Barcelona Traction, Light and Power Company
Limited (C.I.J. Recueil 1964,p. 6), et l'affaire deCertaines terràplzos-
phates à Nauru (C.I.J. Recueil 1992, p. 240) sont de celles où il a fallu

interpréterun traitédans un cadrejuridictionnel, mais sans que cela sou-
lèvedu tout la question de l'application d'untraitécomme c'estle cas en
la présenteespèce.
7. Dans l'affaire du Personnel diplomatique et consulaire des Etats-
Unis à Téhéran(C.I.J. Recueil 1980, p. 3), l'Iran n'a pas déposéde
pièces.Dans les diverses communications qu'il a néanmoins adressées
à la Cour, l'Iran n'a pas contestél'«application», au sens juridique du
terme, de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques, ni du
traitéd'amitié, de commerce et dedroits consulaires de 1955.L'Iran dit
alors au contraire:

«Le problèmeen cause ...ne tient donc pas de l'interprétationet
de l'application des traitéssur lesquelsse base la requête américaine,
mais découled'une situation d'ensemble comprenant des éléments
beaucoup plus fondamentaux et plus complexes. » (Ibid., p. 19.)

8. Dans l'affaire de 1'Applicabilitéde l'obligation d'arbitrageen vertu
de la section 21 de l'accorddu 26juin 1947relatif au siègede l'Organisa-
tion des Nations Unies(C.I.J Recueil 1988, p. 12),la Cour fut appelée à
déciders'il existait entre les Etats-Unis et l'organisation des Nations
Unies un différendau sujet de l'interprétation ou de l'application de
l'accord desiègequ'il convenait de soumettre à arbitrage comme il était
prévu à la section 21, alinéac), de cet instrument. Bien qu'elleait dit que
«la demande d'avis concern[ait] uniquement l'applicabilitéau différend
allégué de la procédured'arbitrage prévuepar l'accord de siège))(ibid.,

p. 26),la Cour a cherchéavant tout à déterminers'ilexistait un différend
et s'est intéressée tous les élémentsjuridiques relatifà cette question.
Elle a déclaréqu'ellene vo[yait]donc aucune raison qui puisse l'amener à
ne pas conclure à l'existence,entre l'organisation des Nations Unies et'interpretation or application' of the Headquarters Agreement" (I.C.J.
Reports 1988, p. 32). Judge Schwebel pertinently noted that the dispute
was probably only a dispute as to the application of the arbitration pro-

visions, and not a dispute about interpretation of the Agreement (ibid.,
p. 43).

9. Other cases are more directly relevant for the purpose of addressing
the methodological problems at the heart of the present case. They reveal
a struggle between the idea that it is enough for the Court to find provi-
sionally that the case for jurisdiction has been made, and the alternative
viewthat the Court must have grounds sufficientto determine definitively
at the jurisdictional phase that it has jurisdiction.

10. In the case concerning Nationality Decrees Issued in Tunis and
Morocco (Advisory Opinion, 1923, P.C.I.J., Series B, No. 4) an objec-
tion was made to the jurisdiction of the Court. The Court found that it
would be necessary for it to reach a provisional conclusionas to the
asserted bases of jurisdiction.
11. In the Mavrommatis case (Mavrommatis Palestine Concessions,
Judgment No. 2, 1924, P.C.I.J., Series A, No. 2), it was necessary for the

Court to assure itself that the dispute fell within the requirements of
Article 26 of the Mandate, that is, that it related "to the interpretation
or the application of the provisions of the Mandate". The Court on this
occasion stated that it "cannot content itself with the provisional conclu-
sion that the dispute falls or not within the terms of the Mandate" (ibid.,
p. 16).It distinguished the case concerning Nationality Decrees Issued in
Tunis and Morocco on the grounds that in an advisory opinion the prin-
ciple of the consent of States to the submission of disputes was not in
issue. The Greek Government had alleged violations of Article 11 of the
Mandate. The Permanent Court declared that "The question to be solved
is whether the dispute above mentioned should be dealt with on the basis
of this clause" (ibid., p. 17). The technique employed by the Permanent
Court was to enter into a very substantive and detailed analysis of the
claims under the various concessions, by reference to the first para-
graph of Article 11. The analysis was anything but "provisional". Nor
was there any suggestion that the Permanent Court thought its task was
to seeif Greece had made "plausible arguments" or suggested a "reason-

able link" between the claims and those provisions. The Permanent
Court said it was "constrained at once to ascertain whether .. . any
breach of [the obligations in Article 111would involve a breach of the
provisions of this article" (ibid., p. 23). It correctly pointed out that that
was not to prejudge the merits, for only upon the merits would it be pos-
sible to know whether the obligations truly had been violated.

12. On that basis the Permanent Court upheld the British preliminary
objection in so far as it related to the claim regarding works at Jaffa and
dismissed it in so far as it related to the claim regarding works at Jeru-les Etats-Unis, d'un différendconcernant ((l'interprétationou ..l'appli-
cation» de l'accord de siège))(C.I.J. Recueil 1988, p. 32). Dans son

opinion individuelle, M. Schwebel a relevé avecpertinence que le diffé-
rend se limitait probablement à l'applicationdes dispositions d'arbitrage
et n'existait sans doute pas sur l'interprétation de l'accorden cause (ibid.,
p. 43).
9. Il y a d'autres affaires qui sont plus directement pertinentes quand
on se pose les problèmesméthodologiquesqui sont au cŒur même de la
présente espèce. Cesaffaires font naître un débat entre l'idée qu'il suffit
la Cour d'estimer à titre provisoire que la compétencese soutient, et
l'idée divergenteque la Cour est tenue d'être fondée à établir de façon
définitive dèscette phase préliminaire dela compétencequ'elle est bel et
bien compétente.
10. Dans l'affaire desDécretsde nationalité promulguésen Tunisie et
au Maroc(avis consultatg 1923, C.P.J.I. sérieB no 4), il a étésoulevé
une exception préliminaire à la compétence dela Cour. Celle-cia estimé
qu'il luifallait pouvoir formuler une conclusion provisoire au sujet des

titres de compétence invoqués.
11. Dans l'affaireMavrommatis (Concessions Mavrommatis en Pales-
tine, arrêtno2, 1924, C.P.J.1.sérieA no2), il fallait que la Cour s'assure
que le différendentrait dans les prévisionsde l'article26 du mandat de la
Société des Nations, c'est-à-dire qu'ilétaitrelatif l'interprétationou à
l'application des dispositions du mandat)). La Cour a déclaré à cette
occasion qu'elle «ne cro[yait] pas pouvoir se contenter d'une conclusion
provisoire sur le point de savoir si le différendrelev[ait] des dispositions
du mandat)) (ibid., p. 16). La Cour a mis à part l'affaire desDécretsde
nationalité promulguésen Tunisie et au Maroc parce que, dans un avis
consultatif, le principe du consentement des Etatsà la saisine n'étaitpas
en cause. Le Gouvernement grec avait allégué desviolations de l'ar-
ticle 11 du mandat. La Cour permanente a déclaré qu'«il s7agiss[ait]de
savoir si le différend ci-dessusd[evait] êtrerésolu sur la base de cette

disposition)) (ibid., p. 17). La technique utiliséepar la Cour permanente
a consisté à procéder à une analyse de fond extrêmementdétaillée des
demandes présentéea su titre des diversesconcessions,enseréférantau pre-
mier paragraphe de l'article 11. Cette analyse n'avait absolument rien de
((provisoire)).La Cour permanente n'a pasnon plus donnéle moins du
monde àentendre que sa tâche étaitde vérifiersi la Grèce avait formulé
des ((arguments plausibles» ou envisagé un((lien raisonnable» entre les-
dites demandes et lesdites dispositions.La Cour permanente a dit qu'elle
«d[evait] constater dès maintenant que ...[la] violation [des obligations
viséespar l'article 111,si elle existait, entraînerait une violation de cet ar-
ticle))ibid.,p. 23).La Cour a trèsjustement fait observerque cen'était pas
là préjugerle fond, car c'était seulementu stade du fond qu'il serait pos-
siblede savoir si les obligations en question avaient vraiment violées.
12. C'est enprocédantainsi que la Cour permanente a retenu l'excep-

tion préliminairedu Royaume-Uni pour ce qui concernait la demande
relative aux travaux réalisés à Jaffa et qu'elle l'a rejetéepour ce quisalem. The Jerusalem part of the claim could proceed to a judgment on
the merits.

13. In Certain German Interests in Polish UpperSilesia (Jurisdiction,
Judgment No. 6, 1925, P.C.I.J., Series A, No. 6) various preliminary
objections were advanced by Poland, one of which contended that the
Court had no jurisdiction because the dispute was not one contemplated
under Article 23 of the Convention of Geneva, on which the Court's
jurisdiction was claimed by Germany to be founded. Observing that the
Court'sjurisdiction could not be based on the contentions of either Party
as to Article 23, the Permanent Court acknowledged that it must decide
that matter for itself, at the outset. The Permanent Court acknowledged
that it was important not to intrude upon the merits, but continued:

"On the other hand, however, the Court cannot on this ground
alone declare itself incompetent; for, were it to do so, it would
become possible for a Party to make an objection to the jurisdiction
- which could not be dealt with without recourse to arguments
taken from the merits - have the effect of precluding further
proceedings simply by raising it in limine litis; this would be quite
inadmissible. (Ibid., p. 15.)

The Court concluded that it had to proceed to determine if Article 23
applied "even if this enquiry involves touching upon subjects belong to
the merits of the case" (ibid.).

14. The Mavrommatis case, in which issues ofdirect pertinence for the
present case were canvassed both directly and deeply, remains of seminal
importance. The correct way to approach these difficult matters, there so

clearly addressed, appears to have been put in some doubt some 29 years
later by another case between Greece and the United Kingdom. The
Ambatielos case received the detailed attention of both Iran and the
United States in the present case. The comparable issue - that is,
whether a claim was indeed "based on" a treaty (the Treaty of Commerce
and Navigation of 1986)was this time dealt with in a Judgment on the
merits, the Court in its Judgment on jurisdiction the year before having
found that it had jurisdiction to decide whether the United Kingdom was
under an obligation to submit to arbitration in accordance with the Dec-
laration annexed to the Treaty of Commerce and Navigation of 16 July
1926between Great Britain and Greece. It had found that it had jurisdic-
tion to determine this question "in so far as that claim was based on the
Treaty of Commerce and Navigation of November IOth, 1886" (1C ..J.
Reports 1953, p. 12).And that matter now fell for determination in the

Court's Judgment of 1953.

15. Greece suggested that a modest link between the subject-matter of PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.IND.HIGGINS) 850

concernait la demande concernant les travaux en cours à Jérusalem.La
Cour pouvait donc poursuivre l'examen de l'affaire au fond pour la par-
tie de la demande qui concernait Jérusalem.
13. Dans l'affaire relative Certains intévêtasllemands en Haute-Silé-
sie polonaise (compétence,arrêtno 6, 1925, C.P.J.I. sévieA no 6), la
Pologne a soulevéplusieurs exceptions préliminaires, l'une d'elles étant
que la Cour n'était pas compétentepuisque le différendn'était pasde
ceux qui étaientenvisagés à l'article 23 de la convention de Genève, sur
lequel l'Allemagne prétendait fonder la compétence dela Cour. Obser-

vant que sa compétencene pouvait être fondée sur aucunedes thèsesque
les Parties formulaient au sujet de l'article 23, la Cour permanente a
reconnu qu'elle devait trancher cette question pour son propre compte,
dèsle début.Elle a admis qu'il importait de ne préjuger en rien sapropre
décisionsur le fond, mais elle a poursuivi de la façon suivante:
((Mais, d'un autre côté, la Cour ne saurait décliner sa compétence

par ce seul fait, car ainsi elle ouvrirait la pàrla possibilitépour
une Partie de donner à une exception d'incompétence,ne pouvant
êtrejugéesans avoir recours à des éléments puiséd sans le fond, un
caractère péremptoire,simplement en la présentant in limine litis, ce
qui est inadmissible. (Ibid., p. 15.)

Et la Cour permanente a conclu qu'elle devait aborder l'examen del'ar-
ticle 23 pour établir si celui-ci s'appliquait ((quand mêmecet examen
devrait l'amener à effleurer des sujets appartenant au fond de l'affaire))
(ibid.).
14. L'affaire Mavvommatis, dans laquelle des questions qui sont direc-
tement pertinentes pour la présente instance ont été examinées directe-
ment et à fond, garde une importance fondamentale. La façon dont il
faut aborder cesquestions difficiles,qui est si clairement traitée dans cette
affaire, semble avoir étécontestée, quelque vingt-neuf ans plus tard, par
une autre affaire opposant la Grèceet le Royaume-Uni. Et cette seconde

affaire, l'affaire Ambatielos, a beaucoup retenu l'attentionà la fois de
l'Iran et des Etats-Unis en la présenteinstance. La question comparable
qu'il fallait tranche- consistant à savoir si une demande était effecti-
vement «fondéesur» un traité(le traité decommerce et de navigation de
1886),fut cette fois réglédans un arrêtsur le fond, la Cour ayant décidé
dans son arrêtsur la compétence,l'annéeprécédente, qu'elle étaitbel et
bien compétente pour dire si le Royaume-Uni était ou non tenu de sou-
mettre le différendà l'arbitrage, conformément à la déclaration annexée
au traitéde commerce et de navigation du 16juillet 1926entre la Grande-
Bretagne et la Grèce. La Cour avait décidé qu'elleétait compétente pour
trancher cette question «en tant que cette réclamation est fondée sur le

traité de commerce et de navigation du 10 novembre 1886)) (C.I.J.
Recueil 1953, p. 12).Et cette question-làserait donc réglédans l'arrêt de
la Cour de 1953.
15. La Grècedonnait à entendre qu'un lien ténu entre l'objet du dif-the dispute and the Treaty of Commerce would suffice: it was said that
the claim "does not primafacie appear to be unconnected with those pro-
visions" (I.C.J. Reports 1953, p. 12).The United Kingdom thought that
this was the wrong jurisdictional test - and that even had it been right
the claim was "obviously unrelated" (ibid., p. 13).The United Kingdom
further contended that "even ifal1the facts alleged by the Hellenic Gov-
ernment were true, no violation of the Treaty would have occurred"
(ibid.).
16. The Court departed from the approach so clearly set out in the
Mavrommatis case, stating that in dealing with the words "in so far as
this claim is based on the Treaty of 1866"did "not mean that the Ambat-
ielosclaim must be found by the Court to be validly based on the Treaty
of 1886" (ibid, p. 16).Rather, its task was to determine whether:

"the arguments advanced by the Hellenic Government in respect of
the treaty provisions on which the Ambatielos claim is said to be
based, are of a sufficientlyplausible character to warrant a conclu-
sion that the claim is based on the Treaty. It is not enough for the
claimant Government to establish a remote connection between the

facts of the claim and the Treaty of 1886.On the other hand, it is not
necessary for that Government to show, for present purposes, that
an alleged treaty violation has an unassailable legal basis .. .If the
interpretation given by the Hellenic Government to any of the pro-
visions relied upon appears to be one of the possible interpretations
that may be placed upon it, though not necessarily the correct one,
then the Ambatielos claim must be considered, for the purposes of
the present proceedings, to be a claim based on the Treaty of 1886."
(Ibid., p. 18.)

17. This passage was much examined in the present case. It manifestly
marks both a different standard and a different methodology from that
employed in the Mavrommatis case. The Court sought to explain this by
stating that this case was "quite unlike the case of Mavrommatis Pales-
tine Concessions" (ibid., p. 14),because in the Ambatielos case the Court
could not itself decide on the merits of the claim, that matter reserved to
another tribunal. Its only duty was to see whether the dispute should be
referred to that tribunal.

18. Some may wonder at the distinction being made, noting that the
International Court must just as much avoid passing upon on the merits

in the jurisdictional phase of a case where the merits (if proceeded to) it
will itselfater have to address. And in the Appeal Relating to the Juris-
diction of the ICA0 Council case the Court was later to find that the
analysis of the compromissory clause would necessarily be the same,
whether the substantive competence was its own or ICAO's (I.C.J. PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.IND.HIGGINS) 851

férend etle traitéde commerce suffirait: elle disait en effet que la récla-
mation «n'apparai[ssait] pas prima facie comme étrangèreauxdites dis-
positions (C.I.J. Recueil 1953, p. 12). De son côté le Royaume-Uni
estimait que ce critère de compétence était mauvais et que, mêmes'il
avait étébon, la réclamation était ((manifestement privée detout rap-
port» avec le traitéde 1886(ibid., p. 13).Le Royaume-Uni a soutenu en
outre que «mêmesi tous les faits alléguéspar le Gouvernement helléni-
que étaientvérifiésl,e traité n'aurait pasétéviolé))(ibid.).
16. La Cour a dérogé à l'approche pourtant définiesi clairement dans
l'affaire Mavrommatis en disant qu'en interprétant les mots «en tant que

cetteréclamationest fondéesurle traitéde 1886))ellene devaitpas néces-
sairement «arriver à la conclusion que la réclamation Ambatielos est
valablement fondée sur le traité de 1886))(ibid., p. 16). La Cour avait
plutôt pour tâche de s'assurer que:
«les arguments avancéspar le Gouvernement helléniqueau sujet des
dispositions du traité sur lesquelles la réclamation Ambatielos est
prétendument fondée sontde caractère suffisamment plausible pour

permettre la conclusion que la réclamationest fondéesurle traité.Il
ne suffit pas que le gouvernement qui présentela réclamation éta-
blisse un rapport lointain entre les faits de la réclamation et le traité
de 1886. En revanche, il n'est pas nécessaire quece gouvernement
démontre, auxfins de la procédureactuelle, qu'une prétendue viola-
tion du traité présenteun fondement juridique inattaquable ...Si
l'interprétation donnéepar le Gouvernement hellénique de l'une
quelconque des dispositionsqu'il invoque apparaît comme l'une des
interprétations auxquelles cette disposition peut se prêter, sinon
nécessairement comme la vraie. alors la réclamation Amabatielos
doit êtreconsidéréeaux fins de la procédure actuelle comme une
réclamation fondée surle traitéde 1886)).(Ibid., p. 18.)

17. Cet extrait a été beaucoup étudié enla présenteinstance. Il établit
manifestement à la fois une autre norme et une autre méthodologieque
celles qui ont été retenuesdans l'affaire Mavrommatis. La Cour a cher-
ché à expliquer la différence endisant que l'affaire Ambatielos avait un
caractère distinctif«au contraire de celle des Concessions Mavrom-
matis en Palestine)) (ibid., p. 14),parce que, dans l'affaire Ambatielos, la
Cour ne pouvait pas se prononcer elle-mêmesur le fond de la demande,
c'étaità un autre tribunal de statuer au fond. La Cour avait pour seule

obligation de voir s'ilfallait ou non porter le différenddevant cet autre
tribunal.
18. On pourrait s'interroger sur cette distinction, en relevant que la
Cour internationale est égalementtenue de s'abstenir de seprononcer sur
le fond lors de la phasejuridictionnelle d'une affaire si c'est elle qui doit
juger l'affaire au fond quand la procédureva jusque-là. Et, par la suite,
dans l'affaire del'Appelconcernant la compétencedu Conseil de I'OACI,
la Cour devait décider que l'analyse dela clause compromissoire serait:
nécessairementla même,que ce soit elle-mêmeou bien I'OACI qui aitReports 1972, p. 61). In any event, whether or not one shares the percep-
tion that the Ambatielos case was "quite unlike" the Mavrommatis case,
in the present case there is no question of the merits of the case being
decided by any tribunal other than the Court itself. The Mavrommatis
mode1remains the more compelling .

19. In the Interhandel case (1959) the Court had to decide whether it
had jurisdiction over the Swiss claims in the light of the United States
objection that the issues raised in the Swiss Application and Memorial
were matters within the domestic jurisdiction of the United States. The
Swiss Government, in responding to this objection, invoked the Wash-

ington Accord between the two Parties. The Court stated that it would:

"confine itself to considering whether the grounds invoked by the
Swiss Government are such as to justify the provisional conclusion
that they may be of relevance in tlziscase and, if so, whether ques-
tions relating to the validity and interpretation of those grounds are
(I.C.J. Reports1959, p. 24; emphasis
questions of international law"
added).
The approach of the Court as to the application of the Washington
Accord was to see, as a "provisional conclusion", whether it might be
"relevant to this case",i.e. apply to the claims advanced. But no further
attention was directed to the matter.

20. The case concerning Military and Paramilitary Activities in and
against Nicaragua (Nicaragua v. United States of America), in both its
jurisdictional phase and in the Judgment for the merits, has important
implications for this case, as both Parties have stressed. Nicaragua's
claim was based on certain military activities in Nicaragua and the waters
off its Coast,responsibility for which it attributed to the United States of
America (I.C.J. Reports 1984, p. 428). While the main basis for jurisdic-
tion was predicated on Article 36 (2) of the Statute, Nicaragua offered as
a subsidiary basis of jurisdiction the 1956 Treaty of Friendship, Com-
merce and Navigation between itselfand the United States. The terms of
Article XXIV (2), the compromissory clause, are exactly the same as
those in Article XXI of the Iran-United States Treaty of 1955.Nicaragua
in its Memorial alleged violations of Articles XIX, XIV, XVII, XX and
1 of the Treaty, though virtually no further reference was made to these
heads of the subsidiary claim in the oral argument (see ibid., Judge Oda,

separate opinion, p. 472).

21. The Court decided, by 14votes to 2, that it had jurisdiction under
Article XXIV. In so doing it referred to the generality of the
articles invoked "particularly the provision in, inter alia, Article XIX".
It continued that, taking these factors into account PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.IND.HIGGINS) 852

compétenceau fond (C.I.J. Recueil 1972, p. 61). En tout état de cause,
que l'on partage ou non le sentiment que l'affaire Ambatielos est
((contraire))à l'affaire Mavrommatis, en la présente instanceil n'est pas
question qu'un autre tribunal que la Cour se prononce sur le fond de
l'affaire. Des deux modèles, c'est celui de l'affaire Mavrommatis qui
demeure le plus convaincant.
19. Dans l'affaire de171nterhande(l1959),la Cour devait décidersi elle

étaitcompétentepour statuer sur lesdemandes suissesalors que les Etats-
Unis faisaient valoirà titre d'exception que les questions soulevéesdans
la requêteet le mémoire de laSuisserelevaient de la compétence interne
des Etats-Unis. Le Gouvernement suisse, en répondant à cette exception,
invoquait l'accord de Washington conclu entre les deux Parties. La Cour
a déclaré qu'elle:

((se bornera[ità rechercher si les titres invoquéspar le Gouverne-
ment suisse permettent la conclusion provisoirequ'ilspeuvent être
pertinents en l'espèceet, dans ce cas, à rechercher si les questions
relativesàla validité eà l'interprétation deces titres sont des ques-
tions de droitinternational»(C.I.J. Recueil 1959,p. 24; les italiques
sont de moi).

En ce qui concerne l'application de l'accord de Washington, la Cour
entendait chercher si ellepouvait direà titre de «conclusion provisoirD,
si cet instrument pouvait être ((pertinent en l'espèce)),c'est-à-dire s'appli-
quer aux demandes présentées. Mais laCour ne s'est pas arrêtéeplus
longtemps sur ce point.
20. L'affaire desActivitésmilitaires etparamilitaires au Nicaragua et
contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique),tant dans sa phase
juridictionnelle que dans l'arrêt surle fond, a des incidences importantes
pour la présenteespèce,comme l'ont soulignéles deux Parties. Le Nica-
ragua fondait sa demande sur certaines activitésmilitairesmenéessur son

territoire et dans les eaux situéesau large de sa côte, dont il attribuait la
responsabilitéaux Etats-Unis d'Amérique(C.I.J. Recueil 1984, p. 428).
Le titre de compétence attribué à la Cour reposait essentiellement sur
l'article 36, paragraphe 2, du Statut, mais le Nicaragua invoquait aussi
subsidiairement le traitéd'amitié, de commerce et de navigation conclu
en 1956entre le Nicaragua et les Etats-Unis. L'énoncé de la clausecom-
promissoire, au paragraphe 2 de l'article XXIV dudit traité, est exacte-
ment le mêmeque celui de l'article XXI du traitéconclu en 1955entre
l'Iran et les Etats-Unis. Dans son mémoire,le Nicaragua alléguaitdes
violations des articles XIX, XIV, XVII, XX et premier du traité, bien
qu'au cours des plaidoiries il n'ait pratiquement plus été question deces

griefs énoncésdans la demande subsidiaire (voir ibid., opinion indivi-
duelle de M. Oda, p. 472).
21. La Cour a décidé,par quatorze voix contre deux, qu'elle était
compétente en vertu de l'article XXIV. Ce faisant, elle s'est référée
à l'ensembledes articles invoqués,((notamment [lesdispositions] de l'ar-
ticle XIX)). Et, prenant ces élémentsen compte, elle a poursuivi: "there can be no doubt that, in the circumstances in which Nicara-
gua brought its Application to the Court, and on the basis of the

facts there asserted, thereis a dispute between the Parties, inter alia,
as to the 'interpretation and application' of the Treaty" (Z.C.J.
Reports 1984, p. 428, para. 83).

22. The Court appears on this occasion, as before, to have made a
definitive finding by reference to the various articles of the 1956Treaty,
especially Article XIX, but this time without legal reasoning being prof-
fered for its findings. The separate and dissenting opinions generally do
not elucidate further the matter of legalreasoning. Of those who mention
the matter at all, Judge Singh limited himself to observing that the FCN
Treaty was in fact the best basis ofjurisdiction. Judge Oda clearly felt the
matter had received insufficient attention by bar and bench. In Judge
Ago's view, the jurisdictional requirement was met by the very recitation
of claims allegingviolations of specificarticles. The necessary implication
is that there was no further task for the Court itself to perform at the
jurisdictional phase. Judge SirRobert Jennings approved the FCN Treaty
as a basis of jurisdiction, and treated compendiously the concepts of
seeing that a clause "covers" alleged acts and making good the allega-

tions relating to them. Both "must await the proceedings on the merits"
(ibid., p. 556).

23. Judge Schwebel, by contrast, clearly was of the view that a link
between the claims and the treaty must be offered by Nicaragua, and
determinatively resolved by the Court, at the phase of jurisdiction. He
engaged in that task himself in relation to each of the articles invoked
and concluded "[Ilt is plain that the Treaty itself cannot plausibly be
interpreted to afford the Court jurisdiction" (ibid., p. 637). It would
appear that Judge Schwebel believed the correct test to be the relative
modest one of "plausible interpretation" (ibid.) and that it was for the
Court to resolve the jurisdictional matter on that basis at the outset.

24. The Court, however, was to leave its substantive analysis of the
clauses of the Treaty, claimed to found a subsidiary basis of jurisdiction,
until the merits.

25. In the recent Application of the Conventionon the Prevention and
Punishment of the Crimeof Genocidecase, the Court returned to a rather
more traditional approach to these matters. Bosnia and Herzogovina
invoked Article IX of the Genocide Convention as thejurisdictional basis
for the claims it brought against the Federal Republic of Yugoslavia.
Yugoslavia claimed that the dispute did not fa11within the con~promis-
sory clause of the Genocide Convention, which gave the Court jurisdic-
tion over "disputes . . relating to the interpretation, application or ful-
filment of the present Convention" (Applicationof the Conventionon the PLATES-FORM PETROLIÈRES (OP. IND.HIGGINS) 853

«il n'est pas douteux que, dans les circonstances où le Nicaragua a
présenté sa requêteà la Cour et d'aprèsles faits qui y sont allégués,
il existe un différendentre les Parties, notamment quantà ((l'inter-

prétation ouà l'application» du traité» (C.I.J. Recueil 1984, p. 428,
par. 83).

22. A cette occasion, comme précédemment, laCour semble avoir
conclu de façon définitiveen s'appuyant sur lesdivers articles du traitéde
1956, notamment son article XIX, mais cette fois, elle n'indique pas le
raisonnement juridique qui l'a conduite à cette conclusion. Dans leur
ensemble, les opinions individuelles et dissidentes n'éclairentpas davan-
tage ce raisonnement juridique. Parmi ceux qui ont néanmoins évoqué la
question, M. Singh s'est borné à faire observer que le traitéd'amitié,de

commerce et de navigation constituait en fait le meilleur titre de compé-
tence.M. Oda a, quant àlui, manifestement estimé queni les conseils ni
les juges n'avaient assez prêté attentioà la question. Pour M. Ago, le
simple énoncéde demandes faisant état de violations d'articles déter-
minésdu traitésuffisait à fonder la compétence.La conclusion implicite
qu'il faut en tirer est que la Cour elle-mêmen'avait pas autre chose à
faire au stade juridictionnel. Sir Robert Jennings a estimé qu'il était jus-
tifiéde faire du traitéd'amitié,de commerce et de navigation un titre de
compétence,et a considéré globalement l'obligation d'examinersi une

clause «répond» aux faits alléguéset l'obligation d'apporter la preuve de
ces allégations.La démonstration et la preuve «ser[ont] apportée[s]au
stade de la procédure sur le fond»(ibid., p. 556).
23. Par opposition, M. Schwebel a été manifestement d'avis qu'il fal-
lait que le Nicaragua établisse unlien entre ses demandes et le traitéet
que la Cour devait aboutir à une conclusion ferme à cet égard dès la
phase de la compétence. M. Schwebel s'estattelé lui-même à cette tâche
en ce qui concerne chacun des articles invoqués et a conclu qu'«il [était]
certain que le traitélui-mêmene saurait être interpréde façon plausible
comme donnant compétence àla Cour» (ibid., p. 637). Pour M. Schwe-
bel, semble-t-il, le criàèappliquer était le critère relativement modeste

de l'«interprétation plausible)) (ibid.) et il incombàla Cour de tran-
cher d'emblée la question juridictionnellesur cette base-là.
24. Or, la Cour a attendu le stade du fond pour procéder l'analyseau
fond des dispositions du traitéqui étaientcenséesêtreun titre subsidiaire
de compétence.
25. Dans l'affaire récente relativel'Application de laconventionpour
lapréventionet la répressiondu crime de génocide,la Cour est revenue à
une approche plus traditionnelle. La Bosnie-Herzégovinea invoqué l'ar-
ticleIX de la convention sur le génocide eten a fait le titre de compé-
tence qui lui a servi
à fonder les demandes qu'ellea présentéeà l'encontre
de la Républiquefédérative de Yougoslavie. Celle-cia soutenu que le dif-
férendne relevait pas de la clause compromissoire énoncéedans la con-
vention sur le génocide, clausequi rend la Cour compétenteen ce qui
concerne les ((différends...relatifsà l'interprétation, l'application ouPrevention and Punishment of the Crime of Genocide, Judgment, I.C.J.
Reports 1996, p. 614, para. 27). It was not suggested by Yugoslavia that
- as the United States has suggested in the present case - the claim had
nothing to do with the subject-matter of the Treaty. But it did claim that
Article IX envisaged an international dispute, which it saw as being
absent, and that, furthermore, the responsibility of a State for its own
actions fallsoutside of the subject-matter jurisdiction of Article IX.

26. It is true that the question of "sufficiency of subject-matter connec-
tion" was not an issue. Nor did the manner in which the Court should
approach its task receive special attention from the Parties or the Court.
At the same time the Court simply pronounced with finality on the objec-
tions ratione materiae advanced by the Federal Republic of Yugoslavia
under Article IX. There was no suggestion from the Court that it thought
it sufficedfor Yugoslavia to advance a "possible interpretation" (Ambat-
ielos) or that it was reaching a "provisional conclusion" (Interhandel).

27. The present case has put into sharp focus a range of related but
discrete issues that must be addressed. When the Court faces a prelimi-
nary objection to its jurisdiction on the grounds that the invoked treaty
"does not cover" the claims, or concludes that the claims "do not fa11
under" or "do not fa11to be determined by referenceto" the Treaty, three
questions arise. First, what is the test by which the Court is to make its
finding? Second, is the Court's finding on this issue at the jurisdictional
stage provisional or final? Third, in what way is the answer dictated by

the necessity of the Court avoiding entering into the merits at the juris-
dictional phase?

28. It is not an easy task to seea clear or constant line ofjurisprudence
on these matters, but certain answers suggest themselves. In formulating
them, it is to be borne in mind that:

"Neither the Statute nor the Rules of Court contain any rule
regarding the procedure to be followed in the event of an objection
being taken in limine litis to the Court's jurisdiction. The Court
therefore is at liberty to adopt the principle which it considers best
calculated to ensure the administration ofjustice, most suited to pro-
cedure before an international tribunal and most in conformity with
the fundamental principles of international law." (Mavrommatis
Palestine Concessions, Judgment No. 2, 1924, P.C.I.J., Series A,
No. 2, p. 16.)l'exécution dela présenteconvention)) (Application de la conventionpour
lapréventionet la répressiondu cvime de génocide, avvêC t,.I.J. Recueil
1996, p. 614, par. 27). La Yougoslavie n'a pas donné à entendre, comme
les Etats-Unis l'ont fait dans la présente instance,que la demande n'avait
rien à voir avec l'objet du traité. Mais la Yougoslavie a soutenu que
l'article IX envisageait un différend de caractère international, lequàl

son avis faisait défaut, et qu'en outre la responsabilitéincombant à un
Etat du chef de sespropres actions ne relèvepas de la compétence vatione
materiae définie àl'article IX.
26. Il est exact que la question de savoir s'ily avait «un rapport suf-
fisant quant àl'objet du différend))n'étaitpas en litige. La façon dont la
Cour devait aborder sa tâche n'a pas non plus été spécialementexaminée
par les Parties ni par la Cour elle-même.La Cour ne s'en est pas moins
simplementprononcée de façondéfinitivesur les exceptions rationemate-
viae soulevéespar la République fédérative de Yougoslavieau titre de
l'article IX de la convention. La Cour n'a pas donnéà entendre qu'il suf-
fisaità son avis que la Yougoslavie présente une ((interprétation pos-
sible)) (Ambatielos) ni qu'elle formulait une «conclusion provisoire))

(Interhandel).

27. La présente instancea nettement mis en évidenceune sériede ques-
tions connexes mais distinctes les unes des autres qu'il convient d'exami-
ner. Quand la Cour est face à une exception préliminaire d'incompétence

faisant valoir que letraitéinvoquéne visepas les demandes présentées ou
bien qu'elle conclut que les demandes ne relèvent pas dudit traité ou
n'ont pas à êtretranchéespar référence audit traité,il sepose trois ques-
tions. Premièrement, quelest le critère suivant lequella Cour doit formu-
ler sa conclusion? Deuxièmement, la conclusion que la Cour formule sur
ce point àl'issuede la phase juridictionnelle de la procédureest-ellepro-
visoire ou définitive? Troisièmement, de quelle façon la réponseest-elle
dictéepar l'obligation où se trouve la Cour d'éviterd'aborder le fond au
stade juridictionnel?
28. Il n'estpas facile de dégager surces différentes questions unejuris-
prudence claire ni constante, mais certaines réponses s'imposent.Néan-
moins, on doit en les énonçantne pas oublier que:

«Ni le Statut, ni le Règlementne contiennent aucune disposition
relativeà la procédure à suivre dans le cas où la juridiction serait
contestée in limine litis. Dans ces circonstances, la Cour est libre
d'adopter la règlequ'elle considère comme la plus appropriée à la

bonne administration de la justice,la procédure devantun tribunal
international, et la plus conforme aux principes fondamentaux du
droit international. (Concessions Mavrommatis en Palestine, arrêt
no2, 1924,C.P.J.I. sévieA no2, p. 16.) 29. The necessary interpretative analysis in the Mavrommatis case fell
to be made within the framework of Article 11 of the Mandate. But it
cannot be doubted that had Greece suggested that the British Govern-
ment had violated other articles of the Mandate, the Permanent Court
would have gone through the same exercisesofinterpretation with regard
to those articles, too. It is true, of course, that the Court must found its
jurisdiction on the compromissory clause,Article XXI of the 1955Treaty.
But that cannot be done on an impressionistic basis. The Court can only

determine whether there is a dispute regarding the interpretation and
application of the 1955Treaty, falling within Article XXI (2), by inter-
preting the articles which are said by Iran to have been violated by the
United States destruction of the oil platforms. It must bring a detailed
analysis to bear.

30. Nor does it sufficeto say that there is manifestly a dispute about
the application, and indeed the interpretation of the Treaty - and that
ergo there existsjurisdiction under Article XXI. It was suggested to the
Court by Iran that it was enough for there to be differences between the
two sides as to the application of the Treaty (CR 96115,p. 31). But one

must ask the question: enough for what?It is, of course, enough for the
Court to have to exercise its compétencede la compétence,as it is now
doing. But it is not necessarily enough in the sense of it being a pass-key
for the case to proceed to the merits. The Court has first to decide if the
claims fa11under the 1955 Treaty - in other words, that the Treaty
applies. In the present case, where jurisdiction is disputed, and there is a
dispute about "the interpretation or application" of a treaty, "applica-
tion" falls for determination at the jurisdictional phase.

31. Where the Court has to decide, on the basis of a treaty whose

application and interpretation is contested, whether it has jurisdiction,
that decision must be definitive. (It is uncertain whether cases where the
merits fa11to be determined by another tribunal may perhaps be an
exception to this general provision - notwithstanding that the rationale,
when closelyexamined, is debatable.) It does not suffice,in the making of
this definitive decision, for the Court to decide that it has heard claims
relating to the various articles that are "arguable questions" or that are
"bona fide questions of interpretation" (each being suggestionsadvanced
in this case).This is so notwithstanding that the Interhandel case (with its
passing reference to a "provisional conclusion") and the Military and
Paramilitary Activities in and against Nicaragua case do not fit easily

into this approach. The treatment of the issue in the latter case contained
so many remarkable elements and so many diverse views that it cannot
be seen as a clear decision by the Court to move away from the approach
so powerfully established in the Mavrommatis case. Nor, in my view, is
the answer to be found in the establishment of a "reasonable connection" PLATES-FORM PETROLIÈRES (OP. IND.HIGGINS) 855

29. Dans cette affaire des Concessions Mavrommatis, l'interprétation
indispensable se situait dans le cadre de l'article 11 du mandat. Mais il
ne fait pas de doute qu'au cas où la Grèce aurait soutenu que le Gou-
vernement britannique avait violéd'autres dispositions du mandat la
Cour permanente aurait procédé à la mêmeanalyse pour interpréter
égalementces articles-là. Il est exact, bien entendu, que la Cour doit

en l'espècefonder sa compétence sur la clause compromissoire, c'est-
à-dire sur l'article XXI du traitéde 1955.Mais la conclusion sur ce point
ne saurait procéder purement et simplement de quelques impressions.
La Cour ne peut établir l'existence d'un différend relatif l'interpréta-
tion et à l'application du traité de 1955 qui relève desdispositions du
paragraphe 2 de l'article XXI qu'en interprétant les articles que l'Iran
prétendavoir étéviolésdu fait que les Etats-Unis ont détruitles plates-
formes pétrolières.La Cour doit donc à cet égard procéder àune analyse
détaillée.
30. Il ne suffit pas non plus de dire qu'il existe manifestement un dif-
férend relatià l'application et du reste auàsl'interprétationdu traitéet
que, par conséquent, la Cour est compétente au titre de l'article XXI.

L'Iran a donné à entendre à la Cour qu'il suffisait que les deux parties
divergent quant à l'application du traité(CR96115, p. 31). Mais il faut
alors poser la question suivante: cela suffit pour quoi? Il suffit bien
entendu que la Cour doive exercer sa ((compétence de la compétence)),
comme elle le fait en l'occurrence. Mais cela ne suffit pas nécessaire-
ment si cela doit conférerautomatiquement le droit de poursuivre l'af-
faire au fond. La Cour doit d'abord déterminersi les demandes relèvent
bien du traité de 1955 - autrement dit, déterminer si le traité s'ap-
plique. En l'espèce,du moment que la compétenceest contestéeet qu'il
y a un différend quant à ((l'interprétation ouà l'application» d'un
traité,il faut trancher la question de«application» au stade juridiction-
nel.

31. O.and la Cour doit décider. en se fondant sur un traité dont
l'application et l'interprétationsont contestées, qu'ellea ou non compé-
tence. cette décisiondoit avoir un caractère définitif.(On ne saitDasbien
si les affaires qui, au stade du fond, doivent êtretranchéespar un autre
tribunal, font peut-être exception cette disposition généra-e bien que
la justification d'une telle hypothèse,l'étudierde près, prêteà discus-
sion.) 11ne suffitpas que la Cour,pour aboutirà cette décisiondéfinitive,
décidequ'elle a entendu, au sujet des divers articles du traité, présenter
des griefs qui correspondent à des questions ((défendables))ou qui sont
{(authentiquement des questions d'interprétation)) (autant d'arguments
qui ont été formulés en l'espèce).Il en est ainsi bien que le précédentde
l'lnterhandel (où il est fait allusioà une «conclusion provisoire))) et

l'affaire des Activitésmilitaires etparamilitaires au Nicaragua ne cadrent
pas bien avec cette approche. Dans cette dernière affaire, l'examen de ce
point fait appeà tant d'éléments remarquables,a tant de vues différentes
qu'il est impossible d'en déduireque la Cour, en l'occurrence, a claire-
ment décidéde renoncer à l'approche définieavec tant de conviction dansbetween the claims and the Treaty - that is a necessary but not sufficient
condition.

32. There has been some suggestion that "plausibility" provides
another test for determination of whether the Court has jurisdiction. It
was said in the Ambatielos case that the Court must determine whether
the arguments of the applicant State

"in respect of the treaty provisions on which the Ambatielos claim is
said to be based, are of a sufficiently plausible character to warrant
a conclusion that the claim is based on a Treaty" (I.C.J. Reports
1953, p. 18; emphasis added).

"Plausibility" was not the test to warrant a conclusion that the claim
might be based on the Treaty. The only way in which, in the present case,
itcan be determined whether the claims of Iran are sufficiently plausibly
based upon the 1955Treaty is to accept pro tem the facts as alleged by
Iran to be true and in that light to interpret Articles1,IV and X for juris-
dictional purposes - that is to say, to see if on the basis of Iran's claims
of fact there could occur a violation of one or more of them.

33. In the Ambatielos case (1953),the Court rejected the United King-
dom claim that the Court should provisionally accept the facts as asserted
by the applicant and see if they would constitute a violation of the Treaty
said to provide the Court with jurisdiction. The Court did this for two

reasons: first, to find that the facts would constitute a violation was to
step into the merits; and second, the merits in this case had been reserved
to a differentbody, the Commission of Arbitration established under the
Protocol of 1886.This constraint does not operate in the present case. It
is interesting to note that in theMavrommatis case the Permanent Court
said it was necessary, to establish its jurisdiction, to see if the Greek
claims "would" involve a breach of the provisions of the article. This
would seem to go too far. Only at the merits, after deployment of evi-
dence, and possible defences,may "could" be converted to "would". The
Court should thus see if, on the factsas alleged by Iran, the United States
actions complained of might violate the Treaty articles.

34. Nothing in this approach puts at risk the obligation of the Court
to keep separate the jurisdictional and merits phases (unless it had been
decided that a preliminary objection did not possess an exclusively pre-
liminarycharacter under Article 29 (2) of the Rules of Procedure) and to
protect the integrity of the proceedings on the merits. Of course any
definitivedecision that even on the facts as described by Iran no breach
of a particular article could follow, does "affect the merits" in the sense
that that matter no longer may go to the merits. That is inherent in the
nature of the preliminaryjurisdiction of the Court. What is for the meritsl'affaire Mavvommatis. Et, à mon avis, la réponsene se trouve pas non
plus dans l'existence d'un «lien raisonnable)) entre les demandes et le
traité- il s'agit là d'une condition nécessairemais non pas suffisante.
32. On a aussi donné à entendre que la «plausibilité»est égalementun
critèrepermettant d'établirsi la Cour est ou non compétente.La Cour a
dit dans l'affaireAmbatielos qu'elle devait s'assurer que les arguments
avancéspar 1'Etatdemandeur

«au sujet des dispositions du traité sur lesquelles la réclamation
Ambatielos est prétendument fondéesont de caractère suffisamment
plausible pour permettre la conclusion que la réclamationest fondée
sur le traité))(C.Z.J.Recuei11953, p. 18;les italiques sont de moi).

Mais le ((caractèreplausible))n'étaitpas lecritèrepermettant de conclure
que la réclamation pouvait peut-êtreêtrefondée sur le traité. Le seul
moyen d'établir en la présente instancesiles demandes de l'Iran sont fon-
déesde façon assezplausible sur le traitéde 1955consiste àaccepter pro-
visoirement que lesfaits alléguéspar l'Iran sont vrais àtinterpréter dans
cette optique les articles premier, IV et X du traitéa des finsjuridiction-
nelles,c'est-à-direpour voir s'il est possible,sur la base des faits invoqués
par l'Iran, qu'il y ait violation de l'une au moins de ces dispositions.
33. Dans l'affaire Ambatielos (1953), la Cour a rejeté l'argumentdu
Royaume-Uni qui voulait qu'elleaccepteprovisoirement les faits allégués
par le demandeur et cherche àétablirsi ces faits constitueraient ou non
une violation du traité aui était censéfaire iouer la com~étencede la

Cour. La Cour a refusél'argument pour deux raisons: la première était
que conclure que cesfaits constituevaientune violation reviendraitàfran-
chir le pas et statuer au fond; la seconde raison étaitqu'en cetteespèce
il était réservéà un autre organe de statuer au fond, la commission
d'arbitrage prévuepar le protocole de 1886.Cette contrainte-là n'inter-
vient pas dans la présente instance. Il est intéressant denoter que dans
l'affaireMavrommatis, la Cour permanente a dit qu'il luifallait, pour
établir sa compétence, voirsi les demandes grecques ((entraîneraient))
une violation des dispositions de l'article invoqué. Maiscela semblealler
trop loin. Ce n'est qu'au stade du fond, une fois exposésles moyens de
preuve et les moyens de défense éventuels que l'on peut passerdu mode
éventuel à celuide la réalité.La Cour devrait donc chercher si, d'aprèsles
faits tels qu'ils sont allégupar l'Iran, le comportement des Etats-Unis
qui fait l'objet de la plainte risquait de violer les dispositions du traité.

34. Rien dans cette approche ne met en péril l'obligationincombant à
la Cour de préserver la séparation entre la phase juridictionnelle et la
phase du fond (àmoins qu'il ait étédécidé qu'une exception préliminaire
n'avait pas un caractèreexclusivementpréliminaireau sensde l'article29,
paragraphe 2, du Règlement) ni l'obligation de protéger l'intégrité d le
procéduresur le fond. Bien entendu, n'importe quelle conclusion défini-
tive en vertu de laquelle, mêmed'aprèsles faits tels que l'Iran les décrit,
il ne saurait y avoir violation d'une disposition quelconque du traité
((concernele fond)), en ce sens qu'ilne serait plus possible d'aborder cette- and which remains pristine and untouched by this approach to the
jurisdictional issue - is to determine what exactly the facts are, whether
as finally determined they do sustain a violation of, for example,
Article X; and if so, whether there is a defence to that violation, lying
in Article XX or elsewhere. In short, it is at the merits that one sees
"whether there really has been a breach" (Mavvommatis Palestine
Concessions,Judgment No. 2, 1924, P.C.I.J., Series A, No. 2, p. 23).

35. It is clear from the jurisprudence of the Permanent Court and of
the International Court that there is no rule that requires a restrictive
interpretation of compromissory clauses. But equally, there is no evi-
dence that the various exercises of jurisdiction by the two Courts really
indicate a jurisdictional presumption in favour of the plaintiff. (1 make
no referencein these observations as to the jurisdictional standards appli-
cable for establishing a competence sufficient for the ordering of provi-
sional measures.) The Court has no judicial policy of being either liberal
or strict in deciding the scope of compromissory clauses: they are judicial
decisions like any other.

36. A final point on judicial methodology: in its Judgment the Court
has accepted certain of 'the preliminary objections, and rejected others.
This is not without precedent, as shown by the different treatment that
was accorded in the Mavvommatis case to the preliminary objections as
they related to the Jaffa and the Palestine Concessions. The Court may
properly determine that it has jurisdiction in respect of certain claims but
not in respect of others. (This approach to settling one's ownjurisdiction
is, incidentally, very familiar tohuman rights tribunals, which often are
faced with claims of violations of a variety of treaty provisions, but
decide that, for jurisdictional reasons, the applicant may only proceed to
the merits in respect of one or more of them.) Selection of grounds of
claim that may proceed to the merits is a proper exercise of the com-
pétencede la compétence.

37. It is these methodological considerations that have fashioned my
approach to the substantive consideration of Articles 1, IV and X of the
1955Treaty in the light of the United States preliminary objection. It is
necessary to decide definitively whether any of them afford a basis of
jurisdiction; and the legal threshold in this regard is exactly as it would
be with any other decision.question au fond. Mais le phénomèneest inhérent à la nature de la pro-
cédure préliminaireconcernant la compétence dela Cour. Ce qui relève
de la procédureau fond - et qui demeure intact, sans la moindre altéra-
tion quand on aborde ainsi la question juridictionnelle -, c'est d'établir
ce que sont exactement les faits et de dire, une fois qu'ils sont établisde
façon définitive,s'ilsconfirment une violation de l'article par exemple;
et, si tel est lecas, si ladite violation peut déclencher un moyen de défense
qui serait défini l'articleXX ou ailleurs. Bref, c'estau stade du fond que
l'on voit «si vraiment ces obligations ont été violées»(Concessions
Mavrommatis en Palestine, arrêtno2, 1924, C.P.J.I. sérieA no2, p. 23).
35. Il ressort clairement de la jurisprudence de la Cour permanente et

de celle d,ela Cour internationale de Justice qu'il n'ya pas de règle exi-
geant d'interpréterlesclauses compromissoires en un sens restrictif. Mais
il n'existe pas non plus de preuve que la pratique des deux Cours en
matièrejuridictionnelle permette vraiment de conclure à une présomption
sur ce plan juridictionnel en faveur du demandeur. (Je ne me réfèrepas
dans lesprésentesobservations aux normes juridictionnelles applicables à
l'établissement de la compétence voulue pour ordonner des mesures
conservatoires.) La Cour n'a pas de politique judiciaire particulièrel'inci-
tant au libéralismeou au contraire au rigorisme quand elle appréciela
portée d'uneclause compromissoire: il s'agit de rendre une décision judi-
ciaire au mêmetitre que n'importe quelle autre décision judiciaire.
36. Un dernierpoint deméthodologiejudiciaire: dansson arrêt,la Cour a
retenu certainesdes exceptions préliminaireset elle en a rejetéd'autres. Le
fait n'est pas sans précédentuisque, par exemple,dans l'affaire Mavrom-

matis, ellea traitédifféremmentlesexceptionsconcernant lesconcessionsde
Jaffa et cellesqui avaient trait aux concessionsde Palestine. La Cour peut
parfaitementétablirqu'elleestcompétenteencequiconcernecertainesréclama-
tions mais qu'ellen'a pas compétenceen cequi concerned'autres demandes.
(C'estlà une approche que, soit dit en passant, les juridictions appeléesa
se prononcer sur des litiges relatifsaux droits de l'hommeconnaissent bien
quand ellesont à établir leur propre compétencee:llessont souventsaisies de
demandes faisantétatde la violation d'unesérie dedispositionsconvention-
nellesmais décidentque, pour des raisonsjuridictionnelles,le demandeurne
peut accéder à l'examenau fond qu'en ce qui concerne une ou plusieurs
d'entreelles.)Choisir les causesd'une réclamationqu'ily a lieu d'examiner
au fond, c'est exercercommeil convientla compétencede la compétence.

37. Ce sont ces considérations méthodologiquesqui m'ont conduite à
aborder commeje l'ai fait l'examen au fond des articles premier, IV et X
du traitéde 1955qu'ilfaut mener sous l'angle de l'exception préliminaire
soulevéeDarles Etats-Unis. Il convient de déciderune fois Dour toutes si
l'une quelconque de ces dispositions confère àla Cour un titre de com-
pétence;le seuil juridique à franchir à cet égardest exactement ce qu'il
serait pour toute autredécision. 38. TheCourt was informed by Iranthat the destroyed platforms were
in active commercial use, save for Platform 7 in the Reshadat complex
and the control room at the Salman complex, which were undergoing
repairs. The United States has told the Court that the platforms were
being used for hostile military purposes. The question to be resolved is
whether, even taking pro tem Iran's versionof the facts, their destruction
could violate Articles 1,IV (1) or X (1).

39. 1 am essentially in agreement with what the Court has to say on
the application of Articles 1and IV (1) of the 1955Treaty to the facts as
claimed by Iran. In particular, 1agree that the use of force is not per se
"outside of' the 1955Treaty: the issue rather is whether the use of force
in issue could in principle cause a violation of the Treaty. 1equally agree
that neither Article 1 nor Article IV (1) provides that potentiality. My
reasons regarding Article 1are essentially those offered by the Court. My
reasons regarding Article IV (1) are to an extent different. 1 believe
that Article IV (1)clearlyrefers to the obligations of the United States to

Iranian nationals, their property and their enterprises,within the territory
of the United States; and vice versa. This follows from the stated duty
not to impair "their legally acquired rights" - the language of foreign
investment protection. It follows equally from reading Article IV (1)
to"ether with the clauses that follow. 1further believe that the kev terms
"fair and equitable treatment to nationals and companies" and "unreason-
able and discriminatory measures" are legalterms of art wellknown in the
field of overseas investment protection, which is what is there addressed.
And the well-knownmeaning givento these terms simplyhas no common
point of reference with the facts as claimed by Iran.

40. The Court has founded its jurisdiction on Article X (1) which pro-
vides that "Between the territories of the two High Contracting Parties
there shall be freedom of commerce and navigation". In the Oscar Chinn
case (Judgment, 1934, P. C.1.J., Series A/B, No. 63), as in the present
case, the Permanent Court noted that freedom of navigation and freedom
of commerce were indeed separate concepts but, in the context of the
rights under examination in that case, did not need separate examination.
Although - as the Court has observed in paragraph 38 of its Judgment

- no claim has been made by Iran relating to freedom of navigation, here
too the freedom of commerce provided for in Article X (1) still has to be
read in context. Freedom of commerce in its general senseis exactlywhat
is buttressed by the provisions of Articles VI11and IX. Read both against 38. D'après les informations communiquées à la Cour par l'Iran, les
plates-formes détruites faisaient l'objet d'une exploitation commerciale
active, sauf la plate-forme 7 du complexe de Reshadat et la salle de
contrôle du complexe de Salman où des travaux de réparation étaienten
cours. Les Etats-Unis ont quant àeux dit à la Cour que les plates-formes
étaientexploitées à des finsmilitaires hostiles. La questioà résoudreest
de savoir si, mêmequand on retient provisoirement la version iranienne
des faits, la destruction des plates-formes peut être une violationde l'ar-
ticle premier, du paragraphe 1de l'article IV ou du paragraphe 1de l'ar-

ticleX.
39. Pour l'essentiel,je souscrià ce que la Cour dit de l'application aux
faits tels que'Iran les invoque de l'article premier et du paragraphe 1de
l'article IV du traité de 1955.En particulier, je suis comme elle d'avis que
l'emploi dela force n'est pas«exclu» en tant que tel du champ d'applica-
tion du traité:le problème estplutôt de savoir si l'emploi dela force visé
en l'espècepouvait en principe entraîner une violation du traité. Je suis
également d'avis que ni l'article premier nile paragraphe 1de l'article IV
n'offre cette possibilité. Ence qui concernel'article premier, mes raisons
sont pour l'essentielcellesqu'expose la Cour. En ce qui concerne le para-
graphe 1de l'article IV,mes raisons sont en revanche assez différentes.A

mon sens, le paragraphe 1 de l'article IV vise trèsclairement les obliga-
tions incombant aux Etats-Unis à l'égard desressortissants iraniens, de
leurs biens et de leurs entreprises sur le territoire des Etats-Unis, et vice
versa. Mon interprétation découle del'obligation expressémentfaite aux
Parties de ne pas porter atteinteà ((leurs droit..légalementacquis)) -
formulenormalement appliquée à la protection des investissementsétran-
gers. Et mon interprétation tient égalementà ce queje lisce paragraphe 1
de l'article IV dans le contexte des dispositions qui suivent. Je pense en
outre que certaines formules clés, «un traitement juste et équitable aux
ressortissants et aux sociétés)),«aucune mesure arbitraire ou discrimina-
toire)), sont des expressions juridiques constamment appliquées au

domaine des investissements à l'étranger, c'est-à-dire le domaine visé
dans les dispositions en question. Et le sens couramment donné à ces
expressions n'a tout simplement rien de commun avec l'exposé desfaits
que présente l'Iran.
40. La Cour a fondésa compétencesur le paragraphe 1 de l'article X,
qui dispose: «Il y aura libertéde commerce et de navigation entre les ter-
ritoires des deux Hautes Parties contractantes.)) Dans l'affaire Oscar
Chinn (arrêt,1934, C.P.J.I. sérieA/B no63), tout comme dans la pré-
sente instance, la Cour permanente a noté que lalibertéde navigation et
la liberté de commercecorrespondaient bien à des notions distinctes mais
qu'il n'y aurait pas lieu de les examiner séparément dansle cadre des
droits soumis à examen. Comme la Cour le fait observer au para-

graphe 38 de son arrêt,l'Iran ne soutient pas qu'il ait étéporté atteinàe
sa liberté denavigation, mais il n'en faut pas moins ici égalementappré-
cier la libertéde commerce affirméeau paragraphe 1de l'article X dans le
contextedans lequel cette disposition se situe. La libertéde commerce enthe background of these articles, and in the context of the para-
graphs that follow in Article X itself, it does seem to me that the com-
merce there referred to is maritime commerce or - as in the Oscar Chinn
case - commerce integral to, closely associated with, or ancillary to
maritime commerce.

41. Were the phrase "freedom of commerce" in paragraph 1 of
Article X to have a meaning entirely distinct from al1that follows in
Article X, it would surelyeither have been located in Articles VI11or IX,
or have merited a separate article to itself. The fact that the 1955Treaty

replaced the provisional agreement of 1928(Judgment, para. 41) does not
seem to outweigh these considerations.

42. Itis suggested in the Judgment (para. 46) that "the right to . ..
operate businesses" is covered by treaties dealing with trade and com-
merce. But any such right is a right givento the nationals of the one party
in the territory of the other. Treaties of trade and commerce do not pro-
vide that party A will allow party B to operate businesses in B'sown ter-
ritory. Such a provision would be strange indeed.

43. These points apart, there is also the question as to whether
petroleum production platforms (whether engaged in actual production

at the relevant moments or not) are "commerce" within the terms of
Article X (1). The Court has persuasively shown in paragraph 45 of the
Judgment that "commerce" isgenerally understood as going beyond pur-
chase and sale and including a multitude of activities ancillary thereto. It
is equally true that petroleum is an important commercial export from
Iran to the United States. But yet a further step is required to show that
commerce is generally understood to include the means of production of
that which may, much later in the chain, form the subject matter of inter-
national commerce.

44. No authority is offered by the Court for that "step too far".

45. The quotation from the Judgment of the Permanent Court of
International Justice in the Oscar Chinn case (Judgment, 1934, P.C.I.J.,
Sevies A/B, No. 63, p. 84) cited in the Court's present Judgment
(para. 48) should not be taken out of its context. In this case the Court
was called upon to decide if, by virtue of the impact of certain Belgian
actions upon Mr. Oscar Chinn, a British river transporter in the Congo,
Belgiumhad violated its obligations towards the United Kingdom under
the Convention of Saint-Germain-en-Laye of 1919.Article 1of that Con-
vention annexed Article 1 of the General Act of Berlin of 26 February
1885 according to which "the trade of al1nations shall enjoy complete
freedom". And Article 5 of the Convention of Saint-Germain-en-Laye

provided that the navigation of the Niger and lakes within the specified PLATES-FORM PESROLIÈRES (OP.IND.HIGGINS) 859

un sens général estexactement ce qu'étaient les dispositions des ar-
ticlesVI11et IX.Dans le contexte de cesarticles-là et dans celui despara-

graphes qui suivent dans l'article X lui-même, ilme paraît que le com-
merce viséici est le commerce maritime ou, comme dans l'affaire Oscar
Chinn, le commerce intrinsèquement lié,étroitement associé,au com-
merce maritime ou tout commerce accessoiredu commerce maritime.
41. Si l'expression ((liberté de commerce))qui figure au paragraphe1
de l'article X était entendue en un sens totalement distinct de tout ce qui
suit dans l'article X lui-même,elle aurait certainement étéformulée à
l'article VI11ou à l'article IX, ou bien elle auraàtelle seule fait l'objet
d'un article séparé.Le fait que le traitéde 1955ait remplacél'accord pro-
visoire de 1928(arrêt, par.41) ne me paraît pas avoir plus de poids que
ces considérations-là.
42. L'arrêtlaisse entendre (par. 46) que les traités portant sur des
questions commerciales couvrent «le droit..d'exploiter des entreprises)).
Mais tout droit de ce type est un droit conférépar les ressortissants

de l'une des parties sur le territoire de l'autre. Les traités relatifs aux
échangeset au commerce ne disent pas que la partie A autorisera la par-
tie B àexploiter des entreprises sur le propre territoire de cette partie B.
Ce serait là une disposition fort étrange.
43. A côté deces différentspoints,il sepose aussi la question de savoir
sides plates-formes de production pétrolière(qu'ellessoient ou non effec-
tivement affectéesà une activité deproduction aux moments pertinents)
font du «commerce» au sens du paragraphe 1 de l'article X. La Cour
montre de façon convaincante au paragraphe 45 de son arrêtque le mot
«commerce», suivant l'interprétation habituelle, ne se limite pas aux
seulesactivitésd'achat et de vente et désignetoute une gamme d'activités
accessoires liéesau commerce. Il est égalementvrai que le pétrole fait
l'objet d'exportations commerciales importantes de l'Iran vers les Etats-

Unis. Mais il faut encore franchir un pas supplémentairepour montrer
que le commerce s'entend généralementaussi des moyens de production
du produit qui peut, à un stade beaucoup plus lointain de la chaîne, être
objet mêmede commerce international.
44. Or, la Cour n'autorise nullement à franchir encore ce qui serait un
«pas de trop)).
45. La citation tiréede l'arrêtrendu par la Cour permanente de Justice
internationale dans l'affaire Oscar Chinn (arrêt,1934, C.P.J.I. sérieA/B
no 63, p. 84) que la Cour retient dans son arrêten l'espèce(par. 48) ne
doit pas êtreconsidéréehors contexte. La Cour permanente avait à déci-
der si, sous l'effet de certaines actions belges visant M. Oscar Chinn,
transporteur britannique sur le fleuve Congo, la Belgique avait violéles
obligations lui incombant à l'égard du Royaume-Uni au titre de la
convention de Saint-Germain-en-Layede 1919.L'article premier dela con-

vention de Saint-Germain incorporait l'article premier de l'acte général
de Berlin du 26 février1885aux termes duquel «le commerce de toutes
les nations jouira d'une complète liberté)).Et l'article 5 de la conven-
tion de Saint-Germain-en-Laye disposaitque la navigation sur le Niger etterritories "shall be entirely free for merchant vessels and for the trans-
port of goods and passengers". Further, craft of every kind belonging to
the signatory Powers "shall be treated in al1respects on a footing of per-
fect equality".

46. The Court found that, in the Saint-Germain régime, fluvialtrans-
port was a branch of commerce and that freedom of commerce ("com-
mercial freedom") was expressly contemplated (Oscar Chinn, Judgment,
1934, P. C.I.J., Series A/B, No. 63, pp. 81and 83).It was but a short step
for the Permanent Court to find that freedom of trade guaranteed the
right to engage in any commercial activity, including "industry, and in
particular the transport business" (ibid., p. 84).

47. The fluvial transportation industry was an integral part of the
trade envisaged under Article 5 of the Saint-Germain Convention in a
way that oil production is not an integral part of what was envisaged
under Article X of the 1955Treaty of Amity, Economic Relations and
Consular Rights between Iran and the United States. Moreover, the
aggrieved party was a foreigner, complaining about the actions of the

host State. The Oscar Chinn case cannot, in my view, be relied on as
authority for the proposition that the legality of the destruction of oil
platforms falls to be decided by reference to the treaty obligation of free-
dom of commerce.
48. Nor is the situation saved, in my view, by the contention that
"freedom of commerce", even if not "commerce" itself,covers that which
is produced and which may perhaps at a later stage be exported, perhaps
to the United States (cf. the present Judgment, para. 50).

49. Were the standard required for deciding any of the above matters
mere "reasonable connection" or "provisional conclusion", then I con-
cede that this test might well be met. But, for the reasons I have elabo-
rated above, the Court must have available to it substantive reason to
support a definitive finding.

50. Iran emphasized in its pleadings to the Court that the oil produced
in the Reshadat field passed through a central platform within the com-
plex, in order to be passed by pipeline to the storage and loading facilities
at Lavan Island. It was also contended that it was from platform A on
the Nasr complex that oil was transported by pipeline to the loading,

storage and export facilities at Sirri Island. If that is so (and these asser-
tions of fact are not conceded by the United States and until the merits
cannot be adjudicated), then those particular platforms may be regarded
as integral to the transport of oil to tanker loading points (and not just
its production). Iran informed the Court that the United States attacks
were directed at the Reshadat central platform and the Nasr complex A
platform. Accordingly, their destruction might occasion a violation of PLATES-FORM PÉTROLIÈRES (OP.IND.HIGGINS) 860

les lacs situéssur certains territoiresera..entièrementlibre aussi bien
pour lesnaviresde commerceque pour letransport desmarchandiseset des
voyageurs. »En outre, les bateaux de toute nature appartenant aux ressor-
tissants des puissances signataires ((seront traités, sous tous les rapports,
sur un pied d'une parfaite égalité.
46. La Cour permanente a constatéque, dans le cadre du régimeétabli
par la convention de Saint-Germain, l'industrie des transports fluviaux
rentrait dans l'activité commerciale etaue la liberté de commerce (la

((libertéommerciale») étaitenvisagéeexpressément(Oscar Chinn, arrêt,
1934, C.P.J.I. sévieA/B no63, p. 81 et 83). La Cour permanente n'avait
donc plus qu'à franchir un pas trèsbref pour constater que la libertédu
commercegarantissait le droit de selivreràtoute activité commerciale,et
que celle-cipouvait s'appliquerà ((l'industrie et notammentà l'industrie
des transports))(ibid p..,4).
47. L'industrie destransports fluviauxfaisait partie intégrantedu com-
merce tel que celui-ciétaitenvisagà l'article 5 dela convention de Saint-
Germain, mais la production de pétrole nefait pas sur le mêmemode
partie intégrantede ce qui a étéenvisagé à l'article X du traitéd'amitié,
de commerce et des droits consulaires conclu en 1955entre l'Iran et les
Etats-Unis. En outre, la partie lésde l'époqueétaitun étranger quifai-

sait grief de son comportement à 1'Etat hôte. L'affaire Oscar Chinnne
peut pas à mon avis autoriserà soutenir qu'il faut apprécier la légalité de
la destruction des plates-formes pétrolièrespar rapport à l'obligation
conventionnelle d'assurer la liberté de commerce.
48. Et l'on ne sauve pas non plus la situation,à mon sens, en soute-
nant que la «libertéde commerce)), mêmesi elle ne correspond pas au
«commerce» lui-même, s'étend à tout ce qui est produit et qui peut ulté-
rieurement peut-êtreêtreexportéet êtreexportépeut-êtreaux Etats-Unis
(voir présentarrêt, par.50).
49. Si, pour se prononcer sur l'un quelconque des points ci-dessus, il
était possible de se contenter d'établir un «lien raisonnable)) ou une

«conclusion provisoire)),j'admets que le critère est peut-êtredûment res-
pecté. Mais,pour les motifs que j'ai développés plushaut, la Cour doit
pouvoir s'appuyer sur une solide raison de fond à mêmed'étayerune
conclusion de caractère définitif.
50. Dans ses piècesécrites,l'Iran a fait valoir que le pétrole extraitdu
gisement de Reshadat passait par une plate-forme centrale du complexe
pour êtreacheminépar oléoduc jusqu'aux installations d'emmagasinage
et de chargement de l'îledeLavan. L'Iran dit aussi que c'eàtpartir de la
plate-forme A du complexe de Nasr que le pétroleétait transporté par
oléoducaux installations de chargement, d'emmagasinage et d'exporta-
tion de l'îledeirri. Sitel est lecas (et les Etats-Unis ne reconnaissent pas
les faits ainsi exposés,lesquelsne peuvent pas êtreétablisdans un sens ou

un autre avant le stade du fond), les plates-formes en question peuvent
alors êtreconsidérées commefaisant partie intégrante du transport du
pétrolejusqu'aux points de chargement sur pétroliers (et commene rele-
vant pas uniquement de la production pétrolière).L'Iran a fait savoàrlaArticle X (1). That transportation (or "carriage of goods") is an essential
part of commerce is well recognized in the leading textbooks on the sub-
ject, as well as in the citations relied on by the Court in paragraphs 45
and 46 of its Judgment.

51. It is on these very limited grounds that 1 have voted in favour of
the Court's disposiit nithis case. They provide a sufficientlysubstantive
ground for the existenceunder Article XX1 (2) of a dispute between Iran
and the United States concerning the application and interpretation of
Article X (1) of the 1955 Treaty, as it bears on the destruction of the
Reshadat and Nasr complex. 1do not believethe Court has any jurisdic-
tion over the destruction of the Salman complex, where no comparable
allegations of fact were made as to the transportational function of the
installations destroyed.

52. It willbe for the United States, upon the merits, to challenge Iran's
allegations of fact as to the technical, operational character of the par-
ticular installations destroyed and to seek to make good its own claims
that they were being put to military use. The United States will also be
able to adduce al1defences open to it.

(Signed) Rosalyn HIGGINS. PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP. IND.HIGGINS) 861

Cour que les attaques des Etats-Unis visaient la plate-forme centrale de
Reshadat et la plate-forme A du complexe de Nasr. Par conséquent, la
destruction de ces plates-formes pourrait entraîner violation du para-
graphe 1 de l'article X. Les manuels qui font autorité disent clairement
que le transport (c'est-à-dire le ((transport de marchandises))) est un
aspect fondamental du commerce et c'est ce qui ressort également des
citations que la Cour retient aux paragraphes 45 et 46 de son arrêt.
51. C'est pour ces raisons très étroites quej'ai votépour le dispositif
de la Cour en l'espèce. Cesmotifs étayent suffisammentl'existence, au
titre du paragraphe 2 de l'article XXI, d'un différendentre l'Iran et les
Etats-Unis concernant l'application et l'interprétation du paragraphe 1
de l'article X du traitéde 1955car le différend met alorsen cause la des-
truction du complexede Reshadat et de Nasr. Je ne crois pas que la Cour

soit compétente en ce qui concerne la destruction du complexe de Sal-
man, au sujet de laquelle il n'a pas étformuléd'allégationsde fait com-
parables en ce qui concerne le rôle de moyen de transport qu'auraient
jouéles installations détruites.
52. Il appartiendra aux Etats-Unis, au stade du fond, de contester
les allégations de fait formuléespar l'Iran quant au caractère propre-
ment technique des installations détruites etde tenter de prouver que ces
installations, comme ils le soutiennent, étaientexploitéesà des fins mili
taires. Les Etats-Unis pourront aussi faire valoir tous les moyens dont
ils disposent.

(SignéR )osalyn HIGGINS.

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Opinion individuelle de Mme. Higgins (traduction)

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