Opinion individuelle de M. Ranjeva

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090-19961212-JUD-01-02-EN
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090-19961212-JUD-01-00-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. RANJEVA

J'ai votéen faveur du présentarrêtpour deux raisons:

- sur le fond du droit de la procédure: la solution retenue par la Cour
s'impose. Il étaitnécessaire etsuffisant qu'un des moyens invoqués
par le défendeurdans sa demande d'exception préliminairefût écarté
pour que la compétence de laCour fût fondée;

- sur la structure du dispositif: en statuant en un seul article sur le sort

réservé àla demande introduite par la Partie défenderesse,l'arrêtest
respectueux de la distinction à établir entre d'une part l'exception
préliminairestricto sensu,c'est-à-dire la demande incidente introduite
par le défendeurpour faire écarter la demande principale, et d'autre
part les moyens exposéspour soutenir l'exception préliminaire. En
structurant le dispositif tel qu'il est dans son paragraphe 55 l'arrêt
contribuera à faciliter la compréhension de sesdécisions.

Mais la référenceà l'article X du traitéde 1955(voir ci-après1)est cri-
tiquable en raison des problèmesjuridiques liés à un risque de confusion
qu'on peut commettre dans l'interprétation du présentarrêt à propos du
titre de compétence dela Cour (II); des relations véritablesentre excep-
tions préliminaires et question de fond (III); et la question du préjugé
dans un arrêtavant-dire droit (IV).

La lecture du dispositif de l'arrêtcréeune certaine confusion dans
l'esprit du lecteur. En effet, on peut interpréteret le dispositif et la struc-
ture du raisonnement comme fondant la compétence dela Cour sur les
dispositions du premier paragraphe de l'article X du traitéde 1955,pris
isolément.La Cour rejette ou retient l'exception sur la base de I'interpré-
tation qu'elle donne des articles invoqués1, IV et X. En posant, à juste
titre, la question de savoir si le différend soumisdevant elle entrait dans
les prévisionsdela clause compromissoire, la Cour n'est-ellepas alléeau-

delà de l'objet stricto sensu de la présente phase incidente?Cette question
pose le problème du véritable titre de compétence de laCour.843 PLATES-FORM PETROLIÈRES (OP.IND.RANJEVA)

II. TITREDE COMPÉTENCE DE LA COUR

Le titre de compétence de la Cour est, dans le présent litige,la clause
compromissoire dont les termes ne soulèvent aucune difficultéd'interpré-
tation.Ratione materiae la clause compromissoire vise expressis vevbis

les différends ayant pour objet ((l'interprétation ou l'application» du
traité de1955. Aussi est-ceà juste titre que la Cour n'a pas retenu les
notions de lien raisonnable, condition que la Partie défenderessea tenté
de plaider. La jurisprudence en la matière est constante.
Mais, en se posant la question de savoir si le différend soumisdevant
elle entrait dans les prévisions de la clause compromissoire, la Cour a
transposé la méthode qu'ellea suivie dans l'affaire deApplication de la
conventionpour lapréventionet la répressiondu crime de génocide(Bos-
nie-Herzégovine c. Yougoslavie). Mais n'est-elle pas allée au-delà de
l'objet de la procédure d'exception préliminairejusqu'à poser le pro-

blèmede la distinction entre les questions relevant de l'examen du fond
de la demande et celles devant êtrerésoluesau stade actuel de la pro-
cédure ?

111.EXCEPTION D'INCOMPÉTENCE ET QUESTIONS DE FOND

Les exceptions préliminaires sont le plus souvent envisagéesdans leur
portéeet non dans leur définition intrinsèque, caril n'est pas aisé de faire
le départ entre ces questions préliminaires et celles relevant du fond,

lorsqu'il y a lieu d'avoir affaire cas concret. L'essentiel n'est pas de
faire Œuvrethéoriquemais montre de sens pratique et utile: vider défini-
tivement les problèmes liésà la compétence et veillerà ne pas affecter
autant les moyens de défense au fond des parties litigantes. La compa-
raison du présent arrêt avec celui de l'affaire de l'Application de la
conventionpour lapréventionet la répression ducrime de génocide(Bos-
nie-Herzégovinec. Yougoslavie) amène à s'interroger sur l'étendue de
l'analyse des moyens de droit tirésdes articles du traitédont la violation
est alléguéepar la Partie demanderesse. Il y a en effet apparemment des
différencesqu'il convient de soulever bien que les situations de droit et de
fait ne soient identiques ni transposables.

Avec tout le respect dûà la Cour, il convient d'observer que la Cour a
fait une inexacte application de la jurisprudence de l'affaire du génocide.
La différenceentre les deux affaires tient au fait que dans le présentlitige
la clause compromissoire définissaitatione materiae la compétencede la
Cour: différend relatifà l'interprétation ouà l'application du traité.
Dans l'affaire del'Application de la convention pour la préventionet la
répressiondu crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie)
l'exception d'incompétenceratione materiae portait sur I'applicabilité de
la convention à un type particulier d'acte: le génocidecommis par un
Etat. Dans cesconditions l'applicabilitéde la clausecompromissoire était

subordonnée par la réponse à une question préalable portant sur le844 PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.IND. RANJEVA)

domaine d'application de la convention de 1948.Dans la présenteespèce,
si la condition nécessaireétait satisfaite, elle apparaissait néanmoins
insuffisante aux yeux de la Cour.
Il ne suffit pas que les parties soutiennent des propositions contraires
pour qu'un différend soitétabli;en effet il appartienà la Cour non pas
de se limiterà une interprétation passive de sa fonction judiciaire en se
contentant de prendre acte des divergencesdesthèsesen soi. Elle doit éta-
blir le caractère plausible de chacune d'ellespar rapport aux dispositions

de référencequ'eslte texte du traitéet de sesarticles. Il revànla Cour
de vérifieret d'établir lesquelsdesarguments semblent devoir êtreadmis.
En d'autres termes il ne s'agit pas, au stade des exceptions préliminaires,
de dire que lespropositions sont vraies ou fausses au regard du droit mais
de les analyser pour s'assurer qu'ellesn'ont rien d'absurde ni de contraire
à la norme juridique de droit positif. Les exigences de la logique et le
souci de réalisme,liésàl'interprétation juridique et judiciaire, amènànt
envisager,lors de l'examen des élémentsde fait et dedroit aux termes des
paragraphes 2, 5 et 6 de l'article 79 du Règlement, une classificationdes
propositions selonleur degré de probabilitéou de possibilité.Mais en rai-
son de la nature consensuelle du fondement de sa compétence, laCour
s'impose une contrainte particulière sa démarche: entre le possible et le

probable celui-ci doit recueillir sa préférence; l'aspect subjectif del'idée
de possibilité confèreun degrémoindre d'assentiment à cette modalité
par rapport à celle de probabilité. Cette exigence est de rigueur: en
matière de compétence de laCour la règlede l'interprétation stricte du
consentement est incoercible.

Mais la mise en pratique de ces principes n'est pas pour autant aisée.
Le caractère équipollentdu niveau de qualitéde l'argumentation respec-
tive des parties n'offre au juge qu'une aire restreinte pour adjuger de la
rencontre des arguments. La difficultétient au fait que dans une procé-
dure incidente d'exception préliminaire et malgréla souplesse qui carac-
tériselesdispositions de l'article 79 du Règlement,le défendeurn'a aucun

intérêtà ce que l'affaire soitjugéeau fond ou mêmesimplement discutée
avant le prononcé d'une décisionsur la compétence.Ces considérations
amènent à apprécierà leur juste valeur les idées selon lesquellesle règle-
ment judiciaire des différends tout comme l'exercice de sa compétence
par la Cour auraient un caractère exceptionnel. L'idée d'incompétence
serait, en quelque sorte, psychologiquement antérieurà celle de la com-
pétence. Ainsi qu'ila été maintes fois rappelél,e règlementjuridictionnel
n'est que le succédanédu règlement diplomatique, la thèse de l'incompé-
tence de principe serait, alors, la confirmation de la place véritable recon-
nue à l'institution judiciaire. Mais en s'imposant de considérer comme
douteuses les propositions sur lesquelles on invoque sa compétence,

la Cour, dans la phase de la procédure préliminaire, metà l'épreuveces
thèsesen rejetant dans le domaine du possible ce qui n'est pas démontré
pour ne retenir que le cadre probable au sein duquel se circonscrit l'ins-
tancejudiciaire. En agissant de cette façon, la Cour assure la plénitude de 845 PLATES-FORM PETROLIÈRES (OP.IND.RANJEVA)

sa fonction juridictionnelle et la pleine effectivité du consentementa
compétencejudiciaire.
A moins que l'exception ne porte sur la compétence de la compétence
comme dans l'affaire du génocideou sur l'exception àcaractère général
soulevéedans la présente affaire,la conclusion que la Cour peut prendre
se limità une réponse affirmative ou négativeà la demande d'exception
sous risque de soulever un problème de préjugé. En1972, la possibilité

d'une exceptionn'ayant pas un caractère exclusivementpréliminairea été
entendue de manière restrictive voire trèsexceptionnelle.

IV. LE PRÉJUGÉ DANS LE PRÉSENT ARRÊT

La mise en Œuvre de ces principes méthodologiques a abouti dans le
présentarrêt à un préjugé susceptibled'hypothéquerla suite de la procé-
dure lorsque l'arrêt aprocédé à l'examen des articles du traitéd'amitié,
de commerceet de droits consulaires de 1955.L'interprétationde l'article
premier a étéeffectuéeau détriment del'exégèseL . a solution de conti-
nuité consacréepar la formalisation dans l'article premier des obligations

d'amitiéet de paix n'a pas été suffisammentévaluée à sajuste mesure. La
Cour a privilégié,au contraire, la référenceaux idéesque les pratiques
des Etats sefont de l'objet destraitésd'amitié, de commerceetde naviga-
tion. Si l'interprétationmaximaliste selon'Iran ne peut êtreretenue, il est
néanmoinsdifficilede n'y trouver que des principes exhortatifs alors que
précisément l'innovation exceptionnelledu traitéde 1955résidedans le
transfert de ces concepts de paix et d'amitiédu domaine des préambules
vers le corps des règlesde droit positif conventionnel. Si pour des raisons
psycho-politiques l'idéed'une obligation positive de paix ou d'amitié
peut paraître non pertinente, la conception que se fait l'arrêt del'idéede
commerce ne justifie pas une interprétation aussi restrictive de l'article
introductif du traitéau point de ne mêmepas énoncerl'existenced'une

obligation négativede comportement inhérenteaux prescriptions d'amitié
et de paix.
En revanche, malgré l'affirmation selon laquelle l'article premieravait
pour fonction d'éclairer la compréhension desautres dispositions du
traité,il esà déplorer quel'interprétationde l'article IV ait effectuée
dans un cadre analytique c'est-à-dire de manière autonome. En effet,
prima facie le traitement viséaudit article envisage celui des étrangers
dans le cadre classique du droit international, c'est-à-dire les conditions
de jouissance des droits par un étranger. Mais les effets combinés de
l'exclusion de la référenceterritoriale et des dis~ositions de l'article Dre-
mier amènent àposer le problème de la validité del'interprétation que

retient l'arrêtdu concept de traitement.l est indiscutable qu'en soi l'idée
de traitement vise fréquemment des considérations essentiellementfor-
melles; elles sont relativesla formalisation, dans des actes législatifsou
réglementaires, de la manièredont un Etat s'acquitte de ses obligations
vis-à-visde son partenaireàl'égarddesressortissants et desentreprises de846 PLATES-FORMES PÉTROLIERES (OP. IND.RANJEVA)

ce dernier. Mais est-on parfaitement fondé de penser que l'article IV
excluait de son champ d'application les comportements effectifs et volon-
taires des parties contractantesl'égard d'entreprises relevant del'autre?
Le langage courant, entre autres significations, désigne aussipar traite-
ment: l'attaque et la destruction d'un objectif militaire (voir dictionnaire
Le Robert). Par ailleurs, en statuant de manière négativesur le point de
savoir si les actions de destruction des plates-formes pétrolièresétaient

viséespar l'article IV, l'arrêtexclut l'applicabilité de cette disposition
des comportements consistant à traiter une entreprise en otage dans une
conjoncture de relations d'hostilitéentre les partieà la convention de
1955.La réponse nepeut que résulter de l'examendu fond de l'affaire.
Enfin dans la mesure où le premier paragraphe de l'article X a été
retenu comme la base de la compétence de la Cour et en raison des dis-
positions de l'article0 du Règlement sur les demandes reconvention-
nelles, une question se poseà propos de l'intégrité dedroits des Etats-
Unis d'Amérique:comment s'établitle lien de connexitéentre la liberté
du commerce et de navigation avec une éventuelle demande en répara-
tion pour destruction de navires de guerre?

Ces considérationsliées des exigencesde prudencejudiciaire fixent les
limites de l'objet des débatspréliminairesafin d'éviterles risques de pré-
jugés. La rupture doit êtredéfinitivement consomméeentre l'objet de
l'exception préliminaire de l'articledu Règlement dece qu'on appelle
base de compétence. L'exceptionne porte que sur la compétence de la
Cour ou bien sur la recevabilitétandis que ce qu'on désignepar base de
compétence couvrelesmoyens exposés àl'appui de la demande. Dans ces
conditions l'interprétation des ((bases de compétence)) n'affectepas les
droits des parties si elleest limitéerencontre des arguments sur le seul
terrain de la vraisemblance des thèsesexposéespar rapport àla problé-
matique inhérenteaux termes des dispositions dont la violation est invo-

quéepar la Partie demanderesse. La référence àl'article X du traitédans
le second alinéa du dispositif de l'arrêtparaît dans ces conditions
critiquable.

(SignéR )aymond RANJEVA.

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OPINION INDIVIDUELLE DE M. RANJEVA

J'ai votéen faveur du présentarrêtpour deux raisons:

- sur le fond du droit de la procédure: la solution retenue par la Cour
s'impose. Il étaitnécessaire etsuffisant qu'un des moyens invoqués
par le défendeurdans sa demande d'exception préliminairefût écarté
pour que la compétence de laCour fût fondée;

- sur la structure du dispositif: en statuant en un seul article sur le sort

réservé àla demande introduite par la Partie défenderesse,l'arrêtest
respectueux de la distinction à établir entre d'une part l'exception
préliminairestricto sensu,c'est-à-dire la demande incidente introduite
par le défendeurpour faire écarter la demande principale, et d'autre
part les moyens exposéspour soutenir l'exception préliminaire. En
structurant le dispositif tel qu'il est dans son paragraphe 55 l'arrêt
contribuera à faciliter la compréhension de sesdécisions.

Mais la référenceà l'article X du traitéde 1955(voir ci-après1)est cri-
tiquable en raison des problèmesjuridiques liés à un risque de confusion
qu'on peut commettre dans l'interprétation du présentarrêt à propos du
titre de compétence dela Cour (II); des relations véritablesentre excep-
tions préliminaires et question de fond (III); et la question du préjugé
dans un arrêtavant-dire droit (IV).

La lecture du dispositif de l'arrêtcréeune certaine confusion dans
l'esprit du lecteur. En effet, on peut interpréteret le dispositif et la struc-
ture du raisonnement comme fondant la compétence dela Cour sur les
dispositions du premier paragraphe de l'article X du traitéde 1955,pris
isolément.La Cour rejette ou retient l'exception sur la base de I'interpré-
tation qu'elle donne des articles invoqués1, IV et X. En posant, à juste
titre, la question de savoir si le différend soumisdevant elle entrait dans
les prévisionsdela clause compromissoire, la Cour n'est-ellepas alléeau-

delà de l'objet stricto sensu de la présente phase incidente?Cette question
pose le problème du véritable titre de compétence de laCour. SEPARATE OPINION OF JUDGE RANJEVA

[Translation]

1voted in favour of the Judgment for two reasons:

- on the legal basis of the proceedings: the solution adopted by the
Court is the only possible one. It was necessary and sufficient that
one of the grounds relied upon by the Respondent in its preliminary
objection should be dismissed to ensure that the jurisdiction of the

Court was founded.
- on the structure of the operative paragraph: by adjudicating, in one
singleparagraph, on the fate reserved for the claim filedby the Appli-
cant, the Judgment respects the distinction which must be drawn
between the preliminary objection stricto sensu on the one hand, in
other words, the incidental claim submitted by the Respondent with a
view to having the principal claim set aside and, on the other hand,
the grounds set out in support of the preliminary objection. But
the structure adopted for operative paragraph 55 of the Judgment
will facilitate an understanding of the various decisions which are
part of it.

However, the reference to Article X of the 1955Treaty (see 1 below)

can be criticized owing to the legal problems associated with a danger of
possible confusion in interpreting the Judgment in relation to the Court's
title of jurisdiction (II); owing also to the actual relations between pre-
liminary objections and the merits (III); and owing to the question of
prejudging the issue in an interlocutory judgment (IV).

The reader may be somewhat confused by the operative paragraph of
the Judgment. For both the operative paragraph and the structure of the
reasoning can be interpreted as founding the jurisdiction of the Court on

the provisions of Article X, paragraph 1, of the 1955 Treaty, taken in
isolation. The Court rejects or accepts the objection on the basis of its
interpretation of Articles 1, IV and X relied on. In quite rightly raising
the question whether the dispute before the Court fell within the provi-
sions of the compromissory clause, did the Court not go beyond the sub-
ject-matter stricto sensu of the incidental proceedings? This question
raises the problem of the Court's actual title of jurisdiction.843 PLATES-FORM PETROLIÈRES (OP.IND.RANJEVA)

II. TITREDE COMPÉTENCE DE LA COUR

Le titre de compétence de la Cour est, dans le présent litige,la clause
compromissoire dont les termes ne soulèvent aucune difficultéd'interpré-
tation.Ratione materiae la clause compromissoire vise expressis vevbis

les différends ayant pour objet ((l'interprétation ou l'application» du
traité de1955. Aussi est-ceà juste titre que la Cour n'a pas retenu les
notions de lien raisonnable, condition que la Partie défenderessea tenté
de plaider. La jurisprudence en la matière est constante.
Mais, en se posant la question de savoir si le différend soumisdevant
elle entrait dans les prévisions de la clause compromissoire, la Cour a
transposé la méthode qu'ellea suivie dans l'affaire deApplication de la
conventionpour lapréventionet la répressiondu crime de génocide(Bos-
nie-Herzégovine c. Yougoslavie). Mais n'est-elle pas allée au-delà de
l'objet de la procédure d'exception préliminairejusqu'à poser le pro-

blèmede la distinction entre les questions relevant de l'examen du fond
de la demande et celles devant êtrerésoluesau stade actuel de la pro-
cédure ?

111.EXCEPTION D'INCOMPÉTENCE ET QUESTIONS DE FOND

Les exceptions préliminaires sont le plus souvent envisagéesdans leur
portéeet non dans leur définition intrinsèque, caril n'est pas aisé de faire
le départ entre ces questions préliminaires et celles relevant du fond,

lorsqu'il y a lieu d'avoir affaire cas concret. L'essentiel n'est pas de
faire Œuvrethéoriquemais montre de sens pratique et utile: vider défini-
tivement les problèmes liésà la compétence et veillerà ne pas affecter
autant les moyens de défense au fond des parties litigantes. La compa-
raison du présent arrêt avec celui de l'affaire de l'Application de la
conventionpour lapréventionet la répression ducrime de génocide(Bos-
nie-Herzégovinec. Yougoslavie) amène à s'interroger sur l'étendue de
l'analyse des moyens de droit tirésdes articles du traitédont la violation
est alléguéepar la Partie demanderesse. Il y a en effet apparemment des
différencesqu'il convient de soulever bien que les situations de droit et de
fait ne soient identiques ni transposables.

Avec tout le respect dûà la Cour, il convient d'observer que la Cour a
fait une inexacte application de la jurisprudence de l'affaire du génocide.
La différenceentre les deux affaires tient au fait que dans le présentlitige
la clause compromissoire définissaitatione materiae la compétencede la
Cour: différend relatifà l'interprétation ouà l'application du traité.
Dans l'affaire del'Application de la convention pour la préventionet la
répressiondu crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie)
l'exception d'incompétenceratione materiae portait sur I'applicabilité de
la convention à un type particulier d'acte: le génocidecommis par un
Etat. Dans cesconditions l'applicabilitéde la clausecompromissoire était

subordonnée par la réponse à une question préalable portant sur le II. THECOURT'T SITLEOF JURISDICTION

In this case, the Court's title of jurisdiction is the compromissory
clause, whose terms present no problems of interpretation. Ratione
materiae, the compromissory clause refers expressis verbis to disputes
whose subject-matter is "the interpretation of the application" of the
1955 Treaty. The Court was therefore quite justified in not accepting
the concepts of a reasonable link, a condition which the Respondent
sought to argue. The case-law on this subjects consistent.
However, by questioning whether the dispute submitted to it fellwithin
the provisions of the compromissory clause, the Court transposed the
method it followed in the case concerningApplication of the Convention
on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide (Bosnia and

Herzegovina v. Yugoslavia). Yet did it not go beyond the subject-matter
of the preliminary objection proceedings, by raising the problem of
the distinction between questions falling within the consideration of the
merits of the claim and questions which needed to be resolved at the
present stage of the proceedings?

III. OBJECTION RESGARDINJG URISDICTION AND MATTER SF SUBSTANCE

As a rule, it is the scope and purpose of preliminary objections that are
considered, not their intrinsic definition, for it is not easy to distinguish
between these preliminary matters and those relating to the merits when
a specificcaseis concerned. What counts is not to engage in theorizing

but to display sound practical sense: to settle the problems regarding
jurisdiction and tonsure that the defenceson the merits of the parties in
contention are not adversely affected. A comparison between this Judg-
ment and the one in the case concerning Application of the Convention on
the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide (Bosnia and
Herzegovina v. Yugoslavia) raises the question of the scope of the ana-
lysis of the legal grounds derived from the Treaty Articles which the
Applicant claims have been breached. Indeed, there would appear to be
differences which need to be considered even though the situations of
law and of fact are neither identical nor transposable.
With al1 due respect to the Court, it must be observed that it has
wrongly applied the decision in the genocidecase. The differencebetween
the two cases resides in the fact that, in the present one, the compromis-
sory clause definedratione materiae the jurisdiction of the Court: a dis-

pute relating to the interpretation or application of the Treaty. In the
case concerning Application of the Convention on the Prevention and
Punishment of the Crime of Genocide (Bosnia and Herzegovina v. Yugo-
slavia), the objection regarding jurisdiction ratione materiae related to
the applicability of the Convention to a particular type of act: genocide
committed by a State. The applicability of the compromissory clause was
thus rendered subordinate by the reply to a preliminary question con-844 PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.IND. RANJEVA)

domaine d'application de la convention de 1948.Dans la présenteespèce,
si la condition nécessaireétait satisfaite, elle apparaissait néanmoins
insuffisante aux yeux de la Cour.
Il ne suffit pas que les parties soutiennent des propositions contraires
pour qu'un différend soitétabli;en effet il appartienà la Cour non pas
de se limiterà une interprétation passive de sa fonction judiciaire en se
contentant de prendre acte des divergencesdesthèsesen soi. Elle doit éta-
blir le caractère plausible de chacune d'ellespar rapport aux dispositions

de référencequ'eslte texte du traitéet de sesarticles. Il revànla Cour
de vérifieret d'établir lesquelsdesarguments semblent devoir êtreadmis.
En d'autres termes il ne s'agit pas, au stade des exceptions préliminaires,
de dire que lespropositions sont vraies ou fausses au regard du droit mais
de les analyser pour s'assurer qu'ellesn'ont rien d'absurde ni de contraire
à la norme juridique de droit positif. Les exigences de la logique et le
souci de réalisme,liésàl'interprétation juridique et judiciaire, amènànt
envisager,lors de l'examen des élémentsde fait et dedroit aux termes des
paragraphes 2, 5 et 6 de l'article 79 du Règlement, une classificationdes
propositions selonleur degré de probabilitéou de possibilité.Mais en rai-
son de la nature consensuelle du fondement de sa compétence, laCour
s'impose une contrainte particulière sa démarche: entre le possible et le

probable celui-ci doit recueillir sa préférence; l'aspect subjectif del'idée
de possibilité confèreun degrémoindre d'assentiment à cette modalité
par rapport à celle de probabilité. Cette exigence est de rigueur: en
matière de compétence de laCour la règlede l'interprétation stricte du
consentement est incoercible.

Mais la mise en pratique de ces principes n'est pas pour autant aisée.
Le caractère équipollentdu niveau de qualitéde l'argumentation respec-
tive des parties n'offre au juge qu'une aire restreinte pour adjuger de la
rencontre des arguments. La difficultétient au fait que dans une procé-
dure incidente d'exception préliminaire et malgréla souplesse qui carac-
tériselesdispositions de l'article 79 du Règlement,le défendeurn'a aucun

intérêtà ce que l'affaire soitjugéeau fond ou mêmesimplement discutée
avant le prononcé d'une décisionsur la compétence.Ces considérations
amènent à apprécierà leur juste valeur les idées selon lesquellesle règle-
ment judiciaire des différends tout comme l'exercice de sa compétence
par la Cour auraient un caractère exceptionnel. L'idée d'incompétence
serait, en quelque sorte, psychologiquement antérieurà celle de la com-
pétence. Ainsi qu'ila été maintes fois rappelél,e règlementjuridictionnel
n'est que le succédanédu règlement diplomatique, la thèse de l'incompé-
tence de principe serait, alors, la confirmation de la place véritable recon-
nue à l'institution judiciaire. Mais en s'imposant de considérer comme
douteuses les propositions sur lesquelles on invoque sa compétence,

la Cour, dans la phase de la procédure préliminaire, metà l'épreuveces
thèsesen rejetant dans le domaine du possible ce qui n'est pas démontré
pour ne retenir que le cadre probable au sein duquel se circonscrit l'ins-
tancejudiciaire. En agissant de cette façon, la Cour assure la plénitude decerning the scope of application of the 1948 Convention. In Our
case, although the necessary condition was met, it nevertheless seemed
inadequate in the eyes of the Court.
That the Parties put forward conflicting propositions is not in itself
sufficientto establish the existence of a dispute; the Court must not limit
itself to a passive interpretation of its judicial function, contenting itself
with taking note of the divergence of views as such. It must establish the
plausibility of each of them in relation to the benchmark provisions
which are the text of the Treaty and its Articles. The Court's task was to
verify and establish which of the arguments seemed admissible. In other
words, it is not a matter, at the preliminary objections stage, of stating
that the propositions are true or false from the legal standpoint, but of
analysing them to ensure there is nothing absurd about them, or nothing
contrary to the legal norm of positive law. The requirements of logic and
the need for realism associated with the juridical and judicial interpreta-
tion suggest that, when the elements of fact and of law are considered

under the terms of paragraphs 2, 5 and 6 of Article 79 of the Rules of
Court, the propositions should be classified according to their degree of
probability or possibility. But owing to the consensual nature of the basis
of the Court's jurisdiction, it imposes a particular constraint upon its
own action: between the possible and the probable, it must opt for the
latter; the subjective aspect of the idea of possibility confers a lesser
degree of assent upon this modality as compared with the modality of
probability. This requirement is de rigueur: where the jurisdiction of
the Court is concerned, the rule of the strict interpretation of consent is
unbending.
Yet this is not to Say that the implementation of these principles is
easy. The equipollent quality of the respective arguments of the Parties
provides the Court with only very limited scope for ascertaining whether
the arguments have been met. The difficulty resides in the fact that, in
incidental proceedings relating to the raising of a preliminary objection
and despite the flexibility characterizing the provisions of Article 79 of
the Rules of Court, the Respondent has no interest in the case being

judged on the merits or even simply discussed prior to the delivery of a
decision on jurisdiction. The foregoing means that due consideration
must be given to the idea that the legal settlement of disputes,just like the
exerciseby the Court of itsjurisdiction, are exceptional. The idea of lack
of jurisdiction would, in a way, seem to be previous to the idea of juris-
diction. As has been pointed out many times, legal settlement is no more
than a substitute for diplomatic settlement, so that the argument of lack
of jurisdiction in principle would be the confirmation of the true place
which the judicial institution is recognized to possess. But by making
itself regard as suspect the propositions serving as the basis for invoking
its jurisdiction, the Court, at the preliminary proceedings stage, weighs
up these arguments, jettisoning, in the sphere of the possible, what has
not been proved and retaining only the framework of the probable within
which the judicial body is circumscribed. Byacting thus, the Court is per- 845 PLATES-FORM PETROLIÈRES (OP.IND.RANJEVA)

sa fonction juridictionnelle et la pleine effectivité du consentementa
compétencejudiciaire.
A moins que l'exception ne porte sur la compétence de la compétence
comme dans l'affaire du génocideou sur l'exception àcaractère général
soulevéedans la présente affaire,la conclusion que la Cour peut prendre
se limità une réponse affirmative ou négativeà la demande d'exception
sous risque de soulever un problème de préjugé. En1972, la possibilité

d'une exceptionn'ayant pas un caractère exclusivementpréliminairea été
entendue de manière restrictive voire trèsexceptionnelle.

IV. LE PRÉJUGÉ DANS LE PRÉSENT ARRÊT

La mise en Œuvre de ces principes méthodologiques a abouti dans le
présentarrêt à un préjugé susceptibled'hypothéquerla suite de la procé-
dure lorsque l'arrêt aprocédé à l'examen des articles du traitéd'amitié,
de commerceet de droits consulaires de 1955.L'interprétationde l'article
premier a étéeffectuéeau détriment del'exégèseL . a solution de conti-
nuité consacréepar la formalisation dans l'article premier des obligations

d'amitiéet de paix n'a pas été suffisammentévaluée à sajuste mesure. La
Cour a privilégié,au contraire, la référenceaux idéesque les pratiques
des Etats sefont de l'objet destraitésd'amitié, de commerceetde naviga-
tion. Si l'interprétationmaximaliste selon'Iran ne peut êtreretenue, il est
néanmoinsdifficilede n'y trouver que des principes exhortatifs alors que
précisément l'innovation exceptionnelledu traitéde 1955résidedans le
transfert de ces concepts de paix et d'amitiédu domaine des préambules
vers le corps des règlesde droit positif conventionnel. Si pour des raisons
psycho-politiques l'idéed'une obligation positive de paix ou d'amitié
peut paraître non pertinente, la conception que se fait l'arrêt del'idéede
commerce ne justifie pas une interprétation aussi restrictive de l'article
introductif du traitéau point de ne mêmepas énoncerl'existenced'une

obligation négativede comportement inhérenteaux prescriptions d'amitié
et de paix.
En revanche, malgré l'affirmation selon laquelle l'article premieravait
pour fonction d'éclairer la compréhension desautres dispositions du
traité,il esà déplorer quel'interprétationde l'article IV ait effectuée
dans un cadre analytique c'est-à-dire de manière autonome. En effet,
prima facie le traitement viséaudit article envisage celui des étrangers
dans le cadre classique du droit international, c'est-à-dire les conditions
de jouissance des droits par un étranger. Mais les effets combinés de
l'exclusion de la référenceterritoriale et des dis~ositions de l'article Dre-
mier amènent àposer le problème de la validité del'interprétation que

retient l'arrêtdu concept de traitement.l est indiscutable qu'en soi l'idée
de traitement vise fréquemment des considérations essentiellementfor-
melles; elles sont relativesla formalisation, dans des actes législatifsou
réglementaires, de la manièredont un Etat s'acquitte de ses obligations
vis-à-visde son partenaireàl'égarddesressortissants et desentreprises deforming itsjurisdictional function to the full as wellas ensuring that there
is full and effectiveconsent to itsjurisdiction.
Unless the objection relates to thecompétencede la compétence,as in
the genocide case, or is an objection of a general nature like the one
raised in the present case, the conclusion the Court may reach is limited
to an affirmative or negative response to the objection at the risk of pre-
judging the case. In 1972,the possibility of an objection without an exclu-

sively preliminary character was construed restrictively, not to say in a
highly exceptional manner.

IV. PREJUDGIN GHE ISSUE IN THE PRESENC TASE

In the present case, the upshot of the application of these methodo-
logical principles was that the issue was prejudged in a manner likely to
jeopardize the ensuing proceedings when the Judgment proceeded to con-
sider the Articles of the 1955Treaty of Amity, Economic Relations and
Consular Rights. Article 1was interpreted to the detriment of the exegesis.

The solution of continuity embodied by the formalization, in Article 1,of
the obligations of friendship and peace, was not adequately evaluated at
its true worth. On the contrarv. the Court favoured a reference to the
ideas which the practices of ~tGéshave of the object of treaties of friend-
ship, commerce and navigation. While Iran's maximalist interpretation
cannot be accepted, it is nevertheless hard to find in it nothing but exhor-
tatory principles, whereas the exceptional innovation of the 1955Treaty
resides preciselyin the transfer ofthese concepts of peace and friendship
from the domain of preambles to the corpus of the rules of positive treaty
law. While for psycho-political reasons the idea of a positive obligation
of peace or friendship may seem irrelevant, the idea of commerce in
the Judgment does not warrant such a restrictive interwretation of the
"
Treaty's introductory article, restrictive to the point of not even stating
the existence of a negative obligation of conduct inherent in the require-
ments of friendship and peace.
On the other hand, despite the assertion that the purpose of Ar-
ticle1was to illuminate an understanding of the other Treaty provisions,
itis to be deplored that Article IV should have been interpreted in an
analytical context, that is to say, autonomously. In fact, prima facie, the
treatment referred to in the Article concerned contemplates that of aliens
in the classical context of international law, in other words, the condi-
tions governing the enjoyment of rights by aliens. But the combined
effects of excluding any territorial reference and of the provisions of

Article 1 raise the problem of the validity of the interpretation adopted
by the Judgrnent of the concept of treatment. It is beyond doubt that, in
itself, the idea of treatment frequently refers to essentiallyma1consid-
erations; they relate to the formalization, in legislativeor regulatory acts,
of the manner in which a State performs its obligations to its partner with
respect to the latter's nationals and enterprises. Yet is one whollyjustified846 PLATES-FORMES PÉTROLIERES (OP. IND.RANJEVA)

ce dernier. Mais est-on parfaitement fondé de penser que l'article IV
excluait de son champ d'application les comportements effectifs et volon-
taires des parties contractantesl'égard d'entreprises relevant del'autre?
Le langage courant, entre autres significations, désigne aussipar traite-
ment: l'attaque et la destruction d'un objectif militaire (voir dictionnaire
Le Robert). Par ailleurs, en statuant de manière négativesur le point de
savoir si les actions de destruction des plates-formes pétrolièresétaient

viséespar l'article IV, l'arrêtexclut l'applicabilité de cette disposition
des comportements consistant à traiter une entreprise en otage dans une
conjoncture de relations d'hostilitéentre les partieà la convention de
1955.La réponse nepeut que résulter de l'examendu fond de l'affaire.
Enfin dans la mesure où le premier paragraphe de l'article X a été
retenu comme la base de la compétence de la Cour et en raison des dis-
positions de l'article0 du Règlement sur les demandes reconvention-
nelles, une question se poseà propos de l'intégrité dedroits des Etats-
Unis d'Amérique:comment s'établitle lien de connexitéentre la liberté
du commerce et de navigation avec une éventuelle demande en répara-
tion pour destruction de navires de guerre?

Ces considérationsliées des exigencesde prudencejudiciaire fixent les
limites de l'objet des débatspréliminairesafin d'éviterles risques de pré-
jugés. La rupture doit êtredéfinitivement consomméeentre l'objet de
l'exception préliminaire de l'articledu Règlement dece qu'on appelle
base de compétence. L'exceptionne porte que sur la compétence de la
Cour ou bien sur la recevabilitétandis que ce qu'on désignepar base de
compétence couvrelesmoyens exposés àl'appui de la demande. Dans ces
conditions l'interprétation des ((bases de compétence)) n'affectepas les
droits des parties si elleest limitéerencontre des arguments sur le seul
terrain de la vraisemblance des thèsesexposéespar rapport àla problé-
matique inhérenteaux termes des dispositions dont la violation est invo-

quéepar la Partie demanderesse. La référence àl'article X du traitédans
le second alinéa du dispositif de l'arrêtparaît dans ces conditions
critiquable.

(SignéR )aymond RANJEVA.in deeming that Article IV excluded from the scope of its application the
actual, intentional conduct of the contracting parties with respect to
enterprises under the authority of the other party? Among other mean-
ingsin common parlance, treatment denotes an attack on and the destruc-
tion of a military objective (Dictionnaire Robert, for example). More-
over, in making a negativedeterminationon whether theactions involving
the destruction of the oil platforms were covered by Article IV, the Judg-
ment excludes the applicability of this provision to types of conduct con-
sisting in treating an enterprise as ahostage within an overall context of
hostile relations between the parties to the 1955Convention. Only a con-
sideration of the merits of the case can provide a reply to this.
Lastly, since Article X, paragraph 1, was adopted as the basis of the
jurisdiction of the Court and owing to the provisions of Article 80 of the
Rules of Court relating to counter-claims, a question arises regarding al1

the rights of the United States of America: how can the link of connexity
be established between freedom of commerce and navigation and a pos-
sible claim for reparations for the destruction of warships?

These considerations linked to requirements of judicial prudence lay
down the limitations of the subject-matter of the preliminary proceedings
with a view to avoiding any risk of prejudging the issue. There must be a
clear and definite break between the subject-matter of the preliminary
objection under Article 79 of the Rules of Court and what is termed the
basis of jurisdiction. The objection relates only to the jurisdiction of the
Court or to admissibility,whereas what is designated as the basis ofjuris-
diction covers the arguments set forth in support of the claim. This being
so, the interpretation of the "bases of jurisdiction" does not affect the
rights of the parties if it is limited to meeting arguments on the sole
ground of the plausibility of the theses contended in relation to the prob-
lems inherent in the terms of the provisions, whose violation is relied
upon by the claimant. The reference to Article X of the Treaty in the
second paragraph of the operative part of the Treaty therefore appears

to merit criticism.

(Signed) Raymond RANJEVA.

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Opinion individuelle de M. Ranjeva

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