Opinion individuelle de M. Schwebel (traduction)

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063-19810414-JUD-01-03-EN
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063-19810414-JUD-01-00-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. SCHWEBEL

[Traduction]

J'ai voté en faveur de l'arrêtde la Cour malgré l'argumentation impres-
sionnante développée par Malte à l'appui de sa requête à fin d'interven-
tion. Je l'ai fait pour un motif essentiel et déterminant.

LaCour peut raisonnablement interpréter l'institution de l'intervention,
dont la portée n'est clairementdéfinieni par le Statut ni par la pratique de
la Cour, comme excluant ce que l'on pourrait appeler l'a intervention

d'une non-partie ))ou, peut-être, une intervention inégale )).Malte
demande à exposer ses vues sur des questions particulières qui peuvent
constituer une partie essentielle de l'objet de l'affaireTunisie/ Libye, alors
qu'elle ne soumet pas sans restriction ses propres intérêtsconnexes à la
décision de la Cour. Le pouvoir de décision reconnu à la Cour par l'arti-
cle 62 du Statut lui permet d'interpréter le mode d'intervention ainsi
envisagé comme étranger au Statut. D'importantes considérations d'op-
portunité judiciaire militent en faveur d'une décision dans ce sens.
Ce n'est pas àdirequ'une intervention par unEtat nonpartie àl'instance

doive nécessairement et dans tous les cas êtreconsidéréecomme exclue par
le Statut. Rejeter la demande d'intervention d'une non-partie au seul motif
que l'intervenant serait avantagé, c'est méconnaître le fait que la qualité
d'intervenant impliqueintrinsèquement un certain avantage. Par exemple,
une partie qui est admise à intervenir quand deux autres parties ont plaidé
leur cause et se sont même engagées en adoptant une certaine position a
l'avantage deconnaître les thèses de ses adversairesalorsque ceux-cin'ont
pas encore eu l'occasion de découvrir les siennes. Il pourrait arriver à
l'avenir que, dans certaines affaires,l'intervention d'un Etat non partie à
l'instance puisse êtrejustifiée aux termes du Statut. Toutefois, dans les

circonstances de la présente espèce, la Cour est raisonnablement fondée à
rejeter la demande d'intervention.
En même temps, il faut reconnaître que Malte se trouvait dans une
position difficile pour présenter sa requête à fin d'intervention et son
argumentation à l'appui. La Cour a refusé dedonner une suitefavorable à
la demande de communication des pièces de procédure que lui avait
adresséeMalte. En conséquence,Malte ne pouvait pas savoir précisément
de quelle façon ses intérêts pourraient être mis en cause en l'espèce, ni
réagir en faisant valoir des prétentions particulières. De plus, ainsi que l'a

fait observer un conseil de Malte,ni la Tunisienila Libyeelles-mêmes, àen
juger par leur compromis, n'avancent de prétentions particulières sur
lesquelles elles demandent à la Cour de statuer. On ne voit pas très bien
pourquoi en l'occurrence Malte, dans l'ignorance où elle est des pièces de
procédure, seraittenue de s'engager de façon plus précise et plusfermeque PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. SCHWEBEL)
36

ne l'ont fait les Parties principales. Et surtout, Malte était obligée d'inter-
préter un article du Statut alors que la Cour elle-même n'avait jamais eu
l'occasion de le faire.

Là où je m'écarte de l'arrêtc'est quand la Cour considèreque Malte n'a
pas démontré l'existence d'un intérêtd'ordre juridique susceptible d'être
affecté par la décision. A cet égard,je voudrais appeler l'attention surtrois
points : le sens de l'article 62 du Statut ; certaines considérations qui ont
été ouqui auraient pu être avancées par Malte pour étayer sa conclusion
suivantlaquelle ellepossède un intérêtd'ordrejuridique susceptible d'être

affecté par la décision ; et les conclusions de la Cour sur ces deux
sujets.

Le texte anglais de l'article 62 spécifie que si un Etat considère qu'il a
<(an interest of a legal nature which may be affected by the decision in the
case )>,il peut adresser à la Cour une requête à fin d'intervention. L'ar-
ticle 62 ne dit pas qu'il doit avoir pour ce faire un intérêtd'ordrejuridique

qui fera l'objet d'une déterminationen l'espèce. En conséquence, 1'Etat qui
demande à intervenir n'a pas à prouver qu'il possède un intérêtjuridique
quidépendra de la décision ; illui suffitd'établir qu'il a un intérêtd'ordre
juridique qui <(peut ))simplement être <(affecté ))- c'est-à-dire qui peut
êtrecompromis,favoriséou altéréd'une façon oud'une autre. Cen'est pas
là une condition très rigoureuse.

Quant à savoirsi la décision de la Cour dans une affaire est plus queson
dispositif - autrement dit si elle comprend aussi les motifs et le raison-
nement à la base des conclusionsfinales -, la jurisprudence de la Cour,
dans la mesure où on peut la rapporter au texte de l'article 62, se prête à
plus d'une interprétation. Selon moi, il ne serait pas raisonnable de sou-
tenir que, si le dispositif d'une décision ne peut porter atteinte à l'intérêt
juridique d'un Etat demandant à intervenir, alors que d'autres parties de

l'arrêt peuvent le faire, l'intervention doit êtrerefusée.

L'INTÉRÊT JURIDIQUE DE MALTE

Il faut présumer que les prétentions de Malte sur le plateau continental
servent ses intérêtsjuridiques, qu'il n'est pas facile de distinguer d'un
(intérêtd'ordre juridique ))Pour les raisons exposées par les conseils de
Malte, qui sont résuméesdans l'arrêtde la Cour,et eu égard, en particulier,

à la thèse suivant laquelle Malte est située sur le plateau continental en
litige entre laTunisie et la Libye, ilsemblerait que les prétentionsde Malte
sur le plateau continental puissent ))fort bien êtreaffectées ))par les
motifs et le raisonnement de la Cour se rapportant aux prétentions sur le
plateau continental de la Tunisie et de la Libye qui, en certains points,
peuvent êtreconcurrentes de celles de Malte. PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. SCHWEBEL) 37

Les zones à délimiter conformément aux conclusions de la Cour en
l'espèce se situent, nous dit-on, dans un bassin commun. Malte paraît se
trouver dans ce bassin, à 184 milles du point le plus proche de la côte
libyenne et à155 milles du point le plusproche de la côtetunisienne.Malte

soutient apparemment qu'il n'existe qu'un seul et unique plateau conti-
nental qui serait à délimiter pour finir entre trois ou quatre Etats : la
Tunisie, la Libye, Malte et l'Italie. Etant donné que la définitionrécente du
plateau continental provisoirement adoptée à l'article 76 du projet de
convention sur le droit de la mer prévoit, comme étendue minimum du
plateau continentalde tout Etat riverain,une largeur de 200 milles, Malte
est fondée à soutenir qu'elle possède un intérêtd'ordre juridique pouvant
être en cause dans la présente affaire. Cela est d'autant plus vrai que

l'article 1 du compromis entre la Tunisie et la Libye invite la Cour à tenir
compte des tendances récentes admises à la troisième Conférence sur le
droit de la mer 1).
De plus, en vertu du compromis, la Cour est invitée à clarifier la
manière pratique ))par laquelle les principes et règles qu'elle dégagera
s'appliqueront ((dans cette situation précise )).Pour satisfaire cette
demande, on pourrait fort bien concevoir que la Cour se déclare par
exemple en faveur d'une méthode de délimitation comportant des Lignes

de fermeture de baies susceptibles d'influer sur l'étendue deplateau conti-
nental à laquelle un Etat faisant face, comme Malte, pourrait prétendre.
Vu les considérations qui précèdent, je ne partage pas la conclusion -
que la Cour n'avait pas à formuler d'après moi pour étayer son arrêt -
suivant laquelle Malte ne possède pas d'intérêt d'ordre juridique suscep-
tibled'être affectépar la décision.Je ferai respectueusementobserverque
la Cour auraitpu se contenterdefonderpour l'essentiel son arrêtsur le fait
que Malte ne cherche pas à intervenir d'une manière compatible avec le

Statut, autrement dit qu'elle ne présente pas une véritable ((requête à fin
d'intervention ))Le fait que la requête ne soumet pas sans réserve à la
décision de la Cour les intérêtsd'ordre juridique pertinents de Malte doit
néanmoins être pris en considération pour décider si Malte possède un
intérêtd'ordre juridique pouvant êtreen cause.

Au paragraphe 33 de son arrêt,la Cour tire certaines conclusions aux-
quelles je nepuiscomplètementsouscrire. Il est dit dans ce paragraphe que
l'intérêtde Malte ((n'est pas par nature différentdes intérêtsd'autres Etats
de la région ))(la phrase précédente vise <(la région de la Méditerranée
centrale )))L'intérêtde l'Italie estpeut-être visé,mais on peut se demander
si d'autres Etats que Malte et l'Italie possèdentdes intérêtsdemêmenature
à l'égard du plateau continental enquestion - à l'exception, bien entendu,
de la Tunisie et de la Libye. De plus, mêmesi d'autres Etats avaient un

intérêtde mêmenature que celui de Malte, il ne s'ensuit pas que ce soit là
un motif pour rejeter la requête maltaise. PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. SCHWEBEL) 38

La Cour, se référant à l'affaire telle qu'elle luia étésoumise aux termes
du compromis, note dans le mêmeparagraphe que la Tunisie et la Libye
((mettent en jeu leurs prétentions 1)concernant les questions visées dans

cet instrument. Elle remarque que Malte, tout en demandant à intervenir
en partant de l'hypothèse qu'un intérêtd'ordre juridique est pour elle en
cause en l'espèce, assortit sa requête d'une réserve expresse en vertu de
laquelle son intervention ne doitpas avoir pour effet de mettre en jeu ses
propres prétentions ))quant à ces mêmesquestions vis-à-vis de la Tunisie et
de la Libye. La Cour conclut ainsi :

<(Cela étant, le caractère même de l'intervention demandée par
Malte montre, de l'avis de la Cour, que l'intérêt d'ordre juridique

invoqué par elle ne peut êtreconsidéré comme susceptible d'êtreen
cause en l'espèce au sens de l'article 62 du Statut. ))

De l'analyse ainsi faite par la Cour, je m'écarte sur le point suivant :s'il
est vrai que Malte adéclaré ne pasmettre enjeu ses propres prétentionssur
le plateau continental par rapport àla Tunisie et àla Libye, cela ne revient
pas à dire qu'elle n'a pas mis en jeu les vues qu'elle demandel'autorisation
de présenter au sujet des principes et règles de droit international appli-

cables.
L'Attorney-General de Malte a déclaré lorsde l'audience publique tenue
par la Cour le 23 mars 1981 :

((Malte ne cherche pas à faire régler ses problèmes de délimitation
avec la Libye ou avec la Tunisie par le biais de l'intervention. Malte
craint sincèrement que la Cour ne risque de trancher - ou, plus
probablement, ne tranche - au cours de l'instance Libye/ Tunisie des
questions précises concernant directement la région dans laquelle se
trouveMalte et n'affecte ainsi un ou plusieurs de ses intérêtsdenature

indubitablement juridique. ))

Et,répondant àl'argument selon lequelMalte aurait effectivement déclaré
qu'elle ne s'estimerait pas liéepar l'arrêtde la Cour, il a affirmé : (Par sa
requête à fin d'intervention, Malte se soumet à toutes les conséquences et à
tous les effets de l'intervention, quels qu'ils puissent être. ))Un conseil de
Malte a complété cette affirmation par les observations suivantes :

Malten'ajamais prétendu qu'elle ne seraitpas Liée par la décision
de la Cour ...Ce que Malte a déclaré, c'est qu'elle ne recherchait ni
prononcé ni décision contre la Libye et la Tunisie, maiscela ne signifie

pas que Malte ne veuille pasêtre liéepar l'arrêtde la Cour ...Ce que la
Cour dira être le droit sera la droit, et aura un caractère obligatoire
pour Malte ..S'agissant de ce que la Cour dira êtrele droit au sujetdes
caractéristiques du plateau continental de la Méditerranée centrale,
Malte aun intérêtd'ordrejuridique qui seraaffectétout spécialement
et tout particulièrement par la décision de la Cour. )) PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. SCHWEBEL) 39

Leconseilde Maltea ajouté qu'en l'espèce la Tunisieetla Libyeelles-

mêmen sedemandentpas àla Courdeseprononcersurleursprétentions
respectives,mais de déterminer les principes et règles dedroitinternational
et d'indiquer la manière pratique par laquelle ces principes et règles doi-
vent s'appliquer à la délimitation de leurs zones respectives du plateau
continental. Le conseil aparticulièrement souligné que la requête de Malte
était fondée sur la conviction que toute décision de la Cour relative aux
caractèresparticuliers de la région en questionlieraitinévitablementMalte

dans ses relations avec la Tunisie et avec la Libye,ne fût-ce que comme un
prononcé de droit.
Dans la mesure où pouvait en juger Malte, qui n'a pu avoir communi-
cationque du compromis etnonpas des pièces de procédure, la Tunisie et
la Libye ne mettent pas en jeu de prétentions opposables l'une à l'autre.
Tout ce qui ressort du compromis, c'est que l'objet de l'instance est
essentiellementlimité aux (principes et règles du droit international pou-
vant être appliqués et à ...la manière pratique de les appliquer dans la

délimitation deszones de plateau continental relevant de la Tunisie et de la
Libye ))(arrêt, par. 33).
Cependant, pour que Malte prouve qu'un intérêtd'ordre juridique est
pour elle en cause, ce qui est déterminant, ce n'est pas l'objet du différend
tel qu'il est défini dans le compromis ou de toute autre facon, mais les
élémentsde l'affaire tels que la Courpeut les évoquer. Ce qui est essentiel,
c'est la probabilité - ou tout au moins la possibilité - que la Tunisie et la
Libye demandent à la Cour d'appuyer des positionsqui, si elle en reconnaît

la validité (que ce soit dans le dispositif ou dans d'autres passages de
l'arrêt), risquent effectivementd'affecter les intérêtsjuridiques particuliers
de Malte, endépit du fait queMalte ne formule pasde prétentions contre la
Tunisie et la Libye en matière de délimitation.
Par conséquent, je ne saurais complètement souscrire à la conclusion
que la Cour énonce dans la dernièrephrase du paragraphe 33 de l'arrêt.A
mon avis, le caractère même de l'intervention demandée par Malte ne
montre pas que l'intérêt d'ordre juridique invoqué par elle ne puisse être
considéré comme susceptibled'être <(en cause ))au sens de l'article 62 du

Statut. Si le caractère de l'intervention demandée prête à contestation, ce
n'est pas, selonmoi, pourla raison quel'intérêtjuridique effectif de Malte
ne peut pas êtremis ((en cause )par la décision de la Cour dans ses divers
éléments : c'est parce que Malte - aussicompréhensibleque cela soit dans
les circonstances de l'espèce - s'abstient de demander à intervenir à
l'instance en qualité de partie et se contenterait d'êtrece qu'on pourrait
appeler une ((non-partie )).Malte veut bien participer, mais sans aller
jusqu'au bout dans la participation. Comme je l'ai indiqué plus haut, la

Cour est donc justifiée à exercer le pouvoir de décision que lui accorde
expressémentl'article 62, paragraphe 2,du Statut pour refuser d'admettre
l'intervention dans ces conditions.
En même temps, comme je l'ai déjà signalé, le fait que par sa requête
Maltene soumettepas sans réserve ses intérêtsjuridiques àla décision de la
Cour est à prendre en considération pour déterminer si un intérêtd'ordre PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. SCHWEBEL) 40

juridique est en cause pour Malte en l'espèce. C'estpourquoi je me con-
tente de dire que je ne saurais ((complètement ))souscrire à la conclusion
de la Cour qui est exprimée dansla dernièrephrase du paragraphe 33 de
l'arrêt.

L'arrêt de la Cour s'abstient à juste raison de prendre position sur la
question de savoir si, pour pouvoirintervenir au titre de l'article 62, un Etat
doit établir l'existence d'un titre de compétence au-delà de ce que l'on
pourrait conclure de l'article 62 lui-même. L'article 81, paragraphe 2 c),

du Règlement ne prend pas lui-même position sur cette question com-
plexe ; il vise simplement à appeler l'attention sur la question et àfaire en
sorte qu'un Etat en mesure d'indiquer un tel titre de compétence le fasse
connaître à la Cour. Toutefois, certains juges s'étant exprimés sur ce
sujet, je voudrais indiquer provisoirement l'essentiel de mes vues.
J'incline à penser que la bonne façon de voir les choses est que 1'Etat
demandant àintervenir n'a pas àétablir l'existence d'un lienjuridictionnel
avec les parties à l'instance principale et peut se contenter d'invoquer

l'article 62. Je suis de cet avis parce que, entre autres raisons :
- l'article 62 ne dit rien de la compétence,soit dans le texted'origine, soit
- il est utile de le rappeler - dans le texte amendé de 1945 ;

- l'article 36 du Statut, conférant compétence àla Courdans tous les cas
spécialementprévus ...dans les traités etconventions en vigueur >),peut
êtreinterprété commes'appliquant àl'article 62, quifaitpartie d'un tel
traité;
- interpréter l'article 62 comme introduisant une exigence supplémen-

taire en matière de compétence enfermerait en pratique l'institution de
l'intervention dans deslimitestrèsétroites, ce qui donne àpenser que le
sens clair r)de l'article 62, qui ne fait aucune mention de la compé-
tence, est le bon ;
- l'article 63 n'oblige apparemment pas à établir l'existence d'un lien
juridictionnel, mêmequand la partie qui invoque le traitéà interpréter
n'a pas accepté la compétence de la Cour pour connaître desdifférends
relatifsà l'interprétation ou à l'application dudit traité ; on voit d'au-
tant moins la nécessitéd'un lienjuridictionnel dans le cas symétriquede

l'article 62.
Certes, on pourrait présenter des arguments solides pour soutenir le

contraire, mais, tout bien pesé,je ne trouve pas ces arguments convain-
cants.

(Signé S)tephen M. SCHWEBEL.

Bilingual Content

SEPARATE OPINION OF JUDGE SCHWEBEL

1 have voted in favour of the Judgment of the Court despite the con-
siderable case made out by Malta in support of its Application for per-
mission to intervene. 1 have done so for one essential and dispositive
reason.
The Court may reasonably interpret the institution of intervention,
whose scopeneither the Statute nor the practice of the Court makes clear,
so as todebar what might be called "non-party intervention", or, perhaps,

"unequal intervention". Malta proposes to submit its views upon par-
ticular issueswhichmay form an essential part of the subject-matter of the
Tunisia/ Libya case without unreservedly submitting its own, related inter-
ests to the Court for decision. The power of decision accorded the Court
under Article 62 of the Statute permits it to construe such a form of
proposed intervention as one outside the ambit of the Statute. There are
significant considerations of judicial policy which suggest that the Court
should so decide.
That is not to Say that non-party intervention must necessarily and in
every case be viewed as beyond the pale of the Statute. To debar non-party
intervention on the ground that it gives unequal advantage to the inter-

venor is to overlook the fact that there is a measure of advantage inherent
in the capacity of intervenor. For example, a party that is granted per-
mission to intervene when two others have set out their cases and even
committed themselves to certain lines of argument has the advantage of
knowing its opponents' grounds while they have yet to confront those of
the intervenor. Possibly cases may in the future anse in which non-party
intervention might bejustified under the Statute. But, in the circumstances
of this case, it is believed that the Court may reasonably decide not to
entertain it.

At the sarne time, the difficulty of the position in which Malta found
itself in casting its Application and argument to intervene should be

acknowledged. The Court had declined to respond positively to Malta's
request for copies of the pleadings. Accordingly Malta may argue that it
could not know in what precise ways its interests might be engaged by the
case nor could it responsively advance particular claims. Moreover, as
counsel for Malta pointed out, neitherTunisia nor Libya themselves, as far
as their Special Agreement reveals, advance particular claims or seek a
decision of the Court upon them. It is not clear why Malta, at this juncture,
without thebenefit of the pleadings, should be held to a higher standard of
precision and of commitment than are the principal Parties to the case

themselves. And most fundamentally, Malta was obliged ts interpret an OPINION INDIVIDUELLE DE M. SCHWEBEL

[Traduction]

J'ai voté en faveur de l'arrêtde la Cour malgré l'argumentation impres-
sionnante développée par Malte à l'appui de sa requête à fin d'interven-
tion. Je l'ai fait pour un motif essentiel et déterminant.

LaCour peut raisonnablement interpréter l'institution de l'intervention,
dont la portée n'est clairementdéfinieni par le Statut ni par la pratique de
la Cour, comme excluant ce que l'on pourrait appeler l'a intervention

d'une non-partie ))ou, peut-être, une intervention inégale )).Malte
demande à exposer ses vues sur des questions particulières qui peuvent
constituer une partie essentielle de l'objet de l'affaireTunisie/ Libye, alors
qu'elle ne soumet pas sans restriction ses propres intérêtsconnexes à la
décision de la Cour. Le pouvoir de décision reconnu à la Cour par l'arti-
cle 62 du Statut lui permet d'interpréter le mode d'intervention ainsi
envisagé comme étranger au Statut. D'importantes considérations d'op-
portunité judiciaire militent en faveur d'une décision dans ce sens.
Ce n'est pas àdirequ'une intervention par unEtat nonpartie àl'instance

doive nécessairement et dans tous les cas êtreconsidéréecomme exclue par
le Statut. Rejeter la demande d'intervention d'une non-partie au seul motif
que l'intervenant serait avantagé, c'est méconnaître le fait que la qualité
d'intervenant impliqueintrinsèquement un certain avantage. Par exemple,
une partie qui est admise à intervenir quand deux autres parties ont plaidé
leur cause et se sont même engagées en adoptant une certaine position a
l'avantage deconnaître les thèses de ses adversairesalorsque ceux-cin'ont
pas encore eu l'occasion de découvrir les siennes. Il pourrait arriver à
l'avenir que, dans certaines affaires,l'intervention d'un Etat non partie à
l'instance puisse êtrejustifiée aux termes du Statut. Toutefois, dans les

circonstances de la présente espèce, la Cour est raisonnablement fondée à
rejeter la demande d'intervention.
En même temps, il faut reconnaître que Malte se trouvait dans une
position difficile pour présenter sa requête à fin d'intervention et son
argumentation à l'appui. La Cour a refusé dedonner une suitefavorable à
la demande de communication des pièces de procédure que lui avait
adresséeMalte. En conséquence,Malte ne pouvait pas savoir précisément
de quelle façon ses intérêts pourraient être mis en cause en l'espèce, ni
réagir en faisant valoir des prétentions particulières. De plus, ainsi que l'a

fait observer un conseil de Malte,ni la Tunisienila Libyeelles-mêmes, àen
juger par leur compromis, n'avancent de prétentions particulières sur
lesquelles elles demandent à la Cour de statuer. On ne voit pas très bien
pourquoi en l'occurrence Malte, dans l'ignorance où elle est des pièces de
procédure, seraittenue de s'engager de façon plus précise et plusfermequearticle of the Statute which the Court itself heretofore has not had occasion
to interpret.

1differ from the Judgment of the Court in sofar asit holds that Malta
has not shown that it has an interest of a legal nature which rnay be affected
by the decision in the case. In thisregard, 1wish to draw attentionto three
points : the meaning of Article 62 of the Statute of the Court ;certain
considerations which Malta has advanced or might have advanced to
substantiate its conclusion that it has an interest of a legal nature which
rnay be affected by the decision in the case ; and the Court's conclusions in
these respects.

In its English text, Article 62 specifies that should a State consider that
"it has an interest of a legal nature which rnay be affected by the decision in
the case", it rnay submit arequest to the Court to be permitted to intervene.

Article 62 does not provide that, should a State consider that "it has an
interest of a legal nature which shall be determined by the decision in
the case", it rnay submit such a request. The State seeking to intervene
accordingly need not prove that it has a legal interest that the Court's
decision will determine ;it need merely show that it has a legal interest
which just "may" be no more than "affected" - prejudiced, promoted or in
some way altered. This is not an exigent standard to meet.
As to whether the Court's decision in a case ismore than the dispositif, as
to whether it rnay embrace as well the reasons and reasoningwith which it
supportsits final conclusions, the jurisprudence of the Court as it rnay be
related to the text of Article 62 rnay be open to more than one construction.
In my submission, it would not be reasonable to maintain that, if the

dispositif of a decision rnay not affect an interest of a legal nature of a State
seeking to intervene but those interests rnay be legally affected by other
elements of the judgment, that State rnay not be granted permission to
intervene.

Malta's continental shelf claims presumably are in its legal interests.
They arenot easily distinguished from "an interest of a legal nature". For
the reasons set forth by Malta's counsel in the proceedings, which are
summarized in the Judgment of the Court, and having particular regard to
the contention that Malta sits on the very same continental shelf that is in
issue between Tunisia and Libya, it appears that Malta's continental shelf
claims "rnay" well be "affected" by the reasons and reasoning of the
Court's holdings that bear upon continental shelf claims of Tunisia and
Libya, which rnay compete at some points with those of Malta. PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. SCHWEBEL)
36

ne l'ont fait les Parties principales. Et surtout, Malte était obligée d'inter-
préter un article du Statut alors que la Cour elle-même n'avait jamais eu
l'occasion de le faire.

Là où je m'écarte de l'arrêtc'est quand la Cour considèreque Malte n'a
pas démontré l'existence d'un intérêtd'ordre juridique susceptible d'être
affecté par la décision. A cet égard,je voudrais appeler l'attention surtrois
points : le sens de l'article 62 du Statut ; certaines considérations qui ont
été ouqui auraient pu être avancées par Malte pour étayer sa conclusion
suivantlaquelle ellepossède un intérêtd'ordrejuridique susceptible d'être

affecté par la décision ; et les conclusions de la Cour sur ces deux
sujets.

Le texte anglais de l'article 62 spécifie que si un Etat considère qu'il a
<(an interest of a legal nature which may be affected by the decision in the
case )>,il peut adresser à la Cour une requête à fin d'intervention. L'ar-
ticle 62 ne dit pas qu'il doit avoir pour ce faire un intérêtd'ordrejuridique

qui fera l'objet d'une déterminationen l'espèce. En conséquence, 1'Etat qui
demande à intervenir n'a pas à prouver qu'il possède un intérêtjuridique
quidépendra de la décision ; illui suffitd'établir qu'il a un intérêtd'ordre
juridique qui <(peut ))simplement être <(affecté ))- c'est-à-dire qui peut
êtrecompromis,favoriséou altéréd'une façon oud'une autre. Cen'est pas
là une condition très rigoureuse.

Quant à savoirsi la décision de la Cour dans une affaire est plus queson
dispositif - autrement dit si elle comprend aussi les motifs et le raison-
nement à la base des conclusionsfinales -, la jurisprudence de la Cour,
dans la mesure où on peut la rapporter au texte de l'article 62, se prête à
plus d'une interprétation. Selon moi, il ne serait pas raisonnable de sou-
tenir que, si le dispositif d'une décision ne peut porter atteinte à l'intérêt
juridique d'un Etat demandant à intervenir, alors que d'autres parties de

l'arrêt peuvent le faire, l'intervention doit êtrerefusée.

L'INTÉRÊT JURIDIQUE DE MALTE

Il faut présumer que les prétentions de Malte sur le plateau continental
servent ses intérêtsjuridiques, qu'il n'est pas facile de distinguer d'un
(intérêtd'ordre juridique ))Pour les raisons exposées par les conseils de
Malte, qui sont résuméesdans l'arrêtde la Cour,et eu égard, en particulier,

à la thèse suivant laquelle Malte est située sur le plateau continental en
litige entre laTunisie et la Libye, ilsemblerait que les prétentionsde Malte
sur le plateau continental puissent ))fort bien êtreaffectées ))par les
motifs et le raisonnement de la Cour se rapportant aux prétentions sur le
plateau continental de la Tunisie et de la Libye qui, en certains points,
peuvent êtreconcurrentes de celles de Malte. The areas to be delimited pursuant to the Court's holdings in this case
are said to be situated in a common basin. Malta appears to be located
inside that basin, 184 nautical miles from the nearest point on the Libyan
coast and 155 nautical miles from the closes t point on the Tunisian coast.
Malta apparently maintains that there is one and the same continental
shelf to be ultimately delirnited among three or four States : Tunisia,
Libya, Malta and Italy. In view of the fact that the recent definition of the
continental shelf provisionally agreed upon in Article 76 of the Draft

Convention on the Law of the Sea establishes as a minimum limit for the
continental shelf of any coastal State the breadth of 200 nautical miles,
Malta arguably rnay maintain thatit has an interest of a legal nature which
rnay be affected by theproceedings in the current case. Thisis especially so
because Article 1 of the Special Agreement between Tunisia and Libya
requests the Court to take account of "the recent trends admitted at the
Third Conference on the Law of the Sea".
Moreover, under the Special Agreement the Court is requested "to
specify precisely the practical way" in which the principles and rules it
decides upon "apply in this particular situation". It would be perfectly

possible, in pursuance of thisrequest, for the Court to decide, for example,
on amethod of delimitation which involves drawinga bay-closing line in a
fashion which rnay affect the extent of the continental shelf which an
opposite State like Malta might be entitled to claim.
Having regard to the foregoing considerations, 1 do not share the con-
clusion - which in my vie~ the Court did not have to reach in order to
sustain its Judgment - that Malta does not have an interest of a legal
nature which rnay be affected by the decision in this case. In my respectful
submission, the Court could have essentially confined the ground of its
decision to Malta's failure to seek a form of intervention consistent with

the Statute, that is, to submit aproper "request to the Court to be permitted
to intervene". Thefact that that request to intervene does not unreservedly
submit the relevant Maltese interests of a legal nature to the Court for
decision nevertheless is relevant to the judgment of whether Malta has an
interest of a legal nature which rnay be affected by the decision in the
case.

In paragraph
33 of the Judgment, the Court draws particular conclu-
sions which 1 do not fully share. It states that : "Malta's interest is of the
same kind as the interests of other States within the region" (the previous
sentence of the Judgment refers to the "central Mediterranean region").
Italy's interests rnay well be very much in point, but whether there are
interests of the sarne kind of other States than Malta and Italy in the
continental shelf in question - other, of course, than Tunisia and Libya -
is not quite clear. Moreover, even if other third States do enjoy the same
kind of interest as does Malta, it does not follow that this is a ground
supporting rejection of Malta's Application. PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. SCHWEBEL) 37

Les zones à délimiter conformément aux conclusions de la Cour en
l'espèce se situent, nous dit-on, dans un bassin commun. Malte paraît se
trouver dans ce bassin, à 184 milles du point le plus proche de la côte
libyenne et à155 milles du point le plusproche de la côtetunisienne.Malte

soutient apparemment qu'il n'existe qu'un seul et unique plateau conti-
nental qui serait à délimiter pour finir entre trois ou quatre Etats : la
Tunisie, la Libye, Malte et l'Italie. Etant donné que la définitionrécente du
plateau continental provisoirement adoptée à l'article 76 du projet de
convention sur le droit de la mer prévoit, comme étendue minimum du
plateau continentalde tout Etat riverain,une largeur de 200 milles, Malte
est fondée à soutenir qu'elle possède un intérêtd'ordre juridique pouvant
être en cause dans la présente affaire. Cela est d'autant plus vrai que

l'article 1 du compromis entre la Tunisie et la Libye invite la Cour à tenir
compte des tendances récentes admises à la troisième Conférence sur le
droit de la mer 1).
De plus, en vertu du compromis, la Cour est invitée à clarifier la
manière pratique ))par laquelle les principes et règles qu'elle dégagera
s'appliqueront ((dans cette situation précise )).Pour satisfaire cette
demande, on pourrait fort bien concevoir que la Cour se déclare par
exemple en faveur d'une méthode de délimitation comportant des Lignes

de fermeture de baies susceptibles d'influer sur l'étendue deplateau conti-
nental à laquelle un Etat faisant face, comme Malte, pourrait prétendre.
Vu les considérations qui précèdent, je ne partage pas la conclusion -
que la Cour n'avait pas à formuler d'après moi pour étayer son arrêt -
suivant laquelle Malte ne possède pas d'intérêt d'ordre juridique suscep-
tibled'être affectépar la décision.Je ferai respectueusementobserverque
la Cour auraitpu se contenterdefonderpour l'essentiel son arrêtsur le fait
que Malte ne cherche pas à intervenir d'une manière compatible avec le

Statut, autrement dit qu'elle ne présente pas une véritable ((requête à fin
d'intervention ))Le fait que la requête ne soumet pas sans réserve à la
décision de la Cour les intérêtsd'ordre juridique pertinents de Malte doit
néanmoins être pris en considération pour décider si Malte possède un
intérêtd'ordre juridique pouvant êtreen cause.

Au paragraphe 33 de son arrêt,la Cour tire certaines conclusions aux-
quelles je nepuiscomplètementsouscrire. Il est dit dans ce paragraphe que
l'intérêtde Malte ((n'est pas par nature différentdes intérêtsd'autres Etats
de la région ))(la phrase précédente vise <(la région de la Méditerranée
centrale )))L'intérêtde l'Italie estpeut-être visé,mais on peut se demander
si d'autres Etats que Malte et l'Italie possèdentdes intérêtsdemêmenature
à l'égard du plateau continental enquestion - à l'exception, bien entendu,
de la Tunisie et de la Libye. De plus, mêmesi d'autres Etats avaient un

intérêtde mêmenature que celui de Malte, il ne s'ensuit pas que ce soit là
un motif pour rejeter la requête maltaise. Paragraph 33 of the Court's Judgment proceeds to refer to the case
brought before the Court by the terms of the Special Agreement, noting
that Tunisia and Libya "put in issue their claims" with respect to the

matters covered by it. It points out that, while Malta seekspermission to
intervene on the assumption that it has a legal interest in issue in the case, it
nevertheless attaches to its request an express reservation that its inter-
vention is not to have the effect of putting in issue "its own claims" with
regard to those same matters vis-à-vis Tunisia and Libya. The Court
concludes :

"This being so, the very character of the intervention for which
Malta seeks permission shows, in the view of the Court, that the
interest of a legal nature invoked by Malta cannot be considered to be
one 'which may be affected by the decision in the case7 within the
meaning of Article 62 of the Statute."

Where 1differ from the foregoing analysis of the Court is in this. While
it istrue that Malta has maintained that it has not put in issue its own
continental shelf claims vis-à-vis Tunisia'and Libya, thisis not the same as
saying that it has not put in issue the views it seeks permission to submit

with respect to the applicable principles and rules of international law.

The Attorney-General of Malta declared in the Court's public sitting of
23 March 198 1 :

"Malta is not seeking a settlement of its delimitation issues with
either Libya or Tunisia through the back door of intervention. Malta
is genuinely concerned that the Court may, or more likely would, in
the course of the Lzbya/ Tunisza proceedings decide specific issues
directly concerning the region in which Malta is placed and thereby
affect one or more of her interests of an undoubtedly legal charac-
ter."

And,in response to the contention that Malta hadin effect indicated that it
would not be bound by the Court's judgment, he declared : "By its appli-
cation to intervene Malta submits itself to al1the consequences and effects
of intervention - whatever these may be." Counsel for Malta amplified
this statement by observing that :

"Malta has never asserted that it will not be bound by the decision
of the Court . ..What Malta has said is that it does not seek an order
or a remedy against Libya and Tunisia. But that is not the same thing
as saying that Malta will not be bound by the decision of the Court . ..
What the Court says the law is, isthelaw andit will bind Malta . . .And
in so far as the Court says what the law will be in relation to the
continental shelf features of the centralMediterranean Sea, Malta has
a legal interest which specially and uniquely will be affected by the
Court's decision." PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. SCHWEBEL) 38

La Cour, se référant à l'affaire telle qu'elle luia étésoumise aux termes
du compromis, note dans le mêmeparagraphe que la Tunisie et la Libye
((mettent en jeu leurs prétentions 1)concernant les questions visées dans

cet instrument. Elle remarque que Malte, tout en demandant à intervenir
en partant de l'hypothèse qu'un intérêtd'ordre juridique est pour elle en
cause en l'espèce, assortit sa requête d'une réserve expresse en vertu de
laquelle son intervention ne doitpas avoir pour effet de mettre en jeu ses
propres prétentions ))quant à ces mêmesquestions vis-à-vis de la Tunisie et
de la Libye. La Cour conclut ainsi :

<(Cela étant, le caractère même de l'intervention demandée par
Malte montre, de l'avis de la Cour, que l'intérêt d'ordre juridique

invoqué par elle ne peut êtreconsidéré comme susceptible d'êtreen
cause en l'espèce au sens de l'article 62 du Statut. ))

De l'analyse ainsi faite par la Cour, je m'écarte sur le point suivant :s'il
est vrai que Malte adéclaré ne pasmettre enjeu ses propres prétentionssur
le plateau continental par rapport àla Tunisie et àla Libye, cela ne revient
pas à dire qu'elle n'a pas mis en jeu les vues qu'elle demandel'autorisation
de présenter au sujet des principes et règles de droit international appli-

cables.
L'Attorney-General de Malte a déclaré lorsde l'audience publique tenue
par la Cour le 23 mars 1981 :

((Malte ne cherche pas à faire régler ses problèmes de délimitation
avec la Libye ou avec la Tunisie par le biais de l'intervention. Malte
craint sincèrement que la Cour ne risque de trancher - ou, plus
probablement, ne tranche - au cours de l'instance Libye/ Tunisie des
questions précises concernant directement la région dans laquelle se
trouveMalte et n'affecte ainsi un ou plusieurs de ses intérêtsdenature

indubitablement juridique. ))

Et,répondant àl'argument selon lequelMalte aurait effectivement déclaré
qu'elle ne s'estimerait pas liéepar l'arrêtde la Cour, il a affirmé : (Par sa
requête à fin d'intervention, Malte se soumet à toutes les conséquences et à
tous les effets de l'intervention, quels qu'ils puissent être. ))Un conseil de
Malte a complété cette affirmation par les observations suivantes :

Malten'ajamais prétendu qu'elle ne seraitpas Liée par la décision
de la Cour ...Ce que Malte a déclaré, c'est qu'elle ne recherchait ni
prononcé ni décision contre la Libye et la Tunisie, maiscela ne signifie

pas que Malte ne veuille pasêtre liéepar l'arrêtde la Cour ...Ce que la
Cour dira être le droit sera la droit, et aura un caractère obligatoire
pour Malte ..S'agissant de ce que la Cour dira êtrele droit au sujetdes
caractéristiques du plateau continental de la Méditerranée centrale,
Malte aun intérêtd'ordrejuridique qui seraaffectétout spécialement
et tout particulièrement par la décision de la Cour. ))39 CONTINENTAL SHELF (SEP.OP. SCHWEBEL)

Counsel for Malta further emphasized that what Tunisia and Libya
themselves seek in these proceedings is not the decision of the Court on
their respectiveclaims but the identification by the Court of theprinciples
and rules of international law and the precise specification of the way in
which those principles and rules are to be applied in the delimitation of
their respective areas of continental shelf. Counsel for Malta particularly
stressed that Malta's action was founded on the view that a decision of the
Court relating to the specific features of the area would inevitably bind

Malta in her relations with Tunisia and Libya simply as a statement of
law.
As far asMalta could judge, on the basis of its access not tothepleadings
but only to the Special Agreement, Tunisia and Libya do not put in issue
claims against one another. Indeed, al1 that is apparent from the Special
Agreement is that the object of the case is essentially limited to "the
principles and rules of international lawwhich rnay be applied and ... the
practical way to apply them in the delimitation of the areas of continental
shelf appertaining to Tunisia and Libya" (Judgment, para. 33).

But what is critical to a showing by Malta that it has a legal interest
which rnay be affected by the decision in the case is not the object of the
case as it rnay be stated in the Special Agreement or otherwise but the
subjects of the case as the Court rnay treat them. What is key is the
probability, or at any rate the possibility, that Tunisia and Libya are
seeking the Court's support for positions which, if sustained (whether in
the dispositif or other passages of the Court's Judgment), rnay actually
affect Malta's particular legal interests - despite Malta's not submitting
claims against Tunisia and Libya for delimitation.

Accordingly, 1 do not wholly share the conclusion which the Court
reaches in the last sentence of paragraph 33. In my submission, 'the very
character of the intervention for which Malta seeks permission does not
show that the interest of a legal nature invoked by Malta cannot be
considered to be one "which rnay be affected by the decision in the case"
within the meaning of Article 62 of the Statute. The character of the
proposed intervention is open to challenge, as 1 see it, not on the ground
that Malta's actual legal interest "may" not be "affected" by elements of
the decision in the case. Rather, precisely its very character is open to
Malta - however understandably in the
challenge on the ground that
circumstances - refrains from endeavoring tojoin as a party to the suit and
seeks tojoin as what might be termed a "non-party". To the extent it comes
in, it does not propose to come al1 the way in. As submitted above, the
Court rnay reasonably exercisethepower of decision expressly accorded it
by paragraph 2 of Article 62 of the Statute to deny it permission to inter-
vene in this way.
At the same time, as 1acknowledge above, the fact that Malta's request
to intervene does not unreservedly submit the relevant Maltese interests of

a legal nature to the Court for decision nevertheless is relevant to the PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. SCHWEBEL) 39

Leconseilde Maltea ajouté qu'en l'espèce la Tunisieetla Libyeelles-

mêmen sedemandentpas àla Courdeseprononcersurleursprétentions
respectives,mais de déterminer les principes et règles dedroitinternational
et d'indiquer la manière pratique par laquelle ces principes et règles doi-
vent s'appliquer à la délimitation de leurs zones respectives du plateau
continental. Le conseil aparticulièrement souligné que la requête de Malte
était fondée sur la conviction que toute décision de la Cour relative aux
caractèresparticuliers de la région en questionlieraitinévitablementMalte

dans ses relations avec la Tunisie et avec la Libye,ne fût-ce que comme un
prononcé de droit.
Dans la mesure où pouvait en juger Malte, qui n'a pu avoir communi-
cationque du compromis etnonpas des pièces de procédure, la Tunisie et
la Libye ne mettent pas en jeu de prétentions opposables l'une à l'autre.
Tout ce qui ressort du compromis, c'est que l'objet de l'instance est
essentiellementlimité aux (principes et règles du droit international pou-
vant être appliqués et à ...la manière pratique de les appliquer dans la

délimitation deszones de plateau continental relevant de la Tunisie et de la
Libye ))(arrêt, par. 33).
Cependant, pour que Malte prouve qu'un intérêtd'ordre juridique est
pour elle en cause, ce qui est déterminant, ce n'est pas l'objet du différend
tel qu'il est défini dans le compromis ou de toute autre facon, mais les
élémentsde l'affaire tels que la Courpeut les évoquer. Ce qui est essentiel,
c'est la probabilité - ou tout au moins la possibilité - que la Tunisie et la
Libye demandent à la Cour d'appuyer des positionsqui, si elle en reconnaît

la validité (que ce soit dans le dispositif ou dans d'autres passages de
l'arrêt), risquent effectivementd'affecter les intérêtsjuridiques particuliers
de Malte, endépit du fait queMalte ne formule pasde prétentions contre la
Tunisie et la Libye en matière de délimitation.
Par conséquent, je ne saurais complètement souscrire à la conclusion
que la Cour énonce dans la dernièrephrase du paragraphe 33 de l'arrêt.A
mon avis, le caractère même de l'intervention demandée par Malte ne
montre pas que l'intérêt d'ordre juridique invoqué par elle ne puisse être
considéré comme susceptibled'être <(en cause ))au sens de l'article 62 du

Statut. Si le caractère de l'intervention demandée prête à contestation, ce
n'est pas, selonmoi, pourla raison quel'intérêtjuridique effectif de Malte
ne peut pas êtremis ((en cause )par la décision de la Cour dans ses divers
éléments : c'est parce que Malte - aussicompréhensibleque cela soit dans
les circonstances de l'espèce - s'abstient de demander à intervenir à
l'instance en qualité de partie et se contenterait d'êtrece qu'on pourrait
appeler une ((non-partie )).Malte veut bien participer, mais sans aller
jusqu'au bout dans la participation. Comme je l'ai indiqué plus haut, la

Cour est donc justifiée à exercer le pouvoir de décision que lui accorde
expressémentl'article 62, paragraphe 2,du Statut pour refuser d'admettre
l'intervention dans ces conditions.
En même temps, comme je l'ai déjà signalé, le fait que par sa requête
Maltene soumettepas sans réserve ses intérêtsjuridiques àla décision de la
Cour est à prendre en considération pour déterminer si un intérêtd'ordre 40 CONTINENTAL SHELF (SEP.OP.SCHWEBEL)

judgment of whether Malta has an interest of a legal nature which may be
affected by the decision in the case. That is why 1Sayno more than that 1do
not "wholly" share the conclusion which the Court reaches in the last

sentence of paragraph 33.

The Court's Judgment rightly takes no position on whether a State, in
order to intervene under Article 62, must demonstrate a title ofjurisdiction
beyond that whichArticle 62 of itself may be argued to provide. Nor does
Article 81, paragraph 2 (c), of the Rules of Court take a position on this
complex question : itsintention was merely to draw attention to the point
and to ensure that a State which could indicate such a title of jurisdiction
should so inform the Court. However, because some Judges of the Court
have recorded their views on this question, 1 should like to indicate pro-

visionally the essence of mine.
1 am inclined to believe that the better view is that the State seeking to
intervene need not establish that it has jurisdiction to litigate with the
parties to the principal case in the absence of recourse to Article 62. 1 so
submit because, among other reasons :

- the terms of Article 62 make no reference to jurisdiction, either in their
original version or - it is instructive to recall - as amended in
1945 ;
- Article 36 of the Statute, in endowing the Court with jurisdiction in al1
matters "specially provided for. .. in treaties and conventions in
force", may be read as referring to Article 62, which is part of such a
treaty ;

- to read into Article 62 an additional requirement of jurisdiction would
in practice confine the institution of intervention to marginal limits, a
fact which suggests that the "plain meaning" of Article 62 which makes
no mention of jurisdiction is correct ; and

- Article 63 apparently does not require a demonstration of jurisdiction
even where the party invoking the treaty under construction has not
acceded to the Court's jurisdiction to decide disputes over that treaty's
interpretation or application ; why such jurisdiction should be required
in the complementary case of Article 62 accordingly is the less clear.

Admittedly, a substantial argument to the contrary may be made out,
but, on balance, 1 do not now find it persuasive.

(Signed) Stephen M. SCHWEBEL. PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. SCHWEBEL) 40

juridique est en cause pour Malte en l'espèce. C'estpourquoi je me con-
tente de dire que je ne saurais ((complètement ))souscrire à la conclusion
de la Cour qui est exprimée dansla dernièrephrase du paragraphe 33 de
l'arrêt.

L'arrêt de la Cour s'abstient à juste raison de prendre position sur la
question de savoir si, pour pouvoirintervenir au titre de l'article 62, un Etat
doit établir l'existence d'un titre de compétence au-delà de ce que l'on
pourrait conclure de l'article 62 lui-même. L'article 81, paragraphe 2 c),

du Règlement ne prend pas lui-même position sur cette question com-
plexe ; il vise simplement à appeler l'attention sur la question et àfaire en
sorte qu'un Etat en mesure d'indiquer un tel titre de compétence le fasse
connaître à la Cour. Toutefois, certains juges s'étant exprimés sur ce
sujet, je voudrais indiquer provisoirement l'essentiel de mes vues.
J'incline à penser que la bonne façon de voir les choses est que 1'Etat
demandant àintervenir n'a pas àétablir l'existence d'un lienjuridictionnel
avec les parties à l'instance principale et peut se contenter d'invoquer

l'article 62. Je suis de cet avis parce que, entre autres raisons :
- l'article 62 ne dit rien de la compétence,soit dans le texted'origine, soit
- il est utile de le rappeler - dans le texte amendé de 1945 ;

- l'article 36 du Statut, conférant compétence àla Courdans tous les cas
spécialementprévus ...dans les traités etconventions en vigueur >),peut
êtreinterprété commes'appliquant àl'article 62, quifaitpartie d'un tel
traité;
- interpréter l'article 62 comme introduisant une exigence supplémen-

taire en matière de compétence enfermerait en pratique l'institution de
l'intervention dans deslimitestrèsétroites, ce qui donne àpenser que le
sens clair r)de l'article 62, qui ne fait aucune mention de la compé-
tence, est le bon ;
- l'article 63 n'oblige apparemment pas à établir l'existence d'un lien
juridictionnel, mêmequand la partie qui invoque le traitéà interpréter
n'a pas accepté la compétence de la Cour pour connaître desdifférends
relatifsà l'interprétation ou à l'application dudit traité ; on voit d'au-
tant moins la nécessitéd'un lienjuridictionnel dans le cas symétriquede

l'article 62.
Certes, on pourrait présenter des arguments solides pour soutenir le

contraire, mais, tout bien pesé,je ne trouve pas ces arguments convain-
cants.

(Signé S)tephen M. SCHWEBEL.

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Document Long Title

Opinion individuelle de M. Schwebel (traduction)

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