Opinion individuelle de M. Oda (traduction)

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063-19810414-JUD-01-02-EN
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063-19810414-JUD-01-00-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. ODA

[Traduction]

1. J'ai votéen faveur de l'arrêteu kgard àla compétencequeconfère àla
Cour le paragraphe 2 de l'article 62 de son Statut, qui lui donne expres-

sément pouvoir de se prononcer sur une requête à fin d'intervention. En
exerçant ce pouvoir, la Cour peut tenir compte de considérations d'op-
portunité judiciaire. Enoutre, j'estime que les intérêtsjuridiques queMalte
a cherché à protéger par sa demande d'intervention dans l'affaire Tunisie/
Libye seront adéquatement sauvegardés par la Cour, d'autant plus que
dans ses plaidoiries Malte a attirél'attention de la Cour sur les soucis fort
compréhensiblesquil'animent. Mais, àmon avis,les motifs exposés par la
Cour interprètent d'une façon trop restrictive le paragraphe 1 de l'ar-
ticle 62. Je regrettequ'on ait ainsilimité la notion d'intervention lors de la

première occasion réelle où l'on en ait demandé l'application.

2. A mon avis, une intervention fondéesur l'article 62 du Statut devrait
êtreconsidérée comme étant d'une portée beaucoup plus large qu'il n'est
admis dans l'arrêtde la Cour (par. 32-34).Les procès-verbauxdes débats
du comité consultatif de juristes de 1920, qui a rédigéle Statut de la Cour
permanente de Justice internationale, fournissent peu de renseignements

sur le rôle que pouvait jouer un Etat tiers autorisé à intervenir en appli-
cation de l'article 62 du Statut (qui était identique, pour ce quiest du texte
français, à l'article 62 du Statut de la Cour actuelle) et sur les effets qui
pouvaient découler de sonintervention. Si le Règlement de la Couradopté
en 1922 à la session préliminaire de la Cour permanente de Justice inter-
nationale contenait des dispositions relatives à la requête à fin d'interven-
tion, il ne spécifiaitpas la portée de cette intervention, ni la façon dont la
Cour devait donner suite à l'intervention d'une tierce partie, une foiscette
intervention admise. Comme la Cour le dit trèsjustement dans le présent

arrêt (par. 23 et 27)' la Cour permanente de Justice internationale et la
Cour actuelle ont laissé de côté ces questions d'intervention, estimant
qu'elles pourraient être tranchées eu égard aux circonstancesparticulières
de chaque espèce. Pendant soixante années, la Cour n'a pratiquement
jamais eu à connaître d'affaire donton pouvait dire que l'article 62 était un
élémentessentiel ; maisle momentest maintenant venu pour la Courde se
prononcer sur le problème de l'intervention.
3. Je n'attache pas la mêmeimportance que la Cour au fait que le texte
anglais de l'article 62 du Statut de la Cour permanente de Justice inter-

nationale envisageait uneintervention <as a third party ))ni aufait que ces PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. ODA) 24

mots ont étéomislorsquelecomitédesjuristes des Nations Unies a rédigé
en 1945 le Statutde la Cour actuelle. Le texte français du Statut de la Cour
permanente de Justice internationale n'a jamais contenu d'expression
correspondant aux termes anglais as a third party )).Et lorsqu'en 1945
ce texte a été refondu à l'intention de la Cour actuelle, l'article 62 n'a
subi aucune modification. D'ailleurs, comme le précise le rapport du

comité :
(Les rectifications de forme apportées au texte anglais de ..l'ar-
ticle 62, paragraphe 1 (suppression des mots : as a third party) n'en
altèrent pas le sens. ))(Documents de la Conférence des Nations Unies

sur l'Organisation internationale, San Francisco, 1945, vol. XIV,
p. 708.)
Il estvrai que lestextes anglais et français duStatutde la Courpermanente

de Justice internationale font égalementfoi, comme il est indiqué expres-
sément dans le protocole de signature de ce Statut. Cependant, la préface
aux procès-verbaux des débats du comité consultatif de juristes indique
clairement que :

(<Tous les membres du Comité, à l'exception de M. Elihu Root,
s'étant exprimés en français, c'est le texte anglaisdes procès-verbaux
qu'il convient de considérer comme une traduction, sauf pour les
discours et remarques de M. Root. ))(P. IV.)

On ignore la raison pour laquelle l'expression ((as a third party ))a été
introduite en 1920 dans le texte anglais,comme traduction du texte fran-
çais. En tout cas,ilnesemble pas que ce soit parce que, en français, les mots
un intérêt d'ordre juridique le concernant est en cause ))avaient été
remplacés par un intérêt d'ordrejuridique est pour lui en cause ))(arrêt,

par. 22). On ne trouverien dans les procès-verbauxdes débats qui donne à
penser que les auteurs du texte auraient envisagé spécifiquementen 1920 la
notion d'une intervention en qualité de partie ))Faute d'information à ce
sujet, on nepeut tirer de conclusion sur la significationd'une intervention
as a third party ))en se fondant uniquement sur le texte anglais du
Statut. Je ne puis donc convenir avec la Cour que les débats de la Cour
permanente ont montré qu'<(il semble néanmoins que l'on ait envisagé

qu'un Etat admis à intervenir en vertu de l'article 62 deviendrait (partie ))à
l'affaire )>(par. 24).
4. Il n'est donc pas du tout évident que la participation en qualité de
partie soit une condition sine qua non de l'institution de l'intervention. De
plus, la question de savoir si l'institution de l'intervention fondée sur
l'article 62 duStatut exige ounon que 1'Etat tiersparticipe à l'instance en
qualité de partie ))est étroitement liée à deux autres questions : tout
d'abord, celle de savoir s'il faut qu'il existe un lien juridictionnel entre

1'Etat intervenant et les parties originaires ; et ensuite la question de savoir
si l'arrêt de la Cour en l'instance principale aurait également force obli-
gatoire pour 1'Etat intervenant. Bien que la Cour n'ait pas traité de la
question de la juridiction en la présente affaire (par. 36)' il est difficile PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. ODA) 25

d'examin erinstitutiondel'interventio nans tenir compte de ces deux
questions, qui sont étroitement liées à la nature de cette institution telle
qu'elle est prévueà l'article 62.

5. Je pense qu'on peut soutenir que l'existence d'un lienjuridictionnel
entre 1'Etat intervenant et les parties originaires estnécessaire si l'Etat
intervenant participe à l'instance en tant que partiede plein droit, et qu'en
ce cas l'arrêt de la Cour aurait indubitablement force obligatoire pour
1'Etat intervenant. Ce droit d'intervention est foncièrement semblable à
celui que prévoit le droit interne de nombreux Etats. Par suite de la
participation de la tierce partie en qualité de partie de plein droit à
l'instance principale, l'affaire devienun litige entre troisparties. Evidem-
ment, dans le droit interne, le lien juridictionnel entre la tierce partie
demandant à intervenir et les parties originairn'est pas en cause. Cette
institution, qui existe de longue date, a pour objet de protéger les droits
d'une tierce partie qui pourraient être affectés par le litige entre les deux
autresparties, tout en simplifiant la procédure contentieuse :deux ou trois
motifs d'action judiciaire concernant les mêmes droits ou obligations
peuvent ainsi êtreréunis en une seule instance.
nationale de Justiceoù 1'Etat tiers demandantrtéàintervenir pour assurer la
protectiondu droit qu'il estime avoir - etqui fait partiede l'objet mêmedu
litige primitif- est lié aux parties originairespar son acceptation de la
juridiction obligatoirede la Couren vertu de la dispositionfacultative du
Statut, ou par un traité ou une convention en vigueur, ou encore par un
compromis passéavec ces deux Etats. Dans ces conditions, 1'Etat tierspeut
participer àla procédure en qualitéde demandeurou défendeur, ouen tant
quedemandeurindépendant. Il est d'ailleurs probable que, dansun telcas,
1'Etat tiers serait habilità introduire devant la Cour une action séparée
concernant la mêmequestion. En revanche, laisser participer à la procé-
dure unEtat tiers qui agirait comme partiede plein droit sans avoir de lien
juridictionnel avec les parties originaireset sansêtre liépar la force obli-
gatoire de l'arrêt reviendrait indubitablement à réintroduire par un sub-
terfuge une affaire qui n'aurait pas pu êtreportée devant la Cour en raison
d'un défaut de juridiction. Une telle situationparaît à première vue inad-
missible, car la juridiction de la Courinternationalede Justice est fondée
sur leconsentement d'Etats souverains et n'est pas obligatoire en l'absence
de ce consentement.

7. Cependant, il n'est pas du tout évidentque la seule hypothèse qui fut
envisagée lors de l'examen du libellé de l'article 62 était le cas où il exis-
terait un lien juridictionnel entre 1'Etat intervenant et les parties origi-
naires. En 1922, quand la Cour permanente de Justice internationale a PLATEAUCONTINENTAL(OP. IND. ODA)
26

siégé en session préliminaire pour discuter, entre autres, deson Règlement,
le comité de la procédure a rédigéun questionnaire dans lequelilposait la
question suivante à propos de l'intervention : Des tierces puissances
intéressées n'ont-elles un droit d'intervention qu'au cas où les parties
primitives sont soumises àlajuridiction obligatoire de la Cour ? )(C. P.J.1.
série D no2, p. 291.) Comme on l'a rappelé en plaidoirie dans la présente
procédure et comme il est indiqué dans l'arrêt(par. 23) la Cour, qui se
trouvait divisée, n'a pu parvenir en 1922 à une conclusion certaine. On
notera cependant queleprésident Loderadécidé àla dix-septièmeséance,
le 24 février 1922,

(qu'il ne pourrait pas mettre aux voix une proposition tendant à
limiter le droit d'intervention, aux termes de l'article 62, aux seuls
Etats ayant accepté la juridictionobligatoire. Cette proposition, si elle
était acceptée, irait en effet à l'encontre du Statut ))(ibid.p. 96).

8. C'est à la session préliminaire de la Cour permanente de Justice
internationale qu'a étéévoquéepour la première fois la possibilité d'en-
visager l'interprétation de l'article 62 dansun contexte un peu plus large.
On sereportera sur ce point au Résuméde ladiscussion antérieureausujet de
la question du droit d'intervention, présenté par M. Beichmann à la dix-
septième séance, le 24 février 1922. Dans le cas de l'article 62, a-t-il
dit :
aucun Etat n'a le droit d'intervenir,maispeut seulementdemander à
la Courde lui accorderle droit d'intervention, et cela àcondition que
la Cour est d'avis qu'il ajustifié d'un intérêtd'ordre juridique. Cette
conditioncependant n'est nécessairement pas la seule et elle ne com-

portepas nécessairementle droit d'intervenir. Mêmesi la Cour estime
que cette condition est remplie, la Cour pourra refuser dedonner suite
à la demande.
L'article62 du Statut stipulant que la décision doit êtreprise dans
chaque cas qui se présentera, il n'y a pas lieu dès maintenant de
prendre une décision quelconque, ni sur l'interprétation des mots
intérêtd'ordrejuridique est pour lui en cause ))ni sur la question de
savoir si une intervention est soumise à d'autres conditions d'ordre
juridique, par exemple la soumission des parties etdu requérant àla
juridiction obligatoire, ou du consentementdespartiesoriginaires. La
question de savoir si, l'intervention ayant été admise et effectuée,
1'Etat intervenant sera lié par la sentence de mêmeque les parties
originaires doit également rester ouverte.

Toutefois il se dégage de la discussion que l'intervention pourra
avoir des bases différentes, soit celle que 1'Etat intervenant aurait un
droit subjectif qui s'opposerait auxprétentions desparties originaires PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. ODA)

ou de l'une d'elles, soit celle que 1'Etat intervenant pourrait avoir un
intérêt à ne pas voir établies,au sujetdes règles à appliquer, des vues
contraires aux siennes. Cette dernière base pourra suffire, au moins
dans le casprévu dans l'article 63. La question de savoir si cette base
pourra aussi suffire dans les autres cas restera ouverte. )) (Ibid.,
p. 349.)
9. Le cas où un droit erga omnes est en cause entre deux Etats, mais où
un troisième Etat entend également se prévaloir de ce droit, est une

hypothèse qui mérite ici d'être retenue. Par exemple, dans le cas de la
souveraineté sur une île ou de la délimitation d'une frontière territoriale
entre deux Etats, lorsqu'une tierce partie se trouve elle aussi en mesure de
faire valoir sa souveraineté sur l'île en question ou sur le territoire qui sera
délimitépar laditefrontière, ou dans le cas d'un différend sur un droit de
propriété, faire dépendre l'intervention de 1'Etat tiers de l'existence d'un
lienjuridictionnel risquerait d'aboutir à un résultat déraisonnable. Si l'on
considère que ce lien est dans tous les cas indispensable pour recevoir
l'intervention, la notion d'intervention devant la Cour internationale de
Justicene pourraque s'étioler.Ainsi,selonmoi, si1'Etat tiers n'a pasde lien
juridictionnel à proprement parler avec les parties originaires au différend,
il peut néanmoins participer àcelui-ci,mais non pas en qualité de partie
dans le sens donné à ce terme dans le droit interne des Etats. Dans de tels
cas, le rôlejoué par 1'Etat intervenant doit être limité. Cet Etat peut faire
valoir une prétention concrète contre les parties originaires,mais il ne faut
pas que cette prétention outrepasse les limites de la requête ou du com-
promis qui a donné lieu à l'instance principale. L'Etat intervenant ne peut
pas demander à la Cour une décision confirmant directement sa préten-
tion. La décision de la Cour sera elle aussilimitée dans sa portée. Elle ne
pourra pas aller au-delà desbornes fixéespar la requêteou le compromis
original. Bien entendu, 1'Etat intervenant ne pourra pas se soustraire à la
force obligatoire de la décision de la Cour, décision qui s'appliquera
naturellement en ce quile concerne si sonintervention a été admise : il ne
réussira à faire protéger ses droits que si la Cour refuse de reconnaître la
prééminence de ceux de l'une ou l'autre des parties originaires ; si au
contraire la Cour se prononce dans un arrêt en faveur des droits de l'une
ou l'autre de ces parties, 1'Etat intervenant se verra sans aucun doute
privéde toute possibilitéprésente ou future de faire valoirdes prétentions
contraires àces droits.A la lumière de ces considérations,ilne semble pas
possible de soutenirque 1'Etat intervenant, au cas oùil n'aurait pas qualité
de partie au mêmetitre que les parties originaires, tirerait de son inter-
vention un avantage injustifié sans se placer lui-même dans une position

désavantageuse.

10. Par ailleurs, l'intervention devant la Courinternationale de Justice
n'est pas forcément limitée au cas où un droit bien défini de 1'Etat inter- PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. ODA) 28

venant est en litige entre les Etats parties à l'instance principale. A cet
égard, c'est l'article 63 du Statut qu'il faut considérer. Dans une instance
introduite en application de cet article, l'objet du litige entre les parties
primitives consiste assurément en droits concrets, que l'une et l'autre
revendiquent. Mais, si un Etat tiers devait intervenir, ce serait parce que

celui-ci est concerné par l'interprétation de la convention qui doit être
donnée dans l'arrêtde la Cour, et non par l'objet mêmedu litige. Ce mode
d'intervention est unique en droit international et, contrairement au cas
prévu par l'article 62, dérive des dispositions de l'article 84 de la conven-
tion de 1907 pour le règlement pacifique des conflits internationaux, qui
reproduit, avec quelquesmodificationsmineures, l'article 64 de la conven-
tion de 1899 pour le règlement pacifiquedesconflits internationaux. C'est

ce qui a été confirmé en 1920 par le président du comité consultatif de
juristes (procès-verbaux, p. 594)' encore que l'on ne conserve la trace
d'aucun débat approfondi sur ce point.
11. Pour l'application de l'article 63, aucun lien juridictionnel n'est
apparemment requis entre 1'Etat demandant à intervenir et les Etats par-
ties aulitige primitif. L'Etat tiers peut participerà l'instance,mais non ((en
qualité de partie ))et sur un pied d'égalité avec les autres parties à l'ins-
tance, parce quel'objet de sonintervention n'est pas nécessairementliéaux

prétentions des parties originaires.L'Etat tiersparticipe à l'instance, mais
non en qualité de demandeur ou défendeur, ni même de demandeur
indépendant. Celaressort clairement de certaines décisions antérieures de
la Cour. Dans l'affaire Haya de la Torre, l'objet del'instance était la remise
au Gouvernement péruvien de Haya de la Torre, qui s'était réfugié à
l'ambassade de Colombie au Pérou, et Cuba n'était pas directement inté-
ressée par cette question. Rien ne permet de dire que l'intervention de
Cuba eût dû être considérée comme une participation ((en qualité de

partie )),au sens où j'ai définiplus haut cetteexpression(encoreque dans la
liste des participants Cuba soit qualifiée de ((partie intervenante )>).De
fait,la participation de Cuba a consistésimplement à présenter son inter-
prétation de la convention de La Havane. De même, dans l'affaire du
Vapeur Wimbledon, l'objet de l'instance n'était pas la cargaison qui inté-
ressait la Pologne, mais le droit de passage du navire en question par le
canal de Kiel. Ni dans l'une ni dans l'autre de ces instances on n'a estimé
que l'intervention devait dépendrede l'affirmation d'une quelconquepré-
tention concrète à l'encontre de l'une ou l'autre oudesdeuxparties au litige

initial.
12. Dans un tel cas, l'arrêtde la Couraura assurémentforceobligatoire
pour les Etats parties à l'affaire, mais tout ce qui sera obligatoire pour
1'Etat intervenant, c'est, comme il est dit au paragraphe 2 de l'article 63,
l'interprétation [d'uneconvention]contenue dansla sentence )).En d'au-
tres termes, 1'Etat intervenant sera liépar l'interprétation de la convention
par la Cour au cas où il serait impliqué dans une instance concernant
l'application de cet instrument. PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. ODA) 29

13. A cet égard, il semble pertinent d'étudier la signification de l'ar-
ticle 59 du Statut, relatif à la force obligatoire des décisions de la Cour
d'autant plus que le sens de cet article est parfois considérépar rappro-
chement avec l'article 63. L'article 59 ne figuraitpas dans le projet de texte
proposé par le comité consultatif dejuristes en juin-juillet 1920. Il trouve
son origine dans les observations du représentantbritannique au Conseil

de la Sociétédes Nations, en octobre 1920. M. Balfour avait alors soumis
une note sur la Cour permanente où l'on trouve le passage suivant :

Il y a un autrepoint que je mentionne avec la plusgrande réserve.
Il me semble que la décision de la Courpermanente ne peut manquer
de contribuer à modifier graduellement età modeler, pour ainsidire,
le droitinternational. Ce résultatpeut êtrebon oumauvais, maisje ne
crois pas qu'il fut envisagépar le Pacte et, en tout cas,une disposition

quelconque devra permettre à un Etat de protester non contre une
décision particulière prise par la Cour, mais contre les conclusions
ultérieures qui sembleraient pouvoir découler de cette décision. ))
(C.P.J.I., Documents relatifs aux mesures prises par le Conseil de la
Sociétédes Nations aux termes de l'article 14 du Pacte, p. 38.)
Le rapport de M. Léon Bourgeois, représentant de la France, qui avait
également présenté à un moment donné un rapport sur le projet du comité
consultatif dejuristes auxréunions du Conseil tenues à Saint-Sébastien en

août, a été soumis au Conseil le 27 octobre 1920. Ce rapport commençait
par : (Voici les points que je vous propose d'examiner ))et continuait
ainsi :
<(8. Le droit d'intervention sous ses diversaspects, et en particulier
la question de savoir si le fait que le principe impliqué dans un
jugement pourra affecter le développement du droit international
dans une direction qui paraît à tel ou tel Etat indésirable pourra
constituer pour lui une base suffisantepour intervenir d'une façon ou
d'une autre afin de faire valoir ses opinions divergentes au sujetde ce

principe. ))(Ibid., p. 46.)
Tenant apparemment compte de l'observation de M. Balfour, ce rapport
ajoutait ce qui suit concernant la notion d'intervention dans le cas de
l'interprétation d'une convention :

Cettedernière stipulationétablit a contrario que, si [unEtat] n'est
pasintervenu dans l'instance, l'interprétation ne saurait luiêtreoppo-
sée.Il ne saurait y avoir aucun inconvénient à exprimer d'une façon
directe ce que l'article 61 [article 63 actuel] admet d'une façon indi-
recte. On peut donc proposer à l'Assemblée l'addition d'un article
ainsi rédigé : « La décisionde la Cour n'est obligatoire que pour les
parties en litige et dans le cas qui a été décidé ))[article 59 actuel]. ))
(Ibid., p. 50.) PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. ODA) 30

On peut donc conclure que les auteurs du Statut envisageaient que l'in-
terprétation donnée par la Cour sur un point de droit international serait
inspiréedes arrêtsantérieursde la Couret qu'en ajoutant cettedisposition
ils entendaient éviter que les modifications ainsi apportées à l'interpréta-
tion du droit international s'étendissent aux Etats n'ayant pas participé à
l'instance.
14. Si l'on interprète l'article 59 dans ce contexte, on voit qu'il n'ajoute
pas grand-chose aux dispositions de l'article 63 et qu'il n'a donc aucune
incidence directe sur cet article. On peut toutefois se demander quelle est
l'utilité de la règle implicite, dans l'article 63, selonlaquellel'interprétation
d'une convention n'a pas forceobligatoire pour les Etats qui n'étaient pas

parties à l'affaire soumise à la Cour. Car, mêmesi l'on fait abstraction de
cette règle, il ne fait guère de doute que, dans une instance où l'interpré-
tation d'une conventionparticulièreestcontestée, c'est l'interprétation qui
luiaétédonnée par la Cour dans uneaffaireantérieure qui aura tendance à
prévaloir. A mon avis, il n'y aura donc pasbeaucoup de différence entre la
situation des Etats qui sont intervenus dans l'affaire et la situation de ceux
qui ne l'ont pas fait, quant à l'effet pratiquede l'interprétation donnée par
la Cour à une convention internationale. On peut se demander si l'inten-
tion des auteurs - qui était de ne pas rendre obligatoire pour les Etats
n'ayant pas participé à l'affaire l'interprétation d'une convention par la

Cour - a vraiment étérendue effective par la rédaction de l'article 59.

15. Si l'interprétation d'une convention par la Cour intéresseforcément
un Etat partie à cet instrument, quoique non partie à l'instance, il semble
qu'il n'y ait aucune raison valable de penser que l'interprétation par la
Cour desprincipeset règles dedroitinternational présente moinsd'intérêt
pour les Etats. Par conséquent, si l'interprétation d'une conventioninter-
nationale permet l'intervention d'Etats tiers en application de l'article 63
du Statut,on peut se demander pourquoi l'interprétation desprincipes et

règles de droitinternational devraitempêcher unEtat tiersd'intervenir. Le
défaut de juridiction n'est pasuneraisonsuffisante pour empêcherun Etat
d'intervenir autrement qu'en qualité departie dans uneinstanceprincipale
qui met en cause l'application desprincipes et règles dedroitinternational,
car l'interprétation de ces principes et règles par la Couraura certainement
forceobligatoire pour 1'Etat intervenant. Quiplus est, tout comme dans le
cas de l'article 63, les dispositionsde l'article 59ne garantissent enfait aux
Etats qui ne sont pasintervenus dans l'instance principale aucune immu-
nité à l'égard del'application ultérieuredel'interprétation par la Cour des
principes et règles en question.
16. Evidemment,je ne prétends pas qu'une telle intervention soit pos-

sible en vertu de l'article 63 du Statut.Je dis simplementqu'une interven-
tion de cegenre, n'entraînant pas la qualité de partie, dans uneinstance où
le lien juridictionnelfait défaut mais où l'interprétation donnée parla Cour
a force obligatoire, a été instaurée par l'article 63. Et si ce genre d'inter- PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. ODA) 31

vention estpossible,je suis d'avis que l'article 62, rapproché de l'article 63,
peut également êtreconsidérécomme permettant ce mode d'intervention,

à condition que l'intérêt d'ordre juridique existe. En d'autres termes,
l'intervention fondéesur l'article 62 s'applique dans l'hypothèse où unEtat
intervenant qui n'est pas partie à l'affaire cherche à se protéger contre une
certaine interprétation des principes et règles de droit international. Dans
cette hypothèse,le mode d'intervention pourrait être identique à celui qui
est prévu par l'article 63,l'Etat tiers ne comparaissant ni comme deman-
deur ni comme défendeur et ne pouvant revendiquer aucun droit ou titre
spécifique contre les Etats parties à l'instance primitive.

17. On pourrait objecter que les Etats qui risquent d'êtreaffectés par
l'interprétation des principes et règles de droit international par la Cour
seront innombrables et que, si l'interprétation de ces principes et règles
peut avoir pour effet de donner accès à la Cour, à tous les Etats, en tant
qu'intervenants, cela suscitera à l'avenir de nombreux cas d'intervention.
Ce problème doit être considérédu point de vue de la politiquejudiciaire
future, et particulièrement du point de vue de la bonneadministration de la

justice internationale. Mais cela n'est pas une raison pour rejeter une
requête à fin d'intervention effective, alors que 1'Etat requérant affirme
qu'un intérêtd'ordrejuridique est pour lui mis en cause par l'interprétation
des principes et règles de droit international énoncée par la Cour. De
même,il n'est pas possible d'exclure la possibilité que la Cour soit saisie
d'un nombre croissant d'instances sur la base de l'article 63. Le fait que
l'article 63 a rarement été invoqué jusqu'à présent ne garantit pas qu'il
continuera àen aller de même.Ainsi, leproblèmeconcerne non seulement

l'application de l'article 62, mais aussi celle de l'article 63.

18. Cependant, à la différence de l'article 63, qui concerne l'interpré-
tation des conventionsinternationales, l'article 62 est assorti de certaines
restrictions. Le paragraphe 2 prévoit que la Cour décide >).Autrement

dit, la Cour dispose de certainspouvoirsdiscrétionnairespour autoriser ou
non 1'Etat qui présente la requête àintervenir dans l'instance. Plusimpor-
tante encore est la restriction énoncée au paragraphe 1, où il est exigéde
1'Etat demandant à intervenir qu'<(un intérêtd'ordre juridique [soit] pour
lui en cause )).On peut donc être sûr qu'une application trop Libéralede
l'article 62 serait limitée par les pouvoirs discrétionnaires reconnus à la
Cour, en particulier pour déterminer si 1'Etat demandant à intervenir a ou
non un intérêtde cet ordre. Il se trouve que c'est ce qu'a fait la Cour en la

présente espèce et qu'elle est parvenue à une conclusion négative sur ce
point, formulant ainsi ce qui me paraît être une exigence excessive.

19. En effet, sur le point de savoir si ((un intérêtd'ordre juridique est
pour [Malte] en cause )),mes conclusions diffèrent de celles de la Cour.L'affaire Tunisie/Libye a un caractère tout à fait distinctif. Elle ne porte
pas sur un intérêtd'ordre général pour le développement du droit inter-
national dans sa forme abstraite,et ce n'est pas la simple interprétation des
principes et règles de ce droit qui est en jeu:sic'était le cas, la Cour,àqui
l'on ne peut demander alors que de donner un avis ou de préciser la
doctrine, ne saurait connaître de l'affaire. Celle-ci a un caractère conten-

tieux, et la Tunisie et la Libye ont certainement des prétentions contra-
dictoires à faire valoir. Pourtant, il résulte de la lecture du compromisque
l'objet de l'affaire ne porte pas sur un droit conventionnelquedeux Etats se
contesteraient entre eux secils, ni sur des droits erga omnes bien définis tels
que la souverainetésurune île, sur un territoireparticulieromêmesur une
zone de plateau continental ; et aucune des Parties principales ne fait
valoir un droit ou un titre sur une zone de ce plateau expressémentindi-
quée. A cet égard, les prétentions réciproques des Parties originaires,

Tunisie et Libye, n'étaient pas parfaitement claires, du moins au début de
la procédure. Je ne vois donc pas comment l'on pourrait contester la
validité de la requêtede Malte en affirmant qu'elle n'a pas réussi à apporter
la preuve de ses prétentions contre les Parties originaires ou contre l'une
ou l'autre de ces Parties, ou à faire reconnaître sa qualité de demandeur
ou de défendeur pouvant demander à la Cour une décision formelle ou
exécutoire contre l'une ou l'autre de ces Parties, ou à faire valoir son
droit à obtenir de la Cour un prononcé ou une décision de quelque
forme que ce soit sur la limite de son propre plateau continental avec

celui des deux Parties originaires ou de l'une ou l'autre de ces Parties,
ou encore à affirmer son droit de soumettre ses propres prétentions à la
décision de la Cour sans s'exposer à des demandes reconventionnelles.
On ne peut pas exiger de Malte plus qu'on ne demande à la Tunisie et
à la Libye.
20. Les deux Parties à la présente affaire demandent à la Cour un
prononcé sur le droit approprié à la délimitation des zones du plateau
continental qui leur appartiennent respectivement. Aux termes du com-
promis, le litige soumis à la Cour par ces deuxpays doit donc resterlimité
aux principes et règles du droit international applicables à la délimitation
du plateau continental, et ne sauraitporter sur des prétentions concrètes à

quelque titre que ce soit. Aussi est-ilapproprié que l'objet de la requête à
fin d'intervention consiste, comme l'a affirméMalte, àprésenter des vues
sur les principes et règles de droit internationalpendant ledéroulement de
l'instance principale (comme Cuba se proposait de le faire en vertu de
l'article63 dans l'affaire Haya de la Torre). Cela étant, la position de Malte
diffère assurément de la position de Fidji dans les affaires des Essais
nucléaires, où l'objet desinstances était défini avec précision,sousforme de
prétentions spécifiques. La question de juridiction mise àpart, Fidjiaurait
pu identifier ses intérêtsà ceux de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande en
spécifiant les intérêtsjuridiques qui risquaient d'être mis en cause par les

mesures du Gouvernement français dont la légalitéétait contestée. Même
si Fidji avait dû préciser ses prétentions particulières comme coplaignant
contre la France, la condition ainsi mise à sa requête aurait résulté du PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. ODA) 33

caractère mêmede l'affaire. Or, l'affaire Tunisie/Libye est complètement
différente par sa nature.

21. La Libye et la Tunisie ont soutenu l'une et l'autre que la Cour est
tenue de s'en tenir aux principes et règles applicables àla délimitation de la
zone du plateau continentalde la Libye et à la zone du plateau continental
de la Tunisie, zones sur lesquelles, par définition, nul Etat tiers ne peut
proclamer un intérêt.Mais cet argument est loin d'être convaincant.
Comme il est dit au début de l'article 1 du compromis :

((Il est demandé à la Cour de rendre son arrêt sur la question
suivante :

Quels principes et règles du droit international peuvent êtreappli-
quéspour la délimitation de la zone du plateau continental relevant de
la Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste et de la zone du
plateau continental relevant de la République tunisienne, et la Cour
décidera conformément à des principes équitables et aux circons-

tances pertinentes propres à la région, ainsi qu'aux nouvelles ten-
dances acceptées à la troisième Conférence sur le droit de la mer. ))
(Traduction française par le Greffede la traduction anglaisecertifiée
exacte par la Libye.)

La <zone ))du plateau continental relevant de la Libye et la <(zone ))du
plateau continental relevant de la Tunisie sont évidemment différentes.
L'objet de l'instance principale est de déterminer les principes et facteurs
applicables à la délimitation de cette ligne - c'est-à-dire de la ligne de
démarcationentre les deux <zones ))- par les Parties.Mais l'ensemble que

constituent ces deux <(zones ))n'est pas défini dans le compromis.
22. Sila <(région ))dont les circonstancespertinentes doivent êtreprises
en considération par la Cour n'est qu'une simple addition de la <(zone ))
relevant de la Libye etde la <zone ))relevant de la Tunisie - auquelcas elle
n'intéresserait évidemment aucun Etat tiers, mais uniquement les deux
Parties -, commentpeut-on la définirsans savoir avec précisionquels sont

les élémentsqui la constituent ? N'est-il pas logique de penserque,lorsque
ces deux Etats parlent des <(circonstancespertinentespropres àla région )),
le mot <région ))doit nécessairement avoirune connotation différente de
celle qu'aurait une simple additionde la <(zone ))relevant de la Libye et de
la <(zone ))relevant de la Tunisie qui doivent étredélimitéesgrâce à l'arrêt
de la Cour? C'est d'ailleurs ce que confirment les mots <(propres à la
région )) (et non pas <(zone 1))qui sont utilisés dans la traduction en

français du compromis certifiée exacte par la Tunisie pour traduire l'an-
glais <which characterize the area ))Assurément, la délimitation de ces
deux <(zones ))est une question de caractère essentiellement bilatéral, qui
doit être régléepar voie d'accord entre la Libye et la Tunisie. Cette
délimitation ne doit pas empiéter sur l'éventuelle zone de plateau conti- PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. ODA) 34

nental d'un Etat tiers. Mais, si l'on tient compte des caractéristiques de la

région dans sonensemble - région dans laquelleun Etat tiers peut avoir un
titre juridique sur une portion de plateau continental - est-il permis de
croire que la décision de la Cour sur les principes et les règles de droit
international applicables à cette région ne mettra en cause aucun intérêt
juridique d'un de ces Etats tiers ? Et peut-on dire en outre qu'aucune

inférence nidéduction ne saurait légitimement êtretiréedesconclusions et
des motifs de la Cour pour ce qui est des droits ouprétentions d'Etats qui
ne sont pas parties à l'affaire Tunisie/Libye (arrêt, par. 35) ? Si la Cour
pense par exemple aux effets que peut avoir l'existence d'une île ou de
plusieurs îles dans cette région sur la délimitation du plateau continental
entre la Libye et la Tunisie, comment Malte peut-elle n'être pas affectée
par unedécision de la Courindiquant les principes et les règles applicables

en la matière ?

23. Au stade actuel, c'est-à-dire sans entrer dans tous les détails de
l'affaire, la Cour n'est pas en mesure de définir la région ))qui est
caractérisée par les circonstancespertinentes qu'elle doit prendre en con-

sidération. La Cour ne peut pas se prononcer sur ce point avant l'instance
principale. Comme en fait cette ((région ))n'est pas limitée aux étendues
sur lesquelles ilest évidentqu'aucun Etat tiersnepeut avoir deprétention,
la possibilité - ou la probabilité - d'un préjudice pour un Etat tiers n'est
pas à exclure. Théoriquement, plusieurs Etats peuvent avoir des préten-
tions sur le plateau continental dans la (région )),et invoquer à cette fin
toute justification qui peut leur paraître appropriée, tant que les critères de

délimitation de ce plateau ne sontpas fermement énoncés.Or, étant donné
le sens dans lequel évolue le droit de la mer, il ne serait pas difficile à la
Cour d'exercer lespouvoirsdiscrétionnaires que lui donne le paragraphe 2
de l'article 62 et d'autoriser l'intervention d'un Etat tiersparticulièrement
intéressé, compte tenu de l'importance donnée par la Cour aux intérêts
graves et imminents qui paraissent enjeu ainsique des facteurs pertinents.
En l'espèce, je ne peux pas accepter l'idée que l'arrêt de la Cour n'aura
aucun effetjuridique sur Malte, qui, sauf preuve du contraire, appartient

précisément à la <(région >)en question. C'est ce qui distingue Malte de
tous les autres pays (à l'exception peut-êtrede quelques Etats voisins), dont
beaucoup pourraient bien entendu s'intéresser dans l'abstrait à l'arrêtde la
Cour sur l'interprétation des ((principes et règles du droit international ))
applicables.

(Signé) Shigeru ODA.

Bilingual Content

SEPARATE OPINION OF JUDGE ODA

1. 1 have voted in favour of the Judgment in deference to the compe-
tence conferred upon the Court by thesecond paragraph of Article 62 of its
Statute. That paragraph expressly entrusts the Court with the authority to

decide upon a request for permission to intervene. In exercising that
authority, the Court may take into account considerations of judicial
propriety. Furthermore, 1believe that the legal interests of Malta, which it
has sought to protect by intervention in the Tunisia/Libya case, will be
sufficiently safeguardedby the Court, themore so because Malta has by its
argumentbroughtitsunderstandable preoccupations to the Court's atten-
tion. In my view, however, the Court's reasoning places too restrictive a
construction upon the first paragraph of Article 62. 1 regret that the
institution of intervention is afforded so narrow a focus on essentially the
first occasion of its application.

2. Intervention within the meaning of Article 62 of the Statute should in
my opinion be considered to have a far broader scope than the Court's
Judgment allows (paras. 32-34). The records of the proceedings of the
Advisory Committee of Jurists of 1920 which prepared the Statute of the
Permanent Court of International Justice shed little light on what kind of
functions a third State permitted to intervene under Article 62 of the
Statute (whichwas identical to Article 62 of the Statute of the International
Court of Justice asfar as the French text is concerned) can exercise, and on
what kind of effectsmay flow from its intervention. Although the Rules of
Court adopted in 1922 at the preliminary session of the Permanent Court
of International Justice contained provisions governing the application for

permission tointervene, they didnot deal with the scope of intervention, or
the way in which the intervention of a third party, once granted, should be
conducted. As the Court properly States in the present Judgment (paras. 23
and 27), the Permanent Court of International Justice and its successor left
such questions of intervention to be decided in the light of the particular
circumstances of each case. In 60 years, there hashardly been a casebefore
the Court in which Article 62 could be said to have been a key issue, but the
time has now come for the Court to grapple with the problem of inter-
vention.

3. 1do not share the Court's evaluation of the fact that the English text
of Article 62 of theStatute of thePermanent Court of International Justice
spoke of intervention "as a third party", and that these wordswere omitted OPINION INDIVIDUELLE DE M. ODA

[Traduction]

1. J'ai votéen faveur de l'arrêteu kgard àla compétencequeconfère àla
Cour le paragraphe 2 de l'article 62 de son Statut, qui lui donne expres-

sément pouvoir de se prononcer sur une requête à fin d'intervention. En
exerçant ce pouvoir, la Cour peut tenir compte de considérations d'op-
portunité judiciaire. Enoutre, j'estime que les intérêtsjuridiques queMalte
a cherché à protéger par sa demande d'intervention dans l'affaire Tunisie/
Libye seront adéquatement sauvegardés par la Cour, d'autant plus que
dans ses plaidoiries Malte a attirél'attention de la Cour sur les soucis fort
compréhensiblesquil'animent. Mais, àmon avis,les motifs exposés par la
Cour interprètent d'une façon trop restrictive le paragraphe 1 de l'ar-
ticle 62. Je regrettequ'on ait ainsilimité la notion d'intervention lors de la

première occasion réelle où l'on en ait demandé l'application.

2. A mon avis, une intervention fondéesur l'article 62 du Statut devrait
êtreconsidérée comme étant d'une portée beaucoup plus large qu'il n'est
admis dans l'arrêtde la Cour (par. 32-34).Les procès-verbauxdes débats
du comité consultatif de juristes de 1920, qui a rédigéle Statut de la Cour
permanente de Justice internationale, fournissent peu de renseignements

sur le rôle que pouvait jouer un Etat tiers autorisé à intervenir en appli-
cation de l'article 62 du Statut (qui était identique, pour ce quiest du texte
français, à l'article 62 du Statut de la Cour actuelle) et sur les effets qui
pouvaient découler de sonintervention. Si le Règlement de la Couradopté
en 1922 à la session préliminaire de la Cour permanente de Justice inter-
nationale contenait des dispositions relatives à la requête à fin d'interven-
tion, il ne spécifiaitpas la portée de cette intervention, ni la façon dont la
Cour devait donner suite à l'intervention d'une tierce partie, une foiscette
intervention admise. Comme la Cour le dit trèsjustement dans le présent

arrêt (par. 23 et 27)' la Cour permanente de Justice internationale et la
Cour actuelle ont laissé de côté ces questions d'intervention, estimant
qu'elles pourraient être tranchées eu égard aux circonstancesparticulières
de chaque espèce. Pendant soixante années, la Cour n'a pratiquement
jamais eu à connaître d'affaire donton pouvait dire que l'article 62 était un
élémentessentiel ; maisle momentest maintenant venu pour la Courde se
prononcer sur le problème de l'intervention.
3. Je n'attache pas la mêmeimportance que la Cour au fait que le texte
anglais de l'article 62 du Statut de la Cour permanente de Justice inter-

nationale envisageait uneintervention <as a third party ))ni aufait que ces 24 CONTINENTAL SHELF (SEP.OP.ODA)

when the Statute of the International Court of Justice was drafted in 1945
by the United Nations Committee of Jurists. From the outset, the French
text of the Statute of the Permanent Court of International Justice did not
contain any phrase corresponding to "as a third party". Article 62 of the
Statute, when redrafted for the present Court in 1945, did not undergo any
change as far as the French text was concerned, and the report of the
Committee expressly stated :

"[Tlhe forma1 emendations made in the English text of. . .
Article 62, paragraph 1(elimination of the words :'as a third party')
do not change the sense thereof." (Documents of the United Nations
Conference on International Organization, San Francisco, 1945, Vol.
XIV, p. 676.)

It is true that both the English and the French texts of the Statute of the
Permanent Court of International Justice are authentic, asexpressly men-
tioned in the Protocol of Signature of that Statute. On the other hand, the
Preface to the Procès-verbaux of the Proceedings of the Advisory Com-
mittee of Jurists clearly indicated that :

"As al1 the members of the Committee, with the exception of
Mr. Elihu Root, spoke in the French language, the English text of the
Procès-Verbaux is to be looked upon as a translation, except in so far
as concerns the speeches and remarks of Mr. Root." (P. IV.)

The reason why, in 1920, thephrase "as a third party" was introduced into
the English text, as a translation from the French text, is not known. At al1
events, this introduction would not seem to have been explicable on the
basis of the change in the French text from "un intérêtd'ordrejuridique le
concernant est en cause" to "un intérêtd'ordre juridique est pour lui en
cause" (Judgment, para. 22). There is in the records of the discussions no
suggestion that in 1920 the drafters had specifically in mind the idea of
intervention "as a party". Given this want of information, it does not seem
justified to drawconclusions about the meaning of intervention "as a third
party" based essentially on the English text of the Statute. Thus 1cannot
agree with the Courtthat any debates in the PermanentCourt showed that

"it seems to have been assumed tiiat a State permitted to intervene under
Article 62 would become a 'party' to the case" (para. 24).

4. It is far from clear that participation qua party is a condztiosine qua
non of the institution of intervention. Moreover, the question of whether or
not the institution of intervention under Article 62 of the Statute requires
the participation of a third State solely "as a party" is closely interrelated
with two further questions :first, whether or not ajurisdictional link which

connects the intervening State with the original litigant States in the
principal case should be required ; and, second, whether or not the judg-
ment of the Court in the principal case should also be binding upon the
intervening State. Although the Court does not pass upon the question of
jurisdiction in these proceedings (para. 36), it is difficultto discuss the PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. ODA) 24

mots ont étéomislorsquelecomitédesjuristes des Nations Unies a rédigé
en 1945 le Statutde la Cour actuelle. Le texte français du Statut de la Cour
permanente de Justice internationale n'a jamais contenu d'expression
correspondant aux termes anglais as a third party )).Et lorsqu'en 1945
ce texte a été refondu à l'intention de la Cour actuelle, l'article 62 n'a
subi aucune modification. D'ailleurs, comme le précise le rapport du

comité :
(Les rectifications de forme apportées au texte anglais de ..l'ar-
ticle 62, paragraphe 1 (suppression des mots : as a third party) n'en
altèrent pas le sens. ))(Documents de la Conférence des Nations Unies

sur l'Organisation internationale, San Francisco, 1945, vol. XIV,
p. 708.)
Il estvrai que lestextes anglais et français duStatutde la Courpermanente

de Justice internationale font égalementfoi, comme il est indiqué expres-
sément dans le protocole de signature de ce Statut. Cependant, la préface
aux procès-verbaux des débats du comité consultatif de juristes indique
clairement que :

(<Tous les membres du Comité, à l'exception de M. Elihu Root,
s'étant exprimés en français, c'est le texte anglaisdes procès-verbaux
qu'il convient de considérer comme une traduction, sauf pour les
discours et remarques de M. Root. ))(P. IV.)

On ignore la raison pour laquelle l'expression ((as a third party ))a été
introduite en 1920 dans le texte anglais,comme traduction du texte fran-
çais. En tout cas,ilnesemble pas que ce soit parce que, en français, les mots
un intérêt d'ordre juridique le concernant est en cause ))avaient été
remplacés par un intérêt d'ordrejuridique est pour lui en cause ))(arrêt,

par. 22). On ne trouverien dans les procès-verbauxdes débats qui donne à
penser que les auteurs du texte auraient envisagé spécifiquementen 1920 la
notion d'une intervention en qualité de partie ))Faute d'information à ce
sujet, on nepeut tirer de conclusion sur la significationd'une intervention
as a third party ))en se fondant uniquement sur le texte anglais du
Statut. Je ne puis donc convenir avec la Cour que les débats de la Cour
permanente ont montré qu'<(il semble néanmoins que l'on ait envisagé

qu'un Etat admis à intervenir en vertu de l'article 62 deviendrait (partie ))à
l'affaire )>(par. 24).
4. Il n'est donc pas du tout évident que la participation en qualité de
partie soit une condition sine qua non de l'institution de l'intervention. De
plus, la question de savoir si l'institution de l'intervention fondée sur
l'article 62 duStatut exige ounon que 1'Etat tiersparticipe à l'instance en
qualité de partie ))est étroitement liée à deux autres questions : tout
d'abord, celle de savoir s'il faut qu'il existe un lien juridictionnel entre

1'Etat intervenant et les parties originaires ; et ensuite la question de savoir
si l'arrêt de la Cour en l'instance principale aurait également force obli-
gatoire pour 1'Etat intervenant. Bien que la Cour n'ait pas traité de la
question de la juridiction en la présente affaire (par. 36)' il est difficile25 CONTINENTAL SHELF (SEP. OP. ODA)

institution of intervention without taking into account these two further
questions, which are so closely interrelated with the nature of the institu-
tion under Article 62.

5. 1 believe it is arguable that ajurisdictional link between the inter-
vening State and the original parties to the case would be required if the

intervening State were to participateas a full party, and that, in such a case,
the judgment of the Court would undoubtedly be binding upon the inter-
vening State. Such a right of intervention is basically similar to that
provided for in the municipal law of many States. As a result of the
participation of the third party as afull party in the principal case,the case
will become a litigation among threeparties. In the case of municipal law,
of course, the link of jurisdiction between the third party seeking inter-
vention and the original litigantsis not at issue. This municipal institution
has existed for many years toprotect the right of a third party whichmight
othenvise be affected by the litigation between two other parties and to
promote economy of litigation. In such circumstances two or three causes

of actionconcerning the same set of rights or obligationsare dealt with as a
single case.
6. Similarly, before the International Court of Justice, there may be
cases in which the third State seeking intervention to secure its alleged
right, whichisinvolved in the very subject-matter of the original litigation,
is linked with the original litigant States by its acceptance of the compul-
sory jurisdiction of the Court under the optional clause of the Statute or
through a specific treaty or convention in force, or by special agreement
with these two States. In such cases the third State may participate as a
plaintiff or a defendant or as an independent claimant. Probably, in fact,
this third State would in such circumstances also be entitled to bring a

separate case on the same subject before the Court. On the other hand,
participation in the proceedings by a third State as a full party without
having any jurisdictional link with the original parties, while remaining
immune from tbe binding force of thejudgment, would certainly be tan-
tamount to introducing through the back door a case which could not
othenvise have been brought before the Court because of lack of jurisdic-
tion. This seems inadmissible prima facie, because the jurisdiction of the
International Court of Justice is based on the consent of sovereign States
and is not othenvise compulsory.

7. Nevertheless, it is by no means clear that the only hypothesis con-
templated when the draft of Article 62 was under discussion was the
hypothesis of the intervening State being connectedby ajurisdictional link
with the original litigants in the principal case. When the PermanentCourt PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. ODA) 25

d'examin erinstitutiondel'interventio nans tenir compte de ces deux
questions, qui sont étroitement liées à la nature de cette institution telle
qu'elle est prévueà l'article 62.

5. Je pense qu'on peut soutenir que l'existence d'un lienjuridictionnel
entre 1'Etat intervenant et les parties originaires estnécessaire si l'Etat
intervenant participe à l'instance en tant que partiede plein droit, et qu'en
ce cas l'arrêt de la Cour aurait indubitablement force obligatoire pour
1'Etat intervenant. Ce droit d'intervention est foncièrement semblable à
celui que prévoit le droit interne de nombreux Etats. Par suite de la
participation de la tierce partie en qualité de partie de plein droit à
l'instance principale, l'affaire devienun litige entre troisparties. Evidem-
ment, dans le droit interne, le lien juridictionnel entre la tierce partie
demandant à intervenir et les parties originairn'est pas en cause. Cette
institution, qui existe de longue date, a pour objet de protéger les droits
d'une tierce partie qui pourraient être affectés par le litige entre les deux
autresparties, tout en simplifiant la procédure contentieuse :deux ou trois
motifs d'action judiciaire concernant les mêmes droits ou obligations
peuvent ainsi êtreréunis en une seule instance.
nationale de Justiceoù 1'Etat tiers demandantrtéàintervenir pour assurer la
protectiondu droit qu'il estime avoir - etqui fait partiede l'objet mêmedu
litige primitif- est lié aux parties originairespar son acceptation de la
juridiction obligatoirede la Couren vertu de la dispositionfacultative du
Statut, ou par un traité ou une convention en vigueur, ou encore par un
compromis passéavec ces deux Etats. Dans ces conditions, 1'Etat tierspeut
participer àla procédure en qualitéde demandeurou défendeur, ouen tant
quedemandeurindépendant. Il est d'ailleurs probable que, dansun telcas,
1'Etat tiers serait habilità introduire devant la Cour une action séparée
concernant la mêmequestion. En revanche, laisser participer à la procé-
dure unEtat tiers qui agirait comme partiede plein droit sans avoir de lien
juridictionnel avec les parties originaireset sansêtre liépar la force obli-
gatoire de l'arrêt reviendrait indubitablement à réintroduire par un sub-
terfuge une affaire qui n'aurait pas pu êtreportée devant la Cour en raison
d'un défaut de juridiction. Une telle situationparaît à première vue inad-
missible, car la juridiction de la Courinternationalede Justice est fondée
sur leconsentement d'Etats souverains et n'est pas obligatoire en l'absence
de ce consentement.

7. Cependant, il n'est pas du tout évidentque la seule hypothèse qui fut
envisagée lors de l'examen du libellé de l'article 62 était le cas où il exis-
terait un lien juridictionnel entre 1'Etat intervenant et les parties origi-
naires. En 1922, quand la Cour permanente de Justice internationale a26 CONTINENTAL SHELF (SEP. OP. ODA)

of International Justice met in 1922 for its preliminary session to discuss,

arnong other things, the Rules of Court, the Cornmittee on Procedure
prepared questionnaires in which the Court was asked,in connectionwith
intervention :"Have third parties interested in a case the right of inter-
vention only when the original parties to a dispute have accepted the
compulsoryjurisdiction of the Court ?" (P. C.I.J., Series D, No. 2, p. 29 1).
As was pointed out in the argument in the current proceedings and in the
Court's Judgment (para. 23), the Court in 1922 was divided in its answer
and did not come to any definite conclusion. Yet it must be noted that the
President, Judge Loder, ruled at the seventeenth meeting on 24 Febru-
ary 1922 that he

"could not take a voteupon a proposal the effect of which would be to
limit the right of intervention (as prescribed in Article 62) to such
States as had accepted compulsoryjurisdiction. If a proposa1 in this
sense were adopted, it would be contrary to the Statute" (ibid.,
p. 96).

8. The possibilityin respect of Article 62 of a somewhat broader scope
of overall interpretation is traceable in the proceedings of the preliminary
session of the Permanent Court of International Justice. In this respect, it
rnay be pertinent to quote from the Summary of Previous Discussionson the
Question of the Right of Intervention, submitted by Judge Beichmann,also
at the seventeenth meeting on 24 February 1922. In the circumstances of
Article 62, he said :

"no State has a right to intervene, but rnay only ask the Court for
permission to do so ; permission shall only be given if the Court
considers that the State in question has an interest of a legal nature in
the case. This condition, however is not necessarily the only one, and
its fulfilment does not necessarily involve the right of intervention.
Even though the Court is of opinion that this condition is fulfilled, it
rnay refuse the request.

Article 62 of the Statute lays down that the question shall be
decided in each particular case as it arises ; thereis therefore no need
to adopt any decision at the moment either with regard to the inter-
pretation of thewords'interest of a legal nature which rnay be affected
by the decision', or with regard to the question whether the right of
intervention is subject to other conditions of a legal nature, for
example, the acceptance of the compulsoryjurisdiction of the Court
by the original parties and the party desiring to intervene, or the
consent of the originalparties. The question whether, when the right
to intervenehasbeen admitted and exercised, theintervening State is
tobebound by thejudgment, as well asthe originalparties, must also

remain open.
Nevertheless, the discussion has shown that intervention rnay be
based on other grounds :the intervening State rnay have a subjective
right, which is incompatible with the claims of the originalparties or PLATEAUCONTINENTAL(OP. IND. ODA)
26

siégé en session préliminaire pour discuter, entre autres, deson Règlement,
le comité de la procédure a rédigéun questionnaire dans lequelilposait la
question suivante à propos de l'intervention : Des tierces puissances
intéressées n'ont-elles un droit d'intervention qu'au cas où les parties
primitives sont soumises àlajuridiction obligatoire de la Cour ? )(C. P.J.1.
série D no2, p. 291.) Comme on l'a rappelé en plaidoirie dans la présente
procédure et comme il est indiqué dans l'arrêt(par. 23) la Cour, qui se
trouvait divisée, n'a pu parvenir en 1922 à une conclusion certaine. On
notera cependant queleprésident Loderadécidé àla dix-septièmeséance,
le 24 février 1922,

(qu'il ne pourrait pas mettre aux voix une proposition tendant à
limiter le droit d'intervention, aux termes de l'article 62, aux seuls
Etats ayant accepté la juridictionobligatoire. Cette proposition, si elle
était acceptée, irait en effet à l'encontre du Statut ))(ibid.p. 96).

8. C'est à la session préliminaire de la Cour permanente de Justice
internationale qu'a étéévoquéepour la première fois la possibilité d'en-
visager l'interprétation de l'article 62 dansun contexte un peu plus large.
On sereportera sur ce point au Résuméde ladiscussion antérieureausujet de
la question du droit d'intervention, présenté par M. Beichmann à la dix-
septième séance, le 24 février 1922. Dans le cas de l'article 62, a-t-il
dit :
aucun Etat n'a le droit d'intervenir,maispeut seulementdemander à
la Courde lui accorderle droit d'intervention, et cela àcondition que
la Cour est d'avis qu'il ajustifié d'un intérêtd'ordre juridique. Cette
conditioncependant n'est nécessairement pas la seule et elle ne com-

portepas nécessairementle droit d'intervenir. Mêmesi la Cour estime
que cette condition est remplie, la Cour pourra refuser dedonner suite
à la demande.
L'article62 du Statut stipulant que la décision doit êtreprise dans
chaque cas qui se présentera, il n'y a pas lieu dès maintenant de
prendre une décision quelconque, ni sur l'interprétation des mots
intérêtd'ordrejuridique est pour lui en cause ))ni sur la question de
savoir si une intervention est soumise à d'autres conditions d'ordre
juridique, par exemple la soumission des parties etdu requérant àla
juridiction obligatoire, ou du consentementdespartiesoriginaires. La
question de savoir si, l'intervention ayant été admise et effectuée,
1'Etat intervenant sera lié par la sentence de mêmeque les parties
originaires doit également rester ouverte.

Toutefois il se dégage de la discussion que l'intervention pourra
avoir des bases différentes, soit celle que 1'Etat intervenant aurait un
droit subjectif qui s'opposerait auxprétentions desparties originaires of one of them, or again it may be to the interest of the intervening
State that opinions contrary to its own should not prevail as regards
the rules to be applied. The last named reason for intervention might
be regarded as sufficient, at al1 events in the circumstances contem-
plated in Article 63. The question whether this reason would also
suffice in other circumstances remains open." (Ibid p.,349.)

9. The situation where a right erga omnes is at issuebetween two States,
but a third State has also laid a claim to that right, is a hypothesis which
here merits consideration. For instance, in the case of the sovereigntyover
an island, or the delimitation of a territorial boundary dividing two States,
with a third party also being in a position to claim sovereignty over that
island or the territory whichmay be delimited by this boundary, or in a case
in which a claim to property is in dispute, an unreasonable result could be
expected if ajurisdictional link were required for the intervention of the
third State. If thislink is deemed at al1times indispensable forintervention,

the concept of intervention in the International Court of Justice will
inevitably atrophy. Accordingly, in my submission, if the third State does
not have a proper jurisdictional link with the original litigant States,it can
nevertheless participate, but not as a party within themeaning of the term
in municipal law. The role to be played by the intervening State in such
circumstances must be limited. It may assert a concrete claim against the
originallitigant States, but that claim must be confined to the scope of the
original Application or Special Agreement in the principal case. The
intervening State cannot seek a judgment of the Court which directly
upholds its own claim. The scope of the Court's judgment will also be
limited :it will be bound to give judgment only within the scope of the
original Application or SpecialAgreement. The intervening Statecannot,

of course, escape the binding force of the judgment, which naturally
applies to it to the extent that its intervention has been allowed. The
intervening State will have been able to protect its own right merely in so
far as the judgment declines to recognize as countervailing the rights of
either of the original two Litigant States. On the other hand, to the extent
that the Court gives a judgment positively recognizing rights of either of
the litigant States, the intervening State will certainly lose al1 present or
future claim in conflict with those rights. In this light, it does not seem
tenable to argue that unless the intervener participates as a party on an
equal footing with the original litigant States, it would unreasonably
benefit without putting itself in any disadvantageous position.

10. Intervention in the International Court of Justice is not necessarily
limited to the situation concerning some well-defined right which is in PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. ODA)

ou de l'une d'elles, soit celle que 1'Etat intervenant pourrait avoir un
intérêt à ne pas voir établies,au sujetdes règles à appliquer, des vues
contraires aux siennes. Cette dernière base pourra suffire, au moins
dans le casprévu dans l'article 63. La question de savoir si cette base
pourra aussi suffire dans les autres cas restera ouverte. )) (Ibid.,
p. 349.)
9. Le cas où un droit erga omnes est en cause entre deux Etats, mais où
un troisième Etat entend également se prévaloir de ce droit, est une

hypothèse qui mérite ici d'être retenue. Par exemple, dans le cas de la
souveraineté sur une île ou de la délimitation d'une frontière territoriale
entre deux Etats, lorsqu'une tierce partie se trouve elle aussi en mesure de
faire valoir sa souveraineté sur l'île en question ou sur le territoire qui sera
délimitépar laditefrontière, ou dans le cas d'un différend sur un droit de
propriété, faire dépendre l'intervention de 1'Etat tiers de l'existence d'un
lienjuridictionnel risquerait d'aboutir à un résultat déraisonnable. Si l'on
considère que ce lien est dans tous les cas indispensable pour recevoir
l'intervention, la notion d'intervention devant la Cour internationale de
Justicene pourraque s'étioler.Ainsi,selonmoi, si1'Etat tiers n'a pasde lien
juridictionnel à proprement parler avec les parties originaires au différend,
il peut néanmoins participer àcelui-ci,mais non pas en qualité de partie
dans le sens donné à ce terme dans le droit interne des Etats. Dans de tels
cas, le rôlejoué par 1'Etat intervenant doit être limité. Cet Etat peut faire
valoir une prétention concrète contre les parties originaires,mais il ne faut
pas que cette prétention outrepasse les limites de la requête ou du com-
promis qui a donné lieu à l'instance principale. L'Etat intervenant ne peut
pas demander à la Cour une décision confirmant directement sa préten-
tion. La décision de la Cour sera elle aussilimitée dans sa portée. Elle ne
pourra pas aller au-delà desbornes fixéespar la requêteou le compromis
original. Bien entendu, 1'Etat intervenant ne pourra pas se soustraire à la
force obligatoire de la décision de la Cour, décision qui s'appliquera
naturellement en ce quile concerne si sonintervention a été admise : il ne
réussira à faire protéger ses droits que si la Cour refuse de reconnaître la
prééminence de ceux de l'une ou l'autre des parties originaires ; si au
contraire la Cour se prononce dans un arrêt en faveur des droits de l'une
ou l'autre de ces parties, 1'Etat intervenant se verra sans aucun doute
privéde toute possibilitéprésente ou future de faire valoirdes prétentions
contraires àces droits.A la lumière de ces considérations,ilne semble pas
possible de soutenirque 1'Etat intervenant, au cas oùil n'aurait pas qualité
de partie au mêmetitre que les parties originaires, tirerait de son inter-
vention un avantage injustifié sans se placer lui-même dans une position

désavantageuse.

10. Par ailleurs, l'intervention devant la Courinternationale de Justice
n'est pas forcément limitée au cas où un droit bien défini de 1'Etat inter- 28 CONTINENTAL SHELF (SEP. OP. ODA)

dispute between litigant States.Relevant in this respect isArticle 63 of the
Statute. The subject-matter of the dispute between the original parties in
the case of Article 63 will certainly be concrete rights claimed by both
sides. But if anythird State were to intervene, it would be because that third
State wasconcerned with the interpretation of theconventionfallingto be
construed in the judgment of the Court, but not with the subject-matter

itself. Thiskind of intervention is unique in international law and, unlike
Article 62, was borrowed from the provisions of Article 84 of the 1907
Convention for the Pacific Settlement of International Disputes, which
was inherited, with some rninor modifications, from Article 64 of the 1899
Conventionfor the Pacific Settlement of International Disputes. This was
confirmed by the President of the Advisory Cornmittee of Jurists in 1920
(Procès-verbaux, p. 594), although in fact no extensive discussions on this
point have been reported from that time.

11. In the application of Article 63, no jurisdictional link is apparently
required between the intervening State and the original litigant States. The
third State may participate in the case, but not "as a party" on an equal

footing with the orginal litigant States because the object of the interven-
tion is not necessarily connected with the claims of theoriginal parties. The
third party participates, but not as a plaintiff or defendant or even an
independent claimant. This seems to be clear from some precedents of the
Court. In the Haya de la Torre case, the delivery of Haya de la Torre, who
was enjoying asylum at the Colombian Embassy in Peru, was the subject-
matter of the case, in which Cuba was not directlyconcerned. There is no
reason to maintain that Cuba's intervention was assumed to be a partici-
pation "as a party" in the sense 1 have described above (although in the
list of participants in the case Cuba was mentioned as the "intervening
party"). In fact, Cuba's participation consisted simply in presentation of

its interpretation of the Havana Convention. Similarly, in the S.S. "Wim-
bledon" case, the subject-matter was not the cargo in which Poland was
interested but the right of access of the vesse1in question to the Kiel Canal.
In neither case was the intervention thought to be conditional on the
presentation of any concrete claim against both or either of the original
litigant States.

12. The judgment of the Court will certainly be binding upon the
litigant States,but al1that will bebindingupon the intervening State is, as

paragraph 2 of Article 63 provides, "the construction [of a convention]
given by the judgment". In other words, the intervening State will be
bound by the Court's interpretation of the convention if it becomes
involved in a case involving the application of that instrument. PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. ODA) 28

venant est en litige entre les Etats parties à l'instance principale. A cet
égard, c'est l'article 63 du Statut qu'il faut considérer. Dans une instance
introduite en application de cet article, l'objet du litige entre les parties
primitives consiste assurément en droits concrets, que l'une et l'autre
revendiquent. Mais, si un Etat tiers devait intervenir, ce serait parce que

celui-ci est concerné par l'interprétation de la convention qui doit être
donnée dans l'arrêtde la Cour, et non par l'objet mêmedu litige. Ce mode
d'intervention est unique en droit international et, contrairement au cas
prévu par l'article 62, dérive des dispositions de l'article 84 de la conven-
tion de 1907 pour le règlement pacifique des conflits internationaux, qui
reproduit, avec quelquesmodificationsmineures, l'article 64 de la conven-
tion de 1899 pour le règlement pacifiquedesconflits internationaux. C'est

ce qui a été confirmé en 1920 par le président du comité consultatif de
juristes (procès-verbaux, p. 594)' encore que l'on ne conserve la trace
d'aucun débat approfondi sur ce point.
11. Pour l'application de l'article 63, aucun lien juridictionnel n'est
apparemment requis entre 1'Etat demandant à intervenir et les Etats par-
ties aulitige primitif. L'Etat tiers peut participerà l'instance,mais non ((en
qualité de partie ))et sur un pied d'égalité avec les autres parties à l'ins-
tance, parce quel'objet de sonintervention n'est pas nécessairementliéaux

prétentions des parties originaires.L'Etat tiersparticipe à l'instance, mais
non en qualité de demandeur ou défendeur, ni même de demandeur
indépendant. Celaressort clairement de certaines décisions antérieures de
la Cour. Dans l'affaire Haya de la Torre, l'objet del'instance était la remise
au Gouvernement péruvien de Haya de la Torre, qui s'était réfugié à
l'ambassade de Colombie au Pérou, et Cuba n'était pas directement inté-
ressée par cette question. Rien ne permet de dire que l'intervention de
Cuba eût dû être considérée comme une participation ((en qualité de

partie )),au sens où j'ai définiplus haut cetteexpression(encoreque dans la
liste des participants Cuba soit qualifiée de ((partie intervenante )>).De
fait,la participation de Cuba a consistésimplement à présenter son inter-
prétation de la convention de La Havane. De même, dans l'affaire du
Vapeur Wimbledon, l'objet de l'instance n'était pas la cargaison qui inté-
ressait la Pologne, mais le droit de passage du navire en question par le
canal de Kiel. Ni dans l'une ni dans l'autre de ces instances on n'a estimé
que l'intervention devait dépendrede l'affirmation d'une quelconquepré-
tention concrète à l'encontre de l'une ou l'autre oudesdeuxparties au litige

initial.
12. Dans un tel cas, l'arrêtde la Couraura assurémentforceobligatoire
pour les Etats parties à l'affaire, mais tout ce qui sera obligatoire pour
1'Etat intervenant, c'est, comme il est dit au paragraphe 2 de l'article 63,
l'interprétation [d'uneconvention]contenue dansla sentence )).En d'au-
tres termes, 1'Etat intervenant sera liépar l'interprétation de la convention
par la Cour au cas où il serait impliqué dans une instance concernant
l'application de cet instrument. 13. In this respect it seems pertinent to examine the meaning of Arti-
cle 59 of the Statute, which provides for the binding force of the judgments
of the Court, particularly since the meaning of that Article is sometimes
discussed in connection with Article 63. Article 59 was not contained in
the draft prepared by the Advisory Committee of Jurists in June/July

1920. It stemmed from comments of the British delegate at the Council of
the League of Nations in October 1920. Mr. Balfour submitted a note on
the Permanent Court of International Justice, a passage of which
read :
"There is another point on which 1speak with much diffidence. It

seems to me that the decision of the Permanent Courtcannotbut have
the effect of gradually moulding and modifying international law.
This may be good or bad ;but 1do not think this was contemplated by
the Covenant ; and in any case there ought to be some provision by
which a State can enter a protest, not against any particular decision
arrived atby the Court,but against any ulterior conclusions to which
that decision may seem to point." (P. C.I.J. Documents concerning the
Action taken by the Council of the League of Nations under Article 14 of
the Covenant, p. 38.)

The report of Mr. Léon Bourgeois of France, who had alsoonce submitted
a report on the draft scheme of the Advisory Committee of Jurists at the
Council meetings at SanSebastian in August, was presented at the Council
on 27 October 1920. It starts with these words : "The following are the
points which 1 propose that you should consider : ...", and continues :

"8. The right of intervention in its various aspects, and in parti-
cular the question whether the fact that the principle implied in a
judgment may affect the development of international law in a way
which appears undesirable to any particular State may constitute for
it a sufficientbasis for any kind of intervention in order to imposethe
contrary views held by it with regard to this principle." (Ibid.,
p. 46.)

Apparently taking into account the observation which had been made by
Mr. Balfour, the report continued in connection with the institution of
intervention in the case of the construction of a convention, as fol-
lows :

"This laststipulation establishes, in the contrary case, that if aState
has not intervened in the case the interpretation cannot be enforced
against it. No possibledisadvantage could ensue fromstating directly
what Article 6 1[now Article 631indirectly admits. The addition of an
Article drawn up as follows can thus be proposed to the Assembly :
'The decision of the Court has no binding force except between the

Parties and in respect to that particular case' [nowArticle 591." (Ibid.,
p. 50.) PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. ODA) 29

13. A cet égard, il semble pertinent d'étudier la signification de l'ar-
ticle 59 du Statut, relatif à la force obligatoire des décisions de la Cour
d'autant plus que le sens de cet article est parfois considérépar rappro-
chement avec l'article 63. L'article 59 ne figuraitpas dans le projet de texte
proposé par le comité consultatif dejuristes en juin-juillet 1920. Il trouve
son origine dans les observations du représentantbritannique au Conseil

de la Sociétédes Nations, en octobre 1920. M. Balfour avait alors soumis
une note sur la Cour permanente où l'on trouve le passage suivant :

Il y a un autrepoint que je mentionne avec la plusgrande réserve.
Il me semble que la décision de la Courpermanente ne peut manquer
de contribuer à modifier graduellement età modeler, pour ainsidire,
le droitinternational. Ce résultatpeut êtrebon oumauvais, maisje ne
crois pas qu'il fut envisagépar le Pacte et, en tout cas,une disposition

quelconque devra permettre à un Etat de protester non contre une
décision particulière prise par la Cour, mais contre les conclusions
ultérieures qui sembleraient pouvoir découler de cette décision. ))
(C.P.J.I., Documents relatifs aux mesures prises par le Conseil de la
Sociétédes Nations aux termes de l'article 14 du Pacte, p. 38.)
Le rapport de M. Léon Bourgeois, représentant de la France, qui avait
également présenté à un moment donné un rapport sur le projet du comité
consultatif dejuristes auxréunions du Conseil tenues à Saint-Sébastien en

août, a été soumis au Conseil le 27 octobre 1920. Ce rapport commençait
par : (Voici les points que je vous propose d'examiner ))et continuait
ainsi :
<(8. Le droit d'intervention sous ses diversaspects, et en particulier
la question de savoir si le fait que le principe impliqué dans un
jugement pourra affecter le développement du droit international
dans une direction qui paraît à tel ou tel Etat indésirable pourra
constituer pour lui une base suffisantepour intervenir d'une façon ou
d'une autre afin de faire valoir ses opinions divergentes au sujetde ce

principe. ))(Ibid., p. 46.)
Tenant apparemment compte de l'observation de M. Balfour, ce rapport
ajoutait ce qui suit concernant la notion d'intervention dans le cas de
l'interprétation d'une convention :

Cettedernière stipulationétablit a contrario que, si [unEtat] n'est
pasintervenu dans l'instance, l'interprétation ne saurait luiêtreoppo-
sée.Il ne saurait y avoir aucun inconvénient à exprimer d'une façon
directe ce que l'article 61 [article 63 actuel] admet d'une façon indi-
recte. On peut donc proposer à l'Assemblée l'addition d'un article
ainsi rédigé : « La décisionde la Cour n'est obligatoire que pour les
parties en litige et dans le cas qui a été décidé ))[article 59 actuel]. ))
(Ibid., p. 50.)It may accordingly be concluded that the drafters of the Statute appre-
hended that the interpretation which the Court would place on interna-
tional law would be shaped by priorjudgments of the Court, and that,by
adding thisprovision, they intended to inhibit the extension of a modified

interpretation of international law to those States which had not partici-
pated in the case.
14. If Article 59 is interpreted against this background, it does not add
much to what was contemplated under Article 63, and thus has no direct
bearing on it. It may be asked, however, what significance it may have to
state, as implied by Article 63, that the construction of a convention will
not be binding on States not party to a case before the Court. For
regardless of such a postulate thereis little doubt that, in a case where the
construction of a particular convention is in dispute, the construction
placed upon it by the Court in a previous case will tend to prevail. It is
submitted that in this sense there will not be much difference between
those States which have intervened in a case and those States which have

not intervened, so faras the practical effect of the Court's construction of
an international convention is concerned. It is questionable whether the
intention of the founders - Le., not to make the interpretation of a
convention by the Court binding upon the States which have not partici-
pated in the case - was really given effect by the formulation of Arti-
cle 59.

15. If an interpretation of a convention given by the Court is necessarily
of concern to aState which is aparty tothat instrument, though not aparty

to the case, there seems to be no convincing reason why the Court's
interpretation of the principles and rules of international law should be of
less concern to a State. If, therefore, the interpretation of aninternational
convention can attract the intervention of third States under Article 63 of
the Statute, it may be asked why the interpretation of the principles and
rules of international lawshould exclude a third Statefrom intervening in a
case. Lack of jurisdiction isnot a sufficient reason for preventing a State
from intervening asanon-partyinaprincipal case in which the application
of the principles and rules of international law is at issue, for the inter-
pretation given by the Court of those principles and rules will certainly be
binding on theintervening State. What is more, asin the case of Article 63,
the provisions of Article 59 do not in fact guarantee a State which has not

intervened in the principal case any immunity from the subsequent appli-
cation of the Court's interpretation of the principles and rules of interna-
tional law.
16. 1 am not of course suggesting that such an intervention would fa11
within the meaning of Article 63 of the Statute. 1 am simply saying that
such a type of intervention - i-e., non-party intervention in the case in
which a jurisdictional link is absent, but the interpretation given by the
Courtis binding - was introduced under Article 63. And if such a type of PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. ODA) 30

On peut donc conclure que les auteurs du Statut envisageaient que l'in-
terprétation donnée par la Cour sur un point de droit international serait
inspiréedes arrêtsantérieursde la Couret qu'en ajoutant cettedisposition
ils entendaient éviter que les modifications ainsi apportées à l'interpréta-
tion du droit international s'étendissent aux Etats n'ayant pas participé à
l'instance.
14. Si l'on interprète l'article 59 dans ce contexte, on voit qu'il n'ajoute
pas grand-chose aux dispositions de l'article 63 et qu'il n'a donc aucune
incidence directe sur cet article. On peut toutefois se demander quelle est
l'utilité de la règle implicite, dans l'article 63, selonlaquellel'interprétation
d'une convention n'a pas forceobligatoire pour les Etats qui n'étaient pas

parties à l'affaire soumise à la Cour. Car, mêmesi l'on fait abstraction de
cette règle, il ne fait guère de doute que, dans une instance où l'interpré-
tation d'une conventionparticulièreestcontestée, c'est l'interprétation qui
luiaétédonnée par la Cour dans uneaffaireantérieure qui aura tendance à
prévaloir. A mon avis, il n'y aura donc pasbeaucoup de différence entre la
situation des Etats qui sont intervenus dans l'affaire et la situation de ceux
qui ne l'ont pas fait, quant à l'effet pratiquede l'interprétation donnée par
la Cour à une convention internationale. On peut se demander si l'inten-
tion des auteurs - qui était de ne pas rendre obligatoire pour les Etats
n'ayant pas participé à l'affaire l'interprétation d'une convention par la

Cour - a vraiment étérendue effective par la rédaction de l'article 59.

15. Si l'interprétation d'une convention par la Cour intéresseforcément
un Etat partie à cet instrument, quoique non partie à l'instance, il semble
qu'il n'y ait aucune raison valable de penser que l'interprétation par la
Cour desprincipeset règles dedroitinternational présente moinsd'intérêt
pour les Etats. Par conséquent, si l'interprétation d'une conventioninter-
nationale permet l'intervention d'Etats tiers en application de l'article 63
du Statut,on peut se demander pourquoi l'interprétation desprincipes et

règles de droitinternational devraitempêcher unEtat tiersd'intervenir. Le
défaut de juridiction n'est pasuneraisonsuffisante pour empêcherun Etat
d'intervenir autrement qu'en qualité departie dans uneinstanceprincipale
qui met en cause l'application desprincipes et règles dedroitinternational,
car l'interprétation de ces principes et règles par la Couraura certainement
forceobligatoire pour 1'Etat intervenant. Quiplus est, tout comme dans le
cas de l'article 63, les dispositionsde l'article 59ne garantissent enfait aux
Etats qui ne sont pasintervenus dans l'instance principale aucune immu-
nité à l'égard del'application ultérieuredel'interprétation par la Cour des
principes et règles en question.
16. Evidemment,je ne prétends pas qu'une telle intervention soit pos-

sible en vertu de l'article 63 du Statut.Je dis simplementqu'une interven-
tion de cegenre, n'entraînant pas la qualité de partie, dans uneinstance où
le lien juridictionnelfait défaut mais où l'interprétation donnée parla Cour
a force obligatoire, a été instaurée par l'article 63. Et si ce genre d'inter-31 CONTINENTAL SHELF (SEP. OP. ODA)

intervention is therefore possible, 1 submit that Article 62, if looked at in
the light of Article 63, can also be viewed as comprehending this form of
intervention as well, providing that the interest of a legal nature ispresent.
That is to Say, intervention under Article 62 encompasses the hypothesis
where a given interpretation of principles and rules of international law is
sought to be protected by a non-party intervention. In this hypothesis, the
mode of intervention rnay be the same as under Article 63, sothat the third
State neither appears as a plaintiff or defendant nor subrnits any specific

claim to rights or titles against the original litigant States.

17. It rnay be objected that the States which rnay be affected by the
interpretation of such principles and rules by the Court will be without
number, and that, if an interpretation of the principles and rules of inter-
national law can openthe door of the Courtto al1States as interveners,this
will invite many future instances of intervention. This problem should be
considered from the viewpoint of future judicial policy, and more parti-
cularly from theviewpoint of the economy of international justice. Yet this
cannot be the reason why a request for intervention which is actually
pending should be refused when the requesting State claims that its legal

interest rnay be affected by the Court's rulings on the principles and rules
of international law. The possibility of an increasing number of cases
invoking Article 63 rnay likewise not be avoided. Thefact that in the past
Article 63 has been rarely invoked does not guarantee that the situation
will remain unchanged in the future. Thus the problem is related not only
to Article 62, but also to Article 63.

18. However, unlike Article 63 dealing with the case of the interpreta-
tion of an international convention, Article 62 comprises certain restric-
tions. Paragraph 2 of Article 62 provides that :"It shallbe for the Court to
decide upon this request." This means that the Court has certain discre-
tionary powers to allow or not to allow any requesting State to intervene in
the litigation. Still more important is the restriction of paragraph 1 of
Article 62. This paragraph requires the State requesting intervention to
show that "it has an interest of a legal nature which rnay be affected by the
decision in the case". Thus any danger of expansive application of Arti-

cle 62will certainly be restricted by the Court's exercising its discretionary
power, more particularly to determine whether the requesting State has
such an interest. In the present case, as it happens, the Courthas taken this
line and come to a negative conclusion on this point, imposing what is in
my view an unduly severe test.
19. In fact, on the question whether Malta "has an interest of a legal
nature which rnay be affected by the decision in the case" or not, my PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. ODA) 31

vention estpossible,je suis d'avis que l'article 62, rapproché de l'article 63,
peut également êtreconsidérécomme permettant ce mode d'intervention,

à condition que l'intérêt d'ordre juridique existe. En d'autres termes,
l'intervention fondéesur l'article 62 s'applique dans l'hypothèse où unEtat
intervenant qui n'est pas partie à l'affaire cherche à se protéger contre une
certaine interprétation des principes et règles de droit international. Dans
cette hypothèse,le mode d'intervention pourrait être identique à celui qui
est prévu par l'article 63,l'Etat tiers ne comparaissant ni comme deman-
deur ni comme défendeur et ne pouvant revendiquer aucun droit ou titre
spécifique contre les Etats parties à l'instance primitive.

17. On pourrait objecter que les Etats qui risquent d'êtreaffectés par
l'interprétation des principes et règles de droit international par la Cour
seront innombrables et que, si l'interprétation de ces principes et règles
peut avoir pour effet de donner accès à la Cour, à tous les Etats, en tant
qu'intervenants, cela suscitera à l'avenir de nombreux cas d'intervention.
Ce problème doit être considérédu point de vue de la politiquejudiciaire
future, et particulièrement du point de vue de la bonneadministration de la

justice internationale. Mais cela n'est pas une raison pour rejeter une
requête à fin d'intervention effective, alors que 1'Etat requérant affirme
qu'un intérêtd'ordrejuridique est pour lui mis en cause par l'interprétation
des principes et règles de droit international énoncée par la Cour. De
même,il n'est pas possible d'exclure la possibilité que la Cour soit saisie
d'un nombre croissant d'instances sur la base de l'article 63. Le fait que
l'article 63 a rarement été invoqué jusqu'à présent ne garantit pas qu'il
continuera àen aller de même.Ainsi, leproblèmeconcerne non seulement

l'application de l'article 62, mais aussi celle de l'article 63.

18. Cependant, à la différence de l'article 63, qui concerne l'interpré-
tation des conventionsinternationales, l'article 62 est assorti de certaines
restrictions. Le paragraphe 2 prévoit que la Cour décide >).Autrement

dit, la Cour dispose de certainspouvoirsdiscrétionnairespour autoriser ou
non 1'Etat qui présente la requête àintervenir dans l'instance. Plusimpor-
tante encore est la restriction énoncée au paragraphe 1, où il est exigéde
1'Etat demandant à intervenir qu'<(un intérêtd'ordre juridique [soit] pour
lui en cause )).On peut donc être sûr qu'une application trop Libéralede
l'article 62 serait limitée par les pouvoirs discrétionnaires reconnus à la
Cour, en particulier pour déterminer si 1'Etat demandant à intervenir a ou
non un intérêtde cet ordre. Il se trouve que c'est ce qu'a fait la Cour en la

présente espèce et qu'elle est parvenue à une conclusion négative sur ce
point, formulant ainsi ce qui me paraît être une exigence excessive.

19. En effet, sur le point de savoir si ((un intérêtd'ordre juridique est
pour [Malte] en cause )),mes conclusions diffèrent de celles de la Cour. conclusionsdiffer from the Court's. The present Tunisia/Libya case has a
quite distinctivecharacteristic. It is not concernedwith a general interest in

the development of international law in an abstract form ; the mere
interpretation of principles and rules of international law is not at issue.
Otherwise the Court, which on such points may be requested simply to
perform an advisory or doctrinal function, would not be able to entertain
this case. The case being contentious, conflicting claims between Tunisia
and Libya should certainly exist. Yet, as is evident from the Special
Agreement, the subject-matter of this case does not concern any contrac-
tual right disputed solely between two States or well-defined rights erga
omnes such as the sovereignty over an island or any specific land area or
even continental shelf area ; neither of theprincipal Parties puts forward a
claim to a right or a title to anycontinental shelf areaas precisely specified.

Hence the claims of the originallitigant States, Tunisiaand Libya, against
each other were themselves not quite clear, at least at the intitial stage of
the submission of the case to the Court. Therefore, if Malta has failed to
assert its own claims against either or both of the litigant States, or to seek
as plaintiff or defendant any substantive or operative decision against
either Party or to try to obtain any form of ruling or decision from the
Court concerning its own continental shelf boundary witheither or both of
the orginal litigant States, or, then again, to submit its own claims to
decision by the Court and not to expose itself to counter-claims, this
cannot be any reason to question the admissibility of Malta's request.
More cannot be demanded of Malta than of Tunisia and Libya.

20. BothParties in this case wish to secure astatementfrom the Court of
what the appropriate law will be for thedelimitation of the respective areas
of the continental shelf of Tunisia and Libya. On the face of the Special
Agreement, what will be argued before the Court by these two countries
will remain confined to the principles and rules of international law to be
applied in the delimitation of the continental shelf and not relate to the
concrete claim to any title. Thus the object of the request for intervention
may properly consist, as stated by Malta, in presenting views on the

principles and rules of international law during the proceedings in the
principal case (as intended by Cuba in the Haya de la Torre case under
Article 63). That being so, theposition of Malta iscertainlydifferent from
that of Fiji in the Nuclear Tests cases, in which the subject-matter was
clearly defined in terms of specific claims. Aside from the question of
jurisdiction, Fiji could have identified its own interests with those of
Australia and New Zealand in specifying the legal interests which might
have been threatened by the action taken by France, the legality of which
was in dispute. Thus, although Fiji might have been required to specify its
own claim as a plaintiff together with Australia and New Zealand against

France, this requirement would have arisen out of the very nature of theL'affaire Tunisie/Libye a un caractère tout à fait distinctif. Elle ne porte
pas sur un intérêtd'ordre général pour le développement du droit inter-
national dans sa forme abstraite,et ce n'est pas la simple interprétation des
principes et règles de ce droit qui est en jeu:sic'était le cas, la Cour,àqui
l'on ne peut demander alors que de donner un avis ou de préciser la
doctrine, ne saurait connaître de l'affaire. Celle-ci a un caractère conten-

tieux, et la Tunisie et la Libye ont certainement des prétentions contra-
dictoires à faire valoir. Pourtant, il résulte de la lecture du compromisque
l'objet de l'affaire ne porte pas sur un droit conventionnelquedeux Etats se
contesteraient entre eux secils, ni sur des droits erga omnes bien définis tels
que la souverainetésurune île, sur un territoireparticulieromêmesur une
zone de plateau continental ; et aucune des Parties principales ne fait
valoir un droit ou un titre sur une zone de ce plateau expressémentindi-
quée. A cet égard, les prétentions réciproques des Parties originaires,

Tunisie et Libye, n'étaient pas parfaitement claires, du moins au début de
la procédure. Je ne vois donc pas comment l'on pourrait contester la
validité de la requêtede Malte en affirmant qu'elle n'a pas réussi à apporter
la preuve de ses prétentions contre les Parties originaires ou contre l'une
ou l'autre de ces Parties, ou à faire reconnaître sa qualité de demandeur
ou de défendeur pouvant demander à la Cour une décision formelle ou
exécutoire contre l'une ou l'autre de ces Parties, ou à faire valoir son
droit à obtenir de la Cour un prononcé ou une décision de quelque
forme que ce soit sur la limite de son propre plateau continental avec

celui des deux Parties originaires ou de l'une ou l'autre de ces Parties,
ou encore à affirmer son droit de soumettre ses propres prétentions à la
décision de la Cour sans s'exposer à des demandes reconventionnelles.
On ne peut pas exiger de Malte plus qu'on ne demande à la Tunisie et
à la Libye.
20. Les deux Parties à la présente affaire demandent à la Cour un
prononcé sur le droit approprié à la délimitation des zones du plateau
continental qui leur appartiennent respectivement. Aux termes du com-
promis, le litige soumis à la Cour par ces deuxpays doit donc resterlimité
aux principes et règles du droit international applicables à la délimitation
du plateau continental, et ne sauraitporter sur des prétentions concrètes à

quelque titre que ce soit. Aussi est-ilapproprié que l'objet de la requête à
fin d'intervention consiste, comme l'a affirméMalte, àprésenter des vues
sur les principes et règles de droit internationalpendant ledéroulement de
l'instance principale (comme Cuba se proposait de le faire en vertu de
l'article63 dans l'affaire Haya de la Torre). Cela étant, la position de Malte
diffère assurément de la position de Fidji dans les affaires des Essais
nucléaires, où l'objet desinstances était défini avec précision,sousforme de
prétentions spécifiques. La question de juridiction mise àpart, Fidjiaurait
pu identifier ses intérêtsà ceux de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande en
spécifiant les intérêtsjuridiques qui risquaient d'être mis en cause par les

mesures du Gouvernement français dont la légalitéétait contestée. Même
si Fidji avait dû préciser ses prétentions particulières comme coplaignant
contre la France, la condition ainsi mise à sa requête aurait résulté ducase. The Tunisia/Libya case, however, is of a completely different
nature.

21. It has been contended by both Libya and Tunisia that the Court is
required to confine itself to the applicable principles and rules for the
delimitation of the area of the continental shelf of Libya and the area of the
continental shelf of Tunisia, in which, ex hypothesi, no third State can be
interested. However,this contention is unconvincing. The Special Agree-
ment provides in the beginning of Article 1 :

"The Court is requested to render its judgment in the following
matter :

What principles and rules of international law may be applied for
the delimitation of the area of the continental shelf appertaining tothe
Socialist People's Libyan Arab Jamahiriya and to the area of the
continental shelf appertaining to the Republic of Tunisia, and the
Court shall take its decision according to equitableprinciples, and the
relevant circumstances which characterize the area,as well as the new
accepted trends in the Third Conference on the Law of the Sea."
(Certified English translation filed by Libya.)

The "area" of the continental shelf appertaining to Libya and the "area" of
the continental shelf appertaining to Tunisia are of course different.The
object of the principal case is to determine the principles and factors
governing delimitation of that line by the Parties, i.e., the dividing line
between these two "areas". These two "areas" themselves as a whole have
not been defined in the above request by Tunisia and Libya.
22. If the "area" as to which therelevantcircumstancesto be taken into
account by the Court is to be simply an aggregate of the "area" apper-
taining to Libya and the "area" appertaining to Tunisia, so thatit does not
affect any third State but only concerns these two States, how can one

identify that whole "area" without possessing anyprecise definition of that
aggregate ?1sit not logical to suggest that when these two States mention
"the relevantcircumstances which characterize the area", this "area" must
necessarily have a different connotation from what is implied by the mere
aggregate of the "area" appertaining to Libya and the "area" appertaining
to Tunisia to be delimited as a result of the Court's judgment ? This is
borne out by the use of the words "propres à la région" (not "zone") in
Tunisia's certified French translation of the SpecialAgreement, where the
English has "which characterizethe area". Certainly the delimitation of the
two "areas" is essentially a bilateral matter to be settled by agreement

between Tunisia and Libya. That delimitation ought not to intrude upon
the area-to-be of the continental shelf of any third State. Yet is it possible
to assume that when account is taken of the characteristics of the area as a PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. ODA) 33

caractère mêmede l'affaire. Or, l'affaire Tunisie/Libye est complètement
différente par sa nature.

21. La Libye et la Tunisie ont soutenu l'une et l'autre que la Cour est
tenue de s'en tenir aux principes et règles applicables àla délimitation de la
zone du plateau continentalde la Libye et à la zone du plateau continental
de la Tunisie, zones sur lesquelles, par définition, nul Etat tiers ne peut
proclamer un intérêt.Mais cet argument est loin d'être convaincant.
Comme il est dit au début de l'article 1 du compromis :

((Il est demandé à la Cour de rendre son arrêt sur la question
suivante :

Quels principes et règles du droit international peuvent êtreappli-
quéspour la délimitation de la zone du plateau continental relevant de
la Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste et de la zone du
plateau continental relevant de la République tunisienne, et la Cour
décidera conformément à des principes équitables et aux circons-

tances pertinentes propres à la région, ainsi qu'aux nouvelles ten-
dances acceptées à la troisième Conférence sur le droit de la mer. ))
(Traduction française par le Greffede la traduction anglaisecertifiée
exacte par la Libye.)

La <zone ))du plateau continental relevant de la Libye et la <(zone ))du
plateau continental relevant de la Tunisie sont évidemment différentes.
L'objet de l'instance principale est de déterminer les principes et facteurs
applicables à la délimitation de cette ligne - c'est-à-dire de la ligne de
démarcationentre les deux <zones ))- par les Parties.Mais l'ensemble que

constituent ces deux <(zones ))n'est pas défini dans le compromis.
22. Sila <(région ))dont les circonstancespertinentes doivent êtreprises
en considération par la Cour n'est qu'une simple addition de la <(zone ))
relevant de la Libye etde la <zone ))relevant de la Tunisie - auquelcas elle
n'intéresserait évidemment aucun Etat tiers, mais uniquement les deux
Parties -, commentpeut-on la définirsans savoir avec précisionquels sont

les élémentsqui la constituent ? N'est-il pas logique de penserque,lorsque
ces deux Etats parlent des <(circonstancespertinentespropres àla région )),
le mot <région ))doit nécessairement avoirune connotation différente de
celle qu'aurait une simple additionde la <(zone ))relevant de la Libye et de
la <(zone ))relevant de la Tunisie qui doivent étredélimitéesgrâce à l'arrêt
de la Cour? C'est d'ailleurs ce que confirment les mots <(propres à la
région )) (et non pas <(zone 1))qui sont utilisés dans la traduction en

français du compromis certifiée exacte par la Tunisie pour traduire l'an-
glais <which characterize the area ))Assurément, la délimitation de ces
deux <(zones ))est une question de caractère essentiellement bilatéral, qui
doit être régléepar voie d'accord entre la Libye et la Tunisie. Cette
délimitation ne doit pas empiéter sur l'éventuelle zone de plateau conti-whole, an area in which a third State rnay have some legal title to aportion
of continental shelf,there will be no legal interest of such aState which rnay

be affected by the decision of the Court aimed at theprinciples and rules of
international law applicable in that area ?Furthermore, is it proper to state
that no conclusions or inferences rnay legitirnately be drawn from the
findings or thereasoningwithrespect to rights or claims of otherStates not
parties to this Tunisia/ Libya case (Judgment, para. 35) ?If any consider-
ation is given by the Courtto the effectwhich, for example, the existence of
an island or islands in this "area" rnay have in the delimitation of the
continental shelf between Tunisia and Libya, how can Malta remain
unaffected by a decision of the Court indicating the principles and rules
therein involved ?

23. Without scrutinizing the details of the case, the Court cannot now
define the "area" of which the relevant circumstances to be taken into
account by the Court are characteristic. The Court cannot take a position
in advance in thisrespectwithout dealingwith theprincipal case. Since this
"area" actually is not limited to the expanses in which it is evident that no
third State rnay have a claim, the possibility or probability of an adverse
effect upon a third State is not excluded.Theoretically, anumber of States
rnay have a claim to the continental shelf in the "area", invoking any
justification which they rnay prefer for this purpose, because the criteria

for delimitation of the continental shelf have not yet been firmly settled.
Yet, in the light of developments in the law of the sea, it would not have
been difficult for the Court to exercise its discretionary powers under
Article 62, paragraph 2, and allow the intervention of the third State par-
ticularly concerned, depending on the Court's evaluation of the imminent
and grave interests prima facie at stake and considering the relevant
factors. In this case, 1cannot agree that Malta, which prima faciebelongs
to the very "area" in issue, will escape any legal effect of the judgment of
the Court. This distinguishes Malta from al1 other countries (except per-
haps a few neighbouring States), many of which rnay of course be inter-
ested in abstracto in the judgment of the Court concerning the interpre-
tation of the applicable "principles and rules of international law7'.

(Signed) Shigeru ODA. PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. ODA) 34

nental d'un Etat tiers. Mais, si l'on tient compte des caractéristiques de la

région dans sonensemble - région dans laquelleun Etat tiers peut avoir un
titre juridique sur une portion de plateau continental - est-il permis de
croire que la décision de la Cour sur les principes et les règles de droit
international applicables à cette région ne mettra en cause aucun intérêt
juridique d'un de ces Etats tiers ? Et peut-on dire en outre qu'aucune

inférence nidéduction ne saurait légitimement êtretiréedesconclusions et
des motifs de la Cour pour ce qui est des droits ouprétentions d'Etats qui
ne sont pas parties à l'affaire Tunisie/Libye (arrêt, par. 35) ? Si la Cour
pense par exemple aux effets que peut avoir l'existence d'une île ou de
plusieurs îles dans cette région sur la délimitation du plateau continental
entre la Libye et la Tunisie, comment Malte peut-elle n'être pas affectée
par unedécision de la Courindiquant les principes et les règles applicables

en la matière ?

23. Au stade actuel, c'est-à-dire sans entrer dans tous les détails de
l'affaire, la Cour n'est pas en mesure de définir la région ))qui est
caractérisée par les circonstancespertinentes qu'elle doit prendre en con-

sidération. La Cour ne peut pas se prononcer sur ce point avant l'instance
principale. Comme en fait cette ((région ))n'est pas limitée aux étendues
sur lesquelles ilest évidentqu'aucun Etat tiersnepeut avoir deprétention,
la possibilité - ou la probabilité - d'un préjudice pour un Etat tiers n'est
pas à exclure. Théoriquement, plusieurs Etats peuvent avoir des préten-
tions sur le plateau continental dans la (région )),et invoquer à cette fin
toute justification qui peut leur paraître appropriée, tant que les critères de

délimitation de ce plateau ne sontpas fermement énoncés.Or, étant donné
le sens dans lequel évolue le droit de la mer, il ne serait pas difficile à la
Cour d'exercer lespouvoirsdiscrétionnaires que lui donne le paragraphe 2
de l'article 62 et d'autoriser l'intervention d'un Etat tiersparticulièrement
intéressé, compte tenu de l'importance donnée par la Cour aux intérêts
graves et imminents qui paraissent enjeu ainsique des facteurs pertinents.
En l'espèce, je ne peux pas accepter l'idée que l'arrêt de la Cour n'aura
aucun effetjuridique sur Malte, qui, sauf preuve du contraire, appartient

précisément à la <(région >)en question. C'est ce qui distingue Malte de
tous les autres pays (à l'exception peut-êtrede quelques Etats voisins), dont
beaucoup pourraient bien entendu s'intéresser dans l'abstrait à l'arrêtde la
Cour sur l'interprétation des ((principes et règles du droit international ))
applicables.

(Signé) Shigeru ODA.

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Document Long Title

Opinion individuelle de M. Oda (traduction)

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