Opinion dissidente de M. Skubiszewski (traduction)

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OPINION DISSIDENTE DE M. SKUBISZEWSKI

[Traduction]

TABLE DES MATIÈRES

Paragraphes
Introduction: points de dissidence et points d'accord 1-2

Historique
La loi constitutionnelle portugaise et la politique appliquéepar
le Portugalà ses colonies, y compris le Timor oriental, préa-
lablement à la révolutiondémocratiquede 1974
Lesmesuresadoptéespar l'organisation des Nations Unies avant
1974

La nouvelle attitude du Portugal (1974)
Le changement de la situation au Timor oriental en 1974et en
1975,y compris l'invasion et l'occupation par l'Indonésie
La réaction del'organisation des Nations Unies
Attitude àl'égard dela présence de l'Indonésieau Timor orien-
tal
Le traitérelatif au «TimorGap»

II. L'EXISTEN CE DIFFÉREND

Le différenddont la Cour est saisie
La question portéedevant les organes politiques

III.COMPÉTENC RE,CEVABILI TPO,RTUNITÉ

A. Compétence
Le droit et la justice
La première conclusiondu Portugal
Distinction entre la mise en jeu d'intst la détermination

de droits ou devoirs
Le droit des Nations Unies sur la question de savoir si
l'Indonésie est unepartie indispensable
Objet de la décision
Contrôle de l'Indonésiesur le Timor oriental
Le traitérelatif au «Timorap»

B. Recevabilité
Généralités
La qualitépour agir de1'Etatdemandeur

C. L'«opportunitéjudiciaire»
Généralités

S'agit-ild'un différend justiciable?IV. LE TERRITOIRE DU TIMOR ORIENTAL

A. Le Statut
Maintien du statut
La position de l'Australie
Reconnaissance et non-reconnaissance

B. L'autodétermination
«Les principes essentiels»

La position de l'Australie
Erosion par suite de l'acceptationdu fait accompli
C. La puissance administrante

La puissance administrante en tant que composante du sta-
tut du Territoire
La puissance administrante en tant que souverain
Continuitéde la qualitéde puissance administrante du Por-
tugal 1. Il m'est impossible desouscrireàl'arrêtde la Cour qui dit que:

«ellene saurait, en l'espèce, exercecompétence à elleconféréepar
les déclarations faitespar les Parties conformémentau paragraphe2
de l'article 36 de son Statut, pour statuer sur le différendporté
devant elle par la requêtede la République portugaise» (arrêt,
par. 38).

Je ne suis pas non plusà mêmede souscrire aux motifs sur lesquels cette
conclusion se fonde.
2. En revanche,je souscrisau rejet par la Cour de l'exception de1'Aus-
tralie selon laquelle «il n'existerait pas véritablementde différend»entre
elleet le Portugal (arrêt,par. 21-22).Je partage l'avisde la Cour lorsque,
dans les motifs de l'arrêt,elle note que «pour les deux Parties le Terri-
toire du Timor oriental demeure un territoire non autonome et son
peuple a le droit àdisposer de lui-même))(ibid.,par. 37). On pourrait

dire que limiter la pertinence du statut du Territoire et dudit droàtla
position des Parties constituele minimum absolu. Toutefois, cette ap-
proche relèveplus de la méthode que du fond: la Cour est elle-même
d'avis que le Timor oriental continue d'avoir juridiquement le statut de
territoire non autonome et que lui est applicable le principe de l'auto-
détermination. Je suis persuadé que cette réaffirmation du droit par la
Cour est importante pour la position que le Portugal a prise dans la pré-
sente instance et prend au-delà de cette instance. La réaffirmation dans
l'arrêtest importante pour un règlement équitable de la question du
Timor oriental. Je crois que tous ceux qui ontcŒurlesbuts et principes
des Nations Unies doivent féliciterla Cour de ce dictum.

3. Dans les paragraphes 11 à 18, l'arrêt rappellebrièvementles faits
dont il est nécessaired'avoir connaissancepour comprendre le différend.
La présentesection est une sorte de supplémentà la descriptionqui figure
dans l'arrêt.

Historique

4. Les navigateurs portugais puis néerlandais débarquent surl'île de

Timor au XVIesiècle.Au cours de la conquête coloniale,la partie orien-
tale de l'île estacquisea souverainetéportugaiseet la partie occidentale
à celledes Pays-Bas. C'esten 1859qu'une frontièreest tracée aux termes
d'un traitéconclu par les deux Etats. La convention et la déclaration de
1893et une autre convention de 1904portent égalementsur cette ques-
tion frontalière. En 1914, les Pays-Bas et le Portugal sont parties un
arbitrage concernant une partie de ladite frontière. En 1941-1942, lesforces néerlandaiseset australiennes entrent au Timor portugais pour
le défendrecontre l'invasionjaponaise. Elles n'y parviennent pas et l'île
est occupéepar lesJaponais jusqu'à la fin de la seconde guerremondiale.
Les autorités portugaisesreviennent alors au Timor oriental. Par ailleurs,
à la suite de l'accessionà l'indépendancede l'Indonésie désormais re-
connue comme Etat, il est mis fin à la souveraineté néerlandaise surle
Timor occidental et cette régionfait désormaispartie du territoire indo-
nésien.

La loi constitutionnelle portugaise et lapolitique
appliquéepar lePortugal a ses colonies,y compris le Timor oriental,
préalablement à la révolution démocratique de 1974

5. Aux termes de la loi constitutionnelleportugaise, le Timor oriental
étaitune colonie ou dépendance du Portugal et, par conséquent, faisait
partie du territoire portugais. Le Timor oriental était qualifié soit de
«colonie» soit de ((provinced'outre-mer ».La constitution de 1933retient
la seconde expression. Celle-ciénonce unenotion juridique: la régionen
question fait partie de'Etatunitaire du Portugal et ses populations font
partie de la nation portugaise. A l'époque,le chef d'Etat définit comme
suit la situation au regard de la constitution:es provinces d'outre-mer
sont déjàindépendantes avec l'indépendancede la nation» (mémoire,
par. 1.07). Mais la constitution maintient le concept de ((métropole)),
concept qui est en opposition formelle avec l'interprétation donnéeci-
dessus dans la phrase citée.Autrement dit, la loi constitutionnelleportu-
gaise nie aux peuples coloniaux le droit de disposer d'eux-mêmeset de ce
fait empêcheles colonies d'accéder à l'indépendance. L'article1 de la

constitution de 1933 interdit l'aliénation de toute parcelle du territoire
national; le Timor oriental ainsi que toutes les autres colonies sont alors
un élémentconstitutif de ce territoire. Par suite, quand il est admis à
l'organisation des Nations Unies (1955),le Portugal s'oppose àl'applica-
tion du chapitre XI de la Charteà sespossessions d'outre-mer, y compris
le Timor oriental. Pendant quelques années,le gouvernement de Lis-
bonne réussit à empêcherl'organisation de soumettre les colonies portu-
gaises au régimeprévupar ledit chapitre, mais àpartir de 1960le Timor
oriental est qualifiépar l'Organisation des Nations Unies de territoire
non autonome (résolution 1542 (XV) de l'Assembléegénérale).
6. En 1971,les provinces d'outre-mer sont qualifiées,aux termes de la
loi portugaise, de ((régionsdotéesde l'autonomie politique etdrninistra-
tive,pouvant prendre le nom d'Etats» (mémoire,par. 1.07).Toutefois, ce
nouveau classement ne modifie en rien la façon dont le Timor oriental

(ainsi que les autres colonies portugaises) est traité dansles affairesinté-
rieures de 1'Etat ni l'attitude du Portugalà l'égardde l'application du
chapitre XI de la Charte. D'ailleurs, comment aurait-il pu y avoir modi-
fication du moment que cescoloniescontinuaient de faire partie de 1'Etat
unitaire? La rupture intervient trois ans plus tard avec l'avènement dela
démocratieau Portugal. Les mesures adoptées par l'Organisation desNations Unies avant1974

7. L'Organisation des Nations Unies a eu du mal à mettre en place, en
ce qui concerne les colonies portugaises, un état de choses qui soit
conforme à la Charte.
8. Dans sa résolution 180 (1963), le Conseil de sécurité invitele Por-
tugal à ((reconnaîtreimmédiatementle droit des peuples qu'il administre
à l'autodétermination et à l'indépendance» (par.5, lettre a)) et affirme
que
«la politique du Portugal, qui prétend que les territoires qu'il admi-

nistre sont des ((territoiresd'outre-mer)) et font partie intégrante du
Portugal métropolitain est contraire aux principes de la Charte et
aux résolutions pertinentes de l'Assembléegénéraleet du Conseil de
sécurité (par. 2).
Le Conseil renouvelle les mêmesappels et les mêmesaffirmations dans
sesrésolutions183 (1963)et 218 (1965).Dans sa résolution312(1972),le
Conseilde sécurité réaffirme«le droit inaliénabledes peuples del'Angola,
du Mozambique et de la Guinée (Bissau) à l'autodétermination et à

l'indépendance»et reconnaît «la légitimité dela lutte qu'ils mènentpour
jouir de ce droit» (par. 1). On retrouve la mêmeattitude dans la résolu-
tion 322 (1972) du Conseil et dans les résolutions 2270 (XXII), 2395
(XXIII) et 2507 (XXIV) de l'Assembléegénérale.
9. L'Organisation des Nations Unies décide également deprendre des
mesures allant plus loin que de simples invitations et affirmations. Dans
sa résolution180 (1963),le Conseil de sécurité prie
«tous les Etats de s'abstenir immédiatement d'apporter au Gouver-

nement portugais toute assistance lui permettant de poursuivre la
répressioncontre les populations des territoires qu'iladministre et de
prendre toutes mesures pour empêcherla vente et la fourniture à
cette fin d'armes et d'équipements militairesau Gouvernement por-
tugais» (par. 6).
Le Conseil de sécuritéformule des demandes et des appels du même
ordre dans ses résolutions218 (1965) et 312 (1972) et l'Assembléegéné-

rale fait de mêmedans ses résolutions2270(XXII), 2395(XXIII) et 2507
(XXIV). Dans cette dernièrerésolution,l'Assembléegénérale demande en
outre à tous les Etats, aux institutions spécialises Nations Unies età
toutes les organisations internationales intéresséesd'«accroîtr[..leur]
aide morale et matérielleaux peuples des territoires sousdomination por-
tugaise luttant pour leur libertéet leur indépendance))(par. 11).

La nouvelle attitude du Portugal (1974)

10.Il ne faut pas s'étonner que le Mouvement des forces armées
(MFA) qui déclenchela révolutiondémocratiquedu25avril 1974(connue
sous le nom de ((révolutiondes Œillets»)tienne àchercher une solution
politique et non plus militaire au problème colonial. C'est la guerrecoloniale menéepar le Portugal d'avant 1974en Afrique (en Angola, en
Guinée-Bissau etau Mozambique) qui est la causedirecte de la révolution.
Le premiergouvernementprovisoireparle de l'autodéterminationdes colo-
nies. Cette politique s'exprimedans le décret-loi203/74. Un autre texte
législatif, la loiconstitutionnelle 7/74,dispose en son article premier que
«la solution des guerres en territoire d'outre-mer est politique et non
militaire...[et] entraîne, conformément à la Charte des Nations

Unies, la reconnaissance par le Portugal du droità l'autodétermina-
tion des peuples»
et à l'article 2 que

«la reconnaissance du droit à l'autodétermination, avec toutes ses
conséquences,comprend l'acceptation de l'indépendancedes terri-
toires d'outre-mer et la dérogation à la partie correspondante de
l'article premier de la constitution politique de33)).

11. Dans sa résolution3294(XXIX), l'Assembléegénérale des Nations
Unies accueille avec satisfaction la nouvelle politique du Portugal. Cette
politique est conforme à la Charte.
12. La loi constitutionnelle 7/75 réaffirme «le droit du peuple de
Timor à l'autodétermination, ...conformément aux résolutions perti-
nentes de l'organisation des Nations Unies ..»(article premier). On peut
ajouter que l'article 307de la constitution portugaise de 1976sauvegarde
le «droità l'indépendance))du Timor oriental tandis que l'article 293 de
la constitution de 1989 (celle qui est actuellement en vigueur) est plus
large puisqu'il fait état du «droità l'autodétermination et à l'indépen-
dance».

Le changement de la situation au Timor oriental en 1974 et en 1975,
y compris l'invasionet I'occupabionpar l'Indonésie

13. Contrairement aux autres colonies portugaises, il n'ya pas eu au
Timor oriental de mouvement de libérationni de lutte armée,bien que
des troubles sporadiques ou autres manifestations de tension s'y soient
produits. En 1974,ils'yest constituétrois associationspolitiquesl'Uni20
Democratica Timorense (UDT), d'abord favorable àune autonomie pro-
gressivepuis à l'octroi de l'indépendance aprèsune période d'association
avec le Portugal, avant d'opter en définitivepour l'union avec 1'Indoné-
sie; le Frente Revolucionaria de Timor-LesteIndependente (FRETILIN,
mouvement portant initialement un autre nom), partisan de l'indépen-
dance; et l'Associaç20 Popular Democratica Timorense (APODETI),
favorable à l'intégration dans l'Indonésie. Parla suite, I'UDT adhère à
un groupe de partis pro-indonésiens connus collectivement sous le nom

de Mouvement anti-communiste(MAC).
14. En 1975,le Portugal a engagé des consultationsavec ces organisa-
tions sur l'avenir du Territoire.Il fallait choisir entre l'indépendance,
l'intégration dans unEtat autre que le Portugal (à savoir, concrètement,l'Indonésie),ou l'association avec le Portugal. A Lisbonne, le gouverne-
ment procédait aux préparatifs d'uneélection généralseur l'île. Leprojet

consistaità mettre en place une assembléepopulaire. Entre-temps, des
électionslocaleseurent lieu. Maisimmédiatementaprèscelles-ci,1'UDTa
déclenchéun coup d'Etat. Le FRETILIN a réagi en organisant un
((contre-coup)).La capitale du territoire, Dili, est tombée alors aux mains
du FRETILIN. Les divers mouvements politiques ont pris part aux com-
bats. Les autorités portugaises ont soulignéqu'elles neprenaient parti
pour aucun de ces mouvements. Pour des raisons de sécuritéelles ont
quitté la capitaleles 26 et 27 août 1975pour s'installersur l'îleuro,
qui fait partie du territoire.
15. Tandis que les organisations politiques du Timor oriental conti-
nuaient de mener des politiques divergentes au sujet de l'avenir du Ter-
ritoire, le Portugal organisait de nouveaux entretiens avec ces mouve-
ments ainsi que des négociationsentreeux. Mais la situation est devenue
plus complexe quand, en novembre 1975, le MAC a proclamé l'inté-

gration du Timor oriental à l'Indonésie et que,le 28 novembre 1975,le
FRETILIN, de son côté,a proclamé la créationde la République démo-
cratique du Timor oriental (RDTL). L'Organisation des Nations Unies
n'a pas considéréque cesproclamations donnaient effet au droit l'auto-
détermination du Timor oriental (en 1984, le FRETILIN lui-mêmea
renoncé à prétendre à l'existence dela RDTL).
16. La situation étaiten discussion l'Assemblée générale deNsations
Unies quand, le 7 décembre1975, les forces armées indonésiennesont
envahi et occupéleTimor oriental. Le 8 décembre1975,lesautorités por-
tugaises ont quittéle territoire.

La réactionde l'Organisation des Nations Unies
17. Aux paragraphes 14 à 16 de l'arrêt, laCour décrit la position

adoptéepar l'organisation des Nations Unies, en particulier la lumière
desrésolutionsadoptéep sar leConseildesécurit(en 1975-1976e)t 1'Assem-
bléegénérale (de 1975à 1982)aprèsl'invasionet l'occupation par 1'Indo-
nésie. Jeme bornerai à formuler quelques observations supplémentaires.
18. Premièrement,outre qu'il demande au ((Gouvernement indonésien
de retirer sans plus tarder toutes ses forces du territoire)), le Conseil de
sécuritédéploreégalementl'«intervention» de cesforces au Timor orien-
tal et se dit profondément préoccupépar «la détériorationde la situa-
tion au Timor oriental)),y compris par «les pertes en vies humaines))
constatées (résolution384 (1975), septième, huitièmeet neuvième ali-
néa du préambule; cette résolutionest ensuite rappeléedans la résolu-
tion 389 (1976) du Conseil). De même, l'Assemblégeénérale «[d]éplore
vivementl'intervention militaire))(résolution3485 (XXX), par. 4). Dans

sa résolution suivante(31153,par. 4), l'Assembléedità nouveau qu'elle
déplore vivement «le refus persistant du Gouvernement indonésien
d'observer les dispositions)) des précédentesrésolutions. L'Assemblée
réaffirmecette prise de position dans ses résolutions 32/34 (par. 2) et33/39(par. 2). L'Assemblée se dit également(([plrofondérnentpréoccupée
par la situation critique)) dans le Territoire (formule qui devient par la
suite«par la situation toujours critique))) résultant de l'interventionet,
dans les résolutions ultérieures, résultant aussidu refus persistant du
Gouvernement indonésien d'appliquer les dispositions des résolutions
pertinentes de l'Assembléegénérale etdu Conseil de sécurité)) (résolu-
tions citéeset résolution33/39).
19. Deuxièmement, en 1980,l'Assembléegénérale accueilleavec satis-
faction ((l'initiativediplomatique prise par le Gouvernement portugais,
qui marque un premier pas vers le libre exercicepar le peuple du Timor
oriental de son droità l'autodéterminationet à l'indépendance)) (résolu-
tion 35/27,par. 3). En 1981,l'Assembléeprend note

«de l'initiative du Gouvernement portugais, énoncéedans le com-
muniquédu conseil des ministres du Portugal publiéle 12septembre
1980,et invite la puissance administranteà poursuivre ses efforts en
vue d'assurer que le peuple du Timor oriental exerce comme il
convient son droità l'autodéterminationet à l'indépendance, confor-
mément à la résolution1514(XV) de l'Assembléegénérale, e t faire

rapport au comitéspécialchargé d'étudierla situation en ce qui
concerne l'application de la déclaration sur l'octroi de l'indépen-
dance aux pays et aux peuples coloniaux pour l'informer de l'état
d'avancement de cette initiative)) (résolution36/50,par. 4).
Il convient de noter qu'il y a un lien entre l'action du Portugal et le
déroulement des «consultations» actuelles de Genève menéessous les
auspices du Secrétaire général dle'organisation des Nations Unies avec

((toutes les parties directement intéressées)) (résolutio37/30, par. l),
c'est-à-dire «le Portugal, en sa qualité de puissanceadministrante, et les
représentantsdu peuple du Timor oriental, ainsi que l'Indonésie»(réso-
lution 36/50,par. 3).
20. Troisièmement,tant que ces«consultations» sepoursuivent, aucun
des principaux organes politiques de l'organisation des Nations Unies ne
peut pratiquement adopter de résolutionsur le Timor oriental, ce qui, du
reste, n'est pas nécessaire.
21. Quatrièmement, l'arrêtfait état de résolutionsde l'organisation
des Nations Unies «qui ne font pas spécifiquementréférencaeu Portugal
comme puissance administrante »mais qui, toutefois, ((rappellent une ou
plusieurs autres résolutionsou le Portugal est mentionné comme telle»
(arrêt,par. 15).Autrement dit, la non-désignation en l'occurrencen'a pas

d'importance. Il convient d'ajouter que le silencede trois résolutionsest
plus apparent que réel. Cesrésolutions évoquenten effetdes déclarations
du Portugal mais celui-ci n'a fait ces déclarations qu'en sa qualité de
puissance administrante (résolution 389 (1976) du Conseil de sécurité;
résolutions31/53 et 32/34 de l'Assembléegénérale). En réalité il,n'y a
guère qu'une résolution, la résolution 33/39 adoptée par l'Assemblée
générale en1978,qui ne fait aucune allusion au Portugal. Elle rappelle
cependant des résolutions danslesquellesfigure une référencaeu Portugal. 22. Cinquièmement,lesdispositions desrésolutionsévoquéea sux para-
graphes 17 à 21 ci-dessus sont muettes sur la question des droits de
l'homme. Toutefois, dans les résolutionsqu'elle adopte de 1975 à 1982,
l'Assemblée générar appelle les principes de la Charte et de la déclara-
tion sur l'octroi de l'indépendanceaux pays et aux peuples coloniaux
(résolution1514(XV) ).Certains de cesprincipes protègent expressément
les droits de l'homme. Tous les ans, l'Assembléea dit qu'elle avait exa-
minéle chapitre pertinent du rapport du Comitédes Vingt-Quatre. Là
encore, le souci des droits de l'homme dans les colonies a toujours fait
partie des travaux de cet organe. Dans sa résolution37130,l'Assemblée
prend acte à la fois du rapport du Secrétairegénéral etde la résolu-
tion 1982120de la sous-commissionde la lutte contre lesmesuresdiscrimi-
natoires et de la protection des minorités.Le nom de la sous-commission

est éloquent.Ainsi, l'élément relatfux droits de l'homme est également
présent, fût-ceindirectement,et il est pertinent pour pouvoir apprécierla
situation au Timor oriental. Il y a d'ailleurs également unlien direct: la
résolution adoptéeen 1993par la Commission des droits de l'homme sur
la violation des droits de l'hommeet des libertésfondamentales au Timor
oriental (Nations Unies,doc. E1CN.4119931L.811Rev.1).

Attitude à l'égardde la présence del'Indonésie auTimor oriental

23. Le 31mai 1976,une assembléepopulaire réuniedans la capitaledu
Timor oriental, Dili, sous occupation indonésienne,adresseàl'Indonésie
une pétition en faveur de l'intégration (Nations Unies, doc. S112097,
annexe II). Des observateurs officiels venus de l'Arabie saoudite, de
l'Inde, de l'Indonésie,de l'Iran, de la Malaisie, de la Nouvelle-Zélande,

du Nigériaet de la Thaïlande assistent cette réunion.Dans les rapports
sur ces événementsi,l est fait mention desvŒuxdu peuple» ultérieure-
ment «vérifiés»par une équiped'enquêteurs du Parlement national indo-
nésien.Certainsobservateursdiplomatiquesétrangersaccompagnentcette
équipependant son enquête.Mais l'Organisationdes Nations Unies n'est
représentéeà aucune des différentesphases de cette action. Le Parlement
indonésienincorpore le Timor oriental à l'Indonésiele 16juillet 1976.
Conformément à la loi indonésienne,le Timor oriental devient partie
intégrantedu territoire indonésienet constitue la vingt-septièmeprovince
du pays.
24. L'Organisation des Nations Unies a clairement refuséet continue
de refuser de reconnaître la situation créau Timor oriental par l'inva-
sion, l'occupation et l'annexion indonésiennes. En 1976, l'Assemblée
généralea,u paragraphe 5 de sa résolution31/53,dit qu'elle

Rejette l'allégationselon laquellele Timor oriental aintégré à
l'Indonésie, dans lamesure où la population du Territoire n'a pas été
en mesure d'exercer librement son droit à l'autodétermination et à
l'indépendance.»

Le même rejetfigure au paragraphe 3 de la résolution32134. 25. L'arrêtsoulignequel'Australiea reconnul'incorporation du Timor
oriental à l'Indonésie (arrêtp,ar. 17).
26. D'autres Etats ont égalementreconnu cette incorporation, d'une
façon ou d'une autre, parfois de facto seulement et sans aller jusqu'à
confirmer que l'autodétermination avait eu lieu. Selon les informations
contenues dans le contre-mémoireet la duplique de l'Australie (par. 175
et 45-48, respectivement), il s'agit, dans l'ordre alphabétique des Etats
suivants: Bangladesh, Etats-Unis d'Amérique, Inde,Iran, Iraq, Jordanie,
Malaisie, Maroc, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Philippines, Singapour,
Suède,Suriname et Thaïlande. Je n'ai pas énuméré tous les Etats men-

tionnéspar l'Australie comme «reconnaissant l'incorporation du Timor
oriental))(contre-mémoire,titre du paragraphe 175)ou reconnaissant «la
réalitéde l'autorité indonésienne))(duplique,par. 44). La raison pour
laquellej'ai omis certains Etats (inclus par l'Australie) est qu'après avoir
examinéleurs déclarationsje doute qu'on puisse les considérercomme
ayant procédé à une telle reconnaissance (par exemple, la Nouvelle-
Zélande, duplique,par. 48). Qui plus est, il est permis d'hésiters'agissant
de certains des Etats précités. Sommetoute, les Etats ayant reconnu
ledit statut sont peu nombreux.
27. On étudiera plus loin,au paragraphe 122,le point de savoir si les
clauses territoriales figurant dans certaines conventions fiscalesconclues

par divers autres Etats avec l'Indonésiereconnaissent implicitement la
souverainetéde celle-cisur le Timor oriental.

Le traité relatifau ((Timor Gap»

28. Dans sesconclusions 2 à5, le Portugal (arrêt,par. 10)formuleplu-
sieurs demandes liéesau fait que l'Australie a conclu ce traité.

29. Les accords conclus par l'Australie et l'Indonésiele 18 mai 1971
et le 9 octobre 1972au sujet de leurs droits respectifs sur le plateau con-
tinental dans les zones des mers d'Arafura et de Timor n'ont pas porté
sur la délimitationde la zone faisant faceà la côte du Timor oriental. Ces
accords ménageaientdonc, dans la délimitation du plateau continental
situédanscesmers, une sorte d'ouverture, le «Timor Gap)). Cette appel-

lation a étépar extension donnéeensuite à toute la zone situéeentre le
Timor oriental et l'Australie. Les limites définiesdans ces accords tra-
çaient toute la frontière du plateau continental entre l'Australie etIndo-
nésie.Mais il n'était pas tracéde frontière dans la zone situéeentre
l'Australie et le Timor oriental. De l'avis du Portugal (mémoire,
par. 2.01),
«les accords de 1971et de 1972,et spécialementce dernier, signifient
la reconnaissance par l'Australie que la question des droits sur le

plateau continental entreterritoires dont lescôtes sefont faceet celle
de la délimitation((frontale)du plateau dans la zone dite du ((Timor
Gap», c'est-à-dire dans la zone en vis-à-vis du Timor oriental, ne concernaient que l'Australie elle-même etce territoire. Une telle
reconnaissanceest,par ailleurs, pleinement confirméepar les contacts
établisentre l'Australie etle Portugal, entre 1970et 1974,au sujet de
l'ouverture formelle de négociationspour la délimitation du plateau
dans la zone en cause, ainsi que par le différendqui surgit entre eux
par suite notamment de la concession octroyéepar le Portugal à
Oceanic Exploration Company Ltd. ))

30. L'Australie a changéd'attitudeune fois quel'Indonésies'estassuré
le contrôle effectif du Timor oriental. En 1979,l'Australie et l'Indonésie
ont entamédes négociationsconcernant l'exploration, l'exploitation et la
délimitationdu plateau continental situé dans la zone du «Timor Gap».

Les deux Etats sont convenus de s'abstenir de pêcherdans une zonecom-
prenant le ((Timor Gap» (mémorandum d'accord de1981).En attendant
la délimitationdu plateau continental du ((Timor Gap» ils ont signééga-
lement, le ll décembre1989,letraitérelatif à la zone de coopération éta-
blie dans un secteur situé entre laprovince indonésiennedu Timor orien-
tal et l'Australie septentrionale (connu sous le nom de traité relatifau
«Timor Gap))). Cette zone est destinée à permettre l'exploration et
l'exploitation des ressourcespétrolièresdu plateau continentaldu «Timor
Gap». Ladite zone, qui couvre à peu près 67 800 kilomètres carrés,est
diviséeen trois aires: l'aire A au centre, la plus grande, avec approxima-
tivement 62 000kilomètrescarrés),l'aire B, au sud, et l'aire C, au nord.

Les airesB et C sont des espaces d'exploration, d'exploitation et dejuri-
diction de l'Australie et de l'Indonésierespectivement. Toutefois, chaque
Etat a droità certainesnotificationsconcernant l'aire de l'autre Etat eà
une partie des revenus perçus. L'aire A est un espace d'exploration,
d'exploitation et dejuridiction conjointes. A cette fin, les deux Etats ont
créé une autoritéconjointe placéesous le contrôle d'un conseilministériel
bilatéral.
31. Depuis 1985,lePortugal, en sa qualitéde puissance administrante,
n'a cesséde protester auprès de l'Australie, tout d'abord contre lesnégo-
ciationsque celle-ciavait engagéesavecl'Indonésie puis contre la conclu-
sion du traité lui-même.L'Australie a exclu toute négociation avec le

Portugal sur le «Timor Gap».
32. Les renseignements disponibles font ressortir que la zone du
«Timor Gap» est trèsriche en pétrole eten gaz naturel.

II. L'EXISTENCE DU DIFFÉREND

33. Si je suis en désaccord avecla décisionde la Cour concernant sa
compétence,et c'est là l'essentiel detoute l'affaire,je suis évidemmentdu

mêmeavis que la Cour pour ce qui est de l'existenced'un différendentre
les Parties. Dans la présente section,par conséquent, mon opinion n'est
pas dissidente mais simplement individuelle. Le différend dontla Courest saisie

34. La Cour a raison de rejeter l'exception de l'Australie suivant
laquelle il n'existe pas de «différend» l'opposant au Portugal (arrêt,
par. 22).
35. La premièredémarche quis'impose est manifestement des'assurer
qu'il y a bien différend. Enl'absence de différend,les questions de com-
pétenceet de recevabilité,par définition,ne seposeraient pas. L'Australie
introduit une distinctionentrele différend«allégué»et le différend((véri-
table» (contre-mémoire,par. 4-17) et elle s'appuie sur «le caractère abs-
trait et irréel du «différend» présentépar le Portugal)) (duplique,
par. 34). Elle met parfois le mot de différendlui-mêmeentre guillemets
(comme dans la citation précédente)et elle dit aussi «s'il y a litige»

(contre-mémoire,par. 2). Mais la prétendue non-existence du différend
ne fait pas l'objetd'une argumentation systématiqueni exhaustive. L'Etat
défendeur n'estpas allé, semble-t-il,jusqu'au bout, c'est-à-dire qu'il ne
rejette pas une fois pour toutes l'idéequ'il y ait un différendentre lui-
mêmeet 1'Etatdemandeur. Le défendeur s'attache longuement à plaider
l'irrecevabilité desdemandes, ce qui revient à accepter implicitement
l'existenced'un différend.
36. La Cour rappelle sa jurisprudence et celle de sa devancière(arrêt,
par. 22). Je me permettrai de citer sir Gerald Fitzmaurice. Celui-ci, par-
tageant l'avis exprimépar M. Morelli dans les affaires du Sud-Ouest
africain, exceptions préliminaires, arrê(tC.I.J. Recueil 1962, p. 566-
568), a défini leminimum requis pour établirl'existence«d'un différend
pouvant mettre en jeu la fonction judiciaire de la Cour» de la façon sui-
vante :

«Il faut au moins que l'une des Parties formule ou ait formulé, à
propos d'une action, d'une omissionou d'un comportement présents
ou passésde l'autre Partie, un grief, une prétention ouune protesta-

tion que l'autre partie conteste, rejette ou dont elle déniela validité,
soit expressément, soit implicitement en persistant dans l'action,
l'omissionou lecomportement incriminés,ou bien en ne prenant pas
la mesure demandée, ou encore en n'accordant pas la réparation
souhaitée.»

Citant la définitiondu différendjuridique donnéepar le Royaume-Uni
(en l'amendant légèrement, selonson expression),l'éminentjuge déclarait
encore :

«il n'existà proprement parler de différendjuridique (pouvant être
pris en considération par un tribunal et mettant en jeu la fonction
judiciaire de celui-ci)que si l'issue ou leésultatdu différend,sous
forme de décision de laCour,peut affecter lesintérêts ou lesrapports
juridiques des parties, en ce sens que cette décision confèreou
impose à l'une ou l'autre d'entre elles un droit ou une obligation
juridique (ou qu'elle confirmece droit ou cette obligation), ou bien qu'ellejoue le rôle d'une injonction ou d'une interdiction pour l'ave-
nir, ou encore qu'elleconstitue un élément dedétermination à l'égard
d'une situation juridique continuant à exister)) (Cameroun septen-
trional, arrêt,C.I.J. Recueil 1963, p. 109et 110respectivement).

37. A lire la requête introductive d'instance etles piècesde procédure,
on constate que le différend soumis à la Cour répond aux critèresde défi-
nition ci-dessus.L'affairedu Timor orientalest un différendqui relèvedu
paragraphe 2 de l'article 36 du Statut de la Cour. C'estun différendjuri-
dique au sens de cette disposition et de la pratique de la Cour.
38. De quelque point de vue que l'on se place, y compris (semble-t-il)
celui du peuple du Timor oriental, le différendporté devant la Cour
n'équivaut pas à un différendpotentiel ou existant entre le Portugal et
l'Indonésie,mêmesi certaines questions en litige sont, effectivement ou
éventuellement,identiques.

La question portée devant lesorganespolitiques

39. Il ne faut pas confondre ce différendparticulier dont la Cour est
saisie avec le problème plus large, auquel il ne s'identifiepas non plus, et
qui, à l'organisation des Nations Unies, portait l'intituléde ((Question

des Territoires sous administration portugaise)) (Assembléegénérale)ou
de «La situation au Timor)) (Conseil de sécurité)et que l'on appelle
maintenant ((Question du Timor oriental)). Quand elle utilise dans ses
résolutions les expressions «toutes les parties intéressées»(résolu-
tion 36/50) et atoutes les parties directement intéressées)) (résolu-
tion 37/30)- et cesexpressionscouvrent l'Indonésie - l'Assemblée géné-
rale désigneceuxque concernela ((Questiondu Timor oriental )et non pas
les partiesà une future instance devant la Cour, quelles que puissent être
sesramifications. La ((Questiondu Timor oriental))concernel'Organisa-
tion des Nations Unies, le Portugal, les représentantsdu peuple timorais
et l'Indonésie.Mais cela ne veut pas dire que, d'après les résolutionsde
l'Assembléegénéralel,e règlement den'importe quel problème relatifau

Timor oriental implique nécessairementtous ces participants et notam-
ment l'Indonésie,ni que les consultations sont la seule voieconduisant à
une solution. Les consultations entre lesparties intéresséesn'excluenptas
le recoursà d'autres modes de règlement.Un différendparticulier auquel
sont parties un seul des Etats prenant part aux consultations et un Etat
tiers n'est pas, par définition,artificiel. Et il ne l'est certainement pas en
ce qui concernel'Australie. Parmi les pays reconnaissant l'incorporation
à l'Indonésiedu Timor oriental, l'Australie est celui qui a pousséle plus
loin possible les conséquences de son acte de reconnaissance: elle a
conclu le traitérelatif au((Timor Gap)), lequel porte sur les intérêts du
Timor oriental concernant lesressources du plateau continental et lesres-

sources de la mer. C'estlà un domaine qui revêtla plus haute importance
pour n'importe quel Etat ou pour n'importe quelle entité territoriale non
étatique,tel que le Timor oriental. III. COMPÉTENC RE,CEVABILI TPP,RTUNITÉ

A. Compétence

40. Comme je l'ai indiquéau paragraphe 1, je ne partage pas la
conclusion de la Cour quant à sa compétence,non plus que les raisons
qui l'ont amenée à cette conclusion. Je suppose que ce que la Cour
entend, c'est qu'elle n'a pas compétencepour statuer en l'espèce. Il est
vrai que la Cour s'exprimeen des termes différents:puisqu'elledit qu'elle
ne ((saurait...exercer la compétence à elle conférée)()arrêt, par.38). La
Cour parvient à cette conclusion après avoir examiné((l'exceptionprin-
cipale de l'Australie selon laquelle la requête du Portugal obligerait la
Cour à se prononcer sur les droits et obligations de l'Indonésie»(arrêt,
par. 23). Dans la procédure écrite,l'Australie présente cetteexception
sous la rubrique de l'irrecevabilité, maisdans sesconclusions elledit tout
d'abord que la Cour n'a pas compétenceet seulement ensuite que les
demandes sont irrecevables (duplique, par. 288). Dans ses conclusions

finales, l'Australie a pris la mêmeposition: «la Cour devrait ...dire et
juger qu'elle n'a pas compétencepour statuer sur les demandes du Por-
tugal, ou que les demandes du Portugal sont irrecevables)) (CR 95/15,
p. 56, M. G. Griffith, agent et conseil de l'Australie; arrêt,par. 10).
41. Selon l'arrêt (par.33 et4), la raison qui amènela Cour a ne pas
exercer sa compétenceen l'espèce estl'impossibilitédans laquelle elle se
trouve de statuer sur la licéitédu comportement de l'Indonésie sansle
consentement de celle-ci.De l'avisde la Cour, pour qu'elle puissesepro-
noncer sur la responsabilitéalléguéede l'Australie,il lui faudrait d'abord
statuer sur le comportement de l'Indonésie. L'arrêst'appuie sur la déci-
sion adoptée dansl'affaire del'Or monétairepris à Rome en 1943 (C.I.J.
Recueil 1954, p. 19).En conséquence, afin d'expliquerles raisons de mon
désaccord,je vais consacrer l'essentiel demon argumentation à la portée
qu'il faut attribuer l'absence de l'Indonésiedans la présenteinstance et

à la signification et la pertinence du précédent del'Or monétaire. Mais
d'abord, je vais examiner les incidences plus larges de la question de la
compétenceet le problème particulier que soulèvela premièreconclusion
du Portugal.

Le droit et lajustice

42. Incontestablement, pour reprendre les termes de M. Shabtai
Rosenne, la Cour a «une certaine latitude ..pour refuser de statuer sur
une affaire»; mais elle doit «en user avec modération» .
43. Je soutiens respectueusement que la Cour aurait dû trancher le dif-
férendentre le Portugal et l'Australie non seulementsur la base desrègles
régissantla compétence et/ou la recevabilité(cesrèglesdoivent être appli-
quées),mais encore conformément auxexigencesde la justice. La dicho-

' The Law and Practiceof the International Court, 2"éd.rev., 1985,p. 305.

151tomie entre le droit et la justice est éternelle.La Cour a toujours cherché
à la résoudre.Cette recherche devient difficile et lescontours de la dicho-
tomie ressortent encore davantage lorsqu'une interprétation trop étroite
desprincipes régissant la compétencefreinelajustice. Je crainsdonc aussi
que l'arrêtne ravive d'anciennescraintes quant à une conception restric-
tive de la fonction de la Cour. On ne saurait réduirele problème à une
simple question de conformité juridique. C'est particulièrement vrai
lorsque la Cour est aux prises avec certains éléments essentiels dlea cons-

titution de l'organisation et avec certains des principes fondamentaux du
droit international. Il y a un intérêrtéel maintenir et à renforcer le rôle
de la Cour dans ce que M. Sette-Camara a décritcomme étant ((l'insti-
tutionnalisation de la règledu droit parmi les nations))'.
44. Voilà quelques années, le Président Bedjaoui a écrit que: «La
connaissance des lignes de force de cette société[internationale] et de
leurs brisures ..permet de mieux comprendre ...quelles peuvent êtreses
futures conquêtes.))De l'avis du Président, la phase actuelle du droit
international est une phase de transition, passant «d'un droit de coordi-
nation à un droit de finalités)).Et l'éminentcommentateur de déclarer
que «l'une des finalités essentielles»estle développement,«un vrai déve-
loppement,propre à redonner la dignité à leurs peuples [des«Etats nou-

veaux»] et àmettre fin aux rapports de d~mination))~.
45. L'arrêtva-t-il suffisamment dans le sens du droit ainsi conçu?
L'objet du différend etses incidences plus largesjustifieraient l'adoption
de l'optique du Président.Le Timor oriental n'a pas été bien servi par les
intérêtset les souverainetéstraditionnelles des plus forts. D'où l'impor-
tance de la position de la Cour touchant au Territoire et aux droits de son
peuple (ci-dessus par. 2). Mais cette position serait de plus de poids si
l'arrêt n'était pams uet sur l'autodétermination et le statut du Territoire.
C'est un silence éloquent, car il va de pair avec le rejet quasi total des
demandes du Portugal. La Cour n'a-t-elle pas été trop prudente?

46. Et pourtant, la Cour a eu, je pense, ses grands moments, et a été
le plus fidèleà sa fonction lorsque, tout en restant sur le plan du droit
positif, elle a tenu compte des grands courants de l'évolution contem-
poraine. Une juridiction n'a pas à - et mêmene doit pas - reprendre
une doctrine d'«hier», ou pis encore - pour reprendre lestermes d'Albert
V. Dicey - d'«avant- hie^-»3 L.a Cour doit et peut se tourner vers l'ave-
nir, sinon nous n'aurions pas de décisionscomme celle qui a été rendue
dans l'affairede la Réparation desdommagessubisau servicedes Nations
Unies.
47. Je crois que ce que M. Lauterpacht, juge ad hoc, a dit dans l'affaire

'JoséSette-Camara, «Les modes de règlementobligatoire)), dans M. Bedjaoui (dir.
gén.),Droit international. Bilan et perspectives,1991,p. 569.
M. Bedjaoui, «Introduction générales,op. cit., p. 1, 15et 17,respectivement.
Lectures on the Relation betweenLaw and Public OpinioninEnglandduringthe Nine-
teenth Century, 1905,p. 32 et 367.relativeà l'Applicationde la conventionpour lapréventionet la répression
du crime de génocides'applique à la présenteinstance:

«la Cour [nedoit pas], en l'abordant [laprésenteaffaire], se départir
de son impartialité traditionnelle et de son ferme attachement aux
normes juridiques. En mêmetemps, les circonstances exigent que
l'on aborde la situation avec beaucoup de compréhensionet de sen-
sibilitéet que l'on examine les problèmes en évitant toute attitude
étroite ou excessivement formaliste. Si les exigences des principes
juridiques ne sauraient êtrenégligées, iflaut cependant rappeler que
l'application rigide des principes n'est pas une fin en soi, mais seule-
ment un élément - de toute importance, certes- dans l'élaboration
constructive d'une réponse juridique aux besoins des bénéficiaires

ultimes du droit, c'est-à-dire les individus non moins que les struc-
turespolitiques au seindesquellesils sesont organisés.(Application
de la conventionpour lapréventionet la répressiondu crime degéno-
cide, mesures conservatoires, ordonnance du 13 septembre 1993,
C.I.J. Recueil 1993,p. 408, par. 3.)

48. Il y a un certain déséquilibredans le dispositif: il est bien trop
favorable à l'Australie et nettement trop défavorableau Portugal; mais il
reste encore à savoir si le vrai gagnant n'est pas un Etat tiers. La Cour
souhaite éviter untel résultat quipourrait aisément allerà l'encontre du
souci incontestable de la Cour de ne viser aucun Etat tiers.

La première conclusiondu Portugal

49. Pour toutes ces raisons je crois que la Cour aurait dû examiner la
première conclusion du Portugal, par laquelle ce dernier demande à la

Cour de:
«1) Dire et juger que, d'une part, les droits du peuple du Timor
orientalà disposer de lui-même, à l'intégritetà l'unité deson ter-
ritoire eà sa souverainetépermanente sur sesrichesseset ressources

naturelles et, d'autre part, les devoirs, les compétenceset les droits
du Portugal en tant que puissance administrante du Territoire du
Timor oriental sont opposables à l'Australie, laquelleest tenue de ne
pas les méconnaîtreet de les respecter.))
50. Le cŒur duproblèmeest que la Cour ne peut s'entenir àdéclarer

qu'ellen'a pas compétencepour les questions concernant le traitérelatif
au ((Timor Gap». Le fond de l'affaireest plus large et va plus loin que le
traité.En un mot: la Cour aurait dû examiner en détaillesprincipes visés
dans la première conclusion du Portugal. Le traitement qu'elle leur
réserveactuellement dans lesmotifs, bien qu'important, est trop succinct.
Il est aussi insuffisant en ce sens qu'à mon avis la question relève égale-
ment du dispositif.
51. Bien que la Cour déclareque ((cetteconclusions'applique à toutes
les demandes)) (par. 35), l'arrêtne traite pas, en réalité, dela premièreconclusion, dont la recevabilitén'a d'ailleurspas étmise en question. En
conséquence,il faudrait appliquer la règle réitéréd eans l'affaire de la
Demande d'interprétation de l'arrêt d2 u0 novembre 1950en l'affaire du
droit d'asile,selon laquelle «la Cour a le devoir de répondre aux de-
mandes des parties telles qu'elles s'expriment dans leurs conclusions
finales))' (C.I.J. Recueil 1950, p. 402). En l'espèce,il n'y a pas conflit
entre ce devoir et la prudence judiciaire, à supposer que cette seconde
question se pose; je ne pense pas que ce soit le cas.
52. A cet égard,il convient de dire un mot du fait qu'au cours de la
procédureles deux parties ont invoquéles intérêts du peuple du Timor
oriental, mais ne nous ont guèredonnéde preuves indiquant quels étaient
effectivement ses vŒux.Quoi qu'il en soit, je pense que la Cour peut se

fonder sur certaines hypothèses élémentaires:les intérêtsd'un peuple
sont favoriséslorsque 1,011recourt à des mécanismes pacifiques,non à
l'intervention militaire; lorsqu'il y a libre choix et non incorporation dans
un autre Etat opérée essentiellemenp tar l'emploi dela force; lorsque la
participation active de la population est garantie et non lorsque des
arrangements sont conclus par certains Etats seuls, à I'exclusion du
peuple et/ou des Membres de l'organisation des Nations Unies qui ont
accepté «la mission sacrée))quileur étaitconfiéepar le chapitre XI de la
Charte. La Cour aurait pu examiner ces questions et d'autres problèmes
connexes sans modifier sa prise deposition actuelletouchant àson défaut
de compétence àl'égarddes conclusions 2 à 5 du Portugal. Car ces pro-
blèmesfont partie de l'autodétermination. Ils relèvent aussi de la pre-

mièreconclusion. Je le répète:je voismal pourquoi l'arrêta préféré rester
muet sur cette conclusion.
53, Les déclarations faites (dans l'exposé demotifs) à propos du sta-
tut du Timor oriental et de l'autodétermination auraient pu être plus
détaillées.Le statut de non-autonomie implique manifestement l7«inté-
grité»du Territoire. Ici l'arrêts'en tieàtciter les résolutions duConseil
de sécurité(par. 31). Rien n'est dit de l'application du droità l'autodé-
termination à la situation actuelle du peuple du Timor oriental et de
l'avis dechaque Partie en ce qui concerne la mise en Œuvre dece droit.
L'arrêtne dit mot sur la question de la souverainetépermanente sur les
richesses etles ressources naturelles. Les Parties ont des vues divergentes

quant àla position du Portugal, qui est une autre questionàtrancher par
la Cour. Beaucoup de questions font l'objet de contestations entre les
Parties à propos de la première conclusion, indépendamment du traité
relatif au «Timor Gap ».La premièreconclusion ne peut être réduite à la
question du pouvoir de conclure des traités, notamment en matière de
délimitationde zones maritimes.

'La partie de la règlequi n'est pas citée parledu devoir «de s'abstenir destatuer sur
des points non compris dans lesdites demandes)). Le danger d'enfreindre cette règle
n'existe pas l'attitude généraled'abstention et de prudence de la part de la Cour en
gissement de l'arrst.cette opinion n'enfreint pasnon plus cette règleen suggérant l'élar- 54. La premièreconclusion du Portugal est rédigée en des termes tels
qu'en l'examinant au fond la Cour ne risquerait pas d'avoir à traiter des
droits et devoirs de l'Indonésie oude sa position. La règledu consente-
ment (répétéd eans l'Or monétaire) aurait étéstrictement respectée.
55. L'Indonésiene saurait voir dans l'arrêtune légalisationou légitima-
tion implicitede l'annexion du Timor oriental. Néanmoins,je suis préoc-
cupépar la clause actuelle du dispositif qui ne dit rien des principes
énoncésdans la premièredemande. Il faudrait faire ressortir que cette
conclusiondiffèreconsidérablementdesautres (2 à5). Cesdernièresconcer-
nent essentiellement le traité relatif au «Timor Gap» et les problèmes

de responsabilité;aux termes de la premièreil est demandé à la Cour de
dire le droit et de spécifierl'obligationde l'Australie derespecter ce droit.
Quelle difficultéy aurait-il faire droità cette conclusion en tout ou en
partie?
56. Je suisprêtà reconnaître qu'avant de pouvoir examiner lesconclu-
sionsultérieures,etdv faireéventuellementdroit. la Cour aurait dû d'abord.
tant sur le plan juridique que logique, faire droità la première conclu-
sion. Mais je ne reconnaispas l'inverse.Dans l'autre sens, ce lien n'existe
pas. La premièreconclusion a en effet un caractère autonome. La Cour
peut interpréterles demandes des Parties, ce qu'ellea fait du reste, dans
la pratique. La Cour aurait pu examiner la première conclusion et ré-

soudre le problèmepertinent sans aborder les autres.
57. La Cour n'est pas un organe composé seulement d'Etats ayant
pour fonction de statuer sur des différendsentre ceux d'entre eux qui veu-
lent bien reconnaître sa compétenceet s'y soumettre. La Cour est avant
tout ((l'organejudiciaire principal des Nations Unies)).Elle s'inscritdonc
dans une structure internationale. Sa fonction iudiciaire. définieau
chapitre II de son Statut et plus particulièrement en son article 36, doit
s'exercer conformément aux buts et principes des Nations Unies. La
Cour a contribué à élucideret à faire progresser le droit des Nations
Unies. La présente affairelui a offert une occasion de poursuivre cette
tâche. «La question du Timor oriental)) est encore à l'examendevant les
organespolitiquesde l'organisation des Nations Unies. Une fois saisieen

bonne et due forme (d'où l'importance d'éluciderla qualité pour agirdu
Portugal), la Cour a son rôle àjouer, pourvu que soient respectéesson
indépendanceetleslimitesde sa participation aux activitésde l'organisa-
tion. Aucune de cesexigencesn'aurait été menacéesi la Cour avait décidé
d'examiner la première conclusion. Cette conclusion, en effet, peut être
dissociéede la question du traité relatif au «TimorGap». Elle ne consti-
tue pas une demande présentée abusivement à la Cour.
58. Pour résumer,ledispositif del'arrêt aurait pu comporterlesconclu-
sions ci-après:

1) L'Organisation des Nations Unies a continué dereconnaître la qualité

du Portugal en tant que puissance administrante du Timor oriental.
Le Portugal a donc qualitépour agir devant la Cour dans la présente
instance au nom du Timor oriental. Le statut du Territoire du Timor oriental en tant que territoire non
autonome et le droit du peuple du Timor oriental à l'autodétermina-
tion, ainsi que son droià la souverainetépermanente sur sesrichesses
et ses ressources naturelles, droits qui sont reconnus par l'organisa-
tion des Nations Unies, doivent êtrerespectéspar tous les Membres
de l'organisation des Nations Unies. La Cour note qu'en l'espèce
l'Australiea déclaré qu'elle considèrle Timor oriental comme un ter-
ritoire non autonome et qu'elle reconnaît le droit de son peuple à
l'autodétermination.

Distinction entre la mise enjeu d'intérête st la déterminationde droits
ou devoirs
59. Je commencerai par rappeler la distinction à faire entre l'intérêt

juridique ou les intérêts juridiques d'unEtat tiers (ici, l'Indonésie)qui
seraient éventuellementou effectivement mis en jeu ou affectéspar une
affaire (mais sans plus), d'une part, et, de l'autre, la décisionque la Cour
serait appelée à prendre sur ledit ou lesdits intérêts. ans la dernière
hypothèse, l'intérêt ou les intérêts juridiques((seraient non seulement
touchéspar une décision, maisconstitueraient l'objet mêmede ladite
décision))(Or monétairepris a Rome en 1943, arrêt,C.I.J. Recueil 1954,
p. 32),et cette décision (c'est-à-direla décisionconcernant la responsabi-
lité de1'Etattiers) deviendrait une ((conditionpréalableà)toute décision
sur la demande (voir Certaines terres a phosphates à Nauru (Nauru
c. Australie), exceptions préliminaires,arrêt,C.I.J. Recueil 1992,p. 261,
par. 55; ibid., p. 296, opinion individuelle de M. Shahabuddeen). Or, la
présenteaffaire ne fait que «toucher» ou ((mettre enjeu» l'intérêt oules
intérêtsindonésiens.La règledu consentement énoncée à l'article 36 du

Statut est respectée;si la Cour avait exercésa juridiction, elle n'aurait
statué sur aucun des droits etlou des devoirs de l'Indonésie- elle ne
l'aurait pas pu. Ce pays est protégé,en particulier, par l'article 59du Sta-
tut, quels que puissent êtreles effetsplus larges de l'arrêt.
60. La nature et l'étenduede la mise enjeu des intérêtsjuridiquement
protégésd'un Etat tiers, y compris ses droits et ses devoirs, varient d'une
affaireà l'autre. La Cour doit examiner si ellepeut prendre une décision
sur une demande sans se prononcer sur les intérêts d'unEtat tiers. La
mise en jeu de ces intérêtse peut pas être purement etsimplement assi-
milée à une déterminationdes droits ou des devoirs d'un Etats tiers par la
Cour ou à une déterminationde la responsabilitéde cet Etat. Si la Cour
peut rendre une décisionsur une demande sans pour autant seprononcer
à l'égardd'un Etat qui n'est pas partie au litige, elle a alors compétence
en ce qui concerne cette demande. A mon avis, c'est précisémentle cas

dans la relation triangulaire Portugal-Australie-Indonésie. Ici, la distinc-
tion en question n'estpas seulementpossible, elleexistedéjà.Le Portugal
n'a pas mis en question les intérêts juridiquesd'un Etat tiers,à savoir
l'Indonésie.La Cour est compétente.
61. Dans l'affaire du Différend frontalier terrestre,insulaire et mari-
time (El Salvador/Honduras), requête a$n d'intervention,la Chambre dela Cour n'a laissésubsister aucun doute quant à la pertinence de la dis-
tinction indiquée aux paragraphes 59 et 60 ci-dessus. Elle a interprétéle
jugement rendu dans l'affaire de l'Or monétairede la façon suivante:
«si la présencede l'article 62 dans le Statut pouvait autoriser impli-
citement la continuation de la procédureen l'absenced'un Etat dont
les ((intérêtsjuridiques)) risqueraient d'êetouchés» par la déci-
sion, cela ne justifiait pas sa continuation en l'absence d'un Etat
dont la responsabilité internationale constituerait'objetmêmede
ladite décision)).La Cour n'avait pas besoin de déciderce qui se

seraitproduit sil'Albanie avait présentéune requête find'interven-
tion fondée sur l'article 62.» (C. Z. Recueil 1990, p. 115-116,
par. 55.)
La Chambre a recherché ensuitesi 1'Etattiers (le Nicaragua) avait établi
l'existenced'un ((intérêtd'ordre juridiqususceptible d'être affecpar la
décision))etjustifiant,par conséquent,l'intervention,puis a cherchésicet
intérêt pouvaietffectivementconstituer ((l'objetmêmedeladite décision))
(ibid., p. 116,par. 56). Elle a estimé qu'il existait,de la part de cet Etat

tiers,«un intérêt d'ordre juridiquesusceptible d'être affecpar sa déci-
sion)); mais elle a conclu que«cet intérêtne constituerait pas ((l'objet
mêmede ladite décision)),comme l'étaientles intérêts de l'Albanie dans
l'affaire de'Or monétairepris à Rome en 1943))(ibid.,p. 122,par. 72 et
73).

62. Le critère de «l'objet mêmede la décision)) établitde manière
concluante la compétence dela Cour quand les intérêts d'unEtat tiers
sont ou semblent êtreen jeu. Comme l'a dit la Cour, «les circonstances
de l'affaire del'Or monétaire marquent vraisemblablement la limite du
pouvoir de la Cour de refuser d'exercer sajuridiction)).Je crois qu'autre- .
ment on pourrait se demander si la Cour s'acquitte de sa tâche et de sa
mission: «la Cour doit avoir la faculté,et elle a enfait l'obligation, dese
prononcer aussi complètement que possible dans les circonstances de
chaque espèce,sauf évidemment))lorsque l'élémend te l'objet mêmede la
décision intervient (Plateau continental (Jamahiriya arabe libyenne/
Malte), requête à fin d'intervention, arrêtC.Z.J R.ecueil 1984, p. 25,
par. 40; les italiques sont de moi). Le devoir de remplir sa fonction a
pour la Cour une importance primordiale. C'est pourquoi, dans ses pré-
cédentes décisionsla Cour a adoptéune interprétation raisonnable de la

règleformulée dans l'affairede l'Or monétaire. On pourrait mêmedire
que cette interprétation n'est pasèslarge. C'estla position que la Cour
a adoptée dansl'affaire deCertaines terresà phosphates à Nauru, excep-
tionspréliminaires.Dans cette affaire, où Nauru étaitle demandeur, la
Cour a estiméqu'elleavait compétencebien que 1'Etatdéfendeur(1'Aus-
tralie) ne fût que l'un destrois Etats (les deux autres étantla Nouvelle-
Zélande et le Royaume-Uni) qui constituaient conjointement l'autorité
administrante de Nauru en vertu de l'accord de tutelle. Toute décision
sur les devoirs incombant à l'Australià ce titre serait inévitablementetsimultanémentune décisionsur les devoirs identiques des deux autres
Etats. En d'autres termes, bien que l'«objet» de la décisionfût le même,
la Cour pouvait n'exercer sa compétencequ'à l'égard d'unseul des Etats
composant l'autorité administrante tripartite. La Cour a déclaré :

«Dans la présente affaire,toute décisionde la Cour sur l'existence
ou le contenu de la responsabilité que Nauru impute à l'Australie
pourrait certes avoir des incidences sur la situation juridique des
deux autres Etats concernés, maisla Cour n'aura pas àseprononcer
sur cette situation juridique pour prendre sa décisionsur les griefs
formuléspar Nauru contre l'Australie. Par voie de conséquence,la
Cour ne peut refuser d'exercer sajuridiction.» (C.I.J. Recueil 1992,
p. 261-262,par. 55.)

63. Il est touà fait possible d'appliquerà la présente affairela notion
inhérente à l'avis ainsi exprimédans l'affaire de Certaines terresà phos-
phates à Nauru: la Cour n'a pas à se prononcer au sujet de l'Indonésie
pour se doter d'une basede compétence à l'égard desdemandes du Por-
tugal contre l'Australie, et il n'y a pas non plus de lien nécessaire((10-

gique», ibid., p. 261, par. 55) entre les décisionsconcernant l'Indonésie
et celles concernant l'Australie (l'élémendt'une ((condition préalable))).
64. Mais notre problèmene se limite pas à ce qui résulte del'applica-
tion des critères fournis par la distinction établie dans la règlede l'Or
monétaire. La pratique de la Cour montre amplement que celle-ci est
compétentepour réglerdes différendsbilatéraux concernant des revendi-
cations territoriales(y compris des revendications portant sur des zones
sous-marines),,concernant la délimitationde frontières ou concernant le
statut d'un territoire ou d'une entité territoriale. On retrouve cette der-
nièrequestion dans la présenteaffaire. Ceque la Cour décidesur cesques-
tions et des questions analogues peut être invoqué à l'égard de tousles
Etats. Bienqu'il s'agissed'un différendentre deux Etats, la décision dela

Cour a une valeurerga omnes.Dans la pratique de la Cour (et l'observa-
tion vaut pour la Cour permanente), ladite ou lesditescatégories d'objets
n'ont pas constitué - et ne pouvaient d'ailleurs pasconstituer- un obs-
tacle à l'exercicede la compétencedans un différendentre deux Etats
seulement, bien que l'effet de la décisionfût alléau-delà de la relation
bilatérale.La Cour n'a pas considéré que cette dernière circonstancle'em-
pêchait de rendreun arrêt.On peut citer comme exemplesles arrêtsrendus
dans les affaires desPêcheries,des Minquiers et Ecréhous,et du Temple
de Préah Vihéar,ainsi que les décisions relatives à divers plateaux conti-
nentaux.
65. La compétence (etlou la recevabilité)ne peut pas êtremiseen ques-
tion (commecela a été fait dans la présenteaffaire)du fait que l'introduc-

tion d'une demandecontre un Etat peut avoir des conséquencesallant, en
fait, au-delà de cettedemande, ce qui serait le cas sila Cour seprononçait
en faveur de 1'Etat demandeur. Dans des circonstances analogues ou
identiques,un autre Etat peut logiquement attendre de la Cour une déci-
sion analogue ou identique. Mais il s'agit ici d'une situation de fait oud'éventualitésfactuelles. Ces conséquences factuellesd'une demande ou
d'un arrêtfavorable à1'Etatdemandeur sont à distinguer de la demande
proprement dite. Ces faits ou ces éventualitésfactuelles ne rendent pas
la demande fictive, ou ne signifient pas non plus qu'elle ne vise qu'un
Etat tiers. Les demandes présentéespar le Portugal sont réelleset s'adres-
sent à 1'Etatdéfendeur;la non-participation d'un Etat tiers (l'Indonésie)
à l'instancen'ôte pas sa compétence à la Cour et ne rend pas non plus les
demandes portugaises irrecevables.
66. Dans la présenteaffaire, il està la fois possible et nécessaire de

dissocier les droits etlou devoirs de l'Australie de ceux de l'Indonésie.
Une décisionsur le fond aurait dû et aurait pu exprimer cette dissocia-
tion. Dans la présenteaffaire, les questions essentiellestrancher (pour
reprendre une expression de l'arrêt rendu dansl'affaire de'Or monétaire
(C.I.J. Recueil 1954,p. 33)) ne concernent pas la responsabilitéinterna-
tionale d'un Etat tiers, savoir l'Indonésie.
67. Il est certain que l'affaire met en cause ou affecte mêmecertains
intérêtdse l'Indonésie. Maisce fait n'est pas un obstaclel'exercicede la
compétence dela Cour et ne rend pas les diversesdemandes irrecevables.
La pratique de la Cour, évoquéeplus haut, corrobore cette conclusion.
Les intérêtdse l'Indonésie sontsuffisammentprotégés parle Statut de la
Cour. Ils ne constituent pas ((l'objet mêmede la décision)).Par consé-

quent, le critèred'incompétence énoncé dans l'affaire del'Or monétaire
ne peut pas être invoquéen l'espèce:la prémisse nécessaire estabsente
dans la controverse concernant le Timor oriental.

Le droit des Nations Uniessur la question de savoirsi l'Indonésie estune
partie indispensable

68. Contrairement à ce qu'a soutenu l'Australie, le Portugal ne s'est
pas trompé d'adversaire.En d'autres termes, on se trouve ici enprésence
de la question de la ((condition préalable)) au sens de l'Or monétaire
(par. 59et 63ci-dessus).Mais, dans la présenteinstance, les demandesdu
Portugal sont dirigéesuniquement contre l'Australie, et non contre un
Etat absent, en l'occurrence l'Indonésie.La Cour n'est pas tenue d'exer-
cer sajuridictionà l'égard d'untel Etat, quel qu'il soit. L'Australien'est
pas visée «à tort» dans la présenteinstance, et l'Indonésien'y est pas
viséedu tout. Cette distinction est, en l'espèce,la fois fictiveet fausse.

69. Dans l'affaire des Activitésmilitaires et paramilitaires au Nicara-
gua, les Etats-Unis ont affirméque toute décisionen la matière mettrait
nécessairementen causelesdroits et lesobligationsd'autres Etats d'Amé-
rique centrale,à savoir le Costa Rica, El Salvador et le Honduras. Tout
en rejetant cette affirmationet en rappelantu'«en principe)), ellen'avait
à se prononcer que sur les conclusions de 1'Etat demandeur, la Cour a
déclaré:

«Dans le Statut comme dans la pratique des tribunaux internatio-
naux, on ne trouve aucune trace d'une règleconcernant les ((parties
indispensables» comme celle que défendentles Etats-Unis, qui ne serait concevable que parallèlement à un pouvoir, dont la Cour est
dépourvue,de prescrire la participation a l'instance d'unEtat tiers. ))
(Activitésmilitaires et paramilitaires au Nicaraguaet contre celui-ci
(Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique),compétenceet recevabilité,
arrêt, C.Z.J. Recueil 1984, p. 431, par. 88.)

Mutatis mutandis, cette déclaration est utile pour résoudrele problème
du ((véritable))ou du «faux» adversaire. Qu'ilme soit permis de dire que
je considèrela règleénoncée commeraisonnable. Je ne formule aucune
opinion sur le point de savoir s'il était possible de l'appliquer dans
l'affaire desActivitésmilitaires etparamilitaires au Nicaraguaou si ellea
été correctementappliquéecompte tenu des éléments de preuve existants.
70. La cléde la décision,pour se prononcer sur la compétenceet la

recevabilitéet, en outre, sur le fond de l'affaire, est le statut du Timor
oriental. Selon le droit des Nations Unies, le Timor oriental était et, en
dépit de son incorporation à l'Indonésie, demeureun territoire non auto-
nome au sens du chapitre XI de la Charte des Nations Unies. Cette ques-
tion, qui est fondamentale en l'espèce,est régiepar le droit des Nations
Unies. A moins que la Cour n'estimeque l'organisation a agi ultra vires,
l'opinion dela Cour ne peut pas s'écarterde ce droit et de l'application
des règles de ce droit dans la pratique de l'organisation, notamment
telles qu'ellessont énoncées dans les résolutions pertinentes de 1'Assem-

bléegénéraleet du Conseil de sécurité l.
71. En droit et dans la pratique de l'organisation, la mise en Œuvredu
chapitre XI de la Charte fait partie intégrante des fonctions de 1'Assem-
bléegénérale.Dans certains cas au moins relevant de ce chapitre, les
Etats Membres ne sont pas confrontés a de simples recommandations:
l'Assembléea compétencepour prendre des décisionsobligatoires, y
compris des décisionsquant à savoir si un territoire continue d'êtreclassé
dans la catégoriedes territoires non autonomes et quelle est la puissance
administrante.
72. La Cour reconnaît qu'en certainesmatièresl'Assemblée généraa le

le pouvoir d'adopter des résolutions obligatoires.Par sa résolution2145
(XXI), l'Assembléea mis fin au mandat sur le Sud-Ouest africain et a
déclaré que la Républiqued'Afrique du Sud «n'a[vait] aucun autre droit
d'administrer le Territoire)). Il ne s'agissait pas d'une recommandation.
Dans l'affaire de la Namibie, la Cour a précisé:

«il serait...inexact de supposer que, parce qu'ellepossède enprin-
cipe le pouvoir de faire des recommandations, l'Assemblée générale
est empêchéd e'adopter, dans des cas déterminésrelevant de sa com-
pétence, desrésolutions ayantle caractèrede décisionsou procédant

'Le mémoire parleà cet égardd'une((donnée» dont «la Cour n'aur..qu'à prendre
acte».Cette ((donnée))est constituéepar les ((affir..que le peuple du Timor ori-
ental jouit du droitdisposer de lui-même,ue le Territoire du Timor oriental est un
territoire non autonome, enfinque le Portugal en est, la Puissanceadministrante))
(par. 3.02). d'une intention d'exécution»(Conséquences juridiques pourles Etats
de la présencecontinue de l'Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest
africain) nonobstant la résolution276 (1970) du Conseilde sécurité,
avisconsultat$ C.I.J. Recueil 1971, p. 50, par. 105).

73. On voit mal pourquoi, dans la présente affaire, la Cour paraît en
fait considérerles résolutionsde l'Assemblée générale relativeaux ques-
tions coloniales sous un angle différent. La Cour ne nie ni ne confirme
leur caractère obligatoire. La Cour dit:

«Sans préjudicede la question de savoir si lesrésolutions àl'exa-
men pourraient avoir un caractère obligatoire, la Cour estime en
conséquence qu'ellesne sauraient êtreconsidérées comme des «don-
nées» constituant une base suffisante pour trancher le différendqui
oppose les Parties. (Arrêt,par. 32.)

Mais, dans un cas assez significatif, la Cour mentionne une «donnée»:
évoquantlesrésolutionsde l'OrganisationdesNations Unies, ellequalifie
l'action de l'Indonésie contreleTimor oriental et dans ce territoire«in-
tervention)) (arrêt, par. 13et 14).
74. Les termes citésau paragraphe 73 ci-dessus soulèventune autre
question. Concernent-ils la compétence ou le fond? Tout le para-
graphe 32 de l'arrêtparaît traiter du fond. En mêmetemps, la Cour
réduitce paragraphe à l'examendu problèmede «l'obligation [desEtats
tiers] de traiter exclusivementavec le Portugal pour ce qui est du plateau
continental du Timor oriental)). Un examen limité àceproblèmene place

manifestement pas la Cour dans une situation qui lui permettrait d'avan-
cer tous les arguments qui justifieraient sa conclusion négativesur les
«données». Ces dernièresconstituent un problèmeplus vaste, qui ne se
limitepas à la question de savoir qui peut traiter avecqui. La conclusion,
au paragraphe 31 de l'arrêt, trancheégalement unequestion de fond.
75. La Cour lie la continuité dustatut du Territoire,y compris la per-
tinence du principe de l'autodétermination, d'abord à la position des
Parties (arrêt,par. 31 et 37). Mais il est assez difficilede définirla posi-
tion de la Cour, car dans les passages suivants les résolutions reprennent
leur signification autonome. On ne voit pas pourquoi la Cour, après
avoir passé en revueles actes de l'organisation des Nations Unies, n'étu-
die pas le problème des ((conséquencesjuridiques qui s'attachent à la
mention du Portugal comme puissance administrante dans ces textes»
(arrêt,par. 31); au lieu de procéderà cet examen, la Cour s'attache à la

conclusion du traité. Cette question n'est pas examinée à fond et pour-
tant la Cour exprime des doutes quant à la prétention du Portugal à
l'exclusivitédu ouv voirde conclure des accords concernant le Timor
oriental et au nom de celui-ci. Une fois de plus, incidemment, c'est là
encore un ~roblèmede fond.
76. La prise de position de la Cour, dont il est question dans les para-
graphes 74 et 75 ci-dessus, présente uncertain contraste avec les ordon-
nances rendues dans les affaires relativesdes Questions d'interprétationet d'applicationde la convention de Montréalde 1971 résultantde I'inci-
dent aériende Lockerbie (C.Z.J. Recueil 1992, p. 3 et 114). Ces ordon-
nances respectent la décisiondu Conseil de sécuritésur le fond des deux
affaires, bien que cette décisionait étéadoptée après la clôturedes plai-
doiries (ibid., p. 14-15, par. 34-42, et p. 125-127,par. 37-45) et que le
droit, tout en laissant la Cour une certainelibertéd'appréciation,puisse
être entenducomme appelant une solution différente (voir ibid., opinions
dissidentes,p. 33 et suiv. et 143et suiv.). S'agissantdu Timor oriental, la
question est régiepar le droit et par des résolutions quiont force obliga-
toire. On pourrait penser que la Cour ne saurait éviterd'appliquer les
règlespertinentes. Mais la Cour préfèregarder ses distances.
77. En prenant acte du statut du Timor oriental au regard du droit des
Nations Unies, y compris des résolutions pertinentes, la Cour ne statue-

rait aucunement sur lesdroits, lesdevoirs, lajuridiction ou la compétence
de l'Indonésieen matière territoriale ou autre. La Cour n'aurait pas
besoin, en l'espèce, d'exigerne preuve quelconque de ce statut de la part
du Portugal. Elle n'a pas non plus besoin de seprononcer sur le compor-
tement et la position de l'Indonésiepour statuer sur les demandes du
Portugal. Il est intéressantde noter que l'arrêtqualifie l'acte de 1'Indo-
nésied'«intervention» (par. 13-14).Cela aura-t-il des effets? L'interven-
tion (militairenotamment) est par définitionilliciteet ne créeaucun droit
ou titre tant qu'il n'y a pas eu de décision del'Organisation des Nations
Unies en validant les conséquences,ou de reconnaissance universelle.
78. Le droit des Nations Unies lie tous les Etats Membres. Le statut
d'un territoire, étant donné son caractèreobjectif, est opposable non
seulement à chacun d'entre eux, mais aussi aux Etats non membres.
Cela s'appliqueau Territoire non autonome du Timor oriental. En outre,
le droit du peuple du Timor oriental de déterminer librement son avenir

et la position de la Puissance administrante sont opposables à tous les
Etats (y compris l'Australie). Il est donc faux, dans ces conditions, de
considérerque c'estl'Indonésie, et non l'Australie, quiest le((véritable))
défendeur. Une telle distinction ne se justifie pas en l'espèce. Il est
sans importance aussi, comme l'explique la Cour, de déterminer si le
((différendvéritable))opposele Portugal à l'Indonésie plutôtqu'à 1'Aus-
tralie (arrêt,par. 22). Il existe, sans aucun doute, plus d'un différend
au sujet du Timor oriental, mais dans la présenteaffaire la Cour n'a
étésaisie que d'un différend spécifique,lequelappeIleune décisionsur le
fond.
79. Il est une autre raison encore pour laquelle la présence de
l'Indonésie,pays qui a un intérêt dansl'affaire (bien qu'ellen'ait pas
déposé derequête à fin d'intervention), n'est pas une condition préalable
à toute décision.Si c'étaitle cas, la Cour serait pratiquement empêchée

de statuer chaque fois que l'application de la règle ou des règles erga
omnes et l'opposabilitéde la situation juridique ainsi crééeseraient en
cause; or, la pratique de la Cour ne corrobore pas une telle restriction
(voir ci-dessuspar. 64-65).11n'est pas indispensablequ'un Etat tiers par-
ticipeà la procédure devant la Cour (que ce soit en qualitéde partie oud'intervenant) pour que cet organe applique et interprète les résolutions
de l'organisation des Nations Unies, et en particulier prenne acte de leur
effet.
80. L'Australie s'est présentéd eevant la Cour comme un simple Etat
tiers qui a réagià une situation créée par le Portugal et l'Indonésie.Sans
devoir pour autant chercher si ces deux Etats sont responsables au même

titre de cettesituation, la Cour peut examiner et déterminerlalicéité de la
réactionde l'Australie àladite situation. Il n'estpas essentielque 1'Indo-
nésiesoit partie àla procédurejudiciaire consacrée à cet examen et à cette
détermination. Il suffit que le Portugal prouve que sa requête contre
l'Australie est fondée.
81. Il découlede ce qui précèdeque l'Indonésien'est pas une partie
indispensable, au sens où, en l'absence desa participation, la Cour serait
empêchép ear son Statut de juger la requêterecevable. L'Indonésien'est

pas non plus la «véritable» partie1. Le différendporté devant la Cour
n'est pas un différend,potentiel ou réel,entre le Portugal et l'Indonésie,
mêmesi certaines questions en cause sont effectivement ou peuvent être
identiques.

Objet de la décision

82. Les droits de l'Indonésiene peuvent, ne doivent ni ne sauraient
constituer l'objet «formel» ou «véritable» de la décisionau fond. Les
demandes présentées par le Portugal sont distinctes des prétendus droits,
devoirs et compétences del'Indonésie. Il n'est pas difficile de séparer
l'objet de la présenteaffaire de celui d'une affaire théorique entrele Por-
tugal et l'Indonésie.Le fait de l'incorporation du Timor oriental est (ou
serait) le mêmepour les deux affaires - l'affaire existante et l'affaire

imaginaire. Mais les droits et les devoirs de l'Indonésieet de l'Australie
ne dépendent pasles uns des autres; certains d'eux ont un contenu iden-
tique, mais cela n'a rien à voir avec la question de savoir si un certain
Etat (l'Australie) s'est conformé aux règlesde droit régissantle Timor
oriental. La Cour peut trancher cette question sans lier sa décision à une
conclusion qu'elleadopterait au préalable ou simultanémentsur le com-
portement d'un autre Etat (l'Indonésie)touchant le mêmepoint. Pour
exercer sa compétence à l'égardde l'Australie, il n'est pas nécessaire
qu'elleseprononce sur la question des devoirs de l'Indonésie à l'égarddu

territoire.
83. Dans l'affaire des Activitésmilitaires et paramilitaires au Nicara-
gua, la Cour a déclaré:

En utilisant dans sesrésolutionsles expressions((toutes les parties intéressées))(réso-
lution 36150)et(toutes les parties directement intéressées)) 37130)-tiet ces
expressionscouvrent l'Indonésie'Assemblée généraaledésiglesEtats que concerne
la Cour, quellesqu'en soientlesramifications.Pour un point de vuecontraire, voirevant
mémoire,par. 214-215. ((11ne fait pas de doute que, quand les circonstances l'exigent,la
Cour déclineral'exercicede sa compétence, commeelle l'a fait dans
l'affaire de l'Ormonétairepris a Rome en 1943, lorsque les intérêts
juridiques d'un Etat qui n'est pas partie à l'instance ((seraient non
seulement touchés par une décision, mais constitueraient l'objet
mêmede ladite décision))(C.I.J. Recueil 1954, p. 32). En revanche
lorsque des prétentions d'ordre juridique sont formulées par un
demandeur contre un défendeurdans une instance devant la Cour et
se traduisent par des conclusions, la Cour, en principe, ne peut que
se prononcer sur ces conclusions, avec effet obligatoire pour les
parties et pour nul autre Etat, en vertu de l'article 59 du Statut..
[Lles autres Etats qui pensent pouvoir êtreaffectéspar la décision

ont la faculté d'introduire une instance distincte ou de recourirla
procédure de l'intervention.» (Activitésmilitaires et paramilitaires
au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amé-
rique), compétenceet recevabilité,arrêt,C.I.J. Recueil 1984,p. 431,
par. 88.)

Sans qu'il y ait lieu pour autant de s'exprimer sur la question des Etats
tiers dans l'affaire des Activitésmilitaires etparamilitaires au Nicaragua
(voir ci-dessuspar.69),j'estime que l'approche illustréepar cettedéclara-
tion aurait dû êtresuivie dans la présente affaire.
84. L'arrêtrendu dans l'affaire del'Ormonétaire s'appliquepleinement
en l'espècedans la mesure où il énoncelarègle(ou le principe) de la base
consensuelle de la compétence,règle neprêtant pas à controverse. La
Cour corrobore cette règledepuis le tout débutde son activité(cf, l'af-
faire du Détroit de Corfou, exception préliminaire,arrêt, C.I.J.Recueil

1948, p. 27). C'est une règlede son Statut, ce qui est déterminant. En
outre, il nepeut y avoir aucun doute en ce qui concernela pertinence de la
distinctionà faire entre les intérêtsjuridiquesd'un Etat tiers qui seraient
simplement touchéspar une décisionet ceux qui ((constitueraient l'objet
mêmede ladite décision)) (Or monétairepris à Rome en 1943, arrêt,
C.I.J. Recueil 1954, p. 32). Mais le problème qui se posait dans l'affaire
de l'Or monétaireest entièrement différentde celui qui se pose dans
l'affaire du Timor oriental. Dans la premièreaffaire, pour déterminersi
un pays (l'Italie) avait titreecevoir le bien d'un autre (l'or albanais), la
Cour devait déterminerau préalablesi l'autre Etat (l'Albanie)avait com-
mis un délitinternational contre lepremier (l'Italie)et étaittenurépara-
tion envers lui. Dans l'affaire du Timor oriental, la position deIndoné-
sie ne peut pas être comparée à celle de l'Albanie dans l'affaire de l'Or
monétaire.Enl'espèce,il est question des devoirsqui incombentaux pays

en vertu de leur obligation de respecter le statut du Timor oriental tel
qu'il a été déterminpéar l'Organisation des Nations Unies. Ces devoirs
ne sont pas liésentre eux: l'obligation de tout Etat Membre de l'organi-
sation de seconformer au droit régissantle Timor oriental est une obliga-
tion indépendante. Dans l'affaire de l'Or monétaire,la Cour ne pouvait
statuer sur une certaine demande qu'après avoir fait droit une demandedifférente deréparation. Ce n'est pas ainsi que se présente l'affaire qui
est actuellement devant la Cour. Avec tout le respect dû à la Cour, j'ai
l'impressionqu'en l'espèceelleest alléeau-delà des limites dans lesquelles
s'applique la règleénoncéedans l'affaire de l'Or monétaire.
85. En outre, il s'agitlà d'une règlerégissantla compétence,et non pas
d'une règleinterdisant àla Cour de se fonder sur des conclusions formu-
léespar le Conseil de sécuritéou par l'Assembléegénéraleau sujet d'un
différendou d'une situation, y compris la position ou le comportement
d'un autreEtat. En tenant compte de cesdécisions«extérieures»,la Cour
ne formulerait aucune conclusion propre sur les intérêts d'un Etat qui

n'est pas partie à l'instance. Comme on l'a déjàindiqué(voir ci-dessus
par. 70), la Cour ne peut pas ignorer le droit des Nations Unies tel qu'il
est appliqué par les autres organes principaux de l'organisation du
moment que ceux-ciagissent dans la limite des pouvoirs que leur confère
la Charte. Ce n'est donc pas le Portugal qui, devant la Cour, conteste
l'occupation du Timor oriental par l'Indonésie,son droit de représenter
les intérêts maritimes du territoire et,de manièregénéralel,a conformité
de ses actions au principe de l'autodétermination du peuple du Timor
oriental. L'Organisation des Nations Unies a déjàprocédé beaucoup plus
tôt à cette mise encause l.En prenant aujourd'hui acte des décisionsper-
tinentes de l'Organisation, la Cour ne statue sur aucune revendicationde
l'Indonésieet elle ne fait pas non plus des intérêts dece pays «l'objet

mêmedu différend ».
86. La Cour est compétente,ainsi que le montrent plusieurs arrêtset
avis consultatifs, pour interpréteret appliquer les résolutions de l'Orga-
nisation. Elle est compétente pour se prononcer sur leur légalité,et
notamment sur la question de savoir si elles sont intra vires. Cette com-
pétence découle dela fonction de la Cour en tant qu'organe judiciaire
principal de l'organisation des Nations Unies. Les décisions de l7Organi-
sation (au sens large que cette notion a en vertu des dispositions de la
Charte relatives au vote) peuvent êtreexaminéespar la Cour du point de
vue de leur légalité, de leur validiet de leur effet. Les conclusions de la
Cour sur ces questions mettent en cause les intérêts de tousles Etats

Membres, ou du moins de ceux qui sont viséspar lesrésolutionsen ques-
tion. Mais ces conclusions restent dans les limites fixéespar la règle
énoncée dans l'affaire de l'Or monétaire. En évaluantles diversesrésolu-
tions de l'organisation des Nations Unies concernant le Timor oriental
par rapport aux droits et aux devoirs de l'Australie, la Cour ne contre-
viendrait pas à la règledu fondement consensuel de sa compétence.
87. La Cour a toujours été trèsconsciente des limites de sa compé-
tence. Dans l'affaire du Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe

'Cette mise en cause est déterminante.Le fait que le Portugal ne conteste pas la licéité
des actes de l'Indonésiene signifiepas que la Cour doive obligatoirement présumerque
ces actes sont licites.xiste pas de présomption de ce genre. Pour un point de vue
contraire, voir duplique, par.

165libyenne), requêteafin d'intervention,arrêt,elle a souligné((qu'aucune
inférence nidéductionne saurait légitimementêtre tirée de [ses]conclu-
sions ni de [ses]motifs pour ce qui est des droits ou prétentions'Etats
qui ne sont pas parties à l'affaire))(C.Z.J. Recueil 1981, p. 20, par. 35).
Cette position de la Cour qui, dans l'affaire citée,était applicable à
Malte, protège sans aucun doute les intérêts de l'Indonésiedans le pré-
sent différend.
88. On peut aussi ajouter que dans tous les systèmesde droit les tri-
bunaux prennent acte des faits de notoriété publique. Cette catégoriede
faits comprend notamment des événements historiques tels que la guerre,

l'agression, l'invasionetl'incorporation d'un territoire. L'actiondendo-
nésie àl'égarddu Timor oriental entre dans cettecatégorie.Tenir compte
de ces faits et en tirer des conclusions n'est pas une usurpation de com-
pétence.

Contrôle de l'Indonésiesur le Timor oriental

89. Une décisionsur la licéitde «la présence de l'Indonésieau Timor
oriental)) n'est pas une condition préalable une décisionsur la respon-
sabilitéde l'Australie. C'est là la différence avecl'affaire deOrmoné-
taire,en particulier selon l'interprétation quien est donnée dans l'affaire
de Certaines terres à phosphates a Nauru (voir ci-dessus par. 59 et 62).
Mais qualifier d'intervention le comportement de l'Indonésie (arrêt,
par. 13et 14)équivautimplicitement à prendre cette décision.

90. Dans la présenteaffaire,la Cour n'est pas nécessairementtenue de
déterminerle statut de l'Indonésie auTimor oriental. Il lui suffit de se
référerau statut du Timor oriental selon le droit des Nations Unies et les
résolutions qui appliquent ce droit. C'est sur les propres actes deAus-
tralie en rapport avecle statut du Timor oriental que le Portugal fonde sa
demande. C'est aussidans ce seul statut qu'on peut trouver la réponse à
la question de savoir quel pays a le pouvoir de conclure des traités
concernant les intérêts du Timor oriental. Contrairement à ce qui est dit
dans le contre-mémoire(par. 212), la Cour n'a pas besoin de déterminer
«le statut juridique de l'administration indonésiennedu Timor orientalà
la date du 11décembre1989et depuis cette date, à laquelle a étéconclu
le traitérelatif au «Timor Gap». Il suffià la Cour de dire ce qu'étaitle
statut du Timor oriental pendant la période considéréeet ce qu'il est
maintenant, en vertu du droit des Nations Unies et des résolutionsde

l'organisation. Une décisionsur ((la revendication de souveraineté de
l'Indonésie..» ne constitue pas «une condition préalable à toute déter-
mination de la responsabilitéde l'Australie» (contra: ibid.). Encore une
fois, la clef du problème résidedans le statut du Territoire en vertu des
normes des Nations Unies. Pour déclarercommentcesnormes définissent
ce statut, la Cour n'a besoin de formuler aucune conclusion en ce qui
concernel'Indonésie.
91. Le lien entre les demandes présentéespar le Portugal à l'encontre
de l'Australie et celles qu'il a présentéesou aurait pu présenter ailleurscontre l'Indonésie (c'est-à-dire devant une instanceautre que la Cour) a
un caractère factuel. Les deux sériesde demandes concernent la situation
au Timor oriental. Ce lien ne suffit pas pour que le règlement du diffé-
rend entre le Portugal et l'Australie dépended'une décision judiciaire
préalable ou, du moins, simultanée sur les demandes (potentielles ou
réelles)du Portugal contre l'Indonésie.Contrairement àce qui étaitle cas
dans l'affaire del'Or monétaire,la décision de laCour dans le différend
entre le Portugal et l'Australie ne se fonderait pas sur l'obligation ni la
responsabilité de l'Indonésie (voir l'affaire de Certaines terres a phos-
phates a Nauru (Nauru c. Australie), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 1992, p. 297, opinion individuelle de M. Shahabuddeen).
92. Les obligations de l'Australie qui découlent de son devoir deres-
pecter le statut du Timor oriental tel que définipar l'Organisation des

Nations Unies sont identiques ou analogues à celles des autres Etats
Membres de l'organisation. Mais cette identité (ou analogie) ne signifie
pas que le Portugal ait besoin de s'appuyer sur cette donnéede fait ni que
la Cour se trouve dans l'obligation ou la nécessitéde fonder son arrêtsur
cette mêmedonnée.On peut rappeler ici ce que M. Shahabuddeen a dit
au sujet de la position de l'Australie dans une autre affaire, celle de Cer-
taines terresa phosphates à Nauru:

«Le fait que d'autres aient été tenus à la mêmeobligation n'em-
pêcheen rien que l'Australie en étaitégalement tenue. La Cour ne
s'occupe que de l'obligation de l'Australie.» (C.I.J. Recueil 1992,
p. 296-297.)
La requêtedu Portugal vise certains actes de l'Australie et la question de

savoir s'ils sont conformes ou non au statut du Timor oriental tel que
définipar l'organisation des Nations Unies, elle ne visepas les actes de
l'Indonésie.Dans la présente affaire,une décisionsur les conclusions de
1'Etatdemandeur ne constituerait pas une détermination de la responsa-
bilitéd'un Etat tiersà l'instance (l'Indonésie), avec tousles effetsjuridi-
ques qu'une telle détermination entraînerait ou pourrait entraîner.

Le traité relatif au«Timor Gap ))

93. Il faut d'abord éclaircirun point. La Cour n'a pas compétence
pour se prononcer sur l'invaliditédu traitérelatif au ((Timor Gap»: elle
doit s'abstenir de rendre une décision ence sens. Aux fins de la présente
instance, le traitédemeure valable. Sa validité empêchelaCour d'ordon-
ner des mesures qui tendraient à la non-exécution du traité. Ses consé-

quencesdommageables réelles,possibles ou potentielles pour lepeuple du
Timor oriental ne peuvent êtredéterminéespar la Cour. Statuer sur la
validitédu traitéexigeraitla participation de l'Indonésieàla présente ins-
tance. Tant le demandeur que le défendeur (bienque dans des contextes
quelque peu différents)citentles arrêts renduspar la Cour dejustice cen-
traméricainedans les affaires Costa Rica v. Nicaragua (1916) et El Sal-
vadorv. Nicaragua (1917)(contre-mémoire,par. 189;réplique,par. 7.21-7.22). La validitédu traité relatif au ((Timor Gap» n'est pas l'objet du
différend.Le Portugal ne demandepas à la Cour de déclarerque le traité
est nul.
94. Mais autre chose est de seDrononcer sur la licéité de certains actes
unilatérauxde l'Australie qui ont conduit à la conclusiondu traité ou en
constituent l'application. D'un point de vue juridique, la négociation, la
conclusion et l'exécutiond'un traité sontdes actes en droit (c'est-à-dire
l'expression de la volonté ou de l'intention d'une personne juridique).

Pour avoir un effet en droit, ces actes doivent être conformes auxrègles
juridiques qui lesgouvernent. Plusieurs de ces actes sont unilatéraux, àla
différencedu traitélui-même.Si une affaire porte sur la licéité ou sur la
validité del'un quelconque de ces actes - et il s'agit là d'un ((point de
droit international)) au sens du paragraphe 2 de l'article 36 du Statut-
la Cour est compétentepour examiner la conformité de l'acteen ques-
tion, et par conséquentpour statuer sur sa licéitéou sa validité.D'un
point de vue historique et sociologique, la négociation,la conclusion et
l'exécutiond'un traité sontdes faits. Or certains faits peuvent aussi être
soumis à l'examen d'un organe judiciaire dans une mesure qui dépend
soit des règlesjuridiques de 1'Etatconcerné soit, dans les relations inter-

nationales où il n'existepas de juridiction centrale, des dispositions par-
ticulièresdu droit conventionnel.
95. La Cour est compétente pour se prononcer sur la question de
savoir si l'un quelconque des actes unilatérauxde l'Australie conduisant
à la conclusion, à l'entrée en vigueuret àl'application du traitérelatif au
Timor Gap constitue un fait internationalement illicite. En se concen-
trant exclusivementsur de tels actes,la Cour ne s'intéresse nullementaux
actes de l'Indonésierelatifs à la conclusion du traité.Elle demeure dans
les limites d'une appréciation qui relève de sa compétenceet qui est
admissible. La Cour s'acquitterait de sa tâche en examinant ces actes au
regard des obligations de l'Australie découlant du droit des Nations
Unies et plus particulièrement du corps de dispositions que l'on appelle

«droit de la décolonisation».
96. Pour examiner si le comportement de l'Australie qui a abouti à la
conclusion du traitérelatif au ((Timor Gap» était ou non licite, il n'est
pas nécessaireque la Cour détermine le caractère illicite du contrôle
exercépar l'Indonésie surle Timor oriental. Il lui suffit d'évaluerle com-
portement de l'Australieau regard del'obligation qui étaitet qui demeure
la sienne de traiter le Timor oriental comme un territoire non autonome.
Tout en protégeantses droits maritimes et en prenant des mesures pour
préserverses ressources naturelles, l'Australie avait (en l'occurrence) cer-
taines obligations à l'égarddu Territoire: elle a traité non pas avec la
puissance administrante, mais avec l'Indonésie,qui n'était pas habilitée

par l'organisation des Nations Unies à assumer l'administration de ce
territoire et qui pourtant le contrôlait. C'étaitaussi les intérêts maritimes
et connexes du Territoire qui étaient en jeu, et non seulement ceux de
l'Australie. On ne saurait assimilerla situation des Etats tiers (l'Australie
étantl'un eux) aux responsabilités d7Etats qui, comme le Portugal, ontété chargéd se l'administration d'un territoire ou de territoires en vertu
du chapitre XI de la Charte. Mais lesEtats qui ne sont pas des puissances

administrantes ont aussi certaines obligations. L'Australie s'en est-elle
acquittée? Cette questionne fait pas jouer la règlede l'Or monétaire;la
Cour est compétentepour y répondre.

B. Recevabilité

Généralités
97. La question de la recevabilitéa déjàété abordée sur un plan géné-

ral dans certains des paragraphes précédents.Mais en la présente ins-
tance la Cour devrait, avant d'examiner la recevabilité,statuer sur sa
compétence.Compte tenu de sa décision enla matière, il n'y avait pas
lieu d'examiner la question de la recevabilité.En l'espèce,cette question
peut êtrerésolueaprès l'examen au fond des différentesdemandes pré-
sentéespar le Portugal. Du reste, l'Australiefait observer que cette ques-
tion est inextricablement mêléa eu fond (contre-mémoire,par. 20).
98. On peut noter que, bien qu'elle ait demandé à la Cour de se dé-
clarer incompétente, l'Australiea traité del'affaire principalement sous
l'angle de la recevabilité,ses «conclusions sur le fond n'[ayant] qu'un
caractère subsidiaire)) (contre-mémoire, par. 20; en ce qui concerne
la recevabilité,ou plutôt l'irrecevabilité, voirbid., deuxièmepartie, et
duplique, premièrepartie).
99. L'importance que revêtla question de la recevabilité n'estnulle-
ment atténuée, encore moins supprimé pear l'argumentde l'Australie ten-
dant à dire qu'iln'existepas de différend en l'espèc(eci-dessuspar. 34-38).

La qualitépour agir de1'Etatdemandeur
100. La présente affaire n'«implique [pas] un préjudice direct causé
aux droits de 1'Etatdemandeurdans le cadre d'un délit)),mais en l'espèce
la revendication repose «soit sur une notion large de l'intérêt juridique
soit sur des conditions particulièresconférant 1'Etaten question qualité

pour agir en ce qui concerne les intérêtjsuridiques d'autres entités))e
Timor oriental est l'une de ces entités.
101. Dans la présente affaire,un conflit d'intérêturidiques oppose le
Portugal et l'Australie. A plusieurs reprises au cours de l'instance,us-
tralie a admis que le Portugal était l'un des Etats concernés. Elle l'a
reconnu pour faire valoir que le Portugal n'avait pas pour autant qualité
pour agir devant la Cour en la présente instance.Cependant, pour avoir
cette qualité,il suffit qu'un Etat montre qu'il est directement concerné
par l'issue de l'affaire. LePortugal a amplement montré qu'il pouvait
demander la protection de ses compétencesau service des intérêtsdu
peuple du Timor oriental.

'Ian Brownlie,Principlesof Public International Law, 4' éd.,1990,p. 466-467. 102. L'un des coagents et conseils de l'Australie a déclaré qu'«afin
d'avoir qualité pour agir le Portugal doit faire état des droits qu'il
possède))(CR 9518,p. 80,M. Burmester). Le Portugal a qualitépour agir
parce qu'il demeure, malgrétous les changements de fait qui se sont pro-
duits dans la région,1'Etatchargéde l'administration du Timor oriental.
La qualitépour agir découle de la compétence que le Portugal détienten
tant que puissance administrante. L'un des élémentsfondamentaux de
cette compétenceest le maintien et la défensedu statut du Timor oriental
en tant que territoire non autonome; c'est là que réside le devoir de la
puissance administrante. Le Portugal a qualité pour agir aux fins de
défendrele droit du peuple timorais à l'autodétermination. Le Portugal
pourrait aussi sefonder d'une façon générale sur ce qui lui reste des attri-
buts de sa souverainetésur le Timor oriental, ces attributs allant dans

le sens de l'accomplissement de la tâche qui lui incombe en vertu du
chapitre XI de la Charte. D'une part, le Portugal affirme qu'il ne fait
valoir aucune réclamation fondéesur ses propres droits souverains; il en
nie mêmeparfois l'existence (mémoire,par. 3.08 et 5.41, et réplique,
par. 4.57). D'autre part, il invoque ses ((prérogatives de souveraineté))
(réplique,par. 4.54). Quoi qu'il en soit, on ne saurait soutenir que le
départ des autorités portugaises du Timor oriental en 1975 a eu pour
résultat demettre «finà la capacitéqu'il [lePortugal] pouvait avoir d'agir
en qualité d'Etat côtier à l'égard du territoire)) (contre-mémoire,
par. 237).Cette façon de voir est contraire la fois au droit applicable en
cas d'occupation militaire liéeou non à une guerre et au droit des
Nations Unies relatif à la qualitéde puissance administrante.
103. On peut dire que le Portugal n'a pas un intérêp tropre au sens
strict du terme, c'est-à-dire un intérêt national, un ees très nombreux

intérêts qu'onltes Etats en tant que membres de la communauté interna-
tionale. Mais le Portugal a étéchargé d'une ((missionsacrée»au sens du
chapitre XI de la Charte. Il veilàedes intérêts quic,ertes, sont également
les siens maisqui, au premier chef, sont partagéspar tous lesMembres de
l'organisation des Nations Unies: les Membres de l'Organisation souhai-
tent que les tâches définiesau chapitre XI soient accomplies.L'Australie
se déclare aussien faveur de la mise en Œuvredu chapitre XI. Mais les
deux Etats ont des vuestrès différentes sur la façon de procédetrouchant
à la question complexedu Timor oriental et sur cequi est licite enl'occur-
rence. La question aurait dû êtretranchéepar la Cour. Par sa décisionsur
sa compétence, cettehaute juridiction s'est privéede cette possibilité.Si
ellene l'avait pas fait, son arrêt auraitpermis de leverplusieurs des incer-
titudes que comportent les relations juridiques entre les Parties et, d'une
façon plus générale, quelques incertitudes concernant un territoire non
autonome incorporé àun Etat sans le consentement de l'organisation des

Nations Unies. Quoi qu'il en soit, il est clair qu'il existe une véritable
controverse. Quel doute pourrait-ily avoir quant à la qualitépour agir?
104. Je crois que le Portugal satisfait aux critèresrigidesénonpar le
Président Winiarski, s'agissant d'avoir «un droit subjectif, un intérêt
individuel, réel, actuel et juridiquement protégé))(Sud-Ouest africain,exceptionspréliminaires,arrêt,C.I J. Recueil 1962,. 455).Dans l'affaire
en question,17Ethiopieet le Libéria affirmaient qu'ilsavaient un ((intérêt
juridiqueà s'assurerpar une procédurejuridique que lamission sacréede
civilisation créépar le mandat n'[était]pas violée)).En réponse,cejuge
éminenta dit ceci: «Mais un tel intérêjturidiquement protégéne leur a
été conférp éar aucun acte international...))bid., p. 456.) Le Portugal
peut étayersa demande sur la Charte des Nations Unies.

C. L'«opportunitéjudiciaire»
Généralités

105. 11n'ya rien dans l'arrêt sulra question de l'opportunitéjudiciaire.
Mais peut-on allerjusqu'à dire que laCour a admis implicitementqu'au
stade où elle était parvenuel'examen del'affaire n'était pascontraire
l'«opportunitéjudiciaire))? La Cour pouvait tout aussi bien commencer
l'examende l'affaire par l'étudede cette question de l'opportunité.Car,
comme l'a fait remarquer sir Gerald Fitzmaurice, la question
((esten effet, lorsqu'ellese pose, sans rapport avec la compétence et
rend inutile et indésirable un examendela compétence,de sorte qu'il
ne sera pas question que la Cour décide qu'ellea compétenceet

refuse de l'exercer (Cameroun septentrional, arrêt,C.I .. Recueil
1963, p. 106,opinion individuelle).
La Charte ne fournit aucune réponse à la question des différendsd'ordre
juridique qui ((pourraient, politiquement parlant, êtreconsidéréspre-
mière vue comme susceptiblesd'un règlementjudiciaire)) '.Il faudrait se
demander si les bases et lesconséquences politiquesde la présenteaffaire
(y compris les conséquencesd'un arrêtsur le fond) sont telles qu'il serait
inopportun de recourir à la voiejudiciaire.
106. On peut rappelerà ce stade que, dans sa résolution384 (1975),le
Conseil desécuritéa demandéau Portugal, «en tant que puissance admi-
nistrante, de coopérer pleinementavec l'organisation des Nations Unies
afin de permettre au peuple du Timor oriental d'exercer librement son
droità l'autodétermination)).La référencà la coopérationavecl7Organi-
sation n'exclutpas que le Portugal agissede sa propre initiativeet prenne
des mesures non coordonnées avecl'organisation des Nations Unies, qui

sont ou qui peuvent êtrliéesau processusd'autodétermination.La requête
introductive d'instancedu Portugal dans la présente affairerelèvede cette
catégoriede mesures. Dans sa résolution3485 (XXX), l'Assemblée géné-
rale évoque((laresponsabilitéqu'ala Puissance administrantede faire tout
son possibleen vuede créer des conditions permettantau peuple du Timor
oriental d'exercerlibrement son droit l'autodéterminatio..» L'exercice
de cette responsabilité,y comprislechoix desmoyens, est une questionqui
doit être tranchéear la Puissanceadministrante agissantseuleou conjoin-
tement avec l'organisation des Nations Unies.

'S.Rosenne, The Law and Practiceof the International Court, 2"éd.rev., 1985,p. 92. 107. En l'instance, l'alternative était entre, d'une part, examiner
l'affaire au fond et, d'autre part, refuser de statuer. L'abstention ne
paraît pas être la meilleure solution de principe. Des considérations
d'intérêg ténéral militenten faveur d'un prononcéde la Cour au fond.
Pareil prononcé a plus de chance de contribuer au règlement despro-
blèmes soumis à la Cour. Ces problèmes, ou tout au moins certains
d'entre eux, sont arrivésau stade où ils peuvent trouver un règlementpar
l'application du droit international.
108. Lescomposantsjuridiques d'un différendrésultantde la question
du Timor oriental ne doivent pas nécessairementêtre soumis à la Cour
sous la forme d'une demande d'avis consultatif (comme l'affirme 1'Aus-
tralie). La voie contentieuse n'est pas exclue.

S 'agit-ild'un différendjusticiabl?

109. La solution du différendentre le Portugal et l'Australie n'estpas
contradictoire avec le«devoir [de la Cour] qui consiste à sauvegarder sa
fonction judiciaire))(Cameroun septentrional, arrêC t,.I.J. Recueil 1963,
p. 38).En d'autrestermes,statuer surlefond estcompatibleavecla fonction
judiciaire de la Cour (voir ibid.,p. 37).Le présent différeestjusticiable.
110. Les écritures et les plaidoiries montrent amplement qu'il y a en
l'espèce«un litige réelimpliquant un conflit d'intérêts juridiques entles
parties)). En examinant les demandes du Portugal, la Cour et son arrêt
affecteront lesdroits et obligationsjuridiques des Parties, ((dissipant ainsi
toute incertitude dans leurs relations juridiques)). Par conséquent, «les
conditions essentiellesde la fonctionjudiciaire))pourraient êtreremplies
et en fait elles le seraientamerounseptentrional, arrêt,C.I.J. Recueil

1963, p. 34). Dans la présente affaire,il existe entre les deux Parties un
différendjuridique que la Cour, si elleveut s'acquitter de sa fonction, ne
peut refuser de trancher. Car une conséquence nécessairede l'existence
d'un différend,y compris en l'espèce,est l'intérêdte la partie (c'est-à-dire
le Portugal) à obtenir une décisionsur le fond (ici,je reprends la notion
de différendtelle qu'elle est exposéear M. Morelli, ibid.,p. 133,par. 3).
Le Portugal a suffisamment démontré son intérêt pou qrue la Cour exa-
mine l'affaire. Cet intérêt emeure et la controverse entre les deux Etats
n'a pas pris finà cejour.
111. En cequi concernela question du Timor oriental, ily a des points
d'interprétation et d'application dudroit au sujet desquels il est utile de
faire appel à la Cour. Ces points ne sont pas abstraits, il ne s'agit pas
d'«une question éloignéede la réalité)) (pour reprendre l'expression
employéedans l'affaire du Cameroun septentrional(C.I.J. Recueil 1963,
p. 33) et évoquée au cours de la procédure orale par M. Crawford, qui a

étéd'un avis contraire (CR 9519,p. 27, par. 17, et CR 95/15, p. 51,
par. 9)).La procédurea montréque lesParties s'opposaient sur des ques-
tions juridiques que la Cour pouvait réglersans la participation d'un
quelconque Etat tiers à l'instance (en l'espècel'Indonésie).Mêmesi l'on
assume que «le différend sous-jacentne peut êtrerégléque par voie denégociation))(contre-mémoire,par.316),il n'estpas vrai que le différend
soumis à la Cour (qu'il faut distinguer du différend((sous-jacent») ne se
prête pas àun règlementjudiciaire. SirRobert Jenningsnous rappelleque:

«Il pourrait êtreutilement reconnu de façon plus générale quela
méthode durèglementjudiciaire n'est pas nécessairement indépen-
dante, et qu'ellepeutparfaitementêtreutiliséeencomplémentd'autres
méthodes,telle que la négociation.))'[Traduction du GreffeJ
Cejuge éminenta donnél'exempledes affairesdu Plateau continental de

la mer du Nord mais on pourrait donner d'autres exemples.
112. On peut aussi envisagernotre problèmesousun tout autre angle:
ily a des différendsdont le règlementne constitue pas une opération
unique. Le règlementest un processus ou le devient. Telleest la nature de
la question du Timor oriental. Le règlement judiciaire fait partie de ce
processus et il n'y a pas de raison de l'éliminer.

IV. LETERRITOIR DU TIMOR ORIENTAL

A. Le statut

113. «La Cour rappellera ..qu'elle a pris note dans le présentarrêt
(paragraphe 3 l), du fait que pour les deux Parties le Territoire du Timor
oriental demeure un territoire non autonome...)) (arrêt, par.37). Et l'on
peut conclure, sur la base de sa décision,que la Cour partage ce point de
vue. Il esà regretter que cette affirmation importante n'ait pas trouvé sa
place dans le dispositif.

Maintien du statut

114. Depuis 1960, le Timor oriental a figurésans interruption sur la
liste desterritoiresnon autonomes de l'Organisation des Nations Unies et
y figure toujours. L'Organisation continue de reconnaître ce statut au
Timor oriental. Elle est la seule pouvoir le modifier. Le rejet du statut
par la Puissance souveraine initiale, l'emploi de la force par un pays
pour s'assurerle contrôle du territoire, ou la reconnaissance par tel ou tel
Etat des conséquences defait du recours à la force, aucun de ces actes
unilatérauxne saurait abolir ou modifier le statut de non-autonomie. Ce
statut prend sa source dans le droit des Nations Unies et aucun acte
unilatéral ne peut prendre le pas sur ce droit.
115. Il est vrai qu'avec le temps l'Assembléegénéralea utilisédans ses
résolutionsdes termes à certains égards moinsfermes et catégoriques,et

que le nombre de voix en faveur de ses résolutionsa diminué. Maiscela
s'explique par l'évolution del'approche politique et la recherche d'une
solution par d'autres voies que celles de l'Assemblée générale et du
Conseil de sécurité. La situationau regard du chapitre XI de la Charte

'«Comitérestreint sur le règlement pacifiquedes d. ote préliminaire)),Insti-
tut de droit international, Annuaire,vol. 65, deuxième partie, session de Milan, 1993,
Pedone, Paris, 1994,p. 281.n'a aucunementvarié,et lesconsultationsde Genèveau titre de la résolu-
tion 37130de l'Assembléegénérale, actuellement encours, n'ont par
ailleurs rien changéau statut du Territoire.
116. A l'évidence,nous sommesen présence d'unesituation de fait qui
est susceptiblede durer longtemps.L'Australie a raison de soutenirque le
fait que lePortugal a rejeté,de 1955à 1974, cestatut attribué au Territoire
par l'Organisation des Nations Unies n'a pas modifiéle statut juridique
du Timor oriental. Il est donc difficilede comprendre comment en même

temps l'Australie peut plaider le caractère effectif de l'incorporation du
Timor oriental à l'Indonésieet soutenir en particulier que les actes de
reconnaissance de cette incorporation ont contribué à la rendre effective.
En droit, le statut du Timor oriental est demeuréle mêmetout au long de
la périodequi s'estécoulée depuis que le Portugal est devenu Membre de
l'organisation des Nations Unies et que l'Organisation a placéle Timor
oriental sous l'empire desdispositions du chapitre XI de la Charte. Il
s'agitd'un statut définipar le droit des Nations Unies. Des actes unilaté-
raux - ceux du Portugal à l'époque dela dictature, puis ceux de 1'Indo-
nésiedepuis 1975et ceuxdes quelques Etats ayant procédé à la reconnais-
sance - n'ont pas pu et ne peuvent pas prendre le pas sur ce droit.

La position de l'Australie

117. En dépitdes diversesnuances que l'Australie a parfois introduites
en exposant cette partie de l'affaire, on doit supposer, sur la foi de ce
qu'elle dit, qu'elle reconnaît que le Timor oriental est toujours un ter-
ritoire non autonome. ((L'Australie n'a jamais reconnu la légalité de
l'acquisition initiale par l'Indonésie du Territoire du Timor oriental.))
(Duplique, par. 224.) L'Australie se réfère aussiau fait que c'estun autre

Etat qui exerce désormais son autorité sur ce territoire non autonome
(l'Indonésieayant pris la place du Portugal). Cela implique qu'à cet égard
le statut (en tant que tel) du Timor oriental n'a pas subi de modification.
L'agent et conseil de l'Australie a déclaré:
((L'Australie reconnaît que le peuple du Timor oriental a le droit
de se déterminer lui-mêmeselon le chapitre XI de la Charte des
Nations Unies. Le Timor oriental reste un territoire non autonome

sous le couvert du chapitre XI. L'Australie a reconnu cet état de
chosesbien avant que le Portugal ne lefasseen 1974.Elle a réaffirmé
sa position, tant avant qu'après avoir reconnu la souveraineté de
l'Indonésie.Elle le réaffirmemaintenant.)) (CR 95/14,p. 13.)
118. En mêmetemps, l'Australie ne semble pas exclure que, dans
l'intervalle, la situation juridique du territoire ait pu évoluer defaçon
correspondre à la situation de fait créépar l'Indonésie. Unetelle évolu-

tion a-t-elleeu lieu? Le texte du traitérelatif auTimor Gap» et de quel-
ques déclarationsofficielles(voir ci-aprèspar. 127et 140)peut êtreconsi-
dérécomme allant dans le même sensde la thèsedu changement, et non
de la continuité. Plusprécisémentl,a position de l'Australie est ambiva-
lente pour trois raisons. 119. Premièrement, onse heurte à une difficultéfondamentale: com-
ment concilierla reconnaissancepar l'Australiede la souveraineté indoné-
sienneet lemaintien du statut de non-autonomie? La difficulté estd'autant
plus grande que l'Indonésienie l'existenced'un tel statut. Cette reconnais-
sancene signifie-t-ellepas inévitablementque l'Australiea acceptéla thèse

de l'Indonésieau sujet de la situation actuelle du Territoire?
120. Deuxièmement,une autre difficultévientde ce qu'on peut douter
que l'Australie soit fondée à traiter sur un pied d'égalitée,n termes iden-
tiques, les deux pays (le Portugal et l'Indonésie) entant que souverains
successifsdu Timor oriental (voir ci-dessuspar. 117). Le titre de souve-
rainetédu Portugal n'estcependant pas comparable à la revendication de
l'Indonésie.Depuis 1974, le Portugal se conforme au principe énoncé
dans la déclarationrelative aux relations amicales '.
121. Troisièmement,il y a égalementlieu de noter une tendance géné-
rale de la part de l'Australie insister sur la portéedu fait que le Portugal

«ne dispose d'aucune autoritégouvernementale))sur le Timor oriental et
n'y a ((aucune présence matérielle)()CR 9518,p. 79). Je ne prétends pas
que cette affirmation trahisse nécessairement une préférenc peour lesfaits
par rapport au droit, mais l'attitude de l'Australie àl'égarddu statut du
Territoire s'entrouve obscurcie, d'autant que l'Indonésie nese considère
pas elle-même comme une nouvelle ((puissance administrante)).

Reconnaissanceet non-reconnaissance

122. Il convient d'écarterd'embléel'argument tiréde l'analogie entre
le traitérelatif au «Timor Gap» et certainstraitésconcluspar l'Indonésie
visant à éviterla double imposition. L'Australie a appelél'attention sur
ces traités(contre-mémoire, appendiceC, et duplique, par. 52-54; pour
lepoint de vue du Portugal, voir réplique,par. 6.14).La Cour mentionne
de façon générale (c'est-à-dirs eans indiquer leur catégorie et leur objet)
les((traitéssusceptibles des'appliquer au Timor oriental,mais ne compor-
tant aucune réservequant à ce territoire))(arrêt, par.32). La Cour ne tire
aucune conclusion expressede cestraités,mais s'yréfèredans le contexte

du pouvoir de conclure des traités et non dans celui de la reconnais-
sance. C'est l'Australiequi seplace du point de vue de la reconnaissance.
Cette position est fallacieusedans la mesure où les traités en matièrefis-
cale n'impliquent aucune reconnaissance. En effet, ils ne portent pas sur
lesproblèmesterritoriaux, ne visentpas explicitementle Timor oriental et
concernent le territoire indonésien soumis à la législation indonésienne
uniquement à des fins fiscales. C'estlà une question qui peut êtreréglée
par lesparties contractantes sans contredire leur positiondenon-reconnais-

'«Le territoire d'une colonie ou d'un autre territoire non autonome possède, en vertu
de la Charte, un statut séparé et te celuidu territoire de 1'Etatqui l'administre; ce
statut séparéet distinct en vertu de la Charte existe aussi longtemps que le peuple de la
colonie ou du territoire non autonome n'exercepas sàndisposer de lui-mêcon-
formément àla Charte et, plus particulièrement,à ses buts et ))incipes.sance (si elles ont adopté cette attitude) ni entraîner une reconnaissance.
En revanche, le traitérelatif au ((Timor Gap» mentionne «la province
indonésiennedu Timor oriental)) et part de l'hypothèseque l'Indonésie
exerce sur cette région sasouveraineté,que l'Australiea reconnue.
123. Qu'ilme soit permis de faireremarquer qu'en cas de changements
violents aboutissant àune domination étrangèreou à une influenceétran-

gèredominante il faut se placer dans une perspective à plus long terme.
L'histoire récente vientencore de nous montrer que ce qui avait été
pendant très longtemps considéré commequasi permanent et impossible
à modifier s'est effondré sousnos yeux - résultat queles tenants de la
Realpolitik et de l'acceptation du fait accompli n'avaient pas prévu.On
nous a dit, à propos du Timor oriental, que «notre opposition à ce qui
s'[est]passéne changer[a] rien à la réalitéde la situation)) (position des
Etats-Unis d'Amérique,citéedans la duplique, par. 47). C'est peut-être

vrai pour le moment, mais nous connaissonstous des cas où une opposi-
tion s'est manifestéeet où il est arrivé quediverses ((réalités))nt offert
moins de résistanceau changementque n'auraient pu l'imaginerles gou-
vernements.
124. Dans la présenteinstance,la Cour a préféré ne pas examinerlepro-
blèmede la non-reconnaissanced'une situation, d'un traité ou d'un ar-
rangement résultantde l'emploi de moyens contraires à l'interdiction de
((recourirà la menace ou à l'emploi dela force, soit contre l'intégrterri-

toriale ou l'indépendancepolitique detout Etat, soit de toute autre manière
incompatible avec les buts des Nations Unies» (article 2, paragraphe 4,
de la Charte). Lorsque 1'011 formule ou confirme les principes pertinents
en l'espèce,cette attitude de réserven'est cependant pas la seulepossible.
125. La politique de non-reconnaissance, qui remonte à une époque
antérieure à la premièreguerre mondiale, a commencé à se transformer
en une obligation de non-reconnaissance dans les années trente. Les
Etats-Unis d'Amériqueont, grâce à la doctrine Stimson, fait Œuvre de
pionnier et jouéun rôle utile dans cette évolution1.La règleou, comme

sir Hersch Lauterpacht l'appelle2, le principe de non-reconnaissancefait
aujourd'hui partie du droit international général. On peutaffirmer que
cette règleest peut-êtreen voie d'atteindre aujourd'hui le stade où elle
participerait de la nature du principe qui est son corollaire, à savoir le
principe du non-recours à la force. Dans cette hypothèse, la non-recon-
naissance deviendrait une norme impérative de ce droit (jus cogens). Il
s'agitcependant là d'une évolutionfuture qui doit encore prendre forme
et qui demeure incertaine.La déclaration relative aux relations amicales3

décritbien l'état dudroit en ce domaine: «Nulle acquisition territoriale

'R. Langner, Seizure of Territory. The Stimson Doctrine andRelated Principles in
Legal Theory and Diplomatic Practice, 1947.
Recognition in International Law, 1947,chap. XXI.
Déclaration relative aux prisu droit international touchant lesrelations amicales
et la coopération entrelesEtats conformémentharte des Nations Unies. Le texte de
Unies. La règlese trouve dans la section concernant l'interdictiondela force.obtenue par la menace ou l'emploi de la force ne sera reconnue comme

légale.)) Contrairement aux affirmations faites (contre-mémoire,
par. 365; duplique, par. 74), l'obligation de nepas reconnaître une situa-
tion crééepar l'emploi illicitede la force ne découlepas uniquement
d'une décisiondu Conseil de sécurité prescrivant la non-reconnaissance.
Il s'agit d'une règledirectement applicable.

126. Mais en dehors de ce qui a étédit au paragraphe 125ci-dessus,il
est permis de penser que l'organisation des Nations Unies a rejeté la pos-
sibilitéd'une reconnaissance.En effet, le Conseil de sécurité a demandé à
«tous les Etats de respecter l'intégrité territorialedu Timor oriental))
(résolutions384 (1975)et 389 (1976),paragraphe 1 du dispositif de cha-
cune de ces résolutions) etl'Assembléegénéralea fait mention de l'inté-

grité territorialedu Timor oriental (résolution34/85(XXX), par. 5; cette
résolutiona été réaffirmé par l'Assemblée en 1976-1978).Que peuvent
signifiertous cestextes sinon qu'ilest interdit de faire quoi que ce soit qui
puisse porter atteinte à l'intégritédu Territoire? La reconnaissance de ce
territoire en tant que province de l'Indonésie estcontraire aux résolutions

citées. L'Assembléa e rejeté l'intégrationdu Timor oriental à l'Indonésie
(ci-dessuspar. 24).
127. L'Australie a pourtant reconnu la souverainetéde l'Indonésiesur
le Timor oriental et elle a, à cette occasion, également contestéle carac-
tèrejuridique de larègledenon-reconnaissance l.Des formulations moins

précisesont parfois été utiliséesi:l a étédit au cours des plaidoiries que
l'Australie «a reconnu la présence de l'Indonésieau Timor oriental))
(CR 9518,p. 10,par. 3, M. Pellet). Le terme «présence»pourrait, au sens
strict du terme, avoir une portéemoindre que celui de ((souveraineté)).

Le sénateurGareth Evans, alors ministre des ressourceset de l'énergie,a fait la décla-
ration suivante devant le Sénat australienle 20 mars 1986:
«J'indique avecclartéque le statut juridique de cette déclaration [citée ci-dessus
p. 262,note31,qui ne constitue en aucun sens un traité,fait depuis longtemps l'objet
de contestations très énergiques.Nous croyons comprendre qu'il n'existeaucune
obligation juridique internationale contraignante de ne pas reconnaître l'acquisition
d'un territoire obtenue par la force. En droit international, de l'acquisition
initiale d'un territoire par un Etat doit êtredistinguée des relations sntreieuree
les Etats tiers et 1'Etatqui acquiert un territoire nouveau. Chaque Etat a ledroit sou-
verain de décider des relations qu'ilaura avec les Etats qui acquièrent,par quelque
moyen que ce soit, de nouveaux territoires et de déciders'il entend ou non recon-
naComme le premier ministre (M. Hawke) l'a déclaré devant laChambre le 22 août
1985,quand il a répondu à M. Peacock, l'Australie reconnaîtla souverainetéindo-
nésiennesur le Timor oriental de~uis février1979. Bien entendu. cette déclaration
s'accompagnait de laeconnaissan'ce,une fois encore de la part deM. Hawke, et que
des re~résentantsdu gouvernement ont formulée en de nombreuses occasions, des
préoc&pations que nous inspire la manièredont le Timor oriental a étéincoràoré
l'Indonésie.La reconnaissance ne modifieen rien lespréoccupationstoujoursactuelles
relatives ce fait historique.
Permettez-moi de poursuivre en disant qu'entreprendre maintenant des négocia-
tions avec l'Indonésieau sujet du «Timor Gap» est parfaitement compatible avec la
reconnaissance, par l'Australie, dela souveraineté de l'Ineur le Timor orien-
tal. (Reproduit àl'annexe 111.28du mémoire.) 128. L'Australie a avancé lajustification suivante:

«Sur un plan pratique, l'Australie ne pouvait éluderladécision de
reconnaître l'Indonésie[sic] et de négocier avecelle dans le but de
conclureun traité relatif au((Timor Gap», si ellevoulait garantir et
exercer là les droits souverains qui étaient les siens. Il n'existait
aucun autre Etat avec lequel elle pouvait négocieret conclure un
accord efficace. Aucun accord avec le Portugal n'aurait permis de

réaliser l'objectif légitime dl'Australie, car cet Etat ne possédait
pas le contrôle de la zone en question et il n'existait pas la moindre
perspective qu'il puisse jamais le posséder.)) (Contre-mémoire,
par. 354.)
Le problème ne saurait toutefois se réduire à des considérations((prati-
ques». Celles-ci nedispensent pas 1'Etatde son obligation de non-recon-

naissance. La thèse avancée,si elle n'est pas nuancée,est inacceptable.
Admise sans réserves,elle pourrait saper le fondement de n'importe
quelle règlejuridique.
129. Mêmesi la reconnaissance d7Etatsou de gouvernements demeure
«un acte libre», elle cessede l'êtreen cas d'acquisition irrégulièred'un
territoire: le caractère discrétionnaire de l'acte est alors modifiépar la
règleinterdisant la menace ou l'emploi dela force.
130. Comme il a étéindiqué ci-dessus (par. 125), la règle de non-
reconnaissance est directement applicable. Il n'est pas nécessaire,pour
qu'elle s'applique, que l'organisation des Nations Unies ou une autre
organisation internationale la réitère. En conséquence,le fait que l'Orga-
nisation des Nations Unies n'a pas donnéde directive en ce sens dans un
cas particulier ne dispense aucun Etat de l'obligation de non-reconnais-
sance. L'absence de ((sanctions collectives» n'a pas non plus cet effet.
L'Australie est de l'opinion contraire (voir contre-mémoire,par. 355-356,

et duplique, par. 229).
131. Il n'a pas étdemandé à la Cour de statuer ou de faire une décla-
ration de non-reconnaissance en ce qui concernel'autoritéde l'Indonésie
sur le Timor oriental. Mais qu'il me soit permis de reformuler la ques-
tion: la Cour peut-elle éludercette question lorsqu'elle formule certains
principes? La non-reconnaissance pourrait protéger,et protèged'ailleurs
en fait, les droits l'autodétermination et à la souverainetépermanente
sur les ressources naturelles. Tout pays a l'obligation corrélativede res-
pecter ces droits et aucun acte de reconnaissance ne peut le dispenser de
cette obligation. Autrement dit, il pourrait êtrenécessaire d'examiners'il
existe un lien entre l'attitude de l'Australie l'égard de l'annexionpar
l'Indonésie etses obligations à l'égard du Timor oriental.Se prononcer
sur l'existenced'un tel lien n'équivaudrait pas à rendre un arrêtvisant
l'Indonésie,car la Cour se bornerait alorsà statuer sur un acte unilatéral

de l'Australie. Contrairement àce que pense l'Australie (contre-mémoire,
par. 350), cet acte signifie davantage que la simple constatation que
l'Indonésie((exerceeffectivement son autoritésur le territoire)) et que legouvernementqui procède à la reconnaissance est «disposé à traiter avec

cet Etat ou ce gouvernementpour ce qui se rapporte à ce territoire)). La
reconnaissance conduit àla validation du contrôle de fait sur un territoire
et à l'établissement dedroits correspondants.
132. Une décision collective dela communauté internationale peut
modifier l'attitude de non-reconnaissance.En droit, il y a une différence
fondamentale entre une telle décisionet des actes séparés dereconnais-
sance. SirRobert Jenningsparlait d'«une sorte de collectivisation du pro-
cessus, peut-être parl'intermédiairede l'organisation des Nations Unies
elle-même ..» l.Mais jusqu'à présentil ne s'est rienproduit de semblable
pour le Timor oriental. Il n'y a pas eu non plus consolidation du «titre»
indonésienpar d'autres moyens.
133. La dichotomieentre le fait et le droit est l'une descaractéristiques
de la présenteaffaire.J'ai déjà évoqué un des aspectsde cette dichotomie
au paragraphe 123ci-dessus. Selon la présente opinion, il n'est pas pos-

sibled'examinerd'une manièregénérale lerôle de l'élémenftactuelou des
faits comme source de droits, d'obligations et de pouvoirs.l serait cepen-
dant trop simple de refuser d'admettre le maintien du statut du Timor
oriental et du Portugal tel que reconnu par l'Organisation des Nations
Unies parce qu'il serait trop éloigné des réalitéC s.haque fois qu'il y a
emploi illicite de la force, il faut avoir soin de ne pas estomper la diffé-
rence entre lesfaits et le droit, entre la positionidique et la situation de
fait. Mêmedans des situations apparemment désespérées l, droit doit
êtrerespecté.Dans de tellescirconstances, cerespect ne saurait êtreconsi-
déré commeirréaliste.L'histoireest richedesurprises, etl'histoire contem-
poraine montre que, dans le vaste territoire qui s'étend deBerlin à Vla-
divostok, lesprétendues «réalités», résultanlte plus souvent de crimes et
d'actes illicites commisà une vaste échelle,se sont révélée soins réelles
et moins permanentesque beaucoup ne l'imaginaient. S'agissantde ques-

tions comme l'invasion militaire, la décolonisation et l'autodéterrnina-
tion, on devraitprendre sesdistances par rapport à cegenre particulier de
réalisme.Et on ne peut considérerque le chapitre XI méconnaîtle pro-
blèmede la licéité de l'administration d'un territoire non autonome.

B. L'autodétermination

«Les principes essentiels))
134. LaCour déclarequeleprincipe de l'autodéterminationest «un des

principes essentiels du droit international contemporain)). Elle évoque
l'opposabilité «erga .omnes» du droit des peuples à disposer d'eux-
mêmes.La Cour considère«qu'il n'y a rien à redire» à l'affirmation du
Portugal sur cepoint (arrêt,par.29).La Cour rappelle également ((qu'elle
a pris note, dans le présentarrêt(paragraphe 31), du fait que pour les
deux Parties ...[lepeuple] du Timor oriental ...a le droità disposer de

'The Acquisition of Territory in International Law, 1963,p. 61.lui-même))(par.37). Il est à regretter que ces déclarations importantes
n'aient pas étéreprises dans le dispositif de l'arrêt.
135. Selon M. Bedjaoui, Présidentde la Cour, l'autodétermination est
devenue, avec le temps, «un principe primaire, d'où découlentles autres
principes qui régissentla société internationale)). Ce principe fait partie
du jus cogens; par conséquent,«la communauté internationale ne pou-
vait pas rester indifférenteson respect)). Les Etats, ((individuellementet
collectivement», ont le devoir de contribuer àla décolonisation,devenue
«une affaire de tous))'.Selon M. Ranjeva, «[ll'inaliénabilitdes droits du
peuple implique leur caractère impératif et absolu, qui s'impose à tout
l'ordre internati~nal))~.M. Mbaye interprète le droit des peuples à dis-

poser d'eux-mêmes en liaison avec«leprincipe de l'intangibilitédes fron-
tière~))~C. ette liaison souligne encore l'incompatibilitéde l'incorporation
d'un territoire non autonome par la force avec l'exigence du droit à
l'autodétermination.

136. Le droit àl'autodétermination dupeuple du Timor oriental cons-
titue, en vertu du chapitreI de la Charte, l'élément cldéu statut du Ter-
ritoire. Ce fait a été confirmé par plusieurs résolutions de l'organisa-
tion des Nations Unies qui ont été adoptées depuils'invasion du Timor
oriental par l'Indonésieet depuis l'incorporation dudit territoireà cet

Etat.
137. La question de l'autodétermination ne selimite pas à une relation
quadrilatérale(quisetraduit aujourd'hui par lesconsultationsde Genève),
c'est-à-direentre le peuple du Timor oriental, l'organisation des Nations
Unies, le Portugal et l'Indonésie.En particulier, l'obligation de respecter
le principe de l'autodétermination en ce qui concerne le Timor oriental
n'incombe pas uniquement au Portugal et à l'Indonésie.Certaines obli-
gations à cet égardpourront incomber ou incomberont aussi à d'autres
Etats selon les circonstances.L'Australie s'estmise elle-mêmedans cette
obligation en négociant,en concluant et en commençant à exécuterle
traitérelatif au «Timor Gap)).
138. La déclarationrelative aux relations amicales énonce :

«Tout Etat a le devoir de favoriser, conjointement avec d'autres
Etats ou séparément,la réalisationdu principe de l'égalité de droits
des peuples et de leur droità disposer d'eux-mêmesc ,onformément
aux dispositionsde la Charte, et d'aider l'Organisation des Nations
Unies a s'acquitter des responsabilitésquelui a conférées la Charte
en ce qui concernel'application de ce principe...»

'M. Bedjaoui, dans J.-P. Cot et A. Pellet (dir. pub].), La Charte des Nations Unies,
2' éd.,1991,p. 1082-1083.
R. Ranjeva, «Les peuples et les mouvements de libérationnationale)),dans M. Bed-
jaoui (dir. gén.),Droit international. Bilanet perspectives, 1991,p. 113,par. 16.
Kéba Mbaye, introductionà la quatrième partie («Les droits de l'homme et des
peuples))),ibid., p. 1125,par. 62.Le droit à l'autodétermination engendreune responsabilitéquin'est pas
uniquement à la charge des parties directement intéressées.

La position del'Australie

139. L'Australie souscrit au principe de l'autodétermination.Dans ses
écritures et plaidoiries, elle a insistésur le fait qu'elle reconnaissait le
droit du peuple du Timor oriental à disposer de lui-même.
140. Or, dans certainesdéclarationsaustraliennes officielles,cette posi-
tion générale se nuance quelque peu en ce qui concerne le cas particulier
du Timor oriental. Le 14novembre 1994,M. Gareth Evans, ministre des
affaires étrangères, a déclaréau Sénat:

((L'autodéterminationdont parle l'Australie et qu'elle veutencou-
rager est l'autodétermination dansle cadre de la souverainetéindo-
nésienne.C'est cequ'impliquela reconnaissance dejure dont l'autre
camp politique australien a pris l'initiative en 1979 et que nous
avons par la suite entérinélorsquenous sommesarrivésau pouvoir.
Ce que l'autodétermination signifie dans ce contexte, et dans le
sens où ce terme est souvent employé au niveau international
aujourd'hui, c'estle respect véritabledes différentesethniesainsi que
le respect véritabledes revendications formulées enmatière de droits
de l'homme par des groupes particuliers au sein d'entités nationales
ou étatiques plus larges. C'est ce dont nous parlons. On pourrait

penser dans cecontextequ'une certaineformed'autonomie politique
ou un statut spécial - du genre de ce qu'on trouve par exemple à
Jogjakarta ou à Aceh - contribuerait utilement au processus plus
large de la réconciliation.Certes,cela ne suffitpas en soi pour régler
l'ensembledu problème,maisc'estau moins une partie dela réponse.
Les autres éléments dela réponsesont ceux que j'ai décrits,en par-
ticulier la réduction de laprésencemilitaireainsique la prise d'autres
mesures visant à faire mieux respecter les sensibilités locales, reli-
gieuseset culturellesque celan'a étélecasjusqu'à présent. »(Compte
rendu des débatsau Sénat, p.2973.)

Il y a lieu de noter ici les expressions «l'autodétermination dansle cadre
de la souverainetéindonésienne)),ainsi que«le respect ...des différentes
ethnies)),«le respect...des revendications formulées enmatièrede droits
de l'homme par des groupes particuliers)),la prise de mesures «visant à
faire mieux respecter les sensibilités locales,religieuseset culturelles» du
peuple du Timor oriental et également((autonomie politique ou ..statut
spécial)).Ce sont là des objectifs importants qui cadrent parfaitement
avecun certain type d'autodétermination. Mais cettedéclarationne satis-
fait pas entièrementaux exigencesde la résolution1541 (XV)de I'Assem-
bléegénérale.Le 7 février 1995, le ministre des affaires étrangères a
expliquéce qu'il entendait par «dans le cadre de la souveraineté)):

((Avant 1975,l'Australie reconnaissait la souverainetéportugaise
sur le Timor oriental tout en reconnaissant en mêmetemps le droit à l'autodétermination dupeuple du Timor. Il n'y a aucune différence
entre la situation cette époque etcelled'aujourd'hui. Larevendica-
tion d'un droità l'autodétermination peutcoexister avecune recon-
naissance de souveraineté.Nous avons reconnu la souverainetépor-
tugaise à cette époque - et, en fait, jusqu'en 1979,date à laquelle
nous avons formellement reconnula souverainetéindonésienne,mais
nous avons égalementdurant toute cette période reconnu le droit à

l'autodétermination dupeupledu Timororiental. »(Hansard, compte
rendu des débatsau Sénat,base de données,p. 572.)
Le ministre a cette fois mentionné toutes les solutions possibles

«[LJ'autodéterminationpeut aboutir àdifférentsrésultats, notam-
ment, bien sûr, àl'accessionau statut d7Etatindépendant,mais éga-
lement à l'intégration à un Etat ou à une certaine forme d'associa-
tion avec lui, ou encoreà un certain degréd'autonomie à l'intérieur
d'un autre Etat. Il me semble que cela est important.
Pour ce qui est du Timor oriental, l'Australie reconnaît que son

peuple a le droit de disposer de lui-même - de choisir effectivement
la façon dont il sera gouverné.Telle étaitla position de l'Australie
avant les événements de1975 et elle n'a pas changé depuis lors.
L'Organisation des Nations Unies a certainement reconnu, dans le
cas du Timor oriental, qu'on ne saurait trouver de solution au pro-
blèmede l'autodétermination et aux autresproblèmes connexessans
la coopérationdu Gouvernement indonésien ..» (Ibid.)

La position adoptée dans la déclarationse fait donc plus restrictive dans
le cas du Timor oriental: l'autodétermination se réduit à choisir la forme
de gouvernement («la façon dont il sera gouverné))).

Erosionpar suite de l'acceptation dufait izccompli

141. Il faut remarquer qu'on ne saurait apprécier dans l'abstrait le
parallélismeexistant entre, d'une part, la reconnaissance de souveraineté
(quelle que soit la manière dont cette souverainetéa été acquisesur un
territoire) et, d'autre part, le soutien (fût-il verbal)utodétermination.
La situation actuelle du Timor oriental se caractérisepar un déséquilibre
entre ces deux élémentsL . a reconnaissance milite en faveur du caractère
permanent de l'incorporation tandis que l'autodétermination est en fait
suspendue. La reconnaissance figela situation. Comme l'a dit M. George
H. Aldrich, conseillerjuridique adjoint du département d'Etat des Etats-
Unis d'Amérique «[il1reste... savoir ce que nous sommestenus de faire
si ce droit[à l'autodétermination]n'est pas respecté commenous pour-

rions le souhaiter..»(citédans la duplique, par. 47). La question sepose
toujours. Les Etats-Unis d'Amérique, qui ont reconnu l'incorporation,
n'ont pas trouvéde réponse;ils agissent «sur la base de la situation.de
fait existante)) (c'est-à-dire l'autorité indonésienneau Timor oriental)
(ibid.). C. La puissance administrante

La puissance administrante entant que composantedu statut du territoire
142. L'Australie affirme que «le chapitre XI de la Charte ne vise nul-

lement le concept de ((puissance administrante)) (duplique, par. 186).
Selon elle, la pratique des Nations Unies ((fait ressortir que l'expression
((puissanceadministrante)), àla différencede l'expression((territoirenon
autonome)), n'a pas été considérée par l'organisation des Nations Unies
comme un titre officiel ni une référence à un statut juridique propre))
(ibid., par. 185). Cela n'est pas exact. L'expression ((puissance adminis-
trante)), qui apparaît dans les résolutions de l'Organisation des Nations
Unies depuis plus de trente ans (depuis 1962), est une abréviation de
l'expressionsuivantefigurant dans la Charte: «Les Membres desNations
Unies qui ont ou qui assument la responsabilité d'administrer des terri-
toires dont les populations ne s'administrent pas encore complètement
elles-mêmes)()art. 73). Un tel Etat Membre, ou puissance administrante,
exerceune fonction qui fait partie du statut du territoire non autonome.
Cette fonction comporte des pouvoirs, droits et devoirs établis par le

droit et la pratique des Nations Unies. Le chapitre XI contient les règles
de base de la fonction de puissance administrante. Sil'on dit,juste titre,
comme c'est aussi l'avis de l'Australie, que «le concept de ((territoires
non autonomes)) est tiré de laCharte des Nations Unies elle-même (voir
l'intitulédu chapitre XI) et qu'il est reconnu que ce statut correspondà
un statut juridique emportant des conséquencesjuridiques en droit inter-
national)) (duplique, par. 185), la ((puissance administrante)) fait alors
inévitablementpartie de ce ((statut juridique)): au sens du chapitre XI, il
n'y a pas de ((puissance administrante)) en l'absence de territoire non
autonome et vice versa.

La puissance administrante en tant que souverain

143. Depuis la révolution démocratique du 25 avril 1974 (la ((révo-
lution des Œillets))),le Portugal a réaffirmé saposition selon laquelle il
n'a ((aucune revendication territoriale sur le Timor oriental)) (voir, par
exemple, le document des Nations Unies Al36lPV.6, par. 264). Cette
attitude met l'accent sur la prééminence desintérêts du Timor oriental.
C'est àce dernier qu'ilrevient de déciderde son avenir; le Portugal accep-

tera cettedécision,y comprisl'indépendancedu Territoire sitel estlerésul-
tat de l'exercicedu droità l'autodétermination.
144. Conformément à la loi constitutionnelle 7/74, leTimor oriental a
cesséde faire partie du ((territoire national)) au sens que la constitution
portugaise de 1933donnait à cettenotion. Cependant, la prééminence du
droit à l'autodétermination, avant qu'il n'ait étélibrement exercé,ne
signifiepas la renonciationà la souverainetéquele Portugal exercesur le
Territoire depuis le XVIe siècle.L'abolition du régimede 1933 au titre
duquel les colonies faisaient partie du ((territoire national)) a créé,en
droit interne portugais, une différenceentre ces colonies et le territoiremétropolitain,différence déjà prévue dansle droit des Nations Unies, en
particulier le chapitre XI de la Charte et la déclarationrelative aux rela-
tions amicales (par. 53 ci-dessus). En droit international, la position au
regard de la souverainetédemeurait inchangée :

«sans préjudicepour la reconnaissance immédiatede l'aaltérité »du
Territoire du Timor oriental et de la souverainetéde son peuple pour
définirlibrement son avenir politique, le Portugal s'est réservéses
propres prérogatives de souverainetéet d'administration. Il s'agit
évidemment de toutes les prérogatives qui accompagnent, d'une
manière généralel,'exercicede la juridiction des Etats sur les terri-
toires qui leur appartiennent pleinement, à la seule exception des

prérogatives qui ne soient pas compatibles avec le statut de droit
international desterritoiresnon autonomes. Cesprérogativesseraient
temporaires de par leur nature, puisqu'ellesprendraient fin au terme
du processus de décolonisation. Cependant ce processus n'a pas
atteint son terme àla date prévue[11pour des raisons indépendantes
de la volonté du Portugal. Il faut donc entendre que le Portugal
maintient, dejure, sur le Timor oriental, tous les pouvoirs propresà
la juridiction d'un Etat sur l'un quelconque de ses territoires, à
condition qu'ils ne soient pas incompatibles avec l'«altérité»du
Timor oriental et avecle droità l'autodétermination dupeuple timo-
réen.))(Réplique,par. 4.54.)

145. On peut ajouter que la renonciation à la souverainetéa parfois
abouti à l'apparition d'un territoire non soumis à la souveraineté d'un
Etat quelconque, ce territoire devenant une zone où l'élémend te souve-

raineté étatique fait défaut(comme dans le cas, par exemple de la Ville
libre de Dantzig en application des traitésde 1919et 1920).Lestatut d'un
territoire non autonome, en vertu de la Charte des Nations Unies, est dif-
férent.S'agissant des coloniesd'outremer des pays occidentaux, ce statut
englobe 1'Etatadministrant qui a la souverainetésur la colonie. Aucune
renonciation à la souverainetén'est d'autre part prévuedans les consti-
tutions post-révolutionnaires du Portugal, que ce soit en 1976(art. 307),
en 1982(art. 297) ou en 1989(art. 293). Par ces dispositions, le Portugal
s'estimposéle devoir d'assurer les intérêtsdu peuple du Timor oriental,
sans se dépouiller lui-même de sa souveraineté.
146. Il est ici utile de distinguer entre la souverainetéet son exercice.

Ainsi qu'on l'a déjàrappelé, la déclarationrelative aux relations amicales
prévoit que «le territoire d'une colonie ou d'un autre territoire non auto-
nome possède,en vertu de la Charte, un statut séparé et distinctde celui
du territoire [métropolitain]de 1'Etatqui l'administre)). La raison de ce
caractère séparé etdistinct est l'autodétermination. Maisla disposition
citée nevise pas à priver 1'Etat du titre de souverainetéqu'il détenait

Aux termes de l'article 5, paragraphe 1,de la loi constitutionnelle 7175,la décolonisa-
tion devait prendre fintroisièmedimanche d'octobre 1978%.avant l'adoption de la Charte et de la déclaration. L'Etat demeure sou-
verain. Ladite disposition prévoitdes restrictions à l'exercicede la sou-
verainetéde 1'Etat.Cesrestrictionssont d'une grande portée.Le Portugal
s'est justement référé à ses ((prérogativesde souveraineté))(par. 75 ci-
dessus), bien qu'il ait évitparfois le terme de «souveraineté» en décri-
vant sa position à l'égarddu Timor oriental. 11a ainsi utiliséles termes
«juridiction» (CR 9514,p. 10,par. 2, coagent, conseil et avocat du Por-
tugal, J. M. S. Correia) et «autorité» (CR 95112,p. 44, par. 3, id.). Le
Portugal explique néanmoinsque:

«les puissances administrantes sont des Etats indépendants qui
conservent leurs attributsd'Etats lorsqu'ils agissent dans la sphère
internationale pour lesterritoires non autonomes de l'administration
desquels ils sont responsables)>(ibid) .

Ces «attributs» ne correspondent à rien de plus que la souveraineté,
dont l'exercicea été restreinten faveur de l'autodétermination dupeuple
concerné.Le Portugal souligneque lepeuple du territoire «est le détenteur
de la souverainetéinhérente àla capacitéde déciderpar lui-même deson
futur statut juridique international)) (CR 9514,p. 13, par. 6, id.) et que
«le droit international de la décolonisationa dévolula souveraineté sur

ces territoires leurs propres populations» (CR 95112,p. 44, par. 3, id.).
Conformémentau droit international, ces arguments doivent êtrecom-
pris comme visant l'autodétermination: c'estle peuple qui décidede son
exercice;mais le «peuple» en tant que détenteurde la «souveraineté»est
un concept qui, tout au moins en partie, dépassele domaine du droit.

Continuitéde la qualitédepuissance administrante du Portugal

147. Le Portugal demeure la Puissance administrante du Territoire du
Timor oriental. Cette qualité du Portugal a été expressémen ctorroborée
par la résolution384 (1975) du Conseil de sécuritéet par les résolutions
3485(XXX),34140, 35127 3,6/50et 37130de l'Assemblée généraleE.llea été

implicitement réaffirmée dans plusieurs autres résolutions(voir ci-dessus
par. 22). Dans la résolution384 (1975), le Conseil de sécuritéa regretté
«que le Gouvernement portugais ne se soit pas pleinement acquittédes
responsabilitésqui lui incombent en tant que puissance administrante du
Territoire aux termes du chapitre XI de la Charte)). Cette déclaration n'a
entraîné aucune modification des responsabilités du Portugal; au
contraire, il a étédemandé à celui-ci, en tant que puissance adminis-
trante, «de coopérerpleinement avec l'organisation des Nations Unies)).
Bienqu'ilait perdu le contrôle territorial du Timor oriental, le Portugal a
ainsi été confirmédans sa mission et dans ses fonctions.
148. La question de la souverainetéest liée à la question de la conti-
nuité.Ainsi qu'il a étéexpliquéaux paragraphes 144et 145,c'est 1'Etat

qui a la souverainetésur la colonie qui, aux termes du chapitre XI de la
Charte, devient et demeure la Puissance administrante. C'est une consé-
quence automatique du fait mêmed'êtresouverain et partie à la Charte,c'est-à-dire Membre de l'organisation. On n'est ni «nommé» ni élu à
cette «fonction» d'autoritéchargéede l'administration. Mais il convient
de ne pas confondre souverainetéet contrôle factuel et effectif sur le ter-
ritoire. Un tel contrôle ne confèrepas en soiàcelui qui l'exercela qualité
de puissance administrante.
149. Lors de l'invasion par l'Indonésie, l'Australiea reconnu ce qui
suit: ((Assurément,le Portugal conserve la responsabilité en droit. »
(Nations Unies, Documents officielsdu Conseil desécurité,1865"séance,
16décembre1975,par. 101).Mais l'Australie a modifiésa position quel-
que temps plus tard.
150. Le fait que l'Assembléen'ait pas, comme dans sa résolution
3458A (XXX)sur le Sahara occidental,mentionné expressément«la res-
ponsabilitéde la puissance administrante et celle de l'organisation des

Nations Unies en ce qui concernela décolonisationdu territoire))n'a pas
d'importance. La résolution surleTimor oriental confirmecette«respon-
sabilité))en utilisant d'autres termes.
151. L'Australie admet que «le Portugal est peut-être laPuissance
administrante pour certaines fins de l'organisation des Nations Unies))
(duplique, par. 98).La perte du contrôledu Territoire en question a certes
eu pour résultat de faire disparaître en fait l'administration portugaise
sur place.Il peut y avoir lieu de traiter avec 1'Etatqui exerce le contrôle
effectifen ce qui concernecertaines questions particulières (voir l'affaire
des Conséquences juridiquespour les Etats de la présencecontinue de
l'Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolu-
tion 276 (1970) du Conseil de sécurité,avis consultatif, C.I.J. Recueil
1971, p. 56, par. 125).
152. Mais l'invasion étrangère n'a paséliminé tous les éléments cons-

titutifs de la compétencede l'administrateur légitime. Enoutre, il n'existe
pas non plus un droit pour les autres Etats de reconnaître «qu'il y a eu
changement de 1'Etat administrant ce territoire)) (voir, dans le sens
contraire, duplique, par. 183).Cechangement est une question qui relève
exclusivement de la compétence del'organisation des Nations Unies.
Aussi longtempsque l'Organisation n'a pas pris une nouvelle décision,la
qualitéde puissance administrante se maintient, juridiquement intacte,
nonobstant la perte de contrôle du territoire.
153. L'Australie soutient que

«Le Portugal ne fit aucune tentative pour prévenirou repousser
l'intervention militaire indonésienne.Le repli de son administration
sur Atauro en août 1975, son inaction pendant qu'elle se trouvait
dans cette île, et son départ'Atauro le lendemain de l'intervention
indonésienne en décembre 1975 constituaient manifestement un
abandon par le Portugal de sesresponsabilités de Puissance adminis-
trante. » (Contre-mémoire,par. 41 .)

154. On ne saurait accepter cette interprétation. Le repli sur Atauro
étaitdictépar des raisons de sécuritéD, ili ayant éprise par lesforces du
FRETILIN (ci-dessus par. 14). Matériellementéloignées de la capitale,les autorités portugaises n'ont pu êtremêléea sux combats entre les fac-
tions du Timor oriental. Il fallait d'ailleurs éviter qu'ellesle fussent,dans
l'intérêdte l'administration du Timor oriental. Quant à l'invasion indo-
nésienne,le Portugal ne disposait pas au Timor oriental de troupes lui
permettant d'opposer la moindre résistance: le gouverneurn'avait plus à
sa disposition que deux sections de parachutistes. Indépendamment de
cette impossibilité matérielled'agir, il était probablement de l'intérte
toutes les parties concernées dene pas étendreni d'intensifierles opéra-
tions militaires. Lorsque l'invasion a eu lieu, le Portugal n'a pas eu
d'autre choix que de retirer sesfonctionnaires du Timor oriental. Mais ce
retrait n'équivalait pas et ne pouvait pas équivaloir à l'abandon de la
fonction de puissance administrante. Et ce, premièrement, parce que le

Portugal n'avait nullement l'intention de renoncer à cette fonction et,
deuxièmement,parce qu'aucune puissance administrante n'a le pouvoir
de renoncer à sa qualité sansque l'organisation des Nations Unies n'y
consente. Un acte unilatéral en ce sens n'aurait pas d'effet juridique.
L'action menéeau niveau international par le Portugal au sein de l'Orga-
nisation des Nations Unies à la suite de l'invasion prouve amplement
qu'il avait décidé decontinuer à exercer sesfonctions de puissance admi-
nistrante. En mêmetemps, l'organisation n'a pas déchargé le Portugal de
ses obligations.
155. Il serait erronéde prétendre quele Portugal a perdu sa qualitéde
puissance administrante du fait que certaines résolutions ont passécette
qualité soussilence ou que les organes politiques de l'organisation des
Nations Unies ont cesséd'adopter des résolutions surle Timor oriental.
Ce statut ne pouvait être changé que par unedécision expresse,notam-
ment la reconnaissance qu'un autre Etat (àsavoir l'Indonésie)assumait

désormais la responsabilitédu Territoire. Tel n'a pas étéle cas jusqu'à
présent.

156. La décision dela Cour, selon laquelle celle-cine peut pas exercer
sajuridiction dans l'affaire du Timor oriental,ne doit pas êtreconsidérée
comme affaiblissant le concept de territoire non autonome, même s'il
aurait étébon qu'elle insistât davantage sur le fond de la question.
Aujourd'hui la liste de ces territoires dresséepar l'Organisation des
Nations Unies est courte puisque le processus de décolonisation arrive à
son terme. Mais le chapitre de la non-autonomie n'est pas encore clos
pour autant: les idéologies,les régimespolitiques et de nombreux pays

sont en pleine transition et en cours de transformation. La stratégie du
droit exige que les institutions anciennes (comme le chapitre XI de la
Charte) s'adaptent aux nouveaux défis. Il serait donc préférable que la
Cour exerce sa compétence: préférable dans l'optique de l'évolution
actuelle, préférable aussi our la primauté du droit.
157. Il esà regretter que le dispositif de l'arrêtne cite pas comme élé-ments pertinents l'interdiction du recoursà la force; la non-reconnais-
sance; l'autodétermination des peuples; le statut du Timor oriental selon
le droit des Nations Unies, y compris la règlevoulant que seule l'Orga-
nisation puisse modifier ce statut; la position du Portugal en tant que
puissance administrante; l'obligation qu'ont les Etats de respecter ce
statut, en particulier l'obligation pour les Etats qui concluent certains
arrangements avec le gouvernement exerçant son contrôle sur le terri-
toire, lorsque ces arrangements sont d'une certaine importance politique
et juridique, de consulter le Portugal, les représentants du peuple du
Timor oriental et l'organisation des Nations Unies. 11est non seulement
approprié, mais aussihautement significatif,que dans l'exposé desmotifs
l'arrêtaffirme certains de ces principes. Mais le sujet est trop important
pour faire l'objet d'un exposéprudent des motifs. La fonction et la res-

ponsabilitéde la Cour sont également concernées.
158. Cette affaire offrait l'occasion d'apprécier les activités d'un
Membre des Nations Unies sous l'angle dela Charte. La question revêt
une importance capitaledans le contextede la crise que traverse actuelle-
ment l'organisation et, plus généralement,dans le climat actuel, carac-
térisépartout dans le monde par l'affaiblissementdu respect du droit.
159. Le comportement de l'Australie, comme de tout autre Etat
Membre, peut êtreévalué à la lumière desrésolutions de l'organisation
des Nations Unies. Logiquement, cette évaluation ne présuppose pasni
n'exigeque l'on examine d'abord la licéitédu comportement d'un autre
pays. Les Etats membres ont, envers les Nations Unies, des obligations
qui revêtentsouvent un caractèreindividuel et qui ne dépendent pasdes
actes passésou présentsd'un autre Etat. Dans cette mesure, la Cour a
compétence. Il n'y a en l'occurrence aucune condition préalable obliga-

toire. La Cour, organe judiciaire principal de l'organisation des Nations
Unies, ne saurait refuser de procéderà une telle évaluationquand le dif-
férendporté devantelle relèvedu paragraphe 2 de l'article 36de son Sta-
tut. En revanche, à cause de la non-participation de l'Indonésie,la Cour
n'a pas compétenceen l'espècepour se prononcer sur le comportement
de cet Etat.
160. Il a été affirmé que puisqule'Australie reconnaît le dràil'auto-
détermination du peuple du Timor oriental, il n'y a pas, pour la Cour,
matière à décision.Ce n'est pas le cas. Le Portugal a soulevéplusieurs
questions concernant ce droit; d'autres aspects du statut du Territoire
ont étéégalement discutésE . t dans la présenteopinion j'ai tentéde mon-
trer qu'à cet égardplusieurs points restent à éclaircir.La Cour devrait
par conséquent statuer. Une partie du dispositif de l'arrêt devrait porter
sur le fond, ou du moins sur certains aspects de celui-ci.
161. On a mis en doute l'efficacitéd'un tel arrêt.Qu'il mesoit main-

tenant permis de traiter d'un argument précisfondé surdes considéra-
tions d'«opportunitéjudiciaire))et auquel on semble devoir accorder un
certain poids,à savoir que l'arrêtne serait pas susceptible d'exécution.
On a fait remarquer que la présente affaire est, cet égard,différente de
l'affaire duCameroun septentrional puisque le Portugal ne demande pasl'annulation du traitérelatif au ((Timor Gap». Pourquoi serait-il inop-
portun que la Cour examine le comportement de l'Australie, c'est-à-dire
le fait que celle-cia négociéc,onclu et mis en Œuvrele traité?Une déci-
sion à cet égard serait-elle inexécutable?La mise en Œuvre du traité
s'effectueau quotidien. Ce qui se produit après le prononcé de l'arrênte
relèvepas des fonctions de la Cour, mais il n'y a aucune raison de penser
que l'arrêtne serait pas exécutéL. a loyautéde l'Australie envers la Cour
a été reconnue.

162. La Cour administre la iustice dans les limites du droit. Dans la
présente affaire nous avons, d'une part, l'insistance avec laquelleon in-
voque les intérêts nationaux - légitimes, il estvrai- et la Realpolitik:
on nous a dit que la reconnaissance de la conquête était inévitable.Mais
on invoque, d'autre part, la défensedu principe de l'autodétermination,le
principe de l'interdiction du recoursàla forcemilitaire,la protection des
droits de l'homme du peuple du Timor oriental et enfin, et ce n'estpas le
moins important, la défensedes procéduresde l'organisation desNations
Unies pour la résolution des problèmes nésde la colonisation par des
pays d'Europe occidentale, en l'occurrence le Portugal. L'on peut dire
sans crainte de se tromper qu'en cette affaire le Portugal ne poursuit pas
ses propres intérêts nationaux.Il ne veut pas êtrele souverain du Timor

oriental, ou en obtenir des avantages divers, notamment maritimes. Sa
position est tout à faità l'opposéde l'égoïsme.Le Portugal a embrassé
une grande cause. Cela aurait dû être reconnu par la Cour, dans les
limites que dicte l'opportunitéjudiciaire. Comment cette cause a-t-elle
pu êtrerejetéepour des arguments discutables touchant la compétence?
163. Quels sont les devoirs des Etats tiers (notamment l'Australie) à
l'égarddu Timor oriental? Premièrement,ne rien faire qui puisse porter
atteinte au statut du Territoire ou l'affaiblir, y compris en ce qui concerne
l'exercicepar son peuple du droit à l'autodétermination.Deuxièmement,
lorsqu'un Etat tiers (c'est-à-dire un Etat qui n'est nila puissanceadmi-
nistrante ni 17Etatqui contrôle en fait le territoire) conclut un traité ou
passe un accord concernant les intérêts du territoireetlou de son peuple,

cet Etat doit prendre particulièrement soin de protéger lesdits intérêts,
dans la mesure où il està mêmede le faire. On peut dire que ce devoir est
inclus dans l'exhortation du Conseil de sécuritéq , ui demandait a «tous
les Etats et toutes les parties intéressées decoopérer pleinement avec
l'organisation desNations Unies dans sesefforts pour apporter une solu-
tion pacifiqueà la situation existanteet faciliter la décolonisationdu Ter-
ritoire))(résolution384 (1975),par. 4, et résolution389(1976),par. 5; ces
résolutionsont étéreprises par Assemblée générale en 1976-1978).En ce
qui concerne le Timor oriental, compte tenu des circonstances (y compris
la situation en matièrede droits de l'homme),un Etat tiers a l'obligation
de consulter la Puissance administrante et les représentantsléaitimesdu
Territoire. Enfin, certains autres devoirs peuvent découler tant de la

situation juridique que de la situation de fait du territoire; ces devoirs
peuvent êtredictéspar des considérationsdiverses, y compris l'apparte-
nance de 1'Etattiers en questionà la mêmerégion; 164. Il fallait, il est vrai, protéger les intérêts maritimeslégitimesde
l'Australie. Mais étantdonné que ceux-ciconcernent également unezone
maritime du Timor oriental, le statut de ce territoire mettait l'Australie
dans l'obligation de prendre contact à cet égardavec l'organisation des
Nations Unies etlou la Puissance administrante.
165. La négociation, la conclusion et l'exécutionpar l'Australie du
traitérelatif au «TimorGap» sont soumis àl'exigencede conformitéaux
règles etnormesjuridiques qui découlent du devoir de respecter le statut
du Territoire, notamment l'impératif de l'autodétermination. Selon le
résultat de cette analyse, la responsabilité pourrait effectivement être
engagée. Ainsi,le traitérelatif au «Timor Gap» est muet sur tout avan-

tage matériel que pourrait en tirer le peuple du Timor oriental et qui
pourrait lui être attribué.En vertu du droit des Nations Unies, une
grande partie desressources couvertespar le traité appartient cepeuple.
Comment sera-t-ildédommagé?
166. Lesdevoirsauxquels je fais référencedans les paragraphes précé-
dents sont indépendants de la relation bilatéraleentre lesparties au traité
relatif au «Timor Gap» et ne concernent pas cette relation. Ils ont trait
au statut du Territoire et la compétence dela Puissance adrninistrante
en tant que gardienne de ce statut. Il s'agit là d'un point qui relève
du droit et des résolutionsdes Nations Unies; ce droit et ces résolutions
doivent être appliquéspar la Cour. L'Australie a assurécelle-ci qu'en
concluant le traitérelatif au «Timor Gap» elle a aussi protégéles droits
et les intérêts du Timor oriental. La Courest compétentepour vérifier
l'exactitude des assurances ainsi données.

167. Pour conclure: la Cour a compétenceen l'espèceet les demandes
du Portugal sont recevables. Il ne serait nullement inopportun d'exami-
ner l'affaire au fond. Un arrêt surle fond aurait pu être rendu dansle
sens suivant:

1) L'Organisation des Nations Unies a continuéde reconnaître au Por-
tugal la qualité de puissance administrante du Timor oriental. Par
conséquent,le Portugal a qualitépour agir devant la Cour au nom
du Timor oriental.
2) Le statut de Territoire non autonome du Timor oriental, et le droit
de son peuple à l'autodétermination,y compris son droit àla souve-
raineté permanente sur ses richesses et ses ressources naturelles,
reconnus par les Nations Unies, imposent à tous les Membres de
l'Organisation de les respecter. La Cour note qu'en l'instance 1'Aus-

tralie a formellement déclaré qu'elle considère le Timor oriental
comme un territoire non autonome et qu'elle reconnaît le droit de
son peuple à disposer de lui-même.
3) Toute modification du statut du Timor oriental ne peut se faire
qu'en vertu d'une décisionde l'Organisation des Nations Unies.
Selon le droit des Nations Unies, aucun recoursà la force ou acte de
reconnaissance par un ou plusieurs Etats ne peut suffire modifier le
statut du Territoire. 4) L'Australie devrait s'acquitter des obligations qui découlent de
l'alinéa2 ci-dessus, conformément au droit et aux résolutions de
l'organisation des Nations Unies. Ses intérêts nationaux ne sau-
raient l'empêcher de respecterses obligations.
5) Le Portugal est la Puissance administrante du Timor oriental et
l'Australie, commetout autre Etat, a le devoir de respecter cette qua-
litédu Portugal. La perte par le Portugal de l'administration territo-
riale du Timor oriental ne le prive pas des autres attributs de sa
compétencequi sont pertinents en l'espèce. Il n'a pas renoncé à ses
responsabilités de Puissance administrante. Le Portugal demeure
investi de la ((missionsacrée» au titre du chapitre XI de la Charte.
6) En protégeant ses droits et intérêts maritimes, l'Australiene saurait

se soustraire aux devoirs qui lui incombent du fait du statut du
Timor oriental, et qui comprennent notamment l'obligation de res-
pecter la compétence dela Puissance administrante, et d'en tenir
compte. Le fait qu'un autre Etat ou que d'autres Etats n'aient pas
respectéla fonction de la puissance administrante ne dispense pas
l'Australie de s'acquitter de ses devoirs.
7) L'Australien'a eurecours à aucun des mécanismesqu'offrait l'Orga-
nisation des Nations Unies et notamment elle n'a procédé àaucune
consultation sur la négociation du traité relatif au((Timor Gap»
ainsi que sur la question de savoir comment le traitépourrait être
appliqué sans porter préjudiceau peuple du Timor oriental. Elle
avait notamment l'obligation de procéder, au moins dans une cer-
taine mesure, à des consultations avec la Puissance administrante et
les représentants dupeuple du Timor oriental. Elle n'en a rien fait et

elle enporte la responsabilité.
8) A certains égards(al. 7), le comportement de l'Australie n'a pas été
conforme aux devoirs (obligations) qui lui incombaient d'après le
droit des Nations Unies concernant le statut du Timor oriental. Une
décision dela Cour en ce sens constituerait en soi une satisfaction
appropriée.La Cour pourrait notamment ordonner à l'Australie de
respecter intégralementles droits du peuple du Timor oriental dans
l'application et la mise enŒuvreudit traitérelatif au ((Timor Gap)),
pour le jour où ce peuple exercera son droit àl'autodétermination.
9) Il n'y a actuellement aucune preuve d'un préjudicematériel; onne
saurait donc imposer à l'Australie une obligation de réparation.
10) Letraiténe serait pas opposable à un Timor oriental devenu indé-
pendant ou autonome.

(SignéK )rzysztof SKUBISZEWSKI.

Bilingual Content

DISSENTING OPINION OF JUDGE SKUBISZEWSKI

TABLE OF CONTENTS

Paragraphs

Introduction:dissent and concurrence 1-2

Historical background 4
Portuguese constitutional law and policies relating to its colo-

nies, includingEast Timor, prior to the democratic revolution
of 1974 5-6
Action by the United Nations prior to 1974 7-9

Change in Portugal's stand (1974) 10-12
Developments in East Timor 1974-1975,including Indonesian
invasion and occupation 13-16
Reaction by the United Nations 17-22
Attitude towards Indonesian rule in East Timor 23-27

Timor Gap Treaty

II. EXISTENC OF THE DISPUTE

The dispute before the Court
The question before the political organs

III. JURISDICTIO AD,MISSIBILIP TYO, PRIETY

A. Jurisdiction
Law and justice
Portugal's first submission
Distinction between involvement of interests and determina-
tion of rights or duties

United Nations law and the question whether Indonesia is a
necessary party
Subject-matter of the decision
Indonesian control over East Timor
Timor Gap Treaty
B. Admissibility

General
Applicant State'sjus standi

C. "Judicial propriety"
General
A justiciable dispute? OPINION DISSIDENTE DE M. SKUBISZEWSKI

[Traduction]

TABLE DES MATIÈRES

Paragraphes
Introduction: points de dissidence et points d'accord 1-2

Historique
La loi constitutionnelle portugaise et la politique appliquéepar
le Portugalà ses colonies, y compris le Timor oriental, préa-
lablement à la révolutiondémocratiquede 1974
Lesmesuresadoptéespar l'organisation des Nations Unies avant
1974

La nouvelle attitude du Portugal (1974)
Le changement de la situation au Timor oriental en 1974et en
1975,y compris l'invasion et l'occupation par l'Indonésie
La réaction del'organisation des Nations Unies
Attitude àl'égard dela présence de l'Indonésieau Timor orien-
tal
Le traitérelatif au «TimorGap»

II. L'EXISTEN CE DIFFÉREND

Le différenddont la Cour est saisie
La question portéedevant les organes politiques

III.COMPÉTENC RE,CEVABILI TPO,RTUNITÉ

A. Compétence
Le droit et la justice
La première conclusiondu Portugal
Distinction entre la mise en jeu d'intst la détermination

de droits ou devoirs
Le droit des Nations Unies sur la question de savoir si
l'Indonésie est unepartie indispensable
Objet de la décision
Contrôle de l'Indonésiesur le Timor oriental
Le traitérelatif au «Timorap»

B. Recevabilité
Généralités
La qualitépour agir de1'Etatdemandeur

C. L'«opportunitéjudiciaire»
Généralités

S'agit-ild'un différend justiciable?IV. THETERRITOR YFEASTTIMOR
A. Status

No change of status
The position of Australia
Recognition and non-recognition
B. Self-determination

"Essential principle"
The position of Australia
Erosion through acquiescencein accomplishedfacts

C. Administering Power
Administering Power as part of the status of the Territory

Administering Power as sovereign
Continuity of Portugal's position as administering PowerIV. LE TERRITOIRE DU TIMOR ORIENTAL

A. Le Statut
Maintien du statut
La position de l'Australie
Reconnaissance et non-reconnaissance

B. L'autodétermination
«Les principes essentiels»

La position de l'Australie
Erosion par suite de l'acceptationdu fait accompli
C. La puissance administrante

La puissance administrante en tant que composante du sta-
tut du Territoire
La puissance administrante en tant que souverain
Continuitéde la qualitéde puissance administrante du Por-
tugal 1. 1 am unable to concur with the Judgment of the Court which finds
that

"it cannot in the present case exercise the jurisdiction conferred
upon it by the declarations made by the Parties under Article 36,
paragraph 2, of its Statute to adjudicate upon the dispute referred
to it by the Application of the Portuguese Republic" (Judgment,
para. 38).
Nor am 1able to agree with the reasons upon which this findingis based.

2. On the other hand, 1concur with the dismissalby the Court of Aus-
tralia's objectionthat "there is in reality no dispute" between it and Por-
tugal (Judgment, paras. 21 and 22). 1 agree with the Court when in the
reasons for the Judgment it takes note that, "for the two Parties, theer-
ritory of East Timor remains anon-self-governingterritory and its people
has the right to self-determination" (ibid., para. 37).It might be said that
the narrowing down of the relevancy of the status of the Territory and of
the said right to the position of the Parties constitutes the absolute mini-
mum. However, this approach is rather a matter of method than of sub-
stance: the Court itself subscribes to the continued legal existence ofthe
status of East Timor as a non-self-governingterritory and the applicabil-
ity of the principle of self-determinatio1.am convinced that this restate-
ment of the law by the Court is important for the stand Portugal took in
the present proceedings and is taking beyond them. The restatement in
the Judgment is significantfor an equitable settlement of the question of

East Timor. 1 think that everybody who has the purposes and the prin-
ciples of the United Nations at heart must commend the Court for this
dictum.

3. In paragraphs 11-18the Judgment succinctly recalls those facts on
East Timor of which a knowledge is necessary for an understanding of
the dispute. This Section is in the nature of a supplement to the descrip-
tion found in the Judgment.

Historical Background
4. The Portuguese and, subsequently, the Dutch navigators reached

the island of Timor in the sixteenth century. In the process of colonial
conquest the eastern part of the island was subjected to Portuguese and
the western part to Dutch sovereignty. The boundary was delimited in
1859by virtue of a Treaty concluded by the two States. The Convention
and Declaration of 1893and another Convention of 1904also dealt with
the frontier. In 1914 the Netherlands and Portugal were parties to an
arbitration concerning part of the boundary. In 1941-1942Dutch and 1. Il m'est impossible desouscrireàl'arrêtde la Cour qui dit que:

«ellene saurait, en l'espèce, exercecompétence à elleconféréepar
les déclarations faitespar les Parties conformémentau paragraphe2
de l'article 36 de son Statut, pour statuer sur le différendporté
devant elle par la requêtede la République portugaise» (arrêt,
par. 38).

Je ne suis pas non plusà mêmede souscrire aux motifs sur lesquels cette
conclusion se fonde.
2. En revanche,je souscrisau rejet par la Cour de l'exception de1'Aus-
tralie selon laquelle «il n'existerait pas véritablementde différend»entre
elleet le Portugal (arrêt,par. 21-22).Je partage l'avisde la Cour lorsque,
dans les motifs de l'arrêt,elle note que «pour les deux Parties le Terri-
toire du Timor oriental demeure un territoire non autonome et son
peuple a le droit àdisposer de lui-même))(ibid.,par. 37). On pourrait

dire que limiter la pertinence du statut du Territoire et dudit droàtla
position des Parties constituele minimum absolu. Toutefois, cette ap-
proche relèveplus de la méthode que du fond: la Cour est elle-même
d'avis que le Timor oriental continue d'avoir juridiquement le statut de
territoire non autonome et que lui est applicable le principe de l'auto-
détermination. Je suis persuadé que cette réaffirmation du droit par la
Cour est importante pour la position que le Portugal a prise dans la pré-
sente instance et prend au-delà de cette instance. La réaffirmation dans
l'arrêtest importante pour un règlement équitable de la question du
Timor oriental. Je crois que tous ceux qui ontcŒurlesbuts et principes
des Nations Unies doivent féliciterla Cour de ce dictum.

3. Dans les paragraphes 11 à 18, l'arrêt rappellebrièvementles faits
dont il est nécessaired'avoir connaissancepour comprendre le différend.
La présentesection est une sorte de supplémentà la descriptionqui figure
dans l'arrêt.

Historique

4. Les navigateurs portugais puis néerlandais débarquent surl'île de

Timor au XVIesiècle.Au cours de la conquête coloniale,la partie orien-
tale de l'île estacquisea souverainetéportugaiseet la partie occidentale
à celledes Pays-Bas. C'esten 1859qu'une frontièreest tracée aux termes
d'un traitéconclu par les deux Etats. La convention et la déclaration de
1893et une autre convention de 1904portent égalementsur cette ques-
tion frontalière. En 1914, les Pays-Bas et le Portugal sont parties un
arbitrage concernant une partie de ladite frontière. En 1941-1942, lesAustralian forces entered PortugueseTimor to defend it against Japanese
invasion. They were not successfuland the island remained under Japa-
nese occupation until the end the Second World War. The Portuguese
authorities then came back to East Timor. On the other hand, following
Indonesia's independenceand recognition as a State, Dutch sovereignty
over western Timor was terminated and the area became part of Indo-
nesian territory.

Portuguese Constitutional Law and Policies
Relating to its Colonies, ZncludingEast Timor,
Pviov to the Democvatic Revolution of 1974

5. Under Portuguese constitutional law East Timor was a colony or
dependency of Portugal and, consequently, part of Portuguese territory.
It was described either as a "colony" or "overseas province". The Con-
stitution of 1933chose the latter term. There was a legal concept in it :
these areas would be part of the Unitary State of Portugal and their
populations part of the Portuguesenation. At that time the Head of State
defined the constitutional position in the following words: "the overseas
provinces are already independent through the independence of the
Nation as a whole" (Memorial, para. 1.07). But the Constitution main-
tained the notion of the "parent country", which concept was in forma1
contradiction to the interpretation quoted. Thus the constitutional law of
Portugal excluded self-determination by colonial peoples and, eo ipso,
prevented the acquisition of independenceby the colonies.Article 1of the
Constitution of 1933prohibited alienation of any part of national terri-

tory; East Timor, together with al1the other colonies, was a constituent
element of that territory. Consequently, when admitted to the United
Nations (1955), Portugal opposed the application of Chapter XI of the
Charter to its overseas possessions, including East Timor. For a few
years the Government in Lisbon succeededin stopping the Organization
from subjecting the Portuguese colonies to the régimeof that Chapter,
but since 1960East Timor has been classifiedby the United Nations as a
non-self-governing territory (General Assembly resolution 1542(XV)).

6. In 1971the overseasprovinces were categorized, in Portuguese law,
as "regions possessing political and administrative autonomy, able to
assume the name of States" (Memorial, para. 1.07). However, this new
classification did not bring about any change either in the treatment of
East Timor (and the other colonies) in the interna1affairs of the State or

in the Portuguese attitude towards the application of Chapter XI of the
Charter. Moreover, how could it, once they remained part of the Unitary
State?The breakthrough came three years later with the introduction of
democracy in Portugal.forces néerlandaiseset australiennes entrent au Timor portugais pour
le défendrecontre l'invasionjaponaise. Elles n'y parviennent pas et l'île
est occupéepar lesJaponais jusqu'à la fin de la seconde guerremondiale.
Les autorités portugaisesreviennent alors au Timor oriental. Par ailleurs,
à la suite de l'accessionà l'indépendancede l'Indonésie désormais re-
connue comme Etat, il est mis fin à la souveraineté néerlandaise surle
Timor occidental et cette régionfait désormaispartie du territoire indo-
nésien.

La loi constitutionnelle portugaise et lapolitique
appliquéepar lePortugal a ses colonies,y compris le Timor oriental,
préalablement à la révolution démocratique de 1974

5. Aux termes de la loi constitutionnelleportugaise, le Timor oriental
étaitune colonie ou dépendance du Portugal et, par conséquent, faisait
partie du territoire portugais. Le Timor oriental était qualifié soit de
«colonie» soit de ((provinced'outre-mer ».La constitution de 1933retient
la seconde expression. Celle-ciénonce unenotion juridique: la régionen
question fait partie de'Etatunitaire du Portugal et ses populations font
partie de la nation portugaise. A l'époque,le chef d'Etat définit comme
suit la situation au regard de la constitution:es provinces d'outre-mer
sont déjàindépendantes avec l'indépendancede la nation» (mémoire,
par. 1.07). Mais la constitution maintient le concept de ((métropole)),
concept qui est en opposition formelle avec l'interprétation donnéeci-
dessus dans la phrase citée.Autrement dit, la loi constitutionnelleportu-
gaise nie aux peuples coloniaux le droit de disposer d'eux-mêmeset de ce
fait empêcheles colonies d'accéder à l'indépendance. L'article1 de la

constitution de 1933 interdit l'aliénation de toute parcelle du territoire
national; le Timor oriental ainsi que toutes les autres colonies sont alors
un élémentconstitutif de ce territoire. Par suite, quand il est admis à
l'organisation des Nations Unies (1955),le Portugal s'oppose àl'applica-
tion du chapitre XI de la Charteà sespossessions d'outre-mer, y compris
le Timor oriental. Pendant quelques années,le gouvernement de Lis-
bonne réussit à empêcherl'organisation de soumettre les colonies portu-
gaises au régimeprévupar ledit chapitre, mais àpartir de 1960le Timor
oriental est qualifiépar l'Organisation des Nations Unies de territoire
non autonome (résolution 1542 (XV) de l'Assembléegénérale).
6. En 1971,les provinces d'outre-mer sont qualifiées,aux termes de la
loi portugaise, de ((régionsdotéesde l'autonomie politique etdrninistra-
tive,pouvant prendre le nom d'Etats» (mémoire,par. 1.07).Toutefois, ce
nouveau classement ne modifie en rien la façon dont le Timor oriental

(ainsi que les autres colonies portugaises) est traité dansles affairesinté-
rieures de 1'Etat ni l'attitude du Portugalà l'égardde l'application du
chapitre XI de la Charte. D'ailleurs, comment aurait-il pu y avoir modi-
fication du moment que cescoloniescontinuaient de faire partie de 1'Etat
unitaire? La rupture intervient trois ans plus tard avec l'avènement dela
démocratieau Portugal. Action by the United Nations Prior to 1974

7. The United Nations was at pains to bring about, in regard to the
Portuguese colonies,a state of affairs that would conform to the Charter.

8. In resolution 180 (1963),the Security Council called upon Portugal
to implement "the immediate recognition of the right of the peoples of
the Territories under its administration to self-determination and inde-
pendence" (para. 5 (a)) and affirmed that

"the policies of Portugal in claiming the Territories under its admin-
istration as 'overseas territories'and asintegral parts of metropoli-
tan Portugal [were]contrary to the principles of the Charter and the
relevant resolutions of the General Assembly and of the Security
Council" (para. 2).
The Council repeated its calls and affirmations in resolutions 183 (1963)

and 218 (1965).In resolution 312(1972),the Security Council reaffirmed
"the inalienable right of the peoples of Angola, Mozambique and Guinea
(Bissau) to self-determination and independence" and recognized "the
legitimacy of their struggle to achieve that right" (para. 1). The same
position is reflected by Council resolution 322 (1972) and by General
Assembly resolutions 2270 (XXII), 2395 (XXIII) and 2507 (XXIV).

9. The United Nations also decided to take steps which went further
than mere calls and affirmations. In resolution 180 (1963)the Security
Council requested that
"al1 States should refrain forthwith from offering the Portuguese

Government any assistance which would enable it to continue its
repression of the peoples of the Territoriesunder its administration,
and take al1measures to prevent the sale and supply of arms and
military equipment for this purpose to the Portuguese Government"
(para. 6).
Similar requests and calls were made in Security Council resolutions 218
(1965) and 312 (1972) as well as in General Assembly resolutions 2270
(XXII), 2395 (XXIII) and 2507 (XXIV). In resolution 2507 (XXIV) the
General Assembly further called upon al1States, United Nations special-
ized agencies and other international organizations to "increase their

moral and material assistance to the peoples of the Territories under Por-
tuguese domination who are struggling for their freedom and indepen-
dence" (para. 11).

Change inPortugal's Stand (1974)
10. It was not surprising that the Armed Forces Movement (MFA)
which triggered off the Democratic Revolution of 25 April 1974(known

as the "Carnation Revolution"), laid emphasis on a political solution of
the colonial problem, in contradistinction to military action. The colonial Les mesures adoptées par l'Organisation desNations Unies avant1974

7. L'Organisation des Nations Unies a eu du mal à mettre en place, en
ce qui concerne les colonies portugaises, un état de choses qui soit
conforme à la Charte.
8. Dans sa résolution 180 (1963), le Conseil de sécurité invitele Por-
tugal à ((reconnaîtreimmédiatementle droit des peuples qu'il administre
à l'autodétermination et à l'indépendance» (par.5, lettre a)) et affirme
que
«la politique du Portugal, qui prétend que les territoires qu'il admi-

nistre sont des ((territoiresd'outre-mer)) et font partie intégrante du
Portugal métropolitain est contraire aux principes de la Charte et
aux résolutions pertinentes de l'Assembléegénéraleet du Conseil de
sécurité (par. 2).
Le Conseil renouvelle les mêmesappels et les mêmesaffirmations dans
sesrésolutions183 (1963)et 218 (1965).Dans sa résolution312(1972),le
Conseilde sécurité réaffirme«le droit inaliénabledes peuples del'Angola,
du Mozambique et de la Guinée (Bissau) à l'autodétermination et à

l'indépendance»et reconnaît «la légitimité dela lutte qu'ils mènentpour
jouir de ce droit» (par. 1). On retrouve la mêmeattitude dans la résolu-
tion 322 (1972) du Conseil et dans les résolutions 2270 (XXII), 2395
(XXIII) et 2507 (XXIV) de l'Assembléegénérale.
9. L'Organisation des Nations Unies décide également deprendre des
mesures allant plus loin que de simples invitations et affirmations. Dans
sa résolution180 (1963),le Conseil de sécurité prie
«tous les Etats de s'abstenir immédiatement d'apporter au Gouver-

nement portugais toute assistance lui permettant de poursuivre la
répressioncontre les populations des territoires qu'iladministre et de
prendre toutes mesures pour empêcherla vente et la fourniture à
cette fin d'armes et d'équipements militairesau Gouvernement por-
tugais» (par. 6).
Le Conseil de sécuritéformule des demandes et des appels du même
ordre dans ses résolutions218 (1965) et 312 (1972) et l'Assembléegéné-

rale fait de mêmedans ses résolutions2270(XXII), 2395(XXIII) et 2507
(XXIV). Dans cette dernièrerésolution,l'Assembléegénérale demande en
outre à tous les Etats, aux institutions spécialises Nations Unies età
toutes les organisations internationales intéresséesd'«accroîtr[..leur]
aide morale et matérielleaux peuples des territoires sousdomination por-
tugaise luttant pour leur libertéet leur indépendance))(par. 11).

La nouvelle attitude du Portugal (1974)

10.Il ne faut pas s'étonner que le Mouvement des forces armées
(MFA) qui déclenchela révolutiondémocratiquedu25avril 1974(connue
sous le nom de ((révolutiondes Œillets»)tienne àchercher une solution
politique et non plus militaire au problème colonial. C'est la guerrewar which pre-1974 Portugal waged in Africa (viz., in Angola, Guinea-

Bissau and Mozambique) was the direct cause of the Revolution. The
first ProvisionalGovernment spoke of self-determination of the colonies.
That policy found expression in decree-law 203174.Another legislative
act, viz., Constitutional Law 7/74 provides in Article 1 that
"the solution to the overseas wars is political and not military . . .
[and] implies, in accordance with the United Nations Charter, the
recognition by Portugal of the right of the peoples to self-determina-
tion"

and in Article 2 that

"the recognition of the right to self-determination, with al1that it
implies, includes the acceptance of the independence of the overseas
territories and exemption from the corresponding part of Article 1 of
the Political Constitution of 1933".
11. By resolution 3294(XXIX) the United Nations General Assembly
welcomed the new policy of Portugal. That policy conformed to the
Charter.
12. Constitutional Law 7/75 reaffirmed "the right of the people of

Timor to self-determination . . .in conformity with the relevant resolu-
tions of the United Nations Organization . . .(Art. 1).It may be added
that Article 307 of the PortugueseConstitution of 1976safeguardedEast
Timor's "right to independence", whileArticle 293 ofthe Constitution of
1989(now in force) is broader as it refers to "the right to self-determina-
tion and independence".

Developments in East Timor 1974-1975,
Including Indonesian Invasion andOccupation

13. In contrast with other Portuguese colonies there was, in East
Timor, no liberation movement or armed struggle, though there were
sporadic riots or other manifestations of unrest. In 1974three political
associations were formed: the Uni20 Democratica Timorense (UDT)
which first supported gradua1 autonomy, and subsequently the granting
of independence after a period of association with Portugal, but finally
opted for union with Indonesia; the Frente Revolucionaria de Timor-
Leste Independente (FRETILIN; this movement initially bore a different
name), which advocated independence; and the Associaç20 Popular

Democratica Timorense (APODETI) which favoured integration with
Indonesia. Later, the UDT joined a group of pro-Indonesian parties col-
lectivelyknown as the Anti-Communist Movement (MAC).

14. In 1975Portugal engagedin consultations with these organizations
on the future of the Territory. The choice was between independence,
integration into a State other than Portugal (which in practice meantcoloniale menéepar le Portugal d'avant 1974en Afrique (en Angola, en
Guinée-Bissau etau Mozambique) qui est la causedirecte de la révolution.
Le premiergouvernementprovisoireparle de l'autodéterminationdes colo-
nies. Cette politique s'exprimedans le décret-loi203/74. Un autre texte
législatif, la loiconstitutionnelle 7/74,dispose en son article premier que
«la solution des guerres en territoire d'outre-mer est politique et non
militaire...[et] entraîne, conformément à la Charte des Nations

Unies, la reconnaissance par le Portugal du droità l'autodétermina-
tion des peuples»
et à l'article 2 que

«la reconnaissance du droit à l'autodétermination, avec toutes ses
conséquences,comprend l'acceptation de l'indépendancedes terri-
toires d'outre-mer et la dérogation à la partie correspondante de
l'article premier de la constitution politique de33)).

11. Dans sa résolution3294(XXIX), l'Assembléegénérale des Nations
Unies accueille avec satisfaction la nouvelle politique du Portugal. Cette
politique est conforme à la Charte.
12. La loi constitutionnelle 7/75 réaffirme «le droit du peuple de
Timor à l'autodétermination, ...conformément aux résolutions perti-
nentes de l'organisation des Nations Unies ..»(article premier). On peut
ajouter que l'article 307de la constitution portugaise de 1976sauvegarde
le «droità l'indépendance))du Timor oriental tandis que l'article 293 de
la constitution de 1989 (celle qui est actuellement en vigueur) est plus
large puisqu'il fait état du «droità l'autodétermination et à l'indépen-
dance».

Le changement de la situation au Timor oriental en 1974 et en 1975,
y compris l'invasionet I'occupabionpar l'Indonésie

13. Contrairement aux autres colonies portugaises, il n'ya pas eu au
Timor oriental de mouvement de libérationni de lutte armée,bien que
des troubles sporadiques ou autres manifestations de tension s'y soient
produits. En 1974,ils'yest constituétrois associationspolitiquesl'Uni20
Democratica Timorense (UDT), d'abord favorable àune autonomie pro-
gressivepuis à l'octroi de l'indépendance aprèsune période d'association
avec le Portugal, avant d'opter en définitivepour l'union avec 1'Indoné-
sie; le Frente Revolucionaria de Timor-LesteIndependente (FRETILIN,
mouvement portant initialement un autre nom), partisan de l'indépen-
dance; et l'Associaç20 Popular Democratica Timorense (APODETI),
favorable à l'intégration dans l'Indonésie. Parla suite, I'UDT adhère à
un groupe de partis pro-indonésiens connus collectivement sous le nom

de Mouvement anti-communiste(MAC).
14. En 1975,le Portugal a engagé des consultationsavec ces organisa-
tions sur l'avenir du Territoire.Il fallait choisir entre l'indépendance,
l'intégration dans unEtat autre que le Portugal (à savoir, concrètement,Indonesia), or association with Portugal. The Government in Lisbon
made preparations for a general election on the island. The plan was to
set up a Popular Assembly. In the meantime local elections took place.
But immediately following them the UDT launched a coup d'état. The
FRETILIN responded by staging a counter-coup.The capital of the Ter-
ritory, Dili, found itself in the hands of the FRETILIN. The fighting
involved the various political movements. The Portuguese authorities
emphasizedthat they did not sidewith any of them. For reasons of safety
the authorities left the capital on 26-27 August 1975 and established
themselves on the island of Atauro which was part of the Territory.

15. While the East Timorese political organizations continued to pur-
sue their conflicting policies regarding the Territory's future, Portugal
made preparations for further talks with and among them. But the situa-
tion became yet more complex when in November 1975the MAC pro-
claimed the integration of East Timor with Indonesia and on 28 Novem-
ber 1975 the FRETILIN, for its part, proclaimed the Democratic
Republic of East Timor (RDTL). The United Nations did not regard
these proclamations as implementing East Timor's right to self-determi-
nation (in 1984 the FRETILIN itself abandoned its position on the
alleged existenceof the RDTL).

16. The situation was under discussion in the United Nations General
Assembly when, on 7 December 1975,Indonesian armed forces invaded
East Timor and occupiedit. On 8December 1975the Portuguese authori-
ties left the Territory.

Reaction by the United Nations

17. In paragraphs 14-16the Judgment describesthestand taken by the
United Nations, in particular in the light of the resolutions adopted by
the Security Council (1975-1976)and the General Assembly (1975-1982)
after Indonesian invasion and occupation. 1 shall limit myself to a few
additional points.
18. First, apart from calling upon "the Government of Indonesia to
withdraw without delay al1its forces from the Territory" the Security
Council also deplored "the intervention" of these forces in East Timor
and expressed its grave concern "at the deterioration of the situation in
East Timor", including "the loss of life" there (resolution 3841975),sev-
enth, eighth and ninth preambular paragraphs; that resolution was sub-
sequently recalled in resolution 389(1976)). Equally, the General Assem-
bly "[s]trongly deplore[d] the military intervention" (resolution 3485
(XXX),para. 4). In its subsequent resolution (31153,para. 4) the Assem-
bly reiterated thesame strong regret in view of "the persistent refusa1of
the Government of Indonesia to comply with the provisions" of the fore-
going resolutions. The Assemblyreaffirmed this attitude in its resolutions
32/34(para. 2) and 33/39(para. 2). The Assemblywas also "[d]eeply con-l'Indonésie),ou l'association avec le Portugal. A Lisbonne, le gouverne-
ment procédait aux préparatifs d'uneélection généralseur l'île. Leprojet

consistaità mettre en place une assembléepopulaire. Entre-temps, des
électionslocaleseurent lieu. Maisimmédiatementaprèscelles-ci,1'UDTa
déclenchéun coup d'Etat. Le FRETILIN a réagi en organisant un
((contre-coup)).La capitale du territoire, Dili, est tombée alors aux mains
du FRETILIN. Les divers mouvements politiques ont pris part aux com-
bats. Les autorités portugaises ont soulignéqu'elles neprenaient parti
pour aucun de ces mouvements. Pour des raisons de sécuritéelles ont
quitté la capitaleles 26 et 27 août 1975pour s'installersur l'îleuro,
qui fait partie du territoire.
15. Tandis que les organisations politiques du Timor oriental conti-
nuaient de mener des politiques divergentes au sujet de l'avenir du Ter-
ritoire, le Portugal organisait de nouveaux entretiens avec ces mouve-
ments ainsi que des négociationsentreeux. Mais la situation est devenue
plus complexe quand, en novembre 1975, le MAC a proclamé l'inté-

gration du Timor oriental à l'Indonésie et que,le 28 novembre 1975,le
FRETILIN, de son côté,a proclamé la créationde la République démo-
cratique du Timor oriental (RDTL). L'Organisation des Nations Unies
n'a pas considéréque cesproclamations donnaient effet au droit l'auto-
détermination du Timor oriental (en 1984, le FRETILIN lui-mêmea
renoncé à prétendre à l'existence dela RDTL).
16. La situation étaiten discussion l'Assemblée générale deNsations
Unies quand, le 7 décembre1975, les forces armées indonésiennesont
envahi et occupéleTimor oriental. Le 8 décembre1975,lesautorités por-
tugaises ont quittéle territoire.

La réactionde l'Organisation des Nations Unies
17. Aux paragraphes 14 à 16 de l'arrêt, laCour décrit la position

adoptéepar l'organisation des Nations Unies, en particulier la lumière
desrésolutionsadoptéep sar leConseildesécurit(en 1975-1976e)t 1'Assem-
bléegénérale (de 1975à 1982)aprèsl'invasionet l'occupation par 1'Indo-
nésie. Jeme bornerai à formuler quelques observations supplémentaires.
18. Premièrement,outre qu'il demande au ((Gouvernement indonésien
de retirer sans plus tarder toutes ses forces du territoire)), le Conseil de
sécuritédéploreégalementl'«intervention» de cesforces au Timor orien-
tal et se dit profondément préoccupépar «la détériorationde la situa-
tion au Timor oriental)),y compris par «les pertes en vies humaines))
constatées (résolution384 (1975), septième, huitièmeet neuvième ali-
néa du préambule; cette résolutionest ensuite rappeléedans la résolu-
tion 389 (1976) du Conseil). De même, l'Assemblégeénérale «[d]éplore
vivementl'intervention militaire))(résolution3485 (XXX), par. 4). Dans

sa résolution suivante(31153,par. 4), l'Assembléedità nouveau qu'elle
déplore vivement «le refus persistant du Gouvernement indonésien
d'observer les dispositions)) des précédentesrésolutions. L'Assemblée
réaffirmecette prise de position dans ses résolutions 32/34 (par. 2) etcerned at the critical situation in the Territor,7' ,later described as the
"continuing critical situation") resulting from the intervention and, as
stated in subsequentresolutions, from "the persistent refusa1on the part
of the Government of Indonesia to comply with the provisions of the
resolutions of the General Assembly and the Security Council" (resolu-

tions cited and resolution 33/39).

19. Second, in 1980the General Assembly welcomed"the diplomatic
initiativetaken by the Government of Portugal as a first step towards the
free exerciseby the people of East Timor of their right to self-determina-
tion and independence" (resolution 35/27,para. 3). In 1981the Assembly
noted

"the initiativetaken by the Government of Portugal, as stated in the
communiqué of the Council of Ministers of Portugal issued on
12 September 1980, and invite[d] the administering Power to con-
tinue its efforts with a view to ensuring the proper exercise of the
right to self-determinationand independence by the people of East
Timor, in accordance with General Assembly resolution 1514(XV),
and to report to the SpecialComrnittee on the Situation with regard
to the Implementation of the Declaration on the Granting of Inde-
pendence to Colonial Countries and Peoples on the progress of its
initiative" (resolution 36/50,para. 4).

It may be observed that there isa link betweenthe efforts of Portugal and
the institution of the present Geneva "consultations" conducted under
the auspices of the Secretary-General of the United Nations with "al1
parties directly concerned" (resolution 37/30,para. l), namely "Portugal,
as the administeringPower, and the representatives of the East Timorese
people, as well as Indonesia" (resolution 36/50,para. 3).

20. Third, as long as these "consultations" continue, there is practi-
cally no room or need for any of the principal political organs of the
United Nations to vote on any resolution on East Timor.

21. Fourth, the Judgment enumerates those United Nations resolu-

tions "which did not specificallyrefer to Portugal as the administering
Power" but which, at the sametime, "recalled another resolution or other
resolutions which so referred to it" (Judgment, para. 15). Thus such non-
referenceis without significance.It may be added that the silenceof three
resolutions is more apparent than real. For they speak of statements by
Portugal; now these statements were made by it solelyin its capacity as
administering Power (Security Council resolution 389 (1976); General
Assembly resolutions 31/53 and 32/34). In effect, only one resolution,
viz., General Assembly resolution 33/39 of 1978, makes no allusion to
Portugal. Nevertheless it recalls resolutions which contain a reference to
Portugal.33/39(par. 2). L'Assemblée se dit également(([plrofondérnentpréoccupée
par la situation critique)) dans le Territoire (formule qui devient par la
suite«par la situation toujours critique))) résultant de l'interventionet,
dans les résolutions ultérieures, résultant aussidu refus persistant du
Gouvernement indonésien d'appliquer les dispositions des résolutions
pertinentes de l'Assembléegénérale etdu Conseil de sécurité)) (résolu-
tions citéeset résolution33/39).
19. Deuxièmement, en 1980,l'Assembléegénérale accueilleavec satis-
faction ((l'initiativediplomatique prise par le Gouvernement portugais,
qui marque un premier pas vers le libre exercicepar le peuple du Timor
oriental de son droità l'autodéterminationet à l'indépendance)) (résolu-
tion 35/27,par. 3). En 1981,l'Assembléeprend note

«de l'initiative du Gouvernement portugais, énoncéedans le com-
muniquédu conseil des ministres du Portugal publiéle 12septembre
1980,et invite la puissance administranteà poursuivre ses efforts en
vue d'assurer que le peuple du Timor oriental exerce comme il
convient son droità l'autodéterminationet à l'indépendance, confor-
mément à la résolution1514(XV) de l'Assembléegénérale, e t faire

rapport au comitéspécialchargé d'étudierla situation en ce qui
concerne l'application de la déclaration sur l'octroi de l'indépen-
dance aux pays et aux peuples coloniaux pour l'informer de l'état
d'avancement de cette initiative)) (résolution36/50,par. 4).
Il convient de noter qu'il y a un lien entre l'action du Portugal et le
déroulement des «consultations» actuelles de Genève menéessous les
auspices du Secrétaire général dle'organisation des Nations Unies avec

((toutes les parties directement intéressées)) (résolutio37/30, par. l),
c'est-à-dire «le Portugal, en sa qualité de puissanceadministrante, et les
représentantsdu peuple du Timor oriental, ainsi que l'Indonésie»(réso-
lution 36/50,par. 3).
20. Troisièmement,tant que ces«consultations» sepoursuivent, aucun
des principaux organes politiques de l'organisation des Nations Unies ne
peut pratiquement adopter de résolutionsur le Timor oriental, ce qui, du
reste, n'est pas nécessaire.
21. Quatrièmement, l'arrêtfait état de résolutionsde l'organisation
des Nations Unies «qui ne font pas spécifiquementréférencaeu Portugal
comme puissance administrante »mais qui, toutefois, ((rappellent une ou
plusieurs autres résolutionsou le Portugal est mentionné comme telle»
(arrêt,par. 15).Autrement dit, la non-désignation en l'occurrencen'a pas

d'importance. Il convient d'ajouter que le silencede trois résolutionsest
plus apparent que réel. Cesrésolutions évoquenten effetdes déclarations
du Portugal mais celui-ci n'a fait ces déclarations qu'en sa qualité de
puissance administrante (résolution 389 (1976) du Conseil de sécurité;
résolutions31/53 et 32/34 de l'Assembléegénérale). En réalité il,n'y a
guère qu'une résolution, la résolution 33/39 adoptée par l'Assemblée
générale en1978,qui ne fait aucune allusion au Portugal. Elle rappelle
cependant des résolutions danslesquellesfigure une référencaeu Portugal. 22. Fifth, the wording of the resolutions referred to in paragraphs 17-
21 above is silent on human rights. However, in its resolutions (1975-
1982)the General Assemblypoints to the principles of the Charter and of
the Declaration on the Granting of Independence to Colonial Countries
and Peoples (resolution 1514 (XV)). Some of these principles specifically

protect human rights. Each year the Assembly stated that it had exam-
ined the relevant chapter of the report of the Committee of Twenty-Four.
Again, concern with human rights in the colonieshas alwaysbeen part of
the work of that organ. In resolution 37/30 the Assembly took note of
both the report by the Secretary-General and of resolution 1982120 ofthe
Sub-Commission on Prevention of Discrimination and Protection of
Minorities. The name of the Sub-Commissionspeaks for itself. Thus the
human rights factor is also present, albeit indirectly,and it is relevant to
the evaluation of the East Timor situation. There is also a direct link: the
1993resolution of the Commission on Human Rights on the violation of
hurnan rights and fundamental freedoms in East Timor (United Nations
document E/CN.4/1993/L.81/Rev.l).

Attitude towards Indonesian Rule in East Timor
23. On 31May 1976a Popular Assemblymeeting in the East Timorese
capital Diliunder Indonesian occupation petitioned Indonesia for inte-

gration (United Nations document Sl12097,Ann. II). Officia1observers
from India, Indonesia, Iran, Malaysia, New Zealand, Nigeria, Saudi
Arabia and Thailand were present. In the reports on these events there
were references to the "wishes of the people" which were subsequently
"verified" by a fact-findingteam from the National Parliament of Indo-
nesia. Some foreign diplomatic observers accompanied that team. The
United Nations was not represented during any of these activities.
The Indonesian Parliament incorporated East Timor into Indonesia on
16 July 1976. Under Indonesian law East Timor became a part of the
territory of Indonesia as that country's twenty-seventh province.

24. The United Nations clearly refused and still continues to refuse to
acknowledge the situation created in East Timor by Indonesian invasion,
occupation and annexation. In 1976,in resolution 31/53, paragraph 5,
the General Assembly

"Rejects the claim that East Timor has been integrated into Indo-
nesia,inasmuch as the people of the Territory have not been able to
exercise freelytheir right to self-determinationand independence."

A similar rejection is found in paragraph 3 of resolution 32/34. 22. Cinquièmement,lesdispositions desrésolutionsévoquéea sux para-
graphes 17 à 21 ci-dessus sont muettes sur la question des droits de
l'homme. Toutefois, dans les résolutionsqu'elle adopte de 1975 à 1982,
l'Assemblée générar appelle les principes de la Charte et de la déclara-
tion sur l'octroi de l'indépendanceaux pays et aux peuples coloniaux
(résolution1514(XV) ).Certains de cesprincipes protègent expressément
les droits de l'homme. Tous les ans, l'Assembléea dit qu'elle avait exa-
minéle chapitre pertinent du rapport du Comitédes Vingt-Quatre. Là
encore, le souci des droits de l'homme dans les colonies a toujours fait
partie des travaux de cet organe. Dans sa résolution37130,l'Assemblée
prend acte à la fois du rapport du Secrétairegénéral etde la résolu-
tion 1982120de la sous-commissionde la lutte contre lesmesuresdiscrimi-
natoires et de la protection des minorités.Le nom de la sous-commission

est éloquent.Ainsi, l'élément relatfux droits de l'homme est également
présent, fût-ceindirectement,et il est pertinent pour pouvoir apprécierla
situation au Timor oriental. Il y a d'ailleurs également unlien direct: la
résolution adoptéeen 1993par la Commission des droits de l'homme sur
la violation des droits de l'hommeet des libertésfondamentales au Timor
oriental (Nations Unies,doc. E1CN.4119931L.811Rev.1).

Attitude à l'égardde la présence del'Indonésie auTimor oriental

23. Le 31mai 1976,une assembléepopulaire réuniedans la capitaledu
Timor oriental, Dili, sous occupation indonésienne,adresseàl'Indonésie
une pétition en faveur de l'intégration (Nations Unies, doc. S112097,
annexe II). Des observateurs officiels venus de l'Arabie saoudite, de
l'Inde, de l'Indonésie,de l'Iran, de la Malaisie, de la Nouvelle-Zélande,

du Nigériaet de la Thaïlande assistent cette réunion.Dans les rapports
sur ces événementsi,l est fait mention desvŒuxdu peuple» ultérieure-
ment «vérifiés»par une équiped'enquêteurs du Parlement national indo-
nésien.Certainsobservateursdiplomatiquesétrangersaccompagnentcette
équipependant son enquête.Mais l'Organisationdes Nations Unies n'est
représentéeà aucune des différentesphases de cette action. Le Parlement
indonésienincorpore le Timor oriental à l'Indonésiele 16juillet 1976.
Conformément à la loi indonésienne,le Timor oriental devient partie
intégrantedu territoire indonésienet constitue la vingt-septièmeprovince
du pays.
24. L'Organisation des Nations Unies a clairement refuséet continue
de refuser de reconnaître la situation créau Timor oriental par l'inva-
sion, l'occupation et l'annexion indonésiennes. En 1976, l'Assemblée
généralea,u paragraphe 5 de sa résolution31/53,dit qu'elle

Rejette l'allégationselon laquellele Timor oriental aintégré à
l'Indonésie, dans lamesure où la population du Territoire n'a pas été
en mesure d'exercer librement son droit à l'autodétermination et à
l'indépendance.»

Le même rejetfigure au paragraphe 3 de la résolution32134. 25. The Judgment points out that Australia recognized the incorpora-
tion of East Timor into Indonesia (Judgment, para. 17).
26. Other States have also granted their recognition, in one way or
another, sometimes defacto only and without comrnitting themselves to
confirrningthat self-determinationtook place. According to information
in the Counter-Memorial and Rejoinder of Australia (paras. 175 and
45-48,respectively),they include,inalphabetical order, Bangladesh,India,
Iran, Iraq, Jordan, Malaysia, Morocco, Papua New Guinea, Philippines,
Singapore, Suriname, Sweden, Thailand and the United States of
America. 1 have not listed al1 the States referred to by Australia as
"accepting the incorporation of East Timor" (Counter-Memorial,title of
paragraph 175)or recognizingthe "reality ofIndonesiancontrol" (Rejoin-
der, para. 44). The reason for the omission of some States (included by
Australia) is that, having examined their statements, 1 doubt whether
they could be classified under the rubric of recognition (e.g., New Zea-

land, Rejoinder, para. 48).And what ismore, there is room for hesitation
with regard to some of the States enumerated above. In all, the group of
States which granted recognition is small.

27. Whether territorial clausesin some of the tax treaties concluded by
various other States with Indonesia imply recognition of the latter's sov-
ereignty over East Timor is considered in paragraph 122below.

Timor Gap Treaty

28. Submissions (2) to (5) presented by Portugal (Judgment, para. 10)
assert several claims in connection with the conclusion by Australia of
that Treaty.
29. Australian-Indonesian Agreements of 18May 1971and 9 October
1972on their respective rights to the continental shelf in theareas of the
Arafura and Timor Seas left outside the delimitation the shelf facing the
Coastof East Timor. Thus a kind of gap was leftin the delimitation of the
continental shelf in those Seas, the "Timor Gap". This name was soon

extended to the whole area between East Timor and Australia. The lines
recorded by these Agreements identify the whole boundary of the conti-
nental shelf between Australia and Indonesia. No boundary was estab-
lished in the area between Australia and East Timor. In the opinion of
Portugal (Memorial, para. 2.01)

"the 1971and 1972Agreements, and particularly the latter, signify
an acknowledgment by Australia that the question of rights over the
continental shelf between territories whose coasts face one another

and the question of the 'frontal' delimitationof the shelf in the area
referred to as the Timor Gap, in other words, in the area opposite 25. L'arrêtsoulignequel'Australiea reconnul'incorporation du Timor
oriental à l'Indonésie (arrêtp,ar. 17).
26. D'autres Etats ont égalementreconnu cette incorporation, d'une
façon ou d'une autre, parfois de facto seulement et sans aller jusqu'à
confirmer que l'autodétermination avait eu lieu. Selon les informations
contenues dans le contre-mémoireet la duplique de l'Australie (par. 175
et 45-48, respectivement), il s'agit, dans l'ordre alphabétique des Etats
suivants: Bangladesh, Etats-Unis d'Amérique, Inde,Iran, Iraq, Jordanie,
Malaisie, Maroc, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Philippines, Singapour,
Suède,Suriname et Thaïlande. Je n'ai pas énuméré tous les Etats men-

tionnéspar l'Australie comme «reconnaissant l'incorporation du Timor
oriental))(contre-mémoire,titre du paragraphe 175)ou reconnaissant «la
réalitéde l'autorité indonésienne))(duplique,par. 44). La raison pour
laquellej'ai omis certains Etats (inclus par l'Australie) est qu'après avoir
examinéleurs déclarationsje doute qu'on puisse les considérercomme
ayant procédé à une telle reconnaissance (par exemple, la Nouvelle-
Zélande, duplique,par. 48). Qui plus est, il est permis d'hésiters'agissant
de certains des Etats précités. Sommetoute, les Etats ayant reconnu
ledit statut sont peu nombreux.
27. On étudiera plus loin,au paragraphe 122,le point de savoir si les
clauses territoriales figurant dans certaines conventions fiscalesconclues

par divers autres Etats avec l'Indonésiereconnaissent implicitement la
souverainetéde celle-cisur le Timor oriental.

Le traité relatifau ((Timor Gap»

28. Dans sesconclusions 2 à5, le Portugal (arrêt,par. 10)formuleplu-
sieurs demandes liéesau fait que l'Australie a conclu ce traité.

29. Les accords conclus par l'Australie et l'Indonésiele 18 mai 1971
et le 9 octobre 1972au sujet de leurs droits respectifs sur le plateau con-
tinental dans les zones des mers d'Arafura et de Timor n'ont pas porté
sur la délimitationde la zone faisant faceà la côte du Timor oriental. Ces
accords ménageaientdonc, dans la délimitation du plateau continental
situédanscesmers, une sorte d'ouverture, le «Timor Gap)). Cette appel-

lation a étépar extension donnéeensuite à toute la zone situéeentre le
Timor oriental et l'Australie. Les limites définiesdans ces accords tra-
çaient toute la frontière du plateau continental entre l'Australie etIndo-
nésie.Mais il n'était pas tracéde frontière dans la zone situéeentre
l'Australie et le Timor oriental. De l'avis du Portugal (mémoire,
par. 2.01),
«les accords de 1971et de 1972,et spécialementce dernier, signifient
la reconnaissance par l'Australie que la question des droits sur le

plateau continental entreterritoires dont lescôtes sefont faceet celle
de la délimitation((frontale)du plateau dans la zone dite du ((Timor
Gap», c'est-à-dire dans la zone en vis-à-vis du Timor oriental, ne East Timor, was a matter for Australia and this Territory alone.

Moreover, such an acknowledgment is fully borne out by the con-
tacts established between Australia and Portugal, between 1970and
1974,concerningthe forma1opening of negotiations for the delimi-
tation of the shelf in the area in question, as well as by the dispute
which arose between them as a result, among other things, of the
concession granted by Portugal to the Oceanic Exploration Com-
pany Ltd."

30. The attitude of Australia changedafter Indonesia took over actual
control of East Timor. In 1979Australia and Indonesia started negotia-
tions concerning the exploration, exploitation and delimitation of the
continental shelfin the area of the Timor Gap. The two States agreed not
to fish in an area which included the Timor Gap (Memorandum of
Understanding of 1981).Pendingthe delimitation of the continental shelf
in the Timor Gap they signed, on 11December 1989,the Treaty on the
Zone of Cooperation in an area between the Indonesian Province of East
Timor and northern Australia (which wasto be known as the Timor Gap
Treaty). This Zone serves to enable the exploration and exploitation of

the petroleum resources of the continental shelf in the Timor Gap. The
"Zone of Cooperation", covering some 67,800km2,is divided into three
"areas": Area A in the centre (the largest, at approximately 62,000km2),
Area B in the south and Area C in the north. Areas B and C are areas of
exploration, exploitation and jurisdiction of Australia and Indonesia,
respectively. However, each State is entitled to certain notifications on
the other Area and to part of the revenue collected there. Area A isdes-
tined for joint exploration, exploitation and jurisdiction. For this pur-
pose, the two States have set up a bilateral Joint Authority under the
control of a bilateral Ministerial Council.

31. Since 1985, in its capacity of administering Power, Portugal has
been protesting to Australia first against the latter's negotiations with
Indonesia and subsequently against the conclusion of the Treaty itself.

Australia has excluded any negotiations with Portugal on the Timor
Gap.
32. The available information points to very rich oil and natural gas
deposits in the Timor Gap area.

II. EXISTENC OF THE DISPUTE

33. While 1dissent from the Court's decision on jurisdiction, and this
is the heart of theatter, 1obviously concur with the Court on the issue
of the existenceof a dispute between the Parties. Hence in this Sectionmy

opinion is not a dissenting but aseparate one. concernaient que l'Australie elle-même etce territoire. Une telle
reconnaissanceest,par ailleurs, pleinement confirméepar les contacts
établisentre l'Australie etle Portugal, entre 1970et 1974,au sujet de
l'ouverture formelle de négociationspour la délimitation du plateau
dans la zone en cause, ainsi que par le différendqui surgit entre eux
par suite notamment de la concession octroyéepar le Portugal à
Oceanic Exploration Company Ltd. ))

30. L'Australie a changéd'attitudeune fois quel'Indonésies'estassuré
le contrôle effectif du Timor oriental. En 1979,l'Australie et l'Indonésie
ont entamédes négociationsconcernant l'exploration, l'exploitation et la
délimitationdu plateau continental situé dans la zone du «Timor Gap».

Les deux Etats sont convenus de s'abstenir de pêcherdans une zonecom-
prenant le ((Timor Gap» (mémorandum d'accord de1981).En attendant
la délimitationdu plateau continental du ((Timor Gap» ils ont signééga-
lement, le ll décembre1989,letraitérelatif à la zone de coopération éta-
blie dans un secteur situé entre laprovince indonésiennedu Timor orien-
tal et l'Australie septentrionale (connu sous le nom de traité relatifau
«Timor Gap))). Cette zone est destinée à permettre l'exploration et
l'exploitation des ressourcespétrolièresdu plateau continentaldu «Timor
Gap». Ladite zone, qui couvre à peu près 67 800 kilomètres carrés,est
diviséeen trois aires: l'aire A au centre, la plus grande, avec approxima-
tivement 62 000kilomètrescarrés),l'aire B, au sud, et l'aire C, au nord.

Les airesB et C sont des espaces d'exploration, d'exploitation et dejuri-
diction de l'Australie et de l'Indonésierespectivement. Toutefois, chaque
Etat a droità certainesnotificationsconcernant l'aire de l'autre Etat eà
une partie des revenus perçus. L'aire A est un espace d'exploration,
d'exploitation et dejuridiction conjointes. A cette fin, les deux Etats ont
créé une autoritéconjointe placéesous le contrôle d'un conseilministériel
bilatéral.
31. Depuis 1985,lePortugal, en sa qualitéde puissance administrante,
n'a cesséde protester auprès de l'Australie, tout d'abord contre lesnégo-
ciationsque celle-ciavait engagéesavecl'Indonésie puis contre la conclu-
sion du traité lui-même.L'Australie a exclu toute négociation avec le

Portugal sur le «Timor Gap».
32. Les renseignements disponibles font ressortir que la zone du
«Timor Gap» est trèsriche en pétrole eten gaz naturel.

II. L'EXISTENCE DU DIFFÉREND

33. Si je suis en désaccord avecla décisionde la Cour concernant sa
compétence,et c'est là l'essentiel detoute l'affaire,je suis évidemmentdu

mêmeavis que la Cour pour ce qui est de l'existenced'un différendentre
les Parties. Dans la présente section,par conséquent, mon opinion n'est
pas dissidente mais simplement individuelle. The Dispute before the Court

34. The Court rightly dismissesAustralia7sobjection that in this case
there is no "dispute" between itselfand Portugal (Judgment, para. 22).

35. Clarification whether there is a dispute is, obviously,the first step.
In the absence of a dispute the questions ofjurisdiction and admissibility
would, by definition, not arise. Australia has introduced the distinction
between the "alleged" dispute and the "real" dispute (Counter-Memorial,
paras. 4-17) and has asserted the "abstract and unreal character of the
'dispute' presented by Portugal" (Rejoinder, para. 34). Australia has
occasionally put the actual word itselfin quotation-marks (as exemplified
by the preceding reference)and has used the phrase "if there is a dispute"
(Counter-Memorial, para. 2). However, the purported non-existence of
the dispute has not been presented in any systematic or exhaustive man-
ner. The Respondent State did not seem to go to the lengths of definitely
rejecting any notion of a dispute between itself and the Applicant State.
It devoted much attention to arguing the inadmissibility of the claims,
which fact implies the existence of a dispute.

36. The Court recalls its jurisprudence and that of its predecessor
(Judgment, para. 22). Let me quote Judge Sir Gerald Fitzmaurice. Shar-
ing the viewsexpressed by Judge Morelli in the South West Africa cases,
Preliminary Objections, Judgment (1C.J. Reports 1962, pp. 566-568)the
learned Judge defined the minimum required to establish the existence
of "a dispute capable of engaging the judicial function of the Court":

"This minimum is that the one party should be making, or should
have made, a cornplaint, claim, or protest about an act, omission or
course of conduct, present or past, of the other party, which the lat-
ter refutes, rejects, orenies the validity of, either expressly, or else
implicitlyby persisting in the acts, omissions or conduct complained
of, or by failing to take the action, or make the reparation,
demanded."

Quoting the definition of a legal dispute given by the United Kingdom
(which, as he put it, he "slightly emend[ed]") the learned Judge stated:

"there exists, properly speaking, a legal dispute (such as a court of
law can take account of, and which willengage itsjudicial function),
only if its outcome or result, in theform of a decision of the Court,
iscapable of affectingthe legalinterests or relations of the parties, in
the sense of conferring or imposingupon (or confirming for) one or
other of them, a legal right or obligation, or of operating as an

injunction or a prohibition for the future, or as a rulingmaterial to Le différend dontla Courest saisie

34. La Cour a raison de rejeter l'exception de l'Australie suivant
laquelle il n'existe pas de «différend» l'opposant au Portugal (arrêt,
par. 22).
35. La premièredémarche quis'impose est manifestement des'assurer
qu'il y a bien différend. Enl'absence de différend,les questions de com-
pétenceet de recevabilité,par définition,ne seposeraient pas. L'Australie
introduit une distinctionentrele différend«allégué»et le différend((véri-
table» (contre-mémoire,par. 4-17) et elle s'appuie sur «le caractère abs-
trait et irréel du «différend» présentépar le Portugal)) (duplique,
par. 34). Elle met parfois le mot de différendlui-mêmeentre guillemets
(comme dans la citation précédente)et elle dit aussi «s'il y a litige»

(contre-mémoire,par. 2). Mais la prétendue non-existence du différend
ne fait pas l'objetd'une argumentation systématiqueni exhaustive. L'Etat
défendeur n'estpas allé, semble-t-il,jusqu'au bout, c'est-à-dire qu'il ne
rejette pas une fois pour toutes l'idéequ'il y ait un différendentre lui-
mêmeet 1'Etatdemandeur. Le défendeur s'attache longuement à plaider
l'irrecevabilité desdemandes, ce qui revient à accepter implicitement
l'existenced'un différend.
36. La Cour rappelle sa jurisprudence et celle de sa devancière(arrêt,
par. 22). Je me permettrai de citer sir Gerald Fitzmaurice. Celui-ci, par-
tageant l'avis exprimépar M. Morelli dans les affaires du Sud-Ouest
africain, exceptions préliminaires, arrê(tC.I.J. Recueil 1962, p. 566-
568), a défini leminimum requis pour établirl'existence«d'un différend
pouvant mettre en jeu la fonction judiciaire de la Cour» de la façon sui-
vante :

«Il faut au moins que l'une des Parties formule ou ait formulé, à
propos d'une action, d'une omissionou d'un comportement présents
ou passésde l'autre Partie, un grief, une prétention ouune protesta-

tion que l'autre partie conteste, rejette ou dont elle déniela validité,
soit expressément, soit implicitement en persistant dans l'action,
l'omissionou lecomportement incriminés,ou bien en ne prenant pas
la mesure demandée, ou encore en n'accordant pas la réparation
souhaitée.»

Citant la définitiondu différendjuridique donnéepar le Royaume-Uni
(en l'amendant légèrement, selonson expression),l'éminentjuge déclarait
encore :

«il n'existà proprement parler de différendjuridique (pouvant être
pris en considération par un tribunal et mettant en jeu la fonction
judiciaire de celui-ci)que si l'issue ou leésultatdu différend,sous
forme de décision de laCour,peut affecter lesintérêts ou lesrapports
juridiques des parties, en ce sens que cette décision confèreou
impose à l'une ou l'autre d'entre elles un droit ou une obligation
juridique (ou qu'elle confirmece droit ou cette obligation), ou bien a still subsisting legal situation" (Northern Cameroons, Judgment,
I.C.J. Reports 1963, pp. 109and 110,respectively).

37. A perusal of the Application instituting proceedings and of the
pleadings showsthat the dispute submitted to the Court fulfilsthe criteria
of the foregoing definitions. The case of East Timor is a dispute which
falls under Article 36,paragraph 2, of the Court's Statute. The dispute is
a legalone within the meaning of that provision and the Court's practice.
38. From any vantage point, including (it seems) that of the East
Timorese people, the dispute brought before the Court is a different one
from a potential or existing dispute between Portugal and Indonesia,
even though some questions at issue are or may be identical.

The Question before the Political Organs

39. The specificdispute before the Court should not be confused or
identifiedwith the broader problem which in the United Nations bore the
name "The Question of Territories under Portuguese Administration"
(General Assembly) or that of "The Situation in Timor" (Security Coun-
cil)and is now called "The Question of East Timor". Byusing in its reso-
lutions the expressions "al1interested parties" (resolution 36150)and "al1
parties directly concerned" (resolution 37/30) - and these expressions
cover Indonesia - the General Assemblyidentified those concerned with

the "Question of East Timor", and not the parties to a future Court case,
whatever its ramifications. The "Question of East Timor" involves the
United Nations, Portugal, the representatives of the East Timorese
people and Indonesia. But this does not mean that according to the
General Assemblyresolutionsthe settlement of any issueconcerningEast
Timor must alwaysinclude al1these participants, and especiallyIndonesia,
and that the consultations are the only road to a solution. The holding of
consultations among the interested parties does not exclude the recourse
to other means of settlement. A specificdispute embracing,as parties to
it, only one of the Statestaking part in the consultations and a third State
is not by definition artificial. Certainly it is not so with regard to Aus-
tralia. Among the countnes recognizing the incorporation of East Timor
into Indonesia Australia went furthest in the consequences of its act of
recognition: Australia concluded the Timor Gap Treaty, which deals
with East Timorese interests regarding continental shelf and maritime

resources. This is a domain of the highest importance to any State or to
a non-State territorial entitysuch as East Timor. qu'ellejoue le rôle d'une injonction ou d'une interdiction pour l'ave-
nir, ou encore qu'elleconstitue un élément dedétermination à l'égard
d'une situation juridique continuant à exister)) (Cameroun septen-
trional, arrêt,C.I.J. Recueil 1963, p. 109et 110respectivement).

37. A lire la requête introductive d'instance etles piècesde procédure,
on constate que le différend soumis à la Cour répond aux critèresde défi-
nition ci-dessus.L'affairedu Timor orientalest un différendqui relèvedu
paragraphe 2 de l'article 36 du Statut de la Cour. C'estun différendjuri-
dique au sens de cette disposition et de la pratique de la Cour.
38. De quelque point de vue que l'on se place, y compris (semble-t-il)
celui du peuple du Timor oriental, le différendporté devant la Cour
n'équivaut pas à un différendpotentiel ou existant entre le Portugal et
l'Indonésie,mêmesi certaines questions en litige sont, effectivement ou
éventuellement,identiques.

La question portée devant lesorganespolitiques

39. Il ne faut pas confondre ce différendparticulier dont la Cour est
saisie avec le problème plus large, auquel il ne s'identifiepas non plus, et
qui, à l'organisation des Nations Unies, portait l'intituléde ((Question

des Territoires sous administration portugaise)) (Assembléegénérale)ou
de «La situation au Timor)) (Conseil de sécurité)et que l'on appelle
maintenant ((Question du Timor oriental)). Quand elle utilise dans ses
résolutions les expressions «toutes les parties intéressées»(résolu-
tion 36/50) et atoutes les parties directement intéressées)) (résolu-
tion 37/30)- et cesexpressionscouvrent l'Indonésie - l'Assemblée géné-
rale désigneceuxque concernela ((Questiondu Timor oriental )et non pas
les partiesà une future instance devant la Cour, quelles que puissent être
sesramifications. La ((Questiondu Timor oriental))concernel'Organisa-
tion des Nations Unies, le Portugal, les représentantsdu peuple timorais
et l'Indonésie.Mais cela ne veut pas dire que, d'après les résolutionsde
l'Assembléegénéralel,e règlement den'importe quel problème relatifau

Timor oriental implique nécessairementtous ces participants et notam-
ment l'Indonésie,ni que les consultations sont la seule voieconduisant à
une solution. Les consultations entre lesparties intéresséesn'excluenptas
le recoursà d'autres modes de règlement.Un différendparticulier auquel
sont parties un seul des Etats prenant part aux consultations et un Etat
tiers n'est pas, par définition,artificiel. Et il ne l'est certainement pas en
ce qui concernel'Australie. Parmi les pays reconnaissant l'incorporation
à l'Indonésiedu Timor oriental, l'Australie est celui qui a pousséle plus
loin possible les conséquences de son acte de reconnaissance: elle a
conclu le traitérelatif au((Timor Gap)), lequel porte sur les intérêts du
Timor oriental concernant lesressources du plateau continental et lesres-

sources de la mer. C'estlà un domaine qui revêtla plus haute importance
pour n'importe quel Etat ou pour n'importe quelle entité territoriale non
étatique,tel que le Timor oriental. III. JURISDICTIOA ND, MISSIBILITPRO, PRIETY

A. Jurisdiction

40. As indicated in paragraph 1,1dissent from the Court's finding on
jurisdiction and from the reasons behind this finding.assume that what
the Court means is that it is without jurisdiction to decide the case. It is
true that the Court uses different words, saying that "it cann.. .exer-
cise the jurisdiction conferred upon it" (Judgment, para. 38). The Court
arrives at this conclusion after having examined "Australia's principal
objection, to the effect that Portugal's Application would require the
Court to determine the rights and obligations of Indonesia" (Judgrnent,
para. 23). In the written pleadings Australia presented this objection

under the rubric of inadmissibility, but the submissions referred, first of
all, to lack of jurisdiction and only then to inadmissibility (Rejoinder,
para. 288).In its final submissionsAustralia took the same position: "the
Court should ...adjudge and declare that the Court lacksjurisdiction to
decide the Portuguese claims or that the Portuguese claims are inadmis-
sible" (CR 95/15, p. 56, Mr. Griffith, Agent and Counsel; Judgment,
para. 10).

41. According to the Judgment (paras. 33 and 34) the reason for not
exercisingjurisdiction in this case is the impossibility for the Court to
adjudicate on the lawfulness of Indonesia's conduct without its consent.
Such adjudication is, in the opinion of the Court, a prerequisitefor decid-
ing on the alleged responsibility of Australia. The Judgment relies on the
decision in Monetary Gold Removedfrom Rome in 1943 (1. C.J. Reports
1954,p. 19).Consequently, in explaining my dissent 1concentrate on the
significanceto be ascribed to Indonesia's absence from the proceedings in
the present case and on the meaning and relevance of Monetary Gold.
But at the outset 1discuss the broader ramifications of the issue ofjuris-
diction and the special problem with regard to the first submission of

Portugal.

Law andjustice

42. Undoubtedly, as Dr. Shabtai Rosenne has put it, the Court pos-
sesses "a measure of discretion . . to decline to decide a case"; but it
should be "sparingly used" '.
43. With respect, 1submit that the Court should have resolved the dis-
pute between Portugal and Australia not only on the basis of the rules
governingjurisdiction andlor admissibility(theseruleshaveto be applied),
but also in accordance with the demands of justice. The dichotomy

'The Law and Practiceof the InternationalCourt,2nd r1985e,.305.

151 III. COMPÉTENC RE,CEVABILI TPP,RTUNITÉ

A. Compétence

40. Comme je l'ai indiquéau paragraphe 1, je ne partage pas la
conclusion de la Cour quant à sa compétence,non plus que les raisons
qui l'ont amenée à cette conclusion. Je suppose que ce que la Cour
entend, c'est qu'elle n'a pas compétencepour statuer en l'espèce. Il est
vrai que la Cour s'exprimeen des termes différents:puisqu'elledit qu'elle
ne ((saurait...exercer la compétence à elle conférée)()arrêt, par.38). La
Cour parvient à cette conclusion après avoir examiné((l'exceptionprin-
cipale de l'Australie selon laquelle la requête du Portugal obligerait la
Cour à se prononcer sur les droits et obligations de l'Indonésie»(arrêt,
par. 23). Dans la procédure écrite,l'Australie présente cetteexception
sous la rubrique de l'irrecevabilité, maisdans sesconclusions elledit tout
d'abord que la Cour n'a pas compétenceet seulement ensuite que les
demandes sont irrecevables (duplique, par. 288). Dans ses conclusions

finales, l'Australie a pris la mêmeposition: «la Cour devrait ...dire et
juger qu'elle n'a pas compétencepour statuer sur les demandes du Por-
tugal, ou que les demandes du Portugal sont irrecevables)) (CR 95/15,
p. 56, M. G. Griffith, agent et conseil de l'Australie; arrêt,par. 10).
41. Selon l'arrêt (par.33 et4), la raison qui amènela Cour a ne pas
exercer sa compétenceen l'espèce estl'impossibilitédans laquelle elle se
trouve de statuer sur la licéitédu comportement de l'Indonésie sansle
consentement de celle-ci.De l'avisde la Cour, pour qu'elle puissesepro-
noncer sur la responsabilitéalléguéede l'Australie,il lui faudrait d'abord
statuer sur le comportement de l'Indonésie. L'arrêst'appuie sur la déci-
sion adoptée dansl'affaire del'Or monétairepris à Rome en 1943 (C.I.J.
Recueil 1954, p. 19).En conséquence, afin d'expliquerles raisons de mon
désaccord,je vais consacrer l'essentiel demon argumentation à la portée
qu'il faut attribuer l'absence de l'Indonésiedans la présenteinstance et

à la signification et la pertinence du précédent del'Or monétaire. Mais
d'abord, je vais examiner les incidences plus larges de la question de la
compétenceet le problème particulier que soulèvela premièreconclusion
du Portugal.

Le droit et lajustice

42. Incontestablement, pour reprendre les termes de M. Shabtai
Rosenne, la Cour a «une certaine latitude ..pour refuser de statuer sur
une affaire»; mais elle doit «en user avec modération» .
43. Je soutiens respectueusement que la Cour aurait dû trancher le dif-
férendentre le Portugal et l'Australie non seulementsur la base desrègles
régissantla compétence et/ou la recevabilité(cesrèglesdoivent être appli-
quées),mais encore conformément auxexigencesde la justice. La dicho-

' The Law and Practiceof the International Court, 2"éd.rev., 1985,p. 305.

151 betweenlaw and justice isperennial. The Court has constantly been look-
ing for an answer to it. The search for a solution becomes difficult, and
the contours of the dichotomy gain in sharpness, when too narrow an
interpretation of the principles governing competence restrains justice.
1 am, therefore, also concerned with the possibility that the Judgment
might revive past fears regarding a restrictive concept of the Court's
function. The problem cannot be reduced to legal correctness alone. This
is especially so whenever the Court is confronted with certain basic ele-

ments of the constitution of the orn"nization and with certain fundamen-
ta1principles of international law. There is a real interest in maintaining
and strengthening the Court's role in what Judge Sette Camara described
as "the institutionalization of the rule of law among nations" l.
44. A few years ago President Bedjaoui wrote that "it is through an
awareness of the lines of force of [international] Society, and of their
articulations, that we can gain a better understanding . . .of [interna-
tional law's]possible future conquests". In the opinion of the President
the present phase of international law is that of a transition "[flrom a law

of CO-ordinationto a law of finalities". And the learned cornmentator
Statesthat "one of the essential finalities7'is development,"true develop-
ment, of a kind which willrestore dignity to [the]peoples [of 'newStates']
and put an end to relationships of domination" 2.
45. Does the Judgment give sufficient expression to the law so under-
stood? The subject-matter of the dispute and its wider ramifications
would justify the adoption of the President's approach. East Timor has
not been well served by the traditional interests and sovereignties of the
strong, hence the importance of the Court's position on the Territory and
the rights of its people (para. 2 above). But that position would be of
more consequence if the holding was not silent on self-determinationand

on the status of the Territory. It is a telling silence,because it is coupled
with a quasi-total rejection of the Portuguese claims. Was the Court not
too cautious?
46. And yet, 1 think, this Court has had its great moments and was
most faithful to its function when, without abandoning the domain of
positive law, it remained in touch with the great currents of contempo-
rary development. A court ofjustice need not be and, indeed, should not
be an exponent of the law-making opinion of "yesterday" or still worse
- to use Albert V. Dicey'sexpression - "the opinion of the day before

yesterdayU3.The Court should and can look ahead. Otherwise there
would not be decisions such as the one in the case concerning Reparation
for Injuries Suffered in the Service of the United Nations.
47. 1 think that what Judge ad hoc Lauterpacht said in the case con-

JoséSette-Camara, "Methods of Obligatory Settlement of Disputes", in M. Bedjaoui
(ed.), International Law: Achievements and Prospects, 1991,p. 542.
Lectures on the Relation between Lawand Public OpinioninEnglandduringthe Nine-
teenth Century, 1905,pp. 32 and 367.tomie entre le droit et la justice est éternelle.La Cour a toujours cherché
à la résoudre.Cette recherche devient difficile et lescontours de la dicho-
tomie ressortent encore davantage lorsqu'une interprétation trop étroite
desprincipes régissant la compétencefreinelajustice. Je crainsdonc aussi
que l'arrêtne ravive d'anciennescraintes quant à une conception restric-
tive de la fonction de la Cour. On ne saurait réduirele problème à une
simple question de conformité juridique. C'est particulièrement vrai
lorsque la Cour est aux prises avec certains éléments essentiels dlea cons-

titution de l'organisation et avec certains des principes fondamentaux du
droit international. Il y a un intérêrtéel maintenir et à renforcer le rôle
de la Cour dans ce que M. Sette-Camara a décritcomme étant ((l'insti-
tutionnalisation de la règledu droit parmi les nations))'.
44. Voilà quelques années, le Président Bedjaoui a écrit que: «La
connaissance des lignes de force de cette société[internationale] et de
leurs brisures ..permet de mieux comprendre ...quelles peuvent êtreses
futures conquêtes.))De l'avis du Président, la phase actuelle du droit
international est une phase de transition, passant «d'un droit de coordi-
nation à un droit de finalités)).Et l'éminentcommentateur de déclarer
que «l'une des finalités essentielles»estle développement,«un vrai déve-
loppement,propre à redonner la dignité à leurs peuples [des«Etats nou-

veaux»] et àmettre fin aux rapports de d~mination))~.
45. L'arrêtva-t-il suffisamment dans le sens du droit ainsi conçu?
L'objet du différend etses incidences plus largesjustifieraient l'adoption
de l'optique du Président.Le Timor oriental n'a pas été bien servi par les
intérêtset les souverainetéstraditionnelles des plus forts. D'où l'impor-
tance de la position de la Cour touchant au Territoire et aux droits de son
peuple (ci-dessus par. 2). Mais cette position serait de plus de poids si
l'arrêt n'était pams uet sur l'autodétermination et le statut du Territoire.
C'est un silence éloquent, car il va de pair avec le rejet quasi total des
demandes du Portugal. La Cour n'a-t-elle pas été trop prudente?

46. Et pourtant, la Cour a eu, je pense, ses grands moments, et a été
le plus fidèleà sa fonction lorsque, tout en restant sur le plan du droit
positif, elle a tenu compte des grands courants de l'évolution contem-
poraine. Une juridiction n'a pas à - et mêmene doit pas - reprendre
une doctrine d'«hier», ou pis encore - pour reprendre lestermes d'Albert
V. Dicey - d'«avant- hie^-»3 L.a Cour doit et peut se tourner vers l'ave-
nir, sinon nous n'aurions pas de décisionscomme celle qui a été rendue
dans l'affairede la Réparation desdommagessubisau servicedes Nations
Unies.
47. Je crois que ce que M. Lauterpacht, juge ad hoc, a dit dans l'affaire

'JoséSette-Camara, «Les modes de règlementobligatoire)), dans M. Bedjaoui (dir.
gén.),Droit international. Bilan et perspectives,1991,p. 569.
M. Bedjaoui, «Introduction générales,op. cit., p. 1, 15et 17,respectivement.
Lectures on the Relation betweenLaw and Public OpinioninEnglandduringthe Nine-
teenth Century, 1905,p. 32 et 367.cerningthe Application of the Convention on the Prevention and Punish-
ment of the Crime of Genocideis applicable to the present case:
"the Court should [not]approach it with anything other than its tra-
ditional impartiality and firm adherence to legal standards. At the
same time, the circumstances cal1for a high degreeof understanding
of, and sensitivityto, the situation and must exclude any narrow or
overly technical approach to the problems involved. While the

demands of legal principle cannot be ignored, it has to be recalled
that the rigid maintenance of principle is not an end in itselfbut only
an element - albeit one of the greatest importance - in the con-
structiveapplication of law to the needs of the ultimate beneficiaries
of the legal system,individualsno less than the political structures in
which they are organized." (Application of the Convention on the
Prevention and Punishment of the Crime of Genocide, Provisional
Measures, I.C. J. Reports 1993, p. 408, para. 3.)

48. There is a certain lack of balance in the dispositif: it is al1too posi-
tive for Australia, al1too negative for Portugal; but it still remains to be
seen whether the real winner is not a third State. This is an effect the
Court wishesto avoid, for it might easilyfrustrate the Court's undoubted
concern not to have any third State in the picture.

Portugal'sJirst submission

49. For al1these reasons, 1think that the Court should deal with the
first submission of Portugal. In this submission Portugal requests the
Court

"(1) To adjudge and declare that, first, the rights of the people of
East Timor to self-determination, to territorial integrity and unity
and to permanent sovereignty over its wealth and natural resources
and, secondly, the duties, powers and rights of Portugal as the
administering Power of the Territory of East Timor are opposable to
Australia, which is under an obligationnot to disregardthem, but to
respect them."

50. The heart of the matter is that the Court cannot li~nititself to say-
ing that it has no jurisdiction in questions pertaining to the Timor Gap
Treaty. The substance of the case is broader and goes deeper than that
Treaty. In a nutshell, the Court should deal extensively with the prin-
ciples covered by the first submission of Portugal. The present treat-
ment of them in the reasons, though important, is too short. It is also
insufficient in thesense that the subject, in my view, belongs equally to

the dispositif.
51. Though the Court says that its "conclusion applies to al1 the
claims7'(para. 35) the Judgment does not actually deal with the first sub-relativeà l'Applicationde la conventionpour lapréventionet la répression
du crime de génocides'applique à la présenteinstance:

«la Cour [nedoit pas], en l'abordant [laprésenteaffaire], se départir
de son impartialité traditionnelle et de son ferme attachement aux
normes juridiques. En mêmetemps, les circonstances exigent que
l'on aborde la situation avec beaucoup de compréhensionet de sen-
sibilitéet que l'on examine les problèmes en évitant toute attitude
étroite ou excessivement formaliste. Si les exigences des principes
juridiques ne sauraient êtrenégligées, iflaut cependant rappeler que
l'application rigide des principes n'est pas une fin en soi, mais seule-
ment un élément - de toute importance, certes- dans l'élaboration
constructive d'une réponse juridique aux besoins des bénéficiaires

ultimes du droit, c'est-à-dire les individus non moins que les struc-
turespolitiques au seindesquellesils sesont organisés.(Application
de la conventionpour lapréventionet la répressiondu crime degéno-
cide, mesures conservatoires, ordonnance du 13 septembre 1993,
C.I.J. Recueil 1993,p. 408, par. 3.)

48. Il y a un certain déséquilibredans le dispositif: il est bien trop
favorable à l'Australie et nettement trop défavorableau Portugal; mais il
reste encore à savoir si le vrai gagnant n'est pas un Etat tiers. La Cour
souhaite éviter untel résultat quipourrait aisément allerà l'encontre du
souci incontestable de la Cour de ne viser aucun Etat tiers.

La première conclusiondu Portugal

49. Pour toutes ces raisons je crois que la Cour aurait dû examiner la
première conclusion du Portugal, par laquelle ce dernier demande à la

Cour de:
«1) Dire et juger que, d'une part, les droits du peuple du Timor
orientalà disposer de lui-même, à l'intégritetà l'unité deson ter-
ritoire eà sa souverainetépermanente sur sesrichesseset ressources

naturelles et, d'autre part, les devoirs, les compétenceset les droits
du Portugal en tant que puissance administrante du Territoire du
Timor oriental sont opposables à l'Australie, laquelleest tenue de ne
pas les méconnaîtreet de les respecter.))
50. Le cŒur duproblèmeest que la Cour ne peut s'entenir àdéclarer

qu'ellen'a pas compétencepour les questions concernant le traitérelatif
au ((Timor Gap». Le fond de l'affaireest plus large et va plus loin que le
traité.En un mot: la Cour aurait dû examiner en détaillesprincipes visés
dans la première conclusion du Portugal. Le traitement qu'elle leur
réserveactuellement dans lesmotifs, bien qu'important, est trop succinct.
Il est aussi insuffisant en ce sens qu'à mon avis la question relève égale-
ment du dispositif.
51. Bien que la Cour déclareque ((cetteconclusions'applique à toutes
les demandes)) (par. 35), l'arrêtne traite pas, en réalité, dela premièremission. Nor was its admissibility questioned. Consequently, one should
apply the mle repeated in the Request for Interpretation of the Judgment

of 20 November 1950 in the Asylum Casethat "it is the duty of the Court
. . .to reply to the questions as stated in the final submissions of the
parties .. ."(I.C.J. Reports 1950,p. 402) '.In the present case there is no
conflict betweenthat duty and judicial self-restraint, if the latter were to
arise at all, which 1do not think it would.

52. In this connection it is convenient to include a word of comment
on the observation that, during the proceedings, both Parties invoked the
interests of the East Timorese people, but they presented us with little or
no evidence of what the actual wishes ofthat people were. Be this as it
may, 1think that the Court can base itself on certain elementary assump-
tions: the interests of the people are enhanced when recourse is made to
peaceful mechanisms, not to military intervention; when there is free
choice, not incorporation into another State brought about essentiallyby
the use of force; when the active participation of the people is guaran-

teed, in contradistinction to arrangements arrived at by some States
alone with the exclusion of the people andlor the United Nations Mem-
ber who accepted "the sacred trust" under Chapter XI of the Charter.
The Court could have exarnined these and related problems without
changing its present holding on lack of competence with regard to Por-
tuguese submissions (2) to (5). For these problems are part of self-deter-
mination. They belong also to submission (1). To reiterate, it is not clear
to me why the Judgment preferred to remain silent on that submission.

53. The statements (in the reasons for the Judgment) on the status of
East Timor and on self-determination might have been elaborated upon.
The status of non-self-government obviously implies the "integrity" of
the Territory. Here the Judgment limits itself to quoting the Security
Council resolutions (para. 31).There is nothing on the application of the
right of self-determination to the present situation of the East Timorese
people and on the view of each Party regarding the implementation of

that right. The Judgment is silent on permanent sovereignty over natural
wealth and resources. The Parties differ on the position of Portugal:
another issue to be resolved by the Court. There is a lot that is in dispute
between the Parties under the first submission, irrespective of the Timor
Gap Treaty. The first submissioncannot be reduced to the issueof treaty-
making power, especiallyregarding the delimitation of maritime areas.

The omitted part of the rule speaks of the duty "to abstain from decidingpoints not
included inhose submissions". The danger of infringingupon this rule does not arise in
viewof the generalattitude of abstention and caution on the part of the Court in this case.
of the Judgment.ted,es this opinion go beyond thisrule when suggestingthe broadeningconclusion, dont la recevabilitén'a d'ailleurspas étmise en question. En
conséquence,il faudrait appliquer la règle réitéréd eans l'affaire de la
Demande d'interprétation de l'arrêt d2 u0 novembre 1950en l'affaire du
droit d'asile,selon laquelle «la Cour a le devoir de répondre aux de-
mandes des parties telles qu'elles s'expriment dans leurs conclusions
finales))' (C.I.J. Recueil 1950, p. 402). En l'espèce,il n'y a pas conflit
entre ce devoir et la prudence judiciaire, à supposer que cette seconde
question se pose; je ne pense pas que ce soit le cas.
52. A cet égard,il convient de dire un mot du fait qu'au cours de la
procédureles deux parties ont invoquéles intérêts du peuple du Timor
oriental, mais ne nous ont guèredonnéde preuves indiquant quels étaient
effectivement ses vŒux.Quoi qu'il en soit, je pense que la Cour peut se

fonder sur certaines hypothèses élémentaires:les intérêtsd'un peuple
sont favoriséslorsque 1,011recourt à des mécanismes pacifiques,non à
l'intervention militaire; lorsqu'il y a libre choix et non incorporation dans
un autre Etat opérée essentiellemenp tar l'emploi dela force; lorsque la
participation active de la population est garantie et non lorsque des
arrangements sont conclus par certains Etats seuls, à I'exclusion du
peuple et/ou des Membres de l'organisation des Nations Unies qui ont
accepté «la mission sacrée))quileur étaitconfiéepar le chapitre XI de la
Charte. La Cour aurait pu examiner ces questions et d'autres problèmes
connexes sans modifier sa prise deposition actuelletouchant àson défaut
de compétence àl'égarddes conclusions 2 à 5 du Portugal. Car ces pro-
blèmesfont partie de l'autodétermination. Ils relèvent aussi de la pre-

mièreconclusion. Je le répète:je voismal pourquoi l'arrêta préféré rester
muet sur cette conclusion.
53, Les déclarations faites (dans l'exposé demotifs) à propos du sta-
tut du Timor oriental et de l'autodétermination auraient pu être plus
détaillées.Le statut de non-autonomie implique manifestement l7«inté-
grité»du Territoire. Ici l'arrêts'en tieàtciter les résolutions duConseil
de sécurité(par. 31). Rien n'est dit de l'application du droità l'autodé-
termination à la situation actuelle du peuple du Timor oriental et de
l'avis dechaque Partie en ce qui concerne la mise en Œuvre dece droit.
L'arrêtne dit mot sur la question de la souverainetépermanente sur les
richesses etles ressources naturelles. Les Parties ont des vues divergentes

quant àla position du Portugal, qui est une autre questionàtrancher par
la Cour. Beaucoup de questions font l'objet de contestations entre les
Parties à propos de la première conclusion, indépendamment du traité
relatif au «Timor Gap ».La premièreconclusion ne peut être réduite à la
question du pouvoir de conclure des traités, notamment en matière de
délimitationde zones maritimes.

'La partie de la règlequi n'est pas citée parledu devoir «de s'abstenir destatuer sur
des points non compris dans lesdites demandes)). Le danger d'enfreindre cette règle
n'existe pas l'attitude généraled'abstention et de prudence de la part de la Cour en
gissement de l'arrst.cette opinion n'enfreint pasnon plus cette règleen suggérant l'élar- 54. The first submission of Portugal is couched in such terms that
by addressing the merits of it the Court runs no danger of dealing with
Indonesia's rights, duties or position. The rule of consent (repeated in
Monetary Gold)will befully observed.

55. There is no justification for Indonesia to see in the Judgment an
implicit legalization or legitimization of the annexation of East Timor.
Nonetheless, 1 am concerned with the present operative clause, where
there is no reference to the principles enumerated in the first submission.
It should be emphasized that this submission differs considerably from
the other ones ((2)-(5)). The latter centre on the Timor Gap Treaty and
problems of responsibility,the former asks the Court to state the law and
the duty of Australia to respect that law. What could be the difficulty in
accepting that submission, wholly or in part?

56. 1 am prepared to agree with the proposition that the granting of
the first submissionconstitutes the juridical (and also logical)prerequisite
to the consideration and possible granting of the subsequent submissions.
But not vice-versa. The link does not work the other way. The first sub-

mission can stand autonomously. The Court can and in fact, in its prac-
tice, did construe the submissionsof the Parties. The Court could take up
the first submission and resolve the relevant issue without going into the
remaining claims.
57. The Court is not merely an organ of States which has the function
of adjudicating upon disputes between those of them willing to bestow
upon it jurisdiction and to submit to that jurisdiction. The Court is pri-
marily the "principal judicial organ of the United Nations". It is thus
part of an international structure. Its judicial function, as defined in
Chapter II of its Statute and especiallyin Article 36,must be exercisedin
accordance with the purposes and principles of the Organization. The
Court has been contributing to the elucidation and growth of United
Nations law. This casehas created an opportunity for the continuation of
this task. "The Question of East Timor" is still being dealt with by the
political organs of the United Nations. Once regularly seised (hence the

importance of elucidatingPortugal's locus standi), the Court has its role
to play, provided its independence and the limits of its participation in
the activities of the Organization are respected. None of these require-
ments would be threatened if the Court decided to take up the first sub-
mission. This submission is indeed separable from the issue of the Timor
Gap Treaty. Portugal's first subrnission is no abuse of the Court.

58. To sum up, the operative clause of the Judgment could contain the
following findings :

(1) The United Nations has continued to recognize the status of Portu-
gal as administering Power of East Timor. Consequently, Portugal
has the capacity to act before the Court in this case on behalf of East
Timor. 54. La premièreconclusion du Portugal est rédigée en des termes tels
qu'en l'examinant au fond la Cour ne risquerait pas d'avoir à traiter des
droits et devoirs de l'Indonésie oude sa position. La règledu consente-
ment (répétéd eans l'Or monétaire) aurait étéstrictement respectée.
55. L'Indonésiene saurait voir dans l'arrêtune légalisationou légitima-
tion implicitede l'annexion du Timor oriental. Néanmoins,je suis préoc-
cupépar la clause actuelle du dispositif qui ne dit rien des principes
énoncésdans la premièredemande. Il faudrait faire ressortir que cette
conclusiondiffèreconsidérablementdesautres (2 à5). Cesdernièresconcer-
nent essentiellement le traité relatif au «Timor Gap» et les problèmes

de responsabilité;aux termes de la premièreil est demandé à la Cour de
dire le droit et de spécifierl'obligationde l'Australie derespecter ce droit.
Quelle difficultéy aurait-il faire droità cette conclusion en tout ou en
partie?
56. Je suisprêtà reconnaître qu'avant de pouvoir examiner lesconclu-
sionsultérieures,etdv faireéventuellementdroit. la Cour aurait dû d'abord.
tant sur le plan juridique que logique, faire droità la première conclu-
sion. Mais je ne reconnaispas l'inverse.Dans l'autre sens, ce lien n'existe
pas. La premièreconclusion a en effet un caractère autonome. La Cour
peut interpréterles demandes des Parties, ce qu'ellea fait du reste, dans
la pratique. La Cour aurait pu examiner la première conclusion et ré-

soudre le problèmepertinent sans aborder les autres.
57. La Cour n'est pas un organe composé seulement d'Etats ayant
pour fonction de statuer sur des différendsentre ceux d'entre eux qui veu-
lent bien reconnaître sa compétenceet s'y soumettre. La Cour est avant
tout ((l'organejudiciaire principal des Nations Unies)).Elle s'inscritdonc
dans une structure internationale. Sa fonction iudiciaire. définieau
chapitre II de son Statut et plus particulièrement en son article 36, doit
s'exercer conformément aux buts et principes des Nations Unies. La
Cour a contribué à élucideret à faire progresser le droit des Nations
Unies. La présente affairelui a offert une occasion de poursuivre cette
tâche. «La question du Timor oriental)) est encore à l'examendevant les
organespolitiquesde l'organisation des Nations Unies. Une fois saisieen

bonne et due forme (d'où l'importance d'éluciderla qualité pour agirdu
Portugal), la Cour a son rôle àjouer, pourvu que soient respectéesson
indépendanceetleslimitesde sa participation aux activitésde l'organisa-
tion. Aucune de cesexigencesn'aurait été menacéesi la Cour avait décidé
d'examiner la première conclusion. Cette conclusion, en effet, peut être
dissociéede la question du traité relatif au «TimorGap». Elle ne consti-
tue pas une demande présentée abusivement à la Cour.
58. Pour résumer,ledispositif del'arrêt aurait pu comporterlesconclu-
sions ci-après:

1) L'Organisation des Nations Unies a continué dereconnaître la qualité

du Portugal en tant que puissance administrante du Timor oriental.
Le Portugal a donc qualitépour agir devant la Cour dans la présente
instance au nom du Timor oriental.(2) The status of the Territory of East Timor as non-self-governing, and
the right of the people of East Timor to self-determination, including
its right to permanent sovereignty over wealth and natural resources,
which are recognized by the United Nations, require observance by
al1 Members of the United Nations. The Court takes note that in
these proceedings Australia has placed on record that it regards East
Timor as a non-self-governing territory and that it acknowledgesthe
right of its people to self-determination.

Distinction between involvement of interests and determination of rights
or duties
59. 1shall start by recalling the distinction between, on the one hand,
a legalinterest or interests of a third State (here Indonesia) being possibly
or actually involved in, or affected by, the case (but no more than that)

and, on the other hand, the ruling by the Court on such an interest or
interests. In the latter hypothesisthe legalinterest or interests "would not
only be affected by a decision, but would form the very subject-matter of
the decision" (Monetary Gold Removed from Rome in 1943, Judgment,
I.C.J. Reports 1954, p. 32), and that decision (i.e., the decision on the
responsibility of the third State) would become "a prerequisite" for the
determination of the claim (cf. Certain Phosphate Lands inNauru (Nauru
v. Australia), Preliminary Objections, Judgment, I. C.J. Reports 1992,
p. 261, para. 55; ibid., p. 296, Judge Shahabuddeen, separate opinion).
The present case merely "affects" or in a different manner "involves" an
interest or interests of Indonesia. The rule of consent, as embodied in
Article 36 of the Statute, is maintained; had the Court assumed jurisdic-
tion, it would not, and could not, pass on any rights and/or duties of
Indonesia. That country is, in particular, protected by Article 59 of the
Statute, whatever the possible broader effects of the Judgment.

60. The nature, extent or degree of the involvement of the legallypro-
tected interests, including the rights and duties, of a third state differ
from case to case. The Court must seewhether it can decide on the claim
without ruling on the interests of a third State. The involvement of these
interests cannot simply be equated with the determination of the rights
andlor duties of a third State by the Court, or with any determination
concerning that State's responsibility. If a decision on the claim can be
separated from adjudicating with regard to a State which is not party to
the litigation, the Court has jurisdiction on that claim. It is submitted
that thisis the position in the trianglePortugal-Australia-Indonesia.Here
the said separation is not only possible, but already exists. Portugal did
not put at issue the legal interests of a third State, i.e., Indonesia. The
Court has jurisdiction.

61. In Land, Island andMaritime Frontier Dispute (El Salvador/Hon-

duras), Application to Intervene, the Chamber of the Court left no doubt Le statut du Territoire du Timor oriental en tant que territoire non
autonome et le droit du peuple du Timor oriental à l'autodétermina-
tion, ainsi que son droià la souverainetépermanente sur sesrichesses
et ses ressources naturelles, droits qui sont reconnus par l'organisa-
tion des Nations Unies, doivent êtrerespectéspar tous les Membres
de l'organisation des Nations Unies. La Cour note qu'en l'espèce
l'Australiea déclaré qu'elle considèrle Timor oriental comme un ter-
ritoire non autonome et qu'elle reconnaît le droit de son peuple à
l'autodétermination.

Distinction entre la mise enjeu d'intérête st la déterminationde droits
ou devoirs
59. Je commencerai par rappeler la distinction à faire entre l'intérêt

juridique ou les intérêts juridiques d'unEtat tiers (ici, l'Indonésie)qui
seraient éventuellementou effectivement mis en jeu ou affectéspar une
affaire (mais sans plus), d'une part, et, de l'autre, la décisionque la Cour
serait appelée à prendre sur ledit ou lesdits intérêts. ans la dernière
hypothèse, l'intérêt ou les intérêts juridiques((seraient non seulement
touchéspar une décision, maisconstitueraient l'objet mêmede ladite
décision))(Or monétairepris a Rome en 1943, arrêt,C.I.J. Recueil 1954,
p. 32),et cette décision (c'est-à-direla décisionconcernant la responsabi-
lité de1'Etattiers) deviendrait une ((conditionpréalableà)toute décision
sur la demande (voir Certaines terres a phosphates à Nauru (Nauru
c. Australie), exceptions préliminaires,arrêt,C.I.J. Recueil 1992,p. 261,
par. 55; ibid., p. 296, opinion individuelle de M. Shahabuddeen). Or, la
présenteaffaire ne fait que «toucher» ou ((mettre enjeu» l'intérêt oules
intérêtsindonésiens.La règledu consentement énoncée à l'article 36 du

Statut est respectée;si la Cour avait exercésa juridiction, elle n'aurait
statué sur aucun des droits etlou des devoirs de l'Indonésie- elle ne
l'aurait pas pu. Ce pays est protégé,en particulier, par l'article 59du Sta-
tut, quels que puissent êtreles effetsplus larges de l'arrêt.
60. La nature et l'étenduede la mise enjeu des intérêtsjuridiquement
protégésd'un Etat tiers, y compris ses droits et ses devoirs, varient d'une
affaireà l'autre. La Cour doit examiner si ellepeut prendre une décision
sur une demande sans se prononcer sur les intérêts d'unEtat tiers. La
mise en jeu de ces intérêtse peut pas être purement etsimplement assi-
milée à une déterminationdes droits ou des devoirs d'un Etats tiers par la
Cour ou à une déterminationde la responsabilitéde cet Etat. Si la Cour
peut rendre une décisionsur une demande sans pour autant seprononcer
à l'égardd'un Etat qui n'est pas partie au litige, elle a alors compétence
en ce qui concerne cette demande. A mon avis, c'est précisémentle cas

dans la relation triangulaire Portugal-Australie-Indonésie. Ici, la distinc-
tion en question n'estpas seulementpossible, elleexistedéjà.Le Portugal
n'a pas mis en question les intérêts juridiquesd'un Etat tiers,à savoir
l'Indonésie.La Cour est compétente.
61. Dans l'affaire du Différend frontalier terrestre,insulaire et mari-
time (El Salvador/Honduras), requête a$n d'intervention,la Chambre deas to the relevance of the distinction indicated in paragraphs 59 and 60
above. The Chamber interpreted the finding in the Monetary Gold case:

"while the presence in the Statute of Article 62 might impliedly
authorize continuance of the proceedings in the absence of a State
whose 'interests of a legal nature' might be 'affected',this did not
justify continuance of proceedings in the absence of a State whose

international responsibility would be 'the very subject-matter of the
decision'.The Court did not need to decide what the position would
have been had Albania applied for permission to intervene under
Article 62." (I.C.J. Reports 1990, pp. 115-116,para. 55.)

The Chamber then proceeded to explore whether there existed, on the
part of the third State (Nicaragua), an "interest of a legal nature which

[might]be affected by the decision", so as to justify an intervention, and
then whether that interest might in fact form "the very subject-matter of
the decision" (ibid., p. 116, para. 56). The Chamber found that there
existed, on the part of that third State, "an interest of a legal nature
which [might]be affected by its decision"; but it came to the conclusion
that "that interest would not be the 'verysubject-matter of the decision'
in the way that the interests of Albania were in the case concerning the
Monetary Gold Removed from Rome in 1943" (ibid., p. 122, paras. 72
and 73).
62. The criterion of the "very subject-matter of the decision" is con-
clusive in establishing the Court's jurisdiction when the interests of a
third State are or seem to be at stake. As the Court said: "The circum-
stances of the Monetary Gold case probably represent the limit of the
power of the Court to refuse to exercise its jurisdiction"; otherwise,
1 think, there would be doubt whether the Court was fulfillingits task
and mission: "it must be open to the Court, and indeedits duty, to give

the fullest decision it may in the circumstances of each case, unless of
course" the factor of the subject-matter of the decision intervenes (Con-
tinental Shelf (Libyan Arab Jamahiriya/Malta), Applicationfor Permis-
sion toZntervene,Judgment, 1.C.J. Reports 1984, p. 25,para. 40; empha-
sis added). The duty to fulfilits function is a primary one for the Court.
Hence in its previous decisionsthe Court has adopted a reasonable inter-
pretation of the Monetary Gold rule. One might even say: an interpreta-
tion which is not broad. This stance was adopted by the Court in Certain
Phosphate Lands in Nauru, Preliminary Objections.In this case, where
Nauru was claimant, the Court found that it had jurisdiction in spite of
the fact that the Respondent State (Australia) was only one of three
States (the other two being New Zealand and the United Kingdom) who
jointly constituted the AdministeringAuthority of Nauru under the Trus-
teeship Agreement. A decision on Australia's duties in that capacity
would inevitably and at the same time be a decision on the identical

duties of the remainingtwo States. In other words, though the "subject-la Cour n'a laissésubsister aucun doute quant à la pertinence de la dis-
tinction indiquée aux paragraphes 59 et 60 ci-dessus. Elle a interprétéle
jugement rendu dans l'affaire de l'Or monétairede la façon suivante:
«si la présencede l'article 62 dans le Statut pouvait autoriser impli-
citement la continuation de la procédureen l'absenced'un Etat dont
les ((intérêtsjuridiques)) risqueraient d'êetouchés» par la déci-
sion, cela ne justifiait pas sa continuation en l'absence d'un Etat
dont la responsabilité internationale constituerait'objetmêmede
ladite décision)).La Cour n'avait pas besoin de déciderce qui se

seraitproduit sil'Albanie avait présentéune requête find'interven-
tion fondée sur l'article 62.» (C. Z. Recueil 1990, p. 115-116,
par. 55.)
La Chambre a recherché ensuitesi 1'Etattiers (le Nicaragua) avait établi
l'existenced'un ((intérêtd'ordre juridiqususceptible d'être affecpar la
décision))etjustifiant,par conséquent,l'intervention,puis a cherchésicet
intérêt pouvaietffectivementconstituer ((l'objetmêmedeladite décision))
(ibid., p. 116,par. 56). Elle a estimé qu'il existait,de la part de cet Etat

tiers,«un intérêt d'ordre juridiquesusceptible d'être affecpar sa déci-
sion)); mais elle a conclu que«cet intérêtne constituerait pas ((l'objet
mêmede ladite décision)),comme l'étaientles intérêts de l'Albanie dans
l'affaire de'Or monétairepris à Rome en 1943))(ibid.,p. 122,par. 72 et
73).

62. Le critère de «l'objet mêmede la décision)) établitde manière
concluante la compétence dela Cour quand les intérêts d'unEtat tiers
sont ou semblent êtreen jeu. Comme l'a dit la Cour, «les circonstances
de l'affaire del'Or monétaire marquent vraisemblablement la limite du
pouvoir de la Cour de refuser d'exercer sajuridiction)).Je crois qu'autre- .
ment on pourrait se demander si la Cour s'acquitte de sa tâche et de sa
mission: «la Cour doit avoir la faculté,et elle a enfait l'obligation, dese
prononcer aussi complètement que possible dans les circonstances de
chaque espèce,sauf évidemment))lorsque l'élémend te l'objet mêmede la
décision intervient (Plateau continental (Jamahiriya arabe libyenne/
Malte), requête à fin d'intervention, arrêtC.Z.J R.ecueil 1984, p. 25,
par. 40; les italiques sont de moi). Le devoir de remplir sa fonction a
pour la Cour une importance primordiale. C'est pourquoi, dans ses pré-
cédentes décisionsla Cour a adoptéune interprétation raisonnable de la

règleformulée dans l'affairede l'Or monétaire. On pourrait mêmedire
que cette interprétation n'est pasèslarge. C'estla position que la Cour
a adoptée dansl'affaire deCertaines terresà phosphates à Nauru, excep-
tionspréliminaires.Dans cette affaire, où Nauru étaitle demandeur, la
Cour a estiméqu'elleavait compétencebien que 1'Etatdéfendeur(1'Aus-
tralie) ne fût que l'un destrois Etats (les deux autres étantla Nouvelle-
Zélande et le Royaume-Uni) qui constituaient conjointement l'autorité
administrante de Nauru en vertu de l'accord de tutelle. Toute décision
sur les devoirs incombant à l'Australià ce titre serait inévitablementetmatter" was the same, the Court could exercise its jurisdiction with
regard to only one component State of the tripartite Administering
Authority. The Court said:

"In the present case, a findingby the Court regardingthe existence
or the content of the responsibility attributed to Australia by Nauru
might wellhave implications for the legal situation of the two other
Statesconcerned,but no findingin respect of that legal situation will

be needed as a basis for the Court's decision on Nauru's claim
against Australia. Accordingly, the Court cannot decline to exercise
its jurisdiction." (I.C.J. Reports 1992, pp. 261-262,para. 55.)

63. There is room for applying the concept inherent in the foregoing
dictumin Certain Phosphate Lands inNauru to the present case: no find-
ing on Indonesia creates a necessary "basis" for the jurisdiction with

regard to Portuguese claims against Australia, nor is there any necessary
("logical", ibid., p. 261, para. 55) link between the findings regarding
Indonesia and those concerning Australia (the element of "a prerequi-
site").
64. But Our problem is not limited to what results from applying the
test of the distinction made by the Monetary Gold rule. The practice of
the Court amply showsthat it iscompetent to decidebilateral disputeson
territorial titles (including titles to submarinereas), the delimitation of
boundaries and the status of a territory or territorial entity. The latter
subject ispresent in the caseunder consideration. What the Court decides
on these and similar issues may be asserted with regard to al1States. In
spite of the dispute being one between two States such a decision of the
Court is effectiveerga omnes. In the practice of the Court (and the same
is true of the Permanent Court) the said category or categories of subject-
matter did not, and could not, constitute a bar to the exerciseof thejuris-
diction in a dispute between two States only, though the effect of the

decision went beyond the bilateral relationship. The latter circumstance
was not regarded by the Court as preventing it from rendering judg-
ments. Examples are the Fisheries, Minquiers and Ecrehos and Temple
of Preah Vihear cases, as well as the decisions on various continental
shelves.

65. Jurisdiction (andlor admissibility) cannot be questioned (as was
done in the present case) because the bringing of a claim against a State
may have consequences which in fact go beyond that claim as would the
decision of the Court were it to find in favour of the Claimant State. In
similar or identical circumstances another State can reasonably expect a
similar or identicaldecision by the Court. But here we are moving on the
plane of a factual situation or factual possibilities. Such factual conse-simultanémentune décisionsur les devoirs identiques des deux autres
Etats. En d'autres termes, bien que l'«objet» de la décisionfût le même,
la Cour pouvait n'exercer sa compétencequ'à l'égard d'unseul des Etats
composant l'autorité administrante tripartite. La Cour a déclaré :

«Dans la présente affaire,toute décisionde la Cour sur l'existence
ou le contenu de la responsabilité que Nauru impute à l'Australie
pourrait certes avoir des incidences sur la situation juridique des
deux autres Etats concernés, maisla Cour n'aura pas àseprononcer
sur cette situation juridique pour prendre sa décisionsur les griefs
formuléspar Nauru contre l'Australie. Par voie de conséquence,la
Cour ne peut refuser d'exercer sajuridiction.» (C.I.J. Recueil 1992,
p. 261-262,par. 55.)

63. Il est touà fait possible d'appliquerà la présente affairela notion
inhérente à l'avis ainsi exprimédans l'affaire de Certaines terresà phos-
phates à Nauru: la Cour n'a pas à se prononcer au sujet de l'Indonésie
pour se doter d'une basede compétence à l'égard desdemandes du Por-
tugal contre l'Australie, et il n'y a pas non plus de lien nécessaire((10-

gique», ibid., p. 261, par. 55) entre les décisionsconcernant l'Indonésie
et celles concernant l'Australie (l'élémendt'une ((condition préalable))).
64. Mais notre problèmene se limite pas à ce qui résulte del'applica-
tion des critères fournis par la distinction établie dans la règlede l'Or
monétaire. La pratique de la Cour montre amplement que celle-ci est
compétentepour réglerdes différendsbilatéraux concernant des revendi-
cations territoriales(y compris des revendications portant sur des zones
sous-marines),,concernant la délimitationde frontières ou concernant le
statut d'un territoire ou d'une entité territoriale. On retrouve cette der-
nièrequestion dans la présenteaffaire. Ceque la Cour décidesur cesques-
tions et des questions analogues peut être invoqué à l'égard de tousles
Etats. Bienqu'il s'agissed'un différendentre deux Etats, la décision dela

Cour a une valeurerga omnes.Dans la pratique de la Cour (et l'observa-
tion vaut pour la Cour permanente), ladite ou lesditescatégories d'objets
n'ont pas constitué - et ne pouvaient d'ailleurs pasconstituer- un obs-
tacle à l'exercicede la compétencedans un différendentre deux Etats
seulement, bien que l'effet de la décisionfût alléau-delà de la relation
bilatérale.La Cour n'a pas considéré que cette dernière circonstancle'em-
pêchait de rendreun arrêt.On peut citer comme exemplesles arrêtsrendus
dans les affaires desPêcheries,des Minquiers et Ecréhous,et du Temple
de Préah Vihéar,ainsi que les décisions relatives à divers plateaux conti-
nentaux.
65. La compétence (etlou la recevabilité)ne peut pas êtremiseen ques-
tion (commecela a été fait dans la présenteaffaire)du fait que l'introduc-

tion d'une demandecontre un Etat peut avoir des conséquencesallant, en
fait, au-delà de cettedemande, ce qui serait le cas sila Cour seprononçait
en faveur de 1'Etat demandeur. Dans des circonstances analogues ou
identiques,un autre Etat peut logiquement attendre de la Cour une déci-
sion analogue ou identique. Mais il s'agit ici d'une situation de fait ouquences of a claim and of ajudgrnent in which the Court found in favour
of the Claimant State are something other than that claim itself. These
facts or factual possibilitiesdo not turn the claim into a moot one, nor do
they make a third State the only object of the claim. The claims put for-
ward by Portugal are real and are addressed to the Respondent State; the
non-participation in the proceedings of a third State (Indonesia) does not
deprive the Court ofjurisdiction, nor does it make the Portuguese claims
inadmissible.
66. For in the present case the separation of the rightsandior duties of
Australia and Indonesia is both possible and necessary. A judgrnent on
the merits should and could have given expression to this separation. In
this case the vital issues to be settled (to borrow an expression from the
Monetary Gold case (I.C.J. Reports 1954, p. 33), do not concern the

international responsibility of a third State,i.e., Indonesia.

67. The case, there can be no doubt, involves or affects some interests
of Indonesia. But this fact is not a bar to the Court's jurisdiction, nor
does it make the various claims inadmissible. The Court's practice,
referred to above, corroborates this conclusion. The interests of Indo-
nesia are sufficientlyprotected by the Statute of the Court. They do not
constitute "the very subject-matter of the decision". Hence the Monetary
Gold rule excludingjurisdiction cannot be invoked in the present case: its
premise is lacking in the East Timor controversy.

United Nations law and the question whether Indonesia is a necessary

Party
68. Contrary to what has been contended by Australia, Portugal has
not chosen the "wrong opponent". In other words, this is the issue of the
"prerequisite" in the sense of Monetary Gold (paras. 59 and 63 above).
But in the present proceedings Portugal asserts claims against Australia
only, and not against any absent State, i.e., Indonesia. The Court is not
required to exercisejurisdiction over any such State. Australia is not the

"wrong" opponent in the present proceedings, while Indonesia is not an
opponent at al1in them. The whole distinction in this case is both ficti-
tious and not a genuine one.
69. In the case concerning Military and PararnilitaryActivities in and
against Nicaragua, the United States asserted that the adjudication of
Nicaragua's claim would necessarily implicate the rights and obligations
of some other Central AmericanStates, viz., Costa Rica, El Salvador and
Honduras. While rejecting this assertion and pointing out that it had "in
principle" merely to decide upon the submissions of the Applicant State,
the Court said:

"There is no trace, either in the Statute or in the practice of inter-
national tribunals, of an 'indispensable parties' rule of the kind
argued for by the United States, which would only be conceivableind'éventualitésfactuelles. Ces conséquences factuellesd'une demande ou
d'un arrêtfavorable à1'Etatdemandeur sont à distinguer de la demande
proprement dite. Ces faits ou ces éventualitésfactuelles ne rendent pas
la demande fictive, ou ne signifient pas non plus qu'elle ne vise qu'un
Etat tiers. Les demandes présentéespar le Portugal sont réelleset s'adres-
sent à 1'Etatdéfendeur;la non-participation d'un Etat tiers (l'Indonésie)
à l'instancen'ôte pas sa compétence à la Cour et ne rend pas non plus les
demandes portugaises irrecevables.
66. Dans la présenteaffaire, il està la fois possible et nécessaire de

dissocier les droits etlou devoirs de l'Australie de ceux de l'Indonésie.
Une décisionsur le fond aurait dû et aurait pu exprimer cette dissocia-
tion. Dans la présenteaffaire, les questions essentiellestrancher (pour
reprendre une expression de l'arrêt rendu dansl'affaire de'Or monétaire
(C.I.J. Recueil 1954,p. 33)) ne concernent pas la responsabilitéinterna-
tionale d'un Etat tiers, savoir l'Indonésie.
67. Il est certain que l'affaire met en cause ou affecte mêmecertains
intérêtdse l'Indonésie. Maisce fait n'est pas un obstaclel'exercicede la
compétence dela Cour et ne rend pas les diversesdemandes irrecevables.
La pratique de la Cour, évoquéeplus haut, corrobore cette conclusion.
Les intérêtdse l'Indonésie sontsuffisammentprotégés parle Statut de la
Cour. Ils ne constituent pas ((l'objet mêmede la décision)).Par consé-

quent, le critèred'incompétence énoncé dans l'affaire del'Or monétaire
ne peut pas être invoquéen l'espèce:la prémisse nécessaire estabsente
dans la controverse concernant le Timor oriental.

Le droit des Nations Uniessur la question de savoirsi l'Indonésie estune
partie indispensable

68. Contrairement à ce qu'a soutenu l'Australie, le Portugal ne s'est
pas trompé d'adversaire.En d'autres termes, on se trouve ici enprésence
de la question de la ((condition préalable)) au sens de l'Or monétaire
(par. 59et 63ci-dessus).Mais, dans la présenteinstance, les demandesdu
Portugal sont dirigéesuniquement contre l'Australie, et non contre un
Etat absent, en l'occurrence l'Indonésie.La Cour n'est pas tenue d'exer-
cer sajuridictionà l'égard d'untel Etat, quel qu'il soit. L'Australien'est
pas visée «à tort» dans la présenteinstance, et l'Indonésien'y est pas
viséedu tout. Cette distinction est, en l'espèce,la fois fictiveet fausse.

69. Dans l'affaire des Activitésmilitaires et paramilitaires au Nicara-
gua, les Etats-Unis ont affirméque toute décisionen la matière mettrait
nécessairementen causelesdroits et lesobligationsd'autres Etats d'Amé-
rique centrale,à savoir le Costa Rica, El Salvador et le Honduras. Tout
en rejetant cette affirmationet en rappelantu'«en principe)), ellen'avait
à se prononcer que sur les conclusions de 1'Etat demandeur, la Cour a
déclaré:

«Dans le Statut comme dans la pratique des tribunaux internatio-
naux, on ne trouve aucune trace d'une règleconcernant les ((parties
indispensables» comme celle que défendentles Etats-Unis, qui ne parallel to a power, which the Court does not possess, to direct that
a third State be made a party to proceedings." (Military and Para-
military Activities in and against Nicaragua (Nicaragua v. United
States of America), Jurisdiction and Admissibility, Judgment, I.C.J.
Reports 1984, p. 431, para. 88.)
Mutatis mutandis, this dictum is helpful in resolving the issue of the

"right" or "wrong" opponent. Let me explain that 1regard the rule stated
as sound. 1 am not expressing any opinion on whether there was room
for its application in the case concerning Military and Paramilitary
Activities in and againstNicaragua or whether it was correctly applied in
the light of the existing evidence.
70. The basis for the decision on jurisdiction and admissibility and,
further, on the merits is the status of East Timor. Under the law of the
United Nations, East Timor was and, in spite of its incorporation into
Indonesia, remains a non-self-governingterritory in the sense of Chap-
ter XI of the United Nations Charter. This issue, fundamental to the
case, is governed by the law of the United Nations. Unless the Court

finds that the Organization acted ultra vires, the Court's opinion cannot
diverge from that law and from the implementation of the rules of that
law in the practice of the Organization, especiallyas reflectedin the rele-
vant resolutions of the General Assembly and the Security Council l.

71. Under the law and in the practice of the Organization the imple-
mentation of Chapter XI of the Charter is part and parce1of the func-
tions of the General Assembly. In at least some issues falling under that
Chapter Member States are not confronted with mere recommendations:
the Assembly is competent to make binding detenninations, including
determinations on the continued classification of an area as a non-self-
governing territory or on the administering Power.

72. The Court accepts that in some matters the General Assembly has
the power to adopt binding resolutions. By resolution 2145 (XXI) the
Assemblyterminated the Mandate for South West Africa and stated that
the Republic of South Africa had "no other right to administer the Ter-
ritory". This was not a recommendation. In the Namibia case, the Court
explained :

"it would not be correct to assume that, because the General Assem-
bly isin principle vestedwith recornrnendatory powers, it isdebarred
from adopting, in specificcases within the framework of its compe-
tence, resolutions which make determinations or have operative

'The Memorial speaks of "une donnée"(a "given") of which "the Court willonly need
to take note". Thisonnée"is constituted by the "affirmations" that "the people ofEast
self-governingTerritory, and lastly, that Portugal is de jure the administering Power-
thereof' (para..02). serait concevable que parallèlement à un pouvoir, dont la Cour est
dépourvue,de prescrire la participation a l'instance d'unEtat tiers. ))
(Activitésmilitaires et paramilitaires au Nicaraguaet contre celui-ci
(Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique),compétenceet recevabilité,
arrêt, C.Z.J. Recueil 1984, p. 431, par. 88.)

Mutatis mutandis, cette déclaration est utile pour résoudrele problème
du ((véritable))ou du «faux» adversaire. Qu'ilme soit permis de dire que
je considèrela règleénoncée commeraisonnable. Je ne formule aucune
opinion sur le point de savoir s'il était possible de l'appliquer dans
l'affaire desActivitésmilitaires etparamilitaires au Nicaraguaou si ellea
été correctementappliquéecompte tenu des éléments de preuve existants.
70. La cléde la décision,pour se prononcer sur la compétenceet la

recevabilitéet, en outre, sur le fond de l'affaire, est le statut du Timor
oriental. Selon le droit des Nations Unies, le Timor oriental était et, en
dépit de son incorporation à l'Indonésie, demeureun territoire non auto-
nome au sens du chapitre XI de la Charte des Nations Unies. Cette ques-
tion, qui est fondamentale en l'espèce,est régiepar le droit des Nations
Unies. A moins que la Cour n'estimeque l'organisation a agi ultra vires,
l'opinion dela Cour ne peut pas s'écarterde ce droit et de l'application
des règles de ce droit dans la pratique de l'organisation, notamment
telles qu'ellessont énoncées dans les résolutions pertinentes de 1'Assem-

bléegénéraleet du Conseil de sécurité l.
71. En droit et dans la pratique de l'organisation, la mise en Œuvredu
chapitre XI de la Charte fait partie intégrante des fonctions de 1'Assem-
bléegénérale.Dans certains cas au moins relevant de ce chapitre, les
Etats Membres ne sont pas confrontés a de simples recommandations:
l'Assembléea compétencepour prendre des décisionsobligatoires, y
compris des décisionsquant à savoir si un territoire continue d'êtreclassé
dans la catégoriedes territoires non autonomes et quelle est la puissance
administrante.
72. La Cour reconnaît qu'en certainesmatièresl'Assemblée généraa le

le pouvoir d'adopter des résolutions obligatoires.Par sa résolution2145
(XXI), l'Assembléea mis fin au mandat sur le Sud-Ouest africain et a
déclaré que la Républiqued'Afrique du Sud «n'a[vait] aucun autre droit
d'administrer le Territoire)). Il ne s'agissait pas d'une recommandation.
Dans l'affaire de la Namibie, la Cour a précisé:

«il serait...inexact de supposer que, parce qu'ellepossède enprin-
cipe le pouvoir de faire des recommandations, l'Assemblée générale
est empêchéd e'adopter, dans des cas déterminésrelevant de sa com-
pétence, desrésolutions ayantle caractèrede décisionsou procédant

'Le mémoire parleà cet égardd'une((donnée» dont «la Cour n'aur..qu'à prendre
acte».Cette ((donnée))est constituéepar les ((affir..que le peuple du Timor ori-
ental jouit du droitdisposer de lui-même,ue le Territoire du Timor oriental est un
territoire non autonome, enfinque le Portugal en est, la Puissanceadministrante))
(par. 3.02). design" (Legal Consequencesfor States of the Continued Presence
of South Africa in Namibia (South West Africa) notwithstanding

Security CouncilResolution 276 (19701, Z.C.J. Reports 1971, p. 50,
para. 105).
73. It is not clear why in the present case the Court seems in fact to
look at the resolutions of the Assembly on colonial issues from a differ-

ent angle. The Court neither denies nor confirms their binding force. The
Court says :
"Without prejudice to the question whether the resolutions under
discussioncould be binding in nature, the Court considersas a result

that they cannot be regarded as 'givens'which constitute a sufficient
basis for detennining the dispute between the Parties." (Judgment,
para. 32.)
But in one, rather significant, instance the Court has recourse to a

"given": it follows the United Nations resolutions and qualifies Indo-
nesian action against and in East Timor as intervention (Judgment,
paras. 13and 14).
74. The words, quoted in paragraph 73 above, raise another question.
Do they concern jurisdiction or merits? The whole paragraph 32 of the
Judgment seems to deal with the merits. At the same time the Court
reduces this paragraph to consideration of the problem of "an obligation
on third States to treat exclusivelywith Portugal as regards the continen-
tal shelf of East Timor". An examination limited to that problem obvi-
ously does not put the Court in a position enablingit to bring forward al1
the arguments which wouldjustify itsnegativeconclusion on the "givens".
The latter constitute a wider problem, not restricted to the issue of who
can treat with whom. Also, the conclusion at the end of the first subpara-
graph of paragraph 31 of the Judgment resolves an issue of merits.
75. The Court links the continuity of the status of the Territory,
including the relevance of the principle of self-determination, first ofal1

to the Parties' position (Judgment, paras. 31 and 37). But it is rather dif-
ficult to define the Court's stance because in the following passages the
resolutions regain their autonomous significance.It is not clear why the
Court, after having surveyed the United Nations acts, does not take up
the problem of "the legal implications that flow from the reference to
Portugal as the administering Power in those texts" (Judgment, para. 31);
instead, the Court concentrates on treaty-making. That question is not
fully examined and yet the Court expresses some doubts regarding Por-
tugal's claim to exclusivityin concludingagreements in and on behalf of
East Timor. Again, incidentally, a problem of merits.

76. The Court's stance commented upon in paragraphs 74-75 is in
some contrast with the Orders in Questions ofznterpretation and Appli-

cation of the 1971 Montreal Convention arisingfrom the Aerial Incident d'une intention d'exécution»(Conséquences juridiques pourles Etats
de la présencecontinue de l'Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest
africain) nonobstant la résolution276 (1970) du Conseilde sécurité,
avisconsultat$ C.I.J. Recueil 1971, p. 50, par. 105).

73. On voit mal pourquoi, dans la présente affaire, la Cour paraît en
fait considérerles résolutionsde l'Assemblée générale relativeaux ques-
tions coloniales sous un angle différent. La Cour ne nie ni ne confirme
leur caractère obligatoire. La Cour dit:

«Sans préjudicede la question de savoir si lesrésolutions àl'exa-
men pourraient avoir un caractère obligatoire, la Cour estime en
conséquence qu'ellesne sauraient êtreconsidérées comme des «don-
nées» constituant une base suffisante pour trancher le différendqui
oppose les Parties. (Arrêt,par. 32.)

Mais, dans un cas assez significatif, la Cour mentionne une «donnée»:
évoquantlesrésolutionsde l'OrganisationdesNations Unies, ellequalifie
l'action de l'Indonésie contreleTimor oriental et dans ce territoire«in-
tervention)) (arrêt, par. 13et 14).
74. Les termes citésau paragraphe 73 ci-dessus soulèventune autre
question. Concernent-ils la compétence ou le fond? Tout le para-
graphe 32 de l'arrêtparaît traiter du fond. En mêmetemps, la Cour
réduitce paragraphe à l'examendu problèmede «l'obligation [desEtats
tiers] de traiter exclusivementavec le Portugal pour ce qui est du plateau
continental du Timor oriental)). Un examen limité àceproblèmene place

manifestement pas la Cour dans une situation qui lui permettrait d'avan-
cer tous les arguments qui justifieraient sa conclusion négativesur les
«données». Ces dernièresconstituent un problèmeplus vaste, qui ne se
limitepas à la question de savoir qui peut traiter avecqui. La conclusion,
au paragraphe 31 de l'arrêt, trancheégalement unequestion de fond.
75. La Cour lie la continuité dustatut du Territoire,y compris la per-
tinence du principe de l'autodétermination, d'abord à la position des
Parties (arrêt,par. 31 et 37). Mais il est assez difficilede définirla posi-
tion de la Cour, car dans les passages suivants les résolutions reprennent
leur signification autonome. On ne voit pas pourquoi la Cour, après
avoir passé en revueles actes de l'organisation des Nations Unies, n'étu-
die pas le problème des ((conséquencesjuridiques qui s'attachent à la
mention du Portugal comme puissance administrante dans ces textes»
(arrêt,par. 31); au lieu de procéderà cet examen, la Cour s'attache à la

conclusion du traité. Cette question n'est pas examinée à fond et pour-
tant la Cour exprime des doutes quant à la prétention du Portugal à
l'exclusivitédu ouv voirde conclure des accords concernant le Timor
oriental et au nom de celui-ci. Une fois de plus, incidemment, c'est là
encore un ~roblèmede fond.
76. La prise de position de la Cour, dont il est question dans les para-
graphes 74 et 75 ci-dessus, présente uncertain contraste avec les ordon-
nances rendues dans les affaires relativesdes Questions d'interprétationut Lockerbie (I.C.J. Reports 1992, pp. 3 and 114).These Orders respect
the decision of the Security Council on the merits of the two cases,
though that decision was adopted after the close of the hearings (ibid.,
pp. 14-15,paras. 34-42; and pp. 125-127,paras. 37-45)and the law, while

leaving the Court some freedom of choice, could be understood as point-
ing to a different solution (see ibid., dissenting opinions, pp. 33 et seq.
and 143et seq.). In regard to East Timor, the subject-matter is regulated
by law and by resolutions whichmake binding determinations. One would
think that the Court cannot avoid applying the relevant rules. But the
Court prefers to maintain a certain distance.

77. By taking cognizanceof the status of East Timor in United Nations
law, resolutions included, the Court would not be passing upon any
Indonesian territorial or other rights, duties, jurisdiction or powers. In
this casethe Court would not require any proof of that status on the part
of Portugal. Nor is any finding on Indonesian conduct and position
necessary to adjudication upon Portuguese claims. Interestinglyenough,
the Judgment qualifies the Indonesian action as intervention (paras. 13
and 14).Will this have its effects?Intervention (particularly military) is
by definition unlawful and produces no rights or title until there is a deci-
sion by the United Nations validating its consequences or until there is
universal recognition.

78. The law of the United Nations is binding on al1Member States.
The status of a territory, in view of its objective nature,s opposable not
only to each of them but also to non-Members. This applies to the non-
self-governingTerritory of East Timor. Also, the right of the East Timor-
esepeople to freely determinetheir future and the position of the admin-
istering Power are opposable to every State (and this includesAustralia).
Therefore, in this context, it is erroneous to regard Australia as the
"wrong" respondent and Indonesia as the "true" one. The present case
does not justify such a contradistinction. Nor, as the Court explains, is it
"relevant whether the 'real dispute' is between Portugal and Indonesia
rather than Portugal and Australia" (Judgment, para. 22). There is, no
doubt, more than one dispute with regard to East Timor, but in this case
the Court has been seised ofa specificdispute which qualifies for being
decided on the merits.

79. There is yetanother reason why the presence of Indonesia, a coun-
try which has an interest in the case (although it made no request con-
cerningits possible intervention), is not a precondition of adjudication. If
the contrary were true, the Court would practically be barred from decid-

ing whenever the application of the erga omnes rule or rules and the
opposability of the legal situation so created were at stake; the Court's
practice does not corroborate such a limitation (paras. 64 and 65 above).
The presenceof a third Statein the proceedingsbefore the Court (whether
as party or intervening) is not necessaryfor that organ to apply and inter-et d'applicationde la convention de Montréalde 1971 résultantde I'inci-
dent aériende Lockerbie (C.Z.J. Recueil 1992, p. 3 et 114). Ces ordon-
nances respectent la décisiondu Conseil de sécuritésur le fond des deux
affaires, bien que cette décisionait étéadoptée après la clôturedes plai-
doiries (ibid., p. 14-15, par. 34-42, et p. 125-127,par. 37-45) et que le
droit, tout en laissant la Cour une certainelibertéd'appréciation,puisse
être entenducomme appelant une solution différente (voir ibid., opinions
dissidentes,p. 33 et suiv. et 143et suiv.). S'agissantdu Timor oriental, la
question est régiepar le droit et par des résolutions quiont force obliga-
toire. On pourrait penser que la Cour ne saurait éviterd'appliquer les
règlespertinentes. Mais la Cour préfèregarder ses distances.
77. En prenant acte du statut du Timor oriental au regard du droit des
Nations Unies, y compris des résolutions pertinentes, la Cour ne statue-

rait aucunement sur lesdroits, lesdevoirs, lajuridiction ou la compétence
de l'Indonésieen matière territoriale ou autre. La Cour n'aurait pas
besoin, en l'espèce, d'exigerne preuve quelconque de ce statut de la part
du Portugal. Elle n'a pas non plus besoin de seprononcer sur le compor-
tement et la position de l'Indonésiepour statuer sur les demandes du
Portugal. Il est intéressantde noter que l'arrêtqualifie l'acte de 1'Indo-
nésied'«intervention» (par. 13-14).Cela aura-t-il des effets? L'interven-
tion (militairenotamment) est par définitionilliciteet ne créeaucun droit
ou titre tant qu'il n'y a pas eu de décision del'Organisation des Nations
Unies en validant les conséquences,ou de reconnaissance universelle.
78. Le droit des Nations Unies lie tous les Etats Membres. Le statut
d'un territoire, étant donné son caractèreobjectif, est opposable non
seulement à chacun d'entre eux, mais aussi aux Etats non membres.
Cela s'appliqueau Territoire non autonome du Timor oriental. En outre,
le droit du peuple du Timor oriental de déterminer librement son avenir

et la position de la Puissance administrante sont opposables à tous les
Etats (y compris l'Australie). Il est donc faux, dans ces conditions, de
considérerque c'estl'Indonésie, et non l'Australie, quiest le((véritable))
défendeur. Une telle distinction ne se justifie pas en l'espèce. Il est
sans importance aussi, comme l'explique la Cour, de déterminer si le
((différendvéritable))opposele Portugal à l'Indonésie plutôtqu'à 1'Aus-
tralie (arrêt,par. 22). Il existe, sans aucun doute, plus d'un différend
au sujet du Timor oriental, mais dans la présenteaffaire la Cour n'a
étésaisie que d'un différend spécifique,lequelappeIleune décisionsur le
fond.
79. Il est une autre raison encore pour laquelle la présence de
l'Indonésie,pays qui a un intérêt dansl'affaire (bien qu'ellen'ait pas
déposé derequête à fin d'intervention), n'est pas une condition préalable
à toute décision.Si c'étaitle cas, la Cour serait pratiquement empêchée

de statuer chaque fois que l'application de la règle ou des règles erga
omnes et l'opposabilitéde la situation juridique ainsi crééeseraient en
cause; or, la pratique de la Cour ne corrobore pas une telle restriction
(voir ci-dessuspar. 64-65).11n'est pas indispensablequ'un Etat tiers par-
ticipeà la procédure devant la Cour (que ce soit en qualitéde partie oupret the United Nations resolutions, in particular to take note of their
effect.

80. Australia has presented itself to the Court as simply a third State
which has responded to a situation brought about by Portugal and Indo-
nesia. Without entering into the issue of the treatment of these two States
on the same levelof causation, the Court can examine and determine the

lawfulnessof Australia's responseto the said situation. There is no essen-
tial requirement that, in the judicial proceedings devoted to that exami-
nation and determination, Indonesia be a party. It isenough for Portugal
to prove its claim against Australia.
81. The conclusion is that Indonesia is not a necessary party, i.e., one
without whose participation the Court would be prevented by its Statute
from entertaining the Application. Nor is Indonesia the "true" party '.
The dispute brought before the Court is one different from a potential or
existing dispute between Portugal and Indonesia, even though some
questions at issue are or may be identical.

Subject-matter of the decision

82. The rights of Indonesia could not, need not and would not consti-
tute any "formal" or "actual" subject-matter of the decisionon the merits.
The claims submitted by Portugal are distinct from the alleged rights,

duties and powers of Indonesia. There is no difficulty in separating the
subject-matter of the present case from that of a theoretical case between
Portugal and Indonesia. The fact of the incorporation of East Timor is
(or would be) the same for the two cases, the existingone and the imagi-
nary one. But the rights and duties of Indonesia and Australia are not
mutually interdependent; the contents of some of them are identical, yet
this is irrelevant to the problem whether a specificState (Australia) con-
formed to rules of law governing East Timor. That problem can be
decided by the Court without linking its decision to any prior or simul-
taneous finding on the conduct of another State (Indonesia) in the same

matter. To exercisejurisdiction with regard to Australia it is not neces-
sary for the Court to decide on the question of Indonesian duties con-
cerning the Territory.

83. In the case concerning Military and Paramilitary Activities in and
against Nicaragua, the Court said:

' By using in its resolutions the expressions "al1interested parties" (resolution36/50)
and "al1 parties directly concerned" (resolution37-30and these expressions cover
Indonesia - the General Assembly identified the interested States with regard to the
fications. For a contrary view,see Counter-Mernorial, paras. 214 and, whatever its rami-d'intervenant) pour que cet organe applique et interprète les résolutions
de l'organisation des Nations Unies, et en particulier prenne acte de leur
effet.
80. L'Australie s'est présentéd eevant la Cour comme un simple Etat
tiers qui a réagià une situation créée par le Portugal et l'Indonésie.Sans
devoir pour autant chercher si ces deux Etats sont responsables au même

titre de cettesituation, la Cour peut examiner et déterminerlalicéité de la
réactionde l'Australie àladite situation. Il n'estpas essentielque 1'Indo-
nésiesoit partie àla procédurejudiciaire consacrée à cet examen et à cette
détermination. Il suffit que le Portugal prouve que sa requête contre
l'Australie est fondée.
81. Il découlede ce qui précèdeque l'Indonésien'est pas une partie
indispensable, au sens où, en l'absence desa participation, la Cour serait
empêchép ear son Statut de juger la requêterecevable. L'Indonésien'est

pas non plus la «véritable» partie1. Le différendporté devant la Cour
n'est pas un différend,potentiel ou réel,entre le Portugal et l'Indonésie,
mêmesi certaines questions en cause sont effectivement ou peuvent être
identiques.

Objet de la décision

82. Les droits de l'Indonésiene peuvent, ne doivent ni ne sauraient
constituer l'objet «formel» ou «véritable» de la décisionau fond. Les
demandes présentées par le Portugal sont distinctes des prétendus droits,
devoirs et compétences del'Indonésie. Il n'est pas difficile de séparer
l'objet de la présenteaffaire de celui d'une affaire théorique entrele Por-
tugal et l'Indonésie.Le fait de l'incorporation du Timor oriental est (ou
serait) le mêmepour les deux affaires - l'affaire existante et l'affaire

imaginaire. Mais les droits et les devoirs de l'Indonésieet de l'Australie
ne dépendent pasles uns des autres; certains d'eux ont un contenu iden-
tique, mais cela n'a rien à voir avec la question de savoir si un certain
Etat (l'Australie) s'est conformé aux règlesde droit régissantle Timor
oriental. La Cour peut trancher cette question sans lier sa décision à une
conclusion qu'elleadopterait au préalable ou simultanémentsur le com-
portement d'un autre Etat (l'Indonésie)touchant le mêmepoint. Pour
exercer sa compétence à l'égardde l'Australie, il n'est pas nécessaire
qu'elleseprononce sur la question des devoirs de l'Indonésie à l'égarddu

territoire.
83. Dans l'affaire des Activitésmilitaires et paramilitaires au Nicara-
gua, la Cour a déclaré:

En utilisant dans sesrésolutionsles expressions((toutes les parties intéressées))(réso-
lution 36150)et(toutes les parties directement intéressées)) 37130)-tiet ces
expressionscouvrent l'Indonésie'Assemblée généraaledésiglesEtats que concerne
la Cour, quellesqu'en soientlesramifications.Pour un point de vuecontraire, voirevant
mémoire,par. 214-215. "There is no doubt that in appropriate circumstancesthe Court
willdecline, as it did in the case concerning Monetary GoldRemoved
from Rome in 1943, to exercise the jurisdiction conferred upon it
where the legal interests of a State not party to the proceedings
'would not only be affected by a decision, but would form the very
subject-matter of the decision' (I.C.J. Reports 1954, p. 32). Where

however claims of a legal nature are made by an Applicant against a
Respondent in proceedings before the Court, and made the subject
of submissions, the Court has in principle merely to decide upon
those submissions, with binding force for the parties only, and no
other State, in accordance with Article 59 of theStatute. ... [Olther
States which consider that they may be affected are free to institute
separate proceedings, or to employ the procedure of intervention."
(Military and Paramilitary Activities in and against Nicaragua
(Nicaragua v. United States of America), Jurisdiction andAdmissi-
bility, Judgment, I.C.J. Reports 1984, p. 431, para. 88.)

Without there being any need to express an opinion on the issue of third
States in the case concerningMilitary and Paramilitary Activities in and
against Nicaragua (seepara. 69 above), the approach exemplifiedby this
dictum should have been followed in this case.
84. In the present casethe Judgrnentin Monetary Goldisfullyrelevant
as a statement of the non-controversial rule (or principle) of the consen-
sua1 basis of jurisdiction. The Court has been corroborating this rule
since the very outset of its activity (cf. Corfu Channel case, Preliminary

Objection, Judgment, I.C.J. Reports 1948, p. 27). It is a rule of its Stat-
ute, which fact is decisive.Further, there can be no doubt regarding the
relevance of the distinction between legal interests of a third State which
are merely affected by the decision and its legal interests which "would
form the very subject-matter" of the decision (Monetary Gold Removed
from Rome in 1943, Judgment, I.C.J. Reports 1954, p. 32). But the
whole structure of the problem in Monetary Goldisdifferentfrom that in
East Timor. In the former the determination whether one country (Italy)
was entitled to receivethe property of another (Albanian gold) depended
on a prior determination whether the other State (Albania) had com-
mitted an internationally wrongful act against the former (Italy) and was
under an obligation to pay compensation to it. In the East Timor case
the position of Indonesia cannot be compared to that of Albania in
Monetary Gold. In the present case we are dealing with the duties which
the countries have by virtue of their obligation to respect the status of
East Timor as determined by the United Nations. These duties are
not interconnected: the obligation of any Member State of the United
Nations to abide by the law governing East Timor is autonomous. In
Monetary Gold one claim could be adjudicated only after a different
claim to compensation was first granted. That is not the construction of

the case now before the Court. With respect, 1have the impression that ((11ne fait pas de doute que, quand les circonstances l'exigent,la
Cour déclineral'exercicede sa compétence, commeelle l'a fait dans
l'affaire de l'Ormonétairepris a Rome en 1943, lorsque les intérêts
juridiques d'un Etat qui n'est pas partie à l'instance ((seraient non
seulement touchés par une décision, mais constitueraient l'objet
mêmede ladite décision))(C.I.J. Recueil 1954, p. 32). En revanche
lorsque des prétentions d'ordre juridique sont formulées par un
demandeur contre un défendeurdans une instance devant la Cour et
se traduisent par des conclusions, la Cour, en principe, ne peut que
se prononcer sur ces conclusions, avec effet obligatoire pour les
parties et pour nul autre Etat, en vertu de l'article 59 du Statut..
[Lles autres Etats qui pensent pouvoir êtreaffectéspar la décision

ont la faculté d'introduire une instance distincte ou de recourirla
procédure de l'intervention.» (Activitésmilitaires et paramilitaires
au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amé-
rique), compétenceet recevabilité,arrêt,C.I.J. Recueil 1984,p. 431,
par. 88.)

Sans qu'il y ait lieu pour autant de s'exprimer sur la question des Etats
tiers dans l'affaire des Activitésmilitaires etparamilitaires au Nicaragua
(voir ci-dessuspar.69),j'estime que l'approche illustréepar cettedéclara-
tion aurait dû êtresuivie dans la présente affaire.
84. L'arrêtrendu dans l'affaire del'Ormonétaire s'appliquepleinement
en l'espècedans la mesure où il énoncelarègle(ou le principe) de la base
consensuelle de la compétence,règle neprêtant pas à controverse. La
Cour corrobore cette règledepuis le tout débutde son activité(cf, l'af-
faire du Détroit de Corfou, exception préliminaire,arrêt, C.I.J.Recueil

1948, p. 27). C'est une règlede son Statut, ce qui est déterminant. En
outre, il nepeut y avoir aucun doute en ce qui concernela pertinence de la
distinctionà faire entre les intérêtsjuridiquesd'un Etat tiers qui seraient
simplement touchéspar une décisionet ceux qui ((constitueraient l'objet
mêmede ladite décision)) (Or monétairepris à Rome en 1943, arrêt,
C.I.J. Recueil 1954, p. 32). Mais le problème qui se posait dans l'affaire
de l'Or monétaireest entièrement différentde celui qui se pose dans
l'affaire du Timor oriental. Dans la premièreaffaire, pour déterminersi
un pays (l'Italie) avait titreecevoir le bien d'un autre (l'or albanais), la
Cour devait déterminerau préalablesi l'autre Etat (l'Albanie)avait com-
mis un délitinternational contre lepremier (l'Italie)et étaittenurépara-
tion envers lui. Dans l'affaire du Timor oriental, la position deIndoné-
sie ne peut pas être comparée à celle de l'Albanie dans l'affaire de l'Or
monétaire.Enl'espèce,il est question des devoirsqui incombentaux pays

en vertu de leur obligation de respecter le statut du Timor oriental tel
qu'il a été déterminpéar l'Organisation des Nations Unies. Ces devoirs
ne sont pas liésentre eux: l'obligation de tout Etat Membre de l'organi-
sation de seconformer au droit régissantle Timor oriental est une obliga-
tion indépendante. Dans l'affaire de l'Or monétaire,la Cour ne pouvait
statuer sur une certaine demande qu'après avoir fait droit une demandein this case the Court has gone beyond the limit of the operation of
Monetary Gold.

85. Moreover, the rule of Monetary Goldis one governingjurisdiction,
and not one preventing the Court from basing itself on determinations
made by the Security Council or the General Assembly with regard to a
dispute or a situation, including the position or conduct of another State.
By taking account of such "external" determinations the Court is not
making any finding of its own on the interests of a non-party to the pro-
ceedings.The Court, as already indicated (para. 70above), cannot ignore
the law of the United Nations as applied by the Organization's other

principal organs provided they act within their Charter powers. Thus it is
not Portugal which, before the Court, challengesIndonesia's occupation
of East Timor, its position asthe proper State to represent the interests of
the Territory, and generally the conformity of its actions with the self-
determination of the East Timorese people. The challenge came much
earlier from the United Nations '.By now taking judicial notice of the
relevant United Nations decisions the Court does not adjudicate on any
claims of Indonesia nor does it turn the interests of that country into the
"very subject-matter of the dispute".

86. The Court is competent, and this is shown by several judgrnents
and advisory opinions, to interpret and apply the resolutions of the
Organization. The Court is competent to make findings on their lawful-
ness,in particular whether they were intra vires. This competence follows
from its function as the principal judicial organ of the United Nations.

The decisions of the Organization (in the broad sense which this notion
has under the Charter provisions on voting) are subject to scrutiny by the
Court with regard to their legality, validity and effect. The pronounce-
ments of the Court on these matters involve the interests of al1Member
States or at any rate those which are the addressees of the relevant reso-
lutions. Yet these pronouncements remain within the limits of Monetary
Gold. By assessingthe various United Nations resolutions on East Timor
in relation to the rights and duties of Australia the Court would not be
breaking the rule of the consensual basis of its jurisdiction.

87. The Court has always been sensitive regarding the limits of its
jurisdiction. In Continental Shelf (Tunisia/Libyan Arab Jamahiriya),

' That challengeis decisive.The fact that Portugal does not challengethe lawfulnessof
Indonesia'sactsoes not rnake it obligatoryfor the Court to presurnethat these acts are
lawful. Theres no such presurnption. For a contrary view,see Rejoinder, para. 94.différente deréparation. Ce n'est pas ainsi que se présente l'affaire qui
est actuellement devant la Cour. Avec tout le respect dû à la Cour, j'ai
l'impressionqu'en l'espèceelleest alléeau-delà des limites dans lesquelles
s'applique la règleénoncéedans l'affaire de l'Or monétaire.
85. En outre, il s'agitlà d'une règlerégissantla compétence,et non pas
d'une règleinterdisant àla Cour de se fonder sur des conclusions formu-
léespar le Conseil de sécuritéou par l'Assembléegénéraleau sujet d'un
différendou d'une situation, y compris la position ou le comportement
d'un autreEtat. En tenant compte de cesdécisions«extérieures»,la Cour
ne formulerait aucune conclusion propre sur les intérêts d'un Etat qui

n'est pas partie à l'instance. Comme on l'a déjàindiqué(voir ci-dessus
par. 70), la Cour ne peut pas ignorer le droit des Nations Unies tel qu'il
est appliqué par les autres organes principaux de l'organisation du
moment que ceux-ciagissent dans la limite des pouvoirs que leur confère
la Charte. Ce n'est donc pas le Portugal qui, devant la Cour, conteste
l'occupation du Timor oriental par l'Indonésie,son droit de représenter
les intérêts maritimes du territoire et,de manièregénéralel,a conformité
de ses actions au principe de l'autodétermination du peuple du Timor
oriental. L'Organisation des Nations Unies a déjàprocédé beaucoup plus
tôt à cette mise encause l.En prenant aujourd'hui acte des décisionsper-
tinentes de l'Organisation, la Cour ne statue sur aucune revendicationde
l'Indonésieet elle ne fait pas non plus des intérêts dece pays «l'objet

mêmedu différend ».
86. La Cour est compétente,ainsi que le montrent plusieurs arrêtset
avis consultatifs, pour interpréteret appliquer les résolutions de l'Orga-
nisation. Elle est compétente pour se prononcer sur leur légalité,et
notamment sur la question de savoir si elles sont intra vires. Cette com-
pétence découle dela fonction de la Cour en tant qu'organe judiciaire
principal de l'organisation des Nations Unies. Les décisions de l7Organi-
sation (au sens large que cette notion a en vertu des dispositions de la
Charte relatives au vote) peuvent êtreexaminéespar la Cour du point de
vue de leur légalité, de leur validiet de leur effet. Les conclusions de la
Cour sur ces questions mettent en cause les intérêts de tousles Etats

Membres, ou du moins de ceux qui sont viséspar lesrésolutionsen ques-
tion. Mais ces conclusions restent dans les limites fixéespar la règle
énoncée dans l'affaire de l'Or monétaire. En évaluantles diversesrésolu-
tions de l'organisation des Nations Unies concernant le Timor oriental
par rapport aux droits et aux devoirs de l'Australie, la Cour ne contre-
viendrait pas à la règledu fondement consensuel de sa compétence.
87. La Cour a toujours été trèsconsciente des limites de sa compé-
tence. Dans l'affaire du Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe

'Cette mise en cause est déterminante.Le fait que le Portugal ne conteste pas la licéité
des actes de l'Indonésiene signifiepas que la Cour doive obligatoirement présumerque
ces actes sont licites.xiste pas de présomption de ce genre. Pour un point de vue
contraire, voir duplique, par.

165Applicationfor Permissionto Intervene, Judgment, the Court emphasized
that "no conclusions or inferences may legitimately be drawn from [its]
findings or [its]reasoning with respect to rights or claims of other States

not parties to the case"(1.C.J. Reports 1981, p. 20, para. 35).Applied, as
it was, in the quoted case to Malta, there is no doubt that this rule
protects the interests of Indonesia in the present litigation.

88. One can also add that in al1systems of law courts take judicial
notice of matters of public knowledge. This category comprises, inter
alia,historical events such as war, aggression, invasion and the incorpo-
ration of territory. Indonesia's action in regard of East Timor falls under
this heading. Taking account of such facts and drawing conclusions on
their basis is not a usurpation of jurisdiction.

Indonesian control over East Timor

89. A decision on the legality of "the presence of Indonesia in East
Timor" is not a prerequisite to a decision on Australia's responsibility.
That is the difference as compared with Monetary Gold, especially as
interpreted in Certain Phosphate Lands in Nauru (paras. 59 and 62
above). But the said decision is implicit in the description of the Indo-
nesian conduct as intervention (Judgrnent, paras. 13and 14).

90. In the present case there it isnot necessarilyimpliedthat the Court
should determine the status of Indonesia inEast Timor. The Court need
only refer to the statzls of East Timor in the law of the United Nations
and its implementing resolutions. It is on Australia's own acts related to
the latter status that Portugal rests itsim. It is also in that status alone
that one would possibly find the answer to the question regarding which
country is competent to conclude treaties concerning East Timorese
interests. Contrary to what is stated in the Counter-Memorial (para. 212)
the Court need not determine "the legal status of the Indonesian admini-
stration of East Timor at and since 11December 1989,Le.,at the time of
and sincethe making of the Timor Gap Treaty". The Court needs only to
say what, under United Nations law and resolutions, the status of East
Timor in the relevantperiod was and now is. Nor is a "decision on Indo-
nesia'sclaimto sovereignty ...a prerequisite to any finding of Australian
responsibility"(contra: ibid.).Again, the key to the problem is the status
of the Territory under United Nations norms. To declare how these
noms definethat status the Court need not make any finding concerning
Indonesia.

91. The link between the claims which Portugal makes vis-à-vis Aus-
tralia and the claims Portugal has or might have made elsewhereagainstlibyenne), requêteafin d'intervention,arrêt,elle a souligné((qu'aucune
inférence nidéductionne saurait légitimementêtre tirée de [ses]conclu-
sions ni de [ses]motifs pour ce qui est des droits ou prétentions'Etats
qui ne sont pas parties à l'affaire))(C.Z.J. Recueil 1981, p. 20, par. 35).
Cette position de la Cour qui, dans l'affaire citée,était applicable à
Malte, protège sans aucun doute les intérêts de l'Indonésiedans le pré-
sent différend.
88. On peut aussi ajouter que dans tous les systèmesde droit les tri-
bunaux prennent acte des faits de notoriété publique. Cette catégoriede
faits comprend notamment des événements historiques tels que la guerre,

l'agression, l'invasionetl'incorporation d'un territoire. L'actiondendo-
nésie àl'égarddu Timor oriental entre dans cettecatégorie.Tenir compte
de ces faits et en tirer des conclusions n'est pas une usurpation de com-
pétence.

Contrôle de l'Indonésiesur le Timor oriental

89. Une décisionsur la licéitde «la présence de l'Indonésieau Timor
oriental)) n'est pas une condition préalable une décisionsur la respon-
sabilitéde l'Australie. C'est là la différence avecl'affaire deOrmoné-
taire,en particulier selon l'interprétation quien est donnée dans l'affaire
de Certaines terres à phosphates a Nauru (voir ci-dessus par. 59 et 62).
Mais qualifier d'intervention le comportement de l'Indonésie (arrêt,
par. 13et 14)équivautimplicitement à prendre cette décision.

90. Dans la présenteaffaire,la Cour n'est pas nécessairementtenue de
déterminerle statut de l'Indonésie auTimor oriental. Il lui suffit de se
référerau statut du Timor oriental selon le droit des Nations Unies et les
résolutions qui appliquent ce droit. C'est sur les propres actes deAus-
tralie en rapport avecle statut du Timor oriental que le Portugal fonde sa
demande. C'est aussidans ce seul statut qu'on peut trouver la réponse à
la question de savoir quel pays a le pouvoir de conclure des traités
concernant les intérêts du Timor oriental. Contrairement à ce qui est dit
dans le contre-mémoire(par. 212), la Cour n'a pas besoin de déterminer
«le statut juridique de l'administration indonésiennedu Timor orientalà
la date du 11décembre1989et depuis cette date, à laquelle a étéconclu
le traitérelatif au «Timor Gap». Il suffià la Cour de dire ce qu'étaitle
statut du Timor oriental pendant la période considéréeet ce qu'il est
maintenant, en vertu du droit des Nations Unies et des résolutionsde

l'organisation. Une décisionsur ((la revendication de souveraineté de
l'Indonésie..» ne constitue pas «une condition préalable à toute déter-
mination de la responsabilitéde l'Australie» (contra: ibid.). Encore une
fois, la clef du problème résidedans le statut du Territoire en vertu des
normes des Nations Unies. Pour déclarercommentcesnormes définissent
ce statut, la Cour n'a besoin de formuler aucune conclusion en ce qui
concernel'Indonésie.
91. Le lien entre les demandes présentéespar le Portugal à l'encontre
de l'Australie et celles qu'il a présentéesou aurait pu présenter ailleurs Indonesia (i.e., not before this Court) is of a factual nature. Both groups
of claims concern the situation in East Timor. That link does not suffice
to make the adjudication between Portugal and Australia dependent
upon a prior or at leastsimultaneous decision on the (potential or exist-
ing) claims of Portugal against Indonesia. In contrast with the situation
in the Monetary Gold case, the decision of the Court in the dispute
between Portugal and Australia would not be based on the obligation
and responsibility of Indonesia (cf.Judge Shahabuddeen in Certain Phos-
phate Lands in Nauru (Nauru v. Australia), Preliminary Objections,
Judgment, 1C.J. Reports 1992, p. 297, separate opinion).

92. Australia's obligations resultingfromthe duty to respecttheUnited
Nations status of East Timor are identical with or similar to those of
other Member States of the Organization. But that identity (or similarity)
does not mean that Portugal needs to rely on this fact or that the Court
must or needs to found its judgment on it. One might reiterate here what
Judge Shahabuddeen said on the position of Australia in another case,
viz., inCertain PhosphateLands in Nauru:

"That others had the same obligation does not lessenthe fact that
Australia had the obligation. It is only with Australia's obligation
that the Court is concerned." (I.C.J. Reports 1992, pp. 296-297.)

The Portuguese Application is directed towards certain Australian acts

and their conformity, or otherwise, with the United Nations status of
East Timor, not towards the acts of Indonesia. In this case a decision on
the submissions of the Applicant State would not constitute a determina-
tion of the responsibility of the non-party (Indonesia), with al1the legally
dispositive effectssuch a determination would or might carry.

Timor Gap Treaty

93. Let us begin by clarifying onepoint. The Court has no jurisdiction
to make a finding on the invalidity of the Timor Gap Treaty: the Court
must stop short of a determination to this effect. For the purpose of the
present proceedings the Treaty remains valid. That validity prevents the
Court from ordering any measures aimed at the non-performance of the
Treaty. Its actual, possible or potential consequences of a harmful nature

for the people of East Timor cannot be determined by the Court. A
ruling on the validity, or othenvise, of the Treaty would require the par-
ticipation of Indonesia in the present case. Both the Applicant and
the Respondent (though in somewhat different contexts) quote the
judgments of the Central American Court of Justice in Costa Rica
v. Nicaragua (1916) and El Salvador v. Nicaragua (1917) (Counter-contre l'Indonésie (c'est-à-dire devant une instanceautre que la Cour) a
un caractère factuel. Les deux sériesde demandes concernent la situation
au Timor oriental. Ce lien ne suffit pas pour que le règlement du diffé-
rend entre le Portugal et l'Australie dépended'une décision judiciaire
préalable ou, du moins, simultanée sur les demandes (potentielles ou
réelles)du Portugal contre l'Indonésie.Contrairement àce qui étaitle cas
dans l'affaire del'Or monétaire,la décision de laCour dans le différend
entre le Portugal et l'Australie ne se fonderait pas sur l'obligation ni la
responsabilité de l'Indonésie (voir l'affaire de Certaines terres a phos-
phates a Nauru (Nauru c. Australie), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 1992, p. 297, opinion individuelle de M. Shahabuddeen).
92. Les obligations de l'Australie qui découlent de son devoir deres-
pecter le statut du Timor oriental tel que définipar l'Organisation des

Nations Unies sont identiques ou analogues à celles des autres Etats
Membres de l'organisation. Mais cette identité (ou analogie) ne signifie
pas que le Portugal ait besoin de s'appuyer sur cette donnéede fait ni que
la Cour se trouve dans l'obligation ou la nécessitéde fonder son arrêtsur
cette mêmedonnée.On peut rappeler ici ce que M. Shahabuddeen a dit
au sujet de la position de l'Australie dans une autre affaire, celle de Cer-
taines terresa phosphates à Nauru:

«Le fait que d'autres aient été tenus à la mêmeobligation n'em-
pêcheen rien que l'Australie en étaitégalement tenue. La Cour ne
s'occupe que de l'obligation de l'Australie.» (C.I.J. Recueil 1992,
p. 296-297.)
La requêtedu Portugal vise certains actes de l'Australie et la question de

savoir s'ils sont conformes ou non au statut du Timor oriental tel que
définipar l'organisation des Nations Unies, elle ne visepas les actes de
l'Indonésie.Dans la présente affaire,une décisionsur les conclusions de
1'Etatdemandeur ne constituerait pas une détermination de la responsa-
bilitéd'un Etat tiersà l'instance (l'Indonésie), avec tousles effetsjuridi-
ques qu'une telle détermination entraînerait ou pourrait entraîner.

Le traité relatif au«Timor Gap ))

93. Il faut d'abord éclaircirun point. La Cour n'a pas compétence
pour se prononcer sur l'invaliditédu traitérelatif au ((Timor Gap»: elle
doit s'abstenir de rendre une décision ence sens. Aux fins de la présente
instance, le traitédemeure valable. Sa validité empêchelaCour d'ordon-
ner des mesures qui tendraient à la non-exécution du traité. Ses consé-

quencesdommageables réelles,possibles ou potentielles pour lepeuple du
Timor oriental ne peuvent êtredéterminéespar la Cour. Statuer sur la
validitédu traitéexigeraitla participation de l'Indonésieàla présente ins-
tance. Tant le demandeur que le défendeur (bienque dans des contextes
quelque peu différents)citentles arrêts renduspar la Cour dejustice cen-
traméricainedans les affaires Costa Rica v. Nicaragua (1916) et El Sal-
vadorv. Nicaragua (1917)(contre-mémoire,par. 189;réplique,par. 7.21-Memorial, para. 189; Reply, paras. 7.21 and 7.22). The validity of the

Timor Gap Treaty is not a subject of the dispute. Portugal does not
request the Court to declare the Treaty invalid.
94. But a finding on the lawfulnessof some unilateral acts of Australia
leading to the conclusion of the Treaty or constituting its application is
another matter. Juridicallyspeakingthe negotiation, conclusionand per-
formance of a treaty are acts in law (expressions of the will or intention
of a legalperson). To be effectivein law, they must conform to the legal
rules governing them. Severalof these acts are unilateral in contradistinc-
tion to the treaty itself. If a case involvesthe lawfulnessor validity of any
of these acts, and this is a "question of international law" under Ar-
ticle 36,paragraph 2, of the Statute, the Court is competent to reviewthe
said conformity and, consequently, decide on the lawfulnessor validity of
the act. Historically and sociologicallyspeaking the negotiation, conclu-
sion and performance of a treaty are facts. And various facts are also
subject to judicial review theextent of that review depending on the law
of the country or, in international relations where thereis no central judi-
ciary, on the particular provisions of treaty law.

95. The Court is competent to make a finding on whether any of the
unilateral acts of Australia conducive to the conclusion,entry into force
and application of the Timor Gap Treaty constituted an international
wrong. By concentrating exclusivelyon such acts the Court in no way
deals with any treaty-making acts of Indonesia. The Court remains
within the limits of an assessment which is covered by itsjurisdiction and
which is admissible. The Court would fulfil its task by examining these
acts in the light of Australia7sduties under United Nations law and espe-
cially that body of its provisions which is being called the "law of
decolonization".

96. In order to examine whether Australia's conduct leading to the
conclusion of the Timor Gap Treaty was or was not wrongful, it is not
necessary for the Court to determine the wrongfulness of Indonesia's
control over East Timor. It is enough to test the Australian conduct
against the duty Australia had and has to treat East Timor as a non-self-
governingterritory. While protecting its maritime rights and taking steps
to preserve its natural resources, Australia had (in the circumstances)

some obligationstowards the Territory: it dealt not with the administer-
ing Power, but with Indonesia, a State which was not authorized by the
United Nations to take over the administration of the Territory, and
yet controlled it. Maritime and related interests of the Territory were
also at stake, not only those of Australia. There is no question of equat-
ing the position of third States (one of them being Australia) to the
responsibilities of States which, like Portugal, have been charged with
the administration of a territory or territories under Chapter XI of the7.22). La validitédu traité relatif au ((Timor Gap» n'est pas l'objet du
différend.Le Portugal ne demandepas à la Cour de déclarerque le traité
est nul.
94. Mais autre chose est de seDrononcer sur la licéité de certains actes
unilatérauxde l'Australie qui ont conduit à la conclusiondu traité ou en
constituent l'application. D'un point de vue juridique, la négociation, la
conclusion et l'exécutiond'un traité sontdes actes en droit (c'est-à-dire
l'expression de la volonté ou de l'intention d'une personne juridique).

Pour avoir un effet en droit, ces actes doivent être conformes auxrègles
juridiques qui lesgouvernent. Plusieurs de ces actes sont unilatéraux, àla
différencedu traitélui-même.Si une affaire porte sur la licéité ou sur la
validité del'un quelconque de ces actes - et il s'agit là d'un ((point de
droit international)) au sens du paragraphe 2 de l'article 36 du Statut-
la Cour est compétentepour examiner la conformité de l'acteen ques-
tion, et par conséquentpour statuer sur sa licéitéou sa validité.D'un
point de vue historique et sociologique, la négociation,la conclusion et
l'exécutiond'un traité sontdes faits. Or certains faits peuvent aussi être
soumis à l'examen d'un organe judiciaire dans une mesure qui dépend
soit des règlesjuridiques de 1'Etatconcerné soit, dans les relations inter-

nationales où il n'existepas de juridiction centrale, des dispositions par-
ticulièresdu droit conventionnel.
95. La Cour est compétente pour se prononcer sur la question de
savoir si l'un quelconque des actes unilatérauxde l'Australie conduisant
à la conclusion, à l'entrée en vigueuret àl'application du traitérelatif au
Timor Gap constitue un fait internationalement illicite. En se concen-
trant exclusivementsur de tels actes,la Cour ne s'intéresse nullementaux
actes de l'Indonésierelatifs à la conclusion du traité.Elle demeure dans
les limites d'une appréciation qui relève de sa compétenceet qui est
admissible. La Cour s'acquitterait de sa tâche en examinant ces actes au
regard des obligations de l'Australie découlant du droit des Nations
Unies et plus particulièrement du corps de dispositions que l'on appelle

«droit de la décolonisation».
96. Pour examiner si le comportement de l'Australie qui a abouti à la
conclusion du traitérelatif au ((Timor Gap» était ou non licite, il n'est
pas nécessaireque la Cour détermine le caractère illicite du contrôle
exercépar l'Indonésie surle Timor oriental. Il lui suffit d'évaluerle com-
portement de l'Australieau regard del'obligation qui étaitet qui demeure
la sienne de traiter le Timor oriental comme un territoire non autonome.
Tout en protégeantses droits maritimes et en prenant des mesures pour
préserverses ressources naturelles, l'Australie avait (en l'occurrence) cer-
taines obligations à l'égarddu Territoire: elle a traité non pas avec la
puissance administrante, mais avec l'Indonésie,qui n'était pas habilitée

par l'organisation des Nations Unies à assumer l'administration de ce
territoire et qui pourtant le contrôlait. C'étaitaussi les intérêts maritimes
et connexes du Territoire qui étaient en jeu, et non seulement ceux de
l'Australie. On ne saurait assimilerla situation des Etats tiers (l'Australie
étantl'un eux) aux responsabilités d7Etats qui, comme le Portugal, ontCharter. But the non-administrators also have some duties. Did Australia
fulfil them? This question does not trigger the Monetary Gold rule;
the Court is competent to answer it.

B. Admissibility

General
97. Generally, the issue of admissibility has already been touched

upon in some of the preceding paragraphs. In this case, before starting a
discussion on admissibility, the Court had first to decide on its jurisdic-
tion. In view of its conclusion, there was no room for considering admis-
sibility. In the present case admissibility or otherwise can be resolved
after the examination of the substance of the severalclaims submitted by
Portugal. Indeed, Australia points to the inextricable link between the
issue of admissibility and the merits (Counter-Memorial, para. 20).
98. It has already been noted that although it asked the Court to
adjudge and declare that it lacked jurisdiction, Australia dealt with the
case principally under the heading of admissibility, its "submissions on
the merits [having] only a subsidiary character" (Counter-Memorial,
para. 20; as to the admissibility, or rather inadmissibility, see ibid.,
Part II, and Rejoinder, Part 1).
99. The emphasis on admissibility or otherwise has not been lessened,
let alone eliminated, by what Australia alleged on the non-existence of
the dispute in the present case (paras. 34-38 above).

Applicant State's jus standi

100. The present case does not "involve direct harm to the legal rights
of the plaintiff State in a context of delict", but it is one in which the
claimis grounded "either in a broad concept of legalinterest or in special
conditions which give the individual State locus standi in respect of legal
interests of other entities"'.East Timor is such an entity.

101. In this case there is a conflict oflegal interests between Portugal

and Australia. Several times during the proceedings Australia admitted
that Portugal was one of the States concerned. That admission was made
in order to contrast it with the capacity to appear before the Court in this
case, which Australia denied. However, to have jus standi before the
Court it is enough to show direct concern in the outcome of the case.
Portugal has amply shown that it has a claim for the protection of its
powers which servethe interests of the people of East Timor.

'Ian Brownlie, Principlesof Public International Law, 4th ed., 1990,pp. 466-467.

169été chargéd se l'administration d'un territoire ou de territoires en vertu
du chapitre XI de la Charte. Mais lesEtats qui ne sont pas des puissances

administrantes ont aussi certaines obligations. L'Australie s'en est-elle
acquittée? Cette questionne fait pas jouer la règlede l'Or monétaire;la
Cour est compétentepour y répondre.

B. Recevabilité

Généralités
97. La question de la recevabilitéa déjàété abordée sur un plan géné-

ral dans certains des paragraphes précédents.Mais en la présente ins-
tance la Cour devrait, avant d'examiner la recevabilité,statuer sur sa
compétence.Compte tenu de sa décision enla matière, il n'y avait pas
lieu d'examiner la question de la recevabilité.En l'espèce,cette question
peut êtrerésolueaprès l'examen au fond des différentesdemandes pré-
sentéespar le Portugal. Du reste, l'Australiefait observer que cette ques-
tion est inextricablement mêléa eu fond (contre-mémoire,par. 20).
98. On peut noter que, bien qu'elle ait demandé à la Cour de se dé-
clarer incompétente, l'Australiea traité del'affaire principalement sous
l'angle de la recevabilité,ses «conclusions sur le fond n'[ayant] qu'un
caractère subsidiaire)) (contre-mémoire, par. 20; en ce qui concerne
la recevabilité,ou plutôt l'irrecevabilité, voirbid., deuxièmepartie, et
duplique, premièrepartie).
99. L'importance que revêtla question de la recevabilité n'estnulle-
ment atténuée, encore moins supprimé pear l'argumentde l'Australie ten-
dant à dire qu'iln'existepas de différend en l'espèc(eci-dessuspar. 34-38).

La qualitépour agir de1'Etatdemandeur
100. La présente affaire n'«implique [pas] un préjudice direct causé
aux droits de 1'Etatdemandeurdans le cadre d'un délit)),mais en l'espèce
la revendication repose «soit sur une notion large de l'intérêt juridique
soit sur des conditions particulièresconférant 1'Etaten question qualité

pour agir en ce qui concerne les intérêtjsuridiques d'autres entités))e
Timor oriental est l'une de ces entités.
101. Dans la présente affaire,un conflit d'intérêturidiques oppose le
Portugal et l'Australie. A plusieurs reprises au cours de l'instance,us-
tralie a admis que le Portugal était l'un des Etats concernés. Elle l'a
reconnu pour faire valoir que le Portugal n'avait pas pour autant qualité
pour agir devant la Cour en la présente instance.Cependant, pour avoir
cette qualité,il suffit qu'un Etat montre qu'il est directement concerné
par l'issue de l'affaire. LePortugal a amplement montré qu'il pouvait
demander la protection de ses compétencesau service des intérêtsdu
peuple du Timor oriental.

'Ian Brownlie,Principlesof Public International Law, 4' éd.,1990,p. 466-467. 102. It was said by a Co-Agentand counsel of Australia that "to have
standing, Portugal must point to rights which it possesses" (CR 9518,
p. 80, Mr. Burmester). Portugal has standing because, in spite of al1the

factual changes in the area, it still remains the State which has respon-
sibility for East Timor. This standing follows from the competence Por-
tugal has in its capacity as administering Power. One of the basic ele-
ments of that competence is the maintenance and defenceof the status of
East Timor as a non-self-governing territory; this is the administering
Power's duty. Portugal has the capacity to sue in defence of the right of
the East Timorese people to self-determination.Portugal could also rely
generally on the remaining attributes of its sovereignty over East Timor,
such attributes being conducive to the fulfilment of the task under Chap-
ter XI of the Charter. On the one hand, Portugal says that it does not
raise any claim based on its own sovereign rights; in some contexts it
even denies their existence (Memorial, paras. 3.08 and 5.41, and Reply,
para. 4.57). On the other hand, Portugal invokes its "prerogatives in
regard to sovereignty" (Reply, para. 4.54). At any rate, it is erroneous to
argue that the departure from East Timor in 1975 of the Portuguese
authorities resulted in bringing "to an end any capacity [Portugal]had to
act as a coastal State in relation to the territory" (Counter-Memorial,
para. 237). Such an opinion is contrary to both the law of belligerent or
military occupation and the United Nations law on the position of the

administeringPower.

103. Portugal may be said not to have any interest of its own in the
narrow sense of the term, i.e., a national interest, one of a myriad of
interests which States have as individual members of the international
community. However, Portugal received a "sacred trust" under Chap-
ter XI of the Charter. It is taking care of interests which, it is true, are
also its own, but primarily they are shared by al1United Nations Mem-
bers: the Members wish the tasks set down in Chapter XI to be accom-
plished. Australia also adopts the stance of favouringthe implementation
of Chapter XI. Yet there is a sharp differencebetween the two States on
how to proceed in the complex question of East Timor and what islawful
in the circumstances. That is a matter which should have been decided by
the Court. However, through its decision on jurisdiction, this distin-
guished Court barred itself from that possibility. Had this not been the
case, the Judgment would have eliminated a number of uncertainties
from the legal relations between the Parties and, more generally, some
uncertainties regarding a non-self-governing territory which has been
incorporated into a State without the consent of the United Nations. At

any rate, itis clear that an actual controversy exists. What doubt could
there be regarding the locus standi?
104. 1think that Portugal meets the rigid criteria laid down by Presi-
dent Winiarski with regard to having "a subjectiveright, a real and exist-
ing individual interest which is legally protected" (South West Africa, 102. L'un des coagents et conseils de l'Australie a déclaré qu'«afin
d'avoir qualité pour agir le Portugal doit faire état des droits qu'il
possède))(CR 9518,p. 80,M. Burmester). Le Portugal a qualitépour agir
parce qu'il demeure, malgrétous les changements de fait qui se sont pro-
duits dans la région,1'Etatchargéde l'administration du Timor oriental.
La qualitépour agir découle de la compétence que le Portugal détienten
tant que puissance administrante. L'un des élémentsfondamentaux de
cette compétenceest le maintien et la défensedu statut du Timor oriental
en tant que territoire non autonome; c'est là que réside le devoir de la
puissance administrante. Le Portugal a qualité pour agir aux fins de
défendrele droit du peuple timorais à l'autodétermination. Le Portugal
pourrait aussi sefonder d'une façon générale sur ce qui lui reste des attri-
buts de sa souverainetésur le Timor oriental, ces attributs allant dans

le sens de l'accomplissement de la tâche qui lui incombe en vertu du
chapitre XI de la Charte. D'une part, le Portugal affirme qu'il ne fait
valoir aucune réclamation fondéesur ses propres droits souverains; il en
nie mêmeparfois l'existence (mémoire,par. 3.08 et 5.41, et réplique,
par. 4.57). D'autre part, il invoque ses ((prérogatives de souveraineté))
(réplique,par. 4.54). Quoi qu'il en soit, on ne saurait soutenir que le
départ des autorités portugaises du Timor oriental en 1975 a eu pour
résultat demettre «finà la capacitéqu'il [lePortugal] pouvait avoir d'agir
en qualité d'Etat côtier à l'égard du territoire)) (contre-mémoire,
par. 237).Cette façon de voir est contraire la fois au droit applicable en
cas d'occupation militaire liéeou non à une guerre et au droit des
Nations Unies relatif à la qualitéde puissance administrante.
103. On peut dire que le Portugal n'a pas un intérêp tropre au sens
strict du terme, c'est-à-dire un intérêt national, un ees très nombreux

intérêts qu'onltes Etats en tant que membres de la communauté interna-
tionale. Mais le Portugal a étéchargé d'une ((missionsacrée»au sens du
chapitre XI de la Charte. Il veilàedes intérêts quic,ertes, sont également
les siens maisqui, au premier chef, sont partagéspar tous lesMembres de
l'organisation des Nations Unies: les Membres de l'Organisation souhai-
tent que les tâches définiesau chapitre XI soient accomplies.L'Australie
se déclare aussien faveur de la mise en Œuvredu chapitre XI. Mais les
deux Etats ont des vuestrès différentes sur la façon de procédetrouchant
à la question complexedu Timor oriental et sur cequi est licite enl'occur-
rence. La question aurait dû êtretranchéepar la Cour. Par sa décisionsur
sa compétence, cettehaute juridiction s'est privéede cette possibilité.Si
ellene l'avait pas fait, son arrêt auraitpermis de leverplusieurs des incer-
titudes que comportent les relations juridiques entre les Parties et, d'une
façon plus générale, quelques incertitudes concernant un territoire non
autonome incorporé àun Etat sans le consentement de l'organisation des

Nations Unies. Quoi qu'il en soit, il est clair qu'il existe une véritable
controverse. Quel doute pourrait-ily avoir quant à la qualitépour agir?
104. Je crois que le Portugal satisfait aux critèresrigidesénonpar le
Président Winiarski, s'agissant d'avoir «un droit subjectif, un intérêt
individuel, réel, actuel et juridiquement protégé))(Sud-Ouest africain,Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1962, p. 455). In that

case Ethiopia and Liberia asserted that they had "a legal interest in seeing
to it through judicial process that the sacred trust of civilization created
by the Mandate is not violated". To this the learned Judge replied: "But
such a legally protected interest has not been conferred on them by any
international instrument .. ." (Ibid., p. 456.) Portugal has the United
Nations Charter behind it.

C. "Judicial Propriety "
General

105. There is no mention of the issue of propriety in the Judgment.
But would it be going too far to Say that, implicitly, the Court has
admitted that at least entertaining this case was not, at the stage reached
by the Court, contrary to "judicial propriety"? The Court might as well
begin consideration of the case by examining the issue of propriety.
For, as Judge Sir Gerald Fitzmaurice has pointed out, that issue
"is one which, if it arises, will exist irrespective of competence, and
willmake it unnecessary and undesirable for competence to be gone
into, so that there will be no question of the Court deciding that it
has jurisdiction but refusing to exercise it" (Northern Cameroons,
Judgment, I. C.J. Reports 1963, p. 106,separate opinion).

The Charter does not provide any guidance as to the problem which legal
disputes "politically speaking might be considered as prima facie suitable
for judicial settlement . .."'.Here the question should be asked whether
the political stratum and implications of the case (including those of a
judgment on the merits) are of a nature to make the judicial process
inappropriate.
106. Meanwhile it may be pointed out that Portugal "as administering
Power" was called upon by the Security Council in its resolution 384
(1975) "to CO-operatefully with the United Nations so as to enable the
people of East Timor to exercise freelytheir right to self-determination".
The reference to CO-operationwith the Organization does not exclude
individual actions by Portugal, Le., actions not CO-ordinatedwith the
United Nations, which are or can be related to the task of self-determina-
tion. Portugal's Application instituting proceedings in the present case
fallsunder this heading. General Assemblyresolution 3485(XXX) speaks
of "the responsibility of the administering Power to undertake al1efforts

to create conditions enabling the people of Portuguese Timor to exercise
freely their right to self-determination .. .". The exercise of that respon-
sibility, including the choice of means, is a matter to be decided by the
administering Power acting alone or in conjunction with the United
Nations.

' Cf. S. Rosenne, The Law and Practiceof the InternationalCourt,2nd rev. ed., 1985,
p. 92.

171exceptionspréliminaires,arrêt,C.I J. Recueil 1962,. 455).Dans l'affaire
en question,17Ethiopieet le Libéria affirmaient qu'ilsavaient un ((intérêt
juridiqueà s'assurerpar une procédurejuridique que lamission sacréede
civilisation créépar le mandat n'[était]pas violée)).En réponse,cejuge
éminenta dit ceci: «Mais un tel intérêjturidiquement protégéne leur a
été conférp éar aucun acte international...))bid., p. 456.) Le Portugal
peut étayersa demande sur la Charte des Nations Unies.

C. L'«opportunitéjudiciaire»
Généralités

105. 11n'ya rien dans l'arrêt sulra question de l'opportunitéjudiciaire.
Mais peut-on allerjusqu'à dire que laCour a admis implicitementqu'au
stade où elle était parvenuel'examen del'affaire n'était pascontraire
l'«opportunitéjudiciaire))? La Cour pouvait tout aussi bien commencer
l'examende l'affaire par l'étudede cette question de l'opportunité.Car,
comme l'a fait remarquer sir Gerald Fitzmaurice, la question
((esten effet, lorsqu'ellese pose, sans rapport avec la compétence et
rend inutile et indésirable un examendela compétence,de sorte qu'il
ne sera pas question que la Cour décide qu'ellea compétenceet

refuse de l'exercer (Cameroun septentrional, arrêt,C.I .. Recueil
1963, p. 106,opinion individuelle).
La Charte ne fournit aucune réponse à la question des différendsd'ordre
juridique qui ((pourraient, politiquement parlant, êtreconsidéréspre-
mière vue comme susceptiblesd'un règlementjudiciaire)) '.Il faudrait se
demander si les bases et lesconséquences politiquesde la présenteaffaire
(y compris les conséquencesd'un arrêtsur le fond) sont telles qu'il serait
inopportun de recourir à la voiejudiciaire.
106. On peut rappelerà ce stade que, dans sa résolution384 (1975),le
Conseil desécuritéa demandéau Portugal, «en tant que puissance admi-
nistrante, de coopérer pleinementavec l'organisation des Nations Unies
afin de permettre au peuple du Timor oriental d'exercer librement son
droità l'autodétermination)).La référencà la coopérationavecl7Organi-
sation n'exclutpas que le Portugal agissede sa propre initiativeet prenne
des mesures non coordonnées avecl'organisation des Nations Unies, qui

sont ou qui peuvent êtrliéesau processusd'autodétermination.La requête
introductive d'instancedu Portugal dans la présente affairerelèvede cette
catégoriede mesures. Dans sa résolution3485 (XXX), l'Assemblée géné-
rale évoque((laresponsabilitéqu'ala Puissance administrantede faire tout
son possibleen vuede créer des conditions permettantau peuple du Timor
oriental d'exercerlibrement son droit l'autodéterminatio..» L'exercice
de cette responsabilité,y comprislechoix desmoyens, est une questionqui
doit être tranchéear la Puissanceadministrante agissantseuleou conjoin-
tement avec l'organisation des Nations Unies.

'S.Rosenne, The Law and Practiceof the International Court, 2"éd.rev., 1985,p. 92. 107. In the present case the choice was between, on the one hand,
entertaining the case upon the merits and, on the other, refusing to adju-
dicate. A policy of abstention does not seem a better solution. Consid-
erations of public policy speak in favour of the pronouncement of the
Court on the merits. Such a pronouncement is more likely to contribute
to the settlement of the problems submitted to it. These problems, or at
any rate some of them, are ripe for solution by the application of inter-
national law.
108. The legal components of a dispute resulting from the question of
East Timor need not necessarily be submitted to the Court only by way
of a request for an advisory opinion (as Australia asserted). Litigation is
not excluded.

A justiciable dispute?

109. The resolution of the dispute betweenPortugal and Australia does
not conflict with the Court's "duty to safeguard the judicial function"
(Northern Cameroons, Judgment, I.C.J. Reports 1963, p. 38). In other
words, adjudication on the merits will beconsistent with the Court's judi-
cial function (cf. ibid.,p. 37). The present dispute isjusticiable.
110. The written and oral pleadings amply show that there is, in this
case, "an actual controversy involving a conflictof legal interests between
the parties". Byaddressing itselfto the submissionsof Portugal the Court
and itsjudgment willaffect the legal rights and obligations of the Parties,
"thus removing uncertainty from their legalrelations". Consequently,the
"essentials of thejudicial function" could and, indeed, would be satisfied
(Northern Cameroons, Judgment, I.C.J. Reports 1963,p. 34).In this case
there is a legal dispute between the two Parties which the Court, if it
wishesto be true to its function, cannot refuse to resolve. For a necessary

consequence of the existenceof any dispute, includingthe present one, is
the party's (Le., Portugal's) interest in securing a decision on the merits
(here 1 am following the concept of dispute as explained by Judge Mor-
elli, ibidp..,133,para. 3). Portugal has shown sufficientinterest for the
Court to consider the case. That interest persists, and the controversy
between the two States has not yet come to an end.

111. In the question of East Timor there are points of interpretation
and application of law whererecourse to the Court is useful.Thesepoints
are not abstract, they are not "an issue remote from reality" (to use the
expression employed in Northern Cameroons, 1.C.J. Reports 1963, p. 33,
and referred to in the oral pleadings, CR 9519, p. 27, para. 17, and
CR 95/15, p. 51, para. 9, Professor Crawford; he expressed a contrary
view). The pleadings have shown that there are legal issues betweenthe
Parties which the Court could resolve without the participation in the
case of any other State (i.e., Indonesia). Even if it is taken for granted

that "the underlying dispute is only suitable for resolution by negotia-
tion" (Counter-Memorial, para. 316), it is not true that the dispute 107. En l'instance, l'alternative était entre, d'une part, examiner
l'affaire au fond et, d'autre part, refuser de statuer. L'abstention ne
paraît pas être la meilleure solution de principe. Des considérations
d'intérêg ténéral militenten faveur d'un prononcéde la Cour au fond.
Pareil prononcé a plus de chance de contribuer au règlement despro-
blèmes soumis à la Cour. Ces problèmes, ou tout au moins certains
d'entre eux, sont arrivésau stade où ils peuvent trouver un règlementpar
l'application du droit international.
108. Lescomposantsjuridiques d'un différendrésultantde la question
du Timor oriental ne doivent pas nécessairementêtre soumis à la Cour
sous la forme d'une demande d'avis consultatif (comme l'affirme 1'Aus-
tralie). La voie contentieuse n'est pas exclue.

S 'agit-ild'un différendjusticiabl?

109. La solution du différendentre le Portugal et l'Australie n'estpas
contradictoire avec le«devoir [de la Cour] qui consiste à sauvegarder sa
fonction judiciaire))(Cameroun septentrional, arrêC t,.I.J. Recueil 1963,
p. 38).En d'autrestermes,statuer surlefond estcompatibleavecla fonction
judiciaire de la Cour (voir ibid.,p. 37).Le présent différeestjusticiable.
110. Les écritures et les plaidoiries montrent amplement qu'il y a en
l'espèce«un litige réelimpliquant un conflit d'intérêts juridiques entles
parties)). En examinant les demandes du Portugal, la Cour et son arrêt
affecteront lesdroits et obligationsjuridiques des Parties, ((dissipant ainsi
toute incertitude dans leurs relations juridiques)). Par conséquent, «les
conditions essentiellesde la fonctionjudiciaire))pourraient êtreremplies
et en fait elles le seraientamerounseptentrional, arrêt,C.I.J. Recueil

1963, p. 34). Dans la présente affaire,il existe entre les deux Parties un
différendjuridique que la Cour, si elleveut s'acquitter de sa fonction, ne
peut refuser de trancher. Car une conséquence nécessairede l'existence
d'un différend,y compris en l'espèce,est l'intérêdte la partie (c'est-à-dire
le Portugal) à obtenir une décisionsur le fond (ici,je reprends la notion
de différendtelle qu'elle est exposéear M. Morelli, ibid.,p. 133,par. 3).
Le Portugal a suffisamment démontré son intérêt pou qrue la Cour exa-
mine l'affaire. Cet intérêt emeure et la controverse entre les deux Etats
n'a pas pris finà cejour.
111. En cequi concernela question du Timor oriental, ily a des points
d'interprétation et d'application dudroit au sujet desquels il est utile de
faire appel à la Cour. Ces points ne sont pas abstraits, il ne s'agit pas
d'«une question éloignéede la réalité)) (pour reprendre l'expression
employéedans l'affaire du Cameroun septentrional(C.I.J. Recueil 1963,
p. 33) et évoquée au cours de la procédure orale par M. Crawford, qui a

étéd'un avis contraire (CR 9519,p. 27, par. 17, et CR 95/15, p. 51,
par. 9)).La procédurea montréque lesParties s'opposaient sur des ques-
tions juridiques que la Cour pouvait réglersans la participation d'un
quelconque Etat tiers à l'instance (en l'espècel'Indonésie).Mêmesi l'on
assume que «le différend sous-jacentne peut êtrerégléque par voie desubmitted to the Court (which should be distinguished from the "under-
lying" one) is not suited to adjudication. Judge Sir Robert Jennings
reminds us that
"it could usefully be more generally realized that the adjudication
method is not necessarily an independent one and can very well be
used as a complement to others such as negotiation"'.

The learned Judge gave the example of the North Sea Continental Shelf
cases, but that mode1is not exclusive.
112. One can also look at Our problem from a somewhat different
angle: there are disputes where the settlement does not constitute a single
operation. The settlement is or becomes a process. Such is the nature of
the question of East Timor. Adjudication is part of the process and there
is no reason for eliminating it.

IV. THETERRITORY OF EASTTIMOR

A. Status

113. "The Court recalls ... that it has taken note in the present Judg-
ment (paragraph 31) that, for the two Parties, the Territory of East
Timor remains a non-~elf~governingterritory . .."(Judgment, para. 37).
And so it is, one may conclude on the basis of the decision,for the Court.
It is a matter of regret that this important affirmation did not find its
place in the dispositif.

No change of status

114. Since 1960East Timor has continually appeared and still appears
on the United Nations list of non-self-governing territories. The United
Nations maintains that status of East Timor. Only the Organization can
bring about a change. Rejection of the status by the original sovereign
Power; or the use of force by another country to gain control over the
territory; or recognition by individual States of the factual consequences
of the recourse to force - none of these unilateral acts can abolish or
modify the status of non-self-government. That status has its basis in
the law of the Organization and no unilateral act can prevail over that
law.
115. It is true that over the years and in some respects, the language of
the resolutions of the General Assemblyhas become lessdecisiveand less
definiteand the majorities smaller. But this is a development of the politi-
cal approach and the effect ofthe search for a solution through channels
other than the Security Council or the General Assembly. The constitu-
tional position under Chapter XI of the Charter has not changed. Nor

'"Comité restreintsur le règlement pacifique des dif.ote préliminaire",Insti-
Paris, 1994,p. 281.al Law, Yearbook, Vol. 65, Part II, Session of Milan, 1993,Pedone,négociation))(contre-mémoire,par.316),il n'estpas vrai que le différend
soumis à la Cour (qu'il faut distinguer du différend((sous-jacent») ne se
prête pas àun règlementjudiciaire. SirRobert Jenningsnous rappelleque:

«Il pourrait êtreutilement reconnu de façon plus générale quela
méthode durèglementjudiciaire n'est pas nécessairement indépen-
dante, et qu'ellepeutparfaitementêtreutiliséeencomplémentd'autres
méthodes,telle que la négociation.))'[Traduction du GreffeJ
Cejuge éminenta donnél'exempledes affairesdu Plateau continental de

la mer du Nord mais on pourrait donner d'autres exemples.
112. On peut aussi envisagernotre problèmesousun tout autre angle:
ily a des différendsdont le règlementne constitue pas une opération
unique. Le règlementest un processus ou le devient. Telleest la nature de
la question du Timor oriental. Le règlement judiciaire fait partie de ce
processus et il n'y a pas de raison de l'éliminer.

IV. LETERRITOIR DU TIMOR ORIENTAL

A. Le statut

113. «La Cour rappellera ..qu'elle a pris note dans le présentarrêt
(paragraphe 3 l), du fait que pour les deux Parties le Territoire du Timor
oriental demeure un territoire non autonome...)) (arrêt, par.37). Et l'on
peut conclure, sur la base de sa décision,que la Cour partage ce point de
vue. Il esà regretter que cette affirmation importante n'ait pas trouvé sa
place dans le dispositif.

Maintien du statut

114. Depuis 1960, le Timor oriental a figurésans interruption sur la
liste desterritoiresnon autonomes de l'Organisation des Nations Unies et
y figure toujours. L'Organisation continue de reconnaître ce statut au
Timor oriental. Elle est la seule pouvoir le modifier. Le rejet du statut
par la Puissance souveraine initiale, l'emploi de la force par un pays
pour s'assurerle contrôle du territoire, ou la reconnaissance par tel ou tel
Etat des conséquences defait du recours à la force, aucun de ces actes
unilatérauxne saurait abolir ou modifier le statut de non-autonomie. Ce
statut prend sa source dans le droit des Nations Unies et aucun acte
unilatéral ne peut prendre le pas sur ce droit.
115. Il est vrai qu'avec le temps l'Assembléegénéralea utilisédans ses
résolutionsdes termes à certains égards moinsfermes et catégoriques,et

que le nombre de voix en faveur de ses résolutionsa diminué. Maiscela
s'explique par l'évolution del'approche politique et la recherche d'une
solution par d'autres voies que celles de l'Assemblée générale et du
Conseil de sécurité. La situationau regard du chapitre XI de la Charte

'«Comitérestreint sur le règlement pacifiquedes d. ote préliminaire)),Insti-
tut de droit international, Annuaire,vol. 65, deuxième partie, session de Milan, 1993,
Pedone, Paris, 1994,p. 281.have the Geneva consultations under General Assemblyresolution 37/30,
currently in progress, brought about any modification of the Territory's
status.
116. Obviously, we are confronted by certain facts which may be long-
lived.Australia rightlymaintained that the rejectionofthe UnitedNations
status of the Territory by Portugal in the period 1955-1974 did not
change the legal status of East Timor. It is therefore difficult to under-
stand how, at the same time, Australia argues the effectiveness of the
incorporation of East Timor into Indonesia, and in particular the contri-
bution made to this effectivenessby acts of recognition of that incorpora-
tion. The status of East Timor in law has remained the same ever since
Portugal became a Member of the Organization and the United Nations
subsumed East Timor under Chapter XI of the Charter. It is a status

defined by the law of the United Nations. Unilateral acts - by Portugal
during the dictatorship period, and now by Indonesia since 1975and by
the few States which granted recognition - have had and continue to
have no primacy over that law.

Theposition ofAustralia
117. In spite ofvarious qualificationswhich Australia sometimesintro-
duced in presenting this part of the case, it must be assumed, on the

strength of its words, that it acknowledges that East Timor is still a
non-self-governing territory. "Australia has never recognized the legal-
ity of Indonesia's original acquisition of the territory of East Timor"
(Rejoinder, para. 224). It also refers to the change in the person of the
State now in control of the non-self-governingterritory (Indonesia taking
the place of Portugal). This implies that, in this respect, the status (as
such) of East Timor did not change.The Agent and counsel for Australia
said :
"Australia recognizesthat the people of East Timor have the right
to self-determination under Chapter XI of the United Nations Char-
ter. East Timor remains a non-self-governing territory under Chap-

ter XI. Australia recognized this position long before Portugal
accepted it in 1974. It has repeated this position, both before and
after its recognition of Indonesian sovereignty and it says so now."
(CR 95/14,p. 13.)
118. At the same time Australia does not seem to exclude that, in the
meantime, the Territory's legal position might have become adjusted to
the facts created by Indonesia. Has there been such an adjustment? The
language of the Timor Gap Treaty and of some officia1statements (cf.
paras. 127and 140below) can be perceived as supporting the concept of
change, not of continuity. To be more specific,the position of Australia

is ambivalent for three reasons.n'a aucunementvarié,et lesconsultationsde Genèveau titre de la résolu-
tion 37130de l'Assembléegénérale, actuellement encours, n'ont par
ailleurs rien changéau statut du Territoire.
116. A l'évidence,nous sommesen présence d'unesituation de fait qui
est susceptiblede durer longtemps.L'Australie a raison de soutenirque le
fait que lePortugal a rejeté,de 1955à 1974, cestatut attribué au Territoire
par l'Organisation des Nations Unies n'a pas modifiéle statut juridique
du Timor oriental. Il est donc difficilede comprendre comment en même

temps l'Australie peut plaider le caractère effectif de l'incorporation du
Timor oriental à l'Indonésieet soutenir en particulier que les actes de
reconnaissance de cette incorporation ont contribué à la rendre effective.
En droit, le statut du Timor oriental est demeuréle mêmetout au long de
la périodequi s'estécoulée depuis que le Portugal est devenu Membre de
l'organisation des Nations Unies et que l'Organisation a placéle Timor
oriental sous l'empire desdispositions du chapitre XI de la Charte. Il
s'agitd'un statut définipar le droit des Nations Unies. Des actes unilaté-
raux - ceux du Portugal à l'époque dela dictature, puis ceux de 1'Indo-
nésiedepuis 1975et ceuxdes quelques Etats ayant procédé à la reconnais-
sance - n'ont pas pu et ne peuvent pas prendre le pas sur ce droit.

La position de l'Australie

117. En dépitdes diversesnuances que l'Australie a parfois introduites
en exposant cette partie de l'affaire, on doit supposer, sur la foi de ce
qu'elle dit, qu'elle reconnaît que le Timor oriental est toujours un ter-
ritoire non autonome. ((L'Australie n'a jamais reconnu la légalité de
l'acquisition initiale par l'Indonésie du Territoire du Timor oriental.))
(Duplique, par. 224.) L'Australie se réfère aussiau fait que c'estun autre

Etat qui exerce désormais son autorité sur ce territoire non autonome
(l'Indonésieayant pris la place du Portugal). Cela implique qu'à cet égard
le statut (en tant que tel) du Timor oriental n'a pas subi de modification.
L'agent et conseil de l'Australie a déclaré:
((L'Australie reconnaît que le peuple du Timor oriental a le droit
de se déterminer lui-mêmeselon le chapitre XI de la Charte des
Nations Unies. Le Timor oriental reste un territoire non autonome

sous le couvert du chapitre XI. L'Australie a reconnu cet état de
chosesbien avant que le Portugal ne lefasseen 1974.Elle a réaffirmé
sa position, tant avant qu'après avoir reconnu la souveraineté de
l'Indonésie.Elle le réaffirmemaintenant.)) (CR 95/14,p. 13.)
118. En mêmetemps, l'Australie ne semble pas exclure que, dans
l'intervalle, la situation juridique du territoire ait pu évoluer defaçon
correspondre à la situation de fait créépar l'Indonésie. Unetelle évolu-

tion a-t-elleeu lieu? Le texte du traitérelatif auTimor Gap» et de quel-
ques déclarationsofficielles(voir ci-aprèspar. 127et 140)peut êtreconsi-
dérécomme allant dans le même sensde la thèsedu changement, et non
de la continuité. Plusprécisémentl,a position de l'Australie est ambiva-
lente pour trois raisons. 119. First, there is the basic difficultyin reconciling Australia's recog-
nition of Indonesian sovereignty with the continuing status of non-self-
government, a difficulty al1the greater since Indonesia denies the exist-
ence of that status. Does not recognition inevitably mean that Australia
has consented to the Indonesian concept of what the Territory now is?

120. Second, another source"of difficulty isdoubts regarding the legal
basis for an identical and equal treatment by Australia of the two coun-
tries (Portugal and Indonesia) as successivesovereignsof East Timor (see
para. 117 above). Portugal's title to sovereignty is not comparable with
Indonesia's claim. Since 1974Portugal has conformed to the rule of the
Friendly Relations Declaration '.

121. Third, one must equally note a general tendency on the part of
Australia to emphasize the significance ofthe fact that Portugal "has no

governmental control" over East Timor and has no "territorial presence"
there (CR 9518, p. 79). 1 would not contend that such an assertion
necessarily shows preference of fact over law, yet the tendency blurs the
attitude of Australia on the status of the Territory, especially as Indo-
nesia does not regard itself as a new "administering Power".

Recognition and non-recognition

122. It is convenient to dispose, at the outset, of the argument on the
analogy between the Timor Gap Treaty and some of the treaties for the
avoidance of double taxation concluded by Indonesia. Australia has

drawn attention to these treaties (Counter-Memorial, Appendix C;
Rejoinder, paras. 52-54; for the Portuguese view, see Reply, para. 6.14).
The Court mentions in general terms (i.e., without indicating their
category or subject) "treaties capable of application to East Timor but
which do not include any reservation in regard to that Territory" (Judg-
ment, para. 32). The Court does not make any explicit inference from
these treaties but points to them in the context of treaty-making power,
not of recognition. The latter point is made by Australia. That argument
is misleadingin the sensethat no recognition can be implied from the tax
treaties. They do not deal with territorial problems, and they do not refer
explicitly to East Timor, but concern Indonesian territory under Indo-
nesian legislation for tax purposes alone. This is an issue that could be
regulated by the contracting parties without detracting from the posture
of non-recognition (ifit was adopted) or without entailingrecognition.On

"The territory of a colony or other non-self-governingterritory has, under the Char-
ter, a statusarate and distinct fromthe territory of the State administeringit; and such
separate and distinct status under the Charter shall existuntil the people ofthe colony or
non-self-governingterritory have exercisedtheir right of self-determinationin accordance
with the Charter, and particularly itses and principles." 119. Premièrement, onse heurte à une difficultéfondamentale: com-
ment concilierla reconnaissancepar l'Australiede la souveraineté indoné-
sienneet lemaintien du statut de non-autonomie? La difficulté estd'autant
plus grande que l'Indonésienie l'existenced'un tel statut. Cette reconnais-
sancene signifie-t-ellepas inévitablementque l'Australiea acceptéla thèse

de l'Indonésieau sujet de la situation actuelle du Territoire?
120. Deuxièmement,une autre difficultévientde ce qu'on peut douter
que l'Australie soit fondée à traiter sur un pied d'égalitée,n termes iden-
tiques, les deux pays (le Portugal et l'Indonésie) entant que souverains
successifsdu Timor oriental (voir ci-dessuspar. 117). Le titre de souve-
rainetédu Portugal n'estcependant pas comparable à la revendication de
l'Indonésie.Depuis 1974, le Portugal se conforme au principe énoncé
dans la déclarationrelative aux relations amicales '.
121. Troisièmement,il y a égalementlieu de noter une tendance géné-
rale de la part de l'Australie insister sur la portéedu fait que le Portugal

«ne dispose d'aucune autoritégouvernementale))sur le Timor oriental et
n'y a ((aucune présence matérielle)()CR 9518,p. 79). Je ne prétends pas
que cette affirmation trahisse nécessairement une préférenc peour lesfaits
par rapport au droit, mais l'attitude de l'Australie àl'égarddu statut du
Territoire s'entrouve obscurcie, d'autant que l'Indonésie nese considère
pas elle-même comme une nouvelle ((puissance administrante)).

Reconnaissanceet non-reconnaissance

122. Il convient d'écarterd'embléel'argument tiréde l'analogie entre
le traitérelatif au «Timor Gap» et certainstraitésconcluspar l'Indonésie
visant à éviterla double imposition. L'Australie a appelél'attention sur
ces traités(contre-mémoire, appendiceC, et duplique, par. 52-54; pour
lepoint de vue du Portugal, voir réplique,par. 6.14).La Cour mentionne
de façon générale (c'est-à-dirs eans indiquer leur catégorie et leur objet)
les((traitéssusceptibles des'appliquer au Timor oriental,mais ne compor-
tant aucune réservequant à ce territoire))(arrêt, par.32). La Cour ne tire
aucune conclusion expressede cestraités,mais s'yréfèredans le contexte

du pouvoir de conclure des traités et non dans celui de la reconnais-
sance. C'est l'Australiequi seplace du point de vue de la reconnaissance.
Cette position est fallacieusedans la mesure où les traités en matièrefis-
cale n'impliquent aucune reconnaissance. En effet, ils ne portent pas sur
lesproblèmesterritoriaux, ne visentpas explicitementle Timor oriental et
concernent le territoire indonésien soumis à la législation indonésienne
uniquement à des fins fiscales. C'estlà une question qui peut êtreréglée
par lesparties contractantes sans contredire leur positiondenon-reconnais-

'«Le territoire d'une colonie ou d'un autre territoire non autonome possède, en vertu
de la Charte, un statut séparé et te celuidu territoire de 1'Etatqui l'administre; ce
statut séparéet distinct en vertu de la Charte existe aussi longtemps que le peuple de la
colonie ou du territoire non autonome n'exercepas sàndisposer de lui-mêcon-
formément àla Charte et, plus particulièrement,à ses buts et ))incipes.the other hand, the Timor Gap Treaty refers to "the Indonesian Province
of East Timor" and isbased on the assumption of Indonesian sovereignty
over that area, which sovereignty Australia has recognized.

123. Let me observe that in matters of violent changes resulting in the
imposition of foreign rule or dominant foreign influence a longer per-
spectiveis necessary.Recent history has again shown that what for many
years was regarded as almost permanent and immutable collapsed under
Oureyes - an outcome which the proponents of Realpolitik and of con-
sent to accomplished facts did not foresee. We were told, in connection
with East Timor, that "the realitiesof the situation would not be changed

by Our opposition to what had occurred" (the position of the United
States, quoted in Rejoinder, para. 47). For the time being, that may be
true. Yet we al1know of instances where there was opposition and vari-
ous "realities" proved to be less resistant to change than Governments
might have thought.

124. In the present case the Court preferred not to consider the prob-
lem of the non-recognition of a situation, treaty or arrangement which
came into being by means contrary to the prohibition of "the threat or
use of force against the territorial integrity or political independence of

any State, or in any other manner inconsistent with the Purposes of the
United Nations" (Art. 2, para. 4, of the Charter). However, when stating
or confirrning the principles relevant to the case this restraint is not the
only possible posture.
125. The policy of non-recognition, which goes back to before the
First World War, started to be transformed into an obligation of
non-recognition in the thirties. Through the Stimson doctrine, the
United States of America played a pioneering - and beneficial -
role in this developmentl. The rule or, as Sir Hersch Lauterpacht
says2, the principle of non-recognition now constitutes part of general
international law. The rule may be said to be at present in the course of
possibly reaching a stage when it would share in the nature of the prin-

ciple of which it is a corollary, Le., the principle of the non-use of force.
In that hypothesis non-recognition would acquire the rank of a peremp-
tory norm of that law (jus cogens). But that is a future development
which is uncertain and has still to happen. The Friendly Relations Dec-
laration3 correctly states the law on the subject: "No territorial acquisi-
tion resultingfrom the threat or use of force shall be recognizedas legal."

'R. Langner, Seizure of Territory. The Stimson Doctrine andRelated Principles in
Legal Theory and DiplornaticPractice, 1947.
Declaration on Principles of International Law concerning Friendly Relations and
Co-operation among States in Accordance with the Charter of the United Nations. This
Deciaration iscontained in the Annex to resolutionV) of the United Nations Gen-
eral Assembly.The rule figures inthe section dealing with the prohibition of use offorce.sance (si elles ont adopté cette attitude) ni entraîner une reconnaissance.
En revanche, le traitérelatif au ((Timor Gap» mentionne «la province
indonésiennedu Timor oriental)) et part de l'hypothèseque l'Indonésie
exerce sur cette région sasouveraineté,que l'Australiea reconnue.
123. Qu'ilme soit permis de faireremarquer qu'en cas de changements
violents aboutissant àune domination étrangèreou à une influenceétran-

gèredominante il faut se placer dans une perspective à plus long terme.
L'histoire récente vientencore de nous montrer que ce qui avait été
pendant très longtemps considéré commequasi permanent et impossible
à modifier s'est effondré sousnos yeux - résultat queles tenants de la
Realpolitik et de l'acceptation du fait accompli n'avaient pas prévu.On
nous a dit, à propos du Timor oriental, que «notre opposition à ce qui
s'[est]passéne changer[a] rien à la réalitéde la situation)) (position des
Etats-Unis d'Amérique,citéedans la duplique, par. 47). C'est peut-être

vrai pour le moment, mais nous connaissonstous des cas où une opposi-
tion s'est manifestéeet où il est arrivé quediverses ((réalités))nt offert
moins de résistanceau changementque n'auraient pu l'imaginerles gou-
vernements.
124. Dans la présenteinstance,la Cour a préféré ne pas examinerlepro-
blèmede la non-reconnaissanced'une situation, d'un traité ou d'un ar-
rangement résultantde l'emploi de moyens contraires à l'interdiction de
((recourirà la menace ou à l'emploi dela force, soit contre l'intégrterri-

toriale ou l'indépendancepolitique detout Etat, soit de toute autre manière
incompatible avec les buts des Nations Unies» (article 2, paragraphe 4,
de la Charte). Lorsque 1'011 formule ou confirme les principes pertinents
en l'espèce,cette attitude de réserven'est cependant pas la seulepossible.
125. La politique de non-reconnaissance, qui remonte à une époque
antérieure à la premièreguerre mondiale, a commencé à se transformer
en une obligation de non-reconnaissance dans les années trente. Les
Etats-Unis d'Amériqueont, grâce à la doctrine Stimson, fait Œuvre de
pionnier et jouéun rôle utile dans cette évolution1.La règleou, comme

sir Hersch Lauterpacht l'appelle2, le principe de non-reconnaissancefait
aujourd'hui partie du droit international général. On peutaffirmer que
cette règleest peut-êtreen voie d'atteindre aujourd'hui le stade où elle
participerait de la nature du principe qui est son corollaire, à savoir le
principe du non-recours à la force. Dans cette hypothèse, la non-recon-
naissance deviendrait une norme impérative de ce droit (jus cogens). Il
s'agitcependant là d'une évolutionfuture qui doit encore prendre forme
et qui demeure incertaine.La déclaration relative aux relations amicales3

décritbien l'état dudroit en ce domaine: «Nulle acquisition territoriale

'R. Langner, Seizure of Territory. The Stimson Doctrine andRelated Principles in
Legal Theory and Diplomatic Practice, 1947.
Recognition in International Law, 1947,chap. XXI.
Déclaration relative aux prisu droit international touchant lesrelations amicales
et la coopération entrelesEtats conformémentharte des Nations Unies. Le texte de
Unies. La règlese trouve dans la section concernant l'interdictiondela force.Contrary to what has been asserted (Counter-Memorial, para. 365;
Rejoinder, para. 74)the obligation not to recognizea situation created by

the unlawful use of force does not arise only as a result of a decision by
the SecurityCouncil ordering non-recognition. The rule is self-executory.

126. But apart from what has been said in paragraph 125above, there
is room for the view that the United Nations rejected the possibility of
recognition. For the Security Council called upon "al1 States to respect

the territorial integrity of East Timor" (resolutions 384 (1975) and 389
(1976), paragraph 1 in each of them) and the General Assembly also
made a reference to East Timor's territorial integrity (resolution 3485
(XXX), para. 5; this resolution was reaffirmed by the Assembly in 1976-
1978). What else can this mean but prohibition to do anything that
would encroach upon the integrity of the Territory? Recognition of it as

a province of Indonesia is contrary to the resolutions cited. The Assem-
bly rejected the integration of East Timor into Indonesia (para. 24
above).

127. Yet Australia recognized Indonesia's sovereignty over East
Timor; on this occasion it also questioned the legal character of the rule
of non-recognition '.Sometimes less precise language was used :it was

said during the oral pleadings that Australia "recognized the presence of
Indonesia in East Timor" (CR 9518,p. 10, para. 3, Professor Pellet).
Strictly speaking "presence" could mean less than "sovereignty".

followingstatement in the Australianenate on 20 March 1986:ashe then was),made the

"1make it plain that the legalstatus of this declaration [citedinfootnote 3, p. 262,
above], which is not a treaty in any sense, has long been very hotly contested.It is
our understanding that there is no binding international legal obligation not to
the legality of the original acquisition ofterritory by a state must be distinguished
from subsequent dealings between thirdtates and the state acquiring new territory.
It is the sovereign right of eachstate to determine what dealings itwill have with
states acquiring, by whatever means, new territory and to determine whetheror not
to recognise sovereignty overuch a territory.

As the Prime Minister(Mr. Hawke) stated in theHouse on 22 August 1985,inan
answer to Mr. Peacock. Australia hasrecognisedIndonesia's sovereigntvover East
Timor sinceFebruary 1979.Of course,that Gatementwas accompaniedby a recogni-
tion,again bv Mr. Hawke which has been exoressedbv Government reoresentatives
on &any occasions, ofour concern at the waiin whichÉast Timor washcorporated.
The recognitiondoes not modify in any waythe continuing concern at that historical
fact.
Let me go on to Saythat it is perfectly consistent with Australia's recognition of
Indonesia's sovereignty over EastTimor to engage in negotiations withIndonesia
now on the Timor Gap." (Reproduced in the Memorial, Annex 111.28.)obtenue par la menace ou l'emploi de la force ne sera reconnue comme

légale.)) Contrairement aux affirmations faites (contre-mémoire,
par. 365; duplique, par. 74), l'obligation de nepas reconnaître une situa-
tion crééepar l'emploi illicitede la force ne découlepas uniquement
d'une décisiondu Conseil de sécurité prescrivant la non-reconnaissance.
Il s'agit d'une règledirectement applicable.

126. Mais en dehors de ce qui a étédit au paragraphe 125ci-dessus,il
est permis de penser que l'organisation des Nations Unies a rejeté la pos-
sibilitéd'une reconnaissance.En effet, le Conseil de sécurité a demandé à
«tous les Etats de respecter l'intégrité territorialedu Timor oriental))
(résolutions384 (1975)et 389 (1976),paragraphe 1 du dispositif de cha-
cune de ces résolutions) etl'Assembléegénéralea fait mention de l'inté-

grité territorialedu Timor oriental (résolution34/85(XXX), par. 5; cette
résolutiona été réaffirmé par l'Assemblée en 1976-1978).Que peuvent
signifiertous cestextes sinon qu'ilest interdit de faire quoi que ce soit qui
puisse porter atteinte à l'intégritédu Territoire? La reconnaissance de ce
territoire en tant que province de l'Indonésie estcontraire aux résolutions

citées. L'Assembléa e rejeté l'intégrationdu Timor oriental à l'Indonésie
(ci-dessuspar. 24).
127. L'Australie a pourtant reconnu la souverainetéde l'Indonésiesur
le Timor oriental et elle a, à cette occasion, également contestéle carac-
tèrejuridique de larègledenon-reconnaissance l.Des formulations moins

précisesont parfois été utiliséesi:l a étédit au cours des plaidoiries que
l'Australie «a reconnu la présence de l'Indonésieau Timor oriental))
(CR 9518,p. 10,par. 3, M. Pellet). Le terme «présence»pourrait, au sens
strict du terme, avoir une portéemoindre que celui de ((souveraineté)).

Le sénateurGareth Evans, alors ministre des ressourceset de l'énergie,a fait la décla-
ration suivante devant le Sénat australienle 20 mars 1986:
«J'indique avecclartéque le statut juridique de cette déclaration [citée ci-dessus
p. 262,note31,qui ne constitue en aucun sens un traité,fait depuis longtemps l'objet
de contestations très énergiques.Nous croyons comprendre qu'il n'existeaucune
obligation juridique internationale contraignante de ne pas reconnaître l'acquisition
d'un territoire obtenue par la force. En droit international, de l'acquisition
initiale d'un territoire par un Etat doit êtredistinguée des relations sntreieuree
les Etats tiers et 1'Etatqui acquiert un territoire nouveau. Chaque Etat a ledroit sou-
verain de décider des relations qu'ilaura avec les Etats qui acquièrent,par quelque
moyen que ce soit, de nouveaux territoires et de déciders'il entend ou non recon-
naComme le premier ministre (M. Hawke) l'a déclaré devant laChambre le 22 août
1985,quand il a répondu à M. Peacock, l'Australie reconnaîtla souverainetéindo-
nésiennesur le Timor oriental de~uis février1979. Bien entendu. cette déclaration
s'accompagnait de laeconnaissan'ce,une fois encore de la part deM. Hawke, et que
des re~résentantsdu gouvernement ont formulée en de nombreuses occasions, des
préoc&pations que nous inspire la manièredont le Timor oriental a étéincoràoré
l'Indonésie.La reconnaissance ne modifieen rien lespréoccupationstoujoursactuelles
relatives ce fait historique.
Permettez-moi de poursuivre en disant qu'entreprendre maintenant des négocia-
tions avec l'Indonésieau sujet du «Timor Gap» est parfaitement compatible avec la
reconnaissance, par l'Australie, dela souveraineté de l'Ineur le Timor orien-
tal. (Reproduit àl'annexe 111.28du mémoire.) 128. The Australian justification was expressed in the following
terms :

"As a practical matter, Australia could not have avoided the deci-
sion to recognize Indonesia [sic], and to negotiate with a view to
making a treaty with it on the Timor Gap, if it was to secure and
enjoy its sovereignrights there. There was no other State with which
it could have negotiated and concluded an effectiveagreement. No
arrangement with Portugal could have achieved Australia's legiti-
mate object, since Portugal did not control the area in question and
there was not the slightest prospect that it would do so in the
future." (Counter-Memorial, para. 354.)

However, the problem cannot be reduced to "practical" considerations.
They do not relieve the State of the duty of non-recognition. The argu-
ment, if put forward without any qualification, is unacceptable; admitted
unconditionally, it could Sapthe foundation of any legal rule.

129. While recognition of States or Governments is still "a free act", it
is not so with regard to the irregular acquisition of territory: here thes-
cretionary nature of the act has been changed by the rule on the prohibi-
tion of the threat or use of force.
130. As indicated above (para. 125)the rule of non-recognition oper-

ates in a self-executory way. To be operative it does not need to be
repeated by the United Nations or other international organizations.
Consequently, the absence of such direction on the part of the interna-
tional organization in a particular instance does not relieve any State
from the duty of non-recognition. Nor does the absence of "collective
sanctions" have that effect.Australia espouses a contrary view(Counter-
Memorial, paras. 355 and 356; and Rejoinder, para. 229).

131. The Court has not been asked to adjudicate or make a declara-
tion on non-recognition in regard to the Indonesian control over East
Timor. But let me restate the question: can the Court avoid this issue
when it statescertainprinciples?Non-recognition might protect or indeed
does protect the rights to self-determination and to permanent sover-
eignty over natural resources. Any country has the correspondingduty to
respect these rights and no act of recognition can release it from that
duty. In other words, it might be necessary to consider whether there is
any link between Australia's attitude towards the Indonesian annexation
and its duties with regard to East Timor. Such a determination would not
amount to delivering any judgrnent on Indonesia, for the Court would

limit itself to passing upon a unilateral act of Australia. That act, con-
trary to Australia's view (Counter-Memorial, para. 350), means more
than mere acknowledgment that Indonesia "is in effectivecontrol of the
territory" while the recognizing Government is willing "to enter into
dealings with that State or government in respect of the territory". 128. L'Australie a avancé lajustification suivante:

«Sur un plan pratique, l'Australie ne pouvait éluderladécision de
reconnaître l'Indonésie[sic] et de négocier avecelle dans le but de
conclureun traité relatif au((Timor Gap», si ellevoulait garantir et
exercer là les droits souverains qui étaient les siens. Il n'existait
aucun autre Etat avec lequel elle pouvait négocieret conclure un
accord efficace. Aucun accord avec le Portugal n'aurait permis de

réaliser l'objectif légitime dl'Australie, car cet Etat ne possédait
pas le contrôle de la zone en question et il n'existait pas la moindre
perspective qu'il puisse jamais le posséder.)) (Contre-mémoire,
par. 354.)
Le problème ne saurait toutefois se réduire à des considérations((prati-
ques». Celles-ci nedispensent pas 1'Etatde son obligation de non-recon-

naissance. La thèse avancée,si elle n'est pas nuancée,est inacceptable.
Admise sans réserves,elle pourrait saper le fondement de n'importe
quelle règlejuridique.
129. Mêmesi la reconnaissance d7Etatsou de gouvernements demeure
«un acte libre», elle cessede l'êtreen cas d'acquisition irrégulièred'un
territoire: le caractère discrétionnaire de l'acte est alors modifiépar la
règleinterdisant la menace ou l'emploi dela force.
130. Comme il a étéindiqué ci-dessus (par. 125), la règle de non-
reconnaissance est directement applicable. Il n'est pas nécessaire,pour
qu'elle s'applique, que l'organisation des Nations Unies ou une autre
organisation internationale la réitère. En conséquence,le fait que l'Orga-
nisation des Nations Unies n'a pas donnéde directive en ce sens dans un
cas particulier ne dispense aucun Etat de l'obligation de non-reconnais-
sance. L'absence de ((sanctions collectives» n'a pas non plus cet effet.
L'Australie est de l'opinion contraire (voir contre-mémoire,par. 355-356,

et duplique, par. 229).
131. Il n'a pas étdemandé à la Cour de statuer ou de faire une décla-
ration de non-reconnaissance en ce qui concernel'autoritéde l'Indonésie
sur le Timor oriental. Mais qu'il me soit permis de reformuler la ques-
tion: la Cour peut-elle éludercette question lorsqu'elle formule certains
principes? La non-reconnaissance pourrait protéger,et protèged'ailleurs
en fait, les droits l'autodétermination et à la souverainetépermanente
sur les ressources naturelles. Tout pays a l'obligation corrélativede res-
pecter ces droits et aucun acte de reconnaissance ne peut le dispenser de
cette obligation. Autrement dit, il pourrait êtrenécessaire d'examiners'il
existe un lien entre l'attitude de l'Australie l'égard de l'annexionpar
l'Indonésie etses obligations à l'égard du Timor oriental.Se prononcer
sur l'existenced'un tel lien n'équivaudrait pas à rendre un arrêtvisant
l'Indonésie,car la Cour se bornerait alorsà statuer sur un acte unilatéral

de l'Australie. Contrairement àce que pense l'Australie (contre-mémoire,
par. 350), cet acte signifie davantage que la simple constatation que
l'Indonésie((exerceeffectivement son autoritésur le territoire)) et que leRecognition leads to the validation of factual control over territory and
to the establishment of corresponding rights.

132. The attitude of non-recognition may undergo a change by virtue
of a collectivedecision of the international community. In law, there is a
fundamental difference between such a decision and individual acts of
recognition.Judge Sir Robert Jennings wrote of "some sort of collectivi-
sation of the process, possibly through the United Nations itself . . .'.
But up till now nothing of the sort has happened with regard to East

Timor. Nor is there any consolidation of the Indonesian "title" through
other means.
133. The dichotomy between fact and law permeates this case. 1have
already touched upon one aspect of it in paragraph 123 above. In this
opinion it is not possible to discuss generally the role of the factual ele-
ment, of facts, as a source of rights, obligationsand powers. But it would
be too simple to dismiss the continued United Nations status of East
Timor and of Portugal as being remote from the facts. Whenever it
comes to an unlawful use of force, one should be careful not to blur the
difference between facts and law, between the legal position and the fac-
tua1configuration. Even in apparently hopeless situations respect for the
law iscalled for. In such circumstancesthat respect should not mean tak-
ing an unrealisticposture. History givesus surprises. Contemporary his-
tory has shown that, in the vast area stretching from Berlin to Vladivos-
tok, the so-called "realities", which more often than not consisted of
crime and lawlessness on a massive scale, proved to be less real and
less permanent than many assumed. In matters pertaining to military
invasion, decolonization and self-determination, that peculiar brand
of realism should be kept at a distance. And one cannot accept that
Chapter XI disregards the problem of the legality of the administration
of a non-self-governing territory.

B. Self-determination

"Essentialprinciple"

134. The Court Statesthat the principle of self-determination "is one
of the essential principles of contemporary international law". The right
of peoples to self-determination "has an erga omnes character". The
Court describes the relevant assertion of Portugal as "irreproachable"
(Judgment, para. 29).The Court also recallsthat "it has taken note in the
present Judgment (paragraph 31) that, for the two Parties, . . .[the]
people [of East Timor] has the right to self-determination" (para. 37).

' The Acquisition of Territory in International Law, 1963,p. 61.

179gouvernementqui procède à la reconnaissance est «disposé à traiter avec

cet Etat ou ce gouvernementpour ce qui se rapporte à ce territoire)). La
reconnaissance conduit àla validation du contrôle de fait sur un territoire
et à l'établissement dedroits correspondants.
132. Une décision collective dela communauté internationale peut
modifier l'attitude de non-reconnaissance.En droit, il y a une différence
fondamentale entre une telle décisionet des actes séparés dereconnais-
sance. SirRobert Jenningsparlait d'«une sorte de collectivisation du pro-
cessus, peut-être parl'intermédiairede l'organisation des Nations Unies
elle-même ..» l.Mais jusqu'à présentil ne s'est rienproduit de semblable
pour le Timor oriental. Il n'y a pas eu non plus consolidation du «titre»
indonésienpar d'autres moyens.
133. La dichotomieentre le fait et le droit est l'une descaractéristiques
de la présenteaffaire.J'ai déjà évoqué un des aspectsde cette dichotomie
au paragraphe 123ci-dessus. Selon la présente opinion, il n'est pas pos-

sibled'examinerd'une manièregénérale lerôle de l'élémenftactuelou des
faits comme source de droits, d'obligations et de pouvoirs.l serait cepen-
dant trop simple de refuser d'admettre le maintien du statut du Timor
oriental et du Portugal tel que reconnu par l'Organisation des Nations
Unies parce qu'il serait trop éloigné des réalitéC s.haque fois qu'il y a
emploi illicite de la force, il faut avoir soin de ne pas estomper la diffé-
rence entre lesfaits et le droit, entre la positionidique et la situation de
fait. Mêmedans des situations apparemment désespérées l, droit doit
êtrerespecté.Dans de tellescirconstances, cerespect ne saurait êtreconsi-
déré commeirréaliste.L'histoireest richedesurprises, etl'histoire contem-
poraine montre que, dans le vaste territoire qui s'étend deBerlin à Vla-
divostok, lesprétendues «réalités», résultanlte plus souvent de crimes et
d'actes illicites commisà une vaste échelle,se sont révélée soins réelles
et moins permanentesque beaucoup ne l'imaginaient. S'agissantde ques-

tions comme l'invasion militaire, la décolonisation et l'autodéterrnina-
tion, on devraitprendre sesdistances par rapport à cegenre particulier de
réalisme.Et on ne peut considérerque le chapitre XI méconnaîtle pro-
blèmede la licéité de l'administration d'un territoire non autonome.

B. L'autodétermination

«Les principes essentiels))
134. LaCour déclarequeleprincipe de l'autodéterminationest «un des

principes essentiels du droit international contemporain)). Elle évoque
l'opposabilité «erga .omnes» du droit des peuples à disposer d'eux-
mêmes.La Cour considère«qu'il n'y a rien à redire» à l'affirmation du
Portugal sur cepoint (arrêt,par.29).La Cour rappelle également ((qu'elle
a pris note, dans le présentarrêt(paragraphe 31), du fait que pour les
deux Parties ...[lepeuple] du Timor oriental ...a le droità disposer de

'The Acquisition of Territory in International Law, 1963,p. 61.It is a matter of regret that these important statements have not been
repeated in the operative clause of the Judgrnent.
135. In the opinion of Judge Bedjaoui, President of the Court, self-

determination has, in the course of time, become"a primary principlefrom
whichother principlesgoverninginternational societyfollow" ("un principe
primaire, d'où découlentles autres principes qui régissent la sociétié nter-
nationale"). It is part ofjus cogens; consequently,the "international com-
munity could not remain indifferentto its respect" ("la communauté inter-
nationale ne pouvait pas rester indifférente à son respect"). States, both
"individuallyand collectively",have the duty to contribute to decoloniza-
tion whichhas becomea "matter for all" ("une affairede tous") '.Accord-
ing to Judge Ranjeva "[tlhe inalienability of the rights of peoples means
that they have an imperative and absolute character that the whole inter-
national order must observe7'*.Judge Mbaye interprets self-determination
in conjunction with "the principle of inviolability of bordersm3.That link
additionallyemphasizesthe incompatibilityof the forcibleincorporation of
a non-self-governingterritory with the requirement ofself-determination.

136. Byvirtue of Chapter XI of the Charter the East Timorese right to
self-detemination is the focal point of the status of the Territory. This
has been confirmed by several United Nations resolutions which have
been adopted sincethe invasion of East Timor by Indonesia and sincethe
incorporation of the Territory into that State.

137. The issue is not limited to the quadrilateral relationship (which
today finds its expressionin the Geneva consultations), that is, the people
of East Timor, the United Nations, Portugal and Indonesia. In particu-
lar, the duty to comply with the principle of self-determination in regard
to East Timor does not rest with Portugal and Indonesia alone. Depend-
ing on circumstances, other States may or willalso have some obligations
in this respect. By negotiating and concluding, and by beginning to
implementtheTimor Gap Treaty, Australia placed itselfin sucha position.

138. The Friendly Relations Declaration provides as follows:
"Every State has the duty to promote, through joint and separate
action, realization of the principle of equal rights and self-determina-
tion of peoples, in accordance with the provisions of the Charter,
and to render assistance to the United Nations in carrying out the
responsibilities entrusted to it by the Charter regarding the imple-
mentation of the principle .. ."

'M. Bedjaoui, in J.-P. Cot and A. Pellet (eds.),La Chartedes Nations Unies,2nd ed.,
1991,pp. 1082-1083.
Raymond Ranjeva, "Peoples and National Liberation Movements", in M. Bedjaoui
(ed.), International Law: Achievements and Prospects, 1991,p. 105,para. 16.
Kéba Mbaye, Introduction (to Part Four, "Human Rights and Rights of Peoples"),
ibid., p. 1055,para. 62.lui-même))(par.37). Il est à regretter que ces déclarations importantes
n'aient pas étéreprises dans le dispositif de l'arrêt.
135. Selon M. Bedjaoui, Présidentde la Cour, l'autodétermination est
devenue, avec le temps, «un principe primaire, d'où découlentles autres
principes qui régissentla société internationale)). Ce principe fait partie
du jus cogens; par conséquent,«la communauté internationale ne pou-
vait pas rester indifférenteson respect)). Les Etats, ((individuellementet
collectivement», ont le devoir de contribuer àla décolonisation,devenue
«une affaire de tous))'.Selon M. Ranjeva, «[ll'inaliénabilitdes droits du
peuple implique leur caractère impératif et absolu, qui s'impose à tout
l'ordre internati~nal))~.M. Mbaye interprète le droit des peuples à dis-

poser d'eux-mêmes en liaison avec«leprincipe de l'intangibilitédes fron-
tière~))~C. ette liaison souligne encore l'incompatibilitéde l'incorporation
d'un territoire non autonome par la force avec l'exigence du droit à
l'autodétermination.

136. Le droit àl'autodétermination dupeuple du Timor oriental cons-
titue, en vertu du chapitreI de la Charte, l'élément cldéu statut du Ter-
ritoire. Ce fait a été confirmé par plusieurs résolutions de l'organisa-
tion des Nations Unies qui ont été adoptées depuils'invasion du Timor
oriental par l'Indonésieet depuis l'incorporation dudit territoireà cet

Etat.
137. La question de l'autodétermination ne selimite pas à une relation
quadrilatérale(quisetraduit aujourd'hui par lesconsultationsde Genève),
c'est-à-direentre le peuple du Timor oriental, l'organisation des Nations
Unies, le Portugal et l'Indonésie.En particulier, l'obligation de respecter
le principe de l'autodétermination en ce qui concerne le Timor oriental
n'incombe pas uniquement au Portugal et à l'Indonésie.Certaines obli-
gations à cet égardpourront incomber ou incomberont aussi à d'autres
Etats selon les circonstances.L'Australie s'estmise elle-mêmedans cette
obligation en négociant,en concluant et en commençant à exécuterle
traitérelatif au «Timor Gap)).
138. La déclarationrelative aux relations amicales énonce :

«Tout Etat a le devoir de favoriser, conjointement avec d'autres
Etats ou séparément,la réalisationdu principe de l'égalité de droits
des peuples et de leur droità disposer d'eux-mêmesc ,onformément
aux dispositionsde la Charte, et d'aider l'Organisation des Nations
Unies a s'acquitter des responsabilitésquelui a conférées la Charte
en ce qui concernel'application de ce principe...»

'M. Bedjaoui, dans J.-P. Cot et A. Pellet (dir. pub].), La Charte des Nations Unies,
2' éd.,1991,p. 1082-1083.
R. Ranjeva, «Les peuples et les mouvements de libérationnationale)),dans M. Bed-
jaoui (dir. gén.),Droit international. Bilanet perspectives, 1991,p. 113,par. 16.
Kéba Mbaye, introductionà la quatrième partie («Les droits de l'homme et des
peuples))),ibid., p. 1125,par. 62.Self-determination creates a responsibility not only for those who are

directly concerned.

The position of Australia
139. Australia adheres to the principle of self-determination. In the

pleadings Australia emphasized its acknowledgment of the right of the
people of East Timor to self-determination.
140. However, some officia1Australian statements combine that broad
general stancewith a somewhat qualified approach regardingEast Timor
specifically.During the Senate debate on 14 November 1994 Senator
Gareth Evans, Minister for Foreign Affairs, said:
"The self-determination that Australia talks about and wants to
encourage is self-determination within the framework of Indonesian

sovereignty. That is the implication of dejure recognition which the
other side of Australian politics initiated in 1979and which we sub-
sequently endorsed when we came into office.
Self-determination in that context, and in the way in which that
expression is being used a lot internationally these days, does mean
genuine respect for different ethnicity and genuine respect for human
rights claims of particular groups within larger national or State
entities. Thatis the kind of thing we are talking about. In that con-
text, some kind of special political autonomy or special status - of
the kind, for example, that exists in Jogjakarta or Aceh - might be
thought to be helpful in that larger process of reconciliation. It is not
by itself enough to solve the whole problem but it is at least part of
the answer. The other elements of the answer are those 1 have
described, in particular the military drawdown as wellas other meas-
ures being taken to respect local, religious and cultural sensitivities

to a greater extent than has been the case so far." (Senate, p. 2973.)

The reference to "self-determination within the framework of Indonesian
sovereignty" should be noted, as wellas "respect for different ethnicity",
"respect for human rights claims of particular groups", and measures to
be taken "to respect local, religious and cultural sensitivities" of the

people of East Timor; also "political autonomy or special status" of a
particular kind. These are important aims, entirely in line with a certain
type of self-determination. But that statement does not fully meet the
requirements of General Assembly resolution 1541 (XV). On 7 February
1995 the Foreign Minister explained "the framework of sovereignty",
indicating that :

"The situation is that before 1975 Australia recognized Portu-

guese sovereignty over East Timor while, at the same time, simulta-Le droit à l'autodétermination engendreune responsabilitéquin'est pas
uniquement à la charge des parties directement intéressées.

La position del'Australie

139. L'Australie souscrit au principe de l'autodétermination.Dans ses
écritures et plaidoiries, elle a insistésur le fait qu'elle reconnaissait le
droit du peuple du Timor oriental à disposer de lui-même.
140. Or, dans certainesdéclarationsaustraliennes officielles,cette posi-
tion générale se nuance quelque peu en ce qui concerne le cas particulier
du Timor oriental. Le 14novembre 1994,M. Gareth Evans, ministre des
affaires étrangères, a déclaréau Sénat:

((L'autodéterminationdont parle l'Australie et qu'elle veutencou-
rager est l'autodétermination dansle cadre de la souverainetéindo-
nésienne.C'est cequ'impliquela reconnaissance dejure dont l'autre
camp politique australien a pris l'initiative en 1979 et que nous
avons par la suite entérinélorsquenous sommesarrivésau pouvoir.
Ce que l'autodétermination signifie dans ce contexte, et dans le
sens où ce terme est souvent employé au niveau international
aujourd'hui, c'estle respect véritabledes différentesethniesainsi que
le respect véritabledes revendications formulées enmatière de droits
de l'homme par des groupes particuliers au sein d'entités nationales
ou étatiques plus larges. C'est ce dont nous parlons. On pourrait

penser dans cecontextequ'une certaineformed'autonomie politique
ou un statut spécial - du genre de ce qu'on trouve par exemple à
Jogjakarta ou à Aceh - contribuerait utilement au processus plus
large de la réconciliation.Certes,cela ne suffitpas en soi pour régler
l'ensembledu problème,maisc'estau moins une partie dela réponse.
Les autres éléments dela réponsesont ceux que j'ai décrits,en par-
ticulier la réduction de laprésencemilitaireainsique la prise d'autres
mesures visant à faire mieux respecter les sensibilités locales, reli-
gieuseset culturellesque celan'a étélecasjusqu'à présent. »(Compte
rendu des débatsau Sénat, p.2973.)

Il y a lieu de noter ici les expressions «l'autodétermination dansle cadre
de la souverainetéindonésienne)),ainsi que«le respect ...des différentes
ethnies)),«le respect...des revendications formulées enmatièrede droits
de l'homme par des groupes particuliers)),la prise de mesures «visant à
faire mieux respecter les sensibilités locales,religieuseset culturelles» du
peuple du Timor oriental et également((autonomie politique ou ..statut
spécial)).Ce sont là des objectifs importants qui cadrent parfaitement
avecun certain type d'autodétermination. Mais cettedéclarationne satis-
fait pas entièrementaux exigencesde la résolution1541 (XV)de I'Assem-
bléegénérale.Le 7 février 1995, le ministre des affaires étrangères a
expliquéce qu'il entendait par «dans le cadre de la souveraineté)):

((Avant 1975,l'Australie reconnaissait la souverainetéportugaise
sur le Timor oriental tout en reconnaissant en mêmetemps le droit à neously recognizing the right to self-determination of the Timorese
people.There is no differencebetween the situation then and now. A
claim of a right to self-determination can exist with a recognition of
sovereignty. We recognized Portuguese sovereignty then - and, in
fact until 1979before we formalized it - and since 1979we have
recognized Indonesian sovereignty, but we have also recognized
right through that period the right to self-determination by the
people of East Timor." (Current Senate Hansard, Database, p. 572.)

This time the Minister referred to the whole gamut of solutions:
"[Slelf-determination can involve a number of quite different out-
cornes, including of course the emergence of an independent State,

but also integration, or some form of association within or with
another State, or a degree of autonomy within another State. 1think
that is important background.
In the case of East Timor, Australia recognizes that the people of
East Timor do have a right of self-determination - to choose, in
effect, how they are governed. This has been Australia's position
since before the events of 1975,and it has never been reversed. The
United Nations, in relation to East Timor, has certainly recognized
that there can be no solution to self-determination and related issues
without the cooperation of the Indonesian government; ..." (Ibid.)

Thus, in dealing with East Timor the statement adopts a narrower
approach: self-determination is reduced to the choice of the form of
government ("how they are governed").

Erosion through acquiescence in accomplishedfacts

141. It may be observed that the parallelism represented by, on the
one hand, recognition of sovereignty (no matter how its extension over a
territory was achieved) and on the other hand by support (albeit declara-
tory) for self-determination cannot be assessed in the abstract. The
present situation of East Timor is characterized by a lack of balance
between these two factors. Recognition militates in favour of the perma-
nency of incorporation, while self-determination is, in fact, suspended.
Recognition has its petrifying impact. "[Tlhe question remains" said
George H. Aldrich, Deputy Legal Adviser, United States Department of
State, "what we are required to do if this right [of self-determination] is
not observed as we might wish .. ." (quoted in Rejoinder, para. 47). The
question is still with us. The United States, which recognized the incor-
poration, did not have an answer; "the prevailing factual situation" (Le.,
Indonesian rule in East Timor) is for it "the basis" of any action (ibid.). l'autodétermination dupeuple du Timor. Il n'y a aucune différence
entre la situation cette époque etcelled'aujourd'hui. Larevendica-
tion d'un droità l'autodétermination peutcoexister avecune recon-
naissance de souveraineté.Nous avons reconnu la souverainetépor-
tugaise à cette époque - et, en fait, jusqu'en 1979,date à laquelle
nous avons formellement reconnula souverainetéindonésienne,mais
nous avons égalementdurant toute cette période reconnu le droit à

l'autodétermination dupeupledu Timororiental. »(Hansard, compte
rendu des débatsau Sénat,base de données,p. 572.)
Le ministre a cette fois mentionné toutes les solutions possibles

«[LJ'autodéterminationpeut aboutir àdifférentsrésultats, notam-
ment, bien sûr, àl'accessionau statut d7Etatindépendant,mais éga-
lement à l'intégration à un Etat ou à une certaine forme d'associa-
tion avec lui, ou encoreà un certain degréd'autonomie à l'intérieur
d'un autre Etat. Il me semble que cela est important.
Pour ce qui est du Timor oriental, l'Australie reconnaît que son

peuple a le droit de disposer de lui-même - de choisir effectivement
la façon dont il sera gouverné.Telle étaitla position de l'Australie
avant les événements de1975 et elle n'a pas changé depuis lors.
L'Organisation des Nations Unies a certainement reconnu, dans le
cas du Timor oriental, qu'on ne saurait trouver de solution au pro-
blèmede l'autodétermination et aux autresproblèmes connexessans
la coopérationdu Gouvernement indonésien ..» (Ibid.)

La position adoptée dans la déclarationse fait donc plus restrictive dans
le cas du Timor oriental: l'autodétermination se réduit à choisir la forme
de gouvernement («la façon dont il sera gouverné))).

Erosionpar suite de l'acceptation dufait izccompli

141. Il faut remarquer qu'on ne saurait apprécier dans l'abstrait le
parallélismeexistant entre, d'une part, la reconnaissance de souveraineté
(quelle que soit la manière dont cette souverainetéa été acquisesur un
territoire) et, d'autre part, le soutien (fût-il verbal)utodétermination.
La situation actuelle du Timor oriental se caractérisepar un déséquilibre
entre ces deux élémentsL . a reconnaissance milite en faveur du caractère
permanent de l'incorporation tandis que l'autodétermination est en fait
suspendue. La reconnaissance figela situation. Comme l'a dit M. George
H. Aldrich, conseillerjuridique adjoint du département d'Etat des Etats-
Unis d'Amérique «[il1reste... savoir ce que nous sommestenus de faire
si ce droit[à l'autodétermination]n'est pas respecté commenous pour-

rions le souhaiter..»(citédans la duplique, par. 47). La question sepose
toujours. Les Etats-Unis d'Amérique, qui ont reconnu l'incorporation,
n'ont pas trouvéde réponse;ils agissent «sur la base de la situation.de
fait existante)) (c'est-à-dire l'autorité indonésienneau Timor oriental)
(ibid.). C. Administering Power

Administering Power aspart of the status of the territory

142. Australia asserts that "Chapter XI of the Charter makes no
reference to the concept of an 'administering Power"' (Rejoinder,
para. 186).In its view the practice of the Organization "reveals that the
expression 'administeringPower', unlikethe expression 'non-self-govern-
ing territory', has not been regarded by the United Nations as a term of
art or as a reference to a particular juridical status" (ibid., para. 185).
This is not true. "Administering Power", a term which has been appear-
ing in the United Nations resolutions for more than thirty years (since

1962),is a shorthand expression of the Charter phrase "Members of the
United Nations which have or assume responsibilitiesfor the administra-
tion of territories whose people have not yet attained a full measure of
self-government"(Art. 73). Sucha Member State, or administeringPower,
has a position which is part of the status of the non-self-governing terri-
tory. That position consists of powers, rights and dutiesas established by
United Nations law and practice. Chapter XI contains the basic rules on
the position of the administering Power. If it is said, and rightly so, and
this is also the Australian stand, that "[tlhe concept of 'non-self-govern-
ing territories's derived from the United Nations Charter itself (see the
title to Chapter XI), and is acknowledged to be a juridical status having
legal consequences in international law" (Rejoinder, para. 185), then
inevitably the "administering Power" shares in that "juridical status" :in
the sense of Chapter XI there is no "administering Power" without a
non-self-governing territory and vice-versa.

Administering Power as sovereign

143. Since the Democratic Revolution of 25 April 1974 (the "Car-
nation Revolution") Portugal has reiterated its viewthat it has "no terri-
torial claims whatsoever to East Timor" (e.g., United Nations docu-
ment Al36lPV.6, para. 264). This attitude points to the paramountcy of
East Timorese interests. It is for the people of East Timor to decide on
their future; Portugal will accept that decision, including the Territory's
independence if such is the result of the exercise of the right to self-

determination.
144. Under Constitutional Law 7/74 East Timor ceased to be part of
the "national territory" in the sensewhich the Constitution of 1933gave
to this notion. However, priority of self-determination, before it has been
freely implemented, does not amount to renunciation of the sovereignty
which Portugal has held over that Territory since the sixteenth century.
The abolition of the 1933 rule on colonies as part of "national territory"
introduced, in the municipal law of Portugal, a difference between them
and the metropolitan area, that difference being already part of United C. La puissance administrante

La puissance administrante entant que composantedu statut du territoire
142. L'Australie affirme que «le chapitre XI de la Charte ne vise nul-

lement le concept de ((puissance administrante)) (duplique, par. 186).
Selon elle, la pratique des Nations Unies ((fait ressortir que l'expression
((puissanceadministrante)), àla différencede l'expression((territoirenon
autonome)), n'a pas été considérée par l'organisation des Nations Unies
comme un titre officiel ni une référence à un statut juridique propre))
(ibid., par. 185). Cela n'est pas exact. L'expression ((puissance adminis-
trante)), qui apparaît dans les résolutions de l'Organisation des Nations
Unies depuis plus de trente ans (depuis 1962), est une abréviation de
l'expressionsuivantefigurant dans la Charte: «Les Membres desNations
Unies qui ont ou qui assument la responsabilité d'administrer des terri-
toires dont les populations ne s'administrent pas encore complètement
elles-mêmes)()art. 73). Un tel Etat Membre, ou puissance administrante,
exerceune fonction qui fait partie du statut du territoire non autonome.
Cette fonction comporte des pouvoirs, droits et devoirs établis par le

droit et la pratique des Nations Unies. Le chapitre XI contient les règles
de base de la fonction de puissance administrante. Sil'on dit,juste titre,
comme c'est aussi l'avis de l'Australie, que «le concept de ((territoires
non autonomes)) est tiré de laCharte des Nations Unies elle-même (voir
l'intitulédu chapitre XI) et qu'il est reconnu que ce statut correspondà
un statut juridique emportant des conséquencesjuridiques en droit inter-
national)) (duplique, par. 185), la ((puissance administrante)) fait alors
inévitablementpartie de ce ((statut juridique)): au sens du chapitre XI, il
n'y a pas de ((puissance administrante)) en l'absence de territoire non
autonome et vice versa.

La puissance administrante en tant que souverain

143. Depuis la révolution démocratique du 25 avril 1974 (la ((révo-
lution des Œillets))),le Portugal a réaffirmé saposition selon laquelle il
n'a ((aucune revendication territoriale sur le Timor oriental)) (voir, par
exemple, le document des Nations Unies Al36lPV.6, par. 264). Cette
attitude met l'accent sur la prééminence desintérêts du Timor oriental.
C'est àce dernier qu'ilrevient de déciderde son avenir; le Portugal accep-

tera cettedécision,y comprisl'indépendancedu Territoire sitel estlerésul-
tat de l'exercicedu droità l'autodétermination.
144. Conformément à la loi constitutionnelle 7/74, leTimor oriental a
cesséde faire partie du ((territoire national)) au sens que la constitution
portugaise de 1933donnait à cettenotion. Cependant, la prééminence du
droit à l'autodétermination, avant qu'il n'ait étélibrement exercé,ne
signifiepas la renonciationà la souverainetéquele Portugal exercesur le
Territoire depuis le XVIe siècle.L'abolition du régimede 1933 au titre
duquel les colonies faisaient partie du ((territoire national)) a créé,en
droit interne portugais, une différenceentre ces colonies et le territoireNations law, in particular Chapter XI of the Charter and the Friendly
Relations Declaration (para. 53 above). In international law the position
with regard to sovereignty remained unchanged:

"without prejudice to immediaterecognition of the 'otherness'of the
Territory of East Timor and the sovereign right of its people to
determine freely its political future, Portugal reserved its own pre-
rogatives in regard to sovereignty and administration. The preroga-
tives in question are of course al1those that accompany, in general,
exerciseof thejurisdiction of States over territories belonging in full
to them, except only for prerogativesincompatible with the status in
international law of non-self-governing territories.Such prerogatives
would be temporary by nature since they would lapse upon comple-
tion of the decolonization process. The process was neverthelessnot
completed by the scheduled datec']for reasons beyond Portugal's
control. It must therefore be understood that Portugal maintains, de
jure, over East Timor al1the powers pertaining to thejurisdiction of

a State over any of its territories, provided that they are not incom-
patible with the 'otherness' of East Timor and the right to self-
determination of the Timorese people." (Reply, para. 4.54.)

145. It may be added that the renunciation of sovereignty has some-
times resulted in turning a territory into one that would not be subject to
the sovereignty of any State; it becomes an area where the element of
State sovereignty is absent (e.g., the Free City of Danzig under the trea-
ties of 1919and 1920).The status of a non-self-governing territory under
the United Nations Charter is different.With regard to overseascolonies
of Western countries that status comprises the administeringState which
has sovereignty over the colony. Nor is there any renunciation of
sovereignty in the post-revolution Constitutions of Portugal: 1976,
Article 307; 1982, Article 297; 1989, Article 293. By virtue of these
provisions Portugal imposed on itself a duty to pursue the interests of
the people of East Timor, but did not divest itself of sovereignty.

146. Here the distinction between sovereignty and its exercise is a use-
ful one. As already recalled, the Friendly Relations Declaration provides
that "[tlhe territory of a colony or other non-self-governingterritory has,
under the Charter, a status separate and distinct from the [metropolitan]
territory of the State administering it". The reason for that separateness
and distinctness is self-determination. But the provision quoted does not
aim at deprivingthe State of its title to sovereigntywhich it held prior to

Under Article 5, paragraph 1, of Constitutional Law 7/75"the third Sunday ofOcto-
ber 1978"was fixedas the date for the completion of decolonization.métropolitain,différence déjà prévue dansle droit des Nations Unies, en
particulier le chapitre XI de la Charte et la déclarationrelative aux rela-
tions amicales (par. 53 ci-dessus). En droit international, la position au
regard de la souverainetédemeurait inchangée :

«sans préjudicepour la reconnaissance immédiatede l'aaltérité »du
Territoire du Timor oriental et de la souverainetéde son peuple pour
définirlibrement son avenir politique, le Portugal s'est réservéses
propres prérogatives de souverainetéet d'administration. Il s'agit
évidemment de toutes les prérogatives qui accompagnent, d'une
manière généralel,'exercicede la juridiction des Etats sur les terri-
toires qui leur appartiennent pleinement, à la seule exception des

prérogatives qui ne soient pas compatibles avec le statut de droit
international desterritoiresnon autonomes. Cesprérogativesseraient
temporaires de par leur nature, puisqu'ellesprendraient fin au terme
du processus de décolonisation. Cependant ce processus n'a pas
atteint son terme àla date prévue[11pour des raisons indépendantes
de la volonté du Portugal. Il faut donc entendre que le Portugal
maintient, dejure, sur le Timor oriental, tous les pouvoirs propresà
la juridiction d'un Etat sur l'un quelconque de ses territoires, à
condition qu'ils ne soient pas incompatibles avec l'«altérité»du
Timor oriental et avecle droità l'autodétermination dupeuple timo-
réen.))(Réplique,par. 4.54.)

145. On peut ajouter que la renonciation à la souverainetéa parfois
abouti à l'apparition d'un territoire non soumis à la souveraineté d'un
Etat quelconque, ce territoire devenant une zone où l'élémend te souve-

raineté étatique fait défaut(comme dans le cas, par exemple de la Ville
libre de Dantzig en application des traitésde 1919et 1920).Lestatut d'un
territoire non autonome, en vertu de la Charte des Nations Unies, est dif-
férent.S'agissant des coloniesd'outremer des pays occidentaux, ce statut
englobe 1'Etatadministrant qui a la souverainetésur la colonie. Aucune
renonciation à la souverainetén'est d'autre part prévuedans les consti-
tutions post-révolutionnaires du Portugal, que ce soit en 1976(art. 307),
en 1982(art. 297) ou en 1989(art. 293). Par ces dispositions, le Portugal
s'estimposéle devoir d'assurer les intérêtsdu peuple du Timor oriental,
sans se dépouiller lui-même de sa souveraineté.
146. Il est ici utile de distinguer entre la souverainetéet son exercice.

Ainsi qu'on l'a déjàrappelé, la déclarationrelative aux relations amicales
prévoit que «le territoire d'une colonie ou d'un autre territoire non auto-
nome possède,en vertu de la Charte, un statut séparé et distinctde celui
du territoire [métropolitain]de 1'Etatqui l'administre)). La raison de ce
caractère séparé etdistinct est l'autodétermination. Maisla disposition
citée nevise pas à priver 1'Etat du titre de souverainetéqu'il détenait

Aux termes de l'article 5, paragraphe 1,de la loi constitutionnelle 7175,la décolonisa-
tion devait prendre fintroisièmedimanche d'octobre 1978%.the Charter and the Declaration. The State has remained sovereign. The

said provision imposes restrictions on the exercise of the State's sover-
eignty. These restrictions are far-reaching.Portugal rightly referred to its
"prerogatives [of] sovereignty" (para. 75 above), though on occasions it
has avoided the word "sovereignty" in describing its position with regard
to East Timor. Instead it has used the terms "jurisdiction" (CR 9514,
p. 10,para. 2, Co-Agent, counsel and advocate of Portugal, J. M. S. Cor-
reia), and "authority" (CR 95/12, p. 44, para. 3, idem). Nonetheless
Portugal explains that the
"Administering Powers are independent States which keep their

attributes as such when they act on the international scene in rela-
tion to the non-self-governing territories for whose administration
they are responsible." (Ibid.) .
It is submitted that these "attributes" are nothing more than sovereignty,
the exerciseof which has been restricted in favour of the self-determina-
tion ofthe people concerned.Portugal stressesthat the people of the Terri-
tory is "the holder of the sovereigntyinherent in the capacity to decidefor
itselfits future international legal status" (CR 9514,p. 13,para. .6, idem)
and that "the international law of decolonization has transferred the

sovereignty relating to such territories to their own peoples" (CR 95/12,
p. 44, para. 3, idem).Under international law these contentions must be
understood as referring to self-determination: it is the people which
decides on its implementation; but "people" as the holder of "sov-
ereignty" isa concept which, at least in part, liesbeyond the realm of law.

Continuity of Portugal's position as administering Power

147. Portugal remains the administering Power of the Territory of
East Timor. This status of Portugal has been corroborated expressly by
Security Council resolution 384 (1975)and General Assemblyresolutions
3485(XXX), 34/40, 35/27,36/50and 37/30.The position of Portugal was
implicitly maintained in a number of other resolutions (cf. para. 22
above). In resolution 384 (1975)the Security Council regretted that "the
Government of Portugal did not discharge fully its responsibilities as
administering Power in the Territory under Chapter XI of the Charter7'.
This statement did not lead to any change in Portugal's responsibilities;
on the contrary, Portugal was called upon, in its capacity of administer-
ing Power , "to CO-operatefully with the United Nations". In spite of the
loss of territorial control over East Timor, Portugal was thus confirmed

in its mission and functions.

148. The issue of sovereignty is relevant to the question of continuity.
As explained in paragraphs 144and 145, under Chapter XI of the Char-
ter it is the State which has sovereignty of the colony who becomes and
remains administrator. It is an automatic consequence of being sovereign
and a contracting party to the Charter, Le., a Member of the Organiza-avant l'adoption de la Charte et de la déclaration. L'Etat demeure sou-
verain. Ladite disposition prévoitdes restrictions à l'exercicede la sou-
verainetéde 1'Etat.Cesrestrictionssont d'une grande portée.Le Portugal
s'est justement référé à ses ((prérogativesde souveraineté))(par. 75 ci-
dessus), bien qu'il ait évitparfois le terme de «souveraineté» en décri-
vant sa position à l'égarddu Timor oriental. 11a ainsi utiliséles termes
«juridiction» (CR 9514,p. 10,par. 2, coagent, conseil et avocat du Por-
tugal, J. M. S. Correia) et «autorité» (CR 95112,p. 44, par. 3, id.). Le
Portugal explique néanmoinsque:

«les puissances administrantes sont des Etats indépendants qui
conservent leurs attributsd'Etats lorsqu'ils agissent dans la sphère
internationale pour lesterritoires non autonomes de l'administration
desquels ils sont responsables)>(ibid) .

Ces «attributs» ne correspondent à rien de plus que la souveraineté,
dont l'exercicea été restreinten faveur de l'autodétermination dupeuple
concerné.Le Portugal souligneque lepeuple du territoire «est le détenteur
de la souverainetéinhérente àla capacitéde déciderpar lui-même deson
futur statut juridique international)) (CR 9514,p. 13, par. 6, id.) et que
«le droit international de la décolonisationa dévolula souveraineté sur

ces territoires leurs propres populations» (CR 95112,p. 44, par. 3, id.).
Conformémentau droit international, ces arguments doivent êtrecom-
pris comme visant l'autodétermination: c'estle peuple qui décidede son
exercice;mais le «peuple» en tant que détenteurde la «souveraineté»est
un concept qui, tout au moins en partie, dépassele domaine du droit.

Continuitéde la qualitédepuissance administrante du Portugal

147. Le Portugal demeure la Puissance administrante du Territoire du
Timor oriental. Cette qualité du Portugal a été expressémen ctorroborée
par la résolution384 (1975) du Conseil de sécuritéet par les résolutions
3485(XXX),34140, 35127 3,6/50et 37130de l'Assemblée généraleE.llea été

implicitement réaffirmée dans plusieurs autres résolutions(voir ci-dessus
par. 22). Dans la résolution384 (1975), le Conseil de sécuritéa regretté
«que le Gouvernement portugais ne se soit pas pleinement acquittédes
responsabilitésqui lui incombent en tant que puissance administrante du
Territoire aux termes du chapitre XI de la Charte)). Cette déclaration n'a
entraîné aucune modification des responsabilités du Portugal; au
contraire, il a étédemandé à celui-ci, en tant que puissance adminis-
trante, «de coopérerpleinement avec l'organisation des Nations Unies)).
Bienqu'ilait perdu le contrôle territorial du Timor oriental, le Portugal a
ainsi été confirmédans sa mission et dans ses fonctions.
148. La question de la souverainetéest liée à la question de la conti-
nuité.Ainsi qu'il a étéexpliquéaux paragraphes 144et 145,c'est 1'Etat

qui a la souverainetésur la colonie qui, aux termes du chapitre XI de la
Charte, devient et demeure la Puissance administrante. C'est une consé-
quence automatique du fait mêmed'êtresouverain et partie à la Charte,tion. There is no "appointment" or election to the "function" of admin-
istering authority. But sovereignty should not be confused with factual
effectivecontrol over the territory.Such control does not of itself bestow
on its holder the status of administering Power.

149. At the time of the Indonesian invasion, Australia admitted that
Portugal had, "of course, the continuing legal responsibility" (United
Nations, Official Records of the Security Council, 1865th Meeting,
16December 1975,para. 101). But some time later Australia changed its
position.
150. The fact that the General Assembly, unlike in resolution 3458A
(XXX) on Western Sahara, did not expressly refer to "the responsibility
of the Administering Power and of the United Nations with regard to the
decolonization of the territory" is without significance. The resolutions
on East Timor maintain that "responsibility" by using other terms.

151. Australia admits that "Portugal may be the administering Power
for certain United Nations purposes" (Rejoinder, para. 98).Loss of con-
trol over the Territory in question no doubt resgted in the actual dis-
appearance of Portuguese administration on the spot. And there may be
room for dealing with the State in effectivecontrol with regard to certain
specificquestions (cf. the case concerning Legal Consequencesfor States
of the Continued Presence of South Africa in Namibia (South West
Africa) notwithstanding Security Council Resolution 276 (1970), Advi-
sory Opinion, I.C.J. Reports 1971, p. 56, para. 125).

152. But foreign invasion has not eliminated al1the elements which
constitute the competence of the lawful administrator. Nor is there a
right "for others to recognise that there has been a change in the State
administering that Territory" (contra: Rejoinder, para. 183).That change
is a matter exclusivelywithin the domain of the United Nations. Until

such time as the Organization has taken a new decision, the status of the
administering Power continues, legally unaffected, notwithstanding the
loss of control over the Territory.

153. Australia contends that
"Portugal did not make any attempt to prevent or repel the Indo-

nesian military intervention. The withdrawal of its administration to
Atauro in August 1975,its inaction while there, and its departure
from Atauro the day after the Indonesian intervention in December
1975constituted a clear abandonment by Portugal of its responsi-
bilities as administeringPower." (Counter-Memorial, para. 41.)

154. Itis not possible to agree with the foregoing interpretation. The
transfer to Atauro was dictated by security reasons, Dili having been

taken by the forces of FRETILIN (para. 14above). The physical separa-c'est-à-dire Membre de l'organisation. On n'est ni «nommé» ni élu à
cette «fonction» d'autoritéchargéede l'administration. Mais il convient
de ne pas confondre souverainetéet contrôle factuel et effectif sur le ter-
ritoire. Un tel contrôle ne confèrepas en soiàcelui qui l'exercela qualité
de puissance administrante.
149. Lors de l'invasion par l'Indonésie, l'Australiea reconnu ce qui
suit: ((Assurément,le Portugal conserve la responsabilité en droit. »
(Nations Unies, Documents officielsdu Conseil desécurité,1865"séance,
16décembre1975,par. 101).Mais l'Australie a modifiésa position quel-
que temps plus tard.
150. Le fait que l'Assembléen'ait pas, comme dans sa résolution
3458A (XXX)sur le Sahara occidental,mentionné expressément«la res-
ponsabilitéde la puissance administrante et celle de l'organisation des

Nations Unies en ce qui concernela décolonisationdu territoire))n'a pas
d'importance. La résolution surleTimor oriental confirmecette«respon-
sabilité))en utilisant d'autres termes.
151. L'Australie admet que «le Portugal est peut-être laPuissance
administrante pour certaines fins de l'organisation des Nations Unies))
(duplique, par. 98).La perte du contrôledu Territoire en question a certes
eu pour résultat de faire disparaître en fait l'administration portugaise
sur place.Il peut y avoir lieu de traiter avec 1'Etatqui exerce le contrôle
effectifen ce qui concernecertaines questions particulières (voir l'affaire
des Conséquences juridiquespour les Etats de la présencecontinue de
l'Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolu-
tion 276 (1970) du Conseil de sécurité,avis consultatif, C.I.J. Recueil
1971, p. 56, par. 125).
152. Mais l'invasion étrangère n'a paséliminé tous les éléments cons-

titutifs de la compétencede l'administrateur légitime. Enoutre, il n'existe
pas non plus un droit pour les autres Etats de reconnaître «qu'il y a eu
changement de 1'Etat administrant ce territoire)) (voir, dans le sens
contraire, duplique, par. 183).Cechangement est une question qui relève
exclusivement de la compétence del'organisation des Nations Unies.
Aussi longtempsque l'Organisation n'a pas pris une nouvelle décision,la
qualitéde puissance administrante se maintient, juridiquement intacte,
nonobstant la perte de contrôle du territoire.
153. L'Australie soutient que

«Le Portugal ne fit aucune tentative pour prévenirou repousser
l'intervention militaire indonésienne.Le repli de son administration
sur Atauro en août 1975, son inaction pendant qu'elle se trouvait
dans cette île, et son départ'Atauro le lendemain de l'intervention
indonésienne en décembre 1975 constituaient manifestement un
abandon par le Portugal de sesresponsabilités de Puissance adminis-
trante. » (Contre-mémoire,par. 41 .)

154. On ne saurait accepter cette interprétation. Le repli sur Atauro
étaitdictépar des raisons de sécuritéD, ili ayant éprise par lesforces du
FRETILIN (ci-dessus par. 14). Matériellementéloignées de la capitale,tion from the capital prevented any involvement of the Portuguese
authorities in the fighting among East Timorese factions. Such involve-
ment was to be avoided in the interests of the administration of East
Timor. As to the Indonesian invasion, Portugal did not have any troops
at itsdisposa1in East Timor to offer any resistance: the Governor was
left with two platoons of parachutists. Apart from the factual impossibil-
ity, it was probably in the interest of al1concernednot to extend or inten-
sify the military operations. When the invasion took place Portugal had
no other choice but to withdrawits authorities from East Timor. But that
withdrawal did not, and could not, amount to abandoning the function
of the administering Power. This is so because, first, Portugal had no
such intention and, second, no administering Power is competent to give
up its position without the consent of the United Nations. A unilateral
act would remain ineffectivein law. Portugal's international action in the
United Nations following the invasion gives ample proof of its decision

to continue to exercisethe function of the administering authority. At the
same time the Organization did not release Portugal from its duties.

155. It would be erroneous to contend that Portugal lost its status of
administering Power because some resolutions passed over that status in
silence or the United Nations political organs ceased adopting any reso-
lutions on East Timor. The status could be changed only by an explicit
decision, including acknowledgment that another State (i.e., Indonesia)
had now assumed the responsibility for the Territory. Hitherto this has
not happened.

156. The Court's decision that it cannot exercisejurisdiction in the
East Timor case cannot be regarded as weakening the concept of non-
self-governingterritories, though an elaboration on the merits would be
welcome.At the present time the United Nations list of these territories is
short as the decolonization process reaches its end. But non-self-govern-
ment (or governance) need not be a closed chapter: ideologies, political
systems and many individual countries are in transition and undergoing
transformation. Legal strategy requires that old institutions (like that of
Chapter XI of the Charter) adapt to new challenges.It would be better if
the Court assumed jurisdiction: better for the prospective developments,
better for the rule of law.

157. Itis to be regretted that, in its operative part, the Judgrnent doesles autorités portugaises n'ont pu êtremêléea sux combats entre les fac-
tions du Timor oriental. Il fallait d'ailleurs éviter qu'ellesle fussent,dans
l'intérêdte l'administration du Timor oriental. Quant à l'invasion indo-
nésienne,le Portugal ne disposait pas au Timor oriental de troupes lui
permettant d'opposer la moindre résistance: le gouverneurn'avait plus à
sa disposition que deux sections de parachutistes. Indépendamment de
cette impossibilité matérielled'agir, il était probablement de l'intérte
toutes les parties concernées dene pas étendreni d'intensifierles opéra-
tions militaires. Lorsque l'invasion a eu lieu, le Portugal n'a pas eu
d'autre choix que de retirer sesfonctionnaires du Timor oriental. Mais ce
retrait n'équivalait pas et ne pouvait pas équivaloir à l'abandon de la
fonction de puissance administrante. Et ce, premièrement, parce que le

Portugal n'avait nullement l'intention de renoncer à cette fonction et,
deuxièmement,parce qu'aucune puissance administrante n'a le pouvoir
de renoncer à sa qualité sansque l'organisation des Nations Unies n'y
consente. Un acte unilatéral en ce sens n'aurait pas d'effet juridique.
L'action menéeau niveau international par le Portugal au sein de l'Orga-
nisation des Nations Unies à la suite de l'invasion prouve amplement
qu'il avait décidé decontinuer à exercer sesfonctions de puissance admi-
nistrante. En mêmetemps, l'organisation n'a pas déchargé le Portugal de
ses obligations.
155. Il serait erronéde prétendre quele Portugal a perdu sa qualitéde
puissance administrante du fait que certaines résolutions ont passécette
qualité soussilence ou que les organes politiques de l'organisation des
Nations Unies ont cesséd'adopter des résolutions surle Timor oriental.
Ce statut ne pouvait être changé que par unedécision expresse,notam-
ment la reconnaissance qu'un autre Etat (àsavoir l'Indonésie)assumait

désormais la responsabilitédu Territoire. Tel n'a pas étéle cas jusqu'à
présent.

156. La décision dela Cour, selon laquelle celle-cine peut pas exercer
sajuridiction dans l'affaire du Timor oriental,ne doit pas êtreconsidérée
comme affaiblissant le concept de territoire non autonome, même s'il
aurait étébon qu'elle insistât davantage sur le fond de la question.
Aujourd'hui la liste de ces territoires dresséepar l'Organisation des
Nations Unies est courte puisque le processus de décolonisation arrive à
son terme. Mais le chapitre de la non-autonomie n'est pas encore clos
pour autant: les idéologies,les régimespolitiques et de nombreux pays

sont en pleine transition et en cours de transformation. La stratégie du
droit exige que les institutions anciennes (comme le chapitre XI de la
Charte) s'adaptent aux nouveaux défis. Il serait donc préférable que la
Cour exerce sa compétence: préférable dans l'optique de l'évolution
actuelle, préférable aussi our la primauté du droit.
157. Il esà regretter que le dispositif de l'arrêtne cite pas comme élé-not recite as relevant the prohibition of force; non-recognition; the self-
determination of peoples; the status of East Timor under United Nations
law,includingthe rule that only the Organization can change that status;
the position of Portugal as administering Power; the duty of States to
respect that status; in particular the duty of States which enter into some
arrangements with the Government in control of the Territory to consult,
when these arrangements reach a certain level of political and legal
importance, with Portugal, with the representatives of the East Timorese
people and with the United Nations. It is not only appropriate but also
highly significant that the reasons for the Judgment affirm some of
these principles. But the subject is too important for a cautious presen-
tation of the reasons. The Court's responsibility and function are also
involved.

158. The case created an opportunity for assessing the activities of
a Member of the United Nations in the light of the Charter. That is a

capital issue at a time of crisis for the Organization and, more generally,
in the present climate of the growing weakness of legality throughout
the world.
159. The conduct of Australia, like that of any other Member State,
can be assessed in the light of the United Nations resolutions. Such an
assessment does not logicallypresuppose or require that the lawfulnessof
the behaviour of another country should first be examined. Member
States have obligations towards the United Nations which in many
instances are individual and do not depend on what another State has
done or is doing. To that extent the Court hasjurisdiction. Here no pre-
requisiteis imperative. The principaljudicial organ of the United Nations
cannot desist from such assessment when the dispute submitted to the
Court falls under Article 36, paragraph 2, of the Statute. On the other
hand, in the present case, because of the non-participation of Indonesia,
the Court has no jurisdiction to pass upon the conduct of Indonesia.

160. It has been said that, as Australia accepts the right of the people
of East Timor to self-determination, there is nothing for the Court to
decide. On the contrary. Portugal raised several issues regarding that
right; also, some other ingredients of the status of the Territory have
been discussed. And in this opinion 1 have tried to show that there are
various points which are unclear in this respect. Consequently,the Court
should adjudicate. In the Judgment there should be an operative part on
the merits, or at least on some of them.
161. Doubts were expressed regarding the effectiveness of such a
judgment. Let me here take up one specificargument against "judicial
propriety" which might appear to have some weight, viz., the view that
thejudgment would not be capable of execution. It has been pointed out
that the present case differs in this respect from Northern Cameroons
because Portugal is not requesting the nullification of the Timor Gapments pertinents l'interdiction du recoursà la force; la non-reconnais-
sance; l'autodétermination des peuples; le statut du Timor oriental selon
le droit des Nations Unies, y compris la règlevoulant que seule l'Orga-
nisation puisse modifier ce statut; la position du Portugal en tant que
puissance administrante; l'obligation qu'ont les Etats de respecter ce
statut, en particulier l'obligation pour les Etats qui concluent certains
arrangements avec le gouvernement exerçant son contrôle sur le terri-
toire, lorsque ces arrangements sont d'une certaine importance politique
et juridique, de consulter le Portugal, les représentants du peuple du
Timor oriental et l'organisation des Nations Unies. 11est non seulement
approprié, mais aussihautement significatif,que dans l'exposé desmotifs
l'arrêtaffirme certains de ces principes. Mais le sujet est trop important
pour faire l'objet d'un exposéprudent des motifs. La fonction et la res-

ponsabilitéde la Cour sont également concernées.
158. Cette affaire offrait l'occasion d'apprécier les activités d'un
Membre des Nations Unies sous l'angle dela Charte. La question revêt
une importance capitaledans le contextede la crise que traverse actuelle-
ment l'organisation et, plus généralement,dans le climat actuel, carac-
térisépartout dans le monde par l'affaiblissementdu respect du droit.
159. Le comportement de l'Australie, comme de tout autre Etat
Membre, peut êtreévalué à la lumière desrésolutions de l'organisation
des Nations Unies. Logiquement, cette évaluation ne présuppose pasni
n'exigeque l'on examine d'abord la licéitédu comportement d'un autre
pays. Les Etats membres ont, envers les Nations Unies, des obligations
qui revêtentsouvent un caractèreindividuel et qui ne dépendent pasdes
actes passésou présentsd'un autre Etat. Dans cette mesure, la Cour a
compétence. Il n'y a en l'occurrence aucune condition préalable obliga-

toire. La Cour, organe judiciaire principal de l'organisation des Nations
Unies, ne saurait refuser de procéderà une telle évaluationquand le dif-
férendporté devantelle relèvedu paragraphe 2 de l'article 36de son Sta-
tut. En revanche, à cause de la non-participation de l'Indonésie,la Cour
n'a pas compétenceen l'espècepour se prononcer sur le comportement
de cet Etat.
160. Il a été affirmé que puisqule'Australie reconnaît le dràil'auto-
détermination du peuple du Timor oriental, il n'y a pas, pour la Cour,
matière à décision.Ce n'est pas le cas. Le Portugal a soulevéplusieurs
questions concernant ce droit; d'autres aspects du statut du Territoire
ont étéégalement discutésE . t dans la présenteopinion j'ai tentéde mon-
trer qu'à cet égardplusieurs points restent à éclaircir.La Cour devrait
par conséquent statuer. Une partie du dispositif de l'arrêt devrait porter
sur le fond, ou du moins sur certains aspects de celui-ci.
161. On a mis en doute l'efficacitéd'un tel arrêt.Qu'il mesoit main-

tenant permis de traiter d'un argument précisfondé surdes considéra-
tions d'«opportunitéjudiciaire))et auquel on semble devoir accorder un
certain poids,à savoir que l'arrêtne serait pas susceptible d'exécution.
On a fait remarquer que la présente affaire est, cet égard,différente de
l'affaire duCameroun septentrional puisque le Portugal ne demande pas Treaty. Why would it be improper for the Court to assess Australia's

conduct consisting in the negotiation, conclusion and application of the
Treaty? Would a decision on this subject be unenforceable?The imple-
mentation of the Treaty is an everyday concern. While the post-adjudi-
cativephase is not part of the function of the Court, there is no basis for
anticipating non-cornpliance. Australia has been praised for its loyalty to
the Court.

162. This Court administers justice within the bounds of the law. In
the present case, on the one hand, wehave insistenceon national interests
- legitimate, it is true- and on Realpolitik: we have been told that
recognition of conquest was unavoidable. On the other hand we have
the defenceof the principle of self-determination,the principle of the pro-
hibition of military force, the protection of thehuman rights of the East
Timorese people. And last but not least, the defence of the United
Nations proceduresfor solvingproblems left over by West European, in

this case Portuguese,colonization. We may safely Saythat in this case no
Portuguesenational self-interestis present. Portugal does not want to be
the sovereign of East Timor and to get from it various benefits,maritime
ones for example. Its stand is a negation of selfishness. Portugal has
espoused a good cause. This should have been recognized by the Court
within the bounds of judicial propriety. How could this cause be dis-
missed on the basis of debatable jurisdictional arguments?

163. What are the duties of third States(and one of them is Australia)
towards East Timor? First, not to do anything that would harm or
weaken the status of the Territory, including the exerciseby the people of
its right to self-determination. Second, when a third country (i.e., one
which is neither the administering Power nor controls the Territory de
facto) concludes a treaty or enters into another arrangement which con-
cerns the interests of the Territory andlor its people, special care is

required on its part to safeguard these interests in so far as the third State
is in a position to do it. That duty may be said to be comprised by the
Security Council's exhortation addressed to "al1 States or other parties
concerned to CO-operatefully with the efforts of the United Nations to
achieve a peaceful solution to the existing situation and to facilitate the
decolonization of the Territory" (resolution 384(1975),para. 4, and reso-
lution 389 (1976),para. 5; these resolutions were reaffimed by the Gen-
eral Assembly in 1976-1978).In regard to East Timor, in view of the
prevailing circumstances (including the human rights situation), a third
Statehas the obligationto consultthe administering Power and the legiti-
mate representatives of the Territory. Finally, some other duties may fol-
low from both the legal and factual situation in and of the Territory.
These duties may be dictated by various considerations, including the
fact that the third State is part of the same region.l'annulation du traitérelatif au ((Timor Gap». Pourquoi serait-il inop-
portun que la Cour examine le comportement de l'Australie, c'est-à-dire
le fait que celle-cia négociéc,onclu et mis en Œuvrele traité?Une déci-
sion à cet égard serait-elle inexécutable?La mise en Œuvre du traité
s'effectueau quotidien. Ce qui se produit après le prononcé de l'arrênte
relèvepas des fonctions de la Cour, mais il n'y a aucune raison de penser
que l'arrêtne serait pas exécutéL. a loyautéde l'Australie envers la Cour
a été reconnue.

162. La Cour administre la iustice dans les limites du droit. Dans la
présente affaire nous avons, d'une part, l'insistance avec laquelleon in-
voque les intérêts nationaux - légitimes, il estvrai- et la Realpolitik:
on nous a dit que la reconnaissance de la conquête était inévitable.Mais
on invoque, d'autre part, la défensedu principe de l'autodétermination,le
principe de l'interdiction du recoursàla forcemilitaire,la protection des
droits de l'homme du peuple du Timor oriental et enfin, et ce n'estpas le
moins important, la défensedes procéduresde l'organisation desNations
Unies pour la résolution des problèmes nésde la colonisation par des
pays d'Europe occidentale, en l'occurrence le Portugal. L'on peut dire
sans crainte de se tromper qu'en cette affaire le Portugal ne poursuit pas
ses propres intérêts nationaux.Il ne veut pas êtrele souverain du Timor

oriental, ou en obtenir des avantages divers, notamment maritimes. Sa
position est tout à faità l'opposéde l'égoïsme.Le Portugal a embrassé
une grande cause. Cela aurait dû être reconnu par la Cour, dans les
limites que dicte l'opportunitéjudiciaire. Comment cette cause a-t-elle
pu êtrerejetéepour des arguments discutables touchant la compétence?
163. Quels sont les devoirs des Etats tiers (notamment l'Australie) à
l'égarddu Timor oriental? Premièrement,ne rien faire qui puisse porter
atteinte au statut du Territoire ou l'affaiblir, y compris en ce qui concerne
l'exercicepar son peuple du droit à l'autodétermination.Deuxièmement,
lorsqu'un Etat tiers (c'est-à-dire un Etat qui n'est nila puissanceadmi-
nistrante ni 17Etatqui contrôle en fait le territoire) conclut un traité ou
passe un accord concernant les intérêts du territoireetlou de son peuple,

cet Etat doit prendre particulièrement soin de protéger lesdits intérêts,
dans la mesure où il està mêmede le faire. On peut dire que ce devoir est
inclus dans l'exhortation du Conseil de sécuritéq , ui demandait a «tous
les Etats et toutes les parties intéressées decoopérer pleinement avec
l'organisation desNations Unies dans sesefforts pour apporter une solu-
tion pacifiqueà la situation existanteet faciliter la décolonisationdu Ter-
ritoire))(résolution384 (1975),par. 4, et résolution389(1976),par. 5; ces
résolutionsont étéreprises par Assemblée générale en 1976-1978).En ce
qui concerne le Timor oriental, compte tenu des circonstances (y compris
la situation en matièrede droits de l'homme),un Etat tiers a l'obligation
de consulter la Puissance administrante et les représentantsléaitimesdu
Territoire. Enfin, certains autres devoirs peuvent découler tant de la

situation juridique que de la situation de fait du territoire; ces devoirs
peuvent êtredictéspar des considérationsdiverses, y compris l'apparte-
nance de 1'Etattiers en questionà la mêmerégion; 164. It is true that legitimatemaritime interests of Australia had to be
taken care of. But as they also concern a maritime area of East Timor,
that Territory's status made it imperative for Australia to be in touch on
this matter with the United Nations and/or the administering Power.

165. The negotiation, conclusion and performance of the Timor Gap
Treaty by Australia are subject to the requirement of conformity with
legal rules and legal standards stemming from the duty to respect the sta-
tus of the Territory, in particular from the requirement of self-determina-
tion. Depending on the result of the analysis, there may indeed be res-
ponsibility. For instance,the Timor Gap Treaty is silent on any material
benefit to be derived by, and possibly assigned to, the people of East
Timor. Under United Nations law a large part of the resources covered

by the Treaty belongs to that people. How will it be compensated?

166. The duties referred to in the preceding paragraphs are indepen-
dent of, and do not concern, the bilateral relationship of the parties to
the Timor Gap Treaty. They relate to the status of the Territory and the
competence of the administering Power as its guardian. It is a question of
United Nations law and resolutions and that law and resolutions are to
be applied by the Court. Australia assured the Court that, in concluding
the Timor Gap Treaty, it also protected the rights and interests of East
Timor. The Court is competent to verify this assurance.

167. To conclude, the Court has jurisdiction in this case and the Por-
tuguese claims are admissible. There is nothing improper in dealing with
the merits of the case. Ajudgment on the merits could be rendered along
the following lines:

(1) The United Nations has continüed to recognize the status of Por-
tugal as administering Power of East Timor. Consequently, Portu-
gal has the capacity to act before the Court in this case on behalf of
East Timor.
(2) The non-self-governing status of the Territory of East Timor, and
the right of the people of East Timor to self-determination, includ-
ing its right to permanent sovereignty over natural wealth and
resources, which are recognized by the United Nations, require
observance by al1Members of the United Nations. The Court takes
note that in these proceedings Australia has placed on record that it
regards East Timor as a non-self-governing territory and that it
acknowledges the right of its people to self-determination.
(3) Any change in the status of East Timor can only take place by vir-
tue of a United Nations decision. According to the law of the
United Nations no use of force nor any act of recognition by an
individual State or States could of itself effecta change in the status

of the Territory. 164. Il fallait, il est vrai, protéger les intérêts maritimeslégitimesde
l'Australie. Mais étantdonné que ceux-ciconcernent également unezone
maritime du Timor oriental, le statut de ce territoire mettait l'Australie
dans l'obligation de prendre contact à cet égardavec l'organisation des
Nations Unies etlou la Puissance administrante.
165. La négociation, la conclusion et l'exécutionpar l'Australie du
traitérelatif au «TimorGap» sont soumis àl'exigencede conformitéaux
règles etnormesjuridiques qui découlent du devoir de respecter le statut
du Territoire, notamment l'impératif de l'autodétermination. Selon le
résultat de cette analyse, la responsabilité pourrait effectivement être
engagée. Ainsi,le traitérelatif au «Timor Gap» est muet sur tout avan-

tage matériel que pourrait en tirer le peuple du Timor oriental et qui
pourrait lui être attribué.En vertu du droit des Nations Unies, une
grande partie desressources couvertespar le traité appartient cepeuple.
Comment sera-t-ildédommagé?
166. Lesdevoirsauxquels je fais référencedans les paragraphes précé-
dents sont indépendants de la relation bilatéraleentre lesparties au traité
relatif au «Timor Gap» et ne concernent pas cette relation. Ils ont trait
au statut du Territoire et la compétence dela Puissance adrninistrante
en tant que gardienne de ce statut. Il s'agit là d'un point qui relève
du droit et des résolutionsdes Nations Unies; ce droit et ces résolutions
doivent être appliquéspar la Cour. L'Australie a assurécelle-ci qu'en
concluant le traitérelatif au «Timor Gap» elle a aussi protégéles droits
et les intérêts du Timor oriental. La Courest compétentepour vérifier
l'exactitude des assurances ainsi données.

167. Pour conclure: la Cour a compétenceen l'espèceet les demandes
du Portugal sont recevables. Il ne serait nullement inopportun d'exami-
ner l'affaire au fond. Un arrêt surle fond aurait pu être rendu dansle
sens suivant:

1) L'Organisation des Nations Unies a continuéde reconnaître au Por-
tugal la qualité de puissance administrante du Timor oriental. Par
conséquent,le Portugal a qualitépour agir devant la Cour au nom
du Timor oriental.
2) Le statut de Territoire non autonome du Timor oriental, et le droit
de son peuple à l'autodétermination,y compris son droit àla souve-
raineté permanente sur ses richesses et ses ressources naturelles,
reconnus par les Nations Unies, imposent à tous les Membres de
l'Organisation de les respecter. La Cour note qu'en l'instance 1'Aus-

tralie a formellement déclaré qu'elle considère le Timor oriental
comme un territoire non autonome et qu'elle reconnaît le droit de
son peuple à disposer de lui-même.
3) Toute modification du statut du Timor oriental ne peut se faire
qu'en vertu d'une décisionde l'Organisation des Nations Unies.
Selon le droit des Nations Unies, aucun recoursà la force ou acte de
reconnaissance par un ou plusieurs Etats ne peut suffire modifier le
statut du Territoire. (4) Australia should fulfilits duties resulting from subparagraph (2) in
accordance with the law and resolutions of the United Nations. Its
national interests cannot be a bar to the fulfiiment of these duties.

(5) Portugal is the administering Power of East Timor, and Australia,
like any other State, isnder a duty to respect that position of Por-
tugal. The fact that Portugal lost the territorial administration of
East Timor did not deprive it of other attributes of its competence
which are relevant to this case.Portugal did not abandon its respon-
sibilities as administering Power. Portugal continues to hold the
"sacred trust" under Chapter XI of the Charter.
(6) In protecting its maritime rights and interests Australia cannot
avoid acting in conformity with the duties which it has as a result of
the status of East Timor. These duties include the obligation to
respect and take account of the competence of the administering
Power. The fact that another State or States failed to respect the
position of the administering Power does not relieveAustralia of its
duties.
(7) Australia did not make recourse to any of the available United

Nations mechanisms, and particularlyconsultations on the negotia-
tion of the Timor Gap Treaty and on how the Treaty could be put
into effect without prejudice to the people of East Timor. In par-
ticular, it had a duty to consultation to at least someextent with the
administering Power and the representatives of the people of East
Timor. None of this was done and Australia bears responsibility for
this.

(8) In some respects (subpara. 7) Australia's conduct did not conform
to its duties (obligations) resulting from the law of the United
Nations on the status of East Timor. A finding by the Court to this
effect would in itselfconstitute an appropriate satisfaction.In par-
ticular,the Court could enjoin Australia that in applying and imple-
menting the Timor Gap Treaty it should fully respect the rights
of the East Timorese people in view of that people's future self-
determination.
(9) There is no evidence of any material damage at present; therefore,
no reparatory provision can be imposed on Australia.
(10) The Treaty would not be opposable to an independent or autono-

mous East Timor.

(Signed) Krzysztof SKUBISZEWSKI. 4) L'Australie devrait s'acquitter des obligations qui découlent de
l'alinéa2 ci-dessus, conformément au droit et aux résolutions de
l'organisation des Nations Unies. Ses intérêts nationaux ne sau-
raient l'empêcher de respecterses obligations.
5) Le Portugal est la Puissance administrante du Timor oriental et
l'Australie, commetout autre Etat, a le devoir de respecter cette qua-
litédu Portugal. La perte par le Portugal de l'administration territo-
riale du Timor oriental ne le prive pas des autres attributs de sa
compétencequi sont pertinents en l'espèce. Il n'a pas renoncé à ses
responsabilités de Puissance administrante. Le Portugal demeure
investi de la ((missionsacrée» au titre du chapitre XI de la Charte.
6) En protégeant ses droits et intérêts maritimes, l'Australiene saurait

se soustraire aux devoirs qui lui incombent du fait du statut du
Timor oriental, et qui comprennent notamment l'obligation de res-
pecter la compétence dela Puissance administrante, et d'en tenir
compte. Le fait qu'un autre Etat ou que d'autres Etats n'aient pas
respectéla fonction de la puissance administrante ne dispense pas
l'Australie de s'acquitter de ses devoirs.
7) L'Australien'a eurecours à aucun des mécanismesqu'offrait l'Orga-
nisation des Nations Unies et notamment elle n'a procédé àaucune
consultation sur la négociation du traité relatif au((Timor Gap»
ainsi que sur la question de savoir comment le traitépourrait être
appliqué sans porter préjudiceau peuple du Timor oriental. Elle
avait notamment l'obligation de procéder, au moins dans une cer-
taine mesure, à des consultations avec la Puissance administrante et
les représentants dupeuple du Timor oriental. Elle n'en a rien fait et

elle enporte la responsabilité.
8) A certains égards(al. 7), le comportement de l'Australie n'a pas été
conforme aux devoirs (obligations) qui lui incombaient d'après le
droit des Nations Unies concernant le statut du Timor oriental. Une
décision dela Cour en ce sens constituerait en soi une satisfaction
appropriée.La Cour pourrait notamment ordonner à l'Australie de
respecter intégralementles droits du peuple du Timor oriental dans
l'application et la mise enŒuvreudit traitérelatif au ((Timor Gap)),
pour le jour où ce peuple exercera son droit àl'autodétermination.
9) Il n'y a actuellement aucune preuve d'un préjudicematériel; onne
saurait donc imposer à l'Australie une obligation de réparation.
10) Letraiténe serait pas opposable à un Timor oriental devenu indé-
pendant ou autonome.

(SignéK )rzysztof SKUBISZEWSKI.

Document file FR
Document Long Title

Opinion dissidente de M. Skubiszewski (traduction)

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