Opinion dissidente de M. Weeramantry (traduction)

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OPINION DISSIDENTE DE M. WEERAMANTRY

[Traduction]

Pages

142

Le lien entre la compétence etle fond
Historique
Le traitérelatif au ((Timor Gap»
Plan de l'opinion

1. La question de la compétence
i) Les thèses des Parties
ii) Les faits de l'espèce
iii) Les faits de l'espècerendent-ils nécessaire d'examinerle com-
portement d'un Etat tiers?
iv) La Cour aurait-elle à réexaminer des questions ayant fait

l'objet de résolutions de l'Organisation desNations Unies?
2. Le principe de l'Or monétaire

i) L'objet
ii) Les Parties
iii) Le raisonnement
iv) Distinction entre les demandes de l'Italie et du Royaume-Uni
v) La règlede la tierce partie et l'obligation desjuges de statuer
vi) Le critère du caractère raisonnable
vii) Jurisprudence antérieure

a) Avis consultatifs
b) Affaires contentieuses
viii) Jurisprudence postérieure

3. Autres facteurs pertinents
i) Garanties des tierces parties

ii) Le principe de la responsabilité individuelle des Etats
iii) Droits erga omnes
iv) Le caractère de plus en plus multilatéral des obligations inter-
nationales modernes
v) La distinction entre un traité et les actes unilatéraux dont il
résulte
vi) L'action est-ellemal dirigée?
vii) Historique de la question
viii) Conclusion i) Les positions respectives des Parties
ii) L'économie des dispositionsde la Charte des Nations Unies rela-
tives aux territoires dépendants
iii) Les Nations Unies peuvent-elles se substituer à une puissance
administrante évincée?

iv) Le droit de représentation
v) Les résolutionsqui reconnaissent au Portugal la qualité de puis-
sance administrante
vi) La valeur juridique des résolutions
1. Les résolutionsde l'Assemblée générale
2. Résolutions du Conseil de sécurité

vii) LePortugal avait-il besoin d'uneautorisation préalable de l'Orga-
nisation des Nations Unies pour introduire la présenteinstance?
viii) Les résolutions sont-elles affectéespar l'amenuisement du sou-
tien dont elles ont bénéficié l'Organisation desNations Unies?
ix) Les résolutions sont-elles tombéesen désuétude?
x) Les résolutions ont-elles été rendues caduquepsar lesévénements
ultérieurs?
xi) Les antécédents coloniauxdu Portugal sont-ils pertinents?

i) Le peuple du Timor oriental a indubitablement le droit à dispo-
ser de lui-même
ii) Le principe de l'autodétermination
iii) Le principe de la souveraineté permanente sur les ressources

naturelles
iv) Pertinence des résolutions de l'Organisation desNations Unies
relativesà l'autodétermination
v) La position de l'Australieà l'égard del'autodétermination
vi) La contradiction entre la reconnaissance de la souverainetéindo-
nésiennesur le Timor oriental et la reconnaissance du Timor
oriental en tant que territoire non autonome
vii) Le prétenduconflit entre les droits du peuple du Timor oriental
et les droits du peuple australien

A. Obligations en droit international général
i) Obligations découlantdes sources généralesdu droit interna-

tional
ii) Les obligations expressément souscritesaux termes de traités
B. Obligations qui découlent des résolutionsde l'organisation des
Nations Unies
C. Quelques perspectivesjuridiques

i) La corrélationentre droits et obligations
ii) L'obligation se limite-t-elleà l'exécution d'instructions et
d'interdictions spécifiques?
iii) Obligations découlantde l'opposabilité erga omnesPARTIEE. LES EXCEPTIONS SOULEVÉES PAR L'AUSTRAL IU CHEF DE
L'OPPORTUNITÉ JUDICIAIRE

i) Absence de différend justiciable
ii) Utilisation des procédures de laCour a mauvais escient
iii) L'arrêtserait sans objet légitime

iv) L'arrêt demandé n'aurait aucue nffet utile car il ne favoriserait
pas les intérêtsu Timor oriental
v) La Cour ne devrait pas rendre un arrêtdont ellen'a ni lepouvoir
ni la capacité d'assurer l'exécution
vi) La Cour est-elle l'instanceappropriée? INTRODUCTION

Je souscris à la première partie de la décisionde la Cour, qui rejette
l'exception soulevéepar l'Australie selon laquelle il n'existe aucun diffé-
rend véritableentre elleet le Portugal. A mon avis, un tel différendexiste
effectivementet j'appuie l'arrêtde la Cour sur ce point.
Je souscris égalementaux observations de la Cour concernant le droit
du peuple du Timor oriental à disposer de lui-même, sondroit à la sou-
veraineté permanente sur ses ressources naturelles et le caractère erga
omnes de ces droits. J'appuie entièrement et sans réserve la Cour

lorsqu'elle insistesur le fait que le droitautodéterminationest «un des
principes essentielsdu droit international contemporain))(paragraphe 29
de l'arrêt).
Cependant, je regrette de parvenir, pour ce qui est de la deuxièmepar-
tie de l'arrêt,des conclusions différentes decellesde la grande majorité
de mes collègues, qui ont estimé que la Cour ne peut statuer sur la
demande du Portugal en l'absence de l'Indonésie. Respectueuxde leur
opinion et conscient de l'importance de la question, je me sens obligé
d'expliquer dans le détailles motifs pour lesquelsje conclus que l'absence
de l'Indonésie ne faitpas obstacleà ce que la Cour examine la demande
du Portugal.
Le principe qui est en jeu ici n'est pas simplement essentiel'instance;
il est important aussi pour la jurisprudence de la Cour, étant donnéles

conséquencesqu'il a sur l'étendue de la compétence decelle-ci à l'égard
des différendstrès variécsoncernant aussi destiers dont elleest de plus en
plus fréquemment saisiedans un monde plus étroitementinterdépendant.
Si la Cour avait tranché différemment la question préliminaire de sa
compétence,elle aurait été amenée à examiner dans son arrêtde nom-
breuses autres questions d'une grande importance. Du fait de sa décision
préliminaire, laCour s'arrêtepour ainsi dire«au seuil de l'affaire'.Par
conséquent,elle n'aborde pas de sujet aussi fécond quecelui des obliga-
tions découlant pour l'Australie du droit à l'autodétermination ou du
droità la souverainetépermanente sur sesressourcesnaturelles du peuple
du Timor oriental. La Cour n'étudiepas lesconséquencesdu traitérelatif
au «Timor Gap» sur les droits de cepeuple. Elle n'examinepas la qualité
du Portugal pour intenter la présenteaction au nom du peuple du Timor
oriental.

L'exception préliminaire soulevée àl'encontre de la qualitépour agir
du Portugal amène à s'interroger sur l'efficacitédu systèmede protection
mis au point par la Charte des Nations Unies pour sauvegarder les inté-
rêts des territoires nonautonomes qui ne sont pas encore en mesure de le
faire eux-mêmes.
L'affirmation de l'Australie selon laquelleelle n'a contrevenu aucune

'Comme l'a dit M. Jessup au débutde son opinion dissidente dans les affaires du Sud-
Ouest africain,deuxièmephase, arrêt,C.I.J. Recueil 1966, p. 325.obligation internationale rend nécessaireun examen desobligationsdécou-
lant implicitement pour les Etats du principe d'autodétermination, qui
constitue le fondement même del'existence, entant que nations, de la
majoritédes Etats Membres de l'organisation des Nations Unies. Cette
affirmationsoulèveégalement la questionjuridique importante de la nature
des obligations internationales qui correspondent à des droits opposables

erga omnes. Ces obligations se limitent-ellesau simple respect de direc-
tives et interdictions déterminées, ous'inscrivent-ellesdans la perspective
d'un principe supérieur, qui transcendeces directives etinterdictions?
En raison des exceptions à la compétencequi ont étésoulevéespar
l'Australie, il convient d'examiner aussile statut et les effetsjuridiques
des résolutions del'Assembléegénérale et du Conseil de sécuritéD. e plus,
l'Australie a mis l'accent, dans ses conclusions, sur plusieurs questions
relativesà l'opportunitéjudiciaire.

Le lien entre la compétenceet lefond

Il est de mon devoir dejuge d'examiner ces questions puisqu'ellesont
été plaidées d'une manière exhaustiv par les deux Parties, qu'ellesrevê-
tent toutes une très grande importance et que mon analyse dépassele
seuil de la compétencepour aborder le fond l.Quoi qu'il en soit,le point
de vue quej'adopte en ce qui concerne l'exception à la compétenceque la
Cour a accueilliem'oblige à examiner toutes cesquestions, quelle que soit
leur pertinence quant au fond de l'affaire. En effet, dans la présente
instance, les exceptions préliminaires etle fond sont si étroitementliés
qu'ils ne peuventêtreconsidérés séparément.
Lors d'une réunion tenuele le'juin 1992 à la demande du Président,en

application de l'article 31 du Règlement de la Cour, les Parties sont
convenues que les questions soulevéespar l'Australie concernant la com-
pétence etla recevabilité étaient inextricablemenltiéesau fond et qu'elles
devaient êtretranchéesdans le cadre de l'examen au fond. Il a donc été
procédé à un examen exhaustif à la fois sur les questions préliminaireset
sur le fond.
Cette décisionétaitconforme à la position que l'Australie a prise dans
son contre-mémoire,et selon laquelle :

«ces obstacles qui empêchent laCour de connaître de la demande
sont, en l'espèce,inextricablement mêléasu fond, de sorte qu'ilserait
difficilede les traiter séparément et d'établir qu'iolsnt un caractère
exclusivementpréliminaire)) (contre-mémoirep , ar.20).

Par conséquent,on ne trouve pas dans la présente instance la division
tranchéeque l'on constate fréquemmentdans lesaffaires dont la Cour est

'Voir la déclaration de M. Jessup dans les affaires précitéesdu Sud-Ouest africain:
«Comme je suis arrivàla conclusion que la Cour est compé..je pense qu'il est de
mon devoir dejuge d'examiner lesproblèmesjuridiques soulevéspar la présente affaire
(C.I.J. Recueil 1966, p. 325.)saisie, comme par exemple les affaires du Sud-Ouesa tfricaien ntre les
questions relevant de la compétence et la recevabilité, d'unepart, et les
questions relevant du fond, d'autre part.

Historique

Un bref rappel des faits permettra de replacer dans leur contexte his-
torique les points d'ordre juridique analyséspar la suite.
La longue occupation coloniale du Timor oriental par le Portugal, qui
avait débutéau XVIesiècle,a pris fin plus de quatre cents ans plus tard,
en 1975, lorsque l'administration portugaise s'est retiréedu Territoire.
Dans un premier temps, l'administration portugaise a quitté l'île de
Timor pour seretirer le 27août 1975sur l'île d'Atauro, qui fait également
partie du Territoire. Le 28 novembre 1975,c'est-à-dire trois mois après
l'évacuation del'île de Timor par le Portugal, le FRETILIN (Frente
Revolucionaria de Timor-Leste Independente), un groupe qui revendi-

quait l'indépendancepour le Territoire, a proclamé cette indépendance.
Quelques jours plus tard, le 7 décembre1975,les forces militaires indo-
nésiennesentraient au Timor oriental. Le lendemain, l'administration
portugaise quittait Atauro.
L'Indonésie contrôlele Territoire depuis l'entrée deses forces mili-
taires. Le 17juillet 1976,elle a adoptéune loi qui incorporait le Timor
oriental dans son territoire national, en affirmant que le peuple du Timor
oriental lui aurait demandéle 31mai 1976d'accepterque le Timor orien-
tal fassepartie intégrantedu territoire indonésien.Cependant, cette incor-
poration n'a encore éténi acceptée ni reconnuepar l'organisation des
Nations Unies, laquelle, selon lestermes mêmesdu Secrétairegénérae l,st
à la recherche ((d'unesolution globale et acceptable sur leplan internatio-
nal de la question du Timor oriental)) '.Cette question, qui n'a toujours
pas reçu la solution internationalement acceptable que recherchele Secré-
taire générale,strégulièremena tbordéedans lesrapports decelui-ci.L'As-

sembléegénérale l'inscrit égalemen ct aque année à son ordre du jour.
Plusieurs résolutionsdu Conseil de sécurité et del'Assembléegénérale
font étatdes circonstances du retrait portugais et de l'occupation indo-
nésienne. Il suffit pour l'instant de se référer à deux résolutions du
Conseil de sécuritél,es résolutions384, du 22 décembre1975,et 389, du
22 avril 1976.
Dans la première de ces résolutions,le Conseil de sécuriténote tout
d'abord quel'Assemblée généraled ,ans sarésolution3485 (XXX)du 12dé-
cembre 1975,a demandéau Comitédes Vingt-Quatre (le comité spécial
chargé d'étudier la situation en ce qui concerne l'application de la décla-
ration sur l'octroi de l'indépendanceaux pays et aux peuples coloniaux)
d'envoyer unemission d'enquêteau Timor oriental, puis exprime sa pro-

'Rapport intérimaire du 11 septembre 1992, doc. Al471435,par. 1 (voir réplique,
vol.II, annexe 1.8).Voir, dans le même sensl,e rapport du Secréslur l'activité
de l'organisation, 2 septembre 1994,doc. A/49/1, par. 505.fonde préoccupation face àla détériorationde la situation dans ce terri-
toire. Le Conseil de sécuritése dit égalementprofondément préoccupé
par lespertes en vieshumaines au Timor oriental et déplorel'intervention
des forces armées indonésiennes sur ce territoire. Enfin, il regrette que le
Gouvernement portugais ne se soit pas pleinement acquittédes respon-
sabilitésquilui incombent en tant que puissance administrante du Terri-
toire aux termes du chapitre XI de la Charte.
En conséquence,le Conseil de sécurité:

(1. Demande à tous les Etats de respecter l'intégritéterritoriale
du Timor oriental ainsi que le droit inaliénablede son peuple à
l'autodétermination, conformément à la résolution 1514 (XV) de
l'Assembléegénérale ;
2. Demande au Gouvernement indonésien deretirer sans délai
toutes ses forces du Territoire;

3. Demande au Gouvernement portugais, en tant que puissance
administrante, de coopérer pleinement avec l'Organisation des
Nations Unies afin de permettre au peuple du Timor oriental d'exer-
cer librement son droità l'autodétermination;
4. Prie instamment tous les Etats et toutes les autres parties inté-
resséesdecoopérerpleinement avecl'organisation desNations Unies
dans ses efforts pour apporter une solution pacifiqueà la situation
existante et faciliter la décolonisation du Territoire.

Dans la seconde résolution,le Conseil réaffirme denouveau:
«le droit inaliénabledu peuple du Timor orientalà l'autodétermina-
tion età l'indépendance conformément auxprincipes de la Charte
des Nations Unies et à la déclaration sur l'octroi de l'indépendance
aux pays et aux peuples coloniaux,contenue dans la résolution1514

(XV) de l'Assemblée généraleen date du 14décembre 1960));
et demande à tous les Etats

«de respecter l'intégritéterritoriale du Timor oriental ainsi que le
droit inaliénablede sonpeuple àl'autodétermination,conformément
àla résolution 1514(XV) de l'Assembléegénérale)).
Le Conseil demande égalementau Gouvernement indonésien de«retirer
sans plus tarder toutes ses forces du Territoire)).

L'Australie a étéentendue avant l'adoption de chacune de ces résolu-
tions par le Conseil de sécurité.
Sixjours avant l'adoption de la première résolution, lors de la 1865"
séancedu Conseil de sécurité tenue le 16décembre1975,le représentant
de l'Australie, invitépar le présidentprendre la parole, a déclarce qui
suit:

((L'exigenceimmédiate nous semble être uncessez-le-feu pour
épargner à la population de Timor une nouvelle effusion de sang et
pour créerun climat dans lequel pourra reprendre un programme
constructif de décolonisation» (Nations Unies, Documents of$ciels du Conseil de sécurité,trentième année,1865"séance,16 décembre
1975,par. 99; voir mémoire, vol.II, annexe II.24),
et il a conclu:

«je voudrais soulignerà nouveau, comme l'a faitl'Assemblée géné-
rale, du reste, dans sa résolution3485(XXX), que l'objectif etle but
des Nations Unies, à la base de toute action que le Conseil pourrait
arrêter,consistentà permettre à la population du Territoire d'exer-
cer librement son droit à l'autodétermination. La question qui se
pose maintenant avant tout, c'estla créationdes conditions dans les-
quelles les Timorais pourront eux-mêmes exercer leur libre choix.
(Ibid., par. 106; voir mémoire,ibid.)

Huit jours avant l'adoption de la seconde résolution, c'est-à-dire lors
de la 1909"séancedu Conseil de sécurité tenuele 14avril 1976,le repré-
sentant de l'Australie, de nouveau invitépar le président à prendre la
parole, a déclaréce qui suit:
«Dans ma dernièredéclarationdevant le Conseil sur la question

du Timor oriental [1865"séance],j'ai soulignéque le Gouvernement
et le peuple australiens se rendaient parfaitement compte qu'un
règlement stable de lasituation au Timor oriental ne pouvait reposer
que sur le libre choix du peuple intéressé. Telle esttoujours la poli-
tique du Gouvernement australien, à savoir que le peuple du Terri-
toire doit exercer librement et effectivementson droit l'autodéter-
mination et que, sil'on veutque cette décisionait quelque validité,il
faut qu'elle soit prise avec lapleine conscience des diverses options
offertes. Mon gouvernement n'a toutefoispas la prétentionde pré-
senter une formule ou des modalitésprécisespermettant l'autodéter-
mination. Nous préférerionsnous en remettre aux vŒuxdu peuple
timorais lui-mêmequant à la meilleure façon dont il peut vérita-
blement exercer son droit à l'autodétermination.)) (Nations Unies,
Documents officiels du Conseil de sécurité,trente et unièmeannée,
1909"séance,14avril 1976,par. 38;voir mémoire, volI.I, annexe11.25.)

Il n'est pas nécessairà ce stade de rappeler les libellésdes huit réso-
lutions de l'Assembléegénéralequi ont toutes souligné l'importancedu
droit du peuple du Timor oriental à l'autodétermination et présumé que
ce droit restaià exercer. Elles seront mentionnées plus loin,le moment
venu.
En l'instance,le Portugal, prétendant qu'il demeure la Puissancedmi-
nistrante du Timor oriental, demande à l'Australie réparation en raison

du traitéqu'ellea conclu le 11décembre1989avecl'Indonésie surlesres-
sources situéesentre les côtes du Timor oriental et celles de l'Australie.
Au cours de l'instance, ce traité a été dénommé «le traité relatif au
«Timor Gap», du fait que l'Australie et l'Indonésieont laissé endehors
de la délimitationde leurs secteurs respectifs du plateau continental la
partie situéeentre la côte méridionaledu Timor oriental et la côte sep-
tentrionale de l'Australie. La partie du plateau continental qui demeureainsi non délimitéeest dénomméele ((Timor Gap» (mémoire, vol.1,
par. 2.01).
Il convient d'ajouter que la compétence dela Cour se fonde sur la
déclaration d'acceptation de lajuridiction de la Cour faite par l'Australie
en application du paragraphe 2 de l'article 36 du Statut. L'Indonésie n'a
pas déposé dedéclarationau titre de cette disposition.
Il faut égalementdire un mot du passécolonial du Portugal, dont la

pertinencejuridique sera examinéeplus en détail dansune autre partie de
la présente opinion. D'après l'Australie,ce passé laissebeaucoup à dési-
rer. En effet, le Portugal avait résolument rejetéle principe de l'autodé-
termination pour ses colonies. Cependant, à la suite du changement de
régimesurvenu le 25 avril 1974,le Gouvernement portugais a réaffirmé
ses obligations en application du chapitre XI de la Charte et, le 24juillet
1974,le Conseil d'Etat du Portugal a approuvéune loi constitutionnelle
abrogeant l'ancienne définitiondu territoire de la République portugaise
et reconnaissant le droità l'autodétermination,y comprisl'indépendance,

des territoires sous administration portugaise (mémoire, vol. II,
annexe 11.6).

Le traité relatif au«Timor Gap ))

Le Portugal prétend que ce traité conclu le 11 décembre1989 entre
l'Australie et l'Indonésie porte atteinte aux droits du peuple du Timor
oriental. Il est intitulé ((Traité entre l'Australie et la République de
l'Indonésierelatif à la zone de coopération établie dansun secteur situé
entre la province indonésienne du Timor oriental et l'Australie septen-
trionale))(requête,annexe 2, texte de l'accord du 11décembre1989).Son

préambuleénoncele souhait des parties
«de permettre l'exploration et l'exploitation des ressources pétro-
lièresdans le secteur du plateau continental situé entre la province
indonésiennedu Timor orientaletl'Australieseptentrionale et devant
encore faire l'objet d'une délimitation permanente entre les Etats

contractants ».
Selon le Portugal, ces ressources pétrolièresont été estimée asun volume
de 500 millions à 5 milliards de barils1. Mais quel qu'en soit le volume
exact,on peut présumersanscrainte qu'ellesont une valeur considérable.

Le traitéa mis sur pied un régimeconjoint australo-indonésien pour
l'exploitation des ressourcespétrolièresdu plateau continental situéentre
l'Australie et le Timor oriental. Le traitéexprime le souhait des parties
que «l'exploration et l'exploitation de ces ressources commencent sans
retard)) et prévoitle partage entre les deux gouvernements des ressources

-
'Mémoire, vol.1, par. 2.02, citant Australian Yearbook of International Law, 1981-
1983,vol. 10,p. 135.Selon une source citéedans le mémoire portugais, certaines estima-
tions «arriventjusqu'à 7milliards de barils, plus un million de barils de distillats)) (Petro-
leum Gazette, no 3, 1988, p. 18).d'une zone de coopération constituée detrois aires, A, B et C, et située
entre la ((provinceindonésiennedu Timor oriental)) et l'Australie septen-
trionale, selon les modalités suivantes:
«a) dans l'aire A, les Etats contractants exercent la direction
conjointe de l'exploration et de l'exploitation des ressources

pétrolières,en vue de parvenir à une utilisation commerciale
optimale desdites ressources et au partage équitable entre les
deux Etats contractants des profits de l'exploitation des res-
sources pétrolières, conformémentaux dispositions du présent
traité;
b) dans l'aire B, l'Australie adresse certaines notifications à la
République d'Indonésie ep t artage avec elle lesrecettes fiscales
perçues, au titre de l'impôt locatif sur les ressourcespétrolières,
sur la production pétrolièreen vertu de l'article 4 du présent
traité;
c) dans l'aire C, la République d'Indonésie adresse certainesnoti-
ficationsà l'Australie et partage avec elle les recettes fiscales
perçues au titre de l'impôt sur le revenu des entrepreneurs sur

la production pétrolièresur la base de l'article 4 du présent
traité))(requête, annexe2, texte de l'accord du 11 décembre
1989,art. 2).
Selon son article 33, le traitésera en vigueur pendant une période ini-
tiale de quarante ans à compter de la date de son entréeen application.
Sauf accord contraire des Etats contractants, à l'expiration de la période
initiale de quarante ans, il demeure en vigueur pour des périodessucces-

sives de vingt ans, à moins qu'avant la fin d'une période,y compris le
terme initial de quarante ans, les deux Etats contractants ne concluent un
accord de délimitation permanente du plateau continental dans le secteur
couvert par la zone de coopération.
Le préambuledu traitéfait mention d'arrangements provisoires ayant
pour effet de«ne pas compromettre ni entraver la conclusion d'un accord
définitifsur la délimitationdu plateau continental)).
Pour donner effet au traité,le Parlement australien a adoptéla loi de
1990sur les pétroles (zone decoopérationAustralie-Indonésie) (loi no 36
de 1990).L'article 3 de cette loi indique qu'elle visà permettre à 1'Aus-
tralie de s'acquitter des obligations que le traitémet à sa charge. Selon
l'article 8:

«Nul ne peut entreprendre des opérationspétrolièresdans l'aireA
de la zone de coopération, si ce n'est dans le cadre d'un contrat de
partage de la production et conformément à un tel contrat, et avec
l'approbation de l'autorité conjointe))(requête, annexe2),

constituée en application de l'articl7 du traité.
Les mesures de législationinterne prises par l'Australie pour mettre en
Œuvre letraitéfont partie des actes qui, selon le Portugal, contreviennent
aux droits du peuple du Timor oriental, aux pouvoirs du Portugal en saqualitéde puissance administrante, aux résolutionspertinentes du Conseil
de sécuritéet à l'obligation qu'ont les Etats Membres de coopérer de
bonne foi avec l'organisation des Nations Unies.

Plan de l'opinion

La partie A de la présenteopinion consiste en une analyse de la règle
de la tierce partie et porte une attention particulière à ce qui a été
dénomméle principe de l'Or monétairepris à Rome en 1943, que 1'Aus-
tralie a invoquéà l'appui de son exception préliminaireà la compétence
de la Cour. C'est sur ce principe que se fonde la Cour pour débouterle
Portugal. L'analyse visera à vérifiersi les agissements de l'Australie

peuvent, en soi, êtreconsidérés commedes violations par celle-ci des
obligations internationales qui lui incombent indépendamment des obli-
gations et des agissements de l'Indonésie.Si tel est le cas, il existecontre
l'Australie un motif d'action autonome, sans qu'il soit nécessairede
statuer sur les obligations juridiques et le comportement de 1'Indo-
nésie.
La partie B traite de l'exception préliminaire relatiàela qualité du
Portugal pour introduire la présenteinstance. Les questionsqui seposent
à ce titre sont notamment celle du systèmede protection des territoires
non autonomes mis au point par la Charte des Nations Unies, celle de
l'effetjuridique des résolutionspertinentesde l'organisation des Nations
Unies et celle de savoir si le Portugal devait obtenir l'autorisation préa-
lable de l'organisation pour déposer sarequête.
L'établissement dela compétence dépend de la preuve d'un griefcontre

l'Australie qui serait fondé surles obligations dont celle-ciest seule débi-
trice en droit international et sur les agissements imputablesà celle-ci
individuellement, sans aucun égard à l'Indonésie.Il s'agira donc, dans la
présenteopinion, d'examiner les droits du Timor oriental en droit inter-
national ainsi que les obligations internationales de l'Australie corréla-
tivesà ces droits.
La partie C porte donc sur les droits du peuple du Timor oriental à
l'autodétermination et à la souveraineté permanente sur ses ressources
naturelles, principes sur lesquelsle Portugal se fonde au principal. Sil'on
présumeque ces principes s'appliquent au Timor oriental, la question
essentielle trancher est de savoir si 1'Etatdéfendeurs'yest conformé.

La partie D analyse les obligations internationales de l'Australie. Elle

expose d'une manière détailléle a nature juridique des obligations géné-
rales qui incombent à tous les Etats en application du principe d'autodé-
termination, ainsi que les obligationsjuridiques particulières dontAus-
tralie doit s'acquitteà l'égarddu Timor oriental. Elle étudie ensuite la
question de savoir si l'Australie a manqué à ses obligations juridiques
internationales en concluant le traitérelatif auTimor Gap».
La partie E porte sur les questions d'opportunitéjudiciaire, que 1'Aus-
tralie présente sousplusieurs angles. La présente opinion n'aborde pas laconclusion de l'Australie selon laquelle il n'existe pas de différend justi-
ciable, conclusion dont la Cour traite dans son arrêt.Cependant, nous
examinerons sommairement dans cette partie quelques-uns des autres
moyens de l'Australie, selon lesquels notamment la présente instance
constituerait un abus de la procédure de la Cour, aurait un objet illégi-
time, ou n'aurait pas étéintroduite devant l'instance appropriée.
La présenteopinion n'aborde aucune question en dehors des excep-
tions préliminairessoulevéespar l'Australie. Elle n'aborde pas non plus
les agissements ou le comportement de l'Indonésie,hormis les circons-
tances relativesà l'intervention arméede celle-ci,que la Cour a abordées
égalementau paragraphe 14de son arrêt.

1. La question de la compétence

i) Les thèses des Parties

En cherchant à obtenir de l'Australie réparationen raison de la conclu-
sion de ce traité, le Portugal s'aventure-t-il sur un terrain judiciaire où
l'on ne saurait s'engageren l'absencede l'Indonésie? S'agit-il en faitd'un
différendentre le Portugal et l'Indonésie sous couvert d'un différend avec
un autre Etat qui n'est pas le véritabledéfendeur?Dans l'affirmative, les
conclusions de l'Australie doivent êtreaccueillies et la requêtedu Portu-

gal doit êtrerejetée.
L'Australie invoque l'affaire de l'Or monétairepris à Rome en 1943
(C.I.J. Recueil 1954,p. 19)comme l'un des fondements de sa conclusion
selon laquelle la Cour est incompétentepour connaître de la requêtedu
Portugal. Elle prétendque la Cour ne saurait rendre une décisioncontre
elle sans avoir au préalable décidéque l'Indonésie occupe illégalemenlte
Timor oriental. En l'absence de l'Indonésie à l'instance, le principe de
l'affaire de'Or monétaire,selon lequel la Cour ne pouvait se prononcer,
en l'absence de l'Albanie, sur les prétentions de l'Italie et du Royaume-
Uni àrecevoir une certaine quantité d'or albanais,fait selon elle obstacle
à la compétence de laCour à l'égardde la requête duPortugal.
En revanche, le Portugal prétend que sa demande n'est pas dirigée
contre l'Indonésie, maiscontre l'Australie, que l'acteillicite qu'il allègue

n'a pas pour auteur l'Indonésie mais l'Australie, et que sa thèse repose
entièrementsur des arguments tirés des obligations internationales et des
agissementsunilatéraux de la seule Australie. Selon lui, l'Indonésiepour-
rait bien êtreaffectéepar l'arrêt,mais c'estle comportement de 1'Austra-
lie, et non celui de l'Indonésie, quiforme l'objet mêmede l'instance.

ii)Lesfaits de l'espèce

La compétence n'estpas une question relevant exclusivement du droit
mais une question de droit et de fait. Comme il est dit dans un ouvrage bien connu sur la compétence dela
Cour pour déterminersa propre compétence:

«La compétence dela Cour internationale pour déterminer sa
propre compétence revêtdonc deux aspects: l'interprétation des
actes attributifs de compétence,d'une part, et l'interprétation(et la
qualification) des faits constitutifsdu différend,d'autre part. En fait,
la compétence dela Cour ne peut découlerque de l'interaction des
éléments qui font partie de ce processus. » '

Pour mieux situer la discussion qui va suivre, il convient d'évoquerbriè-
vement quelques faits essentiels.
Les faits que l'Australie a reconnus, qui ressortent manifestement des
piècesou qui sont suffisamment notoires pour que la Cour en prenne
acte, sont les suivants:

a) le peuple du Timor oriental a le droit de disposer de lui-même,et
l'Australie est tenue de reconnaître ce droit (voir la partie C, ci-
après) ;

b) le peuple du Timor oriental a le droit à la souverainetépermanente
sur les ressources naturelles du Territoire, et l'Australie est tenue de
reconnaître ce droit (ce point est discuté defaçon plus approfondie
dans la partie C, ci-après);
c) ces ressources comprennent une fraction des ressources maritimes de
la régiondu «Timor Gap», c'est-à-dire de la zone maritime située
entre les côtes se faisant face du Timor oriental et de l'Australie, que
le peuple du Timor oriental partage avec l'Australie;
d) en droit, ces ressources continuent d'appartenir au Timor oriental
tant que celui-cidemeure un territoire non autonome;

e) l'Australie a reconnu tout au long de l'instanceque le Timor oriental
demeure un territoire non autonome ;
f) l'organisation des Nations Unies considèretoujours le Timor orien-
tal comme un territoire non autonome;
g) cette régionest très riche enpétrole eten gaz naturel. Quel qu'en soit
le volume, ces ressources constituent selon toute vraisemblance la
principale richesse du peuple du Timor oriental, qui ne lui écherra
que lorsqu'il aura exercéson droit à disposer de lui-même;

Ibrahim F. 1. Shihata, The Power of the International Court to Determine IfsOwn
Jurisdiction, 1965,p. 299.
* Lors de l'audiencedu 16février1995,l'agent de l'Australie a déclaré:
((L'Australie reconnaît que le peuple du Timor oriental a le droit de disposer de
lui-même selonlechapitre XI de la Charte desNations Unies. LeTimor oriental reste
un territoire non autonome sous le régimedu chapitre XI. L'Australie a reconnu cet
étatde chosesbien avant que le Portugal ne le fasse en 1974.Elle a réaffirmé sa posi-
tion tant avant qu'aprèsavoir reconnu la souverainetéde l'Indonésie. Ellele réaf-
firme maintenant.» (CR 95/14,p. 13.)h) le Portugal, l'ancienne autorité coloniale, a quittéle Territoire mais
est toujours considéré comme la puissanceadministrante par l'Orga-
nisation des Nations Unies;
i) l'organisation des Nations Unies n'a reconnu à aucune autre puis-
sance l'autorité surle Territoire;
j) le 7 décembre 1975, des forces armées indonésiennessont entrées
sur leTerritoire,que l'Indonésie contrôle totalementàl'heure actuelle;
k) à cejour, l'organisation desNations Unies n'a pas reconnu l'Indonésie
comme ayant l'autorité surle territoire et elle continue de rechercher
«une solution globale et acceptable sur le plan international de la
question du Timor oriental))(réplique,vol. II, annexe 1.8,par. 1);

1) l'Australie a conclu avec l'Indonésie untraité qui partage entre ces
deux pays les ressources de la régiondu ((Timor Gap»;
m) dans ce traité,l'Australie reconnaît expressément quele Timor orien-
tal est«la province indonésiennedu Timor oriental D;
n) devant le besoin légitime d'exploiter ses propres ressources et la
nécessitéde conclure à cette fin un traitéavec 1'Etatcôtier lui faisant
face, l'Australie n'a demandé à l'organisation des Nations Unies ni
instruction ni autorisation avant de conclure ledit traité,bien que le
Timor oriental demeurât un territoire non autonome et que l'organi-

sation desNations Uniesn'eneûtpas reconnu l'incorporation à1'Indo-
nésie.Il n'ajamais été suggérédevant lC aour qu'une telle instruction
ou autorisation avait étédemandée;
O) letraité aété conclupour un terme initial de quarante ans et peut être
renouvelépour des périodessuccessivesde vingt ans;
p) le traité ne prévoit pas qu'une partie quelconque du produit de
l'exploitation de la zone soit réservéau peuple du Timor oriental, en
prévisiondu jour où son statut aura étédéterminé;
q) jamais le peuple du Timor oriental n'a consenti au traité,directement
ou par l'intermédiaired'un mandataire dûment désigné;

r) certes l'Australie a droit à sa part des ressources de la région du
«Timor Gap »,mais ellen'a procédé à aucune délimitation valableen
droit avec le Timor oriental. Tant que cela ne sera pas fait, on ne
saura pas avec précision commentles ressources se répartissententre
l'Australie et le Timor oriental. On ne peut donc écarter la possibilité
que l'Australie tire certains profits de ressources qui, si elles étaient
réparties conformémentau droit, pourraient revenir au Timor orien-
tal;
s) l'Australie a conclu un traité qui pourrait entraîner pour le peuple du
Timor oriental la perte définitivede ressources naturelles non renou-
velables dans la mesure où ledit traitéen autorise l'exploitation. Sur
une période de quarante ans, les ressources risquent d'être entière-
ment et définitivementperdues;

t) s'il a gain de cause, le Portugal ne peut juridiquement tirer aucun avantage financier de la présenteinstance et il devra en outre rendre

compte à l'Organisation desNations Unies et agir sousla surveillance
de celle-ci.
L'opinion qui suit ne sort pas de ce cadre.

iii) Les faits de l'espècerendent-ils nécessaire d'examinerle comporte-
ment d'un Etat tiers?

C'estdans cecontexte précis defaitsreconnus ou patents qu'il convient
d'examiner l'exceptionpréliminaireafin de décidersi le ((principede l'Or
monétaire))empêched'examiner la demandedu Portugal. Il a étésoutenu
avec force que l'affaire deOr monétaireconstituait un tel empêchement.
Eu égard aux nombreux faits énumérés ci-dessuqsui ne concernent que
les obligations et les agissements de l'Australie, je suis au regret de ne
pouvoir souscrire àcette thèse.A mon avis, tous les élémentssont réunis
pour que la Cour se prononce sur la demande du Portugal contre
l'Australie sans qu'il soit nécessaire deformuler de conclusion, quelle
qu'ellesoit, contre l'Indonésie.
L'Australie est partie un traitéportant notamment sur des ressources
qui appartiennent notoirement au peuple du Timor oriental, lequel est
notoirement non autonome. En vertu de principes incontestables du droit
international, ce peuple reste propriétaire de ses ressources jusqu'à ce
qu'il accèdeà I'autonomie. Lorsqu'ilaura exercéson droit à l'autodéter-

mination, il pourra disposer de ces ressourcesàson gré. D'icilà, le sys-
tèmejuridique international protégera ses droits en son nom et devra
examiner sérieusementtout fait tendant à aliénerses droits ouà en dis-
poser autrement sans son consentement. En effet, le droit d'un peuple
non autonome à la souverainetépermanente sur sesressources naturelles
a pour caractéristiqueessentielle que la communauté internationale est
tenue de protégerces biens pour lui.

Le défendeur reconnaît sans réserveque le Timor oriental demeure un
territoire non autonome, comme le reconnaît égalementl'organisation
des Nations Unies qui est l'autorité compétenten la matière.Tandis que
l'Organisation des Nations Unies attend toujours que la question reçoive
une ((solutionacceptablesur le plan international)), la Cour doit décider

s'il estconforme au droit international qu'un Etat Membre de l'organi-
sation des Nations Unies soit en mesure:
a) de conclure avec un autre Etat un traité reconnaissant qu'un terri-
toire dont le peuple n'a pas encore exercéson droità l'autodétermi-

nation a étéincorporécomme province dans cet autre Etat;
b) de devenir partie à des arrangements prévus dans ce traité, quidis-
posent des ressources de ce territoire sans le consentement du peuple
en question ou de son mandataire autorisé. Telle est la question principale dont la Cour est saisie. Elle porte sur le
comportement du défendeuret non pas sur celui de 1'Etattiers.
Compte tenu de tous les faits indiscutablesqui ont étéénuméréd sans
la présente section,point n'est besoin pour la Cour d'examiner la licéité
du comportement de cet Etat tiers ou de sa présenceau Timor oriental.

Si le Timor oriental demeure un territoire non autonome, tous les
membres de la communautédes nations, y comprisl'Australie, ont l'obli-
gation de reconnaître le droit de son peupleà I'autodéterminationet à la
souveraineté permanente sur ses ressources naturelles. S'il en est bien
ainsi, comme c'estincontestablement le cas, la Cour est en possession de
tous les faits dont ellea besoin pour statuer sur la responsabilité1'Etat

défendeur, lequel participe a l'instance. Elle ne s'engagerait nullement
dans le domaine interdit des décisions concernant des tierces parties
absentes.

iv) La Cour aurait-elle à réexaminerdes questions ayantfait l'objet de
résolutionsde l'Organisation desNations Unies ?

L'Australie prétend qu'en dépitdes résolutionsde l'organisation des
Nations Unies qui demandent au Gouvernement indonésien deretirer ses
forces du Timor oriental, qui réaffirmentle droit du peuple du Timor
orientalà I'autodétermination et qui contestent l'incorporation du Timor
oriental àl'Indonésie,la Cour devrait déterminer elle-mêmela licéité du
contrôle que l'Indonésieexerce sur le Timor oriental, si elle devait pour-
suivre l'examen de l'affaire. Selon l'Australie, en l'absence d'une telle

détermination, la Cour ne saurait dire que l'Indonésiene pouvait licite-
ment conclure le traité et, partant, que l'Australie a agi d'une manière
illicite en concluant ce traité.
L'examen de ce point nécessiteraitun immense travail d'investigation
touchant à des questions de fait et de politique; il exigerait que soit de
nouveau étudiéeune multitude d'éléments de preuve relatifs aux circons-
tancesdans lesquellesl'Indonésieest entréemilitairement au Timor orien-
tal et y a établiensuite son autorité, ainsi qu'aux nombreuses activités
militaires, politiques et diplomatiques complexes qu'implique une telle
intervention militaire suivie d'une occupation permanente. La Cour
devrait tirer des conclusions sur la base de ces éléments de preuve.Et,
de toute façon, il est impossible d'entreprendre un tel travail d'investiga-
tion en l'absence de l'Indonésie.
Cet argument ne tient pas compte du fait que la Cour a déjà à sa dis-

position les éléments indispensablespour rendre une décision. Il ne tient
pas compte des aspects pratiques du processus judiciaire. Il méconnaîtle
systèmeprévupar la Charte des Nations Unies, qui répartit les tâches et
les responsabilités entre les organes principaux de l'organisation des
Nations Unies. En subordonnant la justice à un préalable quasi impos-
sible a respecter cet argumententraîne un dénidejustice, quelque légitime
que puisse êtrela demande. La Cour ne saurait être ainsi réduità l'inaction en se laissant imposer
une obligation dont les organescompétentsde l'organisation des Nations
Unies se sont dûment acquittés dans le cadre de leur mandat. Cette posi-
tion semble trop artificielle et éloignéede la réalitépour représenter la
règlede droit ou de procédure à suivre par la Cour.
Bien entendu, la Cour peut, en qualité d'organejudiciaire principal de
l'organisation des Nations Unies, êtreappelée,dans des circonstances
appropriées, à examiner si un organe des Nations Unies a outrepasséses
compétences ouagi de manièreillicite. La Cour a étésaisie de questions
de cette nature dans des affaires comme cellesdes Questions d'interpréta-

tion et d'application de la convention de Montréal de 1971 résultantde
l'incident aérien deLockerbie (Jamahiriya arabe libyenne c. Royaume-
Uni) (Jamahiriya arabe libyenne c. Etats-Unis d'Amérique) (C.I.J.
Recueil 1992, p. 3 et 114respectivement). Il n'a nullement été dit quede
tels faits existaient en l'espèce.Les seulsmotifs pour lesquelsla valeur des
résolutions a étécontestéesont les suivants: elles auraient en quelque
sorte perdu de leur poids parce que la majorité dont elles ont bénéficié
étaitde plus en plus restreinte, et de nombreusesannées se sont écoulées
depuis leur adoption. Comme nous le verrons ensuite en détail,le droit
des Nations Unies n'étaie nil'une ni l'autre de ces thèses.
En résumé,les principes de fond et de procédure qui régissentla com-
pétence dela Cour ne sauraient être appliquésde façon sirestrictive qu'ils
l'empêcheraientde statuer dans une instance telle que la présente, oùelle
dispose de tous les élémentset où elle peut parvenir à une décisionsans

enfreindrela règleconsacréedans son Statut selonlaquelle sa compétence
ne procède que du consentement des parties. Le fait que l'arrêtoucherait
les droits d'un Etat tiers ne constitue pas, selon la jurisprudence bien
établie sur cette question, un obstaclà sa compétence.De tels effets sur
les tiers se manifestent toujours dans le processus judiciaire et sont de
plus en plus fréquents dans une communauté internationale dont les
élémentssont de plus en plus interdépendants.
Ces questions seront abordées d'une manièreplus détailléeplus loin.

L'exposéqui précède visait à démontrer que les faits de cette affaire
rendent le principe del'Or monétaireinapplicable en l'espèce,puisque la
requête contre 1'Etat défendeur n'exige nullement que l'on examine le
comportement d'un Etat tiers et, à fortiori, que l'on rende de conclusion
judiciaire contre lui.
Toutefois, vu que ce principe a occupé une place importante dans
l'argumentation développée devant la Cour et que celle-cien fait applica-
tion, nousétudieronsmaintenant l'affaire de l'Ormonétaired'une manière
plus détailléepour voir si ce précédentferait obstacle à la demande du
Portugal au cas où il serait applicable. 2. Le principe del'Or monétaire

i) L'objet

L'une desquestions en litige dans l'affaire del'Or monétaireétait de
savoir s'il avait lieu d'attribuer l'or albanàil'Italie en réparationdes
agissements illicites de l'Albanie. La Cour était manifestement dans
l'impossibilité detrancher cette question en l'absence de l'Albanie,dont
les biens et les agissements illicitesconstituaient l'objet mêmede la
demande de l'Italie.
La présente affaire est radicalement différente. Les obligations et le
comportement de l'Indonésie ne sontpas l'objet mêmede la présenteins-
tance. Ce sont les obligations et le comportement de l'Australie qui font
l'objet de l'instance,laquelle l'Australie participe.
La section qui précèdea démontré qu'indépendammend te l'examendu
comportement de l'Indonésie,la Cour possède suffisammentde preuves
relatives aux obligations,aux responsabilitéset aux agissementsde1'Aus-
tralie pour statuer sur ceux-ci.Pour seprononcer en l'espèce,la Cour n'a

pas à s'engagerdans une enquêteapprofondie surlecomportement ou les
opérationsmilitaires de l'Indonésie,ou sur quelque autre sujet ayant pu
provoquer des inquiétudesau plan international. Il lui est encore moins
nécessairede trancher ces questions. Cela l'empêcherait deconcentrer
comme il convient toute son attention sur les actions et la responsabilité
de l'Australie, pour être mêmede se prononcer à ce sujet.

ii) Les Parties

Dans l'affaire de l'Or monétaire,les deux Etats sur les droits respectifs
desquels la Cour étaitappelée à se prononcer étaientl'Italie et l'Albanie
pour ce qui est de la premièredemande, et le Royaume-Uni et l'Albanie
pour ce qui est de la seconde (voir ci-aprèspar. iv)). L'Albanie, dont les
biens étaientrevendiquéset dont les agissements illicitesétaientallégués,
ne participait pasà l'instance. Or, dans la présente affaiàel'inverse de
celle de l'Or monétaire,aucune demande n'est forméecontre un tiers
absent. Les deux Etats sur les droits respectifs desquels la Cour est
appelée à se prononcer sont le Portugal et l'Australie, qui sont tous les
deux parties à l'instance.

Dans l'affairede Certaines terresaphosphates a Nauru (Nauru c. Aus-
tralie), exceptions préliminaires(C.I.J. Recueil 1992, p. 240), les deux
partiessur les droits respectifs desquelles la Cour avaià se prononcer
étaientl'AustralieetNauru, toutes deuxparties à l'instance.Dans l'affaire
de Nauru, tout comme en l'espèce,d'autres parties sont touchées,sans
qu'en aucun cas cela ne fasseobstacle à la compétence.

iii) Le raisonnement

Deux des énoncés de principe lesplus fréquemmentcités del'affairede
l'Or monétairesont les suivants: «En l'espèce,les intérêts juridiques de l'Albanie seraienton seu-
lement touchéspar une décision, mais constitueraient l'objetmême
de ladite décision.En pareil cas, le Statut ne peut êtreconsidéré
comme autorisant implicitement la continuation de la procédureen
l'absence de l'Albanie. (C.Z.J. Recueil 1954, p. 32.)
«En revanche, là où, comme dans lecas présent, la question essen-
tiellà trancher a trait à la responsabilitéinternationale d'un Etat
tiers, la Cour ne peut, sans le consentement de ce dernier, rendre sur

cette question une décisionqui soit obligatoire pour aucun Etat, ni
pour 1'Etat tiers, ni pour aucune des parties qui sont devant elle.))
(Zbid.,p. 33.)
La Cour soulignait, très naturellement, que les intérêts de l'Albanie
seraient non seulementtouchéspar la décision,mais qu'ilsen formeraient
l'objet même,et que la ((question essentielle)) trancher étaitcelle de la

responsabilité internationale de l'Albanieelle-même.En raison du carac-
tère générad lu libelléadopté par la Cour, on a parfois ététentéde citer
ces passages pour étayer des thèsesd'une portéebien plus large que ne
l'autorisaient les faits très circonscrits de l'espèce;c'est-à-dire qu'on ne
pouvait disposer des biens de l'Albanie, en son absence,en se fondant sur
ses agissements illicites. Or, en l'instance, aucune demande n'est dirigée
contre l'Indonésie, aucune décisionn'est requise contre elleet la question
fondamentale n'est pas celle de sa responsabilitéinternationale.
Les intérêts juridiquesde l'Indonésiepourraient être touchés par la
décision, mais ils ne forment pas l'objet mêmede celle-ci comme l'or
albanais était l'objet réelde l'affaire deOr monétaire.
La décisionde la Cour à l'égard des obligations et des agissements
de l'Australie pourrait avoir des conséquences à l'égardnon seulement

de l'Indonésie mais aussid'autres pays, puisque plusieurs d'entre eux ont
conclu avec l'Indonésiedes arrangements qui s'appliquaient au Timor
oriental, comme l'Australie en a informé laCour au cours de sesplaidoi-
ries (CR 95/10, p. 20-21). Si, dans son arrêt,la Cour émet desdoutes
quant à la validité deces traités,les autres pays qui ont agi en présumant
cette validitépourraient bien êtretouchés.On ne saurait considérerpour
autant que ces pays devraient participer à l'instance ou que, pour cette
raison, la Cour est incompétentepour connaître de l'affaire dont elle est
saisie.
La portée des dicta énoncéd sans l'affaire de l'Or monétaire nesaurait
êtreétendue au-delàde ce que permettent les circonstances de l'espèce.

iv) Distinction entre les demandes de l'Italie et du Royaume-Uni

L'analyse des deux demandes dans l'affaire de l'Or monétaire permet
de mieux cerner le principe qui sous-tend cette décision.
La première demandeportait sur la prétentionde l'Italie à recevoir l'or
albanais en réparation partielle du préjudiceque lui avait causé la loi
albanaise du 13janvier 1945 qui avait exproprié certains biens italiens.La seconde demande portait sur la prétention de l'Italie à ce que ses
droits aient priorité sur ceux du Royaume-Uni à recevoir l'or en exécu-
tion partielle de l'arrêt rendudans l'affaire duétroitde Corfou.
Il est toutà fait clair que la première demande, qui se fondait sur un
acte de l'Albanie que l'Italie prétendait êtrillicite, ne pouvait êtretran-
chéeen l'absence de l'Albanie. Les droits et les actes illicitesde l'Albanie
faisaient partie intégrantede son objet même.L'arrêt aété rendu àl'una-
nimitésur ce point.
Tout en étantelle aussi solidement fondéesur un principe de droit, la
décision relativeà la seconde demande pourrait peut-êtreêtredistinguée
de la première, en ce que bien que les revendications concurrentes en
l'instance fussent celles de'Italie et du Royaume-Uni la demande de ce

dernier contre l'Albanie étaitdéjà chosejugéedepuis l'arrêtde la Cour
rendu dans l'affaire duDétroitde Corfou.Etant chosejugée,la dette que,
selon l'arrêt,l'Albanie avait envers le Royaume-Uni n'avait pas besoin
d'être de nouveau prouvéeet ne pouvait non plus êtrecontestéepar
l'Albanie. Cependant, la réclamation concurrente de l'or par l'Italie
soulevait des problèmes de priorité (voirC.I.J. Recueil 1954, p. 33) qui
compliquaient la situation.
On peut noter, en passant, que l'arrêt n'apas étérendu à l'unanimité
sur le second point, puisque M. Levi Carneiro, juge, a joint son opinion
dissidente et déclaréque la Cour pouvait, et aurait dû, statuer sur la
seconde conclusion de l'Italie indépendamment de la première,au motif
que les seuls Etats directement intéresséspar la question de la priorité,
c'est-à-direl'Italie et le Royaume-Uni, étaientparties à l'instance (ibid.,
p. 43, par. 7) et que la question de la priorité pouvait êtrerésoluesur la

simple base de règlesde droit (ibid., par. 8).

v) La règle de la tierce partieet l'obligation desjuges destatuer
L'opinion de M. Carneiro est importante parce qu'elle procède du
souci de préserver la compétence de laCour sanspour autant contrevenir

à la règlede la tierce partie. Elle souligneun problème majeur qui se pose
constamment à la Cour: la règlede la tierce partie est certes importante
et doit êtrerespectéedans tous les cas, mais la Cour est soumise à un
autre principe selon lequel elle est tenue derancherles affaires dont elle
est saisie dans le cadre de sa compétence.
Dans ce domaine du droit, comme dans de nombreux autres, il n'est
pas toujours facile de discerner la limite entre les deux règlesquand elles
sont en concurrence. Dans de nombreux cas, il subsiste une zone d'incer-
titude, de sorte que l'affaire peut êtrerégiepar l'une ou par l'autre. En la
matière, la Cour est juge de sa propre compétence, comme le prévoit
expressémentle paragraphe 6 de l'article 36 de son Statut.
Une remarquable sériede précédents,qui remontent au-delà mêmede
l'arbitrage del'Alabama(1872) ',ont établique: «Le principe fondamen-

'Citéedans Ibrahim Shihata, op. p. 12et suiv.ta1du droit international qui s'applique en l'occurrence est qu'une juri-
diction internationale est maîtresse de sa propre compétence. » 'Lorsqu'il
examine sa compétence,le tribunal ne considère pas en principe que la
simple présenced'un doute, si légersoit-il, le fonde à décliner sa compé-
tence.
C'est en établissantun équilibreentre ces principes plutôt qu'en accor-

dant son attention exclusivement au principe dela tierce partie, au détri-
ment de l'autre principe, que la Cour peut exercer au mieux sa compé-
tence. Bien que la compétence doive toujours reposer sur la règle du
consentement, «il tombe sous le sens qu'une application trop rigoureuse
de ce principe paralyserait toute juridiction internati~nale))~.Les insuffi-
sances de l'article 36 dans sa rédaction actuelle3 ainsi que la nécessité
d'une ((approche fonctionnelle et téléologique biendéfiniedes problèmes
de compétence^j^ustifient cette façon d'aborder le problème5.
C'est donc à juste titre que, dans l'affaire des Activités militaires et
paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis

d'Amérique), la Cour a mis en garde contre l'extension abusive de la
portée de l'affaire de l'Or monétaire,en disant que les faits de celle-ci
((marquent vraisemblablement les limites du pouvoir de la Cour de refu-
ser d'exercer sajuridiction)) (C.I.J. Recueil 1984, p. 431, par. 88; voir
aussi Certaines terres a phosphates a Nauru (Nauru c. Australie), arrêt,
C.Z.J. Recueil 1992, p. 260, et Différend frontalier terrestre,insulaire et
maritime (El Salvador/Honduras), requête à Jin d'intervention, arrêt,
C.I.J. Recueil 1990,p. 116,par. 56) 6.
Ainsi que la Cour l'a fait observer dans l'affaire du Plateau continental
(Jamahiriya arabe libyenne/Malte), requête à Jin d'intervention: «la

Cour doit avoir la faculté,et elle a en fait l'obligation, de se prononcer
aussi complètement que possible dans les circonstances de chaque
espèce...))(C.I.J. Recueil 1984, p. 25, par. 40; les italiques sont de moi).
Cette obligation absolue de réglerle différendportédevant la Cour est ce
qui distingue le juge, régulièrement saisi, de nombreuxautres fonction-
naires qui ne sont pas tenus de par leurs attributions de trancher toutes
les questions litigieuses dont ils sont régulièrementsaisis dans l'exercice
de leurs fonctions. La doctrine sur la nature de la fonction judiciaire n'a
cesséde souligner l'obligation desjuges de statuer. Le Statut de la Cour

lui-même exprimece concept à l'article 38, qui énonceque «la mission
[de la Cour] est de réglerconformément au droit international les diffé-

Ibid., p. 439.ne, The Law and Practice ofthe International Court, 1985,p. 438.
Ibid., p. 316.
Ibid.
Voir aussi la discussion ci-après,dans la section 3, par. vii).
Voir D. H. N. Johnson («The Case of the Monetary Gold Removed from Rome in
1943»,International and Comparative Law Quarterly, 1955,vol. 4, p. 1IO),pour lequel il
est nécessairede bien réflravant de réduiredavantage lajuridiction déjàlimitéede la
Cour» en interprétant trop largement la règledettiers.rends qui lui sont soumis»' (les italiquessont de moi). En fait, il s'agitlà
de la fonction de la Cour, autour de laquelle s'articulent toutes les autres

dispositionsdu Statut2
Par conséquent, une interprétation par trop limitative de la compé-
tence de la Cour, qui ne permettrait pas à celle-cide réglerun différend
dont elle aurait étérégulièrementsaisie dans le cadre de sa compé-
tence, pourrait l'amener à ne pas s'acquitter de ses obligationsstatutaires
expresses.
Bien qu'il importe que la Cour étudieavec le plus grand soin les excep-

tions tirées de l'absence deconsentement de tierces parties, elle devra, en
cas de doute, mettre dans la balance son obligation statutaire, tout aussi
importante, de réglerles différendsdont elle a été régulièrement saisie
dans le cadre de sa compétence.Une application trop stricte du premier
principe peut prêter à une violation du second.
Dans le systèmejudiciaire international, un demandeur qui cherche
réparation devant la présenteCour n'a, en règlegénérale,aucun recours
si celle-ci refuse de l'entendre, contrairement à ce qui se passe dans un

systèmejudiciaire national, où le refus d'un tribunal de statuer n'empêche
pas le requérant de recourir à d'autres tribunaux ou autorités.
Comme l'a fait observer sir Gerald Fitzmaurice:

«Etant donné que le droit national assure habituellement l'exis-
tence de quelque instance interne compétente pour statuer sur les
affairesqui mettent enjeu des violationsde ce droit, ou la revendica-
tion de droits qui en découlent,les questionsinternes de compétence
revêtent uneimportance secondaire, puisqu'un demandeur dont la
demande est rejetéepar une juridiction pour défautde compétence
peut la présenter à nouveau devant la juridiction appropriée. Ainsi,
en règlegénéralei,l est impossible d'éviter une décision sur le fond si

le demandeur persiste, et le défendeurn'obtient aucun avantage défi-
nitif en soulevant des questions de compétence.Il en va tout autre-
ment dans l'ordre international, où le fait de retenir une exception
d'incompétence metnormalement fin àl'ensemble dela procédureet

' Voir l'affaire desEssais nucléaires(Australie c. France) (C.Z.J.Recueil 1974,p. 271)
pour la confirmation de ce principe et le nombre limité de casdans lesquelsla Cour peut
légitimement déclinesra compétence,par exemple en l'absenced'un différend.
Dans l'affairee Republic of El Salvadorv. The Republic ofNicaragua, la Cour de
justice centraméricainea àil'égard dela règlede 1'Etattiers que:
«de nombreuses questions qui pourraient surgir entre des Gouvernements
d'Amérique centraleseraient exclues de sa compétence et nepourraient faire l'objet
d'une décisionsi l'on accordait quelque importance que ce soit à l'argument un peu
mince selon lequel unEtat ti..possèdedes intérêtrselativement aux questions en
litige.
L'acceptation de cetargument aurait pour effet de rendre pratiquement négli-
geables les pouvoirs judiciaires de la Cour, étant donné quele fait d'invoquer des
(American Journal of International Law, 1917, vol. 11,p. 699.)ion judiciaire...)) exclut l'introduction de toute autre instance, non seulement devant
le tribunal qui a statué sur sa compétencemais égalementdevant
toute autre juridiction. Par conséquent, dans le domaine intematio-
na1ces questions prennent une importance beaucoup plus grande et
habituellement fondamentale. ))'

Il est important de relever, s'agissant de toutes les questions de com-
pétence,qu'une fois tous les autres recours épuisés la Cour est lajuridic-
tion de dernier ressort du systèmeinternational chargéed'appliquer les
principes du droit international.

vi) Le critère du caractère raisonnable

En l'espèce,on cherche à interpréter le précédent del'Or monétaire
comme signifiant que la Cour est incompétenteparcequ'ellene peut sta-
tuer sur la question dont elle est saisie sans déciderau préalablede la
licéitéde la présencede l'Indonésiesur le Territoire. En bref, cette thèse
reviendrait à considérerque si l'on ne pouvait accueillir la demande d'un
Etat A contre un Etat B qu'en démontrantau préalablequ'un Etat C a
commis un acte illicite, 1'EtatB pourrait éviterque son comportement,
aussi illicite soit-il, fasse l'objet d'un examen en faisant valoir que sa
propre responsabiliténe saurait êtredéterminéesans qu'il ait été statué
au préalable sur l'acteillicite de1'EtatC.
Depuis longtemps, on juge de la qualité d'une interprétation en

examinant si elle n'aboutit pas à des résultats déraisonnables,voire
absurdes. De toute évidence,la thèse enquestion peut produire des résul-
tats manifestement déraisonnables si l'on considère les exemples sui-
vants, où A est 1'Etatdemandeur, B1'EtatdéfendeuretC 1'Etattiers dont
l'acte illicite doit être établi préalablement à l'examen des prétentions
du demandeur ou du défendeur. Dans chaque exemple, B a reconnu la
compétence dela Cour mais non pas C, qui n'est donc pas partie à l'ins-
tance :

- Après queA et B eurent conclu un pacte de défensemutuelle, C com-
met un acte d'agression contre A. B ne seporte pas au secours de A.
Dans une action intentéepar A contre B,il est nécessaire, à titre préa-
lable, que A démontrel'acte d'agression de C2. Etant donnéque C

n'est pas partie, la demande de A doit êtrerejetée.
- Un étroitcouloir territorial appartenant à B se trouve entre A et C. C
déversesur leterritoire de Bune grande quantitéde déchetsradioactifs
qui, de là, serépandentdans leterritoire de A.A poursuit B. Bcherche
à prouver que le problème échappe à son contrôle, dans la mesure où
lesmatériauxnocifsprovenaient de C et qu'ilsne pouvaient êtreconte-

'Sir Gerald Fitzmaurice, The Law and Procedure ofthe International Court of Justice,
1986,vol. II, p. 438; les italiques sont dans l'original.
Voir Johnson,op. cit., p. 110. nus une fois parvenus sur son territoire. Etant donné que B doit
prouver l'acte illicitede C, il lui est impossible de se défendre.
- Pour mettre en Œuvre ses plans de renseignement militaire concer-
nant A, B persuade un alliépotentiel, C, de survoler le territoire
de A afin d'effectuer une surveillance aérienne illici. lors qu'il sur-
vole le territoire de A, l'avion des'écrasesur une villetrès peuplée,
provoquant des dommages et des pertes en vies humaines considé-
rables. A poursuit B devant la Cour pour les dommages qu'il a subis.

A possède des preuvesdu fait que B a étél'instigateur de l'acte illi-
cite de C. B peut faire rejeter la demande pour incompétenceau
motif que la demande requiert au préalable lapreuve de l'acte illicite
de C.
- C effectue un raid contre A et s'empare d'un objet historique appar-
tenant à ce dernier. B acquiert cet objet de C. A poursuit B afin de
récupérerl'objet et doit,au préalable, démontrerqu'il s'agitde l'objet
qui a été emporté par C au cours du raid. A ne peut faire valoir sa
demande en l'absence de C,étantdonné que lapreuve de l'acte illicite
de C doit nécessairementêtre apportéeavant qu'il puisse être statué
sur sa demande (cet exemple netient pas compte d'éventuellesdispo-
sitions conventionnelles particulièresrelatives la restitution d'objets

de valeur culturelle ou historique).
- Une entreprise publique appartenant à A dirige un établissement
industriel sur le territoire de C. C s'approprie illicitementlesusines et
les installations hautement spécialiséedse cet établissementet invite
B, qui dispose de connaissancestechniques en la matière, à participer
avec lui à la gestion de cet établissementdans le cadre d'une entre-
prise commercialeconjointe. B accepte et y participe. A poursuit Ben
invoquant I'illicéide toute l'opération.La demande doit êtrerejetée
puisqu'il est impossible de la faire valoir sans que la preuve de l'acte
illicite de C ait été administrée.

Les exemplespeuvent êtremultipliés.

Dans chacun de ces cas, l'acte illicite d'un tiers doit être prouvé préa-
lablement à l'examen des moyens du demandeur et du défendeur.Dans
chacun de ces cas, la règlequi empêched'apporter cette preuve aboutit à
un résultatmanifestement injuste et déraisonnable. Il est difficiled'ima-
giner comment une telle règle peut vraiment représenter un principe
«bien établi))de droit international, consacré par le Statut de la Cour,
principe sur la base duquel la question fondamentale de la compétence
doit être tranchéeet dont dépendent à leur tour les droits ultimes des
parties dans des affaires d'une grande importance.
On doit donc conclure qu'une interprétation du précédent de l'Or
monétaire qui produirait un tel résultat reviendraitclairement à étendre
la portéede cet arrêtbien au-delà des limites tolérables.En fait, une telle

interprétation semblerait contrevenir au principe de la responsabilitéde
chaque Etat pour ses propres actes. Le seul fait de prétendre que l'acte
illicited'un tiers doit être prouvé avantque le sien propre puisse l'êtrenesaurait dévierle cours de la justice et détournercelle-cidu principe selon
lequel chaque Etat est responsable de sespropres actions (sur cette ques-
tion, voir aussi la section, paragraphe ii), ci-après).

vii) Jurisprudence antérieure

Dans l'affaire de l'Ormonétaire,la Cour a dit que:

((Statuer sur la responsabilitéinternationale de l'Albanie sans son
consentement serait agir àl'encontre d'un principede droit interna-
tional bien établi etncorporédans le Statut,à savoir que la Cour ne
peut exercer sa juridiction à l'égard d'unEtat si ce n'est avec le
consentement de ce dernier.)) (C.I.J. Recueil 1954, p. 32; les ita-
liques sont de moi.)

Il convient de noter qu'aucun précédentn'a été cité dans l'affaire de
l'Or monétaire.C'est une décisionqui n'a pas formuléde nouveau prin-
cipe ni marqué d'avancéeE . lle n'avait d'autre prétentionque d'appliquer
un principe déjàconsacré dansle Statut de la Cour.
Il serait donc utile d'examiner quelquesprécédents.

a) Avis consultatifs

Deux précédentsbien connus sont les avis consultatifs donnés dans les
affaires duStatut de la Carélieorientale (1923, C.P.J.I. sérieB no5) et
de l'Interprétationdes traitésdepaix conclus avecla Bulgarie, laHongrie
et la Roumanie, première phase(C.I.J. Recueil 1950,p. 65), qui contien-
nent l'un et l'autre des déclarationségalement fermes,formulées dans des

termes similaires.
Dans le premier cas, la Cour permanente a conclu qu'il lui était
«impossible» de donner un avis portant sur un différendréelnéentre la
Finlande et la Russie parce que le Gouvernement russe neparticipait pas
à l'instance. Dans les mêmestermes que ceux employésplus tard dans
l'affaire del'Ormonétaire(C.I.J. Recueil 1954, p. 32), la Cour perma-
nente qualifiait de «bien établien droit international)) le principe selon
lequel aucun Etat «ne saurait êtreobligé desoumettre ses différends...
soità la médiation, soit àl'arbitrage)) (C.P.J.I. sérieB no5, p. 27).
Dans l'avis relatifà l'Interprétationdes traitésdepaix conclus avecla
Bulgarie, laHongrie et la Roumanie, également,la Cour a évoqué:

«le principe bien établi de droit international selon lequel toute
procédurejudiciaire ayant trait à une question juridique pendante
entre Etats exigele consentement de ceux-ci)) (C.I.J. Recueil 1950,
p. 71).

Si la Cour actuelle s'estappuyée surces affairespour dire que la règle
de la tierce partie est un principe «bien établi))en droit international, il
convient de faire remarquer que la base de compétence dela Cour n'est
pas la mêmeen matière consultative et en matière contentieuse.La déci-sion de la Cour de seprononcer sur une affaire repose manifestement sur
des bases différentes enmatière consultative, où le Statut lui laisse peut-
êtreun peu plus de latitude pour décider dedonner ou non un avis (Sta-

tut, art. 65). Les précédentstirés d'avis consultatifs que la Cour s'est
refusée à donner parce qu'une tierce partie était en cause ne sont donc
pas directement transposables à la compétence enmatière contentieuse.

En outre, il importe de noter qu'en l'affaire du Statut de la Carélie
orientale, la Cour a parlédes raisons «pour lesquelles tout effort de la
Cour de traiter la question actuelle serait inopportun)) (C.P.J.I. série B
n05 , p. 28; les italiquessont de moi) et a déclaré encorequ'«il serait cer-
tainement utile que les faits sur lesquels l'avis de la Cour est demandé

fussent constants)) (ibid.;les italiques sont de moi).
Il faut donc distinguer la jurisprudence en la matière tiréedes avis
consultatifs'. Que l'on puisse ou non tenir compte de considérations
d'«opportunité» dans les avis consultatifs, elles n'ont pas de place en
matièrecontentieuse où la Cour est tenue de statuer dans un sens ou dans
l'autre (voir ci-dessus par.v))~.

b) Affaires contentieuses

Quant à lajurisprudence tirée des décisionsen matière contentieuse,la
façon dont la Cour a traité l'affaire du Détroit de Corfou, quelques
annéesseulement auparavant, ne correspond pas au principe généralfor-
mulédans l'affaire del'Or monétaire.
Dans la premièreaffaire, le Royaume-Uni prétendait, à titre principal,
que le champ de mines qui avait causé desdommages à ses navires avait
été mouillépar l'Albanie et, à titre subsidiaire,qu'il avait étémouillépar
la Yougoslavie, avec la connivence du Gouvernement albanais. Comme
la Cour l'a fait observer:

«Le fait impliquerait une collusion entre le Gouvernement alba-
nais et le Gouvernement yougoslave, collusion qui se serait mani-
festéeou dans une demande d'assistance Darle Gouvernement alba-
nais au Gouvernement yougoslave, ou par un acquiescement au

mouillage par les autorités albanaises. » (C.I.J. Recueil 1949, p. 16.)
Selon cette thèsesubsidiaire,la Yougoslavie était l'auteur principal du
préjudice. Sansacte illicite de la Yougoslavie, il ne pouvait pas y avoir

lVoir D. H. N. Johnson:

((L'arrêtde la Cour donneimpressionque certaines considérations,dont il con-
vient de tenir compte pour déterminersi la Cour doit ou non user de son pouvoir
ralement aux circonstances différentesd'une affaire contentieuse.t., p. 110.)

Voir égalementAnglo-Iranian Oil Co.(C.I.J. Recueil 1952, p. 103)et Droits de mino-
ritésen Haute-Silésie (écoles minoritaires)(C.P.J.I. sérieA no 15, p. 22) pour d'autres
cas où il est affirméque la compétence de laCourpendde la volonté desParties». l'acte illicite de l'Albanie, de mêmeque, comme l'a plaidél'Australie,
sans acte illicite de l'Indonésie,il nepouvait y avoir l'acte illiciteallégué
de l'Australie.
Pour démontrer cette collusion, le Gouvernement du Royaume-Uni a
produit des moyens de preuve devant la Cour et, selon lespropres termes
de celle-ci:

«La Cour a longuement examinéle témoignageen question ainsi
que les informations documentaires produites par les Parties. Elle
a complétéet vérifié ces donnéespar l'envoi à Sibenik de deux
experts désignéspar elle: le capitaine de vaisseau chef de division
S. A. Forshell et le capitaine de corvette S.J. W. Elfferich.» (C.I.J.
Recueil 1949, p. 16.)

((Indépendammentdu témoignageKovacic, le Gouvernement du
Royaume-Uni a cherché à démontrer l'existence d'une collusion
entre l'Albanie et la Yougoslavie par certaines présomptions de fait
ou preuves circonstancielles, telles que la possessionà l'époque,par
la Yougoslavie, à l'exclusionde tout autre Etat voisin, de mines de
type GY, et lesliens d'étroiteallianceà la fois politique et militaire,
entre l'Albanie et la Yougoslavie, résultant du traité d'amitié et
d'assistance mutuelle conclupar ces deux Etats le 9 juillet 1946.))
(Zbid.,p. 17; les italiques sont de moi.)

Le Gouvernement yougoslaven'étaitpas partie àl'instance,mais il a auto-
riséle Gouvernement albanais à produirecertains documents yougoslaves.
Sir Hartley Shawcrossa notamment fait, au nom du Royaume-Uni, les
déclarations suivantes impliquant la Yougoslavie non seulement à titre

accessoire mais même,dans cette partie de l'affaire, en tant qu'auteur
principal du préjudiceinternational allégué. Il a déclaré:
a) qu'il étaitbien connu qu'à l'époqueil existait une association et une
collaboration très étroites entre l'Albanie et la Yougoslavie (C.I.J.

Mémoires,Détroitde Corfou, vol. III, p. 239);
b) que des membres des forces albanaises avaient étéenvoyésen You-
goslavie pour y recevoir une formation (ibid., p. 240);
c) qu'en vertu d'un décret figurant au journal officiel yougoslave, la
Yougoslavie s'étaitvu attribuer «une position de monopole virtuel à
l'égarddu trafic côtier entre les deux pays» (ibid.);
d) que la Yougoslavie conduisait pratiquement toutes les relations
extérieures del'Albanie et «avait des missions navales, militaires et
aériennesen Albanie pour guider l'organisation des arrangements
militaires dans ce pays» (ibid.);
e) que la Yougoslavie possédaitle type de mines allemandes de type GY
qui avaient été mouilléedsans le détroitde Corfou (ibid.);

f) que le soupçon que l'on avait que les navires yougoslaves avaient
poséces mines s'était((transforméen certitude)) àla suite des témoi-
gnages du commandant Kovacic, qui avait appartenu à la marine
yougoslave (ibid.) ;g) que les mines avaient été chargée s la hâte sur deux navires yougo-
slaves qui avaient ((appareillésilencieusement » pendant la nuit pour
les mouiller dans les eaux albanaises (C.I.J. Mémoires, Détroit de
Corfou, vol. III, p. 243);
h) qu'ily avait un stock de mines de type GY à Sibenik et que les mines
chargées surces navires provenaient de ce stock (ibid.);

i) que les navires avaient étévus de nouveau quatre jours plus tard,
mais que les mines n'y étaient plus(ibid., p. 243-244);
j) qu'il y avait des preuves indiquant que la tâche confiéeaux navires
était de poser un champ de mines dans les eaux territoriales alba-
naises (ibid., p. 244).
La Cour n'a pas dit qu'elle n'avait pas compétencepour examiner ces

affirmations et ne les a pas écartées:elle a en fait, par sa décisiondu
17 janvier 1949 (C.I.J. Recueil 1949, p. 151), invitéles experts qu'elle
avait désignés à se rendre à Sibenik, en Yougoslavie, et dans la régiondu
détroit de Corfou pour mener une enquête sur place.A Sibenik, les
experts ont étudiépendant deux jours la configuration géographique de
l'endroit où Kovacic avait témoigné avoirvu charger les mines sur les
deux mouilleurs de mines yougoslaves'.
Il s'agissait manifestement en l'espècede l'allégationbien précised'un
acte internationalement illicite d'un Etat tiers ne participant pas à l'ins-
tance. Cette allégationa d'ailleursprovoquéune forte réaction de1'Alba-
nie, dans les termes suivants:

((Comment la Cour pourrait-elle statuer sur les faits de prétendue
complicité et sur la demande de réparations introduite contre «le
complice)),sans avoir rendu une décisioncontre ((l'auteur principal))
accuséarbitrairement et sans preuve par le Gouvernement britan-
nique? »

La Cour a dit en fait que «les auteurs du mouillage [étaient] restés
inconnus)) (C.I.J. Recueil 1949, p. 17). Si elle avait acceptéla thèsedu
Royaume-Uni, elle aurait clairement conclu que la Yougoslavie avait
commis un acte illicite. Qu'un tel acte illicite ait été allégué l'encontre

d'une tierce partie n'a pas empêché la Cour d'examiner la thèsequi lui
était présentée à titre subsidiaire.
Dans l'affaire du Détroit de Corfou, l'implication d'une tierce partie
étaitdonc plus nette quedans la présente affaire.On peut mêmedire que

'Pour les arrangements relàtcette visite, voir C.I.J. Mémoires,Détroitde Corfou,
Problems Involved in the Corfu Channel Incident, 1959,p. 146et suiv.g Chung, Legal
C.I.J. Mémoires, Détroitde Corfou, vol. II, p. 353, par. 102, duplique du Gou-
vernement albanais.la limite extrêmedu principe y était atteinte, voire franchie; mais cette
affaire ne confirme pas l'idée expriméd eans l'arrêt rendu dansl'affaire
de l'Or monétaire, selon laquelleil existerait toute une série de précé-
dents.
S'ilétaitexact qu'une requête doiveêtrerejetéelorsqu'un acte illicite
perpétrépar unEtat tiers est à la base mêmede la requête,la Cour aurait
dit au Royaume-Uni que la thèsequ'il avait présentée à titre subsidiaire
étaitindéfendableen l'absencede la Yougoslavie et aurait refuséin limine

litis de connaître de cet aspect de l'affaire.
Si, bien loin de suivre cette voie, la Cour a ((longuementexaminé))le
témoignage ainsi que les informations documentaires et envoyé des
experts pour les étudier, c'est qu'elle ne s'est pas inspirée dans sa
conduite du principe qui, selon l'Australie, est fondamental et bien
établi. Elle a mêmeautorisé le Gouvernement du Royaume-Uni à
essayer de prouver qu'il y avait eu collusion avec 1'Etat tiers absent,
dans la mesure où non seulement ce dernier était en possession des
mines maisencore où il avait conclu une alliancemilitairerésultant d'un
traité d'amitiéet d'assistance mutuelle. L'attitude de la Cour dans
l'affaire du Détroitde Corfou contrastedonc fortement avec sa décision
dans la présentel'espèce.

L'affaire Ambatielos (C.Z.J. Recueil 1953, p. 10) peut aussi êtrecitée
comme un exemple où la situation de tiers à l'instance risquait d'être
affectéepar l'arrêt quela Cour étaitinvitée à rendre.

Lors de l'examen au fond de l'affaire qui l'opposait au Royaume-
Uni, le Gouvernement grec a invité laCour àprendre en considération
certains articles de traitésconclus entre le Royaume-Uni et le Danemark,
le Royaume-Uni et la Suèdeet le Royaume-Uni et la Bolivie. Le Gou-
vernement du Royaume-Uni, sans faire objection à ce qu'il fût fait réfé-
rence à ces traités, a contestél'exactitude des traductions anglaises de
certaines des dispositions invoquées.La Cour était invitée à donner de

ces traitésune interprétation qui aurait conforté le Gouvernement grec
dans son interprétation du traitéqu'il avait conclu avec le Royaume-Uni.
Il n'a pas étfait d'objection, semble-t-ià,ce que cestraitésfussent invo-
qués '.

viii) Jurisprudence postérieure
Il s'est constituéau fil des ans une abondante jurisprudence où, bien

que le principe de l'Or monétaireait étéinvoquépour contester la com-

'Voir également l'affaire deI'Anglo-Iranian Oil Co. (C.Z.J. Recueil 1952, p. 93), où le
Royaume-Uni soutenait notamment que lorsque le traité entre l'Iran et le Danemark
était entréen vigueur lears 1935, l'Iran avait étémis dans l'obligation, par le jeu
de la clause de la nation la plus favorisée,iter les sujets britanniques sur son
territoire conformément aux principes etpratique du droit international)) (ibid.,
p. 109).pétence,la Cour a maintenu ledit principe dans les limites appropriéeset
refusé qu'il fût étenduindûment au-delà de sa portéelégitime.Cette atti-
tude est conforme à l'avis de la Cour, déjà cité, selon lequel l'affaire de
l'Or monétairemarque vraisemblablement «la limite du pouvoir de la
Cour de refuser d'exercer sajuridiction)) (Activitésmilitaires et parami-
litaires au Nicaraguaet contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amé-
rique), compétenceet recevabilité,arrêt,C.I.J. Recueil 1984, p. 431,
par. 88).
Parmi les affaires où la Cour a statué dans ce sens, il faut citer celles
des Activitésmilitaires et paramilitaires au Nicaraguaet contre celui-ci

(Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique),du Différend frontalier terrestre,
insulaire et nzaritii?ze(El Salvador/Honduras), du Plateau continental
(Jamahiriya arabe libyenne/Malte) , du Différend frontalier (Burkina
Faso/Républiquedu Mali) et de Certaines terres à phosphates à Nauru
(Nauru c. Australie).
Les principes qui se sont dégagésà mesure que la jurisprudence de la
Cour sur ce point évoluaitsont les suivants: il ne suffit pas qu'une tierce
partie soit touchée (Différendfrontalier terrestre, insulaire et maritime
(El Salvador/Honduras), requête àjn d'intervention,arrêt,C.I.J. Recueil
1990, p. 115-116, par. 55); il faut que les intérêts d1'Etattiers fassent
partie de ((l'objetmêmede ladite décision))(ibid.,p. 121-122,par. 72-73);
le ((critèren'est pas seulement celui de l'identité d'objet, mais aussicelui

de savoir si, par rapportà un même objet,la détermination judiciaire de
la Cour porte sur la responsabilité d'un Etat qui n'est pas partie))
(Certaines terresà phosphates à Nauru (Nauru c. Australie), exceptions
préliminaires,arrêt, C.I.J.Recueil 1992, p. 296, opinion individuelle de
M. Shahabuddeen); lesEtats coauteurs de préjudices peuventêtreassignés
individuellement (ibid., p. 258-259); et le seul fait qu'une tierce partie
puisse êtreaffectéepar la décision ne suffit pas à rendre applicable le
principe de l'Or monétaire(ibid., p. 261-262).
Il convient de mentionner spécialement l'affaire deCertaines terresa
phosphates a Nauru (C.I.J. Recueil 1992,p. 240)qui, en un sens, est celle
où l'on se rapproche le plus du principe en cause dans la présenteespèce.
Dans cette affaire, l'administration de Nauru étaitconfiéeconjointement

à trois autorités administrantes- l'Australie, la Nouvelle-Zélandeet le
Royaume-Uni - et toute conclusion selon laquellel'Australie avait violé
l'accord de tutelle impliquerait nécessairement,prétendait-on, la même
conclusion à l'encontre de ses partenaires. La Cour n'a cependant pas
hésité à rejeter cette exception età dire qu'elle avait compétencepour
examiner l'affaire au fond. Elle a jugé que les intérêts de la
Nouvelle-Zélande etdu Royaume-Uni ne constituaient pas l'objet même
de la décision à rendre sur le fond de la requête deNauru. La Cour a
rejeté l'affirmation de l'Australieselon laquelle il y aurait détermination
simultanéede la responsabilitédes trois Etats et selon laquelle, s'agissant
de la Nouvelle-Zélande etdu Royaume-Uni, les motifs fondamentaux de

l'arrêtrendu dans l'affaire del'Or monétaireferaient obstacle àune telle
détermination (C.I.J. Recueil 1992,p. 261, par. 55). Lefait que l'arrêt dela Cour affectait clairement des tiers non parties à l'instance n'a doncpas

empêché celle-cide statuer sur le différendentre les parties effectivement
présentes '.
Le principe, incontestablement nécessaire etinattaquable, énoncédans
l'affaire de l'Or monétairea donc étémaintenu dans des limites raison-
nables par lajurisprudence de la Cour, en évolutionconstante.Avectout

le respect dû à la décision dela Cour en l'espèce,il convient de faire
observer qu'elle marquera apparemment un recul par rapport à la ten-
dance de cette évolution et, ce faisant, étendra le principe limité énoncé
dans cette affaire en mêmetemps qu'ellerestreindra le domaine de com-
pétence dela Cour. Le principe de l'Ormonétaireainsi appliqué remplira
une fonction toute différente decelle qu'il a remplie dans l'affaire à

l'occasion de laquelleil a étéformulé.

3. Autres facteurs pertinents

i) Garanties des tiercesparties

Dans l'affaire des Activitésmilitaires etparamilitaires au Nicaragua et
contre celui-ci, la Cour a indiqué que, comme elle l'avait fait dans
l'affaire de l'Or monétaire,dans des circonstancesappropriées elle décli-
nerait l'exercicede sa compétencelorsque lesintérêtsjuridiques d'un Etat

non partie à l'instance((seraientnon seulement touchéspar une décision,
mais constitueraient l'objet mêmede ladite décision)) (C.I.J. Recueil
1954, p. 32)» (C.I.J. Recueil 1984, p. 431, par. 88).
La Cour a poursuivi en énonçant danslestermes suivants lesgaranties
qui s'offrent aux tierces parties :

dont la Cour dejustice centraméricaine a été saens l'affairee Republic of El Salva-,
dorv. The Republicof Nicaragua,où El Salvadorseplaignait que letraité Bryan-Chamorro
conclu entre le Nicaragua et les Etats-Unis pour la construction d'un canal interocéanique
contrevenait aux traitésantérieursde Washington conclusentre El Salvador et le Nicara-
gua. La position du Nicaragua était quele traité Bryan-Chamorroavait été conclu avec un
Etat non soumisà la juridiction dela Cour et donc que celle-cin'avait pas compé.anceL
Cour dejustice centraméricaine a fait observecre qui suit:

compétencelàol'égardde l'objetde cette affaire parce que celle-ciimplique les intérêts
d'un Etat tiers qui n'est pas soumàsl'autorité dela Cour, est également dénde
fondement de l'avis desjuges»(AmericanJournal ofInternationalLaw, 1917,vol. 11,
p. 698.)

La Cour a déclaré ensuiteque le Gouvernement du Nicaragua était dansl'obligation de
rétablir et de maintenir la situation juridique antérieureà l'adoption du traité Bryan-
Chamorro (ibid., p. 730),mais elle n'a pas voulu aller jusqu'à constater la nullité dece
traité,cequi aurait misen causelesdroits d'untiers qui n'avaitpas reconnu sa compétence.
Par conséquent:
«La Cour centraméricaine n'a pas été empêchése taeer sur un différendentre les
deux Etats effectivementparties'instance,par l'obstacle queconstituait la possibilité
qu'elleait a trancher sans le consentement d'un Etat tiers des questionstouchant ce
dernier Etat de très près.» (Johnson, op. cit., p. 109.) «En revanche lorsque des prétentions d'ordre juridique sont for-

muléespar un demandeur contre un défendeur dans une instance
devant la Cour et setraduisent par des conclusions, la Cour, en prin-
cipe, ne peut que se prononcer sur ces conclusions, avec effet obli-
gatoire pour lesparties et pour nul autre Etat, en vertu de l'article 59
du Statut. Comme la Cour l'a déjàindiqué ...les autres Etats qui
pensent pouvoir êtreaffectéspar la décisionont la faculté d'intro-
duire une instance distincte ou de recourir à la procédure de l'inter-
vention.» (C.I.J. Recueil 1984, p. 431, par. 88.)

La protection des tierces parties, qui découle également des principes
générauxdu droit international, est assurée,pour ce qui concernela com-
pétence dela Cour, par l'article 59 de son Statut.
Ce souci de protection des Etats tiers est du reste portéplus loin encore
par l'article62, en vertu duquel lorsqu'un Etat estime que, dans un dif-
férend, un intérêt d'ordre juridique est pour lui en cause,il peut adresser
à la Cour une requête à fin d'intervention.
Il ne fait aucun doute que, lors de la conception du Statut de la Cour,
il a été clairementcomprisqu'un arrêtde celle-cipourrait fort bien avoir
des effets sur les droits des tiers. Par conséquent,on a incorporé dans le
Statut ces garanties bien structuréesprotégeantles intérêtd ses Etats tiers
qui pourraient êtrepour eux en cause,et qui tout à la fois lesprotègent et

leur permettent d'intervenir. L'affaire de l'Or monétairea simplement
mis en application ces dispositions du Statut. On n'entendait certaine-
ment pas faire de ces garanties un principe autonome formant un troi-
sièmeet nouveau moyen de protection dont la portée dépasseraitmême
celle du Statut.
Au surplus, il convient de rappeler que, mêmesi dans lesjuridictions
nationales où s'applique le principe de stare decisis les autres parties à
des instances de nature identique peuvent se trouver elles-mêmesliéepsar
un principe de droit qui a étéétabli dans une affaire à laquelle elles
n'étaient pas parties,en droit international, en revanche, lestiercesparties
bénéficientde la protection supplémentaire de l'absence du principe de
stare decisis.

ii) Le principe de la responsabilité individuellees Etats

Selon les principes relatifsà la responsabilité des Etats, qui reposent
sur le caractère autonome et individuel de chaque Etat, lorsque deux
Etats participent à un acte illicite, chacun d'eux porte la responsabilité
internationale de l'acte internationalement illicite qu'il a commis.
Ce principe a étébien formulépar le Portugal au cours des audiences:
«[en vertu de la Charte] la sécurité commela bonne marche de

l'Organisation ...sont collectives parce que chacun ...a des devoirs
dont il est redevable vis-à-vis des autres comme de l'organisation
elle-mêmeen tant qu'elle constitue leur conjonction corporative.
C'est, en d'autres termes, parce que le système estuniversel que cha- cun y conserve individuellement la responsabilitéde ses actes et le
devoir de respecter les principes communs à tous. Il en résulte
qu'aucun des membres ne peut s'abriter derrièrele fait qu'une situa-
tion a étécréée par un autre pour ne pas avoir à réagir lui-mêm e
cette situation en application des règlesde droit consacréespar la
Charte commune.))(CR 9515,p. 72).

Dans son septièmerapport sur la responsabilitédes Etats, l'éminent
rapporteur spécial,M. Ago, a traitécomme évidentela proposition selon
laquellela violation par un Etat d'une obligationinternationale engageait
la responsabilité de celui-ci, quelle que soit la participation d'un autre
Etat à cet acte. Le rapport a fait observer que:

((11està peine nécessaire de préciserue si lesagissementspar les-
quels se traduit la participation d'un Etatà la réalisation d'un fait
internationalement illicite d'autrui représentaienteux seuls la vio-
lation d'une obligation internationale, ils engageraient à ce titre
déjàla responsabilité internationale de 1'Etat auteur desdits agisse-

ments, indépendammentdes conséquencesqui pourraient en outre
découler dela part prise au fait internationalement illicited'un autre
Etat.»'
En vertu de ce principe, 1'Etat défendeur doit répondreindividuelle-

ment de ses propres actes.
Cette individualisation de la responsabilité a étéillustrée également
dans l'arrêtde la Cour dans l'affaire deNauru où, bien que le mandat et
la tutelle en questionaient étéconféréauxtrois gouvernements((conjoin-
tement »,la Cour a permis que l'affaire sepoursuivecontre l'une des trois
composantes de l'autorité administrantemalgréles incidences que cela
pouvait avoir sur la responsabilité des autres. Dans cette affaire, la Cour
a précisé qu'elle'était pasempêchéeds etatuer sur la requête quilui était
soumise

«pour autant que lesintérêtsjuridiques de1'Etattiers éventuellement
affectésne constituent pas l'objet mêmede la décision sollicitée.
Dans l'hypothèse où laCour est ainsi à mêmede statuer, lesintérêts
de 1'Etattiers qui n'est pas partià l'affaire sont protégéspar l'ar-
ticle 59 du Statut de la Cour selon lequel: «La décision dela Cour
n'est obligatoireque pour les parties en litige et dans le cas qui a été
décidé.» (C.I.J. Recueil 1992, p. 261, par. 54.)

Il serait encore plus inappropriéqu'un Etat qui n'a pas acceptélajuri-
diction de la Cour puisse exciperde ce défaut d'acceptationpour empê-

'Chapitre IV: «Implication d'un Etat dans le fait internationalement illicited'un autre
Etat», Annuaire de la Commission du droit international, 1978,vol. II, premièrepartie,
AICN.41307et Add.1 et 2, par. 52, note 99; réplique, vol.1,par. 7.35-7.37; voir aussiIan
Brownlie,tate Responsibility, premièrepartie, 1983,p. 190.cher des Etats qui l'ont acceptéede réglerleurs différendsconformément
au droit.
La conclusion de l'Australie selon laquelle sa responsabilité«ne pour-
rait, de toute manière, qu'êtreconsécutive, dérivée d,e celle de1'Indoné-
sic» (CR 9518,p. 8) ne s'accorde pas avec les principes fondamentaux de
la responsabilité desEtats car, pour reprendre les termes du rapporteur
spécial déjàcité:

((L'undes principes les plus profondément ancrésdans la doctrine
du droit international - l'un des mieux confirméspar la pratique
des Etats et par la jurisprudence - est le principe selon lequel tout
comportement d'un Etat qualifiépar le droit international de fait
juridiquement illicite entraîne en droit international une responsabi-
litédudit Etat.))'

Mêmesi la responsabilitéde l'Indonésie estla principale source dont
dérivecellede l'Australie, cette dernièrene peut se soustraire à sa propre
responsabilité eninvoquant cette responsabilité première.

iii) Droits erga omnes

L'Australie a très justement déclaré qu'elle «ne conteste pas que le
droit des peuples à disposer d'eux-mêmesconstitue un principe erga
omnesn (duplique, par. 78). Elle a réitéré cette positioà maintes reprises
dans ses plaidoiries. Le concept de droits et d'obligations erga omnes est
examiné plus en détaildans la partie D.
Un droit erga omnes est constitué,il va sans dire, d'une sériede droits

distincts erga singulum, y compris notamment un droit distinct erga sin-
gulurn opposable à l'Australie et un droit distinct erga singulum oppo-
sable à l'Indonésie. Cesdroits ne dépendent aucunement les uns des
autres. Du fait qu'un Etat a violé une desobligations qui lui incombent à
ce titre, les droits erga omnes lui deviennent opposables erga singulum.
Prétendre quela participation de l'Indonésie à l'instance est nécessaire
pour qu'ilpuisseêtrestatuésur la violation d'unetelleobligation par 1'Aus-
traliereviendraitàentraveren pratique l'applicationdu principeergaomnes.
Cela signifieraità peu près dela mêmefaçon que dans lesexemplescités à
la section 2, paragraphe vi), ci-dessus, que l'Indonésiepourrait mettre à
l'abri d'une assignation devant la Cour tout Etat qui traiterait avec elle

à propos du Timor oriental, parce qu'elle-même nreeconnaît pas la compé-
tence de la Cour. Devant les instancesjudiciaires, le principe de l'opposa-
bilitéergaomnespourrait ainsiêtreen grande partie privéde son efficacité.
En outre, l'Indonésie seraitde toute manière à l'abri de toute velléité
d'application du principe de la chose jugée à son encontre. Lorsqu'il est
invoquécontre l'Australie, ledroit erga omnes devient un droit erga sin-
gulum, puis resjudicata ergasingulum contre l'Australie dans l'hypothèse

'R. Ago, Annuaire de laCommissiondu droit international,1971,vol. II, premièrepar-
tie, p. 215, par. 30.

86où il est fait droit à la demande. La décisionn'aurait aucunement la
valeur d'une décision judiciaire contre l'Indonésie; on ne saurait donc
invoquer «le principe de l'Or monétaire»pour faire obstacle à l'instance
contre l'Australie.

iv) Le caractère de plus en plusmultilatéral des obligations internatio-
nales modernes

L'importance croissante du caractère multilatéral des obligations en
droit international moderne a déjà été évoqué T.ute instance chargée
d'appliquer le droit international dans cecontexte doit en tenir compte de
façon à ne pas entraver le développementdu droit international dans
cette direction.
Au premier rang des sources d'obligations multilatéralesse trouve la
Charte des Nations Unies, qui investit de la mêmefaçon tous les Etats de
droits et de responsabilitésque tous les autres doivent reconnaître.
Dans ce réseau de relations internationales qui s'imbriquent les unes
dans les autres, tout Etat accusépar un autre de ne pas s'êtreacquittéde
ses obligations internationales doit sejustifier, conformémentau principe
de la responsabilité individuellequia déjà été exposé.Il ne peut pas invo-

quer la responsabilitéd'un autre Etat pour excuser sa propre carence. Cet
autre Etat devra sejustifier le moment venu et subira peut-êtreles effets
de l'arrêtque la Cour rendra dans l'affaire portéedevant elle.

Si, par exemple,la Cour concluait en l'espèceau bien-fondé de la thèse
du Portugal, cette décisionaurait des conséquencespour de nombreux
autres Etats, qu'ils aient ou non agi conformément à leur propre obli-
gation de reconnaître les droits du Timor oriental. La Cour ne saurait
prendre en compte toutes les ramifications que risque d'avoir une con-
clusion qu'elleénoncedans le respect des normes contraignantes du droit
international. La Cour ne saurait les anticiper toutes dans un ordre mon-
dial formé d'obligations multilatérales entrecroisées.
Comme M. Shahabuddeen l'a fait remarquer dans l'opinion indivi-
duellequ'ilajointe à l'arrêtrendu dans l'affaire deCertainesterresaphos-

phates a Nauru:
«On a fait observer à juste titre ((qu'au fur età mesure que les
relations entre les Etats deviennentplus complexes, il est de moins en
moins probable qu'un différend, quel qu'il soit, présente un carac-
tère strictement bilatéral)) (L. F. Damrosch, ((Multilateral Dis-
putes», dans L. F. Damrosch (dir. publ.), The International Courtof
Justiceut a Crossroads, 1987,p. 376).»(C.I.J. Recueil 1992,p. 298.)

v) La distinction entre un traité etles actes unilatérauxdont il résulte

Il est bien évidentque si un traitéest un instrument bilatéralou mul-
tilatéral,il procèdede la fusion d'au moins deux actes unilatéraux, selon
lecas. Ce que la Cour est invitéeà examiner en l'espècen'est pas l'illicéitédu traitébilatéral lui-mêmemais l'illicéides agissementsunilatéraux du
défendeur quiont abouti à la conclusion de ce traité.

C'est un principe bien établidu droit interne des obligations que l'illi-
céitéd'un contrat et l'illicéité du comportement des parties sont deux
notions différentes.Un principe analogue existe dans le droit des traités

où, par exemple, un traitépeut êtrevalide mêmesi une partie agit illici-
tement au regard de son droit interne en le concluant (convention de
Vienne, art. 46), ou si un représentant agiten violation d'une restriction
particulière que lui a valablement imposée 1'Etatdont il relève(art. 47).
Le traitén'en a pas moins force obligatoire.
La Cour n'est pas appelée à se prononcer sur la licéitédu traité,ni sur
la licéitdu comportement de l'Indonésie, mais biensur la licéité de l'acte
unilatéral par lequel l'Australie l'a conclu. Quelles sont les obligations
juridiques d'une partie donnée, quelssont ses actes, dans quelle mesure
ces actes sont-ils contrairesà ses obligations - telles sont les questions
qui ont trait au comportement unilatéral d'une partie, etque la Cour est

appelée à trancher. L'invaliditédu traité ou l'illicéitdu comportement
de l'autre partie n'est pas, commele suggèrel'Australie, la conditionpréa-
lable des conclusions de la Cour touchant l'illicéitédu comportement de
l'Australie.
Lesactes d'un Etat contractant, tels que lesdécisionsde signer,d'accor-
der la reconnaissance de jure, de ratifier, d'exécuter, de légiférers,ont
autant d'actes unilatérauxsur lesquels la Cour peut se prononcer.

vi) L'action est-elle mal dirigée?

Pour l'Australie, c'est l'Indonésie qui estle vrai défendeuren la pré-
sente instance. Selon cette thèse, le véritable adversaire du Portugal est
l'Indonésie,les griefsdu Portugal s'adressent àelle, et il n'y a de véritable
motif d'action que contre elle.
Au cours des plaidoiries, l'Australie a résumésa position à cet égard

dans les termes suivants:
«- d'une part, l'Australie est attachéeau règlementjuridictionnel
des différendsinternationaux qui s'yprêtent;mais elle est atta-
chéeaussi au principe du consentement à la juridiction (au
moins aussi longtemps qu'un consensus en faveur de la compé-
tenceuniverselleet obligatoire de la Cour n'aura pas été atteint)

et elle estime que ce forum ne doit pas être détourné à des fins
qui ne sont pas les siennes; Etat souverain, l'Indonésiea choisi
de ne pas accepter la clause facultative; c'est son affaire;
- d'autre part, l'Australie entend ne pas êtreutiliséecomme un
bouc émissairedont la principale fonction serait d'apaiser la
mauvaise conscience du Portugal qui, faute de pouvoir s'en
prendre à l'Indonésie,s'attaque à un Etat qui, vraiment, ...n'en
peut mais et dont la prétendue responsabilité, forgée de toutes piècespour lesbesoinsdela cause,ne pourrait, de toute manière,
qu'être consécutive, dérivée,c deelle de l'Indonésie'.

Si l'Indonésieavait effectivement comparu devant la Cour, on peut
penser que le Portugal aurait probablement plaidé sa causecontre elleen
des termes très différents de ceuxqu'il a employéscontre l'Australie. Un
plus grand nombre d'éléments de fait qui ne concernent que l'Indonésie,
et n'intéressentpas l'affaire contre l'Australie, auraient pu êtreprésentés
à la Cour. On peut mêmedire que si le Portugal avait pu introduire des
instances à la fois contre l'Indonésie et l'Australie,ce sont sans doute ses
prétentions à l'encontre del'Indonésiequi auraient revêtuleplus d'impor-
tance.

On pourrait égalementaborder de la façon suivante l'argument selon
lequel l'action est mal dirigée:
Si l'Indonésieavait participé à l'instance, ou bien le Portugal aurait

plaidé sa causecontre elle de manière identique - à savoir qu'il aurait
prétendu que l'Indonésieavait elle aussi agi illicitement en concluant le
mêmetraité - ou bien il aurait davantage étayé sa position,en avançant
d'autres allégations relatives au comportement illicite de l'Indonésie.
Dans la première hypothèse, la Cour se serait retrouvée dans la même
situation exactement que dans l'affaire de Nauru, dans laquelle les argu-
ments contre les tierces parties auraient étles mêmes,si elles avaient été
assignées,que ceux effectivement invoqués devant la Cour. Il est clair
que, sur la base de sajurisprudence, la Cour aurait été compétenteD . ans
la seconde hypothèse, le Portugal aurait plaidé sa cause différemment
contre l'Indonésie,en faisant appel à d'autres moyens de preuve et en
soulevant une autre sériede questions. Les griefs formuléscontre 1'Aus-

tralie portent sur les obligations de cette dernière, qu'elle a violéesen
concluant le traité.Les griefscontre l'Indonésieauraient porté sur les cir-
constances dans lesquellescette dernièreest entréeau Timor oriental, sur
les arrangements politiques et administratifs qui s'en sont suivis et sur
nombre d'autres détails pertinentsse rapportant au prétendu comporte-
ment illicite de l'Indonésie.En un mot, il se serait agi d'une tout autre
affaire. Pareille situation irait directementà l'encontre de la thèse de
l'Australie, qui soutient que l'instance engagéecontre elle est en réalité
une instance contre l'Indonésieet qu'il y a erreur sur le défendeur.
La Cour a seulement à déterminersi une demande juridiquement va-

Audience publique du 7 février1995,CR 9518,p. 8.lable a été forméc eontre l'Australie. Si c'est le cas, peu importe que des
griefs plus importants ou plus étoffés eussentpu êtreformuléscontre
l'Indonésiesi celle-ciavait acceptéla compétencede la Cour.
Par conséquent,pour répondre à l'argument selon lequel l'action est
mal dirigée,il suffit que la Cour déterminesi une demande juridiquement
valable a été forméc eontre la partie qui a effectivementétéassignée.

vii) Historique de la question

Pour compléter cette discussion,il ne serait pas hors de propos de se
reporter aux délibérations de laSociété des Nations concernant la clause
particulière du Statut de la Cour sur laquelle repose toute cette affaire.

A propos de la consultation des travaux préparatoires dans le cas de
certaines dispositions importantes du Pacte de la Société desNations,
M. Jessup a fait observer:
«Je ne crois pas que, comme certaines déclarations des deux
Cours internationales pourraient lelaisser supposer, on doive s'excu-
ser de recourir aux travaux préparatoires aux fins de l'interprétation.

Trèssouvent, le dossier fournit des éléments de preuve précieuxdont
il faut tenir compte pour interpréterun traité. » (Sud-Ouest africain,
deuxième phase, arrêt,C.I.J. Recueil 1966, p. 352; opinion dissi-
dente.)
Le 13décembre1920,jour de l'adoption du Statut, la première Assem-
bléede la Société desNations examinait le principe de la juridiction

facultative, énoncéau paragraphe 2 de l'article 36 du Statut de la Cour
permanente et qui, avec de légèresvariations, est devenu le paragraphe 2
de l'article 36 du Statut de la présenteCour. Qu'attendait-on de I'adop-
tion de cette clause et comment comptait-on qu'elle serait appliquée?
Certains représentants ont critiquéleprincipe du consentement comme
base de la compétencede la Cour. C'est ainsique M. Tamayo (Bolivie)
a penséque ce serait là éleverun édificede justice sur des matériauxins-
tables et périssablesl.
D'autres ont vu dans le Statut, et dans le principe du consentement sur
lequel reposait la compétence,un instrument grâce auquel on pourrait,

avec l'expérience,mettre en Œuvre avec uneefficacitéaccrue, au bénéfice
de la communauté des nations, le nouveau concept de règlementjudi-
ciaire international qui,jamais dans l'histoire n'avait pu jusqu'alors être
universellement invoqué2.C'est toujours selon cette tradition d'un idéal
élevé que la Cour continue d'Œuvrer.

'Documents relatifs aux mesures prisespar le Conseil de la Sociétédes Nations aux
termes de l'article 14 du Pacàel'adoptionpar l'Assembléedu Statut de la Cour per-
manente,p. 248.
que le monde ait jamais pu [mettre en place] pour l'application de la justice internatio-
nale))(M. Balfour, Empire britannique, ibid., p. 247). Insistant encore sur leprincipe de cedéveloppement progressif,M. Bal-
four a déclaré:

«pour que ce projet réussisse, ilfaut le laisser sedéveloppergraduel-
lement.Pour qu'il aboutisse au résultatdésiré par sesauteurs, il faut
lui permettre de suivre le développementnaturel qui est le secret de
toutes les réussitespermanentes dans les affaireshumaines ..»'

Les insuffisances de l'article 36 ont étéreconnues en 1945également,
lors de l'élaboration du Statut de la présente Cour, mais on n'a pu
s'entendre sur la façon de le reformuler2.

Trois quarts de sièclese sont écoulésdepuis l'adoption de la disposi-
tion à l'étude. Cette périodea été riche d'enseignementss,ur lesquels se
sont appuyéesla Cour et sa devancièrepour forger une interprétation
conforme aux besoins auxquels, selon le Statut, elle devait répondre.
Constatant que «la notion mêmed'une conception de la compétence de
la Cour qui reposerait sur une base plus large gagne du terrain^^,et que:
«le principe selonlequel la compétenced'un tribunal international dérive

du consentement des parties fait depuislongtempsl'objet d'un processus
d'affinement~~,Rosenne poursuit: «Le résultaten est que l'application
du principe est moins rigide qu'on ne pourrait le croire d'après la façon
dont il est énoncé. »
Comme le montre la section 2, paragraphe viii), ci-dessus,la jurispru-
dence de la Cour à l'égard des tiercesparties absentes a effectivement
évolué régulièremen dtans le sens envisagéau moment de l'adoption du
principe du consentement comme base de la compétence.

Dans toute la jurisprudence qu'elle a édifiée autour du ((principe de
l'Or monétaire)),la Cour s'estconstamment souciéed'accorder l'impor-
tance voulue aux intérêtsdes tierces parties, tout en empêchant que
l'application trop large de ce principe ne l'entrave dans l'exercicelégitime
et approprié de sa compétence.Dans cette optique, et pour les raisons
déjà exposéesl,a Cour, à mes yeux, aurait dû statuer dans cette affaire.
Selon moi - et je le dis encore une fois avec tout le respect dû à la déci-
sion contraire de la Cour - le présentarrêtmarque une rupture dans

l'évolution constante quia jusqu'à présent permis d'élucidelre ((principe
de l'Or monétaire))etd'en perfectionner l'application.

' Documents relatifs aux mesuresprises par le Conseil de la Sociétédes Nations aux
termes del'urticle14 du Pacte àtl'adoptionpar l'Assembléedu Statut de la Cour per-
manente, p. 247. En termes plus imagés,un autre orateur a déclaré:
((11faut commencer par éleverune modeste chapelle et avecle temps la Société
des Nations sera en mesure de construire une cathédrale.Aussi bien entendons-nous
déjà..le bruit desmarteaux de ceux qui commenceàéleverle templede lajusti)).
(M. de Aguerro, Cuba, ibid.)

Ibid.ne, op. cit., p. 316.
Zbid.
Zbid.,p. 317.viii) Conclusion

En conséquence,il y a lieu de rejeter toutes lesexceptionspar lesquelles
l'Australie fait valoir que le principe deOr monétaire s'opposerait à la
compétencede la Cour, que la Cour serait amenée,si elle statuait, à se
prononcer sur le comportement de l'Indonésie,et que l'action serait mal
dirigée.Les raisons de ce rejet ont été suffisamment explicitées.es obli-
gations de l'Australie en droit international et le fait pour elle d'avoir
négocié et conclu le traité,d'en avoir commencé l'exécutiond ,'avoir pris
des mesures législativesinternes pour son application et de continuer de
négocier avec 1'Etat partieà ce traité sontjusticiables au regard de la
seule situation juridique et du seul comportement de l'Australie.

Si la Cour a compétencepour connaître de l'affaire, comme il est
affirmédans la partie A de cetteopinion, on ne peut examiner la question
plus avant sanstenir compte de l'importante exception australienne selon
laquelle le Portugal n'aurait pas qualité pour agir au nom du Timor
oriental.

i) Lespositions respectivesdes Parties

L'Australie conteste au Portugal sa qualitépour introduire l'instance.
Elle affirme que, puisqu'il a perdu le contrôle du Territoire depuis plu-
sieurs annéeset qu'une autre puissance, à savoir l'Indonésie,a tout ce
temps exercéle contrôle effectifdu Territoire, le Portugal n'a pas qualité
pour agir au nom de ce dernier.
En outre, s'agissantplus spécialementdu pouvoir de conclure des trai-
tés,l'Australie affirme que le Portugal n'est nullement en mesure d'exé-
cuter un traité qu'il pourrait conclureà l'égarddu Timor oriental. En

conséquence,il ne saurait négocierun traité produisant des effets utiles
l'égardde ceterritoire, ni seplaindre qu'une autre puissance, qui exercele
contrôle effectif, ait conclu un tel traité sanss'en référeri.
A l'appui de sa thèse, l'Australierelèveque, depuis 1982,l'Assemblée
générale n'areconnu le statut du Portugal dans aucune de sesrésolutions
et que le Conseil de sécuriténe l'a pas fait non plus depuis 1976. Elle
soutient donc que, mêmesi des résolutions antérieures à ces dates ont
valablement reconnuun tel statut à un moment donné,ellessont tombées
en désuétudedepuis et ont étédépasséespar les événements.De plus,
l'Australie fait observer que les résolutionsde l'Assembléegénérale rela-
tives au Timor oriental reconnaissant la position du Portugal ont été
adoptées à des majorités décroissantes.

En revanche, le Portugal soutient que, s'il a physiquement quittéle
Territoire et ne le contrôle plus, il n'en demeure pasmoins la Puissance
administrante, avec toutes les responsabilitésqui lui incombent en vertudes dispositionsdu chapitre XI de la Charte des Nations Unies, et qu'il a
été reconnucomme tellepar une sériede résolutionsde l'Assembléegéné-
rale et du Conseil de sécurité. soutient en outre qu'à aucun moment son
autoritéen tant que puissance administrante n'a été révoquéq e,'aucune
limitation n'a étéapportée à cette autorité, et qu'aucuneautre puissance
n'a étéreconnue comme ayant autorité sur le Timor oriental.

ii) L'économie des dispositionsde la Charte des Nations Unies relatives
aux territoires dépendants

Pour examiner la qualité du Portugal pour agir, il faut brièvement
exposer l'économie desdispositions de la Charte des Nations Unies
visant la protection des territoires dépendants.

La Charte a été ainsi conçue que les intérêtdses territoires n'ayant pas
droit de parole dans lesinstancesinternationales seraientsauvegardés par
un Membre de l'organisation des Nations Unies chargéde veiller àleur
bien-être,qui posséderaitlacompétence nécessaire à cette fin. En vertu de
la philosophiequi l'inspireà l'égarddes territoires dépendants, la Charte
a voulu éviterde les laisser sans voix et sans défensedans un ordre mon-
dial ne leur ayant pas encore reconnu un statut indépendant.
Cette attitude n'est pas surprenante compte tenu des idéauxélevéq sui
animent la Charte, en vertu desquels les puissances assumant la respon-
sabilité de l'administration de ces territoires sont dites chargéesd'une
((mission sacrée))et en vertu desquels, aussi, la primautédes intérêtdes
habitants desdits territoires est affirmée.Traduisant ces idéauxen termes
concrets, la Charte a prévuque l'organisation des Nations Unies super-
viserait les autoritésresponsables et a demandéà cet effet que des rensei-
gnements soient communiqués régulièrement au Secrétaire général

(art.73 e)). Les autorités administrantes ont été appelées égalemen àt
assurer le progrès politique, économique et social des populations en
question ainsi que le développement de leurinstruction, à les traiter avec
équitéet à les protégerdes abus.
C'estdans lecontexte de cerégimeglobal que lesaffirmations de 1'Aus-
tralie doivent êtreexaminées. La thèse à l'étuden'hésitepas à affirmer
que la perte par la puissance administrante du contrôle physique d'un ter-
ritoire la prive du statut et des fonctions d'une puissance administrante,
et que la structure de protection et de communication de renseignements,
si soigneusementmiseen place par la Charte des Nations Unies, peut être
ainsi écartée.
C'est là une thèsequi doit susciter de vivespréoccupations car, quelle
qu'en soit la raison, la perte de contrôle par la puissance administrante
entraînerait du mêmecoup la perte du statut juridique.

Pour juger du bien-fondé decette thèse,on pourrait, à titre purement
hypothétique, prendre l'exemple extrêmed'un territoire non autonome
qui serait envahi par lestroupes d'une tierce puissance soucieusenon pas
d'assurer le ((progrèspolitique, économiqueet social, ainsi que le déve-
loppement de [l']instruction» des habitants, mais bien plutôt d'utiliser lepays comme base militaire ou industrielle. Supposons, dans cet exemple
hypothétique, quel'envahisseursupplante entièrementla puissance admi-
nistrante qui exerçaitjusqu'alors une autoritélégaledûment reconnue. Si
la puissance administrante ne peut alors parler au nom du territoire
envahi et si la population de ce territoire n'a pas elle-mêmele droit de se

faire entendre devant une instance internationale, cette population est
privéede tout accès àla communautéinternationale, soit directement en
sonnom propre, soit indirectement, par l'entremisede la puissance admi-
nistrante. Le souci profond de son bien-être,qui est l'objet essentieldu
chapitre XI de la Charte,et la notion de ((missionsacrée)),quien est la plus
haute expression conceptuelle,seront alors réduitsà néant, etle dispositif
de protection, fondé avec une si grande attention sur ces notions,
s'écroulerait etce pour la raison la plus indéfendable: l'emploi de la
force. En pareil cas, l'emploide la force, proscrit par tout le systèmede la
Charte des Nations Unies, aurait le dessus, l'emportant surun des idéaux
les plus élevésconsacréspar la Charte. Il est difficilede souscrirà une
thèsequi encourage, voire récompense, ainsi l'emploi dlea force.

L'exemple qui vient d'être cité à titre de pure hypothèse avait pour
objet de déterminerl'efficacitépratique d'une proposition juridique qui
paraît aller à l'encontre de tout le système prévupar la Charte des
Nations Unies. Comme bien souvent en droit, l'exemple hypothétique
aide à comprendre la règlepratique.
Il convient de formuler de graves réserveà l'égardde toute interpréta-
tion qui ouvre une si large brèchedans le dispositif de protection mis en
place par la Charte et porte ainsi atteinte aux principes essentiels qui en
sont le fondement même.
Trois préoccupations juridiques majeures procèdent de cet argument.
Premièrement - et nous l'avons déjà évoqué - cet argument paraît

admettre qu'indépendamment des moyens par lesquels le contrôle a été
perdu le facteur important est la perte matérielledu contrôle. C'est une
proposition dangereuse que le droit international ne saurait entériner.
Deuxièmement,lesprécédents en la matièrene vont pas dans le sens de
l'argument australien. Un exemplequi vient à l'esprit estcelui de la Rho-
désie,dans lequel il n'a jamais étésuggéréque la perte par le Royaume-
Uni du contrôle matérieldu territoire entraînait la perte de son autorité
juridique sur ce territoire. L'action de l'organisation des Nations Unies a
reposé entièrementsur l'hypothèsedu maintien de l'autorité juridique du
Royaume-Uni.
Troisièmement, le statut de puissance administrante va bien au-delà
du simple contrôle matériel. En effet, une puissance administrante est

chargéede maints devoirs relatifs au bien-êtrede la population du terri-
toire. Elle peut perdre le contrôle matériel, mais cetteperte n'entraîne
pas l'extinction de ses obligations. La puissance administrante demeure
tenue d'appliquer, aux fins du bien-êtrede la population et de la préser-
vation de ses richesses et de ses droits, toutes les mesures de protection
qui restent à sa disposition. La responsabilité majeure de la puissance
administrante est donc de préserverle droit du peuple du territoire à lasouverainetépermanente sur ses ressources naturelles et surtout de pro-
tégerla principale richesseéconomiquede cepeuple contre le risque de la
voir disparaître à jamais. Ces responsabilitésjuridiques continuent de
faire partie du devoir solennel de la puissance administrante, mêmesi le
contrôle matériel a été perdu.

iii) Les Nations Uniespeuvent-elles se substituer à une puissance admi-
nistrante évincé e

Pour répondre à ce type de raisonnement, on avancera peut-être qu'en
pareil cas l'Assembléegénéraleet le Conseil de sécurité peuvent assumer
les responsabilités dela puissance administrante.
Il est exact, bien entendu, que l'Assembléegénéraleet le Conseil de
sécuritéd, ans toute la plénitudede leurs pouvoirs, présidentà la grande

Œuvre dedécolonisationet de protection des peuples dépendants.Ils n'en
sont pas pour autant, avec tout le respect qui leur est dû, subrogés à
l'obligation de veiller aux besoins de chaque territoire avec cette attention
particulièremanifestement voulue par la Charte. Protéger contre l'exploi-
tation interne et les dangers extérieurs,administrer au quotidien, assurer
le respect des droits de l'homme, favoriser les intérêet le bien-être éco-
nomiques, réparer les préjudices, promouvoir l'autonomie, assurer un
rôle de représentation dans les instances mondiales, y compris devant
la Cour,tout cela nécessitel'attention particulièred'une puissance expres-
sément chargéede responsabilités à cet égard.De plus, le contrôle exercé
par l'Organisation des Nations Unies dépend aussi de la communica-
tion de renseignements en vertu de l'article3, alinéae), et, en l'absence
d'une puissance administrante, cette fonction serait totalementnégligée,
ce qui entraverait la surveillanceexercéepar l'organisation. La Charte ne

peut guère avoir voulu laisser une population dépendante se tirer d'af-
faire seule, dépourvue de toute cette assistance. Moins encore peut-on
concevoir de laisser l'emploi de la force la priver de ces droits. On ne
saurait ainsi faire fi du régimefondamental de protection instauré par la
Charte.

iv) Le droit de représentation

L'Australie allègueque le Portugal ayant perdu le contrôle du Terri-
toire depuis plusieurs annéesa du mêmecoup perdu le droit de représen-
ter le peuple du Timor oriental: cette thèse est indéfendable pour les
mêmesraisons. Toute autre conception aboutirait à une situation anor-
male, le systèmeinternational actuel laissant sans défenseet sans voix un

territoire et une population qui sont titulaires de droits importants notoi-
rement opposables au monde entier, au moment mêmeoù ces droits ris-
quent d'être menacée st violés.Du reste, le conseil du Portugal a bien
décritle lien que représente la Puissance administrante entre le Timor
oriental et la communauté internationale en le qualifiant de «cordon
ombilicalD. Sil'on reconnaît que le Portugal n'a pas en l'espècecherchéà fonder sa

qualité pour agir sur quelque autre base que son statut de puissance
administrante, on peut illustrer d'une autre manière encore cette anoma-
lie. Dans les affaires duud-Ouest africain, deuxièmephase, arrêt (C.Z.J.
Recueil 1966, p. 6), deux Etats qui n'avaient aucun lien direct avec le
territoire en question ont voulu porter devant la Cour diverses alléga-
tions de violations du mandat de la Société desNations commises par
l'Afrique du Sud. Il n'existait aucune relation directe entre ces Etats et le
Sud-Ouest africain. Leur qualité pour agir se fondait uniquement sur
leur appartenance à la communauté des nations et sur leur droit d'exer-
cer, à ce titre, un recours juridique pour faire valoir un intérêt public.
Dans la présenteespèce, 1'Etatdemandeur a un lien direct avec le Ter-
ritoire et a été reconnu en fait comme puissanceadministrante tant par
l'Assembléegénéraleque par le Conseil de sécurité.

La présente affaire comporte des ressemblances avec celles du Sud-
Ouest africain :il s'agitd'un territoire qui n'estpas en mesure de parler en
son propre nom; l'occupation par une autre puissance est intervenue
autrement que par un moyen reconnu en droit; un autre Etat tente
d'effectuer une démarche devant laCour au nom du territoire; et une
exception est opposée à la qualitépour agir du demandeur.
La différenceessentielleest que dans la présente affaire,contrairement
aux autres, 1'Etat demandeur a un lien direct avec le Territoire et que
l'organisation des Nations Unies lui reconnaît directement un statut par-
ticulier vis-à-vis du Territoire. La position de 1'Etatdemandeur est donc
plus forte ici que ne l'étaitcelle des Etats dont lesjuges de la Cour ont,
pour la moitié d'entre eux, admis,dans l'arrêtsur le Sud-Ouest africain
(ibid.), la qualitépour agir, et, en fait dont la majoritédesjuges avaient
admis la qualitépour agir lors de la phase précédentede l'instance (affaires

du Sud-Ouest africain, exceptions préliminaires, arrêt,C.I.J. Recueil
1962, p. 319).

v) Les résolutions quireconnaissent au Portugal la qualitéde puissance
administrante

Il est demandé à la Cour de décidersi les résolutionsen question de
l'Assembléegénéralesont dénuées de valeur juridique. Préalablement à
l'analyse de cette question juridique, il y a lieu de rappeler brièvement la
teneur desdits textes.
Les résolutions pertinentes del'Assembléegénéralesont les suivantes :
3485 (XXX), 31/53, 32/34, 33/39, 34/40,35127,36/50 et 37/30.
Dans certaines d'entre elles, l'Assembléereconnaît expressément au

Portugal la qualité de puissanceadministrante (résolutions3485 (XXX),
34/40, 35/27, 36/50 et 37/30); dans aucune ne reconnaît-elle de statut
juridique à l'Indonésie.Bien plutôt, quelque-unes d'entre elles (résolu-
tions 31/53, 32/34, 33/39) réaffirmentles résolutionsdu Conseil de sécu-
rité, appellentl'attention du Conseil sur le caractère critique de la situa-
tion au Timor oriental et recommandent au Conseil de prendre toutes lesmesures effectivesen vue de l'application des résolutionsdu Conseil de
sécurité visantà assurer le plein exercicepar le peuple du Timor oriental
de son droit à l'autodétermination. Parfois, l'Assembléeprie le comité
spécialchargé d'étudie lr situation en ce qui concerne l'application de la
déclarationsur l'octroi de l'indépendanceaux pays et aux peuples colo-
niaux de continuer à s'occuper activement dela situation au Timor orien-
tal (résolutions31/53et 32/34du 28 novembre 1977);ellerejette l'alléga-
tion selon laquelle le Timor oriental a été intégréà l'Indonésie,dans la
mesure où la population du Territoire n'a pas étéà mêmed'exercer libre-
ment son droit à l'autodétermination et à l'indépendance (résolu-
tion 32/34du 28novembre 1977) ;elledéclarequelepeupledu Timor orien-
tal doit avoir la possibilitéde déterminer librement sonpropre avenir,
dans le cadre de l'Organisation des Nations Unies (résolution35/27 du

11 novembre 1980); elle accueille avecsatisfaction l'initiative diploma-
tique prise par le Gouvernement portugais, qui marque un premier pas
vers le libre exercicepar lepeuple du Timor oriental de son droit l'auto-
déterminationet à l'indépendance(ibid.) ; elleprie instamment toutes les
parties intéresséesde coopérer pleinement envue de créerles conditions
nécessairesà l'application rapide de la résolution1514(XV) de I'Assem-
bléegénérale(ibid.) ; elle déclareque le peuple du Timor oriental doit
avoir la possibilitéde déterminer librement sonpropre avenir, sur la base
des résolutions pertinentes de l'Assembléegénérale etdes procédures
admisessur le plan international (résolution36/50du 24novembre 1981);
et ellenvitele Portugal, en sa qualité de puissance administranteà pour-
suivre ses efforts en vue d'assurer quele peuple du Timor oriental exerce
comme il convient son droit à l'autodéterminationet à l'indépendance

(ibid.).
Comme aucune des résolutionsne restreint en quoi que ce soit la qua-
lité de puissance administrante du Portugal, l'on doit estimer que le
Portugal reste investi de toutes les responsabilités et compétencesnor-
males d'une puissance administrante. Bien entendu, il convient de souli-
gner que toutes les compétencesdont une puissance administrante peut
êtreinvestie lui sont conféréesdans le seul intérêt du territoire et de la
population confiés à ses soins, et non, en aucune manière,pour le profit
de la puissance administrante. C'est là un truisme, mentionné seule-
ment ici parce que certains ont alléguél,ors des plaidoiries, que le Portu-
gal avait introduit la présente instance pour d'autres motifs que le
désir de sauvegarderles intérêtsdu Territoire et du peuple du Timor
oriental.
Tout avantageque le Portugal aurait pu obtenir en la présente instance

aurait éténon seulementconservé strictementdans l'intérêd tu peuple du
Timor oriental, mais aussi sous la rigoureuse surveillancede l'Organisa-
tion des Nations Unies. Dans une telle perspective, l'argument australien
selon lequel le chapitre XI de la Charte des Nations Unies ((n'estpas une
charte coloniale destinée à consolider juridiquement les droits de
l'ancienne puissance coloniale...» (CR 95/10,p. 65) perd toute portée.
L'Australie affirme non seulement que le Portugal a un passécolonialmédiocre,mais qu'enfait il a abandonné la population du Timor oriental.
Quels qu'aient pu êtreles faitsà cet égard,ils n'étaientpas inconnus de
l'Assembléegénéraleq ,ui n'ena pas moins invitéle Portugalà poursuivre
sesefforts. L'organe lemieux à mêmed'apprécierla conduite du Portugal
ayant décidén ,onobstant toutes les informationsdont ildisposait,d'adres-
ser cette invitation, la Cour doit respecter cette décision.convient de
faire observer en outre qu'en formulant cette invitation l'Assemblée géné-
rale n'a apporté aucunerestrictionà la qualitéde puissance administrante
du Portugal et qu'elle n'ena pas non plus apportédepuis lors.Il est signi-
ficatifégalementque, dans sa résolution384 (1975),le Conseil de sécurité
ait en fait reprochéau Portugal de ne pas s'êtacquittépleinement de ses
responsabilitésen tant que puissance administrante, mais n'en n'a pas
moins continuéde lui reconnaître cette qualité.

Les résolutions duConseil de sécurité 384(1975)et 389(1976)ont déjà
été citéedsans la présenteopinion. Reconnaissant et réaffirmant le droit
inaliénabledu peuple du Timor oriental à l'autodétermination,le Conseil
de sécurité,dans les deux résolutions, demande à tous les Etats de res-
pecter l'intégritéterritoriale du Timor oriental ainsi que le droit inalié-
nable de son peupleà l'autodéterminationet prieinstamment tous lesEtats
et toutes lesautres parties intéresséescoopérerpleinement avecl'Orga-
nisation des Nations Unies dans ses efforts pour apporter une solution
pacifique à la situation existante et faciliter la décolonisationdu Terri-
toire.
Ces deux résolutionsdu Conseil de sécuritén'ont jamais étéabrogées
ni remplacéespar des résolutions ultérieuresqui les auraient rendues
caduques.
Dans sa résolution384, le Conseil de sécuritémentionnait expressé-

ment le Portugal comme puissance administrante et lui imposait de façon
précise l'obligation de coopérer pleinement avec l'organisation des
Nations Unies de façon à permettre au peuple du Timor oriental d'exer-
cer librement son droit à l'autodétermination. Le Conseil de sécuritéy
indiquait clairement au Portugal sesobligations s'agissantde sauvegarder
ce droit du peuple du Timor oriental. Comme la souveraineté écono-
mique est un élémenitmportant du concept de souveraineté,le Conseil de
sécuritéimposait donc au Portugal, indépendammentdes dispositions de
la Charte, le devoir de sauvegarder la richesse économique la plus pré-
cieuse du Territoire jusqu'à ce que son peuple puisse exercer librement
son droit à l'autodétermination.
Ce qui est vrai de l'Assemblée générall'eest aussi du Conseil de sécu-
rité:le passécolonial du Portugal n'a pas empêché le Conseil de recon-
naître à celui-ci la qualité susviséeet de lui imposer les obligations

correspondantes.
Cette qualitéainsi reconnue par le Conseil de sécuritl'a étégalement
à plusieurs reprises ensuite par l'Assemblée générale (voilres résolu-
tions 35/27 (1980),36/50 (1981)et 37/30(1982)).
Aprèsces observations généralesi,l convient d'examinerplus en détail
les effetsjuridiques des résolutions pertinentes.vi) La valeurjuridique des résolutions

1. Les résolutionsde l'Assembléegénérale

La compétence de l'Assemblée généra àlel'égarddes territoires non
autonomes a étéreconnue très tôt dans l'histoire del'organisation des
Nations Unies. C'est ainsi que Kelsen parle de

«la compétence que possèdel'Assembléegénérale à l'égarddes ter-
ritoires non autonomes non soumis à tutelle, en vertu de l'article 10

et (conjointement avecle Conseilde sécurité)en vertu del'article 6» '
et avance que l'Assembléegénérale peut débattrede la non-exécutionpar

un membre des obligationsqui lui incombent en vertu du chapitre XI, et
mêmealler jusqu'à imposer des sanctions, agissant de concert avec le
Conseil de sécurité en application de l'article6 (voir également American
Journal of International Law, 1954,vol. 48, p. 103).
Après avoir adopté en 1960 la déclaration sur l'octroi de l'indépen-
dance aux pays et aux peuples coloniaux, l'Assemblée généraa leétabliun
comitéchargéde veiller à la mise en Œuvrede la déclaration, appliquant

ainsi à «tous les territoires non autonomes, une forme de supervision
internationale comparable au régimede tutelle»2. L'Assemblée générale
considère que tout ce qui a trait à l'autodétermination relève de son
champ de compétenceau point que l'on constate une tendance de sa part
«à estimer qu'aucun aspect du «colonialisme» ne doit êtreconsidéré
comme une question relevant «essentiellement» de la compétenceinterne
des Etats~~.
L'Assembléegénérale maintient un regard vigilant sur toutes les ques-

tions relatives aux territoires non autonomes, par l'intermédiairede la
QuatrièmeCommission (commissionde la décol~nisation)~et du Comité
des Vingt-Quatre. On reconnaît ainsi depuislongtemps que les questions
relativesà l'extinction du statut de territoire dépendant une fois exercéle
droit à l'autodétermination relèvent de la compétence del'Assemblée
générale.Dans sa résolution 1541 (XV) du 15 décembre1960, celle-ci

' The Law of the UnitedNations, 1950, p. 553,note 1.
Goodrich, Hambro et Simons,Charterof the UnitedNations, 3eéditionmise àjour,
1969,p. 70. Pour l'évolutiondela pratique à cet égard,voir égalementBruno Simma (dir.
publ.),The Charter of the UnitedNations, 1994,p. 925:928
«A terme, l'Assembléegénérale a réuài soumettre les colonies à un systèmede
surveillance semblablecelui prévu pour les territoires sous tutelle, encore que,
d'après le libellé même de l'ale3, lettre, de la Charte des Nations Unies, ce
contrôle se limite au droit, poursembléegénérale, de se voircommuniquer des
renseignements statistiques et de nature techniqueid., p. 925.)
Goodrich, Hambro et Simons,ibid.
Devenue, en vertu de la résolution471233du 17 août 1993,la commission politique
spécialede la décolonisation après son fusionnement avec la commission politique spé-
ciale.évoquede manièreprécise(dans le cadre du principe VI) la question de
savoir à quel moment un territoire non autonome peut être considéré
comme ayant atteint la pleine autonomie.

Ainsi, lorsque l'Assemblée générale déciq de'un territoire dépendant
n'a pas exercéson droit à l'autodétermination ou qu'unEtat donnéest
reconnu comme puissance administrante d'un territoire dépendant, ellese
prononce dans son propre domaine de compétence,et cela aprèsexamen
de la vaste documentation dont elle dispose. De telles décisionsont des
effetsjuridiques.
Il existe, bien sûr, des résolutionsde l'Assembléegénéralequi ont un
simple caractère d'exhortation. C'est le cas de nombre d'entre elles. En
revanche, une résolution contenant unedécisionrelevant effectivementde
son domaine de compétencepeut très bien produire des effetsjuridiques.
Ainsi que la Cour l'a fait remarquer dans son avis consultatif sur la
Namibie, l'Assembléegénérale n'esp t as ((empêchéd e'adopter, dans des
cas ...relevant de sa compétence, desrésolutionsayant le caractère de
décisionsou procédant d'une intention d'exécution))(Conséquencesjuri-

diques pour les Etats de la présence continue de l'Afrique du Sud en
Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution276 (1970) du
Conseil desécurité, avisconsultatif,C.I.J. Recueil 1971,p. 50,par. 105).
Celavaut à plus forte raison lorsquecesrésolutionsont été expressément
acceptéeset entérinéepsar le Conseilde sécuritéc,e qui est le cas des réso-
lutions relatives la qualité depuissance administrante du Portugal.
Ainsi, les résolutions où l'Assemblée généralreejette expressément
l'allégationselon laquelle le Timor oriental a étéintégré à l'Indonésie
(32134du 28 novembre 1977), déclareque le peuple du Timor oriental
doit avoir la possibilitéde déterminerlibrementsonpropre avenir dans le
cadre de l'organisation des Nations Unies (35127du 11novembre 1980)
et reconnaît expressémentle Portugal comme la puissance administrante
(3485 (XXX), 34/40, 35127,36150et 37130)sont des résolutions produi-
sant des effetsjuridiques.
Comme le prévoit clairementl'article 18 de la Charte, l'Assemblée

générale peut,«sur des questions importantes)),prendre des «décisions»
et,à cet égard, la Cour a relevéque:
«Ainsi, tandis que c'estle Conseil de sécuritqui possèdele droit
exclusif d'ordonner une action coercitive, les fonctions et pouvoirs
de l'Assembléegénérale selon la Charte ne sont pas limités àla dis-
cussion,à l'examen, à l'étudeet à la recommandation; ses attribu-
tions ne sont pas simplement de caractère exhortatif. L'article 18

traite des((décisions» de l'Assemblée général« esur les questions
importantes)). Ces décisions»comprennent eneffetcertaines recom-
mandations, mais d'autres ont une valeur et un effet de caractère
impératif.» (Certaines dépensesdes Nations Unies (article 17, para-
graphe 2, de la Charte), avisconsultat$ C.I.J. Recueil 1962,p. 163;
les italiques sont dans l'original.)

Waldock, dans son cours général publié dans le Recueil des cours del'Académiede droit international deLa Haye (1962,t. 106,p. 26), seréfé-
rant à cette concIusion de la Cour, souligne que l'Assembléegénérale est
compétente pour prendre des décisionsayant valeur et effet de caractère

impératifl.
Dans plus d'une de ses résolutions,l'Assembléegénérale s'esrtéféré àe
sa compétence

«pour décidersi un territoire non autonome a atteint ou non I'auto-
nomie complèteviséeau chapitre XI de la Charte» (résolution748
(VIII) du 27 novembre 1953,relative à Porto Rico, et résolution849
(IX) du 22 novembre 1954, relative au Groenland); (les italiques
sont de moi).

L'Assemblée généralaeégalement affirmécette compétence à l'égard
du Suriname et des Antilles néerlandaises, de l'Alaska et de Hawaï2.
L'Assemblée généralne'a pas hésité à exercer ce pouvoir, par exemple
lorsque le Portugal et l'Espagne, à la suite de leur admission comme
Membres à l'organisation des Nations Unies, ont affirmén'administrer
aucun territoire relevant du chapitre XI. En 1960,l'Assembléegénérale a

déclaré que lesterritoires du Portugal étaient non autonomes «au sensdu
chapitre XI» (résolution1540(XV) du 15décembre1960).Ellea affirmé
ses compétences à cet égardavec plus de force encore l'année suivante,
condamnant le Portugal pour son ((manquementpersistant))aux obliga-
tions incombant à celui-ci en vertu du chapitre XI et pour son refus de
coopéreravec le comitédes renseignements relatifs aux territoires non
autonomes; l'Assembléea crééégalementun comitéspécialhabilité à
recevoir des pétitions et entendre des pétitionnaires sur cette question
(résolution1699(XVI) de l'Assembléegénérale du 19décembre1961).La

compétence de l'Assembléegénérale à agir ainsi en tant qu'organe de
l'organisation habilitéà établirsi un territoire non autonome a réalisou
non son droit à l'autodétermination n'a pas étémise en doute dans la
pratique des Nations Unies.
Dans un traité intitulé Legal Effects of United Nations Resolutions,
Castafieda se livreà une analyse juridique de cette compétence,notant
qu'une résolutionde l'Assemblée générale n'exprim pas une obligation,
mais établit plutôt de manièredéfinitivel'hypothèse ou la condition dont
découle un effet juridique, ce qui permet l'application d'une règle de

droit.«Par sa nature, cet effetpeut être un ordre d'agirou de ne pas agir,

-
international, voir, également,Gaetano Arangio-Ruiz, «The Normative Role of the
General Assembly of the United Nations and the Declaration of Principles of Friendly
Relations)), Recueil des coursde l'Académiede droit international, 1972,t. 137,p. 421;
Obed Y. Asamoah, The Legal Significanceof the Declarationsof the GeneralAssembly of
the UnitedNations, 1966,et Christoph Schreuer, «Recommendations and the Traditional
Sources of International)), Gerrnan Yearbook of International Law, 1977,vol. 20,
p. 103-118.
Voir Goodrich, Hambro et Simons, op. cit., p. 460-461,ainsi que les renvois aux réso-
lutions pertinentes.une autorisation, ou l'octroi ou le refus d'une compétencejuridique à un
organe.» '
Les observations précédentes valentpour la question des effets déter-
minants des résolutionsde l'Assembléegénérale pour ce qui est du statut
du Portugal, du statut de territoire non autonome du Timor oriental et
du droit du peuple du Timor oriental à l'autodétermination. Quiplus est,
étantdonné quel'Assemblée générale els'torgane compétentpour recon-
naître la puissance détentrice de l'autorité sur un territoire non auto-
nome, l'absence de toute résolutionde l'Assembléegénéralereconnais-
sant l'autoritéde l'Indonésiesur le Timor oriental permet également de
tirer des conclusionsjuridiques. Les résolutionsde l'Assembléegénérale
jouent égalementpour ce qui est de la responsabilitéincombant à tous les
Etats de coopérerpleinement afin que le peuple du Timor oriental réalise
son droit à l'autodétermination. Les diverses résolutionsde l'Assemblée
générale évoquantce droit de manièregénéraleq , ui ont par ailleurs aidé
à forger le droit international public et constituent une source matérielle
importante du droit international coutumier sur cette question2, sont

expressément renforcéesp , our ce qui est de la situation au Timor orien-
tal, par les résolutionsspécifiquesrelativesà ce territoire.

2. Résolutions duConseil de sécurité

207. Ces résolutions confirment elles aussi la qualité de puissance
administrante du Portugal. Elles seront examinées à la partie D dans le
contexte des obligations de fond de l'Australie.

vii) Le Portugal avait-il besoin d'une autorisationpréalable deI'Organi-
sation des Nations Uniespour introduire laprésenteinstance?

Les compétencesdu Portugal en tant que puissance administrante
n'ont fait l'objet d'aucune restriction de la part de l'Organisation des
Nations Unies dans les résolutions reconnaissant cette qualitéau Portu-
gal. L'argument de l'Australie selon lequel il faudrait au Portugal l'auto-
risation de l'organisation des Nations Unies pour introduire la présente
instance (duplique, par. 136, 144)sous-entend une restriction des compé-
tences d'une puissanceadministrante que ne semblepas prévoir laCharte
des Nations Unies.
Il convient par ailleurs d'examiner un autre aspect de la question, à
savoir qu'il est du devoir de la puissance administrante de préserverles
intérêtsdu peuple du territoire. Dans le cadre de leurs obligations de
nature fiduciaire, lespuissances administrantes reconnaissent,aux termes
mêmesde l'article 73de la Charte, ((l'obligation de favoriser dans toute la
mesure dupossible ..leur prospérité[deshabitants de cesterritoires]))et,
à cette fin, ((d'assure...leur progrès ..économique))(art. 73, lettre a) ;

Jorge Castaiieda, Legal Effects of UnitedNations Resolutions, 1969,p. 121.
Simma, op. cit., p. 240.

102les italiques sont de moi) et «de favoriser des mesures constructives de
développement))(art. 73,lettre d)). Une telle obligation exigeune protec-
tion extrêmementattentive des ressources économiques du territoire.
La puissance administrante ne saurait s'énacquitter si elle n'a pas la
capacité juridique de prendre les mesures nécessairespour protéger les
intérêtsen question. Si la puissance administrante apprend que d'autres
entités s'occupent des intérêtséconomiques du territoire, éventuelle-
ment au détriment de la population, elle a le devoir d'intervenir pour

défendreces intérêts. Touteomission à cet égard seraitmêmecondam-
nable.
Avancer que la Charte imposerait ces lourdes responsabilitésaux puis-
sances administrantes tout en leur refusant le droit de représenterle ter-
ritoire revient priver ces dispositions de la Charte de toute signification
pratique. Cette interprétation restrictive des pouvoirs d'une puissance
administrante n'est, autant que je sache, confirmée nipar la pratique des
Nations Unies ni par la doctrine.
La Charte pourvoit amplement à la surveillance des puissances admi-
nistrantes et l'on voit difficilementcomment on pourrait, en droit ou en
principe, justifier que lespuissances exerçant une fonction de nature fidu-
ciaire soiententravéesdavantage dans l'accomplissementnormal et effec-
tif des devoirs que leur impose la Charte.

De plus, le pouvoir accordépar le chapitre XI de la Charte est de toute
évidencede nature fiduciaire. Il dérivedirectement de la notion de «mis-
sion sacrée)),ce qui confirme son caractère de confiance. La notion de
tutelle comporte le pouvoir de représentation, qu'on l'envisage sous
l'angle du trusteeship connu en common law ou de la tutela propre au
droit civil. Une fois désignéel,a puissance tutélaireexerce toujours sous
surveillance les devoirs qui lui incombent, mais elle n'est pas tenue,
chaque fois qu'elle entend exercer le pouvoir de représentation, d'en
demander l'autorisation puisque ce pouvoir fait partie intégrante du
concept mêmede tutelle.

viii)Les résolutions sont-ellesaffectéespar l'amenuisement du soutien
dont ellesont bénéficiéà l'Organisation desNations Unies?

Selon un des arguments de l'Australie, la diminution progressive du
nombre de voix en faveur des résolutionsde l'Assembléegénéraleinvo-
quéespar le Portugal montre que ces résolutions faisaient de moins en
moins autorité. Cette idéeinvite en fait la Cour à s'aventurer dans le
domaine incertain de l'histoire politique des résolutionsde l'Assemblée
générale età selivrerà un décomptedes voix afin d'apprécierla valeur de
telle ou telle résolution.Or, les conjecturessur la signification qui pour-
rait être attribuée aux procéduresde vote del'Assembléegénérale ne sont
pas du ressort de la Cour. Pour celle-ci, en effet, il importe plutôt de
savoir si une résolutionde l'Assembléegénérale a étédûment adoptéepar
cet organe principal de l'organisation des Nations Unies dans les limites
des ses pouvoirs juridiques. Une fois adoptée,une résolution doit êtredûment reconnue et il convient, conformément à la courtoisie que se
doivent naturellement deux organes principaux de l'organisation des
Nations Unies, de respecter cette résolution,quels que soient ses antécé-
dents politiques ou le nombre de voix exprimées en safaveur.
Comme l'a fait observer M. Lauterpacht:

«Quelle que soit la teneur de la recommandation, et quelles que
soient lanature et les caractéristiquesde lamajorité qui'a votée,la
recommandation n'en reste pas moins un actejuridique de l'organe
principal des Nations Unies, que tous les Membres de l'organisation
sont juridiquement tenus de considérer avec le respect qui est dûà
une résolutionde l'Assembléegénérale» . (Procédure devote appli-

cableaux questions touchant les rapportsetpétitionsrelatifs au Ter-
ritoire du Sud-Ouest africain, avis consultatif,.I.J. Recueil 1955,
p. 120,opinion individuelle; les italiques sont de moi.)
Cet argument de l'Australie a mêmede graves incidences en l'espèce,

car les résolutionsdont, selon l'Australie, la Cour ne devrait pas tenir
compte affirmentjustement le principe important de l'autodétermination,
qui est un principe bien établi dudroit international coutumier. La partie
qui prétendrait que la validitéd'une telle résolution serait compromise
par la diminution du nombre des voix exprimées en safaveur à l'Or-
ganisation des Nations Unies assumerait une lourde tâche.

ix) Les résolutions sont-ellestombéesen désuétude?

Selon un autre argument vigoureusement développé par l'Australie, la
valeur et le caractère obligatoire des résolutionsen question sont en quel-
que sorte entamésdu fait qu'iln'en a pas étéadoptéd'analogues pendant
de nombreusesannées. Or, les résolutions del'Assembléegénérale ou du
Conseil de sécuritén'ont pas à êtrerépétéepsour conserver leur validité.
Une fois que ces résolutions sont dûment adoptées,il est à présumer
qu'elles restent valables tant qu'elles n'ont pas été dûment annulées ou
remplacéespar une résolution ultérieure.
Il convient de considéreravec la plus grande prudence cet argument
d'aprèslequel le passage du temps atténuerait le caractère obligatoire des

résolutions.S'agissantde résolutionsquiimposent effectivementdes obli-
gations en droit international, la Cour annulerait en fait des obligations
que l'organe compétent de l'organisation des Nations Unies, dûment
saisi de la question, aurait, lui, choisi d'imposer. La Cour doit semontrer
particulièrement circonspecte à l'égard derésolutionstraitant d'obliga-
tions erga omnes et de droits tels que l'autodétermination, qui sont fon-
damentaux pour l'ordre juridique international. En l'absenced'un motif
impérieux en senscontraire, la Cour devrait agir avec la déférencedue à
une résolution valable dûment adoptéepar l'un des autres organes prin-
cipaux de l'organisation des Nations Unies.
Il convient de noter que l'argument de l'Australie en vertu duquel lesrésolutions du Conseil de sécuritésont tombées endésuétudene saurait
être retenu pour uneautre raison encore.
En effet, la thèse dela désuétude tombe devantle fait que le Comité
des Vingt-Quatre, qui est l'organe chargépar l'Assembléegénéralede
surveillertout cequia traità la décolonisation,a, d'annéeen année,main-
tenu la question du Timor oriental à son ordre du jour. Par ailleurs, le
Comité a fait état chaque année de cette question dans sonrapport à
l'Assembléegénérale.Si, comme l'Australie le prétend, cette question
étaitdépasséel,e Comiténe s'yréféreraitpas dans ses documents.
Le Secrétairegénérac lontinue de soumettre des rapports intérimaires à
l'AssembléegénéraleD . ans son rapport du 11septembre 1992(A/47/435,

par. 1 ;réplique, vol.II, annexe 1.8)'il évoquela recherche d'une «so-
lution globale et acceptable sur le plan international de la question
du Timor oriental)); dans son rapport annuel du 2 septembre 1994, le
plus récent,il déclare: «J'ai continué à offrir mes bons offices dans la
recherche d'un règlementjuste, global et internationalement acceptable
de la question du Timor oriental.)) (A/49/1,2 septembre 1994,par. 505.)
Le fait que, d'année enannée,l'Assemblée généralaeinscrit cette ques-
tion à son ordre du jour montre aussi clairement que la situation n'est
pas encore acceptable aux yeux de la communauté internationale.
La thèsede la désuétude, impliquantque la question est dépasséen , e
saurait être retenuesi l'organisation desNations Unies choisit elle-même

d'en faire une question d'actualité'.

x) Les résolutions ont-ellesétérendues caduquespar les événements ulté-
rieurs?

Cet argument avancépar l'Australie appelle des considérationsana-
logues. Si des événements ultérieursont rendu caduques des résolutions
dûment adoptéespar le Conseil de sécurité ou l'Assemblée généralc e',est
à cesorganes qu'ilappartient de prendre acte du changementde situation
et d'agir en conséquence.Comme nous l'avons déjàdit, ces organes ne
semblent pas avoir considéré qu'ils'agissait de questions closes.

xi) Les antécédents coloniaux du Portugal sont-ilspertinents?

L'Australie a fait valoir que lesantécédentscoloniauxdu Portugal sont
tels qu'ilsle privent de la qualité pour introduire cette instance. Le passé
colonial du Portugal laisse effectivementbeaucoup à désirer etle conseil
du Portugal l'a reconnu sans peine. On se souviendra que, dans l'affaire
dela Namibie, ila été notéque l'Assembléegénéraa lvait adoptésesréso-
lutions contrel'apartheid àl'unanimité à deux voix près,cellesdu Portu-

'Voir Thomas M. Franck (~Fairness in the International Legal and Institutional Sys-
tem»; Recueil des cours de['Académiede droit international, 1993,t. 240, p. 165),selon
qui le processustouchant le Timor oriental permet,lemoins, de nepas enterrer la
question etde la maintenir'ordre dujour».gal et de l'Afrique du Sud (C.I.J. Recueil 1971, p. 79; M. Ammoun,
opinion individuelle). 11n'est guère nécessaire d'endire davantage sur les
anciennes attitudes du Portugal en matière coloniale.

Cela dit, lorsque la qualitéjuridique de puissance administrante a été
dûment reconnue par l'autorité politique compétente, la Cour ne peut
pas prendre sur elle d'accorder ou de refuser cette qualité, selon les
antécédentscoloniaux,positifs ou négatifs de 1'EtatintéresséA . retenir ce
critère,le régimedes puissances administrantes deviendrait impraticable,
car rares seraient les puissances coloniales capables d'y satisfaire. La
question juridique qui se pose à la Cour est celle de savoir si, en droit,
1'Etatpossède effectivementcette qualité.

Au débutde la présenteopinion, on a évoqué le changement intervenu,
depuis 1974,dans l'attitude du Portugal àl'égard deI'autodétermination
de ses colonies l.
Il y a lieu d'insister sur le fait qu'il s'agit bienici, non pas des antécé-
dents du Portugal, mais de la protection des droits du peuple du Timor
oriental. On ne saurait affirmer qu'un peupleou territoire protégé, à cet
égard irréprochable, devraitse voir refuser, en raison d'une faute com-

mise par sa puissance administrante, le droit d'être représento éu de rece-
voir réparation.
Une telle affirmation est contraire aux principes fondamentaux de la
tutelle, qui veulent que lesintérêtdses entitésconfiésaux soins fiduciaires
ou tutélaires soient prioritaires. Cela vaut autant en droit international
qu'en droit interne.

Les diversmoyens invoquéspar l'Australie pour contesterla qualitédu
Portugal pour agir en l'instance semblent ainsi ne pas résister à l'examen.

Les principes de la Charte, associésaux principes bien établisdes rela-
tions de nature fiduciaire et de la tutelle, mettent en évidencel'impor-
tance prédominante que revêtent,par rapport à tous autres intérêts,
ceux du territoire non autonome. Cette priorité d'intérêtsn'est pas
facilementécartée. La puissance administrante a pour fonction d'y veiller;
le droit international a pour fonction d'en assurer le respect.
Ce n'estpas servirlesintérêtd su territoire que de direqu'une puissance
administrante, dûment reconnue par l'organisation des Nations Unies et

juridiquement tenue de lui rendre compte, a été évincép ear un autre Etat
qui n'estpas reconnu comme puissance administrante par l'organisation,

l Le supplémentàla Constitution portugaise, figurant dans l'annexe 11.6du mémoire
du Portugal et daté dujuillet 1974,dispose, en son article 2, que
«La reconnaissance du droàtl'autodétermination,avec toutes ses conséquences,
comprend l'acceptation de l'indépendance des ters'outre-mer et la dérogation
à la partie correspondante de l'article premierde la constitution politique de 1933.»
Le Portugal s'est ainsi engagé, sans ambiguïtéaucune, en faveur de l'autodétermination
de ses anciennes colonies.et qui n'est pas juridiquement tenu de lui rendre compte. Le pouvoir sur
un peuple non autonome, s'iln'est pas assorti de l'obligation de rendre
compte de son exercice à la communauté internationale, est contraire au

principe de protection consacré dans la Charte.

Le principe central en l'instanceest celui de l'autodétermination, quia

pour corollaire celui de la souveraineté permanente sur les ressources
naturelles. De ces principes découlentles droits revendiqués enl'espèce
au nom du Timor oriental.

i) Le peuple du Timor oriental a indubitablementle droit à disposer de
lui-même

La Cour n'a pas en l'espèce à s'attaquer au problème très débattude
savoir quels peuples ou entités ont le droit à disposer d'eux-mêmes.
L'Australie a constamment admis que le Timor oriental était et demeure
un territoire non autonome '.Le Timor oriental figure expressémentsur
la liste des territoires non autonomes, au sens du chapitre XI de la
Charte, figurant dans la résolution 1542(XV)de l'Assembléegénérale du
15décembre1960(voir mémoire, vol.II, annexe II.4)2.

On doit donc sepencher en l'espècesur la question de l'autodétermina-
tion à partir de ce solide fondement que constitue le caractère incon-
testable du droit d'un territoire à l'autodétermination. La question à
résoudreest celledes conséquencesqui en découlent.

ii)Le principe del'autodétermination

Dans son arrêt (par.29), la Cour a catégoriquementréaffirmé le prin-
cipe de l'autodétermination,relevant que celui-cis'est développé à partir
de la Charte et de la pratique de l'organisation des Nations Unies et
notant du reste que le caractère normatif du droit du peuple du Timor
oriental àl'autodéterminationn'estpas contestéen l'espèce.Dans la pré-
sente opinion, on part de cette constatation afin d'examinerle moyen de
donner effet au principe de l'autodétermination dans les circonstances de

l'affaire.
L'Australie a admis l'existencedu principe, mais envisage de manière
plutôt limitéeles obligations étatiques qui en découlent.

'L'Australiea, dans sesécritures (contre-mémoirep,ar. 322),mentionné,dans un autre
l'autodétermination (citantH. Blix,Sovereignty, Aggression and Neutrality, 1970,p. 13-
14).Cette incertitude ne s'appliquepas au Timor oriental pour les raisons exposées.
Concernant l'expression ((s'administrerelles-mêmesettre b) de l'article73de la
Charte, Simma(The Charter of the United Nations, op. cit., p. 928,citant notamment les
arrêts dansles affaires de laie et du Sahara occidental) préciseque ((cetteexpres-
sion ne saurait, de nosjours, s'entendreque du droit sans réservetemination». Par exemple, elle a fait valoir lors des plaidoiries que:

«On ne trouve dans la Charte des Nations Unies aucune obliga-
tion expresse qui serait faite aux Etats individuellement de favoriser
l'autodétermination de territoires sur lesquels ils n'exercent eux-
mêmesaucun contrôle. L'obligation générale desolidaritéénoncée
au paragraphe 5 de l'article2 de la Charte viseseulementl'assistance
à donner à l'Organisation des Nations Unies «dans toute action
entreprise par elle conformément aux dispositions de la présente
Charte. » (CR 9519,p. 64.)

Dans ses écritures, l'Australie a notamment soutenu qu'il n'existe pas
d'obligation indépendante de non-reconnaissance qui aurait interdit la
conclusion du traitérelatif au «Timor Gap» (contre-mémoire,par. 360-
367), que la communauté internationale n'a formulé aucune critique à
l'encontre des Etats (y compris l'Australie) qui ont reconnu la présence

de l'Indonésieau Timor oriental et traité avecelledans ce contexte (ibid.,
par. 368-372),et qu'en concluant le traité relatifau «Timor Gap» 1'Aus-
tralie n'a fait obstacle à aucun acte d'autodétermination du peuple
du Timor oriental pouvant résulter de négociations (ibid., par. 373-
375). Bien qu'elle ait reconnu dans le traité le Timor oriental comme
province de l'Indonésie, l'Australie prétend n'avoirrien fait qui soit
susceptible de porter atteinte à la possibilitépour le peuple du Timor
oriental d'accomplir par la suite un acte d'autodétermination (ibid.,
par. 375).
Tous ces arguments nous imposent de noter brièvement le caractère
central de ce droit en droit international contemporain, l'évolution cons-
tante du concept et la large acceptation dont il a bénéficiéau plan inter-
national. Dans ce contexte, toute interprétation de ce droit qui ne lui

donnerait pas une signification pleine et effectivedevrait êtreconsidérée
avec la plus grande circonspect6n.
Premièrement,ce principe est confirmépar toutes les sources du droit
international, qu'il s'agissed'instruments internationaux (comme lepacte
international relatif aux droits civils etpolitiqueset le pacte international
relatif aux droits économiaues. sociauxet culturel1,. du droit international
coutumier, des principes générauxdu droit, de la jurisprudence et de la
doctrine des publicistes. On peut puiser, dans chacunede ces sources, des
arguments décisifs à l'appui dece droit, arguments qu'il n'y a pas lieu de
détaillerici.
Deuxièmement,ce droit occupe une place centrale dans l'économie de
la Charte des Nations Unies, qui s'yréfèredans plusieurs contextes.

A l'article1,paragraphe 2, de cet instrument, les Nations Unies sesont
notamment fixépour principe de développerentre les nations des rela-
tions amicales fondéessur le respect du principe de l'égalitéde droits des
peuples et de leur droitàdisposer d'eux-mêmesC . 'estlà l'un des buts des
Nations Unies, qui est au cŒur mêmede l'existencede l'Organisation et
de sa mission. Ily a donc un lien indissociable entre l'un des buts prin-
cipaux des Nations Unies et le concept d'autodétermination. Ce conceptest réaffirméà l'article 55, selon lequel l'idéaldes relations pacifiques et
amicales entre les nations est fondé surle respect de l'égalité desroits
des peuples et de leur droità disposer d'eux-mêmes.
L'article55 donne à ce concept une expression pratique. Il reconnaît
que lesrelations pacifiqueset amicales, bien que fondéessur le respect du
principe de l'égalité desdroits des peuples et de leur droit à disposer
d'eux-mêmese ,xigent des conditions de stabilité etde bien-être,dont le
progrèset le développementdans l'ordre économique.
Etant donné que le développement desrelations amicales entre les

nations est au cŒur mêmede la Charte et aue celle-ci fonde les relations
amicales sur l'égalité deroits des peuples et leur droit disposer d'eux-
mêmes,on peut dire que le principe de l'autodétermination se situe lui-
mêmeau cŒur dela Charte.
Une préoccupation particulière à l'égard del'autodétermination est
manifestéeau chapitre XI de la Charte. A propos de l'aspectéconomique
de l'autodétermination,il y est soulignéà l'article55,que la stabilitéetle
bien-êtresont nécessairesaux relations pacifiques et amicales entre les
nations, cesrelations étant, leur tour, fondéessur le respectdu principe
de l'égalité desroits des peuples et de leur droitdisposer d'eux-mêmes.
En vue de créerces conditions de stabilité et de bien-être,les Nations
Unies ont le devoir de favoriser, entre autres, les ((conditions depro-

grès et de développement dansl'ordreéconomique ...» (les italiques sont
de moi).
Il est expressément prévu ensuite à l'article 56 que «les Membres
s'engagent, en vue d'atteindre les buts énoncésà l'article 55à agir, tant
conjointement que séparément,en coopération avec l'organisation)). Il
s'agit là d'une obligation contractuelle solennelle, assumée expressément
et individuellement par chaque Etat Membre en vue de créerles condi-
tions de progrèsetde développementdans l'ordre économiquesur labase
du respect du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.
A propos spécifiquement desterritoires non autonomes, il est prévu à
l'article 73 de la Charte des Nations Unies que l'un des objectifs de
l'administration des territoires dont lespopulations ne s'administrent pas

elles-mêmes estde
((développerleur capacité de s'administrer elles-mêmes,de tenir
compte des aspirations politiques des populations et de les aider
dans le développement progressif deleurs libres institutions poli-
tiques..))(art. 73, lettre b)).

Cette responsabilité incombe à la puissance administrante en vertu du
principe de la primauté des intérêts des habitants de ces territoires. Le
caractèresolennelde cette responsabilitéest soulignépar sa qualification
de ((mission sacrée».
L'importance centrale de ce concept et le désirde le traduire dans les

faits sont au cŒurmêmedu droit des Nations Unies. La Charte est pétrie
de cet esprit de coopération dont doivent faire preuve les nations pour
atteindre les buts fixés.Leprincipe du droit des peuples disposer d'eux-mêmesfait partie intégrante de ces buts et en constitue le fondement
même.
Troisièmement,c'est en s'appuyant sur les dispositionsfondamentales
de la Charte que l'Organisation des Nations Unies s'est employéesans
relâcheà édifierune superstructurequi tend àson tour àmettre ceconcept
en pratique. Par sa contribution concrèteàla libertédes nations, la com-
munauté mondiale a montréqu'elle était résolue à inscrire ce concept
dans la réalité.
L'Assembléegénéralea en effet manifestéavec constance et fermeté
son souci de traduire en termes pratiques ce concept juridique, notam-

ment en créantle comitédes renseignements relatifs aux territoires non
autonomes puis en le transformant en organe semi-permanent, par une
résolution dedécembre1961.En tant que successeur du comitédes ren-
seignements, le Comitéspécialchargé d'étudier la situationen ce qui
concerne l'application de la déclaration sur l'octroi de l'indépendance
aux pays et aux peuples coloniaux(Comitédes Vingt-Quatre)continue de
suivre la question. Ce comité a invariablementinscrit l'affaire du Timor
oriental sur sa liste des questions en attente d'un règlementsatisfaisant.

Un certain nombre de déclarations marquantes de l'Organisation des
Nations Unies sur cette question ont renforcél'acceptationde ce principe
au sein de la communauté internationale. La déclarationsur l'octroi de
l'indépendance auxpays et aux peuples coloniaux (résolution 1514 (XV)
de l'Assembléegénérale du 20 décembre 1960)et la déclarationrelative
"
aux principes du droit international touchant les relations amicales et la
coopération entreles Etats conformément àla Charte des Nations Unies
(résolution2625(XXV)de l'Assembléegénérale du 24octobre 1970)sont
de ce nombre. Le pacte international relatif aux droits civilset politiques
(1966)et le pacte international relatif aux droits économiques,sociaux et
culturels (1966) constituent l'acceptation catégorique par voie conven-
tionnelle de l'obligation de reconnaître ce droit.
Les débats quiont précédé l'adoption par les Nations Unies de la dé-
claration sur les relations amicales traduisent bien'im~ortance aue la
communauté internationale tout entière attache au droit en question,
comme le fait particulièrement bien ressortir une étuderécentesur ces
débats1.Comme l'indique cette étude,ledit principe a été alorsqualifié
de diverses manières, notamment comme: «l'un des principes majeurs
consacréspar la Charte))(Japon); ((l'une des pierres angulaires sur les-
quelles repose l'édificedes Nations Unies)) (Birmanie); «un fondement

de la Charte des Nations Unies)) (Canada); «un des idéaux fondamen-
taux qui constituent la raison d'être del'organisation)) (France);
((l'exemplele plus significatifde la vitalité de laCharte et de sa capacité
à répondre à l'évolutionde la vieinternationale))(Tchécoslovaquie);«un
principe universellement reconnu du droit international contemporain))

'V. S. Mani, Basic Principlesof Modern InternationalLaw, 1993,p. 224.

110(Cameroun); «une des normes fondamentales du droit international
contemporain))(Yougoslavie); «un principe fondamental du droit inter-

national contemporain qui lie tous lesEtats» (Pologne); «d'une suprême
importance en cette époque de décolonisation» (Kenya), et ((indispen-
sable à l'existence mêmede la communauté des nations)) (Etats-Unis
d'Amérique).
Il y a lieu de mentionner enfin la contribution de la Cour, qui a joué
elleaussi un rôle important pour établirceconcept sur une basejuridique
solide (Conséquences juridiques pour les Etats de laprésencecontinue de
l'Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolu-
tion 276 (1970) du Conseil de sécurité, avisconsultatif, C.I.J. Recueil
1971, p. 16; Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975,
p. 12).
Tel est le droit fondamental qui est en jeu en l'espèce.La présente
étude sommaire du caractèreessentiel qu'il revêten droit international
n'est pas indifférentelorsqu'il s'agitde trancher entre l'une ou l'autre

des interprétations de ce droit que les Parties ont présentéesla Cour.
D'une part, on prétend que ce droit ne peut êtrevioléque s'il a été
contrevenu à une disposition expresse d'une résolutionde l'organisation
des Nations Unies. Il convient de noter,àcet égard, qu'aucune résolution
de l'organisation des Nations Unies n'a interdit ou critiqué la reconnais-
sance de l'intégrationdu Timor oriental comme province de l'Indonésie.
D'autre part, on soutient que le fait d'êtrepartieun traité qui reconnaît
l'incorporation d'un territoire non autonome dans un autre Etat et visant
laprincipale ressourcenon renouvelabled'un peuple dont le droit a l'auto-
déterminationest reconnu, intervenue avant que cepeuplen'ait exercéson
droit à l'autodéterminationet sans son consentement,constitue en effet
une telleviolation. L'histoire dece droit, de son développementet de sa
reconnaissanceuniversellemontre clairement que la secondeinterprétation
est plus en harmonie que la premièreavec la teneur et l'espritde ce droit.

Dans ce cadre, il est difficiled'admettre que, s'agissantd'un droit aussi
important, les Etats auraient seulement l'obligation d'aider l'Organisa-
tion des Nations Unies dans la mise en Œuvre des mesures spécifiques
qu'ellepeut prendre.

iii)Le principe de lasouveraineté permanentesur les ressources naturelles

Comme l'a souligné l'Assemblée généralle e, droità la souveraineté
permanente sur les ressources naturelles est «un élémentfondamental
du droit des peuples et des nations à disposer d'eux-mêmes»(résolu-
tion 1803(XVII) du 14décembre1962). C'estainsi que, dans sa résolu-
tion 1515 (XV) du 15 décembre1960, l'Assembléegénéralea également
recommandé «le respect du droit souverain de chaque Etat de disposer
de ses richesses et de ses ressources naturelles)).

Pour tout peuple, la souveraineté sur ses ressources économiquesest
une composante importante de sa souveraineté.Cela est particulièrement
vrai d'une nation naissante. Cette philosophie està la base de la théoriede la souverainetépermanente sur les ressources naturelles, ainsi que de
la protection de ces ressources dans l'intérêt d'upeuple non autonome
en attendant qu'il exerce son droità l'autodétermination.
En l'espèce,il est impossible de prévoir quand le peuple du Timor
oriental réaliserason droit à l'autodétermination. Cela peut être sous

peu ou dans de nombreuses années. Laquestion est en suspens depuis
bientôt vingt ans, c'est-à-dire depuis l'intervention militaire de'Indo-
nésie.
Si des années devaientencore s'écoulerd'ici là, et qu'entre-temps le
traitésoit pleinement exécutél,e peuple du Timor oriental pourrait très
bien perdre à tout jamais une partie substantielle de ses ressources ines-
timables. Il s'agirait là de la perte d'un élémenitmportant de la souverai-
neté dece peuple.
C'est là une situation que l'on ne saurait envisager avec sérénité au
stade actuel du développementdu droit international.
Lorsque le peuple du Timor oriental exercera son droit à l'auto-
détermination, il aura notamment le droit, au titre de sa souveraineté,
de disposer de ses richesses et ressources naturelles. Toute mesure qui,

auparavant, pourrait avoir pour effetde le priver de ce droit relève néces-
sairement et manifestement de la catégoriedes actes portant atteinte à
son droit de disposer de lui-mêmeet à sa future souveraineté,si tant est
qu'il se prononce pour une souverainetépleine et indépendante.Dans sa
résolutionrelative à la souverainetépermanente sur les ressources natu-
relles, l'Assembléegénérale a décritce droit comme «le droit inaliénable
qu'a tout Etat de disposer librement de ses richesses et de ses ressources
naturelles conformément à ses intérêtsnationaux...)) (résolution 1803
(XVII)). Dans la mêmerésolution,elle note que le renforcement de la
souverainetépermanente sur les ressources naturelles favorise l'affermis-
sement de l'indépendance économiquedes Etats.
Dans sa résolution 1803(XVII), l'Assembléegénéraleest encore plus
explicite, en soulignant que:

«La prospection, la mise en valeur et la disposition de ces res-
sources ..devraient être conformes auxrègleset conditions que les
peuples et nationsconsidèrenten toute libertécomme nécessairesou
souhaitables pour ce qui est d'autoriser ou d'interdire ces activités))
(1,par. 2; les italiques sont de moi).

Or, l'exploitation, la mise en valeur et la disposition des ressources du
«Timor Gap)), que le traitérelatif au «Timor Gap» règlepar le détail,
n'ont très certainement pas étéconvenues d'une manièreconforme au
principe selon lequel le peuple du Timor oriental devrait ((considérer[ces
questions]en toute liberté))pour ce qui est ((d'autoriser ou d'interdire ces
activitéD.
Dans la mesure où il dispose des ressources du peuple du Timor orien-
tal avant que celui-ci n'ait réaliséson droit à l'autodétermination, le

traité relatif au«Timor Gap» contrevient donc manifestement à ce
principe. Au surplus, selon la résolution1803(XVII):
«La violation des droits souverains des peuples et des nations sur
leurs richesseset leurs ressourcesnaturelles và l'encontre de l'esprit
et des principes de la Charte des Nations Unies...))(1,par. 7).

L'Australie a fait valoir (contre-mémoire,par. 379-380)que, même à
supposer qu'en exerçant son droit à l'autodétermination le peuple du
Timor oriental décidaitde se constituer en Etat indépendant, c'est à ce
nouvel Etat qu'ilappartiendrait de rejeter ou non le traité. L'attention de
la Cour a été appelée à cet égardsur une observationdu tribunal arbitral
dans le différendopposant la Guinée-Bissauau Sénégal,selon laquelle

«un Etat néd'un processus de libération nationale a le droit d'accepter
ou non les traités qu'aurait conclus 17Etatcolonisateur après le déclen-
chement du processus. Dans ce domaine, le nouvel Etat jouit d'une
libertétotale et absolue.)'
Bien que cette proposition soit indiscutable, elleparaît purement théo-
rique dans le contexteactuel, étantdonnéqu'ellene tient pas compte de
trois faits. Premièrement, de nombreuses années pourraient s'écouler
avant que le Timor oriental n'exerce son droit à l'autodétermination.
~euxièhement, le traitéest prévupour une période initialede quarante
ans et, troisièmement,les ressources qui y sont visées nesont pas renou-
velables. D'icià ce que le peuple du Timor oriental réalisece droit, il
pourrait perdre à tout jamais la totalité ouune partie de cesressources. Si
celles-ciétaientrenouvelables, on pourrait soutenir que leur exploitation
temporaire n'aurait pas pour résultat d'en dépouiller définitivemenlte

légitimepropriétaire.Or, cet argument ne peut êtreinvoquédans la pré-
sente affaire.
Si, dans ce cadre bien établi d'obligations juridiques, un traité est
conclu qui qualifie explicitement le Timor oriental de province indoné-
sienneet qui porte, sans le consentement de son peuple, sur les ressources
naturelles du Timor oriental d'une manièrequi pourrait avoir pour effet
de les compromettre ou de les aliéner,il est incontestable qu'une nation
qui seréclame dece traité pourrevendiquer des droits sur ce qui pourrait
êtreles ressources du Timor oriental viole les obligations que lui impo-
sent les principes générauxdu droit international.
Ajoutons qu'en raison de la reconnaissance internationale croissante
du droit au développement,toute action susceptible d'entraver le libre
exercicede ce droit revêtune importance plus grande qu'autrefois.

iv) Pertinence des résolutionsde l'Organisation desNations Unies rela-
tivesà l'autodétermination

Les diverses résolutionscitéesdonnent à la Cour, à la fois en termes
exprèset de façon implicite, des raisons plus que suffisantesde présumer

'Revue générale de droit international , 990,p. 235,par. 44.que le droità l'autodétermination n'a pasété exercé.Cette proposition a
pour corollaire que le droit à la souveraineté permanente sur les res-
sources naturelles n'a pas étéexercénon plus, car l'autodétermination
comprend par définitionle droit à la souverainetépermanente sur lesres-
sourcesnaturelles. Tout acte portant sur ces ressources, qui n'émanepas
du peuple du Timor oriental ou de son représentant dûment mandaté,
constitue sans aucun doute une violation d'un principe fondamental
découlant tant du droit international généralque de la Charte des
Nations Unies.

v) La position de l'Australià l'égard del'autodétermination

L'Australie affirme qu'elle reconnaît pleinement et continue de soute-
nir le droit du peuple du Timor oriental à l'autodétermination. Surce
point, elle a attirél'attention de la Cour sur le rôle important qu'elle a
joué à la conférencede San Francisco pour l'insertion du chapitre XI
dans la Charte (duplique,note 209), ainsi que sur sa vigoureuse affirma-
tion que le progrèsde tous les peuples coloniaux intéresse l'ensemblede
la communauté internationale. Il n'y a aucun doute que ce précieux
apport de l'Australie au concept de l'autodétermination a contribué de
manièresubstantielle à leporter au niveau élevéqu'iloccupe aujourd'hui.
Le soutien théorique et politique qui a été accordé en ce temps-là à ce
concept alors en cours d'élaborationa étéessentiel.

Marquant une adhésion entière à la valeur élevéeque le droit interna-
tional attacheà l'autodétermination, l'Australie continued'exprimer son
soutien au droit persistant du peuple du Timor orientalà disposer de lui-
même.Ainsi, l'Australie reconnaît implicitement que, pour une raison ou
une autre, le peuple du Timor oriental n'a pas encore exercéson droit de
la manière envisagéepar le droit international et par la Charte des
Nations Unies.
Au cours des audiences,l'Australie a prétenduque:

«avant et après 1975,l'Australie s'estvigoureusement et à plusieurs
reprises prononcéeen faveur du droit des Timorais à se déterminer
librement en connaissance de cause. La position australienne a été
exposéesans détour à l'Indonésie, clairementexpliquéeà l'Organisa-
tion des Nations Unies, répétép ear les premiers ministres et les mi-
nistres des affaires étrangères del'Australie et fait d'ailleurs encore

l'objet de communiqués publics sur la politique australienne.))
(CR 95114,p. 12.)
Tranchant avec cette position irréprochable, l'Australie a reconnu de
facto l'annexion du Timor oriental par l'Indonésie, etelle est même allée
plus loin en procédant àce qui paraît être unereconnaissance dejure sans

réservedes droits de l'Indonésiesur le Timor oriental. En effet, le traité
relatif au «Timor Gap» énonceexplicitement - et il est censéexprimer
ce sur quoi les deux parties se sont accordé-s que le Timor oriental estune ((provinceindonésienne». De plus, le préambuledu traité proclame
que l'Australie et la République d'Indonésiesont ((déterminées à déve-
lopper leur coopération à l'avantage mutuel de leurspeuplesdans la mise
en valeur des ressources du secteur du plateau continental)) (les italiques
sont de moi), sans mentionner le peuple du Timor oriental parmi ceux
dans l'intérêdtesquels le traité a étconclu.

vi) La contradiction entre la reconnaissancede la souveraineté indoné-
siennesur le Timor oriental et la reconnaissancedu Timor orientalen

tant que territoire non autonome
La contradiction entre la position déclaréede l'Australie et son com-

portement est, selon le Portugal, si fondamentale qu'elle a pour effet de
réduire à néant lareconnaissance par l'Australie du droit du peuple du
Timororiental à l'autodétermination. Cettecontradictionn'a reçu d'expli-
cation satisfaisante ni dans les écrituresni lors des plaidoiries. Comme
l'afait remarquer lePortugal, ilest impossiblede s'acquitter de l'obligation
de respecter l'intégritéterritoriale du Timor oriental en se contentant
d'affirmations en ce sens tout en reconnaissant effectivement l'annexion
du Territoire par l'Indonésie (CR 9514,p. 29).
L'Australie a fait valoir (duplique, par. 267) que la reconnaissance de
la souverainetéindonésiennesurle Timor oriental n'implique aucun déni
du statut de territoire non autonome de celui-ci. Ellea également déclaré
(ibid.,par. 263)que, tout en observant que l'Indonésie avait incorporéle
Timor oriental dans son territoire, le Gouvernement australien s'est dit
vivement préoccupéde voir qu'aucun acte d'autodétermination interna-

tionalementreconnun'avait eulieuau Timor oriental. L'Australie affirme
par ailleurs que la reconnaissance de la souverainetéindonésiennesur le
Timor oriental n'implique pas nécessairementque l'Australie ne recon-
naît plus au Timor oriental le statut de territoire non autonome nià son
peuple le droit à l'autodétermination (ibid., par. 264). J'avoue éprouver
quelque difficultéà comprendre ces positions.
Ces arguments semblent par ailleurs négligerla distinctionentre, d'une
part, la nature de l'autoritéexercéepar une puissance administrante et,
d'autre part, la nature de l'autorité exercéepar l'Indonésiequi ressort
implicitement de la reconnaissance de la qualité du Timor oriental en tant
que province indonésienne.Or, l'autoritédu Portugal revêtaitau moins
trois caractéristiquesfondamentales propres :

a) l'autoritéexercéepar le Portugal revêtaiten tous points un caractère
fiduciaire ou tutélaire;
b) le Portugal exerçait son autoritésousla surveillancede l'Organisation
des Nations Unies;
c) le Portugal exerçait son autoritéprécisémentdans ce cadre fiduciaire
ou tutélaire.

Ces caractéristiques sont confirméespar les résolutions pertinentes de
l'Organisation des Nations Unies examinéesdans la présenteopinion. Notons également à cet égard que,dans ses plaidoiries,l'Australie fait
valoir que,«en 1975,lepeuple du Timor oriental a[vait]échangé involon-
tairement la ((domination)) du Portugal ..contre le pouvoir de 1'Indoné-
sie» (CR 9519,p. 49, par. 59; les italiques sont de moi). Ce propos n'est
pas très clair; toutefois, il s'oppose manifestementà l'expression d'une
volonté quiest un trait essentiel de l'autodétermination.
Le Portugal a égalementappelé l'attention de la Cour sur certaines
variations dans les positions adoptéespar l'Australie devant l'organisa-
tion des~at'ionsUnies lorsque l'Assembléegénérale a examinéles projets
de résolutionrelatifs au Timor oriental. En 1975,l'Australie a voté,avec
toutefois quelques réservesinitiales, en faveur de la résolution dans
laquelle il était demandéà l'Indonésiede respecter l'intégrité territoriale
du Timor oriental et de retirer sans délaises forces armées du territoire
afindepermettre au peuple de celui-cid'exercerson droit à l'autodétermi-

nation (résolution3485(XXX) du 12décembre1975).En 1976,elle s'est
abstenue lors du vote sur la résolution 31/53 de l'Assembléegénérale,
rejetant l'allégationindonésienneselon laquelle le Timor oriental aurait
étéintégré à l'Indonésie.Elle s'est abstenue à nouveau en 1977, mais
en 1979ellea voté contre la résolutionselonlaquelle «le peuple du Timor
oriental doit avoir la possibilité de déterminer librement son propre
avenir, sous les auspices de l'Organisation des Nations Unies» (résolu-
tion 34/40). Ellea réitéré son vote d'oppositionen 1980, 1981et 1982.
En tout état de cause, une des questions essentiellesen l'instance est
celle de la compatibilité entre la reconnaissance de ce droit du peuple
timorais et la conclusion d'un traité reconnaissant que le Timor oriental
est une province de l'Indonésie, etde la compatibilitéentrecet acte et les
droits dont jouirait le Timor oriental sur les ressources naturelles visées

dans letraité.Le traiténe comporte aucune des réservesquant àla recon-
naissance de la souveraineté indonésienne quiont étémanifestéespar
l'Australie dans les déclarations que celle-cia faites en marge du traité.
Il semblerait donc que l'affirmation du Portugal selon laquelle il y a
incompatibilitéentrelefait pour l'Australie de conclure letraitérelatif au
«Timor Gap» et la reconnaissance par l'Australie du principe d'autodé-
termination n'est pas dénuée defondement.
Si l'autodétermination est un droit opposable erga omnes, et si la
conclusion par l'Australie du traitérelatif au «TimorGap» est contraire
à ce droit, alors le comportement individuel de l'Australie, quel que
puisse êtrecelui de l'Indonésie,n'est pas conforme aux obligations qu'a
l'Australie envers le Timor oriental en vertu du droit international.

vii) Le prétenduconflit entre les droits dupeuple du Timor orientalet les
droits dupeuple australien

L'Australie a fait valoir qu'elleaussi a un droià la souverainetéper-
manente sur ses ressources naturelles et que la présenteinstance dresse
((normeimpérativecontre norme impérative)),((souverainetépermanente
de l'Australie contre droits souverains du Portugal)) (CR 95111, p. 29).Les droits incontestablesde l'Australie ne sauraient bien entendu êtremis
en concurrence avec lesdroits de nature purement fiduciairedu Portugal,
étantdonné quece dernier nejouit d'aucun droit souverain si cen'est en
sa qualitéde gardien des droits du peuple du Timor oriental. Il s'agirait
plus exactement d'un conflit entre la norme impérative que constitue la
souverainetépermanentedel'Australiesursesressourcesnaturelles,d'une
part, et la norme impérativeque constitue la souverainetépermanente du
Timor oriental sur ses ressources naturelles, d'autre part.
On ne saurait affirmer que l'Australie ait sur ses ressources naturelles
dans le ((Timor Gap»un droit absolu à la souverainetépermanente dont
la portéepourrait être déterminéesans tenir compte des droits du Timor
oriental. Etant donné que l'Australie etle Timor oriental ne sont séparés
que par 430 kilomètresde mer (paragraphe 11de l'arrêt),il est clair que

la portéedes droits de la premièredépend notamment des prétentionsdu
second; d'où la nécessitéd'un traité.Etant donnéque les droits de 1'Aus-
tralie ne sauraient êtreappréciésindépendamment de ceux du Timor
oriental, on ne saurait retenir la thèse de l'Australie qui prétend ne
s'occuper que de ce à quoi elle a droit.
Les conflitsentre des droits relatifsun espacemaritime limiténe peu-
vent être tranchés quedu consentement des parties ou par une décision
équitableprise par un tiers conformément au droit. Un accord conclu
sans le consentementdu peuple du Timor oriental ne relèvepas de la pre-
mièrecatégorie; et une décisionde l'Indonésierelative à ce qu'il serait
équitablede donner à l'Australie ne relèvepas de la seconde. Pareille
décisionne saurait être conforme aux moyens de résolution des diffé-
rends viséspar lajurisprudence de la Cour et par l'effetconjoint de l'ar-

ticle 83 et de la partie de la convention de Montego Bay.
La question de savoir si le partage des ressources entre l'Australie et
l'Indonésieest effectivement équitable du point de vue du peuple du
Timor oriental n'entre pas dans le cadre de l'instance et ne relèvepas de
la compétence dela Cour. Cette dernièren'a tout simplement pas été sai-
sie de cette question, qui doit attendre pour être réglen temps et lieu.
La seulequestion qu'il convient de trancher en l'espèceest de savoir siun
traitévisant les ressources naturelles du peuple du Timor oriental a été
conclu en l'absence du consentement de ce peuple ou de la puissance
administrante reconnue par l'organisation des Nations Unies.
Il sepeut que le traitéattribueà l'Australie exactement ceà quoi ellea
équitablementdroit, ou mêmequ'il accorde au peuple australien moins
que ce qui devrait lui revenir. Ce que le Portugal fait valoir, c'est qu'un

traité quin'a pas étéconclu d'une manière reconnueen droit internatio-
nal pourrait aliénerà tout jamais certaines ressources non renouvelables
qui appartiennent au peuple du Timor oriental. S'il en étaitainsi, et si
l'autoritéchargéepar l'organisation des Nations Unies de l'administra-
tion des affairesdu peuple du Timor oriental soulevait la question sousla
forme d'un droit du peuple du Timor oriental opposable à l'Australie, le
grief mériterait d'être étudiavec la plus grande attention.
Le Portugal prétend que l'Australie, dans la mesure où elle a négocié,conclu et commencéd'exécutelre traitédu 11décembre1989puis adopté
des mesures législativesinternes visant l'application de cet accord, a
enfreint le droit du peuple du Timor orientall'autodétermination età la
souverainetépermanente sur ses richesses et ressources naturelles. Si tel
est le cas, l'Australie, du fait mêmede son comportement individuel,
contrevient à l'obligation de respecter ce droit.
La thèse del'Australie selon laquelle elle n'avait d'autre choix que de
conclure ce traitésoulève uneimportante question de droit international
touchant à la reconnaissance. Les Etats qui concluent des traitésrelative-

ment à un territoire dont la souverainetéa été acquise d'unemanière
dont la régularitéest indéterminée disposentde plusieurs options qui
vont de la reconnaissance defacto sous de nombreusesformesjusqu'à la
reconnaissance dejure, au niveau le pIus élevé.

Il convient de noter que, dans ce traité, l'Australie n'a assorti d'aucune
réservesa reconnaissance de la souverainetéde l'Indonésie surle Timor
oriental. En fait, le traitélui-mêmes'intitule:Traitéentre l'Australie et
la Républiqued'Indonésie relatifà la zonede coopération établiedans un
secteur situéentre laprovince indonésiennedu Timor oriental et l7Austra-
lieseptentrionale)) (lesitaliquessont de moi). Le traitéqualàfplusieurs

reprises le Timor oriental de province de l'Indonésie. Cette reconnais-
sance inconditionnelle, dans un traité important, de la souverainetéde
l'Indonésiesur le Timor oriental constitue peut-êtrel'une desformes les
plus achevéesde la reconnaissance dejure.
Cette forme achevéede reconnaissance met particulièrement en évi-
dence l'incompatibilité,telle qu'appliquée, entre, d'une part, les agis-
sements de l'Australie et, d'autre part, les droits du peuple du Timor
oriental à l'autodétermination et à la souveraineté permanente sur ses
ressources naturelles.

En conséquence,je confirmerais l'importance du droit du peuple du
Timor oriental à l'autodétermination età la souverainetépermanente sur
ses ressources naturelles et je soulignerais que, s'agissant dedroits revê-
tant une aussi grande importance dans le droit international contempo-
rain, l'obligation de les respecter dépassela simple reconnaissance et
s'étendà l'obligationpour un Etat de s'abstenir de tout acte incompatible
avec ces droits ou susceptible de leur porter atteinte ou de les réduire
néant.Seloncecritère,lefait par l'Australie d'avoirconclu letraitérelatif
au ((TimorGap» pourrait bien contreveniraux droits du peuple du Timor
oriental.

Dans la partie qui précède,nous avons étudiél'importancecruciale des
droits du peuple du Timor oriental à l'autodétermination et à la souve-
raineté permanente sur ses ressources naturelles. Nous avons égalementenvisagédans quelle mesure la conclusion par l'Australie du traitérelatif
au «Timor Gap» est compatible avec les droits dont jouit le peuple du
Timor oriental à cet égard.
La présentepartie est centréesur les obligations qui découlent de ces
droits.

A. Obligations en droit internationalgénéral

i) Obligations découlant des sources générald es droit international

Dans la partie C de la présenteopinion, nous avonsexaminéles diverses
sources de droit international invoquéespour étayerle droit à l'auto-
détermination. Faisant pendant aux droits qui en résultent etdont jouit
le peuple du Timor oriental, des obligations correspondantes sont à la
charge des membres de la communauté des nations. Tout comme les
droits associésà la notion d'autodétermination peuvent trouver leur fon-
dement dans chacune des sources du droit international, il en va de même
des obligations, car il ne saurait avoir de droits véritablessans obliga-

tions correspondantes.
Il suffit, aux présentesfins, de signaler ces sources diverses et le fait
qu'ellesconcourent à reconnaître que ces droits sont erga omnes. Il n'est
pas nécessaire,aux fins de la présenteopinion, de les explorer toutes.
L'Australie, comme toutes les autres nations, serait tenue en droit inter-
national général dereconnaître les obligations qui découlent de ces
droits. Elle n'hésitepasà reconnaître le droit. Son acceptation des obli-
gations corrélativesne ressort toutefois pas clairement de ses conclu-
sions.

ii)Les obligations expressémentsouscrites aux termes de traités

Il est pertinent de relever que le défendeur, ainsi que d'autres Etats,
s'est solennellement engagépar voie conventionnelle, au moins en trois
occasions importantes, à agir pour faire progresser ces droits. On y a fait
allusion dans la partie C et il suffira ici d'appeler l'attention surcesenga-
gements conventionnels pris en vertu de la Charte des Nations Unies et

des deux pactes internationaux de 1966relatifs aux droits de l'homme.
Les dispositions de la Charte relatives l'autodéterminationont étéétu-
diéesplus haut. Les parties aux deux pactes s'obligentà faciliter la réali-
sation du droit àl'autodéterminationet à respecter ce droit (articles 1et
2 de chacun des pactes).
Ces référencessuffisent à placer l'obligation de respecter l'autodéter-
mination sur un socle conventionnel solide.

B. Obligations qui découlentdes résolutions de l'Organisation
des Nations Unies

Nous n'examineronspas icila question plus vaste du caractère contrai-
gnant desdécisionsdu Conseilde sécurité. Il estpluspertinent de sedeman-der si, étant donné les circonstances particulières de l'espèce,on peut
considérerque les résolutions réaffirmantles principes du droit interna-
tional généralconfèrentune force plus grande à ces principes.
Comme nous l'avons relevéplus haut, à aucun stade de la présente
instance il n'a été suggérq éue l'Assembléegénéraleou le Conseil de
sécuritéavaient outrepassé leur compétenceou leurs pouvoirs légitimes
à l'égard den'importe quelle résolution surle Timor oriental viséeen la
présenteaffaire. Les objections à l'encontre de l'effet obligatoire de ces
résolutions étaient plutôtfondéessur d'autres considérations,telles que
la diminution des majoritésen leur faveur et leur caducitépar désuétude.
Ces questions ont déjà étéabordées. Concernant les résolutions du
Conseil de sécuritél,e problème technique a étésoulevéde savoir si les

termes employéspar le Conseil indiquaient une décisionou une exhorta-
tion.
La résolution 384((prieinstamment tous les Etats ..de coopérerplei-
nement avecl'organisation des Nations Unies ...pour ..faciliter la déco-
lonisation du territoire)) et la résolution9 ((demande à tous les Etats))
de faire de même.
Les deux résolutionsdemandent également à tous les Etats «de respec-
ter l'intégritterritoriale du Timor oriental ainsi que le droit inaliénable
de son peuple à l'autodétermination, conformément à la résolution1514
(XV) de l'Assembléegénérale)).
Les expressions oprie instamment» et «demande» ne sont pas néces-
sairement de simples formules d'exhortation. Comme pour tout docu-
ment qui fait l'objet d'une analyse juridique, c'est l'ensembledu texte
plutôt que certaines expressions particulières qui en détermine lasignifi-

cation générale.En l'espèce,on peut considérer ces deux résolutions
comme facultatives si l'on prend isolémentlesdeux expressions «prie ins-
tamment)) et «demande»; mais cela est impossible si l'on considère le
texte dans son ensemble. Il ne s'agit pas là de la méthode juridique
d'interprétation etje ne saurais y avoir recours.
Nous sommes ici enprésence de deuxdocuments qui énoncent catégo-
riquement la position du Conseil de sécurité,selon laquelle l'autodéter-
mination est un impératif quin'a pas encore été réaliséLe. Conseil y prie
instamment tous les Etats de coopérer etleur demande de respecter l'in-
tégritéterritoriale du Timor oriental. Face de tellesrésolutionsquiréaf-
firment un principe fondamental de droit international, un Etat Membre
est-il libre d'ignorerson gréla nécessité de l'autodétermination? Alors
que le Conseil de sécuritéa affirmé,après réflexion,que l'autodéter-
mination n'avait pas encore eu lieu, un Etat est-il libre de reconnaître de
jure l'annexion d'un territoire non autonome par un autre Etat et de

conclure avec ce dernier un traité concernant les richesses du territoire?
Les circonstances généralesde l'espècesuggéreraientune réponsenéga-
tive àces questions.
Sans qu'il soit question d'étudierce problèmepar le menu, il faut rele-
ver que l'absence,par le passé,de mots tels que ((décide («decides») et
«juge» («determines»), dans des résolutionsdu Conseil de sécuritén , esemble pas avoir empêché celles-ci d'êtreconsidérées commedes déci-
sions'. Par exemple, la résolution 145 (1960)du Conseil de sécuritédu
22 juillet 1960, relative au Congo, n'emploie aucun mot tel que
((décide» ou «juge»; mais elle «invite»le Gouvernement belge à mettre
rapidement en application la résolution 143 (1960)concernant le retrait
de sestroupes. Elle «prie» tous les Etats de s'abstenir de toute action qui
pourrait tendre à empêcherle rétablissement del'ordre public et l'exer-
cicede son autoritépar le Gouvernementcongolais,et aussi de s'abstenir
de toute action qui pourrait saper l'intégrité territorialeet l'indépendance
politique de la République du Congo.Ce libelléest-ilpure exhortation ou
bien exprime-t-il une décision?

Après l'adoption de cette résolution, le Secrétairegénérala appelé
l'attention du Conseil de sécuritsur les obligationsincombant aux Etats
Membres en application des articles 25 et 49. Dans ses observations, le
Secrétairegénéraa l présuméque la résolution était astreignanteen vertu
des articles 25 et 49. Après avoir citéces deux dispositions, il a déclaré
devant le Conseil de sécurité:

«Mon espoir pourrait-il se fonder sur une base plus expliciteque
le fait que nous pouvons maintenant compter sur l'appui actif, de la
manièrequi se dégagede ce que je viens de dire, des gouvernements
directement intéressés?)) (Nations Unies, Documents officiels du
Conseilde sécuritéq, uinzièmeannée, 884"séance,8 août 1960,p. 4,
par. 23.)

Par la suite, la résolution 146 (1960) du 9 août 1960 a étéadoptée.
Celle-ci,qui n'emploietoujours pas des termes indiquant une décisionou
un jugement, «[iJnvite le Gouvernement belge à retirer immédiatement
ses troupes de la province du Katanga...)) et, de nouveau, elle:
((Invitetous les Etats Membres, conformément aux articles 25 et

49 de la Charte des Nations Unies, à accepter et àexécuterles déci-
sions du Conseil de sécuritéet à s'offrir mutuellement assistance
dans l'exécution des mesures décidée psar le Conseil)) (les italiques
sont de moi).
Le Conseil de sécuritélui-mêmeindique donc clairement que sa résolu-
tion précédenteétaitdécisoire.

Dans cecontexte, la résolution143(1960)du 14juillet 1960mérite éga-
lementmention; elle «[fJait appelau Gouvernement belgepour qu'ilretire
sestroupes du territoire de la République duCongo» et «[d]écide d'auto-
riser le Secrétaire général prendre ..les mesures nécessaires envue de
fournir à ce gouvernement l'assistance militaire dont il a besoi..»

Par la suite, l'Assembléegénéralea «prié» tous les ~tat~ Membres
d'accepter et d'exécuterles décisionsdu Conseil de sécurité.Cetterésolu-

'Voir Goodrich, Hambro et Simons, op. p. 210.tion impliquait de nouveau que les résolutions du Conseil de sécurité
étaientdes décisionset qu'ellesimposaient des obligations.
Dans son intervention, le Secrétairegénéral,M. Hammarskjold, a insisté
sur le point que, si l'on ne réalisaitpas la coopération nécessairepour
faire de la Charte une réalité vivante, «c'en serait fait de la possibilité
pour l'Organisation de devenir ce que la Charte montre clairement avoir
étél'intention de ses auteurs ..»l La déclaration de M. Hammarskjold
revêtune importance particulièredans la perspectivedes résolutionsrela-
tivesà des droits tels que ceux qui ont pour objet l'autodétermination et

la souverainetépermanente sur les ressources naturelles.
Les résolutions duConseil de sécurité qui nous intéressentdans la pré-
sente espèce (lesrésolutions384 et 389)sont libelléesd'une manièresem-
blable à la premièrerésolutionprécitée relativaeu Congo.Toutes cesréso-
lutions invitent tous les Etatà respecter l'intégrité territoriale du Timor
oriental, de mêmeque le droit inaliénablede son peuple à l'autodéter-
mination, conformément à la résolution 1514(XV) de l'Assemblée géné-
rale.
De même,toutes les résolution «demande[nt]» au Gouvernement de
l'Indonésiede retirer sans délaitoutes ses forces arméesdu Territoire.
Il semble donc ressortir des précédentsde l'Organisation des Nations

Unies que l'absence de termesindiquant une décisionou un jugement ne
relèguepas nécessairementles résolutions duConseil de sécurité au rang
de simples formules d'exhortation.
Alors que le Conseil de sécurité a réaffirméun droit dont l'importance
fondamentale et l'opposabilité erga ornizessont reconnues, examiner son
caractère obligatoire eu fonction de sa terminologie ne semble avoir
d'intirêtque théorique,eu égard notamment au fait que les résolutions
ont été adoptées après que l'Australie eué t téentendue, et qu'ellesvont
dans le sens des conclusions que l'Australie avait présentéesau Conseil.

C. Quelquesperspectives juridiques

i) La corrélationentre droits et obligations

La présenesection passe en revue les obligations examinées,d'un point
de vue que l'on peutqualifier de philosophiqueou théorique. Alors que le
droit à l'autodéterminationa suscitébeaucoup d'intérêe tn droit interna-
tional moderne, les obligations correspondant à ce droit n'ont pas fait
l'objet d'analyses aussi fouillées. C'estce qu'illustre bien la présente

affaire, où la notion d'un droit à l'autodétermination est acceptéesans
discussion, ce qui n'est pas le cas des obligations correspondantes. Un

'Nations Unies, Documents ofJicielsde l'Assembléegénérale, seizième session, supplé-
ment no1A, Al4800lAdd.1, p. 4-5; voir aussi l'opinion semblable expriméepar U Thant
dans un discours du 28 octobre 1969,nique mensuellede l'ONU, vol. 6, no 10, no-
vembre 1969,p. 92.examen théoriquede la question souligneral'importance des obligations
dans le contexte de la présenteinstance.
L'existence d'un droit est juridiquement incompatible avec l'absence
d'une obligation correspondante. Du fait du caractère corrélatif des
droits et des obligations, bien établien droit comme en logique (voir en
particulier Hohfeld,Fundamental Legal Conceptions,1923),si le peuple
du Timor oriental a le droiterga omnes à disposer de lui-même,il existe
à la charge de tous les Etats Membres une obligation de reconnaître ce
droit. Soutenir le contraire revient vider le droit de son contenu essen-
tiel et, par làà nier son existence même.Etant donné queles droits à

l'autodétermination et à la souveraineté permanente sur les ressources
naturelles sont maintenant bien établisen droit international moderne,
les obligations correspondantes ne sauraient en resterà un étatde non-
reconnaissance ou de semi-reconnaissance.

ii)L'obligation se limite-t-ellà l'exécutiond'instructions et d'interdic-
tionsspécifiques?

Il faut maintenant examiner une importante allégationfaite par 1'Aus-
tralie devant la Cour, dont les implicationsjuridiques dépassent la pré-
sente affaire.
L'Australie a résumé cetargument de la façon suivante, dans l'avant-
dernier paragraphe de son contre-mémoire :

«En concluant ce traitéen décembre1989,l'Australie n'a contre-
venu à aucune directive de l'Organisation des Nations Unies concer-

nant le Timor oriental, faute d'une telle directive.))(Par. 412.)
Elle a encore insistésur ce point lors des plaidoiries,dans les termes sui-
vants :

«Le Conseil de sécuritén'a pas prononcéni imposéla moindre
obligationjuridique àl'Australie,nià aucun autre Etat Membre,qui
mettrait l'Australie dans l'impossibilitéde conclure avec l'Indonésie

le traitérelatif au «TimorGap.» (CR 95110,p. 31.)
Elle a aussi fait valoir que

«Aucune résolutionn'invitel'Australie,ni d'une manièregénérale
les Etats Membres, à ne négocierqu'avecle Portugal. Aucune réso-
lution ne demande àl'Australie de ne pas traiter avec l'Indonésie.Et

aucunerésolutionne condamnel'Australiepour avoir violéla Charte
de l'organisation des Nations Unies ou le droit international.))
(Zbid.,p. 26; voir aussi contre-mémoire,par. 328-346.)

Ce raisonnement donne à entendre que les obligations des Etats en
matière d'autodétermination se limitent au respect d'injonctions ou
d'interdictions explicites. Une autre extension de cet argument vise lefait que l'organisation des
Nations Unies n'a édicté aucune sanctionque l'Australien'aurait pas res-
pectée.
En premier lieu, l'obligation découledu droit international coutumier

lequel, de par sa nature même,consiste en principes et normes de nature
générale plutôt qu'eninjonctionset interdictions spécifiques.Par analogie
avecl'ordrejuridiqueinterne,ledroit coutumierou commun(par opposition
à une législationspécifique)fournit lesnormes et principes directeurs àla
lumière desquelsun cas d'espèceest jugé.
Il en va de mêmepour le droit international, compte dûment tenu, bien
entendu, des différences relativesà ses sources. Le droit coutumier four-
nit les principes généraux,alors que d'autres sources, notamment les

traités etles résolutions obligatoires,règlent des casparticuliers.
Ainsi,un comportementqui secontente d'éviterd'enfreindredes injonc-
tions ou des interdictions expresses n'est pas nécessairementconforme
aux obligationsinternationales qui incombent à un Etat en vertu du droit
international coutumier. Les obligations relatives au respect de l'autodé-
termination et du droit à la souveraineté permanente sur les ressources
naturelles sont de ce nombre et vont beaucoup plus loin que la simple
obéissance àdes règlesou injonctions déterminées et l'abstentionàl'égard
de comportements interdits.

Pour mieux éluciderla question, on peut l'aborder égalementsous
l'angle de l'analysephilosophique du droit.
A cet égard,il convient de seréférer aux grandesétudesde philosophie
du droit de cesdernièresannées quiont exploréla nature des obligations
juridiques. Bien qu'il aille de soi que les obligationsjuridiques ne consis-
tent pas seulement à obéirà des injonctions et à des interdictions spéci-
fiques, mais aussi à adhérer à des normes ou principes de conduite, les
débats doctrinaux récentsont apporté beaucoup d'éclaircissementssur
cette distinctionl.

Pour raisonner par analogie avec le droit interne, le corpus de règles
juridiques sur lequel se fonde un comportement conforme au droit se
compose non seulementde commandementset d'interdictions, mais aussi
de normes,de principes et decritèresde conduite. Lescommandementset
les interdictions ne représentent qu'uneinfime partie de la vaste gamme
des obligations. Il est très clair qu'endroit international, comme en droit
interne, les obligations ne découlent pas uniquement d'injonctions et
d'interdictions particulières,mais aussi de normes et de principes.

' Sans entrer dans le détail de cette vaste analyse,il suffira de mentionner certains
exposésfort connus sur la nature des droits et obligations. VoirDworkin,ghts
Seriously, 1977,en particulier les chapitres 2 et 3; voir aussi, dans le même sens, Roscoe
Pound, ((TheTheory of JudicialDecision)),Harvard Law Review, 1923,vol. 36,p. 645-
qui anticipe les travaux de Dworkin - et, du même auteur,((JuristicScienceand Law»,
HarvardLaw Review, 1918,vol. 31,p. 1047et suiv. Cesdémonstrations d'oùilressort que
lesprincipes etlescritèresfont partie d'un ordrejuridique autant que les règles(Dworkin,
p. 38) s'appliquent aussi bienrdre juridiqueinternational.e Philosophy of Law, 1977, S'il estvrai en droit interne que lesobligationsvont au-delà de la simple
obéissance à des injonctions età des interdictions spécifiques,cela vaut
à fortiori dans ledomainedu droit international,qui s'estdéveloppé à par-
tir desprincipes généraudxu droit naturel et qui ne possèdeaucune autorité
réglementaire spécifiquecomparable à celle que nous connaissons en
droit interne. Point n'est besoin de démontrercombien le développement
et l'efficacidu droit international sont tributaires de principes,de normes
et de critères.
Si l'on veut que les droits soient pris au sérieux,'on ne peut mécon-
naître les principes sur lesquels ils repose'.Si le droità l'autodétermi-
nation doit être prisau sérieux,l'attention doit porter sur les critèreset
principes qui lui sont inhérents, plutôt que sur une énumérationcircons-

tanciéed'injonctions et d'interdictions qui, pour utile qu'ellesoit dans ses
limites, ne constitue pas un catalogue complet des obligations qui résul-
tent de ce droit. Il est impossible de définir en termesd'injonctions et
d'interdictionspréciseslesnombreusesobligations ainsiimposées.Comme
l'Australieelle-mêmel'a faitobserver,((l'obligation depromouvoir l'auto-
détermination est un exemple d'obligation qui n'est pas assortie d'une
prescription de moyens)) (CR 95/10,p. 21).
Du point de vue de l'analysejuridique, il ne convient pas d'envisager
l'autodétermination comme si la seule obligation qu'elle comporte était
l'obéissance à des injonctions expresses de l'organisation des Nations
Unies. L'exécution desdevoirs et obligations doit être évaluée à l'aune
des normes et principes fondamentaux sous-jacents, plutôt qu'à celledes
injonctions et interdictions spécifiquesqui ont pu êtreprescrites. A l'évi-
dence, une obligation ne peut cesser d'exister simplementparce que des

moyens précis de l'exécuten r'ont pas été prescrits, pasplus que le prin-
cipe généralqui la sous-tend ne se résume à une liste circonstanciée
d'obligations. L'obligation de respecter et d'exécuter dépasslea lettre des
commandementset interdictions spécifiques.
Pour tirer un exemple du droit interne, un principe généralcomme
celui selon lequel un constructeur d'automobiles «est soumis à une obli-
gation particulière relativeà la construction ...de ses véhicules»2«ne
prétend pas définirles prestations précises auxquellesastreint une telle
obligation parti~ulière))~. ourtant, l'obligation s'applique aux situations
particulières,non spécifiéesq,ui sont susceptibles de se présenter.Si une
réclamationest formée suiteau manquement à une obligation spécifique,
couverte par le principe général,le fabricant ne peut échapperau prin-
cipe en arguant que celui-ci ne précisepas la prestation spécifiquedont
il s'agit. L'argumentselon lequelaucune obligationn'a été enfreinte, étant

donné quele comportement du défendeur ne contrevient à aucune règle

'Voirencore Dworkin (Taking Rights Seriously, op. cit., p. 22),qui soutient que, si les
droits ne sont pas pris au sérieux,alors le droit lui-même n'est pas priasu sérieux
p. 205).
Henningsenv. Bloomfield Motors, Znc.,32NJ 358 (1960).
Dworkin, op. cit., p. 26, citant Henningsen v. Bloomfield Motors, Znc.,ci-dessus.spécifique,peut êtreréfutépour l'essentiel de la mêmefaçon: en effet,
le comportement qu'exigele droit ne consiste pas seulement à respecter
desinjonctions ou desinterdictions précises,mais aussi respecterunprin-
cipe de comportement.
Les débats théoriques quiviennent d'être évoqué nse sont pas passés
inaperçus dans la doctrine de droit international moderne l.
Dans les circonstances de l'espèce,la qualitéde partie au traitérelatif

au «Timor Gap» semblerait incompatible avec la reconnaissance et le
respect desdroits du peuple du Timor oriental à l'autodéterminationet à
la souverainetépermanente sur ses ressources naturelles dans la mesure,
notamment, où le traité:

1) reconnaît en termes exprèsle Timor oriental comme une province de
l'Indonésie,sans que le peuple du Territoire ait exercéson droit;
2) porte sur des ressources naturelles non renouvelables susceptibles
d'appartenir à ce territoire;
3) ne fait pas état des droits du peuple du Timor oriental, mais seule-
ment de l'avantage mutuel des peuples australien et indonésiendans
la mise en valeur des ressources du secteur (paragraphe 6 du préam-
bule) ;
4) ne prévoit riendans l'hypothèseoù le peuple du Timor oriental déci-
derait de dénoncerle traitélorsqu'ilaura exercéson droità disposer de
lui-même ;

5) prévoitune périodeinitiale de validitéde quarante ans, avec renou-
vellement possible pour des ternes successifs de vingt ans;
6) créeune véritable possibilitéque ces ressources soient épuiséesavant
que le peuple du Timor oriental ne puisse en avoir la jouissance.

Ces caractéristiques du traité semblent à priori toutes contraires à
l'essence mêmd ee l'autodéterminationet de la souverainetépermanente
sur les ressources naturelles, et elles ne perdent pas ce caractère du fait
que la conclusion de traités avec l'Indonésien'a pas étéexpressément
interdite.
L'attention a été appelée égalemes ntr la question des sanctions. On a
soulignépar exempleque des pratiques tellesque les fournituresd'armes,
depétroleet decapitaux à l'Afriquedu Sud ont été expressémen ctondam-
néeslorsque des sanctions ont étéimposées à ce pays. L'Australie en a
tiré argument pour soutenir que l'Assembléegénérale s'étam itontréedis-
posée,dans les cas appropriés, à condamner des actions particulièresou

à en préconiser et recommandervivement d'autres. On a fait valoir que
l'organisation des Nations Unies n'avait pas demandéexpressémentaux
Etats de s'abstenir d'avoir des relations avec un Etat impliquédans un
différend relatifà l'autodétermination (CR 9519,p. 78) et que le traité
relatif au «Timor Gap» n'avait fait l'objet d'aucune prise de position
expresse.

Voir Kratochwil, Rules, Norrnsand Decisions, 1989. L'existence de sanctions peut indiquer celle d'obligations, mais les
sanctions ne sont évidemmentpas la seule source d'obligations. De fait,
dans une étudedes fondements des obligations en droit international,
Oscar Schachter énumère treize élémentspossibled s, nt un seul estcons-
tituépar les sanctions'.
De plus,

«La recherche la plus poussée,tant en droit interne qu'en droit
international, montre qu'en réalité la contraintene fait pas partie
intégrante et constitutive de la règlejuridique, mais représente un
élémentdistinct qui s'y ajoute pour la parfaire. La sanction ne
conditionne pas l'existencede l'obligation mais seulementson exécu-
tion.»

A son stade actuel de développement,le droit international, au service
des besoins d'une communauté internationale intégrée,exige que l'on
se fasse des obligations internationales une conception plus large que
celleque sous-entendent les conclusionsde l'Australie.
Les résolutions 384 et 389 du Conseil de sécuritéénoncentclairement
certains principes de conduite relatifsà l'autodétermination et à la sou-
verainetépermanente. Ces principes étaient déjàbien établiset consacrés
par le droit international avant d'être appliquéspar lesdites résolutions
au cas précisdu Timor oriental. A mon sens,l'Australie enfreint cesprin-

cipes étantdonnéque son comportement contrevient à l'obligation qui
est la sienne de respecter le droit du peuple du Timor oriental à l'auto-
détermination et à la souveraineté permanente sur ses ressources natu-
relles. L'argument selon lequel l'Australie n'a contrevenu à aucune
injonction de l'organisation des Nations Unies ne saurait l'exonérerde
sa responsabilité.

iii)Obligationsdécoulant del'opposabilitéerga omnes

La Cour considère«qu'il n'ya rien à redireà l'affirmation du Portugal
selon laquelle le droit des peuplesà disposer d'eux-mêmest,el qu'il s'est
développé à partir de la Charte et de la pratique de l'Organisation des
Nations Unies, est un droit opposable erga omnes» (arrêt,par. 29).
Le présentparagraphe sefonde sur cette conclusion. Cette position a en
outre été acceptépear l'Australie et présumée tout au long des audiences.

La jurisprudence de la Cour a joué un rôleimportant dans l'évolution
de la notion d'opposabilité erga onznes.
Dans l'affaire de la Barcelona Traction, la Cour, établissant une dis-
tinction entre les obligationsd'un Etat envers la communauté internatio-

'Oscar Schachter,((Towards a Theory of International Obligation», Virginia Journal
of International Law, 1968,vol. 8, p. 301.
Mohammed Bedjaoui, Pour un nouvel ordre économiqueinternational, 1978,p. 183.nale dans son ensemble et cellesd'un Etat vis-à-visd'un autre Etat dans
le cadre de la protection diplomatique, a relevéque:
«Ces obligations découlentpar exemple, dans le droit internatio-
nal contemporain, de la mise hors la loi des actes d'agression et du
génocide mais aussi des principeset des règlesconcernant les droits

fondamentaux de la personne humaine, y compris la protection
contre la pratique de l'esclavageet la discrimination raciale. Certains
droits de protection correspondants se sont intégrésau droit inter-
national général (Réserves à la conventionpour la préventionet la
répressiondu crimedegénocide, avis consultatif;C.I.J. Recueil 1951,
p. 23); d'autres sont conféréspar des instruments internationaux de
caractère universel ou quasi universel.» (Barcelona Traction, Light
and Power Company, Lirnited, deuxièmephase, arrêt, C. I.J. Recueil
1970, p. 32, par. 34.)

Au paragraphe 35,la Cour a continué dedévelopperceprincipe en fai-
sant observer que pour les obligations de cette catégorie, à la différence
des obligations sujettes a la protection diplomatique, «les Etats [ont]
tous un intérêjturidique a ce qulelle[s] soi[en]t respectée[s]»(C.I.J.
Recueil 1970, p. 32; les italiques sont de moi). Bien entendu, dans
l'affaire de laarcelona Traction, la Cour se prononçait sur des obliga-
tions dues erga omnes.
Dans cette affaire-la, la Cour a préciséque tous les Etats créanciers
d'une obligationont un intérêtjuridique au respect de cette obligation par
1'Etatqui en est le débiteur.Si donc l'Australie a, envers tous les Etats,
l'obligationergaomnesde respecter le droit à l'autodétermination,lePor-

tugal - en tant que puissance administrante du Timor oriental - et le
Timor oriental auraient un intérêtjuridique au respect de cette obligation.
L'affaire du Cameroun septentrional(C.I.J. Recueil 1963, p. 19, les
affaires du Sud-Ouest africain, exceptions préliminaires(C.I.J. Recueil
1962, p. 319) et celle du Sud-Ouest africain, deuxième phase (C.I.J.
Recueil 1966, p. 6), l'affaire desEssais nucléaires(Australie c. France)
(C.I.J. Recueil 1974, p. 253) et celle des Essais nucléaires(Nouvelle-
Zélandec. France) (ibid.,p. 457)'l'affairerelative au Personneldiploma-
tique et consulairedesEtats-Unis à Téhéran (C.I.J. Recueil 1980,p. 3) et
l'affaire relativeà des Actions armées frontalièreset transfrontalières
(Nicaragua c. Honduras), compétenceet recevabilité(C.I.J. Recueil
1988, p. 69) sont d'autres cas dans lesquels la Cour a eu à connaître
d'obligations erga omnes.

Bien que le principe de l'opposabilitéerga omnes semble ainsi avoir
fréquemmentjouéun rôle dans lajurisprudence récente dela Cour, il n'a
pas encorefait l'objet d'une décision définitivedlea part de cettedernière
quant a ses modalités d'application en cas de violation. Par exemple,
dans l'affaire du Cameroun septentrional,la question de savoir si un Etat
membre a qualité pour agir suite a une violation d'un droit opposable
erga omnes n'a pas été tranchéep ,uisque l'affaire a été rejetéeour des
motifs d'opportunité judiciaire.Le rejet des affaires du Sud-Ouest afri-cain lors de l'examen au fond, en 1966,n'a donnélieu à aucune conclu-
sion sur lesobligationsopposables ergaomnes. Les arrêts rendus dansles
affaires des Essais nucléairesne se sont pas prononcés sur le caractère
erga omnes du droit de tous les Etats à jouir de l'absence d'essaisnu-
cléairesdans l'atmosphère.
Aucun arrêtde la Cour n'a donc jusqu'à ce jour abordé les consé-
quences de la violation d'une obligationergaomnes. Sila présenteaffaire
avait dépasséle stade de la compétence,elle aurait précisément permis
que les effetspratiques de la théorie soientenvisagés.Puisque la présente
opinion part du principe que l'affaire devrait êtreexaminéeau fond,

elle doit traiter des conséquencesde la violation d'une obligation erga
omnes.
Toutes lesaffaires précédemmenp tortées devantla Cour ont soulevéla
question d'obligationsdues erga omnes. Cette question se retrouve dans
la présenteinstance, étantdonné que chaqueEtat a une obligation erga
omnes de reconnaître le droit à l'autodétermination et que, dans cette
mesure, si la demande du Portugal est fondée l'Australiea manqué à
cette obligation généraleerga omnes pour ce qui est du Timor oriental '.
Néanmoins, la présenteaffaire a mis en évidencele revers des droits
opposables à tous,à savoir le droit ergaomnesdu peuple du Timor orien-
tal à la reconnaissance de son droit à l'autodétermination et à la souve-

raineté permanente sur ses ressources naturelles. La demande est fondée
sur l'opposabilitéde ce droit à l'Australie.
Dans l'affaire de laarcelona Traction, il n'était pasnécessairepour la
Cour, dans le contexte de l'affaire portée devantelle, de faire des obser-
vations sur les obligationsdues à la communauté internationale dans son
ensemble. Cependant, bien que ses observations aient été faites à titre
d'obiter dicta, la notion d'obligation erga omnes s'est rapidement déve-
loppée par la suite2.
En la présenteaffaire, il est très clairque les conséquencesdu principe
de l'opposabilité erga omnes aboutissent à leur conclusion logique, a
savoir qu'il est possibleque l'obligation qui est le corollaire du droit ait

étéenfreinte. Par conséquent, àmon sens, la violation du droit en ques-
tion devrait donner lieu à l'octroi d'une réparation judiciaire.
En parvenant a cette conclusion, je suis conscient que la Cour n'a
jamais accordé jusqu'ici de réparation judiciaire pour la violation d'un
droit erga omnes. Cependant, les principes sont clairs, et il est manifes-
tement nécessairede reconnaître que ce droit, comme tous les autres,
engendre des obligations correspondantes.

'Pour une étude récente de l'opposabilitéerga omnes comme source générale
International Law», Austrian Journal of Public and International Law, 1994, vol. 46,
p. 131et suiv.
Voir Bruno Simma, «Does the UN Charter Provide an Adequate Legal Basis for
Individual or CollectiveResponses to Violations of Obligations Erga Omnes?», dans Jost
Delbrück (dir. publ.), Future of International Law Enforcement: New Sce-arios
New Law?, 1993,p. 125et suiv. La notion d'opposabilitéà tous est restéeau seuil de la Cour pendant
bien des années. L'inobservation d'obligations opposables erga omnes
provoque une déchirure grave dans le tissu des obligations internatio-
nales, et l'étatactuel du droit international exige qu'il soit donnéune
conclusion logique et juridique aux violations de ces obligations.
En partie parce que les obligations erga omnes n'ont pas jusqu'à ce
jour fait l'objet d'une décisionudiciaire, on a pu dire que: ((11faut bien
constater que le monde des obligations erga omnes est encore celui de la
((virtualité))plutôt que celuide la ((réalité.a présente instancesoulève
des questions qui aident à combler cette lacune.
Je terminerai le présent paragraphe commeje l'ai commencé,en sous-
crivant au prononcéde la Cour sur le caractère erga omnes du droit du
Timor oriental, et je conduirai ce principe jusqu'à ce que je considère

être,commeje l'ai indiqué,sa conclusion logique et juridique.

Cette concIusion est la suivante: on peut démontrer queles obligations
de l'Australie envers le Timor oriental découlent d'une multiplicité de
sources et de considérations juridiques. Chacune d'elles suffirait à elle
seule à fonder en droit ces obligations. Leur valeur cumulée estdécisive.

PARTIE E. L~~ EXCEPTIONS SOULEVÉES PAR L'AUSTRALIE
DU CHEF DE L'OPPORTUNITÉ JUDICIAIRE

L'Australie a soutenu qu'il est d'autres raisons relevant de l'opportu-
nitéjudiciairepour lesquellesla Cour ne devrait pas seprononcer dans la
présenteaffaire (contre-mémoire,par. 306).
Au nombre des raisons invoquées figurentles suivantes:

i) il n'y aurait pas en l'espècede différend justiciable(ibid., par.315-
316);
ii) le Portugal utiliserait mauvais escient les procédures de la Cour
(ibid., par. 306-316);
iii) l'objet dela demande portugaise serait illégitime(duplique, par. 155-
166) ;
iv) l'arrêt serait sans objetcar il ne favoriserait pas les intérdont on

allèguequ'ils doivent êtreprotégés (contre-mémoire,par. 271-278);

v) en tout étatde cause, la Cour ne devrait pas rendre un arrêtqui, faute
de pouvoir ou de compétence,ne pourrait êtreexécuté(duplique,
par. 160-166);
vi) la Cour ne serait pas l'instance appropriée pour le règlementdu dif-
férend (ibid.,par. 167-169) dans la mesure où d'autres organes de

'Simma, «Violations of Obligations Erga Omnesn, op. cit., p. 126. l'organisation des Nations Unies auraient assuméla responsabilité
de négocierun règlement dela question du Timor oriental (contre-

mémoire,par. 288-297).

i) Absence de différendjusticiable

La Cour a conclu qu'il y avait bel et bien un différend justiciable en
l'espèceet je partage respectueusement cette conclusion.

ii) Utilisation desprocédures dela Cour à mauvais escienl

L'Australie a soutenu que, dans cette affaire, il s'agissait:

«d'un trompe-l'oeil - un artifice flagrant par lequel, sous prétexte
d'attaquer la capacitéde l'Australie à conclure le traité,le Portugal
cherche en réalité à priver l'Indonésie desbénéfices de son autorité
sur le Timor oriental)) (CR 95111, p. 47-48).

Cet argument s'inscrit dans la thèse plus générale de l'Australie, selon
laquelle il n'y aurait en fait aucun différend enl'espèce.Or, s'ilexiste un
différend justiciable, commela Cour l'a maintenu, il est alors justifiéet
appropriéde le porter devant la Cour, puisque la raison d'être de celle-ci
est précisément detrancher les différendsjusticiables.
Qui plus est, si l'expression((puissancedministrante)) a un sens, c'est
l'engagement de cette puissance à s'acquitter des obligations solennelles
qui lui incombent en vertu de la ((mission sacrée))dont elle est investie
pour le compte du peuple du Timor oriental. Comme je l'ai fait observer

auparavant, le Portugal aurait violécette obligation fondamentale si, en
sa qualitéde puissance administrante et tout en revendiquant cette qua-
lité,il s'était abstenude prendre les mesures juridiques qui s'offraientà
lui pour protégerlesdroits du peuple du Timor oriental viséspar le traité.
Ce qui est en jeu en l'instance n'est rien de moins que l'affirmation, au
nom d'un territoire n'ayant pas qualitépour agir devant la Cour, de la
violation de deux droits considérés comme fondamentaux en droit inter-
national moderne. Quellequ'en soitl'issue,il y a là un différendéminem-
ment justiciable, porté devant l'instance appropriée.

iii)L'arrêtserait sans objet Iégitime

A ce titre, l'Australie soutient qu'un arrêten faveur du Portugal serait
sans objet légitimedans la mesure où la Cour ne saurait demander à
l'Australie de ne pas respecter des obligations conventionnelles validesà
l'égardd7Etats tiers et où un arrêten faveur du Portugal empêcherait
l'Australie de protégerses droits souverains (contre-mémoire, par. 269-
286). Il a été amplement répondu à ces arguments dans la présente
opinion. L'Australie a dit également, à divers stades de l'affaire, quele
Portugal cherchait notamment àobtenir des avantages en tant qu'ancienne
puissancecoloniale. Il a étdémontrédans d'autresparties de cette opinionque tout avantage que le Portugal pourrait retirer de cette instance
serait conservé strictementdans l'intérêtu peuple du Timor oriental, et
sous le contrôle de l'organisation des Nations Unies.

iv) L'arrêtdemandén'auraitaucun effet utile car ilnefavoriserait pas les
intérêtdsu Timor oriental

Le Portugal a soutenu qu'un arrêt renduen sa faveur aurait l'effetutile
de préserverles droits du peuple du Timor oriental.

L'Australie prétendau contraire que:

«Face à une situation telle que l'envisagele Portugal, il est pro-
bable que tant l'Australie que l'Indonésie exploiterontle secteur de
manière unilatérale, enfaisant abstraction du traitéet en évitantles
conflitsde souverainetédefaçon purement pragmatique. »(Duplique,
par. 160.)
L'Australie prétendpar ailleurs que le traitéest potentiellement beau-

coup plus avantageux pour lepeuple du Timor oriental, «à condition que
l'Indonésie transfère unepartie équitable desbénéfices à la population))
(ibid.). Cette réserveva au cŒurdu problème. On ignoretout, en effet,de
cet hypothétiquetransfert et de ses éventuellesmodalités.
Le rejet decet argument au motif que, de toute façon, une part équitable
des bénéficeosbtenus par un pays tiers reviendra d'une manière ou d'une
autre àla population ne répond pas aux préoccupations qui sont à la base
des principes de l'autodéterminationet de la souverainetépermanente.
Dans sa duplique, l'Australie déclare:

«Quelle que soit la vigueur avec laquelle le Portugal souligne ce
qu'il prétendêtre sonstatut et ses responsabilitésformels, il n'in-
dique nullement en quoi l'obtention d'un arrêten sa faveur modifiera
le moins du monde les droits du peuple du Timor oriental sur ses
ressources au large de ses côtes. Ces droits, comme ceux de 1'Aus-
tralie, persisteront. Aucun arrêtde la Cour ne pourra lesaffecter, vu
la question limitéesur laquelle lePortugal demandeà la Cour de sta-
tuer. (Par. 162; les italiques sont dans l'original.)

Ce passage se comprend difficilement. En effet, l'arrêt quedemande le
Portugal consisterait non pas en une simple affirmation des droits du
peuple du Timor oriental àl'autodéterminationet à la souveraineté per-
manente sur sesressourcesnaturelles, mais en une décisionconcluantque
ces droits sont opposables à l'Australie et que celle-ci, en concluant le
traitérelatif au «Timor Gap», les a violés.Cet arrêt,s'ilavait étrendu,
n'aurait pas étésans conséquencesjuridiques.
Dans l'affaire du Cameroun septentrional, la décision demandée
n'aurait servi aucune fin. Elle portait en effet sur un différend relatif

l'interprétationetà l'application d'un traitéqui n'était plus en vigueuret
il n'y avait plus aucune possibilitéque ce traitéfàtl'avenir l'objetd'unacte d'interprétation ou d'application conforme à un jugement rendu par
la Cour (C.I.J. Recueil 1963,p. 37).Dans cette affaire-là, si la Cour avait
prononcéunjugement déclaratoireaprèsl'extinction del'accord detutelle,
il n'aurait pas étéapplicable pour l'avenir. Dans un ouvrage récent, la
distinctionentre l'affairedu Cameroun septentrionalet la présenteaffaire
a étéanalyséecomme suit:

«Dans l'affaire du Camerounseptentrional,la Cour n'a pas abordé
le fond de l'affaire, car sa décisionne pouvait produire aucun effet
pratique et n'aurait eu aucune incidencesur des droits ou obligations
existants.Il n'aurait pas étéconforme à la fonction judiciaire de ren-
dre un arrêten pareilles circonstances(affaire du Cameroun septen-
trional (Cameroun c. Royaume-Uni), exceptionspréliminaires,arrêt
du 2 décembre1963, C.I.J. Recueil 1963,p. 15). Dans l'affaire du
Timor oriental, cette restriction ne paraît pas s'appliquer'»

L'arrêt demandé en l'espèce nese rapporte pas à un traité éteint,mais
à deux obligationsinternationales fondamentalesqui font bel et bien par-
tie du droit en vigueur. On ne peut pas dire qu'il n'y aura aucune occa-
sion d'appliquer ces principes à l'avenir aux droits du peuple du Timor
oriental. L'affaire du Cameroun septentrionalest donc nettement diffé-
rente.

v) La Courne devraitpas rendreun arrêt done tlle n'ani lepouvoir ni la
capacité d'assurerIéxécution

La Cour, de par sa constitution même, nepossède pas de moyens
d'exécutionet ne doit pas se laisser dissuader de prononcer une décision
appropriéeen droit sur un différend qu'ellecroit devoir trancher simple-
ment parce que, pour des raisons politiques ou autres, sa décision risque
de ne pas êtreexécutée. Laraison d'êtrede la compétence dela Cour est

dejuger et de clarifier le droit, non pas d'exécuteret de mettre en Œuvre.
Le fait mêmequ'un différend justiciable ait dûment fait l'objet d'une
décisionjudiciaire peut avoir en soi une valeur pratique que l'on ne sau-
rait prévoir et dont les conséquences peuvent s'étendre à des domaines
concrets. Ce sont là des questions qui ne relèventpas de la Cour, qui doit
s'acquitter des fonctions judiciaires qui sont les siennesindépendamment
des questions de force exécutoireou d'application qui ne sont pas de son
ressort.

vi) La Cour est-elle l'instanceappropriée ?

Le fait que d'autres organesdes Nations Unies soient saisisde la même
question et soient peut-êtreen train de l'examinerne permet pas de sou-
tenir que la Cour ne doit pas examiner l'affaire, dans la mesure appro-
priéeeu égard auxlimitesde sa compétence. 11n'ya pas lieu d'insistersur

'C. Chinkin, Third Parties in InternLaw,n1993,p. 211,note 105.ce point, compte tenu de l'abondante jurisprudence àcet égard.Chaque
organe de l'organisation des Nations Unies s'est vuattribuer des respon-
sabilités,dans le secteur qui est le sien.Une affaire soumisela décision
de la Cour dans l'exercicede sa fonction judiciaire et dans le domaine de
sa compétencepropre ne doit pas êtreconsidérée comme étrangère à ses
préoccupations, simplement parceque des conséquencespolitiquespour-
raient en résulter, ou parce qu'un autre organe de l'Organisation des
Nations Unies l'examine dans le cadre de son propre domaine de com-
pétence.Avec la clarté quilui étaithabituelle, M. Lachs a fait observer
dans l'affaire deLockerbie que la Cour est

«la gardienne de la légalitpour la communautéinternationale dans
son ensemble,tant à l'intérieur qu'en dehorsdu cadre de l'organisa-
tion des Nations Unies. L'on peut donc légitimementsupposer que
l'intention des fondateurs n'était pas d'encouragercesorganes exer-
cerleursfonctionsparallèlement commeavecdes Œillèresm , ais plutôt
d'avoir entre eux une interaction fructueuse.(Questions d'interpré-
tation et d'application dela convention deMontréalde 1971résultant
del'incidentaériende Lockerbie (Jamahiriya arabe libyennec. Etats-
Unis d'Amérique), mesures conservatoires, ordonnancedu 14 avril
1992, C.Z.J. Recueil 1992, p. 138,opinion individuelle.)

L'Australie allèguequed'autres organes de l'Organisation desNations
Unies ont assumé laresponsabilitéde négocierun règlementde la question
du Timor oriental (contre-mémoire,par. 288 et suiv.),mais cela ne relève
pas la Cour de sa responsabilitépropre dans le domaine qui est le sien.
De surcroît, commeje l'ai déjà indiquél,a présente affairen'est pas de
cellesqui appelleraientune enquêteminutieuse sur toutes lesnuances mili-
taires, diplomatiques et politiques de la situation du Timor oriental. Par
conséquent,la conclusionaustralienne selon laquelle l'objet dudifférendle
rend impropre à une décision judiciairedans la présente instance(voir

contre-mémoire,par. 298-300)ne saurait être retenue.
Le principe de complémentarité des organes del'organisation des
Nations Unies, en vertu duquel chacun d'eux cherche à atteindre par ses
moyens propres lesbuts del'organisation dont ilsfont tous partie, oblige
chaque organe à poursuivre ces buts de la manière adaptée à sa propre
constitution et dans le cadre de son mandat légitime etapproprié.Etant
régulièrementsaisie d'un différend justiciabledans le cadre de ses com-
pétences, laCour ne saurait renoncer à exercer ses fonctions judiciaires
simplementparce qu'un autre organe est égalementsaiside l'affairedont
elle aà connaître.

A. Je partage la conclusion de la Cour selon laquelle il existe belet bien
un différend justiciableentre les deux Parties.
B. Je suis d'accord avec la Cour lorsqu'elle réaffirme l'importancedu
principe de l'autodétermination.C. Le demandeur a qualitépour introduire l'instance; de plus, il a, en
droit international, l'obligation de prendre les mesures nécessaires
pour préserverles droits du peuple du Timor oriental. Tout avantage
qui pourrait lui revenir du fait de la présente instance sera conservé
strictement pour le peuple du Timor oriental.
D. Toutes les exceptions fondéessur l'opportunitéjudiciaire doivent être
rejetées.
E. La présenterequête peut être soutenue en l'absence d'un Etat tiers,
aux motifs suivants :

i) Le Timor oriental est un territoire non autonome reconnu
comme tel par l'Assembléegénéraleet le Conseil de sécurité,
statut que lui reconnaît le défendeur.
ii) Du fait que le Timor oriental est un territoire non autonome,
son peuple est incontestablement titulaire du droit à l'auto-
détermination.
iii) Le droità l'autodétermination constitueune norme fondamen-
tale du droit international contemporain, obligatoirepour tous
les Etats.
iv) Le droit à la souverainetépermanente sur les ressources natu-
relles est un élémentfondamental du droit à l'autodétermina-
tion.
v) Selondesprincipes bien établisdu droit international, lesdroits

à l'autodétermination et à la souverainetépermanente sur les
ressourcesnaturellessont opposables ergaomnes,ceque recon-
naît le défendeur.
vi) Un droit opposable erga omnes créepour tous les Etats une
obligation correspondante, dont l'inexécutionou la violation
peut donner lieu à une demande en réparation à l'encontre de
1'Etatauquel l'inexécutionou la violation serait imputable.
vii) L'obligation ainsi crééepour tous les Etats comporte l'obliga-
tion de reconnaître et de respecter cesdroits, c'est-à-dire,impli-
citement,de ne pas agir d'une manièresusceptible,dans la pra-
tique, de nier ces droits ou d'en compromettre l'exercice.
viii) L'obligation de reconnaître et de respecter ces droits est géné-
rale et globale, contraignante pour tous les Etats. Elle ne se

limite pas aux injonctions ou interdictionsparticulièresou spé-
cifiquesde l'Organisation des Nations Unies.
ix) Le défendeura conclu avecun autre Etat un traité.Dortant sur
une ressource naturelle précieuseet non renouvelable du Timor
oriental, pour une période initialede quarante ans avec renou-
vellement éventuelpour des périodesde vingt ans.
x) Dans le traité,le défendeura expressémentreconnu et accepté
l'incorporation du Timor oriental dans cet autre Etat comme
province dudit Etat.
xi) A aucun moment cet autre Etat n'a étéreconnu par l'organisa-
tion des Nations Unies comme ayant la moindre autoritésur le Territoire non autonome du Timor oriental ou comme ayant
supplanté la puissance administrante dûment reconnue par
l'Assembléegénérale et le Conseil de sécurité.
xii) Le traitéainsi conclu pourrait entraîner l'épuisementpartiel ou
mêmetotal de cette ressource précieuseet non renouvelabledu
Timor oriental.

xiii) Le traiténe préservepas les droits du peuple du Timor oriental
et ne comporte aucune mesure pour le cas où ce peuple choisi-
rait de dénoncerle traité après avoirexercéson droit à l'auto-
détermination.
xiv) Ni le peuple de ce territoire ni la puissance administrante
dûment reconnue n'ont étéconsultés à propos dudit traité.

xv) Le traité a été conclupar le défendeuret un autre Etat «à
l'avantage mutuel de leurs peuples dans la mise en valeur des
ressources du secteur)),sans prévoir pour le peuple du Timor
oriental le moindre avantage découlant de la ressource natu-

relle précieusequi lui appartient.
xvi) Les agissements individuels du défendeur:
a) en concluant ledit traité;
b) en reconnaissant expressémentl'incorporation du Timor
oriental dans un autre Etat;
c) en étantpartie à un arrangement relatif aux ressources non

renouvelables du Timor oriental susceptibled'entraîner leur
épuisementpartiel ou total;
d) en étantpartie à un arrangement relatif aux ressources non
renouvelables du Timor oriental pour lequel n'ont été
consultésni le peuple du Territoire ni ses représentants
dûment reconnus ;
e) en étantpartie à un arrangement qui passe sous silenceles
droits du peuple du Timor oriental et ne viseque des droits
des peuples australien et indonésien;
f) en prenant des mesures de mise en Œuvredu traité,

suscitent de sérieuxdoutes quant à leur compatibilitéavec

a) les droits du peuple du Timor oriental à l'autodétermina-
tion et à la souveraineté permanente sur ses ressources
naturelles;
b) la reconnaissance expresse de ces droits par le défendeur;
c) les obligations du défendeur, correspondant aux droits du
Timor oriental, de reconnaître et respecter ces droits et de
ne pas agir de manière à les compromettre;
d) les obligations du défendeuren application des résolutions
pertinentes de l'Assemblée généraeltedu Conseilde sécurité.

xvii) Selon la jurisprudence bien établie de la Cour, le fait qu'un
arrêtpuisse produire des effets à l'égardd'un tiers absent ne suffitpas en soià priver la Cour de la compétencepour statuer
contre une partie effectivementprésente à l'instance.

xviii) Il peut être statué surla requêtesur la base:

a) des obligations individuellesdu défendeur en vertudu droit
international ;
b) des agissements individuelsde celui-ci;
c) du principe de la responsabilité individuellede 17Etatpour

sespropres actes au regard du droit international,
sans qu'il n'y ait lieu d'examiner le comportement d'un Etat
tiers.

F. Vu que les conclusions qui précèdentse fondent sur les actes unilaté-
raux du défendeur et n'obligent nullement la Cour à examiner ou
juger lecomportement d'un Etat tiers, il n'estpas pertinent en l'espèce
d'invoquer l'affaire del'Or monétaire.
G. A supposer qu'il soit nécessaire d'examiner l'affairede l'Or moné-
taire, les faits propres celle-ci se distinguent nettement de ceux de
l'espèce.Par conséquent, cette décisionest inapplicable.

Je conclus donc que la Cour est compétentepour statuer sur la requête
dont elle est saisie, que l'exception fondéesur l'absence d'un Etat tiers
aurait dû êtrerejetéeet que l'instance aurait dû se poursuivre de manière
à ce qu'ilpuisse être statué. u fait qu'ellesétaient inextricablementliées
à la question préliminaire de la compétence,toutes les pièces dont la
Cour avait besoin pour statuer étaientdevant elle.

(Signé) Christopher Gregory WEERAMANTRY.

Bilingual Content

DISSENTING OPINION OF JUDGE WEERAMANTRY

TABLE OF CONTENTS

Pages

142
143
Linkage betweenjurisdiction and the merits
The background 144
The Timor Gap Treaty 147
Scheme of opinion 149

PARTA. THEPOSITION OF THIRDPARTY STATES

1. The jurisdictional issue
(i) The contentions of the Parties
(ii) The circumstances before the Court
(iii) Do the circumstancesof the case attract any necessityto con-
sider a third state's conduct

(iv) 1s the Court under an obligation to reinvestigate matters
dealt with in the United Nations resolutions?
2. The Monetary Goldprinciple

(i) Subject-matter
(ii) Parties
(iii) Rationale
(iv) Italian and United Kingdom claims distinguished
(v) The third party principle and the judicial duty to decide
(vi) The test of reasonableness
(vii) Prior jurisprudence

(a) Advisory Opinions
(b) Contentious cases
(viii) Subsequent jurisprudence

3. Other relevant factors

(i) Third party safeguards
(ii) The principle of individual State responsibility
(iii) Rights erga omnes
(iv) Increasingly multilateral nature of modern international obli-
gations
(v) The distinction betweena treaty and the unilateral acts from
which it results
(vi) Has the wrong party been sued?
(vii) Historical background
(viii) Conclusion OPINION DISSIDENTE DE M. WEERAMANTRY

[Traduction]

Pages

142

Le lien entre la compétence etle fond
Historique
Le traitérelatif au ((Timor Gap»
Plan de l'opinion

1. La question de la compétence
i) Les thèses des Parties
ii) Les faits de l'espèce
iii) Les faits de l'espècerendent-ils nécessaire d'examinerle com-
portement d'un Etat tiers?
iv) La Cour aurait-elle à réexaminer des questions ayant fait

l'objet de résolutions de l'Organisation desNations Unies?
2. Le principe de l'Or monétaire

i) L'objet
ii) Les Parties
iii) Le raisonnement
iv) Distinction entre les demandes de l'Italie et du Royaume-Uni
v) La règlede la tierce partie et l'obligation desjuges de statuer
vi) Le critère du caractère raisonnable
vii) Jurisprudence antérieure

a) Avis consultatifs
b) Affaires contentieuses
viii) Jurisprudence postérieure

3. Autres facteurs pertinents
i) Garanties des tierces parties

ii) Le principe de la responsabilité individuelle des Etats
iii) Droits erga omnes
iv) Le caractère de plus en plus multilatéral des obligations inter-
nationales modernes
v) La distinction entre un traité et les actes unilatéraux dont il
résulte
vi) L'action est-ellemal dirigée?
vii) Historique de la question
viii) ConclusionPARTB. THE Jus STAND IF PORTUGAL
(i) The respective positions of the Parties
(ii) Structure of United Nations Charter provisions regarding
dependent territories
(iii) 1sthe United Nations a substitute for a displaced administering
Power?

(iv) The right of representation
(v) Resolutions recognizing Portugal's status as administering
Power
(vi) Legal force of the resolutions
(a) General Assembly resolutions
(b) Security Council resolutions

(vii) Does Portugal needprior United Nations authorization to main-
tain this action?

(viii) Are the resolutions affectedby diminishingUnited Nations sup-
port?
(ix) Have the resolutions lapsed through desuetude?
(x) Have the resolutions been nullified by supervening events?

(xi) 1sPortugal's colonial recordrelevant?

(i) East Timor is a territory unquestionably entitled to self-deter-
mination
(ii) The principle of self-determination
(iii) The principle of permanent sovereignty over natural resources

(iv) The relevance of United Nations resolutions on self-determina-
tion

(v) Australia's position inrelation to self-determination
(vi) The incompatibility between recognition of Indonesian sover-
eignty over East Timor and the recognition of East Timor as a
non-self-governing territory
(vii) The suggested clash between the rights of the people of East
Timor and the rights of the people of Australia

A. Obligations under general international law

(i) Obligations stemming from the general sources of interna-
tional law
(ii) Obligations expresslyundertaken by treaty

B. Obligations under United Nations resolutions

C. Somejuristic perspectives
(i) The correlativity of rights and duties
(ii) 1sduty limited to compliance with specificdirections and pro-
hibitions?

(iii) Obligations stemmingfrom the erga omnes concept i) Les positions respectives des Parties
ii) L'économie des dispositionsde la Charte des Nations Unies rela-
tives aux territoires dépendants
iii) Les Nations Unies peuvent-elles se substituer à une puissance
administrante évincée?

iv) Le droit de représentation
v) Les résolutionsqui reconnaissent au Portugal la qualité de puis-
sance administrante
vi) La valeur juridique des résolutions
1. Les résolutionsde l'Assemblée générale
2. Résolutions du Conseil de sécurité

vii) LePortugal avait-il besoin d'uneautorisation préalable de l'Orga-
nisation des Nations Unies pour introduire la présenteinstance?
viii) Les résolutions sont-elles affectéespar l'amenuisement du sou-
tien dont elles ont bénéficié l'Organisation desNations Unies?
ix) Les résolutions sont-elles tombéesen désuétude?
x) Les résolutions ont-elles été rendues caduquepsar lesévénements
ultérieurs?
xi) Les antécédents coloniauxdu Portugal sont-ils pertinents?

i) Le peuple du Timor oriental a indubitablement le droit à dispo-
ser de lui-même
ii) Le principe de l'autodétermination
iii) Le principe de la souveraineté permanente sur les ressources

naturelles
iv) Pertinence des résolutions de l'Organisation desNations Unies
relativesà l'autodétermination
v) La position de l'Australieà l'égard del'autodétermination
vi) La contradiction entre la reconnaissance de la souverainetéindo-
nésiennesur le Timor oriental et la reconnaissance du Timor
oriental en tant que territoire non autonome
vii) Le prétenduconflit entre les droits du peuple du Timor oriental
et les droits du peuple australien

A. Obligations en droit international général
i) Obligations découlantdes sources généralesdu droit interna-

tional
ii) Les obligations expressément souscritesaux termes de traités
B. Obligations qui découlent des résolutionsde l'organisation des
Nations Unies
C. Quelques perspectivesjuridiques

i) La corrélationentre droits et obligations
ii) L'obligation se limite-t-elleà l'exécution d'instructions et
d'interdictions spécifiques?
iii) Obligations découlantde l'opposabilité erga omnes (i) Absence of a justiciable dispute
(ii) Misuse of the process of the Court
(iii) The Judgment would not serve any legitimate object
(iv) The Judgment would serveno usefulpurpose in that it would not
promote the interests of East Timor
(v) The Court should not givea judgment which it has no authority
or ability to satisfy
(vi) 1sthe Court an inappropriate forum?PARTIEE. LES EXCEPTIONS SOULEVÉES PAR L'AUSTRAL IU CHEF DE
L'OPPORTUNITÉ JUDICIAIRE

i) Absence de différend justiciable
ii) Utilisation des procédures de laCour a mauvais escient
iii) L'arrêtserait sans objet légitime

iv) L'arrêt demandé n'aurait aucue nffet utile car il ne favoriserait
pas les intérêtsu Timor oriental
v) La Cour ne devrait pas rendre un arrêtdont ellen'a ni lepouvoir
ni la capacité d'assurer l'exécution
vi) La Cour est-elle l'instanceappropriée? 1respectfully agree with the first part of the Court's decision, wherein
the Court dismisses Australia7s objection that no real dispute exists
between itself and Portugal. It is my view that such a real dispute does
exist and 1 support the Court's Judgment on this point.
1 am also in agreement with the Court's observations in regard to the
right to self-determination of the people of East Timor, their right to per-
manent sovereignty over their natural resources, and the erga omnes
nature of these rights. The stress laid by the Court on self-determination
as "one of the essential principles of contemporary international law"
(Judgment, para. 29) has my complete and unqualified support.

However, 1regret that my conclusions in regard to the second part of
the Judgment differ from those of the great majority of my colleagues,

who have held that the Court cannot adjudicate on Portugal's claim in
the absence of Indonesia. In deferenceto their opinion and in recognition
of the importance of the issue, 1feel obliged to set out in some detail the
reasons for my conclusion that the absence of Indonesia does not prevent
the Court from considering Portugal's claim.

Apart from its being a crucial factor in this case, the principle involved
isimportant to thejurisprudence of the Court, for it concerns the Court's
jurisdictional reach in the wide range of third-party-related disputes
which are increasingly brought before it in a more closely interrelated
world.
Had the Court ruled differently on the preliminary issue of jurisdic-
tion, there are numerous other issues of great importance which it would
have considered in its Judgment. In view of its preliminary ruling, the

Court's Judgment stops, so to speak, "at the threshold of the case" '.It
therefore does not examine such seminal issues as the duties flowing to
Australia from the right to self-determination of the people of East
Timor or from their right to permanent sovereignty over their natural
resources. It does not examine the impact of the Timor Gap Treaty upon
their rights. It does not examinethejus standiof Portugal to institute this
action on behalf of the people of East Timor.

The preliminary objection to the jus standi of Portugal calls into ques-
tion the adequacy of the entire protective structure fashioned by the
United Nations Charter for safeguarding the interests of non-self-govern-
ing territories, not yet in a position themselves to look after their own
interests.
Australia's submissionthat it isnot in breach of any international duty

-
' To use the language of Judge Jessup at the commencement of his dissenting opinion
in South West Africa, Second Phase, Judgment, I.C.J. Reports 1966,p. 325. INTRODUCTION

Je souscris à la première partie de la décisionde la Cour, qui rejette
l'exception soulevéepar l'Australie selon laquelle il n'existe aucun diffé-
rend véritableentre elleet le Portugal. A mon avis, un tel différendexiste
effectivementet j'appuie l'arrêtde la Cour sur ce point.
Je souscris égalementaux observations de la Cour concernant le droit
du peuple du Timor oriental à disposer de lui-même, sondroit à la sou-
veraineté permanente sur ses ressources naturelles et le caractère erga
omnes de ces droits. J'appuie entièrement et sans réserve la Cour

lorsqu'elle insistesur le fait que le droitautodéterminationest «un des
principes essentielsdu droit international contemporain))(paragraphe 29
de l'arrêt).
Cependant, je regrette de parvenir, pour ce qui est de la deuxièmepar-
tie de l'arrêt,des conclusions différentes decellesde la grande majorité
de mes collègues, qui ont estimé que la Cour ne peut statuer sur la
demande du Portugal en l'absence de l'Indonésie. Respectueuxde leur
opinion et conscient de l'importance de la question, je me sens obligé
d'expliquer dans le détailles motifs pour lesquelsje conclus que l'absence
de l'Indonésie ne faitpas obstacleà ce que la Cour examine la demande
du Portugal.
Le principe qui est en jeu ici n'est pas simplement essentiel'instance;
il est important aussi pour la jurisprudence de la Cour, étant donnéles

conséquencesqu'il a sur l'étendue de la compétence decelle-ci à l'égard
des différendstrès variécsoncernant aussi destiers dont elleest de plus en
plus fréquemment saisiedans un monde plus étroitementinterdépendant.
Si la Cour avait tranché différemment la question préliminaire de sa
compétence,elle aurait été amenée à examiner dans son arrêtde nom-
breuses autres questions d'une grande importance. Du fait de sa décision
préliminaire, laCour s'arrêtepour ainsi dire«au seuil de l'affaire'.Par
conséquent,elle n'aborde pas de sujet aussi fécond quecelui des obliga-
tions découlant pour l'Australie du droit à l'autodétermination ou du
droità la souverainetépermanente sur sesressourcesnaturelles du peuple
du Timor oriental. La Cour n'étudiepas lesconséquencesdu traitérelatif
au «Timor Gap» sur les droits de cepeuple. Elle n'examinepas la qualité
du Portugal pour intenter la présenteaction au nom du peuple du Timor
oriental.

L'exception préliminaire soulevée àl'encontre de la qualitépour agir
du Portugal amène à s'interroger sur l'efficacitédu systèmede protection
mis au point par la Charte des Nations Unies pour sauvegarder les inté-
rêts des territoires nonautonomes qui ne sont pas encore en mesure de le
faire eux-mêmes.
L'affirmation de l'Australie selon laquelleelle n'a contrevenu aucune

'Comme l'a dit M. Jessup au débutde son opinion dissidente dans les affaires du Sud-
Ouest africain,deuxièmephase, arrêt,C.I.J. Recueil 1966, p. 325.necessitates a consideration of State obligations implicit in the principle
of self-determination, the very basis of nationhood of the majority of
Member States of the United Nations. It raises also the important juristic
question of the nature of international duties correlative to rights erga
omnes. Are they limited to mere compliance with specificdirections and
prohibitions, or are they set in the context of an overarching principle,
transcending specificdirections and prohibitions?

The jurisdictional objections raised by Australia require some consid-
eration also of the status and legal consequences of resolutions of the
General Assembly and the SecurityCouncil. In addition,there are several
questions relating to judicial propriety which were stressed by Australia
in its submissions.

Linkage between Jurisdiction and the Merits

Sincethese issues were fully argued by both sides, since they are al1of
deep significance, and since the view 1 take crosses the jurisdictional

threshold into the substance of the case, my judicial duty compels me to
address these questions'. In any event, the view 1 take of the jurisdic-
tional objection upheld by the Court requires a consideration of al1these
matters, quite apart from their relevance to the merits. There is in this
case such a close interlinkage between the preliminary objections and the
merits that the former cannot be considered apart from the latter.

At a meeting convened by the President of the Court on 1 June 1992,
in terms of Article 31 of the Rules of Court, the Parties agreed that ques-
tions raised by Australia regarding jurisdiction and admissibility were
inextricably linked to the merits, and should therefore be heard and

determined along with the merits. There was therefore a full hearing,
both on the preliminary issues and on the merits.

This was in line with the position stated in the Australian Counter-
Memorial that :

"these bars to the Court's right to hear the claim are, in this case,
inextricably linked with the merits so that it could be difficult to deal
with them separately and to establish that they possess an exclu-
sively preliminary character" (Counter-Memorial, para. 20).

In the result, this case does not present that sharp division between
questions of jurisdiction and admissibility, and questions relating to the

' See Judge Jessup, in South WesAfrica ":ince it is my finding that the Court has
(IC.J. Reports 1966,p. 325.)myjudicial duty to examine the legal issues int. .."aseobligation internationale rend nécessaireun examen desobligationsdécou-
lant implicitement pour les Etats du principe d'autodétermination, qui
constitue le fondement même del'existence, entant que nations, de la
majoritédes Etats Membres de l'organisation des Nations Unies. Cette
affirmationsoulèveégalement la questionjuridique importante de la nature
des obligations internationales qui correspondent à des droits opposables

erga omnes. Ces obligations se limitent-ellesau simple respect de direc-
tives et interdictions déterminées, ous'inscrivent-ellesdans la perspective
d'un principe supérieur, qui transcendeces directives etinterdictions?
En raison des exceptions à la compétencequi ont étésoulevéespar
l'Australie, il convient d'examiner aussile statut et les effetsjuridiques
des résolutions del'Assembléegénérale et du Conseil de sécuritéD. e plus,
l'Australie a mis l'accent, dans ses conclusions, sur plusieurs questions
relativesà l'opportunitéjudiciaire.

Le lien entre la compétenceet lefond

Il est de mon devoir dejuge d'examiner ces questions puisqu'ellesont
été plaidées d'une manière exhaustiv par les deux Parties, qu'ellesrevê-
tent toutes une très grande importance et que mon analyse dépassele
seuil de la compétencepour aborder le fond l.Quoi qu'il en soit,le point
de vue quej'adopte en ce qui concerne l'exception à la compétenceque la
Cour a accueilliem'oblige à examiner toutes cesquestions, quelle que soit
leur pertinence quant au fond de l'affaire. En effet, dans la présente
instance, les exceptions préliminaires etle fond sont si étroitementliés
qu'ils ne peuventêtreconsidérés séparément.
Lors d'une réunion tenuele le'juin 1992 à la demande du Président,en

application de l'article 31 du Règlement de la Cour, les Parties sont
convenues que les questions soulevéespar l'Australie concernant la com-
pétence etla recevabilité étaient inextricablemenltiéesau fond et qu'elles
devaient êtretranchéesdans le cadre de l'examen au fond. Il a donc été
procédé à un examen exhaustif à la fois sur les questions préliminaireset
sur le fond.
Cette décisionétaitconforme à la position que l'Australie a prise dans
son contre-mémoire,et selon laquelle :

«ces obstacles qui empêchent laCour de connaître de la demande
sont, en l'espèce,inextricablement mêléasu fond, de sorte qu'ilserait
difficilede les traiter séparément et d'établir qu'iolsnt un caractère
exclusivementpréliminaire)) (contre-mémoirep , ar.20).

Par conséquent,on ne trouve pas dans la présente instance la division
tranchéeque l'on constate fréquemmentdans lesaffaires dont la Cour est

'Voir la déclaration de M. Jessup dans les affaires précitéesdu Sud-Ouest africain:
«Comme je suis arrivàla conclusion que la Cour est compé..je pense qu'il est de
mon devoir dejuge d'examiner lesproblèmesjuridiques soulevéspar la présente affaire
(C.I.J. Recueil 1966, p. 325.)merits, that is often present in cases before this Court, such as the South

West Africa cases.

The Background

A short preliminary recital of some of the surrounding circumstances
willplace in context the ensuing legal discussions.
Portugal's long colonial occupation of East Timor, which had com-
menced in the sixteenth century, came toan end more than four centuries
later in 1975, when the Portuguese administration withdrew from the
Territory. Initially the Portuguese administration withdrew from the
mainland to the island of Atauro, also a part of the Territory, on
27 August 1975. Three months after the Portuguese evacuation of the
mainland, on 28 November 1975, FRETILIN (Frente Revolucionaria de
Timor-Leste Independente), a group seekingindependence for the Terri-

tory, declared independence. A few days later, on 7 December 1975,
Indonesian military forces entered East Timor. The next day the Portu-
guese administration withdrew from Atauro.

Indonesia has been incontrol of the Territory sincethe entry of its mili-
tary forces, and enacted a law on 17July 1976incorporating East Timor
into its national territory, on the basis that the people of East Timor had
on 31 May 1976requested Indonesia to accept East Timor as an integral
part of Indonesian territory. However, this incorporation has not thus far
been accepted or recognizedby the United Nations which, in the language
of the Secretary-General, is engaged in the search for "a comprehensive
and internationally acceptable solution to the question of East Timor"'.

The question of East Timor, still not the subject of the internationally
acceptable solution sought by the Secretary-General, receivescontinuing
attention in the reports of the Secretary-General. It is also kept by the
General Assembly as an item on its agenda from year to year.
Several resolutions of the Security Council and the General Assembly
refer to the circumstances in which the Portuguese withdrawal and the
Indonesian occupation occurred. It will suffice to refer at this point to
two SecurityCouncil resolutions - resolutions 384and 389of 22Decem-
ber 1975and 22 April 1976, respectively.
The first of these noted that General Assembly resolution 3485(XXX)
of 12December 1975had requested the Committee of Twenty-Four (the
SpecialCommittee on the Situation with regard to the Implementation of

the Declaration on the Granting of Independence to Colonial Countries
and Peoples) to send a fact-findingmission to East Timor, and expressed
grave concern at the deterioration of the situation in that Territory.

'Progress Report of Il September 1992, Ai471435,para. 1 (see Reply, Vol. II,
Organization, September 1994,M4911,para. 505.the Secretary-General on the Work of thesaisie, comme par exemple les affaires du Sud-Ouesa tfricaien ntre les
questions relevant de la compétence et la recevabilité, d'unepart, et les
questions relevant du fond, d'autre part.

Historique

Un bref rappel des faits permettra de replacer dans leur contexte his-
torique les points d'ordre juridique analyséspar la suite.
La longue occupation coloniale du Timor oriental par le Portugal, qui
avait débutéau XVIesiècle,a pris fin plus de quatre cents ans plus tard,
en 1975, lorsque l'administration portugaise s'est retiréedu Territoire.
Dans un premier temps, l'administration portugaise a quitté l'île de
Timor pour seretirer le 27août 1975sur l'île d'Atauro, qui fait également
partie du Territoire. Le 28 novembre 1975,c'est-à-dire trois mois après
l'évacuation del'île de Timor par le Portugal, le FRETILIN (Frente
Revolucionaria de Timor-Leste Independente), un groupe qui revendi-

quait l'indépendancepour le Territoire, a proclamé cette indépendance.
Quelques jours plus tard, le 7 décembre1975,les forces militaires indo-
nésiennesentraient au Timor oriental. Le lendemain, l'administration
portugaise quittait Atauro.
L'Indonésie contrôlele Territoire depuis l'entrée deses forces mili-
taires. Le 17juillet 1976,elle a adoptéune loi qui incorporait le Timor
oriental dans son territoire national, en affirmant que le peuple du Timor
oriental lui aurait demandéle 31mai 1976d'accepterque le Timor orien-
tal fassepartie intégrantedu territoire indonésien.Cependant, cette incor-
poration n'a encore éténi acceptée ni reconnuepar l'organisation des
Nations Unies, laquelle, selon lestermes mêmesdu Secrétairegénérae l,st
à la recherche ((d'unesolution globale et acceptable sur leplan internatio-
nal de la question du Timor oriental)) '.Cette question, qui n'a toujours
pas reçu la solution internationalement acceptable que recherchele Secré-
taire générale,strégulièremena tbordéedans lesrapports decelui-ci.L'As-

sembléegénérale l'inscrit égalemen ct aque année à son ordre du jour.
Plusieurs résolutionsdu Conseil de sécurité et del'Assembléegénérale
font étatdes circonstances du retrait portugais et de l'occupation indo-
nésienne. Il suffit pour l'instant de se référer à deux résolutions du
Conseil de sécuritél,es résolutions384, du 22 décembre1975,et 389, du
22 avril 1976.
Dans la première de ces résolutions,le Conseil de sécuriténote tout
d'abord quel'Assemblée généraled ,ans sarésolution3485 (XXX)du 12dé-
cembre 1975,a demandéau Comitédes Vingt-Quatre (le comité spécial
chargé d'étudier la situation en ce qui concerne l'application de la décla-
ration sur l'octroi de l'indépendanceaux pays et aux peuples coloniaux)
d'envoyer unemission d'enquêteau Timor oriental, puis exprime sa pro-

'Rapport intérimaire du 11 septembre 1992, doc. Al471435,par. 1 (voir réplique,
vol.II, annexe 1.8).Voir, dans le même sensl,e rapport du Secréslur l'activité
de l'organisation, 2 septembre 1994,doc. A/49/1, par. 505.Expressing grave concern also at the loss of life in East Timor, it

deploredthe intervention of the armed forces of lndonesia in East Timor.
The resolution further expressedregret that the Government of Portugal
had not discharged fully its responsibilities as administering Power in the
Territory under Chapter XI of the Charter.

Against this background, i:
"1. Calls upon al1States to respect the territorial integrity of East

Timor as wellas the inalienable right of its people to self-determina-
tion in accordance with General Assembly resolution 1514(XV);

2. Calls upon the Government of Indonesia to withdraw without
delay al1its forces from the Territory;
3. Callsuponthe Government of Portugal as administering Power
to CO-operatefully with the United Nations so as to enable the
people of East Timor to exercise freelytheir right to self-determina-
tion;
4. Urgesal1States and other parties concerned to CO-operatefully
with the efforts of the United Nations to achievea peaceful solution
to the existing situation and to facilitate the decolonization of the
Territory."

The second resolution again reaffirmed:
"the inalienable right of the people of East Timor to self-determina-
tion and independence in accordance with the principles of the
Charter of the United Nations and the Declaration on the Granting

of Independence to Colonial Countries and Peoples, contained in
General Assembly resolution 1514(XV) of 14December 1960"
and called upon al1States:

"to respect the territorial integrity of East Timor, as well as the
inalienable right of its people to self-determination in accordance
with General Assembly resolution 1514 (XV)".
It also called upon the Government of Indonesia "to withdraw without
further delay al1its forces from the Territory".
Australia was heard before each of these Security Council resolutions

was passed.
Six days before the first resolution, at the 1865thmeeting of the Secu-
rity Council, held on 16 December 1975,the Australian representative,
invited by the President to make a statement, observed:

"The immediate requirement as we see it, is for a cease-fire, to
spare the people of Timor further bloodshed and to create a climate
in which a constructive programme of decolonization can be

resumed" (United Nations, Official Records of the Security Council,fonde préoccupation face àla détériorationde la situation dans ce terri-
toire. Le Conseil de sécuritése dit égalementprofondément préoccupé
par lespertes en vieshumaines au Timor oriental et déplorel'intervention
des forces armées indonésiennes sur ce territoire. Enfin, il regrette que le
Gouvernement portugais ne se soit pas pleinement acquittédes respon-
sabilitésquilui incombent en tant que puissance administrante du Terri-
toire aux termes du chapitre XI de la Charte.
En conséquence,le Conseil de sécurité:

(1. Demande à tous les Etats de respecter l'intégritéterritoriale
du Timor oriental ainsi que le droit inaliénablede son peuple à
l'autodétermination, conformément à la résolution 1514 (XV) de
l'Assembléegénérale ;
2. Demande au Gouvernement indonésien deretirer sans délai
toutes ses forces du Territoire;

3. Demande au Gouvernement portugais, en tant que puissance
administrante, de coopérer pleinement avec l'Organisation des
Nations Unies afin de permettre au peuple du Timor oriental d'exer-
cer librement son droità l'autodétermination;
4. Prie instamment tous les Etats et toutes les autres parties inté-
resséesdecoopérerpleinement avecl'organisation desNations Unies
dans ses efforts pour apporter une solution pacifiqueà la situation
existante et faciliter la décolonisation du Territoire.

Dans la seconde résolution,le Conseil réaffirme denouveau:
«le droit inaliénabledu peuple du Timor orientalà l'autodétermina-
tion età l'indépendance conformément auxprincipes de la Charte
des Nations Unies et à la déclaration sur l'octroi de l'indépendance
aux pays et aux peuples coloniaux,contenue dans la résolution1514

(XV) de l'Assemblée généraleen date du 14décembre 1960));
et demande à tous les Etats

«de respecter l'intégritéterritoriale du Timor oriental ainsi que le
droit inaliénablede sonpeuple àl'autodétermination,conformément
àla résolution 1514(XV) de l'Assembléegénérale)).
Le Conseil demande égalementau Gouvernement indonésien de«retirer
sans plus tarder toutes ses forces du Territoire)).

L'Australie a étéentendue avant l'adoption de chacune de ces résolu-
tions par le Conseil de sécurité.
Sixjours avant l'adoption de la première résolution, lors de la 1865"
séancedu Conseil de sécurité tenue le 16décembre1975,le représentant
de l'Australie, invitépar le présidentprendre la parole, a déclarce qui
suit:

((L'exigenceimmédiate nous semble être uncessez-le-feu pour
épargner à la population de Timor une nouvelle effusion de sang et
pour créerun climat dans lequel pourra reprendre un programme
constructif de décolonisation» (Nations Unies, Documents of$ciels Thirtieth Year, 1865th Meeting, 16 December 1975, para. 99; see
Memorial, Vol. II, Ann. 11.24)

and he concluded his statement as follows:
"In conclusion, 1would once again emphasize, as indeed the Gen-
eral Assembly did in its resolution 3485 (XXX), that the purpose
and aim of the United Nations, underlying any action which the
Council may decide, is to enable the people of the Territory freelyto

exercisetheir right to self-determination. The main question now is
to establish conditions in which the people of Timor can make its
own free choice." (Ibid., para. 106; Memorial, ibid.)

Eight days before the second resolution, at the 1909th Meeting of the
Security Council held on 14 April 1976, the Australian representative,
again invited by the President to make his statement, said:

"In my last statement to the Council on East Timor [1865thmeet-
ing] 1 emphasized that the Australian Government and people were
most conscious that a stable settlement in East Timor could rest only
on the free choice by the people concerned. It remains the firm
policy ofthe Australian Government that the people of the Territory
should exercise freely and effectively their right to self-determina-
tion, and, if their decision is to have any validity, it must be made in
the full knowledge of the alternatives from which they are to make
their choice. My Government does not, however, presume to lay
down any precise formula or modalities for self-determination. We
should prefer to respond to the wishes of the Timorese people them-
selvesas to the best means by which they might genuinely exercise
their right of self-determination." (United Nations, OfJicialRecords
of the Security Council, Thirty-Jirst Year, 1909thMeeting, 14April

1976,para. 38; see Memorial, Vol. II, Ann. 11.25.)

It is not necessary at this point to recapitulate the terms of the several
General Assembly resolutions (eight in all), each of which stressed the
importance of East Timor's right to self-determination, and proceeded on
the basis that that right had yet to be exercised. They will be referred to
in due course later in this opinion.
Portugal, claiming that it is still the administering Power of East
Timor, seeks relief in this case against Australia in relation to a Treaty
entered into on 11December 1989between Australia and Indonesia. The
Treaty related to the resources lying between the coastal littorals of East

Timor and Australia. This Treaty has been referred to in the proceedings
as the Timor Gap Treaty, from the circumstance that the delimitation of
the continental shelf between Australia and Indonesia stopped short on
either side of that portion of the shelf lying between the south coast of
East Timor and the north coast of Australia. This undelimited part of the du Conseil de sécurité,trentième année,1865"séance,16 décembre
1975,par. 99; voir mémoire, vol.II, annexe II.24),
et il a conclu:

«je voudrais soulignerà nouveau, comme l'a faitl'Assemblée géné-
rale, du reste, dans sa résolution3485(XXX), que l'objectif etle but
des Nations Unies, à la base de toute action que le Conseil pourrait
arrêter,consistentà permettre à la population du Territoire d'exer-
cer librement son droit à l'autodétermination. La question qui se
pose maintenant avant tout, c'estla créationdes conditions dans les-
quelles les Timorais pourront eux-mêmes exercer leur libre choix.
(Ibid., par. 106; voir mémoire,ibid.)

Huit jours avant l'adoption de la seconde résolution, c'est-à-dire lors
de la 1909"séancedu Conseil de sécurité tenuele 14avril 1976,le repré-
sentant de l'Australie, de nouveau invitépar le président à prendre la
parole, a déclaréce qui suit:
«Dans ma dernièredéclarationdevant le Conseil sur la question

du Timor oriental [1865"séance],j'ai soulignéque le Gouvernement
et le peuple australiens se rendaient parfaitement compte qu'un
règlement stable de lasituation au Timor oriental ne pouvait reposer
que sur le libre choix du peuple intéressé. Telle esttoujours la poli-
tique du Gouvernement australien, à savoir que le peuple du Terri-
toire doit exercer librement et effectivementson droit l'autodéter-
mination et que, sil'on veutque cette décisionait quelque validité,il
faut qu'elle soit prise avec lapleine conscience des diverses options
offertes. Mon gouvernement n'a toutefoispas la prétentionde pré-
senter une formule ou des modalitésprécisespermettant l'autodéter-
mination. Nous préférerionsnous en remettre aux vŒuxdu peuple
timorais lui-mêmequant à la meilleure façon dont il peut vérita-
blement exercer son droit à l'autodétermination.)) (Nations Unies,
Documents officiels du Conseil de sécurité,trente et unièmeannée,
1909"séance,14avril 1976,par. 38;voir mémoire, volI.I, annexe11.25.)

Il n'est pas nécessairà ce stade de rappeler les libellésdes huit réso-
lutions de l'Assembléegénéralequi ont toutes souligné l'importancedu
droit du peuple du Timor oriental à l'autodétermination et présumé que
ce droit restaià exercer. Elles seront mentionnées plus loin,le moment
venu.
En l'instance,le Portugal, prétendant qu'il demeure la Puissancedmi-
nistrante du Timor oriental, demande à l'Australie réparation en raison

du traitéqu'ellea conclu le 11décembre1989avecl'Indonésie surlesres-
sources situéesentre les côtes du Timor oriental et celles de l'Australie.
Au cours de l'instance, ce traité a été dénommé «le traité relatif au
«Timor Gap», du fait que l'Australie et l'Indonésieont laissé endehors
de la délimitationde leurs secteurs respectifs du plateau continental la
partie situéeentre la côte méridionaledu Timor oriental et la côte sep-
tentrionale de l'Australie. La partie du plateau continental qui demeurecontinental shelf is referred to as the Timor Gap (Memorial, Vol. 1,
para. 2.01).
It should be added that the jurisdiction of this Court is based upon
Australia's declaration under Article 36(2) of the Statute, by which Aus-
tralia has submitted to the jurisdiction of this Court. Indonesia has not
filed a declaration under Article 36 (2).
A word needs also to be said about Portugal's past colonial record,
concerningthe legal relevance of which there willbe more discussionin a
later part of this opinion. Australia has argued that it has left much to be
desired. Portugal had indeed resolutely opposed the principle of self-
determination for its colonies. It should be noted, however, that after the
change of régimein Portugal on 25 April 1974,the Portuguese Govern-
ment reaffirmed its obligations under Chapter XI of the Charter and, on
24 July 1974,the Council of State of Portugal approved a constitutional

law abrogating the former territorial definition of the Republic of Portu-
gal and acknowledging the right of self-determination, including inde-
pendence, for Territories under Portuguese administration (Memorial,
Vol. II, Ann. 11.6).

The Timor Gap Treaty

This Treaty, entered into on 11December 1989between Australia and
Indonesia, is alleged by Portugal to infringe the rights of the people of
East Timor. It is titled "Treaty between Australia and the Republic of
Indonesia on the Zone of Cooperation in an area between the Indonesian
Province of East Timor and northern Australia" (Application, Ann. 2,
text of the Agreement of 11 December 1989).The preamble recites the
desire of the Parties to

"enable the exploration for and exploitation of the petroleum
resources of the continental shelf of the area between the Indonesian
Province of East Timor and northern Australia yet to be the subject
of permanent continental shelf delimitation between the Contracting
States".

These petroleum reserves have been estimated, according to Portugal, at
between 500 million and 5,000 million barrels'. Whatever their precise
extent, they may safely beassumed to be of considerable value.
Under the Treaty, a joint Australian/Indonesian régime wasset up for
exploiting the oil resources on the continental shelf between Australia
and East Timor. The Treaty expressed the desire of the parties that
"exploration for and exploitation of these resources proceed without
delay", and provided for a sharing of these resources as between the two

'Memorial, Vol. 1,para. 2.02(citingAustralian Yearbookof International Law, 1981-
1983,Vol. 10, p. 135). Some estirnates, according to a source cited in the Portuguese
Memorial, arrive at a figureof "up to 7,000million barrels, aswellas a million barrels of
distillates"etroleum Gazette, No. 3, 1988,p. 18).ainsi non délimitéeest dénomméele ((Timor Gap» (mémoire, vol.1,
par. 2.01).
Il convient d'ajouter que la compétence dela Cour se fonde sur la
déclaration d'acceptation de lajuridiction de la Cour faite par l'Australie
en application du paragraphe 2 de l'article 36 du Statut. L'Indonésie n'a
pas déposé dedéclarationau titre de cette disposition.
Il faut égalementdire un mot du passécolonial du Portugal, dont la

pertinencejuridique sera examinéeplus en détail dansune autre partie de
la présente opinion. D'après l'Australie,ce passé laissebeaucoup à dési-
rer. En effet, le Portugal avait résolument rejetéle principe de l'autodé-
termination pour ses colonies. Cependant, à la suite du changement de
régimesurvenu le 25 avril 1974,le Gouvernement portugais a réaffirmé
ses obligations en application du chapitre XI de la Charte et, le 24juillet
1974,le Conseil d'Etat du Portugal a approuvéune loi constitutionnelle
abrogeant l'ancienne définitiondu territoire de la République portugaise
et reconnaissant le droità l'autodétermination,y comprisl'indépendance,

des territoires sous administration portugaise (mémoire, vol. II,
annexe 11.6).

Le traité relatif au«Timor Gap ))

Le Portugal prétend que ce traité conclu le 11 décembre1989 entre
l'Australie et l'Indonésie porte atteinte aux droits du peuple du Timor
oriental. Il est intitulé ((Traité entre l'Australie et la République de
l'Indonésierelatif à la zone de coopération établie dansun secteur situé
entre la province indonésienne du Timor oriental et l'Australie septen-
trionale))(requête,annexe 2, texte de l'accord du 11décembre1989).Son

préambuleénoncele souhait des parties
«de permettre l'exploration et l'exploitation des ressources pétro-
lièresdans le secteur du plateau continental situé entre la province
indonésiennedu Timor orientaletl'Australieseptentrionale et devant
encore faire l'objet d'une délimitation permanente entre les Etats

contractants ».
Selon le Portugal, ces ressources pétrolièresont été estimée asun volume
de 500 millions à 5 milliards de barils1. Mais quel qu'en soit le volume
exact,on peut présumersanscrainte qu'ellesont une valeur considérable.

Le traitéa mis sur pied un régimeconjoint australo-indonésien pour
l'exploitation des ressourcespétrolièresdu plateau continental situéentre
l'Australie et le Timor oriental. Le traitéexprime le souhait des parties
que «l'exploration et l'exploitation de ces ressources commencent sans
retard)) et prévoitle partage entre les deux gouvernements des ressources

-
'Mémoire, vol.1, par. 2.02, citant Australian Yearbook of International Law, 1981-
1983,vol. 10,p. 135.Selon une source citéedans le mémoire portugais, certaines estima-
tions «arriventjusqu'à 7milliards de barils, plus un million de barils de distillats)) (Petro-
leum Gazette, no 3, 1988, p. 18).Governments in a Zone of Cooperation between the "Indonesian Prov-
ince of East Timor" and northern Australia, comprising three areas, A, B
and C, on the following basis:

"(a) In Area A, there shall be joint control by the Contracting
States of the exploration for and exploitation of petroleum
resources, aimed at achieving optimum commercial utilization
thereof and equal sharing between the two Contracting States
of the benefits of the exploitation of petroleum resources, as
provided for in this Treaty;

(b) In Area B, Australia shall make certain notifications and share
with the Republic of Indonesia Resource Rent Tax collections
arising from petroleum production on the basis of Article 4 of

this Treaty; and

(c) In Area C, the Republic of Indonesia shall make certain noti-
fications and share with Australia Contractors' Income Tax
collections arising from petroleum production on the basis of
Article 4 of this Treaty." (Application, Ann. 2, text of the
Agreement of 11 December 1989,Art. 2.)

Article 33 provides that the Treaty shall remain in force for an initial
period of 40 years from the date of its entry into force. Unless the two
Contracting States agree otherwise, it shall continue in force after the ini-
tial 40-year term for successiveterms of 20 years, unless by the end of
each term, including the initial term of 40 years, the two States have con-
cluded an agreement on the permanent continental shelf delimitation in
the area covered by the Zone of Cooperation.

The preambular paragraph to the Treaty recites that they are provi-
sional arrangements which "do not jeopardize or hamper the reaching of
final agreement on the delimitation of the continental shelf'.
To give effect to this Treaty, the Petroleum (Australia-Indonesia Zone
of Cooperation) Act 1990(No. 36 of 1990)was passed by the Parliament
of Australia. Article 3 states that the object of the Act is to enable Aus-
tralia to fulfil its obligations under the Treaty. Under Article 8:

"A person must not undertake petroleum operations in Area A
of the Zone of Cooperation except under and in accordance with a
production sharing contract, or with the approval of the Joint
Authority" (Application, Ann. 2),

established under Article 7 of the Treaty.
The interna1legislativemeasures taken by Australia for the implemen-
tation of the Treaty are among the acts which are alleged by Portugal to
infringe the rights of the people of East Timor, the powers of Portugal asd'une zone de coopération constituée detrois aires, A, B et C, et située
entre la ((provinceindonésiennedu Timor oriental)) et l'Australie septen-
trionale, selon les modalités suivantes:
«a) dans l'aire A, les Etats contractants exercent la direction
conjointe de l'exploration et de l'exploitation des ressources

pétrolières,en vue de parvenir à une utilisation commerciale
optimale desdites ressources et au partage équitable entre les
deux Etats contractants des profits de l'exploitation des res-
sources pétrolières, conformémentaux dispositions du présent
traité;
b) dans l'aire B, l'Australie adresse certaines notifications à la
République d'Indonésie ep t artage avec elle lesrecettes fiscales
perçues, au titre de l'impôt locatif sur les ressourcespétrolières,
sur la production pétrolièreen vertu de l'article 4 du présent
traité;
c) dans l'aire C, la République d'Indonésie adresse certainesnoti-
ficationsà l'Australie et partage avec elle les recettes fiscales
perçues au titre de l'impôt sur le revenu des entrepreneurs sur

la production pétrolièresur la base de l'article 4 du présent
traité))(requête, annexe2, texte de l'accord du 11 décembre
1989,art. 2).
Selon son article 33, le traitésera en vigueur pendant une période ini-
tiale de quarante ans à compter de la date de son entréeen application.
Sauf accord contraire des Etats contractants, à l'expiration de la période
initiale de quarante ans, il demeure en vigueur pour des périodessucces-

sives de vingt ans, à moins qu'avant la fin d'une période,y compris le
terme initial de quarante ans, les deux Etats contractants ne concluent un
accord de délimitation permanente du plateau continental dans le secteur
couvert par la zone de coopération.
Le préambuledu traitéfait mention d'arrangements provisoires ayant
pour effet de«ne pas compromettre ni entraver la conclusion d'un accord
définitifsur la délimitationdu plateau continental)).
Pour donner effet au traité,le Parlement australien a adoptéla loi de
1990sur les pétroles (zone decoopérationAustralie-Indonésie) (loi no 36
de 1990).L'article 3 de cette loi indique qu'elle visà permettre à 1'Aus-
tralie de s'acquitter des obligations que le traitémet à sa charge. Selon
l'article 8:

«Nul ne peut entreprendre des opérationspétrolièresdans l'aireA
de la zone de coopération, si ce n'est dans le cadre d'un contrat de
partage de la production et conformément à un tel contrat, et avec
l'approbation de l'autorité conjointe))(requête, annexe2),

constituée en application de l'articl7 du traité.
Les mesures de législationinterne prises par l'Australie pour mettre en
Œuvre letraitéfont partie des actes qui, selon le Portugal, contreviennent
aux droits du peuple du Timor oriental, aux pouvoirs du Portugal en saadministering authority, the relevant Security Council resolutions and
the obligationsincumbent on Member States to CO-operatein good faith
with the United Nations.

Scheme of Opinion

This opinion will analyse in Part A the third party rule, concentrating
on what has been described as the principle in Monetary GoldRemoved
from Rome in 1943, which has been urged by Australia as presenting a
preliminary objection to the Court's jurisdiction. This principle is the
basis on which Portugal's action is dismissed by the Court. The purpose
of this analysis is to ascertain whether Australia's actions, taken by them-
selves, can be viewed as constituting a breach by Australia of its own
duties under international law, quite apart from the dutiesand actions of
Indonesia. If the answer to this question is in the affirmative, an inde-
pendent cause of action would be maintainable against Australia, with-
out any necessityto pass judgment upon the legal duties and conduct of
Indonesia.
Part Bwilldeal with the objectionrelating to Portugal's status to insti-
tute these proceedings. Arnong the matters arising under this head are the
protectivestructure of the United Nations Charter in relation to non-self-

governing territories, the legal force of the relevant United Nations reso-
lutions, and the question whether Portugal needed prior United Nations
authorization to maintain this Application.

The question of jurisdiction depends on whether a cause of action can
be made out against Australia, based upon Australia's individualobliga-
tions under international law, and Australia's individual actions, quite
independently of Indonesia. For this purpose, it will be necessary in this
opinion to examine the rights of East Timor under international law, and
the international obligations of Australia in relation to those rights.

Part C therefore examines the rights of self-determinationand perma-
nent sovereignty over natural resources enjoyed by the people of East
Timor. These are the principles on which Portugal's substantive case
depends. Granted the applicability of these principles to East Timor, the
central question for determination is whether the actions of the Respon-
dent State are in accordance with those principles.
Part D will analyse the international obligations of Australia. It will
scrutinize the juristic nature of the general legal duties lying upon al1

States in respect of self-determination, and the particular legal duties
lying upon Australia vis-à-vis East Timor. It will then examine whether,
through its conduct in entering into the Timor Gap Treaty, Australia was
in breach of its international legal duties.

Part E deals with matters relating to judicial propriety, on which a
many-faceted argument was presented by Australia. This opinion doesqualitéde puissance administrante, aux résolutionspertinentes du Conseil
de sécuritéet à l'obligation qu'ont les Etats Membres de coopérer de
bonne foi avec l'organisation des Nations Unies.

Plan de l'opinion

La partie A de la présenteopinion consiste en une analyse de la règle
de la tierce partie et porte une attention particulière à ce qui a été
dénomméle principe de l'Or monétairepris à Rome en 1943, que 1'Aus-
tralie a invoquéà l'appui de son exception préliminaireà la compétence
de la Cour. C'est sur ce principe que se fonde la Cour pour débouterle
Portugal. L'analyse visera à vérifiersi les agissements de l'Australie

peuvent, en soi, êtreconsidérés commedes violations par celle-ci des
obligations internationales qui lui incombent indépendamment des obli-
gations et des agissements de l'Indonésie.Si tel est le cas, il existecontre
l'Australie un motif d'action autonome, sans qu'il soit nécessairede
statuer sur les obligations juridiques et le comportement de 1'Indo-
nésie.
La partie B traite de l'exception préliminaire relatiàela qualité du
Portugal pour introduire la présenteinstance. Les questionsqui seposent
à ce titre sont notamment celle du systèmede protection des territoires
non autonomes mis au point par la Charte des Nations Unies, celle de
l'effetjuridique des résolutionspertinentesde l'organisation des Nations
Unies et celle de savoir si le Portugal devait obtenir l'autorisation préa-
lable de l'organisation pour déposer sarequête.
L'établissement dela compétence dépend de la preuve d'un griefcontre

l'Australie qui serait fondé surles obligations dont celle-ciest seule débi-
trice en droit international et sur les agissements imputablesà celle-ci
individuellement, sans aucun égard à l'Indonésie.Il s'agira donc, dans la
présenteopinion, d'examiner les droits du Timor oriental en droit inter-
national ainsi que les obligations internationales de l'Australie corréla-
tivesà ces droits.
La partie C porte donc sur les droits du peuple du Timor oriental à
l'autodétermination et à la souveraineté permanente sur ses ressources
naturelles, principes sur lesquelsle Portugal se fonde au principal. Sil'on
présumeque ces principes s'appliquent au Timor oriental, la question
essentielle trancher est de savoir si 1'Etatdéfendeurs'yest conformé.

La partie D analyse les obligations internationales de l'Australie. Elle

expose d'une manière détailléle a nature juridique des obligations géné-
rales qui incombent à tous les Etats en application du principe d'autodé-
termination, ainsi que les obligationsjuridiques particulières dontAus-
tralie doit s'acquitteà l'égarddu Timor oriental. Elle étudie ensuite la
question de savoir si l'Australie a manqué à ses obligations juridiques
internationales en concluant le traitérelatif auTimor Gap».
La partie E porte sur les questions d'opportunitéjudiciaire, que 1'Aus-
tralie présente sousplusieurs angles. La présente opinion n'aborde pas lanot deal with Australia's submission regarding the absence of a jus-
ticiable dispute, as that has been dealt with in the Court's Judgment.

However, it considers briefly some of Australia's other contentions -
such asthe contentions that the proceedings are a misuse of the processes
of the Court,that they have an illegitimateobject, and that they have been
instituted before an inappropriate forum.
This opinion does not touch upon any matter which travels outside the
scope of the preliminary objections raised by Australia. Nor does it touch
upon any actions or conduct of Indonesia, apart from the circumstance
of Indonesia's military intervention, which has been referred to also in
the Judgrnent of the Court (para. 14).

1. The Jurisdictional Issue

(i) The contentions of the Parties

In seeking relief against Australia in respect of this Treaty, is Portugal
entering judicial ground not traversable except in the presence of Indo-
nesia? 1s this in fact a contest between Portugal and Indonesia under
guise of a contest with another State which is not the true respondent? If
the answers to these questions are in the affirmative, Australia's submis-
sions must be accepted, and Portugal's claim must be dismissed.

Australia invokes Monetary GoldRemovedfrom Rome in 1943 (1C ..J.
Reports 1954, p. 19)as a central authority on which it rests its contention

that the Court lacksjurisdiction to entertain Portugal's claim. Australia's
contention is that a determination against Australia necessarily involves
as a prerequisite a determination against Indonesia in regard to the ille-
gality of its occupation of East Timor. Since Indonesia is not before the
Court, it is argued that the principle of Monetary Gold, which decided
that the Court could not adjudicate upon Italian and United Kingdom
claims to a certain quantity of Albanian gold in the absence of Albania,
operates as a jurisdictional barrier to Portugal's claim.
Portugal, on the other hand, submits that its claim is not against Indo-
nesia, but against Australia, that the wrongdoing it alleges is not against
Indonesia, but against Australia, and that the totality of its case is made
up only of elements drawn from Australia's own international obliga-
tions, and Australia's own unilateral actions. It submits that Indonesia
may well be affected by the Judgment, but that it is Australia's, and not

Indonesia's, conduct that is the very subject-matter of the case.

(ii)The circumstances before the Court

The question of jurisdiction is not an isolated question of law, but a
mixed question of law and fact.conclusion de l'Australie selon laquelle il n'existe pas de différend justi-
ciable, conclusion dont la Cour traite dans son arrêt.Cependant, nous
examinerons sommairement dans cette partie quelques-uns des autres
moyens de l'Australie, selon lesquels notamment la présente instance
constituerait un abus de la procédure de la Cour, aurait un objet illégi-
time, ou n'aurait pas étéintroduite devant l'instance appropriée.
La présenteopinion n'aborde aucune question en dehors des excep-
tions préliminairessoulevéespar l'Australie. Elle n'aborde pas non plus
les agissements ou le comportement de l'Indonésie,hormis les circons-
tances relativesà l'intervention arméede celle-ci,que la Cour a abordées
égalementau paragraphe 14de son arrêt.

1. La question de la compétence

i) Les thèses des Parties

En cherchant à obtenir de l'Australie réparationen raison de la conclu-
sion de ce traité, le Portugal s'aventure-t-il sur un terrain judiciaire où
l'on ne saurait s'engageren l'absencede l'Indonésie? S'agit-il en faitd'un
différendentre le Portugal et l'Indonésie sous couvert d'un différend avec
un autre Etat qui n'est pas le véritabledéfendeur?Dans l'affirmative, les
conclusions de l'Australie doivent êtreaccueillies et la requêtedu Portu-

gal doit êtrerejetée.
L'Australie invoque l'affaire de l'Or monétairepris à Rome en 1943
(C.I.J. Recueil 1954,p. 19)comme l'un des fondements de sa conclusion
selon laquelle la Cour est incompétentepour connaître de la requêtedu
Portugal. Elle prétendque la Cour ne saurait rendre une décisioncontre
elle sans avoir au préalable décidéque l'Indonésie occupe illégalemenlte
Timor oriental. En l'absence de l'Indonésie à l'instance, le principe de
l'affaire de'Or monétaire,selon lequel la Cour ne pouvait se prononcer,
en l'absence de l'Albanie, sur les prétentions de l'Italie et du Royaume-
Uni àrecevoir une certaine quantité d'or albanais,fait selon elle obstacle
à la compétence de laCour à l'égardde la requête duPortugal.
En revanche, le Portugal prétend que sa demande n'est pas dirigée
contre l'Indonésie, maiscontre l'Australie, que l'acteillicite qu'il allègue

n'a pas pour auteur l'Indonésie mais l'Australie, et que sa thèse repose
entièrementsur des arguments tirés des obligations internationales et des
agissementsunilatéraux de la seule Australie. Selon lui, l'Indonésiepour-
rait bien êtreaffectéepar l'arrêt,mais c'estle comportement de 1'Austra-
lie, et non celui de l'Indonésie, quiforme l'objet mêmede l'instance.

ii)Lesfaits de l'espèce

La compétence n'estpas une question relevant exclusivement du droit
mais une question de droit et de fait. As observed in a well-known treatise on the Court's power to deter-
mine its own jurisdiction:

"The power of the International Court to determine its jurisdic-
tion has therefore two aspects: the interpretation of the jurisdic-

tional instruments and the interpretation (and characterization) of
the facts of the dispute itself. In fact, the jurisdiction of the Court
can result only from the interaction of the elements involved in this
process." l

It becomes necessary, therefore, as a backdrop to the ensuing discussion,
to refer briefly to some of the salient facts.
The circumstances which are either admitted by Australia, or manifest

on the documents, or of sufficientnotoriety for the Court to take judicial
notice of them, are as follows:

(a) the people of East Timor have a right to self-determination which
Australia is obliged to recognize (see Part C below);

(b) the people of East Timor have a right to permanent sovereigntyover
the natural resources of the Territory, which Australia is obliged to

recognize (for a fuller discussion, see Part C below);

(c) among these resources are a share of the maritime resources of the
Timor Gap area, i.e., the portion of sea situated between the oppo-
sitecoasts of East Timor and Australia - a resource they share with
Australia;
(d) those resources continue to belong in law to East Timor, so long as

East Timor remains a non-self-governing territory ;
(e) Australia has admitted throughout the case that East Timor still
remains a non-self-governing territory2;
(f) the United Nations still regards East Timor as a non-self-governing
territory ;
(g) this area is extremely rich in oil and natural gas potential. Whatever

its extent, it forms in al1probability the principal economic asset
of the East Timorese people, awaiting them at such time as they
achieve self-determination ;

l Ibrahim F. 1. Shihata, The Power of the International Court to Determine Its OWM
Jurisdiction, 1965,p. 299.
Australia's agent stated in the proceedings, on 16February 1995:
"Australia recognizes that the people of East Timor have the right to self-determi-
nation under Chapter XI of the United Nations Charter. East Timor remains a
non-self-governing territoryunder Chapter XI. Australia recognized this position
long before Portugal accepted it in 1974.It has repeated this position, both before
and after its recognition of Indonesian sovereignty and it says so now." (CR 95114,
p. 13.) Comme il est dit dans un ouvrage bien connu sur la compétence dela
Cour pour déterminersa propre compétence:

«La compétence dela Cour internationale pour déterminer sa
propre compétence revêtdonc deux aspects: l'interprétation des
actes attributifs de compétence,d'une part, et l'interprétation(et la
qualification) des faits constitutifsdu différend,d'autre part. En fait,
la compétence dela Cour ne peut découlerque de l'interaction des
éléments qui font partie de ce processus. » '

Pour mieux situer la discussion qui va suivre, il convient d'évoquerbriè-
vement quelques faits essentiels.
Les faits que l'Australie a reconnus, qui ressortent manifestement des
piècesou qui sont suffisamment notoires pour que la Cour en prenne
acte, sont les suivants:

a) le peuple du Timor oriental a le droit de disposer de lui-même,et
l'Australie est tenue de reconnaître ce droit (voir la partie C, ci-
après) ;

b) le peuple du Timor oriental a le droit à la souverainetépermanente
sur les ressources naturelles du Territoire, et l'Australie est tenue de
reconnaître ce droit (ce point est discuté defaçon plus approfondie
dans la partie C, ci-après);
c) ces ressources comprennent une fraction des ressources maritimes de
la régiondu «Timor Gap», c'est-à-dire de la zone maritime située
entre les côtes se faisant face du Timor oriental et de l'Australie, que
le peuple du Timor oriental partage avec l'Australie;
d) en droit, ces ressources continuent d'appartenir au Timor oriental
tant que celui-cidemeure un territoire non autonome;

e) l'Australie a reconnu tout au long de l'instanceque le Timor oriental
demeure un territoire non autonome ;
f) l'organisation des Nations Unies considèretoujours le Timor orien-
tal comme un territoire non autonome;
g) cette régionest très riche enpétrole eten gaz naturel. Quel qu'en soit
le volume, ces ressources constituent selon toute vraisemblance la
principale richesse du peuple du Timor oriental, qui ne lui écherra
que lorsqu'il aura exercéson droit à disposer de lui-même;

Ibrahim F. 1. Shihata, The Power of the International Court to Determine IfsOwn
Jurisdiction, 1965,p. 299.
* Lors de l'audiencedu 16février1995,l'agent de l'Australie a déclaré:
((L'Australie reconnaît que le peuple du Timor oriental a le droit de disposer de
lui-même selonlechapitre XI de la Charte desNations Unies. LeTimor oriental reste
un territoire non autonome sous le régimedu chapitre XI. L'Australie a reconnu cet
étatde chosesbien avant que le Portugal ne le fasse en 1974.Elle a réaffirmé sa posi-
tion tant avant qu'aprèsavoir reconnu la souverainetéde l'Indonésie. Ellele réaf-
firme maintenant.» (CR 95/14,p. 13.)(h) Portugal, the former colonial authority, has left the Territory, but is
still considered by the United Nations to be the administering
authority ;

(i) no other power has been recognized by the United Nations as
having authority over the Territory ;
(j) on 7 December 1975,Indonesian military forces occupied the Terri-
tory, and Indonesia is now in full control thereof;
(k) Indonesia has not, to this date, been recognized by the United
Nations as having authority over the Territory, and, nearly twenty
years after the Indonesian occupation, the United Nations is
still engaged in a search for an "internationally acceptable solu-
tion to the question of East Timor" (Reply, Vol. II, Ann. 1.8,
para. 1);
(1) Australia has entered into a Treaty with Indonesia, dividing between
Australia and Indonesia the resources of the Timor Gap area;
(m) in that Treaty, Australia expressly recognizes East Timor as "the
Indonesian Provinceof East Timor" ;
(n) confronted with the legitimateneed to exploit its own resources, and

needing, for this purpose, a treaty with the opposite coastal State,
Australia did not seek directions or authorization from the United
Nations before entering into this Treaty, despite the facts that East
Timor was still a non-self-governing territory, and that the United
Nations had not recognized the incorporation of the Territory into
Indonesia. No suggestion was made before the Court that any such
direction or authorization was sought;
(O) this Treaty has been entered into for an initial period of 40 years,
with possible renewals for 20 years at a time;
(p) the Treaty makes no provision for any proceeds of exploitation of
the area to be earmarked for the people of East Timor whenever
their status is determined;
(q) the people of East Timor have never at any stage, either directly or
through any duly constituted legal representative, given their con-

sent to the Treaty;
(r) while Australia is entitled to its share of the resources of the Timor
Gap area, no delimitation, in a manner recognized by law, has thus
far taken place between Australia and East Timor. Till such time,
the exact division between Australian and East Timorese resources
must remain unclear. The possibility must therefore exist of some
benefit to Australia from East Timorese resources which, upon
another division according to law, might have been allotted to East
Timor ;
(s) Australia has joined in a Treaty under which a non-renewable natu-
ral resource would, to the extent of its exploitation under the Treaty,
be permanently lost to the people of East Timor. Over a period of
40 years, the entire resource could well belost for ever;

(t) Portugal cannot, in law, obtain any financial benefits for itself fromh) le Portugal, l'ancienne autorité coloniale, a quittéle Territoire mais
est toujours considéré comme la puissanceadministrante par l'Orga-
nisation des Nations Unies;
i) l'organisation des Nations Unies n'a reconnu à aucune autre puis-
sance l'autorité surle Territoire;
j) le 7 décembre 1975, des forces armées indonésiennessont entrées
sur leTerritoire,que l'Indonésie contrôle totalementàl'heure actuelle;
k) à cejour, l'organisation desNations Unies n'a pas reconnu l'Indonésie
comme ayant l'autorité surle territoire et elle continue de rechercher
«une solution globale et acceptable sur le plan international de la
question du Timor oriental))(réplique,vol. II, annexe 1.8,par. 1);

1) l'Australie a conclu avec l'Indonésie untraité qui partage entre ces
deux pays les ressources de la régiondu ((Timor Gap»;
m) dans ce traité,l'Australie reconnaît expressément quele Timor orien-
tal est«la province indonésiennedu Timor oriental D;
n) devant le besoin légitime d'exploiter ses propres ressources et la
nécessitéde conclure à cette fin un traitéavec 1'Etatcôtier lui faisant
face, l'Australie n'a demandé à l'organisation des Nations Unies ni
instruction ni autorisation avant de conclure ledit traité,bien que le
Timor oriental demeurât un territoire non autonome et que l'organi-

sation desNations Uniesn'eneûtpas reconnu l'incorporation à1'Indo-
nésie.Il n'ajamais été suggérédevant lC aour qu'une telle instruction
ou autorisation avait étédemandée;
O) letraité aété conclupour un terme initial de quarante ans et peut être
renouvelépour des périodessuccessivesde vingt ans;
p) le traité ne prévoit pas qu'une partie quelconque du produit de
l'exploitation de la zone soit réservéau peuple du Timor oriental, en
prévisiondu jour où son statut aura étédéterminé;
q) jamais le peuple du Timor oriental n'a consenti au traité,directement
ou par l'intermédiaired'un mandataire dûment désigné;

r) certes l'Australie a droit à sa part des ressources de la région du
«Timor Gap »,mais ellen'a procédé à aucune délimitation valableen
droit avec le Timor oriental. Tant que cela ne sera pas fait, on ne
saura pas avec précision commentles ressources se répartissententre
l'Australie et le Timor oriental. On ne peut donc écarter la possibilité
que l'Australie tire certains profits de ressources qui, si elles étaient
réparties conformémentau droit, pourraient revenir au Timor orien-
tal;
s) l'Australie a conclu un traité qui pourrait entraîner pour le peuple du
Timor oriental la perte définitivede ressources naturelles non renou-
velables dans la mesure où ledit traitéen autorise l'exploitation. Sur
une période de quarante ans, les ressources risquent d'être entière-
ment et définitivementperdues;

t) s'il a gain de cause, le Portugal ne peut juridiquement tirer aucun this action, if successful, and will need to report to the United
Nations and to act under United Nations supervision.

The entirety of the opinion that followsdoes not travel beyond the cir-
cumstances itemized above.

(iii) Do the circumstancesof the case attract any necessity to considera
third State S conduct ?

It is against this specificbackground of admitted or manifest circum-
stances that the preliminary objection must be considered as to whether
the "Monetary Goldprinciple" presents a barrier to the consideration of

Portugal's claim. It has been strenuously argued that Monetary Gold
does present such a barrier. Having regard to the multiplicity of circum-
stances set out above, which relate to Australia's obligations and actions
alone, 1regret very much that 1am unable to agree. In my view, al1the
essentials necessary for the Court to adjudicate upon Portugal's claim
against Australia are present, without the need for any adjudication
against Indonesia.
Australia is party to a treaty which deals, inter alia, with resources
acknowledgedlybelonging to the East Timorese people, who are acknow-
ledgedly a non-self-governing people. So long as they continue to be a
non-self-governing people, those resources will continue to belong to
them by incontrovertible principles of the law of nations. At such time as
they achieve self-determination, they may deal with these resources in
such manner as they freely choose. Until such time, the international
legal system protects their rights for them, and must take serious note of

any event by which their rights are disposed of, or otherwise dealt with,
without their consent. Indeed, the deepest significance of the right of a
non-self-governing people to permanent sovereignty over natural
resources lies in the fact that the international community is under an
obligation to protect these assets for them.
The Respondent fully acknowledges that East Timor is still a non-self-
governing territory and so, also, does the United Nations, which is the
appropriate authority on these matters. While the United Nations still
awaits "an internationally acceptable solution" to the question, the Court
must examine whether it accords with the international rule of law that
any Member State of the United Nations should be in a position:

(a) to enter into a treaty with another State, recognizing that the terri-
tory awaiting self-determination has been incorporated into another
State as a province of that State; and
(b) to be party to arrangements in that treaty which deal with the
resources of that territory, without the consent either of the people
of the territory, or of their authorized representative. avantage financier de la présenteinstance et il devra en outre rendre

compte à l'Organisation desNations Unies et agir sousla surveillance
de celle-ci.
L'opinion qui suit ne sort pas de ce cadre.

iii) Les faits de l'espècerendent-ils nécessaire d'examinerle comporte-
ment d'un Etat tiers?

C'estdans cecontexte précis defaitsreconnus ou patents qu'il convient
d'examiner l'exceptionpréliminaireafin de décidersi le ((principede l'Or
monétaire))empêched'examiner la demandedu Portugal. Il a étésoutenu
avec force que l'affaire deOr monétaireconstituait un tel empêchement.
Eu égard aux nombreux faits énumérés ci-dessuqsui ne concernent que
les obligations et les agissements de l'Australie, je suis au regret de ne
pouvoir souscrire àcette thèse.A mon avis, tous les élémentssont réunis
pour que la Cour se prononce sur la demande du Portugal contre
l'Australie sans qu'il soit nécessaire deformuler de conclusion, quelle
qu'ellesoit, contre l'Indonésie.
L'Australie est partie un traitéportant notamment sur des ressources
qui appartiennent notoirement au peuple du Timor oriental, lequel est
notoirement non autonome. En vertu de principes incontestables du droit
international, ce peuple reste propriétaire de ses ressources jusqu'à ce
qu'il accèdeà I'autonomie. Lorsqu'ilaura exercéson droit à l'autodéter-

mination, il pourra disposer de ces ressourcesàson gré. D'icilà, le sys-
tèmejuridique international protégera ses droits en son nom et devra
examiner sérieusementtout fait tendant à aliénerses droits ouà en dis-
poser autrement sans son consentement. En effet, le droit d'un peuple
non autonome à la souverainetépermanente sur sesressources naturelles
a pour caractéristiqueessentielle que la communauté internationale est
tenue de protégerces biens pour lui.

Le défendeur reconnaît sans réserveque le Timor oriental demeure un
territoire non autonome, comme le reconnaît égalementl'organisation
des Nations Unies qui est l'autorité compétenten la matière.Tandis que
l'Organisation des Nations Unies attend toujours que la question reçoive
une ((solutionacceptablesur le plan international)), la Cour doit décider

s'il estconforme au droit international qu'un Etat Membre de l'organi-
sation des Nations Unies soit en mesure:
a) de conclure avec un autre Etat un traité reconnaissant qu'un terri-
toire dont le peuple n'a pas encore exercéson droità l'autodétermi-

nation a étéincorporécomme province dans cet autre Etat;
b) de devenir partie à des arrangements prévus dans ce traité, quidis-
posent des ressources de ce territoire sans le consentement du peuple
en question ou de son mandataire autorisé. That is the dominant issue before the Court. It centres on the actions
of the Respondent and not of the third State.
In the light of the totality of incontrovertible circumstances outlined
earlier in this section, the Court does not need to enter into an enquiry
into the lawfulness of the conduct of that third State or of its presence in

East Timor.
If East Timor is still a non-self-governing territory, every member of
the community of nations, including Australia, is under a duty to recog-
nize its right to self-determination and permanent sovereignty over its
natural resources. If this is so, as is indubitably the case, the Court would
be in possession of al1the factual material necessary for the Court to pro-
nounce upon the responsibility of the Respondent state, which is in fact
before it. Nor would it, in the slightest degree, be encroaching upon the
prohibited judicial territory of making a judicial determination in rela-
tion to an absent third Party.

(iv) 1sthe Court underan obligation to reinvestigate matters dealt with in
the United Nations resolutions?

Australia submits that, despite the United Nations resolutions calling
upon the Government of Indonesia to withdraw its military forces from
East Timor, reaffirmingthe right of the people of East Timor to self-deter-
mination, and rejecting the claim that East Timor has been incorporated
into Indonesia, the Court would itself have to determine the question of

the legalityof Indonesia's control over East Timor, wereit to proceed with
this case. In the absence of such a detemination, according to the Aus-
tralian submission, the Court cannot hold that Indonesia could not law-
fully enter into the Treaty and, without such a finding, the Court cannot
hold that Australia has acted wrongfully in entering into the Treaty.
To enter upon such an enquiry would be to enter upon an immense
factual and political investigation. It would cal1for an examination de
novo of voluminous evidenceregarding the circumstances of Indonesia's
military entry into and subsequent control over East Timor and of the
numerous intricate military, political and diplomatic activitiesinvolvedin
any such military intervention, followed by continuing occupation. Upon
this evidentiary material, the Court would be required to reach a judicial
determination. Nor is it possible in any event to engage in such an
enquiry in the absence of Indonesia.

Such an argument disregards the fact that the materials essential to
decision are already before the Court. It disregards the practicalities of
thejudicial process. It disregards the scheme of the United Nations Char-
ter which distributes appropriate tasks and responsibilities among the

principal organs of the United Nations. By postulating a virtual impos-
sibilityas a prerequisite to justice, it deniesjustice, however legitimate the
claim. Telle est la question principale dont la Cour est saisie. Elle porte sur le
comportement du défendeuret non pas sur celui de 1'Etattiers.
Compte tenu de tous les faits indiscutablesqui ont étéénuméréd sans
la présente section,point n'est besoin pour la Cour d'examiner la licéité
du comportement de cet Etat tiers ou de sa présenceau Timor oriental.

Si le Timor oriental demeure un territoire non autonome, tous les
membres de la communautédes nations, y comprisl'Australie, ont l'obli-
gation de reconnaître le droit de son peupleà I'autodéterminationet à la
souveraineté permanente sur ses ressources naturelles. S'il en est bien
ainsi, comme c'estincontestablement le cas, la Cour est en possession de
tous les faits dont ellea besoin pour statuer sur la responsabilité1'Etat

défendeur, lequel participe a l'instance. Elle ne s'engagerait nullement
dans le domaine interdit des décisions concernant des tierces parties
absentes.

iv) La Cour aurait-elle à réexaminerdes questions ayantfait l'objet de
résolutionsde l'Organisation desNations Unies ?

L'Australie prétend qu'en dépitdes résolutionsde l'organisation des
Nations Unies qui demandent au Gouvernement indonésien deretirer ses
forces du Timor oriental, qui réaffirmentle droit du peuple du Timor
orientalà I'autodétermination et qui contestent l'incorporation du Timor
oriental àl'Indonésie,la Cour devrait déterminer elle-mêmela licéité du
contrôle que l'Indonésieexerce sur le Timor oriental, si elle devait pour-
suivre l'examen de l'affaire. Selon l'Australie, en l'absence d'une telle

détermination, la Cour ne saurait dire que l'Indonésiene pouvait licite-
ment conclure le traité et, partant, que l'Australie a agi d'une manière
illicite en concluant ce traité.
L'examen de ce point nécessiteraitun immense travail d'investigation
touchant à des questions de fait et de politique; il exigerait que soit de
nouveau étudiéeune multitude d'éléments de preuve relatifs aux circons-
tancesdans lesquellesl'Indonésieest entréemilitairement au Timor orien-
tal et y a établiensuite son autorité, ainsi qu'aux nombreuses activités
militaires, politiques et diplomatiques complexes qu'implique une telle
intervention militaire suivie d'une occupation permanente. La Cour
devrait tirer des conclusions sur la base de ces éléments de preuve.Et,
de toute façon, il est impossible d'entreprendre un tel travail d'investiga-
tion en l'absence de l'Indonésie.
Cet argument ne tient pas compte du fait que la Cour a déjà à sa dis-

position les éléments indispensablespour rendre une décision. Il ne tient
pas compte des aspects pratiques du processus judiciaire. Il méconnaîtle
systèmeprévupar la Charte des Nations Unies, qui répartit les tâches et
les responsabilités entre les organes principaux de l'organisation des
Nations Unies. En subordonnant la justice à un préalable quasi impos-
sible a respecter cet argumententraîne un dénidejustice, quelque légitime
que puisse êtrela demande. The Court cannot be reduced to inaction in this fashion by throwing
upon it a burden duly discharged by the appropriate United Nations
organs, acting within their proper authority. Such a position seems too
artificial and removed from reality to be the law or the procedure under

which this Court functions.
Of course, this Court, as the principal judicial organ of the United
Nations, can in appropriate circumstances be called upon to consider
whether a particular organ of the United Nations has acted beyond its
authority or in a manner not authorized by law. Such issues have been
brought before this Court in cases such as Questions of Interpretation
and Application of the 1971Montreal Conventionarisingfrom the Aerial
Incident at Lockerbie (Libyan Arab Jamahiriya v. United Kingdom)
(Libyan Arab Jamahiriya v. United States of America) (I.C.J. Reports
1992,p. 3 and p. 114,respectively).No suggestion has been made of any
such circumstances in the present case. The only grounds on which the
force of the resolutions has been attacked is that, owing to a supposedly
diminishing support for them upon a counting of votes and, owing to the
lapse of time since their adoption, they have in some way lost their
authority. There is no warrant in United Nations law for either of these
contentions, as more fully discussedlater.
In short, the substantive and procedural principles governing this
Court's jurisdiction cannot operate so restrictively as to prevent it from
reaching a determination in a case such as this, where al1the ingredients

necessary to such a decision are before it and where that decision can be
reached without trespassingupon the rule enshrined in the Court's Stat-
ute that itsjurisdiction flows only from consent. That the judgment will
affect the interests of a third party State is not a factor which, according
to the well-establishedjurisprudence upon this matter, operates as a bar-
rier to jurisdiction. Such effects upon third parties are always part of the
judicial process and are manifesting themselvesincreasingly as the world
contracts into a more closelyinterknit community.
These aspects are more fully considered later in this opinion.

The purpose of the foregoing discussion has been to show that the cir-
cumstances of this case render the Monetary Goldprinciple inapplicable,
in that the claim against the Respondent State does not in any way neces-
sitate the investigation of the conduct of a third party State and, least of
all, a judicial finding against it.
However, in view of the great importance attached to it in the argu-

ment before the Court, and in deference to the Court's reliance on the
principle, this opinion turns now to a more detailed consideration of the
Monetary Gold case to ascertain whether, even if it were applicable, it
would present any barrier to Portugal's claim. La Cour ne saurait être ainsi réduità l'inaction en se laissant imposer
une obligation dont les organescompétentsde l'organisation des Nations
Unies se sont dûment acquittés dans le cadre de leur mandat. Cette posi-
tion semble trop artificielle et éloignéede la réalitépour représenter la
règlede droit ou de procédure à suivre par la Cour.
Bien entendu, la Cour peut, en qualité d'organejudiciaire principal de
l'organisation des Nations Unies, êtreappelée,dans des circonstances
appropriées, à examiner si un organe des Nations Unies a outrepasséses
compétences ouagi de manièreillicite. La Cour a étésaisie de questions
de cette nature dans des affaires comme cellesdes Questions d'interpréta-

tion et d'application de la convention de Montréal de 1971 résultantde
l'incident aérien deLockerbie (Jamahiriya arabe libyenne c. Royaume-
Uni) (Jamahiriya arabe libyenne c. Etats-Unis d'Amérique) (C.I.J.
Recueil 1992, p. 3 et 114respectivement). Il n'a nullement été dit quede
tels faits existaient en l'espèce.Les seulsmotifs pour lesquelsla valeur des
résolutions a étécontestéesont les suivants: elles auraient en quelque
sorte perdu de leur poids parce que la majorité dont elles ont bénéficié
étaitde plus en plus restreinte, et de nombreusesannées se sont écoulées
depuis leur adoption. Comme nous le verrons ensuite en détail,le droit
des Nations Unies n'étaie nil'une ni l'autre de ces thèses.
En résumé,les principes de fond et de procédure qui régissentla com-
pétence dela Cour ne sauraient être appliquésde façon sirestrictive qu'ils
l'empêcheraientde statuer dans une instance telle que la présente, oùelle
dispose de tous les élémentset où elle peut parvenir à une décisionsans

enfreindrela règleconsacréedans son Statut selonlaquelle sa compétence
ne procède que du consentement des parties. Le fait que l'arrêtoucherait
les droits d'un Etat tiers ne constitue pas, selon la jurisprudence bien
établie sur cette question, un obstaclà sa compétence.De tels effets sur
les tiers se manifestent toujours dans le processus judiciaire et sont de
plus en plus fréquents dans une communauté internationale dont les
élémentssont de plus en plus interdépendants.
Ces questions seront abordées d'une manièreplus détailléeplus loin.

L'exposéqui précède visait à démontrer que les faits de cette affaire
rendent le principe del'Or monétaireinapplicable en l'espèce,puisque la
requête contre 1'Etat défendeur n'exige nullement que l'on examine le
comportement d'un Etat tiers et, à fortiori, que l'on rende de conclusion
judiciaire contre lui.
Toutefois, vu que ce principe a occupé une place importante dans
l'argumentation développée devant la Cour et que celle-cien fait applica-
tion, nousétudieronsmaintenant l'affaire de l'Ormonétaired'une manière
plus détailléepour voir si ce précédentferait obstacle à la demande du
Portugal au cas où il serait applicable. 2. The Monetary Gold Principle

(i) Subject-matter

One of the matters at issue in Monetary Gold was whether Albanian
gold should be awarded to Italy on the basis of Albanian wrongdoing. It
was clearly impossible for the Court to determine this question in the
absence of Albania, whose property and wrongdoing were the very sub-
ject-matter on which the Italian claim was based.

The present case presents a totally different picture. The obligations

and the conduct of Indonesia are not the very subject-matter of this case.
The obligations and the conduct of Australia are, and Australia is before
the Court.
Independently of an enquiry into the conduct of Indonesia, the preced-
ing section of this opinion has shown that the Court has before it suffi-
cient materials relating to the duties, the responsibilities and the actions
of Australia, to enable it to make a pronouncement thereon. It does not
need to open up vast expanses of enquiry into Indonesia's conduct, or
military operations or any other items which may have provoked inter-
national concern, to decide this matter. Far lessdoes it need to adjudicate
upon these. The sharp focus upon Australia's acts and responsibilities
which is necessary for a determination of these issues can only be blurred
by such an undertaking.

(ii) Parties

In Monetary Gold the two States between whose rights the Court was
called upon to adjudicate were Italy and Albania in the first claim, and
the United Kingdom and Albania in regard to the second (see para. (iv)
below). Albania, the State whose property was sought to be appropri-
ated, and whose wrongdoing was alleged, was not before the Court. In
the present case, unlike in Monetary Gold, no claim is made against an
absent third Party. The two States between whose rights the Court has to
adjudicate are Portugal and Australia, both of whom are before the

Court.

In Certain Phosphate Lands in Nauru (Nauru v. Australia), Prelimi-
nary Objections (I.C.J. Reports 1992, p. 240), likewise, the two parties
between whose rights the Court had to adjudicate were Australia and
Nauru, both parties before the Court. In both Nauru and the present
case, other parties are affected, but in neither case is that factor an
obstacle to jurisdiction.

(iii) Rationale

Two of the most often cited pronouncements of principle in Monetary
Gold are the following : 2. Le principe del'Or monétaire

i) L'objet

L'une desquestions en litige dans l'affaire del'Or monétaireétait de
savoir s'il avait lieu d'attribuer l'or albanàil'Italie en réparationdes
agissements illicites de l'Albanie. La Cour était manifestement dans
l'impossibilité detrancher cette question en l'absence de l'Albanie,dont
les biens et les agissements illicitesconstituaient l'objet mêmede la
demande de l'Italie.
La présente affaire est radicalement différente. Les obligations et le
comportement de l'Indonésie ne sontpas l'objet mêmede la présenteins-
tance. Ce sont les obligations et le comportement de l'Australie qui font
l'objet de l'instance,laquelle l'Australie participe.
La section qui précèdea démontré qu'indépendammend te l'examendu
comportement de l'Indonésie,la Cour possède suffisammentde preuves
relatives aux obligations,aux responsabilitéset aux agissementsde1'Aus-
tralie pour statuer sur ceux-ci.Pour seprononcer en l'espèce,la Cour n'a

pas à s'engagerdans une enquêteapprofondie surlecomportement ou les
opérationsmilitaires de l'Indonésie,ou sur quelque autre sujet ayant pu
provoquer des inquiétudesau plan international. Il lui est encore moins
nécessairede trancher ces questions. Cela l'empêcherait deconcentrer
comme il convient toute son attention sur les actions et la responsabilité
de l'Australie, pour être mêmede se prononcer à ce sujet.

ii) Les Parties

Dans l'affaire de l'Or monétaire,les deux Etats sur les droits respectifs
desquels la Cour étaitappelée à se prononcer étaientl'Italie et l'Albanie
pour ce qui est de la premièredemande, et le Royaume-Uni et l'Albanie
pour ce qui est de la seconde (voir ci-aprèspar. iv)). L'Albanie, dont les
biens étaientrevendiquéset dont les agissements illicitesétaientallégués,
ne participait pasà l'instance. Or, dans la présente affaiàel'inverse de
celle de l'Or monétaire,aucune demande n'est forméecontre un tiers
absent. Les deux Etats sur les droits respectifs desquels la Cour est
appelée à se prononcer sont le Portugal et l'Australie, qui sont tous les
deux parties à l'instance.

Dans l'affairede Certaines terresaphosphates a Nauru (Nauru c. Aus-
tralie), exceptions préliminaires(C.I.J. Recueil 1992, p. 240), les deux
partiessur les droits respectifs desquelles la Cour avaià se prononcer
étaientl'AustralieetNauru, toutes deuxparties à l'instance.Dans l'affaire
de Nauru, tout comme en l'espèce,d'autres parties sont touchées,sans
qu'en aucun cas cela ne fasseobstacle à la compétence.

iii) Le raisonnement

Deux des énoncés de principe lesplus fréquemmentcités del'affairede
l'Or monétairesont les suivants: "In the present case, Albania's legal interests would not only be

affected by a decision, but would forrn the very subject-matter of the
decision. In such a case, the Statute cannot be regarded, by implica-
tion, as authorizing proceedings to be continued in the absence of
Albania." (I.C.J. Reports 1954, p. 32.)
"Where, as in the present case, the vital issue to be settled con-
cerns the international responsibility of a third state, the Court can-
not, without the consent of that third State, give a decision on that
issue binding on any State, either the third State, or any of the
parties before it." (Zbid.,p. 33.)

The Court was stressing, quite naturally, that Albania's interests would
not merely be affected by the decision, but would be the very subject-
matter of the decision, and that "the vital issue" to be settled concerned
the international responsibility of Albania itself. The generality of the
phraseology adopted by the Court has sometimes led to a tendency to

citethese passages as authority for propositions far wider than were war-
ranted by the extremelylimited circumstances of the case - namely, that
Albanian property could not be appropriated on the basis of Albanian
wrongdoing in the absence of Albania. In the present case, no claim is
being made against Indonesia, no decision is sought against Indonesia,
and the vital issue is not the international responsibility of Indonesia.
Indonesia's legal interests may be affected by the decision, but they are
not the very subject-matter of the decision, in the sense that Albanian
gold was the actual subject-matter of Monetary Gold.
The Court's determinations on matters pertaining to Australia's obli-
gations and actions may indeed have consequences, not only for Indo-
nesia but for other countries as well, for Australia has, in the course of
its submissions, informed the Court that several countries have dealt
with Indonesia in respect of East Timor (CR 95/10, pp. 20-21). If the
Judgrnent of the Court raises doubts about the validity of those treaties,

those other countries who have acted upon the validity of the treaty
may well beaffected. Yet, it cannot be suggested that they be al1joined,
or that, for that reason, the Court is not competent to hear the claim
before it.

The broad dicta in Monetary Goldmust not be stretched beyond what
the context of the case allows.

(iv) Ztalianand United Kingdom claims distinguished

An analysis of the two claims in Monetary Gold brings its underlying
principle into clearer relief.

The first claim in Monetary Gold related to Italy's contention that the
Albanian gold should be delivered to Italy in partial satisfaction of the
damage caused to Italy by the Albanian law of 13January 1945,which «En l'espèce,les intérêts juridiques de l'Albanie seraienton seu-
lement touchéspar une décision, mais constitueraient l'objetmême
de ladite décision.En pareil cas, le Statut ne peut êtreconsidéré
comme autorisant implicitement la continuation de la procédureen
l'absence de l'Albanie. (C.Z.J. Recueil 1954, p. 32.)
«En revanche, là où, comme dans lecas présent, la question essen-
tiellà trancher a trait à la responsabilitéinternationale d'un Etat
tiers, la Cour ne peut, sans le consentement de ce dernier, rendre sur

cette question une décisionqui soit obligatoire pour aucun Etat, ni
pour 1'Etat tiers, ni pour aucune des parties qui sont devant elle.))
(Zbid.,p. 33.)
La Cour soulignait, très naturellement, que les intérêts de l'Albanie
seraient non seulementtouchéspar la décision,mais qu'ilsen formeraient
l'objet même,et que la ((question essentielle)) trancher étaitcelle de la

responsabilité internationale de l'Albanieelle-même.En raison du carac-
tère générad lu libelléadopté par la Cour, on a parfois ététentéde citer
ces passages pour étayer des thèsesd'une portéebien plus large que ne
l'autorisaient les faits très circonscrits de l'espèce;c'est-à-dire qu'on ne
pouvait disposer des biens de l'Albanie, en son absence,en se fondant sur
ses agissements illicites. Or, en l'instance, aucune demande n'est dirigée
contre l'Indonésie, aucune décisionn'est requise contre elleet la question
fondamentale n'est pas celle de sa responsabilitéinternationale.
Les intérêts juridiquesde l'Indonésiepourraient être touchés par la
décision, mais ils ne forment pas l'objet mêmede celle-ci comme l'or
albanais était l'objet réelde l'affaire deOr monétaire.
La décisionde la Cour à l'égard des obligations et des agissements
de l'Australie pourrait avoir des conséquences à l'égardnon seulement

de l'Indonésie mais aussid'autres pays, puisque plusieurs d'entre eux ont
conclu avec l'Indonésiedes arrangements qui s'appliquaient au Timor
oriental, comme l'Australie en a informé laCour au cours de sesplaidoi-
ries (CR 95/10, p. 20-21). Si, dans son arrêt,la Cour émet desdoutes
quant à la validité deces traités,les autres pays qui ont agi en présumant
cette validitépourraient bien êtretouchés.On ne saurait considérerpour
autant que ces pays devraient participer à l'instance ou que, pour cette
raison, la Cour est incompétentepour connaître de l'affaire dont elle est
saisie.
La portée des dicta énoncéd sans l'affaire de l'Or monétaire nesaurait
êtreétendue au-delàde ce que permettent les circonstances de l'espèce.

iv) Distinction entre les demandes de l'Italie et du Royaume-Uni

L'analyse des deux demandes dans l'affaire de l'Or monétaire permet
de mieux cerner le principe qui sous-tend cette décision.
La première demandeportait sur la prétentionde l'Italie à recevoir l'or
albanais en réparation partielle du préjudiceque lui avait causé la loi
albanaise du 13janvier 1945 qui avait exproprié certains biens italiens.had expropriated certain Italian assets. The second related to Italy's
claim to priority over the claim of the United Kingdom to receive the
gold in partial satisfaction of the Judgment in the Corfu Channel case.

The first claim, based upon an Albanian action alleged by Italy to be
wrongful, could not, quite clearly, be decided in the absence of Albania.
Albanian rights and Albanian wrongdoing were integral to its very sub-
stance. The judgment on this point was unanimous.

The decision on the second claim, though also soundly based on legal
principle, could perhaps be differentiated in the sense that, though the
competing claims here were between Italy and the United Kingdom, the
United Kingdom claim against Albania was already resjudicata in terms
of the Judgment of this Court in the Corfu Channelcase. Albania's judg-
ment debt to the United Kingdom, being resjudicata, did not need to be
proved afresh, and could not be contested by Albania. However, the fact
that Italy too had claims upon the gold raised questions of priority (see
I.C.J. Reports 1954, p. 33) which complicated the issue.

It may be noted, in passing, that judgment on the second point was not
unanimous, for Judge Levi Carneiro registered a dissent, holding that the

Court could, and should, have adjudicated upon the second submission
of Italy, independently of the first, on the basis that the only States
directly interested in the question of the priority issue, namely, Italy and
the United Kingdom, were before the Court (ibid., p. 43, para. 7), and
that it could be resolved simplyin the light of legal rules (ibid., para. 8).

(v) The thirdparty principle andthejudicial duty to decide

The opinion of Judge Carneiro is significant in that it represented a
concerned attempt to conserve the Court's jurisdiction without violating
the third party rule. This points to an important concern, always before
the Court, that, while the third party rule is important, and must at al1
times be respected, there is also another principle within which the Court
functions, namely, the judicial duty to decide the cases brought before it
within its jurisdictional competence.
As in many areas of the law, the dividingline between the operation of
the two competing principles is not always discerniblewith clarity. There
will in many cases be an area of doubt, in which the case could well fa11
within the operation of one principle or the other. In these areas, the
Court is the judge of its ownjurisdiction - a position expresslyaccorded
to it by Article 36 (6) of its Statute.
A distinguished line of precedents, stretching back to the Alabama
Arbitration (1872)and beyond ', has established that: "The fundamental

'For these precedents, see Ibrahim Shihata, opp,. 12et seq.La seconde demande portait sur la prétention de l'Italie à ce que ses
droits aient priorité sur ceux du Royaume-Uni à recevoir l'or en exécu-
tion partielle de l'arrêt rendudans l'affaire duétroitde Corfou.
Il est toutà fait clair que la première demande, qui se fondait sur un
acte de l'Albanie que l'Italie prétendait êtrillicite, ne pouvait êtretran-
chéeen l'absence de l'Albanie. Les droits et les actes illicitesde l'Albanie
faisaient partie intégrantede son objet même.L'arrêt aété rendu àl'una-
nimitésur ce point.
Tout en étantelle aussi solidement fondéesur un principe de droit, la
décision relativeà la seconde demande pourrait peut-êtreêtredistinguée
de la première, en ce que bien que les revendications concurrentes en
l'instance fussent celles de'Italie et du Royaume-Uni la demande de ce

dernier contre l'Albanie étaitdéjà chosejugéedepuis l'arrêtde la Cour
rendu dans l'affaire duDétroitde Corfou.Etant chosejugée,la dette que,
selon l'arrêt,l'Albanie avait envers le Royaume-Uni n'avait pas besoin
d'être de nouveau prouvéeet ne pouvait non plus êtrecontestéepar
l'Albanie. Cependant, la réclamation concurrente de l'or par l'Italie
soulevait des problèmes de priorité (voirC.I.J. Recueil 1954, p. 33) qui
compliquaient la situation.
On peut noter, en passant, que l'arrêt n'apas étérendu à l'unanimité
sur le second point, puisque M. Levi Carneiro, juge, a joint son opinion
dissidente et déclaréque la Cour pouvait, et aurait dû, statuer sur la
seconde conclusion de l'Italie indépendamment de la première,au motif
que les seuls Etats directement intéresséspar la question de la priorité,
c'est-à-direl'Italie et le Royaume-Uni, étaientparties à l'instance (ibid.,
p. 43, par. 7) et que la question de la priorité pouvait êtrerésoluesur la

simple base de règlesde droit (ibid., par. 8).

v) La règle de la tierce partieet l'obligation desjuges destatuer
L'opinion de M. Carneiro est importante parce qu'elle procède du
souci de préserver la compétence de laCour sanspour autant contrevenir

à la règlede la tierce partie. Elle souligneun problème majeur qui se pose
constamment à la Cour: la règlede la tierce partie est certes importante
et doit êtrerespectéedans tous les cas, mais la Cour est soumise à un
autre principe selon lequel elle est tenue derancherles affaires dont elle
est saisie dans le cadre de sa compétence.
Dans ce domaine du droit, comme dans de nombreux autres, il n'est
pas toujours facile de discerner la limite entre les deux règlesquand elles
sont en concurrence. Dans de nombreux cas, il subsiste une zone d'incer-
titude, de sorte que l'affaire peut êtrerégiepar l'une ou par l'autre. En la
matière, la Cour est juge de sa propre compétence, comme le prévoit
expressémentle paragraphe 6 de l'article 36 de son Statut.
Une remarquable sériede précédents,qui remontent au-delà mêmede
l'arbitrage del'Alabama(1872) ',ont établique: «Le principe fondamen-

'Citéedans Ibrahim Shihata, op. p. 12et suiv.principle of international law governing these aspects is that an interna-
tional tribunal is master of its ownjurisdiction." 'In exercisingthat juris-
diction, a tribunal will naturally not view the mere presence of a doubt,
however slight, as a reason for decliningjurisdiction.

It is by striking a balance between these principles that the Court's
jurisdiction can be best developed, rather than by focusing attention
upon the third party principle, to the exclusion of the other. While the
consensual principle must always furnish the basis ofjurisdiction, "It is a
matter of common sensethat too rigid an attraction to that principle will
paralyse any international tribunal." The inadequacies of Article 36as it
exists3, and the need for "a well-defined functional and teleological

approach to questions of jurisdictionX4justify such an approach to the
problem5.
It was thus for very good reason that, in Military and Paramilitary
Activities in and against Nicaragua (Nicaragua v. United States of
America), the Court expressed a note of caution against undue exten-
sions of Monetary Gold,in terms that its circumstances "probably repre-
sent the limit of the power of the Court to refuse to exercise its jurisdic-
tion" (I.C.J. Reports 1984, p. 431, para. 88; see, also, Certain Phosphate
Lands in Nauru (Nauru v. Australia), Judgment, I.C.J. Reports 1992,
p. 260, and Land, Island and Maritime Frontier Dispute (El Salvador/
Honduras), Application to Intervene, Judgment, I. C.J. Reports 1990,

p. 116,para. 56)6.
As this Court observed in Continental Shelf (Libyan Arab Jarnahiriyu/
Malta), Applicationfor Permission to Intervene: "it must be open to the
Court, and indeed its duty, to give thefullest decision it may in the cir-
cumstances of each case . . ." (I.C.J. Reports 1984, p. 25, para. 40;
emphasis added). This compelling obligation to decide the dispute before
the Court distinguishes the judge, properly seised of jurisdiction, from
many other functionaries, who are not charged by their office with the
obligation to reach a decision on every contentious matter properly
referred to them within the scope of their authority. Literature on the
nature of the judicial function is replete with emphasis on the judicial
duty to decide. The Statute of the Court itself gives expression to this

concept in Article 38, which stipulates that the Court's "function is to
decide in accordance with international law such disputes as are sub-

' Shabtai Rosenne, The Law and Practice of the International Court, 1985,p. 438.
Ibid., p. 439.
Ibid., p. 316.
lbid.
See, also, the discussion in Se3t(vii) below.
SeeD. H. N. Johnson ("The Case of the Monetary Gold Removed from Rome in
1943",International andComparativeLaw Quarterly,1955,Vol. 4, at p. 110)to the effect
Court is limited still further" by unduly wide interpretations of the third party rule.theta1du droit international qui s'applique en l'occurrence est qu'une juri-
diction internationale est maîtresse de sa propre compétence. » 'Lorsqu'il
examine sa compétence,le tribunal ne considère pas en principe que la
simple présenced'un doute, si légersoit-il, le fonde à décliner sa compé-
tence.
C'est en établissantun équilibreentre ces principes plutôt qu'en accor-

dant son attention exclusivement au principe dela tierce partie, au détri-
ment de l'autre principe, que la Cour peut exercer au mieux sa compé-
tence. Bien que la compétence doive toujours reposer sur la règle du
consentement, «il tombe sous le sens qu'une application trop rigoureuse
de ce principe paralyserait toute juridiction internati~nale))~.Les insuffi-
sances de l'article 36 dans sa rédaction actuelle3 ainsi que la nécessité
d'une ((approche fonctionnelle et téléologique biendéfiniedes problèmes
de compétence^j^ustifient cette façon d'aborder le problème5.
C'est donc à juste titre que, dans l'affaire des Activités militaires et
paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis

d'Amérique), la Cour a mis en garde contre l'extension abusive de la
portée de l'affaire de l'Or monétaire,en disant que les faits de celle-ci
((marquent vraisemblablement les limites du pouvoir de la Cour de refu-
ser d'exercer sajuridiction)) (C.I.J. Recueil 1984, p. 431, par. 88; voir
aussi Certaines terres a phosphates a Nauru (Nauru c. Australie), arrêt,
C.Z.J. Recueil 1992, p. 260, et Différend frontalier terrestre,insulaire et
maritime (El Salvador/Honduras), requête à Jin d'intervention, arrêt,
C.I.J. Recueil 1990,p. 116,par. 56) 6.
Ainsi que la Cour l'a fait observer dans l'affaire du Plateau continental
(Jamahiriya arabe libyenne/Malte), requête à Jin d'intervention: «la

Cour doit avoir la faculté,et elle a en fait l'obligation, de se prononcer
aussi complètement que possible dans les circonstances de chaque
espèce...))(C.I.J. Recueil 1984, p. 25, par. 40; les italiques sont de moi).
Cette obligation absolue de réglerle différendportédevant la Cour est ce
qui distingue le juge, régulièrement saisi, de nombreuxautres fonction-
naires qui ne sont pas tenus de par leurs attributions de trancher toutes
les questions litigieuses dont ils sont régulièrementsaisis dans l'exercice
de leurs fonctions. La doctrine sur la nature de la fonction judiciaire n'a
cesséde souligner l'obligation desjuges de statuer. Le Statut de la Cour

lui-même exprimece concept à l'article 38, qui énonceque «la mission
[de la Cour] est de réglerconformément au droit international les diffé-

Ibid., p. 439.ne, The Law and Practice ofthe International Court, 1985,p. 438.
Ibid., p. 316.
Ibid.
Voir aussi la discussion ci-après,dans la section 3, par. vii).
Voir D. H. N. Johnson («The Case of the Monetary Gold Removed from Rome in
1943»,International and Comparative Law Quarterly, 1955,vol. 4, p. 1IO),pour lequel il
est nécessairede bien réflravant de réduiredavantage lajuridiction déjàlimitéede la
Cour» en interprétant trop largement la règledettiers.mitted to it"' (emphasis added). Indeed, that is the function of the
Court, around which al1the other provisions of the Statute are built2.

If, therefore, too restrictive an interpretation be given to the Court's
jurisdiction, in consequence of which the Court does not decide a dispute
properly referred to it within itsjurisdiction, there can be a non-perform-
ance of its express statutory obligation.

Whileit is important, then, that objections based on lack of third party

consent must receive the Court's most anxious scrutiny, there is to be
weighed against it, in areas of doubt, the other consideration, equally
important, of the Court's statutory duty to decide a dispute properly
brought before it within itsjudicial authority. Too strict an application of
the first principle can result in an infringement of the second.
In the international judicial system, an applicant seeking relief from
this Court has, in general, nowhere else to turn if the Court refuses to

hear it, unlike in a domestic jurisdiction where, despite a refusa1by one
tribunal, there may well be other tribunals or authorities to whom the
petitioner may resort.
As Fitzmaurice observes :

"Since the national law will normally ensure that there is some
domestic forum competent to hear and determine al1cases involving
breaches of that law, or the assertion of rights under it, it follows
that domestic jurisdictional issues are of secondary importance,
because a claimant who fails on jurisdictional grounds in one forum
can start again in the correct one. Thus, as a general rule, there is no

avoiding a determination on the merits if the claimant persists, and
the defendant obtains no ultimate advantage by raising jurisdic-
tional issues. It is far otherwise in the international field where a
jurisdictional objection, if successful, will normally dispose of the
case entirely, and rule out any further proceedings, not only before
the tribunal rendering the jurisdictional decision, but before any

tion of this principle, and for the limited circumstances in which the Court may legiti-
mately decline to decide, as where no dispute exists.
In The Republic of El Salvadorv. The Republic of Nicaragua, the Central American
Court of Justice remarked, in regard to the third partyle, that:

"many questions that might arise among or between Central American Govemments
argument that a third nationo. . possesses interests connected with the matters orl
questions in controversy.

To admit that argument would be to render almost negligiblethejudicial power of
the Court, since the fact of invoking interests connected with a third nation would
detract from the Court's judicial mission.. ."(American Journal of International
Law, 1917, Vol. 11,p. 699.)rends qui lui sont soumis»' (les italiquessont de moi). En fait, il s'agitlà
de la fonction de la Cour, autour de laquelle s'articulent toutes les autres

dispositionsdu Statut2
Par conséquent, une interprétation par trop limitative de la compé-
tence de la Cour, qui ne permettrait pas à celle-cide réglerun différend
dont elle aurait étérégulièrementsaisie dans le cadre de sa compé-
tence, pourrait l'amener à ne pas s'acquitter de ses obligationsstatutaires
expresses.
Bien qu'il importe que la Cour étudieavec le plus grand soin les excep-

tions tirées de l'absence deconsentement de tierces parties, elle devra, en
cas de doute, mettre dans la balance son obligation statutaire, tout aussi
importante, de réglerles différendsdont elle a été régulièrement saisie
dans le cadre de sa compétence.Une application trop stricte du premier
principe peut prêter à une violation du second.
Dans le systèmejudiciaire international, un demandeur qui cherche
réparation devant la présenteCour n'a, en règlegénérale,aucun recours
si celle-ci refuse de l'entendre, contrairement à ce qui se passe dans un

systèmejudiciaire national, où le refus d'un tribunal de statuer n'empêche
pas le requérant de recourir à d'autres tribunaux ou autorités.
Comme l'a fait observer sir Gerald Fitzmaurice:

«Etant donné que le droit national assure habituellement l'exis-
tence de quelque instance interne compétente pour statuer sur les
affairesqui mettent enjeu des violationsde ce droit, ou la revendica-
tion de droits qui en découlent,les questionsinternes de compétence
revêtent uneimportance secondaire, puisqu'un demandeur dont la
demande est rejetéepar une juridiction pour défautde compétence
peut la présenter à nouveau devant la juridiction appropriée. Ainsi,
en règlegénéralei,l est impossible d'éviter une décision sur le fond si

le demandeur persiste, et le défendeurn'obtient aucun avantage défi-
nitif en soulevant des questions de compétence.Il en va tout autre-
ment dans l'ordre international, où le fait de retenir une exception
d'incompétence metnormalement fin àl'ensemble dela procédureet

' Voir l'affaire desEssais nucléaires(Australie c. France) (C.Z.J.Recueil 1974,p. 271)
pour la confirmation de ce principe et le nombre limité de casdans lesquelsla Cour peut
légitimement déclinesra compétence,par exemple en l'absenced'un différend.
Dans l'affairee Republic of El Salvadorv. The Republic ofNicaragua, la Cour de
justice centraméricainea àil'égard dela règlede 1'Etattiers que:
«de nombreuses questions qui pourraient surgir entre des Gouvernements
d'Amérique centraleseraient exclues de sa compétence et nepourraient faire l'objet
d'une décisionsi l'on accordait quelque importance que ce soit à l'argument un peu
mince selon lequel unEtat ti..possèdedes intérêtrselativement aux questions en
litige.
L'acceptation de cetargument aurait pour effet de rendre pratiquement négli-
geables les pouvoirs judiciaires de la Cour, étant donné quele fait d'invoquer des
(American Journal of International Law, 1917, vol. 11,p. 699.)ion judiciaire...)) other. In the international field therefore, such issues assume a far

greater, and usually a fundamental importance." '

It is an important circumstance relating to al1jurisdictional questions
that this Court is the international system'splace of ultimate resort for
upholding the principles of international law, when al1other instrumen-
talities fail.

(vi) The test of reasonableness

It is sought, in this case, to interpret Monetary Gold as meaning that
the Court has no jurisdiction because it cannot determine the question
before it, without first determining the legality or otherwise of Indo-
nesia's presence in the Territory. In short, this proposition would mean
that, where a claim by State A against State B cannot be made good

without demonstrating, as a prerequisite, some wrongful conduct on the
part of State C, State B can avoid an enquiry into its own conduct, how-
ever wrongful, by pointing to C's wrongdoing as a precondition to its
own liability.

A time-honoured test of the soundness of a legal interpretation is
whether it will lead to unreasonable, or indeed absurd, results. That this
proposition could lead to manifestly unreasonable results willbe evident
from the followingillustrations, in each of which A isthe applicant State,
B the respondent, and C the third party State, whose wrongdoing must
be established as a precondition to the claim or the defence.In each illus-
tration, Bhas subscribed to the Court's jurisdiction, but not C, for which
reason C is not before the Court:

After A and B enter into a mutual defencepact, C commits an act of
aggressionagainst A. B does not come to A'srelief.In an action by A

against B, it is necessary, preliminarily, for A to prove C's act of
aggression2. Since C is not before the Court, A's claimmust be dis-
missed.
Between A and C, there liesa narrow corridor of B'sterritory. C dis-
charges a large quantity of radioactive waste into B, whence it flows
into A. A sues B. B seeks to prove that the matter is beyond its con-
trol, inasmuch as the noxious material has come from C and, once on
its territory, could not be contained. Since it is necessary for B to

Sir Gerald Fitzmaurice, TheLaw and Procedureof the International Court of Justice,
1986,Vol. II, p. 4;emphasis in original.
For this illustration, see Johnson, op. cit., p. 110. exclut l'introduction de toute autre instance, non seulement devant
le tribunal qui a statué sur sa compétencemais égalementdevant
toute autre juridiction. Par conséquent, dans le domaine intematio-
na1ces questions prennent une importance beaucoup plus grande et
habituellement fondamentale. ))'

Il est important de relever, s'agissant de toutes les questions de com-
pétence,qu'une fois tous les autres recours épuisés la Cour est lajuridic-
tion de dernier ressort du systèmeinternational chargéed'appliquer les
principes du droit international.

vi) Le critère du caractère raisonnable

En l'espèce,on cherche à interpréter le précédent del'Or monétaire
comme signifiant que la Cour est incompétenteparcequ'ellene peut sta-
tuer sur la question dont elle est saisie sans déciderau préalablede la
licéitéde la présencede l'Indonésiesur le Territoire. En bref, cette thèse
reviendrait à considérerque si l'on ne pouvait accueillir la demande d'un
Etat A contre un Etat B qu'en démontrantau préalablequ'un Etat C a
commis un acte illicite, 1'EtatB pourrait éviterque son comportement,
aussi illicite soit-il, fasse l'objet d'un examen en faisant valoir que sa
propre responsabiliténe saurait êtredéterminéesans qu'il ait été statué
au préalable sur l'acteillicite de1'EtatC.
Depuis longtemps, on juge de la qualité d'une interprétation en

examinant si elle n'aboutit pas à des résultats déraisonnables,voire
absurdes. De toute évidence,la thèse enquestion peut produire des résul-
tats manifestement déraisonnables si l'on considère les exemples sui-
vants, où A est 1'Etatdemandeur, B1'EtatdéfendeuretC 1'Etattiers dont
l'acte illicite doit être établi préalablement à l'examen des prétentions
du demandeur ou du défendeur. Dans chaque exemple, B a reconnu la
compétence dela Cour mais non pas C, qui n'est donc pas partie à l'ins-
tance :

- Après queA et B eurent conclu un pacte de défensemutuelle, C com-
met un acte d'agression contre A. B ne seporte pas au secours de A.
Dans une action intentéepar A contre B,il est nécessaire, à titre préa-
lable, que A démontrel'acte d'agression de C2. Etant donnéque C

n'est pas partie, la demande de A doit êtrerejetée.
- Un étroitcouloir territorial appartenant à B se trouve entre A et C. C
déversesur leterritoire de Bune grande quantitéde déchetsradioactifs
qui, de là, serépandentdans leterritoire de A.A poursuit B. Bcherche
à prouver que le problème échappe à son contrôle, dans la mesure où
lesmatériauxnocifsprovenaient de C et qu'ilsne pouvaient êtreconte-

'Sir Gerald Fitzmaurice, The Law and Procedure ofthe International Court of Justice,
1986,vol. II, p. 438; les italiques sont dans l'original.
Voir Johnson,op. cit., p. 110. prove this wrongful conduct on the part of C, B'sdefencewill beshut
out.
- In furtherance of B's plans to gather military intelligence regarding
A, B persuades a potential ally, C, to overflyA's territory for unlaw-
fulaerial surveillance.WhileoverflyingA'sterritory, C's plane crashes
over a crowded city, causing immense damage and loss of life. A
takes B to Court for damage caused. A is in possession of material
proving B'sinstigation of C's unlawfulact. B can have the claim dis-
missedfor lack ofjurisdiction, on the basis that a precondition to the
claim is proof of C's unlawfulact.

- C makes a raid against A and plunders, inter alia, a historic object
belonging to A. B acquires the object from C. A sues B to recover it
and needs, as a prerequisite, to prove that it was the identical object

taken away in the raid by C. A cannot maintain the action in the
absence of C, for proof of C's wrongdoing is a prerequisite to A's
claim. (The example does not take into account any special treaty
provisions relating to the return of cultural or historical treasures.)

- A State corporation owned by A runs an industrial establishment in
the territory of C. C wrongfullyconfiscatesits highly specializedplant
and factory, and invites B, which commands special expertise in the
relevant field,to participate in running it with C as ajoint profit-shar-
ing venture. B agrees and participates. A sues B, allegingthe illegality
of the whole enterprise. The claimmust be rejected because the action
is not maintainable without proof of the wrongful act of C.

Examples could be multiplied.
In each case a third party's wrongdoing must be established as a pre-
requisite to the claim or defence. In each case the rule excluding it pro-
duces manifest injustice and an unreasonable result. Itis difficultto ima-
gine that such a rule can truly represent a "well-established" principle of
international law, built into the Statute of the Court - a principle on the
basis of which the fundamental question of jurisdiction is decided, on
which in turn depend the ultimate rights of parties in matters of great
moment.

The conclusion is compelling that an interpretation of Monetary Gold
to produce such a result clearly extends the decision far beyond its per-
missiblelimits. Indeed, such an interpretation seemscontrary to the prin-
ciple ofindividual responsibility of each State for its own acts. The mere

allegation of a third party's wrongdoingas a prerequisite to the proof of
one's owncannot deflectthe course ofjustice and steer it away from the nus une fois parvenus sur son territoire. Etant donné que B doit
prouver l'acte illicitede C, il lui est impossible de se défendre.
- Pour mettre en Œuvre ses plans de renseignement militaire concer-
nant A, B persuade un alliépotentiel, C, de survoler le territoire
de A afin d'effectuer une surveillance aérienne illici. lors qu'il sur-
vole le territoire de A, l'avion des'écrasesur une villetrès peuplée,
provoquant des dommages et des pertes en vies humaines considé-
rables. A poursuit B devant la Cour pour les dommages qu'il a subis.

A possède des preuvesdu fait que B a étél'instigateur de l'acte illi-
cite de C. B peut faire rejeter la demande pour incompétenceau
motif que la demande requiert au préalable lapreuve de l'acte illicite
de C.
- C effectue un raid contre A et s'empare d'un objet historique appar-
tenant à ce dernier. B acquiert cet objet de C. A poursuit B afin de
récupérerl'objet et doit,au préalable, démontrerqu'il s'agitde l'objet
qui a été emporté par C au cours du raid. A ne peut faire valoir sa
demande en l'absence de C,étantdonné que lapreuve de l'acte illicite
de C doit nécessairementêtre apportéeavant qu'il puisse être statué
sur sa demande (cet exemple netient pas compte d'éventuellesdispo-
sitions conventionnelles particulièresrelatives la restitution d'objets

de valeur culturelle ou historique).
- Une entreprise publique appartenant à A dirige un établissement
industriel sur le territoire de C. C s'approprie illicitementlesusines et
les installations hautement spécialiséedse cet établissementet invite
B, qui dispose de connaissancestechniques en la matière, à participer
avec lui à la gestion de cet établissementdans le cadre d'une entre-
prise commercialeconjointe. B accepte et y participe. A poursuit Ben
invoquant I'illicéide toute l'opération.La demande doit êtrerejetée
puisqu'il est impossible de la faire valoir sans que la preuve de l'acte
illicite de C ait été administrée.

Les exemplespeuvent êtremultipliés.

Dans chacun de ces cas, l'acte illicite d'un tiers doit être prouvé préa-
lablement à l'examen des moyens du demandeur et du défendeur.Dans
chacun de ces cas, la règlequi empêched'apporter cette preuve aboutit à
un résultatmanifestement injuste et déraisonnable. Il est difficiled'ima-
giner comment une telle règle peut vraiment représenter un principe
«bien établi))de droit international, consacré par le Statut de la Cour,
principe sur la base duquel la question fondamentale de la compétence
doit être tranchéeet dont dépendent à leur tour les droits ultimes des
parties dans des affaires d'une grande importance.
On doit donc conclure qu'une interprétation du précédent de l'Or
monétaire qui produirait un tel résultat reviendraitclairement à étendre
la portéede cet arrêtbien au-delà des limites tolérables.En fait, une telle

interprétation semblerait contrevenir au principe de la responsabilitéde
chaque Etat pour ses propres actes. Le seul fait de prétendre que l'acte
illicited'un tiers doit être prouvé avantque le sien propre puisse l'êtreneprinciple of a State's individual responsibilityfor its individual actions.
(On this, see, further, Section 3 (ii) below.)

(vii)Prior jurisprudence

In Monetary Gold, the Court stated that:

"To adjudicate upon the international responsibility of Albania
without her consent would run counter to a well-established prin-
ciple of international law embodied in the Court S Statute, namely,
that the Court can only exercisejurisdiction over a State with its
consent." (I.C.J. Reports 1954, p. 32; emphasis added.)

It is noteworthy that there was no citation of precedent in Monetary

Gold. It was a decision that formulated no new principle, and made no
new advances. The decisionmade no greater claim than that it was apply-
ing a principle already embodied in the Court's Statute.
It would be helpful, therefore, to look at some prior cases.

(a) Advisory Opinions

Two well-known prior cases are Status of Eastern Carelia (P.C.I.J.,
Series B, No. 5) and Interpretation of Peace Treaties with Bulgaria,Hun-
gary and Romania, First Phase (1.C.J. Reports 1950, p. 65), both Advi-
sory Opinions, where similarly strong statements were made in similar
language.

In the first case, the Permanent Court found that it was "impossible"
to givean opinion which bears on an actual dispute between Finland and

Russia, as the Russian Government was not before the Court. Using the
same expressionlater used in Monetary Gold(I.C. J. Reports 1954,p. 32),
that case too described as "wellestablished in international law" the prin-
ciplethat no State could, "without its consent, be compelled to submit its
disputes . . .to mediation or to arbitration" (P.C.I.J., Series B, No. 5,
p. 27).
In Interpretation of Peace Treaties with Bulgaria, Hungary and Roma-
nia, as well, the Court referred to the

"well-established principle of international law according to which
no judicial proceedings relating to a legal question pending between
States can take place without their consent" (I.C.J. Reports 1950,
p. 71).
If these cases were a basis on which this Court described the third
party rule as a "well-established" principle in international law, the point

needs to be made that advisory opinions rest upon a different judicial
basis from contentious proceedings. The Court's decision as to whethersaurait dévierle cours de la justice et détournercelle-cidu principe selon
lequel chaque Etat est responsable de sespropres actions (sur cette ques-
tion, voir aussi la section, paragraphe ii), ci-après).

vii) Jurisprudence antérieure

Dans l'affaire de l'Ormonétaire,la Cour a dit que:

((Statuer sur la responsabilitéinternationale de l'Albanie sans son
consentement serait agir àl'encontre d'un principede droit interna-
tional bien établi etncorporédans le Statut,à savoir que la Cour ne
peut exercer sa juridiction à l'égard d'unEtat si ce n'est avec le
consentement de ce dernier.)) (C.I.J. Recueil 1954, p. 32; les ita-
liques sont de moi.)

Il convient de noter qu'aucun précédentn'a été cité dans l'affaire de
l'Or monétaire.C'est une décisionqui n'a pas formuléde nouveau prin-
cipe ni marqué d'avancéeE . lle n'avait d'autre prétentionque d'appliquer
un principe déjàconsacré dansle Statut de la Cour.
Il serait donc utile d'examiner quelquesprécédents.

a) Avis consultatifs

Deux précédentsbien connus sont les avis consultatifs donnés dans les
affaires duStatut de la Carélieorientale (1923, C.P.J.I. sérieB no5) et
de l'Interprétationdes traitésdepaix conclus avecla Bulgarie, laHongrie
et la Roumanie, première phase(C.I.J. Recueil 1950,p. 65), qui contien-
nent l'un et l'autre des déclarationségalement fermes,formulées dans des

termes similaires.
Dans le premier cas, la Cour permanente a conclu qu'il lui était
«impossible» de donner un avis portant sur un différendréelnéentre la
Finlande et la Russie parce que le Gouvernement russe neparticipait pas
à l'instance. Dans les mêmestermes que ceux employésplus tard dans
l'affaire del'Ormonétaire(C.I.J. Recueil 1954, p. 32), la Cour perma-
nente qualifiait de «bien établien droit international)) le principe selon
lequel aucun Etat «ne saurait êtreobligé desoumettre ses différends...
soità la médiation, soit àl'arbitrage)) (C.P.J.I. sérieB no5, p. 27).
Dans l'avis relatifà l'Interprétationdes traitésdepaix conclus avecla
Bulgarie, laHongrie et la Roumanie, également,la Cour a évoqué:

«le principe bien établi de droit international selon lequel toute
procédurejudiciaire ayant trait à une question juridique pendante
entre Etats exigele consentement de ceux-ci)) (C.I.J. Recueil 1950,
p. 71).

Si la Cour actuelle s'estappuyée surces affairespour dire que la règle
de la tierce partie est un principe «bien établi))en droit international, il
convient de faire remarquer que la base de compétence dela Cour n'est
pas la mêmeen matière consultative et en matière contentieuse.La déci-to proceed with a matter is clearly taken on different bases in advisory
proceedings, where the Statute may perhaps give the Court somewhat
more discretion as to whether it willrender an opinion (Statute, Art. 65).
Precedents deriving from advisory opinions, where the Court declinesto
givean opinion in consequence of third party involvement, are not there-

fore of direct applicability to jurisdictional decisions in contentious pro-
ceedings.
Itis significantmoreover that in Status of Eastern Carelia, the Court
described it as "very inexpedieizt that the Court should attempt to deal
with the present question" (P.C.I.J., Series B, No. 5, p. 28; emphasis
added) and again stated "it is certainly expedient that the facts upon
which the opinion of the Court is desired should not be in controversy"
(ibid.;emphasis added).
The jurisprudence on this matter deriving from advisory opinions can

thus be distinguished'. Whether or not considerations of "expediency"
can be taken into account in advisory opinions, they have no place in
contentious litigation where the Court must reach a decision one way or
the other (seepara. (v) ab~ve)~.

(b) Contentious cases

As for the jurisprudence deriving from contentious proceedings, the
manner in which the Court handled the Corfu Channel case, just a few

years earlier, is not in line with the general proposition formulated in
Monetary Gold.
In that case, the United Kingdom claimed that the minefield which
caused damage to its shipping was laid by Albania. As an alternative
argument it claimed that the minefieldwas laid by Yugoslavia, with the
connivance of the Albanian Government. As the Court observed:

"This would imply collusion between the Albanian and the Yugo-
slav Governments, consisting either of a request by the Albanian
Government to the Yugoslav Government for assistance, or of
acquiescenceby the Albanian authorities in the laying of the mines."
(I.C.J. Reports 1949,p. 16.)

In so far as concerned this alternative argument, the principal wrong-
doer was Yugoslavia. Yugoslavian wrongdoing was the prerequisite to

'SeeD. H. N. Johnson:
"The Court'sjudgrnent givesthe impressionthat certain dicta, properly applicable
to the question whether or not the Court should exercisea discretion in favour
giving an advisory opinion, were applied somewhattoo literally to the different cir-
cumstances ofa contentious case." (Op.cit., p. 110.)
See,also, Anglo-Iranian Oil Co.(1.C.J. Reports 1952,p. 103),and Rights of Minori-
ties N?UpperSilesia (Minority Schools) (P.C.I.J., Series15,p.22)for other cases
which heldthat the jurisdiction of the Courtends on the will ofthe Parties".sion de la Cour de seprononcer sur une affaire repose manifestement sur
des bases différentes enmatière consultative, où le Statut lui laisse peut-
êtreun peu plus de latitude pour décider dedonner ou non un avis (Sta-

tut, art. 65). Les précédentstirés d'avis consultatifs que la Cour s'est
refusée à donner parce qu'une tierce partie était en cause ne sont donc
pas directement transposables à la compétence enmatière contentieuse.

En outre, il importe de noter qu'en l'affaire du Statut de la Carélie
orientale, la Cour a parlédes raisons «pour lesquelles tout effort de la
Cour de traiter la question actuelle serait inopportun)) (C.P.J.I. série B
n05 , p. 28; les italiquessont de moi) et a déclaré encorequ'«il serait cer-
tainement utile que les faits sur lesquels l'avis de la Cour est demandé

fussent constants)) (ibid.;les italiques sont de moi).
Il faut donc distinguer la jurisprudence en la matière tiréedes avis
consultatifs'. Que l'on puisse ou non tenir compte de considérations
d'«opportunité» dans les avis consultatifs, elles n'ont pas de place en
matièrecontentieuse où la Cour est tenue de statuer dans un sens ou dans
l'autre (voir ci-dessus par.v))~.

b) Affaires contentieuses

Quant à lajurisprudence tirée des décisionsen matière contentieuse,la
façon dont la Cour a traité l'affaire du Détroit de Corfou, quelques
annéesseulement auparavant, ne correspond pas au principe généralfor-
mulédans l'affaire del'Or monétaire.
Dans la premièreaffaire, le Royaume-Uni prétendait, à titre principal,
que le champ de mines qui avait causé desdommages à ses navires avait
été mouillépar l'Albanie et, à titre subsidiaire,qu'il avait étémouillépar
la Yougoslavie, avec la connivence du Gouvernement albanais. Comme
la Cour l'a fait observer:

«Le fait impliquerait une collusion entre le Gouvernement alba-
nais et le Gouvernement yougoslave, collusion qui se serait mani-
festéeou dans une demande d'assistance Darle Gouvernement alba-
nais au Gouvernement yougoslave, ou par un acquiescement au

mouillage par les autorités albanaises. » (C.I.J. Recueil 1949, p. 16.)
Selon cette thèsesubsidiaire,la Yougoslavie était l'auteur principal du
préjudice. Sansacte illicite de la Yougoslavie, il ne pouvait pas y avoir

lVoir D. H. N. Johnson:

((L'arrêtde la Cour donneimpressionque certaines considérations,dont il con-
vient de tenir compte pour déterminersi la Cour doit ou non user de son pouvoir
ralement aux circonstances différentesd'une affaire contentieuse.t., p. 110.)

Voir égalementAnglo-Iranian Oil Co.(C.I.J. Recueil 1952, p. 103)et Droits de mino-
ritésen Haute-Silésie (écoles minoritaires)(C.P.J.I. sérieA no 15, p. 22) pour d'autres
cas où il est affirméque la compétence de laCourpendde la volonté desParties».the alleged Albanian wrongdoing, very much in the manner of Indo-
nesian wrongdoing being the prerequisite to alleged Australian wrong-
doing, as argued by Australia.
In proof of this collusion the United Kingdom Government placed
evidence before the Court and, in the Court's own words:

"The Court gavemuch attention to this evidenceand to the docu-
mentary information supplied by the Parties. It supplemented and
checked al1this information by sending two experts appointed by it
to Sibenik: Commodore S. A. Forshell and Lieutenant-Commander
S. J. W. Elfferich." (I.C.J. Reports 1949, p. 16.)

"Apart from Kovacic's evidence,the United Kingdom Govern-
ment endeavoured to prove collusion betweenAlbania and Yugosla-
via by certain presumptions of fact, or circumstantial evidence,such
as the possession, at that time, by Yugoslavia, and by no other

neighbouring State, of GY mines, and by the bond of close political
and military alliance between Albania and Yugoslavia, resulting
from the Treaty offriendship andmutual assistance signed by those
two States on July 9th, 1946." (Ibid., p. 17; emphasis added.)

TheYugoslavGovernmentwasnot a party to theproceedingsbutit author-

ized the Albanian Government to produce certain Yugoslav documents.
Sir Hartley Shawcross for the United Kingdom made the following
statements, among others, implicatingYugoslavia, not merely peripher-
ally, but indeed,in this part of the case, as the principal participant in the
international wrongdoing alleged :
(a) that it was well known that, at the relevant time, there was the

closest association and collaboration between Albania and Yugo-
slavia (I.C.J. Pleadings, Corfu Channel,Vol. III, p. 239);
(b) that members of the Albanian Forces were sent to Yugoslavia for
training (ibid., p. 240;
(c) that Yugoslavia, under a decree contained in the Yugoslav Officia1
Gazette, was given "a virtual monopolistic position in regard to
coastal traffic between the two countries" (ibid.);
(d) that Yugoslavia conducted practically the whole of Albania's for-
eign relations and "had naval, military and air-force missions in
Albania guiding the organization of the military arrangements of
that country" (ibid.);
(e) that Yugoslavia had the relevant GY type of German mines, which
were laid in the Corfu Channel (ibid.) ;

(f) that the suspicion that Yugoslav ships laid these mines is "converted
into certainty" by the evidence of Lieutenant-Commander Kovacic,
formerly of the Yugoslav navy (ibid.) ; l'acte illicite de l'Albanie, de mêmeque, comme l'a plaidél'Australie,
sans acte illicite de l'Indonésie,il nepouvait y avoir l'acte illiciteallégué
de l'Australie.
Pour démontrer cette collusion, le Gouvernement du Royaume-Uni a
produit des moyens de preuve devant la Cour et, selon lespropres termes
de celle-ci:

«La Cour a longuement examinéle témoignageen question ainsi
que les informations documentaires produites par les Parties. Elle
a complétéet vérifié ces donnéespar l'envoi à Sibenik de deux
experts désignéspar elle: le capitaine de vaisseau chef de division
S. A. Forshell et le capitaine de corvette S.J. W. Elfferich.» (C.I.J.
Recueil 1949, p. 16.)

((Indépendammentdu témoignageKovacic, le Gouvernement du
Royaume-Uni a cherché à démontrer l'existence d'une collusion
entre l'Albanie et la Yougoslavie par certaines présomptions de fait
ou preuves circonstancielles, telles que la possessionà l'époque,par
la Yougoslavie, à l'exclusionde tout autre Etat voisin, de mines de
type GY, et lesliens d'étroiteallianceà la fois politique et militaire,
entre l'Albanie et la Yougoslavie, résultant du traité d'amitié et
d'assistance mutuelle conclupar ces deux Etats le 9 juillet 1946.))
(Zbid.,p. 17; les italiques sont de moi.)

Le Gouvernement yougoslaven'étaitpas partie àl'instance,mais il a auto-
riséle Gouvernement albanais à produirecertains documents yougoslaves.
Sir Hartley Shawcrossa notamment fait, au nom du Royaume-Uni, les
déclarations suivantes impliquant la Yougoslavie non seulement à titre

accessoire mais même,dans cette partie de l'affaire, en tant qu'auteur
principal du préjudiceinternational allégué. Il a déclaré:
a) qu'il étaitbien connu qu'à l'époqueil existait une association et une
collaboration très étroites entre l'Albanie et la Yougoslavie (C.I.J.

Mémoires,Détroitde Corfou, vol. III, p. 239);
b) que des membres des forces albanaises avaient étéenvoyésen You-
goslavie pour y recevoir une formation (ibid., p. 240);
c) qu'en vertu d'un décret figurant au journal officiel yougoslave, la
Yougoslavie s'étaitvu attribuer «une position de monopole virtuel à
l'égarddu trafic côtier entre les deux pays» (ibid.);
d) que la Yougoslavie conduisait pratiquement toutes les relations
extérieures del'Albanie et «avait des missions navales, militaires et
aériennesen Albanie pour guider l'organisation des arrangements
militaires dans ce pays» (ibid.);
e) que la Yougoslavie possédaitle type de mines allemandes de type GY
qui avaient été mouilléedsans le détroitde Corfou (ibid.);

f) que le soupçon que l'on avait que les navires yougoslaves avaient
poséces mines s'était((transforméen certitude)) àla suite des témoi-
gnages du commandant Kovacic, qui avait appartenu à la marine
yougoslave (ibid.) ; (g) that the mines were hurriedly loaded ont0 two Yugoslav ships which
"silently steamed away" during the night to lay them in Albanian
waters (I.C.J. Pleadings, Corfu Channel, Vol. III, p. 243);

(h) that there was a stock of GY mines at Sibenik and the mines loaded
on the vesselscame from that stock (ibid.) ;

(i) that the ships were seen again 4 days later, but the mines were not
upon them (ibid., pp. 243-244); and
(j) that there was evidencethat the duty carried out by the ships was to
lay a field of mines in Albanian territorial waters (ibid., p. 244).

The Court did not dismiss these suggestions as beyond its jurisdiction
to investigate, but in fact, by its Order of 17January 1949(1. C. J. Reports
1949,p. 15l), instructed naval experts nominated by it to carry out inves-
tigations on the spot at Sibenik, Yugoslavia, and in the Corfu Channel
area. For two days, at Sibenik, the experts inspected the actual geo-
graphical layout of the spot where Kovacic testified he had seen the two
Yugoslav minelayers being loaded with minesL.

Clearly this was a very specificallegation of an internationally wrong-

ful act by a third State not before the Court. Indeed, it provoked a strong
response from Albania in the following terms:

"How could the Court decide on the facts of alleged complicity

and on the demand for reparations against 'the accomplice'without
having given a decision against 'the principal offender' accusedarbi-
trarily and without proof by the British Government?"

The Court held, in fact, that "the authors of the minelayingremain un-

known" (I.C.J. Reports 1949,p. 17).Had the Court accepted the United
Kingdom's submissions,it would have been making a clear finding of the
commission of an illegality byYugoslavia. The fact that such a wrongful
act was alleged against a third party did not deter the Court from con-
sidering the alternative argument placed before it.
The Corfu Channel case was thus a stronger instance of third party
involvement than the present case. It may evenbe characterized as a case-

' For the arrangements regarding this visit,see1.C.J. Pleadings,Corfu Channel,Vol.V,
pp. 257-274.See,also, for a more detailed study, Il Yung Chung, Legal ProblemsZnvolved
in the Corfu Channel Incident,1959,pp. 146et seq.
1C.J. Pleadings,Corfu Channel,Vol. II, p. 353,para. 102,Rejoinder, Government of
Albania.
"Comment la Cour pourrait-elle statuer sur les faits de prétendue complicité estur
la demande de réparations introduite contre 'lecomplice', sans avoirrendu une déci-
sion contre 'l'auteur principal' acarbitrairement et sans preuve par le Gou-
vernement britannique?'(Original French.)g) que les mines avaient été chargée s la hâte sur deux navires yougo-
slaves qui avaient ((appareillésilencieusement » pendant la nuit pour
les mouiller dans les eaux albanaises (C.I.J. Mémoires, Détroit de
Corfou, vol. III, p. 243);
h) qu'ily avait un stock de mines de type GY à Sibenik et que les mines
chargées surces navires provenaient de ce stock (ibid.);

i) que les navires avaient étévus de nouveau quatre jours plus tard,
mais que les mines n'y étaient plus(ibid., p. 243-244);
j) qu'il y avait des preuves indiquant que la tâche confiéeaux navires
était de poser un champ de mines dans les eaux territoriales alba-
naises (ibid., p. 244).
La Cour n'a pas dit qu'elle n'avait pas compétencepour examiner ces

affirmations et ne les a pas écartées:elle a en fait, par sa décisiondu
17 janvier 1949 (C.I.J. Recueil 1949, p. 151), invitéles experts qu'elle
avait désignés à se rendre à Sibenik, en Yougoslavie, et dans la régiondu
détroit de Corfou pour mener une enquête sur place.A Sibenik, les
experts ont étudiépendant deux jours la configuration géographique de
l'endroit où Kovacic avait témoigné avoirvu charger les mines sur les
deux mouilleurs de mines yougoslaves'.
Il s'agissait manifestement en l'espècede l'allégationbien précised'un
acte internationalement illicite d'un Etat tiers ne participant pas à l'ins-
tance. Cette allégationa d'ailleursprovoquéune forte réaction de1'Alba-
nie, dans les termes suivants:

((Comment la Cour pourrait-elle statuer sur les faits de prétendue
complicité et sur la demande de réparations introduite contre «le
complice)),sans avoir rendu une décisioncontre ((l'auteur principal))
accuséarbitrairement et sans preuve par le Gouvernement britan-
nique? »

La Cour a dit en fait que «les auteurs du mouillage [étaient] restés
inconnus)) (C.I.J. Recueil 1949, p. 17). Si elle avait acceptéla thèsedu
Royaume-Uni, elle aurait clairement conclu que la Yougoslavie avait
commis un acte illicite. Qu'un tel acte illicite ait été allégué l'encontre

d'une tierce partie n'a pas empêché la Cour d'examiner la thèsequi lui
était présentée à titre subsidiaire.
Dans l'affaire du Détroit de Corfou, l'implication d'une tierce partie
étaitdonc plus nette quedans la présente affaire.On peut mêmedire que

'Pour les arrangements relàtcette visite, voir C.I.J. Mémoires,Détroitde Corfou,
Problems Involved in the Corfu Channel Incident, 1959,p. 146et suiv.g Chung, Legal
C.I.J. Mémoires, Détroitde Corfou, vol. II, p. 353, par. 102, duplique du Gou-
vernement albanais.which went to the very edge ofthe principle, or even, conceivably, some-
what beyond it, but it does not support the suggestionin Monetary Gold
of a steady stream of prior authority.

If the proposition be correct that an application should be dismissed
where the illegal act of a third party State lies at the very foundation of
the claim, the Court would have indicated to the United Kingdom that
this alternative claim was unsustainable in the absence of Yugoslavia and
would have dismissed this aspect of the case in limine.

If, far from taking such a course, the Court "gave much attention" to
the evidence, checked the documentary information and sent experts to
investigate it, it was not governing itself by the principle which Australia
argues is fundamental and wellestablished. It even permitted the United
Kingdom Government to attempt to prove collusion with the absent
third State, to the extent not only of possession of the mines, but also of
a military alliance resulting from a treaty of friendship and mutual alli-
ance. The attitude of the Court in Corfu Channelis thus in sharp contrast
to the Court's decision in the present case.

The Ambatielos case (I.C.J. Reports 1953, p. 10) may also be men-
tioned as an instance where the position of third parties not before the
Court was likely to be affected by the decision the Court was invited to
make.
In the merits phase of that case, the Greek Government, in a case
between itself and the United Kingdom, invited the Court to consider
certain articles of treaties between the United Kingdom and Denmark,
the United Kingdom and Swedenand the United Kingdom and Bolivia.
The United Kingdom Government, without objecting to the referenceto

those treaties, questioned the correctness of the English translations of
certain of the provisions invoked. The Court was invited to place a con-
struction upon these treaties which would have helped the Government
of Greece in the interpretation it sought to place upon its treaty with the
United Kingdom. No exception seems to have been taken to the refer-
ence to these treatiesl.

(viii) Subsequent jurisprudence

A substantial jurisprudence has built up over the years in which,
although the principle in Monetary Gold has been invoked as a bar to

lSee, also, the Anglo-ZranOilCo. case (I.C.J. Reports 1952,p. 93)where a conten-
tion of the United Kingdom was that, upon the coming into force of the Iranian-Danish
Treaty on 6 March 1935,Iran became bound, by the operation of the most-favoured-
and practice of international law"d.,p. 109). her territory in accordance with the principlesla limite extrêmedu principe y était atteinte, voire franchie; mais cette
affaire ne confirme pas l'idée expriméd eans l'arrêt rendu dansl'affaire
de l'Or monétaire, selon laquelleil existerait toute une série de précé-
dents.
S'ilétaitexact qu'une requête doiveêtrerejetéelorsqu'un acte illicite
perpétrépar unEtat tiers est à la base mêmede la requête,la Cour aurait
dit au Royaume-Uni que la thèsequ'il avait présentée à titre subsidiaire
étaitindéfendableen l'absencede la Yougoslavie et aurait refuséin limine

litis de connaître de cet aspect de l'affaire.
Si, bien loin de suivre cette voie, la Cour a ((longuementexaminé))le
témoignage ainsi que les informations documentaires et envoyé des
experts pour les étudier, c'est qu'elle ne s'est pas inspirée dans sa
conduite du principe qui, selon l'Australie, est fondamental et bien
établi. Elle a mêmeautorisé le Gouvernement du Royaume-Uni à
essayer de prouver qu'il y avait eu collusion avec 1'Etat tiers absent,
dans la mesure où non seulement ce dernier était en possession des
mines maisencore où il avait conclu une alliancemilitairerésultant d'un
traité d'amitiéet d'assistance mutuelle. L'attitude de la Cour dans
l'affaire du Détroitde Corfou contrastedonc fortement avec sa décision
dans la présentel'espèce.

L'affaire Ambatielos (C.Z.J. Recueil 1953, p. 10) peut aussi êtrecitée
comme un exemple où la situation de tiers à l'instance risquait d'être
affectéepar l'arrêt quela Cour étaitinvitée à rendre.

Lors de l'examen au fond de l'affaire qui l'opposait au Royaume-
Uni, le Gouvernement grec a invité laCour àprendre en considération
certains articles de traitésconclus entre le Royaume-Uni et le Danemark,
le Royaume-Uni et la Suèdeet le Royaume-Uni et la Bolivie. Le Gou-
vernement du Royaume-Uni, sans faire objection à ce qu'il fût fait réfé-
rence à ces traités, a contestél'exactitude des traductions anglaises de
certaines des dispositions invoquées.La Cour était invitée à donner de

ces traitésune interprétation qui aurait conforté le Gouvernement grec
dans son interprétation du traitéqu'il avait conclu avec le Royaume-Uni.
Il n'a pas étfait d'objection, semble-t-ià,ce que cestraitésfussent invo-
qués '.

viii) Jurisprudence postérieure
Il s'est constituéau fil des ans une abondante jurisprudence où, bien

que le principe de l'Or monétaireait étéinvoquépour contester la com-

'Voir également l'affaire deI'Anglo-Iranian Oil Co. (C.Z.J. Recueil 1952, p. 93), où le
Royaume-Uni soutenait notamment que lorsque le traité entre l'Iran et le Danemark
était entréen vigueur lears 1935, l'Iran avait étémis dans l'obligation, par le jeu
de la clause de la nation la plus favorisée,iter les sujets britanniques sur son
territoire conformément aux principes etpratique du droit international)) (ibid.,
p. 109).jurisdiction, the Court has held the principle within its proper confines,
refusing to allow it to be unduly extended. This accords with the Court's
view, already cited, that Monetary Gold had gone to "the limit of the
power of the Court to refuse to exercise its jurisdiction" (Military and

Paramilitary Activities in and against Nicaragua (Nicaragua v. United
States of America), Jurisdiction and Admissibility, Judgment, 1.C.J.
Reports 1984, p. 431, para. 88).

Among the cases so decided by the Court are Military and Paramili-
tary Activities in and against Nicaragua (Nicaragua v. United States of
America), Land, Island and Maritime Frontier Dispute (El Salvador/
Honduras), Continental Shelj"(Libyan Arab Jamahiriya/Malta), Fron-
tier Dispute (Burkina Faso/Republic of Mali) and Certain Phosphate
Lands in Nauru (Nauru v. Australia).

Principles that have received elaboration in the Court's developing
jurisprudence on this point are that it did not suffice that a third party
was affected (Land, Island andMaritime Frontier Dispute (El Salvador/

Honduras), Application to Intervene, Judgment, 1.C.J. Reports 1990,
pp. 115-116,para. 55); that the interests of the third State must be a part
of "the very subject-matter of the decision" (ibid., pp. 121-122,paras. 72
and 73); that the "test is not merely one of sameness of subject-matter
but also of whether, in relation to the same subject-matter, the Court is
making a judicial determination of the responsibility of a non-party
State" (Certain Phosphate Lands inNauru (Nauru v. Australia), Prelimi-
nary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1992, p. 296, Judge Shaha-
buddeen, separate opinion); that joint wrongdoers may be individually
sued (ibid., pp. 258-259); and that the circumstance that a third party
would be affected by the Judgment is not by itself sufficient to bring
Monetary Gold into operation (ibid., pp. 261-262).
Particular reference should be made to Certain Phosphate Lands in
Nauru (I.C.J. Reports 1992, p. 240), which is in a sense closest to the
principle involved in the present case. In that case, although the admini-

stration of Nauru was entrusted jointly to three trustee Powers - Aus-
tralia, New Zealand and the United Kingdom - and any finding of
breach of trust by Australia would, it was alleged, necessarily mean a
finding against its partners as well, the Court was not deterred from dis-
missing that objection and setting the case down for hearing on the
merits. The Court held that the interests of New Zealand and the United
Kingdom did not constitutethe very subject-matter of thejudgment to be
rendered on the merits of Nauru's Application. The Court rejected Aus-
tralia's contention that there would be a simultaneous determination of
the responsibility ofal1three States and that, so far as concerns New Zea-
land and the United Kingdom, such a determination would be precluded
by the fundamental reasons underlying Monetary Gold (1.C.J. Reports
1992, p. 261, para. 55). The fact that the Court's judgment would clearly
affect third parties not before the Court does not thus deter the Courtpétence,la Cour a maintenu ledit principe dans les limites appropriéeset
refusé qu'il fût étenduindûment au-delà de sa portéelégitime.Cette atti-
tude est conforme à l'avis de la Cour, déjà cité, selon lequel l'affaire de
l'Or monétairemarque vraisemblablement «la limite du pouvoir de la
Cour de refuser d'exercer sajuridiction)) (Activitésmilitaires et parami-
litaires au Nicaraguaet contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amé-
rique), compétenceet recevabilité,arrêt,C.I.J. Recueil 1984, p. 431,
par. 88).
Parmi les affaires où la Cour a statué dans ce sens, il faut citer celles
des Activitésmilitaires et paramilitaires au Nicaraguaet contre celui-ci

(Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique),du Différend frontalier terrestre,
insulaire et nzaritii?ze(El Salvador/Honduras), du Plateau continental
(Jamahiriya arabe libyenne/Malte) , du Différend frontalier (Burkina
Faso/Républiquedu Mali) et de Certaines terres à phosphates à Nauru
(Nauru c. Australie).
Les principes qui se sont dégagésà mesure que la jurisprudence de la
Cour sur ce point évoluaitsont les suivants: il ne suffit pas qu'une tierce
partie soit touchée (Différendfrontalier terrestre, insulaire et maritime
(El Salvador/Honduras), requête àjn d'intervention,arrêt,C.I.J. Recueil
1990, p. 115-116, par. 55); il faut que les intérêts d1'Etattiers fassent
partie de ((l'objetmêmede ladite décision))(ibid.,p. 121-122,par. 72-73);
le ((critèren'est pas seulement celui de l'identité d'objet, mais aussicelui

de savoir si, par rapportà un même objet,la détermination judiciaire de
la Cour porte sur la responsabilité d'un Etat qui n'est pas partie))
(Certaines terresà phosphates à Nauru (Nauru c. Australie), exceptions
préliminaires,arrêt, C.I.J.Recueil 1992, p. 296, opinion individuelle de
M. Shahabuddeen); lesEtats coauteurs de préjudices peuventêtreassignés
individuellement (ibid., p. 258-259); et le seul fait qu'une tierce partie
puisse êtreaffectéepar la décision ne suffit pas à rendre applicable le
principe de l'Or monétaire(ibid., p. 261-262).
Il convient de mentionner spécialement l'affaire deCertaines terresa
phosphates a Nauru (C.I.J. Recueil 1992,p. 240)qui, en un sens, est celle
où l'on se rapproche le plus du principe en cause dans la présenteespèce.
Dans cette affaire, l'administration de Nauru étaitconfiéeconjointement

à trois autorités administrantes- l'Australie, la Nouvelle-Zélandeet le
Royaume-Uni - et toute conclusion selon laquellel'Australie avait violé
l'accord de tutelle impliquerait nécessairement,prétendait-on, la même
conclusion à l'encontre de ses partenaires. La Cour n'a cependant pas
hésité à rejeter cette exception età dire qu'elle avait compétencepour
examiner l'affaire au fond. Elle a jugé que les intérêts de la
Nouvelle-Zélande etdu Royaume-Uni ne constituaient pas l'objet même
de la décision à rendre sur le fond de la requête deNauru. La Cour a
rejeté l'affirmation de l'Australieselon laquelle il y aurait détermination
simultanéede la responsabilitédes trois Etats et selon laquelle, s'agissant
de la Nouvelle-Zélande etdu Royaume-Uni, les motifs fondamentaux de

l'arrêtrendu dans l'affaire del'Or monétaireferaient obstacle àune telle
détermination (C.I.J. Recueil 1992,p. 261, par. 55). Lefait que l'arrêt defrom adjudicating upon the dispute between the parties who are in fact
before it '.

The undoubtedly necessary and unimpeachable principle enunciated in
Monetary Gold has thus been kept within the ambit of its rationale by a
steadily developingbody ofjurisprudence of this Court. With the greatest
respect to the Court's decision in this case, it would appear that it will

step back from that Streamof development and, in so doing, both expand
the limited principle of that case and diminish the area of the Court's
jurisdiction. The Monetary Gold principle, thus applied, would be dis-
charging a function very different to what it did in the case in which it
was formulated.

3. Othev Relevant Factors

(i) Third party safeguards

In Military and Paramilitary Activities in and against Nicaragua, the
Court observed that, in appropriate circumstances, it would decline, as in
Monetary Gold, to exercise the jurisdiction conferred upon it where the
legal interests of a State not party to the proceedings "'would not only be
affected by a decision, but would form the very subject-matter of the

decision' (I.C. J. Reports 1954, p. 32)" (I.C.J. Reports 1984, p. 431,
para. 88).
Thereafter the Court went onto note the safeguards available to third
parties in the following terms :

lReference maybe made, in this context, to the situation, rather similar to that before
the Court in the instant case, whichconfronted the Central American Court of Justice in
The Republic of El Salvador v. The Republic of Nicaragua. El Salvador complained that
the Bryan-Chamorro Treaty concluded by Nicaragua with the United States for the con-
struction of an inter-oceanic canal was repugnant to previous Treaties of Washington
between ElSalvador and Nicaragua. Nicaragua's position wasthat the Bryan-Chamorro
Treaty was with a State not subject to the jurisdiction of the Court and hence that the
Court lacked jurisdiction. The Central American Court of Justice observed:
"What may be called the fundamental argument: that the Court has no jurisdic-
tion over the subject-matter of this suitbecause it involvesinterests ofa third nation
that is not subjectto the authority of the Court, is also unsound in the opinion of the
judges." (AmericanJournal of International Law, 1917,Vol. 11,p. 698.)

The Court went on to declarethat the Government ofNicaragua wasunder the obligation
to re-establish andmaintain the legal status that obtained prior to the Bryan-Chamorro
Treaty (ibid.,p. 730),but it refusedto go sofar asto declarethe Bryan-Chamorro Treaty
void, as that wouldinvolvethe rights ofa third party who had not submitted to the juris-
diction of the Court. Thus,

"The Central American Court did not allowthe consideration that it might haveto
it from givinga decisionbetweenthe two States actually partiesto the dispute before
the Court." (Johnson,op. cit., p. 109.)la Cour affectait clairement des tiers non parties à l'instance n'a doncpas

empêché celle-cide statuer sur le différendentre les parties effectivement
présentes '.
Le principe, incontestablement nécessaire etinattaquable, énoncédans
l'affaire de l'Or monétairea donc étémaintenu dans des limites raison-
nables par lajurisprudence de la Cour, en évolutionconstante.Avectout

le respect dû à la décision dela Cour en l'espèce,il convient de faire
observer qu'elle marquera apparemment un recul par rapport à la ten-
dance de cette évolution et, ce faisant, étendra le principe limité énoncé
dans cette affaire en mêmetemps qu'ellerestreindra le domaine de com-
pétence dela Cour. Le principe de l'Ormonétaireainsi appliqué remplira
une fonction toute différente decelle qu'il a remplie dans l'affaire à

l'occasion de laquelleil a étéformulé.

3. Autres facteurs pertinents

i) Garanties des tiercesparties

Dans l'affaire des Activitésmilitaires etparamilitaires au Nicaragua et
contre celui-ci, la Cour a indiqué que, comme elle l'avait fait dans
l'affaire de l'Or monétaire,dans des circonstancesappropriées elle décli-
nerait l'exercicede sa compétencelorsque lesintérêtsjuridiques d'un Etat

non partie à l'instance((seraientnon seulement touchéspar une décision,
mais constitueraient l'objet mêmede ladite décision)) (C.I.J. Recueil
1954, p. 32)» (C.I.J. Recueil 1984, p. 431, par. 88).
La Cour a poursuivi en énonçant danslestermes suivants lesgaranties
qui s'offrent aux tierces parties :

dont la Cour dejustice centraméricaine a été saens l'affairee Republic of El Salva-,
dorv. The Republicof Nicaragua,où El Salvadorseplaignait que letraité Bryan-Chamorro
conclu entre le Nicaragua et les Etats-Unis pour la construction d'un canal interocéanique
contrevenait aux traitésantérieursde Washington conclusentre El Salvador et le Nicara-
gua. La position du Nicaragua était quele traité Bryan-Chamorroavait été conclu avec un
Etat non soumisà la juridiction dela Cour et donc que celle-cin'avait pas compé.anceL
Cour dejustice centraméricaine a fait observecre qui suit:

compétencelàol'égardde l'objetde cette affaire parce que celle-ciimplique les intérêts
d'un Etat tiers qui n'est pas soumàsl'autorité dela Cour, est également dénde
fondement de l'avis desjuges»(AmericanJournal ofInternationalLaw, 1917,vol. 11,
p. 698.)

La Cour a déclaré ensuiteque le Gouvernement du Nicaragua était dansl'obligation de
rétablir et de maintenir la situation juridique antérieureà l'adoption du traité Bryan-
Chamorro (ibid., p. 730),mais elle n'a pas voulu aller jusqu'à constater la nullité dece
traité,cequi aurait misen causelesdroits d'untiers qui n'avaitpas reconnu sa compétence.
Par conséquent:
«La Cour centraméricaine n'a pas été empêchése taeer sur un différendentre les
deux Etats effectivementparties'instance,par l'obstacle queconstituait la possibilité
qu'elleait a trancher sans le consentement d'un Etat tiers des questionstouchant ce
dernier Etat de très près.» (Johnson, op. cit., p. 109.) "Where however claims of a legal nature are made by an Appli-
cant against a Respondent in proceedings before the Court, and
made the subject of submissions,the Court has in principle merely to
decide upon those submissions, with binding force for the parties
only, and no other State, in accordance with Article 59 of the Stat-

ute. As the Court has already indicated . . other States which con-
sider that they may be affected are free to institute separate proceed-
ings, or to employ the procedure of intervention." (I. C.J. Reports
1984, p. 431, para. 88.)
Third party protection, which follows also from the general principles
of international law, is entrenched, so far as the Court's jurisdiction is
concerned, by Article 59 of its Statute.

Indeed, this concern for the protection of third States is carried even
further by Article 62 which ensures that, should a State consider that it
has an interest of a legal nature which may be affected by the decision in
the case, it may request that it be permitted to intervene.
When the Court's Statute was designed, it was no doubt clearly fore-
seen that a judgrnent of the Court could well make an impact on the
rights of third parties. The Statute therefore embodied these carefully
structured safeguards protecting the interests of third party States which
may be affected by a decision - a structure which both protects them
and enables them to intervene. Monetary Gold did no more than give
effect to these statutory provisions. It was scarcely meant to be erected
into an independent principle in its own right, constituting a third and
further protection, travelling even beyond the Statute itself.

Itis to be remembered, moreover, that, while in domesticjurisdictions

where the doctrine of stare decisis applies, the other parties in transac-
tions of an identical nature may find themselves bound by a principle of
law laid down in a case to which they are not parties, in international
law, third parties have the further safeguard of the absence of a doctrine
of stare decisis.

(ii) The principle of individual State responsibility

Principles of State responsibility, based on the autonomous and indi-
vidual nature of each State, require that where two States are accessory
to a wrongful act, each State must bear international responsibility for its
own internationally wrongful act.
This principle was well formulated by Portugal at the oral hearings:

"the security and the smooth running of the Organization are col-
lective under the Charter, because each member has duties that it
owesto the others and to the Organization itself, inasmuch as it con-
stitutes their corporate union. In other words, it is because the
system is universal that, within it, each member retains individual «En revanche lorsque des prétentions d'ordre juridique sont for-

muléespar un demandeur contre un défendeur dans une instance
devant la Cour et setraduisent par des conclusions, la Cour, en prin-
cipe, ne peut que se prononcer sur ces conclusions, avec effet obli-
gatoire pour lesparties et pour nul autre Etat, en vertu de l'article 59
du Statut. Comme la Cour l'a déjàindiqué ...les autres Etats qui
pensent pouvoir êtreaffectéspar la décisionont la faculté d'intro-
duire une instance distincte ou de recourir à la procédure de l'inter-
vention.» (C.I.J. Recueil 1984, p. 431, par. 88.)

La protection des tierces parties, qui découle également des principes
générauxdu droit international, est assurée,pour ce qui concernela com-
pétence dela Cour, par l'article 59 de son Statut.
Ce souci de protection des Etats tiers est du reste portéplus loin encore
par l'article62, en vertu duquel lorsqu'un Etat estime que, dans un dif-
férend, un intérêt d'ordre juridique est pour lui en cause,il peut adresser
à la Cour une requête à fin d'intervention.
Il ne fait aucun doute que, lors de la conception du Statut de la Cour,
il a été clairementcomprisqu'un arrêtde celle-cipourrait fort bien avoir
des effets sur les droits des tiers. Par conséquent,on a incorporé dans le
Statut ces garanties bien structuréesprotégeantles intérêtd ses Etats tiers
qui pourraient êtrepour eux en cause,et qui tout à la fois lesprotègent et

leur permettent d'intervenir. L'affaire de l'Or monétairea simplement
mis en application ces dispositions du Statut. On n'entendait certaine-
ment pas faire de ces garanties un principe autonome formant un troi-
sièmeet nouveau moyen de protection dont la portée dépasseraitmême
celle du Statut.
Au surplus, il convient de rappeler que, mêmesi dans lesjuridictions
nationales où s'applique le principe de stare decisis les autres parties à
des instances de nature identique peuvent se trouver elles-mêmesliéepsar
un principe de droit qui a étéétabli dans une affaire à laquelle elles
n'étaient pas parties,en droit international, en revanche, lestiercesparties
bénéficientde la protection supplémentaire de l'absence du principe de
stare decisis.

ii) Le principe de la responsabilité individuellees Etats

Selon les principes relatifsà la responsabilité des Etats, qui reposent
sur le caractère autonome et individuel de chaque Etat, lorsque deux
Etats participent à un acte illicite, chacun d'eux porte la responsabilité
internationale de l'acte internationalement illicite qu'il a commis.
Ce principe a étébien formulépar le Portugal au cours des audiences:
«[en vertu de la Charte] la sécurité commela bonne marche de

l'Organisation ...sont collectives parce que chacun ...a des devoirs
dont il est redevable vis-à-vis des autres comme de l'organisation
elle-mêmeen tant qu'elle constitue leur conjonction corporative.
C'est, en d'autres termes, parce que le système estuniversel que cha- responsibility for its acts and a duty to respect the principles com-
mon to all. It follows that none of the members can shelter behind
the fact that a situation has been created by another in order to
avoid itself reacting to that situation in pursuance of the rules of law

enshrined in the common Charter." (CR 9.515,p. 72.)

In the Seventh Report on State Responsibility by Mr. Roberto Ago,
Special Rapporteur, that distinguished rapporteur treated as axiomatic
the proposition that a breach of international responsibility by a State
would engage that State's responsibility, irrespective of another State's

participation in the act. The report observed:
"It need hardly be said that, if the actions constituting participa-
tion by a State in the commission of an internationally wrongful act
by another State constituted a breach of an international obligation
in themselves, they would on that account already engage the inter-

national responsibility of the State which performed those actions,
irrespective of any consequences that might follow from the part
taken in the internationally wrongful act of another State."'

On these principles, the Respondent State must answer separately for
its own acts.

This separation of responsibility was illustrated also in this Court's
decision in Nauru, where, although the mandate and trusteeship in ques-
tion were given to the same three Governments "jointly", the Court per-
mitted the case to proceed against one of the three trustees, despite the
implications this might have had upon the liability of others. The Court
there pointed out that it was not precluded from adjudicating upon the
claims submitted to it:

"provided that the legal interests of the third State which may pos-
sibly be affected do not form the very subject-matter of the decision
that is applied for. Where the Court is so entitled to act, the interests
of the third State which is not a party to the case,are protected by'
Article 59 of the Statute of the Court, which provides that, 'The
decision of the Court has no binding force except between the
parties and in respect of that particular case.'" (I.C.J. Reports 1992,
p. 261,para. 54.)

It would be even more inappropriate that a State which has not
accepted the Court's jurisdiction can use the very fact of its non-accept-

'Chap. IV, "Implication of a State in the Internationally Wrongful Act of Another
State", Yearbookof the International Law Commission, 1978,II(Part One), AlCN.41
Brownlie, State Responsibility (Part 1), 1983,p. 190.l.1,paras. 7.35-7.37;see,also, Ian cun y conserve individuellement la responsabilitéde ses actes et le
devoir de respecter les principes communs à tous. Il en résulte
qu'aucun des membres ne peut s'abriter derrièrele fait qu'une situa-
tion a étécréée par un autre pour ne pas avoir à réagir lui-mêm e
cette situation en application des règlesde droit consacréespar la
Charte commune.))(CR 9515,p. 72).

Dans son septièmerapport sur la responsabilitédes Etats, l'éminent
rapporteur spécial,M. Ago, a traitécomme évidentela proposition selon
laquellela violation par un Etat d'une obligationinternationale engageait
la responsabilité de celui-ci, quelle que soit la participation d'un autre
Etat à cet acte. Le rapport a fait observer que:

((11està peine nécessaire de préciserue si lesagissementspar les-
quels se traduit la participation d'un Etatà la réalisation d'un fait
internationalement illicite d'autrui représentaienteux seuls la vio-
lation d'une obligation internationale, ils engageraient à ce titre
déjàla responsabilité internationale de 1'Etat auteur desdits agisse-

ments, indépendammentdes conséquencesqui pourraient en outre
découler dela part prise au fait internationalement illicited'un autre
Etat.»'
En vertu de ce principe, 1'Etat défendeur doit répondreindividuelle-

ment de ses propres actes.
Cette individualisation de la responsabilité a étéillustrée également
dans l'arrêtde la Cour dans l'affaire deNauru où, bien que le mandat et
la tutelle en questionaient étéconféréauxtrois gouvernements((conjoin-
tement »,la Cour a permis que l'affaire sepoursuivecontre l'une des trois
composantes de l'autorité administrantemalgréles incidences que cela
pouvait avoir sur la responsabilité des autres. Dans cette affaire, la Cour
a précisé qu'elle'était pasempêchéeds etatuer sur la requête quilui était
soumise

«pour autant que lesintérêtsjuridiques de1'Etattiers éventuellement
affectésne constituent pas l'objet mêmede la décision sollicitée.
Dans l'hypothèse où laCour est ainsi à mêmede statuer, lesintérêts
de 1'Etattiers qui n'est pas partià l'affaire sont protégéspar l'ar-
ticle 59 du Statut de la Cour selon lequel: «La décision dela Cour
n'est obligatoireque pour les parties en litige et dans le cas qui a été
décidé.» (C.I.J. Recueil 1992, p. 261, par. 54.)

Il serait encore plus inappropriéqu'un Etat qui n'a pas acceptélajuri-
diction de la Cour puisse exciperde ce défaut d'acceptationpour empê-

'Chapitre IV: «Implication d'un Etat dans le fait internationalement illicited'un autre
Etat», Annuaire de la Commission du droit international, 1978,vol. II, premièrepartie,
AICN.41307et Add.1 et 2, par. 52, note 99; réplique, vol.1,par. 7.35-7.37; voir aussiIan
Brownlie,tate Responsibility, premièrepartie, 1983,p. 190.ance as a means of preventing States that have acceptedjurisdiction from

settling their disputes according to law.
Australia's submission that its responsibility "could at al1events be no
more than consequential, derived from the responsibility of Indonesia"
(CR 9518,p. 8) does not accord with basic principles of State responsi-
bility, for, to use again the language of the same rapporteur:

"One of the principles most deeply rooted in the doctrine of inter-
national law and most strongly upheld by State practice and judicial
decisions is the principle that any conduct of a State which inter-
national law classifiesas a wrongful act entails the responsibility of

that State in international law."'

Even if the responsibility of Indonesia is the prime source, from which
Australia's responsibility derives as a consequence, Australia cannot
divert responsibility from itself by pointing to that primary responsibility.

(iii) Rights erga omnes

Australia has very rightly stated thatit "does not dispute that the right
to self-determination is an erga omnes principle" (Rejoinder, para. 78).
This position has been many times repeated in the oral submissions. The
concept of rights and obligations erga omnes is further discussed in
Part D.
An erga omnes right is, needless to say, a series of separate rights erga
singulum, including inter alia, a separate right erga singulumagainst Aus-

tralia, and a separate right erga singulum against Indonesia. These rights
are in no way dependent one upon the other. With the violation by any
State of the obligation so lying upon it, the rights enjoyed erga omnes
become opposable erga singulum to the State so acting.
To suggest that Indonesia is a necessary party to the adjudication of
that breach of obligation by Australia is to hamper the practical opera-
tion of the erga omnes doctrine. It would mean, verymuch along the lines
of the illustrations in Section 2 (vi) above, that Indonesia could protect
any country that has dealings with it in regard to East Timor from being
impleaded before this Court, by Indonesia itself not consenting to the
Court's jurisdiction. In the judicial forum, the righterga omnes could to
that extent be substantially deprived of its effectiveness.

Moreover, in any event, Indonesia would be protected against any
suggestion of resjudicata against it. The right erga omnes, when asserted
against Australia, becomes a right erga singulumwhich, in turn, becomes
a resjudicata ergasingulum against Australia, in the event of the success

'Ago, Yearbook of the International Law Commission, 1971,Vol. II (Part One), p. 205,
para. 30.

86cher des Etats qui l'ont acceptéede réglerleurs différendsconformément
au droit.
La conclusion de l'Australie selon laquelle sa responsabilité«ne pour-
rait, de toute manière, qu'êtreconsécutive, dérivée d,e celle de1'Indoné-
sic» (CR 9518,p. 8) ne s'accorde pas avec les principes fondamentaux de
la responsabilité desEtats car, pour reprendre les termes du rapporteur
spécial déjàcité:

((L'undes principes les plus profondément ancrésdans la doctrine
du droit international - l'un des mieux confirméspar la pratique
des Etats et par la jurisprudence - est le principe selon lequel tout
comportement d'un Etat qualifiépar le droit international de fait
juridiquement illicite entraîne en droit international une responsabi-
litédudit Etat.))'

Mêmesi la responsabilitéde l'Indonésie estla principale source dont
dérivecellede l'Australie, cette dernièrene peut se soustraire à sa propre
responsabilité eninvoquant cette responsabilité première.

iii) Droits erga omnes

L'Australie a très justement déclaré qu'elle «ne conteste pas que le
droit des peuples à disposer d'eux-mêmesconstitue un principe erga
omnesn (duplique, par. 78). Elle a réitéré cette positioà maintes reprises
dans ses plaidoiries. Le concept de droits et d'obligations erga omnes est
examiné plus en détaildans la partie D.
Un droit erga omnes est constitué,il va sans dire, d'une sériede droits

distincts erga singulum, y compris notamment un droit distinct erga sin-
gulurn opposable à l'Australie et un droit distinct erga singulum oppo-
sable à l'Indonésie. Cesdroits ne dépendent aucunement les uns des
autres. Du fait qu'un Etat a violé une desobligations qui lui incombent à
ce titre, les droits erga omnes lui deviennent opposables erga singulum.
Prétendre quela participation de l'Indonésie à l'instance est nécessaire
pour qu'ilpuisseêtrestatuésur la violation d'unetelleobligation par 1'Aus-
traliereviendraitàentraveren pratique l'applicationdu principeergaomnes.
Cela signifieraità peu près dela mêmefaçon que dans lesexemplescités à
la section 2, paragraphe vi), ci-dessus, que l'Indonésiepourrait mettre à
l'abri d'une assignation devant la Cour tout Etat qui traiterait avec elle

à propos du Timor oriental, parce qu'elle-même nreeconnaît pas la compé-
tence de la Cour. Devant les instancesjudiciaires, le principe de l'opposa-
bilitéergaomnespourrait ainsiêtreen grande partie privéde son efficacité.
En outre, l'Indonésie seraitde toute manière à l'abri de toute velléité
d'application du principe de la chose jugée à son encontre. Lorsqu'il est
invoquécontre l'Australie, ledroit erga omnes devient un droit erga sin-
gulum, puis resjudicata ergasingulum contre l'Australie dans l'hypothèse

'R. Ago, Annuaire de laCommissiondu droit international,1971,vol. II, premièrepar-
tie, p. 215, par. 30.

86of the claim. It would have no adjudicatory quality against Indonesia,
thus preventing the "Monetary Goldprinciple" from operating to bar the
action against Australia.

(iv) Zncreasinglymultilateral nature of modern international obligations

Reference has already been made to the fact that the multilateral
aspect of obligations is gaining increasing significancein modern interna-
tional law. Any instrumentality charged with administering international
law in this context needs to take account of this aspect so as not to
restrict the development of international law in keeping with this trend.
Foremost among the sources of multilateral obligations is the United
Nations Charter, under which al1States alike are vested with rights and
responsibilities which al1others must recognize.
In this network of interlocking international relationships, each State
which is impugned by another for failure to abide by its international

obligations must answer for itself, in accordance with the principle of
individual responsibility already outlined. It cannot plead another State's
responsibility as an excusefor its own failure to discharge its own respon-
sibility. That other State willanswer for itself when the appropriate situa-
tion arises and may perhaps be affected by the judgment the Court
renders in the case before it.
If, for example, the Court held with Portugal in this case, this finding
would have repercussions on many other States which may or may not
have acted in accordance with their individual obligations to recognize
the rights of East Timor. This Court cannot concern itself with al1those
ramifications of a finding which it delivers in accordance with binding
norms of international law. The Court cannot anticipate them all, in a
world order of criss-crossingmultilateral obligations.

As Judge Shahabuddeen observed in his separate opinion in Certain
Phosphate Lands in Nauru:

"It has been correctly pointed outthat '[alsinterstate relationships
become more complex, it is increasingly unlikely that any particular
dispute will be strictly bilateral in character' (L. F. Damrosch,
"Multilateral Disputes", in L. F. Damrosch (ed.), The International
Court of Justice ut a Crossroads, 1987, p. 376)." (1.C.J. Reports
1992, p. 298.)

(v) The distinction between a treaty and the unilateral actsfrom which it
results

It is self-evident that while a treaty is a bilateral or multilateral instru-
ment, it comes into existence through the fusion of two or more unilat-
eral acts, as the case may be. What the Court is invited to consider in thisoù il est fait droit à la demande. La décisionn'aurait aucunement la
valeur d'une décision judiciaire contre l'Indonésie; on ne saurait donc
invoquer «le principe de l'Or monétaire»pour faire obstacle à l'instance
contre l'Australie.

iv) Le caractère de plus en plusmultilatéral des obligations internatio-
nales modernes

L'importance croissante du caractère multilatéral des obligations en
droit international moderne a déjà été évoqué T.ute instance chargée
d'appliquer le droit international dans cecontexte doit en tenir compte de
façon à ne pas entraver le développementdu droit international dans
cette direction.
Au premier rang des sources d'obligations multilatéralesse trouve la
Charte des Nations Unies, qui investit de la mêmefaçon tous les Etats de
droits et de responsabilitésque tous les autres doivent reconnaître.
Dans ce réseau de relations internationales qui s'imbriquent les unes
dans les autres, tout Etat accusépar un autre de ne pas s'êtreacquittéde
ses obligations internationales doit sejustifier, conformémentau principe
de la responsabilité individuellequia déjà été exposé.Il ne peut pas invo-

quer la responsabilitéd'un autre Etat pour excuser sa propre carence. Cet
autre Etat devra sejustifier le moment venu et subira peut-êtreles effets
de l'arrêtque la Cour rendra dans l'affaire portéedevant elle.

Si, par exemple,la Cour concluait en l'espèceau bien-fondé de la thèse
du Portugal, cette décisionaurait des conséquencespour de nombreux
autres Etats, qu'ils aient ou non agi conformément à leur propre obli-
gation de reconnaître les droits du Timor oriental. La Cour ne saurait
prendre en compte toutes les ramifications que risque d'avoir une con-
clusion qu'elleénoncedans le respect des normes contraignantes du droit
international. La Cour ne saurait les anticiper toutes dans un ordre mon-
dial formé d'obligations multilatérales entrecroisées.
Comme M. Shahabuddeen l'a fait remarquer dans l'opinion indivi-
duellequ'ilajointe à l'arrêtrendu dans l'affaire deCertainesterresaphos-

phates a Nauru:
«On a fait observer à juste titre ((qu'au fur età mesure que les
relations entre les Etats deviennentplus complexes, il est de moins en
moins probable qu'un différend, quel qu'il soit, présente un carac-
tère strictement bilatéral)) (L. F. Damrosch, ((Multilateral Dis-
putes», dans L. F. Damrosch (dir. publ.), The International Courtof
Justiceut a Crossroads, 1987,p. 376).»(C.I.J. Recueil 1992,p. 298.)

v) La distinction entre un traité etles actes unilatérauxdont il résulte

Il est bien évidentque si un traitéest un instrument bilatéralou mul-
tilatéral,il procèdede la fusion d'au moins deux actes unilatéraux, selon
lecas. Ce que la Cour est invitéeà examiner en l'espècen'est pas l'illicéitécase is not the unlawfulness of the bilateral Treaty, but the unlawfulness
of the Respondent's unilateral actions which went into the making of
that Treaty.
It is a clear principle in the domestic law of obligations that the un-
lawfulness of a contract and the unlawfulness of the conduct of the

parties to it are different concepts. A similar principle is to be found in
the law of treaties, where there could, for example, be a valid treaty even
though one party acts unlawfully by its domestic law in entering into it
(Vienna Convention, Art. 46), or when a representativeacts in violation
of a specific restriction validly placed upon him by his State (Art. 47).
The treaty is nevertheless binding.
The Court is not called upon to pronounce upon the unlawfulness or
otherwise of the Treaty, or upon the unlawfulness or otherwise of Indo-
nesia's conduct, but upon the unlawfulness or otherwise of Australia's
unilateral act in entering into it. What are the legal obligations of a par-

ticular party, what are its acts, to what extent do those actscontraveneits
obligations - those are the questions bearing upon the unilateral con-
duct of one party, which the Court is called upon to decide. The invalid-
ity of the Treaty, or of the other party's conduct, is not the precondition,
as Australia suggests,for the Court's finding on the unlawfulness of Aus-
tralia's conduct.
The acts of a contracting State, such as the decision to sign, the deci-
sion to accord dejure recognition, the decision to ratify, the decision to
implement,the decision to legislate, are al1unilateral acts upon which the

Court can adjudicate.

(vi) Has the wrongparty been sued?
Australia's position is that the true respondent in this case is Indonesia.

According to this submission, Portugal's real opponent is Indonesia,
Portugal's grievance is against Indonesia and Portugal's true cause of
action is only against Indonesia.
At the oral hearings, Australia summarized its case in this regard in the
following terms :

"- on the one hand, Australia heartily subscribes to the legal
settlement of international disputes which lend themselvesto it ;
but it also subscribes to the principle of consent to jurisdiction
(at least, until a consensus in favour of the universal, compul-
sory jurisdiction of the Court has been achieved); and it con-
siders that this forum should not be diverted to ends not prop-
erly its own; as a sovereign State, Indonesia has chosen not to
accept the optional clause; that is its business;
- on the other hand, Australia does not mean to be used as a
scapegoat, whose principal function would be to salve the con-

scienceof Portugal which, being unable to join issuewith Indo-
nesia, is attacking a State which, in reality, .. .can do nothing
about the matter and whose alleged responsibility - a com-du traitébilatéral lui-mêmemais l'illicéides agissementsunilatéraux du
défendeur quiont abouti à la conclusion de ce traité.

C'est un principe bien établidu droit interne des obligations que l'illi-
céitéd'un contrat et l'illicéité du comportement des parties sont deux
notions différentes.Un principe analogue existe dans le droit des traités

où, par exemple, un traitépeut êtrevalide mêmesi une partie agit illici-
tement au regard de son droit interne en le concluant (convention de
Vienne, art. 46), ou si un représentant agiten violation d'une restriction
particulière que lui a valablement imposée 1'Etatdont il relève(art. 47).
Le traitén'en a pas moins force obligatoire.
La Cour n'est pas appelée à se prononcer sur la licéitédu traité,ni sur
la licéitdu comportement de l'Indonésie, mais biensur la licéité de l'acte
unilatéral par lequel l'Australie l'a conclu. Quelles sont les obligations
juridiques d'une partie donnée, quelssont ses actes, dans quelle mesure
ces actes sont-ils contrairesà ses obligations - telles sont les questions
qui ont trait au comportement unilatéral d'une partie, etque la Cour est

appelée à trancher. L'invaliditédu traité ou l'illicéitdu comportement
de l'autre partie n'est pas, commele suggèrel'Australie, la conditionpréa-
lable des conclusions de la Cour touchant l'illicéitédu comportement de
l'Australie.
Lesactes d'un Etat contractant, tels que lesdécisionsde signer,d'accor-
der la reconnaissance de jure, de ratifier, d'exécuter, de légiférers,ont
autant d'actes unilatérauxsur lesquels la Cour peut se prononcer.

vi) L'action est-elle mal dirigée?

Pour l'Australie, c'est l'Indonésie qui estle vrai défendeuren la pré-
sente instance. Selon cette thèse, le véritable adversaire du Portugal est
l'Indonésie,les griefsdu Portugal s'adressent àelle, et il n'y a de véritable
motif d'action que contre elle.
Au cours des plaidoiries, l'Australie a résumésa position à cet égard

dans les termes suivants:
«- d'une part, l'Australie est attachéeau règlementjuridictionnel
des différendsinternationaux qui s'yprêtent;mais elle est atta-
chéeaussi au principe du consentement à la juridiction (au
moins aussi longtemps qu'un consensus en faveur de la compé-
tenceuniverselleet obligatoire de la Cour n'aura pas été atteint)

et elle estime que ce forum ne doit pas être détourné à des fins
qui ne sont pas les siennes; Etat souverain, l'Indonésiea choisi
de ne pas accepter la clause facultative; c'est son affaire;
- d'autre part, l'Australie entend ne pas êtreutiliséecomme un
bouc émissairedont la principale fonction serait d'apaiser la
mauvaise conscience du Portugal qui, faute de pouvoir s'en
prendre à l'Indonésie,s'attaque à un Etat qui, vraiment, ...n'en
peut mais et dont la prétendue responsabilité, forgée de toutes plete fabrication for the purposes of the case - could at al1
events be no more than consequential, derived from the respon-
sibility of Indonesia" l.

If Indonesia had in fact been before this Court, one could seethat Por-
tugal would probably have pleaded its case against Indonesia in very dif-

ferent terms from its claim against Australia. A larger segment of factual
material pertinent only to Indonesia may have been placed before this
Court, which isnot germane to the case against Australia. It may even be
said that, had both Indonesia and Australia been available as respon-
dents, Portugal's claim against Indonesia may have been the more impor-
tant of the two.

Another way of approaching the submission that the wrong party has
been sued is perhaps as follows:

If Indonesia had been a party before the Court, Portugal's case against
Indonesia would either be the identical case, namely, that it too acted un-
lawfully in entering into the identical treaty, or it would be a more sub-
stantial case, involving other items of alleged illegal conduct against
Indonesia. In case of the first alternative, if it were the identical case, the
situation would be directly covered by the Nauru decision where the
claim against absent parties would have been identical, had they been
sued, to the claim actually before the Court. On the clear jurisprudence

of this Court, the Court would have jurisdiction. In case of the second
alternative, the case against Indonesia would be one of a different order,
involving a different range of evidence and a different set of issues. The
case against Australia depends upon Australia's obligations and their
violation by entering into the Treaty. The case against Indonesia would
relate to the circumstances of Indonesia's entry into East Timor, the
political and administrative arrangements that have followed, and numer-

ous other details pertinent to alleged unlawful conduct by Indonesia. It
would, in short, be a totally different case. Such a situation would run
directly contrary to the Australian contention that the case brought
against Australia is in reality a case against Indonesia, brought against
the wrong respondent.

Al1that this Court is concerned with is whether a legally supportable

translated paragraph ofthese oral submissions is as foll:wsnch original of the (second)

"- d'autre part, l'Australie entend ne pas êtreutilisée commeun bouc émissaire
dont la principale fonction serait d'apaiser la mauvaise consciencedu Portugal
qui, faute de pouvoir s'en prendre l'Indonésie,s'attaque à un Etat qui, vrai-
pièces pour les besoins de la cause, ne pourrait, de toute manière, qu'êtres
consécutive, dérivée, eelle de l'Indonésien. piècespour lesbesoinsdela cause,ne pourrait, de toute manière,
qu'être consécutive, dérivée,c deelle de l'Indonésie'.

Si l'Indonésieavait effectivement comparu devant la Cour, on peut
penser que le Portugal aurait probablement plaidé sa causecontre elleen
des termes très différents de ceuxqu'il a employéscontre l'Australie. Un
plus grand nombre d'éléments de fait qui ne concernent que l'Indonésie,
et n'intéressentpas l'affaire contre l'Australie, auraient pu êtreprésentés
à la Cour. On peut mêmedire que si le Portugal avait pu introduire des
instances à la fois contre l'Indonésie et l'Australie,ce sont sans doute ses
prétentions à l'encontre del'Indonésiequi auraient revêtuleplus d'impor-
tance.

On pourrait égalementaborder de la façon suivante l'argument selon
lequel l'action est mal dirigée:
Si l'Indonésieavait participé à l'instance, ou bien le Portugal aurait

plaidé sa causecontre elle de manière identique - à savoir qu'il aurait
prétendu que l'Indonésieavait elle aussi agi illicitement en concluant le
mêmetraité - ou bien il aurait davantage étayé sa position,en avançant
d'autres allégations relatives au comportement illicite de l'Indonésie.
Dans la première hypothèse, la Cour se serait retrouvée dans la même
situation exactement que dans l'affaire de Nauru, dans laquelle les argu-
ments contre les tierces parties auraient étles mêmes,si elles avaient été
assignées,que ceux effectivement invoqués devant la Cour. Il est clair
que, sur la base de sajurisprudence, la Cour aurait été compétenteD . ans
la seconde hypothèse, le Portugal aurait plaidé sa cause différemment
contre l'Indonésie,en faisant appel à d'autres moyens de preuve et en
soulevant une autre sériede questions. Les griefs formuléscontre 1'Aus-

tralie portent sur les obligations de cette dernière, qu'elle a violéesen
concluant le traité.Les griefscontre l'Indonésieauraient porté sur les cir-
constances dans lesquellescette dernièreest entréeau Timor oriental, sur
les arrangements politiques et administratifs qui s'en sont suivis et sur
nombre d'autres détails pertinentsse rapportant au prétendu comporte-
ment illicite de l'Indonésie.En un mot, il se serait agi d'une tout autre
affaire. Pareille situation irait directementà l'encontre de la thèse de
l'Australie, qui soutient que l'instance engagéecontre elle est en réalité
une instance contre l'Indonésieet qu'il y a erreur sur le défendeur.
La Cour a seulement à déterminersi une demande juridiquement va-

Audience publique du 7 février1995,CR 9518,p. 8.claim has been made against Australia. If this be so, it matters little
whether or not a more important or substantial claim could have been
made against Indonesia had Indonesia consented to the jurisdiction.
The answer therefore to the contention that the wrong party has been
sued is that the Court needs only to go so far as to find that there is a
legally sustainable claim against the party that has in fact been sued.

(vii) Historical background

As a postscript to this discussion, it would not be out of place to look
back upon the deliberations at the League of Nations regarding the par-
ticular clause of the Court's Statute upon which this entire case has
turned.
In regard to consulting travaux préparatoiresregarding certain impor-
tant provisions of the Covenant of the League of Nations, Judge Jessup
observed :

"In my opinion, it is not necessary - as some utterances of the
two international courts might suggest - to apologize for resorting
to travaux préparatoires as an aid to interpretation. In many
instances the historical record is valuable evidence to be taken into
account in interpreting a treaty." (South West Africa, Second Phase,
Judgment, 1.C.J. Reports 1966, p. 352 ;dissenting opinion.)

The First Assembly of the League, on 13 December 1920, the day of
adoption of the Statute, was discussing the optional jurisdiction prin-
ciple, embodied in Article 36, paragraph 2, of the Statute of the Perma-
nent Court, which, subject to minor variations, became Article 36 (2)
of the Statute of this Court. What were the expectations attending the
adoption of this clause, and how was it expected to work?
Some delegates criticized the principle of consent as a basis of the
Court's jurisdiction - for example, Mr. Tamayo (Bolivia)observed that

this was unstable and perishable material out of which to build the edifice
of justice .
Others saw the Statute, and the principle of consent on which jurisdic-
tion was based, as an instrument which, through the experience of their
operation, would enable the new concept of international adjudication,
never in previous history available for universal recourse2, to grow in
usefulness and international service. That background of lofty purpose
always attends the work of this Court.

' Documents concerningthe Action Taken by the Council of the League of Nations
underArticle 14 of the Covenant and theAdoption by the Assembly of the Statute of the
Permanent Court, p. 248.
The Court was seen at the time of its creationas "the greatest instrument whichthe
world has everyet beenable to contrivefor seeingthat internationaljusticeied out"
(Mr. Balfour (British Empire),id., p. 247).lable a été forméc eontre l'Australie. Si c'est le cas, peu importe que des
griefs plus importants ou plus étoffés eussentpu êtreformuléscontre
l'Indonésiesi celle-ciavait acceptéla compétencede la Cour.
Par conséquent,pour répondre à l'argument selon lequel l'action est
mal dirigée,il suffit que la Cour déterminesi une demande juridiquement
valable a été forméc eontre la partie qui a effectivementétéassignée.

vii) Historique de la question

Pour compléter cette discussion,il ne serait pas hors de propos de se
reporter aux délibérations de laSociété des Nations concernant la clause
particulière du Statut de la Cour sur laquelle repose toute cette affaire.

A propos de la consultation des travaux préparatoires dans le cas de
certaines dispositions importantes du Pacte de la Société desNations,
M. Jessup a fait observer:
«Je ne crois pas que, comme certaines déclarations des deux
Cours internationales pourraient lelaisser supposer, on doive s'excu-
ser de recourir aux travaux préparatoires aux fins de l'interprétation.

Trèssouvent, le dossier fournit des éléments de preuve précieuxdont
il faut tenir compte pour interpréterun traité. » (Sud-Ouest africain,
deuxième phase, arrêt,C.I.J. Recueil 1966, p. 352; opinion dissi-
dente.)
Le 13décembre1920,jour de l'adoption du Statut, la première Assem-
bléede la Société desNations examinait le principe de la juridiction

facultative, énoncéau paragraphe 2 de l'article 36 du Statut de la Cour
permanente et qui, avec de légèresvariations, est devenu le paragraphe 2
de l'article 36 du Statut de la présenteCour. Qu'attendait-on de I'adop-
tion de cette clause et comment comptait-on qu'elle serait appliquée?
Certains représentants ont critiquéleprincipe du consentement comme
base de la compétencede la Cour. C'est ainsique M. Tamayo (Bolivie)
a penséque ce serait là éleverun édificede justice sur des matériauxins-
tables et périssablesl.
D'autres ont vu dans le Statut, et dans le principe du consentement sur
lequel reposait la compétence,un instrument grâce auquel on pourrait,

avec l'expérience,mettre en Œuvre avec uneefficacitéaccrue, au bénéfice
de la communauté des nations, le nouveau concept de règlementjudi-
ciaire international qui,jamais dans l'histoire n'avait pu jusqu'alors être
universellement invoqué2.C'est toujours selon cette tradition d'un idéal
élevé que la Cour continue d'Œuvrer.

'Documents relatifs aux mesures prisespar le Conseil de la Sociétédes Nations aux
termes de l'article 14 du Pacàel'adoptionpar l'Assembléedu Statut de la Cour per-
manente,p. 248.
que le monde ait jamais pu [mettre en place] pour l'application de la justice internatio-
nale))(M. Balfour, Empire britannique, ibid., p. 247). Developing further the principle of progressive development, Mr. Bal-
four stated:
"if these things are to be successful they must be allowed to grow. If

they are to achieve al1that their framers desire for them, they must
be allowed to pursue that natural development which is the secret of
al1permanent success in human affairs . . ."'
The inadequacy of Article 36 was recognized in 1945as well, when the

Statute for the present Court came under discussion, but no agreement
was possible as to how to rewrite it2.
Three-quarters of a century have passed since the adoption of the pro-
vision under discussion.This period has been rich in the experienceout of
which this Court and its predecessor have been fashioning an interpreta-
tion harmonious with the needs which the Statute intended it to serve.
Observing that "the very notion of a more broadly based conception of
the jurisdiction of the Court is gaining gr~und"~ and that "[tlhe prin-
ciple that the jurisdiction of an international tribunal derives from the
consent of the parties has long been subject to a process of refinementM4,

Rosenne goes on to observe: "The result is that the application of the
principle is less rigid than may be inferred from the manner in which it is
enunciated."
As shown in Section 2 (viii) above, the jurisprudence of this Court in
relation to absent third parties has indeed been growing along thepath of
the gradua1 and steady development envisaged at the time of the adop-
tion of the principle of consent as a basis of jurisdiction.
A continuous thread that runs through the jurisprudence that has
evolved around the "Monetary Gold principle" is the Court's concern,
while giving due weight to the interests of third parties, at the same time,
to prevent an extended application of that principle from hampering it in

the legitimate and proper exerciseof its jurisdiction. Consistent with this
approach, and for the reasons already discussed, the Court should, in my
respectful view, have proceeded to adjudicate upon this case. 1am of the
view, again expressed with the greatest respect for the contrary opinion
of the Court, that the present Judgrnent represents a break in the course
of steady development that has thus far elucidated and refined the appli-
cation of the "Monetary Gold principle".

' Documents concerning the Action Taken by the Council of the League of Nations
Permanent Court, p. 247. In more dramatic terms, another speaker observed:tute of the

"We must begin by building a little chapel, and in the course of time the League
hammers of wthose who are building." (Mr. de Aguerro (Cuba), ibid.)ise of the

Rosenne, op. cit., p. 316.
Zbid.
Zbid.,. 317. Insistant encore sur leprincipe de cedéveloppement progressif,M. Bal-
four a déclaré:

«pour que ce projet réussisse, ilfaut le laisser sedéveloppergraduel-
lement.Pour qu'il aboutisse au résultatdésiré par sesauteurs, il faut
lui permettre de suivre le développementnaturel qui est le secret de
toutes les réussitespermanentes dans les affaireshumaines ..»'

Les insuffisances de l'article 36 ont étéreconnues en 1945également,
lors de l'élaboration du Statut de la présente Cour, mais on n'a pu
s'entendre sur la façon de le reformuler2.

Trois quarts de sièclese sont écoulésdepuis l'adoption de la disposi-
tion à l'étude. Cette périodea été riche d'enseignementss,ur lesquels se
sont appuyéesla Cour et sa devancièrepour forger une interprétation
conforme aux besoins auxquels, selon le Statut, elle devait répondre.
Constatant que «la notion mêmed'une conception de la compétence de
la Cour qui reposerait sur une base plus large gagne du terrain^^,et que:
«le principe selonlequel la compétenced'un tribunal international dérive

du consentement des parties fait depuislongtempsl'objet d'un processus
d'affinement~~,Rosenne poursuit: «Le résultaten est que l'application
du principe est moins rigide qu'on ne pourrait le croire d'après la façon
dont il est énoncé. »
Comme le montre la section 2, paragraphe viii), ci-dessus,la jurispru-
dence de la Cour à l'égard des tiercesparties absentes a effectivement
évolué régulièremen dtans le sens envisagéau moment de l'adoption du
principe du consentement comme base de la compétence.

Dans toute la jurisprudence qu'elle a édifiée autour du ((principe de
l'Or monétaire)),la Cour s'estconstamment souciéed'accorder l'impor-
tance voulue aux intérêtsdes tierces parties, tout en empêchant que
l'application trop large de ce principe ne l'entrave dans l'exercicelégitime
et approprié de sa compétence.Dans cette optique, et pour les raisons
déjà exposéesl,a Cour, à mes yeux, aurait dû statuer dans cette affaire.
Selon moi - et je le dis encore une fois avec tout le respect dû à la déci-
sion contraire de la Cour - le présentarrêtmarque une rupture dans

l'évolution constante quia jusqu'à présent permis d'élucidelre ((principe
de l'Or monétaire))etd'en perfectionner l'application.

' Documents relatifs aux mesuresprises par le Conseil de la Sociétédes Nations aux
termes del'urticle14 du Pacte àtl'adoptionpar l'Assembléedu Statut de la Cour per-
manente, p. 247. En termes plus imagés,un autre orateur a déclaré:
((11faut commencer par éleverune modeste chapelle et avecle temps la Société
des Nations sera en mesure de construire une cathédrale.Aussi bien entendons-nous
déjà..le bruit desmarteaux de ceux qui commenceàéleverle templede lajusti)).
(M. de Aguerro, Cuba, ibid.)

Ibid.ne, op. cit., p. 316.
Zbid.
Zbid.,p. 317.(viii) Conclusion
In the result, the Australian objections based on the contentions that
the Monetary Gold principle stands in the way of the Court's compe-

tence, that the Court would be required to make an adjudication on the
conduct of Indonesia, and that the wrong party has been sued should al1
be rejected. The reasons for these conclusions have been sufficiently set
out. Australia's obligations under international law and Australia's
actions such as negotiating, concluding, and initiating performance of the
Treaty, taking interna1 legislative measures for the application thereof,
and continuing to negotiate with the State party to that Treaty are justi-
ciable on the basis of Australia's legal position viewed alone and Aus-
tralia's actionsviewed alone.

If the Court has jurisdiction to hear this case, as indicated in Part A of
this opinion, the matter cannot proceed further without a consideration
of the important Australian objection that Portugal lacks the necessary
legal status to act on behalf of East Timor.

(i) The respectivepositions of the Parties
Australia challengesthe locusstandi of Portugal to bring this action. It
asserts that since Portugal has lost control over the Territory several
years ago, and another Power, namely Indonesia, has during al1those
years been in effectivecontrol, Portugal lacks the status to act on behalf

of the Territory.
Moreover, with specific reference to its treaty-making powers, Aus-
tralia submits that Portugal totally lacks the capacity to implement any
treaty it may make relating to East Timor. Lacking this capacity, it lacks
the ability to enter into any meaningful treaty regarding the Territory, or
to complain that a treaty has been entered into without referenceto it by
another Power which is in effectivecontrol.
In support of this position, Australia points to the absenceof any Gen-
eral Assembly resolution recognizing the status of Portugal since 1982,
and the absence likewiseof any resolution of the Security Council since
1976.Australia consequently argues that, even if resolutions before these
dates validly recognizedsuch a status at one stage, they have since fallen
into desuetude and been overtaken by the force of events. Australia
points, moreover, to the fact that successivevotes in the General Assem-
bly in relation to East Timor have revealed a decreasing proportion of
United Nations membership in favour of the resolutions recognizing the

position of Portugal.
Portugal argues, on the other hand, that, although it has physically left
the Territory and no longer controls it, itis nonetheless the administering
Power, charged with al1 the responsibility flowing from the provisionsviii) Conclusion

En conséquence,il y a lieu de rejeter toutes lesexceptionspar lesquelles
l'Australie fait valoir que le principe deOr monétaire s'opposerait à la
compétencede la Cour, que la Cour serait amenée,si elle statuait, à se
prononcer sur le comportement de l'Indonésie,et que l'action serait mal
dirigée.Les raisons de ce rejet ont été suffisamment explicitées.es obli-
gations de l'Australie en droit international et le fait pour elle d'avoir
négocié et conclu le traité,d'en avoir commencé l'exécutiond ,'avoir pris
des mesures législativesinternes pour son application et de continuer de
négocier avec 1'Etat partieà ce traité sontjusticiables au regard de la
seule situation juridique et du seul comportement de l'Australie.

Si la Cour a compétencepour connaître de l'affaire, comme il est
affirmédans la partie A de cetteopinion, on ne peut examiner la question
plus avant sanstenir compte de l'importante exception australienne selon
laquelle le Portugal n'aurait pas qualité pour agir au nom du Timor
oriental.

i) Lespositions respectivesdes Parties

L'Australie conteste au Portugal sa qualitépour introduire l'instance.
Elle affirme que, puisqu'il a perdu le contrôle du Territoire depuis plu-
sieurs annéeset qu'une autre puissance, à savoir l'Indonésie,a tout ce
temps exercéle contrôle effectifdu Territoire, le Portugal n'a pas qualité
pour agir au nom de ce dernier.
En outre, s'agissantplus spécialementdu pouvoir de conclure des trai-
tés,l'Australie affirme que le Portugal n'est nullement en mesure d'exé-
cuter un traité qu'il pourrait conclureà l'égarddu Timor oriental. En

conséquence,il ne saurait négocierun traité produisant des effets utiles
l'égardde ceterritoire, ni seplaindre qu'une autre puissance, qui exercele
contrôle effectif, ait conclu un tel traité sanss'en référeri.
A l'appui de sa thèse, l'Australierelèveque, depuis 1982,l'Assemblée
générale n'areconnu le statut du Portugal dans aucune de sesrésolutions
et que le Conseil de sécuriténe l'a pas fait non plus depuis 1976. Elle
soutient donc que, mêmesi des résolutions antérieures à ces dates ont
valablement reconnuun tel statut à un moment donné,ellessont tombées
en désuétudedepuis et ont étédépasséespar les événements.De plus,
l'Australie fait observer que les résolutionsde l'Assembléegénérale rela-
tives au Timor oriental reconnaissant la position du Portugal ont été
adoptées à des majorités décroissantes.

En revanche, le Portugal soutient que, s'il a physiquement quittéle
Territoire et ne le contrôle plus, il n'en demeure pasmoins la Puissance
administrante, avec toutes les responsabilitésqui lui incombent en vertuof Chapter XI of the United Nations Charter, and has been recognized
as such by a seriesof General Assemblyand SecurityCouncil resolutions.
It submits further that there has been no revocation at any stage of
Portugal's authority as administering Power, no limitation placed upon
it, and no recognition of any other Power as having authority over East
Timor.

(ii) Structure of United Nations Charter provisions regarding dependent
territories

A discussion of the status of Portugal to maintain this action necessi-
tates a brief overview ofthe structure of the United Nations Charter pro-
visions framed for the protection of dependent territories.
The Charter was so structured that the interests of territories not able

to speak for themselves in international forums were to be looked after
by a Member of the United Nations entrusted with their welfare, who
would have the necessary authority for this purpose. In other words, its
underlying philosophy in regard to dependent territories was to avoid
leavingthem defencelessand voicelessin a world order which had not yet
accorded them an independent status.
This is not to be wondered at when one has regard to the high idealism
which is the essential spirit of the Charter- an idealism which spoke in
terms of a "sacred trust" lyingupon the Powers assuming responsibilities
for their administration, an idealism which stipulated that the interests of
their inhabitants wereparamount. Translatingthis idealisminto practical
tesms,the Charter provided for United Nations supervisionof the respon-
sible authorities through a requirement of regular transmission of infor-
mation to the Secretary-General (Art. 73 je)). They werefurther required
to ensure the political, economic, social and educational advancement,

just treatment and protection against abuses of the inhabitants thus
placed under their care.
It is against the background of such an overall scheme that the Aus-
tralian submissions in this case need to be tested. The submission under
examination isno lessthan that an administering Power's lossof physical
control deprivesit of the statusand functions of an administering author-
ity, and that the protective and reporting structure, so carefully fashioned
by the United Nations Charter can thus be brushed aside.

This is a proposition to be viewedwith great concern. It means that,
whatever the reason for the administering Power's lossof control, that
loss of control brings in its wake a loss of legal status.
The proposition can be tested by taking an extreme example, at a
purely hypothetical level, of a non-self-governing territory being mili-
tarily overrun by a third Power, anxious to ensure not the "political, eco-

nomic, social and educational advancement" of the people, but anxious
rather to use it as a military or industrial base. Suppose, in this hypo-des dispositionsdu chapitre XI de la Charte des Nations Unies, et qu'il a
été reconnucomme tellepar une sériede résolutionsde l'Assembléegéné-
rale et du Conseil de sécurité. soutient en outre qu'à aucun moment son
autoritéen tant que puissance administrante n'a été révoquéq e,'aucune
limitation n'a étéapportée à cette autorité, et qu'aucuneautre puissance
n'a étéreconnue comme ayant autorité sur le Timor oriental.

ii) L'économie des dispositionsde la Charte des Nations Unies relatives
aux territoires dépendants

Pour examiner la qualité du Portugal pour agir, il faut brièvement
exposer l'économie desdispositions de la Charte des Nations Unies
visant la protection des territoires dépendants.

La Charte a été ainsi conçue que les intérêtdses territoires n'ayant pas
droit de parole dans lesinstancesinternationales seraientsauvegardés par
un Membre de l'organisation des Nations Unies chargéde veiller àleur
bien-être,qui posséderaitlacompétence nécessaire à cette fin. En vertu de
la philosophiequi l'inspireà l'égarddes territoires dépendants, la Charte
a voulu éviterde les laisser sans voix et sans défensedans un ordre mon-
dial ne leur ayant pas encore reconnu un statut indépendant.
Cette attitude n'est pas surprenante compte tenu des idéauxélevéq sui
animent la Charte, en vertu desquels les puissances assumant la respon-
sabilité de l'administration de ces territoires sont dites chargéesd'une
((mission sacrée))et en vertu desquels, aussi, la primautédes intérêtdes
habitants desdits territoires est affirmée.Traduisant ces idéauxen termes
concrets, la Charte a prévuque l'organisation des Nations Unies super-
viserait les autoritésresponsables et a demandéà cet effet que des rensei-
gnements soient communiqués régulièrement au Secrétaire général

(art.73 e)). Les autorités administrantes ont été appelées égalemen àt
assurer le progrès politique, économique et social des populations en
question ainsi que le développement de leurinstruction, à les traiter avec
équitéet à les protégerdes abus.
C'estdans lecontexte de cerégimeglobal que lesaffirmations de 1'Aus-
tralie doivent êtreexaminées. La thèse à l'étuden'hésitepas à affirmer
que la perte par la puissance administrante du contrôle physique d'un ter-
ritoire la prive du statut et des fonctions d'une puissance administrante,
et que la structure de protection et de communication de renseignements,
si soigneusementmiseen place par la Charte des Nations Unies, peut être
ainsi écartée.
C'est là une thèsequi doit susciter de vivespréoccupations car, quelle
qu'en soit la raison, la perte de contrôle par la puissance administrante
entraînerait du mêmecoup la perte du statut juridique.

Pour juger du bien-fondé decette thèse,on pourrait, à titre purement
hypothétique, prendre l'exemple extrêmed'un territoire non autonome
qui serait envahi par lestroupes d'une tierce puissance soucieusenon pas
d'assurer le ((progrèspolitique, économiqueet social, ainsi que le déve-
loppement de [l']instruction» des habitants, mais bien plutôt d'utiliser lethetical example, that this invading Power completely displaces the legal
authority of the duly recognized administering Power. If the administer-
ing Power cannot then speak for the territory that has been overrun and
the people of the territory themselveshave no right of audience before an

international forum, that people would be denied access to the interna-
tional community, whether directly, in their own right, or indirectly,
through their administering Power. The deep concern for their welfare,
which is a primary object of Chapter XI of the Charter, and the "sacred
trust" notion which is its highest conceptual expression, would then be
reduced to futility; and the protective structure, so carefully built upon
these concepts, would disintegrate, in the presence of the most untenable
of reasons - the use of force. In that event, the use of force, which is
outlawed by the entire scheme of the United Nations Charter, would
have won its victory, and would indeed have won it over some of the
loftiest concepts enshrined in the Charter. It is difficultto subscribe to a
view that thus encourages and, indeed, rewards the use of force.

This example, offered at a purely hypothetical level,has been aimed at
testing the practical efficacy of a legal proposition that seems to run

counter to the entire scheme of the United Nations Charter. As so often
in the law, the hypothetical example assists in the understanding of the
practical rule.
Grave reservations must be registered regarding any interpretation of
the Charter which leavesopen so serious a gap in its scheme ofprotection
and so undermines the central tenets which are its very foundation.

Three major legalconcerns arise from this argument. The first concern,
already referred to, is that it seems to concede that whatever the means
through which that control has been lost, the important factor is the
physical loss of control. This is a dangerous proposition which interna-
tional law cannot endorse.
Secondly,the precedents in the matter do not lend support to the Aus-
tralian argument. An instance that comes to mind is the case of Rho-
desia, in respect of which it was nowhere suggested that loss of United
Kingdom physicalcontrol over the territory meant a loss of United King-

dom legalauthority in respect of the territory. United Nations action was
based entirely on the assumption of the continuing status of United
Kingdom authority.
Thirdly, there is more to the status of administering Power than mere
physical control. An administering Power is charged with many duties
relating to the welfare of the people of the territory. It may lose physical
control but, with that loss of physical control, its duties do not fade
away. The administering Power is still obliged to extend such protections
as are still available to it for the welfare of the people and the preserva-
tion of theirassets and rights. The conservation of the territory's right to
permanent sovereignty over its natural resources is thus a major respon-
sibility of the administering Power, including particularly the preserva-pays comme base militaire ou industrielle. Supposons, dans cet exemple
hypothétique, quel'envahisseursupplante entièrementla puissance admi-
nistrante qui exerçaitjusqu'alors une autoritélégaledûment reconnue. Si
la puissance administrante ne peut alors parler au nom du territoire
envahi et si la population de ce territoire n'a pas elle-mêmele droit de se

faire entendre devant une instance internationale, cette population est
privéede tout accès àla communautéinternationale, soit directement en
sonnom propre, soit indirectement, par l'entremisede la puissance admi-
nistrante. Le souci profond de son bien-être,qui est l'objet essentieldu
chapitre XI de la Charte,et la notion de ((missionsacrée)),quien est la plus
haute expression conceptuelle,seront alors réduitsà néant, etle dispositif
de protection, fondé avec une si grande attention sur ces notions,
s'écroulerait etce pour la raison la plus indéfendable: l'emploi de la
force. En pareil cas, l'emploide la force, proscrit par tout le systèmede la
Charte des Nations Unies, aurait le dessus, l'emportant surun des idéaux
les plus élevésconsacréspar la Charte. Il est difficilede souscrirà une
thèsequi encourage, voire récompense, ainsi l'emploi dlea force.

L'exemple qui vient d'être cité à titre de pure hypothèse avait pour
objet de déterminerl'efficacitépratique d'une proposition juridique qui
paraît aller à l'encontre de tout le système prévupar la Charte des
Nations Unies. Comme bien souvent en droit, l'exemple hypothétique
aide à comprendre la règlepratique.
Il convient de formuler de graves réserveà l'égardde toute interpréta-
tion qui ouvre une si large brèchedans le dispositif de protection mis en
place par la Charte et porte ainsi atteinte aux principes essentiels qui en
sont le fondement même.
Trois préoccupations juridiques majeures procèdent de cet argument.
Premièrement - et nous l'avons déjà évoqué - cet argument paraît

admettre qu'indépendamment des moyens par lesquels le contrôle a été
perdu le facteur important est la perte matérielledu contrôle. C'est une
proposition dangereuse que le droit international ne saurait entériner.
Deuxièmement,lesprécédents en la matièrene vont pas dans le sens de
l'argument australien. Un exemplequi vient à l'esprit estcelui de la Rho-
désie,dans lequel il n'a jamais étésuggéréque la perte par le Royaume-
Uni du contrôle matérieldu territoire entraînait la perte de son autorité
juridique sur ce territoire. L'action de l'organisation des Nations Unies a
reposé entièrementsur l'hypothèsedu maintien de l'autorité juridique du
Royaume-Uni.
Troisièmement, le statut de puissance administrante va bien au-delà
du simple contrôle matériel. En effet, une puissance administrante est

chargéede maints devoirs relatifs au bien-êtrede la population du terri-
toire. Elle peut perdre le contrôle matériel, mais cetteperte n'entraîne
pas l'extinction de ses obligations. La puissance administrante demeure
tenue d'appliquer, aux fins du bien-êtrede la population et de la préser-
vation de ses richesses et de ses droits, toutes les mesures de protection
qui restent à sa disposition. La responsabilité majeure de la puissance
administrante est donc de préserverle droit du peuple du territoire à lation of its major economic asset, in the face of its possible extinction for
al1time. Such legal responsibilities remain the solemn duty of the admin-
istering Power, even though physical control may have been lost.

(iii)1s the United Nations a substitute for a displaced administering
Power ?

In answer to such a line of reasoning, it may perhaps be suggestedthat
the General Assembly and the Security Council can, in such an event,
take over the responsibilities of the administering Power.
Itis true indeed that the General Assembly and the Security Council,

in al1their plenitude of power, preside over the great task of decoloniza-
tion and protection of dependent peoples. Yet, with al1respect, they are
no substitutes for the particular attention to the needs of each territory
which the Charter clearly intended to achieve. Protection from interna1
exploitation and external harm, day-to-day administration, development
of human rights, promotion of economic interests and well-being,recov-
ery of wrongful loss, fostering of self-government, representation in
world forums, including this Court - al1these require particular atten-
tion from a Power specificallycharged with responsibility in that regard.
Moreover, the supervision of the United Nations depends also on trans-
mission of information under Article 73 (e) and, in the absence of an
administering Power, there would be a total neglect of that function and
hence an impairment of United Nations supervision. The Charter scarcely
envisaged that a dependent people should be left to fend for themselves,
denied al1this assistance. Least of al1can it be envisaged that the use of

force could deprive them of these rights. The basic protective scheme of
the Charter cannot thus be negated.

(iv) The right of representation

Australia's contention that Portugal, by having lost control over the
Territory for a period of years, has lost the right to represent the people
of East Timor is untenable for the same reasons. Any other view would
result in the anomalous situation of the current international system leav-
ing a territory and a people, who admittedly have important rights
opposable to al1the world, defencelessand voiceless preciselywhen those
rights are sought to be threatened or violated. Indeed, Counsel for Por-

tugal put this wellin describing the nexus provided by the administering
Power as "the umbilical cord" which tiesEast Timor to the international
community.souverainetépermanente sur ses ressources naturelles et surtout de pro-
tégerla principale richesseéconomiquede cepeuple contre le risque de la
voir disparaître à jamais. Ces responsabilitésjuridiques continuent de
faire partie du devoir solennel de la puissance administrante, mêmesi le
contrôle matériel a été perdu.

iii) Les Nations Uniespeuvent-elles se substituer à une puissance admi-
nistrante évincé e

Pour répondre à ce type de raisonnement, on avancera peut-être qu'en
pareil cas l'Assembléegénéraleet le Conseil de sécurité peuvent assumer
les responsabilités dela puissance administrante.
Il est exact, bien entendu, que l'Assembléegénéraleet le Conseil de
sécuritéd, ans toute la plénitudede leurs pouvoirs, présidentà la grande

Œuvre dedécolonisationet de protection des peuples dépendants.Ils n'en
sont pas pour autant, avec tout le respect qui leur est dû, subrogés à
l'obligation de veiller aux besoins de chaque territoire avec cette attention
particulièremanifestement voulue par la Charte. Protéger contre l'exploi-
tation interne et les dangers extérieurs,administrer au quotidien, assurer
le respect des droits de l'homme, favoriser les intérêet le bien-être éco-
nomiques, réparer les préjudices, promouvoir l'autonomie, assurer un
rôle de représentation dans les instances mondiales, y compris devant
la Cour,tout cela nécessitel'attention particulièred'une puissance expres-
sément chargéede responsabilités à cet égard.De plus, le contrôle exercé
par l'Organisation des Nations Unies dépend aussi de la communica-
tion de renseignements en vertu de l'article3, alinéae), et, en l'absence
d'une puissance administrante, cette fonction serait totalementnégligée,
ce qui entraverait la surveillanceexercéepar l'organisation. La Charte ne

peut guère avoir voulu laisser une population dépendante se tirer d'af-
faire seule, dépourvue de toute cette assistance. Moins encore peut-on
concevoir de laisser l'emploi de la force la priver de ces droits. On ne
saurait ainsi faire fi du régimefondamental de protection instauré par la
Charte.

iv) Le droit de représentation

L'Australie allègueque le Portugal ayant perdu le contrôle du Terri-
toire depuis plusieurs annéesa du mêmecoup perdu le droit de représen-
ter le peuple du Timor oriental: cette thèse est indéfendable pour les
mêmesraisons. Toute autre conception aboutirait à une situation anor-
male, le systèmeinternational actuel laissant sans défenseet sans voix un

territoire et une population qui sont titulaires de droits importants notoi-
rement opposables au monde entier, au moment mêmeoù ces droits ris-
quent d'être menacée st violés.Du reste, le conseil du Portugal a bien
décritle lien que représente la Puissance administrante entre le Timor
oriental et la communauté internationale en le qualifiant de «cordon
ombilicalD. While recognizing that Portugal has not in this case sought to base its
locus standi on any footing other than that of an administering Power,
this anomaly can also be illustrated in another way. In South West

Africa, Second Phase (I.C.J. Reports 1966, p. 6), two States which had
no direct connection with the territory in question sought to bring before
the Court various allegations of contraventions by South Africa of the
League of Nations Mandate. There was no direct nexus between these
States and South West Africa. Their locus standi was based solely on
their membership of the community of nations and their right as such to
take legal action in vindication of a public interest.

The present case is one where the Applicant State has a direct nexus
with the Territory and has in fact been recognized by both the General
Assembly and the Security Council as the administering Power.
This case has similarities withSouth West Africa in that there is here,
as there, a territory not in a position to speak for itself. There is here, as
there, a Power which is in occupation by a process other than one that is

legally recognized. There is here, as there, another State which is seeking
to make representations on the territory's behalf to the Court. There is
here, as there, an objection taken to the locus standi of the Applicant.
A vital difference is that here, unlike there, the Applicant State has a
direct nexus with the Territory and enjoys direct recognition by the
United Nations of its particular status vis-à-vis the Territory. The posi-
tion of the Applicant State is thus stronger in the present case than the
position of the States whose locusstandi was accepted by half thejudges
of the Court in the South West Africa Judgment (ibid.), and, indeed, by
the majority of the judges in the earlier phase of that case (South West
Africa, Preliminary Objections, Judgment, 1.C.J. Reports 1962, p. 319).

(v) Resolutions recognizing Portugal's status as administering Power

The Court is called upon to decide, in regard to these resolutions,
whether the General Assembly resolutions are devoid of legal effect.As a
prelude to a discussion of this legal question, the content of these reso-
lutions is briefly set out.
The resolutions of the General Assemblyare the following: 3485(XXX),
31/53, 32/34,33139, 341403 ,5/27, 36/50and 37/30.
Some of these resolutions expressly recognizethe status of Portugal as
the administering Power (resolutions 3485 (XXX), 34/40, 35/27, 36150
and 37/30) and not one of them recognizes a legal status in Indonesia.
Rather, some of them (resolutions 31/53, 32134,33/39)reaffirm the Secu-
rity Council resolutions and draw the attention of the SecurityCouncil to

the critical situation in East Timor, and recommend that it take al1effec-
tive steps for the implementation of its resolutions, with a view to secur- Sil'on reconnaît que le Portugal n'a pas en l'espècecherchéà fonder sa

qualité pour agir sur quelque autre base que son statut de puissance
administrante, on peut illustrer d'une autre manière encore cette anoma-
lie. Dans les affaires duud-Ouest africain, deuxièmephase, arrêt (C.Z.J.
Recueil 1966, p. 6), deux Etats qui n'avaient aucun lien direct avec le
territoire en question ont voulu porter devant la Cour diverses alléga-
tions de violations du mandat de la Société desNations commises par
l'Afrique du Sud. Il n'existait aucune relation directe entre ces Etats et le
Sud-Ouest africain. Leur qualité pour agir se fondait uniquement sur
leur appartenance à la communauté des nations et sur leur droit d'exer-
cer, à ce titre, un recours juridique pour faire valoir un intérêt public.
Dans la présenteespèce, 1'Etatdemandeur a un lien direct avec le Ter-
ritoire et a été reconnu en fait comme puissanceadministrante tant par
l'Assembléegénéraleque par le Conseil de sécurité.

La présente affaire comporte des ressemblances avec celles du Sud-
Ouest africain :il s'agitd'un territoire qui n'estpas en mesure de parler en
son propre nom; l'occupation par une autre puissance est intervenue
autrement que par un moyen reconnu en droit; un autre Etat tente
d'effectuer une démarche devant laCour au nom du territoire; et une
exception est opposée à la qualitépour agir du demandeur.
La différenceessentielleest que dans la présente affaire,contrairement
aux autres, 1'Etat demandeur a un lien direct avec le Territoire et que
l'organisation des Nations Unies lui reconnaît directement un statut par-
ticulier vis-à-vis du Territoire. La position de 1'Etatdemandeur est donc
plus forte ici que ne l'étaitcelle des Etats dont lesjuges de la Cour ont,
pour la moitié d'entre eux, admis,dans l'arrêtsur le Sud-Ouest africain
(ibid.), la qualitépour agir, et, en fait dont la majoritédesjuges avaient
admis la qualitépour agir lors de la phase précédentede l'instance (affaires

du Sud-Ouest africain, exceptions préliminaires, arrêt,C.I.J. Recueil
1962, p. 319).

v) Les résolutions quireconnaissent au Portugal la qualitéde puissance
administrante

Il est demandé à la Cour de décidersi les résolutionsen question de
l'Assembléegénéralesont dénuées de valeur juridique. Préalablement à
l'analyse de cette question juridique, il y a lieu de rappeler brièvement la
teneur desdits textes.
Les résolutions pertinentes del'Assembléegénéralesont les suivantes :
3485 (XXX), 31/53, 32/34, 33/39, 34/40,35127,36/50 et 37/30.
Dans certaines d'entre elles, l'Assembléereconnaît expressément au

Portugal la qualité de puissanceadministrante (résolutions3485 (XXX),
34/40, 35/27, 36/50 et 37/30); dans aucune ne reconnaît-elle de statut
juridique à l'Indonésie.Bien plutôt, quelque-unes d'entre elles (résolu-
tions 31/53, 32/34, 33/39) réaffirmentles résolutionsdu Conseil de sécu-
rité, appellentl'attention du Conseil sur le caractère critique de la situa-
tion au Timor oriental et recommandent au Conseil de prendre toutes lesing the full exercise by the people of East Timor of their right to self-
determination. Some of them request the Special Committee on the
Situation with regard to the Implementation of the Declaration on the
Granting of Independence to Colonial Countries and Peoples to keep the
situation in East Timor under activeconsideration (resolutions 31/53and
32/34 of 28 November 1977); reject the claim that East Timor has been
integrated into Indonesia inasmuch as the people of the Territory have
not been able to exercise freelytheir right to self-determination and inde-
pendence (resolution 32/34 of 28 November 1977); declare that the
people of East Timor must be enabled to determine freely their own
future within the framework of the United Nations (resolution 35/27
of 11 November 1980); welcome the diplomatic initiative taken by the
Government of Portugal as the first step towards the free exercise by the
people of East Timor of their right to self-determination and indepen-

dence (ibid.) ;urgeal1parties directlyconcerned to CO-operatefully with a
view to creating the conditions necessary for the speedy implementation
of General Assemblyresolution 1514 (XV)(ibid.) ;declarethat the people
of East Timor must be enabled freely to determine their own future on
the basis of the relevant General Assembly resolutions and internation-
ally accepted procedures (resolution 36/50 of 24 November 1981); and
invite Portugal as the administering Power to continue its efforts with a
viewto ensuring theproper exercise ofthe right to self-determination and
independence by the people of East Timor (ibid.).

Since there is no diminution in any of the resolutions of Portugal's
status as administering Power, one must therefore regard Portugal as

continuing to be vested with al1the normal responsibilities and powers of
an administering authority. It is to be stressed, of course, that whatever
powers an administering Power is vested with are powers given to it
solelyfor the benefit of the territory and the peopleunder its care and not
for the benefit in any way of the administering Power. This is a truism
and is mentioned here only because some suggestions were made in the
oral submissions that Portugal has instituted this case for reasons other
than a desire to conserve the interests of the Territory and people of East
Timor.

Not only will any successPortugal may achieve from this case be held
strictly for the benefit of the people of East Timor, but it will be held
strictlyunder United Nations supervision. The Australian argument that
Chapter XI of the United Nations Charter "is not a colonial charter

intended legally to entrench the rights of the former colonial State . . ."
(CR 95/10, p. 65) loses its thrust in such a context.

Australia submits that Portugal not only has a poor colonial recordmesures effectivesen vue de l'application des résolutionsdu Conseil de
sécurité visantà assurer le plein exercicepar le peuple du Timor oriental
de son droit à l'autodétermination. Parfois, l'Assembléeprie le comité
spécialchargé d'étudie lr situation en ce qui concerne l'application de la
déclarationsur l'octroi de l'indépendanceaux pays et aux peuples colo-
niaux de continuer à s'occuper activement dela situation au Timor orien-
tal (résolutions31/53et 32/34du 28 novembre 1977);ellerejette l'alléga-
tion selon laquelle le Timor oriental a été intégréà l'Indonésie,dans la
mesure où la population du Territoire n'a pas étéà mêmed'exercer libre-
ment son droit à l'autodétermination et à l'indépendance (résolu-
tion 32/34du 28novembre 1977) ;elledéclarequelepeupledu Timor orien-
tal doit avoir la possibilitéde déterminer librement sonpropre avenir,
dans le cadre de l'Organisation des Nations Unies (résolution35/27 du

11 novembre 1980); elle accueille avecsatisfaction l'initiative diploma-
tique prise par le Gouvernement portugais, qui marque un premier pas
vers le libre exercicepar lepeuple du Timor oriental de son droit l'auto-
déterminationet à l'indépendance(ibid.) ; elleprie instamment toutes les
parties intéresséesde coopérer pleinement envue de créerles conditions
nécessairesà l'application rapide de la résolution1514(XV) de I'Assem-
bléegénérale(ibid.) ; elle déclareque le peuple du Timor oriental doit
avoir la possibilitéde déterminer librement sonpropre avenir, sur la base
des résolutions pertinentes de l'Assembléegénérale etdes procédures
admisessur le plan international (résolution36/50du 24novembre 1981);
et ellenvitele Portugal, en sa qualité de puissance administranteà pour-
suivre ses efforts en vue d'assurer quele peuple du Timor oriental exerce
comme il convient son droit à l'autodéterminationet à l'indépendance

(ibid.).
Comme aucune des résolutionsne restreint en quoi que ce soit la qua-
lité de puissance administrante du Portugal, l'on doit estimer que le
Portugal reste investi de toutes les responsabilités et compétencesnor-
males d'une puissance administrante. Bien entendu, il convient de souli-
gner que toutes les compétencesdont une puissance administrante peut
êtreinvestie lui sont conféréesdans le seul intérêt du territoire et de la
population confiés à ses soins, et non, en aucune manière,pour le profit
de la puissance administrante. C'est là un truisme, mentionné seule-
ment ici parce que certains ont alléguél,ors des plaidoiries, que le Portu-
gal avait introduit la présente instance pour d'autres motifs que le
désir de sauvegarderles intérêtsdu Territoire et du peuple du Timor
oriental.
Tout avantageque le Portugal aurait pu obtenir en la présente instance

aurait éténon seulementconservé strictementdans l'intérêd tu peuple du
Timor oriental, mais aussi sous la rigoureuse surveillancede l'Organisa-
tion des Nations Unies. Dans une telle perspective, l'argument australien
selon lequel le chapitre XI de la Charte des Nations Unies ((n'estpas une
charte coloniale destinée à consolider juridiquement les droits de
l'ancienne puissance coloniale...» (CR 95/10,p. 65) perd toute portée.
L'Australie affirme non seulement que le Portugal a un passécolonialbut, in fact, abandoned the people of East Timor. Whatever may have
been the facts regarding these aspects, they were not unknown to the

General Assembly, which nevertheless invite Pdrtugal to continue its
efforts. The body best able to assess Portugal's conduct having decided,
notwithstanding al1the information at its disposal, to issue such an invi-
tation, this Court must respect that decision. It is to be observed further
that, in extending that invitation,the General Assembly placed no restric-
tions on Portugal's status as administering Power, nor has it done so
sincethen. It is significantalso that, in resolution 384(1975),the Security
Council in fact censured Portugal for its failure to discharge its respon-
sibilities fully as administering Power, but yet continued to recognize
Portugal as the administering Power.

The resolutions of the Security Council, resolution 384 (1975) and
resolution 389 (1976), have been quoted earlier in this opinion. Recog-
nizing and reaffirming the inalienable right of the people of East Timor
to self-determination, the Security Council, in both resolutions, calls
upon al1States to respect the territorial integrity of East Timor, as well
as the inalienable right of its people to self-determination, and urges al1

States and other parties concerned to CO-operatefully with the efforts of
the United Nations to achieve a peaceful solution to the existing situation
and to facilitate the decolonization of the Territory.

These two resolutions of the Security Council have not at any stage
been revoked, nor have they been superseded by later resolutions render-
ing them inapplicable.
Security Council resolution 384 expressly referred to Portugal as the
administering Power and specifically imposed upon it the duty of co-
operating fullywith the United Nations so as to enable the people of East
Timor to exercise freely their right to self-determination. The resolution
thus contained a clear indication to Portugal of its duties in safeguarding
this right of the East Timorese people. Since economic sovereignty is an
important element of the concept of sovereignty, there was thus imposed
upon Portugal, by Security Council resolution, apart from Charter pro-
visions, the duty to safeguard the Territory's most valuable economic
asset until the right to self-determination was freely exercised.

As with the General Assembly, so also with the Security Council, Por-
tugal's prior colonial conduct did not prevent it from giving to Portugal
the status it did and imposing upon it the duties that went with that
status.
That status thus recognized by the Security Council receives repeated
recognition in later resolutions of the General Assembly (see resolutions
35/27 (1980), 36/50(1981) and 37/30(1982)).
After these general observations, it is necessary to examine the legal
effects of the relevant resolutions in greateretail.médiocre,mais qu'enfait il a abandonné la population du Timor oriental.
Quels qu'aient pu êtreles faitsà cet égard,ils n'étaientpas inconnus de
l'Assembléegénéraleq ,ui n'ena pas moins invitéle Portugalà poursuivre
sesefforts. L'organe lemieux à mêmed'apprécierla conduite du Portugal
ayant décidén ,onobstant toutes les informationsdont ildisposait,d'adres-
ser cette invitation, la Cour doit respecter cette décision.convient de
faire observer en outre qu'en formulant cette invitation l'Assemblée géné-
rale n'a apporté aucunerestrictionà la qualitéde puissance administrante
du Portugal et qu'elle n'ena pas non plus apportédepuis lors.Il est signi-
ficatifégalementque, dans sa résolution384 (1975),le Conseil de sécurité
ait en fait reprochéau Portugal de ne pas s'êtacquittépleinement de ses
responsabilitésen tant que puissance administrante, mais n'en n'a pas
moins continuéde lui reconnaître cette qualité.

Les résolutions duConseil de sécurité 384(1975)et 389(1976)ont déjà
été citéedsans la présenteopinion. Reconnaissant et réaffirmant le droit
inaliénabledu peuple du Timor oriental à l'autodétermination,le Conseil
de sécurité,dans les deux résolutions, demande à tous les Etats de res-
pecter l'intégritéterritoriale du Timor oriental ainsi que le droit inalié-
nable de son peupleà l'autodéterminationet prieinstamment tous lesEtats
et toutes lesautres parties intéresséescoopérerpleinement avecl'Orga-
nisation des Nations Unies dans ses efforts pour apporter une solution
pacifique à la situation existante et faciliter la décolonisationdu Terri-
toire.
Ces deux résolutionsdu Conseil de sécuritén'ont jamais étéabrogées
ni remplacéespar des résolutions ultérieuresqui les auraient rendues
caduques.
Dans sa résolution384, le Conseil de sécuritémentionnait expressé-

ment le Portugal comme puissance administrante et lui imposait de façon
précise l'obligation de coopérer pleinement avec l'organisation des
Nations Unies de façon à permettre au peuple du Timor oriental d'exer-
cer librement son droit à l'autodétermination. Le Conseil de sécuritéy
indiquait clairement au Portugal sesobligations s'agissantde sauvegarder
ce droit du peuple du Timor oriental. Comme la souveraineté écono-
mique est un élémenitmportant du concept de souveraineté,le Conseil de
sécuritéimposait donc au Portugal, indépendammentdes dispositions de
la Charte, le devoir de sauvegarder la richesse économique la plus pré-
cieuse du Territoire jusqu'à ce que son peuple puisse exercer librement
son droit à l'autodétermination.
Ce qui est vrai de l'Assemblée générall'eest aussi du Conseil de sécu-
rité:le passécolonial du Portugal n'a pas empêché le Conseil de recon-
naître à celui-ci la qualité susviséeet de lui imposer les obligations

correspondantes.
Cette qualitéainsi reconnue par le Conseil de sécuritl'a étégalement
à plusieurs reprises ensuite par l'Assemblée générale (voilres résolu-
tions 35/27 (1980),36/50 (1981)et 37/30(1982)).
Aprèsces observations généralesi,l convient d'examinerplus en détail
les effetsjuridiques des résolutions pertinentes.(vi) Legal force of the resolutions

(a) GeneralAssembly resolutions

Very early in the history of the United Nations, the General Assem-
bly's competence in regard to non-self-governing territories was recog-
nized. Thus Kelsen refers to :

"the competence the General Assembly has with respect to non-self-
governing territories not under trusteeship in accordance with
Article 10and (together with the SecurityCouncil) under Article 6" ',

and suggests that the General Assembly may discuss the non-fulfilment
by a Member of its obligations under Chapter XI, leading even to the
imposition of sanctions, along with the Security Council, under Article 6
(see,also, American Journal of International Law, 1954,Vol. 48, p. 103).

After the adoption of the Declaration on the Granting of Indepen-
denceto Colonial Countries and Peoplesby the GeneralAssembly in1960,
it established a comrnittee to follow up the implementation of the Dec-
laration, thus "bringing al1non-self-governingterritories under a form of
international supervision comparable to that of the trusteeship system" 2.
So much are al1aspects of self-determination regarded by the General
Assembly as pertaining to its sphere of authority that there has been a
tendency "to consider that no aspect of 'colonialism' shouldbe treated as
a matter falling 'essentially'within the domesticjurisdiction of a State"3.

The Assemblymaintains a vigilant eyeover al1aspects relating to non-
self-governingterritories through the Fourth or Decolonization Commit-
tee4and the Committee of Twenty-Four. Questions of the termination of
dependent territory status upon the exercise of the right of self-determi-
nation have thus long been matters recognized as being within the scope
of the General Assembly's authority. In resolution 1541 (XV) of
15December 1960,it specificallyaddressed (in Principle VI) the question

' The Law of the UnitedNations, 1950, p. 553,footnote 1.
Goodrich, Hambro and Simons, Charter of the United Nations, 3rd and rev. ed.,
(ed.), The Charter of the United Nations, 1994,pp. 925-928.rd, see further, Bruno Simma

"In the course of time, the General Assembly succeeded in subjectingthe colonies
to a similar system of supervisionto that provided for trust territories, even though,
to the General Assembly's entitlement to have statistical and technical informa-cted
tion. . .(Zbid.,p. 925.)

Goodrich, Hambro and Simons, ibid.
the Special Political Committee, by resolution 471233of 17August 1993.its merger withvi) La valeurjuridique des résolutions

1. Les résolutionsde l'Assembléegénérale

La compétence de l'Assemblée généra àlel'égarddes territoires non
autonomes a étéreconnue très tôt dans l'histoire del'organisation des
Nations Unies. C'est ainsi que Kelsen parle de

«la compétence que possèdel'Assembléegénérale à l'égarddes ter-
ritoires non autonomes non soumis à tutelle, en vertu de l'article 10

et (conjointement avecle Conseilde sécurité)en vertu del'article 6» '
et avance que l'Assembléegénérale peut débattrede la non-exécutionpar

un membre des obligationsqui lui incombent en vertu du chapitre XI, et
mêmealler jusqu'à imposer des sanctions, agissant de concert avec le
Conseil de sécurité en application de l'article6 (voir également American
Journal of International Law, 1954,vol. 48, p. 103).
Après avoir adopté en 1960 la déclaration sur l'octroi de l'indépen-
dance aux pays et aux peuples coloniaux, l'Assemblée généraa leétabliun
comitéchargéde veiller à la mise en Œuvrede la déclaration, appliquant

ainsi à «tous les territoires non autonomes, une forme de supervision
internationale comparable au régimede tutelle»2. L'Assemblée générale
considère que tout ce qui a trait à l'autodétermination relève de son
champ de compétenceau point que l'on constate une tendance de sa part
«à estimer qu'aucun aspect du «colonialisme» ne doit êtreconsidéré
comme une question relevant «essentiellement» de la compétenceinterne
des Etats~~.
L'Assembléegénérale maintient un regard vigilant sur toutes les ques-

tions relatives aux territoires non autonomes, par l'intermédiairede la
QuatrièmeCommission (commissionde la décol~nisation)~et du Comité
des Vingt-Quatre. On reconnaît ainsi depuislongtemps que les questions
relativesà l'extinction du statut de territoire dépendant une fois exercéle
droit à l'autodétermination relèvent de la compétence del'Assemblée
générale.Dans sa résolution 1541 (XV) du 15 décembre1960, celle-ci

' The Law of the UnitedNations, 1950, p. 553,note 1.
Goodrich, Hambro et Simons,Charterof the UnitedNations, 3eéditionmise àjour,
1969,p. 70. Pour l'évolutiondela pratique à cet égard,voir égalementBruno Simma (dir.
publ.),The Charter of the UnitedNations, 1994,p. 925:928
«A terme, l'Assembléegénérale a réuài soumettre les colonies à un systèmede
surveillance semblablecelui prévu pour les territoires sous tutelle, encore que,
d'après le libellé même de l'ale3, lettre, de la Charte des Nations Unies, ce
contrôle se limite au droit, poursembléegénérale, de se voircommuniquer des
renseignements statistiques et de nature techniqueid., p. 925.)
Goodrich, Hambro et Simons,ibid.
Devenue, en vertu de la résolution471233du 17 août 1993,la commission politique
spécialede la décolonisation après son fusionnement avec la commission politique spé-
ciale.whether a non-self-governing territory can be said to have reached a full
measure of self-government.

When, therefore, the General Assembly determines that a particular
dependent territory has not exercised the right of self-determination or
that a particular State isrecognized as the administering Power over a

dependent territory, the Assembly is making a determination within the
area of its competence, and upon a review of a vast range of material
available to it. Legal consequences follow from these determinations.
Of course there are resolutions of the General Assembly which are of
an entirely hortatory character. Many resolutions of the General Assem-
bly are. But a resolution containing adecision within its proper sphere of
competence may wellbe productive of legal consequences. As this Court
observed in Namibia, the General Assemblyisnot "debarred from adopt-
ing, .. within the framework of its competence, resolutions which make
determinations or have operative design" (Legal Consequencesfor States
of the Continued Presence of South Africa in Namibia (South West
Africa) notwithstanding Security Council Resolution 276 (1970), Advi-
sory Opinion, I.C.J. Reports 1971, p. 50, para. 105).

Even more is this so when those resolutions have been expressly
accepted and endorsed by the Security Council, which is the case in rela-
tion to the resolutions on the status of Portugal as administering Power.
Thus resolutions of the General Assembly which expressly reject the
claim that East Timor has been integrated into Indonesia (32134 of
28 November 1977) declare that the people of East Timor must be
enabled to determine their own future freely within the framework of
the United Nations (35127of 11November 1980)and expresslyrecognize
Portugal as the administering Power (3485 (XXX), 34/40, 35/27, 36/50
and 37/30)are resolutions which are productive of legal effects.

Article 18of the Charter makes it clear that, on "important questions",
the General Assembly may make "[d]ecisions". Adverting to this provi-
sion, this Court has observed:

"Thus while it is the Security Council which, exclusively, may
order coercive action, the functions and powers conferred by the
Charter on the General Assembly are not confined to discussion,
consideration, the initiation of studies and the making of recom-
mendations; they are not merely hortatory. Article 18 deals with
'decisions' of the General Assembly 'on important questions'.
These 'decisions' do indeed include certain recommendations,
but others have dispositive force and effect." (Certain Expenses
of the United Nations (Article 17, paragraph 2, of the Charter),
Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1962, p. 163; emphasis in origi-

nal.)
Waldock, in his General Course (Recueil des cours de l'Académiedeévoquede manièreprécise(dans le cadre du principe VI) la question de
savoir à quel moment un territoire non autonome peut être considéré
comme ayant atteint la pleine autonomie.

Ainsi, lorsque l'Assemblée générale déciq de'un territoire dépendant
n'a pas exercéson droit à l'autodétermination ou qu'unEtat donnéest
reconnu comme puissance administrante d'un territoire dépendant, ellese
prononce dans son propre domaine de compétence,et cela aprèsexamen
de la vaste documentation dont elle dispose. De telles décisionsont des
effetsjuridiques.
Il existe, bien sûr, des résolutionsde l'Assembléegénéralequi ont un
simple caractère d'exhortation. C'est le cas de nombre d'entre elles. En
revanche, une résolution contenant unedécisionrelevant effectivementde
son domaine de compétencepeut très bien produire des effetsjuridiques.
Ainsi que la Cour l'a fait remarquer dans son avis consultatif sur la
Namibie, l'Assembléegénérale n'esp t as ((empêchéd e'adopter, dans des
cas ...relevant de sa compétence, desrésolutionsayant le caractère de
décisionsou procédant d'une intention d'exécution))(Conséquencesjuri-

diques pour les Etats de la présence continue de l'Afrique du Sud en
Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution276 (1970) du
Conseil desécurité, avisconsultatif,C.I.J. Recueil 1971,p. 50,par. 105).
Celavaut à plus forte raison lorsquecesrésolutionsont été expressément
acceptéeset entérinéepsar le Conseilde sécuritéc,e qui est le cas des réso-
lutions relatives la qualité depuissance administrante du Portugal.
Ainsi, les résolutions où l'Assemblée généralreejette expressément
l'allégationselon laquelle le Timor oriental a étéintégré à l'Indonésie
(32134du 28 novembre 1977), déclareque le peuple du Timor oriental
doit avoir la possibilitéde déterminerlibrementsonpropre avenir dans le
cadre de l'organisation des Nations Unies (35127du 11novembre 1980)
et reconnaît expressémentle Portugal comme la puissance administrante
(3485 (XXX), 34/40, 35127,36150et 37130)sont des résolutions produi-
sant des effetsjuridiques.
Comme le prévoit clairementl'article 18 de la Charte, l'Assemblée

générale peut,«sur des questions importantes)),prendre des «décisions»
et,à cet égard, la Cour a relevéque:
«Ainsi, tandis que c'estle Conseil de sécuritqui possèdele droit
exclusif d'ordonner une action coercitive, les fonctions et pouvoirs
de l'Assembléegénérale selon la Charte ne sont pas limités àla dis-
cussion,à l'examen, à l'étudeet à la recommandation; ses attribu-
tions ne sont pas simplement de caractère exhortatif. L'article 18

traite des((décisions» de l'Assemblée général« esur les questions
importantes)). Ces décisions»comprennent eneffetcertaines recom-
mandations, mais d'autres ont une valeur et un effet de caractère
impératif.» (Certaines dépensesdes Nations Unies (article 17, para-
graphe 2, de la Charte), avisconsultat$ C.I.J. Recueil 1962,p. 163;
les italiques sont dans l'original.)

Waldock, dans son cours général publié dans le Recueil des cours dedroit international de La Haye, 1962,Vol. 106,p. 26), referring to this
judicial pronouncement, stressed the General Assembly7scompetence to
make decisions having dispositive force and effect '.

In more than one of its resolutions, the General Assembly has referred
to its competence

"to decide whether a Non-Self-Governing Territory has or has not
attained a full measure of self-government as referred to in Chap-
ter XI of the Charter" (resolution 748 (VIII) of 27 November 1953,
relating to Puerto Rico; and resolution 849 (IX) of 22 November
1954,relating to Greenland; emphasis added).

The General Assemblyhas also asserted this power in relation to Suri-
name and the Netherlands Antilles, Alaska and Hawaii2. The General
Assembly has not hesitated to use this power as, for example, when Por-
tugal and Spain, following their admission to United Nations member-
ship, asserted that they did not administer any territories covered by
Chapter XI. In 1960,the General Assembly declared that the territories
of Portugal were non-self-governing "within the meaning of Chapter XI

of the Charter" (resolution 1542(XV) of 15December 1960).It asserted
its powers in this regard evenmore strongly the followingyear, condemn-
ing Portugal for "continuing non-compliance" with its obligations under
Chapter XI and for its refusa1 to CO-operatewith the Committee on
Information from Non-Self-Governing Territories, and established a spe-
cial committee authorized to receivepetitions and hear petitioners on this
matter (General Assembly resolution 1699(XVI) of 19December 1961).
United Nations practice has not questioned the General Assembly'scom-
petence so to act as the appropriate United Nations organ for determin-
ing whether a non-self-goveming territory has or has not achieved

self-determination.

In a treatise on Legal Effects of United Nations Resolutions, Cas-
tafieda makes a juristic analysis of this power, observing that a General
Assembly resolution does not express a duty, but rather establishes in
a definite manner the hypothesis or condition from which flows a legal
consequence, which makes possible the application of a rule of law.
"By its nature, this consequence may be an order to act or not to act,

'On the role of the General Assembly in the formulation of international law see,
further, Gaetano Arangio-Ruiz, "The Normative Role of the General Assembly of
the United Nations and the Declaration of Principles of Friendly Relations", Recueil des
cours del'Académiede droit international,1972,Vol. 137,;Obed Y. Asamoah, The
Legal Significance of the Declarations of the GeneralAssembly of the United Nations,
national Law",German Yearbook of International Law, 1977,Vol. 20, pp. 103-118.Inter-

See Goodrich, Hambro and Simons, op. cit., pp. 460-461, and the references therein
cited to the relevant resolutions.l'Académiede droit international deLa Haye (1962,t. 106,p. 26), seréfé-
rant à cette concIusion de la Cour, souligne que l'Assembléegénérale est
compétente pour prendre des décisionsayant valeur et effet de caractère

impératifl.
Dans plus d'une de ses résolutions,l'Assembléegénérale s'esrtéféré àe
sa compétence

«pour décidersi un territoire non autonome a atteint ou non I'auto-
nomie complèteviséeau chapitre XI de la Charte» (résolution748
(VIII) du 27 novembre 1953,relative à Porto Rico, et résolution849
(IX) du 22 novembre 1954, relative au Groenland); (les italiques
sont de moi).

L'Assemblée généralaeégalement affirmécette compétence à l'égard
du Suriname et des Antilles néerlandaises, de l'Alaska et de Hawaï2.
L'Assemblée généralne'a pas hésité à exercer ce pouvoir, par exemple
lorsque le Portugal et l'Espagne, à la suite de leur admission comme
Membres à l'organisation des Nations Unies, ont affirmén'administrer
aucun territoire relevant du chapitre XI. En 1960,l'Assembléegénérale a

déclaré que lesterritoires du Portugal étaient non autonomes «au sensdu
chapitre XI» (résolution1540(XV) du 15décembre1960).Ellea affirmé
ses compétences à cet égardavec plus de force encore l'année suivante,
condamnant le Portugal pour son ((manquementpersistant))aux obliga-
tions incombant à celui-ci en vertu du chapitre XI et pour son refus de
coopéreravec le comitédes renseignements relatifs aux territoires non
autonomes; l'Assembléea crééégalementun comitéspécialhabilité à
recevoir des pétitions et entendre des pétitionnaires sur cette question
(résolution1699(XVI) de l'Assembléegénérale du 19décembre1961).La

compétence de l'Assembléegénérale à agir ainsi en tant qu'organe de
l'organisation habilitéà établirsi un territoire non autonome a réalisou
non son droit à l'autodétermination n'a pas étémise en doute dans la
pratique des Nations Unies.
Dans un traité intitulé Legal Effects of United Nations Resolutions,
Castafieda se livreà une analyse juridique de cette compétence,notant
qu'une résolutionde l'Assemblée générale n'exprim pas une obligation,
mais établit plutôt de manièredéfinitivel'hypothèse ou la condition dont
découle un effet juridique, ce qui permet l'application d'une règle de

droit.«Par sa nature, cet effetpeut être un ordre d'agirou de ne pas agir,

-
international, voir, également,Gaetano Arangio-Ruiz, «The Normative Role of the
General Assembly of the United Nations and the Declaration of Principles of Friendly
Relations)), Recueil des coursde l'Académiede droit international, 1972,t. 137,p. 421;
Obed Y. Asamoah, The Legal Significanceof the Declarationsof the GeneralAssembly of
the UnitedNations, 1966,et Christoph Schreuer, «Recommendations and the Traditional
Sources of International)), Gerrnan Yearbook of International Law, 1977,vol. 20,
p. 103-118.
Voir Goodrich, Hambro et Simons, op. cit., p. 460-461,ainsi que les renvois aux réso-
lutions pertinentes.an authorization, or the granting or denial of legal competence to an
organ. " '
The foregoing observations have a bearing on the definitive effectsof
General Assembly resolutions regarding Portugal's status, East Timor's
status as a non-self-governing territory, and East Timor's right to self-
determination. Additionally, sincethe General Assemblyis the appropri-
ate body for recognition of the Power holding authority over a non-self-
governing territory, the absence of any General Assembly resolution
recognizing Indonesia's authority over East Timor is also a circumstance
from which a legal inferencemay be drawn. The General Assembly reso-
lutions also have a bearing on the responsibility of al1 nations to co-
operate fully in the achievement of self-determination by East Timor.
The various resolutions of the General Assembly relating to this right in
general terms, which have helped shapepublic international law, and are
an important material source of customary international law in this
regard2,are specificallystrengthened so far as concerns the situation in
East Timor, by the particular resolutions relating to that Territory.

(b) Security Council resolutions
These resolutions are also confirmatory of the status of Portugal. They

are dealt with in Part D in the context of the substantive obligations of
Australia.

(vii) Does Portugal needprior United Nations authorization to maintain
this action?

Portugal's authority as administering Power has not been subject to
any limitation by the United Nations in the resolutions recognizing Por-
tugal's status. Australia's submission that Portugal needs United Nations
authority to bring this action (Rejoinder,paras. 136, 144)suggestsa limi-
tation on an administering Power's authority which does not seem to be
envisaged in the United Nations Charter.

There is another aspect as well to be considered, namely, that it is the
duty of an administering Power to conserve the interests of the people of
the territory. As part of their fiduciary duties, administering Powers rec-
ognizein terms of Article 73 of the Charter "the obligation to promote to
the utmost . ..the well-beingof the inhabitants of these territories" and,
to that end, "to ensure . . . their . . .economic . . .advancement"
(Art. 73(a) ; emphasisadded) and "to promote constructive measures of

'Jorge Castafieda, Legal Effects of UnitedNations Resolutions, 1969,p. 121.
*Simma, op cit., p. 240.

102une autorisation, ou l'octroi ou le refus d'une compétencejuridique à un
organe.» '
Les observations précédentes valentpour la question des effets déter-
minants des résolutionsde l'Assembléegénérale pour ce qui est du statut
du Portugal, du statut de territoire non autonome du Timor oriental et
du droit du peuple du Timor oriental à l'autodétermination. Quiplus est,
étantdonné quel'Assemblée générale els'torgane compétentpour recon-
naître la puissance détentrice de l'autorité sur un territoire non auto-
nome, l'absence de toute résolutionde l'Assembléegénéralereconnais-
sant l'autoritéde l'Indonésiesur le Timor oriental permet également de
tirer des conclusionsjuridiques. Les résolutionsde l'Assembléegénérale
jouent égalementpour ce qui est de la responsabilitéincombant à tous les
Etats de coopérerpleinement afin que le peuple du Timor oriental réalise
son droit à l'autodétermination. Les diverses résolutionsde l'Assemblée
générale évoquantce droit de manièregénéraleq , ui ont par ailleurs aidé
à forger le droit international public et constituent une source matérielle
importante du droit international coutumier sur cette question2, sont

expressément renforcéesp , our ce qui est de la situation au Timor orien-
tal, par les résolutionsspécifiquesrelativesà ce territoire.

2. Résolutions duConseil de sécurité

207. Ces résolutions confirment elles aussi la qualité de puissance
administrante du Portugal. Elles seront examinées à la partie D dans le
contexte des obligations de fond de l'Australie.

vii) Le Portugal avait-il besoin d'une autorisationpréalable deI'Organi-
sation des Nations Uniespour introduire laprésenteinstance?

Les compétencesdu Portugal en tant que puissance administrante
n'ont fait l'objet d'aucune restriction de la part de l'Organisation des
Nations Unies dans les résolutions reconnaissant cette qualitéau Portu-
gal. L'argument de l'Australie selon lequel il faudrait au Portugal l'auto-
risation de l'organisation des Nations Unies pour introduire la présente
instance (duplique, par. 136, 144)sous-entend une restriction des compé-
tences d'une puissanceadministrante que ne semblepas prévoir laCharte
des Nations Unies.
Il convient par ailleurs d'examiner un autre aspect de la question, à
savoir qu'il est du devoir de la puissance administrante de préserverles
intérêtsdu peuple du territoire. Dans le cadre de leurs obligations de
nature fiduciaire, lespuissances administrantes reconnaissent,aux termes
mêmesde l'article 73de la Charte, ((l'obligation de favoriser dans toute la
mesure dupossible ..leur prospérité[deshabitants de cesterritoires]))et,
à cette fin, ((d'assure...leur progrès ..économique))(art. 73, lettre a) ;

Jorge Castaiieda, Legal Effects of UnitedNations Resolutions, 1969,p. 121.
Simma, op. cit., p. 240.

102development" (Art. 73(d)). Such obligations necessitate the most careful
protection of the economic resources of the territory. Such a duty cannot
be fulfilledwithout a legal ability on the part of the administering Power
to take the necessary action for protecting those interests. If the admin-
istering Power receivesinformation that the economic interests of the ter-
ritory are being dealt with by other entities, to the possible prejudice of
the interests of the territory's people, it is the administering Power'suty
to intervene in defence of those rights. Indeed, failure to do so would be
culpable.

To suggest that the Charter would impose these heavy responsibilities
upon administering Powers and, at the same time, deny them the right of
representation on behalf of the territory, is to deprive these Charter pro-
visions of a workable meaning. Such a restrictive interpretation of the
authority of an administering Power receivesno support, so far as 1am
aware, from United Nations practice or from the relevant literature.
Supervision of the administering Power is amply provided for in the
Charter and it is difficult to see any warrant in law or in principle for

further fettering a fiduciary Power in the proper and effective discharge
of its dutiesunder the Charter.

Further, the power given by the Charter under Chapter XI is clearly
the power of a trustee. The power derives expressly from the concept of
"a sacred trust", thus underlining its fiduciary character. The very con-
cept of trusteeship carries with it the power of representation, whether
one looks at the common law concept of trusteeship or the civillaw con-
cept of tutela. A trustee, once appointed, always carries out his or her
duties under supervision, but is not required to seek afresh the right of
representation each time it is to be exercised,for that is part andarce1of
the concept of trusteeship itself.

(viii)Are the resolutions affected by diminishing United Nations sup-
port?

One of Australia's contentions was that the progressively lessening
vote in favour of the General Assembly resolutions cited by Portugal
showed that those resolutions were of a diminishing level of authoritv.

This suggestion in effect calls upon this Court to venture into the un&-
tain area of the political history of resolutions of the General Assembly
and to indulge in a vote-counting exerciseto assessthe strength of a par-
ticular resolution. Speculation on the possible meaning of voting pro-
cedures in the General Assemblyis not the province of this Court. Rather
the Court's concern is whether that General Assembly resolution has
been duly passed by that principal organ of the United Nations within
the ambit of its legal authority. Once thus passed, it commands recogni-
tion and it is part of the courtesy due by one principal organ of theles italiques sont de moi) et «de favoriser des mesures constructives de
développement))(art. 73,lettre d)). Une telle obligation exigeune protec-
tion extrêmementattentive des ressources économiques du territoire.
La puissance administrante ne saurait s'énacquitter si elle n'a pas la
capacité juridique de prendre les mesures nécessairespour protéger les
intérêtsen question. Si la puissance administrante apprend que d'autres
entités s'occupent des intérêtséconomiques du territoire, éventuelle-
ment au détriment de la population, elle a le devoir d'intervenir pour

défendreces intérêts. Touteomission à cet égard seraitmêmecondam-
nable.
Avancer que la Charte imposerait ces lourdes responsabilitésaux puis-
sances administrantes tout en leur refusant le droit de représenterle ter-
ritoire revient priver ces dispositions de la Charte de toute signification
pratique. Cette interprétation restrictive des pouvoirs d'une puissance
administrante n'est, autant que je sache, confirmée nipar la pratique des
Nations Unies ni par la doctrine.
La Charte pourvoit amplement à la surveillance des puissances admi-
nistrantes et l'on voit difficilementcomment on pourrait, en droit ou en
principe, justifier que lespuissances exerçant une fonction de nature fidu-
ciaire soiententravéesdavantage dans l'accomplissementnormal et effec-
tif des devoirs que leur impose la Charte.

De plus, le pouvoir accordépar le chapitre XI de la Charte est de toute
évidencede nature fiduciaire. Il dérivedirectement de la notion de «mis-
sion sacrée)),ce qui confirme son caractère de confiance. La notion de
tutelle comporte le pouvoir de représentation, qu'on l'envisage sous
l'angle du trusteeship connu en common law ou de la tutela propre au
droit civil. Une fois désignéel,a puissance tutélaireexerce toujours sous
surveillance les devoirs qui lui incombent, mais elle n'est pas tenue,
chaque fois qu'elle entend exercer le pouvoir de représentation, d'en
demander l'autorisation puisque ce pouvoir fait partie intégrante du
concept mêmede tutelle.

viii)Les résolutions sont-ellesaffectéespar l'amenuisement du soutien
dont ellesont bénéficiéà l'Organisation desNations Unies?

Selon un des arguments de l'Australie, la diminution progressive du
nombre de voix en faveur des résolutionsde l'Assembléegénéraleinvo-
quéespar le Portugal montre que ces résolutions faisaient de moins en
moins autorité. Cette idéeinvite en fait la Cour à s'aventurer dans le
domaine incertain de l'histoire politique des résolutionsde l'Assemblée
générale età selivrerà un décomptedes voix afin d'apprécierla valeur de
telle ou telle résolution.Or, les conjecturessur la signification qui pour-
rait être attribuée aux procéduresde vote del'Assembléegénérale ne sont
pas du ressort de la Cour. Pour celle-ci, en effet, il importe plutôt de
savoir si une résolutionde l'Assembléegénérale a étédûment adoptéepar
cet organe principal de l'organisation des Nations Unies dans les limites
des ses pouvoirs juridiques. Une fois adoptée,une résolution doit êtreUnited Nations to another to respect that resolution, irrespective of its
political history or the voting strength it reflects.

As Judge Lauterpacht has observed:

"Whatever may be the content of the recommendation and what-
ever may be the nature and the circumstances of the majority by
which it has been reached, it is nevertheless a legal act of the prin-
cipal organ of the United Nations which Members of the United
Nations are under a duty to treat with a degree of respect appropri-
ate to a Resolution of the General Assembly." (Voting Procedure on
Questions relating to Reports and Petitions concerning the Territory
of South West Africa, Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1955,p. 120,
separate opinion; emphasis added.)

Indeed, this Australian submission has grave implications in the cir-
cumstances of this case, for the resolutions which Australia would have
the Court ignore are resolutions affirmingthe important principle of self-
determination which is a well-establishedprinciple of customary interna-
tional law. A heavy burden would lie upon a party contending that the
validity ofsuch a resolution has been affected by declining support for it
in the United Nations.

(ix) Have the resolutions lapsed through desuetude?

Another Australian submission which was strenuouslyadvanced is the
suggestion that a long period of years during which similar resolutions
are not passed discounts in some way the value and obligatory nature of
such resolutions. Resolutions of the General Assembly or of the Security
Council do not have to be repeated to retain their validity. Once these
resolutions are duly passed, it is to be presumed that they would retain
their validity until duly revoked or superseded by some later resolution.

The proposition that lapse of time wears down the binding force of
resolutions needs to be viewedwith great caution. In cases where resolu-
tions in fact impose obligations at international law, this Court would
then, in effect, be nullifying obligations which the appropriate organ
of the United Nations, properly seised of that matter, has chosen to
impose. More especially is caution required from the Court in regard to
resolutions dealing with obligations erga omnes and rights such as self-
determination which are fundamental to the international legal system.
The Court would, in the absence of compelling reasons to the con-
trary, show due respect for the valid resolutions duly passed by its sister
organs.

It is to be noted that Australia's argument that the resolutions of thedûment reconnue et il convient, conformément à la courtoisie que se
doivent naturellement deux organes principaux de l'organisation des
Nations Unies, de respecter cette résolution,quels que soient ses antécé-
dents politiques ou le nombre de voix exprimées en safaveur.
Comme l'a fait observer M. Lauterpacht:

«Quelle que soit la teneur de la recommandation, et quelles que
soient lanature et les caractéristiquesde lamajorité qui'a votée,la
recommandation n'en reste pas moins un actejuridique de l'organe
principal des Nations Unies, que tous les Membres de l'organisation
sont juridiquement tenus de considérer avec le respect qui est dûà
une résolutionde l'Assembléegénérale» . (Procédure devote appli-

cableaux questions touchant les rapportsetpétitionsrelatifs au Ter-
ritoire du Sud-Ouest africain, avis consultatif,.I.J. Recueil 1955,
p. 120,opinion individuelle; les italiques sont de moi.)
Cet argument de l'Australie a mêmede graves incidences en l'espèce,

car les résolutionsdont, selon l'Australie, la Cour ne devrait pas tenir
compte affirmentjustement le principe important de l'autodétermination,
qui est un principe bien établi dudroit international coutumier. La partie
qui prétendrait que la validitéd'une telle résolution serait compromise
par la diminution du nombre des voix exprimées en safaveur à l'Or-
ganisation des Nations Unies assumerait une lourde tâche.

ix) Les résolutions sont-ellestombéesen désuétude?

Selon un autre argument vigoureusement développé par l'Australie, la
valeur et le caractère obligatoire des résolutionsen question sont en quel-
que sorte entamésdu fait qu'iln'en a pas étéadoptéd'analogues pendant
de nombreusesannées. Or, les résolutions del'Assembléegénérale ou du
Conseil de sécuritén'ont pas à êtrerépétéepsour conserver leur validité.
Une fois que ces résolutions sont dûment adoptées,il est à présumer
qu'elles restent valables tant qu'elles n'ont pas été dûment annulées ou
remplacéespar une résolution ultérieure.
Il convient de considéreravec la plus grande prudence cet argument
d'aprèslequel le passage du temps atténuerait le caractère obligatoire des

résolutions.S'agissantde résolutionsquiimposent effectivementdes obli-
gations en droit international, la Cour annulerait en fait des obligations
que l'organe compétent de l'organisation des Nations Unies, dûment
saisi de la question, aurait, lui, choisi d'imposer. La Cour doit semontrer
particulièrement circonspecte à l'égard derésolutionstraitant d'obliga-
tions erga omnes et de droits tels que l'autodétermination, qui sont fon-
damentaux pour l'ordre juridique international. En l'absenced'un motif
impérieux en senscontraire, la Cour devrait agir avec la déférencedue à
une résolution valable dûment adoptéepar l'un des autres organes prin-
cipaux de l'organisation des Nations Unies.
Il convient de noter que l'argument de l'Australie en vertu duquel lesSecurity Council have fallen into desuetude cannot be accepted for a
further reason.
The argument of desuetudebreaks down before the fact that the Com-
mittee of Twenty-Four, which is the General Assembly'sorgan for over-
seeing the matter of decolonization, has kept the East Timor question
alive on its agenda year after year. Moreover, the Committee has in its
report to the General Assembly referred to this in successiveyears. The
Committee would not be expected to keep this matter on their books if it

is, as Australia has suggested, a dead issue.
The Secretary-General's progress reports to the General Assembly
continue to this date. In his Report of 11 September 1992 (Al471435,
para. 1 ;Reply, Vol. II, Ann. I.8), he refers to the search for "a compre-
hensive and internationally acceptable solution to the question of East
Timor", and, in his most recent Annual Report of 2 September 1994,he
states: "1have continued to provide my good officesin the search for a
just, comprehensive and internationally acceptable solution to the ques-
tion of East Timor." (Al4911,2 September 1994,para. 505.)The General
Assembly'saction in keeping this item on its agenda from year to year is
also a clear indication that the situation has not thus far proved accept-

able to the international comrnunity.
The argument of desuetude, implying as it does that the matter is a
dead issue, cannot succeedif the United Nations itself electsto treat the
issue as live'.

(x) Have the resolutionsbeen nullified by superveningevents?

Similar considerations apply to this submission of Australia. If super-
vening eventshave nullifiedduly passed resolutions of the SecurityCoun-
cil or the General Assembly, it is for those bodies to take note of the
altered situation and to act accordingly. Those bodies do not appear, as
stated already, to have treated the issues as dead.

(xi) Is Portugal's colonial record relevant ?

Australia has suggested that Portugal's colonial record has been such
as to disentitleit to maintain this action. The past colonial record of Por-
tugal leaves much indeed to be desired, and Portugal's counsel have
freely conceded no less. One recalls that, in Namibia, it was noted that,
when the General Assembly passed its resolutions against apartheid,
these resolutions receivedthe unanimous support of the entire Assembly,

l See Thomas M. Franck ("Fairness in the International Legal and Institutional Sys-
tem", Recueil des cours de['Académiede droit international, 1993,Vol. 240,p. 165),to the
effect that this activity concerning East Timor "at a minimum, keeps the itemd
helps keep it on the agenda".résolutions du Conseil de sécuritésont tombées endésuétudene saurait
être retenu pour uneautre raison encore.
En effet, la thèse dela désuétude tombe devantle fait que le Comité
des Vingt-Quatre, qui est l'organe chargépar l'Assembléegénéralede
surveillertout cequia traità la décolonisation,a, d'annéeen année,main-
tenu la question du Timor oriental à son ordre du jour. Par ailleurs, le
Comité a fait état chaque année de cette question dans sonrapport à
l'Assembléegénérale.Si, comme l'Australie le prétend, cette question
étaitdépasséel,e Comiténe s'yréféreraitpas dans ses documents.
Le Secrétairegénérac lontinue de soumettre des rapports intérimaires à
l'AssembléegénéraleD . ans son rapport du 11septembre 1992(A/47/435,

par. 1 ;réplique, vol.II, annexe 1.8)'il évoquela recherche d'une «so-
lution globale et acceptable sur le plan international de la question
du Timor oriental)); dans son rapport annuel du 2 septembre 1994, le
plus récent,il déclare: «J'ai continué à offrir mes bons offices dans la
recherche d'un règlementjuste, global et internationalement acceptable
de la question du Timor oriental.)) (A/49/1,2 septembre 1994,par. 505.)
Le fait que, d'année enannée,l'Assemblée généralaeinscrit cette ques-
tion à son ordre du jour montre aussi clairement que la situation n'est
pas encore acceptable aux yeux de la communauté internationale.
La thèsede la désuétude, impliquantque la question est dépasséen , e
saurait être retenuesi l'organisation desNations Unies choisit elle-même

d'en faire une question d'actualité'.

x) Les résolutions ont-ellesétérendues caduquespar les événements ulté-
rieurs?

Cet argument avancépar l'Australie appelle des considérationsana-
logues. Si des événements ultérieursont rendu caduques des résolutions
dûment adoptéespar le Conseil de sécurité ou l'Assemblée généralc e',est
à cesorganes qu'ilappartient de prendre acte du changementde situation
et d'agir en conséquence.Comme nous l'avons déjàdit, ces organes ne
semblent pas avoir considéré qu'ils'agissait de questions closes.

xi) Les antécédents coloniaux du Portugal sont-ilspertinents?

L'Australie a fait valoir que lesantécédentscoloniauxdu Portugal sont
tels qu'ilsle privent de la qualité pour introduire cette instance. Le passé
colonial du Portugal laisse effectivementbeaucoup à désirer etle conseil
du Portugal l'a reconnu sans peine. On se souviendra que, dans l'affaire
dela Namibie, ila été notéque l'Assembléegénéraa lvait adoptésesréso-
lutions contrel'apartheid àl'unanimité à deux voix près,cellesdu Portu-

'Voir Thomas M. Franck (~Fairness in the International Legal and Institutional Sys-
tem»; Recueil des cours de['Académiede droit international, 1993,t. 240, p. 165),selon
qui le processustouchant le Timor oriental permet,lemoins, de nepas enterrer la
question etde la maintenir'ordre dujour».with only two exceptions - Portugal and South Africa (I.C.J. Reports
1971, p. 79; Judge Amrnoun, separate opinion). Further comment is
scarcely necessary regarding the past colonial attitudes of Portugal.
However, when the status at law of an administering Power has been
duly recognized as such by the appropriate political authority, this Court
cannot take it upon itself to grant or withhold that status, depending on
whether it had a good or bad colonial record. Most colonial Powers
would fail to qualify on such a test, which could make the system of

administering Powers unworkable. The legal question for this Court is
whether, in law, it enjoys that status.

At the commencement of this opinion, reference was made to the
change that has occurred since 1974 in regard to Portugal's attitude
towards self-determination of its colonies '.
It bears re-emphasizing that the question at issue is the protection of
the rights of the people of East Timor, and not the question of Portugal's
record of conduct. The contention seems untenable that a protected

people or territory, blameless in this respect, should be denied represen-
tation or relief owing to the fault of its administering Power.

Such a contention contradicts basic principles of trusteeship and
tutelage, which always accord paramount importance to the interests of
entities under fiduciaryor tutelary care. This is so in international, no less
than in domestic, law.

The several grounds on which Australia sought to impugn Portugal's
status to maintain this action seem thus, on examination, to be unsus-
tainable. Charter principles combine with well-establishedfiduciaryprin-
ciples and principles of tutelage to underline the paramount importance

of the interests of the non-self-governing territory over al1other interests.
That priority of interest is not easily defeated. It is the function of the
administering Power to watch over it, and the function of international
law to ensure its protection.
Itdoes not serve the Territory's interest that an administrator, duly
recognized by the United Nations, and legally accountable to it, should
be viewed as having been displaced by another Power, neither recog-
nized by the United Nations, nor legally accountable to it. Power over a

The Supplement to the Portuguese Constitution, contained in Annex 11.6of Portu-
gal's Memorial, and dated 27 July 1974,provides by Article 2 that
"Recognition ofthe right to self-determination, with implications, comprises
acceptance of the independence ofthe overseasterritories and the waiving of the cor-
responding part of Article 1 of the Political Constitution of 1933."

tion of its former colonies.committed to acceptance of the principle of self-detennina-gal et de l'Afrique du Sud (C.I.J. Recueil 1971, p. 79; M. Ammoun,
opinion individuelle). 11n'est guère nécessaire d'endire davantage sur les
anciennes attitudes du Portugal en matière coloniale.

Cela dit, lorsque la qualitéjuridique de puissance administrante a été
dûment reconnue par l'autorité politique compétente, la Cour ne peut
pas prendre sur elle d'accorder ou de refuser cette qualité, selon les
antécédentscoloniaux,positifs ou négatifs de 1'EtatintéresséA . retenir ce
critère,le régimedes puissances administrantes deviendrait impraticable,
car rares seraient les puissances coloniales capables d'y satisfaire. La
question juridique qui se pose à la Cour est celle de savoir si, en droit,
1'Etatpossède effectivementcette qualité.

Au débutde la présenteopinion, on a évoqué le changement intervenu,
depuis 1974,dans l'attitude du Portugal àl'égard deI'autodétermination
de ses colonies l.
Il y a lieu d'insister sur le fait qu'il s'agit bienici, non pas des antécé-
dents du Portugal, mais de la protection des droits du peuple du Timor
oriental. On ne saurait affirmer qu'un peupleou territoire protégé, à cet
égard irréprochable, devraitse voir refuser, en raison d'une faute com-

mise par sa puissance administrante, le droit d'être représento éu de rece-
voir réparation.
Une telle affirmation est contraire aux principes fondamentaux de la
tutelle, qui veulent que lesintérêtdses entitésconfiésaux soins fiduciaires
ou tutélaires soient prioritaires. Cela vaut autant en droit international
qu'en droit interne.

Les diversmoyens invoquéspar l'Australie pour contesterla qualitédu
Portugal pour agir en l'instance semblent ainsi ne pas résister à l'examen.

Les principes de la Charte, associésaux principes bien établisdes rela-
tions de nature fiduciaire et de la tutelle, mettent en évidencel'impor-
tance prédominante que revêtent,par rapport à tous autres intérêts,
ceux du territoire non autonome. Cette priorité d'intérêtsn'est pas
facilementécartée. La puissance administrante a pour fonction d'y veiller;
le droit international a pour fonction d'en assurer le respect.
Ce n'estpas servirlesintérêtd su territoire que de direqu'une puissance
administrante, dûment reconnue par l'organisation des Nations Unies et

juridiquement tenue de lui rendre compte, a été évincép ear un autre Etat
qui n'estpas reconnu comme puissance administrante par l'organisation,

l Le supplémentàla Constitution portugaise, figurant dans l'annexe 11.6du mémoire
du Portugal et daté dujuillet 1974,dispose, en son article 2, que
«La reconnaissance du droàtl'autodétermination,avec toutes ses conséquences,
comprend l'acceptation de l'indépendance des ters'outre-mer et la dérogation
à la partie correspondante de l'article premierde la constitution politique de 1933.»
Le Portugal s'est ainsi engagé, sans ambiguïtéaucune, en faveur de l'autodétermination
de ses anciennes colonies.non-self-governing people, without accountability to the international
cornrnunity, is a contradiction of the Charter principle of protection.

The central principle around which this case revolves is the principle of
self-determination, and its ancillary, the principle of permanent sover-
eignty overnatural resources. From those principles stem whatever rights
are claimed for East Timor in this case.

(i) East Timor is a territory unquestionably entitled to self-determination

The Court is not in this case confronted with the difficultyof entering
into the much discussedarea of definingwhich are the entities or peoples
entitled to self-determination.Australia has at al1 times admitted that
East Timor was and is a non-self-governing territory l.It was specifically

mentioned in the list of non-self-governingterritories, within the meaning
of Chapter XI of the Charter, contained in General Assembly resolution
1542(XV) of 15December 1960(Mernorial, Vol. II, Ann. II.4)2.
One must therefore address the question of self-determination in this
case from the firm foundation of a territory unquestionably entitled to
self-determination.The question for examination is what consequences
follow from that fact.

(ii) Theprinc$.deof self-determination

The Judgrnent of the Court (para. 29) has categorically reaffirmed the
principle of self-determination,pointing out that it has evolved from the
Charter and from United Nations practice, and observing further that
the normative status of the right of the people of East Timor to self-

determination is not in dispute. This opinion sets out, from that base,
to examine the manner in which practical effect is to be given to the
principle of self-determination, in the circumstances of the present case.

Australia has accepted the existence of the principle, but placed a
somewhat limited view upon the State obligations which follow.

' Australia has, in its pleadings (Counter-Memorial, para. 322), referred, in another
context, to the uncertainty attending the question of which people are entitled to self-
determination (citing H. Blix, Sovereignty, Aggression andNeutrality, 1970,pp. 13-14).
This uncertainty has no applicability to East Timor for the reasons stated.
only be understood in the meaning of unrestricted self-determination" (Simma, Thetoday
Charter of the United Nations, op. cit., p. 928, citing, inter alia, Namibia and Western
Sahara.et qui n'est pas juridiquement tenu de lui rendre compte. Le pouvoir sur
un peuple non autonome, s'iln'est pas assorti de l'obligation de rendre
compte de son exercice à la communauté internationale, est contraire au

principe de protection consacré dans la Charte.

Le principe central en l'instanceest celui de l'autodétermination, quia

pour corollaire celui de la souveraineté permanente sur les ressources
naturelles. De ces principes découlentles droits revendiqués enl'espèce
au nom du Timor oriental.

i) Le peuple du Timor oriental a indubitablementle droit à disposer de
lui-même

La Cour n'a pas en l'espèce à s'attaquer au problème très débattude
savoir quels peuples ou entités ont le droit à disposer d'eux-mêmes.
L'Australie a constamment admis que le Timor oriental était et demeure
un territoire non autonome '.Le Timor oriental figure expressémentsur
la liste des territoires non autonomes, au sens du chapitre XI de la
Charte, figurant dans la résolution 1542(XV)de l'Assembléegénérale du
15décembre1960(voir mémoire, vol.II, annexe II.4)2.

On doit donc sepencher en l'espècesur la question de l'autodétermina-
tion à partir de ce solide fondement que constitue le caractère incon-
testable du droit d'un territoire à l'autodétermination. La question à
résoudreest celledes conséquencesqui en découlent.

ii)Le principe del'autodétermination

Dans son arrêt (par.29), la Cour a catégoriquementréaffirmé le prin-
cipe de l'autodétermination,relevant que celui-cis'est développé à partir
de la Charte et de la pratique de l'organisation des Nations Unies et
notant du reste que le caractère normatif du droit du peuple du Timor
oriental àl'autodéterminationn'estpas contestéen l'espèce.Dans la pré-
sente opinion, on part de cette constatation afin d'examinerle moyen de
donner effet au principe de l'autodétermination dans les circonstances de

l'affaire.
L'Australie a admis l'existencedu principe, mais envisage de manière
plutôt limitéeles obligations étatiques qui en découlent.

'L'Australiea, dans sesécritures (contre-mémoirep,ar. 322),mentionné,dans un autre
l'autodétermination (citantH. Blix,Sovereignty, Aggression and Neutrality, 1970,p. 13-
14).Cette incertitude ne s'appliquepas au Timor oriental pour les raisons exposées.
Concernant l'expression ((s'administrerelles-mêmesettre b) de l'article73de la
Charte, Simma(The Charter of the United Nations, op. cit., p. 928,citant notamment les
arrêts dansles affaires de laie et du Sahara occidental) préciseque ((cetteexpres-
sion ne saurait, de nosjours, s'entendreque du droit sans réservetemination». For example, it has advanced the argument, at the oral hearings, that:
"There is in the United Nations Charter no express obligation on
States individually to promote self-determination in relation to ter-
ritories over which they individually have no control. The general
obligation of solidarity contained in Article 2, paragraph 5, of the

Charter extends only to assistance to the United Nations 'in any
action it takes in accordance with the present Charter'." (CR 9519,
p. 64.)

In its pleadings, it has taken up such positions as that there is no inde-
pendent basis for a duty of non-recognition which would prevent the
conclusion of the Timor Gap Treaty (Counter-Memorial, paras. 360-

367); that there has been no criticism by the international community of
States (including Australia) which have recognized or dealt with Indo-
nesia in respect of East Timor (ibid., paras. 368-372); and that, in con-
cluding the Timor Gap Treaty, Australia did not impede any act of self-
determination by the people of East Timor that might result from such
negotiations (ibid., paras. 373-375). Although it has recognized East
Timor as a province of Indonesia in the Treaty, Australia contends that,
"By concluding the Timor Gap Treaty with Indonesia, Australia did
nothing to affect the ability of the people of East Timor to make a future
act of self-determination."(Ibid., para. 375.)

Al1of these submissions make it important to note briefly the central
nature of this right in contemporary international law, the steady devel-
opment of the concept, and the wide acceptanceit has commanded inter-

nationally. Against that background, any interpretations of that right
which giveit less than a full and effectivecontent of meaning would need
careful scrutiny.
In the first place, the principle receives confirmation from al1 the
sources of international law, whether they be international conventions
(as with the International Covenants on Civil and Political Rights and
Economic, Social and Cultural Rights), customary international law, the
general principles of law,judicial decisions, or the teachings of publicists.
From each of these sources, cogent authority can be collected supportive
of the right,details of which it is not necessary to recapitulate here.

Secondly, it occupies a central place in the structure of the United
Nations Charter, receivingmention from it in more than one context.
Enshrined in Article 1(2) is the principle that friendly relations among
nations must be developed by the United Nations on the basis of equal

rights and self-determination. Developing such friendly relations is one of
the Purposes of the United Nations - central to its existence and mis-
sion. There is thus an inseparable link between a major Purpose of the
United Nations and the concept of self-determination. The same concep-
tua1 structure is repeated in Article 55, which observes that respect for Par exemple, elle a fait valoir lors des plaidoiries que:

«On ne trouve dans la Charte des Nations Unies aucune obliga-
tion expresse qui serait faite aux Etats individuellement de favoriser
l'autodétermination de territoires sur lesquels ils n'exercent eux-
mêmesaucun contrôle. L'obligation générale desolidaritéénoncée
au paragraphe 5 de l'article2 de la Charte viseseulementl'assistance
à donner à l'Organisation des Nations Unies «dans toute action
entreprise par elle conformément aux dispositions de la présente
Charte. » (CR 9519,p. 64.)

Dans ses écritures, l'Australie a notamment soutenu qu'il n'existe pas
d'obligation indépendante de non-reconnaissance qui aurait interdit la
conclusion du traitérelatif au «Timor Gap» (contre-mémoire,par. 360-
367), que la communauté internationale n'a formulé aucune critique à
l'encontre des Etats (y compris l'Australie) qui ont reconnu la présence

de l'Indonésieau Timor oriental et traité avecelledans ce contexte (ibid.,
par. 368-372),et qu'en concluant le traité relatifau «Timor Gap» 1'Aus-
tralie n'a fait obstacle à aucun acte d'autodétermination du peuple
du Timor oriental pouvant résulter de négociations (ibid., par. 373-
375). Bien qu'elle ait reconnu dans le traité le Timor oriental comme
province de l'Indonésie, l'Australie prétend n'avoirrien fait qui soit
susceptible de porter atteinte à la possibilitépour le peuple du Timor
oriental d'accomplir par la suite un acte d'autodétermination (ibid.,
par. 375).
Tous ces arguments nous imposent de noter brièvement le caractère
central de ce droit en droit international contemporain, l'évolution cons-
tante du concept et la large acceptation dont il a bénéficiéau plan inter-
national. Dans ce contexte, toute interprétation de ce droit qui ne lui

donnerait pas une signification pleine et effectivedevrait êtreconsidérée
avec la plus grande circonspect6n.
Premièrement,ce principe est confirmépar toutes les sources du droit
international, qu'il s'agissed'instruments internationaux (comme lepacte
international relatif aux droits civils etpolitiqueset le pacte international
relatif aux droits économiaues. sociauxet culturel1,. du droit international
coutumier, des principes générauxdu droit, de la jurisprudence et de la
doctrine des publicistes. On peut puiser, dans chacunede ces sources, des
arguments décisifs à l'appui dece droit, arguments qu'il n'y a pas lieu de
détaillerici.
Deuxièmement,ce droit occupe une place centrale dans l'économie de
la Charte des Nations Unies, qui s'yréfèredans plusieurs contextes.

A l'article1,paragraphe 2, de cet instrument, les Nations Unies sesont
notamment fixépour principe de développerentre les nations des rela-
tions amicales fondéessur le respect du principe de l'égalitéde droits des
peuples et de leur droitàdisposer d'eux-mêmesC . 'estlà l'un des buts des
Nations Unies, qui est au cŒur mêmede l'existencede l'Organisation et
de sa mission. Ily a donc un lien indissociable entre l'un des buts prin-
cipaux des Nations Unies et le concept d'autodétermination. Ce conceptequal rights and self-determination is the basis on which are built the
ideal of peaceful and friendly relations among nations.

Article55proceeds to translate this conceptual structure into practical
terms. It recognizesthat peaceful and friendly relations, though based on
the principle of equal rights and self-determination, need conditions of
stability and well-being, among which conditions of economic progress
and development are specified.
Sincethe development of friendly relations among nations is central to
the Charter, and sinceequal rights and self-determination are stated to be
the basis of friendly relations, the principle of self-determination can
itself be described as central to the Charter.

The Charter spells out its concern regarding self-determination with
more particularity in Chapter XI. Dealing specificallywith the economic
aspect of self-determination, it stresses, in Article 55, that stability and
well-beingare necessary for peaceful and friendly relations, which are in

their turn based on respect for the principle of equal rights and self-
determination. With a viewto the creation of these conditions of stability
and well-being, the United Nations isunder a duty to promote, inter alia,
"conditions of economic .. .progressanddevelopment" (emphasisadded).

This is followed by Article 56 which contains an express pledge by
every Member "to take joint and separate action, in CO-operationwith
the Organization for the achievement of the purposes set forth in
Article 55". This is a solemn contractual duty, expressly and separately
assumed by every Member State to promote conditions of economic
progress and development, based upon respect for the principle of self-
determination.
With specificreference to non-self-governing territories, Article 73 of
the United Nations Charter sets out one of the objects of the administra-
tion of non-self-governing territories as being:

"to develop self-government, to take due account of the political
aspirations of the peoples, and to assist them in the progressive
development of their free political institutions . . .(Art. 73 (b)).

This responsibility is imposed upon the administering Power under the
principle that the interests of the inhabitants ofhese territories are para-
mount. The solemn nature of this responsibility is highlighted in its
description as a "sacred trust".
The central importance of the concept, and the desire to translate it
into practical terms, are thus built into the law of the United Nations. Its
Charter is instinct with the spirit of CO-operationamong nations towards
the achievement of the Purposes it has set before itself. Integral to thoseest réaffirméà l'article 55, selon lequel l'idéaldes relations pacifiques et
amicales entre les nations est fondé surle respect de l'égalité desroits
des peuples et de leur droità disposer d'eux-mêmes.
L'article55 donne à ce concept une expression pratique. Il reconnaît
que lesrelations pacifiqueset amicales, bien que fondéessur le respect du
principe de l'égalité desdroits des peuples et de leur droit à disposer
d'eux-mêmese ,xigent des conditions de stabilité etde bien-être,dont le
progrèset le développementdans l'ordre économique.
Etant donné que le développement desrelations amicales entre les

nations est au cŒur mêmede la Charte et aue celle-ci fonde les relations
amicales sur l'égalité deroits des peuples et leur droit disposer d'eux-
mêmes,on peut dire que le principe de l'autodétermination se situe lui-
mêmeau cŒur dela Charte.
Une préoccupation particulière à l'égard del'autodétermination est
manifestéeau chapitre XI de la Charte. A propos de l'aspectéconomique
de l'autodétermination,il y est soulignéà l'article55,que la stabilitéetle
bien-êtresont nécessairesaux relations pacifiques et amicales entre les
nations, cesrelations étant, leur tour, fondéessur le respectdu principe
de l'égalité desroits des peuples et de leur droitdisposer d'eux-mêmes.
En vue de créerces conditions de stabilité et de bien-être,les Nations
Unies ont le devoir de favoriser, entre autres, les ((conditions depro-

grès et de développement dansl'ordreéconomique ...» (les italiques sont
de moi).
Il est expressément prévu ensuite à l'article 56 que «les Membres
s'engagent, en vue d'atteindre les buts énoncésà l'article 55à agir, tant
conjointement que séparément,en coopération avec l'organisation)). Il
s'agit là d'une obligation contractuelle solennelle, assumée expressément
et individuellement par chaque Etat Membre en vue de créerles condi-
tions de progrèsetde développementdans l'ordre économiquesur labase
du respect du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.
A propos spécifiquement desterritoires non autonomes, il est prévu à
l'article 73 de la Charte des Nations Unies que l'un des objectifs de
l'administration des territoires dont lespopulations ne s'administrent pas

elles-mêmes estde
((développerleur capacité de s'administrer elles-mêmes,de tenir
compte des aspirations politiques des populations et de les aider
dans le développement progressif deleurs libres institutions poli-
tiques..))(art. 73, lettre b)).

Cette responsabilité incombe à la puissance administrante en vertu du
principe de la primauté des intérêts des habitants de ces territoires. Le
caractèresolennelde cette responsabilitéest soulignépar sa qualification
de ((mission sacrée».
L'importance centrale de ce concept et le désirde le traduire dans les

faits sont au cŒurmêmedu droit des Nations Unies. La Charte est pétrie
de cet esprit de coopération dont doivent faire preuve les nations pour
atteindre les buts fixés.Leprincipe du droit des peuples disposer d'eux-Purposes, and providing a basis on which they stand, is the principle of

self-determination.
Thirdly,the basic provisions of the Charter have provided the founda-
tion upon which, through the continuing efforts of the United Nations, a
superstructure has been built which again aims at practical implementa-
tion of the theoretical concept. Through its practical contribution to the
liberty of nations, the world community has demonstrated its resolve to
translate its conceptual content into reality.
Indeed, the General Assembly'sspecial concern to translate this legal
concept into practical terms has been unwavering and continuous, as
reflectedin its appointment of the Committee on Information from Non-
Self-Governing Territories and the conversion of the Committee into a
semi-permanent organ as a result of a General Assembly resolution
of December 1961.The Special Committee (the Comrnittee of Twenty-
Four) on the Situation with regard to the Implementation of the Declara-
tion on the Granting of Independence to Colonial Countries and Peoples

keeps this concern alive as a successorto the Committee of Information.
That Cornrnittee has consistently retained the case of East Timor on its
list of matters awaiting a satisfactorysolution.
Landmark declarations of the United Nations on this matter have
strengthenedthe international community's acceptance of this principle.
The Declaration on the Granting of Independence to Colonial Countries
and Peoples (General Assembly resolution 1514 (XV) of 20 December
1960),and the Declaration on Principles of International Law concerning
Friendly Relations and Co-operation among States in accordance with
the Charter of the United Nations (General Assembly resolution 2625
(XXV) of 24 October 1970)are among these Declarations.The Interna-
tional Covenant on Civil and Political Rights (1966), and the Interna-
tional Covenant on Economic, Social and Cultural Rights (1966),consti-
tute an unequivocal acceptance by treaty of the obligation to recognize
this right.
The importance accorded to this right by al1sections of the interna-

tional community was well reflected in the discussions in the United
Nations which preceded the acceptance of the Declaration of Friendly
Relations. A recent study of these discussions1 collects these sentiments
in a form which reflects the central importance universally accorded to
this principle. As that study observes, the principle was variously char-
acterized at those discussions as "one of the most important principles
embodied in the Charter" (Japan); "one of the foundation stones upon
which the United Nations was built" (Burma); "basic to the United
Nations Charter" (Canada); "one of the basic ideals constituting the
raison d'êtreof the Organization" (France); "the most significantexample
of the vitality of the Charter and its capacity to respond to the changing
conditions of international life" (Czechoslovakia); "a universally recog-

V. S. Mani, Basic P~inciplesof Modern internationa1993,p. 224.

110mêmesfait partie intégrante de ces buts et en constitue le fondement
même.
Troisièmement,c'est en s'appuyant sur les dispositionsfondamentales
de la Charte que l'Organisation des Nations Unies s'est employéesans
relâcheà édifierune superstructurequi tend àson tour àmettre ceconcept
en pratique. Par sa contribution concrèteàla libertédes nations, la com-
munauté mondiale a montréqu'elle était résolue à inscrire ce concept
dans la réalité.
L'Assembléegénéralea en effet manifestéavec constance et fermeté
son souci de traduire en termes pratiques ce concept juridique, notam-

ment en créantle comitédes renseignements relatifs aux territoires non
autonomes puis en le transformant en organe semi-permanent, par une
résolution dedécembre1961.En tant que successeur du comitédes ren-
seignements, le Comitéspécialchargé d'étudier la situationen ce qui
concerne l'application de la déclaration sur l'octroi de l'indépendance
aux pays et aux peuples coloniaux(Comitédes Vingt-Quatre)continue de
suivre la question. Ce comité a invariablementinscrit l'affaire du Timor
oriental sur sa liste des questions en attente d'un règlementsatisfaisant.

Un certain nombre de déclarations marquantes de l'Organisation des
Nations Unies sur cette question ont renforcél'acceptationde ce principe
au sein de la communauté internationale. La déclarationsur l'octroi de
l'indépendance auxpays et aux peuples coloniaux (résolution 1514 (XV)
de l'Assembléegénérale du 20 décembre 1960)et la déclarationrelative
"
aux principes du droit international touchant les relations amicales et la
coopération entreles Etats conformément àla Charte des Nations Unies
(résolution2625(XXV)de l'Assembléegénérale du 24octobre 1970)sont
de ce nombre. Le pacte international relatif aux droits civilset politiques
(1966)et le pacte international relatif aux droits économiques,sociaux et
culturels (1966) constituent l'acceptation catégorique par voie conven-
tionnelle de l'obligation de reconnaître ce droit.
Les débats quiont précédé l'adoption par les Nations Unies de la dé-
claration sur les relations amicales traduisent bien'im~ortance aue la
communauté internationale tout entière attache au droit en question,
comme le fait particulièrement bien ressortir une étuderécentesur ces
débats1.Comme l'indique cette étude,ledit principe a été alorsqualifié
de diverses manières, notamment comme: «l'un des principes majeurs
consacréspar la Charte))(Japon); ((l'une des pierres angulaires sur les-
quelles repose l'édificedes Nations Unies)) (Birmanie); «un fondement

de la Charte des Nations Unies)) (Canada); «un des idéaux fondamen-
taux qui constituent la raison d'être del'organisation)) (France);
((l'exemplele plus significatifde la vitalité de laCharte et de sa capacité
à répondre à l'évolutionde la vieinternationale))(Tchécoslovaquie);«un
principe universellement reconnu du droit international contemporain))

'V. S. Mani, Basic Principlesof Modern InternationalLaw, 1993,p. 224.

110nized principle of contemporary international law" (Cameroon); "one of
the fundamental norms of contemporary international law" (Yugosla-

via); "a fundamental principle of contemporary international law bind-
ing on al1States" (Poland); "one of paramount importance in the present
era of decolonization" (Kenya); and "indispensable for the existence of
[the]community of nations" (United States of America).
Reference should be made finally to this Court's contribution, which
has itself played a significant role in the establishment of the concept on
a firm juridical basis (Legal Consequencesfor States of the Continued
Presence of South Africa in Namibia (South West Africa) notwithstand-
ing Security Council Resolution 276 (1970), Advisory Opinion,I.C.J.
Reports 1971, p. 16; Western Sahara, Advisory Opinion, I.C.J. Reports
1975,p. 12).
Such is the central principle on which this case is built. In adjudging
between the two interpretations of this right presented to the Court by
the two Parties, this brief survey of its centrality to contemporary inter-
national law is not without significance.
On the one hand, there is an interpretation of this right which claims
that it is not violated in the absence of violation of an express provision
of a United Nations resolution. It is pointed out, in this connection, that
there are no United Nations resolutions prohibiting or criticizing the

recognition of East Timor as a province of Indonesia. On the other hand,
it is argued that being party to an agreement which recognizesthe incor-
poration of a non-self-governingterritory in another State and deals with
the principal non-renewable asset of a people admittedly entitled to self-
determination, before they have exercised their right to self-detemina-
tion, and without their consent, does in fact constitute such a violation.
The history of the right, and of its development and universalacceptance
make it clear that the second interpretation is more in consonance with
the content and spirit of the rightthan the first.
Against this background, it is difficult to accept that, in regard to so
important a right, the duty of States rests only at the levelof assistance to
the United Nations in such specificactions as it may take, but lies dor-
mant otherwise.

(iii) Theprinciple of permanent sovereigntyover natural resources
As the General Assembly has stressed, the right to permanent sover-
eignty over natural resources is "a basic constituent of the right to self-
determination" (resolution 1803(XVII) of 14December 1962).So, also,

in resolution 1515 (XV) of 15 December 1960, the General Assembly
recommended that "the sovereign right of every State to dispose of
its wealth and its natural resources should be respected".

Sovereigntyover their economic resources is, for any people, an impor-
tant component of the totality of their sovereignty. For a fledgling
nation, this is particularly so. This is the wisdom underlying the doctrine(Cameroun); «une des normes fondamentales du droit international
contemporain))(Yougoslavie); «un principe fondamental du droit inter-

national contemporain qui lie tous lesEtats» (Pologne); «d'une suprême
importance en cette époque de décolonisation» (Kenya), et ((indispen-
sable à l'existence mêmede la communauté des nations)) (Etats-Unis
d'Amérique).
Il y a lieu de mentionner enfin la contribution de la Cour, qui a joué
elleaussi un rôle important pour établirceconcept sur une basejuridique
solide (Conséquences juridiques pour les Etats de laprésencecontinue de
l'Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolu-
tion 276 (1970) du Conseil de sécurité, avisconsultatif, C.I.J. Recueil
1971, p. 16; Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975,
p. 12).
Tel est le droit fondamental qui est en jeu en l'espèce.La présente
étude sommaire du caractèreessentiel qu'il revêten droit international
n'est pas indifférentelorsqu'il s'agitde trancher entre l'une ou l'autre

des interprétations de ce droit que les Parties ont présentéesla Cour.
D'une part, on prétend que ce droit ne peut êtrevioléque s'il a été
contrevenu à une disposition expresse d'une résolutionde l'organisation
des Nations Unies. Il convient de noter,àcet égard, qu'aucune résolution
de l'organisation des Nations Unies n'a interdit ou critiqué la reconnais-
sance de l'intégrationdu Timor oriental comme province de l'Indonésie.
D'autre part, on soutient que le fait d'êtrepartieun traité qui reconnaît
l'incorporation d'un territoire non autonome dans un autre Etat et visant
laprincipale ressourcenon renouvelabled'un peuple dont le droit a l'auto-
déterminationest reconnu, intervenue avant que cepeuplen'ait exercéson
droit à l'autodéterminationet sans son consentement,constitue en effet
une telleviolation. L'histoire dece droit, de son développementet de sa
reconnaissanceuniversellemontre clairement que la secondeinterprétation
est plus en harmonie que la premièreavec la teneur et l'espritde ce droit.

Dans ce cadre, il est difficiled'admettre que, s'agissantd'un droit aussi
important, les Etats auraient seulement l'obligation d'aider l'Organisa-
tion des Nations Unies dans la mise en Œuvre des mesures spécifiques
qu'ellepeut prendre.

iii)Le principe de lasouveraineté permanentesur les ressources naturelles

Comme l'a souligné l'Assemblée généralle e, droità la souveraineté
permanente sur les ressources naturelles est «un élémentfondamental
du droit des peuples et des nations à disposer d'eux-mêmes»(résolu-
tion 1803(XVII) du 14décembre1962). C'estainsi que, dans sa résolu-
tion 1515 (XV) du 15 décembre1960, l'Assembléegénéralea également
recommandé «le respect du droit souverain de chaque Etat de disposer
de ses richesses et de ses ressources naturelles)).

Pour tout peuple, la souveraineté sur ses ressources économiquesest
une composante importante de sa souveraineté.Cela est particulièrement
vrai d'une nation naissante. Cette philosophie està la base de la théorieof permanent sovereignty over natural resources, and the wisdom which
underlies the protection of this resource for a non-self-governing people
until they achieve self-determination.
In the present case, it is impossible to venture a prediction as to how
long it will be before the East Timorese people achieve self-determina-
tion. It may be a very briefperiod or it may take many years. The matter
has remained unresolved already for nearly twenty years, sincethe Indo-
nesian military intervention.
Should a period of years elapseuntil such time, and the Treaty isin full
operation in the meantime, a substantial segment of this invaluable
resource may wellbe lost to East Timor for al1time. This would be a loss
of a significant segment of the sovereignty of the people.

This is not a situation which international law, in its present state of
development, can contemplate with equanimity.
At such time as the East Timorese people exercise their right to self-
determination, they would become entitled as a component of their sov-
ereign right, to determine how their wealth and natural resources should
be disposed of. Any action prior to that date which may in effect deprive
them of this right must thus fa11clearly within the category of acts which

infringe on their right to self-determination, and their future sovereignty,
if indeed full and independent sovereignty be their choice. This right is
described by the General Assembly,in its resolution on Permanent Sov-
ereignty over Natural Resources, as "the inalienable right of al1States
freelyto dispose of their natural wealth and resources in accordance with
their national interests. .." (General Assembly resolution 1803(XVII)).
The same resolution notes that strengthening permanent sovereigntyover
natural resources reinforces the economic independence of States.

Resolution 1803(XVII) is even more explicit in that it stresses that:

"The exploration, development and disposition of such resources
.. .should be in conformity with the rules and conditions which the

peoples and nations freely considerto be necessaryor desirable with
regard to the authorization, restriction or prohibition of such activi-
ties." (1,para. 2; emphasis added.)
The exploration, development and disposition of the resources of the
Timor Gap, for which the Timor Gap Treaty provides a detailed speci-
fication, has most certainly not been worked out in accordance with the
principle that the people of East Timor should "freely consider" these
matters, in regard to their "authorization, restriction or prohibition7'.

The Timor Gap Treaty, to the extent that it deals with East Timorese
resources prior to the achievement of self-determination by the East
Timorese people, is thus in clear violation of this principle.de la souverainetépermanente sur les ressources naturelles, ainsi que de
la protection de ces ressources dans l'intérêt d'upeuple non autonome
en attendant qu'il exerce son droità l'autodétermination.
En l'espèce,il est impossible de prévoir quand le peuple du Timor
oriental réaliserason droit à l'autodétermination. Cela peut être sous

peu ou dans de nombreuses années. Laquestion est en suspens depuis
bientôt vingt ans, c'est-à-dire depuis l'intervention militaire de'Indo-
nésie.
Si des années devaientencore s'écoulerd'ici là, et qu'entre-temps le
traitésoit pleinement exécutél,e peuple du Timor oriental pourrait très
bien perdre à tout jamais une partie substantielle de ses ressources ines-
timables. Il s'agirait là de la perte d'un élémenitmportant de la souverai-
neté dece peuple.
C'est là une situation que l'on ne saurait envisager avec sérénité au
stade actuel du développementdu droit international.
Lorsque le peuple du Timor oriental exercera son droit à l'auto-
détermination, il aura notamment le droit, au titre de sa souveraineté,
de disposer de ses richesses et ressources naturelles. Toute mesure qui,

auparavant, pourrait avoir pour effetde le priver de ce droit relève néces-
sairement et manifestement de la catégoriedes actes portant atteinte à
son droit de disposer de lui-mêmeet à sa future souveraineté,si tant est
qu'il se prononce pour une souverainetépleine et indépendante.Dans sa
résolutionrelative à la souverainetépermanente sur les ressources natu-
relles, l'Assembléegénérale a décritce droit comme «le droit inaliénable
qu'a tout Etat de disposer librement de ses richesses et de ses ressources
naturelles conformément à ses intérêtsnationaux...)) (résolution 1803
(XVII)). Dans la mêmerésolution,elle note que le renforcement de la
souverainetépermanente sur les ressources naturelles favorise l'affermis-
sement de l'indépendance économiquedes Etats.
Dans sa résolution 1803(XVII), l'Assembléegénéraleest encore plus
explicite, en soulignant que:

«La prospection, la mise en valeur et la disposition de ces res-
sources ..devraient être conformes auxrègleset conditions que les
peuples et nationsconsidèrenten toute libertécomme nécessairesou
souhaitables pour ce qui est d'autoriser ou d'interdire ces activités))
(1,par. 2; les italiques sont de moi).

Or, l'exploitation, la mise en valeur et la disposition des ressources du
«Timor Gap)), que le traitérelatif au «Timor Gap» règlepar le détail,
n'ont très certainement pas étéconvenues d'une manièreconforme au
principe selon lequel le peuple du Timor oriental devrait ((considérer[ces
questions]en toute liberté))pour ce qui est ((d'autoriser ou d'interdire ces
activitéD.
Dans la mesure où il dispose des ressources du peuple du Timor orien-
tal avant que celui-ci n'ait réaliséson droit à l'autodétermination, le

traité relatif au«Timor Gap» contrevient donc manifestement à ce
principe. Further, resolution 1803(XVII) states :

"Violation of the rights of peoples and nations to sovereigntyover
their natural wealth and resources is contrary to the spirit and prin-
ciples of the Charter of the United Nations . .."(1,para. 7.)

Australia has submitted (Counter-Memorial, paras. 379-380)that, even
assuming that in exercisingtheir right to self-determination the people of
East Timor become in the future an independent State, it would be for
the new State to decide whether or not to reject the Treaty. The Court
has been referred in this connection to the observation of the Arbitration
Tribunal in the dispute between Guinea-Bissau and Senegalto the effect
that a "newly independent State enjoys a total and absolute freedom" to
accept or reject treaties concluded by the colonial power after the initia-
tion of the process of national liberation l.

While this proposition is incontrovertible, it seems purely academic in
the present context asit loses sight of three facts. In the first place, it may
be many years before East Timor exercises the right of self-determina-
tion. Secondly, the Treaty is set to last for an initial period of 40 years,

and thirdly the resources dealt with are of a non-renewable nature. Bythe
time the East Timorese people achievethis right, those resources or some
part of them could well have been lost to them irretrievably. Had the
resources dealt with been renewable resources, it might have been argu-
able that a temporary use of the resource would not amount to a perma-
nent deprivation to the owners of the resource which is rightfully theirs.
That argument is not available in the present case.

When, against this firm background of legal obligation, a Treaty is
entered into which expresslydescribesEast Timor as an Indonesianprov-
ince, and proceeds without the consent of its people to deal with the
natural resources of East Timor in a manner which may have the effect of
compromising or alienating them, there can be no doubt that any nation
that claims rights under that treaty to what may be the resources of East
Timor isin breach of obligations imposed upon it by generalprinciples of

international law.
A further consideration is that with the increasing international recog-
nition of the right to development, any action that may hinder the free
exerciseof this right assumes more importance now than in the past.

(iv) The relevance of United Nations resolutions on self-determination

The various resolutions cited provide more than sufficientreason, both
in expressterms and by implication, fortheCourt to proceed on the basis

'InternationalLaw Reports,1989,Vol. 83,p. 26para.44.

113 Au surplus, selon la résolution1803(XVII):
«La violation des droits souverains des peuples et des nations sur
leurs richesseset leurs ressourcesnaturelles và l'encontre de l'esprit
et des principes de la Charte des Nations Unies...))(1,par. 7).

L'Australie a fait valoir (contre-mémoire,par. 379-380)que, même à
supposer qu'en exerçant son droit à l'autodétermination le peuple du
Timor oriental décidaitde se constituer en Etat indépendant, c'est à ce
nouvel Etat qu'ilappartiendrait de rejeter ou non le traité. L'attention de
la Cour a été appelée à cet égardsur une observationdu tribunal arbitral
dans le différendopposant la Guinée-Bissauau Sénégal,selon laquelle

«un Etat néd'un processus de libération nationale a le droit d'accepter
ou non les traités qu'aurait conclus 17Etatcolonisateur après le déclen-
chement du processus. Dans ce domaine, le nouvel Etat jouit d'une
libertétotale et absolue.)'
Bien que cette proposition soit indiscutable, elleparaît purement théo-
rique dans le contexteactuel, étantdonnéqu'ellene tient pas compte de
trois faits. Premièrement, de nombreuses années pourraient s'écouler
avant que le Timor oriental n'exerce son droit à l'autodétermination.
~euxièhement, le traitéest prévupour une période initialede quarante
ans et, troisièmement,les ressources qui y sont visées nesont pas renou-
velables. D'icià ce que le peuple du Timor oriental réalisece droit, il
pourrait perdre à tout jamais la totalité ouune partie de cesressources. Si
celles-ciétaientrenouvelables, on pourrait soutenir que leur exploitation
temporaire n'aurait pas pour résultat d'en dépouiller définitivemenlte

légitimepropriétaire.Or, cet argument ne peut êtreinvoquédans la pré-
sente affaire.
Si, dans ce cadre bien établi d'obligations juridiques, un traité est
conclu qui qualifie explicitement le Timor oriental de province indoné-
sienneet qui porte, sans le consentement de son peuple, sur les ressources
naturelles du Timor oriental d'une manièrequi pourrait avoir pour effet
de les compromettre ou de les aliéner,il est incontestable qu'une nation
qui seréclame dece traité pourrevendiquer des droits sur ce qui pourrait
êtreles ressources du Timor oriental viole les obligations que lui impo-
sent les principes générauxdu droit international.
Ajoutons qu'en raison de la reconnaissance internationale croissante
du droit au développement,toute action susceptible d'entraver le libre
exercicede ce droit revêtune importance plus grande qu'autrefois.

iv) Pertinence des résolutionsde l'Organisation desNations Unies rela-
tivesà l'autodétermination

Les diverses résolutionscitéesdonnent à la Cour, à la fois en termes
exprèset de façon implicite, des raisons plus que suffisantesde présumer

'Revue générale de droit international , 990,p. 235,par. 44.that the right of self-determination has not been exercised. It is a corol-

lary to that proposition that the right of permanent sovereignty over
natural resources has, likewise,not been exercised,for self-determination
includes by verydefinitionthe right of permanent sovereignty over natu-
ral resources. Any act dealing with those resources, othenvise than by the
East Timorese people or their duly constituted representative, thus points
inexorably to a violation of a fundamental principle, both of general
international law and of the United Nations Charter.

(v) Australia'sposition in relation to self-determination

The Australian position in regard to self-determination is that Aus-
tralia fully recognizes this right in the people of East Timor and con-
tinues to support that right. Australia has drawn the Court's attention in
this regard to the prominent role played by Australia at the San Fran-
cisco Conference in relation to the inclusion of Chapter XI in the Charter

(Rejoinder, footnote 209) and to Australia's strong affirmation that
the advancement of al1 colonial peoples was a matter of international
concern. This valuable contribution by Australia to the concept of self-
determination has no doubt played a significant role in elevating the
doctrine to its current status. Inthose early days, when this concept was
as yet in its formative stage, the conceptual and political support thus
given to them was crucial.
In full accordance with the high recognition accorded to self-determi-
nation in international law, Australia continues to express support for
the continuing rights of the people of East Timor to self-determination.
Implicit in this Australian stance is a recognition that, for whatever
reason, the people of East Timor have not thus far exercisedthat right in
the manner contemplated by international law and the United Nations
Charter.
At the oral hearings, Australia submitted that:

"before and after 1975Australia repeatedly, and strongly,supported
the right of the East Timorese to an informed act of self-determina-
tion. Australia's position was put bluntly to Indonesia, was clearly
stated at the United Nations, and was repeated by Australian Prime
Ministersand Foreign Ministers, and elsewhereas public statements
of Australia's policy." (CR 95/14,p. 12.)

In contrast with this unimpeachableposition there is the fact that Aus-
tralia has accorded defacto recognition to the annexation of East Timor
by Indonesia and, indeed, gone beyond that to what appears to be an
unreserved dejure recognition of Indonesia's rights over East Timor. The

explicit statement in that Treaty, which presumably represents the com-
mon ground of both parties, is that East Timor is an "Indonesian Prov-que le droità l'autodétermination n'a pasété exercé.Cette proposition a
pour corollaire que le droit à la souveraineté permanente sur les res-
sources naturelles n'a pas étéexercénon plus, car l'autodétermination
comprend par définitionle droit à la souverainetépermanente sur lesres-
sourcesnaturelles. Tout acte portant sur ces ressources, qui n'émanepas
du peuple du Timor oriental ou de son représentant dûment mandaté,
constitue sans aucun doute une violation d'un principe fondamental
découlant tant du droit international généralque de la Charte des
Nations Unies.

v) La position de l'Australià l'égard del'autodétermination

L'Australie affirme qu'elle reconnaît pleinement et continue de soute-
nir le droit du peuple du Timor oriental à l'autodétermination. Surce
point, elle a attirél'attention de la Cour sur le rôle important qu'elle a
joué à la conférencede San Francisco pour l'insertion du chapitre XI
dans la Charte (duplique,note 209), ainsi que sur sa vigoureuse affirma-
tion que le progrèsde tous les peuples coloniaux intéresse l'ensemblede
la communauté internationale. Il n'y a aucun doute que ce précieux
apport de l'Australie au concept de l'autodétermination a contribué de
manièresubstantielle à leporter au niveau élevéqu'iloccupe aujourd'hui.
Le soutien théorique et politique qui a été accordé en ce temps-là à ce
concept alors en cours d'élaborationa étéessentiel.

Marquant une adhésion entière à la valeur élevéeque le droit interna-
tional attacheà l'autodétermination, l'Australie continued'exprimer son
soutien au droit persistant du peuple du Timor orientalà disposer de lui-
même.Ainsi, l'Australie reconnaît implicitement que, pour une raison ou
une autre, le peuple du Timor oriental n'a pas encore exercéson droit de
la manière envisagéepar le droit international et par la Charte des
Nations Unies.
Au cours des audiences,l'Australie a prétenduque:

«avant et après 1975,l'Australie s'estvigoureusement et à plusieurs
reprises prononcéeen faveur du droit des Timorais à se déterminer
librement en connaissance de cause. La position australienne a été
exposéesans détour à l'Indonésie, clairementexpliquéeà l'Organisa-
tion des Nations Unies, répétép ear les premiers ministres et les mi-
nistres des affaires étrangères del'Australie et fait d'ailleurs encore

l'objet de communiqués publics sur la politique australienne.))
(CR 95114,p. 12.)
Tranchant avec cette position irréprochable, l'Australie a reconnu de
facto l'annexion du Timor oriental par l'Indonésie, etelle est même allée
plus loin en procédant àce qui paraît être unereconnaissance dejure sans

réservedes droits de l'Indonésiesur le Timor oriental. En effet, le traité
relatif au «Timor Gap» énonceexplicitement - et il est censéexprimer
ce sur quoi les deux parties se sont accordé-s que le Timor oriental estince". Indeed, the preamble to the Treaty recites that Australia and the
Republic of Indonesia are "Determined to cooperate further for the

mutual benefit of their peoples in the development of the resources of the
area of the continental shelf" (emphasis added). The people of East
Timor are not included among those for whose benefit the Treaty is
entered into.

(vi) The incompatibility between recognition of Indonesian sovereignty
over East Timor and the recognition of East Timor as a non-self-
governing territory

The inconsistency between Australia's stated position and its practical
actions is, in the submission of Portugal, so fundamental as to negative
Australia's recognition of the East Timorese right to self-determination.
There is an inconsistency here which has not been adequately explained,
either in the pleadings or in the oral submissions. As Portugal pointed

out, itis not possible to meet the obligation of respecting the territorial
integrity of East Timor by merely so asserting, while, in fact, recognizing
it as annexed by Indonesia (CR 9514,p. 29).

Australia has stated (Rejoinder, para. 267) that recognition of Indo-
nesian sovereignty over East Timor does not involve a denial of its status
as a non-self-governing territory. It has also stated(ibid.,para. 263)that,
whilenoting that Indonesia has incorporated East Timor into the Repub-
lic of Indonesia, the Australian Government has expressed deep concern
that an internationally recognizedact of self-determination has not taken
place in East Timor. Australia further submits that recognition of Indo-
nesian sovereignty over East Timor does not by logical necessity signify
that Australia no longer recognizes East Timor as a non-self-governing
territory or its people as having a right to self-determination (ibid.,
para. 264). 1 must confess to some difficultyin understanding these posi-

tions.
Such submissions seem moreover to overlook the distinction between
the nature of the authority exercisedby an administering Power and the
nature of the authority of Indonesia, implicit in the recognition of East
Timor as a province. The character of Portugal's authority was clearly
distinguishable in at least three major respects:

(a) the authority of Portugal was entirely of a fiduciary or tutelary
nature;
(b) the authority of Portugal was under the supervision of the United
Nations; and
(c) the authority of Portugal was by its very nature CO-terminouswith
its fiduciary or tutelary status.
These distinctions are further affirmed by the relevant United Nations

resolutions discussed in this opinion.une ((provinceindonésienne». De plus, le préambuledu traité proclame
que l'Australie et la République d'Indonésiesont ((déterminées à déve-
lopper leur coopération à l'avantage mutuel de leurspeuplesdans la mise
en valeur des ressources du secteur du plateau continental)) (les italiques
sont de moi), sans mentionner le peuple du Timor oriental parmi ceux
dans l'intérêdtesquels le traité a étconclu.

vi) La contradiction entre la reconnaissancede la souveraineté indoné-
siennesur le Timor oriental et la reconnaissancedu Timor orientalen

tant que territoire non autonome
La contradiction entre la position déclaréede l'Australie et son com-

portement est, selon le Portugal, si fondamentale qu'elle a pour effet de
réduire à néant lareconnaissance par l'Australie du droit du peuple du
Timororiental à l'autodétermination. Cettecontradictionn'a reçu d'expli-
cation satisfaisante ni dans les écrituresni lors des plaidoiries. Comme
l'afait remarquer lePortugal, ilest impossiblede s'acquitter de l'obligation
de respecter l'intégritéterritoriale du Timor oriental en se contentant
d'affirmations en ce sens tout en reconnaissant effectivement l'annexion
du Territoire par l'Indonésie (CR 9514,p. 29).
L'Australie a fait valoir (duplique, par. 267) que la reconnaissance de
la souverainetéindonésiennesurle Timor oriental n'implique aucun déni
du statut de territoire non autonome de celui-ci. Ellea également déclaré
(ibid.,par. 263)que, tout en observant que l'Indonésie avait incorporéle
Timor oriental dans son territoire, le Gouvernement australien s'est dit
vivement préoccupéde voir qu'aucun acte d'autodétermination interna-

tionalementreconnun'avait eulieuau Timor oriental. L'Australie affirme
par ailleurs que la reconnaissance de la souverainetéindonésiennesur le
Timor oriental n'implique pas nécessairementque l'Australie ne recon-
naît plus au Timor oriental le statut de territoire non autonome nià son
peuple le droit à l'autodétermination (ibid., par. 264). J'avoue éprouver
quelque difficultéà comprendre ces positions.
Ces arguments semblent par ailleurs négligerla distinctionentre, d'une
part, la nature de l'autoritéexercéepar une puissance administrante et,
d'autre part, la nature de l'autorité exercéepar l'Indonésiequi ressort
implicitement de la reconnaissance de la qualité du Timor oriental en tant
que province indonésienne.Or, l'autoritédu Portugal revêtaitau moins
trois caractéristiquesfondamentales propres :

a) l'autoritéexercéepar le Portugal revêtaiten tous points un caractère
fiduciaire ou tutélaire;
b) le Portugal exerçait son autoritésousla surveillancede l'Organisation
des Nations Unies;
c) le Portugal exerçait son autoritéprécisémentdans ce cadre fiduciaire
ou tutélaire.

Ces caractéristiques sont confirméespar les résolutions pertinentes de
l'Organisation des Nations Unies examinéesdans la présenteopinion. It may be noted also in this context that Australia, in the course of its
oral arguments, submitted that, "In 1975the people of East Timor invol-
untarily exchanged Portuguese 'domination' . . for the control of Indo-

nesia." (CR 9519,p. 49, para. 59; emphasis added.) What this means is
unclear, but itis manifestly in contradiction of the voluntariness which is
a central feature of self-determination.
Portugal has also referredthe Court to somevariations in the positions
taken up by Australia at the United Nations when resolutions on East
Timor came before the General Assembly. In 1975, though with some
initial reservations, it voted for the resolution calling upon Indonesia to
desist from further violation of the territorial integrity of East Timor and
to withdraw its forces without delay to enable the people to exercisetheir
right of self-determination(resolution 3485(XXX) of 12December 1975).
In 1976,it abstained from voting on General Assembly resolution 31/53,
rejecting the Indonesian claim of annexation. It abstained again in 1977,
but in 1979,voted against the resolution that "the people of East Timor
must be enabled freely to determinetheir own future, under the auspices
of the United Nations" (resolution 34/40).It repeated its contrary vote in
1980, 1981and 1982.

However this may be, the central issue before the Court is whether the

acceptance of this right of East Timor accords with the conclusion of a
Treaty recognizing East Timor as a province of Indonesia, and whether
that act of concluding the Treaty militates against such rights as East
Timor may enjoy to the natural resources that are dealt with by the
Treaty. There is no qualificationanywherein that Treaty of the recogni-
tion it accords to Indonesian sovereignty, such as appears in the state-
ments of Australia made outside the Treaty.
Upon the basis of the averments in the Treaty, it would seemtherefore
that Portugal's assertion of an incompatibility between Australia's action
in entering into the Timor Gap Treaty, and Australia's recognition of the
principle of self-determination,raises issuesrequiring closeconsideration.
If self-determination is a right assertiblerga omnes, and is thus a right
opposable to Australia, and if Australia's action in entering into the
Treaty is incompatible with that right, Australia's individual action,
quite apart from any conduct of Indonesia, would not appear to be in
conformity with the dutiesit owesto East Timor under international law.

(vii) The suggested clashbetween the rights of thepeople of East Timor
and the rights of the people of Australia

Australia has submitted that Australia too enjoys the right of perma-
nent sovereignty over its natural resources and that what is involved in
this case is " 'peremptory norm versus peremptory nom', 'permanent
sovereignty of Australia versus sovereignrights of Portugal' " (CR 95111, Notons également à cet égard que,dans ses plaidoiries,l'Australie fait
valoir que,«en 1975,lepeuple du Timor oriental a[vait]échangé involon-
tairement la ((domination)) du Portugal ..contre le pouvoir de 1'Indoné-
sie» (CR 9519,p. 49, par. 59; les italiques sont de moi). Ce propos n'est
pas très clair; toutefois, il s'oppose manifestementà l'expression d'une
volonté quiest un trait essentiel de l'autodétermination.
Le Portugal a égalementappelé l'attention de la Cour sur certaines
variations dans les positions adoptéespar l'Australie devant l'organisa-
tion des~at'ionsUnies lorsque l'Assembléegénérale a examinéles projets
de résolutionrelatifs au Timor oriental. En 1975,l'Australie a voté,avec
toutefois quelques réservesinitiales, en faveur de la résolution dans
laquelle il était demandéà l'Indonésiede respecter l'intégrité territoriale
du Timor oriental et de retirer sans délaises forces armées du territoire
afindepermettre au peuple de celui-cid'exercerson droit à l'autodétermi-

nation (résolution3485(XXX) du 12décembre1975).En 1976,elle s'est
abstenue lors du vote sur la résolution 31/53 de l'Assembléegénérale,
rejetant l'allégationindonésienneselon laquelle le Timor oriental aurait
étéintégré à l'Indonésie.Elle s'est abstenue à nouveau en 1977, mais
en 1979ellea voté contre la résolutionselonlaquelle «le peuple du Timor
oriental doit avoir la possibilité de déterminer librement son propre
avenir, sous les auspices de l'Organisation des Nations Unies» (résolu-
tion 34/40). Ellea réitéré son vote d'oppositionen 1980, 1981et 1982.
En tout état de cause, une des questions essentiellesen l'instance est
celle de la compatibilité entre la reconnaissance de ce droit du peuple
timorais et la conclusion d'un traité reconnaissant que le Timor oriental
est une province de l'Indonésie, etde la compatibilitéentrecet acte et les
droits dont jouirait le Timor oriental sur les ressources naturelles visées

dans letraité.Le traiténe comporte aucune des réservesquant àla recon-
naissance de la souveraineté indonésienne quiont étémanifestéespar
l'Australie dans les déclarations que celle-cia faites en marge du traité.
Il semblerait donc que l'affirmation du Portugal selon laquelle il y a
incompatibilitéentrelefait pour l'Australie de conclure letraitérelatif au
«Timor Gap» et la reconnaissance par l'Australie du principe d'autodé-
termination n'est pas dénuée defondement.
Si l'autodétermination est un droit opposable erga omnes, et si la
conclusion par l'Australie du traitérelatif au «TimorGap» est contraire
à ce droit, alors le comportement individuel de l'Australie, quel que
puisse êtrecelui de l'Indonésie,n'est pas conforme aux obligations qu'a
l'Australie envers le Timor oriental en vertu du droit international.

vii) Le prétenduconflit entre les droits dupeuple du Timor orientalet les
droits dupeuple australien

L'Australie a fait valoir qu'elleaussi a un droià la souverainetéper-
manente sur ses ressources naturelles et que la présenteinstance dresse
((normeimpérativecontre norme impérative)),((souverainetépermanente
de l'Australie contre droits souverains du Portugal)) (CR 95111, p. 29).p. 29). The undeniable rights of Australia cannot, of course, be matched
by the purely fiduciary rights of Portugal, for Portugal has no sovereign
rights,Savein its capacity as custodian of the rights of the East Timorese
people. More properly stated, the suggestion is then of a clash between
the peremptory norm of Australia's permanent sovereignty over its
natural resources and the peremptory nom of East Timor's permanent
sovereignty over its natural resources.

It cannot be said that Australia enjoys an absolute right to permanent
sovereignty over its natural resources in the Timor Gap which can be
delineated independently of the rights of East Timor. With only 430 kilo-
metres of ocean space between them (Judgment, para. Il), the extent of
Australia's entitlement is obviously detennined, inter dia, by the claims
of East Timor - hence the need for a treaty. SinceAustralia's rights can-
not be considered independently of East Timor, Australia's claim to deal

with no more than its own entitlement is unsustainable.

Competing interests to a limited ocean space can only be resolved by
the consent of parties or by some equitable external determination in a
manner recognized by law. An agreement that does not embodythe con-
sent of the East Timorese people does not faIl within the first category
and a determination by Indonesia as to how much it is equitable to give
to Australia does not fa11within the second. It is not such a determina-
tion as would bring it within the means of resolution indicated by the
Court's case-lawand Article 83, read with Part XV, of the Montego Bay
Convention.
It is not within thembit of this case or within the Court's competence
to determine whether the division of resources between Australia and
Indonesia is indeed an equitable one from the point of view of the East
Timorese people. This is simplynot a matter before the Court, and must

await determination at the proper time and in the proper manner. Al1
that arises for decision is whether a treaty has been entered into which
deals with the natural resources of the East Timorese people without
their consent or the consent of the administering Power recognizedby the
United Nations.
It may be that the Treaty obtains for Australia exactly its equitable
rights, or it may be that it obtains for the Australian people even less
than their proper entitlement. Portugal's claim is that a treaty not
entered into in the manner recognized by international law rnay sign
away in perpetuity certain non-renewable resources of the East Timor-
ese people. If this is the case, and if the authority charged by the
United Nations with administering the affairs of the East Timorese
people brings up the matter in the form of an East Timorese right
which is opposable to Australia, that complaint deserves the closest

attention.
Portugal contends that Australia, inasmuch as it has negotiated, con-Les droits incontestablesde l'Australie ne sauraient bien entendu êtremis
en concurrence avec lesdroits de nature purement fiduciairedu Portugal,
étantdonné quece dernier nejouit d'aucun droit souverain si cen'est en
sa qualitéde gardien des droits du peuple du Timor oriental. Il s'agirait
plus exactement d'un conflit entre la norme impérative que constitue la
souverainetépermanentedel'Australiesursesressourcesnaturelles,d'une
part, et la norme impérativeque constitue la souverainetépermanente du
Timor oriental sur ses ressources naturelles, d'autre part.
On ne saurait affirmer que l'Australie ait sur ses ressources naturelles
dans le ((Timor Gap»un droit absolu à la souverainetépermanente dont
la portéepourrait être déterminéesans tenir compte des droits du Timor
oriental. Etant donné que l'Australie etle Timor oriental ne sont séparés
que par 430 kilomètresde mer (paragraphe 11de l'arrêt),il est clair que

la portéedes droits de la premièredépend notamment des prétentionsdu
second; d'où la nécessitéd'un traité.Etant donnéque les droits de 1'Aus-
tralie ne sauraient êtreappréciésindépendamment de ceux du Timor
oriental, on ne saurait retenir la thèse de l'Australie qui prétend ne
s'occuper que de ce à quoi elle a droit.
Les conflitsentre des droits relatifsun espacemaritime limiténe peu-
vent être tranchés quedu consentement des parties ou par une décision
équitableprise par un tiers conformément au droit. Un accord conclu
sans le consentementdu peuple du Timor oriental ne relèvepas de la pre-
mièrecatégorie; et une décisionde l'Indonésierelative à ce qu'il serait
équitablede donner à l'Australie ne relèvepas de la seconde. Pareille
décisionne saurait être conforme aux moyens de résolution des diffé-
rends viséspar lajurisprudence de la Cour et par l'effetconjoint de l'ar-

ticle 83 et de la partie de la convention de Montego Bay.
La question de savoir si le partage des ressources entre l'Australie et
l'Indonésieest effectivement équitable du point de vue du peuple du
Timor oriental n'entre pas dans le cadre de l'instance et ne relèvepas de
la compétence dela Cour. Cette dernièren'a tout simplement pas été sai-
sie de cette question, qui doit attendre pour être réglen temps et lieu.
La seulequestion qu'il convient de trancher en l'espèceest de savoir siun
traitévisant les ressources naturelles du peuple du Timor oriental a été
conclu en l'absence du consentement de ce peuple ou de la puissance
administrante reconnue par l'organisation des Nations Unies.
Il sepeut que le traitéattribueà l'Australie exactement ceà quoi ellea
équitablementdroit, ou mêmequ'il accorde au peuple australien moins
que ce qui devrait lui revenir. Ce que le Portugal fait valoir, c'est qu'un

traité quin'a pas étéconclu d'une manière reconnueen droit internatio-
nal pourrait aliénerà tout jamais certaines ressources non renouvelables
qui appartiennent au peuple du Timor oriental. S'il en étaitainsi, et si
l'autoritéchargéepar l'organisation des Nations Unies de l'administra-
tion des affairesdu peuple du Timor oriental soulevait la question sousla
forme d'un droit du peuple du Timor oriental opposable à l'Australie, le
grief mériterait d'être étudiavec la plus grande attention.
Le Portugal prétend que l'Australie, dans la mesure où elle a négocié,cluded and initiated performance of the agreement of 11December 1989,
and has taken interna1 legislative measures for the application thereof,
has thus infringed the right of the people of East Timor to self-determina-
tion and permanent sovereignty over its natural wealth and resources. If
this is so, Australia, through its individual conduct, is in breach of the
obligation to respect that right.
The Australian argument that there was no option available to Aus-
tralia but to enter into this Treaty opens up an important issue of inter-
national law relating to recognition.Where a territory has been acquired
in a manner which leavesopen the question whether legal sovereigntyhas
been duly acquired, countries entering into treaty relations in respect of
that territory have a range of options stretchingal1the way from defacto

recognition through many variations to the highest level of recognition
- dejure recognition.
It is to be observed that, in this Treaty, Australia has made no quali-
fication whatever of its recognition of Indonesia's sovereignty over East
Timor. Indeed, the very title of the Treaty is "Treaty between Australia
and the Republic of Indonesia on the Zone of Cooperation in an area
between the Indonesian Provinceof East Timor and northern Australia"
(emphasis added). The description of East Timor as a province of Indo-
nesia is more than once repeated in the text of the Treaty. Such an un-
reserved recognition of Indonesia's sovereignty over East Timor in an
important Treaty is perhaps one of the highest forms of dejure recogni-
tion.
This high form of recognition focuses attention more sharply on the
alleged incompatibility of the Australian action with East Timor's rights
of self-determinationand permanent sovereignty.

In the result,1would reaffirm the importance of the right of the people
of East Timor to self-determination and to permanent sovereignty over
natural resources, and would stress that, in regard to rights so important
to contemporary international law, the duty of respect for them extends
beyond mere recognition, to a duty to abstain from any State action
which is incompatible with those rights or which would impair or nullify
them. Bythis standard, Australia's action in entering into the Timor Gap
Treaty may well be incompatible with the rights of the people of East
Timor.

The preceding Part of this opinion has examined the central impor-
tance of the rights of self-determination and permanent sovereignty over
natural resources of the people of East Timor. It has also considered toconclu et commencéd'exécutelre traitédu 11décembre1989puis adopté
des mesures législativesinternes visant l'application de cet accord, a
enfreint le droit du peuple du Timor orientall'autodétermination età la
souverainetépermanente sur ses richesses et ressources naturelles. Si tel
est le cas, l'Australie, du fait mêmede son comportement individuel,
contrevient à l'obligation de respecter ce droit.
La thèse del'Australie selon laquelle elle n'avait d'autre choix que de
conclure ce traitésoulève uneimportante question de droit international
touchant à la reconnaissance. Les Etats qui concluent des traitésrelative-

ment à un territoire dont la souverainetéa été acquise d'unemanière
dont la régularitéest indéterminée disposentde plusieurs options qui
vont de la reconnaissance defacto sous de nombreusesformesjusqu'à la
reconnaissance dejure, au niveau le pIus élevé.

Il convient de noter que, dans ce traité, l'Australie n'a assorti d'aucune
réservesa reconnaissance de la souverainetéde l'Indonésie surle Timor
oriental. En fait, le traitélui-mêmes'intitule:Traitéentre l'Australie et
la Républiqued'Indonésie relatifà la zonede coopération établiedans un
secteur situéentre laprovince indonésiennedu Timor oriental et l7Austra-
lieseptentrionale)) (lesitaliquessont de moi). Le traitéqualàfplusieurs

reprises le Timor oriental de province de l'Indonésie. Cette reconnais-
sance inconditionnelle, dans un traité important, de la souverainetéde
l'Indonésiesur le Timor oriental constitue peut-êtrel'une desformes les
plus achevéesde la reconnaissance dejure.
Cette forme achevéede reconnaissance met particulièrement en évi-
dence l'incompatibilité,telle qu'appliquée, entre, d'une part, les agis-
sements de l'Australie et, d'autre part, les droits du peuple du Timor
oriental à l'autodétermination et à la souveraineté permanente sur ses
ressources naturelles.

En conséquence,je confirmerais l'importance du droit du peuple du
Timor oriental à l'autodétermination età la souverainetépermanente sur
ses ressources naturelles et je soulignerais que, s'agissant dedroits revê-
tant une aussi grande importance dans le droit international contempo-
rain, l'obligation de les respecter dépassela simple reconnaissance et
s'étendà l'obligationpour un Etat de s'abstenir de tout acte incompatible
avec ces droits ou susceptible de leur porter atteinte ou de les réduire
néant.Seloncecritère,lefait par l'Australie d'avoirconclu letraitérelatif
au ((TimorGap» pourrait bien contreveniraux droits du peuple du Timor
oriental.

Dans la partie qui précède,nous avons étudiél'importancecruciale des
droits du peuple du Timor oriental à l'autodétermination et à la souve-
raineté permanente sur ses ressources naturelles. Nous avons égalementwhat extent Australia's action in entering into the Timor Gap Treaty is
compatible with the rights enjoyed in this regard by the people of East
Timor.
This Part concentrates on the duties that result from those rights.

A. Obligations under GeneralInternational Law

(i) Obligations stemming from the general sources of international law

The multiplicity of sources of international law whichsupport the right
of self-determination have been dealt with in Part C of this opinion. Cor-
responding to the rights so generated, which are enjoyed by the people of
East Timor, there are corresponding duties lying upon the members of
the community of nations. Just as the rights associated with the concept
of self-determination can be supported from every one of the sources of
international law, so also can the duties, for a right without a corre-
sponding duty is no right at all.

Itsufficesfor present purposes to draw attention to this multiplicity of
sources and to the fact that they concur in recognizing those rights as
existing erga omnes. It isnot necessaryfor the purposes of this opinion to
explore them all. Australia, in comrnon with al1 other nations, would,
under general international law, be obliged to recognize the obligations
stemming from these rights. Australia unhesitatingly acknowledges the
right. Its acceptance of the corresponding duties does not clearly appear
from its submissions.

(ii) Obligations expressly undertaken by treaty

It is pertinent to note at least three significant occasions on which the
Respondent, in common with other States, has solemnly undertaken by
treaty the duty to act in furtherance of these rights. These have been
referred to in Part C, and it will sufficehere to draw attention to these
treaty cornmitments - under the Charter and under the two Interna-
tional Human Rights Covenants of 1966.The Charter provisions on self-
determination have been outlined earlier. Under the two Covenants,
every party accepts the obligation to promote the realization of the right
to self-determinationand to respect that right (Arts. 1and 2 of each Cov-

enant).
These referencesare sufficientto place the duty to respect self-determi-
nation on a firm foundation of treaty obligation.

B. Obligations under United Nations
Resolutions

It is not proposed to enter here into a discussion of the broad question
of the binding nature of Security Council decisions.It is more to the pur-envisagédans quelle mesure la conclusion par l'Australie du traitérelatif
au «Timor Gap» est compatible avec les droits dont jouit le peuple du
Timor oriental à cet égard.
La présentepartie est centréesur les obligations qui découlent de ces
droits.

A. Obligations en droit internationalgénéral

i) Obligations découlant des sources générald es droit international

Dans la partie C de la présenteopinion, nous avonsexaminéles diverses
sources de droit international invoquéespour étayerle droit à l'auto-
détermination. Faisant pendant aux droits qui en résultent etdont jouit
le peuple du Timor oriental, des obligations correspondantes sont à la
charge des membres de la communauté des nations. Tout comme les
droits associésà la notion d'autodétermination peuvent trouver leur fon-
dement dans chacune des sources du droit international, il en va de même
des obligations, car il ne saurait avoir de droits véritablessans obliga-

tions correspondantes.
Il suffit, aux présentesfins, de signaler ces sources diverses et le fait
qu'ellesconcourent à reconnaître que ces droits sont erga omnes. Il n'est
pas nécessaire,aux fins de la présenteopinion, de les explorer toutes.
L'Australie, comme toutes les autres nations, serait tenue en droit inter-
national général dereconnaître les obligations qui découlent de ces
droits. Elle n'hésitepasà reconnaître le droit. Son acceptation des obli-
gations corrélativesne ressort toutefois pas clairement de ses conclu-
sions.

ii)Les obligations expressémentsouscrites aux termes de traités

Il est pertinent de relever que le défendeur, ainsi que d'autres Etats,
s'est solennellement engagépar voie conventionnelle, au moins en trois
occasions importantes, à agir pour faire progresser ces droits. On y a fait
allusion dans la partie C et il suffira ici d'appeler l'attention surcesenga-
gements conventionnels pris en vertu de la Charte des Nations Unies et

des deux pactes internationaux de 1966relatifs aux droits de l'homme.
Les dispositions de la Charte relatives l'autodéterminationont étéétu-
diéesplus haut. Les parties aux deux pactes s'obligentà faciliter la réali-
sation du droit àl'autodéterminationet à respecter ce droit (articles 1et
2 de chacun des pactes).
Ces référencessuffisent à placer l'obligation de respecter l'autodéter-
mination sur un socle conventionnel solide.

B. Obligations qui découlentdes résolutions de l'Organisation
des Nations Unies

Nous n'examineronspas icila question plus vaste du caractère contrai-
gnant desdécisionsdu Conseilde sécurité. Il estpluspertinent de sedeman-pose to consider whether, having regard to the particular circumstances

of this case, the Security Council resolutions which reaffirm principles of
general international law may be considered to giveadded force to them.
As observed earlier, there was no suggestion at any stage in this case
that the General Assembly or the Security Council had acted outside
their province or beyond the scope of their legitimate authority in regard
to any of the resolutions on East Timor which were discussedin this case.
The objections to their binding effect were rather on the basis of other
considerations, such as declining majorities and desuetude. These have
already been considered. In relation to the Security Council resolutions,
the technical consideration was urged as to whether in the resolutionsthe
Security Council spoke in the language of decision or exhortation.

Resolution 384 "urges al1States . ..to CO-operatefully with . . .the
United Nations ... to facilitate the decolonization of the Territory" and
resolution 389 "calls upon al1States" to do likewise.

Each resolution also calls upon al1 States "to respect the territorial
integrity of East Timor, as well as the inalienable right of its people

to self-determination in accordance with General Assembly resolu-
tion 1514(XV)".
Words such as urgesand calls uponare not necessarilyof a purely hor-
tatory nature. As with al1documents that come under legal analysis, the
totality of the document, rather than any particular words, must be the
guide to its overall import. In this case, one can treat them as imposing
no obligation, if one takes the words "urges" and "calls upon" in isola-
tion, but not in the context of the overall construction of the document.
That is not the method of legal construction and it is not a method
1would employ.

We have here two documents which state categorically the Security
Council's position that self-determination was an imperative and that it
had not yet taken place. They urge al1States to CO-operate,and cal1upon
al1States to respect the territorial integrity of East Timor. Does a Mem-
ber State faced with such resolutions, reaffirming a cardinal rule of inter-
national law, have the freedom to disregard-the need for self-determina-
tion at its will and pleasure? In the face of the Security Council's
considered assertion that self-determination has not taken place, is it

open to an individual State to recognize dejure the annexation of a non-
self-governing territory by another State, and to enter into treaty rela-
tions with that State regarding the assets of the territory? The overall
circumstances of this casewould point to a negative answer to these ques-
tions.
Without any attempt at an exhaustive survey of this matter, it may be
noted that the lack of phraseology such as "decides" and "determines"
does not appear in the past to have prevented Security Council resolu-der si, étant donné les circonstances particulières de l'espèce,on peut
considérerque les résolutions réaffirmantles principes du droit interna-
tional généralconfèrentune force plus grande à ces principes.
Comme nous l'avons relevéplus haut, à aucun stade de la présente
instance il n'a été suggérq éue l'Assembléegénéraleou le Conseil de
sécuritéavaient outrepassé leur compétenceou leurs pouvoirs légitimes
à l'égard den'importe quelle résolution surle Timor oriental viséeen la
présenteaffaire. Les objections à l'encontre de l'effet obligatoire de ces
résolutions étaient plutôtfondéessur d'autres considérations,telles que
la diminution des majoritésen leur faveur et leur caducitépar désuétude.
Ces questions ont déjà étéabordées. Concernant les résolutions du
Conseil de sécuritél,e problème technique a étésoulevéde savoir si les

termes employéspar le Conseil indiquaient une décisionou une exhorta-
tion.
La résolution 384((prieinstamment tous les Etats ..de coopérerplei-
nement avecl'organisation des Nations Unies ...pour ..faciliter la déco-
lonisation du territoire)) et la résolution9 ((demande à tous les Etats))
de faire de même.
Les deux résolutionsdemandent également à tous les Etats «de respec-
ter l'intégritterritoriale du Timor oriental ainsi que le droit inaliénable
de son peuple à l'autodétermination, conformément à la résolution1514
(XV) de l'Assembléegénérale)).
Les expressions oprie instamment» et «demande» ne sont pas néces-
sairement de simples formules d'exhortation. Comme pour tout docu-
ment qui fait l'objet d'une analyse juridique, c'est l'ensembledu texte
plutôt que certaines expressions particulières qui en détermine lasignifi-

cation générale.En l'espèce,on peut considérer ces deux résolutions
comme facultatives si l'on prend isolémentlesdeux expressions «prie ins-
tamment)) et «demande»; mais cela est impossible si l'on considère le
texte dans son ensemble. Il ne s'agit pas là de la méthode juridique
d'interprétation etje ne saurais y avoir recours.
Nous sommes ici enprésence de deuxdocuments qui énoncent catégo-
riquement la position du Conseil de sécurité,selon laquelle l'autodéter-
mination est un impératif quin'a pas encore été réaliséLe. Conseil y prie
instamment tous les Etats de coopérer etleur demande de respecter l'in-
tégritéterritoriale du Timor oriental. Face de tellesrésolutionsquiréaf-
firment un principe fondamental de droit international, un Etat Membre
est-il libre d'ignorerson gréla nécessité de l'autodétermination? Alors
que le Conseil de sécuritéa affirmé,après réflexion,que l'autodéter-
mination n'avait pas encore eu lieu, un Etat est-il libre de reconnaître de
jure l'annexion d'un territoire non autonome par un autre Etat et de

conclure avec ce dernier un traité concernant les richesses du territoire?
Les circonstances généralesde l'espècesuggéreraientune réponsenéga-
tive àces questions.
Sans qu'il soit question d'étudierce problèmepar le menu, il faut rele-
ver que l'absence,par le passé,de mots tels que ((décide («decides») et
«juge» («determines»), dans des résolutionsdu Conseil de sécuritén , etions from being considered as decisionsl. For example, Security Council
resolution 145 (1960) of22 July 1960,in relation to the Congo, nowhere

uses such words as "decides" or "detennines", but "calls upon" the
Government of Belgium to implement speedily Security Council resolu-
tion 143(1960)on the withdrawal of its troops. It "requests" al1States to
refrain from any action which might tend to impede the restoration of
law and order and the exercise by the Government of the Congo of its
authority and also to refrain from any action which might undennine the
territorial integrity and the political independence of the Republic of the
Congo. 1sthis language merely hortatory or is it the language of a deci-
sion?
After this resolution was passed, the Secretary-General drew the atten-
tion of the Council to the obligations of members under Articles 25 and
49. The Secretary-General'sobservations weremade on the basis that the
resolution was binding under Articles 25 and 49. Having cited these two
sections,the Secretary-General observed to the Council:

"Could there be a more explicit basis for my hope that we may
now count on active support, in the ways which emerge from what
1 have said, from the Governments directly concerned?" (United
Nations, OfJicialRecords of the Security Council, Fifteenth Year,
884th Meeting, 8 August 1960,para. 23.)

Thereafter, resolution 146 (1960)of 9 August 1960was passed. That
resolution, which still lacked the phraseology of decision and determina-
tion, "Calls upon the Government of Belgium to withdraw immediately
its troops from the province of Katanga .. ."and again:

"Calls uponal1Member States, in accordance with Articles 25 and
49 of the Charter of the United Nations, to accept and carry out the
decisionsof the Security Council and to afford mutual assistance in
carrying out measures decided upon by the Council." (Emphasis
added.)
There is here a clear indication by the Security Council itself that its
earlier resolution was a decision.

In this context, mention should also be made of resolution 143 (1960)
of 14July 1960which "Calls upon the Government of Belgiumto with-
draw its troops from the territory of the Republic of the Congo" and
"Decides to authorize the Secretary-General to take the necessary steps
. ..to provide the Government with such military assistance as may be
necessary . . .".
Thereafter the General Assembly made a "request" to al1 Member
States to accept and carry out the decisions of the Security Council, this

See Goodrich, Hambro and Simons,op. cit., p. 210.

121semble pas avoir empêché celles-ci d'êtreconsidérées commedes déci-
sions'. Par exemple, la résolution 145 (1960)du Conseil de sécuritédu
22 juillet 1960, relative au Congo, n'emploie aucun mot tel que
((décide» ou «juge»; mais elle «invite»le Gouvernement belge à mettre
rapidement en application la résolution 143 (1960)concernant le retrait
de sestroupes. Elle «prie» tous les Etats de s'abstenir de toute action qui
pourrait tendre à empêcherle rétablissement del'ordre public et l'exer-
cicede son autoritépar le Gouvernementcongolais,et aussi de s'abstenir
de toute action qui pourrait saper l'intégrité territorialeet l'indépendance
politique de la République du Congo.Ce libelléest-ilpure exhortation ou
bien exprime-t-il une décision?

Après l'adoption de cette résolution, le Secrétairegénérala appelé
l'attention du Conseil de sécuritsur les obligationsincombant aux Etats
Membres en application des articles 25 et 49. Dans ses observations, le
Secrétairegénéraa l présuméque la résolution était astreignanteen vertu
des articles 25 et 49. Après avoir citéces deux dispositions, il a déclaré
devant le Conseil de sécurité:

«Mon espoir pourrait-il se fonder sur une base plus expliciteque
le fait que nous pouvons maintenant compter sur l'appui actif, de la
manièrequi se dégagede ce que je viens de dire, des gouvernements
directement intéressés?)) (Nations Unies, Documents officiels du
Conseilde sécuritéq, uinzièmeannée, 884"séance,8 août 1960,p. 4,
par. 23.)

Par la suite, la résolution 146 (1960) du 9 août 1960 a étéadoptée.
Celle-ci,qui n'emploietoujours pas des termes indiquant une décisionou
un jugement, «[iJnvite le Gouvernement belge à retirer immédiatement
ses troupes de la province du Katanga...)) et, de nouveau, elle:
((Invitetous les Etats Membres, conformément aux articles 25 et

49 de la Charte des Nations Unies, à accepter et àexécuterles déci-
sions du Conseil de sécuritéet à s'offrir mutuellement assistance
dans l'exécution des mesures décidée psar le Conseil)) (les italiques
sont de moi).
Le Conseil de sécuritélui-mêmeindique donc clairement que sa résolu-
tion précédenteétaitdécisoire.

Dans cecontexte, la résolution143(1960)du 14juillet 1960mérite éga-
lementmention; elle «[fJait appelau Gouvernement belgepour qu'ilretire
sestroupes du territoire de la République duCongo» et «[d]écide d'auto-
riser le Secrétaire général prendre ..les mesures nécessaires envue de
fournir à ce gouvernement l'assistance militaire dont il a besoi..»

Par la suite, l'Assembléegénéralea «prié» tous les ~tat~ Membres
d'accepter et d'exécuterles décisionsdu Conseil de sécurité.Cetterésolu-

'Voir Goodrich, Hambro et Simons, op. p. 210.resolution again carrying the implication that the Security Council reso-
lutions constituted decisions and imposed obligations.

Secretary-GeneralHammerskjold stressed, in his intervention, that if
the CO-operationneeded to make the Charter a living reality were not to
be achieved, "this would spellthe end of the possibilitiesof the Organiza-
tion to grow into what the Charter indicatesas the clear intention of the
founders . . ."'.The words of Hammarskjold assume particular signi-
ficance in the context of resolutions dealing with such rights as those
relating to self-determination and permanent sovereignty over natural
resources.
The resolutions of the Security Council involved in this case (resolu-
tions 384 and 389),use phraseology similar to that of the first resolution
cited above relating to the Congo. Each of these resolutions callsupon al1
States to respect the territorial integrity of East Timor, as well as the
inalienable right of its people to self-determinationin accordance with
General Assembly resolution 1514 (XV).

Each resolution likewise "callsupon" the Government of Indonesia to
withdraw without further delay al1its forces from-the Territory.
Thus, on United Nations precedent, it would appear that the absence
of words of determination or decision does not necessarilyrelegate Secu-
rity Council resolutions to the level ofmere hortatory declarations.

Against the background of the Security Council reaffirming a right
admittedly of fundamental importance, and admittedly enjoyed erga
omnes, it seemsacademic to examine its obligatory nature in terms of the
precisephraseology used. Especiallyis this so when one has regard to the
fact that the resolutions were made after hearing Australia, and were in
line with the Australian submissions made to the Council.

C. Some Juristic Perspectives

(i) The correlativity of rights and duties

This section surveys the obligations under examination, from what
may be described as ajurisprudential or conceptual angle. Whilethe right
to self-determination has attracted much attention in modern interna-
tional law, the notion of duties corresponding to that right has not
received the same degree of analysis. This is well illustrated in the
present case, where the concept of self-determination is freely accepted,
but not the corresponding duties. A conceptual examination of the

'United Nations, Official Records of the General Assembly, Sixteenth Session, Sup-
plement No. lA, Al4800lAdd.1,p. 4; see, also, the similar viewexpUeThant, in
p.86.ech on 28 October 1969, UN Monthly Chronicle, Vol. 6, No. 10, November 1969,tion impliquait de nouveau que les résolutions du Conseil de sécurité
étaientdes décisionset qu'ellesimposaient des obligations.
Dans son intervention, le Secrétairegénéral,M. Hammarskjold, a insisté
sur le point que, si l'on ne réalisaitpas la coopération nécessairepour
faire de la Charte une réalité vivante, «c'en serait fait de la possibilité
pour l'Organisation de devenir ce que la Charte montre clairement avoir
étél'intention de ses auteurs ..»l La déclaration de M. Hammarskjold
revêtune importance particulièredans la perspectivedes résolutionsrela-
tivesà des droits tels que ceux qui ont pour objet l'autodétermination et

la souverainetépermanente sur les ressources naturelles.
Les résolutions duConseil de sécurité qui nous intéressentdans la pré-
sente espèce (lesrésolutions384 et 389)sont libelléesd'une manièresem-
blable à la premièrerésolutionprécitée relativaeu Congo.Toutes cesréso-
lutions invitent tous les Etatà respecter l'intégrité territoriale du Timor
oriental, de mêmeque le droit inaliénablede son peuple à l'autodéter-
mination, conformément à la résolution 1514(XV) de l'Assemblée géné-
rale.
De même,toutes les résolution «demande[nt]» au Gouvernement de
l'Indonésiede retirer sans délaitoutes ses forces arméesdu Territoire.
Il semble donc ressortir des précédentsde l'Organisation des Nations

Unies que l'absence de termesindiquant une décisionou un jugement ne
relèguepas nécessairementles résolutions duConseil de sécurité au rang
de simples formules d'exhortation.
Alors que le Conseil de sécurité a réaffirméun droit dont l'importance
fondamentale et l'opposabilité erga ornizessont reconnues, examiner son
caractère obligatoire eu fonction de sa terminologie ne semble avoir
d'intirêtque théorique,eu égard notamment au fait que les résolutions
ont été adoptées après que l'Australie eué t téentendue, et qu'ellesvont
dans le sens des conclusions que l'Australie avait présentéesau Conseil.

C. Quelquesperspectives juridiques

i) La corrélationentre droits et obligations

La présenesection passe en revue les obligations examinées,d'un point
de vue que l'on peutqualifier de philosophiqueou théorique. Alors que le
droit à l'autodéterminationa suscitébeaucoup d'intérêe tn droit interna-
tional moderne, les obligations correspondant à ce droit n'ont pas fait
l'objet d'analyses aussi fouillées. C'estce qu'illustre bien la présente

affaire, où la notion d'un droit à l'autodétermination est acceptéesans
discussion, ce qui n'est pas le cas des obligations correspondantes. Un

'Nations Unies, Documents ofJicielsde l'Assembléegénérale, seizième session, supplé-
ment no1A, Al4800lAdd.1, p. 4-5; voir aussi l'opinion semblable expriméepar U Thant
dans un discours du 28 octobre 1969,nique mensuellede l'ONU, vol. 6, no 10, no-
vembre 1969,p. 92.question will underscore the importance of duties in the context of this

case.
The existenceof a right isjuristically incompatible with the absence of
a corresponding duty. The correlativity of rights and duties, well estab-
lished in law as in logic (see, especially, Hohfeld, Fundamental Legal
Conceptions, 1923),means that if the people of East Timor have a right
erga omnes to self-determination,there is a duty lying upon al1Member
States to recognizethat right. To argue otherwise is to empty the right of
its essential content and, thereby, to contradict the existenceof the right
itself. It is toote in the day, having regard to the entrenched nature of
the rights of self-detennination and permanent sovereignty over natural
resources in modern international law, for the accompanyingduties to be
kept at a level of non-recognition or semi-recognition.

(ii)Is duty limited to compliance with specific directions and prohibi-
tions?

An important submission made to the Court by Australia needs now
to be addressed. It has juristic implications transcending this particular
case.
This argument was summarized by Australia in the penultimate para-
graph of its Counter-Memorial in terms that:

"By entering into the Treaty in December 1989,Australia did not
contravene any direction of the United Nations with respect to East
Timor, for none had been made." (Para. 412.)

This point was further emphasized at the oral hearings in terms that :

"The Security Council has not spelt out or imposed a singlelegal
obligation on Australia or any other Member State which would

preclude Australia from entering into the Timor Gap Treaty with
Indonesia." (CR 95/10,p. 31.)
Again, it was submitted that:

"Neither resolution calls on Australia or Member States generally
to negotiate only with Portugal. Neither resolution calls on Aus-
tralia not to deal with Indonesia. And neither resolution condemns
Australia for any violation of the United Nations Charter or of

international law." (Ibid., p. 26; see, also, Counter-Memorial,
paras. 328-346.)
This argument suggests that obligations owed by States in relation to

self-determination are confined to compliance with express directions or
prohibitions.examen théoriquede la question souligneral'importance des obligations
dans le contexte de la présenteinstance.
L'existence d'un droit est juridiquement incompatible avec l'absence
d'une obligation correspondante. Du fait du caractère corrélatif des
droits et des obligations, bien établien droit comme en logique (voir en
particulier Hohfeld,Fundamental Legal Conceptions,1923),si le peuple
du Timor oriental a le droiterga omnes à disposer de lui-même,il existe
à la charge de tous les Etats Membres une obligation de reconnaître ce
droit. Soutenir le contraire revient vider le droit de son contenu essen-
tiel et, par làà nier son existence même.Etant donné queles droits à

l'autodétermination et à la souveraineté permanente sur les ressources
naturelles sont maintenant bien établisen droit international moderne,
les obligations correspondantes ne sauraient en resterà un étatde non-
reconnaissance ou de semi-reconnaissance.

ii)L'obligation se limite-t-ellà l'exécutiond'instructions et d'interdic-
tionsspécifiques?

Il faut maintenant examiner une importante allégationfaite par 1'Aus-
tralie devant la Cour, dont les implicationsjuridiques dépassent la pré-
sente affaire.
L'Australie a résumé cetargument de la façon suivante, dans l'avant-
dernier paragraphe de son contre-mémoire :

«En concluant ce traitéen décembre1989,l'Australie n'a contre-
venu à aucune directive de l'Organisation des Nations Unies concer-

nant le Timor oriental, faute d'une telle directive.))(Par. 412.)
Elle a encore insistésur ce point lors des plaidoiries,dans les termes sui-
vants :

«Le Conseil de sécuritén'a pas prononcéni imposéla moindre
obligationjuridique àl'Australie,nià aucun autre Etat Membre,qui
mettrait l'Australie dans l'impossibilitéde conclure avec l'Indonésie

le traitérelatif au «TimorGap.» (CR 95110,p. 31.)
Elle a aussi fait valoir que

«Aucune résolutionn'invitel'Australie,ni d'une manièregénérale
les Etats Membres, à ne négocierqu'avecle Portugal. Aucune réso-
lution ne demande àl'Australie de ne pas traiter avec l'Indonésie.Et

aucunerésolutionne condamnel'Australiepour avoir violéla Charte
de l'organisation des Nations Unies ou le droit international.))
(Zbid.,p. 26; voir aussi contre-mémoire,par. 328-346.)

Ce raisonnement donne à entendre que les obligations des Etats en
matière d'autodétermination se limitent au respect d'injonctions ou
d'interdictions explicites. A further development of this argument was that there are no sanc-
tions laid down by the United Nations of which Australia is in breach.

In the first place, the obligation exists under customary international
law which, by its very nature, consists of general principles and norms

rather than specific directions and prohibitions. In the analogy of a
domestic setting, customary or common law (as opposed to specific
legislation) provides the guiding norms and principles in the light of
which the specificinstance is judged.
So it is with international law, making due allowance, of course, for
the différences inits sources. Customary law provides the general prin-
ciples, while other sources, such as treaties and binding resolutions,
may deal with specifics.
Thus conduct which merely avoids violations of express directio orns

prohibitiio snnot necessarily in conformity with the international obli-
gations lying upon a State in terms of customary international law. The
obligations to respect self-determinationand the right to permanent sov-
ereignty over natural resources are among these and extend far further
than mere compliance with specificrules or directionsand the avoidance
of prohibited conduct.

If further elucidation be necessary, one can approach the question also
from the standpoint of analyticaljurisprudence.

Reference needs to be made in this connection to the major jurispru-
dential discussions that have in recent years explored the nature of legal
obligations. While it is self-evidentthat legal obligations consist not only
of obedienceto specificdirectionsand prohibitions, but also of adherence
to noms or principles of conduct, this distinction has been much illumi-
nated by recent discussions in this department of juristic literature l.

To take the analogy of domestic law, the corpus of law on which con-
duct according to law is based consists not only of commands and pro-

hibitions, but of noms, principles and standards of conduct. Cornmands
and prohibitions cover only a very small area of the vast spectrum of
obligations. Quite clearly, duties under international law, like duties
under domestic law, are dependent not only on specific directions and
prohibitions but also on noms and principles.

Without entering into the details of this far-ranging analysis, it will sufficeto refer to
some well-known expositions of the nature of rights and duties. See Dworkin,g
Rights Seriously, 1977, especially Chaps. 2 and 3; see, also, the similar approach of
Roscoe Pound, "The Theory of Judicial Decision",vard Law Review, 1923,Vol. 36,
p. 645, which anticipates the studies of Dworkin; and see, further, Roscoe Pound, "Jur-
strations that principles and standards are as integral to a legal system as rules (Dworkin,
"1sLaw a System of Rules?", in Dworkin (ed.), The Philosophyof Law, 1977,p. 38)have
applicability to the international legal system as well. Une autre extension de cet argument vise lefait que l'organisation des
Nations Unies n'a édicté aucune sanctionque l'Australien'aurait pas res-
pectée.
En premier lieu, l'obligation découledu droit international coutumier

lequel, de par sa nature même,consiste en principes et normes de nature
générale plutôt qu'eninjonctionset interdictions spécifiques.Par analogie
avecl'ordrejuridiqueinterne,ledroit coutumierou commun(par opposition
à une législationspécifique)fournit lesnormes et principes directeurs àla
lumière desquelsun cas d'espèceest jugé.
Il en va de mêmepour le droit international, compte dûment tenu, bien
entendu, des différences relativesà ses sources. Le droit coutumier four-
nit les principes généraux,alors que d'autres sources, notamment les

traités etles résolutions obligatoires,règlent des casparticuliers.
Ainsi,un comportementqui secontente d'éviterd'enfreindredes injonc-
tions ou des interdictions expresses n'est pas nécessairementconforme
aux obligationsinternationales qui incombent à un Etat en vertu du droit
international coutumier. Les obligations relatives au respect de l'autodé-
termination et du droit à la souveraineté permanente sur les ressources
naturelles sont de ce nombre et vont beaucoup plus loin que la simple
obéissance àdes règlesou injonctions déterminées et l'abstentionàl'égard
de comportements interdits.

Pour mieux éluciderla question, on peut l'aborder égalementsous
l'angle de l'analysephilosophique du droit.
A cet égard,il convient de seréférer aux grandesétudesde philosophie
du droit de cesdernièresannées quiont exploréla nature des obligations
juridiques. Bien qu'il aille de soi que les obligationsjuridiques ne consis-
tent pas seulement à obéirà des injonctions et à des interdictions spéci-
fiques, mais aussi à adhérer à des normes ou principes de conduite, les
débats doctrinaux récentsont apporté beaucoup d'éclaircissementssur
cette distinctionl.

Pour raisonner par analogie avec le droit interne, le corpus de règles
juridiques sur lequel se fonde un comportement conforme au droit se
compose non seulementde commandementset d'interdictions, mais aussi
de normes,de principes et decritèresde conduite. Lescommandementset
les interdictions ne représentent qu'uneinfime partie de la vaste gamme
des obligations. Il est très clair qu'endroit international, comme en droit
interne, les obligations ne découlent pas uniquement d'injonctions et
d'interdictions particulières,mais aussi de normes et de principes.

' Sans entrer dans le détail de cette vaste analyse,il suffira de mentionner certains
exposésfort connus sur la nature des droits et obligations. VoirDworkin,ghts
Seriously, 1977,en particulier les chapitres 2 et 3; voir aussi, dans le même sens, Roscoe
Pound, ((TheTheory of JudicialDecision)),Harvard Law Review, 1923,vol. 36,p. 645-
qui anticipe les travaux de Dworkin - et, du même auteur,((JuristicScienceand Law»,
HarvardLaw Review, 1918,vol. 31,p. 1047et suiv. Cesdémonstrations d'oùilressort que
lesprincipes etlescritèresfont partie d'un ordrejuridique autant que les règles(Dworkin,
p. 38) s'appliquent aussi bienrdre juridiqueinternational.e Philosophy of Law, 1977, Indeed, the extension of obligations beyond mere obedienceto specific
directions and prohibitions, if true of domestic law, must apply afortiori
in the fieldof international law which grewout of the broad principles of
natural law and has no specificrule-making authority in the manner so
familiar in domestic jurisdictions. The dependence of international law
for its development and effectivenesson principles, norms and standards
needs no elaboration.

If rights are to be taken seriously, one cannot ignorethe principles on
which they are basedl. If the right of self-determination is to be taken
seriously,attention must focus on the underlyingprinciples implicit inthe
right, rather than on the itemization of specified incidents of direction
and prohibition which, useful so far as they go, are not a complete state-
ment of the duties that follow from the right. It is impossible to definein
terms of specific directions and prohibitions the numerous duties these
impose. As Australia itselfhas observed, "the obligation to promote self-
determination is an example of an obligation where no particular means

are prescribed" (CR 95/10,p. 21).

Juristically analysed, it is not appropriate to viewself-determination as
though the totality of the duties it entails consist only in obedience to
specificdirections of the United Nations. Performance of duties and obli-
gations must be tested againstthe basic underlying noms and principles,
rather than against such specificdirections or prohibitions as might have
been prescribed. Quite clearly, an obligationcannot cease to exist merely
because specific means of compliance are not prescribed, nor is its
underlying general principle exhausted by the enurneration of particular
itemized duties. The duty of respect and compliance extends beyond the

letter of specificcommand and prohibition.

To illustrate from domestic law, such a general principle as that under
which a manufacturer of motor cars "is under a specialobligation in con-
nection with the construction . . .of his carsn2, is one which "does not
even purport to define the specific duties such a special obligation
entails" 3.Yet the obligation applies in the particular unspecifiedeventu-
alities which might occur. When a claim arises from a breach of some
specificduty within the general principle, the manufacturer cannot avoid
the principle on the ground that it does not specify the particular duty.

The argument that no breach of duty has occurred because the respond-
ent's conduct violates no specificdirection can be answered in much the
same manner, because the conduct required by law consists not only of

-
' See,further, Dworkin, Taking Rights Seriously cit.p. 22). The author contends
that if rights are not taken seriously, law is not taken seriously either (ibid., p. 205).
Henningsenv. BloomfieldMotors, Inc., 32 NJ 358 (1960).
Dworkin, supra, p. 26, citing Henningsen v. Bloomfield Motors, Inc., supra. S'il estvrai en droit interne que lesobligationsvont au-delà de la simple
obéissance à des injonctions età des interdictions spécifiques,cela vaut
à fortiori dans ledomainedu droit international,qui s'estdéveloppé à par-
tir desprincipes généraudxu droit naturel et qui ne possèdeaucune autorité
réglementaire spécifiquecomparable à celle que nous connaissons en
droit interne. Point n'est besoin de démontrercombien le développement
et l'efficacidu droit international sont tributaires de principes,de normes
et de critères.
Si l'on veut que les droits soient pris au sérieux,'on ne peut mécon-
naître les principes sur lesquels ils repose'.Si le droità l'autodétermi-
nation doit être prisau sérieux,l'attention doit porter sur les critèreset
principes qui lui sont inhérents, plutôt que sur une énumérationcircons-

tanciéed'injonctions et d'interdictions qui, pour utile qu'ellesoit dans ses
limites, ne constitue pas un catalogue complet des obligations qui résul-
tent de ce droit. Il est impossible de définir en termesd'injonctions et
d'interdictionspréciseslesnombreusesobligations ainsiimposées.Comme
l'Australieelle-mêmel'a faitobserver,((l'obligation depromouvoir l'auto-
détermination est un exemple d'obligation qui n'est pas assortie d'une
prescription de moyens)) (CR 95/10,p. 21).
Du point de vue de l'analysejuridique, il ne convient pas d'envisager
l'autodétermination comme si la seule obligation qu'elle comporte était
l'obéissance à des injonctions expresses de l'organisation des Nations
Unies. L'exécution desdevoirs et obligations doit être évaluée à l'aune
des normes et principes fondamentaux sous-jacents, plutôt qu'à celledes
injonctions et interdictions spécifiquesqui ont pu êtreprescrites. A l'évi-
dence, une obligation ne peut cesser d'exister simplementparce que des

moyens précis de l'exécuten r'ont pas été prescrits, pasplus que le prin-
cipe généralqui la sous-tend ne se résume à une liste circonstanciée
d'obligations. L'obligation de respecter et d'exécuter dépasslea lettre des
commandementset interdictions spécifiques.
Pour tirer un exemple du droit interne, un principe généralcomme
celui selon lequel un constructeur d'automobiles «est soumis à une obli-
gation particulière relativeà la construction ...de ses véhicules»2«ne
prétend pas définirles prestations précises auxquellesastreint une telle
obligation parti~ulière))~. ourtant, l'obligation s'applique aux situations
particulières,non spécifiéesq,ui sont susceptibles de se présenter.Si une
réclamationest formée suiteau manquement à une obligation spécifique,
couverte par le principe général,le fabricant ne peut échapperau prin-
cipe en arguant que celui-ci ne précisepas la prestation spécifiquedont
il s'agit. L'argumentselon lequelaucune obligationn'a été enfreinte, étant

donné quele comportement du défendeur ne contrevient à aucune règle

'Voirencore Dworkin (Taking Rights Seriously, op. cit., p. 22),qui soutient que, si les
droits ne sont pas pris au sérieux,alors le droit lui-même n'est pas priasu sérieux
p. 205).
Henningsenv. Bloomfield Motors, Znc.,32NJ 358 (1960).
Dworkin, op. cit., p. 26, citant Henningsen v. Bloomfield Motors, Znc.,ci-dessus.compliance with specified directions or prohibitions, but of compliance
with a principle of conduct.

The jurisprudential discussions referred to have not passed unnoticed
in the literature of modem international lawl.
In the circumstances of this case, the act of being party to the Timor
Gap Treaty would appear to be incompatible with recognition of and
respect for the principle of East Timor's rights to self-determination and
permanent sovereigntyover natural resources inasmuch as, inter alia, the
Treaty :

(1) expressly recognizesEast Timor as a province of Indonesia without
its people exercisingtheir right;
(2) deals with non-renewable natural resources that may well belong to
that Territory ;
(3) makes no mention of the rights of the people of East Timor, but only
of themutual benefit of the peoples of Australia and Indonesiain the
development of the resources of the area (Preamble, para. 6);

(4) makes no provision for the event of the East Timorese people decid-
ing to repudiate the Treaty upon the exercise of their right to self-
determination ;
(5) specifies an initial period of operation of 40 years, with possible
renewals for successiveterms of 20 years; and
(6) creates a real possibility of the exhaustion of this resource before it
can be enjoyed by the people of East Timor.

These aspects, al1 prima facie contradictory of the essence of self-
determination and permanent sovereignty over natural resources, do not
cease to have that character because treaty-making with Indonesia has
not been expresslyprohibited.

Attention was also drawn to the aspect of sanctions. It was pointed
out, for example, that issues such as arms supplies, oil supplies and new
investments in South Africa were singled out for condemnation when
sanctions were imposed on South Africa. On this basis, Australia sub-
mitted that the General Assembly has shown willingness, when appro-
priate, to condemn particular actions or recommend and urge others. It
was submitted that the United Nations has issued no such specificdirec-
tions requiring States to abstain from dealingswith a State involved in a
self-determination dispute (CR 9519,p. 78), and that there has been no

specificpronouncement on the Timor Gap Treaty.

' See,for example,Kratochwil, Rules, Norms, and Decisions,1989.

126spécifique,peut êtreréfutépour l'essentiel de la mêmefaçon: en effet,
le comportement qu'exigele droit ne consiste pas seulement à respecter
desinjonctions ou desinterdictions précises,mais aussi respecterunprin-
cipe de comportement.
Les débats théoriques quiviennent d'être évoqué nse sont pas passés
inaperçus dans la doctrine de droit international moderne l.
Dans les circonstances de l'espèce,la qualitéde partie au traitérelatif

au «Timor Gap» semblerait incompatible avec la reconnaissance et le
respect desdroits du peuple du Timor oriental à l'autodéterminationet à
la souverainetépermanente sur ses ressources naturelles dans la mesure,
notamment, où le traité:

1) reconnaît en termes exprèsle Timor oriental comme une province de
l'Indonésie,sans que le peuple du Territoire ait exercéson droit;
2) porte sur des ressources naturelles non renouvelables susceptibles
d'appartenir à ce territoire;
3) ne fait pas état des droits du peuple du Timor oriental, mais seule-
ment de l'avantage mutuel des peuples australien et indonésiendans
la mise en valeur des ressources du secteur (paragraphe 6 du préam-
bule) ;
4) ne prévoit riendans l'hypothèseoù le peuple du Timor oriental déci-
derait de dénoncerle traitélorsqu'ilaura exercéson droità disposer de
lui-même ;

5) prévoitune périodeinitiale de validitéde quarante ans, avec renou-
vellement possible pour des ternes successifs de vingt ans;
6) créeune véritable possibilitéque ces ressources soient épuiséesavant
que le peuple du Timor oriental ne puisse en avoir la jouissance.

Ces caractéristiques du traité semblent à priori toutes contraires à
l'essence mêmd ee l'autodéterminationet de la souverainetépermanente
sur les ressources naturelles, et elles ne perdent pas ce caractère du fait
que la conclusion de traités avec l'Indonésien'a pas étéexpressément
interdite.
L'attention a été appelée égalemes ntr la question des sanctions. On a
soulignépar exempleque des pratiques tellesque les fournituresd'armes,
depétroleet decapitaux à l'Afriquedu Sud ont été expressémen ctondam-
néeslorsque des sanctions ont étéimposées à ce pays. L'Australie en a
tiré argument pour soutenir que l'Assembléegénérale s'étam itontréedis-
posée,dans les cas appropriés, à condamner des actions particulièresou

à en préconiser et recommandervivement d'autres. On a fait valoir que
l'organisation des Nations Unies n'avait pas demandéexpressémentaux
Etats de s'abstenir d'avoir des relations avec un Etat impliquédans un
différend relatifà l'autodétermination (CR 9519,p. 78) et que le traité
relatif au «Timor Gap» n'avait fait l'objet d'aucune prise de position
expresse.

Voir Kratochwil, Rules, Norrnsand Decisions, 1989. Sanctions may point to an obligation, but they are clearly not the only
source of obligations.Indeed, Oscar Schachter,in a study of the bases of
obligation in international law, lists thirteen possible items, of which
sanctions is only one l.

Further,

"The most thorough research, in both domestic and international
law, shows that in reality, compulsion is neither an integral nor a
constitutive part of legal rule, but that it represents a distinct ele-
ment added to the rule to perfect it. Sanction does not represent a
condition for the existence of obligation but only for its enforce-
ment."

International law in its present stage of development, servingthe needs
of an integrated world comrnunity, demands a broader view ofinterna-
tional obligations than that which is implicit in the Australian submis-
sions.
Security Council resolutions 384 and 389 clearly formulate certain
principles of conduct in relation to self-determination and permanent
sovereignty. Those principleswerealready wellrecognizedand entrenched
in international law before being applied by those resolutions to the spe-
cific case of East Timor. Australia is, in my view, in violation of those
principles, contradicting by its conduct its obligation to respect the right
of self-determination of the people of East Timor and their right to per-
manent sovereignty over their natural resources. The plea that Australia

did not contravene any direction of the United Nations does not exempt
it from responsibility.

(iii)Obligations stemmingfrom the erga omnes concept

The Court has found that "Portugal's assertion that the right of

peoples to self-determination,as it evolved from the Charter and from
United Nations practice, has an erga omnes character, is irreproachable"
(Judgment, para. 29).
This paragraph bases itself upon that finding. It is a position, more-
over, which has been accepted by Australia and assumed throughout the
hearings.
The Court'sjurisprudence has played a significantrole in the evolution
of the erga omnes concept.
In Barcelona Traction, this Court, drawing a distinction between obli-
gations of a State towards the international community as a whole, and

'Oscar Schachter, "Towards a Theory of International Obligation", Virginia Journal
of International Law, 1968,Vol. 8,p. 301.
*Mohammed Bedjaoui, Towards a New International Economic Order, 1979,p. 179. L'existence de sanctions peut indiquer celle d'obligations, mais les
sanctions ne sont évidemmentpas la seule source d'obligations. De fait,
dans une étudedes fondements des obligations en droit international,
Oscar Schachter énumère treize élémentspossibled s, nt un seul estcons-
tituépar les sanctions'.
De plus,

«La recherche la plus poussée,tant en droit interne qu'en droit
international, montre qu'en réalité la contraintene fait pas partie
intégrante et constitutive de la règlejuridique, mais représente un
élémentdistinct qui s'y ajoute pour la parfaire. La sanction ne
conditionne pas l'existencede l'obligation mais seulementson exécu-
tion.»

A son stade actuel de développement,le droit international, au service
des besoins d'une communauté internationale intégrée,exige que l'on
se fasse des obligations internationales une conception plus large que
celleque sous-entendent les conclusionsde l'Australie.
Les résolutions 384 et 389 du Conseil de sécuritéénoncentclairement
certains principes de conduite relatifsà l'autodétermination et à la sou-
verainetépermanente. Ces principes étaient déjàbien établiset consacrés
par le droit international avant d'être appliquéspar lesdites résolutions
au cas précisdu Timor oriental. A mon sens,l'Australie enfreint cesprin-

cipes étantdonnéque son comportement contrevient à l'obligation qui
est la sienne de respecter le droit du peuple du Timor oriental à l'auto-
détermination et à la souveraineté permanente sur ses ressources natu-
relles. L'argument selon lequel l'Australie n'a contrevenu à aucune
injonction de l'organisation des Nations Unies ne saurait l'exonérerde
sa responsabilité.

iii)Obligationsdécoulant del'opposabilitéerga omnes

La Cour considère«qu'il n'ya rien à redireà l'affirmation du Portugal
selon laquelle le droit des peuplesà disposer d'eux-mêmest,el qu'il s'est
développé à partir de la Charte et de la pratique de l'Organisation des
Nations Unies, est un droit opposable erga omnes» (arrêt,par. 29).
Le présentparagraphe sefonde sur cette conclusion. Cette position a en
outre été acceptépear l'Australie et présumée tout au long des audiences.

La jurisprudence de la Cour a joué un rôleimportant dans l'évolution
de la notion d'opposabilité erga onznes.
Dans l'affaire de la Barcelona Traction, la Cour, établissant une dis-
tinction entre les obligationsd'un Etat envers la communauté internatio-

'Oscar Schachter,((Towards a Theory of International Obligation», Virginia Journal
of International Law, 1968,vol. 8, p. 301.
Mohammed Bedjaoui, Pour un nouvel ordre économiqueinternational, 1978,p. 183.those arising vis-à-visanother State in the field of diplomatic protection,
observed :
"Such obligations derive, for example, in contemporary interna-
tional law, from the outlawing of acts of aggression, and of geno-
cide, as also from the principles and rules concerningthe basic rights
of the human person, including protection from slavery and racial
discrimination. Some of the corresponding rights of protection have

entered into the body of general international law (Reservations to
the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of
Genocide,Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1951, p. 23) ;others are
conferred by international instruments of a universal or quasi-
universal character." (Barcelona Traction, Light and Power Com-
pany, Limited, Second Phase, Judgment, I.C.J. Reports 1970,p. 32,
para. 34.)

In paragraph 35, the Court followed this principle through by observ-
ing that in obligations of this category, unlike the obligation which is the
subject of diplomatic protection, "al1States have a legal interest in its
observance" (I.C.J. Reports 1970, p. 32; emphasis added). In Barcelona
Traction, the Court was, of course, dealing with obligations that are owed
erga omnes.

In that case, the Court was spellingout that, where a Statehas an obli-
gation towards al1other States, each of those other States has a legal
interest in its observance. If, therefore, Australia has an obligation erga
omnes towards al1States to respect the right of self-determination,Por-
tugal (as the administering Power of East Timor) and East Timor would
have a legal interest in the observance of that duty.
Other cases in which this Court was confronted with erga omnes obli-
gations were Northern Cameroons (I.C.J. Reports 1963, p. 15); the

South West Africa cases, Preliminary Objections (I.C.J. Reports 1962,
p. 319)and South West Africa cases, Second Phase (I.C.J. Reports 1966,
p. 6); Nuclear Tests (Australia v. France) (I.C.J. Reports 1974, p. 253)
and Nuclear Tests (New Zealand v.France) (ibid.,p. 457); UnitedStates
Diplomatie and ConsularStaff in Tehran (I.C.J. Reports 1980,p. 3); and
Border andTransborderArmed Actions (Nicaragua v. Honduras), Juris-
diction and Admissibility (I.C.J. Reports 1988, p. 69).

Although in this fashion the erga omnes principle has played an appar-
ently frequent role in the Court's recent jurisprudence, it has not yet
drawn a definitive decision from the Court in relation to the manner in
which the principle willoperate in case of breach. For example, in North-
ern Cameroons, the question whether a Member State has a right of

action consequent upon an erga omnes breach was left undecided as the
casewas dismissedon grounds ofjudicial propriety. The dismissal of the
South West Africa casesin the merits phase, in 1966,left no scopefor anynale dans son ensemble et cellesd'un Etat vis-à-visd'un autre Etat dans
le cadre de la protection diplomatique, a relevéque:
«Ces obligations découlentpar exemple, dans le droit internatio-
nal contemporain, de la mise hors la loi des actes d'agression et du
génocide mais aussi des principeset des règlesconcernant les droits

fondamentaux de la personne humaine, y compris la protection
contre la pratique de l'esclavageet la discrimination raciale. Certains
droits de protection correspondants se sont intégrésau droit inter-
national général (Réserves à la conventionpour la préventionet la
répressiondu crimedegénocide, avis consultatif;C.I.J. Recueil 1951,
p. 23); d'autres sont conféréspar des instruments internationaux de
caractère universel ou quasi universel.» (Barcelona Traction, Light
and Power Company, Lirnited, deuxièmephase, arrêt, C. I.J. Recueil
1970, p. 32, par. 34.)

Au paragraphe 35,la Cour a continué dedévelopperceprincipe en fai-
sant observer que pour les obligations de cette catégorie, à la différence
des obligations sujettes a la protection diplomatique, «les Etats [ont]
tous un intérêjturidique a ce qulelle[s] soi[en]t respectée[s]»(C.I.J.
Recueil 1970, p. 32; les italiques sont de moi). Bien entendu, dans
l'affaire de laarcelona Traction, la Cour se prononçait sur des obliga-
tions dues erga omnes.
Dans cette affaire-la, la Cour a préciséque tous les Etats créanciers
d'une obligationont un intérêtjuridique au respect de cette obligation par
1'Etatqui en est le débiteur.Si donc l'Australie a, envers tous les Etats,
l'obligationergaomnesde respecter le droit à l'autodétermination,lePor-

tugal - en tant que puissance administrante du Timor oriental - et le
Timor oriental auraient un intérêtjuridique au respect de cette obligation.
L'affaire du Cameroun septentrional(C.I.J. Recueil 1963, p. 19, les
affaires du Sud-Ouest africain, exceptions préliminaires(C.I.J. Recueil
1962, p. 319) et celle du Sud-Ouest africain, deuxième phase (C.I.J.
Recueil 1966, p. 6), l'affaire desEssais nucléaires(Australie c. France)
(C.I.J. Recueil 1974, p. 253) et celle des Essais nucléaires(Nouvelle-
Zélandec. France) (ibid.,p. 457)'l'affairerelative au Personneldiploma-
tique et consulairedesEtats-Unis à Téhéran (C.I.J. Recueil 1980,p. 3) et
l'affaire relativeà des Actions armées frontalièreset transfrontalières
(Nicaragua c. Honduras), compétenceet recevabilité(C.I.J. Recueil
1988, p. 69) sont d'autres cas dans lesquels la Cour a eu à connaître
d'obligations erga omnes.

Bien que le principe de l'opposabilitéerga omnes semble ainsi avoir
fréquemmentjouéun rôle dans lajurisprudence récente dela Cour, il n'a
pas encorefait l'objet d'une décision définitivedlea part de cettedernière
quant a ses modalités d'application en cas de violation. Par exemple,
dans l'affaire du Cameroun septentrional,la question de savoir si un Etat
membre a qualité pour agir suite a une violation d'un droit opposable
erga omnes n'a pas été tranchéep ,uisque l'affaire a été rejetéeour des
motifs d'opportunité judiciaire.Le rejet des affaires du Sud-Ouest afri-conclusions regarding erga omnes obligations. The Nuclear Tests cases
did not pronounce on the erga omnes character of the rights of al1States
to be free from atmospheric nuclear tests.

It has thus happened that no Judgment of this Court thus far has
addressed the consequencesof violation of an ergaomnesobligation.The
present case, had it passed the jurisdictional stage, would have been just
such a case where the doctrine's practical effects would have been con-
sidered. Since this opinion proceeds on the basis that the merits must be
considered, it must advert to the consequences of violation of an erga
omnes obligation.
Al1the prior cases before this Court raised the question of duties owed
ergaomnes.That aspect is present in this case as well,for every State has

an erga omnesduty to recognize self-determination and, to that extent, if
Portugal's claim is correct, Australia is in breach of that general erga
omnes duty towards East Timor l.

However, this case has stressed the obverse aspect of rights opposable
erga omnes - namely, the right erga omnes of the people of East Timor
to the recognition of their self-determinationand permanent sovereignty
over their natural resources. The claim is based on the opposability of the
right to Australia.

In Barcelona Traction, the Court's observations regarding obligations
owed to the international community as a whole were not necessary to
the case before it. Yet, though its observations were obiter, the notion of
obligations erga omnes developed apace thereafter2.

The present case is one where quite clearly the consequences of the
erga omnes principle follow through to their logical conclusion - that
the obligation which is a corollary of the right may well have been con-

travened. This would lead, in my view, to the grant of judicial relief for
the violation of the right.
1 am conscious, in reaching this conclusion, that the violation of an
erga omnes right has not thus far been the basis of judicial relief before
this Court. Yet the principles are clear, and the need is manifest for a
recognition that the right, like al1rights, begets corresponding duties.

' For a recent survey of erga omnes asource of obligations generally, see Claudia
Annacker, "The Legal Régime ofErga Omnes Obligations in International Law", Aus-
trian Journal of Public andInternational Law, 1994,Vol. 46, pp. 131ff.

vidual or Collective Responses to Violations of Obligations Erga Omnes?", in Jost Del-
brück (ed.), The Future of InternationalLaw Enforcement: New Scenarios- New Law?,
1993,pp. 125 ff.cain lors de l'examen au fond, en 1966,n'a donnélieu à aucune conclu-
sion sur lesobligationsopposables ergaomnes. Les arrêts rendus dansles
affaires des Essais nucléairesne se sont pas prononcés sur le caractère
erga omnes du droit de tous les Etats à jouir de l'absence d'essaisnu-
cléairesdans l'atmosphère.
Aucun arrêtde la Cour n'a donc jusqu'à ce jour abordé les consé-
quences de la violation d'une obligationergaomnes. Sila présenteaffaire
avait dépasséle stade de la compétence,elle aurait précisément permis
que les effetspratiques de la théorie soientenvisagés.Puisque la présente
opinion part du principe que l'affaire devrait êtreexaminéeau fond,

elle doit traiter des conséquencesde la violation d'une obligation erga
omnes.
Toutes lesaffaires précédemmenp tortées devantla Cour ont soulevéla
question d'obligationsdues erga omnes. Cette question se retrouve dans
la présenteinstance, étantdonné que chaqueEtat a une obligation erga
omnes de reconnaître le droit à l'autodétermination et que, dans cette
mesure, si la demande du Portugal est fondée l'Australiea manqué à
cette obligation généraleerga omnes pour ce qui est du Timor oriental '.
Néanmoins, la présenteaffaire a mis en évidencele revers des droits
opposables à tous,à savoir le droit ergaomnesdu peuple du Timor orien-
tal à la reconnaissance de son droit à l'autodétermination et à la souve-

raineté permanente sur ses ressources naturelles. La demande est fondée
sur l'opposabilitéde ce droit à l'Australie.
Dans l'affaire de laarcelona Traction, il n'était pasnécessairepour la
Cour, dans le contexte de l'affaire portée devantelle, de faire des obser-
vations sur les obligationsdues à la communauté internationale dans son
ensemble. Cependant, bien que ses observations aient été faites à titre
d'obiter dicta, la notion d'obligation erga omnes s'est rapidement déve-
loppée par la suite2.
En la présenteaffaire, il est très clairque les conséquencesdu principe
de l'opposabilité erga omnes aboutissent à leur conclusion logique, a
savoir qu'il est possibleque l'obligation qui est le corollaire du droit ait

étéenfreinte. Par conséquent, àmon sens, la violation du droit en ques-
tion devrait donner lieu à l'octroi d'une réparation judiciaire.
En parvenant a cette conclusion, je suis conscient que la Cour n'a
jamais accordé jusqu'ici de réparation judiciaire pour la violation d'un
droit erga omnes. Cependant, les principes sont clairs, et il est manifes-
tement nécessairede reconnaître que ce droit, comme tous les autres,
engendre des obligations correspondantes.

'Pour une étude récente de l'opposabilitéerga omnes comme source générale
International Law», Austrian Journal of Public and International Law, 1994, vol. 46,
p. 131et suiv.
Voir Bruno Simma, «Does the UN Charter Provide an Adequate Legal Basis for
Individual or CollectiveResponses to Violations of Obligations Erga Omnes?», dans Jost
Delbrück (dir. publ.), Future of International Law Enforcement: New Sce-arios
New Law?, 1993,p. 125et suiv. The erga omnes concept has been at the door of this Court for many
years. A disregard of ergaomnes obligations makes a serious tear in the
web of international obligations, and the current state of international
law requires that violations of the concept be followed through to their
logical and legal conclusion.
Partly because the ergaomnesobligation has not thus far been the sub-
ject ofjudicial determination, it has been said that: "Viewed realistically,
the world of obligations erga omnesis stillthe world of the 'ought'rather

than the 'is'."l This case raises issues which bridge that gap.

1would end this paragraph as it began, by adopting the Court's pro-
nouncement on the erga omnes character of East Timor's right, and
1would follow that principle through to what 1have indicated to be its
logical and legal conclusion.

In the result, the obligations of Australia towards East Timor can be

shown to stem from a multiplicity of sources and juristic considerations.
Any one of them by itself would be sufficientto sustain these obligations
in law. Cumulatively,their weight is compelling.

Australia has submitted that there are reasons of judicial propriety, in
consideration of which the Court should not decide this case (Counter-
Memorial, para. 306).
Among the supportive reasons adduced are

(i) that there isno justiciabledisputein thiscase(ibid.,paras. 315-316) ;

(ii) that these proceedings are a misuse of the processes of the Court
(ibid.,paras. 306-316);

(iii) that the proceedings have an illegitimate object (Rejoinder,
paras. 155-166);
(iv) that the Judgment would serveno useful purpose in that it would
not promote the interests allegedlyrequiring protection (Counter-
Memorial, paras. 271-278) ;
(v) that the Court should not, in any event, giveajudgment which the
Court has no authority or ability to satisfy (Rejoinder,paras. 160-
166) ;and .-
(vi) that the Court is an inappropriate forum for the resolution of
the dispute (ibid., paras. 167-169) inasmuch as other United

l Simma, "Violations of Obligations Erga Omnes?", op. cp. 126.

130 La notion d'opposabilitéà tous est restéeau seuil de la Cour pendant
bien des années. L'inobservation d'obligations opposables erga omnes
provoque une déchirure grave dans le tissu des obligations internatio-
nales, et l'étatactuel du droit international exige qu'il soit donnéune
conclusion logique et juridique aux violations de ces obligations.
En partie parce que les obligations erga omnes n'ont pas jusqu'à ce
jour fait l'objet d'une décisionudiciaire, on a pu dire que: ((11faut bien
constater que le monde des obligations erga omnes est encore celui de la
((virtualité))plutôt que celuide la ((réalité.a présente instancesoulève
des questions qui aident à combler cette lacune.
Je terminerai le présent paragraphe commeje l'ai commencé,en sous-
crivant au prononcéde la Cour sur le caractère erga omnes du droit du
Timor oriental, et je conduirai ce principe jusqu'à ce que je considère

être,commeje l'ai indiqué,sa conclusion logique et juridique.

Cette concIusion est la suivante: on peut démontrer queles obligations
de l'Australie envers le Timor oriental découlent d'une multiplicité de
sources et de considérations juridiques. Chacune d'elles suffirait à elle
seule à fonder en droit ces obligations. Leur valeur cumulée estdécisive.

PARTIE E. L~~ EXCEPTIONS SOULEVÉES PAR L'AUSTRALIE
DU CHEF DE L'OPPORTUNITÉ JUDICIAIRE

L'Australie a soutenu qu'il est d'autres raisons relevant de l'opportu-
nitéjudiciairepour lesquellesla Cour ne devrait pas seprononcer dans la
présenteaffaire (contre-mémoire,par. 306).
Au nombre des raisons invoquées figurentles suivantes:

i) il n'y aurait pas en l'espècede différend justiciable(ibid., par.315-
316);
ii) le Portugal utiliserait mauvais escient les procédures de la Cour
(ibid., par. 306-316);
iii) l'objet dela demande portugaise serait illégitime(duplique, par. 155-
166) ;
iv) l'arrêt serait sans objetcar il ne favoriserait pas les intérdont on

allèguequ'ils doivent êtreprotégés (contre-mémoire,par. 271-278);

v) en tout étatde cause, la Cour ne devrait pas rendre un arrêtqui, faute
de pouvoir ou de compétence,ne pourrait êtreexécuté(duplique,
par. 160-166);
vi) la Cour ne serait pas l'instance appropriée pour le règlementdu dif-
férend (ibid.,par. 167-169) dans la mesure où d'autres organes de

'Simma, «Violations of Obligations Erga Omnesn, op. cit., p. 126. Nations organs have assumed responsibility for negotiating a
settlement of the East Timor question (Counter-Memorial,
paras. 288-297).

(i) Absence of ajusticiable dispute

The Court has held that there is in fact a justiciable dispute in this case
and 1respectfully concur in that finding.

(ii) Misuse of the process of the Court

Australia has argued that this case is:

"a sham - a blatant artifice, by which, under the guise of attacking
Australia's capacityto conclude the Treaty, in reality Portugal seeks
to deprive Indonesia of the benefits of its control over East Timor"
(CR 9511 1, pp. 47-48).

This contention is linked to Australia's submissionthat there is in reality
no dispute in this case. If there is indeed a justiciable dispute, as the
Court has held, the resort to the processes of the Court for resolution is
right and proper, for it is for the resolution ofjusticiable disputes that the
Court exists.
Moreover, if the expression "administering Power" has any meaning, it
means a comrnitment to the solemn duties associated with the "sacred
trust" on behalf of the people of East Timor. As pointed out earlier in
this opinion, Portugal would be in violation of that basic obligation if,
while being the administering Power, and while claiming to be such, it
has failed to take such action as was available to it in law for protecting
the rights of the people of East Timor in relation to their rights which are

dealt with under the Treaty. This case involvesno lessthan the assertion,
on behalf of a Territory that has no locusstandi before the Court, of the
denial of two rights which are considered fundamental under modern
international law. Whatever be the result, this is eminently a justiciable
dispute, brought before an appropriate forum.

(iii) The Judgrnent wouldnot serve any legitimate object

Under this head, Australia argues that ajudgrnent in Portugal's favour
cannot fulfilany legitimate object inasmuch as the Court cannot require
Australia to breach valid treaty obligations owed to third States, and
judgment for Portugal would deny Australia's abilityto protect its sov-
ereign rights (Counter-Memorial, paras. 269-286).These have been suf-
ficientlyanswered in the course of this opinion. It was also suggested at

various stages of the case that Portugal's objectives includedthe gaining
of benefits for itself as the former colonial power. It has been indicated
elsewhere in this opinion that whatever Portugal gains from these pro- l'organisation des Nations Unies auraient assuméla responsabilité
de négocierun règlement dela question du Timor oriental (contre-

mémoire,par. 288-297).

i) Absence de différendjusticiable

La Cour a conclu qu'il y avait bel et bien un différend justiciable en
l'espèceet je partage respectueusement cette conclusion.

ii) Utilisation desprocédures dela Cour à mauvais escienl

L'Australie a soutenu que, dans cette affaire, il s'agissait:

«d'un trompe-l'oeil - un artifice flagrant par lequel, sous prétexte
d'attaquer la capacitéde l'Australie à conclure le traité,le Portugal
cherche en réalité à priver l'Indonésie desbénéfices de son autorité
sur le Timor oriental)) (CR 95111, p. 47-48).

Cet argument s'inscrit dans la thèse plus générale de l'Australie, selon
laquelle il n'y aurait en fait aucun différend enl'espèce.Or, s'ilexiste un
différend justiciable, commela Cour l'a maintenu, il est alors justifiéet
appropriéde le porter devant la Cour, puisque la raison d'être de celle-ci
est précisément detrancher les différendsjusticiables.
Qui plus est, si l'expression((puissancedministrante)) a un sens, c'est
l'engagement de cette puissance à s'acquitter des obligations solennelles
qui lui incombent en vertu de la ((mission sacrée))dont elle est investie
pour le compte du peuple du Timor oriental. Comme je l'ai fait observer

auparavant, le Portugal aurait violécette obligation fondamentale si, en
sa qualitéde puissance administrante et tout en revendiquant cette qua-
lité,il s'était abstenude prendre les mesures juridiques qui s'offraientà
lui pour protégerlesdroits du peuple du Timor oriental viséspar le traité.
Ce qui est en jeu en l'instance n'est rien de moins que l'affirmation, au
nom d'un territoire n'ayant pas qualitépour agir devant la Cour, de la
violation de deux droits considérés comme fondamentaux en droit inter-
national moderne. Quellequ'en soitl'issue,il y a là un différendéminem-
ment justiciable, porté devant l'instance appropriée.

iii)L'arrêtserait sans objet Iégitime

A ce titre, l'Australie soutient qu'un arrêten faveur du Portugal serait
sans objet légitimedans la mesure où la Cour ne saurait demander à
l'Australie de ne pas respecter des obligations conventionnelles validesà
l'égardd7Etats tiers et où un arrêten faveur du Portugal empêcherait
l'Australie de protégerses droits souverains (contre-mémoire, par. 269-
286). Il a été amplement répondu à ces arguments dans la présente
opinion. L'Australie a dit également, à divers stades de l'affaire, quele
Portugal cherchait notamment àobtenir des avantages en tant qu'ancienne
puissancecoloniale. Il a étdémontrédans d'autresparties de cette opinionceedings willbe held strictly for the benefit of the people of East Timor,
and under United Nations supervision.

(iv) The Judgment would serveno usefulpurpose in that it wouldnotpro-
mote the interests of East Timor

Portugal has submitted that a judgment in Portugal's favour would
serve the useful purpose of conserving the rights of the people of East
Timor.
Australia submits, on the other hand, that :

"Faced with a situation such as postulated by Portugal, both Aus-
tralia and Indonesia are likely unilaterally to exploit the area, with-
out the Treaty, avoiding jurisdictional conflicts on a purely prag-
matic basis." (Rejoinder, para. 160.)

Australia also submits that the Treaty is potentially more beneficialto
the people of East Timor, "provided Indonesia passes on an equitable

part of the benefitsto the people" (ibid.). The qualification introduced to
this proposition goes to the crux of the matter. One does not know
whether, when or how this will occur.
To dismiss this claim on the basis that, in any event, an equitable part
of the benefits derived by a third country will somehow be passed on to
the people does not answer the concerns which lieat the root of the prin-
ciples of self-determinationand permanent sovereignty.
In its Rejoinder, Australia States:

"No matter how hard Portugal emphasizes its alleged forma1
status and responsibilities, it givesno indication of how a judgment
in its favour will make one iota of difference to the rights of the
East Timorese over their offshore resources. Those rights, as wellas
Australia's, will continue. No judgment of this Court can affect
them, given the limited issue which Portugal asks the Court to
adjudge." (Para. 162; emphasis in original.)

It is somewhat difficult to understand this passage, for the judgment
sought by Portugal is not merely a judgment affirming the rights of East
Timor to self-determinationand permanent sovereignty over its natural
resources, but one which holds, in relation to those rights, that they are
opposable to Australia, and that they have been infringed by Australia in
entering into the Timor Gap Treaty. Such a judgment, had it been
obtained, would not have been without legal consequences.
In Northern Cameroons, the adjudication sought would have been
devoid of any purpose. It concerned a dispute about the interpretation
and application of a treaty which was no longer in force and in which
there could be no opportunity for a future act of interpretation or appli-que tout avantage que le Portugal pourrait retirer de cette instance
serait conservé strictementdans l'intérêtu peuple du Timor oriental, et
sous le contrôle de l'organisation des Nations Unies.

iv) L'arrêtdemandén'auraitaucun effet utile car ilnefavoriserait pas les
intérêtdsu Timor oriental

Le Portugal a soutenu qu'un arrêt renduen sa faveur aurait l'effetutile
de préserverles droits du peuple du Timor oriental.

L'Australie prétendau contraire que:

«Face à une situation telle que l'envisagele Portugal, il est pro-
bable que tant l'Australie que l'Indonésie exploiterontle secteur de
manière unilatérale, enfaisant abstraction du traitéet en évitantles
conflitsde souverainetédefaçon purement pragmatique. »(Duplique,
par. 160.)
L'Australie prétendpar ailleurs que le traitéest potentiellement beau-

coup plus avantageux pour lepeuple du Timor oriental, «à condition que
l'Indonésie transfère unepartie équitable desbénéfices à la population))
(ibid.). Cette réserveva au cŒurdu problème. On ignoretout, en effet,de
cet hypothétiquetransfert et de ses éventuellesmodalités.
Le rejet decet argument au motif que, de toute façon, une part équitable
des bénéficeosbtenus par un pays tiers reviendra d'une manière ou d'une
autre àla population ne répond pas aux préoccupations qui sont à la base
des principes de l'autodéterminationet de la souverainetépermanente.
Dans sa duplique, l'Australie déclare:

«Quelle que soit la vigueur avec laquelle le Portugal souligne ce
qu'il prétendêtre sonstatut et ses responsabilitésformels, il n'in-
dique nullement en quoi l'obtention d'un arrêten sa faveur modifiera
le moins du monde les droits du peuple du Timor oriental sur ses
ressources au large de ses côtes. Ces droits, comme ceux de 1'Aus-
tralie, persisteront. Aucun arrêtde la Cour ne pourra lesaffecter, vu
la question limitéesur laquelle lePortugal demandeà la Cour de sta-
tuer. (Par. 162; les italiques sont dans l'original.)

Ce passage se comprend difficilement. En effet, l'arrêt quedemande le
Portugal consisterait non pas en une simple affirmation des droits du
peuple du Timor oriental àl'autodéterminationet à la souveraineté per-
manente sur sesressourcesnaturelles, mais en une décisionconcluantque
ces droits sont opposables à l'Australie et que celle-ci, en concluant le
traitérelatif au «Timor Gap», les a violés.Cet arrêt,s'ilavait étrendu,
n'aurait pas étésans conséquencesjuridiques.
Dans l'affaire du Cameroun septentrional, la décision demandée
n'aurait servi aucune fin. Elle portait en effet sur un différend relatif

l'interprétationetà l'application d'un traitéqui n'était plus en vigueuret
il n'y avait plus aucune possibilitéque ce traitéfàtl'avenir l'objetd'uncation of that treaty in accordance with any judgment the Court might
render (I.C.J. Reports 1963, p. 37).In that case, if the Court made a dec-
laration after the termination of the trusteeship agreement, it would have
no continuing applicability. In the words of a recent treatise, the distinc-
tion between Northern Cameroonsand the present case was noted as fol-
lows :

"In Northern Cameroons the Court did not proceed to the merits
of the case because its judgment could have had no practical effect
and would have had no impact upon existinglegal rights or obliga-
tions. To give a judgment under the circumstances would not have
accorded with the judicial function; Case Concerning the Northern
Cameroons (Cameroon v. United Kingdom), Preliminary Objections,
1963ICJ Rep. 15(Judgment of 2 Dec. 1963).In the East Timor case
this limitation does not appear to apply."'

The judgment sought here is in respect not of a defunct treaty but of
two basic international obligations which are very much a part of current
law. It cannot be said that there will beno opportunities for any future
application of those principles to the rights of the East Timorese people.
The Northern Cameroons case is thus clearly distinguishable.

(v) The Court should not give a judgment which it has no authority or
ability to satisfy

The Court, by its very constitution, lacks the means of enforcement
and is not to be deterred from pronouncing upon the proper legal deter-
mination of a dispute it would othenvise have decided, merely because,
for political or other reasons, that determination is unlikely to be imple-
mented. The raison d'êtreof the Court's jurisdiction is adjudication and
clarification of thelaw, not enforcement and implementation. The very
fact that a justiciable dispute has been duly determined judicially can
itself have a practical value which cannot be anticipated, and the conse-
quences of which may wellreach into the area of practicalities. Those are
matters beyond the purview of the Court, which must discharge its
proper judicial functions irrespective of questions of enforceability and

execution, which are not its province.

(vi) Is the Court an inappropriateforum?
The fact that other United Nations organs are seisedof the same mat-

ter and may be considering it is no basis for a suggestion that the Court
should not consider that matter to the extent that is proper within the
limits of itsjurisdiction. This matter does not need elaboration in viewof

'C. Chinkin, ThirdParties in InternationalLaw, 1993,p. 211,footnote 105acte d'interprétation ou d'application conforme à un jugement rendu par
la Cour (C.I.J. Recueil 1963,p. 37).Dans cette affaire-là, si la Cour avait
prononcéunjugement déclaratoireaprèsl'extinction del'accord detutelle,
il n'aurait pas étéapplicable pour l'avenir. Dans un ouvrage récent, la
distinctionentre l'affairedu Cameroun septentrionalet la présenteaffaire
a étéanalyséecomme suit:

«Dans l'affaire du Camerounseptentrional,la Cour n'a pas abordé
le fond de l'affaire, car sa décisionne pouvait produire aucun effet
pratique et n'aurait eu aucune incidencesur des droits ou obligations
existants.Il n'aurait pas étéconforme à la fonction judiciaire de ren-
dre un arrêten pareilles circonstances(affaire du Cameroun septen-
trional (Cameroun c. Royaume-Uni), exceptionspréliminaires,arrêt
du 2 décembre1963, C.I.J. Recueil 1963,p. 15). Dans l'affaire du
Timor oriental, cette restriction ne paraît pas s'appliquer'»

L'arrêt demandé en l'espèce nese rapporte pas à un traité éteint,mais
à deux obligationsinternationales fondamentalesqui font bel et bien par-
tie du droit en vigueur. On ne peut pas dire qu'il n'y aura aucune occa-
sion d'appliquer ces principes à l'avenir aux droits du peuple du Timor
oriental. L'affaire du Cameroun septentrionalest donc nettement diffé-
rente.

v) La Courne devraitpas rendreun arrêt done tlle n'ani lepouvoir ni la
capacité d'assurerIéxécution

La Cour, de par sa constitution même, nepossède pas de moyens
d'exécutionet ne doit pas se laisser dissuader de prononcer une décision
appropriéeen droit sur un différend qu'ellecroit devoir trancher simple-
ment parce que, pour des raisons politiques ou autres, sa décision risque
de ne pas êtreexécutée. Laraison d'êtrede la compétence dela Cour est

dejuger et de clarifier le droit, non pas d'exécuteret de mettre en Œuvre.
Le fait mêmequ'un différend justiciable ait dûment fait l'objet d'une
décisionjudiciaire peut avoir en soi une valeur pratique que l'on ne sau-
rait prévoir et dont les conséquences peuvent s'étendre à des domaines
concrets. Ce sont là des questions qui ne relèventpas de la Cour, qui doit
s'acquitter des fonctions judiciaires qui sont les siennesindépendamment
des questions de force exécutoireou d'application qui ne sont pas de son
ressort.

vi) La Cour est-elle l'instanceappropriée ?

Le fait que d'autres organesdes Nations Unies soient saisisde la même
question et soient peut-êtreen train de l'examinerne permet pas de sou-
tenir que la Cour ne doit pas examiner l'affaire, dans la mesure appro-
priéeeu égard auxlimitesde sa compétence. 11n'ya pas lieu d'insistersur

'C. Chinkin, Third Parties in InternLaw,n1993,p. 211,note 105.the extensivecase-lawupon the subject.Each organ ofthe United Nations

has its own allotted responsibility in its appropriate area. A matter for
adjudication under the judicial function of the Court within its proper
sphere of competence is not to be considered extraneous to the Court's
concerns merely because political results may flow from it or because
another organ of the United Nations is examining it from the standpoint
of its own area of authority. As the late Judge Lachs observed with his
customary clarity in the Lockerbie case, the Court is

"the guardian of legalityfor the international comrnunity as a whole,
both within and without the United Nations. One may therefore

legitimately suppose that the intention of the founders was not to
encourage a blinkered parallelism of functions but a fruitful inter-
action." (Questions of Interpretation and Application of the 1971
Montreal Convention arisingfrom the Aerial Incident at Lockerbie,
Provisional Measures (Libyan Arab Jamahiriya v. United States
of America), Order of 14 April 1992, I.C.J. Reports 1992, p. 138;
separate opinion.)

The Australian submission that other organs of the United Nations
have assumed responsibility for negotiating a settlement of the East
Timor question (Counter-Memorial, paras. 288 et seq.) does not absolve
the Court of its own responsibility within its own allotted area.

Moreover, this is not a case, as indicated earlier in this opinion, which
opens out a full range of enquiry into al1the rnilitary, diplomatic and
political nuances of the East Timor situation. Since this is not so, the
Australian submission that the case isunsuitable for adjudication in these
proceedings (see Counter-Memorial, paras. 298-300)must fail.

The complementarity of the various organs of the United Nations, al1
pursuing in their different ways the Purposes of the Organization to
which they belong, requires each organ, within its appropriate and legiti-
mate sphere of authority, to further those mirposes in the manner appro-
priate to its constitution. This Court, properly seisedof a justiciable dis-
pute within its legitimate sphere of authority, does not abdicate its
judicial responsibilities merely because of the pendency of the matter in
another forum.

A. 1 concur in the Court's finding that there is a justiciable dispute
between the Parties.
B. 1concur with the Court in its reaffirmation of the importance of the
principle of self-determination.ce point, compte tenu de l'abondante jurisprudence àcet égard.Chaque
organe de l'organisation des Nations Unies s'est vuattribuer des respon-
sabilités,dans le secteur qui est le sien.Une affaire soumisela décision
de la Cour dans l'exercicede sa fonction judiciaire et dans le domaine de
sa compétencepropre ne doit pas êtreconsidérée comme étrangère à ses
préoccupations, simplement parceque des conséquencespolitiquespour-
raient en résulter, ou parce qu'un autre organe de l'Organisation des
Nations Unies l'examine dans le cadre de son propre domaine de com-
pétence.Avec la clarté quilui étaithabituelle, M. Lachs a fait observer
dans l'affaire deLockerbie que la Cour est

«la gardienne de la légalitpour la communautéinternationale dans
son ensemble,tant à l'intérieur qu'en dehorsdu cadre de l'organisa-
tion des Nations Unies. L'on peut donc légitimementsupposer que
l'intention des fondateurs n'était pas d'encouragercesorganes exer-
cerleursfonctionsparallèlement commeavecdes Œillèresm , ais plutôt
d'avoir entre eux une interaction fructueuse.(Questions d'interpré-
tation et d'application dela convention deMontréalde 1971résultant
del'incidentaériende Lockerbie (Jamahiriya arabe libyennec. Etats-
Unis d'Amérique), mesures conservatoires, ordonnancedu 14 avril
1992, C.Z.J. Recueil 1992, p. 138,opinion individuelle.)

L'Australie allèguequed'autres organes de l'Organisation desNations
Unies ont assumé laresponsabilitéde négocierun règlementde la question
du Timor oriental (contre-mémoire,par. 288 et suiv.),mais cela ne relève
pas la Cour de sa responsabilitépropre dans le domaine qui est le sien.
De surcroît, commeje l'ai déjà indiquél,a présente affairen'est pas de
cellesqui appelleraientune enquêteminutieuse sur toutes lesnuances mili-
taires, diplomatiques et politiques de la situation du Timor oriental. Par
conséquent,la conclusionaustralienne selon laquelle l'objet dudifférendle
rend impropre à une décision judiciairedans la présente instance(voir

contre-mémoire,par. 298-300)ne saurait être retenue.
Le principe de complémentarité des organes del'organisation des
Nations Unies, en vertu duquel chacun d'eux cherche à atteindre par ses
moyens propres lesbuts del'organisation dont ilsfont tous partie, oblige
chaque organe à poursuivre ces buts de la manière adaptée à sa propre
constitution et dans le cadre de son mandat légitime etapproprié.Etant
régulièrementsaisie d'un différend justiciabledans le cadre de ses com-
pétences, laCour ne saurait renoncer à exercer ses fonctions judiciaires
simplementparce qu'un autre organe est égalementsaiside l'affairedont
elle aà connaître.

A. Je partage la conclusion de la Cour selon laquelle il existe belet bien
un différend justiciableentre les deux Parties.
B. Je suis d'accord avec la Cour lorsqu'elle réaffirme l'importancedu
principe de l'autodétermination.C. The Applicant has the necessaryjus standi to maintain this action,
and isunder a duty under international law to take necessary steps to
conservethe rights of the people of East Timor. Any benefitsobtained
by such action will be held strictly for the people of East Timor.

D. The various objections based on judicial propriety must be rejected.

E. This Application is maintainable in the absence of a third State for
the following reasons :

(i) East Timor is a non-self-governing territory recognized as
such by the General Assembly and the Security Council, and
acknowledged by the Respondent to be still of that status.
(ii)Since East Timor is a non-self-governing territory, its people
are unquestionably entitled to the right to self-determination.

(iii) The right to self-determinationconstitutes a fundamental nom
of contemporary international law, binding on al1States.

(iv) The right to permanent sovereignty over natural resources is a
basic constituent of the right to self-determination.

(v) The rights to self-determination and permanent sovereignty
over natural resources are recognized as rights erga omnes,
under well-establishedprinciples of international law, and are
recognized as such by the Respondent.
(vi) An erga omnes right generates a corresponding duty in al1
States, which duty, in case of non-compliance or breach, can
be the subject of a claimfor redress against the State so acting.

(vii) The duty thus generated in al1 States includes the duty to
recognize and respect those rights. Implicit in such recogni-
tion and respect is the duty not to act in any manner that will
in effect deny those rights or impair their exercise.
(viii) The duty to recognize and respect those rights is an over-
arching general duty, binding upon al1 States, and is not
restricted to particular or specific directions or prohibitions
issued by the United Nations.
(ix) The Respondent has entered into a treaty with another State,
dealing with a valuable, non-renewable natural resource of
East Timor for an initial period of 40 years, subject to 20-year
extensions.
(x) The Respondent has in the Treaty expressly acknowledged
and accepted East Timor's incorporation in that other State as
a province of that State.

(xi) That other Statehas at no time been recognizedby the United
Nations as having any authority over the non-self-governingC. Le demandeur a qualitépour introduire l'instance; de plus, il a, en
droit international, l'obligation de prendre les mesures nécessaires
pour préserverles droits du peuple du Timor oriental. Tout avantage
qui pourrait lui revenir du fait de la présente instance sera conservé
strictement pour le peuple du Timor oriental.
D. Toutes les exceptions fondéessur l'opportunitéjudiciaire doivent être
rejetées.
E. La présenterequête peut être soutenue en l'absence d'un Etat tiers,
aux motifs suivants :

i) Le Timor oriental est un territoire non autonome reconnu
comme tel par l'Assembléegénéraleet le Conseil de sécurité,
statut que lui reconnaît le défendeur.
ii) Du fait que le Timor oriental est un territoire non autonome,
son peuple est incontestablement titulaire du droit à l'auto-
détermination.
iii) Le droità l'autodétermination constitueune norme fondamen-
tale du droit international contemporain, obligatoirepour tous
les Etats.
iv) Le droit à la souverainetépermanente sur les ressources natu-
relles est un élémentfondamental du droit à l'autodétermina-
tion.
v) Selondesprincipes bien établisdu droit international, lesdroits

à l'autodétermination et à la souverainetépermanente sur les
ressourcesnaturellessont opposables ergaomnes,ceque recon-
naît le défendeur.
vi) Un droit opposable erga omnes créepour tous les Etats une
obligation correspondante, dont l'inexécutionou la violation
peut donner lieu à une demande en réparation à l'encontre de
1'Etatauquel l'inexécutionou la violation serait imputable.
vii) L'obligation ainsi crééepour tous les Etats comporte l'obliga-
tion de reconnaître et de respecter cesdroits, c'est-à-dire,impli-
citement,de ne pas agir d'une manièresusceptible,dans la pra-
tique, de nier ces droits ou d'en compromettre l'exercice.
viii) L'obligation de reconnaître et de respecter ces droits est géné-
rale et globale, contraignante pour tous les Etats. Elle ne se

limite pas aux injonctions ou interdictionsparticulièresou spé-
cifiquesde l'Organisation des Nations Unies.
ix) Le défendeura conclu avecun autre Etat un traité.Dortant sur
une ressource naturelle précieuseet non renouvelable du Timor
oriental, pour une période initialede quarante ans avec renou-
vellement éventuelpour des périodesde vingt ans.
x) Dans le traité,le défendeura expressémentreconnu et accepté
l'incorporation du Timor oriental dans cet autre Etat comme
province dudit Etat.
xi) A aucun moment cet autre Etat n'a étéreconnu par l'organisa-
tion des Nations Unies comme ayant la moindre autoritésur le Territory of East Timor, or as having displaced the adminis-
tering Power duly recognized by the General Assembly and
the Security Council.
(xii) The Treaty thus entered into has the potential to deplete or
evenexhaust this non-renewable and valuable resource of East

Timor.
(xiii) The Treaty makes no provision conserving the rights of the
people of East Timor, or providing for the eventuality that,
after exercisingtheir right to self-determination, the people of
East Timor may choose to repudiate the Treaty.
(xiv) Neither the people of that Territory, nor their duly recognized
administering Power, have been consulted in regard to the said
Treaty.
(xv) The Treaty has been entered into by the Respondent and
another State "for the mutual benefit of their peoples in the
development of the resources of the area" with no mention of
any benefits for the people of East Timor from the valuable

natural resource belonging to them.
(xvi) the Respondent's individual actions :
(a) in entering into the said Treaty;
(b) in expressly acknowledging the incorporation of East
Timor into another State;

(c) in being party to an arrangement dealing with the non-
renewable resources of East Timor in a manner likely to
cause their serious depletion or exhaustion;
(d) in being party to an arrangement dealing with the non-
renewable resources of East Timor without consultation
with the people of East Timor, or their duly recognized
representative;
(e) in being party to an arrangement which makes no men-
tion of the rights of the people of East Timor, but only of
the peoples of Australia and Indonesia; and
(f) in taking steps for the implementation of the Treaty

raise substantial doubts regarding their compatibility with

(a) the rights of the people of East Timor to self-determi-
nation and permanent sovereignty over their natural
resources;
(b) the Respondent'sexpressacknowledgmentof those rights;
(c) the Respondent's obligations, correlativeto East Timor's
rights, to recognize and respect those rights, and not to
act in such a manner as to impair those rights;
(d) the Respondent's obligations under relevant resolutions
of the General Assembly and the Security Council.

(xvii) The circumstance that a judgment of this Court against a
party may have effectsupon an absent State does not by itself, Territoire non autonome du Timor oriental ou comme ayant
supplanté la puissance administrante dûment reconnue par
l'Assembléegénérale et le Conseil de sécurité.
xii) Le traitéainsi conclu pourrait entraîner l'épuisementpartiel ou
mêmetotal de cette ressource précieuseet non renouvelabledu
Timor oriental.

xiii) Le traiténe préservepas les droits du peuple du Timor oriental
et ne comporte aucune mesure pour le cas où ce peuple choisi-
rait de dénoncerle traité après avoirexercéson droit à l'auto-
détermination.
xiv) Ni le peuple de ce territoire ni la puissance administrante
dûment reconnue n'ont étéconsultés à propos dudit traité.

xv) Le traité a été conclupar le défendeuret un autre Etat «à
l'avantage mutuel de leurs peuples dans la mise en valeur des
ressources du secteur)),sans prévoir pour le peuple du Timor
oriental le moindre avantage découlant de la ressource natu-

relle précieusequi lui appartient.
xvi) Les agissements individuels du défendeur:
a) en concluant ledit traité;
b) en reconnaissant expressémentl'incorporation du Timor
oriental dans un autre Etat;
c) en étantpartie à un arrangement relatif aux ressources non

renouvelables du Timor oriental susceptibled'entraîner leur
épuisementpartiel ou total;
d) en étantpartie à un arrangement relatif aux ressources non
renouvelables du Timor oriental pour lequel n'ont été
consultésni le peuple du Territoire ni ses représentants
dûment reconnus ;
e) en étantpartie à un arrangement qui passe sous silenceles
droits du peuple du Timor oriental et ne viseque des droits
des peuples australien et indonésien;
f) en prenant des mesures de mise en Œuvredu traité,

suscitent de sérieuxdoutes quant à leur compatibilitéavec

a) les droits du peuple du Timor oriental à l'autodétermina-
tion et à la souveraineté permanente sur ses ressources
naturelles;
b) la reconnaissance expresse de ces droits par le défendeur;
c) les obligations du défendeur, correspondant aux droits du
Timor oriental, de reconnaître et respecter ces droits et de
ne pas agir de manière à les compromettre;
d) les obligations du défendeuren application des résolutions
pertinentes de l'Assemblée généraeltedu Conseilde sécurité.

xvii) Selon la jurisprudence bien établie de la Cour, le fait qu'un
arrêtpuisse produire des effets à l'égardd'un tiers absent ne according to the settled jurisprudence of this Court, deprive
the Court of jurisdiction to make an order against a party
which is in fact present before it.
(xviii) The claim against the Respondent can be determined on the
basis of:

(a) the Respondent's individual obligations under interna-
tional law;
(b) the Respondent's individualactions; and
(c) the principle of a State's individualresponsibility under
international law for its individualactions

without any need for an examination of theconduct of another
State.
F. Sincethe conclusions set out above can be reached upon the basis of
the unilateral acts of the Respondent, without any necessityto inves-
tigate or pronounce upon the conduct of a third State, the case of

Monetary Goldis not relevant to a determination of this case.
G. Were it necessaryto consider the case of Monetary Gold,the facts of
that case are clearly distinguishable from those in the present case.
Consequently, that decision is inapplicable.

My conclusion therefore is that the Application before the Court is
within the Court's competence to determine, and that the objection based
upon the absence of a third State should have been overruled and the
case proceeded with to a final determination. The materials necessary for
that determination were before the Court, as they were inextricably
linked with the preliminary issue of jurisdiction.

(Signed) Christopher Gregory WEERAMANTRY. suffitpas en soià priver la Cour de la compétencepour statuer
contre une partie effectivementprésente à l'instance.

xviii) Il peut être statué surla requêtesur la base:

a) des obligations individuellesdu défendeur en vertudu droit
international ;
b) des agissements individuelsde celui-ci;
c) du principe de la responsabilité individuellede 17Etatpour

sespropres actes au regard du droit international,
sans qu'il n'y ait lieu d'examiner le comportement d'un Etat
tiers.

F. Vu que les conclusions qui précèdentse fondent sur les actes unilaté-
raux du défendeur et n'obligent nullement la Cour à examiner ou
juger lecomportement d'un Etat tiers, il n'estpas pertinent en l'espèce
d'invoquer l'affaire del'Or monétaire.
G. A supposer qu'il soit nécessaire d'examiner l'affairede l'Or moné-
taire, les faits propres celle-ci se distinguent nettement de ceux de
l'espèce.Par conséquent, cette décisionest inapplicable.

Je conclus donc que la Cour est compétentepour statuer sur la requête
dont elle est saisie, que l'exception fondéesur l'absence d'un Etat tiers
aurait dû êtrerejetéeet que l'instance aurait dû se poursuivre de manière
à ce qu'ilpuisse être statué. u fait qu'ellesétaient inextricablementliées
à la question préliminaire de la compétence,toutes les pièces dont la
Cour avait besoin pour statuer étaientdevant elle.

(Signé) Christopher Gregory WEERAMANTRY.

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Opinion dissidente de M. Weeramantry (traduction)

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