Opinion dissidente de M. Sette-Camara (traduction)

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083-19940203-JUD-01-04-EN
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OPINION DISSIDENTE DE M. SETTE-CAMARA

(Traduction]

Je regrette de ne pas avoir pu partager le point de vue de la majoritéde
la Cour tel qu'il s'est exprimé dans le présent arrêten ce qui concerne
l'appréciation des fait:,, les motifs et les conclusions, et me sens donc tenu

d'expliquer pourquoi je vois les choses différemment.
La zone en litige e:stcelle dite des ((confins Libye-Tchad)), limitéeau
nord-est par la ligne est-sud-est de la convention franco-britannique du
8 septembre 1919,au sud par le parallèle 15"de latitude nord, à l'ouest par
le 24" méridien est età l'est par le 16'méridienest. Elle couvre une super-
ficie de quelque 530000 kilomètres carréset englobe le Borkou-Ounianga,
1'Ennedi et le Tibesti, que le Tchad désigne sous l'appellation BET (le

nord Kanem étant exclu). Sa population est inférieure iicent mille habi-
tants, alors que celle du Tchad, y compris le BET, est de cinq millions
quatre cent mille habitants. Les Tchadiens y représentent deux pour cent
de la population locale; la régionest pauvre, stérileet inhospitalière.
En dépit du caractère désertique de cette zone, que pour la commodité
de l'exposénous continuerons d'appeler les confins, ilne s'estjamais agi

d'une terranulliussusiseptible d'être occupée en vertu du droit internatio-
nal. IIy a accord des deux Parties sur ce point, dans le droit fil de la con-
clusion analogue de la Cour dans l'affaire du Sahara occidentul. Le terri-
toire était occupé par des tribus autochtones et des confédérations de
tribus. souvent organisées sous l'autoritéde l'Ordre senoussi. En outre, il
était soumis à la souveraineté distante et relâchéede l'Empire ottoman,

qui marquait sa présencepar une délégationde pouvoirs à la population
locale.
Tel était le contexte du différend: la présencehumaine, avant qu'il ne
survienne, était le fait des peuples autochtones et de la Sublime Porte.
Bien que les gouvernements des grandes puissances européennes se
soient employés à morceler l'Afrique pour satisfaire leurs viséescolo-

niales, ils ne sont pas allésau-delà d'une répartition de futu-es sphères
ou zones d'influence, puisque l'absence de terra nullius ex~iuait toute
possibilité d'occupation, hormis une conquête pure et simple par des
forces armées.
Le fait est. d'une part, que la première incursion française au-delà de la
frontière &"facto convenue avec les Ottomans n'eut lieu qu'au cours de

l'année suivant le traité d'Ouchy de 1912,lequel mit fin à la guerre entre
l'Italie et l'Empire ottoman. En 1913, la France n'avait pas encore achevé
son action militaire clans les confins. Et avant 1919 il n'existait aucune
structure pouvant s'apparenter à une administration civile. En ce qui
concerne le Tibesti, il ne fut pas mêmemilitairement occupéavant 1930,
la France s'en étant retiréeen 1916. De toute façon, mêmela présencemilitaire française de 1913 à 1919 ne s'étenditpas au nord de la ligne
strictement sud-est.
D'autre part, l'Italie, malgré ses ambitions déja anciennes en Cyré-
naïque et en Tripolitaine - qui firent l'objet d'arrangements secrets avec

la France en 1900et 1902 - n'eut en fait jusqu'en 1911 aucune emprise
réellesur quelque territoire que ce fût en Afrique du Nord.
En conséquence,l'ensemble de cette région relevaitde la souveraineté
de la Porte qui revendiquait en outre, au titre d'hinterland tripolitain, de
vastes territoires au sud couvrant la plus grande partie de ce qui est
aujourd'hui le Tchad!. Lespuissances coloniales ont contestéla doctrine
de l'hinterland, en y ayant toutefois recours quand elle cadrait avec leurs
intérêts (exemples:hinterlands algérienet égyptien).Mais hormis l'hin-
terland, lasouverainetéde l'Empire ottoman sur la zone faisant l'objet du
présentlitige étaitinirontestable. Ainsi, le titre historique sur la région a
d'abord appartenu aux peuples autochtones, tribus et confédérationsde

tribus, parfois organiséssous l'égidede l'Ordre senoussi,et il a finalement
ététransmis à l'Empire ottoman, avant que les puissances coloniales ne
~énètrentdans cette zone.
Les puissances coloniales ne tardérent cependant pas à réaliserleurs
desseins sur le continent africain. Les politiques ambitieuses de la France
visaientà réunirles t'erritoiresfrançais du nord, de l'ouest et du centre de
l'Afrique et à relier l'océanAtlantique et la mer Rouge par une bande
continue de territoires sous domination française. La France avait déja
conquis l'Algérie à l'issued'une longue guerre (1830-1871)et, par le traité
du Bardo de mai 188 1,la Tunisie étaitdevenue protectorat français. Pour
sa part, la Grande-Bretagne avait occupé 1'Egypteen 1882 et en avait
fait un protectorat, ;il'encontre des vŒuxde la France qui s'intéressait

traditionnellement à 1'Egypte. Les deux puissances coloniales se dispu-
taient aussi la domination sur les régionssoudanaises s'étendantjusqu'en
Afrique de l'Ouest.
Dans cette intrigue d'ambitions coloniales, il était inévitableque des
frictions surviennent; elles aboutirentà l'incident de Fachoda, qui mena
la France et la Grande-Bretagne au bord de la guerre. Pour atténuer les
heurts de leurs ambitions respectives, les puissances se virent dansI'obli-
gation de négocier dessolutions conventionnelles.
En 1910,la France et l'Empire ottoman parvinrent à un accord sur la
délimitation de la frontière occidentale de la Tripolitaine, contiguë à la
Tunisie, suivant une direction sud de Ras Ajdir sur la côte méditerra-

néenne jusclu'à Ghadamès. La convention ((fixant la frontière entre la
régencede Tunis et le vilayet de Tripoli)) étaitun accord de délimitation
très détaillé.La démarcation fut opéréepar l'installation de trois cent
trente-trois bornes frontières. La section de la frontière occidentale de la
Tripolitaine, de Ghadamès en direction de Toummo, correspond à la
ligne sinueuse en pointilléconsidéréecomme la frontière sud-ouest du
vilayet de Tripoli, représentéesur la carte du Livrejaune, et mentionnée
dans l'échangede lettres de 1902entre la France et l'Italie (l'accord Pri-
netti-Barrère). Vu la situation des frontièresen 1902,il est surprenant que DIFFÉREND TERRITORIAL (OP. DISS. SETTE-CAMARA) 95

le Tchad essaie mainitenant de promouvoir une ligne frontière fixéepar
accord entre la France et l'Italie. En fait, l'ensemble de la régioncernée
par la ligne sinueuse en pointillé était sous la souveraineté de l'Empire

ottoman. Comment la France, qui à l'époque était encoreà des centaines
de kilomètres au sucl de la Tripolitaine, et l'Italie, de l'autre côtéde la
Méditerranée, auraient-elles pu conclure un traité établissant une fron-
tière entre elles? S'agirait-il d'un traité inter ulius uctu? De plus, la réfé-
rence, dans l'échangede lettres de 1902, à la frontière de la Tripolitaine
vise manifestement à fixer une limite à l'expansion française future, non à

déterminer une aue1c:onaue frontière conventionnelle.
En fait, la présen1.eaffaire posait deux questions clésqui appelaient
une réponse:

1. Y a-t-il, ou y a-,t-iljamais eu, une frontière conventionnelle entre la
Libye et le Tchad à l'est de Toummo rejoignant la frontière soudanaise?
2. Les conventions énuméréesà l'annexe 1du traité d'amitiéet de bon
voisinage de 1955entre la Libye et la France sont-elles effectivement des
traités frontaliers auxquels s'appliquent les dispositions de la déclaration

du Caire de 1964et l'article 11 de la convention de Vienne de 1978sur la
succession d'Etats en matière de traités, autrement dit échappent-elles
ipsfouctu à l'application de la règlegénéralede la rahtrlurusu?

S'agissant de la première question, je suis convaincu qu'il n'y a pas, et
qu'il n'y a jamais eu, de ligne conventionnellement établie marquant la
frontière méridionale de la Libye à l'est de Toummo. Aucune des deux
Parties n'a produit de preuve d'un quelconque traité ou accord portant
sur cette partie de la frontière libyenne. Le traité Laval-Mussolini de 1935

a constitué la seule tentative pour tracer une frontière minutieusement
décritede Toummo vers l'est en direction du Soudan. Dans l'exposédes
motifs qu'il a présentéau Parlement français quant à la ratification du
traitéde 1935,le Gouvernement français a d'ailleurs expressémentet clai-
rement reconnu qu'il n'y avait pas jusqu'alors de frontière à l'est de
Toummo. Cette lignlcde 1935 aurait pu constituer une véritable frontière

au regard des principes du droit international. Mais vu que le traité n'est
jamais entré en vigueur faute d'avoir étératifiéen raison de l'évolutionde
la situation politique à l'époque, cette ligne n'est jamais devenue une
frontière fixéeconventionnellement; elle n'en continue pas moins de figu-
rer sur de nombreuses cartes, dont certaines relativement récentes,et sert
au Tchad lui-même a définir la limite méridionale de la région dite

((bande d'Aouzou)).
Quant à la seconde question, je suis pareillement convaincu que la
ligne de la déclaration additionnelle de 1899 rattachée à l'article 4 de la
convention franco-britannique de 1898 n'a jamais étéconsidéréecomme
une ligne frontière. Elle tendaità diviser des sphères d'influence entre les
deux grandes puissances coloniales qu'étaientla France et la Grande-Bre-

tagne. En outre. lord Salisbury. premier ministre et ministre des affaires
étrangèresde la Grande-Bretagne, a reconnu qu'il ne s'agissait mêmepas
d'une division de splhèresd'influence. mais uniquement d'une ligne fixant DIFFÉRE~D TERRITORIAL (OP. DISS. SETTE-CAMARA) 96

les limites de l'ex~arision francaise vers le nord et vers l'est. laborieuse-
ment négociée et Convenue dan; l'ombre de l'incident de ~achoda. Le but
de cette ligne étaitdonc, selon lui, purement négatif.Il serait par consé-
quent difficile de la considérercomme une ligne frontière, que ce soit à

cette époqueou de riosjours, puisque, à mon sens, aucun motif tiréde
quelconques effectivitésne serait propre à modifier la nature de ladite
ligne pour lui conférer cette qualité.
pour ce qui est de la convention du 8 septembre 1919entre la France
et la Grande-Bretagne, convention supplémentaire à la déclaration du
21 mars 1899, elleporte pour l'essentielsur la frontière entre le Tchad et
le Soudan anglo-égyptien et non sur la frontière entre la Libye et le
Tchad. Aussi 1'appe:lle-t-onen anglais «Wadai-Darfour Convention)).
Elle se rapporte donc davantage à l'article 2 de la déclaration de 1899
qu'à son article3. D'ailleurs, l'exposédes motifs du projet de loi soumet-
tant au Parlement français le texte de l'accord qualifie celui-ci de traitéde
délimitationentre le Ouadai et le Darfour.

La seule disposition de la convention qui se rapporte à l'article 3 de la
déclaration de 1899est son dernier paragraphe, ainsi libellé:
«Il est entendu que la présente convention ne modifiera en rien
l'interprétation donnée à la déclaration, du 21 mars 1899, d'après
laquelle les ternies de I'articleelle se dirigera ensuite vers le sud-
est jusqu'au 24"degréde longitude est de Greenwich (21"40' est de

Paris))) signifient«elle prendra une direction sud-est jusqu'au
24' degré de longitude est de Greenwich au point d'intersection
dudit degré de longitude avec le parallèle 19"30' de latitude.))
(Mémoire de la Libye, vol. 2, annexe ((International Accords and
Agreements)), ri" 17,p. 165.)

La lignede l'article3de la déclarationde 1899,suivant une direction stric-
tement sud-est - ce qui semblecorrespondre à l'intention des négociateurs
au vu des travaux prliparatoire- croiserait le 24' méridien eàt15'35'de
latitude nord,àpeu près àl'endroit oùilrencontre leOuadi Howa. La même
ligne, telle qu'elle apparaît sur la carte duLivre jaune, rencontrerait le
24eméridien est à 19"de latitude nord. Selon la convention franco-britan-
niaue de 1919.l'intersectionsesitueraià 19"30'de latitude nord et leTchad
soktient qu'ilne s'estjamais agid'une lignestrictement sud-est, maisd'une
ligne est-sud-est.l y aurait ainsi une modificationimportante du tracéde la
ligne, quiauraitétédéplacé d'environ quatre degrésvers le nord.
Il n'est donc pas surprenant que l'Italie ait protesté contre cette
convention, négocikeet conclue à son insu, qui aurait amputé le terri-

toire libyen de quelque 180000 kilomètres carrés. Enoutre, vu que le pa-
ragraphe précitécommence par affirmer que «la présente convention
ne modifiera en rien l'interprétation donnéeà la déclaration du 21 mars
1899»,ilest manifeste que la ligne de 1919 étaitde mêmenature que celle
de 1899,c'est-à-dire que toutes deux tendaient a séparerdes sphères d'in-
fluence, et qu'on ne saurait en aucune façon les interprétercomme cons-
tituant des frontières internationales. DIFFÉREND TERRITORIAL (OP. DISS. SE'ITE-CAMARA) 97

Le Tchad voit danij le traitéd'amitié etde bon voisinage conclu entre
la France et la Libye le 10août 1955,qu'il considère comme la piècela
plus importanteet la plus déterminante du dossier, la preuve de la fron-
tièreméridionalede la Libye à I'estde Toummo. Les négociations rela-

tivesà ce traité se déroulèrenten deux étapes: à Paris du 4 au 6 jan-
vier 1955et à Tripo'li du 9 juillet au 10 août de la mêmeannée. Le
premier ministre, M. Mendès-France, et son homologue libyen, M. Mus-
tapha Ben Halim, participèrent à la première phase des négociations à
Paris et M. Ben Halinî et l'ambassadeur Dejean prirent parà la deuxième
phase à Tripoli. La lecture du procès-verbalde ces rencontres, qui est loin
d'être exhaustif,révkleles positions catégoriques de chaque partie, la
France s'évertuant à obtenir l'établissementde la ligne frontière, la Libye
demandant instamment le retrait des forces françaises du Fezzan. Pour la
Libye, ce retrait constituait l'objectif principal du traité, qualifié de
((traitéd'évacuation)). l'issuedes négociations.le texte de l'article 3 du
u
traitéfut approuvé, le procès-verbal ne pas comment ni au vu
de quels arguments; il stipulait que les frontières étaientcelles qui résul-
taient des actes inteirnationaux en vigueurà la date de l'indépendance
de la Libye, tels qu'ils étaient définis l'annexe 1 du traité. L'annexe,
adoptéepar voie d'é'changede lettres, énumèresix actes internationaux.
Dans ses plaidoiries, le Tchad a ramené cette liste à trois instruments
principaux: ladéclar,ationadditionnelle de 1899,l'accord Prinetti-Barrère
de 1902et la convention franco-britannique de 1919.
En dépitdes arguments tchadiens. je nesuis toujours pas convaincu que
l'on puisse considérerun de ces trois instruments comme un traitéfron-
talier. Comme il a été dit, la déclarationde 1899partageait au plus des
sphèresd'influence, voire, selonlord Salisbury, le principal négociateurbri-
tannique, encore moins que cela. La définitionde la ligne visait un objectif

négatif,à savoir marquer les limitesde l'expansionfrançaisevers le nord et
vers I'est. L'échangee lettres de 1902entre Prinetti et Barrère,qui faisait
suiteà un échangede lettres de 1900entre Visconti-Venosta etle même
Barrère. n'avaitguèrede rapport avec le problèmede la frontière méridio-
nale.Il traitait du re:jpectréciproquedes intérêts françsu Maroc et des
futures ambitions italiennes enri~olitaine et en Cvrénaïaue.11se référait
néanmoins à la front.ièrede la Tripolitaine, figuréepar une ligne sinueuse
en pointillésur la carte duivre,jaunc,mais uniquement en tant que limite
de l'expansion francaise vers le nord. Quant à la convention du 8 sep-
tembre 1919entre la France et la Grande-Bretagne. dite ((supplémentaire
la déclarationdu 21 mars 1899n, il convient de rappeler une fois de plus
que son dernier paragraphe prévoyaitexpressément: <<laprésente conven-

tion ne modifiera e:n rien l'interprétation donnée à la déclaration du
21mars 1899)).Ce texte est néanmoinsambigu: de quelle interprétation
s'agit-il? En outre, la convention de 1919,en adoptant une ligneest-sud-
est, changeait considérablementle point d'aboutissement de la ligne. De
plus. si ledit texte ne:modifiaitnrien l'interprétationdonnéea la décla-
ration du 21 mars 1899»,il s'ensuivraitque la ligne de 1919établissaitelle
aussi des sphères d'influenceet non des frontières. DIFFÉREND TERRITORIAL (OP. DISS.SETTE-CAMARA) 98

Par ailleurs.il convient d'examiner aussi si les traités énuméréàsl'an-
nexe 1étaient'bien en vigueur. Ainsi, l'échangede lettres franco-italien
de 1902,outre qu'il neconcernait pas le problème de la frontière, étaitun
accord secret et il est donc pour le moins douteux qu'il ait survécu à la
condamnation de la diplomatie secrètepar la Société desNations. Je me

demande du reste si l'enregistrement au Secrétariat de l'Organisation des
Nations Unies d'accords initialement secrets a jamais étéadmis.
Cela me conduit à conclure qu'aucun des trois traités invoquéspar le
Tchad ne peut être considéré au regard du droit international comme un
traité frontalieruscirptible,en conséquence,de bénéficierdu traitement
exceptionnel prévupar la déclaration du Caire et l'article 11 de la con-
vention de Vienne de 1978sur la succession d'Etats en matière de traités.
Quant au traité de 1955, il a étéconclu pour une durée convenue de
vingt ans, duréeexpressémentfixéepar les parties pour chacune des con-
cessions faites la France. Or, l'article 54 de la convention de Vienne sur
le droit des traitésdispose, entre autres, que l'extinction d'un traitéa lieu
conformément à ses dispositions. Aussi le traité de 1955 est-il devenu

caduc en 1975. Les Parties ont observé une trèsgrande discrétion à pro-
pos de l'article Il. Le Tchad aborde cependant la question dans son
contre-mémoire; il reconnaît que le traités'est éteinten 1975,mais uni-
quement pour soutenir que les clauses de l'article3 et de l'annexe 1sur-
vivent au traité, parce que ce dernier contient des accords frontaliers et
bénéficiede ce fait de l'exceptionàla règlede la fabularasa réservée aux
traités de disposition et aux traités territoriaux. Mais le caractère de ces
clauses ne va pas de soi et il reste prouver qu'elles concourent à I'éta-
blissement d'une frontière internationalement reconnue.
Il importe de rappeler que la France a subordonné la ratification du
traitéde 1955 à la conclusion de l'accord de 1956sur la rectification de la
frontièrefranco-(algéro)-libyenne,censéattribuer à la France le gisement

pétrolier d'Edjelé.Du reste, le Parlement français a approuvé I'amende-
ment Isorni visant à ajouter l'article suivant au projet de loi autorisant la
ratification:((Les instruments de ratification seront déposés lorsque sera
intervenu l'accord fixant la frontière entre le Royaume-Uni de Libye et
l'Algérie.»(Mémoirelibyen, vol. 1, p. 398.)
C'est pourquoi le traité de 1955n'a été ratifié qu'e1 n957.Et, dèslors
qu'étaitrégléle problème de la rectification de frontière entre la Libye et
l'Algérie,la France a attendu 1991pour faire enregistrer le traité de1955
au Secrétariat de l'Organisation des Nations Unies.
J'aborde mainteriant la question des effectivités, à savoir l'exercice
continu et pacifique des fonctions étatiques, pour reprendre la formule
employéepar Max Huber dans la sentence arbitrale relative àl'[lede Pal-

mas. Jusqu'à la gueirreitalo-turque de 1911et au traitéd'Ouchy de 1912,
il ne faitucun douie que leseffectivitéscolonialesdans la région en litige
ont été exercéepsar l'Empire ottoman, à la faveur d'un systèmedistant et
relâchéfondésur la délégationde ses pouvoirs aux administrations lo-
cales.Il est affirmédans le dossier qu'il existait une souverainetéparta-
géeentre les Ottomans et les peuples autochtones locaux, notamment ceuxorganiséset dirigéspar l'Ordre senoussi. Le Tchad conteste la validitéde
ces effectivités,mais le fait est qu'il n'y avait aucune présence française
dans la régionavant le traité d'Ouchy et le retrait des Ottomans. Ce n'est
qu'après seulement, c'est-à-dire en 1913,que les incursions françaises ont

pénétré au-delàde la ligne établiepar voie de modu.svivendi avec les Otto-
mans. Au cours de leurs incursions successives, les Français ont occupé
les positions clés, attaqué et détruit des zuouïus et tenté d'établir leur
domination sur les confins, notamment le BET. Mais la résistance des
tribus locales, en particulier des Senoussi, n'a jamais permis à la France
d'exercer un pouvoir étatique pacifique et continu. 11s'est toujours agi

d'une occupation militaire, l'autorité étant exercéepar des officiers de
l'armée.Même aprèsl'indépendancedu Tchad, des militaires français ont
été maintenus dans le cadre de l'administration des oasis locales. Au
demeurant, le Tchatl n'a produit aucune preuve documentaire de I'exer-
cice pacifique d'un pouvoir étatique. Aucune piècene figure dans le dos-
sier, ce qui tranche avec l'affaire relative aDiffPrendfrontulier terresire,

insuluircet rnaritime(El Sulvudor/Hondur«s ;Nicarugua(intervenuni)), dans
laquelle des volumes entiers de pièces certifiéavaient étéproduits comme
moyens de preuve de l'exercicepacifique et continu d'un pouvoir étatique.
C'est un fait qu'aucun moyen de preuve concret des effectivitésn'a été
verséau dossier, qu'il s'agissedes effectivitésottomanes, françaises ou ita-
liennes et, naturellement, encore moins des effectivités senoussi. J'estime
donc qu'il faut simpllementpasser outre à toute invocation des effectivités.

La thèsedu Tchad, laissant entendre qu'il existait un type suigeneris d'ef-
fectivités.en raison des caractéristiques géographiquesparticulières d'une
régiondésertiqueet inhospitalière,n'est pas convaincante. Elle ne cadre pas
avec les célèbrescritkres relatifs au rôle des effectivitésconsacrésdans l'af-
faire du D$fc;rendfrontulier(Burkina F(t.so/Ripublique(luMd).
Dans son mémoire, le Tchad a citédes documents français qui confir-
ment que l'occupation du BET visait à garantir l'emprise de la France sur

les zones d'influence, et nonà asseoir un exercice pacifique et continu du
pouvoir étatique. C'est ainsi qu'en 1913 les forces françaises ont occupé
Zouar et Bardaï, la principale ville du Tibesti. Mais ils s'en retirèrent
dès 1916. et ne revinrent qu'en 1930. Les ((patrouilles de reconnais-
sance)), ou tournées militaires, sporadiquement effectuées à intervalles
éloignés nepouvaient suffire à établirl'existence de véritableseffectivités.

A plusieurs reprises, le Tchad a invoquél'incident de Jef-Jef de 1938et
l'incident d'Aouzoii-Moya de 1955 comme preuves de la souveraineté
française dans la région. Il s'agissait en réalitéd'incidents mineurs dont
l'importance a été délibérémee nxtagérée.Au cours du premier incident,
une poignée de travailleurs italiens non armés occupés au forage d'un
puits ont étéchasséspar des troupes françaises. Lors du second incident,

un groupe de civils libyens accompagnés de quelques soldats, escortant
un spécialistede statistiques de l'organisation des Nations Unies, ont de
même été contraints de se retirer jusqu'à la frontière revendiquée par la
France. DIFFÉREND TERRITORIAL (OP. DISS.SETTE-CAMARA) 100

J'estime que les raisons avancéespar la Libye pour affirmer que les
effectivités ne pouvaient jouer un rôle déterminant dans la présente
affaire étaientalablr:~.La question fondamentale étaitcelle du titre, et il

a étéétabli que le titre juridique appartenait d'abord à la population
autochtone, en partilrulier aux peuples senoussià l'Empire ottoman, et
plus tard à l'Italie. C'est là le titre dont a héritéla Libye. La France n'a
occupéles confins Libye-Tchad (par des moyens pacifiques ou par voie
de conquête), qu'après1929et, à cette époque,l'occupation par la force
étaitillicite au regard du droit international. De toute maniere, les terri-
toires en cause n'étaientpasferrunullius,si bien que l'occupation par une
présence militairefrançaise était, pour reprendre les termes employéspar
M. Hughes, présideritde la Cour suprêmedes Etats-Unis, «une usurpa-
tion pure et simple)).
De plus, il faut rappeler que le traité franco-libyende 1955qui, selon le
Tchad, est la pierre angulaire de toute l'argumentation tchadienne, fait
totalement abstraction de la question des effectivités,uisqu'il s'appuie

exclusivement, pour la définitionde la frontièreà l'est deToummo, sur
les conventions-en vigueur à la date de l'indépendancede la Libye.
S'agissant maintenant de la zone dite((bande d'Aouzou», le Tchad lui-
mêmereconnaît daris son mémoire (livre1, p. 17)que l'emploi de cette
expression estrécent.,remontant à la fin des années soixante-dix,et qu'il
est dû à un ((usage journalistique)). Il s'agit de la régionqui aurait été
«cédée»par la France à l'Italie conformément aux termes du traité
Laval-Mussolini, et qui est délimitéepar deux lignes: la ligne du traité
de 1935 et celle de la convention franco-britannique de 1899. 11est sin-
gulier que le Tchacl ait invoqué la ligne du traité de 1935, indiquant
minutieusement la limite méridionale de la «bande d'Aouzou». Pour
la limite septentrionale,l s'est appuyésur la ligne de 1899 telle qu'elle

figure sur la carte duLivrejaune. La «bande d'Aouzou», y compris une
petite partie setrouvant en territoire nigérien,couvre une superficie de
144000 kilomètres carrés - 1040kilomètres de long sur 140kilomètres
de large. La bande est diviséeen plusieurs parties correspondant au
Borkou, à I'Ennedi et au Tibesti; en d'autres termes, il s'agit du BET.
La position du (3ouverriernent français quant à la souveraineté sur
la «bande d'Aouz~ou» est quelque peu équivoque. Par exemple, le
27 mars 1985,le ministre de la défense, M. Charles Hernu, a déclaréau
cours d'une interview

«La bande cl'Aouzou est hors du Tchad. Cela, tout le monde en
est d'accord.Mlême le présidentHabréle reconnaît. C'est uneaffaire
qui remonte à 1934.)) (Voir contre-mémoire de la Libye, vol. 1,
p. 312.)

Or, c'est le ministre français de la défense lui-mêeui a confirméI'af-
firmation catégorique du président Tombalbaye dans sa lettre contestée
au chef d'Etat libyen.
Comme il a étédit,les Parties n'étaient pasd'accord sur la tâche qui
incombait àla Couir.La Libye prétendaitqu'il s'agissaitd'une attributionde territoires, eu égard aux titres coloniaux historiques. Le Tchad affir-
mait que la frontière méridionale de la Libye existait et résultait des actes
internationaux en vigueur à l'époque de l'indépendancede la Libye. A
vrai dire, de l'avis di1Tchad, la tâche de la Cour se limitait au choix de
l'une des deux lignes qui délimitentla bande d'Aouzou, nonobstant le fait

que l'accord-cadre rie contient pas la moindre mention de la «bande
d'Aouzou». Selon sa thèse, quelle que fût la tâche de la Cour, celle-ci
devait établir une ligne frontière.
Le Tchad a admis qu'en vertu du traité d'Ouchy, confirmépar le traité
de paix de Lausanne de 1923. l'Italie avait héritéde la totalité des droits
souverains de l'Empire ottoman, en soutenant toutefois que la Porte

n'avait aucun droit souverain sur le BET.
La Libye a instamment demandé que la Cour s'attache à des considé-
rations d'équitési elle devait établir es novo une ligne frontière, et l'a
expressément invitéeà produire une ligne qui soit réaliste,juste et ration-
nelle, en tenant compte des intérêts des Parties etdes populations de la
région. Le Tchad a catégoriquement rejetétout recours à des considéra-

tions d'équité,même infrluegem.
Les relations entre les deux pays n'ont pas été,loin s'en faut, paci-
fiques. Au début de 1963. la situation intérieure au Tchad engendre une
rébellion qui provoqlue la création du FROLINAT (Front de libération
nationale). La mêmeannée,un traitéd'amitiéest conclu entre le Tchad et
la Libye, portant principalement sur la sécuritédes communications,
mais passant sous silence la question des frontières.

En 1955, la découverte de pétrole et la promulgation du premier règle-
ment libyen sur le petrole laissent entrevoir un avenir plus florissant pour
la Libye. En 1971, le Tchad, alléguant une ingérence dans ses affaires
intérieures, rompt ses relations avec la Libye, mais celles-ci sont rétablies
en 1972, lors de la signature d'un nouveau traité de coopération et d'as-
sistance mutuelle. Là non plus iln'est pas question de frontières. C'est à

peu près à cette époque que se situe l'épisodede la lettre de M. Tombal-
baye. A la suite du traité de 1972, d'autres accords ont été conclusentre
la Libye et le Tchad. Dans le traité de 1974, la seule référenceaux fron-
tières est une condainnation des frontières coloniales arbitrairement éta-
blies, en contradiction manifeste avec la déclaration du Caire de 1964.Un
nouveau traité est signéen 1980; là encore,iln'est nullement fait état de

la présencede troupes libyennes en territoire tchadien. Un autre traitéest
encore signé en 1981, passant sous silence l'«invasion)) de la «bande
dlAouzou» par des troupes libyennes. (Sur le plan intérieur tchadien,
l'accord de Lagos ijür la réconciliation nationale au Tchad, conclu à
Lagos du 13 au 18 août 1979 par l'ensemble des partis politiques tcha-
diens, assistésdes représentants du Cameroun, de la Libye, du Niger, du
Nigéria, du Sénégal,du Soudan, du Congo, du Libéria, du Bénin, de

l'Empire centrafricain et du représentant de l'organisation de l'unité
africaine, avait laissé totalement de côté l'occupation de la «bande
d'Aouzou » par des troupes libyennes. L'objectif de cet accord était I'ins-
zauration d'un cessez-le-feu et la création du Gouvernement d'union DIFFÉRENI) TERRITORIAL (OP. DISS. SETTE-CAMARA) 102

nationale de transition (GUNT).) Les plaintes portées par le Tchad
devant le Conseil de sécuritéde l'ONU n'ont abouti à aucune solution
mais ont apparemment favorisé la conclusion de l'accord-cadre du
31 août 1989,en vertu duquel la Cour a étésaisie de la présente affaire.

Je pense que les titres territoriaux invoqués par la Libye sont valables.
Ni la France ni le Tchad ne pouvaient produire de titres plus valables que
les trois niveaux de titres revenant à la Libye, à savoir les titres des
peuples habitant le territoire, tribus, confédérationsde tribus et Ordre
senoussi, lasouverainietéde l'Empire ottoman sur la région, transmise à
l'Italie en 1912et, partant,à la Libye en 1951.
L'argument du Tch,adselon lequel la revendication de la Libye concer-
nerait la moitiédu territoire tchadien était peu convaincant. D'abord, il
élude la question maisil vaut aussi dans l'autre sens, la revendication du
Tchad intéressant un<:partie importante du territoire libyen.
La revendication de la Libye, représentéesur la carte 105du mémoire
libyen, se fondait sur sa succession à des revendications ottomanes qui

s'étendaientbeaucoup plus loin au sud.
Le paragraphe 76 tileI'arrêt,qui conclut l'énoncé dems otifs, se fonde
sur la règle pncta sur;ltservundapour justifier la ligne consacréedans le
dispositif, qui résulteraitdu traitéde 1955.Personne ne songe à contester
cette règlefondamentale de droit international, qualifiéepar Hans Kelsen
de Grundnorm du droit international. 11est cependant manifeste qu'ellene
s'applique qu'à des traitésen vigueur,et l'article 11du traitéde 1955rend
pour le moins discuitable la validité de ce traité aprèsla durée limite
de vingt ans.
Au paragraphe 77, qui constitue le dispositif, la Cour fait fond sur la
lignede la convention franco-britannique de 1919,dite en anglais «Wadai-

Darfour Convention:+laquelle traitait, incidemment, de la frontièreméri-
dionale de la Libye avec les territoires français, en la déplaçant vers le
nord. A vrai dire, la ligne strictement sud-est de 1899a étéprogressive-
ment remontéevers le nord :d'abord, avecla carte du Livrejaune, par une
modification unilatérale de la ligne initiale, sans que les Britanniques
aient été consultés, c:equi, d'après la note manuscrite de lord Thomas
Sanderson, sous-secrittaire d'Etat adjoint aux affaires étrangères, n'avait
pas ((beaucoupd'importance)). Le fait estque la lignede 1899,suivant une
direction strictement sud-est - ce qui semble correspondre à l'intention
des négociateurs auvu des travaux préparatoires - couperait le 24"méri-
dien est au parallèle 15"35'de latitude nord, àpeu prèslà où il rencontre
l'Ouadi Howa. La nîême ligne,telle qu'elle est figuréesur la carte du

Livre juune, rencontrerait le 24" méridienest à la latitude de 19" nord.
Selon la convention franco-britannique, le point d'intersection se trouve-
raità 19"30'de latitude nord. Le Tchad a affirmé qu'ilne s'agissait pas
d'une ligne strictement sud-est, mais d'une ligne est-sud-est. C'est pour-
quoi le tracé de cette ligne subit une modification importante, qui la
décale dequelque quatre degrés versle nord. Et c'est cette ligne que le
dispositif de l'arrêtretient comme base pour définirla frontière entre la
Républiquedu Tchad et la Jamahiriya arabe libyenne. On ne saurait cependant exclure une solution de compromis que, mal-
heureusement, ni les Parties ni la Cour n'ont explorée. 11existait deux
tracés possibles d'une ligne juste et équitable: le premier aurait étécelui
de la carte no 241 de l'Organisation des Nations Unies, qui se rapproche
de la ligne de 1935sans lui être identique.Vu que le Tchad n'a pas hésité

à faire de la ligne de 11935la limite méridionale de la ((bande d'Aouzou)),
je ne vois pas pourquoi il se serait opposéà ce qu'elle serve à la définition
d'une frontiére e.unovo.
La seconde possibilité aurait consisté à revenir à la ligne strictement
sud-est de 1899,qui est à l'origine du différend,et qui continue de figurer
sur des cartes très récentes, par exemple la carte de 1988 de I'Organisa-

tion de l'unité africaine jointe au rapport de son sous-comité sur le dif-
férend Libye-Tchad. C'est, à mon avis. la ligne la plus incontestable et
peut-êtrela plus équitable.
L'une et l'autre de ces lignes auraient eu pour avantage de partager le
massif du Tibesti entre les deux pays. Or, il est inutile de souligner l'im-
portance du massif du Tibesti pour la défense éventuelle desdeux pays,

comme l'ont affirméà maintes reprises les Parties.

(Signk) José SETTE-CAMARA

Bilingual Content

DISSENTING OPINION OF JUDGE SETTE-CAMARA

1regret that 1have been unable to agree with the Court's majority in
the present Judgment in its appraisal of the facts, in its reasoning and in
its conclusions, and therefore feel under the obligation to explain why 1

see this case differently.
The disputed zone is the so-called Libya-Chad borderlands, bounded
to the north-east by the east-south-east line of the Anglo-French Conven-
tion of8 September 1919,to the south by the 15"north latitude parallel,
to the Westby the 24" E meridian and to the east by the 16" E meridian.
It covers an area of some 530,000 km' and encompasses the Borkou-

Ounianga, the Ennedi and the Tibesti, what Chad refers to as the BET
(excluding northern Kanem). The population of the area is under 100,000,
compared with Chad's population of some 5.4 million, including the
BET. The area contains 2 per cent of Chadian local population and it is
a poor, bare and inhospitable region.
In spite of the desertic nature of this zone, that we shall for conven-
ience continue to cal1the borderlands. it was never aterra nulliuouen to
, .
occupation according to international law. The two Parties concur as to
that, and echo herein the analogous finding of the Court in the Western
Sahara case. The land was occupied by local indigenous tribes, confed-
erations of tribes, often organized under the Senoussi Order. Further-
more, it was under the distant and laxly exercised sovereignty of the
Ottoman Empire, which marked its presence by delegation of authority

to local people.

That was the background of the dispute: the human presence prior to
its beginning was constituted by the indigenous peoples and the Sublime
Porte. Although the cabinets of the great European Powers were
engrossed with the task of carving up Africa for the sake of their colonial
designs, they did not go beyond their distribution of future spheres or

zones of influence, since the non-existence of areas of tprr~l nullius
excluded the possibility of occupation. short of outright conquest by
armed forces.
The fact is, on the one hand, that it was not until the year following the
1912Treaty of Ouchy, which put an end to the war between Italy and the
Ottoman Empire, that any French intrusion beyond the u' ucto bound-

ary line agreed upon with the Ottomans occurred. By 1913 France had
not completed its military action in the borderlands. And before 1919
there was nothing resembling a civil administration. As far as Tibesti is
concerned, it was not even militarily occupied until 1930. France had
abandoned the Tibesti in 1916. Anyway, even the French military pres- OPINION DISSIDENTE DE M. SETTE-CAMARA

(Traduction]

Je regrette de ne pas avoir pu partager le point de vue de la majoritéde
la Cour tel qu'il s'est exprimé dans le présent arrêten ce qui concerne
l'appréciation des fait:,, les motifs et les conclusions, et me sens donc tenu

d'expliquer pourquoi je vois les choses différemment.
La zone en litige e:stcelle dite des ((confins Libye-Tchad)), limitéeau
nord-est par la ligne est-sud-est de la convention franco-britannique du
8 septembre 1919,au sud par le parallèle 15"de latitude nord, à l'ouest par
le 24" méridien est età l'est par le 16'méridienest. Elle couvre une super-
ficie de quelque 530000 kilomètres carréset englobe le Borkou-Ounianga,
1'Ennedi et le Tibesti, que le Tchad désigne sous l'appellation BET (le

nord Kanem étant exclu). Sa population est inférieure iicent mille habi-
tants, alors que celle du Tchad, y compris le BET, est de cinq millions
quatre cent mille habitants. Les Tchadiens y représentent deux pour cent
de la population locale; la régionest pauvre, stérileet inhospitalière.
En dépit du caractère désertique de cette zone, que pour la commodité
de l'exposénous continuerons d'appeler les confins, ilne s'estjamais agi

d'une terranulliussusiseptible d'être occupée en vertu du droit internatio-
nal. IIy a accord des deux Parties sur ce point, dans le droit fil de la con-
clusion analogue de la Cour dans l'affaire du Sahara occidentul. Le terri-
toire était occupé par des tribus autochtones et des confédérations de
tribus. souvent organisées sous l'autoritéde l'Ordre senoussi. En outre, il
était soumis à la souveraineté distante et relâchéede l'Empire ottoman,

qui marquait sa présencepar une délégationde pouvoirs à la population
locale.
Tel était le contexte du différend: la présencehumaine, avant qu'il ne
survienne, était le fait des peuples autochtones et de la Sublime Porte.
Bien que les gouvernements des grandes puissances européennes se
soient employés à morceler l'Afrique pour satisfaire leurs viséescolo-

niales, ils ne sont pas allésau-delà d'une répartition de futu-es sphères
ou zones d'influence, puisque l'absence de terra nullius ex~iuait toute
possibilité d'occupation, hormis une conquête pure et simple par des
forces armées.
Le fait est. d'une part, que la première incursion française au-delà de la
frontière &"facto convenue avec les Ottomans n'eut lieu qu'au cours de

l'année suivant le traité d'Ouchy de 1912,lequel mit fin à la guerre entre
l'Italie et l'Empire ottoman. En 1913, la France n'avait pas encore achevé
son action militaire clans les confins. Et avant 1919 il n'existait aucune
structure pouvant s'apparenter à une administration civile. En ce qui
concerne le Tibesti, il ne fut pas mêmemilitairement occupéavant 1930,
la France s'en étant retiréeen 1916. De toute façon, mêmela présence94 TERRITORIAL DISPUTE (DISSO. P.SETTE-CAMARA)

ence from 1913 to 1919 did not extend north of the strict south-east
line.
On the other hand, Italy, in spite of its long-standing ambitions over
Cyrenaica and Tripolitania - the subject of secret arrangements with

France in 1900and 1902 - did not possess any actual hold on any ter-
ritory in North Africa until 1911.
Therefore the sovereignty over the whole region appertained to the
Porte which, furthermore, claimed, as Tripolitanian hinterland, vast
expanses to the south covering most of what is today Chad. The hinter-
land doctrine was contested by the colonial Powers - which nevertheless
made use of it whenever it chimed with their interests (e.g., Algerian and
Egyptian hinterlands). But short of the hinterland, the sovereignty of the
Ottoman Empire over the present disputed area was beyond contention.
So historic title over the region belonged first to the indigenous peoples,
tribes, confederations of tribes, sometimes organized under the Senous-

siya, and eventually passed to the Ottoman Empire before the colonial
Powers set foot in the area.

But the European Powers did not wait long to implement their designs
on the African continent. The ambitious policies of France were to unite
the French territories of north, Westand central Africa and to link the
Atlantic Ocean to the Red Sea by a continuous belt of French-dominated
territories. France had already conquered Algeria through a long war
(1830-1871) and through the Treaty of Bardo of May 1881 had made
Tunisia a French protectorate. On its side Great Britain had occupied
Egypt in 1882, making it a protectorate, against the wishes of France,

traditionally interested in Egypt. The two colonial Powers were also dis-
puting the domination of the Sudanic countries extending as far as West
Africa.

In this scenario of colonial ambitions, frictions were bound to arise,
and they led to the Fashoda incident, which brought France and Great
Britain to the brink of war. To soften the shock of the confrontation of
their ambitions the Powers felt bound to negotiate conventional solu-
tions.
In 1910 France and the Ottoman Empire reached agreement on the
delimitation of the western frontier of Tripolitania, contiguous to Tuni-
sia, running south from Ras Ajdir on the Mediterranean Coastto Ghad-

amès.The Convention "fixant la frontière entre la régencede Tunis et le
vilayet de Tripoli" was a very detailed delimitation agreement. It was
demarcated by the emplacement of 333 boundary pillars. The section of
the western frontier ofTripolitania, running from Ghadamès in the direc-
tion of Toummo, corresponds to the wavy dashed line considered to be
the south-western frontier of the Vilayet of Tripoli, which is represented
on the Livre,jaune map, and referred to in the 1902exchange of letters
between France and Italy (the Prinetti-Barrère Agreement). If one
appraises the frontier situation in 1902,it is surprising that Chad shouldmilitaire française de 1913 à 1919 ne s'étenditpas au nord de la ligne
strictement sud-est.
D'autre part, l'Italie, malgré ses ambitions déja anciennes en Cyré-
naïque et en Tripolitaine - qui firent l'objet d'arrangements secrets avec

la France en 1900et 1902 - n'eut en fait jusqu'en 1911 aucune emprise
réellesur quelque territoire que ce fût en Afrique du Nord.
En conséquence,l'ensemble de cette région relevaitde la souveraineté
de la Porte qui revendiquait en outre, au titre d'hinterland tripolitain, de
vastes territoires au sud couvrant la plus grande partie de ce qui est
aujourd'hui le Tchad!. Lespuissances coloniales ont contestéla doctrine
de l'hinterland, en y ayant toutefois recours quand elle cadrait avec leurs
intérêts (exemples:hinterlands algérienet égyptien).Mais hormis l'hin-
terland, lasouverainetéde l'Empire ottoman sur la zone faisant l'objet du
présentlitige étaitinirontestable. Ainsi, le titre historique sur la région a
d'abord appartenu aux peuples autochtones, tribus et confédérationsde

tribus, parfois organiséssous l'égidede l'Ordre senoussi,et il a finalement
ététransmis à l'Empire ottoman, avant que les puissances coloniales ne
~énètrentdans cette zone.
Les puissances coloniales ne tardérent cependant pas à réaliserleurs
desseins sur le continent africain. Les politiques ambitieuses de la France
visaientà réunirles t'erritoiresfrançais du nord, de l'ouest et du centre de
l'Afrique et à relier l'océanAtlantique et la mer Rouge par une bande
continue de territoires sous domination française. La France avait déja
conquis l'Algérie à l'issued'une longue guerre (1830-1871)et, par le traité
du Bardo de mai 188 1,la Tunisie étaitdevenue protectorat français. Pour
sa part, la Grande-Bretagne avait occupé 1'Egypteen 1882 et en avait
fait un protectorat, ;il'encontre des vŒuxde la France qui s'intéressait

traditionnellement à 1'Egypte. Les deux puissances coloniales se dispu-
taient aussi la domination sur les régionssoudanaises s'étendantjusqu'en
Afrique de l'Ouest.
Dans cette intrigue d'ambitions coloniales, il était inévitableque des
frictions surviennent; elles aboutirentà l'incident de Fachoda, qui mena
la France et la Grande-Bretagne au bord de la guerre. Pour atténuer les
heurts de leurs ambitions respectives, les puissances se virent dansI'obli-
gation de négocier dessolutions conventionnelles.
En 1910,la France et l'Empire ottoman parvinrent à un accord sur la
délimitation de la frontière occidentale de la Tripolitaine, contiguë à la
Tunisie, suivant une direction sud de Ras Ajdir sur la côte méditerra-

néenne jusclu'à Ghadamès. La convention ((fixant la frontière entre la
régencede Tunis et le vilayet de Tripoli)) étaitun accord de délimitation
très détaillé.La démarcation fut opéréepar l'installation de trois cent
trente-trois bornes frontières. La section de la frontière occidentale de la
Tripolitaine, de Ghadamès en direction de Toummo, correspond à la
ligne sinueuse en pointilléconsidéréecomme la frontière sud-ouest du
vilayet de Tripoli, représentéesur la carte du Livrejaune, et mentionnée
dans l'échangede lettres de 1902entre la France et l'Italie (l'accord Pri-
netti-Barrère). Vu la situation des frontièresen 1902,il est surprenant quenow try to upgrade a frontier line agreed upon by France and Italy.
Indeed the whole region comprised within the wavy dashed line was
under the sovereignty of the Ottoman Empire. How could France, at the
time still hundreds of kilometres south of Tripolitania, and Italy, at the

other side of the Mediterranean, conclude a treaty that would establish a
frontier between them? A treaty inter alios ~~cta?Moreover, the reference
in the 1902exchange of letters to the frontier of Tripolitania is clearly to
a limit to future French expansion, not to any conventional frontier.

In fact, in the present case there were two key questions to be resolved:

1. 1s there, or has there ever been, a conventional boundary between
Libya and Chad east of Toummo leading to the Sudanese frontier?
2. Are the Conventions listed in Annex 1 to the 1955 Libya-France
Treaty of Friendship and Good Neighbourliness actually boundary treaties
to which the provisions of the Cairo Declaration of 1964 and Article 11
of the 1978 Vienna Convention on Succession of States in Respect of

Treaties apply, that is to say, do they ipsofacto escape the application
of the tabulu rasa general rule?

As to the first question, I am convinced that there is not, nor has there
ever been, a boundary line conventionally established marking the
southern frontier of Libya east of Toummo. Neither Party has produced
evidence of any treaty or agreement covering that part of the Libyan
frontier. The only attempt at drawing a frontier described in detail from
Toummo eastwards towards the Sudan was the 1935 Laval-Mussolini

Treaty. The fact that there was no prior boundary east of Toummo was
explicitly and clearly recognized by the French Government when it
presented its E'cposc;des motifS. to the French Parliament in relation to
the ratification of the 1935Treaty. That 1935 line could have been a real
frontier according to the principles of international law. But since the
treaty in question never entered into force for lack of ratification due to

the political evolution of events at the time, the line never became a con-
ventionally agreed frontier, although it still appears on many maps, some
relatively recent, and is resorted to by Chad itself as the southern limit of
the so-called "Aouzou strip".

As to the second question, 1am likewise convinced that the 1899 line
of the Additional Declaration tagged to Article 4 of the 1898 Franco-
British Cofivention was never considered as a boundary line. It was
aimed at dividing spheres of influence between the two big colonial
Powers, France and Great Britain. Furtherrnore, Lord Salisbury, Prime
Minister and Minister for Foreign Affairs of Great Britain, recognized that

it was lessthan a division of spheres of influence. It was merely a line estab-
lishing the limits of the French expansion northwards and eastwards, DIFFÉREND TERRITORIAL (OP. DISS. SETTE-CAMARA) 95

le Tchad essaie mainitenant de promouvoir une ligne frontière fixéepar
accord entre la France et l'Italie. En fait, l'ensemble de la régioncernée
par la ligne sinueuse en pointillé était sous la souveraineté de l'Empire

ottoman. Comment la France, qui à l'époque était encoreà des centaines
de kilomètres au sucl de la Tripolitaine, et l'Italie, de l'autre côtéde la
Méditerranée, auraient-elles pu conclure un traité établissant une fron-
tière entre elles? S'agirait-il d'un traité inter ulius uctu? De plus, la réfé-
rence, dans l'échangede lettres de 1902, à la frontière de la Tripolitaine
vise manifestement à fixer une limite à l'expansion française future, non à

déterminer une aue1c:onaue frontière conventionnelle.
En fait, la présen1.eaffaire posait deux questions clésqui appelaient
une réponse:

1. Y a-t-il, ou y a-,t-iljamais eu, une frontière conventionnelle entre la
Libye et le Tchad à l'est de Toummo rejoignant la frontière soudanaise?
2. Les conventions énuméréesà l'annexe 1du traité d'amitiéet de bon
voisinage de 1955entre la Libye et la France sont-elles effectivement des
traités frontaliers auxquels s'appliquent les dispositions de la déclaration

du Caire de 1964et l'article 11 de la convention de Vienne de 1978sur la
succession d'Etats en matière de traités, autrement dit échappent-elles
ipsfouctu à l'application de la règlegénéralede la rahtrlurusu?

S'agissant de la première question, je suis convaincu qu'il n'y a pas, et
qu'il n'y a jamais eu, de ligne conventionnellement établie marquant la
frontière méridionale de la Libye à l'est de Toummo. Aucune des deux
Parties n'a produit de preuve d'un quelconque traité ou accord portant
sur cette partie de la frontière libyenne. Le traité Laval-Mussolini de 1935

a constitué la seule tentative pour tracer une frontière minutieusement
décritede Toummo vers l'est en direction du Soudan. Dans l'exposédes
motifs qu'il a présentéau Parlement français quant à la ratification du
traitéde 1935,le Gouvernement français a d'ailleurs expressémentet clai-
rement reconnu qu'il n'y avait pas jusqu'alors de frontière à l'est de
Toummo. Cette lignlcde 1935 aurait pu constituer une véritable frontière

au regard des principes du droit international. Mais vu que le traité n'est
jamais entré en vigueur faute d'avoir étératifiéen raison de l'évolutionde
la situation politique à l'époque, cette ligne n'est jamais devenue une
frontière fixéeconventionnellement; elle n'en continue pas moins de figu-
rer sur de nombreuses cartes, dont certaines relativement récentes,et sert
au Tchad lui-même a définir la limite méridionale de la région dite

((bande d'Aouzou)).
Quant à la seconde question, je suis pareillement convaincu que la
ligne de la déclaration additionnelle de 1899 rattachée à l'article 4 de la
convention franco-britannique de 1898 n'a jamais étéconsidéréecomme
une ligne frontière. Elle tendaità diviser des sphères d'influence entre les
deux grandes puissances coloniales qu'étaientla France et la Grande-Bre-

tagne. En outre. lord Salisbury. premier ministre et ministre des affaires
étrangèresde la Grande-Bretagne, a reconnu qu'il ne s'agissait mêmepas
d'une division de splhèresd'influence. mais uniquement d'une ligne fixantlaboriously negotiated and agreed upon under the shadow of the Fashoda
incident. Therefore, according to him, it had a purely negative purpose,
and it would be difficult to consider it a boundary line- at that time or

now - because, as 1submit, there is no question of any efictivitésthat
could modify the nature of the line so as to endow it with any such status.

As to the Convention of 8 September 1919, between France and
Great Britain, supplementary to the Declaration of 21 March 1899, it

deals mostly with the frontier between Chad and the Anglo-Egyptian
Sudan, and not with the Libya-Chad boundary. Hence the fact that it is
known as the Wadai-Darfour Convention. It is therefore more related to
Article 2 of the 1899Declaration than to its Article 3. Indeed, theE~cposé
desmotifs of the draft law submitting to the French Parliament the text of
the Agreement calls it Truitéde délirnirutionentre le Ouuduiet le Durfour.

The only proviso that bears any relation to Article 3 of the 1899 Dec-
laration is its final paragraph, which reads:

"It is understood that nothing in this Convention prejudices the
interpretation of the Declaration of the 21st March, 1899,according
to which the words in Article 3 '. . . shall run thence to the south-east
until it meets the 24th degree of longitude east of Greenwich(21" 40'
east of Paris)' are accepted as meaning '. . . shall run thence in a

south-easterly direction until it meets the 24th degree of longitude
east of Greenwich at the intersection of that degree of longitude with
parallel 19" 30' of latitude."' (Memorial of Libya, "International
Accords and Agreements Annex", Vol. 2, No. 17, p. 165.)

The line of Article 3 of the 1899 Declaration, in following a strict
south-east direction - and that seems to have been the intention of the
negotiators in the light of thtravauxprépurutoires-, would intersect the
24" E meridian at 15"35' N of latitude, approximately where it meets the

Wadi Howa. The same line as depicted on the Livrejaune map would
meet the 24" E meridian at the latitude of 19" N. According to the 1919
Franco-British Convention, the intersection would occur at 19' 30'N,
and Chad maintains that it was never a strict south-east line, but an east-
south-east line. So there would be a substantive modification in the course
of the line, which would have been pushed northwards some four degrees.

It is therefore not surprising that ltaly protested against this Conven-
tion, negotiated and concluded without its knowledge, which would have
amputated some 180,000 kmhf Libyan territory. Moreover, if the para-
graph opens with the statement that "nothing in this Convention preju-
dices the interpretation of the Declaration of the21st March, 1899", it is
obvious that the 1919 line has the same nature as the 1899 line, namely
both were intended to divide spheres of influence and by no means could

be interpreted as constituting international boundaries. DIFFÉRE~D TERRITORIAL (OP. DISS. SETTE-CAMARA) 96

les limites de l'ex~arision francaise vers le nord et vers l'est. laborieuse-
ment négociée et Convenue dan; l'ombre de l'incident de ~achoda. Le but
de cette ligne étaitdonc, selon lui, purement négatif.Il serait par consé-
quent difficile de la considérercomme une ligne frontière, que ce soit à

cette époqueou de riosjours, puisque, à mon sens, aucun motif tiréde
quelconques effectivitésne serait propre à modifier la nature de ladite
ligne pour lui conférer cette qualité.
pour ce qui est de la convention du 8 septembre 1919entre la France
et la Grande-Bretagne, convention supplémentaire à la déclaration du
21 mars 1899, elleporte pour l'essentielsur la frontière entre le Tchad et
le Soudan anglo-égyptien et non sur la frontière entre la Libye et le
Tchad. Aussi 1'appe:lle-t-onen anglais «Wadai-Darfour Convention)).
Elle se rapporte donc davantage à l'article 2 de la déclaration de 1899
qu'à son article3. D'ailleurs, l'exposédes motifs du projet de loi soumet-
tant au Parlement français le texte de l'accord qualifie celui-ci de traitéde
délimitationentre le Ouadai et le Darfour.

La seule disposition de la convention qui se rapporte à l'article 3 de la
déclaration de 1899est son dernier paragraphe, ainsi libellé:
«Il est entendu que la présente convention ne modifiera en rien
l'interprétation donnée à la déclaration, du 21 mars 1899, d'après
laquelle les ternies de I'articleelle se dirigera ensuite vers le sud-
est jusqu'au 24"degréde longitude est de Greenwich (21"40' est de

Paris))) signifient«elle prendra une direction sud-est jusqu'au
24' degré de longitude est de Greenwich au point d'intersection
dudit degré de longitude avec le parallèle 19"30' de latitude.))
(Mémoire de la Libye, vol. 2, annexe ((International Accords and
Agreements)), ri" 17,p. 165.)

La lignede l'article3de la déclarationde 1899,suivant une direction stric-
tement sud-est - ce qui semblecorrespondre à l'intention des négociateurs
au vu des travaux prliparatoire- croiserait le 24' méridien eàt15'35'de
latitude nord,àpeu près àl'endroit oùilrencontre leOuadi Howa. La même
ligne, telle qu'elle apparaît sur la carte duLivre jaune, rencontrerait le
24eméridien est à 19"de latitude nord. Selon la convention franco-britan-
niaue de 1919.l'intersectionsesitueraià 19"30'de latitude nord et leTchad
soktient qu'ilne s'estjamais agid'une lignestrictement sud-est, maisd'une
ligne est-sud-est.l y aurait ainsi une modificationimportante du tracéde la
ligne, quiauraitétédéplacé d'environ quatre degrésvers le nord.
Il n'est donc pas surprenant que l'Italie ait protesté contre cette
convention, négocikeet conclue à son insu, qui aurait amputé le terri-

toire libyen de quelque 180000 kilomètres carrés. Enoutre, vu que le pa-
ragraphe précitécommence par affirmer que «la présente convention
ne modifiera en rien l'interprétation donnéeà la déclaration du 21 mars
1899»,ilest manifeste que la ligne de 1919 étaitde mêmenature que celle
de 1899,c'est-à-dire que toutes deux tendaient a séparerdes sphères d'in-
fluence, et qu'on ne saurait en aucune façon les interprétercomme cons-
tituant des frontières internationales. In the eyes of Chad, the Treaty of Friendship and Good Neighbourli-
ness concluded by France and Libya on 10August 1955,which it con-
sidered the most important and decisive document in the dossier, pro-
vided the evidence of the southern frontier of Libya east of Toummo.

The negotiations on the Treaty took place in two stages: in Paris from
4 to 6 January 1955and in Tripoli from 9 July to 10August of the same
year. Prime Minister Mendès-France and his Libyan counterpart, Mus-
tapha Ben Halim, participated in the Paris session and Ben Halim and
Ambassador Dejean participated in the second stage in Tripoli. The
perusal of the existing minutes of these encounters, which are far from
complete, reveal the adamant positions of the parties: France fighting for
the establishment of the frontier line and Libya insisting on the with-
drawal of the French forces from the Fezzan. Libya regarded that as hav-
ing constituted the main objective of the Treaty, described as an "evacu-
ation treaty". At the end of the negotiations - and the minutes do not
explain how or with what arguments - the text of Article3of the Treaty

was approved, according to which the frontiers were those arising from
the international acts in force at the date of Libya's independence, which
were listed in Annex 1 to the Treaty. The Annex, agreed upon by
exchange of letters, lists six international acts. During the oral proceed-
ings Chad reduced that list to three main instruments: the 1899 Addi-
tional Declaration, the 1902 Prinetti-Barrère Agreement and the 1919
Anglo-French Convention.
In spite of the Chadian arguments 1 still doubt whether any of these
three instruments can be considered a boundary treaty. The 1899Decla-
ration, as has been said, divided the spheres of influenceor, as Lord Salis-
bury, the chief British negotiator, contended, not even that. The objective
of the line was a negative one, namely to mark the limits of the French

expansion northwards and eastwards. The 1902 exchange of letters
between Prinetti and Barrère, a follow-upof the 1900 exchange of letters
between Visconti-Venosta and the same Barrère,had little todo with the
southern frontier problem. It dealt with reciprocal respect for French
interests in Morocco and future Italian ambitions in Tripolitania and
Cyrenaica. It includes, nevertheless, a reference to the frontier of Tripoli-
tania, appearing as a wavy dashed line on the Liise jaune map, but only
as a limit to French expansion northwards. As to the 8 September 1919
Convention between France and Great Britain, said to be "supplemen-
tary to the Declaration of 21 March 1899", it should again be recalled
that its last proviso read: "nothing in this Convention prejudices the
interpretation of the Declaration of the 21st March, 1899". But this text
is ambiguous :whose interpretation ? Besides, the 1919 Convention in

adopting an east-south-east line changed considerably the terminal point
of the line. Furthermore, if "nothing . .. prejudices the interpretation of
the Declaration of the 21st March, 1899",the consequence would be that
the 1919line also divided spheres of influence and not frontiers. DIFFÉREND TERRITORIAL (OP. DISS. SE'ITE-CAMARA) 97

Le Tchad voit danij le traitéd'amitié etde bon voisinage conclu entre
la France et la Libye le 10août 1955,qu'il considère comme la piècela
plus importanteet la plus déterminante du dossier, la preuve de la fron-
tièreméridionalede la Libye à I'estde Toummo. Les négociations rela-

tivesà ce traité se déroulèrenten deux étapes: à Paris du 4 au 6 jan-
vier 1955et à Tripo'li du 9 juillet au 10 août de la mêmeannée. Le
premier ministre, M. Mendès-France, et son homologue libyen, M. Mus-
tapha Ben Halim, participèrent à la première phase des négociations à
Paris et M. Ben Halinî et l'ambassadeur Dejean prirent parà la deuxième
phase à Tripoli. La lecture du procès-verbalde ces rencontres, qui est loin
d'être exhaustif,révkleles positions catégoriques de chaque partie, la
France s'évertuant à obtenir l'établissementde la ligne frontière, la Libye
demandant instamment le retrait des forces françaises du Fezzan. Pour la
Libye, ce retrait constituait l'objectif principal du traité, qualifié de
((traitéd'évacuation)). l'issuedes négociations.le texte de l'article 3 du
u
traitéfut approuvé, le procès-verbal ne pas comment ni au vu
de quels arguments; il stipulait que les frontières étaientcelles qui résul-
taient des actes inteirnationaux en vigueurà la date de l'indépendance
de la Libye, tels qu'ils étaient définis l'annexe 1 du traité. L'annexe,
adoptéepar voie d'é'changede lettres, énumèresix actes internationaux.
Dans ses plaidoiries, le Tchad a ramené cette liste à trois instruments
principaux: ladéclar,ationadditionnelle de 1899,l'accord Prinetti-Barrère
de 1902et la convention franco-britannique de 1919.
En dépitdes arguments tchadiens. je nesuis toujours pas convaincu que
l'on puisse considérerun de ces trois instruments comme un traitéfron-
talier. Comme il a été dit, la déclarationde 1899partageait au plus des
sphèresd'influence, voire, selonlord Salisbury, le principal négociateurbri-
tannique, encore moins que cela. La définitionde la ligne visait un objectif

négatif,à savoir marquer les limitesde l'expansionfrançaisevers le nord et
vers I'est. L'échangee lettres de 1902entre Prinetti et Barrère,qui faisait
suiteà un échangede lettres de 1900entre Visconti-Venosta etle même
Barrère. n'avaitguèrede rapport avec le problèmede la frontière méridio-
nale.Il traitait du re:jpectréciproquedes intérêts françsu Maroc et des
futures ambitions italiennes enri~olitaine et en Cvrénaïaue.11se référait
néanmoins à la front.ièrede la Tripolitaine, figuréepar une ligne sinueuse
en pointillésur la carte duivre,jaunc,mais uniquement en tant que limite
de l'expansion francaise vers le nord. Quant à la convention du 8 sep-
tembre 1919entre la France et la Grande-Bretagne. dite ((supplémentaire
la déclarationdu 21 mars 1899n, il convient de rappeler une fois de plus
que son dernier paragraphe prévoyaitexpressément: <<laprésente conven-

tion ne modifiera e:n rien l'interprétation donnée à la déclaration du
21mars 1899)).Ce texte est néanmoinsambigu: de quelle interprétation
s'agit-il? En outre, la convention de 1919,en adoptant une ligneest-sud-
est, changeait considérablementle point d'aboutissement de la ligne. De
plus. si ledit texte ne:modifiaitnrien l'interprétationdonnéea la décla-
ration du 21 mars 1899»,il s'ensuivraitque la ligne de 1919établissaitelle
aussi des sphères d'influenceet non des frontières. On the other hand, the point whether the treaties listed in Annex 1
were en vigueua rlso deserves examination. The 1902 Franco-ltalian
exchange of letters, for one, besides being alien to the frontier problem,
was a secret agreement whose survival after the League of Nations' con-
demnation of secret treaties is, to Say the least, doubtful. 1 have also
doubts whether originally secret agreements were ever accepted for
registration with the United Nations Secretariat.
My conclusion, therefore, is that none of the three treaties invoked by
Chad qualifies for international recognition as a frontier treaty or could

consequently benefit from the exceptional treatment enshrined in the
Cairo Declaration and in Article 11of the 1978 Vienna Convention on
Succession of States in Respect of Treaties.
As to the 1955Treaty, it had an agreed duration of 20 years, a dura-
tion which was explicitly established by the parties for each of the con-
cessions made to France. Now, Article 54 of the Vienna Convention on
the Law of Treaties provides, intearliat,hat the termination of a treaty
takes place in conformity with the provisions of the treaty. Therefore the
1955 Treaty lapsed in 1975.The Parties were discreet in discussing its
Article 11. But the Chadian Counter-Memorial dealt with it, accepting
the fact that the Treaty lapsed in 1975,though only to contend that the
provisions of Article 3 and Annex 1survive the Treaty because the latter
contains boundary agreements and consequently benefits from the excep-
tion to thetabulr uasarule reserved for dispositive and territorial treaties.

But the character of those provisions cannot be taken for granted, and
their role in providing an internationally recognized frontier remains to
be proved.
Itis important to recall that France made the ratification of the 1955
Treaty conditional on the conclusion of the 1956Agreement on the rec-
tification of theFranco(A1gerian)-Libyan frontier that would turn over
to France the oil field of Edjelé. Indeedthe French Parliament approved
the Isorni Amendment. that added the following article to the proposed
lawauthorizing ratification:"Les instruments de ratification seront déposés
lorsque sera intervenu l'accord fixantla frontière entre le Royaume-Uni
de Libye et l'Algérie."(Memorial of Libya, Vol. 1, p. 398.)
That is why the 1955Treaty was not ratified before 1957.And once the
rectification of the Libyan-Algerian border had been settled, France did
not bother to register the 1955 Treaty with the United Nations Secre-
tariat until 1991.
1now turn to the question of ejfectivi ttatss to Say,to the peaceful

and continuous exercise of State power, to use the language of Max
Huber in the Islan of Palmas arbitration. Until the Italo-Turkish war of
19 11and the Treaty of Ouchy of 1912there is no doubt that the colonial
effeectiv inithesdisputed area were exercised by the Ottoman Empire,
through a distant and lax system based on the delegation of its powers to
local administrations. It is contended in the dossier that there was a
shared sovereignty between the Ottomans and the local indigenous
peoples, especially those organized and directed by the Senoussiya. Chad DIFFÉREND TERRITORIAL (OP. DISS.SETTE-CAMARA) 98

Par ailleurs.il convient d'examiner aussi si les traités énuméréàsl'an-
nexe 1étaient'bien en vigueur. Ainsi, l'échangede lettres franco-italien
de 1902,outre qu'il neconcernait pas le problème de la frontière, étaitun
accord secret et il est donc pour le moins douteux qu'il ait survécu à la
condamnation de la diplomatie secrètepar la Société desNations. Je me

demande du reste si l'enregistrement au Secrétariat de l'Organisation des
Nations Unies d'accords initialement secrets a jamais étéadmis.
Cela me conduit à conclure qu'aucun des trois traités invoquéspar le
Tchad ne peut être considéré au regard du droit international comme un
traité frontalieruscirptible,en conséquence,de bénéficierdu traitement
exceptionnel prévupar la déclaration du Caire et l'article 11 de la con-
vention de Vienne de 1978sur la succession d'Etats en matière de traités.
Quant au traité de 1955, il a étéconclu pour une durée convenue de
vingt ans, duréeexpressémentfixéepar les parties pour chacune des con-
cessions faites la France. Or, l'article 54 de la convention de Vienne sur
le droit des traitésdispose, entre autres, que l'extinction d'un traitéa lieu
conformément à ses dispositions. Aussi le traité de 1955 est-il devenu

caduc en 1975. Les Parties ont observé une trèsgrande discrétion à pro-
pos de l'article Il. Le Tchad aborde cependant la question dans son
contre-mémoire; il reconnaît que le traités'est éteinten 1975,mais uni-
quement pour soutenir que les clauses de l'article3 et de l'annexe 1sur-
vivent au traité, parce que ce dernier contient des accords frontaliers et
bénéficiede ce fait de l'exceptionàla règlede la fabularasa réservée aux
traités de disposition et aux traités territoriaux. Mais le caractère de ces
clauses ne va pas de soi et il reste prouver qu'elles concourent à I'éta-
blissement d'une frontière internationalement reconnue.
Il importe de rappeler que la France a subordonné la ratification du
traitéde 1955 à la conclusion de l'accord de 1956sur la rectification de la
frontièrefranco-(algéro)-libyenne,censéattribuer à la France le gisement

pétrolier d'Edjelé.Du reste, le Parlement français a approuvé I'amende-
ment Isorni visant à ajouter l'article suivant au projet de loi autorisant la
ratification:((Les instruments de ratification seront déposés lorsque sera
intervenu l'accord fixant la frontière entre le Royaume-Uni de Libye et
l'Algérie.»(Mémoirelibyen, vol. 1, p. 398.)
C'est pourquoi le traité de 1955n'a été ratifié qu'e1 n957.Et, dèslors
qu'étaitrégléle problème de la rectification de frontière entre la Libye et
l'Algérie,la France a attendu 1991pour faire enregistrer le traité de1955
au Secrétariat de l'Organisation des Nations Unies.
J'aborde mainteriant la question des effectivités, à savoir l'exercice
continu et pacifique des fonctions étatiques, pour reprendre la formule
employéepar Max Huber dans la sentence arbitrale relative àl'[lede Pal-

mas. Jusqu'à la gueirreitalo-turque de 1911et au traitéd'Ouchy de 1912,
il ne faitucun douie que leseffectivitéscolonialesdans la région en litige
ont été exercéepsar l'Empire ottoman, à la faveur d'un systèmedistant et
relâchéfondésur la délégationde ses pouvoirs aux administrations lo-
cales.Il est affirmédans le dossier qu'il existait une souverainetéparta-
géeentre les Ottomans et les peuples autochtones locaux, notamment ceuxcontests the validity of these effectivités,but the fact is that there was no
French presence in the area prior to the Treaty of Ouchy and the with-
drawal of the Ottomans. It was only afterwards, namely in 1913,that the
French incursions trespassed beyond the modus vivendiline established
with the Ottomans. In successiveincursions the French occupied the key
points, attacked and destroyed zuit3i-vsnd tried to establish a domina-
tion of the borderlands, especially of the BET. But the resistance of the
local tribes, and particularly of the Senoussi,ever allowed the establish-
ment ofthe exerciseof peaceful and continuous State power by France. It
was always a military occupation, and authority was exercised by mili-
tary officers. Evenafter the independence of Chad, French military were
retained in the administration of local oases. Moreover, Chad did not
provide any documentary proof of the exercise of peaceful State power.
No documentation appears in the dossier, in contrast to the case con-
cerning the Lund, Islandund Maritime FrontierDispute (El Sulvador/Hon-
durus: Nicaragua intervening)in which volumes of certified documenta-

tion were provided as evidence of the peaceful and continuous exerciseof
State power.

The fact is that no concrete evidence of ef'ectivit4swas presented in the
case-file, of either Ottoman, French or Italian effeecttiviand, of course,
still less of Senoussi effèctivités.So 1believe that any invocation of effeec-
tivitks should simply be disregarded. Chad's suggestion that there existed
a sui generis type of efféctivité.o.wing to the peculiar geographical cir-
cumstances of a desertic and inhospitable area, is not convincing. It does
not match up to the famous criteria on the role of efictivités enshrined in
the FrontierDispute (Burkina Fa.~o/Repuhlico~fMali) case.

The Chadian Memorial quoted French documents which confirm that
the occupation of the BET was carried out for the enforcement of their
hold on the zones of influence, and not to effect an occupation such as
could underpin a peaceful and continuous exercise of State power. For
instance, in 1913the French forces occupied Zouar and Bardai, the main
town of Tibesti. But they withdrew as early as 1916 and did not come
back until 1930. The "reconnaissance patrols", tournées milituires,

sporadically conducted with long intervals, could not sufficeto establish
the existence of any genuine eflectivités.
Chad on various occasions invoked the Jef-Jef incident of 1938and the
Aouzou-Moya incident of 1955as evidence of French sovereignty in the
area. In fact, these were minor incidents whose importance was inflated
on purpose. In the first incident a few unarmed Italian workers drilling a
well were expelled by French troops. In the second a civilian Libyan
group accompanied by a few soldiers, escorting a United Nations statis-
tics specialist, were likewise forced to withdraw to the claimed French
frontier.organiséset dirigéspar l'Ordre senoussi. Le Tchad conteste la validitéde
ces effectivités,mais le fait est qu'il n'y avait aucune présence française
dans la régionavant le traité d'Ouchy et le retrait des Ottomans. Ce n'est
qu'après seulement, c'est-à-dire en 1913,que les incursions françaises ont

pénétré au-delàde la ligne établiepar voie de modu.svivendi avec les Otto-
mans. Au cours de leurs incursions successives, les Français ont occupé
les positions clés, attaqué et détruit des zuouïus et tenté d'établir leur
domination sur les confins, notamment le BET. Mais la résistance des
tribus locales, en particulier des Senoussi, n'a jamais permis à la France
d'exercer un pouvoir étatique pacifique et continu. 11s'est toujours agi

d'une occupation militaire, l'autorité étant exercéepar des officiers de
l'armée.Même aprèsl'indépendancedu Tchad, des militaires français ont
été maintenus dans le cadre de l'administration des oasis locales. Au
demeurant, le Tchatl n'a produit aucune preuve documentaire de I'exer-
cice pacifique d'un pouvoir étatique. Aucune piècene figure dans le dos-
sier, ce qui tranche avec l'affaire relative aDiffPrendfrontulier terresire,

insuluircet rnaritime(El Sulvudor/Hondur«s ;Nicarugua(intervenuni)), dans
laquelle des volumes entiers de pièces certifiéavaient étéproduits comme
moyens de preuve de l'exercicepacifique et continu d'un pouvoir étatique.
C'est un fait qu'aucun moyen de preuve concret des effectivitésn'a été
verséau dossier, qu'il s'agissedes effectivitésottomanes, françaises ou ita-
liennes et, naturellement, encore moins des effectivités senoussi. J'estime
donc qu'il faut simpllementpasser outre à toute invocation des effectivités.

La thèsedu Tchad, laissant entendre qu'il existait un type suigeneris d'ef-
fectivités.en raison des caractéristiques géographiquesparticulières d'une
régiondésertiqueet inhospitalière,n'est pas convaincante. Elle ne cadre pas
avec les célèbrescritkres relatifs au rôle des effectivitésconsacrésdans l'af-
faire du D$fc;rendfrontulier(Burkina F(t.so/Ripublique(luMd).
Dans son mémoire, le Tchad a citédes documents français qui confir-
ment que l'occupation du BET visait à garantir l'emprise de la France sur

les zones d'influence, et nonà asseoir un exercice pacifique et continu du
pouvoir étatique. C'est ainsi qu'en 1913 les forces françaises ont occupé
Zouar et Bardaï, la principale ville du Tibesti. Mais ils s'en retirèrent
dès 1916. et ne revinrent qu'en 1930. Les ((patrouilles de reconnais-
sance)), ou tournées militaires, sporadiquement effectuées à intervalles
éloignés nepouvaient suffire à établirl'existence de véritableseffectivités.

A plusieurs reprises, le Tchad a invoquél'incident de Jef-Jef de 1938et
l'incident d'Aouzoii-Moya de 1955 comme preuves de la souveraineté
française dans la région. Il s'agissait en réalitéd'incidents mineurs dont
l'importance a été délibérémee nxtagérée.Au cours du premier incident,
une poignée de travailleurs italiens non armés occupés au forage d'un
puits ont étéchasséspar des troupes françaises. Lors du second incident,

un groupe de civils libyens accompagnés de quelques soldats, escortant
un spécialistede statistiques de l'organisation des Nations Unies, ont de
même été contraints de se retirer jusqu'à la frontière revendiquée par la
France. 1believe that the reasons aligned by Libya to contend that effecfivités
could not play a decisive role in this case were valid. The basic question
was a question of title, and the legal title has been shown to reside first
with the indigenouspopulation, especiallythe Senoussi peoples,the Otto-
man Empire, and later Italy. This was the title that Libya inherited.
France never occupied the Libya-Chad borderlands (whether by peaceful
means or by conquest) until after 1929, by which time occupation by
force was unlawful under international law. In any event, the territories
in question were not terru nuIlius,so that the occupation by a French
military presence was, to use the words of Chief Justice Hughes of the

United States Supreme Court, "a mere usurpation".

Moreover, one should recall that the 1955 Franco-Libyan Treaty,
which according to Chad was the rock on which the whole Chadian case
rested, disregards completely the question of ejjectivités,relying exclu-
sivelyon the conventions in force at the date of Libyan independence for
the purpose of defining the borderline east of Toummo.
1now turn to the so-called "Aouzou strip". The Chadian Memorial
itself (Vol. 1, p. 17) recognizes that the expression "Aouzou strip" is of
recent use, appearing at the end of the 1970s because of "usugejournalis-
tique". It encompasses the region that would have been "ceded" by
France to Italy under the terms of the Laval-Mussolini Treaty. It is
delimited by two lines: the 1935Treaty line and the 1899Franco-British
Convention line. It is curious that Chad should have invoked the line of

the 1935Treaty, describing in fulldetail the southern limit of the "Aouzou
strip". For the northern limit, it relied on the 1899line as it appears on
the Livrejuunemap. The "Aouzou strip", including a small intrusion into
the territory of Niger, covers an area of 144,000km2 - 1,040km long
and 140 km wide. The strip is divided into parts corresponding to the
Borkou, the Ennedi and the Tibesti; in other words, it is the BET.

The position of the French Government concerning the sovereignty
over the "bande d'Aouzou" is somewhat dubious. For instance, on
27 March 1985,the Minister of Defence, Charles Hernu, said in an inter-
view:

"La bande d'Aouzou est hors du Tchad. Cela, tout le monde en
est d'accord. Mêmele présidentHabréle reconnaît. C'est une affaire
qui remonte a 1934." (See Counter-Memorial of Libya, Vol. 1,
p. 312.)

Therefore, nobody less than the Minister of Defence of France con-
firmed the clear-cut statement of President Tombalbaye in his disputed
letter to the Libyan Head of State.
As has been said, the Parties disagreed on the nature of the task that
lay before the Court. Libya contended for a distribution of territories, DIFFÉREND TERRITORIAL (OP. DISS.SETTE-CAMARA) 100

J'estime que les raisons avancéespar la Libye pour affirmer que les
effectivités ne pouvaient jouer un rôle déterminant dans la présente
affaire étaientalablr:~.La question fondamentale étaitcelle du titre, et il

a étéétabli que le titre juridique appartenait d'abord à la population
autochtone, en partilrulier aux peuples senoussià l'Empire ottoman, et
plus tard à l'Italie. C'est là le titre dont a héritéla Libye. La France n'a
occupéles confins Libye-Tchad (par des moyens pacifiques ou par voie
de conquête), qu'après1929et, à cette époque,l'occupation par la force
étaitillicite au regard du droit international. De toute maniere, les terri-
toires en cause n'étaientpasferrunullius,si bien que l'occupation par une
présence militairefrançaise était, pour reprendre les termes employéspar
M. Hughes, présideritde la Cour suprêmedes Etats-Unis, «une usurpa-
tion pure et simple)).
De plus, il faut rappeler que le traité franco-libyende 1955qui, selon le
Tchad, est la pierre angulaire de toute l'argumentation tchadienne, fait
totalement abstraction de la question des effectivités,uisqu'il s'appuie

exclusivement, pour la définitionde la frontièreà l'est deToummo, sur
les conventions-en vigueur à la date de l'indépendancede la Libye.
S'agissant maintenant de la zone dite((bande d'Aouzou», le Tchad lui-
mêmereconnaît daris son mémoire (livre1, p. 17)que l'emploi de cette
expression estrécent.,remontant à la fin des années soixante-dix,et qu'il
est dû à un ((usage journalistique)). Il s'agit de la régionqui aurait été
«cédée»par la France à l'Italie conformément aux termes du traité
Laval-Mussolini, et qui est délimitéepar deux lignes: la ligne du traité
de 1935 et celle de la convention franco-britannique de 1899. 11est sin-
gulier que le Tchacl ait invoqué la ligne du traité de 1935, indiquant
minutieusement la limite méridionale de la «bande d'Aouzou». Pour
la limite septentrionale,l s'est appuyésur la ligne de 1899 telle qu'elle

figure sur la carte duLivrejaune. La «bande d'Aouzou», y compris une
petite partie setrouvant en territoire nigérien,couvre une superficie de
144000 kilomètres carrés - 1040kilomètres de long sur 140kilomètres
de large. La bande est diviséeen plusieurs parties correspondant au
Borkou, à I'Ennedi et au Tibesti; en d'autres termes, il s'agit du BET.
La position du (3ouverriernent français quant à la souveraineté sur
la «bande d'Aouz~ou» est quelque peu équivoque. Par exemple, le
27 mars 1985,le ministre de la défense, M. Charles Hernu, a déclaréau
cours d'une interview

«La bande cl'Aouzou est hors du Tchad. Cela, tout le monde en
est d'accord.Mlême le présidentHabréle reconnaît. C'est uneaffaire
qui remonte à 1934.)) (Voir contre-mémoire de la Libye, vol. 1,
p. 312.)

Or, c'est le ministre français de la défense lui-mêeui a confirméI'af-
firmation catégorique du président Tombalbaye dans sa lettre contestée
au chef d'Etat libyen.
Comme il a étédit,les Parties n'étaient pasd'accord sur la tâche qui
incombait àla Couir.La Libye prétendaitqu'il s'agissaitd'une attributionhaving in mind the historic colonial titles. Chad maintained that the
southern frontier of Libya existed, and resulted from the international
instruments en vigueur at the time of Libya's independence. Indeed,
according to Chad, the task of the Court was confined to the choice of
one of the two lines limiting the Aouzou strip, despite the fact that in the
Accord-Cadre there is not the slightest mention of the "Aouzou strip".
Chad contended that whatever the task of the Court might be, it would
have to establish a frontier line.
Chad agreed that by virtue of the Treaty of Ouchy, confirmed by the

1923Lausanne Peace Treaty, Italy inherited al1the sovereign rights of the
Ottoman Empire, yet Chad denied that the Porte had any sovereign
rights over the BET.
Libya appealed to considerations of equity if the Court had to estab-
lishex novo a boundary line, urging it to produce a line which was prac-
tical, fair and sensible, taking into consideration the interests of the Par-
ties and the peoples of theregion. Chad categorically rejected any resort
to considerations of equity, eveninfiu legern.

The relationship between the two countries has been far from peaceful.
Early in 1963the internal situation inChad was conducive to a rebellion
that triggered the creation of the FROLINAT (Front de libérution natio-
nale). In the same year a treaty of friendship between Chad and Libya
was concluded, dealing mainly with security of communications, but pro-
viding nothing on frontiers.

By 1955the discovery of oil and the promulgation of the first Libyan
Petroleum Regulation opened the door to a brighter future for Libya. By
1971 Chad, alleging interference in internal questions, had broken off
relations with Libya, but relations were resumed in 1972when a new
treaty of co-operation and mutual assistance was signed. Again there was
no mention of frontiers. It was around then that the episode of the Tom-
balbaye letter occurred. Following the 1972 Treaty other agreements
between Libya and Chad were concluded. In the 1974Treaty the only
reference to frontiers was a condemnation of the arbitrarily established
colonial frontiers, obviously in contradiction to the964Cairo Declara-
tion. A new treaty was signed in 1980and again there was no mention of
the presence of Libyan troops on Chadian territory. Yet another treaty
was signed in 1981, ignoring the "invasion" by Libyan troops of the
"Aouzou strip". (On the Chadian internal front, the Accord u'LL.gos sur
10 réc~onciliutinationale au Tchad,concluded in Lagos on 13-18August

1979, by al1Chadian political parties, assisted by the representatives of
Cameroon, Libya, Niger, Nigeria, Senegal, Sudan, Congo, Liberia, Benin,
Central Africa and the representative of the Organization of African
Unity, had not dealt at al1with the occupation of the "Aouzou strip" by
Libyan troops. Its objective was a cease-fire and the creation of the
Gouvernernentd'union nutionule (le trunsition(GUNT).) The complaints
presented by Chad to the United Nations Security Council produced no
solution but were apparently conducive to the conclusion of the Accord-de territoires, eu égard aux titres coloniaux historiques. Le Tchad affir-
mait que la frontière méridionale de la Libye existait et résultait des actes
internationaux en vigueur à l'époque de l'indépendancede la Libye. A
vrai dire, de l'avis di1Tchad, la tâche de la Cour se limitait au choix de
l'une des deux lignes qui délimitentla bande d'Aouzou, nonobstant le fait

que l'accord-cadre rie contient pas la moindre mention de la «bande
d'Aouzou». Selon sa thèse, quelle que fût la tâche de la Cour, celle-ci
devait établir une ligne frontière.
Le Tchad a admis qu'en vertu du traité d'Ouchy, confirmépar le traité
de paix de Lausanne de 1923. l'Italie avait héritéde la totalité des droits
souverains de l'Empire ottoman, en soutenant toutefois que la Porte

n'avait aucun droit souverain sur le BET.
La Libye a instamment demandé que la Cour s'attache à des considé-
rations d'équitési elle devait établir es novo une ligne frontière, et l'a
expressément invitéeà produire une ligne qui soit réaliste,juste et ration-
nelle, en tenant compte des intérêts des Parties etdes populations de la
région. Le Tchad a catégoriquement rejetétout recours à des considéra-

tions d'équité,même infrluegem.
Les relations entre les deux pays n'ont pas été,loin s'en faut, paci-
fiques. Au début de 1963. la situation intérieure au Tchad engendre une
rébellion qui provoqlue la création du FROLINAT (Front de libération
nationale). La mêmeannée,un traitéd'amitiéest conclu entre le Tchad et
la Libye, portant principalement sur la sécuritédes communications,
mais passant sous silence la question des frontières.

En 1955, la découverte de pétrole et la promulgation du premier règle-
ment libyen sur le petrole laissent entrevoir un avenir plus florissant pour
la Libye. En 1971, le Tchad, alléguant une ingérence dans ses affaires
intérieures, rompt ses relations avec la Libye, mais celles-ci sont rétablies
en 1972, lors de la signature d'un nouveau traité de coopération et d'as-
sistance mutuelle. Là non plus iln'est pas question de frontières. C'est à

peu près à cette époque que se situe l'épisodede la lettre de M. Tombal-
baye. A la suite du traité de 1972, d'autres accords ont été conclusentre
la Libye et le Tchad. Dans le traité de 1974, la seule référenceaux fron-
tières est une condainnation des frontières coloniales arbitrairement éta-
blies, en contradiction manifeste avec la déclaration du Caire de 1964.Un
nouveau traité est signéen 1980; là encore,iln'est nullement fait état de

la présencede troupes libyennes en territoire tchadien. Un autre traitéest
encore signé en 1981, passant sous silence l'«invasion)) de la «bande
dlAouzou» par des troupes libyennes. (Sur le plan intérieur tchadien,
l'accord de Lagos ijür la réconciliation nationale au Tchad, conclu à
Lagos du 13 au 18 août 1979 par l'ensemble des partis politiques tcha-
diens, assistésdes représentants du Cameroun, de la Libye, du Niger, du
Nigéria, du Sénégal,du Soudan, du Congo, du Libéria, du Bénin, de

l'Empire centrafricain et du représentant de l'organisation de l'unité
africaine, avait laissé totalement de côté l'occupation de la «bande
d'Aouzou » par des troupes libyennes. L'objectif de cet accord était I'ins-
zauration d'un cessez-le-feu et la création du Gouvernement d'union102 TERRITORIAL DISPUTE (DISSO. P.SETTE-CAMARA)

Cadre of 31 August 1989, by virtue of which the present case came to
the Court.

1 believe that the titles to the territory asserted by Libya are valid.
Neither France nor Chad could present any sounder titles than the three

layers of title enuring to Libya, namely those of the peoples inhabiting
the territory, tribes, confederations of tribes and the SenoussiOrder, the
Ottoman Empire's sovereignty overthe area, passing to Italy in 1912and
thence to Libya in 1951.
The argument of Chad that the claim of Libya would involve half of
Chadian territory was unimpressive. Not only does it beg the question
but it also works the other way around, since Chad's claim involves a
substantial part of Libyan territory.
The claim of Libya represented on map 105 of the Libyan Memorial
was based on succession to Ottoman claims that went much farther to the
south.
The concluding paragraph of the Judgment, paragraph 76, invokes the

pactu sunt servandarule to justify the line enshrined in the operative part,
which would result from the 1955Treaty. Nobody would challenge this
fundamental rule of international law, what Hans Kelsen established
as the Grundnormof international law. But it obviously applies only to
treatiesinforce, and Article 11 of the 1955Treaty renders its validity after
the 20 years deadline, to Saythe least, debatable.

Paragraph 77, containing the dispositif, resorts to the line of the 1919
Franco-British Convention, the so-called "Wadai-Darfour Convention"
which, incidentally, dealt with the southern frontier of Libya with the
French territories, moving it northward. The 1899strict south-east line
was indeed progressively moved northward: first with the Livre jaune

map, in a unilateral modification of the original line, without consulta-
tion with the British, something which, according to the handwritten note
of Lord Thomas Sanderson, Permanent Under-Secretary of State for
Foreign Affairs, "did not matter much". The fact is that the 1899 line,
following a strict south-east direction- and that seems to have been the
intention of the negotiators in the light of the travuux préparatoires -
would intersect the 24" E meridian at 15"35' N of latitude, approxi-
mately at the place where it meets the Wadi Howa. The same line, as
depicted on the Livrejaune map, would meet the 24" E meridian at the
latitude of 19"N. According to the Franco-British Convention, the inter-
section would occur at 19" 30'N. Chad contended that it was not a strict
south-east line, but an east-south-east line. Therefore there is a substan-

tive modification in the course of the line, which has been pushed north-
ward some four degrees. And that is the line which the dispositf of the
Judgment takes as the basis for defining the boundary between the
Republic of Chad and the Libyan Arab Jamahiriya. DIFFÉRENI) TERRITORIAL (OP. DISS. SETTE-CAMARA) 102

nationale de transition (GUNT).) Les plaintes portées par le Tchad
devant le Conseil de sécuritéde l'ONU n'ont abouti à aucune solution
mais ont apparemment favorisé la conclusion de l'accord-cadre du
31 août 1989,en vertu duquel la Cour a étésaisie de la présente affaire.

Je pense que les titres territoriaux invoqués par la Libye sont valables.
Ni la France ni le Tchad ne pouvaient produire de titres plus valables que
les trois niveaux de titres revenant à la Libye, à savoir les titres des
peuples habitant le territoire, tribus, confédérationsde tribus et Ordre
senoussi, lasouverainietéde l'Empire ottoman sur la région, transmise à
l'Italie en 1912et, partant,à la Libye en 1951.
L'argument du Tch,adselon lequel la revendication de la Libye concer-
nerait la moitiédu territoire tchadien était peu convaincant. D'abord, il
élude la question maisil vaut aussi dans l'autre sens, la revendication du
Tchad intéressant un<:partie importante du territoire libyen.
La revendication de la Libye, représentéesur la carte 105du mémoire
libyen, se fondait sur sa succession à des revendications ottomanes qui

s'étendaientbeaucoup plus loin au sud.
Le paragraphe 76 tileI'arrêt,qui conclut l'énoncé dems otifs, se fonde
sur la règle pncta sur;ltservundapour justifier la ligne consacréedans le
dispositif, qui résulteraitdu traitéde 1955.Personne ne songe à contester
cette règlefondamentale de droit international, qualifiéepar Hans Kelsen
de Grundnorm du droit international. 11est cependant manifeste qu'ellene
s'applique qu'à des traitésen vigueur,et l'article 11du traitéde 1955rend
pour le moins discuitable la validité de ce traité aprèsla durée limite
de vingt ans.
Au paragraphe 77, qui constitue le dispositif, la Cour fait fond sur la
lignede la convention franco-britannique de 1919,dite en anglais «Wadai-

Darfour Convention:+laquelle traitait, incidemment, de la frontièreméri-
dionale de la Libye avec les territoires français, en la déplaçant vers le
nord. A vrai dire, la ligne strictement sud-est de 1899a étéprogressive-
ment remontéevers le nord :d'abord, avecla carte du Livrejaune, par une
modification unilatérale de la ligne initiale, sans que les Britanniques
aient été consultés, c:equi, d'après la note manuscrite de lord Thomas
Sanderson, sous-secrittaire d'Etat adjoint aux affaires étrangères, n'avait
pas ((beaucoupd'importance)). Le fait estque la lignede 1899,suivant une
direction strictement sud-est - ce qui semble correspondre à l'intention
des négociateurs auvu des travaux préparatoires - couperait le 24"méri-
dien est au parallèle 15"35'de latitude nord, àpeu prèslà où il rencontre
l'Ouadi Howa. La nîême ligne,telle qu'elle est figuréesur la carte du

Livre juune, rencontrerait le 24" méridienest à la latitude de 19" nord.
Selon la convention franco-britannique, le point d'intersection se trouve-
raità 19"30'de latitude nord. Le Tchad a affirmé qu'ilne s'agissait pas
d'une ligne strictement sud-est, mais d'une ligne est-sud-est. C'est pour-
quoi le tracé de cette ligne subit une modification importante, qui la
décale dequelque quatre degrés versle nord. Et c'est cette ligne que le
dispositif de l'arrêtretient comme base pour définirla frontière entre la
Républiquedu Tchad et la Jamahiriya arabe libyenne. But one could not exclude a compromise solution which, regrettably,
neither the Parties nor the Court explored. There were two possibilities
for drawing a fair and equitable line: the first would have been the line of
United Nations map No. 241, which is close to th1935 line but not iden-
tical to it. Given that Chad had not scrupled to use the 1935 line as the
southern limit of the "Aouzou strip", 1cannot see why it would have
objected to its use for a boundary ex novo.

The second solution would have been to revert to the 1899strict south-
east line, which was at the origin of the dispute, and which continues to
appear on very recent maps, for instance, the 1988OAU map attached to
its Sub-Committee's report on the Libya-Chad dispute. This, in my view,
is the most obvious, and perhaps the most equitable, line.

Both those lines would have afforded the advantage of dividing the
Tibesti Massif between the two countries. And it is not necessary to
emphasize the importance of the Tibesti Massif for the possible defence
of one country or the other, as repeatedly asserted by both Parties.

(Signed) José SETTE-CAMARA. On ne saurait cependant exclure une solution de compromis que, mal-
heureusement, ni les Parties ni la Cour n'ont explorée. 11existait deux
tracés possibles d'une ligne juste et équitable: le premier aurait étécelui
de la carte no 241 de l'Organisation des Nations Unies, qui se rapproche
de la ligne de 1935sans lui être identique.Vu que le Tchad n'a pas hésité

à faire de la ligne de 11935la limite méridionale de la ((bande d'Aouzou)),
je ne vois pas pourquoi il se serait opposéà ce qu'elle serve à la définition
d'une frontiére e.unovo.
La seconde possibilité aurait consisté à revenir à la ligne strictement
sud-est de 1899,qui est à l'origine du différend,et qui continue de figurer
sur des cartes très récentes, par exemple la carte de 1988 de I'Organisa-

tion de l'unité africaine jointe au rapport de son sous-comité sur le dif-
férend Libye-Tchad. C'est, à mon avis. la ligne la plus incontestable et
peut-êtrela plus équitable.
L'une et l'autre de ces lignes auraient eu pour avantage de partager le
massif du Tibesti entre les deux pays. Or, il est inutile de souligner l'im-
portance du massif du Tibesti pour la défense éventuelle desdeux pays,

comme l'ont affirméà maintes reprises les Parties.

(Signk) José SETTE-CAMARA

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Opinion dissidente de M. Sette-Camara (traduction)

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