Opinion dissidente de M. Fischer (traduction)

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078-19930614-JUD-01-10-EN
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078-19930614-JUD-01-00-EN
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OPINION DISSIDENTE DE M. FISCHER

[Traduction]

Je regrette de ne pouvoir m'associerà la décisionde la Cour, pour les
raisons que j'exposerai brièvement ci-après.Mes observations seront
centréessur la principale divergence de vues.

En revanche, je suis d'accord en partie avec l'argumentation de la
Cour.

1. Je suisd'accord,par exemple,avecla description de cequel'on peut
appeler la zone pertinente et la zone de chevauchement des revendi-
cations (termes synonymes de ((zone en litige))).Toutefois, je ne sous-
cris pas àl'avisde la Cour selon lequel la ((zone de chevauchement des
titrespotentiels»estpertinente. Lefaitestque la Norvègerevendiquedes
lignesmédianescommeconstituant la délimitationdu plateau continental
et des zones de pêche, etle fait est que le Danemark revendique une
lignededélimitationsituée à200millesmarins du Groenland oriental. Ce

sont les revendications des Parties qui ont un caractèredécisif,et non les
titres.
La distinction,dans laprésente affaire,entre(titre»et ((délimitation»
estimportante etne doitjamais êtreperduedevue.Je reviendrai sur cette
question dansun autre contexte.
L'affaireest caractérisépar une situation géographiqueassezsimple:
la côte du Groenland oriental, longue et bien définie, facà la côte de la
partie occidentale de Jan Mayen, bien définieelle aussi mais beaucoup
plus courte.
2. J'approuve égalementlaCour de rejeterlesprincipales prétentions
de la Norvège à l'effetqu'une délimitation selonles lignes médianesest

déjà ((enplace»en cequi concerne leszones deplateau continental etles
zones de pêche entrele Groenland etJan Mayen. Cesprétentions étaient
essentiellementfondéessurl'accordde 1965,la convention sur leplateau
continental de 1958et la conduite des Parties, en particulier celle du
Danemark. C'est à bon droit que la Cour n'aaccueilliaucun de cesargu-
ments.
3. Dans l'ensemble,je suis en accord avec la Cour sur la question de
savoirs'ildoit yavoir une seuleligne de délimitation commeledemande
le Danemark ou deux lignes - coïncidentes - comme le demande la
Norvège.La Cour est - mêmeen l'absenced'accord entrelesparties -
compétentepour déclarer qu'une délimitation du plateau et deszones de

pêche doit êtrefondé serune ligneunique. Lefait que laprésente affaire
aétéintroduite devanltaCour par larequêteunilatérale du Danemark est
donc demeuré sanspertinence.
Les cheminements juridiques pouvant conduire à un résultatfinal comportantune ligneunique ou au contraire deux lignes (coïncidentes)
sont différentsou peuvent l'êtr. ependant,une foisle résultat atteint, y
a-t-il une différence quelconque entre une ligne unique située en un
emplacement géographique donné ou deux lignes coïncidentes en ce
même emplacement?Selon moi,iln'yenapas. C'estl'emplacementdela
lignededélimitationquiimporte, etnon la question de savoirsiladélimi-
tation esteffectuéepar une seuleou par deux lignescoïncidentes.
4. Je pense avec la Cour que les sourcesjuridiques régissant l'affaire
sont la convention de 1958(art.)en cequi concerne leplateau continen-
tal, etledroit coutumier en cequiconcernelazone depêche.Toutefoisj,e
ne considèrepas la convention de 1958commela seule sourcejuridique

pour cequi estde la délimitationdu plateau continental, car l'article6 de
cetteconventiondoit êtreinterprété conformémea nt droit coutumier,et
complété par lui.
LaCour elle-même aévoquéla tendance à assimilerles circonstances
spéciales»de l'article 6 et les circonstances pertinentes du droit coutu-
mier, vu que dans les deux cas il s'agitde promouvoir l'obtention d'un
résultat équitable.
5. Je suis en désaccordavec la Cour lorsqu'elle déduit del'article 6
qu'il estapproprié detracer provisoirement une lignemédiane à titre de
premièreétapedu processus de délimitation.
Cette méthodejuridique a permis à la Cour de parvenirà sa décision,
qui établitune ligne de délimitation située entreles lignes revendiquées
par lesdeux Parties.

L'approchepar laquellela Cour a d'abord employéune lignemédiane
provisoireavant de sedemander sidescirconstancesspécialesexigeaient
une autre ligne de délimitationest exposée,dans l'arrêt, aprèlse passage
dans lequel laCour rejettelesprétentionsde la Norvègeselonlesquelles
des lignes médianessont déjàen place, mais avant qu'elle ne chercheà
déterminersi les revendications du Danemark sont équitables ou justi-
fiées.La Cour est, apparemment, parvenue à priorià la conclusion
que l'acceptation de ces revendications aboutirait un résultat inéqui-
table.
Je ne considèrepas cettemanièredeprocéder commela bonne. Amon
avis,laCour, aprèsavoirexaminélesrevendications dela Norvège,aurait
dû examiner celles du Danemark et c'est alors seulement, dans l'hypo-
thèse oùles revendications du Danemark lui seraient apparues comme

aboutissant àun résultat inéquitable,qu'elle aurait dû se demander s'il
était indiquéde recourirà une ligne provisoire, qu'il s'agissede la ligne
médianeou d'une autre ligne.
6. La Cour n'apas, àmon sens,fourni d'arguments defond en faveur
de l'emploide la lignemédiane commepointde départdu processus de
délimitation.
Je ne vois pas comment on peut défendre l'affirmation selon laquelle
l'article 6 de la convention de 1958justifie cetteméthode. Cet article ne
comporte aucune disposition sur le recours àla ligne médiane comme
ligneprovisoire. LaCoura pris pour hypothèsequeladifférencefrappante delongueurs
desdeux côtespertinentes constitue une «circonstance spéciale »au sens
de l'article 6, ce qui signifie qu'il faut établirune ligne de délimitation
autre que la ligne médiane. Il est difficile de comprendre comment elle
peut alors conclure qu'il y a lieu d'employer une ligne médiane comme
ligneprovisoire.
7. La Cour s'estréférée àl'affaire du Plateaucontinental(Jamahiriya
arabe libyenne/Malte),où letracé d'unelignemédiane entant quemesure
provisoire dans lecadre d'un processusdevantêtrepoursuivipar d'autres
opérations a été considéré comme étantla manière de procéder la plus
judicieuse pour parvenir finalement àun résultat équitable.

On s'est égalementréféré au tribunal arbitral franco-britannique qui,
en 1977,a appliqué la ligne d'équidistance à titre de ligne provisoire.
Toutefois, cesaffairessont sidifférentesdela présente affairedu point de
vue de la géographieet d'autres facteurs qu'ilne paraît nullementjustifié
d'en tirer desconclusions quantau bien-fondéde l'utilisation d'une ligne
médiane provisoiredans le casprésent.
De plus, il estpossibled'invoquer d'autres affaires dans lesquelles on a
adoptéunefaçonde voirdifférente,par exemplel'affaire du Plateauconti-
nental (Tunisie/Jamahiriyaarabe libyenne):

«La Cour n'estime pas non plus qu'en l'espèce il lui incombe
d'examiner enpremierlieu leseffetsque pourrait avoir une délimita-
tion selon la méthode de l'équidistance, etde ne rejeter celle-ci au
bénéfice d'une autre méthode que siles résultatsd'une ligned'équi-
distance lui paraissaient inéquitables.(C.I.J.Recueil 1982,p. 79,
par. 110.)

8.Il me sembleque la Cour, lorsqu'elle a décidé d'employerune ligne
médiane àtitre deligneprovisoire, aaccordéàlalignemédianeunevaleur
préférentielleet injustifiée.
Cette attitude correspondà l'attitude généraladoptéeparla Courdans
cette affaire, qui est de considérer qu'à première vueune ligne médiane
entre des côtes qui se font face aboutitune solution équitable. Cela,à
mon avis,ne correspond pas auxdéveloppementsintervenus dans ledroit
international depuis 1958,et en particulier aux développements codifiés
par la convention de 1982sur le droit de la mer, quia réduit l'importance
accordée jusqu'alors au principe de la ligne médiane, considéré désor-
mais comme n'étantpas davantagequ'un moyen parmid'autres deparve-

nirà un résultat équitable.
Je nepensepas que, à défaut d'accord,la lignemédianeselonl'article6
de laconvention de 1958puisseêtreconsidéréecommela règleprincipale
tandis que les «circonstances spécialesconstitueraient l'exception. Les
deux termes de l'alternative sont, selon moi, placéssur le mêmepied. La
tâche principale est donc d'examiner si, dans la présente affaire, il existe
des circonstancesspécialesquijustifient une ligne de délimitationautre
que la ligne médiane et, dans l'affirmative, quel endroit il faut tracer
cette ligne. L'article 6 ne renferme aucune indication quantà la nature précise
des ((circonstancesspéciales, mais il est généralement admisque ces
circonstances sont celles qui sont de natureconduire à une solution
équitable.
9. Les prétentionsdu Danemark àune ligne de délimitation situéà

200millesmarins de la côte du Groenland orientalont, commeon l'a dit,
étéexaminée psar laCour uniquement dans lecontextedel'ajustementde
lalignemédianeprovisoireetont étérejetée asu motifquel'attribution de
la totalitéde la zone en litigeet de sesressourcese seule des Parties
n'aurait pas été considéréecommeéquitabE len. outre, la Cour a affirmé
que la côte de Jan Mayen, tout autant que celle du Groenland oriental,
génèreun titre entier sur les espaces maritimes reconnus par le droit
coutumier,c'est-à-direenprincipejusqu'à lalimitedes200milles àpartir
de lalignedebase, etque, sila Norvège ne sevoyait attribuerque la zone
résiduelle qui reste après avoirdonnéplein effetà la côte orientale du
Groenland, cela serait contraire aux exigences supérieuresde l'équité.
Selonla perspective dans laquelleseplace la Cour, aucun des deux Etats

dont les côtes se font face ne peut exiger de l'autre qu'il renoncees
prétentionssur la totalité des espacesmaritimes auxquelsil a droit. Cela
me conduit à penser que la Cour n'a pas fait de distinction nette entre
((titre»et «délimitatioD.
10. La distinction entre les deux concepts est importante, car le droit
applicable au fondement du titre concernant deszones de plateau conti-
nental ou deszones de pêcheest différentdu droit applicablela délimi-
tation desditeszones,même s'illecomplète(voirl'affairedu Plateau conti-
nental (Jamahiriya arabe libyenne/Malte), C.I.J. Recueil 1985,p. 29-30,
par. 27).
Le Danemark n'a pas mis en cause le statut d'îlede Jan Mayen et, en
conséquence,il n'a ni mis en cause son titàeune zone de pêcheet à un
plateau continental ni formulé d'objection à l'égardde sa zone de

200millesen direction de la haute mer.
Ladélimitationn'apas,par définitionetnécessairement, àaboutir àun
partage de lazone enlitige.Aucunenormejuridique ne s'oppose àceque
la solution judiciaire d'un différendde délimitation consisàefaire en
sorteque l'une desparties sevoie accorder la totalitéde sa zone vis-à-vis
de l'autre,siune telle solution estjugéeéquitable.
11. Le droit coutumier relatifla délimitationdu plateau continental
et/ou deszones économiquesa déjà éta éppliqué àdifférentesoccasions
par la Cour internationale de Justice(affaires du Plateau continentaldela
mer du Nord, 1969 ; Tunisie/Libye, 1982; Golfedu Maine, 1984;Libye/
Malte, 1985)et par d'autres tribunaux internationaux (Royaume-Uni/
France, 1977; Guinée/Guinée-Bissau1 ,985; Canada/France, 1992).Cer-
taines affaires concernaient uniquement le plateau continental (affaires

du Plateau continental de la mer du Nord; Tunisie/Libye; Libye/Malte;
Royaume-Uni/France),tandis que d'autres avaienttrait aussiàla délimi-
tation de zones économiqueset de la mer territoriale (Guinée/Guinée-
Bissauet Canada/France). Dans toutes les affairesconcernant une délimitationmaritime, le droit
coutumier prescrit que la délimitation doit être effectuéepar l'appli-

cation de principes (critères)équitablesde nature à aboutir àun résultat
équitable (Plateau continental(Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne),C.Z.J.
Recueil 1982,p. 59, par. 70; Délimitationde la frontière maritime dans
la régiondu golfedu Maine, C.Z.J.Recueil1984,p. 299,par. 112;Plateau
continental (Jamahiriya arabelibyenne/Malte), C.Z.J.Recueil 1985,p. 38,
par. 45).
Ledroitcoutumier ne définitpasleterme {(équitable»,qui estemployé
pour caractériser à la fois le résultaàatteindre et les moyens à utiliser
pour yparvenir.Toutefois, c'estlerésultatquiestprimordial, desorteque
le caractère équitable d'un principe (critère)est apprécié la lumièrede
sonutilitécommemoyen de parvenir à un résultatéquitable.Lecaractère
équitabledu résultat doit être déterminé en mettant en balance tous les
facteurspertinents de l'affaire considérée(affairesdu Plateaucontinental

de la merdu Nord, C.Z.J.Recueil 1969,p.50,par. 93). Lestribunaux inter-
nationaux ont jugépertinents différents facteurs ou méthodes,et aucun
facteur,ni aucune méthode, n'est considérécomme ayant un statut privi-
légié par rapport à d'autres. Cela a étéclairement affirmé dans le cadre
des affaires du Plateau continentalde la mer du Nord (ibid., p. 53-56,
par. 101)et dans l'affaireGuinée/Guinée-Bissau en 1985(Revuegénérale
dedroitintemationalpublic, 1985,p. 525,par. 102).
12. Les facteursqui,conformément àla pratiquejudiciaire internatio-
nale, doivent essentiellementêtre pris en considération sont ceuxqui ont
trait aux caractéristiques géographiques de l'affaire, en particulier la
zonepertinente et auxcôtespertinentes sefaisantface. La longueur de la
côte orientale pertinente (ligne de base) du Groenland est d'environ
524 kilomètreset, en face, celle de la côte occidentale de Jan Mayen est
d'environ 57,8kilomètres.Ainsi,lerapport entre leslongueurs decôtesest

de plus de 9contre 1enfaveur du Groenland, de sorteque cetteaffaire est
caractériséepar unedifférencetrèsmarquéedeslongueursdesdeuxcôtes
pertinentes se faisant face. C'est la raison pour laquelle le facteur de
proportionnalité est d'importance cruciale. Dans le contexte d'une déli-
mitation du plateau continental, une référence à ce facteur est générale-
ment considéréecommeimpliquant qu'il doit y avoir un rapport raison-
nable entre la superficie du plateau continental des Etats concernés et la
longueur de leurs côtes respectives.
13. La proportionnalité ajouéun rôle important commefacteurperti-
nent dans de nombreuses affairesjudiciaires concernant la délimitation
du plateau continental et d'autres zones maritimes (affaires du Plateau
continentaldela merdu Nord, 1969 ;Royaume-Uni/France, 1977 ;Tunisie/
Libye, 1982; Golfedu Maine, 1984; Libye/Malte, 1985; Guinée/Guinée-

Bissau, 1985;Canada/France, 1992).Son rôle exactdans le processus de
délimitationa étévariabledans la pratiquejudiciaire, et ila étlargement
analysépar les spécialistesdu droit internationalpublic. Lerapport entre
les longueurs des côtes pertinentes soit a étéun facteur qui, en même
temps que d'autres, a étépris en considération en vue de décider d'unedélimitationéquitable,soit- commedansleprésentarrêt - aétéutiliséà
posteriori comme critère d'appréciationde l'équité etdu bien-fondé
d'unelignequi, àtitre depoint de départdu processus de délimitation,a
été tracée sur la base de l'équidistanceou conformément à une autre
méthodede délimitation.
Lorsque les côtes se faisant face sont de longueur comparable, une
délimitation selon la ligne médiane répondra, en généraalu ,x critères

de la proportionnalité et de l'équité. En revanche,dans la présente
affaire, où les deux côtes sont l'une par rapporà l'autre dans la pro-
portion de 9 contre 1,une lignemédianene saurait,à mon avis,être con-
sidéréecommeéquitable,mêmp eas commepoint de départdu processus
de délimitation.
Une délimitation selon la ligne médiane aurait accordéau total
96000kilomètrescarrésde lazonepertinente à la Norvège/Jan Mayen et
141000 kilomètrescarrésau Danemark/Groenland, ce qui correspond à
unrapport d'environ 1,5contre 1enfaveurdu Danemark/Groenland. Ce
rapport diffèreconsidérablementdeceluiquefaitapparaître ladifférence
entre les longueurs de côtes pertinentes et, manifestement, il aurait été

inéquitable.
C'estaussi le cas- bien qu'à un moindre degré - du rapport numé-
rique qui ressort de l'arrêt.
Dans sa décision, laCour n'a pas, me semble-t-il, tenu compte -
suffisamment - de la différencede longueur des côtes pertinentes;
en effet,d'aprèsmes calculs, elleattribue peu près quarante-troispour
centdelazone dechevauchementdesrevendications(secteurs 1,2et3)au
Danemark/Groenland (28000 kilomètrescarrés environ)et à peu près
cinquante-sept pour cent à la Norvège/Jan Mayen (37000 kilomètres
carrés environ). Cela représente une attribution totale d'à peu près
178000 kilomètrescarrésdelazonepertinente au Danemark/Groenland

et 59000kilomètrescarrés à la Norvège/Jan Mayen, soit un rapport de
3contre 1enfaveurdu Danemark.Jenevoispascommentcepartagepeut
être considércéomme équitable,si l'onconsidèrele rapport (9contre 1)
entre leslongueurs de côtes.Une lignede délimitation situéà200milles
du Groenland oriental aurait attribué une superficie d'à peu près
206000kilomètrescarrésau DanemarWGroenland et 31000kilomètres
carrésà la Norvège/Jan Mayen,soit un rapport de 6,l contre 1en faveur
du Danemark/Groenland. J'estime par conséquentque des considéra-
tions deproportionnalité générale- jointesà certainesautresconsidéra-
tions - conduisent à la conclusion qu'une ligne de délimitation situàe

200millesdu Groenland oriental aurait étééquitable.
14. La Cour n'atenu aucun compte des différencesconsidérables qui
existententre leGroenland etJan Mayenpour cequi estde lapopulation
et des facteurs socio-économiques,au motif que ces facteurs évoluent
avec le temps et ne peuvent donc servir une délimitation maritime qui
est destinéeàêtre permanente.Je ne suispas d'accord avecla Cour, car
tous ces facteurs existent depuis longtemps et il est très peu probable
qu'ils changent dans un avenir prévisible.Etant donnéles conditionslocales d'ordre géographique, climatique et autre, les principales dif-
férences entre le Groenland et Jan Mayen continueront très probable-
ment d'exister et sont,à mon avis, assez stables pour qu'il en soit tenu
compte.
Enoutre,laposition de la Cour selonlaquelle lesfacteurssocio-écono-
miques ne devraient pas entrer en ligne de compte dans le processus de
délimitation parce qu'ils changent ne l'a pas empêchéede prendre en
considérationl'accèsaux ressourceshalieutiques dans la partie méridio-
nale de la zone en litige.
Comme on l'adit,iln'existepas de critèresgénéraux de droitcoutumier
qui puissent servirà déterminerle poids qu'il faut attribuer aux facteurs
considéréscomme pertinents dansune affairedonnée, car chaque cas est

un unicum» (Golfedu Maine).
Contrairement àla Cour, je considère que les facteurs non seulement
géographiquesmais aussi démographiques et socio-économiquesjouent
un rôle lorsqu'il s'agit d'apprécier l'équid'une délimitation maritime
(Délimitationde lafrontière maritime dans la régiondu golfe du Maine,
C.I.J.Recueil1982,p. 278,par. 59,etp. 340,par. 232).Il n'estpas question
d'apprécier des facteurs individuelsisolémententant qu'éléments perti-
nents,mais de les évalueret de les pondérerdans leur ensemble.
La présente affaire est caractérisée non seulementpar une différence
très marquéedans la longueur des deux côtes pertinentes (et dans la
dimension des deux masses terrestres), mais aussi par une différence
fondamentale entre le Groenland et Jan Mayen en ce qui concerne les
structures démographiques, socio-économiqueset politiques. Le Groen-
land est une sociétéhumaine viablequi a une population de cinquante-

cinq mille personnes et qui jouit de l'autonomie politique, alors que
Jan Mayen n'a pas de population au sens propre du terme, puisqu'il s'y
trouve seulement vingt-cinq personnes environ qui séjournent temporai-
rement sur l'île pour faire fonctionner la station météorologiqueet les
stations de radio et de LORAN.
15. Les intérêts économiquee st autres décritspar les Parties diffèrent
fondamentalement. Ceux qu'invoque le Danemark sont directement liés
au Groenland alors que ceux dont parle la Norvège se rattachent à la
Norvège continentale et à sa population, et non à Jan Mayen. Comme
l'affaireatrait ladélimitationde lazonemaritimesituéeentre le Groen-
land etJan Mayen, ilme sembleque seules la population et les structures
socio-économiques de ces territoires sont effectivement pertinentes et

qu'à cetégard,spécialement,lefait que leGroenland esttotalement tribu-
taire de la pêche doit être souligné.
Il est généralement admis qu'uneforte dépendance à l'égardde la
pêche peut être un facteur pertinent en droit international s'agissant de
territoires tels que le Groenland. Cela ressort d'une résolution qui a été
adoptéedans le contexte de la convention du 29avril 1958sur la pêcheet
la conservation des ressources biologiques de la haute mer. Lors de
l'adoption de cetterésolution,on a mentionnéparticulièrement l'Islande,
lesîles Féroéet le Groenland commedespays dont la population esttrèslourdementtributaire delapêchecôtièrp eour sasubsistanceousondéve-
loppement économique.Le fait que lesbesoins de la population côtière

du Groenland justifient des mesures de protection spéciales a aussi été
reconnu dansl'arrêtdelaCour dejustice desCommunautéseuropéennes
en date du 30novembre 1982.
La Cour, on l'a vu, a tenu compte de l'accès à ce qui est considéré
comme la zone du capelan lorsqu'elle a estiméqu'un partage en deux
parts égalesde la zone de chevauchementdes revendications donnerait
auxdeux Parties un accèséquitableauxressourceshalieutiqus delazone.
Je ne peux pas souscrire à la motivation invoquéepar la Cour car elle
négligelesfacteurssocio-économiquessusmentionnés.

16. Selon la Cour, la délimitation maritime entre l'Islande et Jan
Mayen, telle qu'effectuéepar les traitésde 1980et 1981,n'a pas valeur

de précédentet la conduite des Parties ne constitue pas un élément de
nature à influer sur l'opérationde délimitationdans la présenteespèce.
Je reconnais que ces traités ne constituent pasun précédent contrai-
gnant au sens strict du terme mais,à mon avis, ils n'en sont pas moins
pertinents en ce qu'ils sont une expression de conduite de la Norvège
et revêtentpar conséquent une grande importance pour la présente
affaire.
Je considère que la délimitation entre l'Islande et Jan Mayen, qui
s'applique à l'île mêmequi est en cause aujourd'hui, est extrêmement
pertinente parce qu'elleindique clairementcequeseraitune délimitation
équitablede l'espace maritime situéentrele Groenland et Jan Mayen.
17.Il est intéressant d'observer quele dispositif de l'accord de 1980
ne contient aucune disposition concernant la délimitation des zones
économiques maisque l'un des alinéasdu préambuleest rédigé comme

suit:
((Considérant que l'Islande a établiune zone économique de
200 milles marins et que la Norvègeprocédera prochainement à

l'établissement d'une zonede pêcheautour de Jan Mayenn.
Ainsi,la zone des 200milles vis-à-visde Jan Mayen ne résulte pas d'un
accord des parties mais existait en vertu de la loi islandaise dujuin

1979.Laligne,tracéeunilatéralementpar l'Islande, aensuiteétémention-
néedans lepréambuledel'accordde 1980«reconnaissant quel'économie
islandaise est très lourdement tributaire de la pêche;voir l'article 71 du
texte de la conférencesur le droit de la meremême point devuea été
exprimédansla recommandation du 30mai 1980faitepar la commission
parlementaire norvégienneau sujet de l'accordde 1980 :

«Etant donné quela Norvègene fait aucune réserverelative à
l'étendue complètede 200milles de la zone économique islandaise
mêmedans la régioncomprise entre l'Islande et l'îledeJan Mayen,
l'accord implique aussi l'approbation de cette étenduede la zone
dans la région dontil s'agit. Cepoint devues'esttrouvéreflétéaussidanslreapport dela commission
en date du 27avril 1982 :
Lacommissionrappelle aussique,envertu del'accorddu 28mai
1980entrela Norvège etl'Islande relatifauxquestionsconcernant la
pêcheetleplateau continental,la Norvègeaindirectementapprouvé
une zoneéconomiqueislandaisede200millesmarins, comprenant à

lafoislesterritoires depêcheetleplateau continental,entrel'Islande
et l'île de Jan Mayen. D'autre part, cette approbation marquait
l'acceptation,par laNorvège,d'unplateau continentalislandaisd'au
moins 200millesdans la direction de l'îlede Jan Mayen.»
L'accordde 1981entre la Norvège etl'Islande, suivantles recomman-
dations de la commissionde conciliationétabliepar l'accordde 1980,sti-

pulait que la lignede délimitation entreles secteurs du plateau continen-
tal attribuées respectivementaux deux parties dans la zone située entre
l'Islande et Jan Mayen coïnciderait avec la ligne de délimitation entre
leurs zones économiquesrespectives. Aux termes de l'accord de 1980,
la commission de conciliation devait (([tenir]compte des intérêts écono-
miquesprimordiauxque l'Islandeadanslesparages,descaractèresgéogra-
phiques etgéologiquesdelarégionetdesautrescirconstancesspéciales».
18. Lesdeux accords par lesquelsla Norvègea acceptéque la lignede
délimitation entre l'Islande etJan Mayen soit établiede manière à tenir
compte de la zone islandaise existante de 200 milles doivent, dans le
contexte de l'évolutiondu droit de la mer, être considérés comme
conformes à des principes équitableset exprimant une solution que la
Norvège (etl'Islande) jugeai(en)t équitable.Unedélimitationpar laligne

médiane n'aurait pas été considéréecomtm elele.
19. En fait comme en droit, la délimitation maritimedans la région
situéeentre leGroenland etJan Mayen seprésentede manière trèssimi-
laireà la délimitationentre l'Islande etJan Mayen.Comme l'Islande, le
Groenland estun territoire beaucoup plus étenduque l'îlede Jan Mayen
et,àladifférencede celle-ci,leGroenland etl'Islande ontunepopulation
permanente et leurs propres structures économiques et politiques. Du
point de vue économique,l'Islandeet le Groenland ont étéplacéssur le
mêmepied puisque, avec lesîles Féroéi,ls ont été, on l'avu, mentionnés
expressément àl'occasiondel'adoption dela convention du 29avril 1958
sur lapêcheetla conservationdesressourcesbiologiques dela haute mer
en tant que pays ou territoires dont la population est très lourdement
tributaire de la pêche côtièrpour sa subsistance ou son développement

économique.
Commeje l'ai dit, il faut considérer comme équitable la délimitation
entre l'Islande et Jan Mayen. Puisque les facteurs qui étaient pertinents
dans ce cas sont très semblables aux facteurs pertinents dans le cas du
Groenland et deJan Mayen, ilaurait étéjuste etéquitable, eln'espèce,de
tracer la ligne de délimitation d'une manière analogue à celle dont les
lignes avaient éttracéesdans le cas de l'Islande et de Jan Mayen, c'est-
à-direà une distance de 200millesmarins du Groenland oriental. 20. Quant à la délimitationdans leseauxsituéesentrel'îleaux Ours et

la Norvègecontinentale, la Cour a conclu que la Norvège n'estpas plus
liéepar cette solution que le Danemark n'est tenu d'appliquer, dans la
présente affaire, la méthodede l'équidistancequi a été employép eour
opérerla délimitationentre la Norvège etleDanemark dans le Skagerrak
etdanslamerdu Nord ou au largedesîlesFéroéJ.e nevoisaucuneanalo-
gieentre lecas de l'îleaux Ours et lecasdesdélimitationsdans la mer du
Nord mentionnéspar la Cour car la situation de l'île aux Ours est très
spéciale. J'estimeque la délimitation relativeà l'îleaux Ours, bien qu'il
s'agissede deux territoires norvégiens,présente des aspects internatio-
naux et a une certaine pertinence en ce qu'elle exprimela conduite de la
Norvège à l'égardd'une délimitation maritimedans une régionsituée
entre une petite île inhabitéeetun territoire continental.
21. Jen'approuvepas laméthodededélimitationdelazonedechevau-
chementdesrevendications(secteurs 1,2et3),trèsingénieusementinven-

téepour lesbesoins de la cause.
Lesdeux lignes qui divisentla zone entrois secteurssont tracées entre
les points où la ligne des 200 milles du Groenland et la ligne médiane
changent de direction.
Le secteur le plus méridional (secteur 1) correspond - par hasard
- essentiellement àla régionqui, selon la Cour, est la plus importante
pour la pêcheau capelan. Il ressort de cequej'ai déjàdit queje ne consi-
dèrepaslepartagede cesecteurendeux parts égalescommeéquitablecar
ilnégligedesfacteurssocio-économiquespertinents.En outre,je nepense
pas quelaCour soifenmesurededéfiniravecprécisionlaprincipale zone
de pêcheau capelan, qui peut varier considérablement.
Lepartage dessecteurs2 et 3reposesurl'unique considération - queje
conteste énergiquement - qu'une division par parts égalesdes trois
secteurs donnerait trop de poids au facteur circonstanciel de la forte

disparité quiexistedans leslongueurs de côtes.Lepartage des secteurs2
et 3est donc opéré d'une manièrequi aboutit àla délimitation souhaitée
de la totalité destrois secteurs.Je considère que cetteméthodeest artifi-
cielle et qu'aucune règlede droit international n'a été invoquép eour la
justifier, mise part une référencegénéraa ux «exigences de l'équité ».
22. Lejuge peut - et doit - exercersonpouvoir discrétionnairedans
certaines limites et il est obligéde faire des choix difficiles selon ses
convictions.
Dans la présente affaire,dans laquelle la décision repose principale-
ment surdesconsidérationsd'équité l, gammedeschoix estplusétendue
que dans les affairesqui relèventseulement du droit conventionnel, et la
décisionquant à ce que doit être la solution équitableest d'autant plus
difficile. Dans bien des cas, commecelui-ci,il paraît presque impossible
d'indiquer aveccentpour centde certitudelaquelle est,detoutes lessolu-

tions possibles, celle qui pourrait être qualifiée d'équitable.ejuge doit
faire un choix entreplusieurs solutionspotentiellement équitables.
Pour lesraisons énoncéesci-dessuset après avoir soigneusementpesé
tous lesfacteurspertinents, je suisparvenu àla conclusion quelasolution D~LIMITATIONMARITIME(OP. DISS. FISCHER) 314

contenue dans l'arrêtn'estpas la plus équitableet qu'une délimitationdu
plateau continental et de la zone de pêcheentre le Groenland et Jan
Mayen àune distance de 200milles marins du Groenland oriental aurait
étéla solution la plus équitable et aurait dû par conséquent être l'abou-
tissement de cetteaffaire.

(Signé)Paul FISCHER.

Bilingual Content

DISSENTING OPINION OF JUDGE FISCHER

To myregret 1am unable to concurin the decision ofthe Court for the
reasonswhich 1shallbriefly setforth below.Myremarkswillconcentrate
on the principal divergenceof views.

Onthe otherhand, 1amin agreement with someofthe reasoning ofthe
Court.

1. 1agree,for example, with the description of what can be calledthe
relevant area and the area of overlapping claims (synonymous with the
"disputed area"). However, 1do not share the Court's view that the so-
called "area of overlappingpotential entitlement" is relevant. It is a fact
that Nonvay has claimed median linesconstitutingthe delimitation ofthe
continental shelf and the fisherieszones as it is a fact that Denmark has
claimed a delimitationline 200nautical miles from East Greenland. The
claimsofthe Partiesare decisive,not the entitlement.

Thedistinctioninthiscase between"entitlement" and "delimitation" is

important and must alwaysbe kept in mind. 1willrevert to this matter in
another context.
The case is characterized by a rather simplegeography :the extensive,
well-defined coast of East Greenland confronting the equally well-
defined but much smaller coast of WestJan Mayen.

2. 1alsoagree with the Court in rejecting the principal contentions of
Norway that median lines delimitationin respect ofthe continental shelf
areas and the fisheries zones between Greenland and Jan Mayen are "in
place". These contentions weremainlybased onthe 1965Agreement,the
1958Conventiononthe Continental Shelfand the conduct ofthe Parties,
especiallyof Denmark.TheCourt didrightlynotacceptany oftheseargu-
ments.

3. On the whole 1agree with the Court as to the question of whether
there shouldbeoneline of delimitationas claimedby Denmark ortwo -
coinciding - linesasclaimedbyNonvay.The Court is - evenwithoutan
agreementbetweentheparties - competentto declarethat adelimitation
ofthe shelfand ofthefisheries zonesshouldbebased on a singleline.The
fact that the present case has been brought before the Court by the uni-
lateral application of Denmark has thereforenot been relevant.

Thelegalpathsleading tothefinaloutcome ofeithera singlelineortwo OPINION DISSIDENTE DE M. FISCHER

[Traduction]

Je regrette de ne pouvoir m'associerà la décisionde la Cour, pour les
raisons que j'exposerai brièvement ci-après.Mes observations seront
centréessur la principale divergence de vues.

En revanche, je suis d'accord en partie avec l'argumentation de la
Cour.

1. Je suisd'accord,par exemple,avecla description de cequel'on peut
appeler la zone pertinente et la zone de chevauchement des revendi-
cations (termes synonymes de ((zone en litige))).Toutefois, je ne sous-
cris pas àl'avisde la Cour selon lequel la ((zone de chevauchement des
titrespotentiels»estpertinente. Lefaitestque la Norvègerevendiquedes
lignesmédianescommeconstituant la délimitationdu plateau continental
et des zones de pêche, etle fait est que le Danemark revendique une
lignededélimitationsituée à200millesmarins du Groenland oriental. Ce

sont les revendications des Parties qui ont un caractèredécisif,et non les
titres.
La distinction,dans laprésente affaire,entre(titre»et ((délimitation»
estimportante etne doitjamais êtreperduedevue.Je reviendrai sur cette
question dansun autre contexte.
L'affaireest caractérisépar une situation géographiqueassezsimple:
la côte du Groenland oriental, longue et bien définie, facà la côte de la
partie occidentale de Jan Mayen, bien définieelle aussi mais beaucoup
plus courte.
2. J'approuve égalementlaCour de rejeterlesprincipales prétentions
de la Norvège à l'effetqu'une délimitation selonles lignes médianesest

déjà ((enplace»en cequi concerne leszones deplateau continental etles
zones de pêche entrele Groenland etJan Mayen. Cesprétentions étaient
essentiellementfondéessurl'accordde 1965,la convention sur leplateau
continental de 1958et la conduite des Parties, en particulier celle du
Danemark. C'est à bon droit que la Cour n'aaccueilliaucun de cesargu-
ments.
3. Dans l'ensemble,je suis en accord avec la Cour sur la question de
savoirs'ildoit yavoir une seuleligne de délimitation commeledemande
le Danemark ou deux lignes - coïncidentes - comme le demande la
Norvège.La Cour est - mêmeen l'absenced'accord entrelesparties -
compétentepour déclarer qu'une délimitation du plateau et deszones de

pêche doit êtrefondé serune ligneunique. Lefait que laprésente affaire
aétéintroduite devanltaCour par larequêteunilatérale du Danemark est
donc demeuré sanspertinence.
Les cheminements juridiques pouvant conduire à un résultatfinal (coinciding) lines are or may be different. However, when the result is
attained, isthere then anydifferencebetweena singleline on a givengeo-
graphical position or two coinciding lines on this same position? In my
view,there is not. It isthe location ofthe delimitation which matters,not
whether the delimitation is effected by one line or two coinciding lines.

4. 1agree with the Court that the legal sourcesgoverning the case are
the 1958Convention(Art. 6)asregardsthe continental shelfand custom-
ary law as regards the fisheries zone. 1 do not, however, consider the

1958Convention to be the sole legal source concerning the continental
shelf delimitation, as Article 6 of that Convention has to be interpreted
accordingto and to be supplemented by customary law.

The Court itself has mentioned the tendency towards assimilation of
the "special circumstances" ofArticle6and the relevantcircumstancesof
customarylaw, because both aimto promote the achievement ofan equi-
table result.
5. 1 disagree with the Court when it deduces from Article 6 that it
is appropriate provisionally to draw a median line as a first stage in the
delimitation process.
Bymeans ofthis legalmethod the Court hasbeen ableto reach itsdeci-
sion of establishinga delimitation line located between the lines claimed

bythe two Parties.
The approach whereby the Court first used a provisionally drawn
median line and then enquired whether special circumstances required
another boundary is set forth inthe Judgment after the Court's rejection
ofthe Norwegiancontentions that median linesare inplace,but before it
considerswhether the Danish claimsare equitable or justified. TheCourt
apparently arrived apriori atthe conclusionthat those claimswould lead
to an inequitable result.

1do not considerthismanner ofproceedingto betheproper one. In my
view, the Court should, after having examined the Norwegian claims,
haveexaminedthe Danishclaimsand onlythen,ifthe Danishclaimswere

found to leadto aninequitable result,should it haveconsideredwhethera
provisionalline - the median lineor another line - could appropriately
be used.

6. TheCourt hasinmyviewnotproduced anysubstantialarguments in
favour ofthe useofthe median lineasastartingpoint forthe delimitation
process.
1do not see how one can defend the contention that Article 6 of the
1958Conventionjustifies this method. The Article does not contain any
provisions about usingthe median line as a provisionallydrawn line. comportantune ligneunique ou au contraire deux lignes (coïncidentes)
sont différentsou peuvent l'êtr. ependant,une foisle résultat atteint, y
a-t-il une différence quelconque entre une ligne unique située en un
emplacement géographique donné ou deux lignes coïncidentes en ce
même emplacement?Selon moi,iln'yenapas. C'estl'emplacementdela
lignededélimitationquiimporte, etnon la question de savoirsiladélimi-
tation esteffectuéepar une seuleou par deux lignescoïncidentes.
4. Je pense avec la Cour que les sourcesjuridiques régissant l'affaire
sont la convention de 1958(art.)en cequi concerne leplateau continen-
tal, etledroit coutumier en cequiconcernelazone depêche.Toutefoisj,e
ne considèrepas la convention de 1958commela seule sourcejuridique

pour cequi estde la délimitationdu plateau continental, car l'article6 de
cetteconventiondoit êtreinterprété conformémea nt droit coutumier,et
complété par lui.
LaCour elle-même aévoquéla tendance à assimilerles circonstances
spéciales»de l'article 6 et les circonstances pertinentes du droit coutu-
mier, vu que dans les deux cas il s'agitde promouvoir l'obtention d'un
résultat équitable.
5. Je suis en désaccordavec la Cour lorsqu'elle déduit del'article 6
qu'il estapproprié detracer provisoirement une lignemédiane à titre de
premièreétapedu processus de délimitation.
Cette méthodejuridique a permis à la Cour de parvenirà sa décision,
qui établitune ligne de délimitation située entreles lignes revendiquées
par lesdeux Parties.

L'approchepar laquellela Cour a d'abord employéune lignemédiane
provisoireavant de sedemander sidescirconstancesspécialesexigeaient
une autre ligne de délimitationest exposée,dans l'arrêt, aprèlse passage
dans lequel laCour rejettelesprétentionsde la Norvègeselonlesquelles
des lignes médianessont déjàen place, mais avant qu'elle ne chercheà
déterminersi les revendications du Danemark sont équitables ou justi-
fiées.La Cour est, apparemment, parvenue à priorià la conclusion
que l'acceptation de ces revendications aboutirait un résultat inéqui-
table.
Je ne considèrepas cettemanièredeprocéder commela bonne. Amon
avis,laCour, aprèsavoirexaminélesrevendications dela Norvège,aurait
dû examiner celles du Danemark et c'est alors seulement, dans l'hypo-
thèse oùles revendications du Danemark lui seraient apparues comme

aboutissant àun résultat inéquitable,qu'elle aurait dû se demander s'il
était indiquéde recourirà une ligne provisoire, qu'il s'agissede la ligne
médianeou d'une autre ligne.
6. La Cour n'apas, àmon sens,fourni d'arguments defond en faveur
de l'emploide la lignemédiane commepointde départdu processus de
délimitation.
Je ne vois pas comment on peut défendre l'affirmation selon laquelle
l'article 6 de la convention de 1958justifie cetteméthode. Cet article ne
comporte aucune disposition sur le recours àla ligne médiane comme
ligneprovisoire. The Court has assumed that the strikingdifferencein the length ofthe
two relevant coastsconstitutes "special circumstances" withinthe mean-
ing of Article 6, which means that a delimitation line other than the
median linehas to be established. It is difficult to understand how it can
then conclude that a median lineshouldbe used as a provisional line.

7. The Court has referred to the ContinentalShelf(LibyanArabJama-
hiriya/Malta) case where the tracing of a median line by way of a pro-
visional step in a process to be continued by other operations was con-
sidered to be the most judicious manner of proceeding with a view to
the eventual achievement of an equitableresult.
Reference has also been made to the Anglo-French Court of Arbitra-
tion which, in 1977,applied the equidistance line as a provisional line.

These cases are however so different from the present one in respect of
geographical and other factors, that there seems to be no justification
from drawing any conclusions from them as to the appropriateness of
using a provisional median line in the present case.
It is, moreover, possible toadduce other cases with different stand-
points,as for instancethe caseconcerningthe ContinentalShelf(Tunisia/
LibyanArab Jamahiriya):

"Nor doesthe Court considerthat itisinthe present caserequired,
asa firststep, to examinethe effectsof a delimitation by application
of the equidistancemethod, and to reject that method in favour of
someother onlyifit considersthe result ofan equidistanceline to be
inequitable."(I.C.J.Reports1982,p. 79,para. 110.)

8. Itseemsto methat the Court, whendecidingto usea median lineasa
provisional line, has accorded a preferential and unwarranted status to

the median line.
This attitude corresponds to the general attitude of the Court in this
caseto the effectthat prima faciea median line between opposite coasts
results in an equitablesolution. This does not,in myopinion,correspond
to thedevelopmentsininternational law since 1958especiallyascodified
by the 1982Convention on the Law ofthe Sea,which has diminishedthe
significance attached to themedian line principle, seen as no more than
one means amongothers of reaching an equitable result.

1do not think that, in the absence of an agreement,the median line
according to Article 6 of the 1958 Convention can be considered as
the main rulewhile"special circumstances" constitutethe exception.The
two alternativesare,in my opinion,placed on the same footing.The pri-
mary task is therefore, to examinewhether in the present case there are
specialcircumstanceswhichjustifyaboundary other than the medianline

and, ifso,where such a line isto be drawn. LaCoura pris pour hypothèsequeladifférencefrappante delongueurs
desdeux côtespertinentes constitue une «circonstance spéciale »au sens
de l'article 6, ce qui signifie qu'il faut établirune ligne de délimitation
autre que la ligne médiane. Il est difficile de comprendre comment elle
peut alors conclure qu'il y a lieu d'employer une ligne médiane comme
ligneprovisoire.
7. La Cour s'estréférée àl'affaire du Plateaucontinental(Jamahiriya
arabe libyenne/Malte),où letracé d'unelignemédiane entant quemesure
provisoire dans lecadre d'un processusdevantêtrepoursuivipar d'autres
opérations a été considéré comme étantla manière de procéder la plus
judicieuse pour parvenir finalement àun résultat équitable.

On s'est égalementréféré au tribunal arbitral franco-britannique qui,
en 1977,a appliqué la ligne d'équidistance à titre de ligne provisoire.
Toutefois, cesaffairessont sidifférentesdela présente affairedu point de
vue de la géographieet d'autres facteurs qu'ilne paraît nullementjustifié
d'en tirer desconclusions quantau bien-fondéde l'utilisation d'une ligne
médiane provisoiredans le casprésent.
De plus, il estpossibled'invoquer d'autres affaires dans lesquelles on a
adoptéunefaçonde voirdifférente,par exemplel'affaire du Plateauconti-
nental (Tunisie/Jamahiriyaarabe libyenne):

«La Cour n'estime pas non plus qu'en l'espèce il lui incombe
d'examiner enpremierlieu leseffetsque pourrait avoir une délimita-
tion selon la méthode de l'équidistance, etde ne rejeter celle-ci au
bénéfice d'une autre méthode que siles résultatsd'une ligned'équi-
distance lui paraissaient inéquitables.(C.I.J.Recueil 1982,p. 79,
par. 110.)

8.Il me sembleque la Cour, lorsqu'elle a décidé d'employerune ligne
médiane àtitre deligneprovisoire, aaccordéàlalignemédianeunevaleur
préférentielleet injustifiée.
Cette attitude correspondà l'attitude généraladoptéeparla Courdans
cette affaire, qui est de considérer qu'à première vueune ligne médiane
entre des côtes qui se font face aboutitune solution équitable. Cela,à
mon avis,ne correspond pas auxdéveloppementsintervenus dans ledroit
international depuis 1958,et en particulier aux développements codifiés
par la convention de 1982sur le droit de la mer, quia réduit l'importance
accordée jusqu'alors au principe de la ligne médiane, considéré désor-
mais comme n'étantpas davantagequ'un moyen parmid'autres deparve-

nirà un résultat équitable.
Je nepensepas que, à défaut d'accord,la lignemédianeselonl'article6
de laconvention de 1958puisseêtreconsidéréecommela règleprincipale
tandis que les «circonstances spécialesconstitueraient l'exception. Les
deux termes de l'alternative sont, selon moi, placéssur le mêmepied. La
tâche principale est donc d'examiner si, dans la présente affaire, il existe
des circonstancesspécialesquijustifient une ligne de délimitationautre
que la ligne médiane et, dans l'affirmative, quel endroit il faut tracer
cette ligne. Article6containsno indication oftheprecisenature of"specialcircum-
stances" but it is generallyacceptedthat those circumstancesare such as
to lead to an equitablesolution.

9. The claims of Denmark to a delimitationline running 200nautical
miles from the coast of Eastern Greenland have, as mentioned, been
examinedbythe Court onlyinthe context ofthe adjustment ofthe provi-
sionalmedian lineand wererejectedonthe grounds that the allocation of
thewholeofthe disputedarea and itsresourcesto oneofthe Partieswould
not have been consideredequitable.The Court has also asserted that the

coast of Jan Mayen, no lessthan that of EasternGreenland, accordsfull
title to the maritimeareas recognizedby customary law, i.e.,in principle
up to a limit of 200 miles from the baseline, and that the attribution to
Norway ofno morethan the residualarea leftaftergivingfulleffecttothe
eastern coast of Greenland would run counter to the superior require-
ments of equity. Accordingto the standpoint of the Court, neither of the
States with opposite coasts can require the other State to renounce its
claimtothe fullmaritime area. This leads me to think that the Court has
not drawn a clear distinction between "entitlement" and "delimitation".

10. Thedistinction betweenthe two conceptsisimportant, becausethe
law applicable to the basis of entitlement to areas of continental shelf or

fishery zones, is different from - albeit complementary to - the law
applicable to the delimitation of such areas (seethe case concerningthe
ContinentalShelf (LibyanArab Jamahiriya/Malta), I.C.J. Reports 1985,
pp. 29-30,para. 27).

Denmark has not questioned Jan Mayen'sstatusas an island and, con-
sequently,has neither questioned its entitlementto a fishery zone and a
continental shelf,nor objected to its200-milezonetowardsthe open sea.
Delimitation does not by definition and necessarily have to lead to a
partition ofthedisputed area. No legalnoms existwhichwouldprevent a
judicial solution of a delimitationdispute frombeingone in whichone of
the Partiesisleft with itsfullzone vis-à-visthe other Party, if such a solu-
tion is found to be equitable.

11. Customarylawconcerningthe delimitation ofthe continental shelf
and/or of economic zones has been applied in a number of casesby the
International Court of Justice (North Sea ContinentalShelf cases, 1969;
Tunisia/Libya, 1982; Gulfof Maine, 1984;Libya/Malta, 1985)and by
other international tribunals (United Kingdom/France, 1977); Guinea/
Guinea-Bissau,1985;Canada/France, 1992).Somecaseswere concerned
solelywiththe continental shelf(NorthSea ContinentalShelf cases ;Tuni-
sia/Libya; Libya/Malta; United Kingdom/France), while other cases
werealso concerned withthe delimitation of economiczones and the ter-
ritorial sea (Guinea/Guinea-Bissauand Canada/France). L'article 6 ne renferme aucune indication quantà la nature précise
des ((circonstancesspéciales, mais il est généralement admisque ces
circonstances sont celles qui sont de natureconduire à une solution
équitable.
9. Les prétentionsdu Danemark àune ligne de délimitation situéà

200millesmarins de la côte du Groenland orientalont, commeon l'a dit,
étéexaminée psar laCour uniquement dans lecontextedel'ajustementde
lalignemédianeprovisoireetont étérejetée asu motifquel'attribution de
la totalitéde la zone en litigeet de sesressourcese seule des Parties
n'aurait pas été considéréecommeéquitabE len. outre, la Cour a affirmé
que la côte de Jan Mayen, tout autant que celle du Groenland oriental,
génèreun titre entier sur les espaces maritimes reconnus par le droit
coutumier,c'est-à-direenprincipejusqu'à lalimitedes200milles àpartir
de lalignedebase, etque, sila Norvège ne sevoyait attribuerque la zone
résiduelle qui reste après avoirdonnéplein effetà la côte orientale du
Groenland, cela serait contraire aux exigences supérieuresde l'équité.
Selonla perspective dans laquelleseplace la Cour, aucun des deux Etats

dont les côtes se font face ne peut exiger de l'autre qu'il renoncees
prétentionssur la totalité des espacesmaritimes auxquelsil a droit. Cela
me conduit à penser que la Cour n'a pas fait de distinction nette entre
((titre»et «délimitatioD.
10. La distinction entre les deux concepts est importante, car le droit
applicable au fondement du titre concernant deszones de plateau conti-
nental ou deszones de pêcheest différentdu droit applicablela délimi-
tation desditeszones,même s'illecomplète(voirl'affairedu Plateau conti-
nental (Jamahiriya arabe libyenne/Malte), C.I.J. Recueil 1985,p. 29-30,
par. 27).
Le Danemark n'a pas mis en cause le statut d'îlede Jan Mayen et, en
conséquence,il n'a ni mis en cause son titàeune zone de pêcheet à un
plateau continental ni formulé d'objection à l'égardde sa zone de

200millesen direction de la haute mer.
Ladélimitationn'apas,par définitionetnécessairement, àaboutir àun
partage de lazone enlitige.Aucunenormejuridique ne s'oppose àceque
la solution judiciaire d'un différendde délimitation consisàefaire en
sorteque l'une desparties sevoie accorder la totalitéde sa zone vis-à-vis
de l'autre,siune telle solution estjugéeéquitable.
11. Le droit coutumier relatifla délimitationdu plateau continental
et/ou deszones économiquesa déjà éta éppliqué àdifférentesoccasions
par la Cour internationale de Justice(affaires du Plateau continentaldela
mer du Nord, 1969 ; Tunisie/Libye, 1982; Golfedu Maine, 1984;Libye/
Malte, 1985)et par d'autres tribunaux internationaux (Royaume-Uni/
France, 1977; Guinée/Guinée-Bissau1 ,985; Canada/France, 1992).Cer-
taines affaires concernaient uniquement le plateau continental (affaires

du Plateau continental de la mer du Nord; Tunisie/Libye; Libye/Malte;
Royaume-Uni/France),tandis que d'autres avaienttrait aussiàla délimi-
tation de zones économiqueset de la mer territoriale (Guinée/Guinée-
Bissauet Canada/France). In al1 cases concerning maritime delimitation, customary law pre-
scribesthat a delimitation istobe effectedbythe application of equitable
principles (criteria) capable ofensuring an equitable result (Continental
Shelf (Tunisia/Libyan Arab Jamahiriya), I.C.J. Reports1982, p. 59,
para. 70; DelimitationoftheMaritimeBoundatyintheGulfofMaineArea,
I.C.J.Reports 1984,p.299,para. 112 ;ContinentaIShelf(Libyan ArabJama-
hiriya/Malta),I.C.J.Reports1985,p. 38,para. 45).

Customary law does not define the term "equitable", which is used to
characterizeboththe resultto be achievedand the meansto be employed
in order to attain it.It is,however,the result whichispredominant, so that

the equitableness of a principle (criterion) is assessed in the light of its
usefulness for the purpose of arriving at an equitable result. The equi-
tableness of the result is to be determined by a balancing up of al1the
relevant factors ofthe particular case(NorthSea ContinentalShelfcases,
I.C.J.Reports1969,p. 50,para. 93).International tribunals have found a
variety offactorsormethodsto be relevant,and no factors ormethodsare
considered to have a privileged status in relation to others. This was
clearly stated in theNorth Sea ContinentalShelf cases (ibid.,pp. 53-56,
para. 101) and in the Guinea/Guinea-Bissaucase, 1985 (International
LegalMaterials,Vol. XXV, No.2,1986, p. 294,para. 102).

12. The factors which, in accordance with internationaljudicial prac-
tice,haveprimarily to betaken intoconsiderationare those relatedtothe
geographicalfeatures ofthe case,especiallythe relevantarea and the rele-

vant fronting coasts.Thelength ofthe relevant eastern coast (baseline)of
Greenland is approximately 524 kilometres, the length of the fronting
western coast of Jan Mayen is approximately 57.8kilometres. Thus, the
ratio of coastal lengthsismore than 9to 1in favour ofGreenland, so that
this caseischaracterized by averymarkeddifference betweenthe lengths
ofthe two relevant opposite coasts.Thisiswhythe proportionality factor
iscrucial. In the context of a delimitation ofthe continental shelf,a refer-
ence to that factor is generallytaken to imply that there should be a rea-
sonable degree of proportionality between the area of the continental
shelf of the States concerned and the length of their relative coastlines.

13. Proportionality has played an important role asarelevantfactorin

many judicial cases concerningdelimitation of the continental shelf and
other maritime areas (North Sea ContinentalShelf cases, 1969; United
Kingdom/France,1977;Tunisia/Libya,1982;GulfofMaine,1984;Libya/
Malta, 1985; Guinea/Guinea-Bissau,1985; Canada/France,1992).The
exactrole inthe delimitation process has differed injudicial practice and
has been widelydiscussedby publicists ofinternational law. Proportion-
ality in the lengths of the relevant coastshas either been a factor which,
together with other factors,has been taken into consideration in order to
decide an equitabledelimitationor ithas - asinthe presentJudgment - Dans toutes les affairesconcernant une délimitationmaritime, le droit
coutumier prescrit que la délimitation doit être effectuéepar l'appli-

cation de principes (critères)équitablesde nature à aboutir àun résultat
équitable (Plateau continental(Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne),C.Z.J.
Recueil 1982,p. 59, par. 70; Délimitationde la frontière maritime dans
la régiondu golfedu Maine, C.Z.J.Recueil1984,p. 299,par. 112;Plateau
continental (Jamahiriya arabelibyenne/Malte), C.Z.J.Recueil 1985,p. 38,
par. 45).
Ledroitcoutumier ne définitpasleterme {(équitable»,qui estemployé
pour caractériser à la fois le résultaàatteindre et les moyens à utiliser
pour yparvenir.Toutefois, c'estlerésultatquiestprimordial, desorteque
le caractère équitable d'un principe (critère)est apprécié la lumièrede
sonutilitécommemoyen de parvenir à un résultatéquitable.Lecaractère
équitabledu résultat doit être déterminé en mettant en balance tous les
facteurspertinents de l'affaire considérée(affairesdu Plateaucontinental

de la merdu Nord, C.Z.J.Recueil 1969,p.50,par. 93). Lestribunaux inter-
nationaux ont jugépertinents différents facteurs ou méthodes,et aucun
facteur,ni aucune méthode, n'est considérécomme ayant un statut privi-
légié par rapport à d'autres. Cela a étéclairement affirmé dans le cadre
des affaires du Plateau continentalde la mer du Nord (ibid., p. 53-56,
par. 101)et dans l'affaireGuinée/Guinée-Bissau en 1985(Revuegénérale
dedroitintemationalpublic, 1985,p. 525,par. 102).
12. Les facteursqui,conformément àla pratiquejudiciaire internatio-
nale, doivent essentiellementêtre pris en considération sont ceuxqui ont
trait aux caractéristiques géographiques de l'affaire, en particulier la
zonepertinente et auxcôtespertinentes sefaisantface. La longueur de la
côte orientale pertinente (ligne de base) du Groenland est d'environ
524 kilomètreset, en face, celle de la côte occidentale de Jan Mayen est
d'environ 57,8kilomètres.Ainsi,lerapport entre leslongueurs decôtesest

de plus de 9contre 1enfaveur du Groenland, de sorteque cetteaffaire est
caractériséepar unedifférencetrèsmarquéedeslongueursdesdeuxcôtes
pertinentes se faisant face. C'est la raison pour laquelle le facteur de
proportionnalité est d'importance cruciale. Dans le contexte d'une déli-
mitation du plateau continental, une référence à ce facteur est générale-
ment considéréecommeimpliquant qu'il doit y avoir un rapport raison-
nable entre la superficie du plateau continental des Etats concernés et la
longueur de leurs côtes respectives.
13. La proportionnalité ajouéun rôle important commefacteurperti-
nent dans de nombreuses affairesjudiciaires concernant la délimitation
du plateau continental et d'autres zones maritimes (affaires du Plateau
continentaldela merdu Nord, 1969 ;Royaume-Uni/France, 1977 ;Tunisie/
Libye, 1982; Golfedu Maine, 1984; Libye/Malte, 1985; Guinée/Guinée-

Bissau, 1985;Canada/France, 1992).Son rôle exactdans le processus de
délimitationa étévariabledans la pratiquejudiciaire, et ila étlargement
analysépar les spécialistesdu droit internationalpublic. Lerapport entre
les longueurs des côtes pertinentes soit a étéun facteur qui, en même
temps que d'autres, a étépris en considération en vue de décider d'une been used a posteriori as a test of equity and appropriateness of a line
which,as a startingpoint in the delimitation process, has been drawn on
the basisofequidistance orin accordance withanothermethod of delimi-
tation.

When there are opposite coasts of comparable lengths, a median line
delimitation would, in general, pass the tests of proportionality and
equity. In the present case, however, where the two coastlines are of a
proportion of more than 9 to 1,a median line cannot in my opinion be

considered equitable, not even as a starting point in the delimitation
process.

Amedian linedelimitation would have allocatedintotal 96,000square
kilometresofthe relevantareato Norway/Jan Mayen and 141,000square
kilometresto Denmark/Greenland, whichcorresponds to aratio ofsome
1.5to 1infavour of DenmarWGreenland. Sucharatiodiffersgreatlyfrom
the ratio of the difference of the lengths of the relevantcoastsand would
clearlyhavebeeninequitable.

This isalsothe case - although to a smaller degree - with the ratio,

whichfollowsfromthe Judgment.
TheCourt hasinitsdecision,inmyopinion,not - sufficiently - taken
the difference between the lengths of the relevant coastsinto considera-
tion asitattributes,according to myestimate,some 43percent ofthe area
ofoverlappingclaims(zones1,2and 3)to Denmark/Greenland (approxi-
mately 28,000 square kilometres) and some 57 per cent to Norway/
Jan Mayen (approximately 37,000square kilometres).This amounts to a
total allocation of some 178,000square kilometres ofthe relevant area to
Denmark/Greenland and some 59,000square kilometres to Norway/
Jan Mayen,whichisa ratio of some3to 1in favour of Denmark. 1do not
seehowthispartition canbeequitableconsidering the ratio ofthe coastal

lengths (9to 1). A delimitation of 200miles drawn from Eastern Green-
land would have allocated an area of about 206,000square kilometresto
Denmark/Greenland and some 31,000square kilometres to Nonvay/
Jan Mayen,whichisaratio ofsome6.1to 1infavour ofDenmark/Green-
land. 1therefore consider that considerations of general proportional-
ity- together with certainother considerations - lead to the conclusion
that a delimitation of 200 miles drawn from Eastern Greenland would
have been equitable.

14. The Court has taken no account at al1of the considerable differ-

ences between Greenland and Jan Mayen as regards population and
socio-economicfactors, onthegroundsthat suchfactors undergo modifi-
cations overtimeand thus cannot serveasabasisforamaritime delimita-
tion which is destined to be permanent. 1disagree with the Court as al1
these factors have existedfora longperiod oftime and any change in the
foreseeable future is very unlikely. Due to geographical, climatic anddélimitationéquitable,soit- commedansleprésentarrêt - aétéutiliséà
posteriori comme critère d'appréciationde l'équité etdu bien-fondé
d'unelignequi, àtitre depoint de départdu processus de délimitation,a
été tracée sur la base de l'équidistanceou conformément à une autre
méthodede délimitation.
Lorsque les côtes se faisant face sont de longueur comparable, une
délimitation selon la ligne médiane répondra, en généraalu ,x critères

de la proportionnalité et de l'équité. En revanche,dans la présente
affaire, où les deux côtes sont l'une par rapporà l'autre dans la pro-
portion de 9 contre 1,une lignemédianene saurait,à mon avis,être con-
sidéréecommeéquitable,mêmp eas commepoint de départdu processus
de délimitation.
Une délimitation selon la ligne médiane aurait accordéau total
96000kilomètrescarrésde lazonepertinente à la Norvège/Jan Mayen et
141000 kilomètrescarrésau Danemark/Groenland, ce qui correspond à
unrapport d'environ 1,5contre 1enfaveurdu Danemark/Groenland. Ce
rapport diffèreconsidérablementdeceluiquefaitapparaître ladifférence
entre les longueurs de côtes pertinentes et, manifestement, il aurait été

inéquitable.
C'estaussi le cas- bien qu'à un moindre degré - du rapport numé-
rique qui ressort de l'arrêt.
Dans sa décision, laCour n'a pas, me semble-t-il, tenu compte -
suffisamment - de la différencede longueur des côtes pertinentes;
en effet,d'aprèsmes calculs, elleattribue peu près quarante-troispour
centdelazone dechevauchementdesrevendications(secteurs 1,2et3)au
Danemark/Groenland (28000 kilomètrescarrés environ)et à peu près
cinquante-sept pour cent à la Norvège/Jan Mayen (37000 kilomètres
carrés environ). Cela représente une attribution totale d'à peu près
178000 kilomètrescarrésdelazonepertinente au Danemark/Groenland

et 59000kilomètrescarrés à la Norvège/Jan Mayen, soit un rapport de
3contre 1enfaveurdu Danemark.Jenevoispascommentcepartagepeut
être considércéomme équitable,si l'onconsidèrele rapport (9contre 1)
entre leslongueurs de côtes.Une lignede délimitation situéà200milles
du Groenland oriental aurait attribué une superficie d'à peu près
206000kilomètrescarrésau DanemarWGroenland et 31000kilomètres
carrésà la Norvège/Jan Mayen,soit un rapport de 6,l contre 1en faveur
du Danemark/Groenland. J'estime par conséquentque des considéra-
tions deproportionnalité générale- jointesà certainesautresconsidéra-
tions - conduisent à la conclusion qu'une ligne de délimitation situàe

200millesdu Groenland oriental aurait étééquitable.
14. La Cour n'atenu aucun compte des différencesconsidérables qui
existententre leGroenland etJan Mayenpour cequi estde lapopulation
et des facteurs socio-économiques,au motif que ces facteurs évoluent
avec le temps et ne peuvent donc servir une délimitation maritime qui
est destinéeàêtre permanente.Je ne suispas d'accord avecla Cour, car
tous ces facteurs existent depuis longtemps et il est très peu probable
qu'ils changent dans un avenir prévisible.Etant donnéles conditionsother local conditions the major differences between Greenland and
Jan Mayen willin al1probability continue to existand are,in myopinion,
stableenough to be taken into consideration.

Besides,the position of the Court that socio-economicfactors should
not play a role in the delimitation process because they change has not
prevented it from taking account of accessto the fishery resourcesin the
south of the disputed area.

Ashasbeen said,there are no general criteria ofcustomary lawthat can
serveto determinethe weightto be attached to thefactorsconsidered rele-
vant in a concrete case,as each case is "monotypic" (GulfofMaine).

Contrary to the standpoint of the Court, 1consider that not only geo-
graphical but also population and socio-economic factors play a part

when one is assessingthe equitableness of a maritime delimitation (Deli-
mitationoftheMaritimeBoundalyintheGulfofMaineArea,I.C.J.Reports
1982,p.278,para. 59,and p.340,para. 232).Thereisnoquestion ofassess-
ing singlefactors individuallyas relevant,but of assessing and weighing
them up collectively.
Thepresent case is characterized not only by a very marked difference
between the lengths of the two relevant coasts (and the size of the two
landmasses), but also by a fundamental difference between Greenland
and Jan Mayen with respect to their demographic, socio-economic and
political structures. Greenland is a viableuman Societywith a popula-
tion of 55,000and with political autonomy, whereas Jan Mayen has no
population inthe proper senseofthe word,as only about 25persons tem-
porarily stay on the island manning meteorological, radio and LORAN
stations.

15. The economic and other interests described by the Parties in this
case are fundamentally different. The interests described by Denmark
are interests directly connected with Greenland whereas the interests
described by Norway are interests connected with the Norwegian main-
land and itspopulation, not withJan Mayen.Asthe caseconcerns delimi-
tation ofthe maritime area betweenGreenland andJan Mayen itseemsto
methat onlythe population and socio-economicstructures of these terri-
tories are in fact relevant and that,in this connectionespecially, the total
dependence of Greenland on fisheries needsto be stressed.
It is generally recognized that a heavy dependence on fisheries may
be a relevant factor in international law, as far as territories likeen-
landare concerned.This appears from a resolution whichwas adopted in
connection with the Convention of 29 April 1958on Fishing and Con-
servation of the Living Resources of the High Seas. In connection with
the adoption of the resolution, particular mention was made of Iceland,
the Faroe Islands and Greenland, as countries whose people are over-locales d'ordre géographique, climatique et autre, les principales dif-
férences entre le Groenland et Jan Mayen continueront très probable-
ment d'exister et sont,à mon avis, assez stables pour qu'il en soit tenu
compte.
Enoutre,laposition de la Cour selonlaquelle lesfacteurssocio-écono-
miques ne devraient pas entrer en ligne de compte dans le processus de
délimitation parce qu'ils changent ne l'a pas empêchéede prendre en
considérationl'accèsaux ressourceshalieutiques dans la partie méridio-
nale de la zone en litige.
Comme on l'adit,iln'existepas de critèresgénéraux de droitcoutumier
qui puissent servirà déterminerle poids qu'il faut attribuer aux facteurs
considéréscomme pertinents dansune affairedonnée, car chaque cas est

un unicum» (Golfedu Maine).
Contrairement àla Cour, je considère que les facteurs non seulement
géographiquesmais aussi démographiques et socio-économiquesjouent
un rôle lorsqu'il s'agit d'apprécier l'équid'une délimitation maritime
(Délimitationde lafrontière maritime dans la régiondu golfe du Maine,
C.I.J.Recueil1982,p. 278,par. 59,etp. 340,par. 232).Il n'estpas question
d'apprécier des facteurs individuelsisolémententant qu'éléments perti-
nents,mais de les évalueret de les pondérerdans leur ensemble.
La présente affaire est caractérisée non seulementpar une différence
très marquéedans la longueur des deux côtes pertinentes (et dans la
dimension des deux masses terrestres), mais aussi par une différence
fondamentale entre le Groenland et Jan Mayen en ce qui concerne les
structures démographiques, socio-économiqueset politiques. Le Groen-
land est une sociétéhumaine viablequi a une population de cinquante-

cinq mille personnes et qui jouit de l'autonomie politique, alors que
Jan Mayen n'a pas de population au sens propre du terme, puisqu'il s'y
trouve seulement vingt-cinq personnes environ qui séjournent temporai-
rement sur l'île pour faire fonctionner la station météorologiqueet les
stations de radio et de LORAN.
15. Les intérêts économiquee st autres décritspar les Parties diffèrent
fondamentalement. Ceux qu'invoque le Danemark sont directement liés
au Groenland alors que ceux dont parle la Norvège se rattachent à la
Norvège continentale et à sa population, et non à Jan Mayen. Comme
l'affaireatrait ladélimitationde lazonemaritimesituéeentre le Groen-
land etJan Mayen, ilme sembleque seules la population et les structures
socio-économiques de ces territoires sont effectivement pertinentes et

qu'à cetégard,spécialement,lefait que leGroenland esttotalement tribu-
taire de la pêche doit être souligné.
Il est généralement admis qu'uneforte dépendance à l'égardde la
pêche peut être un facteur pertinent en droit international s'agissant de
territoires tels que le Groenland. Cela ressort d'une résolution qui a été
adoptéedans le contexte de la convention du 29avril 1958sur la pêcheet
la conservation des ressources biologiques de la haute mer. Lors de
l'adoption de cetterésolution,on a mentionnéparticulièrement l'Islande,
lesîles Féroéet le Groenland commedespays dont la population esttrèswhelmingly dependent upon coastal fisheries for their livelihood or
economic development. That the needs of the coastal population of
Greenland justify specialprotective measures was also recognizedin the
Judgment of 30November 1982of the Court of Justice of the European
Communities.
The Court has, as mentioned, taken account of the factor of accessto
what it considered to bethe capelin zone asit has foundthat a divisionof
the southern part of the area of overlapping claims into two equal parts
would giveboth Parties equitable access to the fishing resources of the
area. In other words, a new type of median line has been introduced. 1
disagree with the grounds of the Court as they disregard the above-
mentionedsocio-economicfactors.

16. TheCourt did not considerthe maritimedelimitation between Ice-
land and Jan Mayen, as effected by the treaties of 1980and 1981,to be a
precedent and the conduct of the Parties to constitute an element which
couldinfluencethe operation of delimitation in the present case.
1agree that these treaties do not constitutea binding precedent in the
strict senseofthe termbuttheyarein myopinionnevertheless relevantas
an expression ofthe conduct of Nonvay and as such ofgreatimportance
to the present case.

1considerthe Iceland/Jan Mayendelimitation whichinvolvesthe very
same island which is the subject of the present caseto be highly relevant
as a strong indication of what would be an equitabledelimitation of the
maritime area between Greenland and Jan Mayen.
17. It is noteworthy that the operative part of the Agreement of 1980
does not contain any provisions concerningthe delimitation ofthe econ-
omiczones but that one ofthe preambular clausesisthe following :

"Considering that Iceland has established an economic zone of
200nautical milesand that Nonvay willinthe nearfuture establish a
fisheryzonearound Jan Mayen".

Thus the Icelandic 200-milezone, vis-à-visJan Mayen, was not agreed
upon by the Partiesbut existed by virtue of the Icelandic Law of 1June
1979.The line, unilaterallydrawn by Iceland, was then mentioned in the
Preamble ofthe 1980Agreement"recognizingIceland's strongeconomic
dependenceonthefisheries, cf.Article71inthetext ofthe Conferenceon
the Lawofthe Sea".The samepoint of view wasexpressedinthe Recom-
mendation of 30 May 1980,advanced by the Nonvegian Parliamentary

Committeewith respect tothe 1980Agreement:
"In that no resemation is made on Nonvay's part againstthe full
200-nautical-mile extent of Iceland's economiczonealso in the area
between Iceland and Jan Mayen, it also implies approval of that
extent ofthe zonein the area mentioned."lourdementtributaire delapêchecôtièrp eour sasubsistanceousondéve-
loppement économique.Le fait que lesbesoins de la population côtière

du Groenland justifient des mesures de protection spéciales a aussi été
reconnu dansl'arrêtdelaCour dejustice desCommunautéseuropéennes
en date du 30novembre 1982.
La Cour, on l'a vu, a tenu compte de l'accès à ce qui est considéré
comme la zone du capelan lorsqu'elle a estiméqu'un partage en deux
parts égalesde la zone de chevauchementdes revendications donnerait
auxdeux Parties un accèséquitableauxressourceshalieutiqus delazone.
Je ne peux pas souscrire à la motivation invoquéepar la Cour car elle
négligelesfacteurssocio-économiquessusmentionnés.

16. Selon la Cour, la délimitation maritime entre l'Islande et Jan
Mayen, telle qu'effectuéepar les traitésde 1980et 1981,n'a pas valeur

de précédentet la conduite des Parties ne constitue pas un élément de
nature à influer sur l'opérationde délimitationdans la présenteespèce.
Je reconnais que ces traités ne constituent pasun précédent contrai-
gnant au sens strict du terme mais,à mon avis, ils n'en sont pas moins
pertinents en ce qu'ils sont une expression de conduite de la Norvège
et revêtentpar conséquent une grande importance pour la présente
affaire.
Je considère que la délimitation entre l'Islande et Jan Mayen, qui
s'applique à l'île mêmequi est en cause aujourd'hui, est extrêmement
pertinente parce qu'elleindique clairementcequeseraitune délimitation
équitablede l'espace maritime situéentrele Groenland et Jan Mayen.
17.Il est intéressant d'observer quele dispositif de l'accord de 1980
ne contient aucune disposition concernant la délimitation des zones
économiques maisque l'un des alinéasdu préambuleest rédigé comme

suit:
((Considérant que l'Islande a établiune zone économique de
200 milles marins et que la Norvègeprocédera prochainement à

l'établissement d'une zonede pêcheautour de Jan Mayenn.
Ainsi,la zone des 200milles vis-à-visde Jan Mayen ne résulte pas d'un
accord des parties mais existait en vertu de la loi islandaise dujuin

1979.Laligne,tracéeunilatéralementpar l'Islande, aensuiteétémention-
néedans lepréambuledel'accordde 1980«reconnaissant quel'économie
islandaise est très lourdement tributaire de la pêche;voir l'article 71 du
texte de la conférencesur le droit de la meremême point devuea été
exprimédansla recommandation du 30mai 1980faitepar la commission
parlementaire norvégienneau sujet de l'accordde 1980 :

«Etant donné quela Norvègene fait aucune réserverelative à
l'étendue complètede 200milles de la zone économique islandaise
mêmedans la régioncomprise entre l'Islande et l'îledeJan Mayen,
l'accord implique aussi l'approbation de cette étenduede la zone
dans la région dontil s'agit.That view also found expression in the Committee'sReport of 27 April
1982:
"TheCommitteewould alsorecallthat, byvirtue ofthe Agreement
of 28 May 1980between Norway and Iceland concerning fisheries
and continental shelf questions, Norway indirectly approved an
Icelandic economic zone of 200 nautical miles, comprising both
fishing territory and the continental shelf,between Iceland and Jan
Mayen. This approval at the sametime marked acceptance on Nor-

way's part of an Icelandic continental shelf of at least 200 miles
towards Jan Mayen."
The Agreement of 1981between Norway and Iceland, following the
recommendations of the Conciliation Commission set up by the
1980 Agreement, provided that the delimitation between the Parties'
respectiveparts of the continental shelf in the area between Iceland and
Jan Mayen was to coincide with the delimitation line between their
respectiveeconomiczones.TheConciliation Commissionhad, according

to the 1980Agreement,to "take into account Iceland's strong economic
interests in these sea areas, the existing geographical and geological
factors and other specialcircumstances".
18. Thetwo Agreementsbywhich Norway accepted that the maritime
boundary between Iceland andJan Mayen should be established to take
account of the existing Icelandic 200-milezone must, in the context of
developments in the law ofthe sea,be considered as being in conformity
with equitable principles and expressing a solution which Norway (and
Iceland)consideredtobe equitable.A median linedelimitationwouldnot
have been considered equitable.
19. Thefactual and legalsituation in relation to the maritime delimita-
tion in the area between Greenland and Jan Mayen is very similarto the
contextofthe delimitationbetween Iceland andJan Mayen.Greenland is,
like Iceland, much larger than Jan Mayen and they both have, unlike
Jan Mayen,permanentpopulations and their owneconomicand political
structure. Iceland and Greenland have, with regard to their economies,

been put on the same footing as, together with the Faroe Islands, they
have, ashas been said, been singled out in connection with the Conven-
tion of29April1958 on Fishingand Conservation ofthe LivingResources
of the ~i~h Seas, as countries or territories whose people are over-
whelmingly dependent upon coastal fisheries for their livelihood or
economic development.

The delimitation between Iceland and Jan Mayen must, as already
stated,beconsideredtobe equitable.Asthe factorswhichwererelevantin
that case are very similar to the relevant factors in the Greenland/
Jan Mayencase,itwould havebeenjust and equitable to drawthe delimi-
tation line in the present case in a manner similar to the way in which
the lines were drawn in the Iceland/Jan Mayen case, that is to Say,at a
distance of 200nautical milesfrom East Greenland. Cepoint devues'esttrouvéreflétéaussidanslreapport dela commission
en date du 27avril 1982 :
Lacommissionrappelle aussique,envertu del'accorddu 28mai
1980entrela Norvège etl'Islande relatifauxquestionsconcernant la
pêcheetleplateau continental,la Norvègeaindirectementapprouvé
une zoneéconomiqueislandaisede200millesmarins, comprenant à

lafoislesterritoires depêcheetleplateau continental,entrel'Islande
et l'île de Jan Mayen. D'autre part, cette approbation marquait
l'acceptation,par laNorvège,d'unplateau continentalislandaisd'au
moins 200millesdans la direction de l'îlede Jan Mayen.»
L'accordde 1981entre la Norvège etl'Islande, suivantles recomman-
dations de la commissionde conciliationétabliepar l'accordde 1980,sti-

pulait que la lignede délimitation entreles secteurs du plateau continen-
tal attribuées respectivementaux deux parties dans la zone située entre
l'Islande et Jan Mayen coïnciderait avec la ligne de délimitation entre
leurs zones économiquesrespectives. Aux termes de l'accord de 1980,
la commission de conciliation devait (([tenir]compte des intérêts écono-
miquesprimordiauxque l'Islandeadanslesparages,descaractèresgéogra-
phiques etgéologiquesdelarégionetdesautrescirconstancesspéciales».
18. Lesdeux accords par lesquelsla Norvègea acceptéque la lignede
délimitation entre l'Islande etJan Mayen soit établiede manière à tenir
compte de la zone islandaise existante de 200 milles doivent, dans le
contexte de l'évolutiondu droit de la mer, être considérés comme
conformes à des principes équitableset exprimant une solution que la
Norvège (etl'Islande) jugeai(en)t équitable.Unedélimitationpar laligne

médiane n'aurait pas été considéréecomtm elele.
19. En fait comme en droit, la délimitation maritimedans la région
situéeentre leGroenland etJan Mayen seprésentede manière trèssimi-
laireà la délimitationentre l'Islande etJan Mayen.Comme l'Islande, le
Groenland estun territoire beaucoup plus étenduque l'îlede Jan Mayen
et,àladifférencede celle-ci,leGroenland etl'Islande ontunepopulation
permanente et leurs propres structures économiques et politiques. Du
point de vue économique,l'Islandeet le Groenland ont étéplacéssur le
mêmepied puisque, avec lesîles Féroéi,ls ont été, on l'avu, mentionnés
expressément àl'occasiondel'adoption dela convention du 29avril 1958
sur lapêcheetla conservationdesressourcesbiologiques dela haute mer
en tant que pays ou territoires dont la population est très lourdement
tributaire de la pêche côtièrpour sa subsistance ou son développement

économique.
Commeje l'ai dit, il faut considérer comme équitable la délimitation
entre l'Islande et Jan Mayen. Puisque les facteurs qui étaient pertinents
dans ce cas sont très semblables aux facteurs pertinents dans le cas du
Groenland et deJan Mayen, ilaurait étéjuste etéquitable, eln'espèce,de
tracer la ligne de délimitation d'une manière analogue à celle dont les
lignes avaient éttracéesdans le cas de l'Islande et de Jan Mayen, c'est-
à-direà une distance de 200millesmarins du Groenland oriental. 20. As for the delimitationin the maritime area between Bear Island
and mainland Norway, the Court has found that Norway is no more
bound by that solution than is Denmark to apply,in the present dispute,
the method of equidistance used to effect the delimitation between
Norway and Denmark in the Skagerrak and the North Sea or off the
Faroe Islands. 1do not see any analogy between the delimitation situa-
tionsconcerning BearIsland and the delimitationsin the North Seamen-

tioned bytheCourt asthe situationconcerning BearIsland isveryspecial.
1consider that the Bear Island delimitation,althoughit concerns delimi-
tation between two Norwegian territories, has intemational aspects and
that it is of a certain relevance as expressing the conduct of Norway
concerning a maritime delimitation of an area located between an
uninhabited smallisland and a mainland.
21. 1do not agree withthe method of delimitation of the area of over-
lapping claims (zones 1, 2 and 3) which is very ingeniously invented
expresslyforthis case.
The two lines dividing the area into three zones are drawn between
the points where the Greenland 200-mileline and the median line are
changingdirection.
The southernmostzone (zone 1)corresponds - by accident - essen-
tially to the area which, according to the Court, is the principal area for

capelin fishing. It follows from what 1have already stated that 1do not
considerthe divisionofthiszoneinto two equalparts to be equitableas it
disregards relevant socio-economicfactors. Furthermore 1 do not think
that the Court is in a position todefine the main fishing area of capelin
with accuracy asthat area mightVarygreatly.
The division of zones 2 and 3 is based on the sole consideration -
which 1stronglycontest - that an equal divisionof al1three zoneswould
give too great a weight to the circumstance of the marked disparity in
coastal length.The division of zones 2 and 3isthus effected in a waythat
leads to the desired delimitation of al1three zones. 1consider that this
whole method is artificial and that no rules of international law have
been adduced to provide grounds for the method apart from a general
referenceto "the requirements of equity".

22. Thejudge may - and should - exercisejudicial discretion within
certain limits and has to make difficult choices according to his convic-
tions.
In the present case,where the decision isbased mainly upon equitable
considerations,the range ofchoicesiswider than in casesinvolvingtreaty
lawonly,and the decisionofwhat shouldbethe equitablesolution corre-
spondinglydifficult. In many cases as in the present one it seemsalmost
impossible with 100per cent certainty to point to one single solution
whichcouldbecharacterizedasequitable.Thejudge has to makeachoice
between severalpotentiallyequitablesolutions.

Forthe reasonsstated above and after having carefully weighedup al1
the relevant factors, 1have reached the conclusion that the Judgment is 20. Quant à la délimitationdans leseauxsituéesentrel'îleaux Ours et

la Norvègecontinentale, la Cour a conclu que la Norvège n'estpas plus
liéepar cette solution que le Danemark n'est tenu d'appliquer, dans la
présente affaire, la méthodede l'équidistancequi a été employép eour
opérerla délimitationentre la Norvège etleDanemark dans le Skagerrak
etdanslamerdu Nord ou au largedesîlesFéroéJ.e nevoisaucuneanalo-
gieentre lecas de l'îleaux Ours et lecasdesdélimitationsdans la mer du
Nord mentionnéspar la Cour car la situation de l'île aux Ours est très
spéciale. J'estimeque la délimitation relativeà l'îleaux Ours, bien qu'il
s'agissede deux territoires norvégiens,présente des aspects internatio-
naux et a une certaine pertinence en ce qu'elle exprimela conduite de la
Norvège à l'égardd'une délimitation maritimedans une régionsituée
entre une petite île inhabitéeetun territoire continental.
21. Jen'approuvepas laméthodededélimitationdelazonedechevau-
chementdesrevendications(secteurs 1,2et3),trèsingénieusementinven-

téepour lesbesoins de la cause.
Lesdeux lignes qui divisentla zone entrois secteurssont tracées entre
les points où la ligne des 200 milles du Groenland et la ligne médiane
changent de direction.
Le secteur le plus méridional (secteur 1) correspond - par hasard
- essentiellement àla régionqui, selon la Cour, est la plus importante
pour la pêcheau capelan. Il ressort de cequej'ai déjàdit queje ne consi-
dèrepaslepartagede cesecteurendeux parts égalescommeéquitablecar
ilnégligedesfacteurssocio-économiquespertinents.En outre,je nepense
pas quelaCour soifenmesurededéfiniravecprécisionlaprincipale zone
de pêcheau capelan, qui peut varier considérablement.
Lepartage dessecteurs2 et 3reposesurl'unique considération - queje
conteste énergiquement - qu'une division par parts égalesdes trois
secteurs donnerait trop de poids au facteur circonstanciel de la forte

disparité quiexistedans leslongueurs de côtes.Lepartage des secteurs2
et 3est donc opéré d'une manièrequi aboutit àla délimitation souhaitée
de la totalité destrois secteurs.Je considère que cetteméthodeest artifi-
cielle et qu'aucune règlede droit international n'a été invoquép eour la
justifier, mise part une référencegénéraa ux «exigences de l'équité ».
22. Lejuge peut - et doit - exercersonpouvoir discrétionnairedans
certaines limites et il est obligéde faire des choix difficiles selon ses
convictions.
Dans la présente affaire,dans laquelle la décision repose principale-
ment surdesconsidérationsd'équité l, gammedeschoix estplusétendue
que dans les affairesqui relèventseulement du droit conventionnel, et la
décisionquant à ce que doit être la solution équitableest d'autant plus
difficile. Dans bien des cas, commecelui-ci,il paraît presque impossible
d'indiquer aveccentpour centde certitudelaquelle est,detoutes lessolu-

tions possibles, celle qui pourrait être qualifiée d'équitable.ejuge doit
faire un choix entreplusieurs solutionspotentiellement équitables.
Pour lesraisons énoncéesci-dessuset après avoir soigneusementpesé
tous lesfacteurspertinents, je suisparvenu àla conclusion quelasolutionnot the most equitable solution but that a delimitation of the continental
shelf and of the fisheries zone between Greenland and Jan Mayen at a
distance of 200nautical miles from Eastern Greenland would have been
the most equitable solution and consequently should have been the
outcome of the case.

(Signed) Paul FISCHER. D~LIMITATIONMARITIME(OP. DISS. FISCHER) 314

contenue dans l'arrêtn'estpas la plus équitableet qu'une délimitationdu
plateau continental et de la zone de pêcheentre le Groenland et Jan
Mayen àune distance de 200milles marins du Groenland oriental aurait
étéla solution la plus équitable et aurait dû par conséquent être l'abou-
tissement de cetteaffaire.

(Signé)Paul FISCHER.

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Opinion dissidente de M. Fischer (traduction)

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