Opinion dissidente de M. Oda

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068-19840321-JUD-01-06-EN
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OPINION DISSIDENTE DE M. ODA

[Traduction]

1. Je ne puis, à mon grand regret, m'associer à l'arrêtde la Cour. A
l'occasion de la procédure sur la demande d'intervention maltaise, j'avais
dit :

<<les motifs exposéspar la Cour [pour rejeter la requête de Malte]
interprètent d'unefaçon trop restrictive leparagraphe 1de l'article62.
Je regrette qu'on ait ainsi limité la notion d'intervention lors de la
premièreoccasionréelleoùl'onen aitdemandél'application. )(C.I.J.
Recueil 1981,p. 23, par. 1.)

Et j'ajoutais:
<<Amon avis, une intervention fondée sur l'article 62 du Statut
devrait êtreconsidérée comme étantd'uneportéebeaucouppluslarge
qu'il n'est admis dans l'arrêtde la Cour (par. 32-34). Les procès-

verbaux des débats du comité consultatif de juristes de 1920,qui a
rédigéle Statut de la Cour permanente de Justice internationale,
fournissent peu de renseignements sur le rôle que pouvait jouer un
Etat tiers autorisà intervenir en application de l'article 62du Statut
(qui était identique,pour cequi est du textefrançais,à l'article 62du
Statut de la Cour actuelle)et sur les effetsqui pouvaient découlerde
son intervention. Si le Règlement de la Cour ado~téen 1922 à la
session préliminairede la Four permanente de ~ustLe internationale
contenait desdispositionsrelatives à larequête à fin d'intervention, il
ne spécifiait pas la portée de cette intervention, ni la façon dont la
Cour devait donner suite à l'intervention d'une tierce partie, une fois
cette intervention admise. Commela Courledit trèsjustement dans le
présentarrêt(par. 23 et 27), la Cour permanente de Justice interna-

tionaleet la Cour actuelle ont laisséde côtéces questions d'interven-
tion,estimant qu'ellespourraient êtretranchéeseu égardauxcircons-
tances particulières de chaque espèce.Pendant soixante années, la
Cour n'apratiquementjamais eu à connaîte d'affaire dont on pouvait
dire que l'article 62 étaitun élémentessentiel ; mais le moment est
maintenant venu pour la Cour de se prononcer sur le problème de
l'intervention. (Ibid., par. 2.)

2. Orleprésent arrêtévite à nouveau d'aborder lesproblèmesessentiels
del'intervention, enjustifiant lerejet delarequêteitaliennepar desraisons
qui paraissent secondaires. Apparemment, en effet, la Cour y définit à
priori la portée du type d'intervention qu'elle tient pour une véritableintervention(façon de faire qui me paraît erronée),puis en tirela conclu-
sion que la requête de l'Italiene rentre pas dans cette catégorie.

1.LA PORTÉE DE L'INTERVENTION SUR LA BASE
DE L'ARTICLE 62 DU STATUT

Introduction

3. La Cour a jusqu'ici hésité à prendre une position arrêtée sur la
question de savoirsiun Etat doit,pour êtreautorisé àintervenirsurlabase
de l'article 62 du Statut, avoir avec les parties initialàsl'instance un lien
découlantsoit del'acceptation de lajuridiction obligatoire de la Cour,soit
d'un compromis. Les autresproblèmes - faut-ilque l'Etat intervenant ait

entaméavec l'une ou l'autre des parties initiales, ou avec les deux, des
négociations préalablespour le règlement d'un différend préexistant ;
faut-il ou non qu'il formule des prétentions concrètes contre l'une ou
l'autre de ces parties, ou contre les deux ;faut-il ou non qu'il participe à
l'instance principale en qualité de partie - se rapportent tous à cette
question fondamentale du lienjuridictionnel queledit Etat intervenant a,
ou n'a pas,avec les parties initiales. A ce sujet,je m'exprimais comme suit
dans mon opinion sur la précédente procédure d'intervention :

<(Il n'estdoncpasdu tout évidentque laparticipation enqualité de
partie soitune condition sinequanondel'institution de l'intervention.
De plus, la questionde savoir si l'institution de l'intervention fondée
sur l'article 62 du Statut exige ou non que l'Etat tiers participe à

l'instance ((en qualité de partie ))est étroitement liée à deux autres
questions :tout d'abord, celle de savoir s'il faut qu'il existe un lien
juridictionnel entre l'Etat intervenant et les parties originaires ;et
ensuite la question de savoir si l'arrêtde la Cour en l'instance prin-
cipale aurait égalementforceobligatoirepour 1'Etatintervenant. Bien
que la Cour n'ait pas traité de la question de la juridiction en la
présente affaire (par. 36), il est difficile d'examiner l'institution de
l'intervention sans tenir compte de ces deux questions, qui sont

étroitementliées àla naturede cetteinstitution telle qu'elleestprévue
à l'article 62. (C.I.J. Recueil 1981, p. 24, par. 4.)
4. Jepensequelaquestiondu lienjuridictionnel, aveclesproblèmesqui
lui sontainsirattachés, estune questionimportante, et qu'onne peut éviter

d'aborder lorsqu'on a affaire à l'institution de l'intervention. Si en effet
l'existenced'un lienjuridictionnel était une condition préalable à l'inter-
vention demandée sur la base de l'article 62 du Statut, le fait que l'Italie
n'ait ni acceptélajuridiction obligatoire de la Cour ni obtenu des Parties
principalesun accord valide à son interventionjustifierait assurément le
rejet de sa requête.
5. Dans laprésente espèce,la Courreconnaît apparemment avoir évité
d'aborder la question fondamentale de l'intervention, lorsqu'elle dit : La Cour estimant ...qu'elle ne doit pas aller au-delà des consi-
dérationsqu'ellejuge nécessaires à sa décision,leprésentarrêtn'apas
à trancher les diverses autres questions soulevéesdurant la présente
procédure au sujet des conditions et du fonctionnement de l'inter-
vention au titre de l'article 62 du Statut. En particulier, pour se

prononcer sur la demande d'intervention de l'Italie en l'espèce,la
Cour n'a pas à décidersi, en règlegénérale,pour toute intervention
fondéesur l'article 62, et comme condition de son admission, l'exis-
tence d'un lien juridique valable doit être démontrée. )) (Arrêt,
par. 38.)

Et de même, un peuplus loin

<(La Cour estimant possible ... de se prononcer sur la présente
requête sans résoudrela question délicate du <lien de compétence
valable. (Ibid, par. 45.)

Mais en mêmetemps, la Cour,en évoquant <<le principefondamental qui
veut que [sa] compétence pour connaître d'un différend et le trancher

dépende du consentement des parties à celui-ci))(ibid., par. 34), les
principes fondamentaux à la base de sa compétence : en premier lieu le
principe du consentement ))(ibid, par. 35),le consensualismequi est àla
base de la compétence de la Cour )) (ibid., par. 37) et l'importance de
<(l'élémend te la volonté desEtats, expriméedans un compromis ou autre
instrumentétablissantla compétence,pourdéfinirla portéed'un différend
soumis à la Cour (ibid., par. 46), ainsi qu'en interprétant la requête de
l'Italiecommelasoumission d'undifférenddistinct ou additionnel avecles

Partiesprincipales (cequi,d'après l'arrêt, serailte seultype d'intervention
possible), paraît affirmerque l'existenced'un lienjuridictionnel est néces-
saire pour qu'un Etat tiers puisse intervenir.

1. Casoù il existe un lienjuridictionnel

6. On peut certes imaginer des cas où l'Etat tiers serait lié auxparties
initiales par l'acceptation mutuelle de lajuridiction obligatoire de laCour,

oupar lasignature d'uncompromis, cequi luipermettrait de soumettre à la
Cour des différendsdistincts avec les parties. Dans de tels cas, l'interven-
tion devant la Cour internationale de Justice servirait à éviterl'introduc-
tion d'instances séparées, maisprésentant entre elles des analogies ; ce
type d'intervention serait assimilable à l'intervention en droit interne.
C'estcequeje faisaisremarquerdans l'opinion individuellequej'aijointe à
l'arrêt sur la requête maltaise :

<Je pense qu'on peut soutenirque I'existenced'un lienjuridiction-
nel entre l'Etat intervenant et les parties originaires est nécessairesi

1'Etatintervenant participe à l'instance en tant que partie de plein
droit, et qu'en ce cas l'arrêtde la Cour aurait indubitablement force
obligatoirepour l'Etat intervenant. Ce droit d'intervention est fon- cièrementsemblable à celui que prévoitledroitinterne de nombreux
Etats. Par suite de la participation de la tierce partie en qualité de
partie de plein droit à l'instance principale, l'affaire devient un litige
entre trois parties. Evidemment, dans le droit interne, le lienjuridic-
tionnel entre la tierce partie demandant à intervenir et les parties
originaires n'est pas en cause. Cette institution, qui existe de longue
date, a pour objet de protégerles droits d'une tierce partie qui pour-
raient êtreaffectéspar le litige entre les deux autres parties, tout en
simplifiant la procédure contentieuse :deux ou trois motifs d'action
judiciaire concernant les mêmesdroits ou obligations peuvent ainsi

être réunisen une seule instance.
De même, ilpeut y avoir des affaires portées devant la Cour
internationale de Justice où l'Etat tiers demandant à intervenir pour
assurerla protection du droit qu'ilestime avoir - et quifait partie de
l'objetmêmedu litigeprimitif - est lié auxparties originaires par son
acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour en vertu de la
dispositionfacultative du Statut, ou par un traité ou une convention
en vigueur, ou encore par un compromispassé avec ces deux Etats.
Dans ces conditions, 1'Etat tiers peut participer à la procédure en
qualité de demandeur ou défendeur,ou en tant que demandeur indé-

pendant. Il est d'ailleurs probable que, dans un tel cas, l'Etat tiers
serait habilitéà introduire devant la Cour une action séparéeconcer-
nant la mêmequestion. En revanche, laisser participer à laprocédure
un Etat tiersqui agirait comme partie de plein droit sans avoir de lien
juridictionnel avec les parties originaireset sans être liépar la force
obliuatoire de l'arrêt reviendrait indubitablement à réintroduire Dar
un subterfuge une affaire qui n'aurait pas pu êtreportée devant la
Cour en raison d'un défautdejuridiction. Une telle situation paraît à
premièrevueinadmissible,car lajuridiction de laCourinternationale
de Justice est fondée surle consentement d7Etatssouverainset n'est

pas obligatoire en l'absence de ce consentement. ))(C.I.J. Recueil
1981, p. 25, par. 5-6.)

7. Ainsi l'intervention en droit international pourrait, comme en droit
interne,êtreun facteurd'économiedeprocédure,puisqu'ellepermettrait -
à condition qu'il y eût un lien juridictionnel - de joindre à l'instance
principale un litige distinct, introduit par un Etat tiers contre l'une ou
l'autre des parties initiales, ou contre les deux.

2. Le lienjuridictionnel n'estpas toujours indispensable

8. Mais il convient, lorsqu'il s'agit d'intervention, d'avoir présentes à
l'esprit plusieurs hypothèses différentes. Je citerai encore mon opinion
dans l'affaire précédente :

Cependant, il n'estpas du tout évidentque la seulehypothèsequi
fut envisagéelorsde l'examendu libelléde l'article62étaitlecas où il PLATEAU CONTINENTAL (OP.DISS. ODA) 94

existerait un lienjuridictionnel entre 1'Etatintervenant et les parties

originaires.))(C.I.J. Recueil 1981, p. 25, par. 7.)

En effet, comme je le faisais remarquer :

Le cas où un droit ergaomnesest en causeentre deux Etats, mais
où un troisièmeEtat entend égalementseprévaloirdecedroit, est une
hypothèsequimériteici d'être retenue.Parexemple, dans lecas de la
souverainetésur une île ou de la délimitationd'une frontière territo-
riale entre deux Etats, lorsqu'une tierce partie se trouve elle aussi en

mesure de faire valoir sa souverainetésur l'îleen question ou sur le
territoire qui sera délimitépar ladite frontière, ou dans le cas d'un
différend sur un droit de propriété, faire dépendre l'intervention de
1'Etattiers de l'existenced'un lienjuridictionnel risquerait d'aboutir
à un résultat déraisonnable. Si l'on considère que ce lien est dans
tous lescas indispensablepour recevoir l'intervention, la notion d'in-
tervention devant la Cour internationale de Justice ne pourra que
s'étioler))(Ibid., p. 27, par. 9.)

9. La Couraffirmedans leprésentarrêtquel'article 59du Statutsuffit à

protégerlesdroits et lesintérêtsjuridiquesdes Etats tiers, sansque ceux-ci
participent àl'instance. Mais on oublie souvent quel'article 59ne figurait
pas dans le projet de texte rédigépar le comité consultatif de juristes
pendant l'été1920 :cettedisposition est lerésultatdes observations que le
représentant britannique fit au Conseil de la Société des Nations en octo-
bre 1920,sans penser apparemment à autre chose qu'à l'intervention du
type de l'article63.Je reviendrai plusloinsurlasignification de l'article59
(voir par. 27).Pourl'instant,je me contenterai de direquelesaffirmations
de la Cour au sujet de l'article 59 ne peuvent suffire à apaiser les inquié-
tudes de1'Etattiers,surtoutlorsqu'undroit ergaomnesestenlitigeentre les

parties initiales.
10. Ainsije concluais en 1981que la Cour n'avait pas appréciécorrec-
tement la portéede l'intervention. Dans son présent arrêt,la Cour conti-
nue, selon moi, à assigner à cette institution des limites trop étroites.
Estimanten 1981 - commeje persiste à le fair- que cette attitudede la
Cour vient d'une attention insuffisante aux conditions dans lesquelles
l'institution de l'intervention est apparue dans le droit international,
j'avais alors fait de cette apparition une analyse historique que je ne
reproduiraipas iciZntoto.Cependant, lefait que 1' opinionmajoritaire de la
Cour n'ait pas changéme contraint à revenir sur certains aspects de la

genèsede l'intervention, ce queje ferai en essayant, dans la mesure du
possible, de ne pas répéterce que j'ai déjàdit. (Aperçuhistoriquesur la rédactionde l'article62)

11. L'intervention, sous la forme où elle est inscrite à l'article 62 du
Statut, apparut pour la première fois en 1920, à l'époqueoù le comité
consultatif dejuristes, nommé par le Conseil de la Sociétédes Nations,
travaillait sousla présidencedu baron Descamps (Belgique) à la rédaction

du Statut de la Cour permanente de Justice internationale. Avant même
cette session du comité, on avait prévu, dans certains projets de texte
relatifs aux plans de la Société des Nations, une intervention en droit
international dont l'idéeétait empruntée audroit interne '.Cette idée,
cependant, n'avait pas étéconservéedans le projet de texte établipar le

groupe de rédaction du comité consultatif de juristes à l'intention de
celui-ci. Mais certains membres du comité proposèrent que i'on adoptât
une conception nouvelle de l'intervention, du type de ce qui avait été
proposédans lesprojetsauxquelsje viensdefaireallusion - sansd'ailleurs

que cette idée fût discutéede façon approfondie par les membres du
comité,pour autant tout au moins qu'on puisse enjuger à la lecture des
procès-verbaux.
12. Le texte proposépar le baron Descamps, président du comité, fut
approuvé.Il se lisait comme suit :

<[Article 62 tel que définitivement adopté] - Lorsqu'un Etat
estimeque dans un différendun intérêt d'ordrejuridiqueest pour lui
en cause, il peut adresser à la Cour une requête, à fin d'intervention.
LaCourdécide. (Courpermanente deJusticeinternationale, Comité

consultatifdejuristes, Procès-verbaux des débatdsu comité, p. 659.)
(Texte anglais : ((Should aState consider that it has an interest of a
legalnature in acertain case,itmay submit arequest to the Courtto be

permitted to appear as a third party. The Court shall decide. >))

La formule anglaise <(it may submit a request to the Court to be permitted
toappear as a thirdparty >)simpletraduction du français << ilpeut adresser

'Avant-projet de convention relative à une organisation juridique internationale,
élaboréDarles trois comités nommés Darles gouvernements de la Suède.du Danemark
les intérêtsd'un Etat tiers, ce dernier aura le droit d'intervenir dans l'a>>(Cour
permanente deJustice internationale, Comitéconsultatifdejuristes, Documentsprésentés
aucomité etrelatifsdesprojetsdéjàexistantspour l'établissement d'uneourpermanente
de Justice internationale,p. 150.)
Projet de convention relative à une Cour permanente de Justice internationale,
préparépar une commission gouvernementale suédoise, 1919 : (21. Lorsqu'un dif-
férend soumisà la Cour ...concerne à d'autres égards lesintérêtsd'un Etat tiers qui
n'est paspartie dans lelitige,ce dernier aura ledroit d'intervenir dans l'a>(Ibid.,
p. 236.)
Projet relatiàl'établissementdelaCour permanente deJustice internationale (projet
des cinq Puissancesneutres), 1920:<(Article 48.Lorsqu'un différend soumisàla Cour
touche les intérêts d'un Etattiers, celui-ci a le droit d'intervenir au pr>>(Ibid.,
p. 300.) PLATEAU CONTINENTAL (OP. DISS. ODA) 96

à la cour une requête, à fin d'intervention )),se révélaune source de
confusion dans la définitiondu sensvéritablede l'intervention au titre de
l'article62. Les mots <<as a third party)),en particulier, qui ne correspon-
daient à rien dans le texte original en français, donnèrent lieu à certains
malentendus quant au mode de participation de l'intervenant àl'instance
principale l.

13. A la dixième sessiondu Conseil de la SociétédesNations, tenue en
octobre à Bruxelles, Léon Bourgeois,parlant comme représentant de la
France, fit l'élogede ce type d'intervention fondé sur l'article 62 :

((Les juristes de La Haye ...ont, en effet, donné aux Etats non
parties au litige un droit d'intervention dans les cas où un intérêt
d'ordre juridique qui leur est propre se trouve enjeu. )>(Cour per-
manente de Justice internationale, Documents relatifsaux mesures
prisespar le Conseil de la SociétédesNations aux termesdel'article14
du Pacte et a l'adoption par l'Assembléd eu Statut de la Courperma-

nente, p. 50.)
Juste avant cela, le représentant de la France, conscient des objections

énergiquesque de nombreux Etats membres opposaient à l'idéede la
juridiction obligatoire de la Cour, avaitproposé une revision complètedes
dispositions en la matière.On ne saurait donc soutenir que lemaintien de
l'article 62 soit dûà une négligencedes auteurs du Statut au moment où
cettejuridiction a changé de nature.
14. Lors de l'élaboration du Statut de la Courinternationale de Justice
par le comitédejuristes réuni à Washington en 1945,il n'y eut pratique-

ment aucune discussion sur l'article 62, dont le texte français ne subit
d'ailleurs aucun changement. Seul le texte anglais fut modifiépar la sup-
pression des mots <as a third party D, sans que cela altérât le sens de
l'article,comme l'indiquelerapport du comité(Documentsdelaconférence
desNations Uniessur l'organisation internationale,1945,vol.XIV, p. 626).
Commeje l'ai déjàdit,la formule << as a third party ))dans le texteanglais

du Statut de la Cour permanente de Justiceinternationale, avait toujours
étéune sourcede confusion, d'autant qu'en 1920le texte français pouvait
être considéré comme faisant autorité.
15. Abstraction faite de certaines décisionsde la Cour permanente ou
de la Cour actuelle, où la portéede l'intervention n'étaitévoquéequ'en
passant, et des travaux de la Cour actuelle qui aboutirent en 1978 à la

revision du Règlementet à l'article 81 sous sa forme actuelle, la Cour n'a
examinéen détail la questionde l'intervention qu'une seule fois, en 1922,

' Comme je l'ai déjà fait remarquera l'occasion de la requête maltaise,
<(lapréfaceauxprocès-verbauxdesdébatsdu comitéconsultatifdejuristesindique
clairement que:
<Tous les membres du comité,àl'exception dM. Elihu Root, s'étant expri-
més en français, c'est le texte anglais des procès-vèrbaux qu'il convient de
considérer comme une traduction, sauf pour les discours et remarques de
M. Root. (P. IV.>)(C.Z. RJecuei1981, p.24, par.3.)lors de l'élaborationde son Règlement.Les discussions qui se déroulèrent
alors entre lesjuges de la Cour permanente sont fort bien résuméesdans
l'arrêt delaCour de 1981,et cerésumé setrouve en partie reproduit dans le
présentarrêt :

<(En conclusion il aété convenu de ne pas essayerde résoudredans
le Règlementlesdifférentesquestionsqui avaient étésoulevées,mais
de les laisser de côté pourêtretranchées à mesure qu'elles se présen-
teraient dans la pratique, en fonction des circonstances de chaque
espèce. ))(Arrêt,par. 44.)

16. Commeje le faisais observer dans mon opinion sur l'affaire précé-
dente, il convient aussi de relever que le Présidentde la Cour, M. Loder,
décida à l'issue des discussions qu'il

<(ne pourrait pas mettreaux voix une proposition tendant à limiter le
droit d'intervention, aux termes de l'article 62, aux seuls Etats ayant
acceptélajuridiction obligatoire. Cette proposition, sielleétaitaccep-
tée,irait en effetà l'encontre du Statut. ))(C.Z.J.Recueil 1981,p. 26,

par. 7.)
Enfin ilya lieu de noter un mémorandum de M.Beichmann, où lesdébats
de la Cour étaientrésuméscomme suit :

<L'article62du Statut stipulant que ladécisiondoitêtreprise dans
chaque cas qui se présentera, il n'y a pas lieu dès maintenant de
prendre une décisionquelconque, ni sur l'interprétation des mots
<<intérêt d'ordrejuridiqueest pour lui encause D,ni sur la question de

savoir si une intervention est soumise à d'autres conditions d'ordre
juridique, par exemple la soumission des parties et du requérant à la
juridiction obligatoire, ou leconsentement desparties originaires. La
question de savoir si, l'intervention ayant étéadmise et effectuée,
I'Etat intervenant sera liépar la sentence de mêmeque les parties
originaires doit également resterouverte. ))(C.I.J. Recueil1981,p. 26,
par. 8.)

17. Rien ne permet donc de penser que la Cour ait jamais conclu que
l'existence d'un lien juridictionnel, ou la preuve d'un différend an-
térieur, oude négociationsavec l'une ou l'autre des parties initialesau
litige, fût une condition tacite de l'intervention fondée sur l'article62.
De plus, pour autant que je sache, aucun des documents relatifs à la
rédactiondu Statutde la Cour permanente, oude celuide la Cour actuelle,
n'autorise à supposer qu'une telle opinion sejustifie pour la seule raison
que l'article 62 figurait - et figure encore - non pas au chapitre II,

concernant la compétence de la Cour, mais au chapitre III, consacréa laprocédure.Malgré ceque semble dire la Cour dans le présentarrêt,I'ab-
sence dans le Règlement de dispositions détaillées surl'intervention ne
s'expliquepas par la <sagesse ))delaCour précédenteen 1922 :ellerésulte
simplement de l'impossibilitéd'aboutir à un accord. Et ce ne serait pas
faire preuve de sagesse, lorsque la Cour se trouve en présence d'une
véritablerequête à fin d'intervention, que de remettreàplus tard l'examen
de ces questions fondamentales.
18. Quand I'Etat qui demande à intervenir n'est pas liéaux parties en
litigepar un lienjuridictionnel, l'intervention estcertainement d'un autre
type que l'intervention permisedans lessystèmesjuridiques internes, où la
jonction de plusieurs procèsen une seule instance favorise l'économiede
procédure. Dans un tel cas, en effet, l'intervention a pour seul but de

protéger l'intérêt légitidm'enEtat tiers quirisquerait,sans cela,d'être mis
en cause dans la décisionrendue au principal. La portéed'une telleinter-
vention ne peut doncpas êtrela même qu'endroit interne, puisque 17Etat
tiers n'entreprendrait pas normalement un procès distinct, parallèle au
principal, contre l'uneou l'autre desparties initiales. En 1981,j'exposaàs
ce sujet le raisonnement suivant :

<<si1'Etattiers n'a pas de lienjuridictionnàlproprement parler avec
les parties originaires au différend, il peut néanmoins participer à
celui-ci, mais non pas en qualitéde partie dans le sens donné à ce
terme dans ledroitinterne desEtats. Dans de tels cas, lerôlejouépar
1'Etat intervenant doit êtrelimité.Cet Etat peut faire valoir une
prétentionconcrètecontre les parties originaires, mais il ne faut pas
que cette prétention outrepasse les limites de la requête oudu com-
promis qui a donnélieu à l'instance principale. L'Etat intervenant ne
peut pas demander à la Cour une décisionconfirmant directement sa
prétention. La décisionde la Cour sera elle aussi limitéedans sa
portée. Ellenepourra pas allerau-delà desbornes fixéesparla requête
ou le compromis original. Bien entendu, 1'Etatintervenant nepourra
pas se soustraire à la force obligatoire de la décisionde la Cour,

décisionqui s'appliquera naturellement en ce qui le concerne si son
intervention a étéadmise :ilne réussiraà faire protégersesdroitsque
si la Cour refuse de reconnaître la prééminencede ceux de l'une ou
l'autre des parties originaires si au contraire la Cour se prononce
dans un arrêten faveur des droits de l'une ou l'autre de ces parties,
I'Etat intervenant severra sans aucun doute privéde toute possibilité
présente ou future de faire valoir des prétentions contraires à ces
droits. A la lumièrede cesconsidérations,ilne semblepas possible de
soutenir que 1'Etatintervenant, au cas où il n'aurait pas qualitéde
partie au mêmetitre que les parties originaires, tirerait de son inter-
vention un avantage injustifié sans se placer lui-mêmedans une
position désavantageuse.x (C.I.J. Recueil 1981, p. 27, par. 9.)

19. La Cour aurait donc dû rechercher comment l'institution de l'in-
tervention peutjouer en l'absenced'unlienjuridictionnel entre 1'Etattiers
et les parties principales. Au lieu de cela, elle admet tacitement que l'in-tervention de 1'Etattiers est destinée à la saisir d'un différend distinct et
supplémentaire,d'où elleconclut apparemment que l'existence d'un lien
juridictionnel est nécessairepour intervenir dans tous les cas. Mais, ce
faisant, il semble qu'elle s'engagedans un cercle vicieux.

3. L'effet de l'article63

20. A cet égard,il convient aussi de s'arrêter surl'article 63 du Statut,
qui prévoitun type d'intervention différent.Dans cecas, en effet, même si
l'objet du litigeentre lesparties initiales est constituépar des droits précis
invoquésdepart etd'autre, 1'Etattiersquiintervient n'estpas motivépar la
décisionsur l'objet du litige, mais par l'interprétation d'une convention
dans l'arrêtde la Cour. Ce type d'intervention est unique en droit inter-
national.

21. Je répéteraiau sujet de l'interprétationde l'article63cequeje disais

dans l'affaire précédente :

<Pour l'application de l'article 63, aucun lienjuridictionnel n'est
apparemment requis entre 1'Etatdemandant à intervenir et les Etats
parties au litigeprimitif. L'Etat tiers peut participàl'instance, mais
non << en qualitéde partie ))et sur un pied d'égalité avec lea sutres
parties à I'instance, parce que l'objet de son intervention n'est pas
nécessairementliéauxprétentions desparties originaires. L'Etat tiers
participe à I'instance, maisnon en qualité de demandeur ou défen-
deur, ni mêmede demandeurindépendant. Cela ressort clairement de
certaines décisionsantérieuresde la Cour. Dans l'affaire Haya de la
Torre,l'objet de l'instance était laremise au Gouvernement péruvien

deHayade laTorre, qui s'était réfugié à l'ambassade de Colombie au
Pérou,et Cuba n'étaitpas directement intéresséepar cette question.
Rien ne permet de dire que l'intervention de Cuba eût dû êtreconsi-
dérée comme une participation <<en qualitéde partie ))au sensouj'ai
défini plushaut cette expression (encore que dans la liste des parti-
cipants Cuba soit qualifiéede <<partie intervenante ))).De fait, la
participation de Cuba a consisté simplement à présenter son inter-
prétationdelaconvention deLa Havane. De même,dans l'affaire du
VapeurWimbledon, l'objet de I'instance n'étaitpas la cargaison qui
intéressaitla Pologne, mais le droit de passage du navire en question
par le canal de Kiel. Ni dans l'uneni dans l'autre de ces instances on

n'a estiméque l'intervention devait dépendrede l'affirmation d'une
quelconque prétentionconcrète à l'encontre del'une oul'autre ou des
deux parties au litige initial.
Dans un telcas,l'arrêtde la Couraura assurémentforceobligatoire
pour les Etats partiesàl'affaire,mais tout cequi seraobligatoirepour
1'Etatintervenant, c'est, comme il est dit au paragraphe 2 de I'ar-
ticle 63, <l'interprétation [d'une convention]contenue dans la sen-
tence )>End'autres termes, 1'Etatintervenant sera liépar l'interpréta- tion de la convention par la Cour au cas où il serait impliquédans
une instance concernant l'application de cet instrument. ))(C.I.J.
Recueil 1981, p. 28, par. 11-12.)

(Aperçuhistorique surla rédaction de l'article 63)

22. Peut-êtreconvient-il ici de rappeler comment l'article 63 a été
introduit dans leStatut de laCour internationale deJustice.A la différence
de l'idéede base de l'article62,la règle qu'ilincarne fut d'abord ébauchée
en 1899,lors de la rédactionde la convention pour le règlement pacifique
des différends internationaux par la premièreconférencede la paix, à La
Haye. Devant la troisième commission (présidép ear Léon Bourgeois),qui
étaitchargéed'élaborer un projetde courd'arbitrage, lejuriste néerlandais
T. Asser proposa un nouvel article, quine serapportait d'ailleurs à aucune
autre disposition du projet de statut.Cette proposition fut approuvée sans
débat,etletexte ainsiproposéet adoptédevint l'article 56delaconvention

de 1899,où il étaitlibellécomme suit :
La sentence arbitrale n'estobligatoire que pour lesparties qui ont

conclu le compromis.
Lorsqu'il s'agitde l'interprétationd'une convention à laquelle ont
participé d'autresPuissances que les parties en litige, celles-ci noti-
fient aux premières lecompromis qu'ellesont conclu. Chacunede ces
Puissancesaledroit d'intervenir au procès.Siuneou plusieurs d'entre
elles ont profité de cette faculté,l'interprétation contenue dans la
sentence est égalementobligatoire àleur égard. ))(Conférence inter-
nationale de la paix, Sommaire général, première partie a,nnexes,
p. 14.)

Dans sonrapport à latroisièmecommission, lebaron Descamps, président
et rapporteur du comité d'examen, précisait ainsi le contexte de cette

disposition :
Il peut arriver qu'une convention ait étéconclue entre un très

grand nombre de Puissances et que deux Etats seulement soulèvent
entre euxune questiond'interprétation. M.Asser aestimé qu'ily avait
lieu, dans cette hypothèse, d'appeler les autres Etats àintervenir au
procès, afin que l'interprétation contenue dans la sentence puisse
éventuellement devenirobligatoire à l'égardde ces Etats. >)(Confé-
rence internationale de la paix, Sommaire généralq ,uatrièmepartie,
p. 14.)

23. A la deuxièmeconférencede la paix, tenue elleaussi àLa Haye, en
1907, il fut proposé devant la première commission, que présidait Léon
Bourgeois, de modifier légèrementla phrase liminaire de l'article 56de la
convention de 1899afin de tenir compte de la possibilité d'unarbitragesans compromis. Le rapport du baron Guillaume, rapporteur de la pre-
mière sous-commissionde la première commission, indiquait :
<(L'article 56 n'a pas étémodifiédans son essence ; il a subi seu-
lement de légèrestransformations de forme, motivéespar lefait qu'il

peut y avoirarbitrage sanscompromis. >(Deuxièmeconférenceinter-
nationale de la paix, Actes et documents, tome premier, p. 439.)

L'article84delaconvention de 1907,substituédelasorte àl'article56dela
convention de 1899,étaitlibellé commesuit :

La sentence arbitrale n'est obligatoire que pour les parties en
litige. Lorsqu'il s'agitde l'interprétationd'une convention àlaquelle
ont participé d'autres Puissances que les parties en litige, celles-ci
avertissent en temps utile toutes les Puissances signataires. Chacune
de ces Puissances a le droit d'intervenir au procès. Si une ou plu-

sieurs d'entre ellesont profitéde cette faculté,l'interprétation conte-
nue dans la sentence est égalementobligatoire à leur égard.>> (Ibid.,
p. 617.)

24. Ainsi 1'<i(ntervention O, telle qu'elleavait étéproposéepar T. Asser
et introduite sansgrand débatdans la convention de 1899,puis conservée
dans la convention de 1907,se rapportait seulement à l'interprétationdes
traités multilatéraux.
25. En 1920,cette institution particulièreréapparut dans le Statutde la
Courpermanentede Justiceinternationale, lecomitéconsultatif dejuristes
ayant d'emblée tenupour acquise la notion de l'intervention telle qu'elle
avait été antérieurementdéfinie, et le textesuivant fut adopté après des
débats fort brefs :

<([Article 63 tel qu'adoptépar la suite] - Lorsqu'il s'agitde l'in-
terprétation d'une convention à laquelle ont participé d'autresEtats
que les parties en litige, le Greffe avertit sans délai tous les signa-
taires.
Chacun d'eux a le droit d'intervenir au procès, et,s'ilexerce cette

faculté,l'interprétation contenuedans la sentence est égalementobli-
gatoire à son égard. ))(Cour permanente de Justice internationale,
Comitéconsultatif dejuristes, Procès-verbaux des séanced su comité,
p. 685.)

A cette occasion, M. de Lapradelle, président du comitéde rédaction,
expliqua cette disposition dans les termes suivants :
Il y a de plus un cas où la Cour ne saurait refuser la demande
d'intervention : c'est lorsqu'ils'agitde l'interprétationd'une conven-
tion à laquelle ont participé d'autresEtats que les parties en litige ;

chacun d'eux a le droit d'intervenir au procès. S'il exerce cedroit,
l'interprétation contenuedans l'arrêt devientobligatoire entre lui et
les autres parties en cause. PLATEAU CONTINENTAL (OP. DISS.ODA) 102

Lorsqu'il s'agit de traités collectifs, on peut obtenir ainsi très
promptement des interprétations générales,en harmonie avec le
caractère de la convention. ))(Cour permanente de Justice interna-
tionale, Comitéconsultatif dejuristes, Porcès-verbaux des séancedsu
comité, p. 746.)

Quelques mois plus tard, Léon Bourgeois, présentant au Conseil un rap-
port sur la Cour permanente de Justice internationale, qui fut adopté le
29 octobre 1920,déclarait :

Les observations à l'avant-projet de La Haye présentéespar l'un
de nos collèguesattirent l'attention sur le cas suivant :il pourrait se
produire qu'un cas qui a l'air peuimportant en lui-même, soit soumis
à lajuridiction de la Cour et que la Cour prenne au sujet de cecas une
décisionénonçant certains principes de droit international qui, s'ils
étaient appliqués à d'autres pays, modifieraient complètement les
principes de droit traditionnel dans ce pays et qui, par là, pourraient
avoir des conséquencesgraves.On s'estdemandési,en vue d'une telle
hypothèse,il ne devraitpas êtredonnéaux Etats non parties encause

le droit d'intervenir au procès dans l'intérêd t e l'harmonieux déve-
loppement du droit et d'exercerautrement aprèsla clôture du procès,
dans le mêmeintérêt, uneinfluence sur le futur développement du
droit. Pareille action de la part d'un Etatnonpartie en litige aurait en
outre l'avantage d'attirer l'attention sur la difficulté qu'ily auraità
faire accepter par certains Etats tel ou tel nouveau développementde
lajurisprudence.
Ces considérations contiennent certainement des éléments très
précieux. (Cour permanente de Justice internationale, Documents
relatifs aux mesuresprisespar le Conseil delasociété deN s ations aux

termesde l'article14du Pacte et à I'udoptionpar l'Assembléedu Statut
de la Courpermanente, p. 50.)
26. La Cour internationale de Justice hérita de l'article 63du Statutde
la Cour permanente sans débat ni changement.

(La signification deParticle59)

27. Il me paraît ici nécessairede m'arrêtersur la signification de l'ar-
ticle 59 du Statut, relatifà la force obligatoire des décisionsde la Cour.
Commeje ledisais plus haut (par. Y),cet article trouve son origine dans les
observations du représentant britannique au Conseil de la société des
Nations, en octobre 1920.Je cite mon opinion antérieure :

(<M.Balfour avait alors soumis une notesur la Cour permanente où
l'on trouve le passage suivant : <(Il y a un autre point que je mentionne avec la plus grande
réserve.Il me sembleque la décisionde la Courpermanente ne peut
manquer de contribuer àmodifier graduellement et àmodeler, pour
ainsi dire, le droit international. Ce résultat peut êtrebonou mau-
vais,maisje ne croispas qu'ilfut envisagépar lePacteet,en tout cas,
une disposition quelconque devra permettre à un Etat de protester

non contre une décisionparticulière prise par la Cour, mais contre
les conclusions ultérieures qui sembleraient pouvoir découlerde
cette décision.))(C.P.J.I., Documents relatifsaux mesuresprisespar
le ConseildelaSociété deN sationsaux termesdeI'article14duPacte,
p. 38.)

Lerapport de M.Léon Bourgeois,représentantdelaFrance, qui avait
égalementprésenté à un moment donnéun rapport sur le projet du
comité consultatifdejuristes aux réunionsdu Conseil tenues à Saint-

Sébastienen août, fut soumis au Conseil le 27 octobre 1920. Ce
rapport commençait par : ((Voici les points que je vous propose
d'examiner 1)et continuait ainsi :

<(8. Le droit d'intervention sous ses divers aspects, et en parti-
culierlaquestion de savoirsilefaitque leprincipe impliquédans un
jugement pourra affecter le développement du droit international
dans une direction qui paraît à tel ou tel Etat indésirablepourra
constituer pour lui une base suffisante pour intervenir d'une façon
ou d'une autre afin defaire valoir sesopinions divergentes au sujet

de ce principe. )(Ibid., p. 46.)

Tenant apparemment compte de l'observation de M. Balfour, ce
rapport ajoutait cequi suitconcernant lanotion d'intervention dans le
cas de l'interprétation d'une convention :

<<Cette dernière stipulation établit a contrarioque, si [un Etat]
n'est pas intervenu dans l'instance, l'interprétation ne saurait lui
êtreopposée.Il ne saurait y avoir aucun inconvénient à exprimer
d'une façondirecte ceque l'article61[article63actuel]admet d'une

façon indirecte. On peut donc proposer à l'Assembléel'addition
d'un article ainsi rédigé : La décisionde la Cour n'est obligatoire
quepour lesparties en litige et danslecasquia été décid )é[article 59
actuel].))(Ibid., p. 50.)

On peut donc conclure que les auteurs du Statut envisageaient que
l'interprétationdonnéepar laCour surun pointdedroit international
serait inspiréedes arrêtsantérieursde la Cour et qu'en ajoutant cette
disposition ilsentendaient éviterque lesmodifications ainsiapportées
à l'interprétation du droit international s'étendissent auxEtats

n'ayant pas participé à l'instance.H (C.I.J. Recueil 1981, p. 29-30,
par. 13.) En réalité, l'adjonctiondel'article 59au projet deStatutde 1920avait pour
but de rétablirI'intervention visant l'interprétation des conventions mul-
tilatérales, sous la forme initiale qu'elle revêtaitdans les conventions
de 1899 et 1907 pour le règlement pacifique des différends internatio-
naux.
28. Je continue à citer mon opinion de 1981 :

<(Si I'on interprète l'article 59 dans ce contexte, on voit qu'il
n'ajoute pas grand-chose aux dispositions de I'article 63et qu'il n'a
donc aucune incidence directe sur cet article. On peut toutefois se
demander quelle est l'utilitéde la règle implicite, dans l'article 63,
selon laquelle l'interprétation d'une convention n'a pas force obliga-

toire pour les Etats qui n'étaientpas parties à l'affaire soumise à la
Cour. Car, même si I'onfait abstraction de cette règle,il ne fait guère
de doute que, dans une instance où I'interprétation d'une convention
particulièreestcontestée,c'estI'interprétationqui lui aétédonnéepar
la Cour dans une affaire antérieure qui aura tendance à prévaloir.A
mon avis, il n'y aura donc pas beaucoup de différenceentre la situa-
tion des Etats qui sont intervenus dans l'affaire etla situationde ceux
.quine l'ontpas fait, quantà l'effetpratiquede l'interprétationdonnée

par la Cour àune convention internationale. On peut se demander si
l'intention desauteurs - qui étaitdene pas rendre obligatoire pour les
Etats n'ayant pas participé à l'affaire l'interprétation d'une conven-
tion par la Cour - avraiment étérendueeffective par la rédactionde
I'article 59.>(C.I.J. Recueil 1981, p. 30, par. 14.)

C'est donc àjuste titre que la Cour permanente a mis en lumière les liens
entre l'article 59 et l'article 63 dans l'affaire relative Certains intérêts
allemands enHaute-Silésiepolonaise :<<[le]but [de I'article 591est seule-
ment d'éviterque des principes juridiques admis par la Cour dans une
affaire déterminée,soient obligatoires pour d'autres Etats ou d'autres
litiges))(C.P.J.I. sérieA no 7, p. 19).(Les italiques sont de moi.)

29. Ayant ainsi examinéla portée de l'article 63, rapproché de l'ar-
ticle 59, et compte tenu notamment de sa genèse,je dois faire allusion à
certaines répercussions des dispositions consacrées à l'intervention dans
I'article 63, par rapportà l'institution prévue à l'article 62. Là encore, je
reprendrai mon opinion de 198 1 :

<(Si I'interprétationd'une convention par la Cour intéresseforcé-
ment un Etatpartie àcet instrument, quoique non partie àl'instance,
il semble qu'il n'y ait aucune raison valable de penser que l'interpré-

tation par la Cour des principes et règlesde droit international pré-
sente moins d'intérêp tour les Etats. Par conséquent, si I'interpréta-
tion d'une convention internationale permet l'intervention d'Etats tiers en application de l'article 63 du Statut, on peut se demander
pourquoi l'interprétation desprincipeset règlesdedroitinternational
devrait empêcherun Etat tiers d'intervenir. Le défautde juridiction
n'est pas une raison suffisante pour empêcherun Etat d'intervenir
autrement qu'en qualitéde partie dans une instance principale qui
met en cause l'application desprincipes et règlesde droit internatio-
nal, car l'interprétation de ces principes et règlespar la Cour aura

certainement force obligatoire pour 1'Etatintervenant. Qui plus est,
tout commedans lecas del'article63,lesdispositions del'article59ne
garantissent en fait aux Etats qui ne sont pas intervenus dans
l'instance principale aucune immunité a l'égardde l'application ulté-
rieure de l'interprétationpar la Cour des principes et règlesen ques-
tion.
Evidemment,je ne prétendspas qu'une telle intervention soit pos-
sible en vertu de l'article 63 du Statut. Je dis simplement qu'une
intervention de ce genre, n'entraînant pas la qualitéde partie, dans
une instance où le lien juridictionnel fait défaut mais où l'interpré-
tation donnée par la Cour a force obligatoire, a été instauréepar
l'article63.Et si cegenre d'intervention est possible,je suisd'avisque
l'article 62, rapprochéde l'article 63, peut égalementêtreconsidéré
comme permettant ce mode d'intervention, àcondition que l'intérêt
d'ordrejuridique existe. En d'autres termes, l'intervention fondéesur

l'article 62 s'applique dans l'hypothèseoù un Etat intervenant qui
n'est pas partieà l'affaire chercheà se protégercontre une certaine
interprétation des principes et règles de droit international. Dans
cette hypothèse, lemode d'intervention pourrait êtreidentique àcelui
qui est prévupar l'article 63,l'Etat tiers ne comparaissant ni comme
demandeur ni comme défendeur et ne pouvant revendiquer aucun
droit ou titre spécifiquecontre les Etats parties à l'instance primi-
tive.))(C.I.J.Recueil 1981, p. 30, par. 15-16.)

30. J'ajouterai à cela que, de nos jours, les conventions multilatérales
diffèrent profondément, par leur nature, de ce qu'elles étaient au début
du siècle,et que, par leur prolifération, leuruniversalité etleur généralité,
elles occupent une place beaucoup plus importante par rapport au droit
coutumier. Tout récemment encore, en dehors d'un petit nombre de

conventions touchantsurtout ledroitde la guerre, lestraités multilatéraux
étaient moinsuniversels, et se ramenaient aux instruments conclus entre
quelques pays pour prévoirplus concrètement les droits et les obligations
pouvant directement mettre en cause leurs intérêts. Aujourd'hui, nom-
breux sont les traités multilatérauxissus destravauxdes Nations Unies ou
des conférences tenues sous les auspices desNations Unies ou d'autres
organisations internationales, et qui ont pour but de forger un nouveau
droit universel, grâce notamment àla codification du droit international
coutumier. Les chances d'application de l'article 63sont donc incompa-
rablement supérieures à ce qu'elles pouvaient être à l'époquede la con-
vention de 1899. 4. La questionde la multiplicationdes requêtes
à fin d'intervention

31. Peut-êtredira-t-on qu'uneinterprétation ausi libéralede l'article 62
du Statut, si elle étaitadmise, auraitpour conséquenceune multiplication
des interventions d'Etats tiers dans lesinstances engagéesdevant la Cour.
Je citeraià ce sujet mon opinion antérieure :

<(On pourrait objecter que les Etats qui risquent d'être affecpsar
l'interprétation des principes et règlesde droit international par la
Cour serontinnombrables et que,sil'interprétationdecesprincipeset
règlespeut avoir pour effet de donner accèsàlaCour, àtous lesEtats,
en tant qu'intervenants, cela suscitera à l'avenir de nombreux cas

d'intervention. Ceproblème doit êtreconsidérédu point de vue de la
politique judiciaire future, et particulièrement du point de vue de la
bonne administration de lajustice internationale. Mais cela n'estpas
uneraison pour rejeter une requêteà find'intervention effective,alors
que 1'Etatrequérant affirmequ'un intérêd t'ordrejuridique est pour
lui mis en cause par l'interprétation des principes et règlesde droit
international énoncéepar la Cour. De même,il n'est pas possible
d'exclurela possibilitéque la Cour soit saisie d'un nombre croissant
d'instances sur la base de l'article 63 [surtout compte tenu des nou-
vellestendances quej'ai indiquées]. Lefait que l'article 63a rarement
étéinvoquéjusqu'à présen nte garantit pas qu'ilcontinueraà en aller

de même.Ainsi, le problème concernenon seulement l'application de
l'article 62, mais aussi celle de l'article 63.
Cependant, à la différencede l'article 63,qui concerne l'interpré-
tation des conventions internationales, l'article 62 estassorti de cer-
taines restrictions. Le paragraphe 2 prévoitque <<la Cour décide >).
Autrement dit. la Cour dis~ose de certains ~ouvoirs discrétionnaires
pour autoriser ou non 1'Etatqui présente la requêteà intervenir dans
l'instance. Plusimportante encore est la restriction énoncéeau para-
graphe 1, où il est exigéde I'Etat demandant à intervenir qu'c un
intérêdt'ordrejuridique [soit] pour lui en cause).On peut donc être
sûr qu'une application trop libéralede l'article62serait limitéepar les

pouvoirs discrétionnaires reconnus à la Cour, en particulier pour
déterminersi1'Etatdemandant à intervenir a ou non un intérêtde cet
ordre. Il setrouve que c'est cequ'afait la Cour enlaprésenteespèceet
qu'elle estparvenue àune conclusion négative sur cepoint,formulant
ainsi ce qui me paraît êtreune exigence excessive. O (C.I.J. Recueil
1981,p. 31, par. 17-18.)

32. Je ferai d'ailleurs observer que, dans le cas des avis consultatifs
demandés à la Cour, tout Etat admis à ester devant celle-ci et toute
organisation internationale jugés susceptiblesde fournir des rensiegne-
ments sur la question sont autorisésnon seulement à déposerdes exposés
écrits, mais aussà êtreentendusenaudiencepublique. Silaprobabilitéde PLATEAU CONTINENTAL (OP.DISS.ODA) 107

la multiplication des interventions pose un problème de politique judi-
ciaire, rien, il faut le dire, ne garantit que la participation des Etats et des
organisationsinternationales aux procédures consultatives soit davantage
limitée.

II. L'OBJET DE LA REQUÊTE ITALIENNE
ET L'INTÉRÊT JURIDIQUE DE L'ITALIE

1. L'objet de la requête italienne

33. Je ne puis m'associer à l'idée,exprimée notamment aux para-

graphes 29 et 41 de l'arrêt,que l'Italie, en demandant àla Cour de recon-
naître son droit, ait voulu en réalitéla saisir d'un différend distinct et
supplémentaire. A mon avis, cette façon de voir vient de ce que la Cour
suppose à priori que l'intervention fondée sur l'article 62 a pour but,
comme dans les systèmesjuridiques nationaux, de combiner des litiges
supplémentaires avec celui dont lejuge se trouve déjàsaisi.
34. Cependant, comme le dit la Cour elle-même :

(L'Italie a affirmédans la présente procédurequ'elle n'avance
aucune prétentioncontre l'uneou l'autre des deux Partiesprincipales
et qu'ellene demande à la Cour ni de délimiterses propres zones de
plateau continental nide dire dans sadécision quelssont lesprincipes
et règlesde droit international applicables à une telle délimitation.))

(Arrêt, par.29.)
Je ne vois pas, pour ma part, que l'Italie ait eu l'intention d'introduire
subrepticement une affaire dont la Cour n'aurait pu êtresaisie faute de

compétence. D'ailleurs l'objed t e lademande d'intervention del'Italieétait
clairement indiqué dans sa requête :
((L'objet de la demande d'intervention de l'Italie est d'assurer
devant la Courladéfensede sonintérêd t'ordrejuridique de sorte que

cesprincipeset règleset, surtout, la méthodepratique de lesappliquer
ne soient pas déterminéspar la Cour dans l'ignorance et au détriment
de cet intérêt.
En d'autres termes, l'Italie demande à participer à l'instance dans
toute la mesure nécessairepour lui permettre de défendreles droits
qu'elle revendique surcertainesdes zones revendiquéespar lesParties
et de préciserla localisation de ces zones, compte tenu des revendi-
cations des deux Partiesprincipales et des arguments avancés àl'ap-

pui de ces revendications, de sorte que la Cour soit aussi complète-
ment informéeque possible sur la nature et la portéedes droits de
l'Italie dans les zones de plateau continental concernéespar la déli-
mitation et qu'elle soit ainsien mesure deprendre ces droits dûment
en considération dans sa décision. ))(Requêtede l'Italie, par. 16.)

L'Italie n'a ni accepté la juridiction obligatoire de la Cour, ni obtenul'accord des Parties à sa démarche. Ellen'a pas formulé de prétentions
contre l'une ou l'autre des Parties initiales, ni apportéla preuve dei'exis-
tence, avant le dépôtde sa requête,d'un différendentre elle-mêmeet ces
Parties, ni procédé à des négociations avec elles pour résoudre un tel

différend. Maisces faits nejustifient pas le rejet de la requêtede l'Italie,
compte tenu de la portée véritablede l'article 62du Statut, telle queje l'ai
exposéedans la première partie de la présente opinion.

35. Pour répéterce quej'ai déclaré en 1981(C.I.J. Recueil 1981,p. 29,
par. 9), le rôle de l'Italie en qualité d'intervenant devait rester limité.
L'Italie aurait pu formuler des prétentions précises contre la Libye et
Malte, mais sans dépasser les limites du compromis dans l'instance prin-
cipale. Elle n'aurait pu demander à la Cour de rendre un arrêt confir-
mant directement cesprétentions. La portée de l'arrêt de laCour eût elle
aussi étélimitée,la Cour ne pouvant statuer hors du cadre du compromis.
L'Italie n'aurait évidemmentpas pu se soustraire à la force obligatoire de
l'arrêt, quisefût naturellement appliquée àellesisonintervention avaitété
admise. Elle n'aurait pu protégersespropresdroitsque dans la mesure où
l'arrêtn'eût pas reconnu une forcesupérieureaux droits de la Libye ou de
Malte. Enfin,en supposantque la Cour eûtaffirmédans sonarrêtlesdroits

de la Libye ou de Malte, l'Italie aurait certainement perdu toute faculté
de former, maintenant ou à l'avenir, des demandes en conflit avec ces
droits.
36. Cela précisé,jene vois pas pour quelle raison l'objet de la requête
italienne ne se rangeait pas dans le cadre de l'intervention, tel queje l'ai
défini.Or, si l'objet de la requêterentre dans le champ de l'article 62,il
suffit au requérant d'indiquer quel intérêtjuridiqueest pour lui en cause
dans le litige entre les parties, indépendamment des conditions de procé-
dure de l'article 81, paragraphe 2, du Règlement. Voyons donc quel est
l'intérêtjuridiquede l'Italie qui est pour elle en cause dans l'affaire prin-
cipale. Comme le procès en cours présente certains caractères trèsparti-
culiers, les intérêtsdel'Italie sont divers.

2. L'intérêt juridiqudee l'Italie en ce qui concerne
le titrerga omnes

37. La présente instance n'a pas pour objet des demandes relatives àla
violation alléguéed'une obligation que l'une des parties aurait acceptée
vis-à-vis de l'autre, auquel cas l'affaire intéresseraituniquement les Etats
en litige. Non, le litige entre la Libye et Malteconcerneen réalité ltitres
sur certaines zones sous-marines. Les prétentions dont il s'agit sont donc
de nature territoriale, et, comme telles,formuléesergaomnes.En d'autres
termes, les titres établis pourront être invoquésnon seulement dans les
relations mutuelles de la Libye et de Malte, mais aussiàl'égardde tous les
autres Etats. On se souviendra d'ailleurs que cette nature essentiellement
territoriale des différendsrelatifs au plateau continental a été confirmée
par la Courdans sonarrêt enl'affairedu Plateaucontinental delamerEgée(C.I.J. Recueil1978, par. 86-90),et qu'elleétaitmêmeun élémentessentiel
de cette décision.Or, comme je l'ai indiquédans la première partie ci-
dessus,l'intérêqtu'unEtat tiers peut avoir seréclamerd'un titre dans une
régiondonnée nepeut échapperaux effets d'une décisionpar laquelle la
Cour attribue ce titreà l'un ou l'autre desEtats partiesàl'instance prin-
cipale. Et,je l'ai déjàdit, on ne saurait voir dans l'article 59 du Statut la
garantie que l'arrêt rendupar la Cour dans une affaireoù il s'agitd'un titre
opposable à tous restera sans effet sur les prétentions d'un Etat tiers
invoquant ce mêmetitre.

3. L'intérêt juridique ld'Italie en ce qui concernela délimitation
de zones duplateau continentalencore nondéfinies

38. Malgrésoncaractèreterritorial,laprésenteaffaire n'estpas decelles
où lelitigeporte sur letitre relatifne île, ouàune zone préciseet fixéeà
l'avance.Commele montre le compromis entre la Libye et Malte, ni l'une
ni l'autre des Parties principales ne revendique une étendue déterminée,
dans des zones sous-marines définies avecprécision. La surface de la zone
litigieuse que se contestent la Libye et Malte, Parties initiales, et où la
délimitation doit êtreeffectuée, nepeut donc apparaître avec clarté aux

tiers avant que les piècesécritesne soient renduespubliques,à l'ouverture
de la procédure orale.Dans ces conditions, tout ce que peut faire un Etat
tiers auquel lespiècesécrites n'ontpas étcommuniquéesest de s'adresser
à la Cour, sans formuler de prétentions concrètescontre les parties ini-
tiales, et d'attirer simplement son attention sur ses propres droits sur le
plateau continental, en indiquant l'intérêt généq rauli est en jeu pour lui
dans l'ensemblede la zone, decrainteque l'arrêtde la Courne reconnaisse
à l'une oul'autredesparties au principal un titresurune étendueprécisede
plateau, comme sil'Etat tiers n'avait aucun intérêt faire valoir dans cette
étendue.Je reprendrai à ce propos ce queje disais dans l'affaire Tunisie/
Libye, en remplaçant seulement <Malte par <l'Itali))et <la Tunisieet

la Libye par <<la Libye et Malte :

<<Je ne voisdoncpas comment l'onpourrait contester la validitéde
la requêtede [l'Italie]en affirmant qu'elle n'apas réusàapporter la
preuve de sesprétentionscontre les Parties originaires ou contrel'une
ou l'autre de ces Parties, oufaire reconnaître sa qualité de deman-
deur OU de défendeur pouvant demander à la Cour une décision
formelle ou exécutoirecontre l'une ou l'autrede cesParties, oà faire
valoir son droit obtenir de la Cour un prononcéou une décisionde
quelque forme que ce soit sur la limite de son propre plateau conti-

nental avecceluides deux Parties originaires ou de l'une oul'autrede
ces Parties, ou encoreà affirmer son droit de soumettre ses propres
prétentions àla décisionde la Cour sans s'exposer à des demandes
reconventionnelles. On ne peut pas exiger de [l'Italie]plus qu'on ne
demande à la [Libye] et à [Malte]. ))(C.I.J. Recueil 1981, p. 32,
par. 19.) 39. La Libye et Malte ont l'uneet l'autre sontenu qu'ilest demandé à la
Cour de s'en tenir à la délimitation des zones de plateau continental des
Parties principales et que, par définition,nul Etat tiers ne peut prétendre à
un intérêt d'un côté od ue l'autre. La <zone ))de plateau continental qui
relèverade la Libye et la (<zone ))de plateau continental qui relèverade

Malte sont certes distinctes. Mais elles constituent ensemble une région,
que les Parties n'ont pasdéfiniedans lecompromis. Sidonc la régiondont
il s'agitn'est qu'une simple addition des deux << zones 1) -auquel cas elle
n'intéresseraiten effet aucun Etat tiers, mais uniquement les deux Parties
- comment peut-on la définir sans savoir avec précisionquels en sont les
éléments ? Assurément,ladélimitationdesdeux << zones ))est unequestion
decaractèreessentiellement bilatéral,quidoitêtreréglée par voied'accord
entre la Libye et Malte. Cependant,cette délimitationnedoit pas empiéter

sur l'éventuelplateau continental des Etats tiers. Or, si l'on tient compte
descaractéristiquesde larégion encause, est-ilpermisd'affirmer qu'aucun
Etat tiers ne pourra invoquer un titre juridique sur la partie du plateau
continental quifait l'objetdu litige ?Et sinon, nefaut-ilpas s'interrogersur
lanécessité degarantir qu'aucun intérêtjuridiquedes Etats tiers ne seraen
cause ? Enfin, peut-on dire aujourd'hui avec certitude - ou pourra-t-on
jamais dire - qu'aucune conclusion ni déduction ne peut êtretiréedes
conclusions et des motifs de la Cour relatifs aux droits ou aux prétentions

des Etats non parties à l'instance Libye/Malte? Sans entrer dans un
examen de l'affaire qui relève d'unephase ultérieuredu procès,la Cour ne
peut pour l'instant définirlarégionoù doit avoir lieu la délimitationentre
la Libye et Malte ;ellene peut, actuellement, prendre parti à ce sujet sans
évoquerau fond le litige principal. Mais, si la région à considérerne peut
donc enpratique selimiterauxcoordonnéesprécisesd'une zoneoù ilserait
évidentqu'aucun Etat tiers n'a de droit, la possibilité,ou la probabilité,
d'un effet préjudiciablede l'arrêtpour certains Etats tiers n'estpas - et ne

peut être - exclue.

4. L'intérêt juridique d l'eItalie en cequi concerne
lesprincipes et règles de droit international

40. Il me sembleimportant de souligner encoreune fois quela Libye et
Malte ne demandent pas à la Courde déterminer directementleur titre àla
souveraineté ou aux droits souverains (avec effet erga omnes) dans une
zone précisede plateau continental, mais de décider :

<<quels sont les principes et les règlesde droit international qui sont
applicables à la délimitation ...et comment, dans la pratique, ces
principes et règlespeuvent-ils êtreappliquéspar !esdeux Parties dans

lecas d'espèceafin qu'elles puissentdélimiterceszones sans difficulté
par voie d'un accord o.Là encore, ce queje disais au sujet de l'intervention maltaise s'appliqàe,
cela près que les Etats dont il s'agit sont différen:s

Les deux Parties àla présente affaire demandent à la Cour un
prononcé surledroit approprié àla délimitation deszones du plateau
continental qui leur appartiennent respectivement. Aux termes du
compromis, le litige soumis à la Cour par ces deux pays doit donc
rester limitéauxprincipes et règlesdu droitinternational applicables
à la délimitation du plateau continental, et ne saurait porter sur des
prétentionsconcrètes à quelque titreque cesoit.Aussi est-ilapproprié

que l'objet de la requête à fin d'intervention consiste, comme l'a
affirmé[l'Italieàprésenter desvuessur lesprincipeset règlesde droit
internationalpendant ledéroulementdel'instanceprincipale(comme
Cuba seproposait delefaireen vertu del'article63dans l'affaireHaya
dela Torre).Celaétant,laposition de [l'Italie]diffèreassurémentdela
position de Fidji dans les affaires dessais nucléaires,ù l'objet des
instances était défini avec précision,sous forme de prétentions spé-
cifiques. La question dejuridiction miseà part, Fidji aurait pu iden-
tifier ses intérêàsceux de l'Australie etde la Nouvelle-Zélandeen
spécifiant lesintérêts juridiquesqui risquaient d'êtremis en cause
par les mesures du Gouvernement français dont la légalitéétait
contestée. Même sF i idji avait dû préciserses prétentions particu-

lièrescomme coplaignant contre la France, la condition ainsi mise à
sa requête aurait résultdu caractère mêmede l'affaire. Or, l'affaire
[Libye/Malte] est complètement différentepar sa nature. ))(C.I.J.
Recueil 1981,p. 32,par. 20.)
Les points litigieux sur lesquels la Cour devra statuer après avoir lu et
entendu les Parties principales ont donc trait aux principes et règlesde

droitinternational applicablesà la délimitationdu plateau continental, et
à lamanièredont cesprincipeset règlespeuventêtreappliqués. Etilsepeut
que l'Italie, bien qu'ayant surtout invoquéses intérêts concrets en cause
dans le différend entreles deux Parties intiales, ait aussi voulu, parin-
termédairedel'arrêtdela Cour, influencer l'interprétation desprincipeset
règlesde droit international applicables à ce cas précisde délimitation
maritime.
41. A cet égard, nulne peut aujourd'hui ignorer les délibérationsde la
troisièmeconférencesur le droit de la mer, qui se sont achevées la fin de
1982,ni le texte de la convention des Nations Unies surle droit de la mer,
signée à Montego Bay (Jamaïque). Bien que cet instrument ne soit pas
encore entréen vigueur et n'ait pas acquisun caractère obligatoire, ils'agit

néanmoinsd'une convention multilatérale entrant dans le champ d'appli-
cation de l'article 63du Statut,que les Etats ne manquerontpas à l'avenir
d'invoquer pour la délimitation de leur plateau continental, et dont l'in-
terprétation pourrait êtredemandée à la Cour. Dans cette hypothèse, les
Etats tiers auraient assurémentledroit d'intervenir envertu de l'article 63.Une tellesituation - celleoùun traité,bienquesignéparun grandnombre
d7Etatsde toutes lesparties du monde, n'estpas encore entréen vigueur -
diffère-t-elleà cepoint de laprésente affaire,sil'on se souvient qu'il s'agit
dans lesdeux cas d'interpréterlesprincipes et règlesdu droitinternational

coutumier, qu'ils soient ounon déjà définisdans un texte en vigueur ? Je
rappellerai sur ce point encore mes arguments antérieurs, en remplaçant
seulement le mot <(Malte 1)par <<l'Italie)):

<(Théoriquement,plusieurs Etats peuvent avoir desprétentions sur
leplateau continental dans la <région >)et invoquer à cette fin toute
justification qui peut leur paraître appropriée,tant que les critèresde
délimitationde ce plateau ne sont pas fermement énoncésO . r, étant
donnéle sens dans lequel évolue ledroit de la mer, il ne serait pas
difficile à la Cour d'exercer les pouvoirs discrétionnaires que lui
donne leparagraphe 2 de l'article 62etd'autoriser l'intervention d'un

Etat tiers particulièrement intéressé,compte tenu de l'importance
donnéeparla Cour auxintérêtg sraves etimminents quiparaissent en
jeu ainsi que des facteurs pertinents. En l'espèce, je ne peux pas
accepter l'idéeque l'arrêtde la Cour n'aura aucun effetjuridique sur
[l'Italie], qui, sauf preuve du contraire, appartient précisément à la
<région )enquestion. C'est cequi distingue [l'Italie]de tous lesautres
pays (à l'exception peut-êtrede quelques Etats voisins), dont beau-

coup pourraient bien entendu s'intéresserdans l'abstrait à l'arrêtde la
Cour sur l'interprétation des<< principes et règlesdu droit internatio-
nal applicables. ))(C.Z.J. Recueil 1981,p. 34, par. 23.)

42. Je ne retracerai pas l'évolutiondes idéessur la délimitation des
frontières maritimes, depuis l'article 6 de la convention sur le plateau
continentaljusqu'à l'article 83 de la convention des Nations Unies sur le
droit de la mer. La notion de délimitationdu plateau continental n'a pas
toujours étéd'une parfaite limpidité, et la communauté internationale
n'ignore pas que la convention n'est devenueune réalitéqu'aprèsque le
présidentde la conférenceeut proposé en dernière minute uneversion de

compromis pour l'article 83et pour l'article74,relatif à la délimitationde
la zone économique exclusive. Cette disposition se lit comme suit :
Article83 [74] - 1. La délimitationdu plateau continental [dela

zone économique exclusive]entreEtats dont les côtes sont adjacentes
ou sefont face est effectuéepar voie d'accord conformémentau droit
international tel qu'il est visé à l'article 38 du Statut de la Cour
internationale de Justice, afin d'aboutir à une solution équitable. 1)

Peu importe pour l'instant de savoir si cette disposition est devenue une
règlereconnue du droit international, alors que la convention doit encore
réunir un grand nombre de ratifications pour entrer en vigueur : de toute
façon,la Courne saurait s'abstenir de l'interpréter.Dans cesconditions,et
étant donnéque la Libye et Malte exposeront vraisemblablement leurs
positions respectives en invoquant des doctrines et desjustifications dif-

férentespour la délimitation de la régionqui reste à définir, commentpeut-on supposer qu'un Etat commel'Italie, situédans levoisinageimmé-
diat de la région en question - la Méditerrané centrale - puisse être

indifférent aux principes et règlesque la Cour déciderad'appliquer en
l'espèce ?

43. J'ai exposé ci-dessuscomment, selon moi, la requêtede l'Italie
entrait dans lecadre de l'institution de l'intervention prévuepar le Statut,
et pourquoi c'est à bon droit que l'Italie considère qu'unintérêt d'ordre

juridique est pour elleen cause dans ledifférend.Il y a trois ans,àpropos
de l'intervention de Malte, j'avais avancéune thèse presque identique,
fondée sur des motifs pratiquement semblables. Toutefois, après mûre
réflexion,je ne m'étaispasprononcéen faveur de l'admission de la requête
maltaise. La raison en est que, lorsqu'il s'agit de délimiter le plateau
continental entre Etats limitrophes,lesintérêts d'un Etat tiers qui fait face
auxdits Etats et qui est éloignde leurs rivagespeuvent, à premièrevue,ne
pas êtreréellementmis en cause par la délimitation, ni par l'énoncé des
principes et règlesapplicables. Je m'étaisdonc rallié àla conclusion de la

Cour, dans la mesure où celle-citient un pouvoir discrétionnairedu para-
graphe 2de l'article62.Cependant laprésenteaffaire estdifférente,car elle
concerne la délimitation du plateau continental entre des Etats qui (se
font face O, et dont l'un est le proche voisin de 1'Etat qui demandait à
intervenir.

(Signé)Shigeru ODA. Paragraphes
REMARQUES LIMINAIRES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1-2

1. LA PORTÉE DE L'INTERVENTION SUR LA BASE DE L'ARTICLE 62 DU
STATUT. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3-32
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

1. Cas où il existe un lienjuridictionnel . . . . . . . . . .
2. Le lienjuridictionnel n'est pas toujours indispensable . .
(Aperçu historique sur la rédactionde l'article 62) . . . .
3. L'effet de l'article 63 . . . . . . . . . . . . . . . .
(Aperçu historique sur la rédactionde l'article 63) . . . .
(La signification de l'article 59) . . . . . . . . . . . .

4. La question de la multiplication des requêtesa fin d'interven-
tion ........................
II. L'OBJET DE LA REQUÊTE ITALIENNE ET L'INTÉRÊT JURIDIQUE DE
L'ITALIE. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33-42

1. L'objet de la requête italienne . . . . . . . . . . . . . 33-36
2. L'intérêt juridique de l'Italie en ce qui concerne le titre erga --
omnes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 1
3. L'intérêtjuridique de l'Italie encequi concerne la délimitation
de zones du plateau continental encore non définies . . . 38-39
4. L'intérêtjuridique del'Italieencequi concernelesprincipes et
règlesde droit international . . . . . . . . . . . . . . 40-42

Bilingual Content

DISSENTING OPINION OF JUDGE ODA

1. To my great regret 1 find myself unable to concur in the Court's
Judgment. In the Maltese intervention proceedings, 1 stated that :

"the Court's reasoning [forrejectingthe Maltese Application] places
toorestrictivea construction upon thefirst paragraph of Article62.1
regret that theinstitution ofintervention isaffordedso narrow afocus
on essentially the first occasion of its application." (I.C.J. Reports
1981, p. 23, para. 1.)
1also stated

"Intervention within the meaning of Article 62 of the Statute
should in my opinion be considered to have a far broader scope than
the Court's Judgment allows (paras. 32-34).The records of the pro-
ceedingsof theAdvisory Committee ofJurists of 1920whichprepared
the Statute of the Permanent Court of International Justice shed little
light on what kind of functions a third State permitted to intervene
under Article 62ofthe Statute (whichwas identical toArticle 62of the
Statute of the International Court ofJusticeas far astheFrench textis
concerned) can exercise,and onwhatkind of effectsmayflowfrom its
intervention. Although the Rules of Court adopted in 1922 at the
preliminary session of the Permanent Court of International Justice
contained provisions governing the application for permission to
intervene, they did not deal with the scope of intervention or the way

in which the intervention of a third Party, once granted, should be
conducted. As the Court properly states in the present Judgment
(paras. 23 and 27),the Permanent Court of International Justice and
its successor left such questions of intervention to be decided in the
light of the particular circumstances of each case. In 60 years, there
has hardly been a casebefore the Court in which Article 62 could be
said to have been a keyissue,but the timehas now come for the Court
to grapple with the problem of intervention." (Ibid., para. 2.)

2. The Court has now again avoided dealing with the most essential
points ofintervention, thusjustifying its rejection of Italy'sapplication for
what appear to be secondary reasons. It seems that the Court presupposes
apriori the scopeof thekind of interventionit deemsgenuine (a procedure OPINION DISSIDENTE DE M. ODA

[Traduction]

1. Je ne puis, à mon grand regret, m'associer à l'arrêtde la Cour. A
l'occasion de la procédure sur la demande d'intervention maltaise, j'avais
dit :

<<les motifs exposéspar la Cour [pour rejeter la requête de Malte]
interprètent d'unefaçon trop restrictive leparagraphe 1de l'article62.
Je regrette qu'on ait ainsi limité la notion d'intervention lors de la
premièreoccasionréelleoùl'onen aitdemandél'application. )(C.I.J.
Recueil 1981,p. 23, par. 1.)

Et j'ajoutais:
<<Amon avis, une intervention fondée sur l'article 62 du Statut
devrait êtreconsidérée comme étantd'uneportéebeaucouppluslarge
qu'il n'est admis dans l'arrêtde la Cour (par. 32-34). Les procès-

verbaux des débats du comité consultatif de juristes de 1920,qui a
rédigéle Statut de la Cour permanente de Justice internationale,
fournissent peu de renseignements sur le rôle que pouvait jouer un
Etat tiers autorisà intervenir en application de l'article 62du Statut
(qui était identique,pour cequi est du textefrançais,à l'article 62du
Statut de la Cour actuelle)et sur les effetsqui pouvaient découlerde
son intervention. Si le Règlement de la Cour ado~téen 1922 à la
session préliminairede la Four permanente de ~ustLe internationale
contenait desdispositionsrelatives à larequête à fin d'intervention, il
ne spécifiait pas la portée de cette intervention, ni la façon dont la
Cour devait donner suite à l'intervention d'une tierce partie, une fois
cette intervention admise. Commela Courledit trèsjustement dans le
présentarrêt(par. 23 et 27), la Cour permanente de Justice interna-

tionaleet la Cour actuelle ont laisséde côtéces questions d'interven-
tion,estimant qu'ellespourraient êtretranchéeseu égardauxcircons-
tances particulières de chaque espèce.Pendant soixante années, la
Cour n'apratiquementjamais eu à connaîte d'affaire dont on pouvait
dire que l'article 62 étaitun élémentessentiel ; mais le moment est
maintenant venu pour la Cour de se prononcer sur le problème de
l'intervention. (Ibid., par. 2.)

2. Orleprésent arrêtévite à nouveau d'aborder lesproblèmesessentiels
del'intervention, enjustifiant lerejet delarequêteitaliennepar desraisons
qui paraissent secondaires. Apparemment, en effet, la Cour y définit à
priori la portée du type d'intervention qu'elle tient pour une véritable which 1do not think iscorrect),and then drawsthe conclusionsthat Italy's
application does not fa11into this category.

1. SCOPE OF THE INTERVENTIO UNDER ARTICLE 62 OF THE STATUTE

introduction

3. The Court has hitherto hesitated to take a clearposition on whether,
inorder to be perrnitted to intervene under Article 62of the Statute, aState
must be linked with the originalparties to the caseby the acceptance of the
compulsoryjurisdiction of theCourt or by a SpecialAgreement. The other
questions as to whether the would-be intervener has to have had prior
negotiations with oneorboth of the originalparties to settle a pre-existing
dispute, or should or should not make any concrete claim against one or
both of them, or should or should not participate in the original case as a
party, are al1related to this basic issueconcerning thejurisdictional link
which the intervener may or may not have with the original parties. 1
remarked at one point in the previous intervention proceedings as fol-
lows :

"It isfar fromclearthatparticipation quaparty isaconditiosine qua
non of the institution of intervention. Moreover, the question of
whether or not the institution of interventionunder Article 62 of the
Statute requiresthe participation of a third State solely'asa party' is
closelyinterrelated with twofurther questions :first,whether or not a

jurisdictional link which connects the intervening State with the ori-
ginal litigant States in the prinicipal case should be required; and,
second,whether or not thejudgment of the Court in theprincipal case
should also be binding upon the intervening State. Although the
Court does not pass upon the question of jurisdiction in these pro-
ceedings (para. 36), it is difficult to discuss the institution of inter-
vention without taking into account these two further questions,
whch are so closely interrelated with the nature of the institution
under Article 62." (Z.C.J. Reports 1981, p. 24, para. 4.)

4. 1 believe that the question of a jurisdictional link, together with
related issues just noted, is important and cannot properly be avoided
when dealingwith theinstitution ofintervention. If ajurisdictional link isa
prerequisite for intervention under Article 62 of the Statute, the fact that
Italy has neither acceptedthe Court's compulsoryjurisdiction nor secured
any pertinent agreement from the principal Parties to its intervention
would certainly have barred its application.

5. In the present case, the Court appears to admit to having avoided
grappling with the basic issue of intervention by stating that :intervention(façon de faire qui me paraît erronée),puis en tirela conclu-
sion que la requête de l'Italiene rentre pas dans cette catégorie.

1.LA PORTÉE DE L'INTERVENTION SUR LA BASE
DE L'ARTICLE 62 DU STATUT

Introduction

3. La Cour a jusqu'ici hésité à prendre une position arrêtée sur la
question de savoirsiun Etat doit,pour êtreautorisé àintervenirsurlabase
de l'article 62 du Statut, avoir avec les parties initialàsl'instance un lien
découlantsoit del'acceptation de lajuridiction obligatoire de la Cour,soit
d'un compromis. Les autresproblèmes - faut-ilque l'Etat intervenant ait

entaméavec l'une ou l'autre des parties initiales, ou avec les deux, des
négociations préalablespour le règlement d'un différend préexistant ;
faut-il ou non qu'il formule des prétentions concrètes contre l'une ou
l'autre de ces parties, ou contre les deux ;faut-il ou non qu'il participe à
l'instance principale en qualité de partie - se rapportent tous à cette
question fondamentale du lienjuridictionnel queledit Etat intervenant a,
ou n'a pas,avec les parties initiales. A ce sujet,je m'exprimais comme suit
dans mon opinion sur la précédente procédure d'intervention :

<(Il n'estdoncpasdu tout évidentque laparticipation enqualité de
partie soitune condition sinequanondel'institution de l'intervention.
De plus, la questionde savoir si l'institution de l'intervention fondée
sur l'article 62 du Statut exige ou non que l'Etat tiers participe à

l'instance ((en qualité de partie ))est étroitement liée à deux autres
questions :tout d'abord, celle de savoir s'il faut qu'il existe un lien
juridictionnel entre l'Etat intervenant et les parties originaires ;et
ensuite la question de savoir si l'arrêtde la Cour en l'instance prin-
cipale aurait égalementforceobligatoirepour 1'Etatintervenant. Bien
que la Cour n'ait pas traité de la question de la juridiction en la
présente affaire (par. 36), il est difficile d'examiner l'institution de
l'intervention sans tenir compte de ces deux questions, qui sont

étroitementliées àla naturede cetteinstitution telle qu'elleestprévue
à l'article 62. (C.I.J. Recueil 1981, p. 24, par. 4.)
4. Jepensequelaquestiondu lienjuridictionnel, aveclesproblèmesqui
lui sontainsirattachés, estune questionimportante, et qu'onne peut éviter

d'aborder lorsqu'on a affaire à l'institution de l'intervention. Si en effet
l'existenced'un lienjuridictionnel était une condition préalable à l'inter-
vention demandée sur la base de l'article 62 du Statut, le fait que l'Italie
n'ait ni acceptélajuridiction obligatoire de la Cour ni obtenu des Parties
principalesun accord valide à son interventionjustifierait assurément le
rejet de sa requête.
5. Dans laprésente espèce,la Courreconnaît apparemment avoir évité
d'aborder la question fondamentale de l'intervention, lorsqu'elle dit : "the Court considersthat it should not go beyond the considerations
which are in its view necessary to its decision, the various other
questions raised before the Court in these proceedings as to the
conditionsfor, and operation of, intervention under Article 62of the
Statute need not be dealt with by thepresent Judgment. In particular
the Court, in order to arrive at its decision on theApplication of Italy
to intervenein the present case, does not have to rule on the question

whether, in general,any intervention based on Article 62 must, as a
condition toits admission, showthe existence of avalidjurisdictional
link" (Judgment, para. 38) ;

and
"the Court finds it possible ... to reach a decision on the present
Application without generally resolving the vexed question of the

'valid link of jurisdiction'" (ibid., para. 45).
Yet, by speakingof "the basicprinciple that thejurisdiction of theCourt to

deal with and judge a dispute depends on the consent of the parties
thereto" (ibid.,para. 34), "the fundamental principlesunderlying itsjuris-
diction ;primarily the principle of consent" (ibid, para. 35) ;"the con-
sensualism which underlies thejurisdiction of the Court" (ibid.,para. 37) ;
"the element of the willof States, expressedin a specialagreement or other
instrument creative ofjurisdiction, to define the extent of a dispute before
the Court" (ibid., para. 46), and by interpreting Italy's application as
presenting adistinct or additional dispute with the principalParties (which
the Court seemsto seeas the only way of intervention),the Court appears
to indicate that ajurisdictional link would be required for a third Stateto
intervene.

1. A Case Where a Jurisdictionaf Link Exists

6. There could certainly be a case in which the third State is connected
with the originallitigants by mutual acceptance of theCourt's compulsory
jurisdiction or by the conclusion of a Special Agreement, thus making it
possible to bring separate disputes with both of the parties before the
Court. In thisparticular situation,intervention at the International Court
ofJustice may wellbe useful because it willserveto decreasethenumber of
similarlitigations ;such intervention could be assimilated to intervention
in a municipaljudicial system. 1made this point in my separate opinion
attached to the Judgment on the Maltese application :

"1 believe it is arguable that a jurisdictional link between the
intervening State and the original parties to the case would be
required if theinterveningState weretoparticipate asafull Party, and
that, in such a case, thejudgment of the Court would undoubtedly be
binding upon the intervening State. Such a right of intervention is La Cour estimant ...qu'elle ne doit pas aller au-delà des consi-
dérationsqu'ellejuge nécessaires à sa décision,leprésentarrêtn'apas
à trancher les diverses autres questions soulevéesdurant la présente
procédure au sujet des conditions et du fonctionnement de l'inter-
vention au titre de l'article 62 du Statut. En particulier, pour se

prononcer sur la demande d'intervention de l'Italie en l'espèce,la
Cour n'a pas à décidersi, en règlegénérale,pour toute intervention
fondéesur l'article 62, et comme condition de son admission, l'exis-
tence d'un lien juridique valable doit être démontrée. )) (Arrêt,
par. 38.)

Et de même, un peuplus loin

<(La Cour estimant possible ... de se prononcer sur la présente
requête sans résoudrela question délicate du <lien de compétence
valable. (Ibid, par. 45.)

Mais en mêmetemps, la Cour,en évoquant <<le principefondamental qui
veut que [sa] compétence pour connaître d'un différend et le trancher

dépende du consentement des parties à celui-ci))(ibid., par. 34), les
principes fondamentaux à la base de sa compétence : en premier lieu le
principe du consentement ))(ibid, par. 35),le consensualismequi est àla
base de la compétence de la Cour )) (ibid., par. 37) et l'importance de
<(l'élémend te la volonté desEtats, expriméedans un compromis ou autre
instrumentétablissantla compétence,pourdéfinirla portéed'un différend
soumis à la Cour (ibid., par. 46), ainsi qu'en interprétant la requête de
l'Italiecommelasoumission d'undifférenddistinct ou additionnel avecles

Partiesprincipales (cequi,d'après l'arrêt, serailte seultype d'intervention
possible), paraît affirmerque l'existenced'un lienjuridictionnel est néces-
saire pour qu'un Etat tiers puisse intervenir.

1. Casoù il existe un lienjuridictionnel

6. On peut certes imaginer des cas où l'Etat tiers serait lié auxparties
initiales par l'acceptation mutuelle de lajuridiction obligatoire de laCour,

oupar lasignature d'uncompromis, cequi luipermettrait de soumettre à la
Cour des différendsdistincts avec les parties. Dans de tels cas, l'interven-
tion devant la Cour internationale de Justice servirait à éviterl'introduc-
tion d'instances séparées, maisprésentant entre elles des analogies ; ce
type d'intervention serait assimilable à l'intervention en droit interne.
C'estcequeje faisaisremarquerdans l'opinion individuellequej'aijointe à
l'arrêt sur la requête maltaise :

<Je pense qu'on peut soutenirque I'existenced'un lienjuridiction-
nel entre l'Etat intervenant et les parties originaires est nécessairesi

1'Etatintervenant participe à l'instance en tant que partie de plein
droit, et qu'en ce cas l'arrêtde la Cour aurait indubitablement force
obligatoirepour l'Etat intervenant. Ce droit d'intervention est fon- basically similar to that provided for in the municipal law of many
States.As a result of theparticipation of the third party as a fullparty
in the principal case, the case will become a litigation among three
parties. In the caseof municipal law,of course,the link ofjurisdiction
between the third party seekingintervention and theoriginallitigants
isnot at issue.Thismunicipalinstitution has existedfor many years to
protect the right of a third party whichmight otherwisebe affected by
the litigation between two other parties and to promote economy of

litigation. In such circumstances two or three causes of action con-
cerningthe same set of rights or obligations are dealt with as a single
case.
Similarly,before the International Court of Justice, there may be
casesin which thethird State seekingintervention to secureits alleged
right, which is involved in the very subject-matter of the original
litigation, islinked with theoriginallitigantStates by itsacceptance of
the compulsoryjurisdiction of the Court under the optional clause of
the Statute or through a specific treaty or convention in force, or by
special agreement with these two States. In such cases the third State
may participate as a plaintiff or a defendant or as an independent
claimant. Probably, in fact, this third State would in such circum-
stances also be entitled to bring a separate case on the same subject
before the Court. On theother hand, participation in theproceedings
by a third State as a fullparty without having anyjurisdictional link
with the originalparties, while remaining immune from the binding
force of thejudgment, would certainly be tantamount to introducing
through the back door a case which could not otherwise have been
brought before the Court because of lack ofjurisdiction. This seems
inadmissibleprimafacie, because thejurisdiction of the International

Court of Justice is based on theconsent of sovereignStatesand is not
otherwisecompulsory." (I.C.J. Reports 1981, p. 25, paras. 5-6.)

7. Thus intervention under international law, like that in a municipal
judicial system, could also serve to promote economy of litigation by
joining a distinct litigation by a third State against one or both of the
originallitigants into one proceeding,should the necessaryjurisdictional
link exist.

2. TheJurisdictional Link Is not Always Indispensable

8. We must bear in mind a number of different hypothesesin connec-
tion with intervention. 1 again quote from my previous opinion :

"[Ilt is by no means clear that the only hypothesis contemplated
when the draft of Article 62was under discussion was the hypothesis cièrementsemblable à celui que prévoitledroitinterne de nombreux
Etats. Par suite de la participation de la tierce partie en qualité de
partie de plein droit à l'instance principale, l'affaire devient un litige
entre trois parties. Evidemment, dans le droit interne, le lienjuridic-
tionnel entre la tierce partie demandant à intervenir et les parties
originaires n'est pas en cause. Cette institution, qui existe de longue
date, a pour objet de protégerles droits d'une tierce partie qui pour-
raient êtreaffectéspar le litige entre les deux autres parties, tout en
simplifiant la procédure contentieuse :deux ou trois motifs d'action
judiciaire concernant les mêmesdroits ou obligations peuvent ainsi

être réunisen une seule instance.
De même, ilpeut y avoir des affaires portées devant la Cour
internationale de Justice où l'Etat tiers demandant à intervenir pour
assurerla protection du droit qu'ilestime avoir - et quifait partie de
l'objetmêmedu litigeprimitif - est lié auxparties originaires par son
acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour en vertu de la
dispositionfacultative du Statut, ou par un traité ou une convention
en vigueur, ou encore par un compromispassé avec ces deux Etats.
Dans ces conditions, 1'Etat tiers peut participer à la procédure en
qualité de demandeur ou défendeur,ou en tant que demandeur indé-

pendant. Il est d'ailleurs probable que, dans un tel cas, l'Etat tiers
serait habilitéà introduire devant la Cour une action séparéeconcer-
nant la mêmequestion. En revanche, laisser participer à laprocédure
un Etat tiersqui agirait comme partie de plein droit sans avoir de lien
juridictionnel avec les parties originaireset sans être liépar la force
obliuatoire de l'arrêt reviendrait indubitablement à réintroduire Dar
un subterfuge une affaire qui n'aurait pas pu êtreportée devant la
Cour en raison d'un défautdejuridiction. Une telle situation paraît à
premièrevueinadmissible,car lajuridiction de laCourinternationale
de Justice est fondée surle consentement d7Etatssouverainset n'est

pas obligatoire en l'absence de ce consentement. ))(C.I.J. Recueil
1981, p. 25, par. 5-6.)

7. Ainsi l'intervention en droit international pourrait, comme en droit
interne,êtreun facteurd'économiedeprocédure,puisqu'ellepermettrait -
à condition qu'il y eût un lien juridictionnel - de joindre à l'instance
principale un litige distinct, introduit par un Etat tiers contre l'une ou
l'autre des parties initiales, ou contre les deux.

2. Le lienjuridictionnel n'estpas toujours indispensable

8. Mais il convient, lorsqu'il s'agit d'intervention, d'avoir présentes à
l'esprit plusieurs hypothèses différentes. Je citerai encore mon opinion
dans l'affaire précédente :

Cependant, il n'estpas du tout évidentque la seulehypothèsequi
fut envisagéelorsde l'examendu libelléde l'article62étaitlecas où il94 CONTINENTAL SHELF (DISS.OP. ODA)

of the intervening State being connected by a jurisdictional link with
theoriginallitigantsin theprincipal case." (1.C.J. Reports 1981,p. 25,
para. 7.)

1also pointed out :

"The situation where a right erga omnes is at issue between two

States, but a third State has also laid a claim to that right, is a
hypothesis which here merits consideration. For instance, in the case
of the sovereignty over an island, or the delimitation of a territorial
boundary dividing two States, with a third party also being in a
position to claim sovereignty over that island or the territory which
may be delimited by this boundary, or in a case in which a claim to
property is in dispute, an unreasonable result could be expected if a
jurisdictional linkwererequired for theintervention of thethird State.
If thislink is deemed at al1times indispensable for intervention, the
concept of intervention in the International Court of Justice will
inevitably atrophy." (Ibid., p. 27, para. 9.)

9. It is stated in the present Judgment that Article 59 of the Statute can
properlysafeguardtherights and legalinterest of a third State without the

need for its participation. Yet thefactisoften overlooked that Article 59of
the Statute was not contained in the draft prepared by the Advisory
Committee ofJurists in thesummer of 1920.It stemmedfromcomments of
the British delegate at the Council of the League of Nations in October
1920,whoapparently had in mind intervention under Article 63only.The
meaning of Article 59 will later be discussed (para. 27 below) but at this
point 1would simply Saythat what the Court States regarding Article 59
does noPlessen the concern of the third State, particularly where a right
erga omnes is at issue between the original litigants.

10. It wasthus myconclusionin 1981that the Court had overlooked the
real scope of intervention. In thepresent Judgment it hascontinued,in my
view,to confinethisinstitution withintoonarrowacompass. Believingas 1
did in 1981,that the Court's attitude stemmedfrom insufficientregard for
the process by which the institution of intervention was brought into

international law, 1 presented some historical analysis of this process,
which need not be reproduced here in toto.Thepersisting majority viewof
the Court now impels me, however, to single out certain aspects of the
genesis of intervention, whilst attempting as far as possible to avoid
repetition of what 1have previously stated. PLATEAU CONTINENTAL (OP.DISS. ODA) 94

existerait un lienjuridictionnel entre 1'Etatintervenant et les parties

originaires.))(C.I.J. Recueil 1981, p. 25, par. 7.)

En effet, comme je le faisais remarquer :

Le cas où un droit ergaomnesest en causeentre deux Etats, mais
où un troisièmeEtat entend égalementseprévaloirdecedroit, est une
hypothèsequimériteici d'être retenue.Parexemple, dans lecas de la
souverainetésur une île ou de la délimitationd'une frontière territo-
riale entre deux Etats, lorsqu'une tierce partie se trouve elle aussi en

mesure de faire valoir sa souverainetésur l'îleen question ou sur le
territoire qui sera délimitépar ladite frontière, ou dans le cas d'un
différend sur un droit de propriété, faire dépendre l'intervention de
1'Etattiers de l'existenced'un lienjuridictionnel risquerait d'aboutir
à un résultat déraisonnable. Si l'on considère que ce lien est dans
tous lescas indispensablepour recevoir l'intervention, la notion d'in-
tervention devant la Cour internationale de Justice ne pourra que
s'étioler))(Ibid., p. 27, par. 9.)

9. La Couraffirmedans leprésentarrêtquel'article 59du Statutsuffit à

protégerlesdroits et lesintérêtsjuridiquesdes Etats tiers, sansque ceux-ci
participent àl'instance. Mais on oublie souvent quel'article 59ne figurait
pas dans le projet de texte rédigépar le comité consultatif de juristes
pendant l'été1920 :cettedisposition est lerésultatdes observations que le
représentant britannique fit au Conseil de la Société des Nations en octo-
bre 1920,sans penser apparemment à autre chose qu'à l'intervention du
type de l'article63.Je reviendrai plusloinsurlasignification de l'article59
(voir par. 27).Pourl'instant,je me contenterai de direquelesaffirmations
de la Cour au sujet de l'article 59 ne peuvent suffire à apaiser les inquié-
tudes de1'Etattiers,surtoutlorsqu'undroit ergaomnesestenlitigeentre les

parties initiales.
10. Ainsije concluais en 1981que la Cour n'avait pas appréciécorrec-
tement la portéede l'intervention. Dans son présent arrêt,la Cour conti-
nue, selon moi, à assigner à cette institution des limites trop étroites.
Estimanten 1981 - commeje persiste à le fair- que cette attitudede la
Cour vient d'une attention insuffisante aux conditions dans lesquelles
l'institution de l'intervention est apparue dans le droit international,
j'avais alors fait de cette apparition une analyse historique que je ne
reproduiraipas iciZntoto.Cependant, lefait que 1' opinionmajoritaire de la
Cour n'ait pas changéme contraint à revenir sur certains aspects de la

genèsede l'intervention, ce queje ferai en essayant, dans la mesure du
possible, de ne pas répéterce que j'ai déjàdit. (Historical Outline of the Drafting of Article 62)

11. The concept of intervention under Article 62 of the Statute was
introduced for the first time in 1920,when the Statute of the Permanent
Court of International Justice wasprepared by the Advisory Committee of

Jurists (chairedby Baron Descamps of Belgium)appointed by the Council
ofthe LeagueofNations. Prior to this Comrnittee meeting, certainprojects
prepared with an eyeto the future plan of the League of Nations suggested
atype of intervention in international judicial proceedingsborrowedfrom
municipal law l.While the draft prepared in advance by thedrafting group
of the Advisory Committee ofJurists did not contain such aconcept, some

members of the Cornrnittee suggested the insertion of a new concept of
intervention dong the linesproposedin theprojectssubmitted prior tothe
meeting as mentioned above, though, as far as we can gather from the
procès-verbaux,hardly any substantive discussions were held among the
members of this concept.

12. The draft suggested by the President, Baron Descamps, was
adopted, and the text read as follows :

"[Article 62 as finally adopted] - Lorsqu'un Etat estime que dans
un différend un intérêt d'ordrejuridiqueest pour lui en cause, il peut
adresser à la Courune requête, à fin d'intervention. La Cour décide."
(Permanent Court of International Justice, Advisoiy Cornrnitteeof

Jurists, Procès-verbauxof the Proceedingsof the Cornmittee,p. 669.)
(English text :"Should a State consider that it has an interest of a
legalnature inacertain case,itmay submitarequest to the Courttobe
permitted to appear as a third party. The Court shall decide.")

The Englishversion, "it may submitarequest to the Courtto be permitted
to appear as a third party" simply as a translation of the French text, "il

lAvant-projet de convention relative à une organisation juridique internationale,
élaborépar les trois comités nomméspar lesgouvernements de la Suède,du Danemark
et de la Norvège"3 1...Si[une affaire soumise àla Cour]concerne d'uneautre manière
les intérêtd'un Etat tiers, ce dernier aura le droit d'intervenir dans l'affaire." (Perma-
nent Court of International Justice, Advisoiy CommitteeofJurists, Documents Presented
tothe Committeerelating toExisting Plansfor the Establishmentof a Permanent Courtof
InProjet de convention relative à une Cour permanente de Justice internationale,
préparépar une commissiongouvernementale suédoise,1919:"21. Lorsqu'un différend
soumis à la Cour ..concerne à d'autres égardsles intérêts d'un Etattiers qui n'est
pas partie dans le litige, ce dernier aura le droit d'intervenir dans l'affaire." (Ibid.,
p. 242.)
Projetrelatif àl'établissementdela Cour permanente de Justice internationale (projet
des cinq Puissances neutres), 1920: "rticle 48. Lorsqu'un différend soumisà la Cour
touche les intérêts d'un Etattiers, celui-ci a le droit d'intervenir au procès." (Ibid.,
p. 320.) (Aperçuhistoriquesur la rédactionde l'article62)

11. L'intervention, sous la forme où elle est inscrite à l'article 62 du
Statut, apparut pour la première fois en 1920, à l'époqueoù le comité
consultatif dejuristes, nommé par le Conseil de la Sociétédes Nations,
travaillait sousla présidencedu baron Descamps (Belgique) à la rédaction

du Statut de la Cour permanente de Justice internationale. Avant même
cette session du comité, on avait prévu, dans certains projets de texte
relatifs aux plans de la Société des Nations, une intervention en droit
international dont l'idéeétait empruntée audroit interne '.Cette idée,
cependant, n'avait pas étéconservéedans le projet de texte établipar le

groupe de rédaction du comité consultatif de juristes à l'intention de
celui-ci. Mais certains membres du comité proposèrent que i'on adoptât
une conception nouvelle de l'intervention, du type de ce qui avait été
proposédans lesprojetsauxquelsje viensdefaireallusion - sansd'ailleurs

que cette idée fût discutéede façon approfondie par les membres du
comité,pour autant tout au moins qu'on puisse enjuger à la lecture des
procès-verbaux.
12. Le texte proposépar le baron Descamps, président du comité, fut
approuvé.Il se lisait comme suit :

<[Article 62 tel que définitivement adopté] - Lorsqu'un Etat
estimeque dans un différendun intérêt d'ordrejuridiqueest pour lui
en cause, il peut adresser à la Cour une requête, à fin d'intervention.
LaCourdécide. (Courpermanente deJusticeinternationale, Comité

consultatifdejuristes, Procès-verbaux des débatdsu comité, p. 659.)
(Texte anglais : ((Should aState consider that it has an interest of a
legalnature in acertain case,itmay submit arequest to the Courtto be

permitted to appear as a third party. The Court shall decide. >))

La formule anglaise <(it may submit a request to the Court to be permitted
toappear as a thirdparty >)simpletraduction du français << ilpeut adresser

'Avant-projet de convention relative à une organisation juridique internationale,
élaboréDarles trois comités nommés Darles gouvernements de la Suède.du Danemark
les intérêtsd'un Etat tiers, ce dernier aura le droit d'intervenir dans l'a>>(Cour
permanente deJustice internationale, Comitéconsultatifdejuristes, Documentsprésentés
aucomité etrelatifsdesprojetsdéjàexistantspour l'établissement d'uneourpermanente
de Justice internationale,p. 150.)
Projet de convention relative à une Cour permanente de Justice internationale,
préparépar une commission gouvernementale suédoise, 1919 : (21. Lorsqu'un dif-
férend soumisà la Cour ...concerne à d'autres égards lesintérêtsd'un Etat tiers qui
n'est paspartie dans lelitige,ce dernier aura ledroit d'intervenir dans l'a>(Ibid.,
p. 236.)
Projet relatiàl'établissementdelaCour permanente deJustice internationale (projet
des cinq Puissancesneutres), 1920:<(Article 48.Lorsqu'un différend soumisàla Cour
touche les intérêts d'un Etattiers, celui-ci a le droit d'intervenir au pr>>(Ibid.,
p. 300.)peut adresser à la Cour une requête, à fin d'intervention", led to a great
deal of confusion in understanding the true sense of intervention under

Article 62.The use,inparticular, of the expression in the English text "as a
third party", which did not find anycorrespondingconceptin the original
French text, was a case of misconception with regard to the mode of the
intervener's participation in the principal case '.
13. In the Council of the League of Nations at its tenth session in
October in Brussels, LéonBourgeois, as the French delegate,praised the
merits of this type of intervention under Article 62 :

"The Hague Jurists .. .have, indeed, given to non-litigant States
the right to intemene in a case where any interest of ajudicial nature
which may concern them is involved." (Permanent Court of Interna-
tionalJustice, Documents concerningtheAction TakenbytheCouncilof
theLeagueofNations underArticle 14ofthe Covenantand theAdoption
by the Assembly of the Statute of the Permanent Court, p. 50.)

This statement followed apassage in which,beingfully aware of thestrong
objections of many member States to making the Court's jurisdiction
compulsory, he suggested the complete revision of the provisionsrelating
to thejurisdiction of the Court. Thus it cannot properly be arguedthat the
provision of Article 62wascarelesslyretained by thedrafters of the Statute
in the face of the change in the nature of that jurisdiction.
14. When the new Statute of the International Court of Justice was
being prepared by the Committee of Jurists, convened in Washington in
1945,there was practically no discussion of Article 62 and the French text

did not undergo any change.Achange wasmadeonlyinthe Englishtext to
elirninatethe words "as a third party" without involving anychangein the
senseof the article,as stated in the report of the Committee (Documentsof
the United Nations Conference onInternational Organization, 1945, Vol.
XIV, p. 676).As suggested above, the reference to "as a third party" in the
English text of the Statute of the Permanent Court of International Justice
wasfrom the outset misleading, particularlyin viewof the facr that in 1920
the French text could be seen as more authoritative.
15. Apart from some judgments either of the Permanent Court of
International Justice or of the International Court of Justicein which the
scopeof intervention was onlyreferred to inpassing, and from the work of

the present Court in 1978leading to the revision of the Rules of Court of
draft Article 81 as it stands, there was only one occasion on which the

' AS 1 quoted in the Maltese intervention proceedin:s

of Jurists clearly indicated t:atf the Proceedingsof the AdvisoryCommittee

'Asal1the members of the Committee, with the exception of Mr. Elihu Root,
slooked upon as a translation, except in so far as concem the speeches and
remarks of Mr. Root.' (P.IV.)" (I.C.Reports 1981,p. 24,para. 3.) PLATEAU CONTINENTAL (OP. DISS. ODA) 96

à la cour une requête, à fin d'intervention )),se révélaune source de
confusion dans la définitiondu sensvéritablede l'intervention au titre de
l'article62. Les mots <<as a third party)),en particulier, qui ne correspon-
daient à rien dans le texte original en français, donnèrent lieu à certains
malentendus quant au mode de participation de l'intervenant àl'instance
principale l.

13. A la dixième sessiondu Conseil de la SociétédesNations, tenue en
octobre à Bruxelles, Léon Bourgeois,parlant comme représentant de la
France, fit l'élogede ce type d'intervention fondé sur l'article 62 :

((Les juristes de La Haye ...ont, en effet, donné aux Etats non
parties au litige un droit d'intervention dans les cas où un intérêt
d'ordre juridique qui leur est propre se trouve enjeu. )>(Cour per-
manente de Justice internationale, Documents relatifsaux mesures
prisespar le Conseil de la SociétédesNations aux termesdel'article14
du Pacte et a l'adoption par l'Assembléd eu Statut de la Courperma-

nente, p. 50.)
Juste avant cela, le représentant de la France, conscient des objections

énergiquesque de nombreux Etats membres opposaient à l'idéede la
juridiction obligatoire de la Cour, avaitproposé une revision complètedes
dispositions en la matière.On ne saurait donc soutenir que lemaintien de
l'article 62 soit dûà une négligencedes auteurs du Statut au moment où
cettejuridiction a changé de nature.
14. Lors de l'élaboration du Statut de la Courinternationale de Justice
par le comitédejuristes réuni à Washington en 1945,il n'y eut pratique-

ment aucune discussion sur l'article 62, dont le texte français ne subit
d'ailleurs aucun changement. Seul le texte anglais fut modifiépar la sup-
pression des mots <as a third party D, sans que cela altérât le sens de
l'article,comme l'indiquelerapport du comité(Documentsdelaconférence
desNations Uniessur l'organisation internationale,1945,vol.XIV, p. 626).
Commeje l'ai déjàdit,la formule << as a third party ))dans le texteanglais

du Statut de la Cour permanente de Justiceinternationale, avait toujours
étéune sourcede confusion, d'autant qu'en 1920le texte français pouvait
être considéré comme faisant autorité.
15. Abstraction faite de certaines décisionsde la Cour permanente ou
de la Cour actuelle, où la portéede l'intervention n'étaitévoquéequ'en
passant, et des travaux de la Cour actuelle qui aboutirent en 1978 à la

revision du Règlementet à l'article 81 sous sa forme actuelle, la Cour n'a
examinéen détail la questionde l'intervention qu'une seule fois, en 1922,

' Comme je l'ai déjà fait remarquera l'occasion de la requête maltaise,
<(lapréfaceauxprocès-verbauxdesdébatsdu comitéconsultatifdejuristesindique
clairement que:
<Tous les membres du comité,àl'exception dM. Elihu Root, s'étant expri-
més en français, c'est le texte anglais des procès-vèrbaux qu'il convient de
considérer comme une traduction, sauf pour les discours et remarques de
M. Root. (P. IV.>)(C.Z. RJecuei1981, p.24, par.3.)subject of intervention was substantially examined by the Court, in 1922
when the Rules of Court werebeingprepared. The discussions which took
place among the Judges of the Permanent Court of International Justice
are correctly summarizedin the Judgment of the Court in 1981,and this
summary is repeated in part in the present Judgment :

"The outcome of the discussion was that it was agreed not to try to
resolve in the Rules of Court the various questions which had been
raised,but to leave them to be decided as and when they occurred in
practiceand in the light of thecircumstances of each particular case."
(Judgment, para. 44.)

16. As 1observed in my opinion in the previous case, it is important,
however, to note too that the President of the Court, Judge Loder,ruled at
the end of the discussion that he :
"could not take a voteupon aproposa1the effect ofwhich wouldbe to

limit the right of intervention (as prescribed in Article 62) to such
States as had accepted compulsoryjurisdiction. If a proposa1 in this
sense were adopted, it would be contrary to the Statute." (I.C.J.
Reports 1981, p. 26, para. 7.)
It is also interesting to note a memorandum submitted by Judge Beich-
mann summarizingthe discussions of the Court as follows :

"Article 62 of the Statute lays down that the question shall be
decided in each particular case as it arises ;there is therefore no need
to adopt any decision at the moment either with regard to the inter-
pretation of the words 'interestofalegalnature whichmaybe affected
by the decision', or with regard to the question whether the right of
intervention is subject to other conditions of a legal nature, for
example, the acceptance of the compulsoryjurisdiction of the Court
by the original parties and the party desiring to intervene, or the

consent of the originalparties. The question whether, when the right
tointervenehas been admitted and exercised, the intervening State is
tobe bound by thejudgment, aswellasthe originalparties, must also
remain open." (I.C.J. Reports 1981, p. 26, para. 8.)

17. Thus there is no ground for believing the Court has ever concluded
that either ajurisdictional link, or proof of a prior dispute or negotiations
with either of the original litigants, is an implicit prerequisite for inter-
vention under Article 62. Furthermore, to the best of my knowledge, no
record of the drafting of the Statute either of the Permanent Court of
International Justice or of the International Court of Justice lends any
credence to the viewthat such abelief can be sustainedonthe mere ground
that Article 62 was, and is, included not in Chapter II, concerning the
competence of the Court, but in Chapter III, concerning procedure.lors de l'élaborationde son Règlement.Les discussions qui se déroulèrent
alors entre lesjuges de la Cour permanente sont fort bien résuméesdans
l'arrêt delaCour de 1981,et cerésumé setrouve en partie reproduit dans le
présentarrêt :

<(En conclusion il aété convenu de ne pas essayerde résoudredans
le Règlementlesdifférentesquestionsqui avaient étésoulevées,mais
de les laisser de côté pourêtretranchées à mesure qu'elles se présen-
teraient dans la pratique, en fonction des circonstances de chaque
espèce. ))(Arrêt,par. 44.)

16. Commeje le faisais observer dans mon opinion sur l'affaire précé-
dente, il convient aussi de relever que le Présidentde la Cour, M. Loder,
décida à l'issue des discussions qu'il

<(ne pourrait pas mettreaux voix une proposition tendant à limiter le
droit d'intervention, aux termes de l'article 62, aux seuls Etats ayant
acceptélajuridiction obligatoire. Cette proposition, sielleétaitaccep-
tée,irait en effetà l'encontre du Statut. ))(C.Z.J.Recueil 1981,p. 26,

par. 7.)
Enfin ilya lieu de noter un mémorandum de M.Beichmann, où lesdébats
de la Cour étaientrésuméscomme suit :

<L'article62du Statut stipulant que ladécisiondoitêtreprise dans
chaque cas qui se présentera, il n'y a pas lieu dès maintenant de
prendre une décisionquelconque, ni sur l'interprétation des mots
<<intérêt d'ordrejuridiqueest pour lui encause D,ni sur la question de

savoir si une intervention est soumise à d'autres conditions d'ordre
juridique, par exemple la soumission des parties et du requérant à la
juridiction obligatoire, ou leconsentement desparties originaires. La
question de savoir si, l'intervention ayant étéadmise et effectuée,
I'Etat intervenant sera liépar la sentence de mêmeque les parties
originaires doit également resterouverte. ))(C.I.J. Recueil1981,p. 26,
par. 8.)

17. Rien ne permet donc de penser que la Cour ait jamais conclu que
l'existence d'un lien juridictionnel, ou la preuve d'un différend an-
térieur, oude négociationsavec l'une ou l'autre des parties initialesau
litige, fût une condition tacite de l'intervention fondée sur l'article62.
De plus, pour autant que je sache, aucun des documents relatifs à la
rédactiondu Statutde la Cour permanente, oude celuide la Cour actuelle,
n'autorise à supposer qu'une telle opinion sejustifie pour la seule raison
que l'article 62 figurait - et figure encore - non pas au chapitre II,

concernant la compétence de la Cour, mais au chapitre III, consacréa la Despite the suggestions of the Courtin the present Judgment, the lack of
detailed provisionsin the Rules of Court concerning intervention does not
result from "the wisdom" of thepreceding Courtin 1922,but was simplya
result ofits failure to reach an agreement. It isnot wisetopostpone dealing
with these basic issueswhen the Court is faced with a genuine request for
intervention.

18. Where a would-be intervener is not connected with the parties in
dispute by ajurisdictional link, the type of intervention would certainly be
different from what would be possible under a municipal legal system
where judicial economy is promoted by a number of litigations being
joined into one proceeding. Intervention in such circumstances is simply
intended to protect the legitimate interest of a third State which rnight
otherwisebe affected byajudgment in the principal case.Thus the scopeof

such an intervention may not be the same as that under municipal law,
inasmuch as the third State would not be expected to present a separate
litigation parallel to the principal case against one or both of the original
litigants. In 19811reasoned as follows :
"[Ilf the third State does not have a proper jurisdictional link with
the original litigant States, it can neverthelëss participate, but not as a
party within the meaning of the term in municipal law.The role to be
played bytheintervening State in suchcircumstancesmust be limited.
It may assert a concrete claim against the original litigant States, but

that claimmust be confined tothe scopeofthe originalApplication or
SpecialAgreement in theprincipal case.The intervening Statecannot
seek ajudgment of the Court which directly upholds its own claim.
The scope of the Court's judgment will also be limited :it will be
bound to givejudgment only within the scope of the original Appli-
cationor SpecialAgreement. The intervening Statecannot, of course,
escape the binding force of thejudgment, which naturally applies to it
to the extent that its intervention has been allowed. The intervening
Statewillhavebeen able to protectits ownright merelyin sofaras the
judgment declinesto recognizeascountervailing the rights of either of
the original two litigant States. On the other hand, to the extent that
the Court gives ajudgment positively recognizing rights of either of
the litigant States, the intervening State willcertainly loseal1present
or future claim in conflict with those rights. In this light, it does not
seemtenable toarguethat unlessthe intervener participatesas aparty
on an equal footing with the original litigant States, it would un-
reasonably benefit without putting itself in any disadvantageous
position." (Z.C.J. Reports 1981, p. 27, para. 9.)

19. The Court should examine how the institution of intervention
would function in the event of there being nojurisdictional link between
the third State and the principal parties. Instead, by tacitly taking it forprocédure.Malgré ceque semble dire la Cour dans le présentarrêt,I'ab-
sence dans le Règlement de dispositions détaillées surl'intervention ne
s'expliquepas par la <sagesse ))delaCour précédenteen 1922 :ellerésulte
simplement de l'impossibilitéd'aboutir à un accord. Et ce ne serait pas
faire preuve de sagesse, lorsque la Cour se trouve en présence d'une
véritablerequête à fin d'intervention, que de remettreàplus tard l'examen
de ces questions fondamentales.
18. Quand I'Etat qui demande à intervenir n'est pas liéaux parties en
litigepar un lienjuridictionnel, l'intervention estcertainement d'un autre
type que l'intervention permisedans lessystèmesjuridiques internes, où la
jonction de plusieurs procèsen une seule instance favorise l'économiede
procédure. Dans un tel cas, en effet, l'intervention a pour seul but de

protéger l'intérêt légitidm'enEtat tiers quirisquerait,sans cela,d'être mis
en cause dans la décisionrendue au principal. La portéed'une telleinter-
vention ne peut doncpas êtrela même qu'endroit interne, puisque 17Etat
tiers n'entreprendrait pas normalement un procès distinct, parallèle au
principal, contre l'uneou l'autre desparties initiales. En 1981,j'exposaàs
ce sujet le raisonnement suivant :

<<si1'Etattiers n'a pas de lienjuridictionnàlproprement parler avec
les parties originaires au différend, il peut néanmoins participer à
celui-ci, mais non pas en qualitéde partie dans le sens donné à ce
terme dans ledroitinterne desEtats. Dans de tels cas, lerôlejouépar
1'Etat intervenant doit êtrelimité.Cet Etat peut faire valoir une
prétentionconcrètecontre les parties originaires, mais il ne faut pas
que cette prétention outrepasse les limites de la requête oudu com-
promis qui a donnélieu à l'instance principale. L'Etat intervenant ne
peut pas demander à la Cour une décisionconfirmant directement sa
prétention. La décisionde la Cour sera elle aussi limitéedans sa
portée. Ellenepourra pas allerau-delà desbornes fixéesparla requête
ou le compromis original. Bien entendu, 1'Etatintervenant nepourra
pas se soustraire à la force obligatoire de la décisionde la Cour,

décisionqui s'appliquera naturellement en ce qui le concerne si son
intervention a étéadmise :ilne réussiraà faire protégersesdroitsque
si la Cour refuse de reconnaître la prééminencede ceux de l'une ou
l'autre des parties originaires si au contraire la Cour se prononce
dans un arrêten faveur des droits de l'une ou l'autre de ces parties,
I'Etat intervenant severra sans aucun doute privéde toute possibilité
présente ou future de faire valoir des prétentions contraires à ces
droits. A la lumièrede cesconsidérations,ilne semblepas possible de
soutenir que 1'Etatintervenant, au cas où il n'aurait pas qualitéde
partie au mêmetitre que les parties originaires, tirerait de son inter-
vention un avantage injustifié sans se placer lui-mêmedans une
position désavantageuse.x (C.I.J. Recueil 1981, p. 27, par. 9.)

19. La Cour aurait donc dû rechercher comment l'institution de l'in-
tervention peutjouer en l'absenced'unlienjuridictionnel entre 1'Etattiers
et les parties principales. Au lieu de cela, elle admet tacitement que l'in-granted that the intervention by a third State wasmeant to bring adistinct
and additional disputebefore theCourt, the Court seemsto proceed to the
conclusion that thejurisdictional link is necessary for intervention in al1
cases. Thus the Court appears to fa11into a vicious circle of logic.

3. Impact of Article 63

20. Attention should also be paid in this respect to Article 63, another
article of theStatute which provides for a different type of intervention.
The subject-matter of the dispute between theoriginalparties in the caseof
Article 63 may well be concrete rights claimed by both sides, but if any
third State were to intervene it would be because that third State was
concerned not with that subject-matter itself,but with the interpretation of
theconvention to beconstrued in thejudgment of the Court,and this kind

of intervention is unique in international law.
21. With regard to the interpretation of Article 63,1 also have to repeat
what 1 stated in the previous case :

"In the application ofArticle 63,nojurisdictional link isapparently
required between the intervening Stateand the original litigant States.
The third State may participate in the case, but not 'asa party' on an
equalfooting with the original litigant States because the object of the
intervention is not necessarily connected with the claims of the ori-
ginal parties. The third party participates, but not as a plaintiff or
defendant or even an independent claimant. This seems to be clear
from some precedents of the Court. In the Haya de la Torrecase, the
delivery of Hayade laTorre, who was enjoying asylum at the Colom-
bian Embassy in Peru, was the subject-matter of the case, in which
Cuba was not directly concerned. There is no reason to maintain that
Cuba's intervention was assumed to be a participation 'asa party' in
the sense1have described above(although in the list ofparticipants in
the case Cuba was mentioned as the 'intervening party'). In fact,

Cuba's participation consisted simply in presentation of its interpre-
tation of the Havana Convention. Sirnilarly,in the S.S. 'Wimbledon'
case, the subject-matter was not the cargo in which Poland was
interested but the right of access of thevesse1in question to the Kiel
Canal. In neither case was the intervention thought to be conditional
on the presentation of any concrete claim against bothor either of the
original litigant States.

The judgment of the Court will certainly be binding upon the
litigant States,but al1that willbe binding upon the intervening State
is, as paragraph 2 of Article 63 provides, 'the construction [of a
convention] given by the judgment'. In other words, the intervening
State willbe bound by the Court's interpretation of the convention iftervention de 1'Etattiers est destinée à la saisir d'un différend distinct et
supplémentaire,d'où elleconclut apparemment que l'existence d'un lien
juridictionnel est nécessairepour intervenir dans tous les cas. Mais, ce
faisant, il semble qu'elle s'engagedans un cercle vicieux.

3. L'effet de l'article63

20. A cet égard,il convient aussi de s'arrêter surl'article 63 du Statut,
qui prévoitun type d'intervention différent.Dans cecas, en effet, même si
l'objet du litigeentre lesparties initiales est constituépar des droits précis
invoquésdepart etd'autre, 1'Etattiersquiintervient n'estpas motivépar la
décisionsur l'objet du litige, mais par l'interprétation d'une convention
dans l'arrêtde la Cour. Ce type d'intervention est unique en droit inter-
national.

21. Je répéteraiau sujet de l'interprétationde l'article63cequeje disais

dans l'affaire précédente :

<Pour l'application de l'article 63, aucun lienjuridictionnel n'est
apparemment requis entre 1'Etatdemandant à intervenir et les Etats
parties au litigeprimitif. L'Etat tiers peut participàl'instance, mais
non << en qualitéde partie ))et sur un pied d'égalité avec lea sutres
parties à I'instance, parce que l'objet de son intervention n'est pas
nécessairementliéauxprétentions desparties originaires. L'Etat tiers
participe à I'instance, maisnon en qualité de demandeur ou défen-
deur, ni mêmede demandeurindépendant. Cela ressort clairement de
certaines décisionsantérieuresde la Cour. Dans l'affaire Haya de la
Torre,l'objet de l'instance était laremise au Gouvernement péruvien

deHayade laTorre, qui s'était réfugié à l'ambassade de Colombie au
Pérou,et Cuba n'étaitpas directement intéresséepar cette question.
Rien ne permet de dire que l'intervention de Cuba eût dû êtreconsi-
dérée comme une participation <<en qualitéde partie ))au sensouj'ai
défini plushaut cette expression (encore que dans la liste des parti-
cipants Cuba soit qualifiéede <<partie intervenante ))).De fait, la
participation de Cuba a consisté simplement à présenter son inter-
prétationdelaconvention deLa Havane. De même,dans l'affaire du
VapeurWimbledon, l'objet de I'instance n'étaitpas la cargaison qui
intéressaitla Pologne, mais le droit de passage du navire en question
par le canal de Kiel. Ni dans l'uneni dans l'autre de ces instances on

n'a estiméque l'intervention devait dépendrede l'affirmation d'une
quelconque prétentionconcrète à l'encontre del'une oul'autre ou des
deux parties au litige initial.
Dans un telcas,l'arrêtde la Couraura assurémentforceobligatoire
pour les Etats partiesàl'affaire,mais tout cequi seraobligatoirepour
1'Etatintervenant, c'est, comme il est dit au paragraphe 2 de I'ar-
ticle 63, <l'interprétation [d'une convention]contenue dans la sen-
tence )>End'autres termes, 1'Etatintervenant sera liépar l'interpréta- it becomes involved in acase involving the application of that instru-
ment." (I.C.J. Reports 1981, p. 28, paras. 11-12.)

(Historical Outlineof the Drafting of Article 63)

22. It may be pertinent in this respect to look at how Article 63 was
brought into the Statute of the International Court of Justice. Unlike the
concept of Article 62, the rule it embodies was first adumbrated in 1899,
when the Convention for the Pacific Settlement of International Disputes
was being drafted at the first Peace Conference in The Hague. While the
Third Committee (chaired by Léon Bourgeois)was assigned the prepara-
tion of a project for a court of arbitration, Mr. Asser (a Dutch jurist)
proposed the insertion of a new article, which did not in fact relate to any
other provision in theproposed draft of that court's Statute ;the proposa1
was adopted without any discussion. The text thus proposed and adopted
became Article 56 of the 1899Convention and read as follows :

"La sentence arbitrale n'estobligatoire que pour lesparties qui ont
conclu le compromis.
Lorsqu'il s'agitde l'interprétation d'une convention à laquelle ont
participéd'autres Puissances que les parties en litige, celles-ci noti-

fient aux premières lecompromis qu'ellesont conclu. Chacunede ces
Puissancesa ledroit d'intervenir au procès.Siune ouplusieurs d'entre
elles ont profité de cette faculté, l'interprétationcontenue dans la
sentence est égalementobligatoire à leur égard."(Conférence inter-
nationale de la paix, Sommaire généralp ,remière partie, annexes,
p. 14.)

In his report to the Third Commission the Chevalier Descamps, President
and Rapporteur on the Comitéd'Examen, explained the background of
this provision :

"Il peut arriver qu'une convention ait étéconclue entre un très
grand nombre de Puissances et que deux Etats seulement soulèvent
entre euxune questiond'interprétation. M.Asser aestimé qu'ily avait
lieu dans cette hypothèse, d'appeler les autres Etats à intervenir au
procès, afin que l'interprétation contenue dans la sentence puisse
éventuellementdevenirobligatoire àl'égardde cesEtats." (Conférence
internationale de la paix, Sommaire général, quatrième partie,
p. 14.)

23. At the second PeaceConference, held again at The Hague in 1907,a
suggestionwasmade in theFirst Commission (chairedby Léon Bourgeois)
to change slightly the first sentence of Article 56 of the 1899Convention
because of the fact that there might be arbitration without a compromis. tion de la convention par la Cour au cas où il serait impliquédans
une instance concernant l'application de cet instrument. ))(C.I.J.
Recueil 1981, p. 28, par. 11-12.)

(Aperçuhistorique surla rédaction de l'article 63)

22. Peut-êtreconvient-il ici de rappeler comment l'article 63 a été
introduit dans leStatut de laCour internationale deJustice.A la différence
de l'idéede base de l'article62,la règle qu'ilincarne fut d'abord ébauchée
en 1899,lors de la rédactionde la convention pour le règlement pacifique
des différends internationaux par la premièreconférencede la paix, à La
Haye. Devant la troisième commission (présidép ear Léon Bourgeois),qui
étaitchargéed'élaborer un projetde courd'arbitrage, lejuriste néerlandais
T. Asser proposa un nouvel article, quine serapportait d'ailleurs à aucune
autre disposition du projet de statut.Cette proposition fut approuvée sans
débat,etletexte ainsiproposéet adoptédevint l'article 56delaconvention

de 1899,où il étaitlibellécomme suit :
La sentence arbitrale n'estobligatoire que pour lesparties qui ont

conclu le compromis.
Lorsqu'il s'agitde l'interprétationd'une convention à laquelle ont
participé d'autresPuissances que les parties en litige, celles-ci noti-
fient aux premières lecompromis qu'ellesont conclu. Chacunede ces
Puissancesaledroit d'intervenir au procès.Siuneou plusieurs d'entre
elles ont profité de cette faculté,l'interprétation contenue dans la
sentence est égalementobligatoire àleur égard. ))(Conférence inter-
nationale de la paix, Sommaire général, première partie a,nnexes,
p. 14.)

Dans sonrapport à latroisièmecommission, lebaron Descamps, président
et rapporteur du comité d'examen, précisait ainsi le contexte de cette

disposition :
Il peut arriver qu'une convention ait étéconclue entre un très

grand nombre de Puissances et que deux Etats seulement soulèvent
entre euxune questiond'interprétation. M.Asser aestimé qu'ily avait
lieu, dans cette hypothèse, d'appeler les autres Etats àintervenir au
procès, afin que l'interprétation contenue dans la sentence puisse
éventuellement devenirobligatoire à l'égardde ces Etats. >)(Confé-
rence internationale de la paix, Sommaire généralq ,uatrièmepartie,
p. 14.)

23. A la deuxièmeconférencede la paix, tenue elleaussi àLa Haye, en
1907, il fut proposé devant la première commission, que présidait Léon
Bourgeois, de modifier légèrementla phrase liminaire de l'article 56de la
convention de 1899afin de tenir compte de la possibilité d'unarbitrageThe report of Baron Guillaume, Rapporteurforthe First Sub-Commission

of the First Commission, read as follows :
"L'article 56 n'apas étémodifiédans son essence ;il a subi seule-
ment de légèrestransformations de forme, motivéespar le fait qu'il
peut y avoir arbitrage sans compromis." (Deuxième conférencein-
ternationale de la paix, Actes et documents, tome premier,
p. 439.)

Article 84 of the 1907Convention, which thus replaced Article 56 of the
1899Convention, read as follows :

"La sentence arbitrale n'est obligatoire que pour les parties en
litige. Lorsqu'il s'agit de l'interprétationd'une convention à laquelle
ont participé d'autres Puissances que les parties en litige, celles-ci
avertissent en temps utile toutes les Puissances signataires. Chacune
de ces Puissances a ledroit d'intervenir au procès.Siune ou plusieurs
d'entre elles ont profité de cette faculté, l'interprétation contenue
dans la sentenceest égalementobligatoire à leur égard."(Ibid.,p. 617.)

24. Thus "intervention" in the 1899 Convention as proposed by
Mr. Asser and established without much discussion, which was then in-
herited by the 1907Convention, simply related to the intervention in the
case of the construction of a multilateral treaty.
25. In 1920this particular institution reappeared in the Statute of the
Permanent Court of International Justice. From the outset, the concept of
intervention as already defined was taken for granted by the Advisory
Committee of Jurists.After only afewdiscussions the text was adopted by
the Committee, and read as follows :

"[Article 63 as adopted later] - Lorsqu'il s'agit de l'interprétation
d'uneconvention àlaquelle ont participéd'autresEtatsque lesparties
en litige, le Greffe avertit sans délai tous les signataires.

Chacun d'eux a le droit d'intervenir au procès,et, s'ilexerce cette
faculté,l'interprétation contenuedans la sentence est également obli-
gatoire à son égard. >)(Permanent Court of International Justice,

Advisoty CommitteeofJurists, Procès- VerbauxoftheProceedingsofthe
Committee, p. 685.)
On that occasion Mr. de Lapradelle, as Chairman of the Drafting Com-
mittee, explained this provision as follows :

"Further there is one case in which the Court cannot refuse a
request to be allowed to intervene ;that isin questionsconcerning the
interpretation of a Convention in which States, other than the con-
testing parties, have taken part ;each of these is to have the right to
intervene inthe case. If such a State uses thisright, the interpretation
contained in the sentence becomes binding between it and the other
parties to the case.sans compromis. Le rapport du baron Guillaume, rapporteur de la pre-
mière sous-commissionde la première commission, indiquait :
<(L'article 56 n'a pas étémodifiédans son essence ; il a subi seu-
lement de légèrestransformations de forme, motivéespar lefait qu'il

peut y avoirarbitrage sanscompromis. >(Deuxièmeconférenceinter-
nationale de la paix, Actes et documents, tome premier, p. 439.)

L'article84delaconvention de 1907,substituédelasorte àl'article56dela
convention de 1899,étaitlibellé commesuit :

La sentence arbitrale n'est obligatoire que pour les parties en
litige. Lorsqu'il s'agitde l'interprétationd'une convention àlaquelle
ont participé d'autres Puissances que les parties en litige, celles-ci
avertissent en temps utile toutes les Puissances signataires. Chacune
de ces Puissances a le droit d'intervenir au procès. Si une ou plu-

sieurs d'entre ellesont profitéde cette faculté,l'interprétation conte-
nue dans la sentence est égalementobligatoire à leur égard.>> (Ibid.,
p. 617.)

24. Ainsi 1'<i(ntervention O, telle qu'elleavait étéproposéepar T. Asser
et introduite sansgrand débatdans la convention de 1899,puis conservée
dans la convention de 1907,se rapportait seulement à l'interprétationdes
traités multilatéraux.
25. En 1920,cette institution particulièreréapparut dans le Statutde la
Courpermanentede Justiceinternationale, lecomitéconsultatif dejuristes
ayant d'emblée tenupour acquise la notion de l'intervention telle qu'elle
avait été antérieurementdéfinie, et le textesuivant fut adopté après des
débats fort brefs :

<([Article 63 tel qu'adoptépar la suite] - Lorsqu'il s'agitde l'in-
terprétation d'une convention à laquelle ont participé d'autresEtats
que les parties en litige, le Greffe avertit sans délai tous les signa-
taires.
Chacun d'eux a le droit d'intervenir au procès, et,s'ilexerce cette

faculté,l'interprétation contenuedans la sentence est égalementobli-
gatoire à son égard. ))(Cour permanente de Justice internationale,
Comitéconsultatif dejuristes, Procès-verbaux des séanced su comité,
p. 685.)

A cette occasion, M. de Lapradelle, président du comitéde rédaction,
expliqua cette disposition dans les termes suivants :
Il y a de plus un cas où la Cour ne saurait refuser la demande
d'intervention : c'est lorsqu'ils'agitde l'interprétationd'une conven-
tion à laquelle ont participé d'autresEtats que les parties en litige ;

chacun d'eux a le droit d'intervenir au procès. S'il exerce cedroit,
l'interprétation contenuedans l'arrêt devientobligatoire entre lui et
les autres parties en cause. Wherecollectivetreaties are concerned, general interpretations can
thus be obtained veryquickly, whch harmonise with the character of
the Convention." (Permanent Court of International Justice,Advisory
Committee of Jurists, Procès-Verbauxof the Proceedingsof the Com-
mittee, p. 746.)

Somemonths later, Léon Bourgeois,presenting to the Council a report on
the Permanent Court of International Justice (which was adopted by the
Council on 29 October 1920)stated :
"The observations in the draft project of The Hague by one of Our

colleaguesdraw attention to the followingcase :it might happen that
a case appearing unimportant in itself might be subrnitted to the
jurisdiction of the Court,and that the Court might take a decision on
this case,layingdown certain principles of international lawwhich,if
they were applied to other countries, would completely modify the
principles of the traditional law of this country, and which might
therefore have serious consequences. The question has been raised
whether, in viewof such an alternative, the States not involved in the
dispute should not be given the right of intervening in the case in the
interest of the harmonious development of the law, and otherwise
after the closure of the case, to exercise,in the sameinterest, influence
on the future development of law. Such action on the part of a
non-litigant State would moreover have the advantage of drawing
attention to the difficulty of making certain States accept such and
such a new development of jurisprudence.
These considerations undoubtedly contain elements of great
value." (Permanent Court of International Justice, Documents con-
cerning theAction Taken by the Councilof theLeague ofNations under

Article 14 of the Covenant and the Adoption by the Assembly of the
Statute of the Permanent Court,p. 50.)
26. Article 63 of the Statute of the Permanent Court of International
Justice was inherited by the International Court of Justice without any
discussion or change.

(The Meaning of Article 59)

27. It seems pertinent in this respect to examine also the meaning of
Article 59 of the Statute, which provides for the binding force of the
judgments of the Court. As 1 stated previously (para. 9), ths article
stemmed from comments of the British delegate at the Council of the
League of Nations in October 1920. 1 quote from my previous opin-
ion :
"Mr. Balfour submitted a note on the Permanent Court of Inter-
national Justice, a passage of which read : PLATEAU CONTINENTAL (OP. DISS.ODA) 102

Lorsqu'il s'agit de traités collectifs, on peut obtenir ainsi très
promptement des interprétations générales,en harmonie avec le
caractère de la convention. ))(Cour permanente de Justice interna-
tionale, Comitéconsultatif dejuristes, Porcès-verbaux des séancedsu
comité, p. 746.)

Quelques mois plus tard, Léon Bourgeois, présentant au Conseil un rap-
port sur la Cour permanente de Justice internationale, qui fut adopté le
29 octobre 1920,déclarait :

Les observations à l'avant-projet de La Haye présentéespar l'un
de nos collèguesattirent l'attention sur le cas suivant :il pourrait se
produire qu'un cas qui a l'air peuimportant en lui-même, soit soumis
à lajuridiction de la Cour et que la Cour prenne au sujet de cecas une
décisionénonçant certains principes de droit international qui, s'ils
étaient appliqués à d'autres pays, modifieraient complètement les
principes de droit traditionnel dans ce pays et qui, par là, pourraient
avoir des conséquencesgraves.On s'estdemandési,en vue d'une telle
hypothèse,il ne devraitpas êtredonnéaux Etats non parties encause

le droit d'intervenir au procès dans l'intérêd t e l'harmonieux déve-
loppement du droit et d'exercerautrement aprèsla clôture du procès,
dans le mêmeintérêt, uneinfluence sur le futur développement du
droit. Pareille action de la part d'un Etatnonpartie en litige aurait en
outre l'avantage d'attirer l'attention sur la difficulté qu'ily auraità
faire accepter par certains Etats tel ou tel nouveau développementde
lajurisprudence.
Ces considérations contiennent certainement des éléments très
précieux. (Cour permanente de Justice internationale, Documents
relatifs aux mesuresprisespar le Conseil delasociété deN s ations aux

termesde l'article14du Pacte et à I'udoptionpar l'Assembléedu Statut
de la Courpermanente, p. 50.)
26. La Cour internationale de Justice hérita de l'article 63du Statutde
la Cour permanente sans débat ni changement.

(La signification deParticle59)

27. Il me paraît ici nécessairede m'arrêtersur la signification de l'ar-
ticle 59 du Statut, relatifà la force obligatoire des décisionsde la Cour.
Commeje ledisais plus haut (par. Y),cet article trouve son origine dans les
observations du représentant britannique au Conseil de la société des
Nations, en octobre 1920.Je cite mon opinion antérieure :

(<M.Balfour avait alors soumis une notesur la Cour permanente où
l'on trouve le passage suivant : 'There isanotherpoint on whch 1speak with much diffidence. It
seems to me that the decision of the Permanent Court cannot but
have the effect of gradually moulding and modifying international

law. This may be good or bad ;but 1do not think this was con-
templated by theCovenant ;andin anycasethere ought to be some
provision by which a State can enter a protest, not against any
particular decision arrived at by the Court,but against any ulterior
conclusions to which that decision may seem to point.' (P.C.I.J.,
Documents concerningtheAction Taken by theCounciloftheLeague
of Nations underArticle 14 of the Covenant,p. 38.)

The report of Mr. Léon Bourgeoisof France, who had also once
submittedareport on the draft schemeof the AdvisoryComrnittee of
Jurists at the Council meetings at San Sebastian in August, was
presented at the Council on 27 October 1920. It starts with these
words : 'The followingarethepoints which 1proposethat you should
consider : ...'.and continues :

'8. The right of intervention in its various aspects, and in par-
ticular thequestion whether the fact that the principle implied in a
judgment may affect the development of international lawin a way
which appears undesirable to any particular State may constitute
for it a sufficient basis for any kind of intervention in order to
impose the contrary viewsheld by it with regard to this principle.'
(Ibid., p. 46.)

Apparently taking into account the observation whichhad been made
by Mr. Balfour, the report continued in connection with the institu-
tion of intervention in the case of theconstruction of a convention, as
follows :

'This last stipulation establishes, in the contrary case, that if a
State has not intervened in the case the interpretation cannot be
enforced against it. No possible disadvantage could ensue from
stating directly what Article 61 [nowArticle 631indirectly admits.
The addition of an Article drawn up as follows can thus be pro-

posed to the Assembly : "The decisionof the Courthas no binding
force except betweentheParties and inrespecttothatparticularcase"
[now Article 591.'(Ibid., p. 50.)

It may accordingly be concluded that the drafters of the Statute
apprehended that the interpretation which the Court would place on
international law would be shaped by priorjudgments of the Court,
and that, by adding this provision, they intended to inhibit the
extension of a modified interpretation of international law to those
States which had not participated in the case." (I.C.J. Reports 1981,
pp. 29-30, para. 13.) <(Il y a un autre point que je mentionne avec la plus grande
réserve.Il me sembleque la décisionde la Courpermanente ne peut
manquer de contribuer àmodifier graduellement et àmodeler, pour
ainsi dire, le droit international. Ce résultat peut êtrebonou mau-
vais,maisje ne croispas qu'ilfut envisagépar lePacteet,en tout cas,
une disposition quelconque devra permettre à un Etat de protester

non contre une décisionparticulière prise par la Cour, mais contre
les conclusions ultérieures qui sembleraient pouvoir découlerde
cette décision.))(C.P.J.I., Documents relatifsaux mesuresprisespar
le ConseildelaSociété deN sationsaux termesdeI'article14duPacte,
p. 38.)

Lerapport de M.Léon Bourgeois,représentantdelaFrance, qui avait
égalementprésenté à un moment donnéun rapport sur le projet du
comité consultatifdejuristes aux réunionsdu Conseil tenues à Saint-

Sébastienen août, fut soumis au Conseil le 27 octobre 1920. Ce
rapport commençait par : ((Voici les points que je vous propose
d'examiner 1)et continuait ainsi :

<(8. Le droit d'intervention sous ses divers aspects, et en parti-
culierlaquestion de savoirsilefaitque leprincipe impliquédans un
jugement pourra affecter le développement du droit international
dans une direction qui paraît à tel ou tel Etat indésirablepourra
constituer pour lui une base suffisante pour intervenir d'une façon
ou d'une autre afin defaire valoir sesopinions divergentes au sujet

de ce principe. )(Ibid., p. 46.)

Tenant apparemment compte de l'observation de M. Balfour, ce
rapport ajoutait cequi suitconcernant lanotion d'intervention dans le
cas de l'interprétation d'une convention :

<<Cette dernière stipulation établit a contrarioque, si [un Etat]
n'est pas intervenu dans l'instance, l'interprétation ne saurait lui
êtreopposée.Il ne saurait y avoir aucun inconvénient à exprimer
d'une façondirecte ceque l'article61[article63actuel]admet d'une

façon indirecte. On peut donc proposer à l'Assembléel'addition
d'un article ainsi rédigé : La décisionde la Cour n'est obligatoire
quepour lesparties en litige et danslecasquia été décid )é[article 59
actuel].))(Ibid., p. 50.)

On peut donc conclure que les auteurs du Statut envisageaient que
l'interprétationdonnéepar laCour surun pointdedroit international
serait inspiréedes arrêtsantérieursde la Cour et qu'en ajoutant cette
disposition ilsentendaient éviterque lesmodifications ainsiapportées
à l'interprétation du droit international s'étendissent auxEtats

n'ayant pas participé à l'instance.H (C.I.J. Recueil 1981, p. 29-30,
par. 13.)In fact, the addition ofArticle 59to the draft Statute in 1920wasmeant to
restorethe original form of intervention in the case of the interpretation of
a multilateral convention under the 1899and 1907Conventions for the
Pacific Settlement of International Disputes.

28. 1continue to quote from my opinion in 1981 :
"If Article 59isinterpreted against thisbackground, it doesnot add
much to what was contemplated under Article 63, and thus has no
direct bearing on it. It may be asked, however, what significance it

may have to state, as implied by Article 63, that the construction of a
convention willnot bebinding on States not party to a casebefore the
Court. For regardless of such apostulate there islittle doubt that,in a
case where the construction of a particular convention is in dispute,
the construction placed upon it by the Court in a previous case will
tend to prevail. It issubmitted that in thissensethere willnot be much
difference between those States which have intervened in a case and
those States whichhave not intervened,so faras thepractical effectof
the Court's construction of an international convention is concerned.
It is questionable whether the intention of the founders - i.e., not to
make the interpretation of a convention by the Court binding upon
the States which have not participated in the case - was really given
effect by the formulation of Article 59." (I.C.J. Reports 1981,p. 30,
para. 14.)

It was quite correct for the Permanent Court of International Justice to
observe the relation of Article 59 to Article 63 in the case concerning

Certain GermanInterests in Polish UpperSilesia - "[tlhe object of [Article
591issimplytoprevent legalprinciplesaccepted bythe Court in aparticular
case from being binding also upon other States or in other disputes"
(P.C.I.J., Series A, No. 7, p. 19). (Emphasis added.)

29. After having examined the scope of Article 63 together with Article
59of the Statute particularly in thelight ofits draftingprocess 1cannotbut
reflectupon certain effectsof the provision ofArticle 63on intervention as
an institution as stipulated under Article 62. 1would again like to quote
from my opinion in 1981 :

"If an interpretation of a convention given by the Court is neces-
sarilyof concernto a State whichisaparty to that instrument, though
not a party to thecase,there seemsto be no convincingreason whythe
Court's interpretation of the principles and rules of international law
shouldbe of lessconcern to a State. If, therefore, the interpretation of

an international convention can attract the intervention of third En réalité, l'adjonctiondel'article 59au projet deStatutde 1920avait pour
but de rétablirI'intervention visant l'interprétation des conventions mul-
tilatérales, sous la forme initiale qu'elle revêtaitdans les conventions
de 1899 et 1907 pour le règlement pacifique des différends internatio-
naux.
28. Je continue à citer mon opinion de 1981 :

<(Si I'on interprète l'article 59 dans ce contexte, on voit qu'il
n'ajoute pas grand-chose aux dispositions de I'article 63et qu'il n'a
donc aucune incidence directe sur cet article. On peut toutefois se
demander quelle est l'utilitéde la règle implicite, dans l'article 63,
selon laquelle l'interprétation d'une convention n'a pas force obliga-

toire pour les Etats qui n'étaientpas parties à l'affaire soumise à la
Cour. Car, même si I'onfait abstraction de cette règle,il ne fait guère
de doute que, dans une instance où I'interprétation d'une convention
particulièreestcontestée,c'estI'interprétationqui lui aétédonnéepar
la Cour dans une affaire antérieure qui aura tendance à prévaloir.A
mon avis, il n'y aura donc pas beaucoup de différenceentre la situa-
tion des Etats qui sont intervenus dans l'affaire etla situationde ceux
.quine l'ontpas fait, quantà l'effetpratiquede l'interprétationdonnée

par la Cour àune convention internationale. On peut se demander si
l'intention desauteurs - qui étaitdene pas rendre obligatoire pour les
Etats n'ayant pas participé à l'affaire l'interprétation d'une conven-
tion par la Cour - avraiment étérendueeffective par la rédactionde
I'article 59.>(C.I.J. Recueil 1981, p. 30, par. 14.)

C'est donc àjuste titre que la Cour permanente a mis en lumière les liens
entre l'article 59 et l'article 63 dans l'affaire relative Certains intérêts
allemands enHaute-Silésiepolonaise :<<[le]but [de I'article 591est seule-
ment d'éviterque des principes juridiques admis par la Cour dans une
affaire déterminée,soient obligatoires pour d'autres Etats ou d'autres
litiges))(C.P.J.I. sérieA no 7, p. 19).(Les italiques sont de moi.)

29. Ayant ainsi examinéla portée de l'article 63, rapproché de l'ar-
ticle 59, et compte tenu notamment de sa genèse,je dois faire allusion à
certaines répercussions des dispositions consacrées à l'intervention dans
I'article 63, par rapportà l'institution prévue à l'article 62. Là encore, je
reprendrai mon opinion de 198 1 :

<(Si I'interprétationd'une convention par la Cour intéresseforcé-
ment un Etatpartie àcet instrument, quoique non partie àl'instance,
il semble qu'il n'y ait aucune raison valable de penser que l'interpré-

tation par la Cour des principes et règlesde droit international pré-
sente moins d'intérêp tour les Etats. Par conséquent, si I'interpréta-
tion d'une convention internationale permet l'intervention d'Etats States under Article 63 of the Statute, it may be asked why the
interpretation of the principles and rules of international law should
excludea third Statefrom intervening in a case. Lack ofjurisdiction is
not a sufficient reason for preventing a State from intervening as a
non-partyin aprincipal casein whichtheapplication of the principles
and rules of international law is at issue, for the interpretation given

by the Court of those principles and rules willcertainlybe binding on
the intervening State. What is more, as in the case of Article 63, the
provisions of Article 59do not in fact guarantee a State which has not
intervened in the principal case any immunity from the subsequent
application of the Court's interpretation of the principles and rules of
international law.

1am not of course suggesting that such an intervention would'fall
within the meaning of Article 63 of the Statute. 1am simply saying
that such a type of intervention - i.e., non-party intervention in the
case in which a jurisdictional link is absent, but the interpretation
givenby theCourt isbinding - wasintroduced under Article 63.And
if such a type of intervention is therefore possible, 1 submit that
Article 62,if looked at in the light of Article 63,can also be viewedas

comprehending this form of intervention as well, providing that the
interest of a legalnature is present. That is to Say,intervention under
Article 62encompasses the hypothesis where a giveninterpretation of
principles and rules ofinternational lawis soughtto be protected by a
non-party intervention. In this hypothesis, the mode of intervention
may be the same as under Article 63, so that the third State neither
appears as a plaintiff or defendant nor submits any specific claim to
rights or titles against the original litigant States." (I.C.J. Reports
1981, p. 30,paras. 15-16.)

30. Furthermore, 1 must point out that the multilateral convention of
today is essentially different in character from that of the turn of the
century and by its proliferation, universality and generality occupies an
altogether more significant position in relation to customary law. Until

quite recent times, apart from a handful of conventionsmainly relating to
the lawsof war, multilateral treaties werenot so universal, being limited to
those concluded amongst only a few countries so as to provide for more
concrete rights and duties which would directly affect their interests.
Today by contrast, a great number of multilateral treaties are being pro-
duced in the United Nations or at conferences held under the auspices of
the United Nations or other international organizations, with the goal of
forging anewuniversal law,principally throughcodification of customary
international law. The probability of the application of Article 63 is thus
incomparablygreater now than it could everhave been at the time the 1899
Convention was drafted. tiers en application de l'article 63 du Statut, on peut se demander
pourquoi l'interprétation desprincipeset règlesdedroitinternational
devrait empêcherun Etat tiers d'intervenir. Le défautde juridiction
n'est pas une raison suffisante pour empêcherun Etat d'intervenir
autrement qu'en qualitéde partie dans une instance principale qui
met en cause l'application desprincipes et règlesde droit internatio-
nal, car l'interprétation de ces principes et règlespar la Cour aura

certainement force obligatoire pour 1'Etatintervenant. Qui plus est,
tout commedans lecas del'article63,lesdispositions del'article59ne
garantissent en fait aux Etats qui ne sont pas intervenus dans
l'instance principale aucune immunité a l'égardde l'application ulté-
rieure de l'interprétationpar la Cour des principes et règlesen ques-
tion.
Evidemment,je ne prétendspas qu'une telle intervention soit pos-
sible en vertu de l'article 63 du Statut. Je dis simplement qu'une
intervention de ce genre, n'entraînant pas la qualitéde partie, dans
une instance où le lien juridictionnel fait défaut mais où l'interpré-
tation donnée par la Cour a force obligatoire, a été instauréepar
l'article63.Et si cegenre d'intervention est possible,je suisd'avisque
l'article 62, rapprochéde l'article 63, peut égalementêtreconsidéré
comme permettant ce mode d'intervention, àcondition que l'intérêt
d'ordrejuridique existe. En d'autres termes, l'intervention fondéesur

l'article 62 s'applique dans l'hypothèseoù un Etat intervenant qui
n'est pas partieà l'affaire chercheà se protégercontre une certaine
interprétation des principes et règles de droit international. Dans
cette hypothèse, lemode d'intervention pourrait êtreidentique àcelui
qui est prévupar l'article 63,l'Etat tiers ne comparaissant ni comme
demandeur ni comme défendeur et ne pouvant revendiquer aucun
droit ou titre spécifiquecontre les Etats parties à l'instance primi-
tive.))(C.I.J.Recueil 1981, p. 30, par. 15-16.)

30. J'ajouterai à cela que, de nos jours, les conventions multilatérales
diffèrent profondément, par leur nature, de ce qu'elles étaient au début
du siècle,et que, par leur prolifération, leuruniversalité etleur généralité,
elles occupent une place beaucoup plus importante par rapport au droit
coutumier. Tout récemment encore, en dehors d'un petit nombre de

conventions touchantsurtout ledroitde la guerre, lestraités multilatéraux
étaient moinsuniversels, et se ramenaient aux instruments conclus entre
quelques pays pour prévoirplus concrètement les droits et les obligations
pouvant directement mettre en cause leurs intérêts. Aujourd'hui, nom-
breux sont les traités multilatérauxissus destravauxdes Nations Unies ou
des conférences tenues sous les auspices desNations Unies ou d'autres
organisations internationales, et qui ont pour but de forger un nouveau
droit universel, grâce notamment àla codification du droit international
coutumier. Les chances d'application de l'article 63sont donc incompa-
rablement supérieures à ce qu'elles pouvaient être à l'époquede la con-
vention de 1899. 4. Probabilityof the Increase in Requests
for Intervention

31. It rnay be argued that if, as already mentioned, such a liberal
interpretation is given to Article 62 of the Statute, then there is a distinct
possibility that litigationbefore the Court rnayinfuture invite anumber of
interventions by third States. 1 would like to quote from my previous
opinion :

"It rnay be objected that the States which rnay be affected by the
interpretation of such principles and rules by the Court willbe with-
out number, andthat, ifan intespretation of theprinciples and rulesof
international law can open the door of the Court to al1 States as
interveners, thiswillinvitemany future instances ofintervention.This
problem should be considered from the viewpoint of future judicial
policy, and more particularly from the viewpoint of the economy of
international justice. Yet this cannot be the reason why a request for
intervention which is actually pending should be refused when the
requesting State claims that its legal interest rnay be affected by the
Court's rulings on the principles and rules of international law. The
possibility of an increasing number of cases invoking Article 63 rnay
likewisenot be avoided [particularly in viewof the newtrends which 1
explained before].The fact that in the past Article 63has been rarely

invoked does not guarantee that the situation will remain unchanged
in the future. Thus the problem is related not only to Article 62, but
also to Article 63.

However, unlike Article 63 dealing with the case of the intespre-
tation of an international convention, Article 62 comprises certain
restrictions. Paragraph 2 of Article 62 provides that : 'It shall be for
the Court to decide upon this request.'This means that the Court has
certain discretionary powers to allow or not to allow any requesting
State to intervene in the litigation. Still more important is the restric-
tion of paragraph 1 of Article 62. This paragraph requires the State
reqiiestingintervention to showthat 'ithas an interest of alegalnature
whichrnaybe affected by the decision in the case'.Thus any danger of
expansive application of Article 62 willcertainly be restricted by the
Court's exercisingits discretionary power, moreparticularly to deter-
mine whether the requesting Statehas such an interest. In the present
case, as it happens, the Court has taken this line and come to a
negative conclusion on this point, imposing what is in my view an
unduly severe test." (1.C.J. Reports 1981, p. 31,paras. 17-18.)

32. It should also be pointed out that in the case of a request for an
advisory opinion from the Court, any State entitled to appear before the
Court, or international organizations considered likely to be able to fur-
nish information on the question, are allowed not only to file written
statements but alsoto beheard at apublicsitting. Whilst theprobability of 4. La questionde la multiplicationdes requêtes
à fin d'intervention

31. Peut-êtredira-t-on qu'uneinterprétation ausi libéralede l'article 62
du Statut, si elle étaitadmise, auraitpour conséquenceune multiplication
des interventions d'Etats tiers dans lesinstances engagéesdevant la Cour.
Je citeraià ce sujet mon opinion antérieure :

<(On pourrait objecter que les Etats qui risquent d'être affecpsar
l'interprétation des principes et règlesde droit international par la
Cour serontinnombrables et que,sil'interprétationdecesprincipeset
règlespeut avoir pour effet de donner accèsàlaCour, àtous lesEtats,
en tant qu'intervenants, cela suscitera à l'avenir de nombreux cas

d'intervention. Ceproblème doit êtreconsidérédu point de vue de la
politique judiciaire future, et particulièrement du point de vue de la
bonne administration de lajustice internationale. Mais cela n'estpas
uneraison pour rejeter une requêteà find'intervention effective,alors
que 1'Etatrequérant affirmequ'un intérêd t'ordrejuridique est pour
lui mis en cause par l'interprétation des principes et règlesde droit
international énoncéepar la Cour. De même,il n'est pas possible
d'exclurela possibilitéque la Cour soit saisie d'un nombre croissant
d'instances sur la base de l'article 63 [surtout compte tenu des nou-
vellestendances quej'ai indiquées]. Lefait que l'article 63a rarement
étéinvoquéjusqu'à présen nte garantit pas qu'ilcontinueraà en aller

de même.Ainsi, le problème concernenon seulement l'application de
l'article 62, mais aussi celle de l'article 63.
Cependant, à la différencede l'article 63,qui concerne l'interpré-
tation des conventions internationales, l'article 62 estassorti de cer-
taines restrictions. Le paragraphe 2 prévoitque <<la Cour décide >).
Autrement dit. la Cour dis~ose de certains ~ouvoirs discrétionnaires
pour autoriser ou non 1'Etatqui présente la requêteà intervenir dans
l'instance. Plusimportante encore est la restriction énoncéeau para-
graphe 1, où il est exigéde I'Etat demandant à intervenir qu'c un
intérêdt'ordrejuridique [soit] pour lui en cause).On peut donc être
sûr qu'une application trop libéralede l'article62serait limitéepar les

pouvoirs discrétionnaires reconnus à la Cour, en particulier pour
déterminersi1'Etatdemandant à intervenir a ou non un intérêtde cet
ordre. Il setrouve que c'est cequ'afait la Cour enlaprésenteespèceet
qu'elle estparvenue àune conclusion négative sur cepoint,formulant
ainsi ce qui me paraît êtreune exigence excessive. O (C.I.J. Recueil
1981,p. 31, par. 17-18.)

32. Je ferai d'ailleurs observer que, dans le cas des avis consultatifs
demandés à la Cour, tout Etat admis à ester devant celle-ci et toute
organisation internationale jugés susceptiblesde fournir des rensiegne-
ments sur la question sont autorisésnon seulement à déposerdes exposés
écrits, mais aussà êtreentendusenaudiencepublique. Silaprobabilitéde the multiplication of interventions is a matter of concern for judicial
policy, it must be said that there is no guarantee that the participation of
States and international organizations in advisory proceedings will be

restricted.

II. OBJECT AND LEGALINTERES T F ITALY'S APPLICATION

1. Objectof Italy's Application

33. 1am unable to subscribe to the arguments in the Court's Judgment,
asstated in paragraphs 29and 41in particular, that, by asking the Court to
recognizeits right, Italy in fact attempts to seizethe Court of adistinct and
additional dispute. In my viewthis presentation stems from the Court's a
priori assumption that intervention under Article 62would beintended, as
under a municipal legal system, to combine additional litigations to the

original one of which the Court has been seized.
34. However, as the Court states :
"Italy has emphasized in the present proceedings that it is making
no claim against either of the two principal Parties, that it is not
seekingadecisionby the Court delimiting its own areas of continental
shelf,nor adecision declaring theprinciples and rules ofinternational
law applicable to such a delimitation." (Judgment, para. 29.)

1cannot see any intention of Italy to introduce through the back door a
case which could not otherwise have been brought before the Court
because of lack ofjurisdiction. The object of Italy's application to inter-
vene is clearly spelt out in its Application:

"The object of Italy's application to intervene is to ensure the
defence before the Court of itsinterest of a legalnature, so that those
principles and rules and,in particular, the practical method of apply-
ing them, are not determined by the Court without awareness of that
interest, and to its prejudice.
In other words, Italy seeks to participatein the proceedings to the
full extent necessary to enable it to defend the rights which it claims
over some of the areas claimed by the Parties, and to specify the
position of those areas, taking into account the claims of the two

principal Parties and the arguments put forward in support of those
claims,sothat the Court may beas fullyinformed as possible as to the
natureand scopeof the rights of Italy in the areas of continental shelf
concerned by the delimitation, and may thus be in a position to take
due account of those rights in its decision." (Italy's Application, para.
16.)

Italy has neither accepted the compulsory jurisdiction of the Court nor PLATEAU CONTINENTAL (OP.DISS.ODA) 107

la multiplication des interventions pose un problème de politique judi-
ciaire, rien, il faut le dire, ne garantit que la participation des Etats et des
organisationsinternationales aux procédures consultatives soit davantage
limitée.

II. L'OBJET DE LA REQUÊTE ITALIENNE
ET L'INTÉRÊT JURIDIQUE DE L'ITALIE

1. L'objet de la requête italienne

33. Je ne puis m'associer à l'idée,exprimée notamment aux para-

graphes 29 et 41 de l'arrêt,que l'Italie, en demandant àla Cour de recon-
naître son droit, ait voulu en réalitéla saisir d'un différend distinct et
supplémentaire. A mon avis, cette façon de voir vient de ce que la Cour
suppose à priori que l'intervention fondée sur l'article 62 a pour but,
comme dans les systèmesjuridiques nationaux, de combiner des litiges
supplémentaires avec celui dont lejuge se trouve déjàsaisi.
34. Cependant, comme le dit la Cour elle-même :

(L'Italie a affirmédans la présente procédurequ'elle n'avance
aucune prétentioncontre l'uneou l'autre des deux Partiesprincipales
et qu'ellene demande à la Cour ni de délimiterses propres zones de
plateau continental nide dire dans sadécision quelssont lesprincipes
et règlesde droit international applicables à une telle délimitation.))

(Arrêt, par.29.)
Je ne vois pas, pour ma part, que l'Italie ait eu l'intention d'introduire
subrepticement une affaire dont la Cour n'aurait pu êtresaisie faute de

compétence. D'ailleurs l'objed t e lademande d'intervention del'Italieétait
clairement indiqué dans sa requête :
((L'objet de la demande d'intervention de l'Italie est d'assurer
devant la Courladéfensede sonintérêd t'ordrejuridique de sorte que

cesprincipeset règleset, surtout, la méthodepratique de lesappliquer
ne soient pas déterminéspar la Cour dans l'ignorance et au détriment
de cet intérêt.
En d'autres termes, l'Italie demande à participer à l'instance dans
toute la mesure nécessairepour lui permettre de défendreles droits
qu'elle revendique surcertainesdes zones revendiquéespar lesParties
et de préciserla localisation de ces zones, compte tenu des revendi-
cations des deux Partiesprincipales et des arguments avancés àl'ap-

pui de ces revendications, de sorte que la Cour soit aussi complète-
ment informéeque possible sur la nature et la portéedes droits de
l'Italie dans les zones de plateau continental concernéespar la déli-
mitation et qu'elle soit ainsien mesure deprendre ces droits dûment
en considération dans sa décision. ))(Requêtede l'Italie, par. 16.)

L'Italie n'a ni accepté la juridiction obligatoire de la Cour, ni obtenu secured any pertinent agreement from the original Parties ; it has neither
presented any claim against either of the original Parties nor proved that
there had existed, before its application to intervene, any dispute between
it and the original Parties or held any negotiation with the original Parties
leading to a solution of such a dispute. These facts certainly do not
constitute grounds for rejecting Italy's requestin viewof the proper scope
ofArticle 62of the Statute, whch 1have sufficientlydemonstrated in Part 1
above.
35. Reiterating what 1stated in 1981(1C ..J.Reports1981,p. 29,para. 9),

the role to be played by Italy asan intervener must be limited. Italy may
assert a concrete claim against Libya and Malta, but that claim must be
confined to the scope of the SpecialAgreement in the principal case. Italy
cannot seekajudgment of the Court which directly upholds its own claim.
The scope of the Court'sjudgment willalso be lirnited :it willbe bound to
give judgment only within the scope of the Special Agreement. Italy
cannot, of course, escape the binding force of thejudgment, which natu-
rally applies to it to the extent that its intervention has been allowed. Italy
willhavebeen abletoprotect its ownrights merelyin sofar asthejudgment
declines to recognizeascountervailing the rights of either Libya or Malta.
On the otherhand, to the extent that the Court givesajudgment positively
recognizing rights of either Libya or Malta, Italy will certainly lose al1
present or future claims in conflict with those rights.

36. 1do not seeanyreason why Italy's objectin requestingintervention
should not fa11within the scope of intervention as noted above. If the
object of the application falls within the scope of Article 62, an applicant
need onlyindicate what legal interest it possesseswhichmay be affected by
the decision in the pending dispute between the parties, irrespective of
procedural requirements under Article 81, paragraph 2, of the Rules of

Court. 1now turn to thelegal interest of Italy, whichmay be affected by the
judgment of the Court in the principal case. As the present case has some
quite distinct characteristics, Italy's interests are varied.

2. Italy's Legal Interest in the Title Erga Omnes

37. The subject-matter of this case does not concern claims arising out
of the allegedbreach of any obligation whch oneparty may have accepted
in relation to the other, being thus a matter of concern only to the litigant
States. No, what is really disputed between Libya and Malta relates to
titles to submarine areas. The claims concerned are thus of a territorial
nature and as such are made ergaomnes. In other words, the titles estab-
lished may well be asserted not only between Libya and Malta but as
regards al1other States. It will be recalled that the essentially territorial
nature of continental shelf disputes was confirmed by the Court in its
Judgment on the Aegean Sea ContinentalShelf case (1.C.J. Reports 1978,
paras. 86-90)and indeedformedamainfactor inthat decision.Asstated inl'accord des Parties à sa démarche. Ellen'a pas formulé de prétentions
contre l'une ou l'autre des Parties initiales, ni apportéla preuve dei'exis-
tence, avant le dépôtde sa requête,d'un différendentre elle-mêmeet ces
Parties, ni procédé à des négociations avec elles pour résoudre un tel

différend. Maisces faits nejustifient pas le rejet de la requêtede l'Italie,
compte tenu de la portée véritablede l'article 62du Statut, telle queje l'ai
exposéedans la première partie de la présente opinion.

35. Pour répéterce quej'ai déclaré en 1981(C.I.J. Recueil 1981,p. 29,
par. 9), le rôle de l'Italie en qualité d'intervenant devait rester limité.
L'Italie aurait pu formuler des prétentions précises contre la Libye et
Malte, mais sans dépasser les limites du compromis dans l'instance prin-
cipale. Elle n'aurait pu demander à la Cour de rendre un arrêt confir-
mant directement cesprétentions. La portée de l'arrêt de laCour eût elle
aussi étélimitée,la Cour ne pouvant statuer hors du cadre du compromis.
L'Italie n'aurait évidemmentpas pu se soustraire à la force obligatoire de
l'arrêt, quisefût naturellement appliquée àellesisonintervention avaitété
admise. Elle n'aurait pu protégersespropresdroitsque dans la mesure où
l'arrêtn'eût pas reconnu une forcesupérieureaux droits de la Libye ou de
Malte. Enfin,en supposantque la Cour eûtaffirmédans sonarrêtlesdroits

de la Libye ou de Malte, l'Italie aurait certainement perdu toute faculté
de former, maintenant ou à l'avenir, des demandes en conflit avec ces
droits.
36. Cela précisé,jene vois pas pour quelle raison l'objet de la requête
italienne ne se rangeait pas dans le cadre de l'intervention, tel queje l'ai
défini.Or, si l'objet de la requêterentre dans le champ de l'article 62,il
suffit au requérant d'indiquer quel intérêtjuridiqueest pour lui en cause
dans le litige entre les parties, indépendamment des conditions de procé-
dure de l'article 81, paragraphe 2, du Règlement. Voyons donc quel est
l'intérêtjuridiquede l'Italie qui est pour elle en cause dans l'affaire prin-
cipale. Comme le procès en cours présente certains caractères trèsparti-
culiers, les intérêtsdel'Italie sont divers.

2. L'intérêt juridiqudee l'Italie en ce qui concerne
le titrerga omnes

37. La présente instance n'a pas pour objet des demandes relatives àla
violation alléguéed'une obligation que l'une des parties aurait acceptée
vis-à-vis de l'autre, auquel cas l'affaire intéresseraituniquement les Etats
en litige. Non, le litige entre la Libye et Malteconcerneen réalité ltitres
sur certaines zones sous-marines. Les prétentions dont il s'agit sont donc
de nature territoriale, et, comme telles,formuléesergaomnes.En d'autres
termes, les titres établis pourront être invoquésnon seulement dans les
relations mutuelles de la Libye et de Malte, mais aussiàl'égardde tous les
autres Etats. On se souviendra d'ailleurs que cette nature essentiellement
territoriale des différendsrelatifs au plateau continental a été confirmée
par la Courdans sonarrêt enl'affairedu Plateaucontinental delamerEgéePart 1above, the interest which a third State may have in claiming a title to
an area cannot escape any effect resulting from what is determined by the
Court in sofaras that title is attributed to any of the litigant States in the
principal case.As alreadymentioned, Article 59of the Statute may not be
accepted as guaranteeing that a decision of the Court in a case regarding
the title erga omnes will not affect a claim by a third State to the same
title.

3. Italy's Legal Interest in the Delimitation of asyet
UndejïnedAreas of the Continental Shelf

38. Although it is territorial, thepresent case is not of the type in which
the title to any specificisland or a particular and predetermined area is at
issue.As is evident from the SpecialAgreement between Libya and Malta,
neither of the principal Parties lays claim to any particular portion of any
precisely defined submarine areas. Hence the extent of the area in dispute
between the original Parties, Libya and Malta, where thedelimitation is to
be effected, cannot normally become clear to any third State until the
written pleadings are made public upon the opening of the hearing on the
merits. The most that a thrd State which has been refused access to the
pleadings can do in such a situation is not to assert any concrete claim
against the original litigant States, but simply to draw the attention of the
Court to the right it may claim to its off-shore continental shelf by indi-
cating its general interest in the area as a whole, lest the Court should
render ajudgment whichrecognizesthe title of either of thelitigantparties
in theprincipal case to any specificarea of thecontinental shelf,as if there
had been no interest of any third Statein that particular area. Here 1wish
to repeat what 1 said in the Tunisia/Libya case, except that in this case
"Malta" becomes "Italy" and "Tunisia and Libya" become "Libya and

Malta" :

"[Ilf [Italy]has failed to assert its own claims against eitheror both
of the litigant States, or to seek as plaintiff or defendant any sub-
stantive or operative decision against either Party or to try to obtain
any form of ruling or decision from the Court concerning its own
continental shelf boundary with either or both of the originallitigant
States, or, then again, to submit its own claims to decision by the
Court and not to expose itself to counter-claims, this cannot be any
reason to question the admissibility of [Italy's]request. More cannot
be demanded of [Italy] than of [Libya] and [Malta]." (I.C.J. Reports
1981, p. 32, para. 19.)(C.I.J. Recueil1978, par. 86-90),et qu'elleétaitmêmeun élémentessentiel
de cette décision.Or, comme je l'ai indiquédans la première partie ci-
dessus,l'intérêqtu'unEtat tiers peut avoir seréclamerd'un titre dans une
régiondonnée nepeut échapperaux effets d'une décisionpar laquelle la
Cour attribue ce titreà l'un ou l'autre desEtats partiesàl'instance prin-
cipale. Et,je l'ai déjàdit, on ne saurait voir dans l'article 59 du Statut la
garantie que l'arrêt rendupar la Cour dans une affaireoù il s'agitd'un titre
opposable à tous restera sans effet sur les prétentions d'un Etat tiers
invoquant ce mêmetitre.

3. L'intérêt juridique ld'Italie en ce qui concernela délimitation
de zones duplateau continentalencore nondéfinies

38. Malgrésoncaractèreterritorial,laprésenteaffaire n'estpas decelles
où lelitigeporte sur letitre relatifne île, ouàune zone préciseet fixéeà
l'avance.Commele montre le compromis entre la Libye et Malte, ni l'une
ni l'autre des Parties principales ne revendique une étendue déterminée,
dans des zones sous-marines définies avecprécision. La surface de la zone
litigieuse que se contestent la Libye et Malte, Parties initiales, et où la
délimitation doit êtreeffectuée, nepeut donc apparaître avec clarté aux

tiers avant que les piècesécritesne soient renduespubliques,à l'ouverture
de la procédure orale.Dans ces conditions, tout ce que peut faire un Etat
tiers auquel lespiècesécrites n'ontpas étcommuniquéesest de s'adresser
à la Cour, sans formuler de prétentions concrètescontre les parties ini-
tiales, et d'attirer simplement son attention sur ses propres droits sur le
plateau continental, en indiquant l'intérêt généq rauli est en jeu pour lui
dans l'ensemblede la zone, decrainteque l'arrêtde la Courne reconnaisse
à l'une oul'autredesparties au principal un titresurune étendueprécisede
plateau, comme sil'Etat tiers n'avait aucun intérêt faire valoir dans cette
étendue.Je reprendrai à ce propos ce queje disais dans l'affaire Tunisie/
Libye, en remplaçant seulement <Malte par <l'Itali))et <la Tunisieet

la Libye par <<la Libye et Malte :

<<Je ne voisdoncpas comment l'onpourrait contester la validitéde
la requêtede [l'Italie]en affirmant qu'elle n'apas réusàapporter la
preuve de sesprétentionscontre les Parties originaires ou contrel'une
ou l'autre de ces Parties, oufaire reconnaître sa qualité de deman-
deur OU de défendeur pouvant demander à la Cour une décision
formelle ou exécutoirecontre l'une ou l'autrede cesParties, oà faire
valoir son droit obtenir de la Cour un prononcéou une décisionde
quelque forme que ce soit sur la limite de son propre plateau conti-

nental avecceluides deux Parties originaires ou de l'une oul'autrede
ces Parties, ou encoreà affirmer son droit de soumettre ses propres
prétentions àla décisionde la Cour sans s'exposer à des demandes
reconventionnelles. On ne peut pas exiger de [l'Italie]plus qu'on ne
demande à la [Libye] et à [Malte]. ))(C.I.J. Recueil 1981, p. 32,
par. 19.) 110 CONTINENTAL SHELF (DISS.OP.ODA)

39. It has been contended by both Libya and Malta that the Court is
simply required to confine itself to the delimitation of the area of Libya's
and Malta's continental shelvesand that, ex hypothesi,no third State can
be interested in either of them. The "area-to-be" of the continental shelf
appertaining to Libya and the "area-to-be" of the continental shelf apper-
taining to Malta are of course, distinct. These two "areas" themselves

constitute a whole region which hasnot been defined in the above request
by Libya and Malta. If the region concerned isto be simplyan aggregateof
the two "areas", sothat it doesnot affect any third Statebut only concerns
these two States, how can one identify the region concerned without
possessing any precise definition of that aggregate ? Admittedly, the
delimitation of the two "areas" concerned is essentially a bilateral matter
to be settled between Libya and Malta. Nevertheless, that delimitation
ought not to intrude upon the area of the continental shelf of any third
State. Yet isit possible to assume with any certainty that, when account is
taken of thecharacteristics ofthe regionconcerned,there willnot beathird
State which may have a legal title to the very portion of the continental
shelf at issue?The question therefore anses as to whether aguarantee can
be giventhat there isno legalinterest of such a State whichmaybe affected
by the decision of the Court. Furthermore, isit proper to state now, or will

it everbe possible to state with certainty, that no conclusions or inferences
may legitimatelybedrawn from theCourt's ultimate findingsor reasoning
with respect to the rights or claims of States not parties to the Libya/Malta
case ? Without proceeding with a scrutiny whch belongs to a later stage,
the Courtcannot now define the region in which the delimitation between
Libya and Maltais to be effected. TheCourtcannot now take aposition in
this respect without dealing with themerits of the principal case. Sincethe
region with which the Court has to concern itself, cannot in practice be
confined to any preciselydefinedparameter of a givenarea within whichit
isevidentthat nothirdState may haveaclaim, thepossibility orprobability
of an adverse effect upon a third State accordingly is not excluded and
cannot be so.

4. Italy's Legal Interest in the Principlesand Rules of
International Law

40. 1 find it important to re-emphasize that Libya and Malta do not
request the Court to determine directly the title to either sovereignty or
sovereignrights (which itself has an effectergaomnes)over any particular
area of the continental shelf. but to decide -

"what principles and rules of international law are applicable to the
delimitation. ..and how,in practice, suchprinciples and rules can be
applied by the two Parties in this particular case, inorder that they
may without difficulty delimit such areas by agreement". 39. La Libye et Malte ont l'uneet l'autre sontenu qu'ilest demandé à la
Cour de s'en tenir à la délimitation des zones de plateau continental des
Parties principales et que, par définition,nul Etat tiers ne peut prétendre à
un intérêt d'un côté od ue l'autre. La <zone ))de plateau continental qui
relèverade la Libye et la (<zone ))de plateau continental qui relèverade

Malte sont certes distinctes. Mais elles constituent ensemble une région,
que les Parties n'ont pasdéfiniedans lecompromis. Sidonc la régiondont
il s'agitn'est qu'une simple addition des deux << zones 1) -auquel cas elle
n'intéresseraiten effet aucun Etat tiers, mais uniquement les deux Parties
- comment peut-on la définir sans savoir avec précisionquels en sont les
éléments ? Assurément,ladélimitationdesdeux << zones ))est unequestion
decaractèreessentiellement bilatéral,quidoitêtreréglée par voied'accord
entre la Libye et Malte. Cependant,cette délimitationnedoit pas empiéter

sur l'éventuelplateau continental des Etats tiers. Or, si l'on tient compte
descaractéristiquesde larégion encause, est-ilpermisd'affirmer qu'aucun
Etat tiers ne pourra invoquer un titre juridique sur la partie du plateau
continental quifait l'objetdu litige ?Et sinon, nefaut-ilpas s'interrogersur
lanécessité degarantir qu'aucun intérêtjuridiquedes Etats tiers ne seraen
cause ? Enfin, peut-on dire aujourd'hui avec certitude - ou pourra-t-on
jamais dire - qu'aucune conclusion ni déduction ne peut êtretiréedes
conclusions et des motifs de la Cour relatifs aux droits ou aux prétentions

des Etats non parties à l'instance Libye/Malte? Sans entrer dans un
examen de l'affaire qui relève d'unephase ultérieuredu procès,la Cour ne
peut pour l'instant définirlarégionoù doit avoir lieu la délimitationentre
la Libye et Malte ;ellene peut, actuellement, prendre parti à ce sujet sans
évoquerau fond le litige principal. Mais, si la région à considérerne peut
donc enpratique selimiterauxcoordonnéesprécisesd'une zoneoù ilserait
évidentqu'aucun Etat tiers n'a de droit, la possibilité,ou la probabilité,
d'un effet préjudiciablede l'arrêtpour certains Etats tiers n'estpas - et ne

peut être - exclue.

4. L'intérêt juridique d l'eItalie en cequi concerne
lesprincipes et règles de droit international

40. Il me sembleimportant de souligner encoreune fois quela Libye et
Malte ne demandent pas à la Courde déterminer directementleur titre àla
souveraineté ou aux droits souverains (avec effet erga omnes) dans une
zone précisede plateau continental, mais de décider :

<<quels sont les principes et les règlesde droit international qui sont
applicables à la délimitation ...et comment, dans la pratique, ces
principes et règlespeuvent-ils êtreappliquéspar !esdeux Parties dans

lecas d'espèceafin qu'elles puissentdélimiterceszones sans difficulté
par voie d'un accord o.What 1stated in the Maltese intervention proceedings is also pertinent in
this respect, except that the States concerned are now different, namely
"Italy" and "Libya and Malta" in place of "Malta" and "Tunisia and
Libya" respectively :

"Both Parties in this case wish to securea statement from theCourt
of what the appropriate law willbe for thedelimitation of the respec-
tiveareas of thecontinental shelf of [Libyaand Malta]. On the face of
the SpecialAgreement, what willbe argued before the Court by these
two countries will remain confined to the principles and rules of
international law to be applied in the delimitation of the continental
shelf and not relate to theconcrete claim to any title. Thus the object
of the request for intervention may properly consist, as stated by
[Italy],in presenting viewson the principles and rules of international
law during the proceedings in theprincipal case(asintended by Cuba
in the Haya de la Torre case under Article 63). That being so, the
position of [Italy]iscertainly different from that of Fiji in the Nuclear
Testscases,in which the subject-matter wasclearlydefined in terms of
specific claims. Aside from the question of jurisdiction, Fiji could
have identified its own interests with those of Australia and New
Zealand in specifying the legal interests whch might have been
threatened by theaction taken by France, the legalityof whch was in
dispute. Thus, although Fiji rnight have been required to specify its

own claim as a plaintiff together with Australia and New Zealand
against France, ihis requirement would have arisen out of the very
nature of the case.The [Libya/Malta] case,howeverisof acompletely
different nature." (I.C.J. Reports 1981, p. 32, para. 20.)

The issues to be decided by theCourt after examining thepresentations of
the pleadings, written and oral, of the principal Parties, consist inprinci-
ples and rules of international law to be applicable to the delirnitation of
thecontinental shelfand thewayinwhich thoseprinciples and rules can be

applied. Though Italy has often referred to theconcreteinterests involved
in the dispute between the two original Parties, it can also be seeking
through the Court to influence the interpretation of the principles and
rules of international law applicable to this particular dispute concerning
the delimitation of a maritime boundary.
41. Today no one can ignore the deliberations of the Third Law of the
SeaConference,which wereclosed towardsthe end of 1982,and the text of
the United Nations Convention on the Law of the Sea signed at Montego
Bay, Jamaica. Even if it is not yet a binding instrument in force, it is a
multilateral convention coming within the purview of Article 63 of the
Statute and is bound to be invoked by the Parties in delimiting their
continental shelf in future, and the Court may be asked for an interpre-
tation. In asituation suchas this, thethird State wouldhave a clearright of
intervention under Article63.1s such a situation soverydifferent from the
present case,where this treaty, though signedby a great number of StatesLà encore, ce queje disais au sujet de l'intervention maltaise s'appliqàe,
cela près que les Etats dont il s'agit sont différen:s

Les deux Parties àla présente affaire demandent à la Cour un
prononcé surledroit approprié àla délimitation deszones du plateau
continental qui leur appartiennent respectivement. Aux termes du
compromis, le litige soumis à la Cour par ces deux pays doit donc
rester limitéauxprincipes et règlesdu droitinternational applicables
à la délimitation du plateau continental, et ne saurait porter sur des
prétentionsconcrètes à quelque titreque cesoit.Aussi est-ilapproprié

que l'objet de la requête à fin d'intervention consiste, comme l'a
affirmé[l'Italieàprésenter desvuessur lesprincipeset règlesde droit
internationalpendant ledéroulementdel'instanceprincipale(comme
Cuba seproposait delefaireen vertu del'article63dans l'affaireHaya
dela Torre).Celaétant,laposition de [l'Italie]diffèreassurémentdela
position de Fidji dans les affaires dessais nucléaires,ù l'objet des
instances était défini avec précision,sous forme de prétentions spé-
cifiques. La question dejuridiction miseà part, Fidji aurait pu iden-
tifier ses intérêàsceux de l'Australie etde la Nouvelle-Zélandeen
spécifiant lesintérêts juridiquesqui risquaient d'êtremis en cause
par les mesures du Gouvernement français dont la légalitéétait
contestée. Même sF i idji avait dû préciserses prétentions particu-

lièrescomme coplaignant contre la France, la condition ainsi mise à
sa requête aurait résultdu caractère mêmede l'affaire. Or, l'affaire
[Libye/Malte] est complètement différentepar sa nature. ))(C.I.J.
Recueil 1981,p. 32,par. 20.)
Les points litigieux sur lesquels la Cour devra statuer après avoir lu et
entendu les Parties principales ont donc trait aux principes et règlesde

droitinternational applicablesà la délimitationdu plateau continental, et
à lamanièredont cesprincipeset règlespeuventêtreappliqués. Etilsepeut
que l'Italie, bien qu'ayant surtout invoquéses intérêts concrets en cause
dans le différend entreles deux Parties intiales, ait aussi voulu, parin-
termédairedel'arrêtdela Cour, influencer l'interprétation desprincipeset
règlesde droit international applicables à ce cas précisde délimitation
maritime.
41. A cet égard, nulne peut aujourd'hui ignorer les délibérationsde la
troisièmeconférencesur le droit de la mer, qui se sont achevées la fin de
1982,ni le texte de la convention des Nations Unies surle droit de la mer,
signée à Montego Bay (Jamaïque). Bien que cet instrument ne soit pas
encore entréen vigueur et n'ait pas acquisun caractère obligatoire, ils'agit

néanmoinsd'une convention multilatérale entrant dans le champ d'appli-
cation de l'article 63du Statut,que les Etats ne manquerontpas à l'avenir
d'invoquer pour la délimitation de leur plateau continental, et dont l'in-
terprétation pourrait êtredemandée à la Cour. Dans cette hypothèse, les
Etats tiers auraient assurémentledroit d'intervenir envertu de l'article 63. al1over the world, has not yet come into force, if itbe borne in mind that
both are related to the interpretation of the principles and rules of cus-
tomary international law, irrespective of whether or not these principles
and rules have already been spelled out in an effective text ? I would like
again to use my previous arguments, changing only the word "Malta" to
"Italy" as follows :

"Theoretically, a number of States may have a claim to the conti-
nental shelf in the 'area', invokinganyjustification which they may
prefer for this purpose, because the criteria for delirnitation of the
continental shelf have not yet been firmly settled.Yet, in the light of
developments in thelawof the sea,it would not havebeen difficult for
the Court to exerciseits discretionary powers under Article 62,para-
graph 2, and allow the intervention of the third State particularly
concerned,depending on the Court's evaluation of the imminent and

grave interests prima facie at stake and considering the relevant
factors. In this case, 1 cannot agree that [Italy] which prima facie
belongs to the very 'area'in issue, will escape any legal effect of the
judgment of the Court. This distinguishes [Italy] from al1other coun-
tries (except perhaps a fewneighbouring States), many of which may
of course be interested in abstracto in the judgment of the Court
concerningthe interpretation ofthe applicable 'principlesand rulesof
international law'." (I.C.J. Reports 1981, p. 34, para. 23.)

42. 1 do not need to follow the development of the ideas relating to the
delimitation of maritime boundaries through Article 6 of the Continental
Shelf Convention to Article 83 of the United Nations Convention on the
Lawof the Sea.The concept of thedelimitation of thecontinental shelfhas
not been crystal clear, and it isknown to the international community that
theConventionbecame reality only after a compromised text of Article 83
together with Article 74 relating to the delimitation of the exclusive eco-
nomic zone was proposed by the President of the Conference at the very
last stage. The provision reads :

"Article 83[74] - 1.The delimitation of the continental shelf [the
exclusive economic zone] between States with opposite or adjacent
coasts shallbe effectedby agreement on thebasis ofinternational law,
as referred to in Article 38of the Statute of the InternationalCourt of
Justice, in order to achieve an equitable solution."

No matter whether the provision has become an established rule of inter-
national law today when the Convention has still to secure agreat number
of ratifications before itcomes into force, it would be impossible for the
Court to avoid interpreting these veryprovisions. Inasmuch as Libya and
Malta will probably present their respective positions in reliance on dif-
ferent doctrines and justifications with regard to the delimitation of the
region yet to be defined, how is it possible to assume that a State such asUne tellesituation - celleoùun traité,bienquesignéparun grandnombre
d7Etatsde toutes lesparties du monde, n'estpas encore entréen vigueur -
diffère-t-elleà cepoint de laprésente affaire,sil'on se souvient qu'il s'agit
dans lesdeux cas d'interpréterlesprincipes et règlesdu droitinternational

coutumier, qu'ils soient ounon déjà définisdans un texte en vigueur ? Je
rappellerai sur ce point encore mes arguments antérieurs, en remplaçant
seulement le mot <(Malte 1)par <<l'Italie)):

<(Théoriquement,plusieurs Etats peuvent avoir desprétentions sur
leplateau continental dans la <région >)et invoquer à cette fin toute
justification qui peut leur paraître appropriée,tant que les critèresde
délimitationde ce plateau ne sont pas fermement énoncésO . r, étant
donnéle sens dans lequel évolue ledroit de la mer, il ne serait pas
difficile à la Cour d'exercer les pouvoirs discrétionnaires que lui
donne leparagraphe 2 de l'article 62etd'autoriser l'intervention d'un

Etat tiers particulièrement intéressé,compte tenu de l'importance
donnéeparla Cour auxintérêtg sraves etimminents quiparaissent en
jeu ainsi que des facteurs pertinents. En l'espèce, je ne peux pas
accepter l'idéeque l'arrêtde la Cour n'aura aucun effetjuridique sur
[l'Italie], qui, sauf preuve du contraire, appartient précisément à la
<région )enquestion. C'est cequi distingue [l'Italie]de tous lesautres
pays (à l'exception peut-êtrede quelques Etats voisins), dont beau-

coup pourraient bien entendu s'intéresserdans l'abstrait à l'arrêtde la
Cour sur l'interprétation des<< principes et règlesdu droit internatio-
nal applicables. ))(C.Z.J. Recueil 1981,p. 34, par. 23.)

42. Je ne retracerai pas l'évolutiondes idéessur la délimitation des
frontières maritimes, depuis l'article 6 de la convention sur le plateau
continentaljusqu'à l'article 83 de la convention des Nations Unies sur le
droit de la mer. La notion de délimitationdu plateau continental n'a pas
toujours étéd'une parfaite limpidité, et la communauté internationale
n'ignore pas que la convention n'est devenueune réalitéqu'aprèsque le
présidentde la conférenceeut proposé en dernière minute uneversion de

compromis pour l'article 83et pour l'article74,relatif à la délimitationde
la zone économique exclusive. Cette disposition se lit comme suit :
Article83 [74] - 1. La délimitationdu plateau continental [dela

zone économique exclusive]entreEtats dont les côtes sont adjacentes
ou sefont face est effectuéepar voie d'accord conformémentau droit
international tel qu'il est visé à l'article 38 du Statut de la Cour
internationale de Justice, afin d'aboutir à une solution équitable. 1)

Peu importe pour l'instant de savoir si cette disposition est devenue une
règlereconnue du droit international, alors que la convention doit encore
réunir un grand nombre de ratifications pour entrer en vigueur : de toute
façon,la Courne saurait s'abstenir de l'interpréter.Dans cesconditions,et
étant donnéque la Libye et Malte exposeront vraisemblablement leurs
positions respectives en invoquant des doctrines et desjustifications dif-

férentespour la délimitation de la régionqui reste à définir, commentItaly, because of its vicinity to the region concerned, the central Mediter-
ranean, may be indifferent to the principles and rules tobe decided by the
Court to apply in this particular case ?

43. 1have thus elaborated my point that Italy's application falls within
the purview of the institution of intervention provided for under the
Statute, and that Italy isjustified in considering thatit has an interest of a
legal nature whch may be affected by the decision in the case. 1 made
almost the same argument in the case of the Maltese intervention three

years ago, based on almost the same reasoning. 1 was not, however,
inclined after careful consideration to favour granting the application of
Malta. The reason was that, in the case of the delimitation of the conti-
nental shelf between territorially adjacent States, the interest of a third
State whch is situated on theopposite sideand far from the coasts of these
adjacent States may not, prima facie, be greatly affected by such a delim-
itation, nor by the declaration of the applicable pnnciples and rules. This
ledme toconcur in the conclusion of theCourt only in viewof themeasure
ofjudicial discretioncontained in paragraph 2of Article 62.However, the
present case is different, because it concerns delimitation of the continen-
tal shelf between "opposite" States, one of which has the would-be inter-
vener as its close neighbour.

(Signed) Shigeru ODA.peut-on supposer qu'un Etat commel'Italie, situédans levoisinageimmé-
diat de la région en question - la Méditerrané centrale - puisse être

indifférent aux principes et règlesque la Cour déciderad'appliquer en
l'espèce ?

43. J'ai exposé ci-dessuscomment, selon moi, la requêtede l'Italie
entrait dans lecadre de l'institution de l'intervention prévuepar le Statut,
et pourquoi c'est à bon droit que l'Italie considère qu'unintérêt d'ordre

juridique est pour elleen cause dans ledifférend.Il y a trois ans,àpropos
de l'intervention de Malte, j'avais avancéune thèse presque identique,
fondée sur des motifs pratiquement semblables. Toutefois, après mûre
réflexion,je ne m'étaispasprononcéen faveur de l'admission de la requête
maltaise. La raison en est que, lorsqu'il s'agit de délimiter le plateau
continental entre Etats limitrophes,lesintérêts d'un Etat tiers qui fait face
auxdits Etats et qui est éloignde leurs rivagespeuvent, à premièrevue,ne
pas êtreréellementmis en cause par la délimitation, ni par l'énoncé des
principes et règlesapplicables. Je m'étaisdonc rallié àla conclusion de la

Cour, dans la mesure où celle-citient un pouvoir discrétionnairedu para-
graphe 2de l'article62.Cependant laprésenteaffaire estdifférente,car elle
concerne la délimitation du plateau continental entre des Etats qui (se
font face O, et dont l'un est le proche voisin de 1'Etat qui demandait à
intervenir.

(Signé)Shigeru ODA. CONTINENTAL SHELF (DISS .OP . ODA)

Paragraphs
OPENINGREMARKS..................... 1-2

1. SCOPE OF THE INTERVENTIO UNNDER ARTICLE62 OF THE STA-
TUTE .........................
Introduction ......................

1. A case where a jurisdictional link exists ........
2 . The jurisdictional link is not always indispensable ....
(Historical outline of the drafting of Article 62) .....
3. Impact of Article 63 .................
(Histoncal outline of the drafting of Article 63) .....

(The meaning of Article 59) .............
4 . Probability of the increase in requests for intervention . .

1. Object of Italy's application ............. 33-36
2 . Italy's legal interest in the title erga omnes....... 37

3 . Italy's legal interest in the delimitation of as yet undefined

areas of the continental shelf ............. 38-39
4 . Italy'slegalinterest in the principles and rules of international
law ........................ 40-42 Paragraphes
REMARQUES LIMINAIRES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1-2

1. LA PORTÉE DE L'INTERVENTION SUR LA BASE DE L'ARTICLE 62 DU
STATUT. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3-32
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

1. Cas où il existe un lienjuridictionnel . . . . . . . . . .
2. Le lienjuridictionnel n'est pas toujours indispensable . .
(Aperçu historique sur la rédactionde l'article 62) . . . .
3. L'effet de l'article 63 . . . . . . . . . . . . . . . .
(Aperçu historique sur la rédactionde l'article 63) . . . .
(La signification de l'article 59) . . . . . . . . . . . .

4. La question de la multiplication des requêtesa fin d'interven-
tion ........................
II. L'OBJET DE LA REQUÊTE ITALIENNE ET L'INTÉRÊT JURIDIQUE DE
L'ITALIE. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33-42

1. L'objet de la requête italienne . . . . . . . . . . . . . 33-36
2. L'intérêt juridique de l'Italie en ce qui concerne le titre erga --
omnes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 1
3. L'intérêtjuridique de l'Italie encequi concerne la délimitation
de zones du plateau continental encore non définies . . . 38-39
4. L'intérêtjuridique del'Italieencequi concernelesprincipes et
règlesde droit international . . . . . . . . . . . . . . 40-42

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Document Long Title

Opinion dissidente de M. Oda

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