Opinion individuelle de M. Mbaye

Document Number
068-19840321-JUD-01-03-EN
Parent Document Number
068-19840321-JUD-01-00-EN
Document File
Bilingual Document File

OPINION INDIVIDUELLE DE M. MBAYE

J'ai votéen faveur du dispositif de l'arrêt parcequeje pense, comme la
majorité des membres de la Cour, que la requêtede l'Italie à fin d'inter-
vention ne (ipeut être admise )).Je me féliciteaussi que l'arrêt aitmis
l'accent sur l'intangibilité du principedu consensualisme tout en donnant

desassurances à l'intervenant sur la sauvegarde de sesdroits (par. 42). Sur
ce dernier pointje pense toutefois que l'arrêt comporte des motifs que la
Courn'était pasobligéede développer à cestade de la procédure,maisqui
participent de son souci légitimede faire bonne Œuvre dejustice dans la
mesure où ils peuvent, ne serait-ce que partiellement, apaiser les préoccu-
pations de l'Italie telles qu'elles apparaissent dans sa requête et dansles

plaidoiries de ses conseils (par. 41 et 43).

Par contreje ne partage pas l'avisde la Cour en cequiconcerne le motif
sur lequel devait être fondée la non-admissionde la requête italienne.

Pourla Cour,l'intervention de l'Italie(relèved'une catégoriequi,surla
base des exposésmêmesde l'Italie, ne saurait être admise (par. 38).

Derrièrecette formule, et malgréla prudence dont la Cour fait preuve en
l'adoptant, je ne peux m'empêcherde voir seprofilerl'ombre du vrai motif
du rejet :(<l'absence de ce que la Cour a appeléen 1981 (iun lien juri-
dictionnelvalable avec lesparties à l'instance )(C.I.J. Recueil 1981,p. 20,
par. 36) ))(par. 1l), en l'occurrence l'Italie d'une part, la Libye et Malte
d'autre part. Ce motif qui ne veut pas dire sonnom apparaît avec netteté,
malgréles précautionsde langage prises par la Cour à la lecture de l'arrêt

rapprochéde l'ensembledes piècesécriteset oralesproduites à l'occasion
de l'affaire.
J'estime,quant à moi,que l'Italien'apas apportélapreuve qu'ellea (<un
intérêd t'ordrejuridique encausedans ledifférend )).Jepense, eneffet,que
l'intérêdtont ilestquestionnedoitpasconcerner l'Italieet << d'autres Etats
de la région (par. 41). Il doit être individuel,direct et concret.Toutefois
dans cette opinion je laisserai cette question de côté.Elle n'a pas été

abordéepar la Cour si ce n'est indirectement.

Maiscette divergence sur le motif devant fonder la non-admission de la
requêten'est pas la seule raison de mon désaccord avec l'arrêt.

En effet,je trouveque la Courdevaitprofiter de labelleoccasion que lui

offrait l'affaire portée devant elle pour enfin, sans s'écarter des considé-
rations ((indispensables à la décisionqu'elledoitrendre )(par. 28),donner
vie à l'article 62 de son Statut et se prononcer clairement sur le trèsimportant problèmedu <lienjuridictionnel ))devant ou non exister entre
l'Etat intervenant et les parties principales et à propos duquel il y a tant
d'interrogations. Ce n'estpas parce que <depuis 1922,etjusques et y com-
pris les audiences en la présente procédure, soiten l'espace de soixante-
deux ans, la discussion sur ce point n'a pas progressé )),comme le dit la
Cour(par. 45),qu'elledevait en rester là.Acet égardje reconnaisd'ailleurs
que la Cour a pu dissiper << quelques-uns des doutes et incertitudes qui

entourent l'exercicede la faculté procéduralede l'intervention au titre de
l'article 62 du Statut )(par. 46), notamment quand elle déclare qu'encas
d'intervention <<l'opposition despartiesen cause,quoiquetrèsimportante,
n'est qu'un élémen dt'appréciation parmid'autres ))(par. 46).Maisétait-ce
suffisant?

La façon dont l'Italie a introduit et soutenu sa demande d'intervention
n'avaitjusqu'alors jamais étéutilisée.Pour une fois et autant que le pro-
blèmedu lienjuridictionnel est concernéla Cour se trouvait devant une

véritable intervention fondée sur l'article 62 de son Statut, puisque les
affaires dont elle ou sa devancière ont eu à connaître dans le cadre de
l'article 62 du Statut offraient un tout autre caractère.
En effet, l'affaire du VapeurWimbledon (arrêts ,923, C.P.J.I. sérieA
no 1) introduite en vertu de l'article 62 du Statutfut en définitiveadmise
sur la base de l'article 63. Quant aux deux cas fondés sur l'article 62 du
Statut qui furent portés devantl'actuelleCour, à savoir lesdemandes d'in-
tervention de Fidji dans les affairesdes Essais nucléaires et de Malte dans
l'affaire du Plateau continental(Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne),ils

étaientbien différentsde la présente affaire.
Dans les affaires des Essais nucléairesl,a Cour ne s'étaitpas prononcée
sur la demande d'intervention de Fidji, en raison du fait qu'ayantjugéque
les demandes des Etats requérants étaient devenuessans objet et qu'il n'y
avait pas lieu àstatuer (C.I.J. Recueil 1974, p. 253et 457) iln'existait plus
(<d'instance sur laquellela requête à fin d'intervention puissese greffer >).
Elle avait alors déclaré que la requête tombait et qu'elle n'avait plus àlui
donner une suite (ibid., p. 530 et 535).

Dans l'affaire du Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe li-
byenne) la Cour, après avoir analyséla requêtede Malte à fin d'interven-
tion, l'avait rejetée enraison du fait que le caractère de l'objet de I'inter-
vention faisait que l'intérêt juridique qu'invoquait sonauteur ne pouvait
pas permettre à la Cour d'autoriser cette intervention en vertu de l'ar-
ticle 62 du Statut (C.I.J. Recueil 1981, p. 20, par. 35 ; voir aussi p. 10,
par. 34).
Ainsi donc, ni dans un cas ni dans l'autre, la Cour n'avait à examiner le

problème du lien juridictionnel devant ou non exister entre l'Etat inter-
venant et les Etats parties originaires.
II en est tout différemment de la présente affaire dont l'initiatrice
(l'Italie) s'était inspirée del'expériencedu passéet notamment de l'arrêt
rendu par la Cour en 1981et dans lequel elle avait déclaré : 37 PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. MBAYE)

<<Si, par la présente requête, Malte demandait à soumettre à la
décisionde la Cour son propre intérêtjuridiquepar rapport à l'objet
de l'affaire, eà devenir partie à celle-ci, la Cour aurait sans aucun
doute à examiner immédiatement une autre question. Il s'agit de la
question, évoquée dans les affaires desEssais nucléaires,de savoir si

un lien juridictionnel avec les partiesà l'instance constitue une con-
dition nécessairede l'intervention fondéesur l'article 62 du Statut. ))
(C.I.J. Recueil 1981, p. 18-19,par. 32.)

Précisémenlt'Italie semblaitbien être dans l'hypothèseenvisagéepar la
Cour dans son arrêt.
Jugeons-en par les citations ci-après extraites de la requête :

l'Italie demande à participer à l'instance dans toute la mesure
nécessairepour luipermettre de défendrelesdroits qu'ellerevendique
sur certaines zones revendiquées par les Parties et de préciser la
localisation de ces zones, compte tenu des revendications des deux
Parties principales et des arguments avancés à l'appui de ces reven-

dications,de sorte que la Cour soit aussi complètementinforméeque
possiblesurla nature etlaportéedesdroitsde l'Italiedans leszonesde
plateau continental concernées par la délimitationet qu'elle soitainsi
en mesure de prendre ces droits dûment en considération dans sa
décision. (Requête àfin d'intervention du Gouvernement de l'Italie,
par. 16.)

Et au paragraphe 17de cette mêmerequête,il est précisé :

11va sans dire - mais il vaut mieux que ce soit dit expressément
afin d'évitertoute ambiguïte - que le Gouvernement italien se sou-
mettra, une foisadmis à intervenir,à la décisionque la Cour voudra
prendre au sujetdes droits revendiqués par l'Italie, en pleine confor-
mité avecles termes de l'article 59 du Statut de la Cour. t)

D'ailleurs dans leurs plaidoiries, principalement au cours des audiences
des25,26 et 30janvier 1984,les conseils de l'Italie ont clairementindiqué
que l'Italieentendait devenir(<partie intervenante ))aveclesconséquences

juridiques que celacomporte.Jereviendraisurcetteexpression de (<partie
intervenante )).
Dans la présente affaire la Cour se devait donc, à mon avis, d'aborder
nettement la question <<de savoir siun lienjuridictionnel avecles parties à
l'instance constitu[ait] une condition nécessairede l'intervention fondée
sur l'article62du Statut D.Nul neseraitfondé à leluireprocher.Jeregrette
qu'elle ne l'ait pas fait.
Par ailleurs,je ne suis pas convaincu que l'intervention de l'Italie relève

d'une << catégorie qui ne saurait être admisepar la Cour ))quand on ne
considèrequel'objet dela requêteitalienneet lesexigences,en l'espèce, du
principe du consensualisme, cequi,encoreunefois,nous ramène au <<lien
juridictionnel ))dont l'absenceest en fait cequiestreproché à l'Italie. Pourarriver àsaconclusion, la Cour a recherchédans lesdétailsde laprocédure
orale tout cequi pouvait rappeler une tentative par l'Italied'introduire un
nouveau différendpar le biais de l'intervention (par. 33). Elle a ensuite
analysél'article 62de son Statut et a abouti à <<deux interprétations ))
qui, selon elle, <ont l'une et l'autre pour résultatnécessaired'obliger la
Cour à rejeter la demande d'intervention de l'Italie (par. 34, 35, 36,

37 et 38).
Interprétant les déclarations desconseils de l'Italie, la Cour croit y voir
qu'il lui est demandéde statuer sur les droits de l'Italie. Pour elle :

<<si,sur leplan formel, l'Italie lui demandede sauvegarder sesdroits,
sarequête apour effet pratique inéluctabled'inviter la Cour à recon-
naître ceux-ciet, pour cefaire,à statuerau moinspartiellement sur les
différendsentre l'Italie et l'une des Parties ou les deux (par. 29).

Elle en a déduit que :

<<sil'Italieétaitadmise à intervenir dans laprésenteprocédure envue
de poursuivre l'objet qu'elle-même a dit vouloir rechercher, la Cour
serait appelée,pour donner effet à l'intervention,à trancher un dif-

férend,ou un élémend te différend,entre l'Italie et l'une oul'autre des
Parties principales, ou les deux ))(par. 31).

Selon elle, un litige supplémentaire O ne peut êtreporté devantelle par
voied'intervention (par. 37 infine). Tout ensouscrivant pleinement à cette
déclaration,je doute qu'elletrouvesonapplication dans laprésente affaire
et soit justifiéepar la demande d'intervention de l'Italie.
La Cour pour appuyer sa position dit que :

Rien dans l'article62n'indique que ce texte ait étéconçucomme
un autre moyen de saisir la Courd'un litige supplémentaire - matière
qui relèvede l'article 40 du Statut - ou comme un moyen de faire
valoir les droits propres d'un Etat non partie à l'instance))(par. 37).

Ainsi elle ne dit pas que l'article 62 interdit l'intervention d'un Etat
(<non partie ))Pour ma part, je pense qu'il lepermet et qu'en l'espèce
l'Italie étaitdans la situation d'un <<intervenant non partie D.
Pour arriver à cette conclusion je vais essayerà mon tour d'interpréter
l'article 62du Statut de la Cour et de me demander ensuite dans quelle
(<catégorie )>entre véritablement l'intervention de l'Italie eu égard à son
objet.
Sil'article 62ne constitue pas <une exceptionauxprincipes fondamen-

taux à la base de la compétencede la Cour, dont << en premier lieu le
principe du consentement, mais aussi lesprincipes de réciprocitéetd'éga-
litéentre lesEtats )(par. 35),ilpermet néanmoinsune intervention limitée insistant tout particulièrement dans cette opinion, avec toutefois une
réservequant à l'application du principe au cas de l'Italie.

En vain soutiendrait-on, comme on l'adéjàfait,notammentau cours de
la procédureorale, qu'en acceptant lajuridiction de la Cour les Etats qui
ont initié l'affaire acceptent son Statut et notamment l'article 62. Ce
raisonnement est critiquable à plus d'un titre.
On peut tout d'abord lui objecter que leconsentement desEtats dans le
procèsinternationalne doit pas êtreprésumé.Il doit êtresans équivoque.
LaCour a eu raison de rappeler << leprincipe fondamentalqui veut que la
compétence de la Cour pour connaître d'un différend et le trancher
dépendedu consentementdesparties à celui-ci)(par. 34)etd'affirmer que

<la reconnaissance de la compétenceobligatoirede la Cour constitue une
modalitéimportante de la libertéetde l'égalité desEtats dans le choix des
moyens de règlementpacifique de leurs différends ))et qu'une exception
aux principes fondamentaux à la base de sa compétence<< ne se présume
pas et doit êtrenettement et expressémentformuléepour êtreadmise )>
(par. 35). Or dire que le consentement des parties principales résulte de
l'article 62du Statut c'estleprésumer etlaisser subsister un doutedans un
domaine aussi fondamental que le consensualisme. Il ne sert à rien en
l'espèced'invoquerl'interprétationfort libéraledonnéeparune partiede la

doctrine à l'article 63 et reprise par un conseil de l'Itaàil'audience du
25janvier 1984.En effet, l'article 63concerne un cas où 1'Etatintéressé
n'est pas partie au différend.Précisémenti,l illustre une des situations où
1'Etatintervenant n'a pas à faire la preuve de l'existenced'un lienjuridic-
tionnel. Son intérêtd'ordrejuridique est présumé etil n'est pas partie au
différendpuisque le Statut limite son intervention àl'indication de son
interprétation de la convention multilatérale en cause. Il ne formule ni
demandeni défense.Il se contente d'informer la Cour. Il n'ya donc pas à
faire la preuve d'un lienjuridictionnel avec les parties. Dans un tel cas, la
Cour n'a pas à rechercher si oui ou non l'Etat requérant est dispenséde

faire la preuve de l'existenced'un lienjuridictionnel. Mais, selon moi, ce
n'est pas le seul cas possible. D'autres cas similaires peuvent se présenter
aveclesmêmes caractéristiques,la seuledifférencerésidandt ans lefait qu'il
ne s'agitpas de l'interprétation d'une convention. Ces cas-là, l'article 62
doit permettre, contrairement à l'avis de la Cour dans le présent arrêt
(par. 37), de leur apporter une solution comparable à celle que prévoit
l'article 63du Statut. Mais alors que dans les cas où s'applique l'article 63
l'intérêdt'ordre juridique est présumé etqu'il résultedu fait que 1'Etat
intervenant a <participé ))àlaconvention à interpréter,dans lesautres cas
l'Etat intervenant doit faire la preuve de son intért'ordrejuridique et il

appartient à la Cour de décider.

On peut en second lieu reprocher au raisonnement dont il est question
plus haut de partir d'une prémisse fausse.En effet, on fait comme si
l'existence de l'article 62 signifiait qu'un lienjuridictionnel n'est pasnécessaireet que les Etats le savent au moment ou ils introduisent leur
requête.Or c'est précisémentce qui est discuté.
Je partage donc entièrement l'avis de la Cour quant à la nécessité
d'établir un titre de compétence àmettre à la charge de 1'Etatintervenant

qui introduit un différend devant la Cour par lebiaisdel'article 62 de son
Statut. Mais il faut qu'il y ait un différend supplémentaire.
Surlabase de cetteremarque, je vaismaintenant essayerde donner mon
interprétation de l'article 62 du Statut afin de mieux éclairerma position
par rapport au problèmedu lienjuridictionnel devant ou non exister entre
l'intervenant et les Partiesau différenddans laprésenteaffaire.Dans cette
entreprise, je ne crois pas qu'une étude sur les travaux préparatoires
effectuésen 1920et en 1945par les deux comitésdejuristes qui ont eu à
rédigerles projets de statuts des deux Cours puisse être d'un secours
décisif.Comme la Cour (par. 45),je crois mêmeque <<la discussionsur ce
point n'apas progressé o.J'aiaussila mêmeimpressiond'inutilité pratique
s'agissant des travaux préparatoires de la Cour permanente de Justice

internationale et dela Cour internationale de Justice en cequi concernela
rédactionou l'amendement de leurs règlements respectifs.
Revenant donc à l'article62,paragraphe 2,du Statut, je pense qu'ildoit
être interprété le plus ordinairementpossible, donc dans le sens de : la
Cour tranche les questionsde droit qui seprésentent, et celadans tous les
cas. Il me semble alors que l'article 62, paragraphe 2, traite non de la
compétencedela Courmaisde sespouvoirs. Il faut distinguer à propos de
l'article 62 du Statut trois notions qui sont voisines et se chevauchent
parfois maisne seconfondent pas en l'espèce. Il s'agitde la saisinequi est
l'objetduparagraphe 1del'article62,despouvoirsdela Cour,queprévoitle
paragraphe 2, et de la compétence,qui n'est pas abordée dans les dispo-

sitions de cet article, parce qu'elle a son siègeailleurs.

La saisinenormale de la Cour est prévuepar l'article 40, paragraphe 1,
du Statut. Pour moi, l'article 62,paragraphe 1,déroge à l'article 40,para-
graphe 1,enprévoyantunesaisinespécialeencasd'intervention, etrien de
plus.
S'agissant de la compétence, l'article 62 n'en parle pas. Son siègese
trouve dans l'article 36 du Statut. N'est-il pas significatif que si l'Italie,
aprèsavoirétéadmise à intervenir,faisait défaut (cequithéoriquementest
parfaitement possible)et silaLibyeetMaltedemandaient àlaCourdeleur
adjugerleursconclusions, celle-ciaurait l'obligation de s'assurerqu'elle est
compétente auxtermes des articles 36 et 37 ?En effet, c'estce que décide

l'article 53 du Statut qui prévoi:

<<1. Lorsqu'unedespartiesneseprésentepas, ou s'abstient defaire
valoir ses moyens, l'autre partie peut demander à la Cour de lui
adjuger ses conclusions.
2. La Cour, avant d'y faire droit, doit s'assurer non seulement
qu'elle a compétenceaux termes des articles 36 et 37, mais que les
conclusions sont fondées en fait et en droit.)) L'article 53 ne parlant que des articles 36 et 37, comment la Cour aurait-
elleréussià se sortir de cette situation si elle avait au préalable déqueé
l'Italie pouvait être <intervenant-partie sans avoir à établir un lien
juridictionnel avec la Libye et Malte ? Certainement pas en se référant à
l'article62 en raison du fait que l'article53emploie l'expressionqu'ellea
compétenceaux termes des articles 36 et 37 ))et qu'il ne mentionne pas
l'article 62.
L'article62du Statutneditpas enquoidoitconsisterl'intervention qu'il
prévoit. Illaissàla Cour, par sonparagraphe 2,lepouvoir de décider,non

par (une sorte de pouvoirdiscrétionnaire lui permettant d'accepter ou de
rejeter une requêteà fin d'intervention pour de simples raisons d'oppor-
tunité», comme l'a dit la Cour (C.I.J. Recueil 1981, p. 12, par. 17), et
comme elle vient de le repéter(par. 12),mais sur la base de motifsjuri-
diques. Il appartient donc à la Cour de donner à l'institution de l'inter-
vention un contenu, tout en respectant pleinement son Statut. Pour des
raisonsde bonne administration de lajustice, l'article 62permet àun Etat,
quiremplit la condition qu'il prévoit, de saisir la Cour et d'intervenir dans
une affaire déjàliée. Maisla situation que prend cet Etat dans l'affaire

dépendde lui. Et la Cour a alorslepouvoird'en déduireles conséquences
juridiques qui s'imposent. La Cour précisebien que :
<<la portée desdécisionsde la Cour est définiepar les prétentions ou
conclusionsdesparties ;dans lecas d'uneintervention, c'estdoncpar

rapport à la définition de l'intérêd t'ordre juridique et de l'objet
indiquépar 1'Etatdemandant à intervenir quela Courdevrait juger si
l'intervention peut ou non être admise >)(arrêt, par.29).

Ainsi sil'Etat tente d'entrerdans l'affaire tout en s'abstenant desoumettre
à la Cour ses propres prétentions, il se place délibérément en dehors de
l'article 62. C'est ce que la Cour a été amenée à dire à l'occasion de
l'intervention de Malte dans l'affaire du Plateau continental (Tunisiel
Jamahiriya arabe libyenne), requêtd ee Malte à fin d'intervention, arrêt
(C.I.J. Recueil 1981, p. 20-21, par. 34-35). Si par contre 1'Etat tente
d'utiliserla procédureprévue à l'article62pour faire trancher par la Cour
un différend, il aspireà devenirpartie et doit éventuellement apporter la
preuve de l'existence d'un lienjuridictionnel entre lui et les parties prin-

cipales.
Entre ces deux cas, il y a place pour une situation intermédiaire ou
l'intervenant n'estpasunepartie. Rien dans leStatut, notamment dansson
article 62,n'interdit une telleinterprétation del'intervention.A cettefaçon
de voir, consistant en la distinction entreune demandefaite à la Cour de
tenir compte de sesintérêtd s'ordrejuridique ou de les sauvegarder et une
demande tendant à ce que la Cour reconnaisse ou définisse les intérêts
juridiques de l'intervenant (<ce qui reviendrait à lui soumettre un autre
litige))la Courdénietoutevaliditédans la <perspective de la tâcheque le

compromis ))lui assignedans la présenteaffaire(par. 32).Jereviendrai sur
cette question. A mon avis, l'intervention est avant tout une règlede bonne adminis-
tration de lajustice. Elle s'inscrit dans le cadre de la politique de large
éclaircissementdes circonstancesqui entourent une affaire portée devant
la Cour au contentieux ou mêmepour consultation, et que traduisent
notamment lesarticles40et 65du Statut. Ellepermet à laCour d'élargirles

données du problème qui lui est soumis, de rendre une décision dans de
meilleuresconditionsd'information etpar la mêmeoccasion d'éviter,dans
une certaine mesure, les conséquences nécessairesmais somme toute
gênantesde l'autoritérelative de la chosejugée.C'était d'ailleurslà son
unique objet avant que ne soit adoptéle Statut de la Cour permanente
deJusticeinternationale (voir notamment l'article 64 de la conventiondu
18octobre 1907pour lerèglementpacifiquedesconflitsinternationaux) :
apporter à l'arbitre une information supplémentaire sur l'objet du litige.
L'intervention a permis ensuite (article 62 du Statut) de répondre à des
demandes qui ne figuraient pas dans l'acte introductif d'instance. Le
législateura toutefois exigéque l'information que 1'Etatintervenant ap-
porte dans ce cadre soit de nature spéciale. Elledoit consister en la spéci-

fication d'un intétêtd'ordre juridique impliqué dans le différend. Cela
résultedelaformuledel'article 62du Statut qui, selonmoi, exigepour que
l'intervention puisse êtrenon pas introduite, mais admise, que l'Etat
démontre(souscontrôle de la Cour)que, dans le différenden cours, il a un
intérêt d'ordre juridiqueen cause >)Et c'est encore une fois là que se
trouveladifférenceavecl'article63quiprésumequel'Etat intervenant aun
intérêt.Ainsi on a d'abord permis l'intervention dans le cas où 1'Etat
intervenant a un intérêt évidentd'ailleursprésum et qu'iln'estpas partie.
Il secontente alorsdedonner àla Cour uneinformation consistant en son
interprétation de la convention multilatérale à laquelle il est partie et qui
esten discussion(art. 63).Puis on aétendul'intervention aucasoù ilya un
intérêt à prouver (art. 62). Si cette preuve est faite, il y a alors deux
possibilités:

1) 1'Etatintervenant veut être partie et formule une demande. Il doit être
considérécomme une partie et prouver le lienjuridictionnel qui le lie
aux autres parties ;
2) 1'Etatintervenant se contente d'informer la Cour sur sesdroits et nous

nous trouvons dans le mêmecas que l'article 63. Il n'a pas à prouver
l'existence d'un lienjuridictionnel avec les parties.

Il y a donc selon moi deux catégories d'intervenants : l'intervenant-
partie et l'intervenant-non partie. C'est la thèse défendue en d'autres
termes par l'Italie.

Cette interprétation de l'article62du Statut de la Courpermet de mieux
expliquer certaines dispositions du Règlement de la Cour.

En premier lieu, ellerend l'article 81,paragraphe 2 c),du Règlementde laCour,selon lequel larequête à fin d'intervention spécifie((toute base de
compétencequi,selon1'Etatdemandant à intervenir,existerait entre luiet
lesparties O,tout à fait compatible avecles dispositionsdu Statut, notam-
ment l'article 62.On a soutenufortjustement que le Règlementn'apas pu
ajouter au Statut, en imposant à l'Etat intervenant des conditions que ce
Statut ne prévoit pas.Dans l'optique de l'interprétation proposée, cette

objectiontombe puisqu'il faut comprendre la phrase :(<la requête ..spé-
cifie:c)toutebasedecompétence lqui,selon 1'Etatdemandant à intervenir,
existerait entre lui et les parties comme destinée àpermettre à la Cour de
pouvoir vérifierdans les cas oùc'est nécessaire,la réalitéde la base de
compétence devant exister entre l'auteur de la requête à fin d'interven-
tion et lesparties. Il semble que ce soit bien là lecas que la Cour prévoyait
en 1981quand elle déclarait, à propos de l'origine de l'article 81, para-

graphe 2 c), qu7((il s'agissait de faire en sorte que, quand la question se
poserait effectivement dans un cas concret, la Cour dispose de tous les
élémentséventuellementnécessaires à sa décision j)(C.I.J. Recueil 1981,
p. 16,par. 27).

En second lieu, il apparaît que cette interprétation permet d'expliquer
tant l'existenceque la forme du paragraphe 2 c) de l'article 81 du Règle-

ment. En effet si l'on admet que le lienjuridictionnel n'estjamais néces-
saireà l'admission de l'intervention, on ne comprend plus assurément à
quoi sertl'article 81,paragraphe 2 c).Si àl'opposé l'on affirmequ'un lien
juridictionnel est toujours nécessaire à l'admission de l'intervention, on
éprouvedes difficultés à expliquer la forme <(toute base de compétence lj)
employéedans cet article,alors surtout quel'article 38 dece même Règle-
ment, en traitant desmoyens dedroit quifondent lacompétenceinitialede

laCour,emploie l'expression (<lacompétence delaCour j)On nepeutpas
soutenirsansrisquedenepas convaincre que cettedifférenceentre <<toute
base de compétence ))et (la compétence )>n'a aucune importance ou n'a
pas étévoulue.
En troisième lieu, cette interprétation justifie l'existence du para-
graphe 2 b) de l'article 81 du Règlement qui, mettant à la charge de
l'intervenant l'indication de l'objet de sa requête, permet à la Cour, in

limine litis, de savoir de quelle manière1'Etatintervenant entend exercer
sonintervention (partie ou non-partie). Il y a un lien entre l'exigenced'un
lien juridictionnel et l'exigence de l'indication de l'objet de l'interven-
tion.
Cette interprétation a aussi le mérite de respecter le principe de la
juridiction facultativepuisque,chaquefoisque l'Etat intervenantest partie
au procès, donc quand l'intervention soulèveun différend,il lui faudra,

pour que son intervention puisse êtreadmise, apporter la preuve du lien
juridictionnel qui existe entre lui et les parties principales. Par contre,
quand l'intervention selon la volontéde 1'Etattiers n'a pas pour objet de
souleverun différendetde constituer 1'Etatintervenant enpartie,la preuve

'Les italiquesont de moi.

45 d'un lienjuridictionnel n'est pas nécessaire. Et dans cette dernière hypo-

thèselesEtats partiesn'ont pas à seplaindre puisqu'on ne leur imposepas
d'êtreen différend avec un autre Etat, dans le sens de l'article 36
du Statut. Le principedu consentement des Etats ne seraitdonc pas violé.
La seule obligation faite aux Etats parties serait (comme dans le cas de
l'article 63) de tolérerla présence d'unEtat tiers. Cela me paraît juste et
normal. Les Etats qui ont pris l'initiative de porter devant la Cour une
affaire en vue d'une décisionsusceptiblede porter atteinte aux intérêts
d'un Etat tiers(et qu'ilslefassentenconnaissance de causeoudebonnefoi
n'y change rien) n'ont pas plus de mérite à êtreprotégéscontre lajuri-

diction obligatoireque 1'Etattiers lui-même.D'ailleurs, l'Etat tiers n'est
pas présentau procèspour formulerdesdemandescontre lesparties, mais
pour informerlaCouret éviterque celle-ci,par sadécision,porte atteinte à
ses intérêtsindividuels, directs et concrets.

Cette interprétation a enfin comme avantage de permettre de ne pas
solliciter l'article62 du Statut de la Cour en luifaisant dire ce que,pour le
moins, il ne dit pas clairement. Elle permet de dispenser d'avoir recoursà
l'argument tendant àvoir dans cette dispositionune attribution de com-

pétence àla Cour ou une dérogationau principe du consensualisme. Ainsi
on lui restitue sa véritable fonction qui est procédurale et qui consiste
seulement à prévoirunefaçon autre de saisirla Courpar l'intervention. Il
se situe donc au niveau des règlesde saisine et non des règlesde compé-
tence. On laisse ainsi à d'autres dispositions du Statut et àla Cour elle-
mêmele soin de réglerles problèmesque posent d'une façon généraleles
différents aspects de la procédure d'intervention et singulièrement la
question du lienjuridictionnel.
Il y aurait, commeje l'aidéjàdit, deux sortesd'intervenants : 1'(inter-

venant-partie ))et l'(i<tervenant-non partie )).
Dans les deux cas, 1'Etatintervenant doit démontrer qu'il a un intérêt
d'ordrejuridique, que cet intérêe tst pour lui en cause et que la source de
cetteimplication estdans ledifférend(laCourétantchargéede vérifierque
ces conditions sont ou non remplies).

Un Etat (<intervenant-partie ))doit en outre apporter la preuve de la
base de compétencequi existe entre lui et les autres parties, tout comme
dans une affaire ordinaire.

Un Etat (intervenant-non partie )>par contre n'a pas à apporter cette
preuve. Lebut qu'ilpoursuit en collaborant àunebonneadministrationde
lajustice est d'informer la Cour sur la réalitédes droits qu'ilprétendavoir
et quisonten cause dans ledifférend à telpoint quela décision àintervenir
risque deleurporter atteinte. Mais cefaisant, 1'Etatconcernéne demande
pas à la Cour qu'elleluiattribue tel droitdéterminé.Il ne demande pas non
plus quesoit mise àla chargedesparties telle obligation. Le but poursuivi
est simplement que la Cour, pleinement informée de la réalitéet de la

consistance des droits de cet Etat tiers, en tiennecompte dans la décision
qu'elleestamenée à prendre. Dans une tellehypothèse,laCour n'estpasdu tout condamnée àreconnaître ou àrejeter en totalitéou en partie lesdroits
del'intervenant. Et rien dans laprésenteaffairenel'empêchaitde veiller,si
l'intervention était admiseà cequecesdroits nesoientpas affectés.Ilreste
toutefois bien entendu que toute décision sur les points soulevéspar
l'intervention s'impose à l'intervenant comme dans le cas prévupar l'ar-
ticle 63 du Statut.

Souscet éclairage,l'article63 apparaît bien, ainsi queje l'aidit, comme
un cas privilégiéd'intervention où l'intervenant est ((non partie ))du fait
mêmedu Statut et est dispenséde faire la preuve de son intérêt,celui-ci

étantlégalementprésumé.Il se contente d'informer la Cour sur soninter-
prétation de la convention et n'a pas à apporter la preuve d'un lienjuri-
dictionnel l'unissant aux ~arties.
Certes, onpourrait objecter à l'interprétation ainsiproposéeettendant à
admettre l'existenced'une intervention dont l'auteur est non partie d'être
inutile, puisqu'en vertu de l'article 59 du Statut la décisionde la Cour à
l'égardde tout Etat tiers, et singulièrementde l'Italie en l'espèce,est res
inter alios acta. Un conseil de l'Italie n'a pas manqué de remarquer
que :

(<si l'article 59 fournit toujours une protection suffisante aux Etats
tiers et si la protection qu'il donne est telle qu'elle empêcheque
l'intérêt de1'Etattiers soit réellement encause dans une affairepen-
dante, alors ..l'article 62 n'a plus aucune utilité, ni aucun champ
d'application )(audience du 30janvier 1984,matin).

Contre l'objection tendant à minimiser le rôle de l'article 62 en raison de
l'existencede l'article59du Statut dela Cour,troisargumentspeuventêtre
soulevés.
Le premier argument est que l'objection tend à s'opposer à l'existence
mêmede l'article 62 du Statut, ce qui ne peut être accepté.

En second lieu, cette objection est inconciliable avec l'existence de
l'article 63 du Statut sur la portée duquel il ne semble pas y avoir de
controverses. Dans les cas viséspar l'article 63 aussion pourrait invoquer
le fait que l'article 59 protège déjàassez lesintérêtsde 1'Etatintervenant.
D'ailleurs, dans la conventionprécitée du18octobre 1907,l'intervention
semble êtredestinée, au moins en partie, à tempérer l'effet de l'autorité
relative des sentences arbitrales, en élargissant le cercle des Etats que la
décisionlierait.
Letroisièmeargumentest liéauprincipe d'unebonne administration de
lajustice. Quand un Etat tiers ne prend aucuneinitiative,bien quesachant

que ses intérêts soient en cause dans un différend, ilest protégépar l'ar-
ticle 59. Mais cela ne lui ôte pas le droit que lui reconnaît l'article 62
d'intervenir pour protéger ses droits. Si ces droits lui paraissent si impli-
quésdans le différendqu'il devrait intervenir pour les sauvegarder,et s'il
use de cette faculté, nul ne peut lui reprocher cette diligence. C'est
approximativement ce qu'exprime la Cour dans son arrêt (par. 42). D'ail-
leurs il peut s'agir d'une situation dans laquelle l'article 59 du Statut ne 47 PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. MBAYE)

protège les intérêts de1'Etatqu'imparfaitement, eu égard à la nature des
droits en cause et des suites possibles de la décision de la Cour. Il y a en
effet des circonstancesoù la décisionde la Cour pourrait porter un pré-
judice irréparable à un Etat tiers. C'est par exemple le cas où la décision

est attributive de droits concrets au profit de l'une ou de l'autre des
parties.
Je n'ai pas repris ici l'argument que la Cour semble adopter en l'em-
pruntant à un conseil de l'Italie et selon lequel l'utilitéde l'article 62
résulterait notamment du fait qu'une requête à fin d'intervention permet
de réaliser <une économieprocédurale de moyens (l'expression telle
qu'elle figure au paragraphe 42 est de la Cour). C'est parce que si je

comprends que, comme le soulignent beaucoup d'auteurs, l'intervention
constitue dans lapratique du droit processuel des Etats une (économiede
procédure ))dans la mesure où elle permet à un plaideur d'épouser les
moyens d'une partie dans un procès déjàengagéou à un demandeur de
mettre en causeun ou plusieursdéfendeurs en usant des mêmesmoyens et
au cours de la mêmeprocédure,par contre je vois mal en quoi, dans la
procédure suivie devant la Cour, la soumission d'une requête àfin d'in-

tervention est une (économieprocédurale de moyens )).Car l'Etat qui
intervient soit se contente d'informer la Cour sur ses intérêts juridiques
sans se constituer partie, soit il introduit un différend devant la Cour et
devientpartie. Dans lepremiercaslaprocédure sur lefond est à entameret
dans le second cas l'intervenant devrait initier une procédure contre l'une
ou l'autre des parties principales. La Cour, sans rejeter la distinction que

fait l'Italie entre

(<une demande faite àla Cour de tenir compte de sesintérêts d'ordre

juridique ou de les sauvegarderet une demande tendant à ce que la
Cour reconnaisse ou définisseses intérêts juridiques,ce qui revien-
drait à lui soumettre un autre litige )),

estime qu'elle n'estpas valable (<dans la perspective de la tâche que le
compromis [lui] assigne D.Cela revient à dire que la nature du différend
soumis à la Cour vide de son intérêt toute distinctionentre un ((interve-
nant-partie ))et un (intervenant-non partie )).C'est ce qui résulte du
paragraphe 32de l'arrêt.La Cour spécifieque si elle doit remplir la tâche
que lui confie le compromis,

(<et sauvegarder en mêmetemps les intérêts juridiquesde l'Italie
(au-delà de ce qui résulterait automatiquement, comme on le verra
plusloin,del'application de l'article59du Statut), alors, en indiquant

jusqu'où les Parties pourront prolonger leur délimitation purement
bilatérale,elle devra tenir compte, autant qu'il sera besoin, de l'exis-
tence et de l'étendue des prétentions italienneso.

Il me semble que c'est bien là le but de l'intervention d'un Etat non
partie. Il était difficiledelerésumerpar une meilleure formuleetje ne vois rien dans le cas de la présente affaire qui pourrait empêcher la Cour
d'appliquer cette formule.
Rien par ailleurs n'empêchaitla Cour, une foisl'intervention de l'Italie
admiseet unefoisque celle-ciaurait exposésesprétentions et indiquépar
quels motifs elle entendait lesjustifier, de rendre un arrêtqui n'en recon-
naîtrait la validité ni expressémentni tacitement, mais qui se bornerait
précisément à éviterde leur porter atteinte.
Dans ce cas leprincipe du consensualisme ne seraitpas violéetje pense
en conséquencequ'on ne pourrait exiger de l'intervenant qu'il apporte la

preuve d'un lien juridictionnel entre lui et les Etats parties au diffé-
rend.
En dehors d'une doctrine écartant à priori toute possibilitéderecours à
l'intervention dans lecadre d'un procès relatifàcertainesmatières(et que
pour ma part je ne partage pas), c'est de cette façon que l'article 62 peut
permettre de sauvegarder lesdroits d'un Etatnon partie au différendobjet
d'une instance, au-delà des garanties que procure l'article 59.

L'Italie était préciséments,elon moi, dans la catégoriede 1'Etat non

partie. Son intervention était limitée la fourniture d'informations sur ses
droits.
Certes la Libye et Malte se sont opposées à l'admission de la requête
italienne en invoquant l'absence de lienjuridictionnel entre l'Italie et les
Parties originaires.
Mais cette opposition à elle seulen'est pas déterminante. Elle n'est pas
suffisante à rendre la requêteirrecevable. Elle n'est certes paà négliger.
Mais elledoit seulement servir àla Cour à apprécierles circonstances de la
cause.D'autres éléments del'affairepourraientjouer le même rôle. C'est ce
qu'exprime la Cour fort justement (par. 46).

Dansla présente affaire,il convenaitsurtout, comme l'a fait la Cour, de
se concentrer sur l'objet de la requête afinde savoir sil'Italie a entendu
soumettre l'ensemblede sesprétentions àla Cour en vue d'une décisionet,
se constituant partie, subir l'effet obligatoire de cette décision. Maisje
crois qu'il fallait aussi se demander si, au contraire, l'Italie, exerçant son
intervention comme non-partie, aspirait tout simplement à informer la
Cour sur la consistance de ses droits, lui demandant seulement dans sa
décisionde s'abstenir d'yporter atteinte. Il s'agissait d'analyser de façon
concrètela position de l'Italie en se reportanà la foisà sa requêteet à la
procédure orale et ce, sans s'arrêter auxseules expressions utiliséesmais

aussi et surtout sans déformer l'objet précisde la demande àfin d'inter-
vention. En effet la Cour a eu raison de rappeler qu'il lui appartient,
comme elle a déjàeu à le déclarerdans les affaires des Essais nucléaires,
d'apprécierl'objet dela demande (par. 29).A cet égardilneme paraît pas
déterminant que les conseils de l'Italie aient indiqué que l'Italie est une
((partie intervenante ))Je pense que la distinction à faire se situe a l'in-
térieurde l'intervention, entre'Etatpartie et 1'Etatnon partie. Je parlerai
plutôt non pas de ((partie intervenante ))et de partie D, mais plutôt
d'( i<tervenant-partie et d'~intervenant-non partie D.Il convenait doncd'interpréter la position italienne afin de savoir si, en l'espèce,la requête

pouvait êtreadmise en dépitde l'absence d'un lien juridictionnel.

A cet effet, il est utile de comparer la requêtà fin d'intervention de
Malte à l'occasion de l'affaire du Plateau continental(Tunisie/Jamahiriya
arabe libyenne) à celle qui està l'origine de la présente affaire. Dans sa
requêteMaltesecontentait, aprèsavoir soulignéqu'ilétait (impossible de
déterminersi un intérêd t 'ordrejuridique de Malte sera en fait affectéou
non par la décision ))(requête, par. 4), de demander à la Cour de lui
permettre d'exposer <ses vues ))sur les questions théoriquesqui devaient
êtresoulevéesau cours de l'instance. Elleprécisaitque son objectif n'était

Pas
<<d'obtenir, sous couvertou au cours d'un intervention dans l'affaire
Tunisie/Libye,un prononcéou une décisionquelconque dela Courau
sujet des limites de son plateau continental par rapport à ces deux

pays ou àl'un d'eux ))(ibid., par. 22).
Mais elle n'allait pas au-delà.
Devant une telle requête où l'intervenant n'a invoqué aucun intérêt
individueldirect et concret,età l'occasionde laquelleil cherchait simple-
ment à exposer <<ses vues))sur des principes et des règlesde droit inter-

national tels que ceux énumérés au paragraphe 13 de ladite requête, la
Cour n'avait pas d'autre possibilitéquede constater que les conditions de
l'article 62 du Statut n'étaient pasremplies.
Il està ajouter à ce qui précèdeque dans sa requête Malten'avait pas
déclaréqu'elleentendait sesoumettre à l'effetobligatoirede la décisionà
intervenir, mêmesi cette lacune avait été combléependant la procédure
orale. Tout se passait en définitive comme si Malte offrait d'informer la
Cour par des considérationsthéoriquessansaccepter que sa situation soit
affectéepar ce que la Cour déciderait. C'est donc, àmon avis, trèslégi-
timement que la Cour a rejetésa requête.

S'agissant de la requêtede l'Italie, elle commence par accepter de sou-
mettre ses intérêtsjuridiquesà la Cour pour que celle-ci les apprécieà la
lumièredes articles 62de son Statut et 81 de son Règlement. Mais ily est
préciséc,ommepour Malteen 1981,que l'intervenant nedemandepas que
la Cour procède àla délimitationde son plateau continental. Cette idéea
été amplement développéeau cours de la procédure orale. Et c'est préci-
sémentsur ce point que je ne partage pas l'avis de la Cour qui pense le
contraire (par. 31). Pour l'Italie, l'objet de son intervention est d'assurer
devant la Cour

<la défensede son intérêt juridique de sorteque ces principes et
règleset, surtout, la méthode pratique de les appliquer ne soient pas
déterminéspar la Cour dans l'ignorance et au détriment de cet
intérêtr).

Par ailleurs, l'Italie déclare dans sa requêtequ'elle demande (à participer à l'instance dans toute la mesure nécessairepour lui
permettre de défendre les droits qu'ellerevendique sur certaines des

zones revendiquéespar les Partieset de préciserla localisation de ces
zones, compte tenu desrevendicationsdesdeux Partiesprincipaleset
desargumentsavancés à l'appui de cesrevendications, de sorte que la
Coursoitaussicomplètementinforméequepossible surlanatureet la
portée des droits de l'Italie dans les zones de plateau continental
concernéespar la délimitationet quellesoit ainsi en mesure de pren-
dre ces droits dûment enconsidération dans sadécision. )(Requête à
fin d'intervention du Gouvernement de l'Italie, par. 16.)

Et dans leparagraphe 17de cette mêmerequête,l'Italie souligneque la
décisionquela Cour voudra bien prendre au sujet des droits revendiqués
par elle lui sera pleinement appliquée en conformité avec les termes de

l'article59du Statut dela Cour. Cesdéclarationsont étéconfirméep sar les
plaidoiriesdes conseilsde l'Italie quiont précisé àplusieursreprisesqu'une
fois la requête à fin d'intervention admise l'Italie deviendrait partie
intervenante )).
Ainsi, ilapparaît nettement qu'ilya desdifférencesfondamentales entre
la requêtede Malte de 1981 et celle de l'Italie. L'Italie a bien entendu
soumettre àla Cour des prétentions concrètes et accepter sur ces préten-
tions l'effet obligatoire de la décision à intervenir.
On ne pouvait pas en dire autant de Malte en 1981. Cependant à

regarder de près la requête et après avoir entendu les plaidoiries des
conseils de l'Italie, il apparaît que l'Italie n'entendait pas êtrepartie au
procèsdans lesensdu Statut dela Couret dans lesens quej'ai indiqué.Elle
s'estdéclaréeêtre <<partie intervenante ))habilitée à présenter desconclu-
sions. Mais elle s'est expliquéeclairement sur ce qu'elle entend par être
(<partie intervenante o. Ellen'avait pas l'intention de faire valoir sesdroits
contre la Libye et Malte.
L'un de sesconseils a proclamé à l'audience du 30janvier 1984(après-

midi) :
<En matière de droits souverains sur des zones maritimes, faire
valoir des droits signifie faire reconnaître sur quels secteurs géogra-

phiquesdéterminéscesdroits s'exercent.Chacun saitbien que l'Italie
adesdroitssouverainssur deszones deplateau continental s'étendant
au largede sescôtes.Personne ne le conteste. Ce qui est en question,
c'estl'étendue géographique decesdroits, lessurfacessur lesquellesils
s'exercent. Donc ce qui les délimite.
Encoreune fois, l'Italienedemandepas une délimitation deszones
de plateau continental lui revenant. Dans les zones qui resteront en
dehors de la délimitation déterminéepar la Cour entre Malte et la

Libye, la délimitation restera à faire :par négociation et accord, ou
par un autre moyen convenu entre les parties. ))

On ne peut pas êtreplusclair que nel'a étél'ItalieE . llea demandé,nonpas
la délimitation de son plateau continental comme les Parties principalesou, plus exactement, l'énoncé des principes et règlesdevant servir à cette
délimitation,mais seulementqu'il luisoit permis de donner à la Cour des
informations sur l'existenceet la consistance de ses droits sur les zones
concernées afinqu'il n'ysoit pas porté atteinte dans la décision à inter-
venir. Elle ne formulait contre les Parties aucune demande, ne soulevait
contre elles aucune exception. Les plaidoiries des conseils de l'Italie y
compris les extraits citéspar la Cour n'ont pas eu d'autre objet que de
confirmer, avec plus ou moins de bonheur, cette position.
La Courpar contre a cru voir dans certaines d'entre ellesquel'Italie lui
demandait en fait de <(reconnaître [sesdroits]et,pour cefaire, [de]statuer
au moins partiellementsur les différendsentre l'Italie et l'une des Parties

ou les deux H.Pour étayersa conviction la Courcite,notamment au para-
graphe 33 de l'arrêt,les passages suivants des plaidoiries des conseils de
l'Italie:
<<l'Italie demande à la Cour, lorsqu'elle s'acquittera de sa tâche en

vertu du compromis, de
<donner ..aux deux Parties toutes indications utilespour qu'elles
n'incluentpas ',dans l'accorddedélimitationqu'ellesconcluronten
application de l'arrêtde la Cour, des zones qui, en raisonde l'exis-
tence de droitsde l'Italie,devraientfaire l'objetsoit d'une délimita-
tion entrel'Italie et Malte, soit d'unedélimitationentrel'Italieet la
Libye,soit lecas échéand t 'un accord de délimitationentre lestrois

pays (les italiques sont de la Cour) o.
<[l']Italiene désire rienau-delà de ce qui,à travers les procédures
appropriées,sera reconnu lui appartenir en droit )).
<la Cour pourra déciderque dans les zones où elle indiquera aux

Parties principales comment procéder à la délimitationl'Italie ne
peut revendiquer aucun droit ...))
(là oùlaCour,aprèsavoirentendu l'Italie,décideraqu'ilya lieude
procéder à la délimitationentre Malte et la Libye, elle décidera,
implicitement ou expressément,que l'Italie n'a pas de droits dans
les zones concernées,en dépitdes prétentions qu'elle aura éven-

tuellement fait valoir)).
Ces citations ne sont guère convaincantes. On peut en fournir bien
d'autres qui, elles,confirment les termes non équivoquesde la requêteet
qui précisent bienquel'Italie n'entendait pas soumettreun différend à la
Cour etne demandait évidemmentpasqu'ilysoitstatué.Jen'enindiquerai

que quelques-unes :
<L'Italie nevousdemande pas deprocéder à une délimitationentre
elleet Malte ou entre elleetla Libye. L'Italie demandequela Courne
statuepas sur leszones quimettraienten cause sesintérêtsjuridiques.

En mêmetemps, elle se considère engagée, si elleest admise à la

Les italiques sont de moi. présenteprocédure, àreconnaître pleinement lecaractère obligatoire
dela décisionqui sera rendue par la Cour sur tous lespoints soulevés
dans lecadre de sonintervention. (Déclaration de M. Gaja, agentde
l'Italieàl'audience du 25janvier 1984,matin.)
<<Dans la mesure où la Cour s'acquittera de la tâche consistant à
délimiterles étendues sous-marinesen litige entrela Libye et Malte,
ellene peut manquer d'entamer des zones dont l'Italie estimequ'elles

relèvent d'elle envertu du droit international. Les droits de l'Italie
seraientainsiaffectésdirectementet spécialement par le dispositif de
Iadécision.Il enrésulteque,dansla mesure où desintérêtsjuridiques
peuvent se trouver en cause, l'Italie devrait avoir la possibilité de
défendre ses droits au fond. (Exposéoral de M. Arangio-Ruiz à
l'audience du 25janvier 1984,matin.)
<<1. L'Italie ne demande pas à la Cour de déterminer la ligne de
délimitation séparant les zones de plateau continental relevant de
l'Italie des zones relevant respectivement de Malte ou de la Libye.

2. L'Italie ne demande pas davantage à la Cour d'indiquer quels
sont lesprincipes etrèglesde droit international quisontapplicableà
la délimitation des zones du plateau continental relevant de l'Italie,
d'une part, et des zones du plateau continental relevant, d'autre part,
respectivement de la Jamahiriya arabe libyenne et de la République
de Malte, ni comment, dans la pratique, ces principes et règlespour-
raient être appliquésdans le cas d'espèce, afin que les Parties inté-
resséespuissent délimiter ces zones sans difficulté par voie d'ac-
cord.
.............................

4. L'Italie, sisa requêtàfind'intervention est admise par laCour,
en application de l'article 62, paragraphe 2, du Statut, c'est-à-dire
lorsqu'elle aura été autoriséàparticiper à la procédure sur le fond,
définira plus complètementles zones sur lesquelles elle estimeavoir
des droits et développerales raisons de droit et de fait sur lesquelles
reposent ses prétentions. (Exposéoralde M. Monaco à l'audience
du 25janvier 1984,après-midi.)

J'indiquerai aussilespassages suivantsde l'exposéoralde M.Virallyfait
à l'audience du 26janvier 1984 :

(bien qu'elle porte sur des droits concrets et non pas sur l'interpré-
tation de règles ou de principes. ..En d'autres termes, l'Italie ne
cherchepas à faire valoir sesdroits vis-à-visdesPartiàl'instance,ni
de l'une quelconque d'entre elles.
L'objetde l'intervention italienne est beaucoup plus limité.L'Italie
demande seulementque, dans l'énoncédesprincipesetrèglesde droit
international applicables à la délimitation des zones de plateau
continental relevant respectivementde Malte et de la Libye, comme
lorsqu'elle indiquera comment ces principes et règlespeuvent être appliquésdans la pratique par lesParties dans lecas d'espèce, afinde
délimiterceszonessansdifficulté,la Courdonne toutes lesprécisions
nécessairespour que cette lignene soitpas tracéeen méconnaissance
desdroits del'Italieetn'englobepasdans leszonesrevenant à l'uneou
à l'autre des Parties des zones sur lesquelles l'Italie a des droits.

En d'autres termes, l'Italie demande que ne soit pas opéréeune
délimitationentre Malte etla Libye,enapplication deladécisiondela
Cour, dans des secteursoù, en droit, doit prendre place une délimi-
tation entre l'Italie et Malte, ou entre l'Italie et la Libye.

Et mêmedans la partie de plaidoiriecitéepar la Cour aux paragraphes 17
et 33de l'arrêt etci-dessusrappelée,le conseil de l'Italie avait pris soin de
commencer par dire :

(<L'Italie demande à la Cour, lorsqu'elle s'acquitterade la mission
qui lui a étéconfiéepar le compromis du 23 mai 1976,c'est-a-dire
lorsqu'ellerépondraaux questions qui lui ont étéposées à l'article 1
dudit compromis, de prendre en considération les intérêtsd'ordre
juridique de l'Italie relatifs des zones revendiquéespar les Parties

principales, ou à certaines parties de ces zones ))
avant de préciser : (<et de donner ..aux deux Parties toutes indications

utiles pour qu'elles n'incluent pas ))etc.
Ces longues citations montrent bien que les conseils de l'Italie ont
simplement essayéde se tenir dans les limites de l'intervention. Il me
semble difficile de leur reprocher d'avoir voulu introduire un différend
devant la Cour et d'avoir demandé à celle-ci de le trancher.
Je sais bien que la Cour a, comme elle l'a rappelé, le devoir ...de
circonscrire le véritable problème en cause et de préciser l'objetde la

demande )(C.I.J. Recueil1974,p. 262,par. 29,etparagraphe 29duprésent
arrêt)et que c'està elle qu'ilappartient de s'assurer du but et de l'objet
véritablesde la demande ))(ibid., p. 263, par. 30, et paragraphe 29 du
présentarrêt).Mais cepouvoir qu'ellesereconnaîtfortjustement n'estpas
discrétionnaire. Il ne sauraitconduirela Cour àfairedire à un Etat cequ'il
s'obstine à refuser de dire. L'Italie a dit et répétqu'elle ne réclamaitpas
une délimitationde son plateau continental. Rien dans les argumentsde
ses conseils ne contredit cette position d'une façon claire et nette.

Bien sûr,l'interventionexigeque 1'Etatqui ya recoursfasselapreuve de
son <intérêd t'ordrejuridique )>c'est-a-direen l'espècequ'ilmontre bien
qu'il possède desdroits qui risquent d'êtreaffectéspar la décisionde la
Cour. Il faut aussi que l'Etat intéress,ans équivoque,fasseconnaîtreson
intention de seplier à ladécisiondela Courdans lamesuredes prétentions
qu'ilaeu àfaireconnaître. Cen'estpas là soumettreundifférend à la Cour.
C'est remplir les conditions qu'exigela procédure d'intervention.

Sentant qu'on pourrait lui reprocher d'avoir déformé l'intention claire-
ment expriméedel'Italie,la Couraffirme qu'<<ilimporte peu que l'Italiese
défendedetouteintention dedemander à laCour de trancherun tellitige >)(par. 31).Maisje ne suispas sûr queleraisonnement que tient la Cour par
la suite (par. 32-37) et les exemples choisis par elle pour démontrer le
contraire aient été convaincants.
Pour moi les arguments développéspar lesconseils de l'Italie etévoqués
par la Cour comme démontrant l'intention de l'intervenant de soumettre
un différend à trancher par la Cour n'ont pas d'autre objet que d'aller au

devant de l'argument qui serait tiré éventuellement du défaut d'intérêt
d'ordrejuridique. Aenjuger parlajurisprudence de laCour,heureusement
fort limitée, c'est unéquilibrebien diffiàiassurerqui est demandé aux
auteurs d'intervention. S'ilsprécisentles droits qui prouvent qu'ilsont un
intérêt d'ordre juridique et demandentqu'il n'y soit pas portéatteinte, ils
encourent le reproche de soumettre un différend à la Cour (présente
affaire). S'ilss'en abstiennent, on invoque contre eux l'absence d'intérêt
d'ordrejuridique (interventiondeMalteen 1981).Ne risque-t-onpas ainsi
de condamner l'institution de l'intervention prévue par l'article 62 du
Statut à la mort par dépérissement ?
Après avoir lu et relu la requêtede l'Italie et les plaidoiries de ses
conseils,j'ai acquislaconviction quel'objetdel'intervention portéedevant

laCourfaisaitdel'Italie un<intervenant-non partie)>L'Italie aprécisles
zones du plateau continental sur lesquelles elle estimait avoir des droits
souverains dont elle demandait la préservation, acceptant d'avance l'effet
de la décisionàintervenir dans la mesure de ce qu'ellesoumettait )à la
Cour àtitre d'information. Elle n'a pas demandéque la Cour délimiteces
zones et reconnaisse les droits qu'elle y posséderait. Ce faisant, l'Italie
a-t-elle commis le tort, dans la perspective où la Cour accéderaità sa
demande, d'envisagerd'ores et déjà,dans les zones que la Cour de ce fait
n'inclurait pas dans sa décision,une délimitationfuture (conventionnelle
oujudiciaire) entre elleet l'une desParties ou avecles d?uJe ne le crois
pas. Par ailleursl'article 62 du Statut de la Cour interdit-il cette interven-
tion limitée? Je ne le crois pas non plus.

En conclusion je crois que la requêtede l'Italie ne pouvait êtreadmise
pour lemotif quej'ai indiquéau débutde cetteopinion. Maisje croisaussi
qu'enconsidérationde sonobjet ellenepouvait êtrerejetéedu seulchef du
défaut du consentement des Parties. La Cour a pensé le contraire sur ce
dernier point. Jeregrette de ne pas êtrede cet avis,bien qu'ayant approuvé
le dispositif de l'arrêt.

(Sign é )ba MBAYE.

Bilingual Content

OPINION INDIVIDUELLE DE M. MBAYE

J'ai votéen faveur du dispositif de l'arrêt parcequeje pense, comme la
majorité des membres de la Cour, que la requêtede l'Italie à fin d'inter-
vention ne (ipeut être admise )).Je me féliciteaussi que l'arrêt aitmis
l'accent sur l'intangibilité du principedu consensualisme tout en donnant

desassurances à l'intervenant sur la sauvegarde de sesdroits (par. 42). Sur
ce dernier pointje pense toutefois que l'arrêt comporte des motifs que la
Courn'était pasobligéede développer à cestade de la procédure,maisqui
participent de son souci légitimede faire bonne Œuvre dejustice dans la
mesure où ils peuvent, ne serait-ce que partiellement, apaiser les préoccu-
pations de l'Italie telles qu'elles apparaissent dans sa requête et dansles

plaidoiries de ses conseils (par. 41 et 43).

Par contreje ne partage pas l'avisde la Cour en cequiconcerne le motif
sur lequel devait être fondée la non-admissionde la requête italienne.

Pourla Cour,l'intervention de l'Italie(relèved'une catégoriequi,surla
base des exposésmêmesde l'Italie, ne saurait être admise (par. 38).

Derrièrecette formule, et malgréla prudence dont la Cour fait preuve en
l'adoptant, je ne peux m'empêcherde voir seprofilerl'ombre du vrai motif
du rejet :(<l'absence de ce que la Cour a appeléen 1981 (iun lien juri-
dictionnelvalable avec lesparties à l'instance )(C.I.J. Recueil 1981,p. 20,
par. 36) ))(par. 1l), en l'occurrence l'Italie d'une part, la Libye et Malte
d'autre part. Ce motif qui ne veut pas dire sonnom apparaît avec netteté,
malgréles précautionsde langage prises par la Cour à la lecture de l'arrêt

rapprochéde l'ensembledes piècesécriteset oralesproduites à l'occasion
de l'affaire.
J'estime,quant à moi,que l'Italien'apas apportélapreuve qu'ellea (<un
intérêd t'ordrejuridique encausedans ledifférend )).Jepense, eneffet,que
l'intérêdtont ilestquestionnedoitpasconcerner l'Italieet << d'autres Etats
de la région (par. 41). Il doit être individuel,direct et concret.Toutefois
dans cette opinion je laisserai cette question de côté.Elle n'a pas été

abordéepar la Cour si ce n'est indirectement.

Maiscette divergence sur le motif devant fonder la non-admission de la
requêten'est pas la seule raison de mon désaccord avec l'arrêt.

En effet,je trouveque la Courdevaitprofiter de labelleoccasion que lui

offrait l'affaire portée devant elle pour enfin, sans s'écarter des considé-
rations ((indispensables à la décisionqu'elledoitrendre )(par. 28),donner
vie à l'article 62 de son Statut et se prononcer clairement sur le très SEPARATE OPINION OF JUDGE MBAYE

[Translation]

1have voted in favour of the operative part of the Judgment because 1
consider, like the majority of the Members of the Court, that Italy's
Application for permission to intervene "cannot be granted". 1also note
with satisfaction that the Judgment emphasizes the inviolability of the
principle of consensualism, whileprovidingassurances for the intervening
party as to the safeguarding of its rights (para. 42). On this latter point,
however, 1 consider that the Judgment contains arguments which the
Court was not compelled to go into at this stage in the proceedings,but
which derive from its legitimateconcern to exercisefulljustice, inasmuch
as those arguments may allay, if only to some extent, the concern of Italy
which isevident in its Application and in the oral arguments of its counsel
(paras. 41 and 43).
On the other hand, 1 do not share the Court's opinion as regards the
reasoning on which the refusa1to grant the Italian Application should be
based.
For the Court, Italy'sintervention "falls intoa category which,on Italy's
own showing,is onewhichcannot be accepted" (para. 38).In this wording,
and despite thecaution shown by the Court in using it, 1cannot but discern

a hint of the true reason for the refus:1"the absence of what the Court in
198 1 called 'avalid link ofjurisdiction with the parties to the case'(I.C.J.
Reports 1981,p. 20, para. 36)" (para. 1l), that is to Say,in this instance,
between Italy on the one hand, and Libya and Malta on the other. This
unavowed reason makes its presencefelt, in spite of the careful language
used by the Court, if the Judgment is read along with the whole range of
written and oral material produced in connection with the case.

Myownviewisthat Italyhasnot proved that it has an"interest of alegal
nature which may be affected by the decision in the case". In fact, 1take
the view that the interest in question must not affect Italy and "other
States of the Mediterranean region" (para. 41). It must be an individual
direct and specific interest. However, in the present opinion 1 shall not
deal with this question. It has not been touched upon by the Court except
indirectly.
But this disparity of views as to the reasoning on which the refusa1to
grant the Application is to be based is not the onlypoint on which 1differ
from the Judgment.
In fact, 1consider that the Court should, without departing from those
considerations which are "necessary to the decision wluch it has to give"

(para. 28)takeadvantage of the excellentopportunity provided by thecase
before it to breathe life into Article 62 of itstatute, and make a clearimportant problèmedu <lienjuridictionnel ))devant ou non exister entre
l'Etat intervenant et les parties principales et à propos duquel il y a tant
d'interrogations. Ce n'estpas parce que <depuis 1922,etjusques et y com-
pris les audiences en la présente procédure, soiten l'espace de soixante-
deux ans, la discussion sur ce point n'a pas progressé )),comme le dit la
Cour(par. 45),qu'elledevait en rester là.Acet égardje reconnaisd'ailleurs
que la Cour a pu dissiper << quelques-uns des doutes et incertitudes qui

entourent l'exercicede la faculté procéduralede l'intervention au titre de
l'article 62 du Statut )(par. 46), notamment quand elle déclare qu'encas
d'intervention <<l'opposition despartiesen cause,quoiquetrèsimportante,
n'est qu'un élémen dt'appréciation parmid'autres ))(par. 46).Maisétait-ce
suffisant?

La façon dont l'Italie a introduit et soutenu sa demande d'intervention
n'avaitjusqu'alors jamais étéutilisée.Pour une fois et autant que le pro-
blèmedu lienjuridictionnel est concernéla Cour se trouvait devant une

véritable intervention fondée sur l'article 62 de son Statut, puisque les
affaires dont elle ou sa devancière ont eu à connaître dans le cadre de
l'article 62 du Statut offraient un tout autre caractère.
En effet, l'affaire du VapeurWimbledon (arrêts ,923, C.P.J.I. sérieA
no 1) introduite en vertu de l'article 62 du Statutfut en définitiveadmise
sur la base de l'article 63. Quant aux deux cas fondés sur l'article 62 du
Statut qui furent portés devantl'actuelleCour, à savoir lesdemandes d'in-
tervention de Fidji dans les affairesdes Essais nucléaires et de Malte dans
l'affaire du Plateau continental(Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne),ils

étaientbien différentsde la présente affaire.
Dans les affaires des Essais nucléairesl,a Cour ne s'étaitpas prononcée
sur la demande d'intervention de Fidji, en raison du fait qu'ayantjugéque
les demandes des Etats requérants étaient devenuessans objet et qu'il n'y
avait pas lieu àstatuer (C.I.J. Recueil 1974, p. 253et 457) iln'existait plus
(<d'instance sur laquellela requête à fin d'intervention puissese greffer >).
Elle avait alors déclaré que la requête tombait et qu'elle n'avait plus àlui
donner une suite (ibid., p. 530 et 535).

Dans l'affaire du Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe li-
byenne) la Cour, après avoir analyséla requêtede Malte à fin d'interven-
tion, l'avait rejetée enraison du fait que le caractère de l'objet de I'inter-
vention faisait que l'intérêt juridique qu'invoquait sonauteur ne pouvait
pas permettre à la Cour d'autoriser cette intervention en vertu de l'ar-
ticle 62 du Statut (C.I.J. Recueil 1981, p. 20, par. 35 ; voir aussi p. 10,
par. 34).
Ainsi donc, ni dans un cas ni dans l'autre, la Cour n'avait à examiner le

problème du lien juridictionnel devant ou non exister entre l'Etat inter-
venant et les Etats parties originaires.
II en est tout différemment de la présente affaire dont l'initiatrice
(l'Italie) s'était inspirée del'expériencedu passéet notamment de l'arrêt
rendu par la Cour en 1981et dans lequel elle avait déclaré :pronouncement on the veryimportant question of the 'tjurisdictionallink"
which may or may not be required between the intervening Stateand the
main parties, and in respect of which there are so many queries. The fact
that "from the 1922discussionsup to and including the hearings in the
present proceedings the arguments on this point have not advanced
beyond the stage they had reached 62 years ago" as the Court says (para.

45), does not justify leaving matters as they are. In this respect, 1 do
concede that the Court has dispelled "some of the doubts and uncertainties
which surround the exercise of the procedural faculty of intervention
under Article 62 of its Statute" (para. 46),particularly when it Statesthat,
with regard to intervention, "the opposition of the parties to a case is,
though veryimportant, no more than one element to be taken into account
by the Court" (para. 46). But was this sufficient ?
The manner in which Italyintroduced and supported its application for
permission to intervene was unprecedented. For once, as far as the prob-
lem of thejurisdictional link is concerned,the Court found itself confron-
ted with a genuineintervention based on Article 62 of its Statute, since the
previouscaseswhichitor itspredecessor hashad to dealwithinthecontext
of Article 62 of the Statute were quite different in nature.
The S.S. "Wimbledon" case (Judgments,1923,P.C.I.J., SeriesA, No. 1),
submitted under Article 62of the Statute, wasfinallyadmitted on thebasis
of Article 63.As to the two cases based on Article 62 of the Statute which
were brought before the present Court, namely the application by Fiji for
permission to intervenein theNuclear Testscases,and by Malta in thecase
of the ContinentalShelf (Tunisia/Libyan ArabJamahiriya), they werequite

different from the present case.
In theNuclear Testscases, the Court did not decide on Fiji'sapplication
for permission to intervene, due to the fact that having found that the
claims of the applicant States no longer had any object and that the Court
was therefore not called upon to give a decision (I.C.J. Reports 1974,
pp. 253and 457),there wereno longer "any proceedingsbefore the Court
to which theApplication for permission to intervene could relate". It then
declaredthat the application lapsed, and that nofurther action was called
for (ibid., pp. 530 and 535).
In the case of the ContinentalShelf (Tunisia/Libyan Arab Jamahiriya)
the Court, after analysing Malta's Application for permission to intervene,
rejected it on the grounds that the nature of the object of the intervention
meant that the legalinterest invoked by the applicant couldnot enable the
Court to authorize such an intervention under Article 62 of the Statute
(I.C.J. Reports 1981, p. 20, para. 35 ;see also p. 10,para. 34).

Thus in neither case did the Court have to consider the problem of

whether or not a jurisdictional link must exist between the intervening
State and the original States parties.
The position is quite different in the present case, where the instigator
(Italy) was inspired by past experience, especially by the Judgment of the
Court in 1981in which it stated : 37 PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. MBAYE)

<<Si, par la présente requête, Malte demandait à soumettre à la
décisionde la Cour son propre intérêtjuridiquepar rapport à l'objet
de l'affaire, eà devenir partie à celle-ci, la Cour aurait sans aucun
doute à examiner immédiatement une autre question. Il s'agit de la
question, évoquée dans les affaires desEssais nucléaires,de savoir si

un lien juridictionnel avec les partiesà l'instance constitue une con-
dition nécessairede l'intervention fondéesur l'article 62 du Statut. ))
(C.I.J. Recueil 1981, p. 18-19,par. 32.)

Précisémenlt'Italie semblaitbien être dans l'hypothèseenvisagéepar la
Cour dans son arrêt.
Jugeons-en par les citations ci-après extraites de la requête :

l'Italie demande à participer à l'instance dans toute la mesure
nécessairepour luipermettre de défendrelesdroits qu'ellerevendique
sur certaines zones revendiquées par les Parties et de préciser la
localisation de ces zones, compte tenu des revendications des deux
Parties principales et des arguments avancés à l'appui de ces reven-

dications,de sorte que la Cour soit aussi complètementinforméeque
possiblesurla nature etlaportéedesdroitsde l'Italiedans leszonesde
plateau continental concernées par la délimitationet qu'elle soitainsi
en mesure de prendre ces droits dûment en considération dans sa
décision. (Requête àfin d'intervention du Gouvernement de l'Italie,
par. 16.)

Et au paragraphe 17de cette mêmerequête,il est précisé :

11va sans dire - mais il vaut mieux que ce soit dit expressément
afin d'évitertoute ambiguïte - que le Gouvernement italien se sou-
mettra, une foisadmis à intervenir,à la décisionque la Cour voudra
prendre au sujetdes droits revendiqués par l'Italie, en pleine confor-
mité avecles termes de l'article 59 du Statut de la Cour. t)

D'ailleurs dans leurs plaidoiries, principalement au cours des audiences
des25,26 et 30janvier 1984,les conseils de l'Italie ont clairementindiqué
que l'Italieentendait devenir(<partie intervenante ))aveclesconséquences

juridiques que celacomporte.Jereviendraisurcetteexpression de (<partie
intervenante )).
Dans la présente affaire la Cour se devait donc, à mon avis, d'aborder
nettement la question <<de savoir siun lienjuridictionnel avecles parties à
l'instance constitu[ait] une condition nécessairede l'intervention fondée
sur l'article62du Statut D.Nul neseraitfondé à leluireprocher.Jeregrette
qu'elle ne l'ait pas fait.
Par ailleurs,je ne suis pas convaincu que l'intervention de l'Italie relève

d'une << catégorie qui ne saurait être admisepar la Cour ))quand on ne
considèrequel'objet dela requêteitalienneet lesexigences,en l'espèce, du
principe du consensualisme, cequi,encoreunefois,nous ramène au <<lien
juridictionnel ))dont l'absenceest en fait cequiestreproché à l'Italie. Pour "If in the present Application Malta were seeking permission to
submit its own legal interest in the subject-matter of the case for
decision by the Court, and to become a party to the case, another
question would clearly cal1for the Court's immediate consideration.
That is the question mentioned in the NuclearTestscases, whether a

link ofjurisdiction with theParties to the caseisanecessary condition
of a grant of permission to intervene under Article 62of the Statute."
(I.C.J. Reports 1981, pp. 18-19,para. 32.)
Italy seemed to be in the very situation envisaged by the Court in its
Judgment.

We can judge this by the following quotations from the Applica-
tion :
"Italy seeks to participate in the proceedings to the full extent
necessary to enable it to defend the rights whichit claims oversomeof
the areas claimed by the Parties, and to specify the position of those

areas, taking into account the claims of the two principal Parties and
the arguments put forward in support of those claims, so that the
Court may be as fully informed as possible as to the nature and scope
of the rights of Italy in theareas of continental shelfconcerned by the
delimitation, and may thus be in a position to take due account of
those rights in its decision." (Application for Permission to Intervene
by the Government of Italy, para. 16.)

Paragraph 17 of the same Application States :
"It goes without saying - but it is better that it should be stated
expressly to avoid any ambiguity - that the Government of Italy,

oncepermitted to intervene, willsubmit to such decision as the Court
maymake withregard to the rights claimedby Italy, infullconformity
with the terms of Article 59 of the Statute of the Court."
In their oralarguments, moreover, particularly at thehearings of25,26 and

30 January 1984,counsel for Italy clearly stated that Italy intended to
become "an intervening party" with the legal consequences that that
implied. 1 shall return to this expression "intervening party".

Thus in the present case, in my opinion, the Court had a duty to tackle
the question "whether ajurisdictional link with theparties to thecase [was]
anecessarycondition ofagrant ofpermission to intervene under Article 62
of the Statute". Nobody couldreproach it for doing so. 1personally regret
that it has not done so.
Moreover, 1 am not convinced that Italy's intervention belongs to a
"category which .. . cannot be accepted" by the Court if regard is had
solelyto the object of the Italian application and the requirements in this
case of theprinciple of consensualism, - which, once more, brings us back
to the 'tjurisdictionallink" the absence of which is the verycriticism madearriver àsaconclusion, la Cour a recherchédans lesdétailsde laprocédure
orale tout cequi pouvait rappeler une tentative par l'Italied'introduire un
nouveau différendpar le biais de l'intervention (par. 33). Elle a ensuite
analysél'article 62de son Statut et a abouti à <<deux interprétations ))
qui, selon elle, <ont l'une et l'autre pour résultatnécessaired'obliger la
Cour à rejeter la demande d'intervention de l'Italie (par. 34, 35, 36,

37 et 38).
Interprétant les déclarations desconseils de l'Italie, la Cour croit y voir
qu'il lui est demandéde statuer sur les droits de l'Italie. Pour elle :

<<si,sur leplan formel, l'Italie lui demandede sauvegarder sesdroits,
sarequête apour effet pratique inéluctabled'inviter la Cour à recon-
naître ceux-ciet, pour cefaire,à statuerau moinspartiellement sur les
différendsentre l'Italie et l'une des Parties ou les deux (par. 29).

Elle en a déduit que :

<<sil'Italieétaitadmise à intervenir dans laprésenteprocédure envue
de poursuivre l'objet qu'elle-même a dit vouloir rechercher, la Cour
serait appelée,pour donner effet à l'intervention,à trancher un dif-

férend,ou un élémend te différend,entre l'Italie et l'une oul'autre des
Parties principales, ou les deux ))(par. 31).

Selon elle, un litige supplémentaire O ne peut êtreporté devantelle par
voied'intervention (par. 37 infine). Tout ensouscrivant pleinement à cette
déclaration,je doute qu'elletrouvesonapplication dans laprésente affaire
et soit justifiéepar la demande d'intervention de l'Italie.
La Cour pour appuyer sa position dit que :

Rien dans l'article62n'indique que ce texte ait étéconçucomme
un autre moyen de saisir la Courd'un litige supplémentaire - matière
qui relèvede l'article 40 du Statut - ou comme un moyen de faire
valoir les droits propres d'un Etat non partie à l'instance))(par. 37).

Ainsi elle ne dit pas que l'article 62 interdit l'intervention d'un Etat
(<non partie ))Pour ma part, je pense qu'il lepermet et qu'en l'espèce
l'Italie étaitdans la situation d'un <<intervenant non partie D.
Pour arriver à cette conclusion je vais essayerà mon tour d'interpréter
l'article 62du Statut de la Cour et de me demander ensuite dans quelle
(<catégorie )>entre véritablement l'intervention de l'Italie eu égard à son
objet.
Sil'article 62ne constitue pas <une exceptionauxprincipes fondamen-

taux à la base de la compétencede la Cour, dont << en premier lieu le
principe du consentement, mais aussi lesprincipes de réciprocitéetd'éga-
litéentre lesEtats )(par. 35),ilpermet néanmoinsune intervention limitée of Italy. To reach its conclusion, the Court combed through the details of
the oral proceedings for anything which might seem like an attempt by
Italy to introduce anewdispute by the method ofintervention (para. 33).It
then analysed Article 62 of its Statute and arrived at "two approaches"
both of which, according to the Court, "must result in the Court being

bound to refuse the permission to intervene requested by Italy" (paras. 34,
35, 36, 37 and 38).
On the basis of its interpretation of the statements by counsel for Italy
the Court considers that it is being asked to give a judgment on Italy's
rights. In its view,

"While formally Italy requests the Court to safeguard its rights, it
appears to the Court that the unavoidable practical effect of its
request is that the Court willbe called upon to recognize those rights,
and hence, for the purpose of being able to do so,to makeafinding,at
least inpart,on disputes between Italy andone orboth of the Parties."
(Para. 29.)

It decided that :
"if Italy were permitted to intervene in the present proceedings in
order to pursue the courseithasitselfindicated it wishestopursue, the

Court would be called upon, in order to giveeffect to theintervention,
to determine a dispute, or some part of a dispute, between Italy and
one or both of the principal Parties" (para. 31).

According to the Court, "an additional dispute" cannot be brought before
it by way of intervention (para. 37 in fine).While fully endorsing this
statement, 1doubt whether it applies to the present case or isjustified by
Italy's Application for permission to intervene.
In support of its position, the Court says that

"There isnothing in Article 62 to suggestthat it wasintended as an
alternative means of bringing a wider dispute as a case before the
Court - a matter dealt with in Article 40 of the Statute - or as a
method of asserting the individual rights of a Statenot a party to the
case." (Para. 37.)

Thus it does not Saythat Article 62forbids intervention by a "non-party"
State. For my part, 1think that the article does permit it, and that in the
present case, Italy was in the position of a "non-party intervener".
In reaching this conclusion, 1 shall endeavour in my turn to interpret
Article 62 of the Statute of the Court, subsequently asking myself into
which "category" Italy's intervention actually falls with respect to its
object.
While Article 62 does not constitute "an exception to the fundamental
principles underlying" the Court'sjurisdiction, "primarily the principle of
consent, but alsothe principles of reciprocity and equality of States" (para.
35),it neverthelesspermitsa limited intervention in thecourse ofwhich the intervener does not become a party, but merely informs the Court of its
interests of a legal nature in order that they may be safeguarded.

1believethat in its 1981Judgment on Malta's application for permission

to intervene, referred to above, the Court stated that, if the conditions
which ithad laid down had been fulfilled,it wouldimmediately have dealt
with theproblem of thejurisdictional link ; which, in that instance, would
lead it to one of the three following conclusions :
- proof of the existence of a jurisdictional link is a condition for the
admissibility of the intervention ;

- proof of the existence of ajurisdictional link is not a condition for the
admissibility of the intervention ;
- proof of the existence of ajurisdictional link is a condition of admis-
sibility in certain cases.
To that 1must add thefollowingremark :inexpressingitselfin the terms

used in 1981,the Court was givingapointer. The wording used in the 1981
Judgment would, in fact, only be meaningful if it signified that, in the
Court'sview,theproblem of thejurisdictional link between an intervening
State andthe main parties arisesforthe Courtas soonas that State requests
permission to submit its legal interest to the Court's decision,and becomes
a party.
What is meant by "becoming a party" ? Looking at the matter in the
context ofintervention, 1would Saythat, if theintervening State becomes a
party to the case, thls means that it may press its demands or defend itself
against other States, and submit its claims to the Court with a view to a
decision which will have, in respect of that State and of the main parties,
the binding effect produced by Article 59 of the Statute. The "party-
intervener" is neither more nor less than a litigant vis-à-vis the main

parties. It introduces into thedispute a new dispute which is related to the
firstone, but doesnot mergewithit. In suchasituation, it seemsclear to me
that the essential condition for issue to bejoined in international proceed-
ings,namely the consent of States to the settlement of their dispute by the
Court, must of necessity be fulfilled. This therefore means that the accep-
tance of the application of the "party-intervener" must be subject to the
existence of a jurisdictional link with the main parties. For how is it
conceivable that the Court would accept that a State may be in litigation
with another State (for that is what we are talking about, since the third
State may be either applicant or respondent, may submit its claims to the
Court for decision, and be bound by the Court's decision) unless the
sacrosanct principle of the consent of States on which its jurisdiction is

founded isrespected ?If the Court wereto accept such asituation, it would
seriously undermine that principle. It has taken great care not to do soin
the past, and has frequently had to mention the point, for example in the
cases of Monetary GoldRemovedfrom Rome in 1943(I.C.J. Reports 1954,
p. 32) and the Aerial Incident of 27July 1955 (Israel v. Bulgaria) (I.C.J.
Reports 1959, p. 142).The present Judgment has wiselyaligned itself with insistant tout particulièrement dans cette opinion, avec toutefois une
réservequant à l'application du principe au cas de l'Italie.

En vain soutiendrait-on, comme on l'adéjàfait,notammentau cours de
la procédureorale, qu'en acceptant lajuridiction de la Cour les Etats qui
ont initié l'affaire acceptent son Statut et notamment l'article 62. Ce
raisonnement est critiquable à plus d'un titre.
On peut tout d'abord lui objecter que leconsentement desEtats dans le
procèsinternationalne doit pas êtreprésumé.Il doit êtresans équivoque.
LaCour a eu raison de rappeler << leprincipe fondamentalqui veut que la
compétence de la Cour pour connaître d'un différend et le trancher
dépendedu consentementdesparties à celui-ci)(par. 34)etd'affirmer que

<la reconnaissance de la compétenceobligatoirede la Cour constitue une
modalitéimportante de la libertéetde l'égalité desEtats dans le choix des
moyens de règlementpacifique de leurs différends ))et qu'une exception
aux principes fondamentaux à la base de sa compétence<< ne se présume
pas et doit êtrenettement et expressémentformuléepour êtreadmise )>
(par. 35). Or dire que le consentement des parties principales résulte de
l'article 62du Statut c'estleprésumer etlaisser subsister un doutedans un
domaine aussi fondamental que le consensualisme. Il ne sert à rien en
l'espèced'invoquerl'interprétationfort libéraledonnéeparune partiede la

doctrine à l'article 63 et reprise par un conseil de l'Itaàil'audience du
25janvier 1984.En effet, l'article 63concerne un cas où 1'Etatintéressé
n'est pas partie au différend.Précisémenti,l illustre une des situations où
1'Etatintervenant n'a pas à faire la preuve de l'existenced'un lienjuridic-
tionnel. Son intérêtd'ordrejuridique est présumé etil n'est pas partie au
différendpuisque le Statut limite son intervention àl'indication de son
interprétation de la convention multilatérale en cause. Il ne formule ni
demandeni défense.Il se contente d'informer la Cour. Il n'ya donc pas à
faire la preuve d'un lienjuridictionnel avec les parties. Dans un tel cas, la
Cour n'a pas à rechercher si oui ou non l'Etat requérant est dispenséde

faire la preuve de l'existenced'un lienjuridictionnel. Mais, selon moi, ce
n'est pas le seul cas possible. D'autres cas similaires peuvent se présenter
aveclesmêmes caractéristiques,la seuledifférencerésidandt ans lefait qu'il
ne s'agitpas de l'interprétation d'une convention. Ces cas-là, l'article 62
doit permettre, contrairement à l'avis de la Cour dans le présent arrêt
(par. 37), de leur apporter une solution comparable à celle que prévoit
l'article 63du Statut. Mais alors que dans les cas où s'applique l'article 63
l'intérêdt'ordre juridique est présumé etqu'il résultedu fait que 1'Etat
intervenant a <participé ))àlaconvention à interpréter,dans lesautres cas
l'Etat intervenant doit faire la preuve de son intért'ordrejuridique et il

appartient à la Cour de décider.

On peut en second lieu reprocher au raisonnement dont il est question
plus haut de partir d'une prémisse fausse.En effet, on fait comme si
l'existence de l'article 62 signifiait qu'un lienjuridictionnel n'est pas this jurisprudence (para. 35), and 1must applaud it for doing so, while
myself making special mention of the point in the opinion, - but with a
reservation so far as the application of the principle to the case of Italy is
concerned.
It isno answer to this point to argue, as has infact been done, especially

during the oral proceedings, that in accepting the Court'sjurisdiction the
States which instituted proceedings also accept the Statute, and Article 62
in particular. This reasoning is open to cnticism in more than one respect.
It may first be objected that the consent of States in international
proceedings must not be presumed. It must be quite unambiguous. The
Court has rightly recalled "the basic principle that thejurisdiction of the
Court to deal with and judge a dispute depends on the consent of the
parties thereto" (para. 34), and has stated that "Recognition of the com-
pulsoryjurisdiction of the Court is animportant aspect of the freedom and
equality of States in the choiceof the means of peaceful settlement of their
disputes", and that an exception to thefundamental principles underlying
itsjurisdiction "is not to be presumed, and must be clearly and expressly
stated if its to be admitted" (para. 35). But to Saythat theconsent of the
main parties follows from Article 62 of the Statute is to presume that
consent, and allow doubt to persist in an area as crucial as that of con-

sensualism.In this case,it doesnot help to relyon the liberal interpretation
of Article 63 given by one party, and recalled by counsel for Italy in the
hearing of 25January 1984 ;for Article 63refers to a casewhere the State
concerned is not a party to the dispute. Indeed, it illustrates one of the
situations where theintervening State does not have toprove the existence
of ajurisdictional link. Its interest of a legal nature is presumed, and it is
not a party to the dispute because the Statute lirnits its intervention to
stating its own interpretation of the multilateral treaty in question. It
submits neither a claim nor a defence. It contents itself with providing
information to the Court. Thus it is not required that the existence of a
jurisdictional linkwith thepartiesbe shown. In such acase,theCourt does
not have to investigate whether or not the applicant State is exempt from
showing the existence of ajurisdictional link :but, in my view,this is not
the only possible case. Other similar instances may arise with the same
features, the only difference being the fact that it is not a question of
interpreting a convention. In such cases, contras. to the opinion of the

Court in the present Judgment(para. 37),Article62must enable a solution
to befound comparable to that contemplated by Article 63of the Statute.
But,whereasin thosecasesto whichArticle 63applies the interest of alegal
nature is presumed, resulting from the fact that the intervening State is a
party to [aparticipé à] the convention to be interpreted, in the other cases
theintervening Statemust furnish proof ofitsinterest of alegalnature, and
it is for the Court to decide.

Secondly, the argument referred to above may be criticized on the
groundthat it startsfroma falsepremise :itpresupposes that the existence
ofArticle 62signifiesthat ajurisdictional link isnot necessary,and that thenécessaireet que les Etats le savent au moment ou ils introduisent leur
requête.Or c'est précisémentce qui est discuté.
Je partage donc entièrement l'avis de la Cour quant à la nécessité
d'établir un titre de compétence àmettre à la charge de 1'Etatintervenant

qui introduit un différend devant la Cour par lebiaisdel'article 62 de son
Statut. Mais il faut qu'il y ait un différend supplémentaire.
Surlabase de cetteremarque, je vaismaintenant essayerde donner mon
interprétation de l'article 62 du Statut afin de mieux éclairerma position
par rapport au problèmedu lienjuridictionnel devant ou non exister entre
l'intervenant et les Partiesau différenddans laprésenteaffaire.Dans cette
entreprise, je ne crois pas qu'une étude sur les travaux préparatoires
effectuésen 1920et en 1945par les deux comitésdejuristes qui ont eu à
rédigerles projets de statuts des deux Cours puisse être d'un secours
décisif.Comme la Cour (par. 45),je crois mêmeque <<la discussionsur ce
point n'apas progressé o.J'aiaussila mêmeimpressiond'inutilité pratique
s'agissant des travaux préparatoires de la Cour permanente de Justice

internationale et dela Cour internationale de Justice en cequi concernela
rédactionou l'amendement de leurs règlements respectifs.
Revenant donc à l'article62,paragraphe 2,du Statut, je pense qu'ildoit
être interprété le plus ordinairementpossible, donc dans le sens de : la
Cour tranche les questionsde droit qui seprésentent, et celadans tous les
cas. Il me semble alors que l'article 62, paragraphe 2, traite non de la
compétencedela Courmaisde sespouvoirs. Il faut distinguer à propos de
l'article 62 du Statut trois notions qui sont voisines et se chevauchent
parfois maisne seconfondent pas en l'espèce. Il s'agitde la saisinequi est
l'objetduparagraphe 1del'article62,despouvoirsdela Cour,queprévoitle
paragraphe 2, et de la compétence,qui n'est pas abordée dans les dispo-

sitions de cet article, parce qu'elle a son siègeailleurs.

La saisinenormale de la Cour est prévuepar l'article 40, paragraphe 1,
du Statut. Pour moi, l'article 62,paragraphe 1,déroge à l'article 40,para-
graphe 1,enprévoyantunesaisinespécialeencasd'intervention, etrien de
plus.
S'agissant de la compétence, l'article 62 n'en parle pas. Son siègese
trouve dans l'article 36 du Statut. N'est-il pas significatif que si l'Italie,
aprèsavoirétéadmise à intervenir,faisait défaut (cequithéoriquementest
parfaitement possible)et silaLibyeetMaltedemandaient àlaCourdeleur
adjugerleursconclusions, celle-ciaurait l'obligation de s'assurerqu'elle est
compétente auxtermes des articles 36 et 37 ?En effet, c'estce que décide

l'article 53 du Statut qui prévoi:

<<1. Lorsqu'unedespartiesneseprésentepas, ou s'abstient defaire
valoir ses moyens, l'autre partie peut demander à la Cour de lui
adjuger ses conclusions.
2. La Cour, avant d'y faire droit, doit s'assurer non seulement
qu'elle a compétenceaux termes des articles 36 et 37, mais que les
conclusions sont fondées en fait et en droit.))States know this at the timewhen they submit their application. Yet this is
precisely the point at issue.
Thus 1fulIy share the opinion of the Court regarding the requirement
that an intervening State which introduces a dispute before the Court by
themethod ofArticle 62 of its Statute must establish a title ofjurisdiction.
But there must be an additional dispute.
On the basis of that observation, 1shall now attempt to give my own

interpretation of Article 62 of the Statute, so as to shed some light on my
position in regard to the problem of whether thejurisdictional link must
existasbetween theintervener and theParties to thedispute in thepresent
instance. In sodoing, 1 do not believethat an analysis of the 1920and 1945
travauxpréparatoires of the two Comrnittees of Jurists who drafted the
Statutes of the two Courts can offer any decisiveassistance.Like theCourt
itself (para.45), 1evenfeel that "the arguments .. .have not advanced". 1
also share its view that it is of no practical use to examine the travaux
préparatoires of the Permanent Court of International Justice and the
International Court of Justice as regards the drafting or amendment of
their respective Rules of Court.
Thus, returning to Article 62,paragraph 2,of the Statute, 1think that it
should be interpreted in the most straightforward way possible, in the
sense that :the Court decides questions of law subrnitted to it, in every
singlecase. Thus it seemsto me that Article 62,paragraph 2,deals not with
the Court's jurisdiction, but with its powers. In connection with Article 62

of the Statute, it is necessary to distinguish between three closely allied
concepts, which sometimes overlap, but which are distinct in the present
instance. These are the seising of the Court which is referred to in para-
graph 1of Article 62, thepowers of the Court, referred to in paragraph 2,
and thejurisdiction, which isnot referred tointhe provisions of this article,
because it belongs elsewhere.
The ordinary method of seising of the Court is governed by Article 40,
paragraph 1, of the Statute. In my view, Article 62, paragraph 1, is a
derogation from Article 40, paragraph 1,by providing for a special means
of seising it in the case of intervention, but goes no farther than that.
With regard tojurisdiction, Article 62 does not refer to it :it belongs in
Article 36 of the Statute. It is surely significant that if Italy, after being
granted permission to intervene, failed to appear [faisait défaut](which in
theory is quite possible), and if Libya and Malta then asked the Court to
decide infavour of their claims, theCourt wouldbe obliged to satisfyitself

that it had jurisdiction in accordance with Articles 36 and 37. This is
required by Article 53 of the Statute, which States :

"1. Whenever one of the parties does not appear before the Court,
or fails to defend its case, the other party may cal1upon the Court to
decide in favour of its claim.
2. The Court must, before doing so, satisfy itself, not only that it
hasjurisdiction in accordance with Articles 36 and 37, but also that
the claim is well-founded in fact and law." L'article 53 ne parlant que des articles 36 et 37, comment la Cour aurait-
elleréussià se sortir de cette situation si elle avait au préalable déqueé
l'Italie pouvait être <intervenant-partie sans avoir à établir un lien
juridictionnel avec la Libye et Malte ? Certainement pas en se référant à
l'article62 en raison du fait que l'article53emploie l'expressionqu'ellea
compétenceaux termes des articles 36 et 37 ))et qu'il ne mentionne pas
l'article 62.
L'article62du Statutneditpas enquoidoitconsisterl'intervention qu'il
prévoit. Illaissàla Cour, par sonparagraphe 2,lepouvoir de décider,non

par (une sorte de pouvoirdiscrétionnaire lui permettant d'accepter ou de
rejeter une requêteà fin d'intervention pour de simples raisons d'oppor-
tunité», comme l'a dit la Cour (C.I.J. Recueil 1981, p. 12, par. 17), et
comme elle vient de le repéter(par. 12),mais sur la base de motifsjuri-
diques. Il appartient donc à la Cour de donner à l'institution de l'inter-
vention un contenu, tout en respectant pleinement son Statut. Pour des
raisonsde bonne administration de lajustice, l'article 62permet àun Etat,
quiremplit la condition qu'il prévoit, de saisir la Cour et d'intervenir dans
une affaire déjàliée. Maisla situation que prend cet Etat dans l'affaire

dépendde lui. Et la Cour a alorslepouvoird'en déduireles conséquences
juridiques qui s'imposent. La Cour précisebien que :
<<la portée desdécisionsde la Cour est définiepar les prétentions ou
conclusionsdesparties ;dans lecas d'uneintervention, c'estdoncpar

rapport à la définition de l'intérêd t'ordre juridique et de l'objet
indiquépar 1'Etatdemandant à intervenir quela Courdevrait juger si
l'intervention peut ou non être admise >)(arrêt, par.29).

Ainsi sil'Etat tente d'entrerdans l'affaire tout en s'abstenant desoumettre
à la Cour ses propres prétentions, il se place délibérément en dehors de
l'article 62. C'est ce que la Cour a été amenée à dire à l'occasion de
l'intervention de Malte dans l'affaire du Plateau continental (Tunisiel
Jamahiriya arabe libyenne), requêtd ee Malte à fin d'intervention, arrêt
(C.I.J. Recueil 1981, p. 20-21, par. 34-35). Si par contre 1'Etat tente
d'utiliserla procédureprévue à l'article62pour faire trancher par la Cour
un différend, il aspireà devenirpartie et doit éventuellement apporter la
preuve de l'existence d'un lienjuridictionnel entre lui et les parties prin-

cipales.
Entre ces deux cas, il y a place pour une situation intermédiaire ou
l'intervenant n'estpasunepartie. Rien dans leStatut, notamment dansson
article 62,n'interdit une telleinterprétation del'intervention.A cettefaçon
de voir, consistant en la distinction entreune demandefaite à la Cour de
tenir compte de sesintérêtd s'ordrejuridique ou de les sauvegarder et une
demande tendant à ce que la Cour reconnaisse ou définisse les intérêts
juridiques de l'intervenant (<ce qui reviendrait à lui soumettre un autre
litige))la Courdénietoutevaliditédans la <perspective de la tâcheque le

compromis ))lui assignedans la présenteaffaire(par. 32).Jereviendrai sur
cette question.Since Article 53 refers only to Articles 36 and 37, how would the Court
have been able to extricate itself if it had previously decided that Italy
could be a "party intervener" without having to establish ajurisdictional
link with Libya and Malta ?Certainly not by referring to Article 62, since
Article 53 uses the expression "that it has jurisdiction in accordancewith
Articles 36 and 37", and does not mention Article 62.

Article 62 of the Statute does not state what the intervention which it

contemplates should be. In paragraph 2, it leaves the Court the power to
decide, not by "any general discretion to accept or reject a request for
permission to intervene for reasons simply ofpolicy", as theCourt has said
(I.C.J. Reports1981,p. 12,para. 17),and asit has now repeated (para. 12),
but on legal grounds. Thus it is for the Court to bestow a content on the
institution of intervention, while fully respecting its own Statute. For
reasons derived from the sound administration ofjustice, Article 62 en-
ables a State whichfulfils the conditions set out therein to seisethe Court
and tointervenein acase already begun. Butsuch Stateitself determines its
status in the case :and the Court then has the power to draw the legal
consequences which arise. The Court makes it clear that :

"the scope of a decision of the Court is defined by the claim or
submissions of theparties before it ;andin the caseof an intervention
it is thus by reference to the definition of its interest of a legal nature
and the object indicated by the State seeking to intervene that the
Court should judge whether or not the intervention is admissible"
(Judgment, para. 29).

Thusifthe State seeksto enter into the casebut refrains from submittingits
own claims to the Court, it deliberately places itself outside the scope of
Article 62.Thisis the conclusion theCourt had to come to on the occasion
of Malta's intervention in the case concerning the ContinentalShelf (Tu-
nisia/Libyan Arab Jamahiriya), Application by Malta for Permission to
Intemene,Judgment (1.C.J.Reports1981,pp. 20-21,paras. 34-35).If,on the
other hand, the State seeksto make use of theprocedure set out in Article
62to have adispute settledby theCourt, it aspires to become aparty to the
case, and may be required to furnish proof of the existence of ajurisdic-
tional link between itself and the main parties.
Between these two cases, there is room for an intermediate position,
where the intervener is not a party. There is nothing in the Statute, and

especiallyin Article 62,to exclude this interpretation of intervention.This
point of view, the distinction between "a request that the Court take
account of, or safeguard, its legal interests, and a request that the Court
recognize or define" the legal interests of the intervener "which would
amount to the introduction of a distinct dispute", has, in the view of the
Court, no validity whatsoever "in the context of the task conferred on the
Court by the SpecialAgreement" in this case (para. 32). 1shall return to
this point. A mon avis, l'intervention est avant tout une règlede bonne adminis-
tration de lajustice. Elle s'inscrit dans le cadre de la politique de large
éclaircissementdes circonstancesqui entourent une affaire portée devant
la Cour au contentieux ou mêmepour consultation, et que traduisent
notamment lesarticles40et 65du Statut. Ellepermet à laCour d'élargirles

données du problème qui lui est soumis, de rendre une décision dans de
meilleuresconditionsd'information etpar la mêmeoccasion d'éviter,dans
une certaine mesure, les conséquences nécessairesmais somme toute
gênantesde l'autoritérelative de la chosejugée.C'était d'ailleurslà son
unique objet avant que ne soit adoptéle Statut de la Cour permanente
deJusticeinternationale (voir notamment l'article 64 de la conventiondu
18octobre 1907pour lerèglementpacifiquedesconflitsinternationaux) :
apporter à l'arbitre une information supplémentaire sur l'objet du litige.
L'intervention a permis ensuite (article 62 du Statut) de répondre à des
demandes qui ne figuraient pas dans l'acte introductif d'instance. Le
législateura toutefois exigéque l'information que 1'Etatintervenant ap-
porte dans ce cadre soit de nature spéciale. Elledoit consister en la spéci-

fication d'un intétêtd'ordre juridique impliqué dans le différend. Cela
résultedelaformuledel'article 62du Statut qui, selonmoi, exigepour que
l'intervention puisse êtrenon pas introduite, mais admise, que l'Etat
démontre(souscontrôle de la Cour)que, dans le différenden cours, il a un
intérêt d'ordre juridiqueen cause >)Et c'est encore une fois là que se
trouveladifférenceavecl'article63quiprésumequel'Etat intervenant aun
intérêt.Ainsi on a d'abord permis l'intervention dans le cas où 1'Etat
intervenant a un intérêt évidentd'ailleursprésum et qu'iln'estpas partie.
Il secontente alorsdedonner àla Cour uneinformation consistant en son
interprétation de la convention multilatérale à laquelle il est partie et qui
esten discussion(art. 63).Puis on aétendul'intervention aucasoù ilya un
intérêt à prouver (art. 62). Si cette preuve est faite, il y a alors deux
possibilités:

1) 1'Etatintervenant veut être partie et formule une demande. Il doit être
considérécomme une partie et prouver le lienjuridictionnel qui le lie
aux autres parties ;
2) 1'Etatintervenant se contente d'informer la Cour sur sesdroits et nous

nous trouvons dans le mêmecas que l'article 63. Il n'a pas à prouver
l'existence d'un lienjuridictionnel avec les parties.

Il y a donc selon moi deux catégories d'intervenants : l'intervenant-
partie et l'intervenant-non partie. C'est la thèse défendue en d'autres
termes par l'Italie.

Cette interprétation de l'article62du Statut de la Courpermet de mieux
expliquer certaines dispositions du Règlement de la Cour.

En premier lieu, ellerend l'article 81,paragraphe 2 c),du Règlementde CONTINENTAL SHELF (SEP. OP. MBAYE) 43

In my view, intervention is, above all, a rule deriving from the sound
administration ofjustice. It ispart of the policy of throwing the maximum
light on the circumstances surrounding a case brought before the Court
under its contentious jurisdiction, or indeed in advisory proceedings, this
being reflected particularly in Articles 40 and 65 of the Statute. It enables
the Court to have a wider range of information pertinent to the problem
submitted to it, to reach its decision in the light of the fullest possible

information, and at the same time to avoid, to someextent, the inevitable
but unfortunate consequences of the relative authority of resjudicata. This
was in fact its sole purpose before the adoption of the Statute of the
Permanent Court of International Justice (see in particular Article 64 of
the Convention of 18October 1907on the Pacific Settlement of Intema-
tional Disputes) : to supply the arbitrator with additional information
concerning the subject of the dispute. Subsequently (Article 62 of the
Statute),intervention made it possible to respond to claims not contained
in the document by which theproceedingswere instituted. However,it was
required by the legislator that the information to be supplied by the
intervening State in this connection must be of a special kind. It must
consist of specifying an interest of a legal nature which is involved in the
dispute. This results from the wording of Article 62 of the Statute whichin
myviewrequires, not for the submission of an intervention, but foritto be
admitted, that the State should demonstrate(subject to venfication by the
Court) that in thedispute in progress, there is an "interest of a legalnature

which may be affected" [en cause]. Here again we find a difference with
Article 63,whichpresumes that the intervening State possesses an interest.
Thus intervention wasfirst perrnitted in a casewhere the intervening State
has an obvious, and indeed presumed, interest, and isnot aparty. In such a
case.it confines itself togivingtheCourt information, consisting ofits own
interpretation of the multilateral convention to which it is a party, and
which is in question (Art. 63). Intervention was then extended to a case
where an interest must beproved (Art. 62).If such aproof issupplied, there
are then two possibilities :

(1) the intervening State wishes to be a party and formulates a claim. It
must be treated as a party and must prove thejurisdictional link with
the other parties ;
(2) theintervening State confinesitself to informingthe Court ofits rights,
and here wefind ourselvesin the sameposition asinArticle 63. It does
not have to prove the existence of ajurisdictional link with the par-
ties.

Thus, to my mind there are two categories of intervener : the party-
intervener and the non-party intervener. The same argument, differently
expressed, was advanced by Italy.
This interpretation of Article 62 of the Statute of the Court makes it
possible to give a better explanation of certain provisions of the Rules of
Court.
In thefirst place, on this interpretation Article 81,paragraph 2 (c), ofthe laCour,selon lequel larequête à fin d'intervention spécifie((toute base de
compétencequi,selon1'Etatdemandant à intervenir,existerait entre luiet
lesparties O,tout à fait compatible avecles dispositionsdu Statut, notam-
ment l'article 62.On a soutenufortjustement que le Règlementn'apas pu
ajouter au Statut, en imposant à l'Etat intervenant des conditions que ce
Statut ne prévoit pas.Dans l'optique de l'interprétation proposée, cette

objectiontombe puisqu'il faut comprendre la phrase :(<la requête ..spé-
cifie:c)toutebasedecompétence lqui,selon 1'Etatdemandant à intervenir,
existerait entre lui et les parties comme destinée àpermettre à la Cour de
pouvoir vérifierdans les cas oùc'est nécessaire,la réalitéde la base de
compétence devant exister entre l'auteur de la requête à fin d'interven-
tion et lesparties. Il semble que ce soit bien là lecas que la Cour prévoyait
en 1981quand elle déclarait, à propos de l'origine de l'article 81, para-

graphe 2 c), qu7((il s'agissait de faire en sorte que, quand la question se
poserait effectivement dans un cas concret, la Cour dispose de tous les
élémentséventuellementnécessaires à sa décision j)(C.I.J. Recueil 1981,
p. 16,par. 27).

En second lieu, il apparaît que cette interprétation permet d'expliquer
tant l'existenceque la forme du paragraphe 2 c) de l'article 81 du Règle-

ment. En effet si l'on admet que le lienjuridictionnel n'estjamais néces-
saireà l'admission de l'intervention, on ne comprend plus assurément à
quoi sertl'article 81,paragraphe 2 c).Si àl'opposé l'on affirmequ'un lien
juridictionnel est toujours nécessaire à l'admission de l'intervention, on
éprouvedes difficultés à expliquer la forme <(toute base de compétence lj)
employéedans cet article,alors surtout quel'article 38 dece même Règle-
ment, en traitant desmoyens dedroit quifondent lacompétenceinitialede

laCour,emploie l'expression (<lacompétence delaCour j)On nepeutpas
soutenirsansrisquedenepas convaincre que cettedifférenceentre <<toute
base de compétence ))et (la compétence )>n'a aucune importance ou n'a
pas étévoulue.
En troisième lieu, cette interprétation justifie l'existence du para-
graphe 2 b) de l'article 81 du Règlement qui, mettant à la charge de
l'intervenant l'indication de l'objet de sa requête, permet à la Cour, in

limine litis, de savoir de quelle manière1'Etatintervenant entend exercer
sonintervention (partie ou non-partie). Il y a un lien entre l'exigenced'un
lien juridictionnel et l'exigence de l'indication de l'objet de l'interven-
tion.
Cette interprétation a aussi le mérite de respecter le principe de la
juridiction facultativepuisque,chaquefoisque l'Etat intervenantest partie
au procès, donc quand l'intervention soulèveun différend,il lui faudra,

pour que son intervention puisse êtreadmise, apporter la preuve du lien
juridictionnel qui existe entre lui et les parties principales. Par contre,
quand l'intervention selon la volontéde 1'Etattiers n'a pas pour objet de
souleverun différendetde constituer 1'Etatintervenant enpartie,la preuve

'Les italiquesont de moi.

45 CONTINENTAL SHELF (SEP. OP. MBAYE) 44

Rules of Court, according to which the application for permission to
intervene must specify "any basis ofjurisdiction which is claimed to exist
as between the State applying to intervene and the parties to the case",
becomes wholly compatible with the provisions of the Statute, and espe-
cially with Article 62.It has been argued that the Rules of Court couldnot

add to the Statute by imposing on the intervening State conditions which
are not provided for in the Statute itself, and this is quite correct. In the
light of the proposed interpretation, this objection falls, since the phrase :
"the application. .. shall set out :(c) any basis ofjurisdiction l which is
claimed to exist as between the State applying to intervene and theparties
to the case" is to be understood asintended to enable the Court to verify,
wherenecessary,the existenceof thebasis ofjurisdiction which therehas to
be between the applicant forpermission to interveneand theparties. This
indeed seems to be the case which the Court had in mind in 1981when it
stated, in connection with the origin of Article 81, paragraph 2 (c), that
"this itdidin order to ensure that, when thequestiondid arise in aconcrete
case,itwouldbe in possession of al1theelements whichmight be necessary
for its decision" (I.C.J. Reports 1981, p. 16,para. 27).
Secondly, it appears that this interpretation enables us to explain both
the existence and thewording of paragraph 2(c)of Article 81of the Rules.
In fact. if one holds that the iurisdictional link is never necessarv in order

for intémentionto be permiGed it is difficult to seewhat purpose is served
by Article 81, paragraph 2 (c). If, on the other hand, one asserts that a
jurisdictional link is always necessary for the gant of an application to
intervene, there is some difficultyin explaining the wording "any basis oj
jurisdiction l" used in the article, especially since Article 38 of the same
Rules, in dealing with the legalgrounds on which theinitialjurisdiction of
the Court is based, uses the term "'thejurisdiction ' of the Court". To
maintain that thisdistinction between "anv basis ofiurisdiction" and "the
jurisdiction" is of no importance, or was unintentional, is hardly a con-
vincing position.
Thirdly, this interpretation justifies the existence of paragraph 2 (b) of
Article 81ofthe Ruleswhich,by requiring theintervenerto state theobject
ofits application, enables theCourt, inliminelitis,to establishinwhat way
the intervening State intends to exerciseits intervention (as aparty or as a
non-party). There isa link between the requirement of ajurisdictional link
and the requirement to state the object of the intervention.

This interpretation also has the merit that it respects the principle of
optionaljurisdiction, since,whenever theintervening State isaparty to the
proceedings, i.e., when intervention gives rise to a dispute, it will, if its
intervention is to be admitted, have to furnish proof of thejurisdictional
link between itself and the main parties. On the other hand, when the
purpose of theintervention,voluntarily defined by thethird State, isnot to
giverisetoa dispute, and tomake theintervening Statea party, proof of the

'Emphasis added.

45 d'un lienjuridictionnel n'est pas nécessaire. Et dans cette dernière hypo-

thèselesEtats partiesn'ont pas à seplaindre puisqu'on ne leur imposepas
d'êtreen différend avec un autre Etat, dans le sens de l'article 36
du Statut. Le principedu consentement des Etats ne seraitdonc pas violé.
La seule obligation faite aux Etats parties serait (comme dans le cas de
l'article 63) de tolérerla présence d'unEtat tiers. Cela me paraît juste et
normal. Les Etats qui ont pris l'initiative de porter devant la Cour une
affaire en vue d'une décisionsusceptiblede porter atteinte aux intérêts
d'un Etat tiers(et qu'ilslefassentenconnaissance de causeoudebonnefoi
n'y change rien) n'ont pas plus de mérite à êtreprotégéscontre lajuri-

diction obligatoireque 1'Etattiers lui-même.D'ailleurs, l'Etat tiers n'est
pas présentau procèspour formulerdesdemandescontre lesparties, mais
pour informerlaCouret éviterque celle-ci,par sadécision,porte atteinte à
ses intérêtsindividuels, directs et concrets.

Cette interprétation a enfin comme avantage de permettre de ne pas
solliciter l'article62 du Statut de la Cour en luifaisant dire ce que,pour le
moins, il ne dit pas clairement. Elle permet de dispenser d'avoir recoursà
l'argument tendant àvoir dans cette dispositionune attribution de com-

pétence àla Cour ou une dérogationau principe du consensualisme. Ainsi
on lui restitue sa véritable fonction qui est procédurale et qui consiste
seulement à prévoirunefaçon autre de saisirla Courpar l'intervention. Il
se situe donc au niveau des règlesde saisine et non des règlesde compé-
tence. On laisse ainsi à d'autres dispositions du Statut et àla Cour elle-
mêmele soin de réglerles problèmesque posent d'une façon généraleles
différents aspects de la procédure d'intervention et singulièrement la
question du lienjuridictionnel.
Il y aurait, commeje l'aidéjàdit, deux sortesd'intervenants : 1'(inter-

venant-partie ))et l'(i<tervenant-non partie )).
Dans les deux cas, 1'Etatintervenant doit démontrer qu'il a un intérêt
d'ordrejuridique, que cet intérêe tst pour lui en cause et que la source de
cetteimplication estdans ledifférend(laCourétantchargéede vérifierque
ces conditions sont ou non remplies).

Un Etat (<intervenant-partie ))doit en outre apporter la preuve de la
base de compétencequi existe entre lui et les autres parties, tout comme
dans une affaire ordinaire.

Un Etat (intervenant-non partie )>par contre n'a pas à apporter cette
preuve. Lebut qu'ilpoursuit en collaborant àunebonneadministrationde
lajustice est d'informer la Cour sur la réalitédes droits qu'ilprétendavoir
et quisonten cause dans ledifférend à telpoint quela décision àintervenir
risque deleurporter atteinte. Mais cefaisant, 1'Etatconcernéne demande
pas à la Cour qu'elleluiattribue tel droitdéterminé.Il ne demande pas non
plus quesoit mise àla chargedesparties telle obligation. Le but poursuivi
est simplement que la Cour, pleinement informée de la réalitéet de la

consistance des droits de cet Etat tiers, en tiennecompte dans la décision
qu'elleestamenée à prendre. Dans une tellehypothèse,laCour n'estpasdujurisdictional linkisnot necessary. In thelatter case,the Statesparties have
no grounds for complaint, since they are not compelled to be in dispute
with another State, in the sense of Article 36 of the Statute. Thus the
principle of the consent of States is not infringed. The only obligation
imposed on the States parties would be (as in the case of Article 63) to
tolerate the presence of a third State ; this seems quite reasonable and

normal to me. States which have taken the initiative of bringing a case
before the Court with a view to a decision which may adversely affect the
interests of a third State (whether they do sowittingly or unwittinglymakes
no difference), are no more deserving of protection against compulsory
jurisdiction than the third State itself. Moreover, the third State is not
present in the proceedings to formulate claimsagainst the parties, but in
order to provide information for the Court, and to ensure that the latter, in
its decision, does not adversely affect its direct and specific individual
interests.
Afinaladvantage of ths interpretation isthat it avoidsdistortingArticle
62 of the Statute of the Court by lending it a meaning which, at the very
least, it does not clearly convey. It also enables us to dispense with the
argument whereby this provision is seen as conferringjurisdiction on the
Court, or as a derogation from the principle of consensualism. Thus the
true function of the article is restored, a procedural function consisting
solely of providing another means of seising the Court, namely by inter-
vention.The article should therefore be classified among the rules for the
seising of the Court, not the rules ofjurisdiction. Other provisions of the
Statute, and the Court itself, can therefore be left to settle the problems
which are raised by the various aspects of the intervention procedure in
general, and in particular by the question of thejurisdictional link.

As 1have already said, there would thus be two types of interveners :the
"party intervener" and the "non-party intervener".
In both cases, the intervening State must demonstrate that it possesses
an interest of a legal nature, that this interest may be affected by the
decision, and that the source of its involvement is to be found within the
dispute (the Court beingresponsible for verifyingwhether theseconditions
are fulfilled).
A State whichis a "party intervener" must alsofumish proof of thebasis
ofjurisdiction whichexistsbetween itself and theotherparties,just asin an
ordinary case.
A State which is a "non-party intervener", on the other hand, does not
have to supply such proof. Its aim, in CO-operatingto ensure the sound
administration ofjustice, is to inform the Court of the nature of the rights
which it claims to possess and which areat issue [en cause] in the dispute,
to such an extent that the decision to be made rnight adversely affect them.
But in so doing, the State concerned does not ask the Court to find that it
has any specificright : nor does it ask for a finding that the parties have a
particular obligation. The aim in viewis simply that the Court, onceinfull
possession of the facts regarding the existence and the soundness of the

rights of this third State,shouldtakeaccount of themin the decision which tout condamnée àreconnaître ou àrejeter en totalitéou en partie lesdroits
del'intervenant. Et rien dans laprésenteaffairenel'empêchaitde veiller,si
l'intervention était admiseà cequecesdroits nesoientpas affectés.Ilreste
toutefois bien entendu que toute décision sur les points soulevéspar
l'intervention s'impose à l'intervenant comme dans le cas prévupar l'ar-
ticle 63 du Statut.

Souscet éclairage,l'article63 apparaît bien, ainsi queje l'aidit, comme
un cas privilégiéd'intervention où l'intervenant est ((non partie ))du fait
mêmedu Statut et est dispenséde faire la preuve de son intérêt,celui-ci

étantlégalementprésumé.Il se contente d'informer la Cour sur soninter-
prétation de la convention et n'a pas à apporter la preuve d'un lienjuri-
dictionnel l'unissant aux ~arties.
Certes, onpourrait objecter à l'interprétation ainsiproposéeettendant à
admettre l'existenced'une intervention dont l'auteur est non partie d'être
inutile, puisqu'en vertu de l'article 59 du Statut la décisionde la Cour à
l'égardde tout Etat tiers, et singulièrementde l'Italie en l'espèce,est res
inter alios acta. Un conseil de l'Italie n'a pas manqué de remarquer
que :

(<si l'article 59 fournit toujours une protection suffisante aux Etats
tiers et si la protection qu'il donne est telle qu'elle empêcheque
l'intérêt de1'Etattiers soit réellement encause dans une affairepen-
dante, alors ..l'article 62 n'a plus aucune utilité, ni aucun champ
d'application )(audience du 30janvier 1984,matin).

Contre l'objection tendant à minimiser le rôle de l'article 62 en raison de
l'existencede l'article59du Statut dela Cour,troisargumentspeuventêtre
soulevés.
Le premier argument est que l'objection tend à s'opposer à l'existence
mêmede l'article 62 du Statut, ce qui ne peut être accepté.

En second lieu, cette objection est inconciliable avec l'existence de
l'article 63 du Statut sur la portée duquel il ne semble pas y avoir de
controverses. Dans les cas viséspar l'article 63 aussion pourrait invoquer
le fait que l'article 59 protège déjàassez lesintérêtsde 1'Etatintervenant.
D'ailleurs, dans la conventionprécitée du18octobre 1907,l'intervention
semble êtredestinée, au moins en partie, à tempérer l'effet de l'autorité
relative des sentences arbitrales, en élargissant le cercle des Etats que la
décisionlierait.
Letroisièmeargumentest liéauprincipe d'unebonne administration de
lajustice. Quand un Etat tiers ne prend aucuneinitiative,bien quesachant

que ses intérêts soient en cause dans un différend, ilest protégépar l'ar-
ticle 59. Mais cela ne lui ôte pas le droit que lui reconnaît l'article 62
d'intervenir pour protéger ses droits. Si ces droits lui paraissent si impli-
quésdans le différendqu'il devrait intervenir pour les sauvegarder,et s'il
use de cette faculté, nul ne peut lui reprocher cette diligence. C'est
approximativement ce qu'exprime la Cour dans son arrêt (par. 42). D'ail-
leurs il peut s'agir d'une situation dans laquelle l'article 59 du Statut neit ultimately makes. In such a situation, the Court is by no means com-
pelled to recognize or reject the rights of the intervener, wholly orin part.
And there is nothing in the present case to prevent it from ensuring, were
theintervention to be permitted, that these rightswere not affected. This is

howeveral1on theunderstanding that any decision on thepoints raised by
the intervention is binding upon the intervener asin the circumstances set
out in Article 63 of the Statute.
In this light, as 1have said, it is apparent that Article 63 is a privileged
case of intervention, in which the intervener is a "non-party" by virtue of
the Statute itself, and is exempt from furnishing proof of its interest, the
latter being a legalpresumption. The intervener confines itself to inform-
ing the Court of its interpretation of the convention, and is not obliged to
furnish proof of thejurisdictional link between itself and the parties.
Of course,it might be objected that this proposed interpretation, recog-
nizing the existence of a form of intervention where the intervener is a
non-party, is pointless, since by virtue of Article 59 of the Statute, the
Court's decisionin respect ofanythird State, and specificallyof Italy in the
present instance, is resinteraliosacta.One counsel for Italy did not fail to
observe that

"ifArticle59alwaysprovides adequateprotection for third States and
if the protection which it affords is such as to prevent the interest of
the third State from being genuinely-affected in a pending case,
then . .Article 62no longerhas any point whatsoever, nor any sphere
of application" (Hearing of 30 January 1984,morning).

Thereare three arguments whichmight be sustained against the objection
which minimizes the function of Article 62 because of the existence of
Article 59 of the Court's Statute.
The first argument is that the objection tends to contradict the very
existence of Article 62 of the Statute, which is unacceptable.
Secondly, this objection cannot be reconciled with the existence of
Article 63 of the Statute, the scope of which seems to be beyond contro-
versy. In the cases envisaged by Article 63, it might also be argued that
Article 59 already offers sufficient protection for the interests of the
intervening State. Moreover, in the Convention of 18October 1907men-
tioned above, intervention seemsto have been intended, at least inpart, to
mitigate the impact of the relative authority of arbitral judgments, by
increasing the number of States bound by the decision.
Thethirdargument islinked to theprinclple of thesoundadministration
ofjustice. When a third State takes no initiative, though wellaware that its
interests are at issue[en cause]in a disput4 it is protected by Article 59.

But that does not deprive it of its right under Article 62 to intervene in
order to protect its rights. If these rights seem to it to be involved in the
dispute to such a degree that it must intervene to safeguard them, and if it
makes use of this option, its diligence cannot be the subject of criticism.
This is the general sense of the Court's Judgment (para. 42). Moreover,
there may be a situation in which Article 59 of the Statute offers only an 47 PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. MBAYE)

protège les intérêts de1'Etatqu'imparfaitement, eu égard à la nature des
droits en cause et des suites possibles de la décision de la Cour. Il y a en
effet des circonstancesoù la décisionde la Cour pourrait porter un pré-
judice irréparable à un Etat tiers. C'est par exemple le cas où la décision

est attributive de droits concrets au profit de l'une ou de l'autre des
parties.
Je n'ai pas repris ici l'argument que la Cour semble adopter en l'em-
pruntant à un conseil de l'Italie et selon lequel l'utilitéde l'article 62
résulterait notamment du fait qu'une requête à fin d'intervention permet
de réaliser <une économieprocédurale de moyens (l'expression telle
qu'elle figure au paragraphe 42 est de la Cour). C'est parce que si je

comprends que, comme le soulignent beaucoup d'auteurs, l'intervention
constitue dans lapratique du droit processuel des Etats une (économiede
procédure ))dans la mesure où elle permet à un plaideur d'épouser les
moyens d'une partie dans un procès déjàengagéou à un demandeur de
mettre en causeun ou plusieursdéfendeurs en usant des mêmesmoyens et
au cours de la mêmeprocédure,par contre je vois mal en quoi, dans la
procédure suivie devant la Cour, la soumission d'une requête àfin d'in-

tervention est une (économieprocédurale de moyens )).Car l'Etat qui
intervient soit se contente d'informer la Cour sur ses intérêts juridiques
sans se constituer partie, soit il introduit un différend devant la Cour et
devientpartie. Dans lepremiercaslaprocédure sur lefond est à entameret
dans le second cas l'intervenant devrait initier une procédure contre l'une
ou l'autre des parties principales. La Cour, sans rejeter la distinction que

fait l'Italie entre

(<une demande faite àla Cour de tenir compte de sesintérêts d'ordre

juridique ou de les sauvegarderet une demande tendant à ce que la
Cour reconnaisse ou définisseses intérêts juridiques,ce qui revien-
drait à lui soumettre un autre litige )),

estime qu'elle n'estpas valable (<dans la perspective de la tâche que le
compromis [lui] assigne D.Cela revient à dire que la nature du différend
soumis à la Cour vide de son intérêt toute distinctionentre un ((interve-
nant-partie ))et un (intervenant-non partie )).C'est ce qui résulte du
paragraphe 32de l'arrêt.La Cour spécifieque si elle doit remplir la tâche
que lui confie le compromis,

(<et sauvegarder en mêmetemps les intérêts juridiquesde l'Italie
(au-delà de ce qui résulterait automatiquement, comme on le verra
plusloin,del'application de l'article59du Statut), alors, en indiquant

jusqu'où les Parties pourront prolonger leur délimitation purement
bilatérale,elle devra tenir compte, autant qu'il sera besoin, de l'exis-
tence et de l'étendue des prétentions italienneso.

Il me semble que c'est bien là le but de l'intervention d'un Etat non
partie. Il était difficiledelerésumerpar une meilleure formuleetje ne vois CONTINENTAL SHELF (SEP.OP.MBAYE) 47

imperfect protection of the interests of the State, having regard to the
nature of the rights at issue and the possible consequences of the Court's
decision ;for there are circumstancesin which the Court's decision might

cause irreparable harm to a third State. This, for example, would be the
case if the decision attributed specific rights to one or other of the par-
ties.
1have not myself taken up in thisrespectthe argument which the Court
has borrowed from counsel for Italy, and apparently endorsed, that the
usefulness of Article 62 would lie in the fact, in particular, that an appli-
cation for permission to intervenemakes possible a "procedural economy
of means" [moyens](the expression is that of the Court - paragraph 42).
The reason is that, while 1 appreciate that, as emphasized by numerous
writers,intervention isin practice,in the interna1procedural law of States,
a "procedural economy" to the extent that it makes it possible fora litigant
to adopt the contentions [moyens]of a party to theproceedingsalready on
foot, or for a plaintiff to sue several defendants employing the same
contentions [moyens] and in the same proceedings, 1 do on the other

hand find it difficultto seehow in theprocedurebefore the Court the sub-
mission of an application for permission to intervene is a "procedural
economy of means". The State which intervenes either confines itself to
informing the Court as to its legal interests without becoming a party, or
brings a dispute before the Court and becomes a party. In the first case,
theprocedure on the meritshas to be broached, and in the secondcasethe
intervener should institute proceedings against one or the other of the
main parties. The Court, without rejecting the distinction made by Italy
between

"a request that the Court take account of, or safeguard, its legal
interests, and a request that the Court recognize or define its legal
interests, which would amount to the introduction of a distinct dis-
pute"
considers that it is not valid "in the context of the task conferred on the

Court by the Special Agreement". This is tantamount to saying that as a
result of the nature of the dispute submitted to the Court, any distinction
between a "party intervener" and a "non-party intervener" ceases to be
relevant. This is the conclusion derived from paragraph 32 of the Judg-
ment. The Court stipulatesthat ifit isto fulfil the task entrusted toit by the
Special Agreement

"and at the same time to safeguard the legal interests of Italy (more
than would result automatically,as willbe explained below, from the
operation of Article 59 of the Statute), then when giving any indica-
tion of how far the Parties may extend their purely bilateral delimi-
tation, it must takeaccount, sofar asappropriate, of the existence and
extent of Italian claims".
It seems to me that this is indeed the purpose of the intervention of a

State which isnot a party. It couldhardly be better surnrnarized, and 1see rien dans le cas de la présente affaire qui pourrait empêcher la Cour
d'appliquer cette formule.
Rien par ailleurs n'empêchaitla Cour, une foisl'intervention de l'Italie
admiseet unefoisque celle-ciaurait exposésesprétentions et indiquépar
quels motifs elle entendait lesjustifier, de rendre un arrêtqui n'en recon-
naîtrait la validité ni expressémentni tacitement, mais qui se bornerait
précisément à éviterde leur porter atteinte.
Dans ce cas leprincipe du consensualisme ne seraitpas violéetje pense
en conséquencequ'on ne pourrait exiger de l'intervenant qu'il apporte la

preuve d'un lien juridictionnel entre lui et les Etats parties au diffé-
rend.
En dehors d'une doctrine écartant à priori toute possibilitéderecours à
l'intervention dans lecadre d'un procès relatifàcertainesmatières(et que
pour ma part je ne partage pas), c'est de cette façon que l'article 62 peut
permettre de sauvegarder lesdroits d'un Etatnon partie au différendobjet
d'une instance, au-delà des garanties que procure l'article 59.

L'Italie était préciséments,elon moi, dans la catégoriede 1'Etat non

partie. Son intervention était limitée la fourniture d'informations sur ses
droits.
Certes la Libye et Malte se sont opposées à l'admission de la requête
italienne en invoquant l'absence de lienjuridictionnel entre l'Italie et les
Parties originaires.
Mais cette opposition à elle seulen'est pas déterminante. Elle n'est pas
suffisante à rendre la requêteirrecevable. Elle n'est certes paà négliger.
Mais elledoit seulement servir àla Cour à apprécierles circonstances de la
cause.D'autres éléments del'affairepourraientjouer le même rôle. C'est ce
qu'exprime la Cour fort justement (par. 46).

Dansla présente affaire,il convenaitsurtout, comme l'a fait la Cour, de
se concentrer sur l'objet de la requête afinde savoir sil'Italie a entendu
soumettre l'ensemblede sesprétentions àla Cour en vue d'une décisionet,
se constituant partie, subir l'effet obligatoire de cette décision. Maisje
crois qu'il fallait aussi se demander si, au contraire, l'Italie, exerçant son
intervention comme non-partie, aspirait tout simplement à informer la
Cour sur la consistance de ses droits, lui demandant seulement dans sa
décisionde s'abstenir d'yporter atteinte. Il s'agissait d'analyser de façon
concrètela position de l'Italie en se reportanà la foisà sa requêteet à la
procédure orale et ce, sans s'arrêter auxseules expressions utiliséesmais

aussi et surtout sans déformer l'objet précisde la demande àfin d'inter-
vention. En effet la Cour a eu raison de rappeler qu'il lui appartient,
comme elle a déjàeu à le déclarerdans les affaires des Essais nucléaires,
d'apprécierl'objet dela demande (par. 29).A cet égardilneme paraît pas
déterminant que les conseils de l'Italie aient indiqué que l'Italie est une
((partie intervenante ))Je pense que la distinction à faire se situe a l'in-
térieurde l'intervention, entre'Etatpartie et 1'Etatnon partie. Je parlerai
plutôt non pas de ((partie intervenante ))et de partie D, mais plutôt
d'( i<tervenant-partie et d'~intervenant-non partie D.Il convenait doncnothng in the present case which could prevent the Court from applying
this formula. -
Moreover, there was nothing to prevent the Court, having admitted the
Italian intervention,and oncethe latter had stated its claimsand indicated
the reasons used tojustify them,from givingajudgment which would not
recognize their validity, expressly or implicitly, but would in fact merely

limit itself toensuring that they were not prejudiced.
In this instance the principle of consensualism would not be infringed,
and therefore 1believe that theintervenercouldnot be required to furnish
proof of ajurisdictional link between itself and the States parties to the
dispute.
Apart from certain legal writers who exclude apriori al1possibility of
recourse to interventioninthecontext ofproceedingsoncertainmatters (a
viewwhich,for mypart, 1do not share), it isinthis waythat Article 62may
make it possible to safeguard, further than is guaranteed by Article 59,the
rights of a State which is not a party to the dispute constituting the
subject-matter of a case.
Italy, 1 consider, was in this very category of non-party States. Its
intervention was limited to the provision of information concerning its
rights.
Admittedly, Libya and Malta opposed the granting of the Italian appli-

cation, on the grounds of the absence of ajurisdictional link between Italy
and the original Parties.
But this opposition is not in itself decisive :it is not sufficient to render
the application inadmissible. It cannot, of course, be ignored ;but it must
merelyserve to enable the Court to weighup the circumstances of the case.
Other elements of the case might play the same role :indeed, this is what
the Court rightly says (para. 46).
In the present case,it was of thefirst necessity to focus, asthe Court has
done, on the object of the application, in order to establish whether Italy
intended to submit the whole of its claims to the Court for decision and,
constituting itselfas aparty to the case,to acceptthebindingeffects of that
decision. But 1think that it must also be asked whether, on the contrary,
Italy, exercisingits interventionas anon-party, merelyhoped to informthe
Court of the existenceofitsrights, simplyasking theCourt, to refrain,inits

decision, from prejudicing them. The position of Italy has had to be
analyzed in a concretemanner, with reference both to its application and
to the oral proceedings, looking beyond the terminology employed, but
also, above all,without distorting the specificobject of the application for
permission to intervene. The Court was in fact right to recall that it is its
duty, as it had previously had to state in the ~uclear Tests cases, to
ascertainthe object of the application (para. 29).In thisrespectit does not
seem decisive to me that counsel for Italy stated that Italy is an "inter-
vening party". 1 think that the distinction to be drawn lies within the
intervention itself, between the State party and the State not a party. 1
prefertospeakherenot of an "interveningparty" anda "party", but rather
of a "party intervener" and a "non-party intervener". The Italian positiond'interpréter la position italienne afin de savoir si, en l'espèce,la requête

pouvait êtreadmise en dépitde l'absence d'un lien juridictionnel.

A cet effet, il est utile de comparer la requêtà fin d'intervention de
Malte à l'occasion de l'affaire du Plateau continental(Tunisie/Jamahiriya
arabe libyenne) à celle qui està l'origine de la présente affaire. Dans sa
requêteMaltesecontentait, aprèsavoir soulignéqu'ilétait (impossible de
déterminersi un intérêd t 'ordrejuridique de Malte sera en fait affectéou
non par la décision ))(requête, par. 4), de demander à la Cour de lui
permettre d'exposer <ses vues ))sur les questions théoriquesqui devaient
êtresoulevéesau cours de l'instance. Elleprécisaitque son objectif n'était

Pas
<<d'obtenir, sous couvertou au cours d'un intervention dans l'affaire
Tunisie/Libye,un prononcéou une décisionquelconque dela Courau
sujet des limites de son plateau continental par rapport à ces deux

pays ou àl'un d'eux ))(ibid., par. 22).
Mais elle n'allait pas au-delà.
Devant une telle requête où l'intervenant n'a invoqué aucun intérêt
individueldirect et concret,età l'occasionde laquelleil cherchait simple-
ment à exposer <<ses vues))sur des principes et des règlesde droit inter-

national tels que ceux énumérés au paragraphe 13 de ladite requête, la
Cour n'avait pas d'autre possibilitéquede constater que les conditions de
l'article 62 du Statut n'étaient pasremplies.
Il està ajouter à ce qui précèdeque dans sa requête Malten'avait pas
déclaréqu'elleentendait sesoumettre à l'effetobligatoirede la décisionà
intervenir, mêmesi cette lacune avait été combléependant la procédure
orale. Tout se passait en définitive comme si Malte offrait d'informer la
Cour par des considérationsthéoriquessansaccepter que sa situation soit
affectéepar ce que la Cour déciderait. C'est donc, àmon avis, trèslégi-
timement que la Cour a rejetésa requête.

S'agissant de la requêtede l'Italie, elle commence par accepter de sou-
mettre ses intérêtsjuridiquesà la Cour pour que celle-ci les apprécieà la
lumièredes articles 62de son Statut et 81 de son Règlement. Mais ily est
préciséc,ommepour Malteen 1981,que l'intervenant nedemandepas que
la Cour procède àla délimitationde son plateau continental. Cette idéea
été amplement développéeau cours de la procédure orale. Et c'est préci-
sémentsur ce point que je ne partage pas l'avis de la Cour qui pense le
contraire (par. 31). Pour l'Italie, l'objet de son intervention est d'assurer
devant la Cour

<la défensede son intérêt juridique de sorteque ces principes et
règleset, surtout, la méthode pratique de les appliquer ne soient pas
déterminéspar la Cour dans l'ignorance et au détriment de cet
intérêtr).

Par ailleurs, l'Italie déclare dans sa requêtequ'elle demandehad thus to be interpreted with a view to establishing whether, in this
instance, the application could be admitted despite the absence of a
jurisdictional link.
To this end, it is relevant to compare the application by Malta for
permission to intervene in the case of the Continental Shelf (Tunisia/
Libyan Arab Jamahiriya) with the application giving rise to the present
proceedings. In its application, Malta contented itself,havingemphasized
that "it.. .cannot beknown whether any legalinterest of Malta willinfact
be affected by [the]decisionor not" (paragraph 4of theApplication),with
asking the Court to permit it to state "its views" on the theoretical issues
which would have to be raised in the course of the proceedings. It stipu-
lated that its object was not

"by way,orin thecourse, ofinterventionin the Tunisia/Libya case,to
obtain any form of ruling or decision from the Court concerning its
continental shelf boundanes with either or both of those countries"
(ibid, para. 22).

But it went no further than that.
Faced with such an Application, in which the intervener invoked no
direct and specificindividualinterest, and where it simply sought to state
"its views"onprinciples and rulesofinternational lawsuchasthose setout
in paragraph 13of the said Application, the Court had no choicebut to
state that the conditions of Article 62 of the Statute were not fulfilled.

To the foregoing must be added that in its Application, Malta had not
stated that it intended to subject itself to the binding effect of thecision
to be made, even though that deficiency was remedied during the oral
proceedings. It was in fact as though Malta's proposa1 was to offer the
Court a series of hypothetical reflections by way of information, without
acceptingthat its position would be affected by the decision of the Court.
Thus it was quite correct, in my opinion, for the Court to reject its appli-
cation.
In thecase of Italy's application, itgins by agreeingto submit its legal

interests to thejudgment of the Court in the lightof Article62of its Statute
and Article 81of its Rules.But it isstipulated in theApplication, asin that
of Malta in 1981, that the intervener is not seeking to have the Court
proceed to delimit its continental shelf. This has been amply explainedin
thecourse of theoral proceedings.And it isonthis verypoint that 1cannot
sharethecontraryopinion of the Court (para. 31).For Italy,the purpose of
its intervention was to ensure

"the defencebefore the Court of its interests of a legalnature, so that
those principles and rules and, in particular, the practical method of

applyingthem, arenot determined by the Court without awareness of
that interest".
Moreover, Italy Statesin its Application that it is asking (à participer à l'instance dans toute la mesure nécessairepour lui
permettre de défendre les droits qu'ellerevendique sur certaines des

zones revendiquéespar les Partieset de préciserla localisation de ces
zones, compte tenu desrevendicationsdesdeux Partiesprincipaleset
desargumentsavancés à l'appui de cesrevendications, de sorte que la
Coursoitaussicomplètementinforméequepossible surlanatureet la
portée des droits de l'Italie dans les zones de plateau continental
concernéespar la délimitationet quellesoit ainsi en mesure de pren-
dre ces droits dûment enconsidération dans sadécision. )(Requête à
fin d'intervention du Gouvernement de l'Italie, par. 16.)

Et dans leparagraphe 17de cette mêmerequête,l'Italie souligneque la
décisionquela Cour voudra bien prendre au sujet des droits revendiqués
par elle lui sera pleinement appliquée en conformité avec les termes de

l'article59du Statut dela Cour. Cesdéclarationsont étéconfirméep sar les
plaidoiriesdes conseilsde l'Italie quiont précisé àplusieursreprisesqu'une
fois la requête à fin d'intervention admise l'Italie deviendrait partie
intervenante )).
Ainsi, ilapparaît nettement qu'ilya desdifférencesfondamentales entre
la requêtede Malte de 1981 et celle de l'Italie. L'Italie a bien entendu
soumettre àla Cour des prétentions concrètes et accepter sur ces préten-
tions l'effet obligatoire de la décision à intervenir.
On ne pouvait pas en dire autant de Malte en 1981. Cependant à

regarder de près la requête et après avoir entendu les plaidoiries des
conseils de l'Italie, il apparaît que l'Italie n'entendait pas êtrepartie au
procèsdans lesensdu Statut dela Couret dans lesens quej'ai indiqué.Elle
s'estdéclaréeêtre <<partie intervenante ))habilitée à présenter desconclu-
sions. Mais elle s'est expliquéeclairement sur ce qu'elle entend par être
(<partie intervenante o. Ellen'avait pas l'intention de faire valoir sesdroits
contre la Libye et Malte.
L'un de sesconseils a proclamé à l'audience du 30janvier 1984(après-

midi) :
<En matière de droits souverains sur des zones maritimes, faire
valoir des droits signifie faire reconnaître sur quels secteurs géogra-

phiquesdéterminéscesdroits s'exercent.Chacun saitbien que l'Italie
adesdroitssouverainssur deszones deplateau continental s'étendant
au largede sescôtes.Personne ne le conteste. Ce qui est en question,
c'estl'étendue géographique decesdroits, lessurfacessur lesquellesils
s'exercent. Donc ce qui les délimite.
Encoreune fois, l'Italienedemandepas une délimitation deszones
de plateau continental lui revenant. Dans les zones qui resteront en
dehors de la délimitation déterminéepar la Cour entre Malte et la

Libye, la délimitation restera à faire :par négociation et accord, ou
par un autre moyen convenu entre les parties. ))

On ne peut pas êtreplusclair que nel'a étél'ItalieE . llea demandé,nonpas
la délimitation de son plateau continental comme les Parties principales "to participate in theproceedings to thefull extent necessary to enable
it to defend the rights which it claims over some of the areas claimed
by the Parties, and to specify the position of those areas, taking into
account the claims of the two principal Parties and the argumentsput
fonvard in support of those claims, so that the Court may be as fully
informed aspossible as to the natureand scope of therights of Italyin
the areas of continental shelf concerned by the delimitation, and may
thus bein apositiontotake due account of those rightsin its decision"
(Application for Permission to Intervene by the Government of Italy,
para. 16).

And in paragraph 17 of that same Application, Italy emphasizes that
such decision as theCourt may makewith regard to therights it claims will
be fully applicable to it, in conformity with the terms of Article 59 of the
Statute of the Court. These statements have been confirmed by the oral

arguments of counsel for Italy, who have specified on several occasions
that once the application for permission to intervene was granted, Italy
would become an "intervening party".
Thus it is clear that there are fundamental differences between Malta's
1981application and the present application by Italy. Italy did intend to
submit specific claims to the Court and to accept, in respect of those
claims, the binding effect of the decision to be made.
The same could not be said of Malta in 1981. However, on close
examination of the Application, and after hearing the oral arguments of
counsel for Italy, it appears that Italy did not intend to be a party to the
proceedings in the sense of the Statute of the Court and in the sense to
which 1have referred. It described itself as an "intervening party", with the
power of making submissions. But Italy has clearly explained what it
understands the term "intervening party" to mean. It did not have the
intention of asserting its rights against Libya and Malta.
One counsel for Italy stated during the oral hearing of 30January 1984
(afternoon) :

"In regard to sovereign rights over maritime areas, to assert rights
means to obtain recognition of those specific geographical sectors
over which these rights are exercised. Everyone knows that Italy has
sovereign rights over areas of continental shelf extendingseaward of
its Coast.No one contests ths. What is at issue is the geographical
extension of those rights, the surfaces over which they are exercised ;
hence what delimits them.
Once again, Italy does not request a delimitation of the areas of

continental shelfappertaining toit.In the areas remaining outside the
delimitation deterrninedby the Court between Malta and Libya, the
delimitation still remains to be established : by negotiation and
agreement, or by some other means agreed between the parties."

One can hardly be clearer than Italy has been. It has requested, not a
delimitation of its continental shelf, like the main Parties or, more accu-ou, plus exactement, l'énoncé des principes et règlesdevant servir à cette
délimitation,mais seulementqu'il luisoit permis de donner à la Cour des
informations sur l'existenceet la consistance de ses droits sur les zones
concernées afinqu'il n'ysoit pas porté atteinte dans la décision à inter-
venir. Elle ne formulait contre les Parties aucune demande, ne soulevait
contre elles aucune exception. Les plaidoiries des conseils de l'Italie y
compris les extraits citéspar la Cour n'ont pas eu d'autre objet que de
confirmer, avec plus ou moins de bonheur, cette position.
La Courpar contre a cru voir dans certaines d'entre ellesquel'Italie lui
demandait en fait de <(reconnaître [sesdroits]et,pour cefaire, [de]statuer
au moins partiellementsur les différendsentre l'Italie et l'une des Parties

ou les deux H.Pour étayersa conviction la Courcite,notamment au para-
graphe 33 de l'arrêt,les passages suivants des plaidoiries des conseils de
l'Italie:
<<l'Italie demande à la Cour, lorsqu'elle s'acquittera de sa tâche en

vertu du compromis, de
<donner ..aux deux Parties toutes indications utilespour qu'elles
n'incluentpas ',dans l'accorddedélimitationqu'ellesconcluronten
application de l'arrêtde la Cour, des zones qui, en raisonde l'exis-
tence de droitsde l'Italie,devraientfaire l'objetsoit d'une délimita-
tion entrel'Italie et Malte, soit d'unedélimitationentrel'Italieet la
Libye,soit lecas échéand t 'un accord de délimitationentre lestrois

pays (les italiques sont de la Cour) o.
<[l']Italiene désire rienau-delà de ce qui,à travers les procédures
appropriées,sera reconnu lui appartenir en droit )).
<la Cour pourra déciderque dans les zones où elle indiquera aux

Parties principales comment procéder à la délimitationl'Italie ne
peut revendiquer aucun droit ...))
(là oùlaCour,aprèsavoirentendu l'Italie,décideraqu'ilya lieude
procéder à la délimitationentre Malte et la Libye, elle décidera,
implicitement ou expressément,que l'Italie n'a pas de droits dans
les zones concernées,en dépitdes prétentions qu'elle aura éven-

tuellement fait valoir)).
Ces citations ne sont guère convaincantes. On peut en fournir bien
d'autres qui, elles,confirment les termes non équivoquesde la requêteet
qui précisent bienquel'Italie n'entendait pas soumettreun différend à la
Cour etne demandait évidemmentpasqu'ilysoitstatué.Jen'enindiquerai

que quelques-unes :
<L'Italie nevousdemande pas deprocéder à une délimitationentre
elleet Malte ou entre elleetla Libye. L'Italie demandequela Courne
statuepas sur leszones quimettraienten cause sesintérêtsjuridiques.

En mêmetemps, elle se considère engagée, si elleest admise à la

Les italiques sont de moi.rately, a statement of the principles and rules for such a delimitation, but
simply that it should be permitted to givethe Court information concern-
ing the existence and substance of its rights over the areas concerned, so
that they may not be prejudiced in the decision to be made. It did not
formulate any claim against the Parties, nor raise any objection against
them. The only purpose of the oral arguments of counsel for Italy, includ-
ingthe passages quoted by the Court, was toconfirm ths position,whether
more or less appositely.
The Court, has however interpreted some of those arguments as mean-
ing that Italy wasinfact asking itto "recognize those rights, and hence, for
the purpose of being able to do so, to make a finding, at least in part, on
disputes between Italy and one or both of the Parties". To support its
argument the Court refers, especially in paragraph 33of its Judgment, to
the following passages from the oral arguments of counsel for Italy :

"Italy isasking the Court, when carrying out its task under the Special
Agreement, to
'providethe two Parties with everyneedfulindication toensurethat
they do not ', when they conclude their delimitation agreement
pursuant to the Court's judgment, include any areas which, on
accountof the existence of rightspossessed by Italy, ought to be the
subjecteither of delimitation between Italy and Malta or of delim-
itation between Italy and Libya, or the delimitation agreement as
between al1three countries.' (Emphasis added.)"

"Italydesires nothing more than that which, through appropriate
procedures, will be recognized as its legal due."
"the Court could decide that, in the areas within which it will be
indicating to the main Parties how they should proceed with the
delimitation, Italy is not entitled to claim any rights ...".

"If. . .,after hearing Italy's presentation, the Court decides that
there are grounds for proceeding to a delimitation between Malta
and Libya, it will decide, implicitly or explicitly, that Italy has no
rightsinthe areas concerned, despite any claimswhich itmay make
to the contrary."
Thesequotations arefar from convincing.One might produce numerous
others in support of theunambiguous drift of theapplication, showingthat
Italy did not intend to submit a dispute to the Court, and wascertainlynot
asking for a judgment upon it. Let me quote just a few :

"Italy does not ask you to establish a delimitation between itself
and Malta or itself and Libya. Italy asks the Court not to reach a
decision on areas which would involve its legal interest. At the same
time, it considers itself bound, if admitted to thepresent proceedings,

My emphasis.
52 présenteprocédure, àreconnaître pleinement lecaractère obligatoire
dela décisionqui sera rendue par la Cour sur tous lespoints soulevés
dans lecadre de sonintervention. (Déclaration de M. Gaja, agentde
l'Italieàl'audience du 25janvier 1984,matin.)
<<Dans la mesure où la Cour s'acquittera de la tâche consistant à
délimiterles étendues sous-marinesen litige entrela Libye et Malte,
ellene peut manquer d'entamer des zones dont l'Italie estimequ'elles

relèvent d'elle envertu du droit international. Les droits de l'Italie
seraientainsiaffectésdirectementet spécialement par le dispositif de
Iadécision.Il enrésulteque,dansla mesure où desintérêtsjuridiques
peuvent se trouver en cause, l'Italie devrait avoir la possibilité de
défendre ses droits au fond. (Exposéoral de M. Arangio-Ruiz à
l'audience du 25janvier 1984,matin.)
<<1. L'Italie ne demande pas à la Cour de déterminer la ligne de
délimitation séparant les zones de plateau continental relevant de
l'Italie des zones relevant respectivement de Malte ou de la Libye.

2. L'Italie ne demande pas davantage à la Cour d'indiquer quels
sont lesprincipes etrèglesde droit international quisontapplicableà
la délimitation des zones du plateau continental relevant de l'Italie,
d'une part, et des zones du plateau continental relevant, d'autre part,
respectivement de la Jamahiriya arabe libyenne et de la République
de Malte, ni comment, dans la pratique, ces principes et règlespour-
raient être appliquésdans le cas d'espèce, afin que les Parties inté-
resséespuissent délimiter ces zones sans difficulté par voie d'ac-
cord.
.............................

4. L'Italie, sisa requêtàfind'intervention est admise par laCour,
en application de l'article 62, paragraphe 2, du Statut, c'est-à-dire
lorsqu'elle aura été autoriséàparticiper à la procédure sur le fond,
définira plus complètementles zones sur lesquelles elle estimeavoir
des droits et développerales raisons de droit et de fait sur lesquelles
reposent ses prétentions. (Exposéoralde M. Monaco à l'audience
du 25janvier 1984,après-midi.)

J'indiquerai aussilespassages suivantsde l'exposéoralde M.Virallyfait
à l'audience du 26janvier 1984 :

(bien qu'elle porte sur des droits concrets et non pas sur l'interpré-
tation de règles ou de principes. ..En d'autres termes, l'Italie ne
cherchepas à faire valoir sesdroits vis-à-visdesPartiàl'instance,ni
de l'une quelconque d'entre elles.
L'objetde l'intervention italienne est beaucoup plus limité.L'Italie
demande seulementque, dans l'énoncédesprincipesetrèglesde droit
international applicables à la délimitation des zones de plateau
continental relevant respectivementde Malte et de la Libye, comme
lorsqu'elle indiquera comment ces principes et règlespeuvent être to recognizefully thebinding nature of the decision tobe givenby the

Court on al1the points raised within the framework of its interven-
tion." (Statement of Mr. Gaja, Agent of Italy, at the hearing of
25January 1984,morning.)
"In so far as the Court willperform the task of delimiting submar-
ine areas in dispute between Libya and Malta, it willbebound to cut
through areas which Italy claims pertain to her by law. Italian rights
would thus be affected in the most direct and unique fashion by the
operative part of the decision. It follows, in so far as legal interests
may be affected, that Italy should not fail to be enabled to defend its
rightsonthe matter." (Oralstatement of Mr.Arangio-Ruiz during the
hearing of 25 January 1984,morning.)

"1. Italy is not requestingthe Court to determine the course of the
delimitation linedividingthe areas of continental shelf appertaining
to Italy from the areas appertaining respectively to Malta or
Libya.
2. Neither is Italy requesting the Court to indicate what are the
principlesand rulesofinternational lawapplicabletothedelimitation
of the areas of continental shelfappertaining to Italy on the one hand
and the areas of continental shelf appertaining, on the other hand, to
the Republic of Malta and the Libyan Arab Jamahiriya respectively,
nor how,inpractice, those principlesand rules might be applied in the
present casein order that thePartiesconcerned maywithoutdifficulty
delimit those areas by agreement.

.............................

4. Italy, if its request for permission to intervene is granted by the
Court pursuant toArticle 62,paragraph 2,of the Statute, that isto Say
when it has been authonzed to participate in the proceedings on the
merits, will givea morecompletedefinition of the areas over which it
deems that it has rights and will enlarge upon the grounds of law and
factupon whichitsclaims are based." (Oralstatement of Mr.Monaco
during the hearing of 25 January 1984,afternoon.)
1will also quote the following passages from the oral statement of Mr.
'irallyduring the hearing of 26 January 1984 :

"even though it relates to concreterights and not to the interpretation
of rules or principles. ..In other words, Italy is not pressing a claim
against tiie Parties in the proceedings, or against either one of them
separately.
The object of the Italian intervention is more limited. Italy is only
asking that the Court, when setting forth the principles and rules of
international law held to be applicable to the delimitation of the
respectiveareas of continental shelf appertaining to Malta and Libya,
and when indicating how these principles and rules can be applied in appliquésdans la pratique par lesParties dans lecas d'espèce, afinde
délimiterceszonessansdifficulté,la Courdonne toutes lesprécisions
nécessairespour que cette lignene soitpas tracéeen méconnaissance
desdroits del'Italieetn'englobepasdans leszonesrevenant à l'uneou
à l'autre des Parties des zones sur lesquelles l'Italie a des droits.

En d'autres termes, l'Italie demande que ne soit pas opéréeune
délimitationentre Malte etla Libye,enapplication deladécisiondela
Cour, dans des secteursoù, en droit, doit prendre place une délimi-
tation entre l'Italie et Malte, ou entre l'Italie et la Libye.

Et mêmedans la partie de plaidoiriecitéepar la Cour aux paragraphes 17
et 33de l'arrêt etci-dessusrappelée,le conseil de l'Italie avait pris soin de
commencer par dire :

(<L'Italie demande à la Cour, lorsqu'elle s'acquitterade la mission
qui lui a étéconfiéepar le compromis du 23 mai 1976,c'est-a-dire
lorsqu'ellerépondraaux questions qui lui ont étéposées à l'article 1
dudit compromis, de prendre en considération les intérêtsd'ordre
juridique de l'Italie relatifs des zones revendiquéespar les Parties

principales, ou à certaines parties de ces zones ))
avant de préciser : (<et de donner ..aux deux Parties toutes indications

utiles pour qu'elles n'incluent pas ))etc.
Ces longues citations montrent bien que les conseils de l'Italie ont
simplement essayéde se tenir dans les limites de l'intervention. Il me
semble difficile de leur reprocher d'avoir voulu introduire un différend
devant la Cour et d'avoir demandé à celle-ci de le trancher.
Je sais bien que la Cour a, comme elle l'a rappelé, le devoir ...de
circonscrire le véritable problème en cause et de préciser l'objetde la

demande )(C.I.J. Recueil1974,p. 262,par. 29,etparagraphe 29duprésent
arrêt)et que c'està elle qu'ilappartient de s'assurer du but et de l'objet
véritablesde la demande ))(ibid., p. 263, par. 30, et paragraphe 29 du
présentarrêt).Mais cepouvoir qu'ellesereconnaîtfortjustement n'estpas
discrétionnaire. Il ne sauraitconduirela Cour àfairedire à un Etat cequ'il
s'obstine à refuser de dire. L'Italie a dit et répétqu'elle ne réclamaitpas
une délimitationde son plateau continental. Rien dans les argumentsde
ses conseils ne contredit cette position d'une façon claire et nette.

Bien sûr,l'interventionexigeque 1'Etatqui ya recoursfasselapreuve de
son <intérêd t'ordrejuridique )>c'est-a-direen l'espècequ'ilmontre bien
qu'il possède desdroits qui risquent d'êtreaffectéspar la décisionde la
Cour. Il faut aussi que l'Etat intéress,ans équivoque,fasseconnaîtreson
intention de seplier à ladécisiondela Courdans lamesuredes prétentions
qu'ilaeu àfaireconnaître. Cen'estpas là soumettreundifférend à la Cour.
C'est remplir les conditions qu'exigela procédure d'intervention.

Sentant qu'on pourrait lui reprocher d'avoir déformé l'intention claire-
ment expriméedel'Italie,la Couraffirme qu'<<ilimporte peu que l'Italiese
défendedetouteintention dedemander à laCour de trancherun tellitige >) CONTINENTAL SHELF (SEP. OP. MBAYE) 53

practice by the Partiesin the present case so as to delimit those areas
without difficulty, should give al1the indications needed to ensure
that this line is not drawn in such a way as to disregardItaly's rights,
and does not include areas over which Italy has rights in the areas
falling to one or the other Party.
In other words, Italy requests that no delimitation should be

effected between Malta and Libya, pursuant to the decision of the
Court, in sectors where, legally, delimitation should take place as
between Italy and Malta, or as between Italy and Libya."
And even in the passage of oral argument quoted by the Court in para-
graphs 17and 33of theJudgment, mentioned above, counsel for Italy was

careful to begin by saying that
"Italy is asking that the Court, when it accomplishes the mission
entrusted toit by theSpecialAgreement of 23May 1976,that isto Say,
when it answers the questions put to it in Article 1 of that Special
Agreement, to take into consideration the interests of a legal nature
which Italy possessesin relation to various areas claimed by themain
Parties, on certain parts of those areas.. ."

before going on to add :"to provide the two Parties with every needful
indication to ensure that they do not .. include .. .", etc.
These longquotations clearly showthat counsel for Italy simply tried to
remainwithinthelimits ofintervention. It seemstome that they can hardly
be reproached with having to introduce a dispute before the Court, and
having asked the latter to resolve it.

1am wellawarethat, asthe Court has recalled, it has the "duty to isolate
the real issue in the case and to identify the object of the claim" (1..J.
Reports1974,p. 262,para. 29, and paragraph 29 of the present Judgment)
and that "the Court must ascertain the true object and purpose of the
claim" (ibi pd.263,para. 30,and paragraph 29 of thepresent Judgment).
But this power which it rightly claims is not a discretionary power. The
Court cannot, on this basis, make a State voice an opinion which it
obstinately refuses to express. Italy has repeatedly said that it was not
seekingadelimitation ofits continental shelf.Nothing in thestatements by
its counsel offers any clear and specific contradiction of this position.
It istruethatinterventionrequires of a Statewhichhasrecourse toit that
itfurnish proof ofits "interest of alegalnature", viz.,that it should showin
this instance that it possesses rights which are liable to be affectedby the
Court's decision. It is also required that the State concerned should
unambiguously showitsintention of bowing to the Court's decision to the
extent of the claimswhichithasstated.This isnot the sameassubmitting a
dispute to the Court :it is compliancewith the conditionsrequired by the
intervention procedure.
Feelingthatit might be reproached withhaving misconstrued theclearly
expressed intention of Italy, the Court Statesthat "The fact that Italy has
disclaimed any intention of asking the Court to settle such a dispute is(par. 31).Maisje ne suispas sûr queleraisonnement que tient la Cour par
la suite (par. 32-37) et les exemples choisis par elle pour démontrer le
contraire aient été convaincants.
Pour moi les arguments développéspar lesconseils de l'Italie etévoqués
par la Cour comme démontrant l'intention de l'intervenant de soumettre
un différend à trancher par la Cour n'ont pas d'autre objet que d'aller au

devant de l'argument qui serait tiré éventuellement du défaut d'intérêt
d'ordrejuridique. Aenjuger parlajurisprudence de laCour,heureusement
fort limitée, c'est unéquilibrebien diffiàiassurerqui est demandé aux
auteurs d'intervention. S'ilsprécisentles droits qui prouvent qu'ilsont un
intérêt d'ordre juridique et demandentqu'il n'y soit pas portéatteinte, ils
encourent le reproche de soumettre un différend à la Cour (présente
affaire). S'ilss'en abstiennent, on invoque contre eux l'absence d'intérêt
d'ordrejuridique (interventiondeMalteen 1981).Ne risque-t-onpas ainsi
de condamner l'institution de l'intervention prévue par l'article 62 du
Statut à la mort par dépérissement ?
Après avoir lu et relu la requêtede l'Italie et les plaidoiries de ses
conseils,j'ai acquislaconviction quel'objetdel'intervention portéedevant

laCourfaisaitdel'Italie un<intervenant-non partie)>L'Italie aprécisles
zones du plateau continental sur lesquelles elle estimait avoir des droits
souverains dont elle demandait la préservation, acceptant d'avance l'effet
de la décisionàintervenir dans la mesure de ce qu'ellesoumettait )à la
Cour àtitre d'information. Elle n'a pas demandéque la Cour délimiteces
zones et reconnaisse les droits qu'elle y posséderait. Ce faisant, l'Italie
a-t-elle commis le tort, dans la perspective où la Cour accéderaità sa
demande, d'envisagerd'ores et déjà,dans les zones que la Cour de ce fait
n'inclurait pas dans sa décision,une délimitationfuture (conventionnelle
oujudiciaire) entre elleet l'une desParties ou avecles d?uJe ne le crois
pas. Par ailleursl'article 62 du Statut de la Cour interdit-il cette interven-
tion limitée? Je ne le crois pas non plus.

En conclusion je crois que la requêtede l'Italie ne pouvait êtreadmise
pour lemotif quej'ai indiquéau débutde cetteopinion. Maisje croisaussi
qu'enconsidérationde sonobjet ellenepouvait êtrerejetéedu seulchef du
défaut du consentement des Parties. La Cour a pensé le contraire sur ce
dernier point. Jeregrette de ne pas êtrede cet avis,bien qu'ayant approuvé
le dispositif de l'arrêt.

(Sign é )ba MBAYE.immaterial" (para. 31). But 1 am not certain that the reasoning subse-
quentlypursued by theCourt(paras. 32-37),and the examplesit choosesto
demonstrate the contrary, are sufficiently convincing.
In myview,the solepurpose of thearguments put forward bycounsel for
Italy, and invoked by the Court as showing theintention of the intervener
to submitadispute to theCourt for settlement, was to defend Italy against
the argument that it lacked an interest of a legal nature. Tojudge by the
Court's case-law in the matter, which fortunately is extremely limited,
those who institute intervention proceedings have to strike a very delicate
balance. If they specify rights proving that they possess an interest of a
legalnature, and ask that thisnterest should not be prejudiced, they may
be accused of submittingadispute tothe Court(as inthe present instance).
If they refrainfrom sodoing, it may be argued against them that they have
no interest of a legal nature (Malta's intervention in 1981).Surely ths is
tantamountto condemning the institution of intervention, provided forin
Article 62 of the Statute, to a wasting deat?

Having read and re-read Italy's Application, and the oral arguments of
its counsel, 1 have formed the conviction that the purpose of the inter-
vention brought before the Court made Italy a "non-party intervener".
Italy has specified the areas of continental shelf over which it considered
itself to possesssovereignrights, the preservation of which it was request-
ing, accepting in advance the effect of the decision which would be made
on the matter which it was "submitting" to the Court for information
purposes. It has not asked for the Court to delimit those areas, or to
recognize any rights which it might possess there. In so doing, did Italy
commit the error of envisaging now, on the supposition that the Court
acceded to its request, that inthose areas which the Court would as a
consequence exclude from its decision, there would be a delimitation, by
treaty or byjudicial means, between itself and one orboth of the Part?1s
do not think so. Moreover, does Article 62 of the Court's Statute forbid
such a limited intervention? Again, 1 do not think so.
In conclusion, 1believe that Italy's Application could not be admitted
for the reason which 1 gave at the beginning of this opinion. But 1 also
believethat in viewof its object, it could not be rejected for the solereason
that the consent of the Parties waslacking.The Court hasgivenan opposite

opinion on this latter point. 1 regret that 1 do not share this view even
though 1have endorsed the operative part of the Judgment.

(SigneK dé)baMBAYE.

Document file FR
Document Long Title

Opinion individuelle de M. Mbaye

Links