Opinion individuelle de M. Ruda (traduction)

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070-19860627-JUD-01-03-EN
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070-19860627-JUD-01-00-EN
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OPlNlION INDIVIDUELLE DE M. RUDA

1. J'ai voté en faveurdes décisionsénoncéesdans le dispositif de l'arrêt
de la Cour, a l'exception de celle qui figure au sous-paragraphe 1et qui a
trait à l'application de la réservedont les Etats-Unis d'Amérique ont

assorti leur déclaration d'acceptation de lajuridiction de la Cour confor-
mément à l'article 36,paragraphe 2,du Statut, réserveconnue sous le nom
de réserve Vanderiberg )).
2. Sij'ai votéen faveur de ces décisions,celane signifie pas que c'esten
suivant en tous points le raisonnement de la Cour que je suisparvenu aux
mêmes conclusions.Je me bornerai cependant à n'exposer mes vues que
sur certaines questi~ons,celles qui sont suffisamment importantes pour
mériterd'êtredéveloppéesdans une opinion individuelle et que la Cour. a
mon avis. aurait dû aborder différemment.

3. Dans sa lettreclu18janvier 1985,l'agentdes Etats-Unis afait part de
la position de son gouvernement sur l'arrêt rendu par la Cour le
26 novembre 1984en matière de compétenceet de recevabilité.IIconclut
en ces termes :

<(Il m'incombeenconséquencede vousinformer que lesEtats-Unis
n'ont l'intention de participer à aucune autre procédure relative à
cette affaire et réservent leursdroits a propos de toute suite que la
Cour décideraiitde donner aux demandes du Nicaragua.

4. Je suis tout à fait d'accord avec la Cour lorsqu'elle indique, au
paragraphe 27de so.narrêt,qu'un Etat attrait devant la Cour peut décider
de ne pas comparaître. Maisje ne crois pas que la Cour doive passer sous
silence lefait qu'un Etata annoncéqu'il réservait sesdroits à propos d'une
décisionfuture de li*Cour.
5. L'article 94,paragraphe 1,de la Charte des Nations Uniesdispose de
fa<;onclaire et nette cqu: Chaque Membre desNations Unies s'engage à

se conformer à la dkcision de la Cour internationale de Justice dans tout
litige auquel ilest partie.))
6. Aucune réservefaitepar un Etat, à quelquephase de l'instance que ce
soit, ne saurait déroger cetteobligation solennelle, librementconsentieet
constituant en plus la pierre angulaire du systèmede règlementjudiciaire
desdifférends interriationaux, tout entier axésur la Cour. Les Etats-Unis,
comme touteautre partie au Statut,sont liéspar lesdécisionsde la Cour etinternational, et not,amment au regard de I'obligation de ne pas s'immiscer
dans lesaffaires inté:rieuresd'un autre Etat et de I'obligation de s'abstenir,
dans lesrelations internationales, de recouriràla menace ou à l'emploide
la force contre l'intégritéterritoriale ou l'indépendance politique d'un
autre Etat. Mais cequ'ils'agitd'établir enl'occurrence,àproposde la thèse
desEtats-Unis, c'estsilajustification de Iégitimedéfensedans lecas d'une

assistance à des rebe:llesest valide en droit international coutumier. A cela
je réponds comme la Cour que non.
12. Si,en droit, l'assistancedes rebelles nesaurait en soisejustifierpar
la légitime défenseJ,e ne vois pas pourquoi la Cour s'estime tenue d'ana-
lyser dans le détailles faits de la cause concernant cette assistance. Je ne
vois pas non plus l'utilitéd'aborder dans l'arrêt question desconditions
auxquelles le recours àla Iégitimedéfense collectivedoit répondre :I'Etat
qui s'estime victime d'une agression arméedoit formuler une demande
d'assistance ;ildoit déclarer qu'ila étl'objetd'une agression ;un rapport
sur les mesures prises dans l'exercicede ce droit de Iégitimedéfensedoit
êtreimmédiatement.présenté.
13. A mon avis, il aurait suffi de dire, comme la Cour l'a fait dans ses
conclusions, que même l'existence éventuelld e'une telle assistanceet d'un
tel flux d'armes n'aurait pas constitué une justification suffisante pour

invoquer la Iégitimcedéfense parce qu'en droit la notion d'~agression
armée ne recouvre pas l'assistance à des rebelles.
14. J'arrivedonc ,auxmêmesconclusionsque la Cour. maispar des voies
différentes.
15. Il est dans la logique de mon raisonnement de ne pas me prononcer
sur ce que la Cour dit des faits sur lesquels peut reposer la prétendue
justification de Iégitime défense collective.Je souscris cependant aux
conclusions de droit et de fait auxquelles la Cour est parvenue à propos
des incursions tranisfontières à l'intérieurdu territoire du Honduras et
du Costa Rica.

IV. LE TRAITÉ D'AMITIÉ, DE COMMERCE ET DE NAVIGATION DE 1956

16. Lors de 1'arrêd:te 1984,un autre membre de la Cour et moi-même
avons votécontre Il'acceptation du traité d'amitié, de commerce et de
navigation de 1956comme base de compétencede la Cour, et je m'en suis
expliquédans une opinion individuelle. Mais je me suis senti obligé, à
l'occasion du préseritarrêt,de voter sur la question de savoir si les Etats-
Unis avaient agi en violation de ce traité.D'un point de vuejuridique, la
question de la compétenceet cellede la violation d'un traiténe sont pas de
mêmenature : il se peut que la Cour ne soit pas compétente, faute de
consentement, pour connaître d'un différendquant au fond, mais cela
n'exclut pas que les Etats en litige peuvent avoir violéune règlede droit
international. Une fois que la Cour s'estdéclaréecompétente,chaque juge
est tenu de sepronoincersur le fond de l'affaire, mêmes'ilétait minoritaire

dans la phase de la compétence.Sinon unjuge qui aurait votécontre deux

Bilingual Content

SEPARATE OPINION OF JUDGE RUDA

1. I have voted in favour of the decisions adopted by the Court in the
operative part, with the exception of subparagraph (l), relating to the
application of the reservation made by the United States ofAmerica, at the
time of the acceptance of thejurisdiction of the Court, under Article 36,
paragraph 2, of the Statute, which is known as the "Vandenberg Reser-
vation".
2. This favourable vote does not mean that I share al1and everypart of
the reasoning followed by the Court in reaching the same conclusions.
Nevertheless, 1feel it necessary to state my viewsonly on certain subjects
which areimportant enough to deserve a separate opinion and on which 1
think that the Court should have taken a different approach.

3. In his letter of 18 January 1985, the Agent of the United States
conveyed the position of his Government on the Court's Judgment on
jurisdiction and admissibility, given on 26 November 1984. The letter
states in its final part:

"Accordingly, it is my duty to inform you that the United States
intends not to participate in any further proceedings in connection
with this case, and reserves its rights in respect of anycision by the
Court regarding Nicaragua's claims."
4. 1fully agree with the statement of the Court in paragraph 27 that a
Stateparty to proceedings before the Court may decide not to participate

in them. But 1do not think that the Court should pass over in silence a
statement whereby a State reserves its rights in respect of a future decision
of the Court.
5. Article 94,paragraph 1,of the United NationsCharter saysin aclear
and simple way : "Each Member of the United Nations undertakes to
comply with the decision of the International Court of Justice in any case
to which it is a party."
6. No reservation made byaState, at any stageof theproceedings, could
derogatefrom this solemnobligation, freely entered into, which is, more-
over, thecornerstone of the system,centred upon the Court, for thejudicial
settlement of international disputes. The United States, like any other
party to the Statute, isbound by the decisions taken by theCourtand there OPlNlION INDIVIDUELLE DE M. RUDA

1. J'ai voté en faveurdes décisionsénoncéesdans le dispositif de l'arrêt
de la Cour, a l'exception de celle qui figure au sous-paragraphe 1et qui a
trait à l'application de la réservedont les Etats-Unis d'Amérique ont

assorti leur déclaration d'acceptation de lajuridiction de la Cour confor-
mément à l'article 36,paragraphe 2,du Statut, réserveconnue sous le nom
de réserve Vanderiberg )).
2. Sij'ai votéen faveur de ces décisions,celane signifie pas que c'esten
suivant en tous points le raisonnement de la Cour que je suisparvenu aux
mêmes conclusions.Je me bornerai cependant à n'exposer mes vues que
sur certaines questi~ons,celles qui sont suffisamment importantes pour
mériterd'êtredéveloppéesdans une opinion individuelle et que la Cour. a
mon avis. aurait dû aborder différemment.

3. Dans sa lettreclu18janvier 1985,l'agentdes Etats-Unis afait part de
la position de son gouvernement sur l'arrêt rendu par la Cour le
26 novembre 1984en matière de compétenceet de recevabilité.IIconclut
en ces termes :

<(Il m'incombeenconséquencede vousinformer que lesEtats-Unis
n'ont l'intention de participer à aucune autre procédure relative à
cette affaire et réservent leursdroits a propos de toute suite que la
Cour décideraiitde donner aux demandes du Nicaragua.

4. Je suis tout à fait d'accord avec la Cour lorsqu'elle indique, au
paragraphe 27de so.narrêt,qu'un Etat attrait devant la Cour peut décider
de ne pas comparaître. Maisje ne crois pas que la Cour doive passer sous
silence lefait qu'un Etata annoncéqu'il réservait sesdroits à propos d'une
décisionfuture de li*Cour.
5. L'article 94,paragraphe 1,de la Charte des Nations Uniesdispose de
fa<;onclaire et nette cqu: Chaque Membre desNations Unies s'engage à

se conformer à la dkcision de la Cour internationale de Justice dans tout
litige auquel ilest partie.))
6. Aucune réservefaitepar un Etat, à quelquephase de l'instance que ce
soit, ne saurait déroger cetteobligation solennelle, librementconsentieet
constituant en plus la pierre angulaire du systèmede règlementjudiciaire
desdifférends interriationaux, tout entier axésur la Cour. Les Etats-Unis,
comme touteautre partie au Statut,sont liéspar lesdécisionsde la Cour etanother State and to refrain in international relations frorn the threat or
use of force against the territorial integrity or political independence of
another State. But here the question to be decided in regard to the plea of
the United States is whether thejustification of self-defence in the case of
assistance to rebels islid or not under customaryinternational law. My
reply, just like the one given by the Court, is in the negative.

12. If, juridically, assistance to rebels cannper se, be justified on

grounds of self-defence.1do not see why the Court feels bound to analyse
in detail the facts of the case relating to such assistance. Neither do1
perceive the need for entering, in the Judgrnent, into the questions of the
requirements, in the case of collective self-defence. of a request by a State
which regards itself as the victirn of an armed attack, or a declaration by
that State that it has been attacked or of its subrnission of an irnrnediate
report on the rneasure taken in the exercise of this right of self-
defence.
13. Frorn my point of viewit would havebeen sufficient to say,just as
theCourt does in itsconclusions, that even ifthere wassuch assistance and
flow of arrns, that is not a sufficient excuse for invoking self-defence
because,juridically, the concept of "armed attack" does not include assis-
tance to rebels.

14. Therefore,1 have a different method of approach from that of the
Court, even though 1 reach the sarne conclusions.
15. Following the logicof rny reasoning,1pass nojudgrnent as towhat
the Court says on such facts as rnay underlie the claimed justification of
collectiveself-defence.Ishare, however. the findings of fact and lawof the
Court on the transborder incursions in the territory of Honduras and
Costa Rica.

IV. THE 1956TREATY OF FRIENDSHIPC ,OMMERC AEND NAVIGATION

16. 1voted in the 1984Judgment, together with anotherjudge, against

accepting the 1956Treaty of Friendship, Commerce and Navigation as a
basis for thejurisdiction of the Court to entertain the dispute andhave
expressed my reasoning in a separate opinion. However, 1consider that in
regard to the present Judgment 1 was obliged to vote on the question
whether the United Stateshas acted in breach of this Treaty. The question
ofjurisdiction and that of the breach of a treaty are of a differentjuridical
nature ;the Court could be incompetent for lack of consent to go into the
rnerits of a dispute, but that does not rnean that the States in the contro-
versy rnight have not violated a rule of international law. Once the Court
has established its cornpetence,judge isbound to decide on the rnerits of
the case, even if he was in the rninority on the question of jurisdiction.
Otherwise, in the event that a judge had voted against both sources ofinternational, et not,amment au regard de I'obligation de ne pas s'immiscer
dans lesaffaires inté:rieuresd'un autre Etat et de I'obligation de s'abstenir,
dans lesrelations internationales, de recouriràla menace ou à l'emploide
la force contre l'intégritéterritoriale ou l'indépendance politique d'un
autre Etat. Mais cequ'ils'agitd'établir enl'occurrence,àproposde la thèse
desEtats-Unis, c'estsilajustification de Iégitimedéfensedans lecas d'une

assistance à des rebe:llesest valide en droit international coutumier. A cela
je réponds comme la Cour que non.
12. Si,en droit, l'assistancedes rebelles nesaurait en soisejustifierpar
la légitime défenseJ,e ne vois pas pourquoi la Cour s'estime tenue d'ana-
lyser dans le détailles faits de la cause concernant cette assistance. Je ne
vois pas non plus l'utilitéd'aborder dans l'arrêt question desconditions
auxquelles le recours àla Iégitimedéfense collectivedoit répondre :I'Etat
qui s'estime victime d'une agression arméedoit formuler une demande
d'assistance ;ildoit déclarer qu'ila étl'objetd'une agression ;un rapport
sur les mesures prises dans l'exercicede ce droit de Iégitimedéfensedoit
êtreimmédiatement.présenté.
13. A mon avis, il aurait suffi de dire, comme la Cour l'a fait dans ses
conclusions, que même l'existence éventuelld e'une telle assistanceet d'un
tel flux d'armes n'aurait pas constitué une justification suffisante pour

invoquer la Iégitimcedéfense parce qu'en droit la notion d'~agression
armée ne recouvre pas l'assistance à des rebelles.
14. J'arrivedonc ,auxmêmesconclusionsque la Cour. maispar des voies
différentes.
15. Il est dans la logique de mon raisonnement de ne pas me prononcer
sur ce que la Cour dit des faits sur lesquels peut reposer la prétendue
justification de Iégitime défense collective.Je souscris cependant aux
conclusions de droit et de fait auxquelles la Cour est parvenue à propos
des incursions tranisfontières à l'intérieurdu territoire du Honduras et
du Costa Rica.

IV. LE TRAITÉ D'AMITIÉ, DE COMMERCE ET DE NAVIGATION DE 1956

16. Lors de 1'arrêd:te 1984,un autre membre de la Cour et moi-même
avons votécontre Il'acceptation du traité d'amitié, de commerce et de
navigation de 1956comme base de compétencede la Cour, et je m'en suis
expliquédans une opinion individuelle. Mais je me suis senti obligé, à
l'occasion du préseritarrêt,de voter sur la question de savoir si les Etats-
Unis avaient agi en violation de ce traité.D'un point de vuejuridique, la
question de la compétenceet cellede la violation d'un traiténe sont pas de
mêmenature : il se peut que la Cour ne soit pas compétente, faute de
consentement, pour connaître d'un différendquant au fond, mais cela
n'exclut pas que les Etats en litige peuvent avoir violéune règlede droit
international. Une fois que la Cour s'estdéclaréecompétente,chaque juge
est tenu de sepronoincersur le fond de l'affaire, mêmes'ilétait minoritaire

dans la phase de la compétence.Sinon unjuge qui aurait votécontre deux

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