Opinion individuelle de M. Ago

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070-19841126-JUD-01-05-EN
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070-19841126-JUD-01-00-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. AG0

1. J'ai pu voter en faveur de la conclusion d'aprèslaquelle la Cour a,
dans le cas d'espèce,une compétencelui permettant de procéder à l'exa-
men de l'affairequant au fond, carje suisconvaincu de l'existencecertaine
entre la PartiedemanderesseetlaPartiedéfenderesse de l'undesdeux liens

distincts dejuridiction obligatoire que lamajoritéde la Cour estime exister
entre les Parties. J'estimeen effet qu'unlien valable dejuridiction entre les
Parties, aux termes de l'article 36,paragraphe 1,du Statut de la Cour, est
fourni par l'article XXIV,paragraphe 2,du traitéd'amitié,de commerce et
de navigation du 21janvier 1956 entre les Etats-Unis d'Amérique etle
Nicaragua (traité FCN).
2. Il s'agitàmon avis, d'un titre dejuridiction indépendant et non pas
simplement <(complémentaire ))comme la majorité de la Cour semble le
penser, et d'un titreévidemment valablepour autant que lesgriefsavancés

par leNicaragua puissent êtreprésentéscommeseréférant àdesviolations
des dispositions de ce traité. Le Nicaragua a d'ailleurs répondu à cette
exigence, en invoquant dans son mémoire lefait que les activités <mili-
taires et paramilitaires des Etats-Unisdans et contre le Nicaragua ))cons-
tituent à son avis des infractions à différents articles du traitéetà son
préambule.Il a notamment allégué que <<le minage des ports et des eaux
territoriales du Nicaragua, ainsi que lesopérationsmilitaires qui menacent
et restreignent le commerce et les transports terrestres ))constituent des
infractions à l'article XIX, paragraphe 1, du traité. II s'est aussi réservé

expressément ledroit de prouver << lors de la procéduresur le fond les
violations des articles XIV, paragraphe 2,XVII, paragraphe 3,XIX, para-
graphe 3,XX et premier du traité,qu'ilestimerésulterdesdites activités.Il
aenfin soutenu que le traité répond àdesbuts et objectifsgénérauxetque
lesactivités qu'ilattribueauxEtats-Unis <<sont en contradictionflagrante
aveccesbuts et cesobjectifs, et avecl'esprit du traitédansson ensemble 1).
Cesera évidemmentau Nicaragua qu'ilincombera,lors de laprocéduresur
le fond, de fournir Ia preuve des faits qu'il avance et de la contradiction
qu'il estime pouvoir y repéreravec des dispositions particulières et avec

l'esprit d'ensemble du traité.Et ce sera alors, en réponse aux argumenta-
tions du Nicaragua, que les Etats-Unis d'Amériqueauront l'opportunité
de présenterleurs opinions. Je ne cite icicesallégationsque pour souligner
que, tant que 1'Etatdemandeur invoquedesinfractions au traitéde1956et
de sesclauses,iIdispose à cesujet d'un titredejuridiction approprié fourni
par le traitélui-même. 3. D'autre part, commel'arrêt auquelcetteopinionestjointe l'observe à
juste titre, l'on ne saurait objectàrcette invocation par le Nicaragua du
traité de 1956en tant que titre de juridiction le fait qu'il nel'a invoqué
expressémentet endétailque dans son mémoire,alors que sarequêten'en
faisaitpas mention. En réalitéa ,u point 26 de sa requêtedu 9 avril 1984,le
Nicaragua s'estréservé<< le droit de compléter etde modifier la présente
requête introduite dans des conditions qui, à son avis, revêtaientun
caractère d'urgence. Quinzejours aprèsle dépôtde la requête, à savoir le

24 avril, l'agent de ce pays a envoyéau Greffe une lettre dans laquelle -
commela Cour l'arelatéau paragraphe 14(p. 175)de son ordonnance du
10mai 1984sur la demande en indication de mesures conservatoires - il
affirmait qu'à part la déclaration nicaraguayenne de 1929 (<il existe d'au-
tres traités envigueur qui prévoientla compétencede la Cour pour con-
naître dela requête ))Finalement dans lemémoireprésentéle30juin 1984,
à savoir dans le document qui complète et conclut la partie initiale
de la procédure où seul s'exprime ledemandeur, celui-ci a exercéle droit
qu'il s'étaitauparavant réservé,en consacrant tout le chapitre III à

démontrer - c'est le titre qu'il a donnéà ce chapitre - que le traité
d'amitié,de commerceetde navigation entre leNicaragua etlesEtats-Unis
fondede façon indépendantela compétencede la Cour en application de
l'article36,paragraphe 1,du Statut pour ce qui concerne les violations de
ce traité)).
4. A la différencedes questions évoquéesau paragraphe 2 ci-dessus
comme devant êtreexaminées lorsde la phase concernant le fond de
l'affaire, c'estdansla phase actuelle de la procédureque se pose la ques-
tion, soulevéedans le contre-mémoiredes Etats-Unis à la section III du

chapitre II, de savoir si le Nicaragua peut ou non invoquer la clause
compromissoire du traitéFCN, (<n'ayant pastentéderéglerledifférenden
question par voie diplomatique, comme prévudans le traité de 1956 D.Je
relève, à ce propos, que l'article XXIV, paragraphe 2, du traité FCN
n'emploie pas la formule qui figure dans d'autres instruments et qui
requiert formellement que desnégociationsdiplomatiques soient engagées
et poursuivies comme condition préalablede la possibilitéd'instaurer une
procéduredevant uneinstancearbitrale oujudiciaire. L'articleenquestion

prévoittout simplement la possibilitéde porter devant la Cour interna-
tionale de Justice

tout différendquipourrait s'éleverentre les parties quant à l'inter-
prétationou à l'application du présenttraitéqui ne pourrait pas être
régléd'une manière satisfaisante par la voie diplomatique D.

La constatation prévuepar cestermes n'estpas toujours et nécessairement
lerésultatde négociationsdiplomatiquespréalablement entaméesetpour-
suivies et ayant abouti à un échec. Ellepeut êtrefaite, dans des circons-

tances déterminées,sans mêmeque des négociations proprement dites
aienteu lieu. Plusgénéralementd , 'ailleurs,je suisconvaincu que lerecours
préalable à des négociationsdiplomatiques ne peut pas constituer uneexigence absolue à remplir, mêmelorsqu'il est évident que l'état desrela-
tions entre lesParties est tel qu'ilestillusoiredes'atteàceque de telles

négociations aboutissent à un résultat positif et qu'il serait injustifié de
retarder par ce biais l'ouverture d'une procédure arbitrale ou judiciaire
quand la possibilité du recours à celle-ci a étéprévue.
5. Une dernière question susceptible de se poser dans ce contexte
revient àsavoir si l'article XXIV, paragraphe 2, du traité de 1956,permet
de saisir, par voie de requête unilatérale, laCour d'un différendrelatàf
l'interprétation ouà l'application du traité. Tout doute possible a néan-
moinsétééliminé à cesujetpar lapositionprise par laCour elle-même dans
son arrêtdu 24mai 1980en l'affairedu Personnel diplomatique etconsulaire
desEtats-Unis à Téhéran , propos de l'article XXI, paragraphe 2, rédigé
exactement dans les mêmestermes, du traité d'amitié,de commerceet de
droits consulaires de 1955entre les Etats-Unis et l'Iran. Les Etats-Unis

avaient alors formulé des demandes au motif que l'Iran aurait violédif-
férentes dispositions de ce traité, en se basantà cette fin sur la clause
compromissoire de l'article XXI, paragraphe 2, de ce dernier, et ceci en
plus de l'invocation faità titre prioritaire de l'article premier du proto-
colede signaturefacultativeconcernant le règlementobligatoiredesdiffé-
rends qui accompagne les deux conventions de Vienne sur les relations
diplomatiques et consulaires, protocole auquel les deux Etats concernés
étaient parties. Ayant spécifiquement examiné sa compétence, sur la
base de l'article XXI, paragraphe 2, de ce traité, pour connaître des viola-
tions du traité de 1955alléguéespar le demandeur, la Cour en a conclu

que

<1:s Etats-Unis avaient le faculté d'invoquerles dispositions de l'ar-
ticleXXI,paragraphe 2,du traitéde 1955auxfinsdesaisir la Cour de
leurs réclamations contre l'Iran en vertu de ce traité. Cet article ne
prévoitcertespasen termes exprèsquel'uneou l'autre despartiespeut
saisirla Cour par requête unilatérale, maisilest évident que, comme
lesEtats-Unis l'ontsoutenu dans leur mémoire,c'estbienainsique les
parties l'entendaient. Des dispositionsconçues dans des termes simi-
laires sont trèscourantes dans les traités bilatéraux d'amitié ou d'éta-
blissement et l'intention desparties,lorsqu'ellesacceptent cesclauses,
est sans aucun doute de se réserverce droit de s'adresser unilatéra-
lement àlaCour faute d'accord en vue derecourir à un autre modede
règlement pacifique.))(C.I.J. Recueil 1980,p. 27, par. 52.)

6. Les considérationsexposéesdans les paragraphes qui précèdent me
confirment donc dans la conviction exprimée à la fin du paragraphe 1
ci-dessus, selon laquelleil existe entre les Parties au présent différend un
lien valable et indiscutable de juridiction, découlant des dispositions du
traité,lienconférantà laCourpleinecompétencepour connaître des griefs
formuléspar le Nicaragua àpropos de la violation par les Etats-Unis de
plusieursdispositionsparticulières de cetraité,de sonpréambule et deson
esprit d'ensemble. 7. Je ne puis malheureusement pas en dire autant à propos du lien de
juridiction de plus vaste portéeque leprésentarrêtdéduitde la rencontre,
qu'il croit pouvoir constater dans les faits, de l'acceptation par le Nica-
ragua, aussi bien quepar les Etats-Unis, de lajuridiction obligatoire de la
Cour par voie de déclaration unilatérale. Ace sujetje garde, en effet, les
doutes les plus sérieux.
8. Les remarques queje consignerai dans cette opinion portent essen-

tiellement surlaquestion de savoir si1'Etatdemandeur avraiment accepté
ou non lajuridiction obligatoire. Le lien de juridiction obligatoire dont
l'établissement est prévu et réglementépar l'article 36, paragraphe 2, du
Statut de la Cour se créepar la rencontre idéaledes effets de deux actes
unilatéraux.Par chacun de ces deux actes, les deux Etats concernéss'en-
gagent à (<reconnaître commeobligatoire de plein droit et sans convention
spéciale, à l'égardde tout autre Etat acceptant la même obligation, la
juridiction de la Cour sur tous lesdifférendsd'ordrejuridique ayant l'un
desobjetsmentionnés auxalinéasa) àd)de l'articleenquestion. Comme le
présentarrêtle souligne opportunément au paragraphe 14 :

(Afin de pouvoir invoquer la declaration américaine de 1946de
manière àétablir la compétencede la Cour dansla présenteespèce,le
Nicaragua doit prouver qu'il estun <Etat acceptant la même obli-
gation r)au sens de l'article 36, paragraphe 2, du Statut. ))

Ceci,évidemment,pourautant que, deson côté,la déclaration américaine
n'ait pas perdu sa valeur obligatoire.
9. Toutefois, aucun acte d'acceptation directe de lajuridiction obliga-
toire de la présente Cour n'ayant étéaccompli par le Nicaragua, cette
acceptation devrait résulter, d'aprèsce dernier pays, de l'extension auto-
matique à lajuridiction obligatoire de la Courinternationale de Justice -

aux termes de l'article 36,paragraphe 5,du Statut de cettedernière - d'une
acceptation faite à l'égardde lajuridiction obligatoire de la Cour perma-
nente de Justice internationale. Le problème devant lequel la Cour se
trouve placéeaujourd'hui comporte donc deux aspects différents et suc-
cessifs. Le premier est celui de l'existence etde la portéedesactes accom-
plispar leNicaragua en vuedel'acceptation de lajuridiction obligatoire de
la Cour permanente ; le second est celui de l'applicabilità ces actes des
effets prévuspar l'article 36, paragraphe 5, du Statut de la Cour qui a
remplacé la précédente.
10. Le fait alléguépar le demandeur, et non contestépar le défendeur,

est que le 24 septembre 1929le Nicaragua signa le protocole de signature
du Statut de la Courpermanentede Justice internationale enmême temps
qu'il signa la disposition facultative annexe à ce protocole et relative à
l'acceptation de la juridiction de la Cour comme obligatoire. C'est en
réalitéune double manifestation quidoit luiêtreimputéecommefaite à cet
égard :d'une part, il a simplement apposé sa signature sous la déclaration
préétablie eténoncéeen entier dans le protocole même,qui revenait àreconnaître le Statut de la Cour et à accepter en généralla juridiction
<<dans les termes et conditions prévus dans le Statut ci-dessus )); et,
d'autre part, il a signéune déclarationreproduisant et complétant autant
que de besoin le texte de la disposition facultative qui était annexéeau
protocole. Le libelléde cette disposition était en effet le suivant :

(Les soussignés,dûment autorisés,déclarent en outre, au nom de
leur gouvernement, reconnaître dès à présent commeobligatoire, de
plein droit et sans convention spéciale,la juridiction de la Cour
conformément à l'article 36, paragraphe 2, du Statut de la Cour et
dans les termes suivants. >)

Les mots (en outre ))marquaient le lien unissant la deuxième déclara-
tion facultative à la première, à laquelle elle venait s'ajouter. Quant aux
termes suivants )>ils se résumaient en l'espèceaux mots sans condi-
tion qui figurent dans le texte signéau nom du Nicaragua par l'ambas-
sadeur Medina et qui est reproduit au paragraphe 15 de l'arrêt.

11. Toutefois, il està remarquer que le troisième alinéadu protocole
prévoyaitceci :
<LeprésentProtocole, dresséconformément à la décisionde l'As-

sembléede la Société desNations du 13décembre1920,seraratifié[is
subjectto ratificationdans le texte anglais]. Chaque Puissance adres-
sera sa ratification au Secrétariatgénéralde la Sociétédes Nations,
par lessoinsduquel ilen sera donnéavis àtoutes lesautres Puissances
signataires. Les ratifications resteront déposée dsans les archives du
Secrétariatde la Sociétédes Nations. ))(Les italiques sont de moi.)

Ilest donc hors de doute que leprotocole enquestion n'avait nullementété
conçu comme ce qu'on appellerait aujourd'hui un << accord en forme sim-
plifiée)>pour la mise en vigueur duquel la simple signature peut être
considéréecommesuffisante. Il s'agissait bien,conformément à sanature,

à son importance et à saportée, d'unacteinternational formel n'entrant en
vigueuret ne produisant d'effetsjuridiques àl'égarddes Etats participants
qu'à la suite de sa ratification.
12. Quant à la signature de la déclarationqui reproduisait et précisait
les termes de la disposition facultative, un acte spécifiqueet distinct de
ratification n'étaitpas requis, encore que la plupart des Etats en aient fait
réserve expresse. Maisceci n'empêchepas qu'il était inconcevable que
l'engagement prévupar la disposition facultative devienne obligatoire

séparémentde l'engagement prévupar le protocole auquel cette disposi-
tion était annexée. Sansla ratification de ce dernier, la signature de la
déclaration prévuepar la disposition facultative ne pouvait engager en
aucune sorte 1'Etatsignataire, ni,à plus forte raison, fairenaître des droits
et des obligationsà la faveurou à la chargedes autresEtatsayant ratifié le
protocole et signé,sinon aussi ratifié,la déclaration conforme à la dispo-
sitionfacultative. Lesefforts ingénieuxdéployédsans l'arrêtpourattribuer

àla signature delaclausefacultativeet àladéclarationqui endéfinissaitles termes un (ieffet potentiel ))autonome appellent,en tantque tels déjà,des
réserves'. Maisquoi qu'il en soit, ce qui me paraît certain, c'est que ce
prétendueffet potentiel ne pouvait en aucun cas êtrede nature obligatoire.
Ce qui pouvait en résulter, chez lesEtats tiers intéressés, n'étaiq tu'une
attente, une expectative de voir dans un délairaisonnablecette expectative

se transformer, par la ratification du protocole, en un engagement véri-
table. Par ailleurs, ce délairaisonnable une fois écoulé, mêm cette simple
attente perdait fatalement toute consistance.
13. En outre, une précisionultérieureme paraît nécessaireau sujet de
l'exigencede la ratification du protocole. Par (iratification il faut enten-
dreiciceque l'ondésignepar cetermesurleplanjuridique international, a
savoir,pour desactesbilatéraux,l'échange entre lespartiesdes instruments

de ratification déjà parachevéssur le plan du droit interne, et, pour des
actes multilatéraux, le dépôtde ces instruments auprès du dépositaire,en
l'espècele Secrétariatgénéralde la Société des Nations. Il n'y a certaine-
ment pas làqu'une formalité,une condition enquelquesorteadditionnelle.
Cetéchangeoucedépôtd'instmments, selonlescas,estlui-mêmel'actequi,
sur le plan des rapports interétatiques, établitle consentement des Etats

intéressés à êtreliéspar les obligations prévuesdans l'acte dont il s'agit.
Avant leur accomplissement, l'acte n'estpas en vigueur pas plus quene le
sont à fortiori les obligations qu'il établit.

14. Au vu de ces considérations,on pourrait croire d'une importance
relative d'établir si, dans le cas concret, le protocole et la disposition

annexe avaient ou non fait l'objet, sur le plan du droit interne, de la
procédure prévue par la constitution du pays pour la ratification des
engagements internationaux, et cecijusqu'au parachèvement de cette pro-
cédure.Maisles Parties ont longuementdiscuté àce sujet et leursopinions
sont restées divergentes.A la réflexionon ne peut manquer d'êtrefrappé
par certaines constatationsqui révèlentque, bien des annéesaprèsque la

procédure constitutionnelle interne avait été engagée,elle n'étaittoujours
pas terminée. Même le fameux télégrammedu 29 novembre 1939envoyé
par le ministre des affaires étrangères du Nicaragua à la Sociétédes
Nations n'ajamais signifiéle contraire. Ce qu'ilcommuniquait au Secré-

'Pour illustrer cette notiod'~effet potentieD, l'arrêtse plaît à imaginer que la
déclaration nicaraguayenne, faite le 24 septembre 1929,eût prévuqu'elle ne se serait
appliquéequependant cinq ans aux litigesnésaprèssa signature 1(par. 27).Dans ce
cas, dit l'arrêt,on aurait d« admettre qu'à partir du 24 septembre 1934 son effet
potentiel avait dispar))Mais la limitation dont on formule ainsi l'hypothèse n'aurait
serviqu'à définirratione temporis la catégoriede litigespour lesquels l'effet obligatoire
de la déclarationne se serait produit qu'une foisque celle-ci serait entréeen vigueur, la
ratification du protocole étantintervenue. Biensûr, sila ratification n'avait été déposée
que cinq ans après la signature, ou au-delà, il n'yaurait plus eu de litiges auxquels la
amendement de la définition ptem~orelle des litiges auxauels la déclaration pouvaitire
s'appliquer. Maistout celan'aurait ken eu àfaire avecla déierminationde la duiéedans
letemps de ladéclaration elle-mêmqe&i ne-ouvait commencer àcourir -u'à-artir de la
ratification du protocole. tariat qui s'inquiétaitdu retard était le fait que le Sénatet la Chambre

avaient ratifié)),c'est-à-dire avaient rempli la tâche qui leur incombait
respectivement aux fins de la ratification. Mais en ce qui concerne l'ins-
trument de ratification proprement dit, le télégrammene faisait que dire
qu'on l'enverrait ((oportunamente ))le moment venu. Tout cela était
exact, car l'instrument en question, c'est-à-dire ledécretprésidentielde
promulgation de la ratification n'avait alorspas étépubliédans La Gaceta
et, semble-t-il, ne devait d'ailleursjamais l'être.Dans ces conditions, son
adoption ne pouvait pas, en droit nicaraguayen, êtreconsidérée comme

acquise, et l'instrument lui-mêmecomme étantdevenu valable et prêt à
êtredéposéauprès de l'autoritéinternationale compétente.
15. Le fait que cette publication indispensable n'ait jamais eu lieu
apparaîtnon pascommeun simpleretard dû àune sériedecausesfortuites,
ou même à l'état généra dl'incertitude qui marquait le monde entier à la
veillede la seconde guerre mondiale, mais comme l'indice d'une nouvelle
réflexionet d'un abandon en fait de l'intention de mener à son terme la
procédure de ratification, ceci sur le plan interne déjà.Il est d'ailleurs

parfaitement normal qu'un pays hésite àfranchir un pas comme celui qui
consiste à s'engager d'avance enversune collectivitéindéfinied'Etats à se
soumettre à lajuridiction obligatoire de la Cour pour ses différendsavec
eux, surtout lorsqu'ilya des raisons de craindre lesrépercussions possibles
de cet engagement surun intérêe tstimé vital. LeNicaragua, enparticulier,
entendait à l'époquesurtout éviterde se laisser amener par ce biais à une
reconnaissance plusoumoinsforcéede safrontièreavecleHonduras fixée
par lasentence arbitrale du roi d'Espagne du 23décembre1906.Aprèsdes

manifestations initiales quasi officielles d'acceptation, suivies d'une
époqueoù avait pris corps l'idéede contester la sentence en question, un
accord aveclepays voisin avait été consigné le21janvier 1931(la date est à
retenir) dans un << protocole d'acceptation ))à la suite de négociations
directes. Mais bientôt legouvernement en revint à l'attitude précédente et
le refus de sa part d'exécuterle <laudo ))espagnol, qualifiéd'obscur et
d'inapplicable, commençait à s'accompagner de l'intention de parvenir en

faità une modification de lafrontière tracéepar lasentence l.La réticence
du pays et de son gouvernement, dans le climat très tendu des relations
avec le pays voisin, à parachever un acte aux conséquencesimprévisibles
sur une question qui sensibilisait au plus haut degré l'opinion publique,
s'expliquait donc aisément.
16. En tout cas, même sion laisse de côtécet aspect ((interne )de la
question et ses explications, ce qui me paraît décisif,sous l'angle qui
intéresse ici, est lefait que, du point de vue international, le dépôtde la

ratification du protocole et de la disposition annexe d'acceptation de la
juridiction obligatoire n'apaseu lieuni àl'origine niplus tard. Ilmesemble

'En 1937-1940les postes nicaraguayennes mirent en circulation un timbre ou
les incidents de frontière répétés créèrebnetaucoup d'émotion auHonduras et les
rapports entre les deux pays se détériorète plus en plus.d'autre part indiscutable que cette situation de carence ne pouvait en
aucun cas êtreimputée àune erreur ou à un manque d'information de la
part des autorités nicaraguayennes. En effet, la nécessitéde procéderau

dépôtde l'instrument de ratification si le Gouvernement du Nicaragua
voulait que la déclarationqu'il avait signéeproduise ses effetsjuridiques,
fut officiellementsignaléeà trois repriseà ce gouvernement par les auto-
ritéscompétentesdu Secrétariatde la Société des Nations, M. McKinnon
Wood en 1934eten 1939et M. EmileGiraud en 1942.Quecesrappelsaient
été reçus résultedu fait que leministèredesaffairesétrangèresne manqua
pasde répondre,chaque fois,enassurant lesditesautoritésde sonintention
de déposer l'instrument de ratification, comme cela était requis, dès le
parachèvement de la procédureinterne appropriée,ou en temps oppor-
tun0.
17. Cesconstatations meDaraissent àellesseules lei ne mentuffisantes
pour permettre de conclure, sur ce premier point, que le Nicaragua n'est

iamais devenu ~artie au Statut de la Cour Dermanente de Justice interna-
tionale et que la déclaration signéepar le représentant de cet Etat au
moment même oùil signait le protocole n'a jamais pris corps en tant
qu'acte productif d'effetsjuridiques sur le plan international. LeJournal
officiele la Sociétédes Nations, supplément spécialdu IOjuillet 1944,
confirmait une fois de plus le bien-fondé de cette conclusion, aux ap-
proches de la fin de l'existence de l'organisation en question.
18. On pourra dire que la conclusion énoncéeci-dessus n'est en réalité
pas contestéepar la Partie demanderesse,et que leproblème, en ce qui la
concerne, vise en définitive non passa soumission à lajuridiction obliga-
toiredela Courpermanentede Justiceinternationale, maissa soumission à
lajuridiction obligatoire de la Cour internationale de Justice, ce qui est

vrai. Ceci n'empêchetoutefois qu'il soit opportun de mettre en évidence
certains aspects qui découlent précisémentdu fait de la non-adhésion au
Statutde laCour permanente. Ledéfautderatification,eten tout casd'une
ratification internationalement valable, du protocole de signature du Sta-
tut de cette Cour comportait en effet, commeconséquenceinévitablepour
le Nicaragua, la non-entréeen vigueur (inforce) à-son égardde cet ins-
trument et de la disposition facultative annexe, et, par conséquent, la
non-constitution à sa charge de l'obligation que sa déclaration faite sur la
base de ladite disposition devait faire naître. Donc, par hypothèse, si le
Nicaragua avait fait, au moment de la signature du protocole, une décla-
ration d'acceptation de lajuridiction obligatoire pour une durée détermi-

née - pour une périodede dix ans par exemple - ce délai n'auraitpas pu
commencer à courir, car il présupposait nécessairementque, grâce à la
ratification du protocole, la déclaration fût devenue productive d'effets
juridiques àl'égarddudit pays et que son obligation relativeà la soumis-
sion à lajuridiction obligatoireeût ainsi commencéà exister. Mêmes'ilest
vrai que la déclaration du Nicaragua avait étéfaite pour une duréeindé-
terminée,cette constatation hypothétique n'est pas sans importance, car
on verra qu'elle n'est pas d'un intérêt purementthéorique.
19. C'estau vudecequi s'estpassé àl'époquede laCourpermanente de Justice internationale qu'ilfaut seposer laquestionplus actuelle, qui est de
savoir exactement cequi s'estproduit au moment riche en événementsqui
a vu la dissolution de la Société desNations, la terminaison parallèlede la
Cour permanente de Justice internationale et de son Statut, la créationde

l'organisation des Nations Unies et l'incorporation dans celle-ci de la
Courinternationalede Justice commeorganejudiciaire principal, et fina-
lement l'adoption du Statut de cette Cour comme annexe de la Charte.
C'estdans ce contexte que la succession entre les deux Cours s'effectue et
que la disposition du Statut de la Cour internationale de Justice concer-
nant la transmission de l'une à l'autre prend sa signification.

20. La disposition en question est leparagraphe 5de l'article 36dont le
texte français est le suivant :

<(Lesdéclarationsfaitesenapplication del'article36du Statutde la
Cour permanente de Justice internationalepour une durée quin'est
pas encore expiréeseront considéréesd , ans les rapports entre parties
au présent Statut, comme comportant acceptation de la juridiction
obligatoire de laCourinternationalede Justicepour laduréerestant à
courir d'aprèsces déclarations et conformément à leurs termes. ))

Et le texte anglais :

<(Declarations made under Article 36 of the Statute of the Perma-
nent Court of International Justice and which are stillin force shallbe
deemed, as between the parties to the present Statute, to be accep-
tances of the compulsoryjurisdiction of the International Court of
Justice for the period which they still have to run and in accordance
with their terms. ))

21. La lecture de ces deux textes différents et en deux langues diffé-
rentes, toutes deux faisant foi, a nécessairementdonnéet donne lieu àdes
problèmesd'interprétation. Le texte anglais, en réalité,ne prêtequ'à une

seule interprétation :une déclaration dont il dit qu'elle est ((encore en
vigueur ))(<<still in force O)(les italiques sont de moi), ne peut se référer
qu'à une déclaration qui, à un moment donné, a commencéd'être<< in
force )>,et qui donc est entrée envigueur à la suite du seul actecapablede
produire un tel effet, à savoir le dépôtauprèsdu dépositaired'un instru-
ment de ratification du protocole auquel la disposition facultative était
annexée. Le textefrançais, par contre, pourrait prêterapparemment à des

interprétationsdifférenteset d'aprèsl'arrêtauquel cette opinion estjointe
(par. 3l), <lechoix délibéré de l'expression <<pour une duréequi n'estpas
encore expirée ))paraît dénoter O, mêmesi l'arrêt reconnaîtque d'autres
interprétations sont possibles, <(une volontéd'élargir le bénéficd ee l'ar-
ticle 36,paragraphe 5, aux déclarations n'ayant pas acquis force obliga-
toire D. Tel était en fait le cas, et uniquement le cas, de la déclaration
nicaraguayenne, pour laquelle il faudrait donc penser que les auteurs du

textefrançais del'article36,paragraphe 5,auraient eu deségardsvraiment
tout particuliers. 22. Or, à ce sujet,je tiensà rappeler, en premier lieu, l'article 33de la
convention de Viennesur ledroit destraités,concernant l'interprétation des
traitéauthentifiésendeux ouplusieurs langues.Au paragraphe 4,cet article
dispose que :

(<Sauf le cas où un texte déterminé l'emporte conformémentau
paragraphe 1, lorsque la comparaison des textes authentiques fait
apparaître une différencede sensquel'application desarticles31et 32
ne permet pas d'éliminer,on adoptera le sens qui, compte tenu de
l'objet et du but du traité,concilielemieux cestextes. D (Les italiques
sont de moi.)

Or, à la lumièrede cette prescription d'une logique évidente,il semblerait
qu'une conciliation de ces deux textes à la signification apparemment
différentene pourrait se faire que sur une interprétation exigeant que les
déclarationsprises en considération aux finsde l'article 36,paragraphe 5,
soient des déclarations entrées à un moment donnéen vigueur et ayant
ainsi acquisforceobligatoire - et excluant lesdéclarations n'ayant jamais
atteint ce stade. L'arrêt,au contraire, a tentéune conciliation dans le sens

opposé et à cette fin paraît se satisfaire du fait que le texte anglais ne fait
pas étatdu caractère obligatoire que devraient avoir les déclarations pour
bénéficierdu régimeinstituépar la disposition en question :

En conséquence,la Cour est d'avis que le texte anglais n'exclut
nullement de manièreexpresse une déclaration valide, de duréenon
expirée,émanantd'un Etat non partie au protocole de signature du
Statut de la Cour permanente de Justice internationale et n'ayant
donc pas force obligatoire. ))(Par. 31.)

Il resteà savoir,à mon avis, comment une déclaration d'acceptation de la
juridiction obligatoire pourrait être(en vigueur ))(inforce) et ne pas avoir
la force obligatoire qui est précisémentson unique objet.
23. Mais mêmeen faisant abstraction de ces difficultéset en ne tenant
compte, à titre d'hypothèse,que du seultextefrançais, ilest fort douteux,à
mon avis,quel'interprétationque l'onvoudrait établirsursabase s'impose
vraiment. La disposition à laquelle nous nous référonsparle de (décla-
rations faitesenapplication de l'article36du Statutde laCourpermanente

de Justice internationale n.Or, nul ne pense à le nier, cette disposition
admettait que la déclaration reconnaissant comme obligatoire lajuridic-
tion de la Cour fût faite soit lors de la signature,soit lors de la ratification
du Statut de la Cour. Ellepouvait bien sûr êtrefaite àl'une ou à l'autre de
ces occasions, et cette double possibilitéétaitliée à la prévisionnormale
que les deux actes de la signature et de la ratification du <Protocole de
signature )se suivraient l'un l'autre,puisque le protocole ne considérait
pas la signature comme suffisante et exigeait explicitement la ratification.
Mais qu'ellefût faite lors de la premièreou de la seconde de cesoccasions,

c'està partir de la date dela seconde, et d'elleseulement, quela déclaration
enquestion pouvait devenirun actejuridique productif d'effetsde droit etfaire naître à la charge de 1'Etat déclarant l'obligation juridique de se
soumettre à lajuridiction de la Cour. Autrement dit, une déclarationfaite
au moment de la signature ne pouvait pas avoir d'effets juridiques et
obliger 1'Etatdéclarant avant que n'intervienne la ratification de la dis-
position sur laquelle la possibilité mêmede faire la déclaration était fon-
dée.Surcelatout lemonde sembleêtred'accord.Jevoudrais donc revenir à
l'hypothèsed'une déclarationémanantd'un Etat qui accepterait l'obliga-
tion de soumettre sesdifférends internationaux àlajuridiction de la Cour

pour une durée donnée,et à la question, qui se poserait alors, de la
déterminationaussi bien du dies aquoque du dies ad quemde l'obligation
ainsi souscrite. Il serait exclu, je pense, que la durée d'une obligation
souscritepour unepériode,disons dedix ans,commence àcouriravant que
l'existence de l'obligation en question ne soit établiepar le dépôt déter-
minant de l'instrument de ratification, et il serait difficilement imaginable
qu'elle expire avant que dix ans se soient écoulés à partir de ce même
moment. Il en serait de même,pour le seul dies a quoévidemment,dans le

cas d'une obligation souscrite pour une durée indéterminée.S'agissant
enfin d'une situation commela situation actuelle. où la discussion tourne
autour d'une déclarationfaitepour une duréeindéterminée,mais àpropos
delaquelle aucun acte de ratification susceptible de faire naîtredeson chef
des effets juridiques obligatoires n'est intervenu, l'unique conclusion
admissible me semble êtrequel'obligation prévuedans la déclarationn'a
jamais commencé à <<durer ))pour la bonne raison qu'elle n'a jamais
commencé à <exister 1).
24. Cela étant,l'oncomprendraque j'aie de la difficultéà admettreque

l'intention desrédacteursde l'article36,paragraphe 5,du Statutde laCour
internationale de Justice, même celledes rédacteursdu texte français, ait
pu êtred'assurer, aux fins de la succession d'une Cour à l'autre, une
prétendue «continuité» d'effetsjuridiques à des manifestations qui, par
rapport à l'ancienneCour,n'ontjamais produit de telseffets,autrement dit
n'ont jamais existéen tant que sources d'obligations juridiques. Je veux
bien admettre qu'au moment de cette succession la préoccupationfonda-
mentale desjuristes et des diplomates qui ont présidé à l'opération ait été
de sauvegarder tous lesacquis de la Cour ancienne au profit de la nouvelle.

Mais pour ce faire il fallait, je pense, qu'il s'agisse d'acquis réels,de
déclarationsdevenues productives des effetsjuridiques auxquels elles ten-
daient, et non pas de simples manifestations d'une intentionqui ne s'était
jamais concrétisée par lesactes nécessairespour qu'elledeviennela source
actuelled'effetsjuridiques en droit international. 11est touàfaitjuste de
dire, comme l'afait M.Chayes au nom du Nicaragua, quelapréoccupation
fondamentale, en 1946, a étéd'assurer, grâce au texte de l'article 36,
paragraphe 5, du Statut de la nouvelle Cour, la <<continuité ))des effets
juridiques desacceptations delajuridiction obligatoirefaites par rapportà

la Cour ancienne. Mais justement, pour qu'il puisse y avoir une telle
<continuité )>dans les effets, il fallait que, par rappoàtla Cour précé-
dente, ilait existédesacceptationsproduisant de telseffetsetdonc, dans ce
sens, des acceptations entrées en vigueur et devenuesobligatoiresen droit international. On n'est plus sur le plan d'une stricte identitélorsque, par
rapport au nouveau Statut, on veut attribuer àune vieilledéclaration des
effets qu'elle ne produisait pas par rapport à l'ancien.
25. Est-il vrai, d'autre part, comme on l'asoutenu, que lajurisprudence
de la Cour internationale de Justice contredirait la position qui me sem-
blerait s'imposer en termes de logique juridique ? Sous cet angle il est

particulièrement intéressant d'examiner les prises de position qui ont eu
lieu lors de la décisionde l'affaire relativà l'Incidentaériendu 27juillet
1955,que,peut-être,on aun peu trop facilementécartéecommeayanttrait
àune situation différentede la situation actuelle. On sait qu'une opposi-
tion s'est alors manifestée, quant à la décision à adopter dans le cas
d'espèce,entre lamajoritédela Cour etun groupede troisjuges (sirHersch
Lauterpacht, M. Wellington Koo et sir Percy Spender), qui ont joint à

l'arrêt uneopinion dissidente collective. Il vaut la peine d'examiner, par
rapport au problème qui nous préoccupe,la position des uns comme des
autres, pour autant qu'ils en aient pris une.
26. Laposition laplus importante à mesyeux,surtoutparce qu'ellepeut
constituer un précédentde poids par rapport àl'affaire actuelle, est l'opi-
nion de la majoritéde la Cour. Un aspect me paraît mériterparticulière-
ment d'êtrerelevé.Aux pages 137etsuivantes du Recueil desarrêtd se 1959,
et notamment à la page 138,on trouve l' <p<érationsimple ))effectuéepar

l'article 36, paragraphe 5, dans son application aux Etats qui, à San
Francisco,avaient signéleStatutde la Courinternationalede Justice. A ce
sujet, la majorité a tenu à faire ressortir que la disposition en question
entendait transférer à la nouvelle Cour les «obligations»qui avaient existé
vis-à-visde la Cour permanente, cequiparaît nettement exclurequ'elleait
voulu étendrel'opération en question à desdéclarations qui,tout en ayant
étéfaites à un moment donné,n'avaientjamais atteint le stade de l'effet
«obligatoire». Le passage suivant est trèsrévélateuren ce sens :

(<Pour les Etats signataires [duStatut de la Cour internationale de
Justice], l'article 36, paragraphe 5, a, par un accord entre eux ayant

plein effet de droit, régléle transfert d'une Cour à l'autre de décla-
rations encore existantes ; cefaisant ila maintenu une obligationexis-
tante en en modifiant l'objet.))(P. 138. Les italiques sont de moi.)

Tout de suite après, l'arrêtde 1959 a d'ailleurs confirméce concept en
soulignant, par opposition, qu'à l'égarddes Etats qui, absents de San
Francisco, n'avaient pas à cette occasion signé leStatut de la nouvelle
Cour, << le Statut ne pouvait ...ni maintenir ni transformer leur obligation
primitive )' (lesitaliques sont de moi). L'identification entre déclaration

'Je voudrais aussi faire remarquer que la thèseadoptée par le présentarrêt,de la
<(séparabilitRd'une déclaration facultative (sans force obligatoire)<support
institutionnel(voirpar.9)meparaît contredite par lefaitde l'exclusiond'untransfert
postérieurd'unedéclarationayant créé une obligation devecaduque à la suite de la
disparition de la Cour permanente.existante et déclaration ayant un effetjuridique obligatoirene pourrait
donc êtreplus nette, et dans ces conditions il est bien difficile d'imaginer
que la Cour ait pu à un moment donnéenvisager le transfert de 1'<e <ffet
juridique ))obligatoire d'une déclaration qui n'en avait pas eu. Il est

d'ailleurs caractéristique que l'arrêtde 1959 ne parle mêmepas d'un
transfert de déclarationsayant un effet obligatoire ;il qualifie carrément
de «transfert d'obligations»l'opérationconfiéeàl'article 36,paragraphe 5.
Ilfaut donc constater que, par rapport auditarrêt, la décisionrendue dans
la présente affaire représente indéniablement, souscet angle, un revire-
ment dejurisprudence. Rien ne l'empêche, biensûr, mais il est bon d'en
êtreentièrement conscient.
27. Quant à l'opinion dissidente collective,l'onnoteratout d'abord que
les trois juges ont tenu à y souligner spécialement l'identitéde sens des
textes anglais et français de l'article 36, paragraphe 5, et le fait que le
deuxièmed'entreeux n'entendait pass'éloignerdu sens du premier, ni sur-
tout le modifier, mais tout au plus le clarifier. Toujours dans ce contexte,

l'intérêptrincipal de l'opinion tient à ce qu'elle fait ressortir la raison
pour laquelle la délégationfrançaise à San Francisco avait proposé son
amendement du texte français et avait beaucoup insisté. Ala conférence
étaientprésents, l'opinion lerappelle, un certain nombre d'Etats, dont la
Chine, l'Egypte, l'Ethiopie, la France, la Grèce,le Pérou,la Turquie et la
Yougoslavie, ayant dans le passéfait des déclarations d'acceptation qui,
faute d'avoir étérenouvelées, << étaient devenues caduques et n'étaient
donc plus en vigueur ))(les italiques sont de moi). Dans ces conditions,
précisedonc l'opinion dissidente à la page 161 :

<Il était clairementnécessaire d'exclure cesEtats du domaine du
paragraphe 5 en y insérant l'expression which arestill inforce. Cette

interprétation est appuyéepar le texte français qui fait foi au même
titre que le texte anglais et est encore plus clair et indiscutable que
celui-ci.

28. Lefaitque l'undesEtats setrouvant dans la situation envisagéeétait
précisémentla France explique bien lejuste souci de la délégationde ce
pays de se garantir contre le risque que l'on fasse endosser au Gouverne-
ment français, par un texte qui ne mettrait pas suffisamment lespoints sur
les i,une obligation qu'il voulait alors que l'on tienne pour éteinte.La
préoccupation qui se trouvait à la base de l'amendement étaitdonc de
contenir clairement et rigoureusement l'effetde l'article 36,paragraphe 5,
et non pas de l'élargir,et notamment de l'élargiren incluant inopinément

parmi sesdestinataires un Etat dont on ne pouvait mêmepas dire que son
acceptation de lajurisprudence obligatoiren'était plus en vigueur,car elle
n'avait étéjamais en vigueur.
29. Telles sont donc les conclusions que l'on peut tirer de l'ensemble
des positions prises en 1959 par la Cour elle-même oudans son cadre,
dans l'affaire de l'Incidentaériendu 27juillet 1955. Il s'agit,jusqu'à l':il'-
faire actuelle, du seul cas où la Cour a eu l'occasion de se proiloncorsur l'interprétation et les effets de l'article 36, paragraphe 5, de son
Statut.

30. Dans cemêmecontexte,je pensequ'un mot devrait êtredit ausujet
desAnnuaires de la Cour. A cepropos, il me sembleen effet que la réalité
mérite d'être décritaevecbeaucoup de précision,pour éviterdes interpré-
tations erronées.Dans ces documents, la forme de la présentation typo-
graphiquepeut avoir changé,maisnonpas laposition defond au sujetdela
question qui nous intéresse.Cette position a étéfixéedans l'Annuaire
1946-1947,page 206 de l'édition française.La situation du Nicaragua par
rapport à la disposition facultative y a étéobjectivement présentée ence
que l'on a reproduit le texte de la déclaration d'acceptation de lajuridic-
tion obligatoire de la Cour permanente, signéeau nom de cepays en 1929,
mais en précisantdans une note de bas de page le défaut denotification

au Greffe de l'instrument de ratification du protocole de signature du
Statut de ladite Cour. Ceci équivalait,en fait,à indiquer que la déclara-
tion reproduite n'étaitpas entrée envigueur, avec les conséquencesqui
pouvaient en découlerquant à ses effetsjuridiques. Dans les Annuaires
concernant les annéessuivantes, et cecijuqu'en 1954-1955,la mêmenote
n'apparaît pas au mêmeendroit, mais elleest comprise dans le renvoi àla
page pertinente de l'Annuaire1946-1947que comporte la liste des Etats
ayantfait desdéclarationsd'acceptation de lajuridiction obligatoire (voir,
par exemple, la page 168de l'Annuaire1952-1953).Il serait donc faux de
soutenir que, dans lesAnnuaires en question, la réserve relativeau défaut
de notification de la ratification du Statut ait disparu. Ensuiàpartir de
l'Annuaire 1955-1956,la note de bas de page est de nouveau reproduite à
l'endroit où elle figurait en 1946-1947.Elle apparaît légèrement modifiée

(O Toutefois, ilsemblequeledit instrument nesoitjamais arrivé à laSociété
des Nations O),mais ilne semblepas que l'effetde réservequ'on entendait
lui attribuer ait changé.Je tiens à dire tout cela pour l'exactitude, sans
évidemmentimpliquer que ces informations, qui disent ce qu'ellesdisent,
engagent la responsabilité de la Cour elle-même.
31. II me reste maintenant à donner mon avis sur la conclusion à
laquelle la Cour paraît êtreparvenue dans la présente affaireà savoir que
la conduite du Nicaragua après la création de la nouvelle Cour aurait
constitué une manifestation valable de son consentement àêtredéfiniti-
vement liéen droit par l'intention manifestéeen 1929d'accepter et sans
conditions la juridiction obligatoire de la Cour. A ce sujet je dois faire
d'abord une réserve expressequant à l'admissibilitéde l'idée mêmq eue

l'exigenceindéniable d'unacte formel d'acceptation puisse êtreremplacée
- au surplus dans un domaine aussi spécialet délicatque celui de l'ac-
ceptation de l'obligation de soumettre ses différendsinternationaux à la
juridiction de la Cour - par une simple conduite de fait, et ceci même
au cas où l'intention révélép ear cette conduite ne ferait pas de doute.
Mais ce que je tiens surtout à faire ressortir, c'est que la preuve de cette
conduite consentante ))même neparaît pas avoir étéfournie d'une
manière convaincante, et m'apparaît, au contraire, contredite par les
faits. 32. Au lendemain de la conférencede San Francisco, la situation en ce
qui concerne l'attitude du Nicaragua au sujet de notre problème n'avait
point changé. Laréticencequant à l'adoption d'une attitude favorableà

l'acceptation définitivedelajuridiction obligatoire de laCour,loind'avoir
cessé,s'étaitcertainementencoreaccrue à la suitedela détérioration ulté-
rieurede la situatioà propos de lafrontière avec le Honduras. Les tenta-
tives successivesde conciliation et de médiation faitesjusqu'alors avaient
échoué. C'estpar rapport à cette situation que devait se comprendre
le silence du Nicaragua par rapport à la réservequi continuait d'être
expriméedans les notesde bas de pagecontenues dans lesAnnuaires de la
Cour. Cette réserve avaiten réalitéla mêmesignificationque celle faiteà
l'époquede la SociétédesNations etque lesrappelssur le mêmesujetalors
adressésau gouvernement par le Secrétariat.Si l'intention de rectifier la
position du pays et defairesortir cedernier del'ambiguïtépersistanteavait
étéréelle,rien n'aurait été plusfacile que de déposer une nouvelle accep-
tation auprèsdu SecrétariatdesNations Unies, commeprévupar leStatut.
Mais rien de semblablene fut fait. En 1948,en signant et en ratifiant le

pacte de Bogota, le Nicaragua acceptapar traitélajuridiction de la Cour
internationale deJustice dans sesrapports avecles autres Etats américains
parties à ce traité;mais il l'assortit de la réservesuivant:
<La délégationduNicaraguaendonnant son approbation autraité
américain de solutions pacifiques (pacte de Bogota) désireque soit
consigné expressémentdans le procès-verbal qu'aucune disposition
contenue dans leprésenttraiténepourra porter préjudice à laposition

adoptéepar leGouvernementduNicaraguaconcernant dessentences
arbitrales dont il aurait contestélavaliditéenconformitéavecledroit
international, qui permet clairement la contestation des sentences
arbitrales considéréescomme nulles ou entachées de vices. Par con-
séquent la signaturedu présent traité parla délégationdu Nicaragua
ne pourra pas être interprétéecomme entraînant acceptation des
sentencesarbitrales que le Nicaragua a contestéeset dont la validité
n'a pas étévérifiée.

33. L'étatdes relations se faisait entre-temps de plus en plus sérieuxet
les incidents defrontière et autres semultipliaient. Vu l'échecde toutes les
tentatives de médiation,un des conseils du Honduras s'enquit alors de la
possibilité de porter le différend devant la Cour par voie de requête
unilatérale,surlabase deladéclarationnicaraguayennede 1929.Maisilne
futpasencouragéapoursuivre sur cette voiepar lesréponsesreçues.L'idée
n'eut donc pas de suiteet il fut décidédeplacer ce différenddans lecadre
del'organisation desEtatsaméricains.Une résolutiondecelle-ciconstitua
donc une commission médiatrice dont l'action aboutit finalement à la
conclusion entre les deux Etats en litige de l'accord du 21juillet 1957,par
lequel les parties, aprèsavoirfait état de la reconnaissaee lajuridiction
obligatoiredelaCourtellequ'elleapparaissaitdans lepactedeBogota(etnon
pas donc d'unejuridiction résultant de déclarations parallèles d'accepta-

tion unilatéralepar lesdeux pays), s'engagèrentàsoumettre àla Courleur différend,étanttoutefois entendu que chaque gouvernement présenterait
<dans lecadre de sasouverainetéet conformément auxdispositions de cet
instrument, l'aspect du différendqu'iljugera approprié r)Les deux Etats

considéraientformellement cet accord comme un compromis aux termes
de l'article 36, paragraphe 1,du Statut de la Cour.

34. Toutefoisle Honduras n'entendait pas,pour sapart, renoncer au bé-
néficerésultant ensa faveur de l'applicationde l'article36,paragraphe 2e),
du Statut, età cette finà la possibilité d'invoquer l'existence d'un lden
juridiction fondé sur l'acceptation présumée,par voie de déclarations
unilatérales,émanantde chacune des Parties, de lajuridiction obligatoire
de la Cour. Dans le mémoireprésenté à la Cour le 5 janvier 1959, le
Honduras fonda donc sa demande sur une double base dejuridiction. La
~remièrebase étaitfournie Darl'accord ci-dessusmentionnédu 21 iuillet
1957,portant sur la procédure à suivre pour soumettre àla Cour interr-a-

tionale de Justice le différend surgi entre les deux Etats au sujet de la
décisionarbitrale duroid'Espagne du 23décembre1906.On étaitparvenu
à cet accord après que les deux pays, s'étantfinalement conformés aux
termesd'une résolutionde l'organisation desEtats américainsetayant fait
état delareconnaissancedelajuridictionobli"atoiredelaCourinternationale
deJustice tellequ'elleapparaissait danlepacte deBogota,s'étaient engagés
à soumettre à laCour ledifférenddans lesconditions déjàmentionnées.La
seconde base étaitétabliepar la reconnaissance, en conformité de l'ar-
ticle 36,paragraphe 2,du Statut de la Courinternationale de Justice, de la
juridiction obligatoire de cette dernière, le Honduras ayant renouveléen
date du 24 mai 1954,pour une périodede sixans, sa déclaration d'accep-
tation de lajuridiction obligatoire faite le 10février1948et dûment entrée

en vigueur, et leNicaragua ayant déclaréle24septembre 1929reconnaître
lajuridiction obligatoire de la Courpermanente de Justiceinternationale,
cette déclaration étant considéréeDar le Honduras comme avant été
dûment ratifiée etsa vigueur comme ayant ainsi ététransférée à la Cour
internationalede Justiceen vertu de l'article36,paragraphe 5,du Statut de
celle-ci (mémoiredu Honduras, p. 59-61).
35. Face à cette prise de position du Honduras, le contre-mémoiredu
Nicaragua déclara formellement dans son introduction que ce pays ne
contestait pas que la Courinternationalede Justice eût compétencedans le
cas d'espèce, mais à l'appui de cette conclusion il fit observer que cette
compétence avait été

<<du reste expressémentadmise par l'une et l'autre Partie dans un
accord des 21 et 22juin 1957,ci-annexé etdu reste reproduit dans la
résolutionde l'organisation des Etats américainsdu 5juillet 1957 ...
Le Nicaragua est d'accord avec le Honduras ..pour attribuer à cet
acte valeur de compromis. ))

36. Si par là le Nicaragua reconnaissait expressément lecompromis
comme titre valable de juridiction, par contre pas un mot n'étaitdit à
propos de l'assertiondu Honduras relative àl'existenceentre lesdeuxpays MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (SEPO. P.AGO) 530

countries of a secondjurisdictional link based on the alleged coincidence
of two unilateral declarations recognizing the compulsoryjurisdiction of
the Court, of which one was said to have been made by Nicaragua. The
Counter-Memorial enlarged solely upon the Special Agreement of 1957
and its effects on the position of both Partieswithin the framework of that
instrument. Then the Counter-Memorial stated

"that it may beoi~lyby inadvertence that Honduras presented thefirst
claim set forth in its submissions as coming within the category of
disputes coveredby Article 36.2 (c),of the Statute of theInternational
Court of Justice".
The Counter-Mernorial added that Nicaragua could only "express surprise
that Honduras should have invokedArticle VIof the Pact of Bogota", and
recalled the reservation whichNicaragua had made when signingthis Pact
with respect to any clisputed arbitral award.

37. Thus Nicaragua refused in that case to engage in any discussion
outside the very strict framework of the Special Agreement of 1957,or in
any way to consider the issue of the possible existence of a basis of
jurisdiction other than that provided by that instrument. This being so, 1
find it truly difficult, ifnot impossible, to argue that itsconduct at that time
amounted to a sort of tacit acceptance of, or acquiescencein, the conten-
tion that itwas legally bound by its 1929Declaration to the effect that it
unconditionally recognized compulsory jurisdiction. On the contrary, in
my opinion its attitude amounted to the most outright, brusque dismissal
of the Honduran assertion that that was so.

38. That was moreover how Nicaragua's attitude was interpreted by
Honduras, which had been possessed by the fear that Nicaragua would in
the end refuse toappear before the Court. This is attested by the insistence
with which, at each stage of the written proceedings, Honduras had
repeated the following formula in its submissions :"may it please the
Court ... to adjudge and declare. whether the Governmentof Nicaragua
appearsornot". Since the attitude adopted by the opposing Party towards
its presentation of the bases of jurisdiction seemed to justify its fears,

Honduras finally decided, in the oral proceedings, to found its arguments
solelyon the SpecialAgreement and for the remainder of the proceedings
to renounce any claiimbased on the premise that some other source of
jurisdiction also existed. The Court itself merely made a very brief refer-
ence in itsJudgment of 18November 1960to the position adopted by one,
but only one, of the Parties with regard tothe existence of a second basis of
jurisdiction, abstainingfrom any comment in this respect and postulating
its competence so1el:yon the basis of the Special Agreement.
39. In the light of al1 these observable facts and circumstances sur-
rounding the prelimi.nariesto thecaseconcerning the ArbitralAward Made
hy theKingof Spain, the proceedings themselvesand their conclusion, 1do
not think it possible todiscerntherein any evidenceofNicaragua's attitude
such as to warrant the finding that it had definitively accepted the com- part de lajuridiction obligatoire provisoirement souscrite en 1929.En fait,

l'attitude du Nicaraguacesujetne change pas, mêmeaprèslaconclusion
de cette affaire qui pendant si longtempsavait dominé la scène desrap-
ports entre cepays etsonvoisindunord. Même pendant lesdeuxdécennies
qui suivirent, le Nicaragua ne se décidapasranchir le pas, aussi simple
qu'indispensable, qui aurait consistéproduire un acte formel d'accep-
tationvalablementconstitué et déposselonlesdispositions del'article36,
paragraphe 2, du Statut actuel de la Cour. Ce ne sera qu'à la veille de
l'introductionpar luidel'instancecontre lesEtats-Unisd'Amériquequele
Nicaragua, prenant conscience toutà coup de l'intérêqtu'il avaià être
considéré commevalablement lié aux Etats-Unis d'Amériquepar tous les
liens possibles dejuridiction, changera d'attitude. Mais mêmealors il ne
feraque reprendreàsoncompte la thèse,pourtant fragile,queleHonduras
avait dévoloppéeà son encontre et que le Nicaragua avait alors si néga-
tivementaccueillie,delavaliditépersistantedesadéclarationde 1929etdu

transfert du prétendu effet de cettedéclaration nouvelleCour en vertu
del'article36,paragraphe 5,du Statut decelle-ci.Quoiquel'on puissedire,
ce changement d'attitude s'expliquecertes par le fait qu'en 1959-1960le
Nicaragua se trouvait en position de défendeur, alors que maintenant il
s'adresse la Cour enqualitéde demandeur. Il restetout de mêmeàsavoir
s'ilest admissible que, selon les convenances du moment, le mêmeEtat
puisse ignorer toutà fait l'existenàesa charge d'un lien de juridiction
obligatoire déterminé quand il se trouve être défendeur,et mettre en
lumière cemêmelien quand il est demandeur.
40. Ala suite de cette analyse détailléedesaspectspertinentsdedroit et
de fait de la question examinée,l'on comprendra pourquoi je vois un
obstacleinfranchissableà merallieràl'opiniondelamajoritédelaCour en
ce qui concerne l'existence,entre le Nicaragua et les Etats-Unis d'Amé-

rique,d'unliendejuridiction obligatoire dont l'un despiliersdevraitêtrela
déclarationnon parachevéefaite par le Nicaragua en 1929.Cette décla-
ration constitue, mon avis, une manifestation valide en soi, mais qui n'a
jamais pu produire d'effetsjuridiques, ni sous l'empire de la Cour per-
manente, ni sousceluide la Cour actuelle,et ni pour leNicaragua,ni pour
les autres Etats auxquels elle s'adressait. Ce n'est pas d'autre part la
conduite fort peu probante tenue par ce pays, qui peut,on avis, avoir
remédié àce défautde base.
41. Je ne puis donc pas m'empêcherde conclureque, dans le cas d'es-
pèce,la Partie demanderesse n'a pas fourni la preuve qu'on étaiten droit
d'exigerd'elleàce sujet. Même sides doutesdevaientsubsister,d'ailleurs,
ilnemesembleraitpas possible d'en fairebénéficier,anslaphaseactuelle
de la procédure,la Partie demanderesseplutôt que la défenderesse.Mais,

en m'exprimant ainsi,je tiens en mêmetemps à confirmer ànouveau ma
conviction quant à l'existence,entre les deux pays en litige, de ce lien de
juridiction contractuellement établi, certainement valable et en plus non
susceptibled'être contesté d'autres égards,quiest fourni par le traitéde
1956.Je crois l'avoir prouvéau point1de la présente opinion. Cet ins-
trumentpeut àmon avissemontrer, àl'application,beaucoupplus àmêmequ'onne lepense d'engloberdans soncadre, non pas complètementsil'on
veut, mais peut-être sousune forme plus rigoureuse et mieux définie,les
questions litigieusesqui opposent les Parties. Ce lien dejuridiction cons-

titue en tout cas une base pleinement suffisante pour permettreour
de passer maintenantà la prochaine phase de la procédure.

(Signé R)obertoAGO.

Bilingual Content

OPINION INDIVIDUELLE DE M. AG0

1. J'ai pu voter en faveur de la conclusion d'aprèslaquelle la Cour a,
dans le cas d'espèce,une compétencelui permettant de procéder à l'exa-
men de l'affairequant au fond, carje suisconvaincu de l'existencecertaine
entre la PartiedemanderesseetlaPartiedéfenderesse de l'undesdeux liens

distincts dejuridiction obligatoire que lamajoritéde la Cour estime exister
entre les Parties. J'estimeen effet qu'unlien valable dejuridiction entre les
Parties, aux termes de l'article 36,paragraphe 1,du Statut de la Cour, est
fourni par l'article XXIV,paragraphe 2,du traitéd'amitié,de commerce et
de navigation du 21janvier 1956 entre les Etats-Unis d'Amérique etle
Nicaragua (traité FCN).
2. Il s'agitàmon avis, d'un titre dejuridiction indépendant et non pas
simplement <(complémentaire ))comme la majorité de la Cour semble le
penser, et d'un titreévidemment valablepour autant que lesgriefsavancés

par leNicaragua puissent êtreprésentéscommeseréférant àdesviolations
des dispositions de ce traité. Le Nicaragua a d'ailleurs répondu à cette
exigence, en invoquant dans son mémoire lefait que les activités <mili-
taires et paramilitaires des Etats-Unisdans et contre le Nicaragua ))cons-
tituent à son avis des infractions à différents articles du traitéetà son
préambule.Il a notamment allégué que <<le minage des ports et des eaux
territoriales du Nicaragua, ainsi que lesopérationsmilitaires qui menacent
et restreignent le commerce et les transports terrestres ))constituent des
infractions à l'article XIX, paragraphe 1, du traité. II s'est aussi réservé

expressément ledroit de prouver << lors de la procéduresur le fond les
violations des articles XIV, paragraphe 2,XVII, paragraphe 3,XIX, para-
graphe 3,XX et premier du traité,qu'ilestimerésulterdesdites activités.Il
aenfin soutenu que le traité répond àdesbuts et objectifsgénérauxetque
lesactivités qu'ilattribueauxEtats-Unis <<sont en contradictionflagrante
aveccesbuts et cesobjectifs, et avecl'esprit du traitédansson ensemble 1).
Cesera évidemmentau Nicaragua qu'ilincombera,lors de laprocéduresur
le fond, de fournir Ia preuve des faits qu'il avance et de la contradiction
qu'il estime pouvoir y repéreravec des dispositions particulières et avec

l'esprit d'ensemble du traité.Et ce sera alors, en réponse aux argumenta-
tions du Nicaragua, que les Etats-Unis d'Amériqueauront l'opportunité
de présenterleurs opinions. Je ne cite icicesallégationsque pour souligner
que, tant que 1'Etatdemandeur invoquedesinfractions au traitéde1956et
de sesclauses,iIdispose à cesujet d'un titredejuridiction approprié fourni
par le traitélui-même. SEPARATE OPINION OF JUDGE AG0

[Translation]

1. 1have been able to vote in favour of the finding that the Court has a
jurisdiction in thepresent caseenabling itto proceed to examination of the
merits, as 1am convinced of the definite existenceof one of the twodistinct
bonds of compulsoryjurisdiction between theApplicant and the Respon-
dent whichthemajority of theCourt considers to existbetween the Parties.
To be specific, 1 consider that a valid jurisdictional link between the
Parties, within themeaning ofArticle 36,paragraph 1,of the Statute of the
Court, is provided by Article XXIV (2) of the Treaty of Friendship,
Commerce and Navigation concluded on 21 January 1956 between the
United States and Nicaragua ("FCN Treaty").
2. In my view, this is an independent and not - as the majority of the

Court appears to think - a merely "complementary" title ofjurisdiction,
and one evidently valid in so far as the complaints put forward by Nica-
ragua can be presented as referring to violations of the provisions of this
Treaty. Nicaragua has, moreover, met this requirement by submitting in
the Memorial that the United States "military and paramilitary activities
in and against Nicaragua" constitute breaches of various articles of the
Treaty and its Preamble. Inparticular, it has submittedthat the "rnining of
Nicaraguan ports and territorial waters, as wellas attackson Nicaragua's
airports, and military operations that endanger and limit trade and traffic
on land" contravene Article XIX (1) of the Treaty. In addition, it has
expresslyreserved its right to demonstrate "during the proceedings on the
merits of this case" the breaches of Article XIV (2), Article XVII (3),
Article XIX (3),Article XX and Article 1of theTreaty whichitconsiders to
have resulted from those activities. Finally, it maintains that the Treaty is
intended to achieve certain broad goals and objectives, and that the
activities which it imputes to the United States "directly contradict these

goals and objectives, and the entire spirit of the Treaty". It will clearly be
Nicaragua's responsibility, during the proceedings on the merits, tofurnish
proof of the facts alleged and of the contradiction it claims to detect
between them and the specificprovisions and general spirit of theTreaty.
It will be at this stage, when replying to Nicaragua's arguments, that the
United States of America will have the opportunity to present its own
views. 1 am quoting these allegations at this point only in order to empha-
sizethat, in sofar as the Applicant reliesupon breaches of the 1956Treaty
and its provisions, it possesses in their regard an appropriate title of
jurisdiction that is provided by the Treaty itself. 3. D'autre part, commel'arrêt auquelcetteopinionestjointe l'observe à
juste titre, l'on ne saurait objectàrcette invocation par le Nicaragua du
traité de 1956en tant que titre de juridiction le fait qu'il nel'a invoqué
expressémentet endétailque dans son mémoire,alors que sarequêten'en
faisaitpas mention. En réalitéa ,u point 26 de sa requêtedu 9 avril 1984,le
Nicaragua s'estréservé<< le droit de compléter etde modifier la présente
requête introduite dans des conditions qui, à son avis, revêtaientun
caractère d'urgence. Quinzejours aprèsle dépôtde la requête, à savoir le

24 avril, l'agent de ce pays a envoyéau Greffe une lettre dans laquelle -
commela Cour l'arelatéau paragraphe 14(p. 175)de son ordonnance du
10mai 1984sur la demande en indication de mesures conservatoires - il
affirmait qu'à part la déclaration nicaraguayenne de 1929 (<il existe d'au-
tres traités envigueur qui prévoientla compétencede la Cour pour con-
naître dela requête ))Finalement dans lemémoireprésentéle30juin 1984,
à savoir dans le document qui complète et conclut la partie initiale
de la procédure où seul s'exprime ledemandeur, celui-ci a exercéle droit
qu'il s'étaitauparavant réservé,en consacrant tout le chapitre III à

démontrer - c'est le titre qu'il a donnéà ce chapitre - que le traité
d'amitié,de commerceetde navigation entre leNicaragua etlesEtats-Unis
fondede façon indépendantela compétencede la Cour en application de
l'article36,paragraphe 1,du Statut pour ce qui concerne les violations de
ce traité)).
4. A la différencedes questions évoquéesau paragraphe 2 ci-dessus
comme devant êtreexaminées lorsde la phase concernant le fond de
l'affaire, c'estdansla phase actuelle de la procédureque se pose la ques-
tion, soulevéedans le contre-mémoiredes Etats-Unis à la section III du

chapitre II, de savoir si le Nicaragua peut ou non invoquer la clause
compromissoire du traitéFCN, (<n'ayant pastentéderéglerledifférenden
question par voie diplomatique, comme prévudans le traité de 1956 D.Je
relève, à ce propos, que l'article XXIV, paragraphe 2, du traité FCN
n'emploie pas la formule qui figure dans d'autres instruments et qui
requiert formellement que desnégociationsdiplomatiques soient engagées
et poursuivies comme condition préalablede la possibilitéd'instaurer une
procéduredevant uneinstancearbitrale oujudiciaire. L'articleenquestion

prévoittout simplement la possibilitéde porter devant la Cour interna-
tionale de Justice

tout différendquipourrait s'éleverentre les parties quant à l'inter-
prétationou à l'application du présenttraitéqui ne pourrait pas être
régléd'une manière satisfaisante par la voie diplomatique D.

La constatation prévuepar cestermes n'estpas toujours et nécessairement
lerésultatde négociationsdiplomatiquespréalablement entaméesetpour-
suivies et ayant abouti à un échec. Ellepeut êtrefaite, dans des circons-

tances déterminées,sans mêmeque des négociations proprement dites
aienteu lieu. Plusgénéralementd , 'ailleurs,je suisconvaincu que lerecours
préalable à des négociationsdiplomatiques ne peut pas constituer une 3. Moreover, as rightly pointed out by the Judgment to which this
opinion is appended, Nicaragua is not barred from reliance on the 1956
Treatyasa title ofjurisdiction through havingdealt withit expresslyandin
detail only in the Memorial, whereas it had not been mentioned in the
Application. In point of fact, inparagraph 26 of itsApplication of 9April

1984, Nicaragua reserved "the right to supplement or to amend this
Application", which had been filed in the conditions of what it viewed as
an emergency. Two weeks after the filing of the Application, i.e., on 24
April, theAgent ofNicaragua senta letter to the Registryin which - asthe
Court has related in paragraph 14 of its Order of 10 May 1984 on the
request for the indication of provisional measures - he stated that, apart
from Nicaragua's 1929 Declaration, "there are in force other Treaties
whichprovide this Courtjurisdiction over theApplication" (I.C.J.Reports
1984,p. 175).Finally, in the Memorial filed on 30 June 1984,i.e., in the
document which completes and concludes the initial part of the proceed-
ings,inwhich only theApplicant presents its case,Nicaragua exercisedthe
right which it had previously reserved, by devoting the whole of Part 1,
Chapter III, to showing, in the words of the title, that "The Treaty oj
Friendship, Commerceand Navigation between Nicaragua andthe United

Statesprovidesan independent basisforjurisdiction underArticle 36(1)ofthe
Statute of the Court as to violationsof that Treaty."

4. Unlike the issues referred to in paragraph 2 above as being appro-
priate for examination during the merits phase, the question raised in the
United States Counter-Memorial in Part 1,Chapter II, Section III, relates
to the present phase of the proceedings. 1 refer to the question whether
Nicaragua may or may not invoke the comprornissory clause of the 1956
Treaty, "because it has made no effort to resolve by diplomacy any dis-
putes under the FCN Treaty". 1would emphasize, in thisconnection, that
Article XXIV(2)of the FCN Treaty does not make useof thewording to be
found in other instruments which formally requires diplomatic negotia-
tions to have been entered into and pursued as a prior condition for the
possibility of instituting proceedings before an arbitraltribunal or court of
justice. The Article in question provides quite simply for the possibility of

submitting to the International Court of Justice

"any dispute between the Parties as to the interpretation or appli-
cation of the present Treaty, not satisfactorily adjusted by diplo-
macy".

It is not always necessarily the case under these terms that diplomatic
negotiations must be ascertained to have been first begun and then pur-
sued, and finally to have broken down. The requirements of the text can
evenbe met, under certain circumstances, without negotiations in thestrict
sense ever having taken place. More generally speaking, 1 am in fact
convinced that prior resort to diplomaticnegotiations cannot constitute anexigence absolue à remplir, mêmelorsqu'il est évident que l'état desrela-
tions entre lesParties est tel qu'ilestillusoiredes'atteàceque de telles

négociations aboutissent à un résultat positif et qu'il serait injustifié de
retarder par ce biais l'ouverture d'une procédure arbitrale ou judiciaire
quand la possibilité du recours à celle-ci a étéprévue.
5. Une dernière question susceptible de se poser dans ce contexte
revient àsavoir si l'article XXIV, paragraphe 2, du traité de 1956,permet
de saisir, par voie de requête unilatérale, laCour d'un différendrelatàf
l'interprétation ouà l'application du traité. Tout doute possible a néan-
moinsétééliminé à cesujetpar lapositionprise par laCour elle-même dans
son arrêtdu 24mai 1980en l'affairedu Personnel diplomatique etconsulaire
desEtats-Unis à Téhéran , propos de l'article XXI, paragraphe 2, rédigé
exactement dans les mêmestermes, du traité d'amitié,de commerceet de
droits consulaires de 1955entre les Etats-Unis et l'Iran. Les Etats-Unis

avaient alors formulé des demandes au motif que l'Iran aurait violédif-
férentes dispositions de ce traité, en se basantà cette fin sur la clause
compromissoire de l'article XXI, paragraphe 2, de ce dernier, et ceci en
plus de l'invocation faità titre prioritaire de l'article premier du proto-
colede signaturefacultativeconcernant le règlementobligatoiredesdiffé-
rends qui accompagne les deux conventions de Vienne sur les relations
diplomatiques et consulaires, protocole auquel les deux Etats concernés
étaient parties. Ayant spécifiquement examiné sa compétence, sur la
base de l'article XXI, paragraphe 2, de ce traité, pour connaître des viola-
tions du traité de 1955alléguéespar le demandeur, la Cour en a conclu

que

<1:s Etats-Unis avaient le faculté d'invoquerles dispositions de l'ar-
ticleXXI,paragraphe 2,du traitéde 1955auxfinsdesaisir la Cour de
leurs réclamations contre l'Iran en vertu de ce traité. Cet article ne
prévoitcertespasen termes exprèsquel'uneou l'autre despartiespeut
saisirla Cour par requête unilatérale, maisilest évident que, comme
lesEtats-Unis l'ontsoutenu dans leur mémoire,c'estbienainsique les
parties l'entendaient. Des dispositionsconçues dans des termes simi-
laires sont trèscourantes dans les traités bilatéraux d'amitié ou d'éta-
blissement et l'intention desparties,lorsqu'ellesacceptent cesclauses,
est sans aucun doute de se réserverce droit de s'adresser unilatéra-
lement àlaCour faute d'accord en vue derecourir à un autre modede
règlement pacifique.))(C.I.J. Recueil 1980,p. 27, par. 52.)

6. Les considérationsexposéesdans les paragraphes qui précèdent me
confirment donc dans la conviction exprimée à la fin du paragraphe 1
ci-dessus, selon laquelleil existe entre les Parties au présent différend un
lien valable et indiscutable de juridiction, découlant des dispositions du
traité,lienconférantà laCourpleinecompétencepour connaître des griefs
formuléspar le Nicaragua àpropos de la violation par les Etats-Unis de
plusieursdispositionsparticulières de cetraité,de sonpréambule et deson
esprit d'ensemble.absolute requirement, to be satisfied even when the hopelessness of
expecting any negotiations to succeed is clear from the state of relations
between theparties, and that there isno warrant for using it asaground for
delaying the opening of arbitral orjudicial proceedings when provision for
recourse to them exists.
5. One final question that might anse in this connection is whether
Article XXIV (2)of the 1956Treaty permits theunilateral reference to the
Court of any dispute asto the interpretation or application of the Treaty.

Any possible doubt on this matter has, however, been eliminated by the
position which the Court itself adopted in its Judgment of 24 May 1980in
thecaseconcerning UnitedStates Diplomatic and Consular Staff in Tehran,
regarding Article XXI (2), worded in exactly the same way, of the 1955
Treaty of Amity, Economic Relations and Consular Rights between the
United States and Iran. The United States had, at that time, submitted
claims that Iranhad violated various provisions of thisTreaty,basing itself
onthe compromissoryclause of this instrument(Art. XXI (2)),inaddition
toits primary reliance on Article 1of the optional protocols on compulsory
dispute-settlement accompanying the respective Vienna Conventions on
Diplomatic and Consular Relations, protocols to which both those States
were parties. Having specifically examined its competence, under Article
XXI (2)of thisTreaty, to deal with theviolations of the 1955Treaty which
theApplicant allegedto have taken place,the Court came to the conclusion
that

"the United States was free on. ..to invoke [the] provisions [of Art.

XXI (2)]for the purpose of referringits claims against Iran under the
1955 Treaty to the Court. While that Article does not provide in
express terms that either party may bring a case to the Court by
unilateral application, it is evident, as the United Statescontended in
its Memorial, that this iswhat the parties intended. Provisions drawn
in similar terms are very common in bilateral treaties of amity or of
establishment, and the intention of the parties in accepting such
clauses is clearly to provide for such a right of unilateral recourse to
the Court, in the absence of agreement to employ some other pacific
means of settlement." (I.C.J. Reports 1980, p. 27, para. 52.)

6. The considerations set forth inthe preceding paragraphs confirm me
in the conviction expressed at the end of paragraph 1above, namely that
there is between the Parties to the present dispute a valid and undeniable
jurisdictional link, derivingfrom the provisions of the Treaty, a link which
confers full jurisdiction upon the Court to deal with Nicaragua's com-
plaints alleging violation by the United States of several particular pro-
visions of this Treaty, of its Preamble and of its general spirit. 7. Je ne puis malheureusement pas en dire autant à propos du lien de
juridiction de plus vaste portéeque leprésentarrêtdéduitde la rencontre,
qu'il croit pouvoir constater dans les faits, de l'acceptation par le Nica-
ragua, aussi bien quepar les Etats-Unis, de lajuridiction obligatoire de la
Cour par voie de déclaration unilatérale. Ace sujetje garde, en effet, les
doutes les plus sérieux.
8. Les remarques queje consignerai dans cette opinion portent essen-

tiellement surlaquestion de savoir si1'Etatdemandeur avraiment accepté
ou non lajuridiction obligatoire. Le lien de juridiction obligatoire dont
l'établissement est prévu et réglementépar l'article 36, paragraphe 2, du
Statut de la Cour se créepar la rencontre idéaledes effets de deux actes
unilatéraux.Par chacun de ces deux actes, les deux Etats concernéss'en-
gagent à (<reconnaître commeobligatoire de plein droit et sans convention
spéciale, à l'égardde tout autre Etat acceptant la même obligation, la
juridiction de la Cour sur tous lesdifférendsd'ordrejuridique ayant l'un
desobjetsmentionnés auxalinéasa) àd)de l'articleenquestion. Comme le
présentarrêtle souligne opportunément au paragraphe 14 :

(Afin de pouvoir invoquer la declaration américaine de 1946de
manière àétablir la compétencede la Cour dansla présenteespèce,le
Nicaragua doit prouver qu'il estun <Etat acceptant la même obli-
gation r)au sens de l'article 36, paragraphe 2, du Statut. ))

Ceci,évidemment,pourautant que, deson côté,la déclaration américaine
n'ait pas perdu sa valeur obligatoire.
9. Toutefois, aucun acte d'acceptation directe de lajuridiction obliga-
toire de la présente Cour n'ayant étéaccompli par le Nicaragua, cette
acceptation devrait résulter, d'aprèsce dernier pays, de l'extension auto-
matique à lajuridiction obligatoire de la Courinternationale de Justice -

aux termes de l'article 36,paragraphe 5,du Statut de cettedernière - d'une
acceptation faite à l'égardde lajuridiction obligatoire de la Cour perma-
nente de Justice internationale. Le problème devant lequel la Cour se
trouve placéeaujourd'hui comporte donc deux aspects différents et suc-
cessifs. Le premier est celui de l'existence etde la portéedesactes accom-
plispar leNicaragua en vuedel'acceptation de lajuridiction obligatoire de
la Cour permanente ; le second est celui de l'applicabilità ces actes des
effets prévuspar l'article 36, paragraphe 5, du Statut de la Cour qui a
remplacé la précédente.
10. Le fait alléguépar le demandeur, et non contestépar le défendeur,

est que le 24 septembre 1929le Nicaragua signa le protocole de signature
du Statut de la Courpermanentede Justice internationale enmême temps
qu'il signa la disposition facultative annexe à ce protocole et relative à
l'acceptation de la juridiction de la Cour comme obligatoire. C'est en
réalitéune double manifestation quidoit luiêtreimputéecommefaite à cet
égard :d'une part, il a simplement apposé sa signature sous la déclaration
préétablie eténoncéeen entier dans le protocole même,qui revenait à MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (SEPO . P.AGO) 517

7. 1 find myself, unfortunately, unable to take the same viewof the far

broader link ofjurisdiction deduced by theJudgmentfromthe coincident
existence - whichitthinks to discoverinthefacts - ofacceptancesby both
Nicaragua and the United States of the Court's compulsoryjurisdiction,
expressed by wayof unilateral declaration. In respect of that, 1continue to
have the most serious doubts.
8. The comments 1shall make in this opinion bear mainly on whether
the Applicant really has or has not accepted compulsoryjurisdiction. The
link of compulsoryjurisdiction the establishment of which is provided for
and regulated by Article 36, paragraph 2, of the Statute of the Court is
brought into being by the coincidence on the ideal plane of the effects of

two unilateral acts. By each of these two acts, the two States concerned
undertake to "recognize as compulsory ipso facto and without special
agreement, in relation to any other State acceptingthe sameobligation,the
jurisdiction of the Court in al1legal disputes" over one of the subject-
matters listed in subparagraphs (a) to (d) of the provision in question. As
the Judgment appropriately points out, in paragraph 14 :

"In order to be able to rely upon the United States Declaration of
1946to foundjurisdiction in the present case, Nicaragua has to show
that it is a'State acceptingthe same obligation' withinthemeaning of
Article 36, paragraph 2, of the Statute"

- on the understanding, of course, that the United States Declaration, for
its part, has not lost its binding character.
9. However, as no act of direct acceptance of the compulsory jurisdic-
tion of the present Court has been accomplished by Nicaragua, such
acceptance, according to that country, would have to result from the
automatic extension to the compulsoryjurisdiction of the International
Court of Justice - under Article 36, paragraph 5, of its Statute - of an
acceptance made with regard to that of the Permanent Court of Interna-
tional Justice. The problem currently confronting the Court accordingly

comprises two different, successive aspects. The first relates to the exis-
tence and scope of the acts performed by Nicaragua with a view to
acceptance of the compulsory jurisdiction of the Permanent Court, the
second to the applicability to those acts of the effects provided for by
Article 36, paragraph 5, of the Statute of the Court which replaced it.

10. It is affirmed by the Applicant, and not contested by the Respon-
dent, that on 24 September 1929Nicaragua signed the Protocol of Signa-
ture of the Statute of the Permanent Court of International Justice at the
same time as it signed the Optional Clause, annexed to this Protocol,

relating to acceptance of the Court's jurisdiction as compulsory.Thereby
Nicaragua must be held to have given two-fold evidence of intent :on the
one hand, it simply set its signature to the pre-established declaration set
forth in full in the Protocol itself, the effect of which was to recognize thereconnaître le Statut de la Cour et à accepter en généralla juridiction
<<dans les termes et conditions prévus dans le Statut ci-dessus )); et,
d'autre part, il a signéune déclarationreproduisant et complétant autant
que de besoin le texte de la disposition facultative qui était annexéeau
protocole. Le libelléde cette disposition était en effet le suivant :

(Les soussignés,dûment autorisés,déclarent en outre, au nom de
leur gouvernement, reconnaître dès à présent commeobligatoire, de
plein droit et sans convention spéciale,la juridiction de la Cour
conformément à l'article 36, paragraphe 2, du Statut de la Cour et
dans les termes suivants. >)

Les mots (en outre ))marquaient le lien unissant la deuxième déclara-
tion facultative à la première, à laquelle elle venait s'ajouter. Quant aux
termes suivants )>ils se résumaient en l'espèceaux mots sans condi-
tion qui figurent dans le texte signéau nom du Nicaragua par l'ambas-
sadeur Medina et qui est reproduit au paragraphe 15 de l'arrêt.

11. Toutefois, il està remarquer que le troisième alinéadu protocole
prévoyaitceci :
<LeprésentProtocole, dresséconformément à la décisionde l'As-

sembléede la Société desNations du 13décembre1920,seraratifié[is
subjectto ratificationdans le texte anglais]. Chaque Puissance adres-
sera sa ratification au Secrétariatgénéralde la Sociétédes Nations,
par lessoinsduquel ilen sera donnéavis àtoutes lesautres Puissances
signataires. Les ratifications resteront déposée dsans les archives du
Secrétariatde la Sociétédes Nations. ))(Les italiques sont de moi.)

Ilest donc hors de doute que leprotocole enquestion n'avait nullementété
conçu comme ce qu'on appellerait aujourd'hui un << accord en forme sim-
plifiée)>pour la mise en vigueur duquel la simple signature peut être
considéréecommesuffisante. Il s'agissait bien,conformément à sanature,

à son importance et à saportée, d'unacteinternational formel n'entrant en
vigueuret ne produisant d'effetsjuridiques àl'égarddes Etats participants
qu'à la suite de sa ratification.
12. Quant à la signature de la déclarationqui reproduisait et précisait
les termes de la disposition facultative, un acte spécifiqueet distinct de
ratification n'étaitpas requis, encore que la plupart des Etats en aient fait
réserve expresse. Maisceci n'empêchepas qu'il était inconcevable que
l'engagement prévupar la disposition facultative devienne obligatoire

séparémentde l'engagement prévupar le protocole auquel cette disposi-
tion était annexée. Sansla ratification de ce dernier, la signature de la
déclaration prévuepar la disposition facultative ne pouvait engager en
aucune sorte 1'Etatsignataire, ni,à plus forte raison, fairenaître des droits
et des obligationsà la faveurou à la chargedes autresEtatsayant ratifié le
protocole et signé,sinon aussi ratifié,la déclaration conforme à la dispo-
sitionfacultative. Lesefforts ingénieuxdéployédsans l'arrêtpourattribuer

àla signature delaclausefacultativeet àladéclarationqui endéfinissaitles MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (SEPO. P.AGO) 518

Statute of the Court and in general to accept jurisdiction "in accordance
with the terms and subject to the conditions of the above-mentioned
Statute" ; on the other, it signed a declaration reproducing, and com-

pleting as necessary, the text of the Optional Clause annexed to the Pro-
tocol, which was worded as follows :
"The undersigned, being duly authorized thereto, further declare,
on behalf of their Government, that, from this date, they accept as
compulsory ipsofacto and without specialconvention, thejurisdiction
of the Court in conformity withArticle 36,paragraph 2,of the Statute

of the Court, under the following conditions :".
The word "further" served to link the second, optional, declaration with
the first to whichit had been subjoined. As for the "following conditions",
they werereduced in the case of Nicaragua to the word "unconditionally"
in the text signed on its behalf by Ambassador Medina, which is repro-
duced in paragraph 15of the Judgment.

Il. It should nonetheless be noted that the third paragraph of the
Protocol provides that :
"The present Protocol, which has been drawn up in accordance
with the decision taken by the Assembly of the Leagueof Nations on
the 13th December, 1920,is subject to ratification. Each Power shall
send its ratification to the Secretary-General of the League of

Nations ; the latter shall take the necessary steps to notify such
ratification to the other signatory Powers. The ratification shall be
deposited in the archives of the Secretariat of the League of Nations."
(Emphasis added.)
There can, then, be no doubt that the Protocol in question had in no way
been conceived as what would nowadays be called an "agreement in

simplified form", whicha mere signature could be regarded assufficient to
bring into force. It was clearly,by its verynature, importance and scope, a
forma1international act that could not come into force and produce legal
effects for participant States until it had been ratified.

12. In the caseof thesignature of thedeclaration whichreproduced and
spelled out the terms of the Optional Clause, no distinct, specific act of
ratification was required, although most signatories did make their decla-
rations subject to ratification. But it is nonetheless inconceivable that the
undertaking contemplated by the Optional Clause could become binding in
isolation from that contemplated by the protocol to which the Clause was
subjoined. Without ratification of the Protocol, signature of the declara-

tion provided for by the Optional Clausecould notin any waycommit the
signatory State ;neither, afortiori, could it generate rights or obligations
benefiting or binding other States which had ratified the Protocol and
signed, if not also ratified, a declarationunder the Optional Clause. The
Judgment's ingenious efforts to ascribe an autonomous "potential effect"
to the signature of the Optional Clause and to the declaration defining its termes un (ieffet potentiel ))autonome appellent,en tantque tels déjà,des
réserves'. Maisquoi qu'il en soit, ce qui me paraît certain, c'est que ce
prétendueffet potentiel ne pouvait en aucun cas êtrede nature obligatoire.
Ce qui pouvait en résulter, chez lesEtats tiers intéressés, n'étaiq tu'une
attente, une expectative de voir dans un délairaisonnablecette expectative

se transformer, par la ratification du protocole, en un engagement véri-
table. Par ailleurs, ce délairaisonnable une fois écoulé, mêm cette simple
attente perdait fatalement toute consistance.
13. En outre, une précisionultérieureme paraît nécessaireau sujet de
l'exigencede la ratification du protocole. Par (iratification il faut enten-
dreiciceque l'ondésignepar cetermesurleplanjuridique international, a
savoir,pour desactesbilatéraux,l'échange entre lespartiesdes instruments

de ratification déjà parachevéssur le plan du droit interne, et, pour des
actes multilatéraux, le dépôtde ces instruments auprès du dépositaire,en
l'espècele Secrétariatgénéralde la Société des Nations. Il n'y a certaine-
ment pas làqu'une formalité,une condition enquelquesorteadditionnelle.
Cetéchangeoucedépôtd'instmments, selonlescas,estlui-mêmel'actequi,
sur le plan des rapports interétatiques, établitle consentement des Etats

intéressés à êtreliéspar les obligations prévuesdans l'acte dont il s'agit.
Avant leur accomplissement, l'acte n'estpas en vigueur pas plus quene le
sont à fortiori les obligations qu'il établit.

14. Au vu de ces considérations,on pourrait croire d'une importance
relative d'établir si, dans le cas concret, le protocole et la disposition

annexe avaient ou non fait l'objet, sur le plan du droit interne, de la
procédure prévue par la constitution du pays pour la ratification des
engagements internationaux, et cecijusqu'au parachèvement de cette pro-
cédure.Maisles Parties ont longuementdiscuté àce sujet et leursopinions
sont restées divergentes.A la réflexionon ne peut manquer d'êtrefrappé
par certaines constatationsqui révèlentque, bien des annéesaprèsque la

procédure constitutionnelle interne avait été engagée,elle n'étaittoujours
pas terminée. Même le fameux télégrammedu 29 novembre 1939envoyé
par le ministre des affaires étrangères du Nicaragua à la Sociétédes
Nations n'ajamais signifiéle contraire. Ce qu'ilcommuniquait au Secré-

'Pour illustrer cette notiod'~effet potentieD, l'arrêtse plaît à imaginer que la
déclaration nicaraguayenne, faite le 24 septembre 1929,eût prévuqu'elle ne se serait
appliquéequependant cinq ans aux litigesnésaprèssa signature 1(par. 27).Dans ce
cas, dit l'arrêt,on aurait d« admettre qu'à partir du 24 septembre 1934 son effet
potentiel avait dispar))Mais la limitation dont on formule ainsi l'hypothèse n'aurait
serviqu'à définirratione temporis la catégoriede litigespour lesquels l'effet obligatoire
de la déclarationne se serait produit qu'une foisque celle-ci serait entréeen vigueur, la
ratification du protocole étantintervenue. Biensûr, sila ratification n'avait été déposée
que cinq ans après la signature, ou au-delà, il n'yaurait plus eu de litiges auxquels la
amendement de la définition ptem~orelle des litiges auxauels la déclaration pouvaitire
s'appliquer. Maistout celan'aurait ken eu àfaire avecla déierminationde la duiéedans
letemps de ladéclaration elle-mêmqe&i ne-ouvait commencer àcourir -u'à-artir de la
ratification du protocole.terms are as such sufficient in themselves to arouse feelings of rese~el.

But, however that may be, 1 find it certain that this so-called potential
effect couldnot, in any event,bebinding in character. Al1it could giverise
to on the part of third Statesconcerned was expectancy - the expectation
of seeingit turned into a genuine undertaking,,within a reasonable period
of time, by ratification of the Protocol. Moreover, once ths reasonable
period had expired, even this mere expectation must inevitably become
wholly insubstantial.
13. 1also feel that one further clarification is needed in respect of the
requirement that the Protocol be ratified. What must here be understood
by "ratification" iswhat theterm denotes on the international legalplane :

i.e.,in the case of bilateral agreements, the inter-party exchangeof instru-
ments of ratification alreadyperfected on the domestic legal plane and, in
that of multilateral agreements, the depositof these instruments with the
depositary, in this instance the Secretary-General of the League of
Nations. This is certainly not a mere formality or, as it were, additive
condition. This exchange or depositof instruments, as the case may be, is
itself the act which, at the level of inter-State relations, establishes the
consent of the States concerned to be bound by the obligations contem-
plated by the act in question. Before this exchange or deposit has been

accomplished, the act is not in force, and neither, afortiori, are the obli-
gations which it establishes.
14. In the light of these considerations, it might be thought relatively
unimportant to establish whether, in concreto,the Protocol and the clause
annexed to it had or had not undergone to perfection, at the level of
domestic law, the entire process laid down by the constitution of the
country for ratifying international undertakings. Yet the Parties engaged
inlengthy discussion of thisproblem and could not agree.Upon reflection,
one cannot help being struck by certain points noted which reveal that,
many years after its commencement, the interna1 constitutional process

had still not been completed. Even the famous telegram of 29 November
1939that was sent by the Minister for Foreign Affairs of Nicaragua to the
League of Nations never denoted the contrary. What it communicated to
the Secretariat, concerned at the delay, was the fact that the Senate and

'To illustrate this concept of a "potential effect", the Judgment(para. 27)seesfit to
refer to an imaginary situation in which the Nicaraguan Declaration, made on 24
September 1929,mighthaveprovided that it wouldapply for onlyfiveyears to "disputes
arising after its signature". In that event, says the Judgment. "its potential effectwould
limitation would only have served to define rationetemporisthe category of disputes for
which the binding effect of the Declaration would have come about when the Decla;
ration had come into force, Le., after ratification of the Protocol. Clearly, if the rati-
fication had not been deposited until fiveyears after the signature, or even later, there
would no longer have been any disputes to which compulsoryjurisdiction could have
applied, unless there had been the necessary amendment of the temporal definition of
the disputes to which the Declaration could apply. However,l1this would have had
nothing to do with determination of the duration of the Declaration itself, a period
col.h could have only begun to run its course as from the ratification of the Proto- tariat qui s'inquiétaitdu retard était le fait que le Sénatet la Chambre

avaient ratifié)),c'est-à-dire avaient rempli la tâche qui leur incombait
respectivement aux fins de la ratification. Mais en ce qui concerne l'ins-
trument de ratification proprement dit, le télégrammene faisait que dire
qu'on l'enverrait ((oportunamente ))le moment venu. Tout cela était
exact, car l'instrument en question, c'est-à-dire ledécretprésidentielde
promulgation de la ratification n'avait alorspas étépubliédans La Gaceta
et, semble-t-il, ne devait d'ailleursjamais l'être.Dans ces conditions, son
adoption ne pouvait pas, en droit nicaraguayen, êtreconsidérée comme

acquise, et l'instrument lui-mêmecomme étantdevenu valable et prêt à
êtredéposéauprès de l'autoritéinternationale compétente.
15. Le fait que cette publication indispensable n'ait jamais eu lieu
apparaîtnon pascommeun simpleretard dû àune sériedecausesfortuites,
ou même à l'état généra dl'incertitude qui marquait le monde entier à la
veillede la seconde guerre mondiale, mais comme l'indice d'une nouvelle
réflexionet d'un abandon en fait de l'intention de mener à son terme la
procédure de ratification, ceci sur le plan interne déjà.Il est d'ailleurs

parfaitement normal qu'un pays hésite àfranchir un pas comme celui qui
consiste à s'engager d'avance enversune collectivitéindéfinied'Etats à se
soumettre à lajuridiction obligatoire de la Cour pour ses différendsavec
eux, surtout lorsqu'ilya des raisons de craindre lesrépercussions possibles
de cet engagement surun intérêe tstimé vital. LeNicaragua, enparticulier,
entendait à l'époquesurtout éviterde se laisser amener par ce biais à une
reconnaissance plusoumoinsforcéede safrontièreavecleHonduras fixée
par lasentence arbitrale du roi d'Espagne du 23décembre1906.Aprèsdes

manifestations initiales quasi officielles d'acceptation, suivies d'une
époqueoù avait pris corps l'idéede contester la sentence en question, un
accord aveclepays voisin avait été consigné le21janvier 1931(la date est à
retenir) dans un << protocole d'acceptation ))à la suite de négociations
directes. Mais bientôt legouvernement en revint à l'attitude précédente et
le refus de sa part d'exécuterle <laudo ))espagnol, qualifiéd'obscur et
d'inapplicable, commençait à s'accompagner de l'intention de parvenir en

faità une modification de lafrontière tracéepar lasentence l.La réticence
du pays et de son gouvernement, dans le climat très tendu des relations
avec le pays voisin, à parachever un acte aux conséquencesimprévisibles
sur une question qui sensibilisait au plus haut degré l'opinion publique,
s'expliquait donc aisément.
16. En tout cas, même sion laisse de côtécet aspect ((interne )de la
question et ses explications, ce qui me paraît décisif,sous l'angle qui
intéresse ici, est lefait que, du point de vue international, le dépôtde la

ratification du protocole et de la disposition annexe d'acceptation de la
juridiction obligatoire n'apaseu lieuni àl'origine niplus tard. Ilmesemble

'En 1937-1940les postes nicaraguayennes mirent en circulation un timbre ou
les incidents de frontière répétés créèrebnetaucoup d'émotion auHonduras et les
rapports entre les deux pays se détériorète plus en plus.Chamber had "ratified", or inother wordshad carried out their respective
tasks for the purpose of ratification. But regarding the instrument of
ratification proper the telegram merely said that it would be sent "opor-
tunamente", when the time came.Al1this wascorrect, as theinstrumentin
question, namely the presidential decree to promulgate the ratification,
had not then been published in La Gacetaand, it seems, was never to be.
That being so, its adoption could not, in Nicaraguan law, be considered
accomplished, nor could the instrument itself be considered to have
become valid and ready for depositing with the competent international
authority.

15. That this indispensable publication never took place does not seem
to be a question of mere delay due to a succession of fortuitous circum-
stances, or even to the general state of uncertainty pervading theglobe on
the eve of the Second World War, but seems rather to indicate second
thoughts and de facto abandonment of the intention to complete the
ratification process, even at domestic level. It is, moreover, perfectly nor-
malfora country tohesitatebefore sucha decisivestep ascommittingitself
in advance vis-à-vis an undefined number of States to bow to the com-
pulsory jurisdiction of the Court in its disputes with them, particularly
when there are reasons to fear the possible repercussions of that commit-
ment upon what is seen as a vital interest. Nicaragua, in particular, was at
thetimeparticularly anxiousto avoid thereby being led into amore or less
forced recognition of the boundary with Honduras that had been defined
in the Arbitral Award made by the King of Spain on 23 December 1906.
After initial quasi-officia1 signs of acceptance followed by a period in
which the idea of challenging the Award took shape, an agreement with
Honduras, on 21 January 1931 (and this date is important), had been
enshrined in adirectly negotiated "Protocol of Acceptance". However, the
Government soon reverted to its previous attitude, and its refusa1 to

implement the Spanish "laudo", whichit described as obscure and inap-
plicable, began to be accompanied by the intention to achieve a defacto
modification of the boundary defined in theAward '.Giventhisclimate of
verystrainedrelations with theneighbouringState,it iseasyto explain the
reluctance of the country and its Government to perfect an act whose
repercussions on a question to which public opinion was extremely sen-
sitive could not be foreseen.
16. In any event, quite apart from this "domestic" aspect of the matter
and the explanations relevant to it, what 1 consider decisive from the
standpoint of the present case is that at international level the deposit of
the ratification of the Protocol and of the annexed clause for acceptanceof
compulsoryjurisdiction did not take place, either at the outset or later. 1

' In 1937-1940the Nicaraguan postal administration issued a stamp on which there
appeared a boundary which wasdifferent from that determined in the Arbitral Award.
and relations between the two countries deteriorated steadily.feelingsin Hondurasd'autre part indiscutable que cette situation de carence ne pouvait en
aucun cas êtreimputée àune erreur ou à un manque d'information de la
part des autorités nicaraguayennes. En effet, la nécessitéde procéderau

dépôtde l'instrument de ratification si le Gouvernement du Nicaragua
voulait que la déclarationqu'il avait signéeproduise ses effetsjuridiques,
fut officiellementsignaléeà trois repriseà ce gouvernement par les auto-
ritéscompétentesdu Secrétariatde la Société des Nations, M. McKinnon
Wood en 1934eten 1939et M. EmileGiraud en 1942.Quecesrappelsaient
été reçus résultedu fait que leministèredesaffairesétrangèresne manqua
pasde répondre,chaque fois,enassurant lesditesautoritésde sonintention
de déposer l'instrument de ratification, comme cela était requis, dès le
parachèvement de la procédureinterne appropriée,ou en temps oppor-
tun0.
17. Cesconstatations meDaraissent àellesseules lei ne mentuffisantes
pour permettre de conclure, sur ce premier point, que le Nicaragua n'est

iamais devenu ~artie au Statut de la Cour Dermanente de Justice interna-
tionale et que la déclaration signéepar le représentant de cet Etat au
moment même oùil signait le protocole n'a jamais pris corps en tant
qu'acte productif d'effetsjuridiques sur le plan international. LeJournal
officiele la Sociétédes Nations, supplément spécialdu IOjuillet 1944,
confirmait une fois de plus le bien-fondé de cette conclusion, aux ap-
proches de la fin de l'existence de l'organisation en question.
18. On pourra dire que la conclusion énoncéeci-dessus n'est en réalité
pas contestéepar la Partie demanderesse,et que leproblème, en ce qui la
concerne, vise en définitive non passa soumission à lajuridiction obliga-
toiredela Courpermanentede Justiceinternationale, maissa soumission à
lajuridiction obligatoire de la Cour internationale de Justice, ce qui est

vrai. Ceci n'empêchetoutefois qu'il soit opportun de mettre en évidence
certains aspects qui découlent précisémentdu fait de la non-adhésion au
Statutde laCour permanente. Ledéfautderatification,eten tout casd'une
ratification internationalement valable, du protocole de signature du Sta-
tut de cette Cour comportait en effet, commeconséquenceinévitablepour
le Nicaragua, la non-entréeen vigueur (inforce) à-son égardde cet ins-
trument et de la disposition facultative annexe, et, par conséquent, la
non-constitution à sa charge de l'obligation que sa déclaration faite sur la
base de ladite disposition devait faire naître. Donc, par hypothèse, si le
Nicaragua avait fait, au moment de la signature du protocole, une décla-
ration d'acceptation de lajuridiction obligatoire pour une durée détermi-

née - pour une périodede dix ans par exemple - ce délai n'auraitpas pu
commencer à courir, car il présupposait nécessairementque, grâce à la
ratification du protocole, la déclaration fût devenue productive d'effets
juridiques àl'égarddudit pays et que son obligation relativeà la soumis-
sion à lajuridiction obligatoireeût ainsi commencéà exister. Mêmes'ilest
vrai que la déclaration du Nicaragua avait étéfaite pour une duréeindé-
terminée,cette constatation hypothétique n'est pas sans importance, car
on verra qu'elle n'est pas d'un intérêt purementthéorique.
19. C'estau vudecequi s'estpassé àl'époquede laCourpermanente de MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (SEP .P. AGO) 521

find it furthermore beyond dispute that this deficiencycould in no waybe
ascribed to an error on the part of the Nicaraguan authorities or to their
being ill-informed, sincetherequirement of effecting deposit of the instru-
ment of ratification if the Government of Nicaragua wanted the declara-
tion it had signed to produce any legaleffectswas officiallypointed outto
that Government on three occasions by the competent authonties of the
Leagueof Nations Secretariat, namely Mr. McKinnon Wood in 1934and
1939, and Mr. Emile Giraud in 1942.The receipt of these reminders is
confirmedbytheNicaraguan Foreign Minister's having,on each occasion,

replied with assurances to the said authorities of his intention to deposit
the instrument of ratification, as required, as soon as the appropriate
interna1 procedure had been completed, or "in due course".

17. 1 consider that these facts alone fully warrant the conclusion, as
regards thisfirst point, that Nicaragua never becamea party to the Statute
of the Permanent Court of International Justice and that the declarations
signedby therepresentative of that State at the verymoment of signingthe
Protocol never took shapeas an actproducing legaleffectsat international
level.The OfficialJournal of the League of Nations (Special Supplement,

10July 1944)again confirmed that this conclusion was well-founded, at a
time when the life of that Organization was drawing to its close.

18. It may be said that the above conclusion is in fact not contested by
theApplicant and that the problem concerning it is, after all, not whether
or not it was subjected to the compulsoryjurisdiction of the Permanent
Court of International Justice, but whether or not it is subjected to the
compulsoryjurisdiction of the International Court of Justice.This is true,
but it will nonetheless be appropriate to stress certain aspects deriving
precisely from Nicaragua's non-accessionto the Statute of the Permanent
Court of International Justice, since it was, for Nicaragua, an inevitable

consequence of want of ratification - or at any rate internationally valid
ratification - of the Protocol of Signature of the Statute that neither that
instrument nor the annexed Ootional Clause came into force in regard to
that country :accordingly, theLbligationwhichits declaration on thvebasis
of that Clause should have brought into being was never constituted and
laid upon it. If then, hypothetically, Nicaragua had, at the time of signing
the Protocol, made a declaration of acceptance of compulsoryjurisdiction
for a definite period - ten years, for example - this period could not have
begun to run, since it would necessarily have presupposed that, through
ratification of the Protocol, the declarationhad become productive oflegal
effects for the signatory and that its obligation to submit to compulsory

jurisdiction had thus begun to exist. Even if it is true that Nicaragua's
declaration had been made for an indefinite period, this hypothetical
finding isnot without importance, as its relevance willbe seenbelow to be
more than purely theoretical.

19. It is in the light of what happened at the time of the Permanent Justice internationale qu'ilfaut seposer laquestionplus actuelle, qui est de
savoir exactement cequi s'estproduit au moment riche en événementsqui
a vu la dissolution de la Société desNations, la terminaison parallèlede la
Cour permanente de Justice internationale et de son Statut, la créationde

l'organisation des Nations Unies et l'incorporation dans celle-ci de la
Courinternationalede Justice commeorganejudiciaire principal, et fina-
lement l'adoption du Statut de cette Cour comme annexe de la Charte.
C'estdans ce contexte que la succession entre les deux Cours s'effectue et
que la disposition du Statut de la Cour internationale de Justice concer-
nant la transmission de l'une à l'autre prend sa signification.

20. La disposition en question est leparagraphe 5de l'article 36dont le
texte français est le suivant :

<(Lesdéclarationsfaitesenapplication del'article36du Statutde la
Cour permanente de Justice internationalepour une durée quin'est
pas encore expiréeseront considéréesd , ans les rapports entre parties
au présent Statut, comme comportant acceptation de la juridiction
obligatoire de laCourinternationalede Justicepour laduréerestant à
courir d'aprèsces déclarations et conformément à leurs termes. ))

Et le texte anglais :

<(Declarations made under Article 36 of the Statute of the Perma-
nent Court of International Justice and which are stillin force shallbe
deemed, as between the parties to the present Statute, to be accep-
tances of the compulsoryjurisdiction of the International Court of
Justice for the period which they still have to run and in accordance
with their terms. ))

21. La lecture de ces deux textes différents et en deux langues diffé-
rentes, toutes deux faisant foi, a nécessairementdonnéet donne lieu àdes
problèmesd'interprétation. Le texte anglais, en réalité,ne prêtequ'à une

seule interprétation :une déclaration dont il dit qu'elle est ((encore en
vigueur ))(<<still in force O)(les italiques sont de moi), ne peut se référer
qu'à une déclaration qui, à un moment donné, a commencéd'être<< in
force )>,et qui donc est entrée envigueur à la suite du seul actecapablede
produire un tel effet, à savoir le dépôtauprèsdu dépositaired'un instru-
ment de ratification du protocole auquel la disposition facultative était
annexée. Le textefrançais, par contre, pourrait prêterapparemment à des

interprétationsdifférenteset d'aprèsl'arrêtauquel cette opinion estjointe
(par. 3l), <lechoix délibéré de l'expression <<pour une duréequi n'estpas
encore expirée ))paraît dénoter O, mêmesi l'arrêt reconnaîtque d'autres
interprétations sont possibles, <(une volontéd'élargir le bénéficd ee l'ar-
ticle 36,paragraphe 5, aux déclarations n'ayant pas acquis force obliga-
toire D. Tel était en fait le cas, et uniquement le cas, de la déclaration
nicaraguayenne, pour laquelle il faudrait donc penser que les auteurs du

textefrançais del'article36,paragraphe 5,auraient eu deségardsvraiment
tout particuliers.Court of International Justicethat oneshould consider the currently more
relevant question ofwhat exactly happened during that extremely eventful
period whch witnessed the dissolution of the League of Nations, the
parallel termination of the Permanent Court of International Justice and
its Statute, the creation of the United Nations Organization and the
incorporation into this Organization of the International Court of Justice
asitsprincipaljudicial organ,and finallythe adoption of the Statute of the

Court as an annex to the Charter. It wasin this context that the succession
between the two Courts was effected and it is this context which gives
meaning to the provision of the Statute of the International Court of
Justice concerning the transmission from one Court to the other.
20. The provision in question is thefifth paragraph of Article 36,which
reads in English as follows:
"Declarations made under Article 36 of the Statute of the Perma-

nent Court of International Justiceand whch are stillinforceshall be
deemed, as between the parties to the present Statute, to be accep-
tances of the compulsory jurisdiction of the International Court of
Justice for the period which they still have to run and in accordance
with their terms."
And in the French version :

"Les déclarationsfaitesen applicationdel'article 36du Statut de la
Cour permanente de Justice internationale pour une duréequi n'est
pas encoreexpiréeseront considérées,dans les rapports entre parties
au présent Statut, comme comportant acceptation de la juridiction
obligatoire de laCourinternationale de Justicepour laduréerestant à
courir d'après ces déclarations et conformément à leurs termes."

21. The reading of these two different texts in two different languages,
both authoritative,has necessarily given rise, and continues to giverise, to
problems of interpretation. The English text, in fact, admits of only one
interpretation:a declaration which itdescribes as "sti llforce" (emphasis
added), can onlybea declaration which,ata givenmoment,has beguntobe
"in force", and which has accordingly corne into force following the only
act capable of producing such an effect, namely the deposit with the
depositary of an instrument of ratification of the Protocol to which the
Optional Clause was annexed.The French text, on the other hand, could
apparently lend colour to different interpretations and, according to the

Judgment to which this opinion is appended (para. 31), "the deliberate
choice of the expression 'pour une durée qui n'est pas encore expirée'
seems" - even if the Judgment recognizes that other interpretations are
possible - "to denote an intention to widen the scope of Article 36,
paragraph 5, so as to cover declarations which have not acquired binding
force". This was in fact the case, and was soleh the case, with the decla-
ration of Nicaragua - for whch one would therefore have to imagine that
the authors of the French text of Article 36, paragraph 5, cherished very
special feelings. 22. Or, à ce sujet,je tiensà rappeler, en premier lieu, l'article 33de la
convention de Viennesur ledroit destraités,concernant l'interprétation des
traitéauthentifiésendeux ouplusieurs langues.Au paragraphe 4,cet article
dispose que :

(<Sauf le cas où un texte déterminé l'emporte conformémentau
paragraphe 1, lorsque la comparaison des textes authentiques fait
apparaître une différencede sensquel'application desarticles31et 32
ne permet pas d'éliminer,on adoptera le sens qui, compte tenu de
l'objet et du but du traité,concilielemieux cestextes. D (Les italiques
sont de moi.)

Or, à la lumièrede cette prescription d'une logique évidente,il semblerait
qu'une conciliation de ces deux textes à la signification apparemment
différentene pourrait se faire que sur une interprétation exigeant que les
déclarationsprises en considération aux finsde l'article 36,paragraphe 5,
soient des déclarations entrées à un moment donnéen vigueur et ayant
ainsi acquisforceobligatoire - et excluant lesdéclarations n'ayant jamais
atteint ce stade. L'arrêt,au contraire, a tentéune conciliation dans le sens

opposé et à cette fin paraît se satisfaire du fait que le texte anglais ne fait
pas étatdu caractère obligatoire que devraient avoir les déclarations pour
bénéficierdu régimeinstituépar la disposition en question :

En conséquence,la Cour est d'avis que le texte anglais n'exclut
nullement de manièreexpresse une déclaration valide, de duréenon
expirée,émanantd'un Etat non partie au protocole de signature du
Statut de la Cour permanente de Justice internationale et n'ayant
donc pas force obligatoire. ))(Par. 31.)

Il resteà savoir,à mon avis, comment une déclaration d'acceptation de la
juridiction obligatoire pourrait être(en vigueur ))(inforce) et ne pas avoir
la force obligatoire qui est précisémentson unique objet.
23. Mais mêmeen faisant abstraction de ces difficultéset en ne tenant
compte, à titre d'hypothèse,que du seultextefrançais, ilest fort douteux,à
mon avis,quel'interprétationque l'onvoudrait établirsursabase s'impose
vraiment. La disposition à laquelle nous nous référonsparle de (décla-
rations faitesenapplication de l'article36du Statutde laCourpermanente

de Justice internationale n.Or, nul ne pense à le nier, cette disposition
admettait que la déclaration reconnaissant comme obligatoire lajuridic-
tion de la Cour fût faite soit lors de la signature,soit lors de la ratification
du Statut de la Cour. Ellepouvait bien sûr êtrefaite àl'une ou à l'autre de
ces occasions, et cette double possibilitéétaitliée à la prévisionnormale
que les deux actes de la signature et de la ratification du <Protocole de
signature )se suivraient l'un l'autre,puisque le protocole ne considérait
pas la signature comme suffisante et exigeait explicitement la ratification.
Mais qu'ellefût faite lors de la premièreou de la seconde de cesoccasions,

c'està partir de la date dela seconde, et d'elleseulement, quela déclaration
enquestion pouvait devenirun actejuridique productif d'effetsde droit et 22. With regard to this question 1wish first to recall Article 33 of the
Vienna Convention on the Lawof Treaties, relating to the interpretatior~ of

treatiesauthenticatedin twoormorelanguages. In paragraph 4, this Article
provides that :
"Except where a particular text prevails in accordance with para-
graph 1,when a comparison of the authentic text discloses a differ-
ence of meaning which the application of Articles 31and 32 does not
remove, the meaning which best reconcilesthe texrs,having regard to

the object and purpose of the treaty, shall be adopted." (Emphasis
added.)
Now, in the light of this clearly logicalprescription, it would seem that a
reconciliafionof these two texts with apparently different meanings can
only be effected on the basis of an interpretation requiring that the decla-
rations taken into consideration for the purposes of Article 36,paragraph

5, should be declarations which have, at a given moment, come into force
and thus acquired binding character - to the exclusion of declarations
which never reached that stage. The Judgment, on the contrary, has
attempted a reconciliation going the opposite way and, to this end. seems
tocontent itselfwith the fact (cf. para. 31 infine) that the English text does
not mention thebinding character whichdeclarations shouldhavein order
to come under the régimeinstituted by the provision in question :

"It is therefore the Court's opinion that the English version in no
way expressly excludes a valid declaration of unexpired duration.
made by a State not party to the Protocol of Signature of the Statute
of the Permanent Court, and therefore not of binding character."
(Para. 31.)
In my view,it remains to be explained how a declaration of acceptance of

compulsoryjurisdiction could be "in force" and not have the binding force
which is, precisely, its sole object.
23. But evenif one takes no account of thesedifficulties, and supposing
that one wereto relyupon the French text alone, 1have strong doubts asto
the cogency of the interpretation sought to be founded upon it. The
provision to which we are referring speaks of "declarations made under
Article 36of the Statute of the Permanent Court of International Justice".
Now that provision - as no one thinks to deny - permitted States to make
the declaration recognizing the jurisdiction of the Court as compulsory
either when signing or when ratifying the Statute. It could. of course. be
made on either occasion, and this double possibility was connected with
thenormal expectation that the twoacts of signature and ratification of the

"Protocol of Signature" would be successive, as the Protocol did not
provide for signature alone to be adequate but explicitly required ratifi-
cation. Butwhether it wasmade on the first or second of theseoccasions. it
was as from the date of ratification, and only as from that date. that the
declaration in question could become a legal act producing legal effects
and could give rise to the legal obligation upon the State making thefaire naître à la charge de 1'Etat déclarant l'obligation juridique de se
soumettre à lajuridiction de la Cour. Autrement dit, une déclarationfaite
au moment de la signature ne pouvait pas avoir d'effets juridiques et
obliger 1'Etatdéclarant avant que n'intervienne la ratification de la dis-
position sur laquelle la possibilité mêmede faire la déclaration était fon-
dée.Surcelatout lemonde sembleêtred'accord.Jevoudrais donc revenir à
l'hypothèsed'une déclarationémanantd'un Etat qui accepterait l'obliga-
tion de soumettre sesdifférends internationaux àlajuridiction de la Cour

pour une durée donnée,et à la question, qui se poserait alors, de la
déterminationaussi bien du dies aquoque du dies ad quemde l'obligation
ainsi souscrite. Il serait exclu, je pense, que la durée d'une obligation
souscritepour unepériode,disons dedix ans,commence àcouriravant que
l'existence de l'obligation en question ne soit établiepar le dépôt déter-
minant de l'instrument de ratification, et il serait difficilement imaginable
qu'elle expire avant que dix ans se soient écoulés à partir de ce même
moment. Il en serait de même,pour le seul dies a quoévidemment,dans le

cas d'une obligation souscrite pour une durée indéterminée.S'agissant
enfin d'une situation commela situation actuelle. où la discussion tourne
autour d'une déclarationfaitepour une duréeindéterminée,mais àpropos
delaquelle aucun acte de ratification susceptible de faire naîtredeson chef
des effets juridiques obligatoires n'est intervenu, l'unique conclusion
admissible me semble êtrequel'obligation prévuedans la déclarationn'a
jamais commencé à <<durer ))pour la bonne raison qu'elle n'a jamais
commencé à <exister 1).
24. Cela étant,l'oncomprendraque j'aie de la difficultéà admettreque

l'intention desrédacteursde l'article36,paragraphe 5,du Statutde laCour
internationale de Justice, même celledes rédacteursdu texte français, ait
pu êtred'assurer, aux fins de la succession d'une Cour à l'autre, une
prétendue «continuité» d'effetsjuridiques à des manifestations qui, par
rapport à l'ancienneCour,n'ontjamais produit de telseffets,autrement dit
n'ont jamais existéen tant que sources d'obligations juridiques. Je veux
bien admettre qu'au moment de cette succession la préoccupationfonda-
mentale desjuristes et des diplomates qui ont présidé à l'opération ait été
de sauvegarder tous lesacquis de la Cour ancienne au profit de la nouvelle.

Mais pour ce faire il fallait, je pense, qu'il s'agisse d'acquis réels,de
déclarationsdevenues productives des effetsjuridiques auxquels elles ten-
daient, et non pas de simples manifestations d'une intentionqui ne s'était
jamais concrétisée par lesactes nécessairespour qu'elledeviennela source
actuelled'effetsjuridiques en droit international. 11est touàfaitjuste de
dire, comme l'afait M.Chayes au nom du Nicaragua, quelapréoccupation
fondamentale, en 1946, a étéd'assurer, grâce au texte de l'article 36,
paragraphe 5, du Statut de la nouvelle Cour, la <<continuité ))des effets
juridiques desacceptations delajuridiction obligatoirefaites par rapportà

la Cour ancienne. Mais justement, pour qu'il puisse y avoir une telle
<continuité )>dans les effets, il fallait que, par rappoàtla Cour précé-
dente, ilait existédesacceptationsproduisant de telseffetsetdonc, dans ce
sens, des acceptations entrées en vigueur et devenuesobligatoiresen droitdeclaration to subject itselftothejurisdiction of the Court. In other words,
adeclarationmade at the timeof signature couldnot haveany legaleffects,

and could not bind the Statethat had made il, until such time as there had
been a ratification of the provision upon which the very possibility of
making thedeclaration had been based. On ths point there seemstobe no
disagreement. That being so, let us reconsider the hypothesis of a decla-
ration made by a State accepting theobligation to subject its international
disputes to thejurisdiction of theCourt fora givenperiod, and thequestion
which would then arise of determining both the dies aquoand the dies ad
quemof the obligation thus entered into. 1imagine it would be out of the
question for the period of an obligationentered into for, Say,ten years to
begin to elapse before the existenceof the obligation in question had been
established by the determinativedeposit of the instrument of ratification,
andit would bedifficult to imagine that it could expire until ten years had
passed from that moment. The same would be true - though only for the
dies a quo, of course - in the case of an obligation entered into for an

indefinite period. Finally, in a situation like the one under present exami-
nation, wherethediscussionhingeson adeclarationmade foran indefinite
period, but regarding whichthere has been no act of ratification capable of
generating binding legaleffects, 1find the onlyadmissibleconclusion tobe
that the obligation contemplated by the declaration never began to
"elapse" for the simple reason that it never began to "exist".

24. That being the case, it will be appreciated why 1find it difficult to
accept theproposition that it could have been the intention of the authors
of even the French text of Article 36, paragraph 5, of the Statute of the
present Court to ensure,for the sakeof that Court'ssuccessionto theother,
that manifestations of intent which had never produced legal effects in
relation to the old Court, or in other words had never existed as sourcesof
legal obligations, were endowed with "continuity" of legal effect. 1 am
prepared to admit that, at the time of this succession, the underlying

concern of thejurists and diplomats who presided over this operation was
to safeguard al1the achievementsof theformer Courtforthe benefit of the
new.However,for this tobedone, theseachevements had surelytobe real,
i.e.,declarations which had begun to produce the legaleffects which were
their aim, and not mere manifestations of an intent whichhad never taken
concrete shapethrough the acts required for it to become an actual source
of legal effects in international law. Itis perfectly correct to Say,as Pro-
fessor Chayes did on behalf of Nicaragua, that the underlying concern in
1946wasto ensure, through the medium of Article 36,paragraph 5,of the
Statute of the new Court, the "continuity" of the legal effects of accep-
tances of compulsoryjurisdiction expressed with reference to the former
Court. But - and this is the verypoint - for any "continuity" of effects to
be possible, there had to have been, in relation to the former Court, some
acceptances productive of such effects, hence, in this sense, acceptances

which had entered into force and assumed a bindingcharacter in interna- international. On n'est plus sur le plan d'une stricte identitélorsque, par
rapport au nouveau Statut, on veut attribuer àune vieilledéclaration des
effets qu'elle ne produisait pas par rapport à l'ancien.
25. Est-il vrai, d'autre part, comme on l'asoutenu, que lajurisprudence
de la Cour internationale de Justice contredirait la position qui me sem-
blerait s'imposer en termes de logique juridique ? Sous cet angle il est

particulièrement intéressant d'examiner les prises de position qui ont eu
lieu lors de la décisionde l'affaire relativà l'Incidentaériendu 27juillet
1955,que,peut-être,on aun peu trop facilementécartéecommeayanttrait
àune situation différentede la situation actuelle. On sait qu'une opposi-
tion s'est alors manifestée, quant à la décision à adopter dans le cas
d'espèce,entre lamajoritédela Cour etun groupede troisjuges (sirHersch
Lauterpacht, M. Wellington Koo et sir Percy Spender), qui ont joint à

l'arrêt uneopinion dissidente collective. Il vaut la peine d'examiner, par
rapport au problème qui nous préoccupe,la position des uns comme des
autres, pour autant qu'ils en aient pris une.
26. Laposition laplus importante à mesyeux,surtoutparce qu'ellepeut
constituer un précédentde poids par rapport àl'affaire actuelle, est l'opi-
nion de la majoritéde la Cour. Un aspect me paraît mériterparticulière-
ment d'êtrerelevé.Aux pages 137etsuivantes du Recueil desarrêtd se 1959,
et notamment à la page 138,on trouve l' <p<érationsimple ))effectuéepar

l'article 36, paragraphe 5, dans son application aux Etats qui, à San
Francisco,avaient signéleStatutde la Courinternationalede Justice. A ce
sujet, la majorité a tenu à faire ressortir que la disposition en question
entendait transférer à la nouvelle Cour les «obligations»qui avaient existé
vis-à-visde la Cour permanente, cequiparaît nettement exclurequ'elleait
voulu étendrel'opération en question à desdéclarations qui,tout en ayant
étéfaites à un moment donné,n'avaientjamais atteint le stade de l'effet
«obligatoire». Le passage suivant est trèsrévélateuren ce sens :

(<Pour les Etats signataires [duStatut de la Cour internationale de
Justice], l'article 36, paragraphe 5, a, par un accord entre eux ayant

plein effet de droit, régléle transfert d'une Cour à l'autre de décla-
rations encore existantes ; cefaisant ila maintenu une obligationexis-
tante en en modifiant l'objet.))(P. 138. Les italiques sont de moi.)

Tout de suite après, l'arrêtde 1959 a d'ailleurs confirméce concept en
soulignant, par opposition, qu'à l'égarddes Etats qui, absents de San
Francisco, n'avaient pas à cette occasion signé leStatut de la nouvelle
Cour, << le Statut ne pouvait ...ni maintenir ni transformer leur obligation
primitive )' (lesitaliques sont de moi). L'identification entre déclaration

'Je voudrais aussi faire remarquer que la thèseadoptée par le présentarrêt,de la
<(séparabilitRd'une déclaration facultative (sans force obligatoire)<support
institutionnel(voirpar.9)meparaît contredite par lefaitde l'exclusiond'untransfert
postérieurd'unedéclarationayant créé une obligation devecaduque à la suite de la
disparition de la Cour permanente.tional law.The plane of strictidentity is forsaken when an old declaration
is credited with effects in relation to the new Statute which it never

possessed in relation to the previous one.
25. Besides,is it true, as has been maintained, that the case-law of the
International Court of Justice contradicts the position 1feel dictated by
juridical logic? From that standpoint, it is of particular interest to study
the positions taken up at the time of the Judgment in Aerial Incidenrof 27
July 1955, which has perhaps been too lightly passed over as concerning a
situation different from the present one.Wherethe decision to be adopted
in that case wasconcerned,there wasadisagreement between the majority
of the Court and three Members (Sir Hersch Lauterpacht,Judge Welling-
ton Koo and Sir Percy Spender) who appended ajoint dissentingopinion
to the Judgment. In the context of the problem before us, it is worthwhile
examining the positions of al1in that case who expressed one.

26. What strikes me as the most important position is that of the
majority of the Court, since it could serve as a weighty precedent for the
present case. One aspect of the matter seems to me to deserve particular
attention. Reference is made on pages 137 ff. of I.C.J. Reports 1959,
especially on page 138,to the "simple operation" effected by Article 36,
paragraph 5,inits application to States whch had signed the Statute of the
InternationalCourt ofJustice at San Francisco. On thispoint, the majority
emphasized that the provision in question was designed to transfer to the
new Court the "obligations" which had previously existed vis-à-vis the
Permanent Court, and this seems clearly to exclude its having been
designed to extend the operation in question to declarations which,

although made at a given moment, had never reached the stage of having
binding force. The following passage is highly significant in this res-
pect :
"In the case of signatory States, by an agreement between them
having full legaleffect, Article 36,paragraph 5,governed the transfer
from one Court to the other of still-existing declarations ;inso doing,

itmaintainedanexisting obligationwhilemodifyingitssubject-matter."
(I.C.J. Reports 1959, p. 138, emphasis added.)
Furthermore, the 1959 Judgment immediately went on to confirm this
concept by pointing out a contrariothat, as concerned States which, not
having attended the San Francisco Conference, had not then signed the
Statute of the Court, "the Statute .. .could neithermaintain nortransform

their originalobligation" (emphasis added)'. Thus the identification of

1Wishalso to point out that the present Judgrnent's theory of the "separability" of
tion" (see para29) appears refuted by the preclusion of the eventual transfer of a
declaration which had created an obligation that lapsed on the dissolution of the
Permanent Court.existante et déclaration ayant un effetjuridique obligatoirene pourrait
donc êtreplus nette, et dans ces conditions il est bien difficile d'imaginer
que la Cour ait pu à un moment donnéenvisager le transfert de 1'<e <ffet
juridique ))obligatoire d'une déclaration qui n'en avait pas eu. Il est

d'ailleurs caractéristique que l'arrêtde 1959 ne parle mêmepas d'un
transfert de déclarationsayant un effet obligatoire ;il qualifie carrément
de «transfert d'obligations»l'opérationconfiéeàl'article 36,paragraphe 5.
Ilfaut donc constater que, par rapport auditarrêt, la décisionrendue dans
la présente affaire représente indéniablement, souscet angle, un revire-
ment dejurisprudence. Rien ne l'empêche, biensûr, mais il est bon d'en
êtreentièrement conscient.
27. Quant à l'opinion dissidente collective,l'onnoteratout d'abord que
les trois juges ont tenu à y souligner spécialement l'identitéde sens des
textes anglais et français de l'article 36, paragraphe 5, et le fait que le
deuxièmed'entreeux n'entendait pass'éloignerdu sens du premier, ni sur-
tout le modifier, mais tout au plus le clarifier. Toujours dans ce contexte,

l'intérêptrincipal de l'opinion tient à ce qu'elle fait ressortir la raison
pour laquelle la délégationfrançaise à San Francisco avait proposé son
amendement du texte français et avait beaucoup insisté. Ala conférence
étaientprésents, l'opinion lerappelle, un certain nombre d'Etats, dont la
Chine, l'Egypte, l'Ethiopie, la France, la Grèce,le Pérou,la Turquie et la
Yougoslavie, ayant dans le passéfait des déclarations d'acceptation qui,
faute d'avoir étérenouvelées, << étaient devenues caduques et n'étaient
donc plus en vigueur ))(les italiques sont de moi). Dans ces conditions,
précisedonc l'opinion dissidente à la page 161 :

<Il était clairementnécessaire d'exclure cesEtats du domaine du
paragraphe 5 en y insérant l'expression which arestill inforce. Cette

interprétation est appuyéepar le texte français qui fait foi au même
titre que le texte anglais et est encore plus clair et indiscutable que
celui-ci.

28. Lefaitque l'undesEtats setrouvant dans la situation envisagéeétait
précisémentla France explique bien lejuste souci de la délégationde ce
pays de se garantir contre le risque que l'on fasse endosser au Gouverne-
ment français, par un texte qui ne mettrait pas suffisamment lespoints sur
les i,une obligation qu'il voulait alors que l'on tienne pour éteinte.La
préoccupation qui se trouvait à la base de l'amendement étaitdonc de
contenir clairement et rigoureusement l'effetde l'article 36,paragraphe 5,
et non pas de l'élargir,et notamment de l'élargiren incluant inopinément

parmi sesdestinataires un Etat dont on ne pouvait mêmepas dire que son
acceptation de lajurisprudence obligatoiren'était plus en vigueur,car elle
n'avait étéjamais en vigueur.
29. Telles sont donc les conclusions que l'on peut tirer de l'ensemble
des positions prises en 1959 par la Cour elle-même oudans son cadre,
dans l'affaire de l'Incidentaériendu 27juillet 1955. Il s'agit,jusqu'à l':il'-
faire actuelle, du seul cas où la Cour a eu l'occasion de se proiloncor"existing declaration" with "declaration having bindinglegaleffect" could
not be more clear, and, that being so, it is difficult indeed to imagine that
the Court could at a given moment have envisaged the possibility of the
transferof the binding "legal effect" of a declaration which did not have
one. It is moreover characteristic that the 1959Judgment does not even
speak of the transfer of declarations possessingbinding force, but directly
describes the operation carried out under Article 36, paragraph 5, as a
transferof obligations.It must therefore be realized that on this point the

present Judgment undeniably represents a break with the 1959precedent.
Of course, there is nothing to hinder this, but iis as wellto be fully aware
of it.
27. As for thejoint dissenting opinion, it should first be noted that the
threejudges laid special emphasis on the identity of meaning between the
Englishand French textsofArticle 36,paragraph 5,and on thefact that the
French text was not designed to depart from, still less modify, but at the
very most to clarify the meaning of the English text. What is most inter-
esting about the opinion in this context is that it brings out the reason why
the French delegation at San Francisco had submitted, so insistently, its
amendment to the French text. The opinion recalls that there werepresent
at San Francisco a number of States, including China, Egypt, Ethiopia,
France, Greece, Peru, Turkey and Yugoslavia, that had in the past made
declarations of acceptance which, not having been renewed, "had lapsed
and weretherefore no longer inforce" (emphasisadded). That being so,the
dissenting opinion explains (p. 161):

"It wasclearlynecessary,byinsertingthe expression 'whichare still
in force', to exclude those States from the operation of paragraph 5.
That interpretation is supported by the French text which is as
authoritative as the English text and which is even more clear and
indisputable than the latter."

28. The fact that one of the States in the above situation was France
serves to explain the legitimate concern of that coumtry's delegation to
insure against the risk of the French Government's having foisted upon it,
through an insufficiently explicit text, an obligation which it wished at the
time to be deemed extinguished. The preoccupation behind the amend-
ment was therefore the clear and rigorous containment of the effects of
Article 36, paragraph 5, and not the broadening of its scope, still less its
unexpected extension to a State whose acceptance of compulsory juris-
diction could not even be described as nolongerinforce, since it had never
been inforce.

29. These, then, arethe conclusions whichmay bedrawn from thewhole
ofthe viewsexpressedin 1959by the Court itselforwithin its framework in

the case concerning the Aerial Incident of 27July 1955. Until the present
case, that was the only one in which the Court had had occasion to take asur l'interprétation et les effets de l'article 36, paragraphe 5, de son
Statut.

30. Dans cemêmecontexte,je pensequ'un mot devrait êtredit ausujet
desAnnuaires de la Cour. A cepropos, il me sembleen effet que la réalité
mérite d'être décritaevecbeaucoup de précision,pour éviterdes interpré-
tations erronées.Dans ces documents, la forme de la présentation typo-
graphiquepeut avoir changé,maisnonpas laposition defond au sujetdela
question qui nous intéresse.Cette position a étéfixéedans l'Annuaire
1946-1947,page 206 de l'édition française.La situation du Nicaragua par
rapport à la disposition facultative y a étéobjectivement présentée ence
que l'on a reproduit le texte de la déclaration d'acceptation de lajuridic-
tion obligatoire de la Cour permanente, signéeau nom de cepays en 1929,
mais en précisantdans une note de bas de page le défaut denotification

au Greffe de l'instrument de ratification du protocole de signature du
Statut de ladite Cour. Ceci équivalait,en fait,à indiquer que la déclara-
tion reproduite n'étaitpas entrée envigueur, avec les conséquencesqui
pouvaient en découlerquant à ses effetsjuridiques. Dans les Annuaires
concernant les annéessuivantes, et cecijuqu'en 1954-1955,la mêmenote
n'apparaît pas au mêmeendroit, mais elleest comprise dans le renvoi àla
page pertinente de l'Annuaire1946-1947que comporte la liste des Etats
ayantfait desdéclarationsd'acceptation de lajuridiction obligatoire (voir,
par exemple, la page 168de l'Annuaire1952-1953).Il serait donc faux de
soutenir que, dans lesAnnuaires en question, la réserve relativeau défaut
de notification de la ratification du Statut ait disparu. Ensuiàpartir de
l'Annuaire 1955-1956,la note de bas de page est de nouveau reproduite à
l'endroit où elle figurait en 1946-1947.Elle apparaît légèrement modifiée

(O Toutefois, ilsemblequeledit instrument nesoitjamais arrivé à laSociété
des Nations O),mais ilne semblepas que l'effetde réservequ'on entendait
lui attribuer ait changé.Je tiens à dire tout cela pour l'exactitude, sans
évidemmentimpliquer que ces informations, qui disent ce qu'ellesdisent,
engagent la responsabilité de la Cour elle-même.
31. II me reste maintenant à donner mon avis sur la conclusion à
laquelle la Cour paraît êtreparvenue dans la présente affaireà savoir que
la conduite du Nicaragua après la création de la nouvelle Cour aurait
constitué une manifestation valable de son consentement àêtredéfiniti-
vement liéen droit par l'intention manifestéeen 1929d'accepter et sans
conditions la juridiction obligatoire de la Cour. A ce sujet je dois faire
d'abord une réserve expressequant à l'admissibilitéde l'idée mêmq eue

l'exigenceindéniable d'unacte formel d'acceptation puisse êtreremplacée
- au surplus dans un domaine aussi spécialet délicatque celui de l'ac-
ceptation de l'obligation de soumettre ses différendsinternationaux à la
juridiction de la Cour - par une simple conduite de fait, et ceci même
au cas où l'intention révélép ear cette conduite ne ferait pas de doute.
Mais ce que je tiens surtout à faire ressortir, c'est que la preuve de cette
conduite consentante ))même neparaît pas avoir étéfournie d'une
manière convaincante, et m'apparaît, au contraire, contredite par les
faits.position on the interpretation and effects of Article 36,paragraph 5,of its
Statute.
30. In this same context, 1think that some comment is called for with

regard to the Yearbooksof the Court, because 1feel that the real situation
in this regard should be described with great precision, so as to avoid
misinterpretations. In these documents, the form of typographic presen-
tation may have changed, but not the substantive position adopted with
regard to the question which concerns us. This position was fixed in
Yearbook 1946-1947,page 210. Nicaragua's situation with regard to the
Optional Clause was there objectively set out, in that the text of its
declaration of acceptance of the compulsoryjurisdiction of the Permanent
Court was reproduced, but accompanied with a footnote specifying that
the Registry had not receivednotification of the instrument of ratification
of the Protocol of Signature of the Statute of that Court. In fact, this was
tantamount to saying that thedeclarationreproduced had not entered into
force,with al1theconsequenceswhichmightflowtherefrom in regard toits
legal effects. In the Yearbookfor subsequent years up to 1954-1955,this
footnote does not appear in the same place but is encompassed by a

reference to the relevant page of Yearbook1946-1947in the list of States
having made declarations of acceptance of compulsoryjurisdiction (see,
for instance, p. 168of the Yearbook 1952-1953).It would therefore be
wrong to argue that in the Yearbooksin question the caveat concerning
non-notification of ratification of theStatute had disappeared. Then, ever
since Yearbook 1955-1956,the footnote has again appeared in the same
place as in 1946-1947.There is a slight change in wording ("it does not
appear, however, that the instrument of ratification was ever received by
the League of Nations"), but the effect it was meant to have as a caveat
does not seemto have changed. 1wish to make al1this clear in theinterests
of accuracy, but obviously without implying that this published material,
which states what it states, involves the responsibility of the Court
itself.
31. It now remains for me to give my opinion on the conclusion which
theCourt seemsto havereached in thiscasetothe effect that theconduct of
Nicaragua after the establishment of the new Court constitutes a valid
manifestation of its consent to be definitively bound in law by its intent

expressedin 1929to accept thecompulsoryjurisdiction of the Courtand to
do so unconditionally. On this point, 1must first enter an express reser-
vation as to the veryidea that the indisputable requirement of a forma1act
of acceptance could admissibly be replaced - and, what is more, in so
special and delicatea field asacceptance of the obligation to submit one's
international disputes to thejurisdiction of the Court - by mere evidence
of conduct, even if the intention revealed by this conduct is not in doubt.
But what 1wishabove al1tobring out isthe fact that the evidenceadduced
to prove this "consenting" conduct is not only unpersuasive as presented
but, in my view, stands confounded by the facts. 32. Au lendemain de la conférencede San Francisco, la situation en ce
qui concerne l'attitude du Nicaragua au sujet de notre problème n'avait
point changé. Laréticencequant à l'adoption d'une attitude favorableà

l'acceptation définitivedelajuridiction obligatoire de laCour,loind'avoir
cessé,s'étaitcertainementencoreaccrue à la suitedela détérioration ulté-
rieurede la situatioà propos de lafrontière avec le Honduras. Les tenta-
tives successivesde conciliation et de médiation faitesjusqu'alors avaient
échoué. C'estpar rapport à cette situation que devait se comprendre
le silence du Nicaragua par rapport à la réservequi continuait d'être
expriméedans les notesde bas de pagecontenues dans lesAnnuaires de la
Cour. Cette réserve avaiten réalitéla mêmesignificationque celle faiteà
l'époquede la SociétédesNations etque lesrappelssur le mêmesujetalors
adressésau gouvernement par le Secrétariat.Si l'intention de rectifier la
position du pays et defairesortir cedernier del'ambiguïtépersistanteavait
étéréelle,rien n'aurait été plusfacile que de déposer une nouvelle accep-
tation auprèsdu SecrétariatdesNations Unies, commeprévupar leStatut.
Mais rien de semblablene fut fait. En 1948,en signant et en ratifiant le

pacte de Bogota, le Nicaragua acceptapar traitélajuridiction de la Cour
internationale deJustice dans sesrapports avecles autres Etats américains
parties à ce traité;mais il l'assortit de la réservesuivant:
<La délégationduNicaraguaendonnant son approbation autraité
américain de solutions pacifiques (pacte de Bogota) désireque soit
consigné expressémentdans le procès-verbal qu'aucune disposition
contenue dans leprésenttraiténepourra porter préjudice à laposition

adoptéepar leGouvernementduNicaraguaconcernant dessentences
arbitrales dont il aurait contestélavaliditéenconformitéavecledroit
international, qui permet clairement la contestation des sentences
arbitrales considéréescomme nulles ou entachées de vices. Par con-
séquent la signaturedu présent traité parla délégationdu Nicaragua
ne pourra pas être interprétéecomme entraînant acceptation des
sentencesarbitrales que le Nicaragua a contestéeset dont la validité
n'a pas étévérifiée.

33. L'étatdes relations se faisait entre-temps de plus en plus sérieuxet
les incidents defrontière et autres semultipliaient. Vu l'échecde toutes les
tentatives de médiation,un des conseils du Honduras s'enquit alors de la
possibilité de porter le différend devant la Cour par voie de requête
unilatérale,surlabase deladéclarationnicaraguayennede 1929.Maisilne
futpasencouragéapoursuivre sur cette voiepar lesréponsesreçues.L'idée
n'eut donc pas de suiteet il fut décidédeplacer ce différenddans lecadre
del'organisation desEtatsaméricains.Une résolutiondecelle-ciconstitua
donc une commission médiatrice dont l'action aboutit finalement à la
conclusion entre les deux Etats en litige de l'accord du 21juillet 1957,par
lequel les parties, aprèsavoirfait état de la reconnaissaee lajuridiction
obligatoiredelaCourtellequ'elleapparaissaitdans lepactedeBogota(etnon
pas donc d'unejuridiction résultant de déclarations parallèles d'accepta-

tion unilatéralepar lesdeux pays), s'engagèrentàsoumettre àla Courleur 32. After the San Francisco Conference, the situation with regard to
Nicaragua'sattitude towards Ourproblem did not change. Its reluctance to
adopt an attitude favourable to definitiveacceptance of the Court's com-
pulsory jurisdiction, far from coming to an end, certainly heightened
followingthe subsequentdeterioration of the situation regarding its fron-
tier with Honduras. The successiveattempts at conciliation and mediation
had al1failed. It is in the light of this situation that Nicaragua's silence

vis-à-visthecaveat whichcontinued tobe expressedin the I.C.J. Yearbook
footnotes had to be understood. Thiscaveathad in fact the same meaning
asthat made at the time of the Leagueof Nations and as the reminders on
the same subject then sent to the Government by the Secretariat. If there
had been any real intention torectify theposition ofthecountry and dispel
the ambiguity which continued to surround it, nothing would have been
easier than to deposit a new acceptance with the Secretariat of the United
Nations, as provided for by the Statute. But nothing of the sort was done.
In 1948,by signing and ratifying the Pact of Bogota, Nicaragua accepted
by treaty thejurisdiction of the International Court of Justice in its rela-
tions with the other AmericanStates which wereparties to this treaty. But
it entered the following reservation:

"The Nicaraguan Delegation, on givingits approval to the Ameri-
can Treaty on Pacific Settlement (Pact of Bogota) wishes to record
expressly that no provisions contained in the said Treaty may preju-
dice any position assumed by the Government of Nicaragua with
respect to arbitral decisions the validity of which it has contested on
the basis of the principles of international law, which clearly permit
arbitral decisionsto be attacked when they are adjudged to be nul1or
invalidated. Consequently, the signature of the Nicaraguan Delega-
tion to the Treaty in question cannot be alleged as an acceptance of
any arbitral decisionsthat Nicaraguahascontested and thevalidity of
which is not certain."

33. Meanwhile, relations became more and more strained, and there
wasanincreasingnumber offrontier and otherincidents.Eventually, since
a11attemptsat mediationhad failed, a legaladviser to Honduras enquired
into thepossibility of referringthe dispute to the Court unilaterallyon the
basis of theNicaraguan Declaration of 1929.Buthewasnot encouraged to
pursue this line by the replies he received. This idea was therefore not
followed up and it was decided to deal with the dispute within the
framework of the Organization of Amencan States. Under an OAS reso-
lution, a commission of mediation was established and its efforts finally
led to theconclusion betweenthe twoStatesindispute of theAgreement of
21 July 1957,under which the Parties, after noting the recognitionof the
compulsoryjurisdictionofthe Courtasitfigured inthePact ofBogota(hence
not of a jurisdiction resulting from parallel declarations of unilateral
acceptance by both countries), undertook to subrnit their dispute to the différend,étanttoutefois entendu que chaque gouvernement présenterait
<dans lecadre de sasouverainetéet conformément auxdispositions de cet
instrument, l'aspect du différendqu'iljugera approprié r)Les deux Etats

considéraientformellement cet accord comme un compromis aux termes
de l'article 36, paragraphe 1,du Statut de la Cour.

34. Toutefoisle Honduras n'entendait pas,pour sapart, renoncer au bé-
néficerésultant ensa faveur de l'applicationde l'article36,paragraphe 2e),
du Statut, età cette finà la possibilité d'invoquer l'existence d'un lden
juridiction fondé sur l'acceptation présumée,par voie de déclarations
unilatérales,émanantde chacune des Parties, de lajuridiction obligatoire
de la Cour. Dans le mémoireprésenté à la Cour le 5 janvier 1959, le
Honduras fonda donc sa demande sur une double base dejuridiction. La
~remièrebase étaitfournie Darl'accord ci-dessusmentionnédu 21 iuillet
1957,portant sur la procédure à suivre pour soumettre àla Cour interr-a-

tionale de Justice le différend surgi entre les deux Etats au sujet de la
décisionarbitrale duroid'Espagne du 23décembre1906.On étaitparvenu
à cet accord après que les deux pays, s'étantfinalement conformés aux
termesd'une résolutionde l'organisation desEtats américainsetayant fait
état delareconnaissancedelajuridictionobli"atoiredelaCourinternationale
deJustice tellequ'elleapparaissait danlepacte deBogota,s'étaient engagés
à soumettre à laCour ledifférenddans lesconditions déjàmentionnées.La
seconde base étaitétabliepar la reconnaissance, en conformité de l'ar-
ticle 36,paragraphe 2,du Statut de la Courinternationale de Justice, de la
juridiction obligatoire de cette dernière, le Honduras ayant renouveléen
date du 24 mai 1954,pour une périodede sixans, sa déclaration d'accep-
tation de lajuridiction obligatoire faite le 10février1948et dûment entrée

en vigueur, et leNicaragua ayant déclaréle24septembre 1929reconnaître
lajuridiction obligatoire de la Courpermanente de Justiceinternationale,
cette déclaration étant considéréeDar le Honduras comme avant été
dûment ratifiée etsa vigueur comme ayant ainsi ététransférée à la Cour
internationalede Justiceen vertu de l'article36,paragraphe 5,du Statut de
celle-ci (mémoiredu Honduras, p. 59-61).
35. Face à cette prise de position du Honduras, le contre-mémoiredu
Nicaragua déclara formellement dans son introduction que ce pays ne
contestait pas que la Courinternationalede Justice eût compétencedans le
cas d'espèce, mais à l'appui de cette conclusion il fit observer que cette
compétence avait été

<<du reste expressémentadmise par l'une et l'autre Partie dans un
accord des 21 et 22juin 1957,ci-annexé etdu reste reproduit dans la
résolutionde l'organisation des Etats américainsdu 5juillet 1957 ...
Le Nicaragua est d'accord avec le Honduras ..pour attribuer à cet
acte valeur de compromis. ))

36. Si par là le Nicaragua reconnaissait expressément lecompromis
comme titre valable de juridiction, par contre pas un mot n'étaitdit à
propos de l'assertiondu Honduras relative àl'existenceentre lesdeuxpays MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (SEP.OP. AGO) 529

Court, on the understanding that each Government "in the exerciseof its
sovereignty and in accordance with the procedures outlined in this instru-
ment shall present such facets of the matter in disagreement as it deems
pertinent". Both Statesconsidered this agreement formally to be a special
agreement within the meaning of Article 36,paragraph 1,of the Statute of
the Court.
34. However, Honduras had no intention of giving up the advantage
whichitwould derivefrom theapplication ofArticle 36,paragraph 2(c),of
the Statute, or the possibility of invoking the existence of ajurisdictional

link derived from the presumed acceptance, via unilateral declarations
made by each of theParties, of the compulsoryjurisdiction of theCourt. In
the Memorial submitted to the Court on 5 January 1959, Honduras
therefore founded its claim on a dual jurisdictional basis. The first was
provided by the above-mentioned Agreement of 21 July 1957setting out
the procedure to be followed for submission to the International Court of
Justice of the dispute between the two States over the arbitral award made
by the King of Spain on 23 December 1906.This agreement had been
reached after both countries, having finally complied with an OAS reso-
lution and noted the recognition ofthe compulsoiyjurisdiction of the Inter-
national Courtof Justice as itjïgured in the Pact of Bogota, undertook to
submit their dispute to the Court under the conditions alreadymentioned.
The second basis alleged was the recognition, in accordance with Article
36,paragraph 2,of the Statute of the International Court of Justice, of the
compulsoryjurisdiction of that Court, Honduras having on 24 May 1954
renewed for a period of six years its declaration of acceptance of the
compulsory jurisdiction made on 10 February 1948, which had duly
entered into force, and Nicaragua having declared on 24 September 1929

that it recognized the compulsoryjurisdiction of the Permanent Court of
International Justice, this declaration being considered by Honduras as
having been duly ratified and its force as having thus been transferred to
the International Court of Justice by virtue of Article 36, paragraph 5, of
the Statute of that Court (Memorial of Honduras, paras. 36-40).

35. In the light of this position adopted by Honduras, the Counter-
Memorial of Nicaragua formally declared in its introduction that Nica-
ragua did not deny that the International Court of Justice hadjurisdiction
in the case, but in support of this submission it pointed out that this
jurisdiction had been

"moreover, expressly admitted by both Parties in the Agreement of
June 21st and 22nd, 1957,annexed hereto, and ...reproduced in the
Resolution of the Organization of American States, dated 5th July
1957, ... Nicaragua agrees with Honduras. . .in ascribing to that
instrument the character of a special agreement".
36. Although Nicaragua thereby expressly recognized the Special
Agreement as a valid title of jurisdiction, it did not have a word to Say

about the assertion of Honduras regarding the existence between the two MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (SEPO. P.AGO) 530

countries of a secondjurisdictional link based on the alleged coincidence
of two unilateral declarations recognizing the compulsoryjurisdiction of
the Court, of which one was said to have been made by Nicaragua. The
Counter-Memorial enlarged solely upon the Special Agreement of 1957
and its effects on the position of both Partieswithin the framework of that
instrument. Then the Counter-Memorial stated

"that it may beoi~lyby inadvertence that Honduras presented thefirst
claim set forth in its submissions as coming within the category of
disputes coveredby Article 36.2 (c),of the Statute of theInternational
Court of Justice".
The Counter-Mernorial added that Nicaragua could only "express surprise
that Honduras should have invokedArticle VIof the Pact of Bogota", and
recalled the reservation whichNicaragua had made when signingthis Pact
with respect to any clisputed arbitral award.

37. Thus Nicaragua refused in that case to engage in any discussion
outside the very strict framework of the Special Agreement of 1957,or in
any way to consider the issue of the possible existence of a basis of
jurisdiction other than that provided by that instrument. This being so, 1
find it truly difficult, ifnot impossible, to argue that itsconduct at that time
amounted to a sort of tacit acceptance of, or acquiescencein, the conten-
tion that itwas legally bound by its 1929Declaration to the effect that it
unconditionally recognized compulsory jurisdiction. On the contrary, in
my opinion its attitude amounted to the most outright, brusque dismissal
of the Honduran assertion that that was so.

38. That was moreover how Nicaragua's attitude was interpreted by
Honduras, which had been possessed by the fear that Nicaragua would in
the end refuse toappear before the Court. This is attested by the insistence
with which, at each stage of the written proceedings, Honduras had
repeated the following formula in its submissions :"may it please the
Court ... to adjudge and declare. whether the Governmentof Nicaragua
appearsornot". Since the attitude adopted by the opposing Party towards
its presentation of the bases of jurisdiction seemed to justify its fears,

Honduras finally decided, in the oral proceedings, to found its arguments
solelyon the SpecialAgreement and for the remainder of the proceedings
to renounce any claiimbased on the premise that some other source of
jurisdiction also existed. The Court itself merely made a very brief refer-
ence in itsJudgment of 18November 1960to the position adopted by one,
but only one, of the Parties with regard tothe existence of a second basis of
jurisdiction, abstainingfrom any comment in this respect and postulating
its competence so1el:yon the basis of the Special Agreement.
39. In the light of al1 these observable facts and circumstances sur-
rounding the prelimi.nariesto thecaseconcerning the ArbitralAward Made
hy theKingof Spain, the proceedings themselvesand their conclusion, 1do
not think it possible todiscerntherein any evidenceofNicaragua's attitude
such as to warrant the finding that it had definitively accepted the com- d'un deuxième liendejuridiction basé sur une prétenduecoïncidence de
deux déclarationsunilatéralesreconnaissantlajuridiction obligatoire dela
Cour, dont l'uneauraitémanédu Nicaragua. Lecontre-mémoires'étendait

uniquement sur le compromis de 1957et sur ses effets quant à la position
des deux parties dans le cadre de cet instrument. Après quoi le contre-
mémoireajoutait :
(<quecenepeut êtrequepar inadvertance que leHonduras présentela

première demande formulée dans ses conclusions comme entrant
dans lacatégoriededifférendsvisés àl'article36,chiffre2c),du Statut
de la Cour internationale de Justice..))
Le mêmecontre-mémoire ajoutait aussi que le Nicaragua ne pouvait de

mêmeque <(marquer sa surprise de l'invocation faitepar le Honduras de
l'articleI du pactede Bogota D,et rappelait la réserve qu'ilavait apposée
àce pacte au sujet d'une sentence arbitrale contestée.
37. Le Nicaragua se refusait donc, dans lecas d'espèce,à une quelcon-
que discussion s'étendant àun cadre qui ne fût celui très strict du com-
promis de 1957,ainsiqu'à tout examen delaquestion del'éventualité d'une
base de juridiction autre que la base fournie par ledit compromis. Cela
étant, il me semble vraiment difficile, sinon carrément impossible, de
présenter saconduitede l'époque commeunesorte d'acceptation tacite ou
d'acquiescement à la thèse voulant qu'il fût juridiquement tenu par sa
déclaration faite en 1929 par laquelle il reconnaissait sans condition la

juridiction obligatoire. Bienau contraireàmon avis,son attitude revenait
à opposer à l'assertion faite en ce sens par le Honduras la fin de non-
recevoir la plus nette et la plus sèche.
38. C'estd'ailleursainsi que l'attitude du Nicaragua fut interprétéepar
le Honduras. Ce dernier pays avait été dominé parla crainte que le
Nicaragua se refusât finalement à comparaître devant la Cour. L'insis-
tance avec laquelle,à chaque étape de la procédureécrite,il avait réitéré
dans ses conclusions la formule plaiseà la Cour, tant enprésence qu'en
l'absencedu GouvernementduNicaragua, de direetjuger ))en est lapreuve.

Le bien-fondé de cette crainte lui ayant paru confirmé par l'attitude
adoptéepar la Partie adverse à l'égardde sa présentation des bases de
juridiction, leHonduras sedécidafinalement,dan9pprocédure orale, à ne
plus fonder son argumentation quesur le compromis, à renoncer pendant
lasuite du procèsà toute revendication fondéesur la prémissequ'ilexistait
une autre source dejuridiction. Quant à la Cour elle-même, elle selimite
dans son arrêtdu 18novembre 1960 à une fort brève allusioà la position
prise par une seuledesParties àpropos de l'existenced'une deuxième base
dejuridiction, s'abstenant detout commentaire à ce sujet et présupposant
sa compétencesur la base exclusive du compromis.

39. A la lumièrede cet ensemble de constatations relatives à ce qui se
passa à l'occasiondespréliminaires,du déroulementet de la conclusion de
l'affairede la Sentencearbitralerenduepar le roi d'Espagne le23 décembre
1906,ilne me semblepas que l'on puisseytrouver la preuve d'une attitude
du Nicaragua permettant de conclure àune acceptation définitivede sa part de lajuridiction obligatoire provisoirement souscrite en 1929.En fait,

l'attitude du Nicaraguacesujetne change pas, mêmeaprèslaconclusion
de cette affaire qui pendant si longtempsavait dominé la scène desrap-
ports entre cepays etsonvoisindunord. Même pendant lesdeuxdécennies
qui suivirent, le Nicaragua ne se décidapasranchir le pas, aussi simple
qu'indispensable, qui aurait consistéproduire un acte formel d'accep-
tationvalablementconstitué et déposselonlesdispositions del'article36,
paragraphe 2, du Statut actuel de la Cour. Ce ne sera qu'à la veille de
l'introductionpar luidel'instancecontre lesEtats-Unisd'Amériquequele
Nicaragua, prenant conscience toutà coup de l'intérêqtu'il avaià être
considéré commevalablement lié aux Etats-Unis d'Amériquepar tous les
liens possibles dejuridiction, changera d'attitude. Mais mêmealors il ne
feraque reprendreàsoncompte la thèse,pourtant fragile,queleHonduras
avait dévoloppéeà son encontre et que le Nicaragua avait alors si néga-
tivementaccueillie,delavaliditépersistantedesadéclarationde 1929etdu

transfert du prétendu effet de cettedéclaration nouvelleCour en vertu
del'article36,paragraphe 5,du Statut decelle-ci.Quoiquel'on puissedire,
ce changement d'attitude s'expliquecertes par le fait qu'en 1959-1960le
Nicaragua se trouvait en position de défendeur, alors que maintenant il
s'adresse la Cour enqualitéde demandeur. Il restetout de mêmeàsavoir
s'ilest admissible que, selon les convenances du moment, le mêmeEtat
puisse ignorer toutà fait l'existenàesa charge d'un lien de juridiction
obligatoire déterminé quand il se trouve être défendeur,et mettre en
lumière cemêmelien quand il est demandeur.
40. Ala suite de cette analyse détailléedesaspectspertinentsdedroit et
de fait de la question examinée,l'on comprendra pourquoi je vois un
obstacleinfranchissableà merallieràl'opiniondelamajoritédelaCour en
ce qui concerne l'existence,entre le Nicaragua et les Etats-Unis d'Amé-

rique,d'unliendejuridiction obligatoire dont l'un despiliersdevraitêtrela
déclarationnon parachevéefaite par le Nicaragua en 1929.Cette décla-
ration constitue, mon avis, une manifestation valide en soi, mais qui n'a
jamais pu produire d'effetsjuridiques, ni sous l'empire de la Cour per-
manente, ni sousceluide la Cour actuelle,et ni pour leNicaragua,ni pour
les autres Etats auxquels elle s'adressait. Ce n'est pas d'autre part la
conduite fort peu probante tenue par ce pays, qui peut,on avis, avoir
remédié àce défautde base.
41. Je ne puis donc pas m'empêcherde conclureque, dans le cas d'es-
pèce,la Partie demanderesse n'a pas fourni la preuve qu'on étaiten droit
d'exigerd'elleàce sujet. Même sides doutesdevaientsubsister,d'ailleurs,
ilnemesembleraitpas possible d'en fairebénéficier,anslaphaseactuelle
de la procédure,la Partie demanderesseplutôt que la défenderesse.Mais,

en m'exprimant ainsi,je tiens en mêmetemps à confirmer ànouveau ma
conviction quant à l'existence,entre les deux pays en litige, de ce lien de
juridiction contractuellement établi, certainement valable et en plus non
susceptibled'être contesté d'autres égards,quiest fourni par le traitéde
1956.Je crois l'avoir prouvéau point1de la présente opinion. Cet ins-
trumentpeut àmon avissemontrer, àl'application,beaucoupplus àmême MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (SEPO. P.AGO) 531

pulsory jurisdiction to which it had provisionally subscribed in 1929.In
fact, Nicaragua's attitude in this matter did not change even after the
conclusion of this castewhich had for so longdorninated its relations with
its neighbour to thenlorth.Throughout the succeedingtwodecades, Nica-
ragua still held back from taking the simple and indispensable step of
producing a forma1a~rtof acceptance. validly drawn up and deposited in
accordance with the provisions of Article 36, paragraph 2, of the present
Statute of the Court. It wasonly on the eveof its institution of proceedings
against the United States of America that Nicaragua, suddenly realizing
that it was in its interest to be held validly bound to the United States of
America by al1possible linksofjurisdiction, changed its attitude. Butitdid
so.eventhen, merelyto takeoverforits ownpurposes the argument, fragile
though it had been, which Honduras had raised against it, and which

Nicaragua had at the itimesonegativelyreceived,tothe effect that the 1929
Declaration remainetf valid and that its purported effect had been trans-
ferred to the new Court by virtue of Article 36, paragraph 5, of the new
Statute. Whatever els(emight be said, this change of attitude is certainly to
be explained by the fact that in 1959-1960Nicaragua found itself in the
position of a Respondent, whereas at present it has turned to the Court as
an Applicant. Then there surely remains the question whether it isadmis-
sible for a State, at itsconvenience of the moment, to turn a blind eye to a
link of compulsory jiirisdiction when it might be bound by it as Respon-
dent, and to spotlight that same link when it is the Applicant.

40. The foregoing detailed analysis of the relevant legal and factual
aspectsof thequestion under consideration should make itclear why 1find

that there is an insuperable obstacle to my sharing the opinion of the
majority of the Court as to the existence between Nicaragua and the
United States of America of a tie of compulsoryjurisdiction of which the
non-perfected declaration made by Nicaragua in 1929would have to be
one of the supporting pillars. In my view, this declaration constitutes a
manifestation of intent valid as such. which could, however, never have
produced any legaleffectsunder either thePermanent Court or the present
Court, whether for Nicaragua or for any of the other States therein
addressed. Furthermore, it is not, in my view,the quite unprobative con-
duct of Nicaragua which can have cured this basic flaw.
41. 1am therefore compelled toconclude that in this case the Applicant
has failed to provide the proof rightly required of it in this matter. More-
over. even if any doubts were to remain, it would not, to my mind, be
possible to grant their benefit, in the present phase of the proceedings, to

the Applicant rather than to the Respondent. However, while expressing
that conclusion,1wishat the same time to re-emphasize myconviction that
there does exist bet.ween the two countries in dispute a contractually
established jurisdictional link, one undoubtedly valid and not open to
challenge inother respectseither, which isprovided bytheTreaty of 1956.1
believe1have demonstrated as much under Section 1of this opinion.This
instrument may. in my view,prove, when applied, to be far more capablequ'onne lepense d'engloberdans soncadre, non pas complètementsil'on
veut, mais peut-être sousune forme plus rigoureuse et mieux définie,les
questions litigieusesqui opposent les Parties. Ce lien dejuridiction cons-

titue en tout cas une base pleinement suffisante pour permettreour
de passer maintenantà la prochaine phase de la procédure.

(Signé R)obertoAGO.than is thought of encompassing, perhaps not completely but certainlyin
stricter and better-defined form, the issuesin dispute between the Parties.
Thisjurisdictional link constitutes at al1events a fully adequate basis to
enable the Court to move fonvard to the next stage of the proceedings.

(Signed) Roberto AGO.

Document file FR
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Opinion individuelle de M. Ago

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