Opinion individuelle de M. Mosler (traduction)

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070-19841126-JUD-01-03-EN
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070-19841126-JUD-01-00-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. MOSLER

[Traduction]

Ainsi que mon vote en témoigne,jepartage l'opinion de la Cour selon
laquelle elle a compétencepour connaître du différend et la requête du
Nicaragua est recevable.Je regrettenéanmoinsde ne pouvoir souscrire au
paragraphe 1,alinéa a),du dispositif del'arrê, ans lequella Courfonde sa
compétence surl'article 36, paragraphes 2 et 5, du Statut. A mon avis la
Cour n'acompétencequesur la base du traité d'amitiéd , e commerce et de
navigation de 1956entre les Parties et non en vertu d'acceptations con-
cordantes et réciproquesde lajuridiction obligatoireen vigueur entre elles

sur la base de la clause facultative. La majoritéétantcependant partie de
l'idéeque la compétencede la Cour sefonded'une manièregénérale sur la
clausefacultative,je merallieàlaplupart desconclusions quien découlent,
sans en accepter en totalité les motifs, soit que j'aie d'autres vues sur la
question, soitquelesconséquences à longterme desconclusions dela Cour
n'aient pas étéd, 'aprèsmoi, suffisamment explicitées.Les points sur les-
quelsje suisen désaccordconcernent l'effetde la notification faite par les
Etats-Unis le6avril 1984(la (<lettre Shult1))etla réserverelativeauxtrai-
tésmultilatéraux quifigure dans leur déclaration d'acceptation de lajuri-
diction obligatoire de la Cour (clause conditionnelle c)) (voir la deuxième
partie ci-après).Jemesenstenu de faire lesremarques qui suivent en raison
de l'importance des questions en jeu, qui touchent à des points fonda-
mentaux du régimejuridictionnel créépar le Statut. J'éviteraitoutefois

d'entrer dans trop de détails.

1. LaCour conclut quela déclaration nicaraguayuennedu 24septembre
1929acceptant sans condition la juridiction obligatoire de la Cour per-
manente de Justice internationale est un instrument valide, parce que
l'article36,paragraphe 5,du présentStatut en aurait opéréletransfert à la
Cour internationale de Justice (voir notamment le paragraphe 109 de
l'arrêt).usqu'à l'entréeenvigueur du Statut,quifaitpartie intégrantedela
Charte des Nations Unies, la déclaration était,selon l'arrêt, indubitable-

ment valide à l'égarddu Nicaragua depuis son dépôt,mais ellen'avait pas
acquisforce obligatoire (par. 25). Le Nicaragua, en sa qualité de membre
dela Société desNations, était habilità signer etàratifier leprotocole de
signature de 1920de la Courpermanente de Justice internationale et, àce
titreà faire une déclaration envertu de la disposition facultative, confor-
mément à l'article36,paragraphe 2,du Statut. Les signatures du protocole étaient sujetteà ratification;les déclarationsne l'étaientpas. Alors que
les déclarations viennent logiquementaprès les ratifications du protocole
auxquelles elles serapportent, leNicaragua a d'abord fait une déclaration.

Leprocessus constitutionnel de ratification du protocole par leNicaragua
est intervenu en 1934-1935,mais l'instrument de ratification, bien qu'an-
noncéparle télégrammedu 29 novembre 1939au Secrétairegénérad le la
Sociétédes Nations, n'ajamais été reçu à Genève(par. 15et 16).Cesfaits
sont incontestés,mais la significationjuridique que leurprête l'arrêt eàt,
mon avis,ambiguëet de nature àinduire enerreur. La déclarationde 1929
étaitun instrumentjuridique soumis àunecertainecondition préalable :le
dépôt de l'instrumentde ratification du protocole de 1920.Tant que cette
action n'était pasaccomplie, la déclaration demeurait sans effetjuridique.
La qualifierd'acte certainement valide maisdénuéde forceobligatoire me
semble être une interprétation erronée d'un actejuridique souscondition
suspensive. Ces termes donnent de surcroît à pënser que la déclaration
<certainement valide )possédait une validité inhérentequ'il suffisait de

parfaire par une ratification pour que sa forceobligatoire soit établie. Un
actedotéd'un effet potentiel n'acquiert toutefoisdevalidité que lorsquela
condition imposée est remplie - et pour autant qu'elle lesoit. Si l'inter-
prétation donnéepar l'arrêtestjuste, la déclarationdu Nicaragua n'aurait
pasététotalement inopérante en1945 - alors qu'ellel'étai- mais elleeût
constituéun acte valide dont il aurait pu être tenu compte lorsque s'est
posé, dans le cadre du nouveau Statut, le problème du transfert des
anciennes déclarations à la nouvelle Cour. La significationattachée à la
déclarationde 1929et lesformules employées à sonpropos ouvrentainsila
voie à une interprétation del'article 36,paragraphe 5,à laquelleje ne puis
me ranger.
2. L'article 36, paragraphe 5 (dont le texte est reproduit au para-
graphe 14de l'arrêt),a réalisé,d'après l'interprétationqui en est donnée

dans l'arrêt,letransfert de la déclarationla présenteCour.LeNicaragua
aurait par ailleurs consentia ce transfert lorsque,
étantreprésenté à la conférencede SanFrancisco,il a signéetratifié
la Charte, acceptant par là mêmele Statut et son article 36, para-
graphe 5 >>.

L'effet attribué au paragraphe 5 est discutable. La conduite du Nica-
ragua, pour autant qu'ellejoue un rôle en la matière, sera examinéeplus
loin (par. 3).
Le Statut de la Cour internationale de Justice visaità maintenir dans
toute la mesure du possible la continuitéentre la Cour permanente et la
Cour internationale de Justice, de manière à éviter les conséquences

fâcheuses d'unerupturejuridique entre lesdeuxinstitutions. Enparticulier
le paragraphe 5 a été incorporé à l'article 36 pour transférer, en en res-
pectant les termes, les acceptations de lajuridiction obligatoire de la Cour
permanente à lajuridiction de la Cour internationale de Justice.

D'après l'arrêt, le paragraphe5 ne vise pas seulement les déclarations ACTIVITÉSMILITAIRESET PARAMiLITAIRES (OP.IND. MOSLER) 463

ayant effetlorsdel'entréeenvigueur du Statut à l'égardde1'Etatdéclarant,
mais aussi les déclarations encore valides, bien que n'ayant pas force
obligatoire (par. 37). Cette interprétation serait justifiée par la version
française du paragraphe qui traite comme transférables les déclarations
faites en application de l'article du Statut de la Cour permanente de
Justice internationale pour une durée qui n'est pas encore expirée ». Le
texte anglais,quiviselesDeclarationsmadeunderArticle36oftheStatute of
thePermanent Courtof InternationalJustice and which are stillinforce, ne
peut, selon l'arrêt,êtreconcilié avec le textefrançais en partant de la
considération que les deux versions se référeraient à des déclarations

obligatoires (binding)(par. 30). Pour justifier sa préférencepour le texte
français la Cour se reporte aux travaux préparatoires du Statut.l est vrai
que la délégation françaiseà San Francisco est parvenue à substituer aux
mots << encore en vigueur D, qui correspondaient à l'anglais <(still in
force ))letextefrançaisactuel. J'aicependantdeux raisons de medissocier
de la conclusion de l'arrêtécartantle texte anglais en faveur de la version
française, interprétéà la lumièredestravauxpréparatoires :tout d'abord,
en vertu des principes générauxd'interprétation, tels que codifiésdansla
convention deViennesurledroitdes traités(art. 31-33),letexteauthentifié
enplusieurs langues fait foi dans chacune de ceslangues.lne peut êtrefait

appel à des moyens complémentairesd'interprétation,tels que les travaux
préparatoires, que si les textes ne peuvent êtreconciliés.Je n'éprouve
aucune difficultéà trouver lemême sensaux deuxtextes :une déclaration
qui a étéfaitepour une duréequin'est pas encore expirée(texte français)
doit avoir étéen vigueur (texte anglais). L'arrêt a certainement raisonde
dire qu'interpréterletextefrançaiscomme visant aussi lesdéclarations qui
n'étaientpas en vigueur à l'égardde la Cour permanente, mais dont la
durée,si elles avaient étvalides, n'étaitpas encore expirée,serait contre-
dire le texte anglais. cette raison, qui me paraît se suffirà elle-même,
s'ajoutelefait queje n'ai rienpu trouver dans les travaux préparatoiresqui
établisse, de façon concluante, que la modification apportée au texte

françaisinitial visaitinclure lesdéclarationsqui n'étaientpas en vigueur.
Au contraire, la délégationfrançaise a déclaréexpressément que son
amendement ne touchait pas au fond (CNUOI, vol. XIII, p. 290). Divers
motifsont pu amenerladélégationfrançaise à préconiserune modification
qui laisse intacte la version anglaise, et je préfère m'abstenirde toute
conjecture à cet égard.Reste que rien selon moi n'indique que le sens que
l'arrêtattribueau texte français soit celui que la délégationfrançaiseavait
entendu lui donner.
Ma conclusion est donc que le texte du paragraphe 5, sans laisser le
sens ambigu ou obscur (voir l'article 32 de la convention de Vienne),

visait les déclarationsqui étaient envigueur, conformément àleurs stipu-
lations,à la date critique. Le paragraphe 5 était donc sans effet sur la
déclaration nicaraguayenne de 1929.
3. La Cour a aussi conclu que

l'acquiescement constant du Nicaragua aux affirmations, faites dans les publications des Nations Unies, parmi d'autres, suivant
lesquellesil étaitliépar la clause facultative, constitue une manifes-

tation appropriéede son intention de reconnaître lajuridiction obli-
gatoire de la Cour >)(arrêt,par. 109).

Cetteconstatation, dans le raisonnement suivipar la Cour, tend à con-
firmer que la Cour a compétenceen vertude l'article36,paragraphe 2, du
Statut,indépendamment de l'interprétation etde l'effetdu paragraphe 5
dudit article (arrêt, par.42). Je n'excluspaà priori qu'une conduite non
équivoquede la part du Nicaragua, attestant son adhésion incondition-
nelle à la juridiction obligatoire, et l'impression qui prévalaitparmi les
Etats que tel étaitbien le statut du Nicaragua au regard de cettejuridic-
tion, puissent constituer, auxyeux de la Cour, des motifs suffisantspour
considérer l'acceptatiopar le Nicaragua de lajuridiction de la Cour, telle

qu'énoncéedans la déclaration de 1929, comme valable aux fins de la
présente procédure.Juridiquement, cette opinionpourrait sefonder sur la
persistance pendant de longues annéesde l'impressionnette etincontestée
qu'une acceptation valide existait. Elle trouverait, par analogie, unejus-
tification théoriquedans la notion de prescription acquisitive, principe
générad le droit au sens de l'article38,paragraphe 1),du Statut, en vertu
duquel le temps remédie aux défauts dont peuvent êtreentachés des
actesjuridiques formels. Si l'on admet cette théorie,les faits et la con-
duite des parties doivent être sansambiguïtéet ne laisser place à aucun
doute.
11m'estimpossible de conclure que l'acquiescementconstant du Nica-
ragua aux affirmations selon lesquellesil étaitliépar la clausefacultative
et le fait que son nom est mentionnédans les listes des déclarations faites

envertu de l'article6,paragraphe 2,que l'ontrouve dans lesAnnuairesde
la Cour, dans les publications de l'organisation des Nations Unies ainsi
que dans despublications officiellesde diverspays - avec,très souventet
pendant longtemps,une formule de miseengarde - suffisentà établirque
les conditions queje viens de mentionner étaientremplies. LeNicaragua
qui, comme l'arrêt le relèveà juste titre, était conscientd'une lacune et
aurait pu aisémentéclaircirla situation, s'estabstenu de le faire, et il ne
saurait bénéficierd'incertitudes qu'en connaissance de cause il n'a rien
fait pour dissiper. D'un autre côté,il a toléré maintien d'une situation
qui pouvait êtreinterprétée commeune adhésion à la clause facultative
conformément à sa déclarationde 1929.
L'affaire de la Sentencearbitrale renduepar le roi d'Espagne le23 dé-

cembre1906relèvedu même comportementambigu. Dans sa requête,le
Honduras avait fondéla compétencede la Cour, non seulement sur le
compromis signé avecle Nicaragua le 21juillet 1957sous les auspices de
l'organisation des Etats américains,mais encore sur le fait que le Nica-
ragua s'était soumisà lajuridiction obligatoire de la Courpermanente du
24septembre 1929 (C.I.J. Mémoires,vol.1,p. 8).Pour sapart leNicaragua
entendait limitersondifférendavecle Honduras à la définitionaui enétait
donnéedans lecompromiset lesdocuments connexes. Ilinsistait pour quele différendsoit tranchésurcette seule base (voir par exemple la réplique
du Nicaragua, ibid ..754). Une action reposant sur l'acceptation de la
clause facultative, mieux qu'une requêtefondéesurle seulcompromis, eût

donnéau Honduras l'occasion d'élargirsa demande (et notamment de
prétendre à réparation). Pour compréhensibleque soit cette conduite du
point de vue du Nicaragua, elle ne prouve certes pas qu'il ait acquiescà
l'application de la déclaration de 1929. Il ne s'est pas produit d'autres
événements à l'occasion desquelsleNicaragua aurait pris position dans un
sens ou dans l'autre.
Il reste que le Nicaragua a couru pendant des années le risque d'être
attrait par un autre Etat comme étantassujettià lajuridiction obligatoire
de la Cour. Comme le dit àjuste titre l'arrêt,il sepeut fort bien que, dans
cette hypothèse, la Cour aurait considéréle Nicaragua comme liépar la
déclaration parce qu'il avait toléré oulaissépersister l'impression créée,
avec ou sans mise en garde, par des documents officiels (qui, en eux-
mêmes,ne faisaient pas autorité). On ne peut ni affirmer, ni nier, que

la Cour se serait déclaréecompétentedans ce cas hypothétique. Qu'elle
le fasse était toutefois une possibilité dont le Nicaragua avait à tenir
compte.
Cette considérationne permet pas de conclure cependant que la Cour
peut accueillirunerequêteduNicaragua contre unautre Etat au motif qu'il
serait liépar la clausefacultative. Sil'on appréciecetteconduite ambiguë
selon lecritèrerigoureux d'un comportement persistant et sans équivoque
qui témoigneraitde la force obligatoire de la déclaration,la seule conclu-
sion que l'on puisse formuler est qu'à elle seulecette conduite ne permet
pas au Nicaragua d'invoquer la déclaration commefondement de la com-
pétence.

La majoritéde la Cour s'étant toutefois prononcéepour la compétence
sur la base de la déclaration (paragraphe 1, alinéaa), du dispositif de
l'arrêt)l,esobservations queje vaismaintenantfaire surd'autres aspects de
l'arrêttiendront cette base pour acquise.
1. Je suis d'accord avec la Cour pour penser que la notification se
concrétisantpar la lettre de M. Shultz du 6 avril 1984est sans effet sur les
obligations qui résultent,pour les Etats-Unis, de la déclaration faite le
26 août 1946envertu de la clausefacultative (pour letexte de la lettre voir
leparagraphe 13de l'arrêt).Je reconnais aussi quela question de savoir si

cette notification- qualifiéepar les Etats-Unis de <<clause condition-
nelle))(proviso)attachée à la déclaration de 1946- constitue une simple
modification ou une dénonciation de la déclaration n'est pas pertinente
aux fins de la résolutiondu présentlitige. Mes observations portent sur le
lien entre la déclaration du Nicaragua (considérée commevalide) et son
pendant, la déclaration américainede 1946.
Lorsque lesystèmede la clausefacultativea été adopté àSan Francisco, auxlieuetplacede l'idéal inaccessiblede lajuridiction obligatoiregénérale
de la nouvelle Cour, les Etats Membres de l'organisation des Nations
Unies qui sont devenus, ips oure, parties au Statut, et les autres partiàs
celui-ci,sont restés libres,non seulement dene pas accepter lajuridiction
de la Cour mais aussi d'assortir leurs éventuellesdéclarations d'accepta-
tion de limites de temps et de réservesportant sur des points de fond. Les
limites de temps avaient trait soit à une duréefixe de validité, soit au
préavis à respecter en cas de dénonciation. De plus, et conformément à
l'article36,paragraphe 2, lesdéclarationsne créaientde liens consensuels

qu'entre Etats (acceptant la mêmeobligation D. La déclaration nicara-
guayenne de 1929ne stipule pas de condition de fond ou de durée, alors
que la déclaration américainede 1946comporte trois réservesde fond et
peut êtredénoncée avec préavid se six mois.

Il est généralementadmis que les réservesde fond ont pour effet de
limiter les obligations des Etats qui se sont soumis à lajuridiction obli-
gatoire sans formuler de réservescorrespondantes. Le lien consensuel sur
lequel repose le régimede la clause facultative naît lejour même où un
autre Etat déposesa déclaration.Mais si la réciprocitédesstipulationsde

fond desdéclarationsn'estpas miseendoute, il n'enest pas de mêmepour
lesdifférentsdélais prévus dans desdéclarationsquisont réciproquement
applicables pour ce qui est du fond.

A mon avis, il doit êtretenu compte des délaisau mêmetitre que des
réservesportant sur le fond parce que la prescription de l'article 36,
paragraphe 2, selon laquelle il n'existe de lien consensuel qu'entre Etats
acceptant la mêmeobligation, doit s'appliquer aux deux types de condi-
tions que peuvent comporter les déclarations. Les réserveslimitent la
portéede l'obligation quant au fond ;les limites de temps mettent fin à
l'obligation dans sa totalité, qu'elle ait étéaccompagnée ou non de res-

trictions de fond. On voit mal comment la ((mêmeobligation )),au sensde
l'article 36, paragraphe 2, pourrait durer plus pour un Etat que pour son
opposant éventueldont la déclarationprévoiraitun préavisplus court ou
serait dénonçable entout temps sur simple avis. Cette considérationcesse
bien entendu dejouer àpartir du moment où unerequêteestdéposéeavant
que1'Etatdéfendeurne sesoitprévalu,comme ilpeut lefaire selonmoi, du
délaipluscourtstipulédans ladéclarationdu demandeurpour dénoncersa
propre déclaration.Je n'ignorepas lesinconvénientsqueprésentecet effet
relatif des déclarationà l'égardd'autres Etats, mais ces inconvénientsne
sont pas sensiblement plus grands que ceux qui tiennent à la relativité

généralementadmise pour les réservesde fond.
Le lien entre les déclarations du Nicaragua et des Etats-Unis, datées de
1929etde 1946respectivement, est,selonmoi,lesuivant :la déclarationdu
Nicaragua a été faite sansconditions, c'est-à-diresansréserveet sanslimite
de durée.Acettedéclarations'applique leprincipe générae ln vertuduquel
il peut êtremis fin, sous certaines conditions,à tout actejuridiquement
contraignant, qu'il ait étésouscrit unilatéralement,à titre contractuel oudans le cadre du système complexe que l'arrêtqualifie de sui generis.
L'article 56 de la convention de Vienne repose sur ce principe. Reste à
savoir dans quelles conditions le droit de dénonciationpeut s'exercer.On
est fondé à sedemander sila déclaration nicaraguayenne peut êtredénon-
céeavec effet immédiat sur simple notification ou seulement avec un
certain préavis.L'article 56 de la convention de Vienne tient compte, à ce
sujet, de la(<nature du traité ou envisage un préavisde douze mois. En
appliquant,par analogie, le mêmeprincipe au <<lien consensuel >issu des
déclarationsfaitesen vertu de la clausefacultative, on peut dire que cequi
caractérise la <nature )>du lien, c'est l'égalitdes obligations souscrites.
Cela résultede l'article 36, paragraphe 2, du Statut sans qu'il soit besoin

d'insérerune réserveparticulière en se fondant sur le paragraphe 3 du
même article.La Cour a soulignédans l'affaire du Droit depassage sur
territoireindien(exceptionspréliminairesC , .I.J. Recueil1957,p. 145)que le
principe de réciprocitéfaitpartie du systèmede la clause facultative. Il ne
découlepas de la << nature )>d'une déclaration faite <<sans condition
qu'elle puisse êtredénoncée à tout moment, avec effet immédiat. La
rédactionde l'article56de laconvention de Vienne montre - etje propose
làencore de raisonner par analogie - que ladénonciationd'uneobligation
doit êtreconforme auprincipe de labonne foi.Leretrait sanspréavis ne me
semblepas s'accorder avecceprincipe, s'ilest stipuléque ladéclaration est

sans condition.
La question du délai précisde préavis requis ou approprié pour la
dénonciationde l'obligation du Nicaragua n'a pas à êtretranchée,si l'on
considèreles circonstances dans lesquelles la lettre Shultz a étéenvoyée.
Cette lettre, qui ne tenait aucun compte de la clause de préavisfigurant
dans ladéclarationde 1946,aété reçueau Secrétariatdel'organisation des
Nations Unies le vendredi 6 avril 1984dans l'après-midi,et la requêtedu
Nicaragua a étéenregistréeau Greffe de la Cour le lundi suivant, 9 avril
1984.La Cour ne s'estjamais trouvéedevant un cas analogue. Toutefois,
dans l'affaire du Droit depassage sur territoire indien,elle a euà se pro-

noncer sur la situation inverse. Dans cette espècelePortugal avait fait une
déclarationrelative à la clause facultative quelques jours seulement avant
de déposer,contre l'Inde, une requête fondéesur cette déclaration. La
Cour a rejeté l'exceptionpréliminairesoulevéepar l'Inde, suivant laquelle
la déclaration portugaise, faite en prévisionde sa requête, étaitirrece-
vable.
Bien que j'admette l'existence d'une certaine analogie entre les deux
situations, il me semble que des raisons plus convaincantes imposent une
interprétation différente.Si le Nicaragua, comme je l'aiconclu plus haut,
n'avait pas la facultéde dénoncer son obligation avec effet immédiat,les

Etats-Unis ne pouvaient pas davantage mettre fin à l'obligation corres-
pondante, en négligeanttotalement lepréavisde sixmoisouen leréduisant
à quelques jours. 11est vrai que l'interprétation à donner à l'obligation
réciproque d'agirdebonne foin'estpasunequestion qu'on puissetrancher
dans l'abstrait ;elle doit êtreenvisagéeconcrètement en fonction des
circonstances de chaque espèce. Quelque soit le préavis nécessairepourmettre fin à une acceptation inconditionnelle, il serait inadmissible de la
réduire à presque rien. De la même manière, lepréavid se six mois stipulé

dans ladéclarationdesEtats-Unis ne pouvait êtreramené à quelquesjours
avant le dépôt dela requête nicaraguayenne.La lettre Shultz ne pouvait
donc avoir l'effet qu'on a voulu lui attribuer.
2. Les Etats-Unis ont alléguéque la réserve relativeaux traitésmulti-
latéraux(clausec)de la déclarationdesEtats-Unis de 1946)est applicable
dans la présente instance dans la mesure où le Nicaragua fonde sa de-
mande sur lefait que les Etats-Unisauraient violéquatre traitésmultilaté-
raux, la Charte des Nations Unies, la charte de l'organisation des Etats
américains, laconvention concernant les droits et devoirs des Etats, et la
convention concernant les droits et devoirs des Etats en cas de luttes

civiles.Conformément à la réserve, l'acceptationpar les Etats-Unis de la
juridiction obligatoire de la Cour ne s'applique pas aux différendsrésul-
tant d'un traitémultilatéral, moins que ...toutes lesparties au traitéquela
décisionconcernesoient égalementparties àl'affaire soumise à la Cour >>.
La restriction ainsi incluse dans la déclarationde 1946a étédéplorée en
raison de sa vasteportée etde sonambiguïté.On l'acritiquéeparcequ'elle
semblait inspiréepar de vaguescrainteset par une interprétation erronée
du fonctionnement de la clause facultativeencas d'affaire découlant d'un
traitémultilatéral ))(H. Waldock, (<The Decline of the Optional Clause O,
32British YearBookof International Law, 1955-1956,p. 275)et parce que

le libelléde la réservedénoteune telle confusion de penséeque nul, à ce
jour, ne sait exactement cequ'elle signifie(H. W. Briggs, <(Reservationsto
the Acceptance of Compulsory Jurisdiction of the International Court of
Justice O,Recueildes cours,t. 93, 1958-1,p. 307).L'exempledes Etats-Unis
a toutefois étésuivi par quelques autres Etats, dont les réservesmention-
nent simplement << toutes lesparties >et non, comme celledes Etats-Unis,
les Etats parties au traité<affected by the decision >(voir paragraphe 72
de l'arrêt). et élargissementde laclauseindique qu'elleaun sensauquel il
peut êtredonnéeffet et qu'on ne saurait l'écarter,que ce soit en raison de
ses conséquences oude la grande confusion produite par son obscurité.

Lesdeux Parties sesont référéesautx ravauxpréparatoires concernant la
réserveau Sénat des Etats-Unis. Le texte de la réservea étéinséré dans la
déclaration pour répondreaux préoccupations de M. J. F. Dulles, qui
craignait que les Etats-Unis ne fussent attraits devant la Cour, alors que
des Etats parties au mêmedifférend ne seraient pas parties au procès
contre les Etats-Unis, faute d'êtreliéspar la clause facultative. II se peut
quelesfaussesconceptions et lesmalentendus qui sesont faitjour au cours
des débatsdu Sénat aient été effectivement la cause de l'insertion de la
réserveet de son libellé.L'interprétationdoit toutefois reposer sur le texte

lui-même.Sion lui trouve un sens qui puisse raisonnablement s'appliquer
dans leconcret, la réservedoit recevoirplein effet. Resteà savoir si,dans le
cascontraire,sa nullitéentraînerait celledetoute ladéclaration.Danscette
dernièrehypothèse,les Etats-Unis ne pourraient êtrecitésdevant la Cour
en vertu d'une requêtefondée sur leur acceptation de laclause facultative.La Cour n'a jamais eul'occasion de déterminersiune déclarationfaite en
vertu delaclausefacultative peut êtrenulleentotalité parcequ'uneréserve
inopéranteenconstituerait un élément essentielU . ne réponseaffirmative à
cette question aurait des conséquencesplus graves que la décision d'ap-
pliquer la réserve etde maintenir le reste de la déclaration. Bien sûr cette
considération n'est pas en elle-mêmeun critère d'interprétation desré-
serves aux déclarations faites en vertu de la clause facultative, mais elle
mérited'êtregardée présente à l'esprit lorsqu'on s'efforce d'interpréter
raisonnablement une réserveparticulière.
Entre les deux interprétations possibles de leur réserve:dans un sens

large, de manière à englober les traitésque viserait la décisionde la Cour,
ou dans un sensplus étroit,de manière à n'inclure que les Etats concernés
par lestraitésmultilatérauxpertinentsdans un différendsoumis à la Cour,
lesEtats-Unis préfèrentla seconde. Bienqu'il relèvedelacompétencedela
Cour de décidersi une réserve estapplicable (article 36,paragraphe 6, du
Statut),je faismiennecette interprétation qui est celleadoptéedansl'arrêt
(par. 72). LesEtats susceptibles d'êtreaffectés,au sens de la réserve,sont
de ce fait des Etats centraméricainsvoisins du Nicaragua.
Je partage également l'opinion, exprimée dans l'arrêt,que la question
des Etatsqui seraient ((affectés au sensde la réserve nepeut êtrerésolue

durant laprésentephasejuridictionnelle delaprocédure,maisuniquement
à l'occasion de l'examen au fond. L'exception tiréede la réserve n'adonc
pas <<dans les circonstances de l'espèce uncaractère exclusivement préli-
minaire ))situation que prévoit l'article79,paragraphe 7,du Règlementde
la Cour.La Cour n'a pas encore eu l'occasiond'appliquer ce textequi fait
partie des dispositions nouvelles résultant de la revision partielle du
Règlement opérée en1972. L'intention étaitde s'écarterde la pratique
antérieure,dans laquelle on ne distinguait passuffisamment entre laphase
préliminaire et la phase principale de la procédure et où les exceptions
préliminairesétaient plus souventjointes au fond qu'il n'étaitsouhaitable
pour unebonne économiede laprocédure. Ilpeut toutefois arriver, comme

dans le cas présent,que la Cour aità seprononcer sur une composante de
fond de l'exception d'incompétenceavant de pouvoir accepter ou rejeter
l'exception. Ce genre de situation entraîne une incapacitéde répondre à
l'ensemble de la question au cours de la phasejuridictionnelle et obligeà
surseoirà la décisionjusqu'à l'examen aufond. Si,en réponse àla question
qui n'a pas un caractère exclusivement préliminaire, la Cour décideque
l'affaire comporte effectivement un élémentde fond, il doit être donné
effetà laréserve.Concrètement,sila Courjugeait, lors delaphase du fond,
que d'autres Etats sont (affectés ))au sens de la réserve telle qu'elle
l'interprète,elle devrait déciderque les quatre traités multilatérauxvisés

dans la requêtenicaraguayenne ne peuvent recevoir application en la
présente espèce. Dans cette hypothèse, elle garderait compétence pour
appliquer, sinon lesquatre traités multilatéraux,du moins lesautres règles
etprincipes visésàl'article38,paragraphe 1,du Statut. Sielleoptaitpour la
conclusion inverse, elle pourrait tenir compte des quatre traités multila-
téraux. Je répéteraipour conclurecequej'ai dit audébutde laprésenteopinion,
à savoir que je ne peux suivre la Cour dans la mesure où elle fonde sa
compétencesur l'article paragraphes 2 et 5, du Statut.

(Signé H. MOSLER.

Bilingual Content

SEPARATE OPINION OF JUDGE MOSLER

As is shown by my vote, 1 share the opinion of the Court that it has
jurisdiction to entertain the disputeand that theApplication of Nicaragua
is admissible. Nevertheless, to my regret, 1cannot agree with paragraph 1
(a) of the operative part of the Judgment, in which the Court assumes
jurisdiction on the basis ofArticle 36,paragraphs 2and 5,of theStatute. In
my viewthe Court possessesjurisdiction solely on the basis of the 1956
Treaty of Friendship, Commerce and Navigation between the Parties, but
not on the basis of currently effective and mutually corresponding sub-
missions of the Parties under the compulsoryjurisdiction of the Court by
virtue of the Optional Clause. However, on theassumption adopted by the
majority that the Court has general jurisdiction on the basis of the
Optional Clause, 1support most of theconsequentialconclusions made by
it, but 1have to disagree with part of the reasoning, either because 1have
another view of the matter or because 1think that the far-reaching con-
sequences of the Court's conclusionsshould be more explicitly explained.
The points in question are the effect of the notification of 6April 1984of
the United States (the "Shultz letter"), and the multilateral treaty reser-
vation in its Declaration of Acceptance of the compulsoryjurisdiction of

the Court (proviso (c)) (see Part II, below). 1 feel obliged to make the
following remarks, taking into account the importance of the issues
involved, which relate to fundamental questions of the jurisdictional
system established by the Statute. 1 shall however avoid going into
detail.

1. TheCourt concludes that the Nicaraguan Declaration of 24 Septem-
ber 1929, accepting unconditionally the compulsory jurisdiction of the
Permanent Court of International Justice, is a currently valid instrument
because Article 36, paragraph 5, of the present Statute transferred the
Declaration to the InternationalCourt of Justice (see,inter alia,Judgment,
para. 109).Until the entry into force of the Statute (as an integral part of
the United Nations Charter) the Declaration, with regard to Nicaragua,
was,according to theJudgment, undoubtedly valid from themoment ofits
deposit, but had not becomebinding(para. 25).Nicaragua, asaMember of
the League of Nations, had been entitled to sign and ratify the 1920
Protocol of Signature of the Statute of the Permanent Court of Interna-

tional Justice and, on this basis, make a declaration under the Optional
Clause, as provided for by Article 36, paragraph 2, of this Statute. Signa- OPINION INDIVIDUELLE DE M. MOSLER

[Traduction]

Ainsi que mon vote en témoigne,jepartage l'opinion de la Cour selon
laquelle elle a compétencepour connaître du différend et la requête du
Nicaragua est recevable.Je regrettenéanmoinsde ne pouvoir souscrire au
paragraphe 1,alinéa a),du dispositif del'arrê, ans lequella Courfonde sa
compétence surl'article 36, paragraphes 2 et 5, du Statut. A mon avis la
Cour n'acompétencequesur la base du traité d'amitiéd , e commerce et de
navigation de 1956entre les Parties et non en vertu d'acceptations con-
cordantes et réciproquesde lajuridiction obligatoireen vigueur entre elles

sur la base de la clause facultative. La majoritéétantcependant partie de
l'idéeque la compétencede la Cour sefonded'une manièregénérale sur la
clausefacultative,je merallieàlaplupart desconclusions quien découlent,
sans en accepter en totalité les motifs, soit que j'aie d'autres vues sur la
question, soitquelesconséquences à longterme desconclusions dela Cour
n'aient pas étéd, 'aprèsmoi, suffisamment explicitées.Les points sur les-
quelsje suisen désaccordconcernent l'effetde la notification faite par les
Etats-Unis le6avril 1984(la (<lettre Shult1))etla réserverelativeauxtrai-
tésmultilatéraux quifigure dans leur déclaration d'acceptation de lajuri-
diction obligatoire de la Cour (clause conditionnelle c)) (voir la deuxième
partie ci-après).Jemesenstenu de faire lesremarques qui suivent en raison
de l'importance des questions en jeu, qui touchent à des points fonda-
mentaux du régimejuridictionnel créépar le Statut. J'éviteraitoutefois

d'entrer dans trop de détails.

1. LaCour conclut quela déclaration nicaraguayuennedu 24septembre
1929acceptant sans condition la juridiction obligatoire de la Cour per-
manente de Justice internationale est un instrument valide, parce que
l'article36,paragraphe 5,du présentStatut en aurait opéréletransfert à la
Cour internationale de Justice (voir notamment le paragraphe 109 de
l'arrêt).usqu'à l'entréeenvigueur du Statut,quifaitpartie intégrantedela
Charte des Nations Unies, la déclaration était,selon l'arrêt, indubitable-

ment valide à l'égarddu Nicaragua depuis son dépôt,mais ellen'avait pas
acquisforce obligatoire (par. 25). Le Nicaragua, en sa qualité de membre
dela Société desNations, était habilità signer etàratifier leprotocole de
signature de 1920de la Courpermanente de Justice internationale et, àce
titreà faire une déclaration envertu de la disposition facultative, confor-
mément à l'article36,paragraphe 2,du Statut. Les signatures du protocoletures of the Protocol were subject to ratification ; declarations were not.

While, according to thelogicalorder, declarations followedratifications of
the Protocol on which they depended, Nicaragua in fact made its Decla-
ration first. Constitutional procedures in Nicaragua to ratify the Protocol
took place in 1934-1935, but the instrument of ratification, although
announced by the telegram of 29November 1939to the Secretary-General
of the League of Nations, was never received in Geneva (paras. 15-16).
Thesefacts areuncontested, but thelegalconstruction givento them in the
Judgment is, in my view,unclear, and susceptible of inducing errors. The
Declaration of 1929was a legal instrument, the effect of which depended
on a condition precedent, namely the deposit of the instrument .ofratifi-
cation of the Protocol of 1920.Solong as this act had not been performed
the Declaration remained without legal effect. To qualify it as certainly
valid, but not binding, seems to me a misconstruction of a legal act which

was subject to a suspensive condition. Moreover, the use of this terrnino-
logy may indicate that the "certainly valid" declaration has an intrinsic
validity which has only to be completed by ratification in order to become
binding.Apotentially effectiveact howeveronlyacquiresits validity if and
when the condition is met. If the interpretation given in the Judgment is
correct, the Declaration of Nicaragua would not have been wholly in-
operative in 1945 - asin fact it was- but would have been avalid act which
mightbe taken into account when the new Statute had to solvetheproblem
of transferringolddeclarations to the newCourt. The construction and the
terminology regarding the Declaration of 1929thus prepare the wayfor an
interpretation of Article 36, paragraph 5, which 1am unable to accept.

2. Article 36,paragraph 5(the text of which isreproduced inpara. 14of
theJudgment), effected, in the interpretation of theJudgment, the transfer
of thedeclaration to the present Court. The consent thereto had been given
by Nicaragua
"which, having been represented at the San Francisco Conference,

signed and ratified the Charter and thereby accepted the Statute in
which Article 36, paragraph 5, appears".
The effect attributed to paragraph 5 is open to doubt. The conduct of
Nicaragua, in so far as it plays a role in this connection, will be taken up
later (para. 3, below).
The Statute of the International Court of Justice seeks to guarantee, as

far as possible, continuity between the Permanent Court and the Interna-
tional Court of Justice, thus avoiding undesirable consequences resulting
from a legal discontinuity between the old and the new Court. In parti-
cular, paragraph 5 was inserted in Article 36 in order to transfer the
acceptances of the compulsory jurisdiction of the Permanent Court,
according to their terms, to thejurisdiction of the International Court of
Justice.
According to the Judgment, paragraph 5refers not only to declarations étaient sujetteà ratification;les déclarationsne l'étaientpas. Alors que
les déclarations viennent logiquementaprès les ratifications du protocole
auxquelles elles serapportent, leNicaragua a d'abord fait une déclaration.

Leprocessus constitutionnel de ratification du protocole par leNicaragua
est intervenu en 1934-1935,mais l'instrument de ratification, bien qu'an-
noncéparle télégrammedu 29 novembre 1939au Secrétairegénérad le la
Sociétédes Nations, n'ajamais été reçu à Genève(par. 15et 16).Cesfaits
sont incontestés,mais la significationjuridique que leurprête l'arrêt eàt,
mon avis,ambiguëet de nature àinduire enerreur. La déclarationde 1929
étaitun instrumentjuridique soumis àunecertainecondition préalable :le
dépôt de l'instrumentde ratification du protocole de 1920.Tant que cette
action n'était pasaccomplie, la déclaration demeurait sans effetjuridique.
La qualifierd'acte certainement valide maisdénuéde forceobligatoire me
semble être une interprétation erronée d'un actejuridique souscondition
suspensive. Ces termes donnent de surcroît à pënser que la déclaration
<certainement valide )possédait une validité inhérentequ'il suffisait de

parfaire par une ratification pour que sa forceobligatoire soit établie. Un
actedotéd'un effet potentiel n'acquiert toutefoisdevalidité que lorsquela
condition imposée est remplie - et pour autant qu'elle lesoit. Si l'inter-
prétation donnéepar l'arrêtestjuste, la déclarationdu Nicaragua n'aurait
pasététotalement inopérante en1945 - alors qu'ellel'étai- mais elleeût
constituéun acte valide dont il aurait pu être tenu compte lorsque s'est
posé, dans le cadre du nouveau Statut, le problème du transfert des
anciennes déclarations à la nouvelle Cour. La significationattachée à la
déclarationde 1929et lesformules employées à sonpropos ouvrentainsila
voie à une interprétation del'article 36,paragraphe 5,à laquelleje ne puis
me ranger.
2. L'article 36, paragraphe 5 (dont le texte est reproduit au para-
graphe 14de l'arrêt),a réalisé,d'après l'interprétationqui en est donnée

dans l'arrêt,letransfert de la déclarationla présenteCour.LeNicaragua
aurait par ailleurs consentia ce transfert lorsque,
étantreprésenté à la conférencede SanFrancisco,il a signéetratifié
la Charte, acceptant par là mêmele Statut et son article 36, para-
graphe 5 >>.

L'effet attribué au paragraphe 5 est discutable. La conduite du Nica-
ragua, pour autant qu'ellejoue un rôle en la matière, sera examinéeplus
loin (par. 3).
Le Statut de la Cour internationale de Justice visaità maintenir dans
toute la mesure du possible la continuitéentre la Cour permanente et la
Cour internationale de Justice, de manière à éviter les conséquences

fâcheuses d'unerupturejuridique entre lesdeuxinstitutions. Enparticulier
le paragraphe 5 a été incorporé à l'article 36 pour transférer, en en res-
pectant les termes, les acceptations de lajuridiction obligatoire de la Cour
permanente à lajuridiction de la Cour internationale de Justice.

D'après l'arrêt, le paragraphe5 ne vise pas seulement les déclarations463 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (SEPO. P.MOSLER)

operative at the time of theentryinto force of the Statute for the declarant
State, but also to a declaration still valid though not binding (para. 37). It
finds supportfor thisinterpretation in the French version, whichattributes
the transferring effect to the declarations "faites en application de l'article
36 du Statut de la Cour permanente de Justice internationale pour une
duréequi n'est pas encore expirée". The English text, which refers to
"Declarations made under Article 36 of the Statute of the Permanent

Court of International Justice and which are still in force", cannot,
accordingto theJudgment, be reconciled with the French text byaccepting
the proposition that both versions refer to binding declarations (para. 30).
The preference given to the French version has beenjustified by recourse
to the preparatory work of the Statute. It is true that the French delegation
at San Francisco succeeded in replacing the original term "encore en
vigueur", whichcorresponded to the Englishwords "still in force", with the
present French text. For two reasons 1am not able to share theconclusion
of the Judgment in disregarding the English text in favour of the French
text interpreted in the light of the preparatory work : first, according to
general principles of interpretation, as codified in the Vienna Convention
on the Law of Treaties (Arts. 31 to 33), a text authenticated in several
languagesisequallyauthoritative ineach language.Only if the textscannot
be reconciled are supplementary means of interpretation, such as recourse

to the preparatory work, permitted. 1do not see any difficulty in finding
the same meaning in both texts :a declaration which has been madefor a
duration which has not yet expired (French text) must have been in force
(English text). The Judgment is certainly right in saying that to interpret
the French wording asreferring alsoto declarations not effectivein respect
of the Permanent Court,but made for a period which would not yet have
expired if the declaration had been effective,would contradict the English
text. Apart from this reason, which seems to me in itself sufficient, 1have
been unable to find conclusive evidence in the preparatory work that the
changefrom theoriginal French text to thefinal version wasmade in order
toincludedeclarations notin force. On the contrary, the French delegation
declared explicitly that no change of substance was intended (UNCZO
doc., Vol.XIII, pp. 282-284).There could be several reasons which moti-
vated the French delegation to ask for the change in the text without
affecting the English wording. 1 refrain from speculating as to which

possibility may be the right one. 1 find no indication that the meaning
attributed by the Judgment to the French text was also intended by the
French delegation.
My conclusion is therefore that the text of paragraph 5,without leaving
themeaningambiguous or obscure (seeArt. 32of the Vienna Convention),
related to declarations being effective, according to their terms, at the
critical date. Consequently, the Nicaraguan Declaration of 1929was not
affected by paragraph 5.
3. The Court has also found

"that the constant acquiescence of Nicaragua in affirmations, to be ACTIVITÉSMILITAIRESET PARAMiLITAIRES (OP.IND. MOSLER) 463

ayant effetlorsdel'entréeenvigueur du Statut à l'égardde1'Etatdéclarant,
mais aussi les déclarations encore valides, bien que n'ayant pas force
obligatoire (par. 37). Cette interprétation serait justifiée par la version
française du paragraphe qui traite comme transférables les déclarations
faites en application de l'article du Statut de la Cour permanente de
Justice internationale pour une durée qui n'est pas encore expirée ». Le
texte anglais,quiviselesDeclarationsmadeunderArticle36oftheStatute of
thePermanent Courtof InternationalJustice and which are stillinforce, ne
peut, selon l'arrêt,êtreconcilié avec le textefrançais en partant de la
considération que les deux versions se référeraient à des déclarations

obligatoires (binding)(par. 30). Pour justifier sa préférencepour le texte
français la Cour se reporte aux travaux préparatoires du Statut.l est vrai
que la délégation françaiseà San Francisco est parvenue à substituer aux
mots << encore en vigueur D, qui correspondaient à l'anglais <(still in
force ))letextefrançaisactuel. J'aicependantdeux raisons de medissocier
de la conclusion de l'arrêtécartantle texte anglais en faveur de la version
française, interprétéà la lumièredestravauxpréparatoires :tout d'abord,
en vertu des principes générauxd'interprétation, tels que codifiésdansla
convention deViennesurledroitdes traités(art. 31-33),letexteauthentifié
enplusieurs langues fait foi dans chacune de ceslangues.lne peut êtrefait

appel à des moyens complémentairesd'interprétation,tels que les travaux
préparatoires, que si les textes ne peuvent êtreconciliés.Je n'éprouve
aucune difficultéà trouver lemême sensaux deuxtextes :une déclaration
qui a étéfaitepour une duréequin'est pas encore expirée(texte français)
doit avoir étéen vigueur (texte anglais). L'arrêt a certainement raisonde
dire qu'interpréterletextefrançaiscomme visant aussi lesdéclarations qui
n'étaientpas en vigueur à l'égardde la Cour permanente, mais dont la
durée,si elles avaient étvalides, n'étaitpas encore expirée,serait contre-
dire le texte anglais. cette raison, qui me paraît se suffirà elle-même,
s'ajoutelefait queje n'ai rienpu trouver dans les travaux préparatoiresqui
établisse, de façon concluante, que la modification apportée au texte

françaisinitial visaitinclure lesdéclarationsqui n'étaientpas en vigueur.
Au contraire, la délégationfrançaise a déclaréexpressément que son
amendement ne touchait pas au fond (CNUOI, vol. XIII, p. 290). Divers
motifsont pu amenerladélégationfrançaise à préconiserune modification
qui laisse intacte la version anglaise, et je préfère m'abstenirde toute
conjecture à cet égard.Reste que rien selon moi n'indique que le sens que
l'arrêtattribueau texte français soit celui que la délégationfrançaiseavait
entendu lui donner.
Ma conclusion est donc que le texte du paragraphe 5, sans laisser le
sens ambigu ou obscur (voir l'article 32 de la convention de Vienne),

visait les déclarationsqui étaient envigueur, conformément àleurs stipu-
lations,à la date critique. Le paragraphe 5 était donc sans effet sur la
déclaration nicaraguayenne de 1929.
3. La Cour a aussi conclu que

l'acquiescement constant du Nicaragua aux affirmations, faites 464 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (SEPO. PMOSLER)

found in United Nations and other publications, of its position as
bound by the Optional Clause constitutes valid manifestation of its
intent to recognize the compulsoryjurisdiction of the Court" (para.

109).

Thisstatement, in the Court's reasoning, supportsa finding of jurisdic-
tion under Article 36, paragraph 2, of the Statute independently of the
interpretation and effect of paragraphof that Article(para. 42).1do not
exclude the view a priori that an unequivocal conduct of Nicaragua in
respect of its unconditional adherence to the compulsoryjurisdiction and
the general impression existing among States that this was the status of
Nicaragua with respect to thisjurisdiction, may constitute sufficientea-
sonsforthe Court to applyNicaragua's submissionin theterms ofthe 1929
Declarationin thepresent proceedings. The legalreason for this viewmay
be the clear and undoubted appearance of a valid submission which has
been maintained over many years. The legal concept justifying such a
consideration would be analogous to that of acquisitive prescription, a
generalprinciple of lawwithin the meaning of Article 38,paragraph 1(c),

of the Statute, by which lapse of time may remedy deficiencies of formal
legal acts. If one follows this theory the facts and the conduct must be
absolutely unequivocal and must not leave room for any doubt.

1cannot conclude that the constant acquiescence of Nicaragua in affir-
mations of its position asbound by the Optional Clause, and theinclusion
ofNicaragua in thelisting of declarationsunder Article 36,paragraph 2,in
the Court's Yearbooks, and in United Nations publications as well as
national officia1publications, which were often and over a long period
accompanied by a qualifying caveat, sufficiently show that the require-
ments just mentioned are fulfilled. Nicaragua which, as the Judgment
rightly notes, was aware of the deficiency and could easily have clarified
the situation, failed to do so. It cannot take advantage of uncertainties

which it knowingly left unchallenged. On the other hand, Nicaragua
allowedasituation tosubsistwhichcould beinterpreted asits adherence to
the Optional Clause in the terms of the 1929Declaration.

The caseconcerning theArbitralAward MadebytheKingofSpain ispart
of this ambiguous conduct. In its application, Honduras founded the
jurisdiction of the Court not only on the Compromis with Nicaragua
reached under the auspices of the Organization of American States on 21
July 1957,but also on the submission of Nicaragua to the Permanent
Court's compulsoryjurisdiction on 24 September 1929 (1C..J. Pleadings,
ArbitralAward MadebytheKingofSpainon23December1906,Vol.1,p. 8).
Nicaragua, for its part, wanted to limit the dispute with Honduras to the
definition givenin the said Compromisand its accompanyingdocuments. dans les publications des Nations Unies, parmi d'autres, suivant
lesquellesil étaitliépar la clause facultative, constitue une manifes-

tation appropriéede son intention de reconnaître lajuridiction obli-
gatoire de la Cour >)(arrêt,par. 109).

Cetteconstatation, dans le raisonnement suivipar la Cour, tend à con-
firmer que la Cour a compétenceen vertude l'article36,paragraphe 2, du
Statut,indépendamment de l'interprétation etde l'effetdu paragraphe 5
dudit article (arrêt, par.42). Je n'excluspaà priori qu'une conduite non
équivoquede la part du Nicaragua, attestant son adhésion incondition-
nelle à la juridiction obligatoire, et l'impression qui prévalaitparmi les
Etats que tel étaitbien le statut du Nicaragua au regard de cettejuridic-
tion, puissent constituer, auxyeux de la Cour, des motifs suffisantspour
considérer l'acceptatiopar le Nicaragua de lajuridiction de la Cour, telle

qu'énoncéedans la déclaration de 1929, comme valable aux fins de la
présente procédure.Juridiquement, cette opinionpourrait sefonder sur la
persistance pendant de longues annéesde l'impressionnette etincontestée
qu'une acceptation valide existait. Elle trouverait, par analogie, unejus-
tification théoriquedans la notion de prescription acquisitive, principe
générad le droit au sens de l'article38,paragraphe 1),du Statut, en vertu
duquel le temps remédie aux défauts dont peuvent êtreentachés des
actesjuridiques formels. Si l'on admet cette théorie,les faits et la con-
duite des parties doivent être sansambiguïtéet ne laisser place à aucun
doute.
11m'estimpossible de conclure que l'acquiescementconstant du Nica-
ragua aux affirmations selon lesquellesil étaitliépar la clausefacultative
et le fait que son nom est mentionnédans les listes des déclarations faites

envertu de l'article6,paragraphe 2,que l'ontrouve dans lesAnnuairesde
la Cour, dans les publications de l'organisation des Nations Unies ainsi
que dans despublications officiellesde diverspays - avec,très souventet
pendant longtemps,une formule de miseengarde - suffisentà établirque
les conditions queje viens de mentionner étaientremplies. LeNicaragua
qui, comme l'arrêt le relèveà juste titre, était conscientd'une lacune et
aurait pu aisémentéclaircirla situation, s'estabstenu de le faire, et il ne
saurait bénéficierd'incertitudes qu'en connaissance de cause il n'a rien
fait pour dissiper. D'un autre côté,il a toléré maintien d'une situation
qui pouvait êtreinterprétée commeune adhésion à la clause facultative
conformément à sa déclarationde 1929.
L'affaire de la Sentencearbitrale renduepar le roi d'Espagne le23 dé-

cembre1906relèvedu même comportementambigu. Dans sa requête,le
Honduras avait fondéla compétencede la Cour, non seulement sur le
compromis signé avecle Nicaragua le 21juillet 1957sous les auspices de
l'organisation des Etats américains,mais encore sur le fait que le Nica-
ragua s'était soumisà lajuridiction obligatoire de la Courpermanente du
24septembre 1929 (C.I.J. Mémoires,vol.1,p. 8).Pour sapart leNicaragua
entendait limitersondifférendavecle Honduras à la définitionaui enétait
donnéedans lecompromiset lesdocuments connexes. Ilinsistait pour queIt insisted on having the dispute decided only on this basis (see, e.g., the
Nicaraguan Reply, ibid .,ol.1, p. 754). Proceedings on the basis of
acceptance of the Optional Clause would have given Honduras the oppor-
tunity to present a more extensive claim (including compensation for
damages) than one seekingjudgment solelyonthe basis of the Compromis.
Understandable as this conduct may be from the point of view of Nica-
ragua, it certainly does not prove its acquiescence inthe application of the
1929 Declaration. No other events occurred by which Nicaragua took

position one way or the other.
It is nevertheless a fact that Nicaragua did run the risk during many
years of being sued by another Stateon the basis of its submission. It may
well be, as the Judgment rightly says, that on this hypothesis the Court
would have held Nicaragua bound by the Declaration because it tolerated
or maintained the appearance shown, with and without caveats, in offi-
cial documents (which, in themselves, had no authoritative character).
Whether the Court would have assumedjurisdiction in suchahypothetical
case cannot be either affirmed or denied. Affirmation was however a
possibility to be taken into account by Nicaragua.

This consideration is however not sufficient toconclude that an appli-
cation by Nicaragua against another State can be entertained on the basis
of the subrnission under the Optional Clause. Weighing this ambiguous
conduct against the strict criterion of continuous unequivocal conduct in
favour of the binding force of the declaration, the conclusion can only be
that this basis alone is not sufficient tojustify Nicaragua's reliance on the
declaration.

Since the majority of the Court has voted in favour of assumingjuris-
diction on the basis of the Declaration (para. 1(a) of the operative part of
the Judgment), the following remarks on some other points of the Judg-
ment are made on this assumption.
1. 1share the Court's opinion that the notification made by the Shultz
letter of 6April 1984has no effect on the obligations of the United States
created by its Declaration of 26 August 1946under the Optional Clause
(for the text of the letter seepara. 13of theJudgment). 1agree alsowith the
Judgment that the question whether this notification - which the United
States calls a "proviso" to the Declaration of 1946 - constitutes only a
modification or the termination of this Declaration, is not relevant for the
decision of the present dispute. My observations concern the relation
between the Nicaraguan Declaration (treated as being valid) and its
United States counterpart of 1946.

When the system of the Optional Clause was adopted at San Franciscole différendsoit tranchésurcette seule base (voir par exemple la réplique
du Nicaragua, ibid ..754). Une action reposant sur l'acceptation de la
clause facultative, mieux qu'une requêtefondéesurle seulcompromis, eût

donnéau Honduras l'occasion d'élargirsa demande (et notamment de
prétendre à réparation). Pour compréhensibleque soit cette conduite du
point de vue du Nicaragua, elle ne prouve certes pas qu'il ait acquiescà
l'application de la déclaration de 1929. Il ne s'est pas produit d'autres
événements à l'occasion desquelsleNicaragua aurait pris position dans un
sens ou dans l'autre.
Il reste que le Nicaragua a couru pendant des années le risque d'être
attrait par un autre Etat comme étantassujettià lajuridiction obligatoire
de la Cour. Comme le dit àjuste titre l'arrêt,il sepeut fort bien que, dans
cette hypothèse, la Cour aurait considéréle Nicaragua comme liépar la
déclaration parce qu'il avait toléré oulaissépersister l'impression créée,
avec ou sans mise en garde, par des documents officiels (qui, en eux-
mêmes,ne faisaient pas autorité). On ne peut ni affirmer, ni nier, que

la Cour se serait déclaréecompétentedans ce cas hypothétique. Qu'elle
le fasse était toutefois une possibilité dont le Nicaragua avait à tenir
compte.
Cette considérationne permet pas de conclure cependant que la Cour
peut accueillirunerequêteduNicaragua contre unautre Etat au motif qu'il
serait liépar la clausefacultative. Sil'on appréciecetteconduite ambiguë
selon lecritèrerigoureux d'un comportement persistant et sans équivoque
qui témoigneraitde la force obligatoire de la déclaration,la seule conclu-
sion que l'on puisse formuler est qu'à elle seulecette conduite ne permet
pas au Nicaragua d'invoquer la déclaration commefondement de la com-
pétence.

La majoritéde la Cour s'étant toutefois prononcéepour la compétence
sur la base de la déclaration (paragraphe 1, alinéaa), du dispositif de
l'arrêt)l,esobservations queje vaismaintenantfaire surd'autres aspects de
l'arrêttiendront cette base pour acquise.
1. Je suis d'accord avec la Cour pour penser que la notification se
concrétisantpar la lettre de M. Shultz du 6 avril 1984est sans effet sur les
obligations qui résultent,pour les Etats-Unis, de la déclaration faite le
26 août 1946envertu de la clausefacultative (pour letexte de la lettre voir
leparagraphe 13de l'arrêt).Je reconnais aussi quela question de savoir si

cette notification- qualifiéepar les Etats-Unis de <<clause condition-
nelle))(proviso)attachée à la déclaration de 1946- constitue une simple
modification ou une dénonciation de la déclaration n'est pas pertinente
aux fins de la résolutiondu présentlitige. Mes observations portent sur le
lien entre la déclaration du Nicaragua (considérée commevalide) et son
pendant, la déclaration américainede 1946.
Lorsque lesystèmede la clausefacultativea été adopté àSan Francisco,as a substitutefor general compulsoryjurisdiction of the new Court - an
ideal which was not attainable - member States of the United Nations
which became, ipsojure, parties to the Statute, and other parties to the
Statute, remained freenot only to refrain from submitting to thejurisdic-
tion at all, but also to qualify their declarations by time-limits and reser-

vations concerning substantive matters. Time-limits could provide either
fixed periods for validity, or periods of notice for notification of termi-
nation. Moreover, according to paragraph 2ofArticle 36,aconsensual link
between the various declarations is created only between States which
undertake the "same obligation". The Nicaraguan Declaration of 1929is
unconditional with respect to substantive reservations and time-limits,
whereas the United States Declaration of 1946is qualified by three pro-
visos containing substantive resemations, and may be terminated six
months after a notification to this effect has been made.
There is general agreement that reservations relating to substantive
restrictions limit the obligations of other States which have subrnitted to
the compulsoryjurisdiction without having made corresponding reserva-
tions. The consensual bond, which is the basis of the operation of the
Optional Clause, comes into being at the time at which another State
deposits its declaration. Although the reciprocal character of the substan-

tive provision of declarations is not in doubt, there is, however, no such
agreement regarding different time-limits in declarations which, from the
point of view of their substance, are mutually applicable.
In my view, time-limits are taken into account as substantive reserva-
tions because the requirement of Article 36, paragraph 2, that the con-
sensual bond exists only between States accepting the same obligation,
must be applied to both types of qualifications which are permitted to be
included in declarations. Resemations restrict the substantive extent of the
obligation, time-limits put an end to the obligation, whether made with or
without substantive limitations, in its entirety. It is difficult to seehow the
"same obligation" within the meaning of Article 36, paragraph 2, can
continue to exist longer for one State than for its potential counterpart
whose declaration is limited by a shorter notice period, or may be termi-
nated by notification at any moment. This consideration is, of course, no
longer relevant when an application has been filed before the defendant
State has made use of the shorter delay to notify the termination of its

declaration, whichit is,in my view,entitled to make dueto thefact that the
time-limit of another State's declaration is shorter. 1 am aware of the
disadvantages flowing from the relative effect of declarations with regard
to other States. But the difficulties are not much greater than the relativity
generally admitted with respect to substantive reservations.
The relation between the Declarations of Nicaragua and the United
States, of 1929 and 1946 respectively, is, in my view, the following :
Nicaragua's Declaration is unconditional, that is, not only without reser-
vation but alsowithout time-limit. To thisdeclaration the generalprinciple
applies that al1legallybinding acts, whether made unilaterally, or within
the framework of a contractual relationship, or in the complex system auxlieuetplacede l'idéal inaccessiblede lajuridiction obligatoiregénérale
de la nouvelle Cour, les Etats Membres de l'organisation des Nations
Unies qui sont devenus, ips oure, parties au Statut, et les autres partiàs
celui-ci,sont restés libres,non seulement dene pas accepter lajuridiction
de la Cour mais aussi d'assortir leurs éventuellesdéclarations d'accepta-
tion de limites de temps et de réservesportant sur des points de fond. Les
limites de temps avaient trait soit à une duréefixe de validité, soit au
préavis à respecter en cas de dénonciation. De plus, et conformément à
l'article36,paragraphe 2, lesdéclarationsne créaientde liens consensuels

qu'entre Etats (acceptant la mêmeobligation D. La déclaration nicara-
guayenne de 1929ne stipule pas de condition de fond ou de durée, alors
que la déclaration américainede 1946comporte trois réservesde fond et
peut êtredénoncée avec préavid se six mois.

Il est généralementadmis que les réservesde fond ont pour effet de
limiter les obligations des Etats qui se sont soumis à lajuridiction obli-
gatoire sans formuler de réservescorrespondantes. Le lien consensuel sur
lequel repose le régimede la clause facultative naît lejour même où un
autre Etat déposesa déclaration.Mais si la réciprocitédesstipulationsde

fond desdéclarationsn'estpas miseendoute, il n'enest pas de mêmepour
lesdifférentsdélais prévus dans desdéclarationsquisont réciproquement
applicables pour ce qui est du fond.

A mon avis, il doit êtretenu compte des délaisau mêmetitre que des
réservesportant sur le fond parce que la prescription de l'article 36,
paragraphe 2, selon laquelle il n'existe de lien consensuel qu'entre Etats
acceptant la mêmeobligation, doit s'appliquer aux deux types de condi-
tions que peuvent comporter les déclarations. Les réserveslimitent la
portéede l'obligation quant au fond ;les limites de temps mettent fin à
l'obligation dans sa totalité, qu'elle ait étéaccompagnée ou non de res-

trictions de fond. On voit mal comment la ((mêmeobligation )),au sensde
l'article 36, paragraphe 2, pourrait durer plus pour un Etat que pour son
opposant éventueldont la déclarationprévoiraitun préavisplus court ou
serait dénonçable entout temps sur simple avis. Cette considérationcesse
bien entendu dejouer àpartir du moment où unerequêteestdéposéeavant
que1'Etatdéfendeurne sesoitprévalu,comme ilpeut lefaire selonmoi, du
délaipluscourtstipulédans ladéclarationdu demandeurpour dénoncersa
propre déclaration.Je n'ignorepas lesinconvénientsqueprésentecet effet
relatif des déclarationà l'égardd'autres Etats, mais ces inconvénientsne
sont pas sensiblement plus grands que ceux qui tiennent à la relativité

généralementadmise pour les réservesde fond.
Le lien entre les déclarations du Nicaragua et des Etats-Unis, datées de
1929etde 1946respectivement, est,selonmoi,lesuivant :la déclarationdu
Nicaragua a été faite sansconditions, c'est-à-diresansréserveet sanslimite
de durée.Acettedéclarations'applique leprincipe générae ln vertuduquel
il peut êtremis fin, sous certaines conditions,à tout actejuridiquement
contraignant, qu'il ait étésouscrit unilatéralement,à titre contractuel ouwhich the Judgment describes as "sui generis",can, under certain condi-
tions, be terminated. Article 56 of the Vienna Convention is based on this
principle. The question remains however on what conditions the right of
termination may be exercised. It may be open to doubt whether the
Nicaraguan Declaration can be terminated with legal effect immediately
on notice, or only after alapse of acertain timeafter suchnotice. Article 56

of the Vienna Convention refers to the "nature of the treaty", or envisages
a 12months' notice. Applying the same ideas by analogy to the "consen-
sua1bond" effected by declarations under the Optional Clause, the "na-
ture" of the bond is characterizedby the equal significance of the obliga-
tions. This results from Article 36, paragraph 2, without any special
reservation being necessary as provided for in paragraph 3 of the same
Article. The Court emphasized in the case of Right of Passageover Zndian
Territory (Preliminary Objections)(I.C.J. Reports 1957, p. 145), that the
principle of reciprocity forms part of the system of the Optional Clause. It
doesnot followfrom the "nature" ofan "unconditional" declaration that it
may be terminated at any time and with immediate effect.Article 56of the
Vienna Convention shows - and here again an analogy is suggested - that
thetermination of anobligationmust be governed by the principle of good
faith. Withdrawal without any period of notice seems to me not to cor-
respond with this principle if a declaration has been made explicitly
unconditional.
The precise period of notice necessary or appropriate to terminate the
Nicaraguan obligation need not be decided in the circumstances in which
the Shultz letter was made. This letter, which disregarded the notification
clause in the 1946Declaration, was received by the United Nations Sec-

retariat on Friday afternoon, 6 April 1984,whereas the Application of
Nicaragua was filed with the Registry of the Court on the following
Monday, 9 April1984. The Courthasnot yet had the opportunity tojudge
a parallel case. It did however pronounce, in the Right of Passage over
Indian Territorycase, on the reverse situation. Portugal had made a decla-
ration regarding the Optional Clause only a few days before it filed an
application against India based on this declaration. The Court did not
accept the Indian Preliminary Objection that thePortuguesedeclaration -
made with a view to its own application - was inadmissible.

Though 1admit that acertain analogy existsbetween the two situations,
more convincing reasons speak, in my view,for a different interpretation.
If Nicaragua, as 1concluded above, couldnot terminate itsobligation with
immediate effect, then the corresponding obligation of the United States,
disregarding entirely the sixmonths' noticeperiod, or applyinga period of
a few days only, could also not be terminated. Admittedly, the interpre-
tation of the requirements of good faith on either side cannot be deter-
mined in the abstract ; it must be fixed in concret0 according to the

circumstances of the case. Whatever the period of notice may be to ter-
minate the unconditional submission,it would not have been permissibledans le cadre du système complexe que l'arrêtqualifie de sui generis.
L'article 56 de la convention de Vienne repose sur ce principe. Reste à
savoir dans quelles conditions le droit de dénonciationpeut s'exercer.On
est fondé à sedemander sila déclaration nicaraguayenne peut êtredénon-
céeavec effet immédiat sur simple notification ou seulement avec un
certain préavis.L'article 56 de la convention de Vienne tient compte, à ce
sujet, de la(<nature du traité ou envisage un préavisde douze mois. En
appliquant,par analogie, le mêmeprincipe au <<lien consensuel >issu des
déclarationsfaitesen vertu de la clausefacultative, on peut dire que cequi
caractérise la <nature )>du lien, c'est l'égalitdes obligations souscrites.
Cela résultede l'article 36, paragraphe 2, du Statut sans qu'il soit besoin

d'insérerune réserveparticulière en se fondant sur le paragraphe 3 du
même article.La Cour a soulignédans l'affaire du Droit depassage sur
territoireindien(exceptionspréliminairesC , .I.J. Recueil1957,p. 145)que le
principe de réciprocitéfaitpartie du systèmede la clause facultative. Il ne
découlepas de la << nature )>d'une déclaration faite <<sans condition
qu'elle puisse êtredénoncée à tout moment, avec effet immédiat. La
rédactionde l'article56de laconvention de Vienne montre - etje propose
làencore de raisonner par analogie - que ladénonciationd'uneobligation
doit êtreconforme auprincipe de labonne foi.Leretrait sanspréavis ne me
semblepas s'accorder avecceprincipe, s'ilest stipuléque ladéclaration est

sans condition.
La question du délai précisde préavis requis ou approprié pour la
dénonciationde l'obligation du Nicaragua n'a pas à êtretranchée,si l'on
considèreles circonstances dans lesquelles la lettre Shultz a étéenvoyée.
Cette lettre, qui ne tenait aucun compte de la clause de préavisfigurant
dans ladéclarationde 1946,aété reçueau Secrétariatdel'organisation des
Nations Unies le vendredi 6 avril 1984dans l'après-midi,et la requêtedu
Nicaragua a étéenregistréeau Greffe de la Cour le lundi suivant, 9 avril
1984.La Cour ne s'estjamais trouvéedevant un cas analogue. Toutefois,
dans l'affaire du Droit depassage sur territoire indien,elle a euà se pro-

noncer sur la situation inverse. Dans cette espècelePortugal avait fait une
déclarationrelative à la clause facultative quelques jours seulement avant
de déposer,contre l'Inde, une requête fondéesur cette déclaration. La
Cour a rejeté l'exceptionpréliminairesoulevéepar l'Inde, suivant laquelle
la déclaration portugaise, faite en prévisionde sa requête, étaitirrece-
vable.
Bien que j'admette l'existence d'une certaine analogie entre les deux
situations, il me semble que des raisons plus convaincantes imposent une
interprétation différente.Si le Nicaragua, comme je l'aiconclu plus haut,
n'avait pas la facultéde dénoncer son obligation avec effet immédiat,les

Etats-Unis ne pouvaient pas davantage mettre fin à l'obligation corres-
pondante, en négligeanttotalement lepréavisde sixmoisouen leréduisant
à quelques jours. 11est vrai que l'interprétation à donner à l'obligation
réciproque d'agirdebonne foin'estpasunequestion qu'on puissetrancher
dans l'abstrait ;elle doit êtreenvisagéeconcrètement en fonction des
circonstances de chaque espèce. Quelque soit le préavis nécessairepour468 MILITARY AND PARAMILITARY ACTiVITIES (SEPO. P.MOSLER)

to cut it down to a minimum. Correspondingly, the six months' notice
period in the United States Declaration could not be reduced to the few
days before the filing of the Nicaraguan Application. The Shultz letter
could therefore not have the effect which it was intended to produce.

2. The multilateral treaty reservation (proviso (c) of the United States
Declaration of 1946)has been invoked by the United States as applicable

in the present proceedings in so far as Nicaragua founds its claim on the
alleged violation by the United States of four multilateral treaties, the
Charter of the United Nations, the Charter of the Organization of Amer-
ican States, the Convention on the Rights and Duties of States and the
Convention on the Rights and Duties of States in the Event of Civil Strife.
According to the reservation, the submission of the United States to the
compulsoryjurisdiction of the Court shall not apply to "disputes arising
under a multilateral treaty, unless ...al1parties to the treaty affected by
the decision are alsoparties to the case before the Court". This restriction
included in the Declaration of 1946has been deplored as veryfar-reaching
and unclear. It has been criticized because it seemed "only to have been
inspired by vague fears and misconceptions as to the working of the
Optional Clause in acase arisingunder amultilateral treaty" (H. Waldock,
"The Decline of the Optional Clause", 32 British Year Book of Interna-
tionalLaw, 1955-1956,p. 275)and because "the language of the reservation
betrays such confusion of thought that to this day no oneisquite sure what
itmeans" (H. W. Briggs,"Reservations to the Acceptance of Compulsory
Jurisdiction of the International Court of Justice", 93 Recueil descours,
1958-1,p. 307). The example of the United States has however been
followed by some other States, whose reservations refer simply to "al1

parties", while the qualification in the United States reservation which
refers to the Statesparties "affected by the decision" does not appear (see
para. 72of theJudgment).Thisexpansion of the useof the clauseindicates
that it has an applicable meaning, and that it cannot be put aside either
because of its consequences or of its lack of clarity which has givenrise to
much confusion.
Both Parties referred to the legislative history of the reservation in the
United States Senate. It was inserted in the Declaration in order to take
account of Mr. J. F. Dulles' concern that the United States might be
exposed to disputes before the Court by States which were parties to the
same dispute, but not parties to the litigation pending before the Court
against the United States, because these States had not bound themselves
by the Optional Clause. It may well be that misconceptions and misun-
derstandings which occurred in the debates of the United States Senate are
responsible for theinsertion of the reservation and its actual wording. The
basis of the interpretation is however the text itself. If it has a meaning
which can reasonablybeapplied in aconcrete situation, the reservation has
to be given its full effect. If not, the question arises as to whether its
invalidity affects the entire declaration of acceptance. On this assumption

the United States could not be sued by an application referring to itsmettre fin à une acceptation inconditionnelle, il serait inadmissible de la
réduire à presque rien. De la même manière, lepréavid se six mois stipulé

dans ladéclarationdesEtats-Unis ne pouvait êtreramené à quelquesjours
avant le dépôt dela requête nicaraguayenne.La lettre Shultz ne pouvait
donc avoir l'effet qu'on a voulu lui attribuer.
2. Les Etats-Unis ont alléguéque la réserve relativeaux traitésmulti-
latéraux(clausec)de la déclarationdesEtats-Unis de 1946)est applicable
dans la présente instance dans la mesure où le Nicaragua fonde sa de-
mande sur lefait que les Etats-Unisauraient violéquatre traitésmultilaté-
raux, la Charte des Nations Unies, la charte de l'organisation des Etats
américains, laconvention concernant les droits et devoirs des Etats, et la
convention concernant les droits et devoirs des Etats en cas de luttes

civiles.Conformément à la réserve, l'acceptationpar les Etats-Unis de la
juridiction obligatoire de la Cour ne s'applique pas aux différendsrésul-
tant d'un traitémultilatéral, moins que ...toutes lesparties au traitéquela
décisionconcernesoient égalementparties àl'affaire soumise à la Cour >>.
La restriction ainsi incluse dans la déclarationde 1946a étédéplorée en
raison de sa vasteportée etde sonambiguïté.On l'acritiquéeparcequ'elle
semblait inspiréepar de vaguescrainteset par une interprétation erronée
du fonctionnement de la clause facultativeencas d'affaire découlant d'un
traitémultilatéral ))(H. Waldock, (<The Decline of the Optional Clause O,
32British YearBookof International Law, 1955-1956,p. 275)et parce que

le libelléde la réservedénoteune telle confusion de penséeque nul, à ce
jour, ne sait exactement cequ'elle signifie(H. W. Briggs, <(Reservationsto
the Acceptance of Compulsory Jurisdiction of the International Court of
Justice O,Recueildes cours,t. 93, 1958-1,p. 307).L'exempledes Etats-Unis
a toutefois étésuivi par quelques autres Etats, dont les réservesmention-
nent simplement << toutes lesparties >et non, comme celledes Etats-Unis,
les Etats parties au traité<affected by the decision >(voir paragraphe 72
de l'arrêt). et élargissementde laclauseindique qu'elleaun sensauquel il
peut êtredonnéeffet et qu'on ne saurait l'écarter,que ce soit en raison de
ses conséquences oude la grande confusion produite par son obscurité.

Lesdeux Parties sesont référéesautx ravauxpréparatoires concernant la
réserveau Sénat des Etats-Unis. Le texte de la réservea étéinséré dans la
déclaration pour répondreaux préoccupations de M. J. F. Dulles, qui
craignait que les Etats-Unis ne fussent attraits devant la Cour, alors que
des Etats parties au mêmedifférend ne seraient pas parties au procès
contre les Etats-Unis, faute d'êtreliéspar la clause facultative. II se peut
quelesfaussesconceptions et lesmalentendus qui sesont faitjour au cours
des débatsdu Sénat aient été effectivement la cause de l'insertion de la
réserveet de son libellé.L'interprétationdoit toutefois reposer sur le texte

lui-même.Sion lui trouve un sens qui puisse raisonnablement s'appliquer
dans leconcret, la réservedoit recevoirplein effet. Resteà savoir si,dans le
cascontraire,sa nullitéentraînerait celledetoute ladéclaration.Danscette
dernièrehypothèse,les Etats-Unis ne pourraient êtrecitésdevant la Cour
en vertu d'une requêtefondée sur leur acceptation de laclause facultative.acceptance of the Optional Clause. The Court has never had the oppor-
tunity to decide whether a whole declaration under the Optional Clause
may be invalid because an ineffective reservation had to be considered an
essential part of it. If an affirmative conclusion were to be taken, its effect
wouldbe worsethan toapplythe reservation andto maintain the restof the
declaration. Whilethisconsideration, it is true, isnotin itself an element of
interpretation of reservations made in a declaration under the Optional
Clause, it is nevertheless a point of view to be kept in rnind when a
reasonable construction of a reservation is made.
Of the two possibilities of interpreting the reservation in a wider sense,
to include the treaties affected by the decision of the Court, or in a
narrower sense which includes only the States affected by multilateral

treaties relevant in adispute beforethe Court,theUnited Statesprefers the
latter meaning. Although it belongs to the competence of the Court to
decide on the applicability of the reservation (Art. 36, para. 6, of the
Statute) 1agreewith theJudgment whenit followsthisinterpretation (para.
72). States which rnight be affected withm the meaning of the reser-
vation are thus the Central American neighbouring States of Nicaragua.
1equally share the viewof the Judgmentthat the question as to whether
States are "affected" within the meaning of the reservation cannot be
answered in thepresentjurisdictional phase of the proceedings, but only in
connection with the merits of the case. The objection based on the reser-
vation does therefore "not possess, in the circumstances of the case, an
exclusively preliminary character", a situation envisaged in Article 79,
paragraph 7, of the Rules of Court. The Court has not yet had the
opportunity to apply this provision, which belongs to the new provisions
made by the partial revision of the Rules in 1972.The intention was to
depart from theformerpractice in which thepreliminary and theprincipal
phase of the proceedings had not been properly distinguished and pre-
liminaryobjections had been more often joined to the phase of the merits
than wasdesirable in viewof a sound economy of proceedings. There may,

however, be cases in which, as in the present one, the decision on a
substantive element in an objection againstjurisdiction needs to be made
beforethe Court can makea decision as to whether theobjection isupheld.
The consequence of this situation is that the answer to the whole question
cannot be givenin the proceedings onjurisdiction but must be postponed
to the phase of the merits. If the answer to the question which has not an
exclusivelypreliminary character is such that the element belonging to the
merits exists in the actual case, the reservation must be given effect. In
concrete terms, if the Court should find, in the merits phase, that other
States are "affected", within the meaning of the reservation as interpreted
by the Court, then in its decision the four multilateral treaties referred to in
the Nicaraguan Application cannot be applied in the present dispute. On
this hypothesis the Court remains competent to apply, with the exception
of thefour multilateral treaties, the otherulesand principles mentioned in
Article 38, paragraph 1, of the Statute. If it comes to the contrary con-
clusion, the four multilateral treatiescan be taken into account.La Cour n'a jamais eul'occasion de déterminersiune déclarationfaite en
vertu delaclausefacultative peut êtrenulleentotalité parcequ'uneréserve
inopéranteenconstituerait un élément essentielU . ne réponseaffirmative à
cette question aurait des conséquencesplus graves que la décision d'ap-
pliquer la réserve etde maintenir le reste de la déclaration. Bien sûr cette
considération n'est pas en elle-mêmeun critère d'interprétation desré-
serves aux déclarations faites en vertu de la clause facultative, mais elle
mérited'êtregardée présente à l'esprit lorsqu'on s'efforce d'interpréter
raisonnablement une réserveparticulière.
Entre les deux interprétations possibles de leur réserve:dans un sens

large, de manière à englober les traitésque viserait la décisionde la Cour,
ou dans un sensplus étroit,de manière à n'inclure que les Etats concernés
par lestraitésmultilatérauxpertinentsdans un différendsoumis à la Cour,
lesEtats-Unis préfèrentla seconde. Bienqu'il relèvedelacompétencedela
Cour de décidersi une réserve estapplicable (article 36,paragraphe 6, du
Statut),je faismiennecette interprétation qui est celleadoptéedansl'arrêt
(par. 72). LesEtats susceptibles d'êtreaffectés,au sens de la réserve,sont
de ce fait des Etats centraméricainsvoisins du Nicaragua.
Je partage également l'opinion, exprimée dans l'arrêt,que la question
des Etatsqui seraient ((affectés au sensde la réserve nepeut êtrerésolue

durant laprésentephasejuridictionnelle delaprocédure,maisuniquement
à l'occasion de l'examen au fond. L'exception tiréede la réserve n'adonc
pas <<dans les circonstances de l'espèce uncaractère exclusivement préli-
minaire ))situation que prévoit l'article79,paragraphe 7,du Règlementde
la Cour.La Cour n'a pas encore eu l'occasiond'appliquer ce textequi fait
partie des dispositions nouvelles résultant de la revision partielle du
Règlement opérée en1972. L'intention étaitde s'écarterde la pratique
antérieure,dans laquelle on ne distinguait passuffisamment entre laphase
préliminaire et la phase principale de la procédure et où les exceptions
préliminairesétaient plus souventjointes au fond qu'il n'étaitsouhaitable
pour unebonne économiede laprocédure. Ilpeut toutefois arriver, comme

dans le cas présent,que la Cour aità seprononcer sur une composante de
fond de l'exception d'incompétenceavant de pouvoir accepter ou rejeter
l'exception. Ce genre de situation entraîne une incapacitéde répondre à
l'ensemble de la question au cours de la phasejuridictionnelle et obligeà
surseoirà la décisionjusqu'à l'examen aufond. Si,en réponse àla question
qui n'a pas un caractère exclusivement préliminaire, la Cour décideque
l'affaire comporte effectivement un élémentde fond, il doit être donné
effetà laréserve.Concrètement,sila Courjugeait, lors delaphase du fond,
que d'autres Etats sont (affectés ))au sens de la réserve telle qu'elle
l'interprète,elle devrait déciderque les quatre traités multilatérauxvisés

dans la requêtenicaraguayenne ne peuvent recevoir application en la
présente espèce. Dans cette hypothèse, elle garderait compétence pour
appliquer, sinon lesquatre traités multilatéraux,du moins lesautres règles
etprincipes visésàl'article38,paragraphe 1,du Statut. Sielleoptaitpour la
conclusion inverse, elle pourrait tenir compte des quatre traités multila-
téraux.470 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVIT(SEPO. P.MOSLER)

To conclude this opinion1repeat the statement made at the beginning
that1dissent from the Courtin sofar asit foundsitsjurisdiction on Article

36, paragraphs 2 and 5, of the Statute.

(SigneH de)rmann MOSLER. Je répéteraipour conclurecequej'ai dit audébutde laprésenteopinion,
à savoir que je ne peux suivre la Cour dans la mesure où elle fonde sa
compétencesur l'article paragraphes 2 et 5, du Statut.

(Signé H. MOSLER.

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Opinion individuelle de M. Mosler (traduction)

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