Opinion dissidente de M. Schwebel (traduction)

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068-19850603-JUD-01-08-EN
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OPINION DISSIDENTE DE M. SCHWEBEL

[Traduction ]

Bien qu'approuvant sur bien des points le raisonnement suivi dans
l'arrêtde la Cour,je m'en écarte, à mon grand regret, sur deux questions
essentielles. A mon avis, la ligne de délimitation qui y est indiquée est
abusivementtronquée dans lebut deménagerlesprétentionsde l'Itali;et
cette lignen'estpas unelignemédiane entre lescôtesopposéesde la Libye
etde Malte, mais une lignemédiane <corrigée ))qui,en tant que telle,n'est
pas correcte, en ce sens qu'elle n'est pas suffisammentjustifiée par les
principes de droit et d'équité applicables enl'espèce.

LES MÉNAGEMENTS À L'ÉGARD DES PRÉTENTIONS DE L'ITALIE

Dans son arrêtdu 21 mars 1984sur la requête del'Italie à fin d'inter-
ventionenl'affairedu Plateaucontinental(Jamahiriya arabelibyenne/Malte)
(C.Z.J. Recueil1984,p. 12,par. 17),la Cour, reprenant les termes utilisés
par l'Italie, définissait ainsi l'objet de ladite requê:e

L'Italie demande à la Cour, ...de prendre en considération les
intérêts d'ordrejuridiquede l'Italie relatifà des zones revendiquées
par les Parties principales,..et de donner en conséquenceaux deux
Parties toutes indications utiles pour qu'elles n'incluent pas, dans

l'accord de délimitationqu'ellesconcluront en application de l'arrêt
de la Cour,des zones qui,en raison de l'existencede droits de l'Italie,
devraient faire l'objet soit d'une délimitation entre l'Italie et Malte,
soitd'une délimitationentre l'Italieetla Libye,soitlecaséchéantd'un
accord de délimitation entre les trois pays.

La Cour poursuivait

les conseils de l'Italie ont soulignéquecelle-ci ne demandait pas à
intervenir seulementpour informer la Cour de ses prétentions,mais
afin que la Cour donne aux Parties toutesindications utilespour que
celles-civeillenà ne pas empiétersurleszonessur lesquellesl'Italie a
des droits )).

De plus, la Cour interprétait ainsi la requêtede l'Italie :

L'Italie demande àla Cour de ne statuer que sur ce qui relève
vraiment de Malte et dela Libyeet de s'abstenir d'attribuerà cesEtats
des zones de plateau continental sur lesquelles l'Italie a des droits.
Mais pour que la Cour puisse procéder à l'opération ainsi définie,il faudrait qu'elle détermine en premier lieu les zones sur lesquelles
l'Italieadesdroits et cellessur lesquellesellen'enapas. S'agissantdes
premières, une fois celles-ci identifiées, la Cour pourrait s'abstenir
de déclarer que ces zones relèvent soit de la Libye, soit de Malte.
S'agissantdessecondes,la Courpourrait alorsprocéder à l'opération
que le compromis entre Malte et la Libye lui demande d'effectuer.
Ainsi, dans la décisionque rendrait la Cour après avoir autorisé
l'Italieà intervenir et à faire valoir ses droits, la juxtaposition des

zones à propos desquellesla Coureffectueraitl'opération que lecom-
promis lui confie et des zones à l'égard desquellesla Cour s'abstien-
'drait deprocéder à cetteopération ferait apparaître quela Couraurait
statué, d'une part, surl'existencede droitsitaliens sur certaines zones
...et, d'autre part, sur l'absence de droits italiens dans d'autres
zones ..))(C.I.J. Recueil 1984, p. 19-20,par. 30.)

La Cour,considérantl'objetde larequêteitaliennetel qu'indiqué plushaut
et tel qu'ellelecomprenait en fait, a rejetécetterequête.Or,dans son arrêt
d'aujourd'hui, elle accorde pratiquement à l'Italie ce que cet Etat aurait
obtenu si sa requête à fin d'intervention avait été acceptéees ti, une fois
autorisé à intervenir, il avait établàla satisfaction de la Cour ((les zones
sur lesquelles l'Italie a des droits et celles sur lesquelles elle n'en a po.
C'estcequel'arrêt - tout enfaisant unedistinction entre lesprétentions de

l'Italie et ses droits reconnaît en disant :
La Cour, ayant été informée des prétentions de l'Italie, et ayant
refusé d'autorisercet Etat à protégerses intérêts par la voie de l'in-
tervention, accordeainsi à l'Italie la protection qu'ellerecherchait.))
(Par. 21.)

Cette conclusion me paraît mal adaptée à la situation, sinon irrégulière.
Commeje ledisais dans l'opinion dissidente quej'aijointe à l'arrêt dela
Cour du 21 mars 1984(p. 135,par. 12)la Cour pouvait :

limiter la portée de son arrêten s'abstenant d'indiquer la façon
d'appliquer en pratique les principes de délimitation aux zones de
plateau continental revendiquées par l'Italie, motif pris de ce que,
pour ces zones, la délimitation devrait résulter de négociationsou
d'une décision rendue entre l'Italie, Malte et la Libye. Un tel arrêt

donnerait peut-êtresatisfaction àl'Italie;maisne serait-cepas recon-
naître dans une certaine mesure les prétentions de l'Italie sans que
celle-ciait euniàlesjustifier niàlesmettreenjeu dans laprocédureen
cours entre lesPartiesprincipales ? Ceseraitd'ailleurs là admettreque
dans ce différend ((un intérêt d'ordre juridiqueest pour [l'Italie]en
cause O,n'étaitcet élémentdela décision qui soustrairait de sa portée
leszones revendiquéespar l'Italie.Ainsi l'attitude laplus raisonnable
- étant donnéque ces zones sont déjàmises enjeu entre les Parties
principales - serait d'accéder à la demande d'intervention de l'Italie

et d'obliger celle-cà défendreses prétentions. Ce serait fairejustice
nonseulement à l'Italie, maiàMalteet à la Libye,qui,sinon,risquent PLATEAU CONTINENTAL (OP.DISS.SCHWEBEL) 174

de penser que l'arrêt sollicitpar elles a été tronquéen réponse à des
revendications qu'elles n'auront pas réfutées à temps.

Pour lesraisonsindiquéesdans cetteopinion, je demeureconvaincu que

la décisionde la Cour de rejeter la demande d'intervention de l'Italie était
une erreur. Je suis confirme dans cette conclusion par les termes de l'arrêt
d'aujourd'hui. Maisje ne pense pas qu'ilconvenait de corriger l'erreur de
l'arrêtprécédenten accordant àl'Italietout cequ'elleeût tentéd'obtenirsi,
sa demande d'intervention ayant étéacceptée, elleavait pu présentersa
cause - etcelasansmêmeentendre sesarguments(ni ceuxde Malte etdela
Libye à ce sujet).
Comment la Cour justifie-t-elle une conclusion aussi surprenante?
Premièrement,elleconstate que,aux termes du compromis, elleestpriée

dedire quelle est lazone de plateau continental <<relevant de Malte et la
zone de plateau continental relevant )) de la Libye, d'où elle conclut
qu'elle n'apas compétencepourstatuer surleszones surlesquelleslesEtats
tiers ont des prétentions.C'est là une interprétation possible, voire plau-
sible, du compromis entre Malte et la Libye. Mais ce n'est pas sa seule
interprétation possible et plausible ni même nécessairemens ton interpré-
tation correcte. Le compromis ne parle pas des zones relevant exclusive-
ment desParties. Surtout, commela Cour l'avait elle-mêma edmis dans son
arrêt du21mars 1984 :

L'arrêtfutur ne sera pas seulement limitédans ses effets par
l'article59du Statut ;ilseraexprimésanspréjudicedesdroits et titres
d'Etats tiers. Saisiepar un compromis qui ne porte que sur les droits
desParties, <(la Cour doit rechercher laquelle des Parties a produit la
preuve la plus convaincante d'un titre ))(affaire des Minquiers et
Ecréhous,C.I.J. Recueil1953,p. 52),et non passtatuer dans l'absolu ;
la Cour préciserade même,et pour autant qu'elle l'estimera néces-

saire, qu'elle seprononce uniquement sur les prétentionsrivalesde la
Libye et de Malte. ))(C.I.J. Recueil 1984, p. 26-27, par. 43.)

La Cour pouvait donc - en suivant le mêmeraisonnement que dans son
arrêtdu 21 mars 1984 - se dire compétente malgré lesprétentions de
l'Italieà condition de ne <<pas statuer dans l'absolu ))à l'égarddes zones
sur lesquelles portent ces prétentions.
Le fait que c'est là la meilleure interprétation de la compétence confé-

rée à la Cour par le compromis est confirmépar l'adhésionque lui ont
donnéeet Malte et la Libye. Si en effet l'une des parties à un compromis
s'oppose à l'autreàpropos des limitesdelacompétenceattribuée à laCour,
il appartientà celle-cide trancher envertu de l'article36,paragraphe 6,de
son Statut. Mais lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, lesdeux parties
sont fondamentalement d'accord sur le degréde compétenceque le com- PLATEAU CONTINENTAL (OP.DISS.SCHWEBEL) 175

promis confère à la Cour, celle-cidoit, pour décidersielleest compétente,
tenir compte << de tout accord ultérieur intervenu entre lesparties au sujet

de l'interprétation du traitéou de l'application de ses dispositions ..))
(convention de Vienne surle droit des traités,art. 31,par. 3). Or,en fait, la
Cour n'a tenu aucun comptedes vues des Parties sur la question, tout en
admettant que (lesParties conviennent que la Cour ne dwait pas hésiter
àétendresa décision à toutes les zones qui, indépendamment des préten-
tions d'Etats tiers, sont revendiquéespar les Parties àla présenteespèce ))
(arrêt,par.20) et que <(sans doute les Parties ont ...en fait invité laCour

à ne pas limiter son arrêt à la régionoù elles sont seules en présence
(par. 21). Et, en droit, l'interprétation très troitede sa propre compétence
qu'adopte laCourpour préservertotalement lesprétentionsde l'Italieva à
l'encontre de ce qu'elleappelait, dans son arrêtdu 21 mars 1984, <(l'obli-
gation de seprononcer aussi complètement que possible dans les circons-
tances de chaque espèce ...)(C.I.J. Recueil 1984,p. 25, par. 40), ainsi que
du passage de l'arrêtd'aujourd'hui où ellereconnaît qu'elle ((doit exercer

toute [la]compétence ))à elle conféréepar les Parties (par. 19).

Le second motif qu'invoque la Cour pour conclure qu'elle nepeut pas
statuer sur leszones où l'Italiea fait connaître sesprétentionsest que cette
conclusion étaitpréfiguréepar les termes de l'arrêtdu 21 mars 1984,par
lequel elle a rejeté larequête à fin d'intervention de cet Etat. La Cour, au
paragraphe 21 de sa décision d'aujourd'hui,cite des passages de cet arrêt

qui peuvent êtreinterprétésdans ce sens. Mais ces passages de l'arrêt
faisaient directement suite à celui où la Cour avait rappeléson obligation
de ne <passtatuerdans l'absolu >)Et on pourrait tout aussi bien lesciter à
l'appui d'une conclusion inverse de celle qu'adopte maintenant la Cour,
c'est-à-direenfaveur d'un arrêt qui,touten s'étendantauxzones viséespar
les prétentions italiennes, aurait été,du fait de l'absence de l'Italieà
l'instance, assorti de <plus de restrictions et de réservesen faveur d'Etats

tiers que ce n'eût étéle cas si l'Italie avait étéprésente...))(C.I.J. Recueil
1984, p. 27, par. 43).
Lesdeux raisons dontje viens de parler sont les seulesjustifications que
la Cour croit pouvoir avancer explicitement avant de conclure qu'elle
s'en tiendra aux étendues surlesquellesaucun Etat tiers n'a formuléde
revendication )) (arrêt,par. 22). Mais la Cour s'efforce égalementde
répondre à une critique que soulèvesa conclusion. Cette critique est que, si

la Cour conclut que l'étenduede sa compétencepour statuer entre deux
Etats estfonction desprétentions d'unEtat tiers,on peut craindreque ledit
Etat tiers, non partie à l'instance, se voie ainsiattribuer le droit de limiter
la compétencede la Cour, et cela malgré les termesde l'article 36, para-
graphe 6,du Statut, etmalgrélespositions desparties quant à l'étenduede
la compétencequ'ellesont conjointement conférée à la Cour. Accorder ce
pouvoir à une tierce partie pourrait en effet déposséderla Cour de toute

compétence, au casoù cette tierce partie formulerait des revendications
suffisamment ambitieuses.A cette critique, la Cour s'efforcede répondre
endisant quelesprétentionsdel'Italieen l'espècene sont pas ambitieuses àcepoint, cequiest vrai.Aquoi elleajoute qu'aucune desParties n'a qualifié
les prétentions italiennes de <<manifestement déraisonnables (par. 23).

La Cour conclut aussi quela limitation <(vraisemblable >)dela portéede
l'arrêt enraisondesprétentions italiennesn'apasconduit Malte et la Libye
à se départir deleur attitude négative à l'égardde la demande d'interven-
tion de l'Italie(ibid.).Ellerépètemêmeque cesdeux Etats, en émettantun
avis défavorable àla demande italienne, ont marquéleur préférencepour
un contenu limitéde l'arrêtpar eux demandé àla Cour.
A mon avis, ces arguments ne sontpas convaincants. Premièrement, ni
la Libye ni Malte n'ont jamais expriméouindiquéunetellepréférence ;et

même,elles ont officiellement dit lecontraire. Deuxièmement, on voit mal
comment la Libye et Malte, au moment où elles se sont opposées à la
requêtede l'Italie, pouvaient avoir connaissance de la limitation <vrai-
semblable >)de la portée de l'arrêtde la Cour sur le fond, qui restait à
rédiger ; àcemoment-là, mêmel'arrêtdu 21mars 1984,relatif àla requête
à fin d'intervention de l'Italie, n'étaitpas écrit.Troisièmement,sil'on veut
prêter à la Libye et à Malte une telle prévoyance,celle-ci ne pouvait
mieux s'inspirer que de l'arrêtrendu dans l'affaire du Plateau continental

(Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne)(C.Z.J.Recueil 1982, p. 93-94), où la
Cour décrivaitlarégion à considérerpour ladélimitation enréservant <les
droits des Etats tiersO,et où elleprécisaitque <la longueur de la ligne de
délimitation vers le nord-est est une question qui n'entre pas dans la
compétencede la Cour en l'espèce,étantdonnéqu'elledépendrade déli-
mitations àconvenir avec des Etats tiers >)Cependant la cartejointe à cet
arrêt(p. 90)n'était pas bornée par lesprétentions desEtats tiers (Malte,en
l'occurrence) : au contraire, <les droits des Etats tiers étantréservésn,la
ligne se terminait par une flèche dirigée versMalte. Pourquoi Malte et la

Libyen'en auraient-ellespasattendu autant pour cequi est desprétentions
italiennes ?D'ailleurs la Cour, commeje le rappelais plus haut, avait dit
dans son arrêtdu 21 mars 1984qu'elle avait <l'obligation de se pronon-
cer aussi complètement que possible dans les circonstances de chaque
espèce >)sauf dans l'hypothèseoù les intérêtjs uridiques de l'Etat tiers for-
maient l'objet mêmede la décision,<< ce qui n'est pas le cas ic>>(C.Z.J.
Recueil1984,p. 25,par. 40). Et elleajoutait que, à l'égarddes prétentions
de l'Italie, elleentendait procéder(commecelaa étéfaitpar exempledans

l'arrêtdu 24 février1982 )entre la Libye et la Tunisie. Or, en réalité,la
Cour neprocèdepasaujourd'hui delamêmemanière :au lieud'indiquer la
direction de la lignepar une flèche,elleinterrompt simplementla ligne à la
limite des prétentions italiennes.
J'ajouterai que, s'ilest vrai qu'en l'espèceles revendications de l'Italie
n'ont pas été qualifiéesde ((manifestement déraisonnables )par Malte et
par la Libye, il n'en reste pas moins que, au cas où l'Italie aurait adopté
pour ses prétentions la logique de la thèsedéfenduepar la Libye contre

Malte et où la Cour aurait jugé cettelogique raisonnable, la conception
retenue icipar la Cour de sacompétenceauraitfort bien suffi àsupprimer
complètement cette compétence : alors en effet que les prétentions ita-
liennes laissentà Malte une superficie appréciabledu plateau continental, ce n'est pas le cas des prétentions libyennes. En d'autres termes, si en la
présenteespècel'Italie avait adoptéune position semblable à celle de la
Libye et déclaréqu'en raison de sa très longue façade côtière,non seule-
ment au nord mais aussi au nord-est et au nord-ouest de Malte, et de la
façade côtière très réduitede Malte, l'application du critère de propor-
tionnalité aux longueurs de côte et aux zones de plateau faisait que le
plateau de Malte se trouvait enclavédans celui de l'Italie et réduità une
étroitezone littorale, la Cour aurait-elle conclu qu'elle n'avait pas com-

pétencepour statuer sur le différendentre Malte et la Libye ? Les motifs
quedonne la Cour à sonprésent arrêt, et l'étendudees revendications de la
Libye en l'espèce,ne permettent pas d'écarter un tel résultat comme
inimaginable.On nepeut en tout cas l'écarteren se contentant de dire que
la Cour est prête à considérer les prétentions raisonnables des tierces
parties, mais non pas leurs prétentions déraisonnables.
S'il faut tenir compte des précédents,on peut citer aussi l'accord de
délimitationentre l'Italie et la Tunisie, où la ligne s'étenddans certaines
zones revendiquéespar Malte (voir la carte no 1jointe au présent arrêt).
Pourquoi l'Italie bénéficierait-t-elle d'uniemmunitédont lebénéfice n'est
pas étendu à Malte ?

Pour résumer,le souci de la Cour de ménagerde manièreaussi absolue
les prétentions de l'Italie m'inspire de graves réserves,pour les raisons
suivantes :
- c'est créerun précédentmalheureux, peut-être incompatibleavec le

Statut de la Cour, que de paraître abandonner à une tierce partie la
possibilitéde déterminer lacompétenceque deux Etats parties à l'instance
ont conférée à la Cour ;
- ce résultatn'est pas conforme à l'interprétationque donnent de leur
compromis lesdeux Parties, ni avecl'obligation que sedonne la Courde se
prononcer aussi complètement que possible dans les circonstances de
l'espèce ;
- la Cour ayant, bien qu'à tort, refuséd'admettre la demande d'inter-
vention de l'Italie, ne peut, en bonne logique, rendre un arrêt accordantà
cet Etat tout ce qu'il aurait obtenu s'il avait étéautoriséà intervenir ;

- cerésultatne semblepas en accord avecleprécédentcrép éar l'arrêtde
1982dans l'affaire Tunisie/Libye.
Une meilleure solution, selon moi, eût étéd'indiquer une ligne - dis-
tinguéepar unpointilléoupar tout autre moyen de la lignede délimitation
des zones libres de toute prétention d'Etats tiers - ou, tout au moins,

indiquer par une flèche à chaque extrémitéla direction d'une ligne se
prolongeant dans les zones revendiquéespar l'Italie, à l'estetà l'ouest,en
accompagnant cette indication d'une réserveformelle quant aux droitsde
cet Etat ou de tout autre Etat dans ces secteurs.
Les faits géographiquesmontrent en effet de manière évidentel'exis-
tence de prétentionsitaliennes, et, dans certains des secteurs en question,
de prétentionséventuellesde la part d'autres Etats tiers. Ce sont ces faits PLATEAU CONTINENTAL (OP.DISS.SCHWEBEL) 178

géographiquesqui sont l'essentiel, et non paslesprétentionsémises.Et ces
faits doivent jouer en faveur de Malte et de la Libye aussi bien que de
l'Italie- et aussi, s'ily a lieu, en faveur d'autres Etats, dans la mesure où
existent de telsfaits. Or lagéographiemontre que l'Italien'estpas la seule à
pouvoir émettre desprétentionsdans leszones qu'elle revendique,ou dans

certaines de ces zones, conclusion que la Cour fait sienne dans son arrêt.
En particulier, laisser entendre que Malte fait seulement face à la partie
de la côte libyenne situéeentre Ras Ajdir et Ras Zarrouk, et non à une
portion de la côte de Cyrénaïque comprenantBenghazi,est manifestement
sans fondement, comme un simple coup d'Œil à la carte permet de le
constater.
Cette solution - outre qu'elleeût rendu justice àla Libye et à Malte, et
qu'elleeût donnétout son effet à la compétence conférée à la Cour par le
compromis conclu entre ces deux Etats - aurait eu pour avantage, les

prétentions italiennes restant naturellement ce qu'elles sont, que l'Italie
aurait su avec quelle autre partie négocierou rechercher une décision
judiciaire. Ce n'est pas à dire que la position de l'Italie n'en aurait été
affectéeen rien :ses intérêts auraientétémis en cause dans une certaine
mesure, pratiquement etjuridiquement, par une délimitationmême aussi
relative et provisoire entre Malte et la Libye, mais s'étendant dans les
secteurs sur lesquels portent ses prétentions. C'est pourquoi le refus de la
Courd'admettre la demande d'intervention de l'Italie - refus dont la Cour
est responsable, plus que Malte et la Libye - demeure siregrettable. D'un

autre côté,je reconnais que, pratiquement parlant, l'arrêtd'aujourd'hui
permet d'atténuerl'erreur que fut lerejet de la demande d'intervention de
l'Italie. Aussiinsuffisant qu'ilsoit, c'estpeut-êtrele meilleur argument en
faveur de cet arrêt,mêmesi la Cour s'abstient d'enfaire état.

Sij'approuve nombre des sections suivantes de l'arrêtj,e ne puis cepen-

dant merallier ni àlalignede délimitationchoisieparla Cour ni auxmotifs
invoquéspar elle à l'appui de cette ligne.

La Cour commence par tirer une lignemédianeentre lesrivagesopposés
de Malteet dela Libye.Dans une tellesituation, qui met enjeu descôtesen
pure relation d'opposition, c'est évidemmentle point de départcorrect -
encore que susceptible de rectification. Comme l'a dit la Cour dans son
arrêt surlePlateaucontinentaldelamerduNord(C.I.J. Recueil1969,p. 36,
par. 57) :

<En effet les zones de plateau continental se trouvant au large
d'Etats dont les côtes se font face et séparantces Etats peuvent être
réclaméespar chacun d'eux à titre de prolongement naturel de son
territoire. Ces zones se rencontrent, se chevauchent et ne peuvent
donc êtredélimitéesque par une ligne médiane ;si l'on ne tient pas compte desîlots, des rochersoudes légerssaillants de la côte, dont on
peut éliminer l'effet exagéré de déviationpar d'autres moyens, une
telle ligne doit diviser également l'espacedont il s'agit. ))

Plus récemment, s'agissantdes segments du littoral du Massachusetts

et de la Nouvelle-Ecosse qui présentent une relation d'opposition, la
Chambre de la Cour chargéede l'affairedu Golfedu Maine - aprèsavoir
conclu, commele fait la Cour dans la présenteespèce,que la méthodede
l'équidistance n'estpas une règleimpérativedu droit international coutu-
mier - a pris comme ((point de départ la division en parts égalesdes
zones de convergence et de chevauchement des projections maritimes des
côtes des Etats intéressés, critèredont lecaractère équitable est inhérent
à son simple énoncé ))(Délimitationdelafrontièremaritime dansla région
du golfedu Maine, arrêt,C.Z.J.Recueil 1984,p. 328, par. 197).A quoi la
Chambre a ajouté que l'adoption de ce point de départdevait êtrecom-

binéeaveccelle,parallèleet partielle, des critèrescomplémentairesappro-
priés,(<pour autant que cette combinaison serévèlevraiment imposéepar
les circonstances pertinentes de la zone concernée et se tienne dans les
limites réelles d'une telle exigence >)(ibid.).
Vu cesprécédents, la questioncruciale que pose ici le choix d'une ligne
partant de la ligne médiane se présenteainsi :existe-t-il dans la zone en
cause des circonstancespertinentes qui nécessitentl'adoption parallèle et
partielle de critères complémentaires appropriés ;et, s'il en existe, ces
circonstances sont-elles seulement utiliséesdans les limites véritablement

dictéespar la nécessité ?C'estenréponse à cettequestion queje nepuis me
rallierà la décisionde la Cour. A mes yeux,l'arrêtnedémontrenullement
l'existencede telles circonstances pertinentes ;et, de plus, il ne tient pas
compte des circonstances invoquéesuniquement dans les limites que ces
circonstances imposent. Au contraire, l'arrêt s'abstient visiblement d'in-
voquer et d'appliquer objectivement des circonstances pertinentes qui
puissentjustifier de façon préciseou mesurable la rectification de la ligne
médiane,et encore moins qui puissent l'exiger.Il ne démontrepas l'exis-
tence de la moindre correspondance entreles considérations qui y sont
dites pertinentes et la ligne qu'il prétend déduirede ces circonstances.

Comment donc la Cour procede-t-elle ?
Elle commence, en déterminant la ligne médiane,par exclure de ses
calculs l'îlot de Filfla, ce qui est raisonnable, vu qu'il s'agit d'un îlot
minuscule et désert. L'effetde cette exclusion sur la ligne médiane avan-
tagela Libye, et il est substantiel et justifié.Pour lesraisons exposéesdans
la section précédentede la présente opinion, la Cour choisit ensuite, sans
justification adéquate, d'arrêter laligne médiane aux prétentions ita-
liennes ;en d'autres termes, la Cour, du point de vue maltais, ampute
Malte de la projection radiale dont bénéficienaturellement toute île, ou

du moins dont toute île étaitcensée bénéficier jusqu'au présent arrêt, et
raccourcit d'autant letracéde la lignemédiane. Etla Cour prend cette ligne
médiane tronquée,entre Malte et la Libye, comme limite méridionale
de toute délimitation possible. Puis la Cour pose comme <(limite extrême r)hypothétiquede l'éventuel
déplacementde la ligne vers le nord une ligne médianejoignant les seg-
ments ainsi restreints du littoral du continent européen et du continent
africain- interprétation nouvelle, quoique littérale,de l'expression <pla-

teau continental )),carjusque-là le plateau étaitjuridiquement déterminé
entre Etats, et non entre continents. Comme la Cour le reconnaît, cette
limite septentrionale n'accorde aucun poids à l'existence des îles mal-
taises; elle est tracéecomme si Malte n'existait pas. Etant donné que la
Cour apour tâche de procéder àune délimitationentre 1'Etatindépendant
de la Républiquede Malte d'une part et 1'Etatindépendant de la Jama-
hiriya arabe libyenned'autre part, onne voit pas l'intérêqtu'ilpeut y avoir
àretenir, même à titre d'hypothèse, commel'une despossibilités extrêmes

de délimitation entre ces pays, une limite qui n'accorde aucun poids à
Malte, tout en choisissant comme autre extrêmeune limite qui donne àla
Libye tout son poids jusqu'à la ligne médianeentre ce pays et Malte.
Néanmoins, la Cour voit dans cette façon de faire un point de départ
équitable, etprend ensuite pour tâche de trouver une ligne entre la ligne
médianeetcetteligneseptentrionale extrême.En mêmetemps,comme elle
le reconnaît - en des termes qui n'évoquentguère plus le principe de
l'égalitésouveraine des Etats :

<<Il devrait êtretenu compte des îles maltaises, au moins dans une
certaine mesure, et, mêmeen réduisant leur effet à un minimum, la
limite de plateau continental entre l'Italie et la Libye serait située
quelque peu au sud de la médiane entre les côtes siciliennes et

libyennes ))(arrêt,par. 72).
Et elle ajoute :

Malten'étantpasunepartiede l'Italie,maisun Etatindépendant,
ne saurait être,du faitdeson indépendance,dans une situation moins
favorableen cequiconcerne lesdroits sur leplateau continental. Il est
donc raisonnable de supposerqu'une limiteéquitableentre la Libyeet
Malte doit se trouver au sud d'une médiane hypothétiqueentre la
Libye et la Sicile ;car, comme on l'a vu, celle-ci ne reconnaît aucun
effet aux îles maltaises. (Ibid.)

On notera que, d'aprèsla Cour, ce raisonnement doit aboutir à un (<ré-
sultat équitable )).
La Cour définitdonc sa tâche comme consistant à trouver une ligne
entre, d'une part, la médianeentre la Sicileet la Libye - médiane quise

trouve à 24'de latitudeaunord de laligne médianeentre Malte et la Libye
- et, d'autre part, la médianeentre Malte et la Libye. Puis, compte tenu
de ses observations précédentes surce qu'elle appelle les (<circonstances
pertinentes - dontje parleraiplus longuement ci-après - la Cour conclut :

<Dans ce type de situation, la pondération de ces divers éléments
n'est pas un processus que l'on puisseimmanquablement réduire à
une formule chiffrée.Cette évaluationn'en estpas moins indispen-
sable, et la Cour a conclu qu'une limitecorrespondant à un déplace- PLATEAU CONTINENTAL (OP. DISS. SCHWEBEL) 181

ment destrois quarts environde la distance entre lesdeuxparamètres
externes - c'est-à-dire entre la lignemédiane et la ligne à 24'plus au

nord - donne un résultat équitable auvu de toutes les circonstances.
Sa décisionest donc que la limite équitable consiste en une ligne
obtenue en imprimant à la lignemédianeune translation vers lenord
de 18'de latitude. ))(Par. 73.)

Celafait, la Cour entreprend de vérifiergrâceau critère de proportion-
nalité l'équité d'un résultaatussi aisément obtenu. Elle reconnaît les
<difficultés pratiques )) que pose l'utilisation de ce critère dans le cas
présent,où les côtes et les zones pertinentes sont déterminées de façon
variable, et où lazone à laquelles'appliquera effectivement l'arrêtn'estpas
définie par la géographie,mais par les prétentions de l'Italie. Cependant

elle conclut
<qu'il n'y a certainement pas de disproportion évidente entre les
surfacesdeplateau attribuées à chacunedesParties,aupoint que l'on

pourrait dire que les exigencesdu critèrede proportionnalité en tant
qu'aspect de l'équité ne sont pas satisfaites (par. 75).
Ainsi se trouve-t-elle confirmée dans sa décision de déplacer la ligne
médianede 18'vers le nord.

Il est difficile de critiquer en détail le raisonnement de la Cour, tant ce
raisonnement est maigre. 11est vrai que la Cour invoque à l'appui de sa
conclusioncertaines <<circonstancespertinentes )>déjà mentionnéesdans
son arrêt,par quoi elle semble entendre essentiellement :

a) la <<forte ))ou <considérable ))disparitéentre les côtespertinentes des
Parties, c'est-à-direla longueur trèssupérieuredes côtes libyennes par
rapport à celles de Malte ; et, subsidiairement,
b) la << distance considérable ))entre les côtes de Malte et celles de la
Libye ;
c) le petit nombre de points de base commandant le tracé de la ligne

médiane ;
d) (le cadre géographique d'ensemble ...les îles maltaises apparaissent
comme un petit élémentdu littoral septentrional de la régionconsi-
dérée, situé notablemena tu sud de la ligne généralede ce littoral et
constituélui-même par un segment côtiertrèslimité )(par. 69) ;situées
au sud d'unelignemédianeentre lessegments delittoraux continentaux

forméspar la Sicileetla Libye, <<les îlesmaltaisesapparaissent comme
un accident relativement modeste dans une mer semi-fermée ))
(par. 73).
Mais la pertinence de ces circonstances n'est pas démontrée.11n'en est

fourni aucunejustification fondée sur ledroit international conventionnel
ou coutumier, ni sur les précédents judiciaires ou arbitraux, ni sur la
pratique des Etats. Si la Cour conclut que certaines circonstances parti-
culièressont pertinentes, il lui incombait de démontrer pourquoi et d'in-
diquer sur quelles autorités repose son raisonnement. Une chose est cer-
taine : les discrètes allusions de l'arrêtne sont pas suffisantes. En ce qui concerne la circonstance d),j7aidéjà ditplus haut que le fait
que la ligne médiane entre Malte et la Libye se trouve au sud d'une ligne
médianeentre deux continents est une considération artificielle, dont la
valeur probante n'est pas évidente, etqui est difficile à concilier avec les
principes de l'égalité souverainedesEtatsI.lfaut prendre lanature comme
elle est ; que Malte soit au sud de la direction généralede la façade
maritime nord de la région neconstitue pas uneintrusion. C'estun fait qui
n'apporte aucun enseignement. Il est parfaitement vrai que les îles mal-

taises,envisagéesdans leur cadre géographique d'ensemble,se présentent
comme un élément relativement petitdans une mer semi-fermée.Maisce
n'estpas une raison pourreconnaître à Malte moins de plateau continental
que sescôtes - aussiexiguës qu'ellessoient - n'enengendrent.Ce n'estpas
une raison pour traiter lesîlesmaltaises - qui,prises ensemble, forment un
Etat indépendant - comme une anomalie dépendant d'un vaste Etat
continental. Certes, Malte ne peut être traitéede la mêmefaçon que si
elle s'étendaitdans un vaste océan,hors de toute atteinte, et sans autre
territoireà moins de 200milles de ses rivages.Mais la Libye (ou tout Etat

méditerranéen) ne peutpas davantage, dans cette mer semi-fermée,être
traitée comme si son titre à un plateau de 200 milles n'empiétaitpas sur
lestitres des Etats voisins.Le cadre géographique d'ensemblenejoue donc
ni pour ni contre Malte ou la Libye :ce quijoue en faveur de l'une et de
l'autre, c'est la longueur, la configuration et la situation de leurs façades
maritimes - compte tenu cependant des façades côtières des Etats limi-
trophes ou opposés.De plus, bien que la Cour invoque le cadre géogra-
phique d'ensemble, ellele réduiten réalitéde façon accentuée et injusti-
fiable en cantonnant la zone à considérerdans les limites des prétentions

italiennes.
Pour ce qui est de la circonstance c), il n'est pas du tout évidentque la
validité ou l'équité d'une lign meédiane dépendedu nombre de points de
basequi en déterminentlaconstruction. Quant à lacirconstance b),laCour
n'explique pas ce qu'elle affirme - à savoir, que la <(distance consi-
dérable ))entre les côtes de Malte et de la Libye est ((d'une importance
manifeste ))pour décidersilalignemédianedoitêtredéplacée en faveur de
la Libye,et de combien - sans doute parce qu'en fait la force probante de
cet argument n'est pas démontrable.

Quedire alors de la considérationessentielleinvoquéepar laCour pour
justifier l'ajustement de la ligne médiane, c'est-à-diredu fait que les côtes
de la Libye sont beaucoup plus longues que celles de Malte (circons-
tance a)) ? Il est géométriquementdémontrablee,t d'ailleurs incontestable,
que de longues côtes droitesengendrent un plateau continental plus vaste
que des côtes courtes. Il a toujours ététenu pour évidentque la base d'un
triangle est plus longue que son sommet, et quepar conséquent la surface
adjacente àcettebase estplus étenduequela surface adjacenteau sommet.
Cela est admis par la Libye,par Malte et par la Cour.Et c'estune évidence

qui ressort de toute délimitation effectuée par letracéd'unemédiane.Sien
effet on tireune ligne médianeentre lelittoral courtde Malte (lesommet)
et lelittoralbeaucoup plus long de la Libye(qui, de quelque façon qu'on le détermine,constitue labase), la surface de plateau continental attribuéeà
la Libye représenteplusieurs fois celle qui est réservéeà Malte. Mais ce
résultatne satisfait ni la Libye,ni la Cour. Au lieu de cela,la Couradmet
quoique dans une certaine proportion géographique seulement - I'argu-
ment libyen qui veut que, parce que le littoral de la Libye est si considé-
rable, et celui de Malte si exigu,la Libye bénéficen primed'un avantage
correspondant à cette réalité.Cet avantage est concrétisédans l'arrêtpar
les 6000kilomètres carrésde plateau continental qui sont accordés à la

Libye et qui, sil'ontraçait une ligne médianepure et simple, reviendraient
à Malte. Pourquoi la Cour accorde-t-elle cette prime àla Libye au motif
que sescôtes sont plus longues ? Elleaffirme que cen'estpas en vertu de la
proportionnalité en tant que principe de distribution. Cette dénégationest
la bienvenue, car ilest clairementaffirmédans lajurisprudence de la Cour
et dans les sentences arbitrales internationales, ainsi que dans la doctrine
des Etats et des commentateurs, que, comme le dit fort bien l'arrêt :

<<retenir le rapport entre ces longueurs comme déterminant en lui-
mêmela projection en mer et la superficie du plateau continental qui
relève de chaque Partie, c'est aller bien au-delà d'un recours à la
proportionnalité pour vérifier l'équitédu résultat et corriger une
différencede traitement injustifiéeimputable àune certaineméthode.
Si la proportionnalité pouvait êtreappliquéeainsi, on voit mal quel
rôle toute autre considérationpourrait encorejouer ;en effet la pro-
portionnalité serait alorsà la fois le principe du titre sur le plateau
continental et la méthode permettant demettre ceprincipe en Œuvre.
En tout étatde cause la faiblesse de l'argument estque l'utilisation de

la proportionnalité commevéritable méthodene trouve aucun appui
dans la pratique des Etats ou leurs prises de position publiques, en
particulierà la troisièmeconférencedesNations Unies sur ledroit de
la mer, non plus que dans lajurisprudence. )(Par. 58.)

Mais, silaproportionnalité n'estpas lemotif qui amènelaCour à déplacer
vers le nord la ligne de délimitation, la question reste posée:quel est ce
motif ? A cette question, la Cour ne répond pas franchement. Elle semble
plutôt fonder essentiellement son arrêt sur une intuition,qui la pousse à
accorder une prime à la Libye parce que ses côtes sont tellement plus
longues que celles de Malte.
De plus, ce que la Cour n'expliquepas, ne fût-cequ'indirectement, c'est
la façon dont ellepasse, des circonstances qu'elleconsidèrepertinentes, à
cette ligne particulièreà 18'au nord de la ligne médianeentre Malte et la
Libye. En d'autres termes, la Cour ne fait état d'aucun lien objectif et
vérifiableentre les circonstances qu'elle juge pertinentes et le choix de la

ligne qu'elle juge équitable. Sansdoute est-ce qu'il n'existeaucun lien de
cet ordre. Et la Cour n'essaie mêmepas de démontrer comment ces cir-
constances dites pertinentes dictent l'ampleur de l'ajustement auquel elle
procède.
11estvrai que,commela Cour lefait observer auparavant dans son arrêt, PLATEAU CONTINENTAL (OP. DISS.SCHWEBEL) 184

la limite méridionale des prétentions italiennes est le parallèle 34" 30'.
Mais cette circonstance n'est pas invoquéedans l'arrêt à l'appui du choix
de la mêmelatitude pour tracer la ligne de délimitationentre Malte et la
Libye. Il semble plutôt que ce soit une simple coïncidencesymétrique qui
veuille,non seulement que la ligne de délimitationentre Malte et la Libye
soit arrêtéà l'estetà l'ouestpar lesprétentionsitaliennes,mais aussi que

le tracémêmede cette ligne de délimitationse confonde, ne fût-ce qu'ap-
proximativement, avec la limite méridionale des mêmesprétentions.
Bref, la Courjuge équitablede retenir une ligne pour des motifs qui ne
sont que vaguement exprimés,et dont la pertinence au regard du droit -
sans parler de leur pertinence pour le choix de la ligne - n'est pas expli-
quée,etmoinsencoredémontrée.Quant à lajustification de cette lignepar
les considérations de proportionnalité, je dirai ce qui suit.
Il est douteux que lecritèrede proportionnalitéait un rôle quelconque à
jouer dans une délimitationentre Etats dont les côtes sont dans une pure

relation d'opposition. Or, comme la Cour le ditjustement dans le présent
arrêt, <pour la première fois, c'estbien à une délimitation exclusivement
entre côtes se faisant face que la Cour doit procéder (par. 62). Et,
jusque-la, le critère de proportionnalité n'avait été appliquéqu'à des
situationsoù les Etats intéressés setrouvaient totalement ou partiellement
dans une relation d'adjacence géographiqueet où,en l'absenced'une ligne
tenant compte de la proportionnalité, il risquait d'y avoir amputation du
prolongement du plateau continental d'un de ces Etats.
C'estainsique, dans l'arrêt concernantlesaffaires duPlateau continental
de la mer du Nord, la Cour a déclaré :

<Un dernier élément à prendre en considération est le rapport
raisonnable qu'une délimitation effectuée selondes principes équi-
tables devrait faire apparaître entre l'étenduedu plateau continental
relevant des Etats intéresséset la longueur de leurs côtes ;on mesu-
rerait cescôtes d'aprèsleur direction générale afind'établirl'équilibre
nécessaireentre les Etatsayant descôtesdroites et les Etats ayant des

côtes fortement concaves ou convexes ou afin de ramener des côtes
très irrégulièreà desproportions plus exactes. )>(C.Z.J.Recueil1969,
p. 52, par. 98.)
Et la Cour a préciséque c'étaitaux Etats limitrophes qu'elle songeaiten
citant dans le dispositif de cet arrêt, parmiles facteurs à retenir lors des
négociationsentre les Parties :

((3) Le rapport raisonnable qu'une délimitation opérée conformé-
ment a des principes équitables devrait faire apparaître entre
l'étenduedes zones de plateau continental relevant de 1'Etat
riverain etlalongueur de sonlittoral mesuréesuivantladirection

généralede celui-ci,compte tenu à cettefin des effets actuels ou
éventuels de toute autre délimitation du plateau continental
effectuéeentre Etats limitrophes dans la même région. (Ibid.,
p. 54, par. 101 D.) Ainsi s'exprimait la Cour dans des affaires où elle s'efforçait de mitiger
l'effetd'amputation qu'eût entraîné l'application de l'équidistance stricte
entre Etats adjacents dotés de côtes concaves ou convexes.
CeténoncédelaCouraétéinterprété comme suitpar letribunal arbitra1
chargéde délimiterle plateau continental entre le Royaume-Uni et la
République française :

<<99. En particulier, le tribunal ne pense pas que le critère d'un
degré de proportionnalité raisonnable entre l'étendue de plateau
continental et la longueur des côtes, adoptédans les affaires du Pla-
teaucontinental delamerduNord, soitapplicable dans tous lescas.Au
contraire, l'adoption de ce critère dans ces affaires était due à la
situation géographiqueparticulière de trois Etats dont les territoires
se touchent et qui sont situés sur une côte concave. ))

Dans l'arrêt sur l'affairedu Plateau continental(Tunisie/Jamahiriya
arabe libyenne),la Cour a égalementinvoquélecritèrede proportionnalité
(C. I.J. Recueil 1982,p. 9l), alors que les côtes de la Libyeet de la Tunisie
étaienten grande partie adjacentes, tout en se trouvant aussi à certains
endroits dans une relation d'opposition.
Enfin, dans l'affaire de la Délimitation delafrontièremaritime dans la

régiondu golfe du Maine, la Chambre de la Cour a invoqué des considé-
rations de proportionnalité, liéesauxinégalitésentre leslongueurs de côte
des Parties donnant sur la région à délimiter, en y voyant un facteur
essentiel pour l'ajustement de la ligne de délimitation. Mais elle l'a fait
dans une situation où les Etats-Unis et le Canada se trouvaient à la fois
dans une relation d'adjacence et dans une relation d'opposition, et où une
importance essentielle était donnée à la rectification de la ligne médiane
quisemblait nécessairepour réduirel'effetd'amputation qu'eût entraînéle
tracé non corrigéde la ligne (C.I.J. Recueil 1984, p. 327-328,par. 196,et
p. 334-335, par. 217-220).
Ledistinguéjuristeet conseilqu'estleprofesseurDerek W.Bowett,dans

son ouvrage intitulé The Legal Régimeof Islands in International Law
(1979),conclut, fortjustement selon moi, en interprétant l'arrêt dela Cour
dans les affaires du Plateau continentalde la mer du Nord :
<D'ailleurs il semble que le facteur de proportionnalité ne puisse
être appliqué,ou ne soit significatif, que dans les cas d'Etats limi-

trophes (et non << opposés )))où la présenced'un littoral nettement
concaveou convexeproduirait un effet d'amputation sil'on appliquait
le principe de l'équidistance - c'est-à-dire où il en résulteraitI'attri-
bution àun Etat d'étenduesde plateau qui se trouvent en fait devant
le territoire terrestre d'un autre Etat, et qui en sont le prolonge-
ment. ))(P. 164.)[Traduction du Greffe.]

Or, dans l'affaire actuelle, Malte et la Libye ne sont nullement limi-
trophes ;elles se trouvent dans une relation d'opposition pure ; et une
délimitation par la ligne médianene pouvait produire aucun effet d'am-
putation. C'étaitlà uneraisonmajeurepour nepas vérifierl'équité du résultat- et
surtout pour ne pas motiver l'arrêt - par des considérations de propor-
tionnalité. Une seconde raison est que, vu les faits de l'espèce,il est
pratiquement impossibled'appliquer la proportionnalité d'une façon qui
corresponde réellement à l'extrêmedisparitéentre les longueurs descôtes
de Malte et de la Libye. La Cour croit trouver une proportion de 8 à 1en
faveur de la Libye (voir arrêt,paragraphe 68, où elle dit que d'aprèsses

calculslacôtepertinente de laLibyea 192millesde long,etla côtemaltaise
24 milles)- chiffre à quoi elleparvient en écartant,en grandepartiepour
des motifs extrinsèques tenant aux prétentions italiennes, de vastes por-
tions de la côte libyenne qui font bel et bien faceà certains segments du
littoral maltais (ainsi qu'aux rivagesitaliens et grecs). Or, si l'on tenait
compte de cesportions de côtedans lescalculsdeproportionnalité (comme
ilfaudrait lefairenormalement), la disproportionentre lafaçade maritime
de la Libye et celle de Malte serait si grande que, à supposer que la
proportionnalité soit adoptéecommeméthodede délimitation - procédé

d'ailleurs rejetépar la Cour- Malte ne recevrait peut-êtreaucune étendue
deplateau continental. Mais, mêmesi l'on oublie que la conception de la
proportionnalité exposéedans l'arrêt esf tondée sur des bases géographi-
ques qui - pour cette raison, parmi d'autres - ne résistentpas àl'analyse,
et si l'onaccepte à titre d'hypothèselerapport de 8 à 1retenu parla Cour,
qu'en conclut celle-ci ? Que le rapport entre les longueurs de côte et les
zones de plateau continental que sa solution accorde aux Parties - et qui
semble êtreau plus de l'ordre de 3,8 à 1 en faveur de la Libye - est un
rapport raisonnable. Elle ne dit pas pourquoi un rapport de 8 à 1 est

proportionnellement représentépar un rapport demoins de4 à 1.Ilestvrai
que la Cour ne fait aucun calcul précisde proportionnalité ;elle se con-
tente de regarder les côtes et les surfaces de plateau en question, avant de
conclure en termes générauxs ,ous forme d7(< idée approximative )>,que la
ligne de délimitation indiquéene cause pas de disproportion évidente.
Mais, siellereste aussivague dans sonraisonnement, on peut sedemander
si ce n'est pas parce que les détailsne résisteraientpas à l'analyse.
Dans l'affaire du Golfe du Maine, la Chambre avait ajusté une ligne
médiane afinde réduire uneffet d'amputation, en tenant compte du fait

que la majeure partie des côtes des Parties entourant la masse d'eau
commune appartenait àl'une d'elles seulement. C'estpour cemotif que la
majoritéde la Chambre avaitdécidécetterectification, la seuledivergence
d'opinions portant sur la longueur exactedes côtes des Parties bordant le
golfe du Maine. Mais il n'avait jamais étéquestion de prendre comme
facteur de proportionnalité un chiffre dénuéde rapport avec la longueur
réellede ces côtes, quel qu'en soitle mode de calcul - et moins encore de
jeter un coup d'Œilsur les côtes et les surfaces de plateauà attribuer, puis
de décider simplement qu'il ne semblait pas y avoir de disproportion

évidente.
La démarche de la Cour s'écartetrop de celle qui a étésuivie dans
l'affaire du Golfe du Maine et dans d'autres décisions judiciaires pour
pouvoir emporter la conviction. La Cour affirme dans son arrêtd'au-jourd'hui que l'application de lajustice, dont l'équitéest une émanation,
doit êtremarquéeparla cohérenceetunecertaine prévisibilité ...)Je suis
bien d'accord la-dessus. Je reconnais aussi, commeje l'ai dit dans mon
opinion en l'affaire du Golfedu Maine, qu'cune marge considérable [doit
être] laisséea l'expression d'opinions différentesen ce qui concerne l'ap-
plication de principes équitables aux problèmes de délimitation mari-
time )(C.I.J. Recueil1984,p. 358).Mais a mon avis,la Cour, dans son arrêt
d'auj~urd'hui, dépasseces bornes, pourtant peu restrictives. La Cour a
certes raison de dire que toute ligne médianeest sujette a correction, dès

lors qu'ily a des circonstances spécialesdont il faut tenir compte. Mais je
nepuis admettreque sesallusionsénigmatiquesalalongueur descôtes, àla
distance entre lescôtes, aufaiblenombre despoints de base et au contexte
géographique d'ensemble suffisenta motiver le choix de la ligne de déli-
mitation qu'ellea retenue en l'espèce.Et ces référencestronquées ne sont
pas non plus de nature à créerlesentiment de cohérenceet de prévisibilité
auquel aspirent àjuste titre la Cour elle-mêmeet le monde du droit.

(Signé)Stephen M. SCHWEBEL.

Bilingual Content

DISSENTING OPINION OF JUDGE SCHWEBEL

While 1 am in agreement with many elements of the reasoning of the
Judgment of the Court, 1regret to dissent fromthe Judgment in twocritical
respects. In my view, the delimitation line which it lays down is unduly
truncated to defer to the claims of Italy ; and the line is not a median line
between the opposite coasts of Libya and Malta but a "corrected" median
linewhich, as rendered, is incorrect, that is to Say,is inadequately justified
by the applicable principles of law and equity.

In its Judgment of 21 March 1984on the Application by Italy for Per-
mission to Intervene (ContinentalSheif (LibyanArab Jamahiriya/Malta),
Application toIntervene, I.C.J. Reports 1984, p. 12, para. 17), the Court
quoted the object of Italy's requestedintervention, asstated by Italy, to be
as follows :
"Italy isasking the Court, ...totake into consideration theinterests
of a legal nature which Italy possesses in relation to various areas

claimed by the main Parties, ... and accordingly to provide the two
Parties with everyneedfulindication to ensure that they do not, when
they conclude their delirnitation agreement pursuant to the Court's
judgment, include any areas which, on account of the existence of
rights possessed by Italy,ought to be the subject either of delimitation
between Italy and Malta, or of delimitation between Italy and Libya,
or of a delimitation agreement as between al1three countries."
The Court continued :

"counsel emphasized that Italy is not seeking to intervene solely to
inform the Court of its claims, but so that the Court can give the
Parties al1 the requisite guidance to ensure non-encroachment on
areas over which Italy has rights".

Furthermore, the Court interpreted Italy's request to mean that :

"Italy isrequestingthe Court to pronounce only on what genuinely
appertains to Malta and Libya, and torefrain from allocatingto these
States any areas of continental shelf over which Italy has rights. But
for the Court to be able to carry out such an operation, it must first OPINION DISSIDENTE DE M. SCHWEBEL

[Traduction ]

Bien qu'approuvant sur bien des points le raisonnement suivi dans
l'arrêtde la Cour,je m'en écarte, à mon grand regret, sur deux questions
essentielles. A mon avis, la ligne de délimitation qui y est indiquée est
abusivementtronquée dans lebut deménagerlesprétentionsde l'Itali;et
cette lignen'estpas unelignemédiane entre lescôtesopposéesde la Libye
etde Malte, mais une lignemédiane <corrigée ))qui,en tant que telle,n'est
pas correcte, en ce sens qu'elle n'est pas suffisammentjustifiée par les
principes de droit et d'équité applicables enl'espèce.

LES MÉNAGEMENTS À L'ÉGARD DES PRÉTENTIONS DE L'ITALIE

Dans son arrêtdu 21 mars 1984sur la requête del'Italie à fin d'inter-
ventionenl'affairedu Plateaucontinental(Jamahiriya arabelibyenne/Malte)
(C.Z.J. Recueil1984,p. 12,par. 17),la Cour, reprenant les termes utilisés
par l'Italie, définissait ainsi l'objet de ladite requê:e

L'Italie demande à la Cour, ...de prendre en considération les
intérêts d'ordrejuridiquede l'Italie relatifà des zones revendiquées
par les Parties principales,..et de donner en conséquenceaux deux
Parties toutes indications utiles pour qu'elles n'incluent pas, dans

l'accord de délimitationqu'ellesconcluront en application de l'arrêt
de la Cour,des zones qui,en raison de l'existencede droits de l'Italie,
devraient faire l'objet soit d'une délimitation entre l'Italie et Malte,
soitd'une délimitationentre l'Italieetla Libye,soitlecaséchéantd'un
accord de délimitation entre les trois pays.

La Cour poursuivait

les conseils de l'Italie ont soulignéquecelle-ci ne demandait pas à
intervenir seulementpour informer la Cour de ses prétentions,mais
afin que la Cour donne aux Parties toutesindications utilespour que
celles-civeillenà ne pas empiétersurleszonessur lesquellesl'Italie a
des droits )).

De plus, la Cour interprétait ainsi la requêtede l'Italie :

L'Italie demande àla Cour de ne statuer que sur ce qui relève
vraiment de Malte et dela Libyeet de s'abstenir d'attribuerà cesEtats
des zones de plateau continental sur lesquelles l'Italie a des droits.
Mais pour que la Cour puisse procéder à l'opération ainsi définie,il determinethe areas overwhich Italy has rights and those overwhichit
has none. Asregardsthefirst areas, once they are identified,the Court
will be able to refrain from declaring that they appertain either to
Libya or to Malta. As regards the second areas the Court will then be

able to carry out the operation requested by the Special Agreement
between Malta and Libya. Thus in a decision givenby the Court after
Italy had been admitted to intervene and assert its rights, thejuxta-
position between, on the one hand, the areas involved in the Court's
operation under the Special Agreement and, on the other hand, the
areas in regard to which the Court would refrain from carrying out
such an operation, would be tantamount to the Court's having made
findings,firstas to the existenceof Italian rights overcertain areas, ...
and secondlyasto theabsence ofsuch Italian rights in other areas. .. "
(I.C.J. Reports 1984, pp. 19-20,para. 30.)

Having regard to the aforesaid stated, and to what it saw as the actual,
objects of Italy's request to intervene, the Court denied the request.
Nevertheless, in today'sJudgment, the Court virtually grants to Italywhat
Italy would have achieved if its request to intervenehad been granted and,
oncegranted, if Italy had established to the Court's satisfaction "the areas

overwhich Italyhas rights and those overwhich it has none". TheCourt -
while distinguishing between Italian claims and Italian rights - acknow-
ledges this result when it States that :
"The Court, having been informed of Italy's claims, and having
refused to permit that State to protect its interests through the pro-

cedure of intervention, thus ensures Italy the protection it sought."
(Para. 21 .)
That result seems to me to be inappropriate if not irregular.
As 1 stated in my dissenting opinion, to the Court's Judgment of
21 March 1984(p. 135,para. 12), the Court could :

"limit the scope of its judgment by refraining from indicating the
practical application of principles of delimitation to those areas of
continental shelf which Italy claims, holding that, as to these areas,
delimitationmust followfrom negotiation or adjudication between or
among Italy, Malta and Libya. Such ajudgment might satisfy Italy,
,
but would it not constitute a measure of endorsement by the Court of
Italy's claimswithout troubling Italy either to justify those claims or
to place them at stake in the current proceedings between the prin-
cipal Parties ? Indeed, such ajudgment would in effect acknowledge
that Italy 'has an interest of a legal nature which may be affected by
the decision in the case' wereit not for that element of the decision
which exempts fromits reach the areas which are the object of Italian
claims.Thus the more reasonable approach - giventhefact that these
areas are already in issue between the principal Parties - would be to
grant Italy's request to intervene and oblige it to defend its claims.

That would dojustice not only to Italy but to Malta and Libya, which faudrait qu'elle détermine en premier lieu les zones sur lesquelles
l'Italieadesdroits et cellessur lesquellesellen'enapas. S'agissantdes
premières, une fois celles-ci identifiées, la Cour pourrait s'abstenir
de déclarer que ces zones relèvent soit de la Libye, soit de Malte.
S'agissantdessecondes,la Courpourrait alorsprocéder à l'opération
que le compromis entre Malte et la Libye lui demande d'effectuer.
Ainsi, dans la décisionque rendrait la Cour après avoir autorisé
l'Italieà intervenir et à faire valoir ses droits, la juxtaposition des

zones à propos desquellesla Coureffectueraitl'opération que lecom-
promis lui confie et des zones à l'égard desquellesla Cour s'abstien-
'drait deprocéder à cetteopération ferait apparaître quela Couraurait
statué, d'une part, surl'existencede droitsitaliens sur certaines zones
...et, d'autre part, sur l'absence de droits italiens dans d'autres
zones ..))(C.I.J. Recueil 1984, p. 19-20,par. 30.)

La Cour,considérantl'objetde larequêteitaliennetel qu'indiqué plushaut
et tel qu'ellelecomprenait en fait, a rejetécetterequête.Or,dans son arrêt
d'aujourd'hui, elle accorde pratiquement à l'Italie ce que cet Etat aurait
obtenu si sa requête à fin d'intervention avait été acceptéees ti, une fois
autorisé à intervenir, il avait établàla satisfaction de la Cour ((les zones
sur lesquelles l'Italie a des droits et celles sur lesquelles elle n'en a po.
C'estcequel'arrêt - tout enfaisant unedistinction entre lesprétentions de

l'Italie et ses droits reconnaît en disant :
La Cour, ayant été informée des prétentions de l'Italie, et ayant
refusé d'autorisercet Etat à protégerses intérêts par la voie de l'in-
tervention, accordeainsi à l'Italie la protection qu'ellerecherchait.))
(Par. 21.)

Cette conclusion me paraît mal adaptée à la situation, sinon irrégulière.
Commeje ledisais dans l'opinion dissidente quej'aijointe à l'arrêt dela
Cour du 21 mars 1984(p. 135,par. 12)la Cour pouvait :

limiter la portée de son arrêten s'abstenant d'indiquer la façon
d'appliquer en pratique les principes de délimitation aux zones de
plateau continental revendiquées par l'Italie, motif pris de ce que,
pour ces zones, la délimitation devrait résulter de négociationsou
d'une décision rendue entre l'Italie, Malte et la Libye. Un tel arrêt

donnerait peut-êtresatisfaction àl'Italie;maisne serait-cepas recon-
naître dans une certaine mesure les prétentions de l'Italie sans que
celle-ciait euniàlesjustifier niàlesmettreenjeu dans laprocédureen
cours entre lesPartiesprincipales ? Ceseraitd'ailleurs là admettreque
dans ce différend ((un intérêt d'ordre juridiqueest pour [l'Italie]en
cause O,n'étaitcet élémentdela décision qui soustrairait de sa portée
leszones revendiquéespar l'Italie.Ainsi l'attitude laplus raisonnable
- étant donnéque ces zones sont déjàmises enjeu entre les Parties
principales - serait d'accéder à la demande d'intervention de l'Italie

et d'obliger celle-cà défendreses prétentions. Ce serait fairejustice
nonseulement à l'Italie, maiàMalteet à la Libye,qui,sinon,risquent otherwise could find that thejudgment they seek has been truncated
to accommodate claims which they would have forgone the oppor-
tunity to refute."

For the reasons stated in that opinion, 1 remain convinced that the

Court's decision to deny Italy's request to intervene was in error. 1 am
confirmed in that conclusion by the terms of today's Judgment. For my
part, 1 do not believe that the error of the earlier Judgment should be
corrected by accordingItaly al1that it sought to achieve had its request to
intervene been granted and had Italy then made out its claims - and this
without even giving those claims (and the viewsof Malta and Libya upon
them) a hearing.
How does the Court justify arriving at so improbable a conclusion ?
First, the Court observes that the terms of the Special Agreement pro-
vide that the Court shall decide questions of thedelimitation of the area of
the continental shelf "which appertains" to Malta and the area of conti-
nental shelf "which appertains" to Libya. It concludes that the Court

accordingly lacksjurisdiction to pass upon an area where claims of a third
State exist. This is a possible, even plausible, construction of the meaning
of the SpecialAgreement between Malta and Libya. But it is not the only
possible and plausible construction nor is it necessarily the correct con-
struction. The Special Agreement does not speak of areas which exclu-
sively appertain to a Party. More than that, as the Court itself acknow-
ledged in its Judgment of 21 March 1984 :

"The future judgment will not merely be limited in its effects by
Article 59 of the Statute :it will be expressed, upon its face, to be
without prejudice to the rights and titles of third States. Under a
Special Agreement concerning only the rights of the Parties, 'the
Court has to determine which of the Parties has produced the more

convincing proof of title'(Minquiersand Ecrehos,I.C.J.Reports1953,
p. 52), and not to decide in the absolute ; similarly the Court will, so
faras it may find it necessary to do so,makeit clear that it isdeciding
only between the competing claims of Libya and Malta." (I.C.J.
Reports 1984, pp. 26-27, para. 43.)

That is to Say, the Court could - if this approach of its Judgment of
21 March 1984wereto be followed - not treat itself asdebarred by Italian
claimsbut rather givejudgment in areas subject to those claims aslong asit
were "not to decide in the absolute".
That this interpretation of the scope ofjunsdiction afforded the Court
by the Special Agreement is the better interpretation is indicated by the

fact that both Libya and Malta espoused it. Where one party to a special
agreement disputes with another about the extent of thejurisdiction that
the agreement confers upon the Court, it falls to the Court to settle the
matter, under Article 36,paragraph 6, of its Statute. But where, as in this
case, both the Parties to the Special Agreement essentially agree on the PLATEAU CONTINENTAL (OP.DISS.SCHWEBEL) 174

de penser que l'arrêt sollicitpar elles a été tronquéen réponse à des
revendications qu'elles n'auront pas réfutées à temps.

Pour lesraisonsindiquéesdans cetteopinion, je demeureconvaincu que

la décisionde la Cour de rejeter la demande d'intervention de l'Italie était
une erreur. Je suis confirme dans cette conclusion par les termes de l'arrêt
d'aujourd'hui. Maisje ne pense pas qu'ilconvenait de corriger l'erreur de
l'arrêtprécédenten accordant àl'Italietout cequ'elleeût tentéd'obtenirsi,
sa demande d'intervention ayant étéacceptée, elleavait pu présentersa
cause - etcelasansmêmeentendre sesarguments(ni ceuxde Malte etdela
Libye à ce sujet).
Comment la Cour justifie-t-elle une conclusion aussi surprenante?
Premièrement,elleconstate que,aux termes du compromis, elleestpriée

dedire quelle est lazone de plateau continental <<relevant de Malte et la
zone de plateau continental relevant )) de la Libye, d'où elle conclut
qu'elle n'apas compétencepourstatuer surleszones surlesquelleslesEtats
tiers ont des prétentions.C'est là une interprétation possible, voire plau-
sible, du compromis entre Malte et la Libye. Mais ce n'est pas sa seule
interprétation possible et plausible ni même nécessairemens ton interpré-
tation correcte. Le compromis ne parle pas des zones relevant exclusive-
ment desParties. Surtout, commela Cour l'avait elle-mêma edmis dans son
arrêt du21mars 1984 :

L'arrêtfutur ne sera pas seulement limitédans ses effets par
l'article59du Statut ;ilseraexprimésanspréjudicedesdroits et titres
d'Etats tiers. Saisiepar un compromis qui ne porte que sur les droits
desParties, <(la Cour doit rechercher laquelle des Parties a produit la
preuve la plus convaincante d'un titre ))(affaire des Minquiers et
Ecréhous,C.I.J. Recueil1953,p. 52),et non passtatuer dans l'absolu ;
la Cour préciserade même,et pour autant qu'elle l'estimera néces-

saire, qu'elle seprononce uniquement sur les prétentionsrivalesde la
Libye et de Malte. ))(C.I.J. Recueil 1984, p. 26-27, par. 43.)

La Cour pouvait donc - en suivant le mêmeraisonnement que dans son
arrêtdu 21 mars 1984 - se dire compétente malgré lesprétentions de
l'Italieà condition de ne <<pas statuer dans l'absolu ))à l'égarddes zones
sur lesquelles portent ces prétentions.
Le fait que c'est là la meilleure interprétation de la compétence confé-

rée à la Cour par le compromis est confirmépar l'adhésionque lui ont
donnéeet Malte et la Libye. Si en effet l'une des parties à un compromis
s'oppose à l'autreàpropos des limitesdelacompétenceattribuée à laCour,
il appartientà celle-cide trancher envertu de l'article36,paragraphe 6,de
son Statut. Mais lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, lesdeux parties
sont fondamentalement d'accord sur le degréde compétenceque le com- measure of jurisdiction that it affords to the Court, then the Court, in
determining whether it hasjurisdiction, shalltake into account, as Article
31, paragraph 3, of the Vienna Convention on the Law of Treaties pro-
vides, "any subsequentagreement between the parties regarding the inter-
pretation of the treaty or the application of its provisions...". But in fact
the Court has treated the views of the Parties on this question as of no
account, despite its acknowledging that, "The Parties agree . . in con-
tending that theCourt shouldnot feelinhibitedfromextendingits decision
to al1areas which, independently of third party claims, are claimed by the
Partiesto this case. .."(Judgment,para. 20),and that "the Parties have in
effect invited the Court ... not to lirnit itsjudgment to the area in which
theirsarethe solecompeting claims .. .(para. 21).And in law, theCourt's
construing its jurisdiction so narrowly as to defer absolutely to Italy's
claimsrunscounter towhat it described,in itsJudgment of21 March 1984,
as "its duty, to givethe fullest decision it may in the circumstances of each
case. .."(1.C.J.Reports1984,p. 25,para. 40),andits recognitionintoday's
Judgment that theCourt "must exercise" thejurisdiction conferredupon it
by the Parties "to its full extent" (para. 19).

The second justification which the Court advances for its conclusion
that it may not pass upon areas to which Italy had laid claim is that this
conclusion was foreshadowed by the terms of its Judgment of 21 March
1984 rejecting Italy's Application to Intervene. The Court quotes, in
paragraph 21 of today's Judgment, passages of its Judgment of 21 March
1984which can be sointerpreted. But those very passages follow directly
upon theCourt's recalling that it need "not to decideinthe absolute". They
can as easily be cited to support a conclusioncontrary to that which the
Court now advances, namely, a judgment which, whle extending into
areas to whch Italy lays claim, is, by reason of being reached in Italy's
absence, "subject to more caveats and reservations in favour of third
States, than it rnightothenvise havebeen had Italy been present ..." (I.C.J.
Reports 1984, p. 27, para. 43.)

The two foregoingreasons are the only reasons which the Court finds
itself able positively to proffer in favour of its conclusion that it must
"confine itself to areas where no claims by a third State exist" (Judgment,
para. 22). But the Court also seeks to respond to a criticism of its con-
clusion.That criticismis that, for the Court to conclude that itsjurisdiction
to decide between two States is ousted to the extent of theclaims of a third
is a dangerous conclusion, for it appears to place in the hands of a third
State,not party to theproceedings,the authorityto delimitthejurisdiction
of the Court,and this despite the terms of Article 36,paragraph 6, of the
Court's Statute, and despite the Parties' contentions as to the scope of the
jurisdiction with whch they have jointly endowed the Court. Indeed, to
accordthis power toa third party risks oustingthejurisdiction of the Court
in a case altogether, if that third party were to make claims sufficiently
ambitious. The Court endeavours to meet this criticism by saying that
Italy'sclaimsin this caseare not that ambitious, and that is true. It goeson PLATEAU CONTINENTAL (OP.DISS.SCHWEBEL) 175

promis confère à la Cour, celle-cidoit, pour décidersielleest compétente,
tenir compte << de tout accord ultérieur intervenu entre lesparties au sujet

de l'interprétation du traitéou de l'application de ses dispositions ..))
(convention de Vienne surle droit des traités,art. 31,par. 3). Or,en fait, la
Cour n'a tenu aucun comptedes vues des Parties sur la question, tout en
admettant que (lesParties conviennent que la Cour ne dwait pas hésiter
àétendresa décision à toutes les zones qui, indépendamment des préten-
tions d'Etats tiers, sont revendiquéespar les Parties àla présenteespèce ))
(arrêt,par.20) et que <(sans doute les Parties ont ...en fait invité laCour

à ne pas limiter son arrêt à la régionoù elles sont seules en présence
(par. 21). Et, en droit, l'interprétation très troitede sa propre compétence
qu'adopte laCourpour préservertotalement lesprétentionsde l'Italieva à
l'encontre de ce qu'elleappelait, dans son arrêtdu 21 mars 1984, <(l'obli-
gation de seprononcer aussi complètement que possible dans les circons-
tances de chaque espèce ...)(C.I.J. Recueil 1984,p. 25, par. 40), ainsi que
du passage de l'arrêtd'aujourd'hui où ellereconnaît qu'elle ((doit exercer

toute [la]compétence ))à elle conféréepar les Parties (par. 19).

Le second motif qu'invoque la Cour pour conclure qu'elle nepeut pas
statuer sur leszones où l'Italiea fait connaître sesprétentionsest que cette
conclusion étaitpréfiguréepar les termes de l'arrêtdu 21 mars 1984,par
lequel elle a rejeté larequête à fin d'intervention de cet Etat. La Cour, au
paragraphe 21 de sa décision d'aujourd'hui,cite des passages de cet arrêt

qui peuvent êtreinterprétésdans ce sens. Mais ces passages de l'arrêt
faisaient directement suite à celui où la Cour avait rappeléson obligation
de ne <passtatuerdans l'absolu >)Et on pourrait tout aussi bien lesciter à
l'appui d'une conclusion inverse de celle qu'adopte maintenant la Cour,
c'est-à-direenfaveur d'un arrêt qui,touten s'étendantauxzones viséespar
les prétentions italiennes, aurait été,du fait de l'absence de l'Italieà
l'instance, assorti de <plus de restrictions et de réservesen faveur d'Etats

tiers que ce n'eût étéle cas si l'Italie avait étéprésente...))(C.I.J. Recueil
1984, p. 27, par. 43).
Lesdeux raisons dontje viens de parler sont les seulesjustifications que
la Cour croit pouvoir avancer explicitement avant de conclure qu'elle
s'en tiendra aux étendues surlesquellesaucun Etat tiers n'a formuléde
revendication )) (arrêt,par. 22). Mais la Cour s'efforce égalementde
répondre à une critique que soulèvesa conclusion. Cette critique est que, si

la Cour conclut que l'étenduede sa compétencepour statuer entre deux
Etats estfonction desprétentions d'unEtat tiers,on peut craindreque ledit
Etat tiers, non partie à l'instance, se voie ainsiattribuer le droit de limiter
la compétencede la Cour, et cela malgré les termesde l'article 36, para-
graphe 6,du Statut, etmalgrélespositions desparties quant à l'étenduede
la compétencequ'ellesont conjointement conférée à la Cour. Accorder ce
pouvoir à une tierce partie pourrait en effet déposséderla Cour de toute

compétence, au casoù cette tierce partie formulerait des revendications
suffisamment ambitieuses.A cette critique, la Cour s'efforcede répondre
endisant quelesprétentionsdel'Italieen l'espècene sont pas ambitieuses àto Saythat neither of the PartiescharacterizedItaly's claims as "obviously
unreasonable" (para. 23).

The Court concludes that "the probability" of the Court's judgment
being restricted in scope because of Italy's claimsdid not persuade Malta
and Libya to abandon their negative approach to Italy's application to
intervene (ibid.).It indeed reiterates that, in opposing Italy's application,
the two countries had shown their preference for a limitation in the scope
of thejudgment whch the Court was to give.
In my view,these arguments are unpersuasive. In the first place, neither
Libya nor Malta has everexpressed orindicated such apreference ; in fact,
theyare on record to the contrary. In the second place, itishard to seehow,
at the time Libya and Malta opposed Italy's request, they could have
known of the "probability" of the restricted scope of ajudgment on the
merits which had yet to be written ;indeed, at that time, even the Court's
Judgment of 21 March 1984on Italy's intervention had not been written.
In the third place, if Libya and Malta were to be charged with such
forecasting, the mostplausible basis of it would have been the Judgment of
the Court in the case concerning the Continental Shelf (Tunisia/Libyan

Arab Jamahiriya) (I.C.J. Reports 1982, pp. 93, 94). There the Court des-
cribed an area relevant to the delimitation, "the rights of third States
being reserved". It provided that "the extension" of the line it indicated
"northeastwards is a matter falling outside thejurisdiction of the Court in
the present case, as it will depend on the delimitation to be agreed with
third States". But the map it provides in its Judgment (at p. 90) is not
delimited by the line of claims of a third State (in that case, evidently the
claims of Malta). On the contrary, "the rights of third States being
reserved", the line ends with an arrow pointed in Malta's direction. Why
should Malta and Libya have expected any less with respect to Italian
claims ? Indeed, as noted above, in its Judgment of 21 March 1984,the
Court declared that it is "its duty, to give the fullest decision it may in the
circumstances of each case" unless the legal interests of the third State
formthe very subject-matter of the decision, "which is not the case here"
(I.C.J. Reports 1984,p. 25,para. 40).The Court there further declared that,
in this case,in respect of Italy's claims,it should proceed "in the same way
as was done for example in the Judgment of 24 February 1982"between

Libya and Tunisia. Butin fact the Court now does not proceed in the same
way ; rather than indicating the direction of the line with an arrow, it
simply cuts off the line at the limit of Italian claims.

It may be added that, while it is quite true that, in the current case,
neither Malta nor Libya have characterized Italy's claims as "obviously
unreasonable", ifItalyhad adopted therationaleforthe claimsmadein the
current caseby Libya against Malta, and if the Court had treated Libya's
rationale for its claims in thecurrent case as reasonable, then application
of the Court's jurisdictional approach in this case apparently might well
have sufficed to oust the Court's jurisdiction entirely for, while Italy's
claims do leave substantial areas of continental shelf to Malta, Libya'scepoint, cequiest vrai.Aquoi elleajoute qu'aucune desParties n'a qualifié
les prétentions italiennes de <<manifestement déraisonnables (par. 23).

La Cour conclut aussi quela limitation <(vraisemblable >)dela portéede
l'arrêt enraisondesprétentions italiennesn'apasconduit Malte et la Libye
à se départir deleur attitude négative à l'égardde la demande d'interven-
tion de l'Italie(ibid.).Ellerépètemêmeque cesdeux Etats, en émettantun
avis défavorable àla demande italienne, ont marquéleur préférencepour
un contenu limitéde l'arrêtpar eux demandé àla Cour.
A mon avis, ces arguments ne sontpas convaincants. Premièrement, ni
la Libye ni Malte n'ont jamais expriméouindiquéunetellepréférence ;et

même,elles ont officiellement dit lecontraire. Deuxièmement, on voit mal
comment la Libye et Malte, au moment où elles se sont opposées à la
requêtede l'Italie, pouvaient avoir connaissance de la limitation <vrai-
semblable >)de la portée de l'arrêtde la Cour sur le fond, qui restait à
rédiger ; àcemoment-là, mêmel'arrêtdu 21mars 1984,relatif àla requête
à fin d'intervention de l'Italie, n'étaitpas écrit.Troisièmement,sil'on veut
prêter à la Libye et à Malte une telle prévoyance,celle-ci ne pouvait
mieux s'inspirer que de l'arrêtrendu dans l'affaire du Plateau continental

(Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne)(C.Z.J.Recueil 1982, p. 93-94), où la
Cour décrivaitlarégion à considérerpour ladélimitation enréservant <les
droits des Etats tiersO,et où elleprécisaitque <la longueur de la ligne de
délimitation vers le nord-est est une question qui n'entre pas dans la
compétencede la Cour en l'espèce,étantdonnéqu'elledépendrade déli-
mitations àconvenir avec des Etats tiers >)Cependant la cartejointe à cet
arrêt(p. 90)n'était pas bornée par lesprétentions desEtats tiers (Malte,en
l'occurrence) : au contraire, <les droits des Etats tiers étantréservésn,la
ligne se terminait par une flèche dirigée versMalte. Pourquoi Malte et la

Libyen'en auraient-ellespasattendu autant pour cequi est desprétentions
italiennes ?D'ailleurs la Cour, commeje le rappelais plus haut, avait dit
dans son arrêtdu 21 mars 1984qu'elle avait <l'obligation de se pronon-
cer aussi complètement que possible dans les circonstances de chaque
espèce >)sauf dans l'hypothèseoù les intérêtjs uridiques de l'Etat tiers for-
maient l'objet mêmede la décision,<< ce qui n'est pas le cas ic>>(C.Z.J.
Recueil1984,p. 25,par. 40). Et elleajoutait que, à l'égarddes prétentions
de l'Italie, elleentendait procéder(commecelaa étéfaitpar exempledans

l'arrêtdu 24 février1982 )entre la Libye et la Tunisie. Or, en réalité,la
Cour neprocèdepasaujourd'hui delamêmemanière :au lieud'indiquer la
direction de la lignepar une flèche,elleinterrompt simplementla ligne à la
limite des prétentions italiennes.
J'ajouterai que, s'ilest vrai qu'en l'espèceles revendications de l'Italie
n'ont pas été qualifiéesde ((manifestement déraisonnables )par Malte et
par la Libye, il n'en reste pas moins que, au cas où l'Italie aurait adopté
pour ses prétentions la logique de la thèsedéfenduepar la Libye contre

Malte et où la Cour aurait jugé cettelogique raisonnable, la conception
retenue icipar la Cour de sacompétenceauraitfort bien suffi àsupprimer
complètement cette compétence : alors en effet que les prétentions ita-
liennes laissentà Malte une superficie appréciabledu plateau continental, 177
CONTINENTAL SHELF (DISS. OP. SCHWEBEL)

claims do not. That is to say, in the current case, if Italy had made out
arguments similar to Libya's and said that, in view of its very extensive
coasts not only north but northeast and northwest of Malta, and Malta's
veryminor coasts, Italy'sshelfby application of proportionality tolengths
of coastlines and shelf areas enclaves that of Malta, which is confined to a
narrow arearound its shores, would the Court have concluded that it had
no jurisdiction to givejudgment as between Malta and Libya ? Both the
Court'sjustifications of today'sJudgment and the extent of Libya's claims
in the current case suggest that such a result cannot be disrnissed as
unimaginable. It may not be foreclosed simply by asserting that the Court

will defer to reasonable but not unreasonable claims of third parties.

If precedent is to be taken into account, there may further be cited the
delimitation agreement between Italy and Tunisia, which extends a line
into areas claimed by Malta (see MapNo. 1to today'sJudgment). Should
Italy enjoy an immunity it has not extended to Malta ?

In sum, 1have serious doubt about the Court's Judgment deferring so

absolutely to Italy's claimsfor these reasons :

- it is an unhappy precedent, of questionable consistency with the
Court's Statute, to appear to place in the hands of a third party the
determination of the extent of the Court's jurisdiction which two other

Parties to a case have conferred upon the Court ;
- this result does not comport with the interpretation of their Special
Agreement whichboth Parties to itmaintain, and it does not comport with
the Court's asserted duty to give the fullest decision it may in the circum-
stances of the case ;
- given the fact that the Court, however erroneously, rejected Italy's
request to intervene, a Judgment which givesItaly as much as it sought to
achieve by being accorded permission to intervene is, on its face, im-
plausible ;
- this result does not appear to followtheprecedent set by the Court in
its Judgment of 1982between Libya and Tunisia.

Abetter course, in myview,would have been to indicate aline - dashed
or otherwise distinguished from the line dividing areas not subject to
claims of a third State - or, at least, the directions of a line shown by
arrows at each end, running into the areas of Italy's claims, east and West,
whilecoupling that indication with full reservation of any rights of Italy or

any other third State in these areas.

The facts of geography do manifest obvious Italian claims, and, in some
of the areas in question, there may beother third State claims aswell.What
is critical are not claims but the facts of geography. Those facts must ce n'est pas le cas des prétentions libyennes. En d'autres termes, si en la
présenteespècel'Italie avait adoptéune position semblable à celle de la
Libye et déclaréqu'en raison de sa très longue façade côtière,non seule-
ment au nord mais aussi au nord-est et au nord-ouest de Malte, et de la
façade côtière très réduitede Malte, l'application du critère de propor-
tionnalité aux longueurs de côte et aux zones de plateau faisait que le
plateau de Malte se trouvait enclavédans celui de l'Italie et réduità une
étroitezone littorale, la Cour aurait-elle conclu qu'elle n'avait pas com-

pétencepour statuer sur le différendentre Malte et la Libye ? Les motifs
quedonne la Cour à sonprésent arrêt, et l'étendudees revendications de la
Libye en l'espèce,ne permettent pas d'écarter un tel résultat comme
inimaginable.On nepeut en tout cas l'écarteren se contentant de dire que
la Cour est prête à considérer les prétentions raisonnables des tierces
parties, mais non pas leurs prétentions déraisonnables.
S'il faut tenir compte des précédents,on peut citer aussi l'accord de
délimitationentre l'Italie et la Tunisie, où la ligne s'étenddans certaines
zones revendiquéespar Malte (voir la carte no 1jointe au présent arrêt).
Pourquoi l'Italie bénéficierait-t-elle d'uniemmunitédont lebénéfice n'est
pas étendu à Malte ?

Pour résumer,le souci de la Cour de ménagerde manièreaussi absolue
les prétentions de l'Italie m'inspire de graves réserves,pour les raisons
suivantes :
- c'est créerun précédentmalheureux, peut-être incompatibleavec le

Statut de la Cour, que de paraître abandonner à une tierce partie la
possibilitéde déterminer lacompétenceque deux Etats parties à l'instance
ont conférée à la Cour ;
- ce résultatn'est pas conforme à l'interprétationque donnent de leur
compromis lesdeux Parties, ni avecl'obligation que sedonne la Courde se
prononcer aussi complètement que possible dans les circonstances de
l'espèce ;
- la Cour ayant, bien qu'à tort, refuséd'admettre la demande d'inter-
vention de l'Italie, ne peut, en bonne logique, rendre un arrêt accordantà
cet Etat tout ce qu'il aurait obtenu s'il avait étéautoriséà intervenir ;

- cerésultatne semblepas en accord avecleprécédentcrép éar l'arrêtde
1982dans l'affaire Tunisie/Libye.
Une meilleure solution, selon moi, eût étéd'indiquer une ligne - dis-
tinguéepar unpointilléoupar tout autre moyen de la lignede délimitation
des zones libres de toute prétention d'Etats tiers - ou, tout au moins,

indiquer par une flèche à chaque extrémitéla direction d'une ligne se
prolongeant dans les zones revendiquéespar l'Italie, à l'estetà l'ouest,en
accompagnant cette indication d'une réserveformelle quant aux droitsde
cet Etat ou de tout autre Etat dans ces secteurs.
Les faits géographiquesmontrent en effet de manière évidentel'exis-
tence de prétentionsitaliennes, et, dans certains des secteurs en question,
de prétentionséventuellesde la part d'autres Etats tiers. Ce sont ces faits operate in favour of Malta and Libya as well as Italy and, as appropriate,
in favour of other States, to the extent that the facts exist. Geography
demonstrates that colourable claims in the areas, or some of the areas, to
whch Italy lays claim may be made not only by Italy, a conclusion whch
the Court's Judgment accepts. In particular, any implication that Malta
faces only that portion of the Coastof Libya that lies between Ras Ajdir
and Ras Zarruq, and does not face a portion of Cyrenaica including
Benghazi, is obviously groundless, as a glance at the map shows.

A virtue of this better course - inaddition to doingjustice to Libya and
Malta and givingfull effect to thejurisdiction conferred upon the Court by
their Special Agreement - would have been that, while Italy's claims

would of course remain, Italy would know with which other claimant to
negotiate or adjudicate them. This is not to Saythat such a course would
have resulted in no effect whatsoever upon Italy'sposition ; its interests in
some measure would be practically, as well as legally, affected, even by
such a relative and provisional delimitation between Malta and Libya
running into areas of its claims. That iswhy the Court's rejection of Italy's
Application to Interveneremains soregrettable,a rejection with which the
Court rather than Malta and Libya must be charged. At the same time, 1
recognizethat today'sJudgment in apractical sense does serveto mitigate
the error of rejection of Italy's intervention. While insufficient, that per-
haps is the Judgment's best defence, even if it is a defencethe Court omits
to make.

While there is much in the succeeding sections of the Court's Judgment
with which 1 agree, 1cannot subscribe either to the line of delimitation
whichthe Courthas selectedor to suchreasons insupport ofit asthe Court
offers.
The Court begins by drawinga median line between the opposite coasts
of Malta and Libya. In thissituation of purely opposite States, that clearly
isthecorrect point ofdeparture - ifonethat issubjecttocorrection. Asthe
Court held in thecasesof theNorth Sea ContinentalShelf(Judgment,I.C.J.
Reports 1969, p. 36, para. 57) :

"The continental shelf area off, and dividing, opposite States, can
be claimed by each of them to be a natural prolongation of its terri-
tory.Theseprolongations meet and overlap, and can therefore onlybe
delimited by means of a median line ;and, ignoring the presence of
islets, rocks and minor coastal projections, the disproportionally dis- PLATEAU CONTINENTAL (OP.DISS.SCHWEBEL) 178

géographiquesqui sont l'essentiel, et non paslesprétentionsémises.Et ces
faits doivent jouer en faveur de Malte et de la Libye aussi bien que de
l'Italie- et aussi, s'ily a lieu, en faveur d'autres Etats, dans la mesure où
existent de telsfaits. Or lagéographiemontre que l'Italien'estpas la seule à
pouvoir émettre desprétentionsdans leszones qu'elle revendique,ou dans

certaines de ces zones, conclusion que la Cour fait sienne dans son arrêt.
En particulier, laisser entendre que Malte fait seulement face à la partie
de la côte libyenne situéeentre Ras Ajdir et Ras Zarrouk, et non à une
portion de la côte de Cyrénaïque comprenantBenghazi,est manifestement
sans fondement, comme un simple coup d'Œil à la carte permet de le
constater.
Cette solution - outre qu'elleeût rendu justice àla Libye et à Malte, et
qu'elleeût donnétout son effet à la compétence conférée à la Cour par le
compromis conclu entre ces deux Etats - aurait eu pour avantage, les

prétentions italiennes restant naturellement ce qu'elles sont, que l'Italie
aurait su avec quelle autre partie négocierou rechercher une décision
judiciaire. Ce n'est pas à dire que la position de l'Italie n'en aurait été
affectéeen rien :ses intérêts auraientétémis en cause dans une certaine
mesure, pratiquement etjuridiquement, par une délimitationmême aussi
relative et provisoire entre Malte et la Libye, mais s'étendant dans les
secteurs sur lesquels portent ses prétentions. C'est pourquoi le refus de la
Courd'admettre la demande d'intervention de l'Italie - refus dont la Cour
est responsable, plus que Malte et la Libye - demeure siregrettable. D'un

autre côté,je reconnais que, pratiquement parlant, l'arrêtd'aujourd'hui
permet d'atténuerl'erreur que fut lerejet de la demande d'intervention de
l'Italie. Aussiinsuffisant qu'ilsoit, c'estpeut-êtrele meilleur argument en
faveur de cet arrêt,mêmesi la Cour s'abstient d'enfaire état.

Sij'approuve nombre des sections suivantes de l'arrêtj,e ne puis cepen-

dant merallier ni àlalignede délimitationchoisieparla Cour ni auxmotifs
invoquéspar elle à l'appui de cette ligne.

La Cour commence par tirer une lignemédianeentre lesrivagesopposés
de Malteet dela Libye.Dans une tellesituation, qui met enjeu descôtesen
pure relation d'opposition, c'est évidemmentle point de départcorrect -
encore que susceptible de rectification. Comme l'a dit la Cour dans son
arrêt surlePlateaucontinentaldelamerduNord(C.I.J. Recueil1969,p. 36,
par. 57) :

<En effet les zones de plateau continental se trouvant au large
d'Etats dont les côtes se font face et séparantces Etats peuvent être
réclaméespar chacun d'eux à titre de prolongement naturel de son
territoire. Ces zones se rencontrent, se chevauchent et ne peuvent
donc êtredélimitéesque par une ligne médiane ;si l'on ne tient pas 179 CONTINENTAL SHELF (DISS.OP.SCHWEBEL)

torting effect of which can be eliminated by other means, such a line
must effect an equal division of the particular area involved."

More recently, in respect of those segments of the coasts of Massachu-
settsand Nova Scotia which are opposite each other, the Chamber of the
Court in the Gulfof Maine case - after holding, as does the Court in the
current case, that the equidistance method is not a mandatory rule of
customary international law - took as its "starting point" the equal divi-
sion of the convergent and overlappingmaritime projections of the coast-
linesof theStatesconcerned in thedelimitation, "a criterion whichneed be
only stated to be seen as intrinsically equitable" (Delimitationof theMari-
time Boundaty in the Gulf of Maine Area, Judgment, I.C.J. Reports1984,
p. 328, para. 197). The Chamber continued that the adoption of this
starting-point must be combined with the parallel and partial adoption of
the appropriate auxiliary criteria "in so far as it is apparent that this
combination is necessitated by the relevant circumstances of the area
concerned, and provided they are used only to the extent actuallydictated
by this necessity" (ibid.).
In pursuit of these precedents, the crucialquestion in the current case's

choice of a line which startsfrom the median line then becomes : are there
relevant circumstances of the area which necessitate the parallel and par-
tial adoption of appropriate auxiliary criteria, and, if there are such cir-
cumstances, are they used only to the extent actually dictated by such
necessity ? It is in answering this question that 1 cannot agree with the
Court. In my view, the Court shows no such relevant circumstances ;
moreover, it does not use the circumstances on which it relies only to the
extent actually dictated by them. Rather, the Court's Judgment conspi-
cuouslyfails to invoke and objectivelyapply relevant circumstances which
specifically or measurably justify, still less require, correction of the
median line. It demonstrates not the slightest correspondence between the
considerations which it characterizes as relevant and the line which it
claims to derive from these circumstances. How in fact does the Court
proceed ?

It initially excludes from its calculation of the median line the islet of

Filfla, an exclusion which, in view of its minuscule size and uninhabited
character, is reasonable. The effect on the median line of this exclusion,
which operates to Libya's advantage, is substantial and justified. For the
reasons set forth in the prior section of this opinion, the Court, without
satisfactoryjustification, chooses to confine the median lineby the claims
of Italy; that is,from the Maltese perspective, the Courtcuts off theradial
projection which an island naturally enjoys, or, at least until today's
Judgment, has been assumed to enjoy,and soforeshortensthecourse ofthe
median line. The Court takes this truncated median line between Malta
and Libya as the southern limit of a possible delimitation. compte desîlots, des rochersoudes légerssaillants de la côte, dont on
peut éliminer l'effet exagéré de déviationpar d'autres moyens, une
telle ligne doit diviser également l'espacedont il s'agit. ))

Plus récemment, s'agissantdes segments du littoral du Massachusetts

et de la Nouvelle-Ecosse qui présentent une relation d'opposition, la
Chambre de la Cour chargéede l'affairedu Golfedu Maine - aprèsavoir
conclu, commele fait la Cour dans la présenteespèce,que la méthodede
l'équidistance n'estpas une règleimpérativedu droit international coutu-
mier - a pris comme ((point de départ la division en parts égalesdes
zones de convergence et de chevauchement des projections maritimes des
côtes des Etats intéressés, critèredont lecaractère équitable est inhérent
à son simple énoncé ))(Délimitationdelafrontièremaritime dansla région
du golfedu Maine, arrêt,C.Z.J.Recueil 1984,p. 328, par. 197).A quoi la
Chambre a ajouté que l'adoption de ce point de départdevait êtrecom-

binéeaveccelle,parallèleet partielle, des critèrescomplémentairesappro-
priés,(<pour autant que cette combinaison serévèlevraiment imposéepar
les circonstances pertinentes de la zone concernée et se tienne dans les
limites réelles d'une telle exigence >)(ibid.).
Vu cesprécédents, la questioncruciale que pose ici le choix d'une ligne
partant de la ligne médiane se présenteainsi :existe-t-il dans la zone en
cause des circonstancespertinentes qui nécessitentl'adoption parallèle et
partielle de critères complémentaires appropriés ;et, s'il en existe, ces
circonstances sont-elles seulement utiliséesdans les limites véritablement

dictéespar la nécessité ?C'estenréponse à cettequestion queje nepuis me
rallierà la décisionde la Cour. A mes yeux,l'arrêtnedémontrenullement
l'existencede telles circonstances pertinentes ;et, de plus, il ne tient pas
compte des circonstances invoquéesuniquement dans les limites que ces
circonstances imposent. Au contraire, l'arrêt s'abstient visiblement d'in-
voquer et d'appliquer objectivement des circonstances pertinentes qui
puissentjustifier de façon préciseou mesurable la rectification de la ligne
médiane,et encore moins qui puissent l'exiger.Il ne démontrepas l'exis-
tence de la moindre correspondance entreles considérations qui y sont
dites pertinentes et la ligne qu'il prétend déduirede ces circonstances.

Comment donc la Cour procede-t-elle ?
Elle commence, en déterminant la ligne médiane,par exclure de ses
calculs l'îlot de Filfla, ce qui est raisonnable, vu qu'il s'agit d'un îlot
minuscule et désert. L'effetde cette exclusion sur la ligne médiane avan-
tagela Libye, et il est substantiel et justifié.Pour lesraisons exposéesdans
la section précédentede la présente opinion, la Cour choisit ensuite, sans
justification adéquate, d'arrêter laligne médiane aux prétentions ita-
liennes ;en d'autres termes, la Cour, du point de vue maltais, ampute
Malte de la projection radiale dont bénéficienaturellement toute île, ou

du moins dont toute île étaitcensée bénéficier jusqu'au présent arrêt, et
raccourcit d'autant letracéde la lignemédiane. Etla Cour prend cette ligne
médiane tronquée,entre Malte et la Libye, comme limite méridionale
de toute délimitation possible. The Court then posits as a notional "extreme limit" of apossible shift of
the median line northwards the median line between the resultant restric-
ted segments of the littoral of the Continents of Europe and Africa.
Reliance upon that littoral seems to be a new if literal twist to the term
"continental shelf", for heretofore the shelf has been legally calculated
between States, not continents. This northern limit, the Court acknow-

ledges,givesno weightwhatsoever to the presence of theislands of Malta ;
it is drawn as if Malta were not there. Since the Court is charged with a
delimitation between the independent State of the Republic of Malta, on
the one hand, and the independent State of the Libyan Arab Jamahiriya,
on the other, the merit is not apparent of taking, even notionally, as one
extreme of a possible delimitation between them, a limit which affords no
weightto Malta, whiletaking asthe other extreme alimitwhichgivesLibya
full weight up to the median line between it and Malta. Nevertheless, the
Court assumes this approach to be a point of equitable departure and
proceeds to define its task as finding a line between the median line and
this extreme northern line. At the same time, the Court recognizes - in
terms hardly more evocativeof theprinciple of sovereignequality of States
- that.

"At least someaccount would be taken of theislands of Malta ; and
even if the minimum account were taken, the continental shelf boun-
dary between Italy and Libyawould be somewhat south of the median
line between the Sicilian and Libyan coasts." (Judgment, para. 72.)

The Court continues
"Since Malta is not part of Italy, but is an independent State, it
cannot bethe casethat, asregards continental shelfrights, it willbe in
a worse position because of its independence. Therefore, it is reason-
able to assume that an equitableboundary between Libya and Malta
must be to the south of a notional median line between Libya and
Sicily ;forthat isthe line,aswehave seen,whichallowsno effectat al1
to the islands of Malta." (Ibid.)

This reasoning, it will be observed, will, in the view of the Court, lead to
"an equitable result".
The Court has thus defined its task as findinga linebetween the median
linebetween Sicilyand Libya - which latter lineis at 24'of latitude north
of the median line between Malta and Libya - and the median line
between Malta and Libya. In the light of its reference to what it sees as
"relevant circumstances", of which more below, the Court then con-
cludes :

"Weighing up these several considerations in the present kind of
situation is not a process that can infallibly be reduced to a formula
expressedin actual figures.Nevertheless, such an assessment has to be
made, and the Court has concluded that a boundary line that repre- Puis la Cour pose comme <(limite extrême r)hypothétiquede l'éventuel
déplacementde la ligne vers le nord une ligne médianejoignant les seg-
ments ainsi restreints du littoral du continent européen et du continent
africain- interprétation nouvelle, quoique littérale,de l'expression <pla-

teau continental )),carjusque-là le plateau étaitjuridiquement déterminé
entre Etats, et non entre continents. Comme la Cour le reconnaît, cette
limite septentrionale n'accorde aucun poids à l'existence des îles mal-
taises; elle est tracéecomme si Malte n'existait pas. Etant donné que la
Cour apour tâche de procéder àune délimitationentre 1'Etatindépendant
de la Républiquede Malte d'une part et 1'Etatindépendant de la Jama-
hiriya arabe libyenned'autre part, onne voit pas l'intérêqtu'ilpeut y avoir
àretenir, même à titre d'hypothèse, commel'une despossibilités extrêmes

de délimitation entre ces pays, une limite qui n'accorde aucun poids à
Malte, tout en choisissant comme autre extrêmeune limite qui donne àla
Libye tout son poids jusqu'à la ligne médianeentre ce pays et Malte.
Néanmoins, la Cour voit dans cette façon de faire un point de départ
équitable, etprend ensuite pour tâche de trouver une ligne entre la ligne
médianeetcetteligneseptentrionale extrême.En mêmetemps,comme elle
le reconnaît - en des termes qui n'évoquentguère plus le principe de
l'égalitésouveraine des Etats :

<<Il devrait êtretenu compte des îles maltaises, au moins dans une
certaine mesure, et, mêmeen réduisant leur effet à un minimum, la
limite de plateau continental entre l'Italie et la Libye serait située
quelque peu au sud de la médiane entre les côtes siciliennes et

libyennes ))(arrêt,par. 72).
Et elle ajoute :

Malten'étantpasunepartiede l'Italie,maisun Etatindépendant,
ne saurait être,du faitdeson indépendance,dans une situation moins
favorableen cequiconcerne lesdroits sur leplateau continental. Il est
donc raisonnable de supposerqu'une limiteéquitableentre la Libyeet
Malte doit se trouver au sud d'une médiane hypothétiqueentre la
Libye et la Sicile ;car, comme on l'a vu, celle-ci ne reconnaît aucun
effet aux îles maltaises. (Ibid.)

On notera que, d'aprèsla Cour, ce raisonnement doit aboutir à un (<ré-
sultat équitable )).
La Cour définitdonc sa tâche comme consistant à trouver une ligne
entre, d'une part, la médianeentre la Sicileet la Libye - médiane quise

trouve à 24'de latitudeaunord de laligne médianeentre Malte et la Libye
- et, d'autre part, la médianeentre Malte et la Libye. Puis, compte tenu
de ses observations précédentes surce qu'elle appelle les (<circonstances
pertinentes - dontje parleraiplus longuement ci-après - la Cour conclut :

<Dans ce type de situation, la pondération de ces divers éléments
n'est pas un processus que l'on puisseimmanquablement réduire à
une formule chiffrée.Cette évaluationn'en estpas moins indispen-
sable, et la Cour a conclu qu'une limitecorrespondant à un déplace- sents a shift of around three-quarters of the distance betweenthe two
outer parameters - that is to Saybetween the median line and theline
24'north of it, achievesan equitable result in al1the circumstances. It

has therefore decided that the equitable boundary line is a line pro-
duced by transposing the median line northwards through 18' of
latitude." (Para. 73.)
The Court goes on to verify the equity of what it has so economically
concluded by reference to the test of proportionality. It concedes the
"practical difficulties" of conductingthat test in this case, where identifi-
cation of relevantcoasts and areas isvariable, and where the area to which
the Judgment will in fact apply is defined not by geography but by the
claims of Italy. It nevertheless concludes that, there is

"certainly no evidentdisproportion in the areas of shelf attributed to
each of the Parties respectively such that it could be said that the
requirements of the test of proportionality asan aspect of equity were
not satisfied" (para. 75).

i'hustheCourt finds itselfconfirmedin its transposition of the median line
northwards through 18'of latitude.
It isdifficult tocriticizetheCourt's reasoning at anylength, sincethere is
so little of it. The Court does invoke as justification for its conclu-
sion certain "relevant circumstances", by which it appears to mean, pri-
marily,
(a) the "considerable" or "great" disparity in the lengths of the relevant

coasts of the two Parties, i.e., the much longer length of Libya'scoasts
relative to Malta's ; and, secondarily,
(b) "the considerable distance" between the coasts of Malta and
Libya ;
(c) the sparsity of basepoints which control the course of a median line ;
and
(d) "the general geographicalcontext .. the Maltese islands appear as a
minor feature of the northern seaboard of the region in question,
located substantially to the south of the general direction of that
seaboard, and themselves comprising a very limited coastal segment"
(para. 69) ;situated south of a median line between the segments of
continental littoral formed by Sicily and Libya, ". . .the islands of
Malta appear as a relatively small feature in a semi-enclosed sea"
(para. 73).

The relevance of thesecircumstances isnot demonstrated.Authority for
them inconventional or customary international law,injudicial orarbitral
decisions, or in State practice, is not shown. If the Court concludes that
certaindesignatedcircumstances arerelevant, it has theburden of showing
whyand of sustaining its reasoning by appropriate authority. What isclear
is that the attenuated allusions supplied by the Court do not suffice. PLATEAU CONTINENTAL (OP. DISS. SCHWEBEL) 181

ment destrois quarts environde la distance entre lesdeuxparamètres
externes - c'est-à-dire entre la lignemédiane et la ligne à 24'plus au

nord - donne un résultat équitable auvu de toutes les circonstances.
Sa décisionest donc que la limite équitable consiste en une ligne
obtenue en imprimant à la lignemédianeune translation vers lenord
de 18'de latitude. ))(Par. 73.)

Celafait, la Cour entreprend de vérifiergrâceau critère de proportion-
nalité l'équité d'un résultaatussi aisément obtenu. Elle reconnaît les
<difficultés pratiques )) que pose l'utilisation de ce critère dans le cas
présent,où les côtes et les zones pertinentes sont déterminées de façon
variable, et où lazone à laquelles'appliquera effectivement l'arrêtn'estpas
définie par la géographie,mais par les prétentions de l'Italie. Cependant

elle conclut
<qu'il n'y a certainement pas de disproportion évidente entre les
surfacesdeplateau attribuées à chacunedesParties,aupoint que l'on

pourrait dire que les exigencesdu critèrede proportionnalité en tant
qu'aspect de l'équité ne sont pas satisfaites (par. 75).
Ainsi se trouve-t-elle confirmée dans sa décision de déplacer la ligne
médianede 18'vers le nord.

Il est difficile de critiquer en détail le raisonnement de la Cour, tant ce
raisonnement est maigre. 11est vrai que la Cour invoque à l'appui de sa
conclusioncertaines <<circonstancespertinentes )>déjà mentionnéesdans
son arrêt,par quoi elle semble entendre essentiellement :

a) la <<forte ))ou <considérable ))disparitéentre les côtespertinentes des
Parties, c'est-à-direla longueur trèssupérieuredes côtes libyennes par
rapport à celles de Malte ; et, subsidiairement,
b) la << distance considérable ))entre les côtes de Malte et celles de la
Libye ;
c) le petit nombre de points de base commandant le tracé de la ligne

médiane ;
d) (le cadre géographique d'ensemble ...les îles maltaises apparaissent
comme un petit élémentdu littoral septentrional de la régionconsi-
dérée, situé notablemena tu sud de la ligne généralede ce littoral et
constituélui-même par un segment côtiertrèslimité )(par. 69) ;situées
au sud d'unelignemédianeentre lessegments delittoraux continentaux

forméspar la Sicileetla Libye, <<les îlesmaltaisesapparaissent comme
un accident relativement modeste dans une mer semi-fermée ))
(par. 73).
Mais la pertinence de ces circonstances n'est pas démontrée.11n'en est

fourni aucunejustification fondée sur ledroit international conventionnel
ou coutumier, ni sur les précédents judiciaires ou arbitraux, ni sur la
pratique des Etats. Si la Cour conclut que certaines circonstances parti-
culièressont pertinentes, il lui incombait de démontrer pourquoi et d'in-
diquer sur quelles autorités repose son raisonnement. Une chose est cer-
taine : les discrètes allusions de l'arrêtne sont pas suffisantes. As to circumstance (d),it has been suggested above that the fact that the
median linebetween Malta and Libya issouth of acontinental median line

is a creative consideration, of no obvious probative value, which is not
easily reconcilable with principles of the sovereign equality of States.
Nature must be taken asit is ;the fact that Malta lies south of the general
direction of the northern seaboard of the region is no intrusion. It is in no
wayinstructive. It isperfectly truethat theislands of Malta, in their general
geographical context, appear as a relatively small feature in a semi-
enclosed sea.But that isno reason foraffording Malta lessof acontinental
shelf than its coasts - minor as they are - generate. It is no reason for
discounting the whole of the islands of Malta - which together constitute
that independentState - as if they were the anomalous dependent islands
of a large mainland State. Naturally, Malta cannot be treated as if it lay
unapproached in a large ocean, with no other territory within 200 miles
roundits shores. Butneither can Libya (or any otherMediterranean State)
in that semi-enclosedsea be treated as if itsentitlement to a 200-mileshelf

did not overlap the entitlements of other States. Thus the general geogra-
phical context operates neither for nor against either Malta or Libya ;
rather, what operates for each of them is the extent, configuration and
situation of itscoastal fronts - relative, however, to those of opposite and
adjacent States. Moreover, while the Court invokes the general geogra-
phical context, in fact it sharply and unjustifiablynarrows that context by
confining the area of its consideration to the limits of Italian claims.

As to circumstance (c),it isfar from clear that the validity or equity of a

median line depends upon the number of basepoints which determine its
construction. As to circumstance (b), the Court, if it maintains, does not
explain, why "the considerable distance" between the coasts of Malta and
Libya is "an obviously important consideration" when deciding whether
and by how much the median line can be shifted in Libya's favour,
presumably because the probative force of that consideration cannot
actually be demonstrated.
What of the primary consideration invoked by the Court to justify
adjusting the median line,namely, themuch longer length of Libya'scoasts
relative to Malta's (circumstance (a)) ?It is geometrically demonstrable,
and indisputable, that straight longer coastlines generatemorecontinental
shelf than shorter coastlines. It has alwaysbeen accepted that the base ofa
triangle islonger than the apex, and that, correspondingly,there is a larger
area lyingoff the base than isembraced by the apex. That is recognized by

Libya, Malta and the Court. It is a truth whichdelimitation by the method
of drawing a median line demonstrates. When a median line is drawn
between the short coastline of Malta (the apex) and the much longer
coastline of Libya (however calculated, the base), the area of continental
shelf allocated to Libya is many times that allocated to Malta. But neither En ce qui concerne la circonstance d),j7aidéjà ditplus haut que le fait
que la ligne médiane entre Malte et la Libye se trouve au sud d'une ligne
médianeentre deux continents est une considération artificielle, dont la
valeur probante n'est pas évidente, etqui est difficile à concilier avec les
principes de l'égalité souverainedesEtatsI.lfaut prendre lanature comme
elle est ; que Malte soit au sud de la direction généralede la façade
maritime nord de la région neconstitue pas uneintrusion. C'estun fait qui
n'apporte aucun enseignement. Il est parfaitement vrai que les îles mal-

taises,envisagéesdans leur cadre géographique d'ensemble,se présentent
comme un élément relativement petitdans une mer semi-fermée.Maisce
n'estpas une raison pourreconnaître à Malte moins de plateau continental
que sescôtes - aussiexiguës qu'ellessoient - n'enengendrent.Ce n'estpas
une raison pour traiter lesîlesmaltaises - qui,prises ensemble, forment un
Etat indépendant - comme une anomalie dépendant d'un vaste Etat
continental. Certes, Malte ne peut être traitéede la mêmefaçon que si
elle s'étendaitdans un vaste océan,hors de toute atteinte, et sans autre
territoireà moins de 200milles de ses rivages.Mais la Libye (ou tout Etat

méditerranéen) ne peutpas davantage, dans cette mer semi-fermée,être
traitée comme si son titre à un plateau de 200 milles n'empiétaitpas sur
lestitres des Etats voisins.Le cadre géographique d'ensemblenejoue donc
ni pour ni contre Malte ou la Libye :ce quijoue en faveur de l'une et de
l'autre, c'est la longueur, la configuration et la situation de leurs façades
maritimes - compte tenu cependant des façades côtières des Etats limi-
trophes ou opposés.De plus, bien que la Cour invoque le cadre géogra-
phique d'ensemble, ellele réduiten réalitéde façon accentuée et injusti-
fiable en cantonnant la zone à considérerdans les limites des prétentions

italiennes.
Pour ce qui est de la circonstance c), il n'est pas du tout évidentque la
validité ou l'équité d'une lign meédiane dépendedu nombre de points de
basequi en déterminentlaconstruction. Quant à lacirconstance b),laCour
n'explique pas ce qu'elle affirme - à savoir, que la <(distance consi-
dérable ))entre les côtes de Malte et de la Libye est ((d'une importance
manifeste ))pour décidersilalignemédianedoitêtredéplacée en faveur de
la Libye,et de combien - sans doute parce qu'en fait la force probante de
cet argument n'est pas démontrable.

Quedire alors de la considérationessentielleinvoquéepar laCour pour
justifier l'ajustement de la ligne médiane, c'est-à-diredu fait que les côtes
de la Libye sont beaucoup plus longues que celles de Malte (circons-
tance a)) ? Il est géométriquementdémontrablee,t d'ailleurs incontestable,
que de longues côtes droitesengendrent un plateau continental plus vaste
que des côtes courtes. Il a toujours ététenu pour évidentque la base d'un
triangle est plus longue que son sommet, et quepar conséquent la surface
adjacente àcettebase estplus étenduequela surface adjacenteau sommet.
Cela est admis par la Libye,par Malte et par la Cour.Et c'estune évidence

qui ressort de toute délimitation effectuée par letracéd'unemédiane.Sien
effet on tireune ligne médianeentre lelittoral courtde Malte (lesommet)
et lelittoralbeaucoup plus long de la Libye(qui, de quelque façon qu'on leLibya northeCourt are content with that result. Rather, the Court accepts
- though only in some geographical measure - the Libyan contention
that, because Libya'scoasts are so very major, and Malta's so very minor,
Libyamust be givena specialbonusin recognition of that fact. That bonus
materializes, in today's Judgment, in the form of awarding Libya some

6,000square kilometres ofcontinental shelfwhich,by application of apure
median line, would be allocated to Malta. Why does the Court give Libya
this bonus in response to the fact that its coasts are longer ? The Court
denies that it does so because of resort to proportionality as a principle of
distribution. That disclaimer is prudent, since it is so emphatically
accepted, in thejurisprudence of the Court and in international arbitral
awards, and in the opinions of States and scholars, that, as today's Judg-
ment so well puts it :

"to use the ratio of coastal lengths as of itself determinative of the
seaward reach and area of continental shelfproper to each Party, is to
go far beyond the use of proportionality as a test of equity, and as a
corrective of the unjustifiable difference of treatment resulting from
some method of drawing the boundary line. If such a use of propor-
tionality were right, it is difficult indeed to see what room would be
left for anyother consideration ; for it would be at once the principle
of entitlement to continental shelf rights and also the method of
putting that principle into operation. Its weakness as a basis of
argument, however, is that the use of proportionality as a method in
its own right is wanting of support in the practice of States, in the
public expression of their views at (in particular) the Third United
Nations Conference on the Lawof the Sea,or in thejurisprudence. It
is not possible for the Court to endorse a proposa1 at once so far
reaching and so novel." (Para. 58.)

Nevertheless, since proportionality is disclaimed as the motivating spring
of the Court's removal of theline of delimitation northwards, the question
remains, what is ? The Court does not squarely answer that question. It
rather seems essentially to base its Judgment on someintuitive instinct to
give Libya a bonus because its coastlines are so very much longer than
Malta's.
Moreover, what the Court fails to explain, or even imply, is how it
proceeds from its allegedly relevant circumstances to the particular line
which is 18'north of the Maltese/Libyan median line. That is to Say,the

Court offers no objective, verifiable link between the circumstances it
regards as relevant and the determination of the line which it regards as
equitable.Presumablythat isbecause no suchlink exists.The Court simply
does not begin to show that thecircumstances whch it does seeas relevant
dictate the adjustment it makes to the extent of that adjustment.

It is true, as the Courtuch earlier observes, that the southern limit of détermine,constitue labase), la surface de plateau continental attribuéeà
la Libye représenteplusieurs fois celle qui est réservéeà Malte. Mais ce
résultatne satisfait ni la Libye,ni la Cour. Au lieu de cela,la Couradmet
quoique dans une certaine proportion géographique seulement - I'argu-
ment libyen qui veut que, parce que le littoral de la Libye est si considé-
rable, et celui de Malte si exigu,la Libye bénéficen primed'un avantage
correspondant à cette réalité.Cet avantage est concrétisédans l'arrêtpar
les 6000kilomètres carrésde plateau continental qui sont accordés à la

Libye et qui, sil'ontraçait une ligne médianepure et simple, reviendraient
à Malte. Pourquoi la Cour accorde-t-elle cette prime àla Libye au motif
que sescôtes sont plus longues ? Elleaffirme que cen'estpas en vertu de la
proportionnalité en tant que principe de distribution. Cette dénégationest
la bienvenue, car ilest clairementaffirmédans lajurisprudence de la Cour
et dans les sentences arbitrales internationales, ainsi que dans la doctrine
des Etats et des commentateurs, que, comme le dit fort bien l'arrêt :

<<retenir le rapport entre ces longueurs comme déterminant en lui-
mêmela projection en mer et la superficie du plateau continental qui
relève de chaque Partie, c'est aller bien au-delà d'un recours à la
proportionnalité pour vérifier l'équitédu résultat et corriger une
différencede traitement injustifiéeimputable àune certaineméthode.
Si la proportionnalité pouvait êtreappliquéeainsi, on voit mal quel
rôle toute autre considérationpourrait encorejouer ;en effet la pro-
portionnalité serait alorsà la fois le principe du titre sur le plateau
continental et la méthode permettant demettre ceprincipe en Œuvre.
En tout étatde cause la faiblesse de l'argument estque l'utilisation de

la proportionnalité commevéritable méthodene trouve aucun appui
dans la pratique des Etats ou leurs prises de position publiques, en
particulierà la troisièmeconférencedesNations Unies sur ledroit de
la mer, non plus que dans lajurisprudence. )(Par. 58.)

Mais, silaproportionnalité n'estpas lemotif qui amènelaCour à déplacer
vers le nord la ligne de délimitation, la question reste posée:quel est ce
motif ? A cette question, la Cour ne répond pas franchement. Elle semble
plutôt fonder essentiellement son arrêt sur une intuition,qui la pousse à
accorder une prime à la Libye parce que ses côtes sont tellement plus
longues que celles de Malte.
De plus, ce que la Cour n'expliquepas, ne fût-cequ'indirectement, c'est
la façon dont ellepasse, des circonstances qu'elleconsidèrepertinentes, à
cette ligne particulièreà 18'au nord de la ligne médianeentre Malte et la
Libye. En d'autres termes, la Cour ne fait état d'aucun lien objectif et
vérifiableentre les circonstances qu'elle juge pertinentes et le choix de la

ligne qu'elle juge équitable. Sansdoute est-ce qu'il n'existeaucun lien de
cet ordre. Et la Cour n'essaie mêmepas de démontrer comment ces cir-
constances dites pertinentes dictent l'ampleur de l'ajustement auquel elle
procède.
11estvrai que,commela Cour lefait observer auparavant dans son arrêt, 184 C-O?\TIXEX r.4~ SHELF (DISS. OP. SCHWEBEL)

Italy's claimsextends to the line of 34" 30' of latitude. But this circum-
stance is not given by the Court asan element of thejustification for the
selection of this very latitude of line of delimitation between Malta and

Libya. It appears merely to be a symmetrical stroke of coincidence that,
not onlyis the extent of theCourt's lineof delimitation between Malta and
Libya to be determined by Italy's claims :the very location of the line of
delimitation between Malta and Libya also coincidentally if approxi-
mately conjoins with the southern line of Italy's claims.
In sum, the Court finds it equitable to choose a line for reasons only
vaguelyvoiced, whose relevance to the law, and still less to the line, is not
articulated, still less demonstrated. As for the Court's testing this line
against considerations of proportionality, the following may be said.

It is doubtful whether the test of proportionality has any place in a
delimitation between purely opposite States. As the Court rightly observes
in today's Judgrnent, this is "in fact a delimitation exclusively between

opposite coasts that the Court is, for the first time, asked to deal with"
(para. 62).In previouscases,the test of proportionality hasbeen appliedto
situations where the States concerned were wholly or partially in an adja-
cent geographical relationship and where, in the absence of a line which
took account of proportionality, a cut-off of the prolongation of one
State's continental shelf would ensue.

Thus the Court in its Judgment in the casesof the North Sea Continental
Shelf held :
"A finalfactor tobe taken account of is the element of a reasonable

degree of proportionality which a delimitation effected according to
equitable principles ought to bring about between the extent of the
continental shelf appertaining to theStatesconcerned and the lengths
of their respective coastlines - these being measured according to
their general direction in order to establish the necessary balance
between States with straight, and those with markedly concave or
convex coasts, or to reduce very irregular coastlines to their truer
proportions." (I.C.J. Reports 1969, p. 52, para. 98.)
The Court further indicated that it had adjacent States in mind when it

referred, in the dispositif of its Judgment, to a factor to be taken into
account in negotiations between the Parties to those cases on a delirnita-
tion between them to be :
"(3) the element of a reasonable degree of proportionality, which a
delimitation carried out in accordance with equitable principles
ought to bring about between the extent of the continental shelf
areas appertaining to the coastal Stateand thelength of its Coast

measured in the general direction of the coastline, account being
taken for thispurpose of the effects,actual or prospective, of any
other continental shelf delimitations between adjacent States in
the same region." (Ibid., p. 54, para. 101 D.) PLATEAU CONTINENTAL (OP. DISS.SCHWEBEL) 184

la limite méridionale des prétentions italiennes est le parallèle 34" 30'.
Mais cette circonstance n'est pas invoquéedans l'arrêt à l'appui du choix
de la mêmelatitude pour tracer la ligne de délimitationentre Malte et la
Libye. Il semble plutôt que ce soit une simple coïncidencesymétrique qui
veuille,non seulement que la ligne de délimitationentre Malte et la Libye
soit arrêtéà l'estetà l'ouestpar lesprétentionsitaliennes,mais aussi que

le tracémêmede cette ligne de délimitationse confonde, ne fût-ce qu'ap-
proximativement, avec la limite méridionale des mêmesprétentions.
Bref, la Courjuge équitablede retenir une ligne pour des motifs qui ne
sont que vaguement exprimés,et dont la pertinence au regard du droit -
sans parler de leur pertinence pour le choix de la ligne - n'est pas expli-
quée,etmoinsencoredémontrée.Quant à lajustification de cette lignepar
les considérations de proportionnalité, je dirai ce qui suit.
Il est douteux que lecritèrede proportionnalitéait un rôle quelconque à
jouer dans une délimitationentre Etats dont les côtes sont dans une pure

relation d'opposition. Or, comme la Cour le ditjustement dans le présent
arrêt, <pour la première fois, c'estbien à une délimitation exclusivement
entre côtes se faisant face que la Cour doit procéder (par. 62). Et,
jusque-la, le critère de proportionnalité n'avait été appliquéqu'à des
situationsoù les Etats intéressés setrouvaient totalement ou partiellement
dans une relation d'adjacence géographiqueet où,en l'absenced'une ligne
tenant compte de la proportionnalité, il risquait d'y avoir amputation du
prolongement du plateau continental d'un de ces Etats.
C'estainsique, dans l'arrêt concernantlesaffaires duPlateau continental
de la mer du Nord, la Cour a déclaré :

<Un dernier élément à prendre en considération est le rapport
raisonnable qu'une délimitation effectuée selondes principes équi-
tables devrait faire apparaître entre l'étenduedu plateau continental
relevant des Etats intéresséset la longueur de leurs côtes ;on mesu-
rerait cescôtes d'aprèsleur direction générale afind'établirl'équilibre
nécessaireentre les Etatsayant descôtesdroites et les Etats ayant des

côtes fortement concaves ou convexes ou afin de ramener des côtes
très irrégulièreà desproportions plus exactes. )>(C.Z.J.Recueil1969,
p. 52, par. 98.)
Et la Cour a préciséque c'étaitaux Etats limitrophes qu'elle songeaiten
citant dans le dispositif de cet arrêt, parmiles facteurs à retenir lors des
négociationsentre les Parties :

((3) Le rapport raisonnable qu'une délimitation opérée conformé-
ment a des principes équitables devrait faire apparaître entre
l'étenduedes zones de plateau continental relevant de 1'Etat
riverain etlalongueur de sonlittoral mesuréesuivantladirection

généralede celui-ci,compte tenu à cettefin des effets actuels ou
éventuels de toute autre délimitation du plateau continental
effectuéeentre Etats limitrophes dans la même région. (Ibid.,
p. 54, par. 101 D.)The Court so held in these cases in which it took pains to mitigate any

cut-off effect which application of strict equidistance would entai1 as
between adjacent States having concave and convex coasts.
The Court of Arbitration on the Continental Shelf between the United
Kingdom and the French Republic interpreted the foregoingholding of
this Court in these terms :
"99. In particular, this Court doesnot consider that the adoption in

the North Sea Continental Shelfcases of the criterion of a reasonable
degree of proportionality between the areas of continental shelf and
the lengths of the coastlines means that this criterion is one for
application in al1cases. On the contrary, it was the particular geo-
graphical situation of three adjoining States situated on a concave
coast which gave relevance to that criterion in those cases."
In the case of the Continental Shelf (Tunisia/Libyan ArabJamahiriya),

(Judgment, I.C.J. Reports 1982,p. 91), the Court also invoked the test of
proportionality, in a case where Libya and Tunisia were largely adjacent
but at some points in an opposite relationship.

Finally,in theDelimitationoftheMaritime BoundaryintheGulfofMaine
Area case, the Chamber of the Court called up considerations of propor-
tionality,rnanifested in the inequalitiesin the length of the Parties' coast-
lines abutting on the delimitation area,as a key factor in its adjustment of
the line of delimitation. But it did soin a situation where the United States
and Canada werein an adjacent aswellasoppositerelationshipand where
integral importance was attached to correction of the position of the
median line in order to abate the cut-off effect to which its unadjusted
application would have given rise (I.C.J. Reports 1984, pp. 327-328,

para. 196, and pp. 334-335, paras. 217-220).

That distinguishedscholar and advocate, Professor Derek W.Bowett,in
hs book, The Legal Régimeof Islands in International Law (1979), in
interpreting the Court'sJudgmentinthe casesof theNorth Sea Continental
Shelf, concluded - in my view, rightly - that :
"Indeed, it would seem that the proportionality factor might only

be applied, or be meaningful, in the case of adjacent States (not
'opposite') where the existence of a markedly concave or convex
coastline will produce a cut-off effect if the equidistance principle is
applied :that is to Say,will allocate to one State shelf areas which in
fact lie in front of, and are a prolongation of, the land territory of
another." (P. 164.)

But in the current case before the Court, Malta and Libya are in no way
adjacent ;they are purely opposite ; and there is no question of a cut-off
effect arising if delimitation by a median line were to be applied. Ainsi s'exprimait la Cour dans des affaires où elle s'efforçait de mitiger
l'effetd'amputation qu'eût entraîné l'application de l'équidistance stricte
entre Etats adjacents dotés de côtes concaves ou convexes.
CeténoncédelaCouraétéinterprété comme suitpar letribunal arbitra1
chargéde délimiterle plateau continental entre le Royaume-Uni et la
République française :

<<99. En particulier, le tribunal ne pense pas que le critère d'un
degré de proportionnalité raisonnable entre l'étendue de plateau
continental et la longueur des côtes, adoptédans les affaires du Pla-
teaucontinental delamerduNord, soitapplicable dans tous lescas.Au
contraire, l'adoption de ce critère dans ces affaires était due à la
situation géographiqueparticulière de trois Etats dont les territoires
se touchent et qui sont situés sur une côte concave. ))

Dans l'arrêt sur l'affairedu Plateau continental(Tunisie/Jamahiriya
arabe libyenne),la Cour a égalementinvoquélecritèrede proportionnalité
(C. I.J. Recueil 1982,p. 9l), alors que les côtes de la Libyeet de la Tunisie
étaienten grande partie adjacentes, tout en se trouvant aussi à certains
endroits dans une relation d'opposition.
Enfin, dans l'affaire de la Délimitation delafrontièremaritime dans la

régiondu golfe du Maine, la Chambre de la Cour a invoqué des considé-
rations de proportionnalité, liéesauxinégalitésentre leslongueurs de côte
des Parties donnant sur la région à délimiter, en y voyant un facteur
essentiel pour l'ajustement de la ligne de délimitation. Mais elle l'a fait
dans une situation où les Etats-Unis et le Canada se trouvaient à la fois
dans une relation d'adjacence et dans une relation d'opposition, et où une
importance essentielle était donnée à la rectification de la ligne médiane
quisemblait nécessairepour réduirel'effetd'amputation qu'eût entraînéle
tracé non corrigéde la ligne (C.I.J. Recueil 1984, p. 327-328,par. 196,et
p. 334-335, par. 217-220).
Ledistinguéjuristeet conseilqu'estleprofesseurDerek W.Bowett,dans

son ouvrage intitulé The Legal Régimeof Islands in International Law
(1979),conclut, fortjustement selon moi, en interprétant l'arrêt dela Cour
dans les affaires du Plateau continentalde la mer du Nord :
<D'ailleurs il semble que le facteur de proportionnalité ne puisse
être appliqué,ou ne soit significatif, que dans les cas d'Etats limi-

trophes (et non << opposés )))où la présenced'un littoral nettement
concaveou convexeproduirait un effet d'amputation sil'on appliquait
le principe de l'équidistance - c'est-à-dire où il en résulteraitI'attri-
bution àun Etat d'étenduesde plateau qui se trouvent en fait devant
le territoire terrestre d'un autre Etat, et qui en sont le prolonge-
ment. ))(P. 164.)[Traduction du Greffe.]

Or, dans l'affaire actuelle, Malte et la Libye ne sont nullement limi-
trophes ;elles se trouvent dans une relation d'opposition pure ; et une
délimitation par la ligne médianene pouvait produire aucun effet d'am-
putation. 186 CONTINENTAL SHELF (DISS. OP. SCHWEBEL)

This is a cardinal reason for not testing - still less motivating- the
Judgment in the current case by considerations of proportionality. A
second reason is that, on thefacts of the case,it isinpracticeimpractical to
apply proportionality in a way which is genuinely responsive to the
extreme disparities in the lengths of the Maltese and Libyan coastlines.
The Court apparently arrives at a proportion of 8for Libya to 1for Malta
(seeJudgment, para. 68,in which the Court calculatesthe extent of what it
sees as the relevant coast of Libya to be 192miles long, and the relevant
coast of Malta to be 24 miles long). It does so by excluding, largely for

extraneous reasons of the claims of Italy, extensive areas of continental
shelfclaimed by the Partiesand substantial stretches of thecoasts of Libya
which actually are opposite to portions of Malta's coasts (as wellas to the
coasts of Italy and Greece). If these lengths were to be included in a
calculation of proportionality (as they should be), the disproportion
between Libya's and Malta's coasts would be so extreme that, if propor-
tionality wereto be taken as amethod of delimitation - a course whch the
Court's Judgment in any event disclaims - Malta might have no conti-
nental shelf at all. But even if one overlooks the fact that the Court's
concepts of proportionality in this case are constructed, for ths as well as
other reasons, upon insupportable geographical bases, and accepting,

arguendo,the Court's apparent ratio of 8 to 1,what does the Court con-
clude ? That the ratio of the lengths of coasts and the areas of continental
shelf which its line accords to the Parties (which appears at most to be of
the order of 3.8for Libya to 1for Malta) isareasonableproportion. It does
not Saywhyaratio of 8to 1isproportionately represented by aratio ofless
than 4 to 1. To be sure, the Court makes no express calculations of
proportionality at all. It contents itself with looking at thecoastsand shelf
areas in question and concluding, in the large, by way of "broad assess-
ment", that the line of delimitation indicated would result in no obvious
disproportion. One may ask whether the Court is so general because the
particulars do not withstand analysis.

In theGulfof Maine case, the Chamber adjusted a median line so as to
abatea cut-off effect by taking account of the fact that the greaterpart of
the coasts of the Parties encircling a common body of water belonged to
one of the Statesconcerned. The majority of the Chamber agreed upon the
making of such an adjustment on these grounds ; the sole difference
amongthemajority wastheprecise extent of thecoasts of theParties which
fronted on the Gulf of Maine. But there was no question of taking as a
factor of proportionality a figure quite unrelated to the actual length of
those coasts, however calculated. Still less was there question of taking a
look at the coasts and the shelf areas to be allocated, and deciding,in the

round, that there appeared to be no evident disproportion.

The process which the Court followsin today's Judgment is so far from
that followed in the Gulf of Maine case or other adjudications as to be
unconvincing.The Court declares in today'sJudgment that theapplication C'étaitlà uneraisonmajeurepour nepas vérifierl'équité du résultat- et
surtout pour ne pas motiver l'arrêt - par des considérations de propor-
tionnalité. Une seconde raison est que, vu les faits de l'espèce,il est
pratiquement impossibled'appliquer la proportionnalité d'une façon qui
corresponde réellement à l'extrêmedisparitéentre les longueurs descôtes
de Malte et de la Libye. La Cour croit trouver une proportion de 8 à 1en
faveur de la Libye (voir arrêt,paragraphe 68, où elle dit que d'aprèsses

calculslacôtepertinente de laLibyea 192millesde long,etla côtemaltaise
24 milles)- chiffre à quoi elleparvient en écartant,en grandepartiepour
des motifs extrinsèques tenant aux prétentions italiennes, de vastes por-
tions de la côte libyenne qui font bel et bien faceà certains segments du
littoral maltais (ainsi qu'aux rivagesitaliens et grecs). Or, si l'on tenait
compte de cesportions de côtedans lescalculsdeproportionnalité (comme
ilfaudrait lefairenormalement), la disproportionentre lafaçade maritime
de la Libye et celle de Malte serait si grande que, à supposer que la
proportionnalité soit adoptéecommeméthodede délimitation - procédé

d'ailleurs rejetépar la Cour- Malte ne recevrait peut-êtreaucune étendue
deplateau continental. Mais, mêmesi l'on oublie que la conception de la
proportionnalité exposéedans l'arrêt esf tondée sur des bases géographi-
ques qui - pour cette raison, parmi d'autres - ne résistentpas àl'analyse,
et si l'onaccepte à titre d'hypothèselerapport de 8 à 1retenu parla Cour,
qu'en conclut celle-ci ? Que le rapport entre les longueurs de côte et les
zones de plateau continental que sa solution accorde aux Parties - et qui
semble êtreau plus de l'ordre de 3,8 à 1 en faveur de la Libye - est un
rapport raisonnable. Elle ne dit pas pourquoi un rapport de 8 à 1 est

proportionnellement représentépar un rapport demoins de4 à 1.Ilestvrai
que la Cour ne fait aucun calcul précisde proportionnalité ;elle se con-
tente de regarder les côtes et les surfaces de plateau en question, avant de
conclure en termes générauxs ,ous forme d7(< idée approximative )>,que la
ligne de délimitation indiquéene cause pas de disproportion évidente.
Mais, siellereste aussivague dans sonraisonnement, on peut sedemander
si ce n'est pas parce que les détailsne résisteraientpas à l'analyse.
Dans l'affaire du Golfe du Maine, la Chambre avait ajusté une ligne
médiane afinde réduire uneffet d'amputation, en tenant compte du fait

que la majeure partie des côtes des Parties entourant la masse d'eau
commune appartenait àl'une d'elles seulement. C'estpour cemotif que la
majoritéde la Chambre avaitdécidécetterectification, la seuledivergence
d'opinions portant sur la longueur exactedes côtes des Parties bordant le
golfe du Maine. Mais il n'avait jamais étéquestion de prendre comme
facteur de proportionnalité un chiffre dénuéde rapport avec la longueur
réellede ces côtes, quel qu'en soitle mode de calcul - et moins encore de
jeter un coup d'Œilsur les côtes et les surfaces de plateauà attribuer, puis
de décider simplement qu'il ne semblait pas y avoir de disproportion

évidente.
La démarche de la Cour s'écartetrop de celle qui a étésuivie dans
l'affaire du Golfe du Maine et dans d'autres décisions judiciaires pour
pouvoir emporter la conviction. La Cour affirme dans son arrêtd'au-ofjustice of whichequity is an emanation "should display consistency and
a degree of predictability...".1fully agree. Equally, 1recognize that, as1
put it in an opinion in the GuifofMainecase, there is "considerable room
for differences of opinion in the application of equitable principles to
problems ofmaritime delirnitation" (I.C.J. Reports1984,p. 358).Butin my
view, in today's Judgment, the Court goes beyond those ample bounds.
TheCourt is of coursecorrect in holding that any median line is subject to
correction so as to take account of special circumstances. But 1 cannot
agree that the Court's cryptic references to the length of coasts, the dis-

tance between coasts, the sparsity of basepoints, and the general geogra-
phical context, suffice to justify the selection of the line of delimitation
which it has chosen in this case. Nor do these arrested allusions conduce
towards building the sense of consistency and predictability at which the
Court and the law so rightly aim.

(Signed Stephen M. SCHWEBEL.jourd'hui que l'application de lajustice, dont l'équitéest une émanation,
doit êtremarquéeparla cohérenceetunecertaine prévisibilité ...)Je suis
bien d'accord la-dessus. Je reconnais aussi, commeje l'ai dit dans mon
opinion en l'affaire du Golfedu Maine, qu'cune marge considérable [doit
être] laisséea l'expression d'opinions différentesen ce qui concerne l'ap-
plication de principes équitables aux problèmes de délimitation mari-
time )(C.I.J. Recueil1984,p. 358).Mais a mon avis,la Cour, dans son arrêt
d'auj~urd'hui, dépasseces bornes, pourtant peu restrictives. La Cour a
certes raison de dire que toute ligne médianeest sujette a correction, dès

lors qu'ily a des circonstances spécialesdont il faut tenir compte. Mais je
nepuis admettreque sesallusionsénigmatiquesalalongueur descôtes, àla
distance entre lescôtes, aufaiblenombre despoints de base et au contexte
géographique d'ensemble suffisenta motiver le choix de la ligne de déli-
mitation qu'ellea retenue en l'espèce.Et ces référencestronquées ne sont
pas non plus de nature à créerlesentiment de cohérenceet de prévisibilité
auquel aspirent àjuste titre la Cour elle-mêmeet le monde du droit.

(Signé)Stephen M. SCHWEBEL.

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Opinion dissidente de M. Schwebel (traduction)

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