Opinion dissidente de M. Oda (traduction)

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068-19850603-JUD-01-07-EN
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OPINION DISSIDENTE DE M. ODA

[Traduction]

Paragraphes
REMARQUE LMINAIRES 1

1. L'évolutiondu droit de la mer
2. Erreurs dans la définitionde la <zone pertinente ))aux fins de
-'arrêt
3. Erreurs dans l'application du critèrede proportionnalité
4. Erreurs dans I'aiustementde la li-ne d'béquidistance 0
5. La géographie

CHAPITREII. REEXAMEN DE LA RÈGLE (<ÉQUIDISTANCE-CIRCONS-
TANCES SPÉCIALES ))

1.Introduction : la troisièmeconférence desNations Unies sur le
droit de la mer n'a pas réussi, en1982, à indiquer des règles
positives de délimitation du plateau continental
2. La règle équidistance-circonstances spécialesappliquéeà la
délimitationd'unplateau continental uniqueet homogène selonle
critèrede la profondeur de 200 mètres

i) La règlede la convention de Genève sur le plateau conti-
nental
ii) L'arrêt rendpar la Cour en 1969dans lesaffairesdu Plateau
continental de la mer du Nord
iii) La décisionde 1977en l'arbitrage franco-britannique
3. La règle <équidistance-circonstances spéciales à la troisième

conférencedes Nations Unies sur le droit de la mer
4. La règle équidistance-circonstances spéciale sdans la délimi-
tation d'un plateau continental unique et homogène selonle cri-
tèrede distance des 200 milles
i) Parallélisme nouveauentre plateau continental interne et
externe
ii) Fondement juridique inchangédu plateau continental
iii) Le nouveau régimede la zone économiqueexclusive et ses
effets sur la notion de plateau continental

5. Règle à appliquer pour la divisiond'unezone maritime unique et
homogène
6. L'équité et lraègle(<équidistance-circonstances spéciale )s PLATEAU CONTINENTAL (OP. DISS. ODA) 124

CHAPITRIEII. LES ERREURS D'INTERPRÉTATION SUR LA ((PROPORTION-

NALITÉ ))ET LE (DEMI-EFFET DES PLE S)DANS LES ARRÊTS RÉCENTS
Introduction 71

1.L'arrêtde 1982en l'affairedu Plateau continental(Tunisie/Jama-
hiriya arabe libyenne) 72-73
2. L'arrêt rendupar la Chambre en 1984dans l'affaire de la Déli-
mitation de lafrontièremaritimedans larégion du golfdeu Maine 74-78
3. Conclusion 79

CHAPITRE IV. LIGNE DE DÉLIMITATION SUGGÉRÉE 80 1. Amongrand regret,je n'aipas pu voter enfaveurdel'arrêt,carje suis
en désaccordavecla Cour surcertainspointsimportants. Il me paraît que
laCour, faute d'avoirpleinement compris l'évolutionrécentedudroit dela
mer, risque, dans son application de l'équité,de confondre le principe

d'équité aveccequ'ellecroit subjectivement êtreéquitabledanschaquecas
donné. Acet égard,leprésent arrês t'inspire- selon moi - de conceptions
erronées,apparues d'abord dans son arrêtde 1982en l'affaire du Plateau
continental (Tunisie/Jamahiriya arabe Libyenne), puis dans l'arrêtde la
Chambre en l'affaire de la Délimitationde lafrontière maritime dans la
régiondu golfe du Maine, en 1984.Comme le dit fort justement l'arrêt,
l'application de la justice <<doit être marquée par lacohérenceet une
certaine prévisibilité>(par. 45);orcesont làdesqualitésquine sont guère

présentes dans ces décisionssuccessives. Mises à part les allusions aux
(principes équitables )),au (<résultat équitable ou aux <(circonstances
pertinentes ))la Cour ne répondpas à lademandedesParties en énonçant
des principes ou règlessur lesquels elles pourraient se fonder pour déli-
miter leur plateau continental, et se contente de traduire 1'(équité par
une appréciation subjective des circonstances. Elle n'essaiepas de com-
prendre comment la règle <<équidistance-circonstances spéciales )),em-

ployéedepuisla convention de 1958sur le plateau continental, a toujours
été interprétée en relation avec le principe d'équité. Quant à la ligne de
délimitationindiquéeparla Cour, ellefait plutôt songer au résultatd'une
transaction qu'à l'application de principesjudiciaires. Je ne peux donc
qu'éprouverles mêmessentiments que dans l'affaire de 1982, lorsque
j'écrivais:

<la Cour n'indique, comme principes et règlespositives du droit
international à appliquer enl'espèce,quelesprincipeséquitableset la
prise en compte de toutes les circonstancespertinentes. Cela revient
simplement à réaménagerlestermes delaquestionprincipalequi lui a
étéposée,sans rien y ajouter. Ce n'est apparemment qu'affirmer le

principe du non-principe. ))(C.I.J. Recueil 1982, p. 157,par. 1 .)

1. L'évolutiondu droit dela mer

2. L'arrêtne nie pas que <<la conventionde 1982revêtune importance
majeure ))(par. 27),etconstate même qu'ilincombe à la Cour <<d'examiner
jusqu'à quelpoint l'une quelconque de ses dispositionspertinentes lie les

Parties en tant que règlede droit international coutumier (ibid.). Et ilconstate comme suit l'influence que l'institution récentede la zone éco-
nomique exclusive exerce sur le régimedu plateau continental :

(<Il est incontestable selon la Cour qu[e] ..la pratique des Etats
démontreque l'institution de la zone économiqueexclusive,où il est
de règleque le titre soit déterminépar la distance, s'est intégrée au
droit coutumier. )>(Par. 34.)

Cependant la Cour hésite à admettre que ((la notion de zone économique
exclusiverecouvre désormaiscellede plateau continental (par. 33).Tout
en reconnaissant que le critère de distance s'applique au plateau conti-
nental aussi bien qu'à la zone économique exclusive, elle se refuse à
accepter que (l'idéede prolongement naturel soit maintenant remplacée

par celle de distance ))(par. 34). D'après elle :

(lorsquela marge continentale elle-même n'atteint pasles200milles,
le prolongement naturel qui, malgréson origine physique, a acquis

tout au long de son évolutionle caractère d'une notionjuridique de
plus en plus complexe, se définit enpartie par la distance du rivage,
quelle que soit la nature physique du fond etdu sous-solde la mer en
deçà de cette distance. Par conséquent les notions de prolongement
naturel et de distance ne sont pas des notions opposées mais com-
plémentaires,qui demeurent l'uneet l'autredes éléments essentielsde
la conceptionjuridique du plateau continental. ))(Ibid.)

3. Tout en admettant, d'une part, que

(<lavaliditédu titre ...ne dépendque dela distance à laquelle lesfonds
marins revendiquéscomme plateau continental se trouvent par rap-
port aux côtes des Etats qui les revendiquent, sans que les caracté-
ristiques géologiquesou géomorphologiques de ces fonds jouent le
moindre rôle ))(par. 39),

la Cour ne peut, d'autre part, accepter l'idée

quel'importance nouvellementaccordée à la notion de distance de la
côte ait eu pour effet, au moins dans une délimitationentre Etats se
faisant face, de conférerla primauté àla méthodedel'équidistance ))
(par. 4%

ou que
<<mêmecomme étapepréliminaire etprovisoire du tracé d'uneligne

de délimitation, la méthode de l'équidistance doive forcément être
utilisée,ni qu'ilincombe à la Cour (<d'examiner en premier lieu les
effets que pourrait avoir une délimitationselon la méthodede l'équi-
distance ))(par. 43).

Elle affirme que
(<[clette thèse revientpresque à épouserl'idéede <<proximité abso-

lue que la Cour a rejetéeen 1969 ..etqui,depuis, n'apasétéretenue par la conférence des Nations Unies sur le droit de la mer ))

(ibid.),
et ajoute :

(<Qu'un Etat côtier puisse avoirdesdroits surleplateau continental
en vertu de la distance de la côte ...ne signifie pas que l'équidistance
soit la seule méthode de délimitation appropriée,ni mêmele seul
point de départ possible ...))(Ibid.)

4. D'aprèsl'arrêt, quellequesoit l'interprétation qu'onpuisse endonner,
[la] pratique [étatique]ne suffit pas à prouver l'existence d'une règle
prescrivant le recours à l'équidistance ...))(par. 44 ; les italiques sont de

moi). Certes la Cour admet qu'il existe des exemplesqui <<montrent de
façon frappante que la méthode de l'équidistance peut, dans bien des
situations, produire un résultat équitable (par. 44).Mais elleajoute àcela
le prononcé suivant :

<<Les décisionsjudiciaires sont unanimes pour direque la délimi-
tation du plateau continental doit s'effectuerpar application de prin-
cipes équitables en tenant compte de toutes les circonstances perti-
nentes afin d'aboutir à un résultat équitable (par. 45).

Apparemment, la Cour reprend dans l'arrêtd'aujourd'hui laconclusionde
l'arrêtde 1982 où il était dit que, bien que la mention des principes
équitables ))eût été supprimée dans la version finale de la convention de
1982,la Cour était tenuede statuer en l'espècesur la base de principes
équitables ))et que l'application deprincipeséquitablesdoitaboutir à un
résultat équitable(C.I.J. Recueil 1982, p. 59,par. 70) ))(par. 28).

D'après la Cour :
<(Le caractère normatif des principes équitables appliquésdans le
cadre du droit international généralprésentede l'importance, parce

que cesprincipesgouvernentnon seulement la délimitationjudiciaire
ou arbitrale mais aussi, et d'ailleurs surtout, l'obligation incombant
aux Parties de rechercher en premier lieu une délimitation par voie
d'accord, ce qui revient à viser un résultat équitable. ))(Par. 46.)

En même temps,cependant, et de façon peu logique, elle fait preuve de
sévérité à l'égardde la règlenon moins absente <équidistance-circons-
tances spéciales ))pour la raison précisément qu'elle n'esptas mentionnée
à l'article 83 de la convention de 1982. La Cour, apparemment, avance
1'<é(quité ))comme une antithèse consacréede l'((équidistance o.

5. Commeje l'aidit plus haut, le présent arrêttémoigned'une certaine

compréhension de l'influence de la zone économique exclusive sur le
plateau continental, et du critèrede distance sur le régimede ce plateau.
C'estlàun premier progrèsparrapport àlaposition adoptéepar laCour en PLATEAU CONTINENTAL (OP. DISS. ODA) 128

1982.Je rappelleque, dans mon opinion dissidente,j'avais alorsformuléla

critique suivante :
<(Quiconque étudie ledroit de la mer sera surpris de constater que

l'expression <<zone économiqueexclusive ))n'apparaît qu'une seule
foisdans celongarrêt,et seulement àpropos desdroits historiques sur
les pêcheriessédentaires. ))(C.I.J. Recueil 1982,p. 157,par. 1 .)

Dans laprésenteespèce,aucontraire, l'arrêtaccordeune certaineattention
à cette notion (par. 33). Le second progrès est l'attention, sinon l'appro-
bation, qui y est donnée à la méthodede l'équidistance, sujetsur lequelje
m'étais vu contraint de déclarer en 1982 :

<(L'arrêt n'essaie mêm paes d'établiren quoi la méthodede l'équi-
distance, où l'on a souvent vu la consécration d'une règlede droit
pour la délimitationdu plateau continental, aboutirait à un résultat
inéquitable. On peut mêmedire qu'il ne rend pas justice à cette
méthode. ))(C.I.J. Recueil 1982,p. 157,par. 1.)

6. Malgré cela,je dois dire que mon interprétation de l'évolutiondu
droit de la mer au cours desdernières décenniesest,en cequi concerne les
principes et règlesapplicables à la délimitation du plateau continental,

différentede celle qu'en donne la Cour. En premier lieu, en effet, l'arrêt
affaiblit l'importance qu'il reconnaît lui-mêmeau critère de la distance
dans le régimedu plateau continental, en déclarant que les notions de
prolongement naturel et de distance sont complémentaires. Et ici, je
reviens brièvementsur l'assertion qui est faite à ce sujet au paragraphe 34
de l'arrêt,dont je citerai à nouveau un passage pour la commodité du
lecteur :

le prolongement naturel qui, malgréson origine physique, a acquis
tout au long de son évolution lecaractère d'une notion juridique de

plus en plus complexe, se définit enpartie par la distance du rivage,
quelle que soit la nature physique du fond et du sous-sol de la mer en
deçà de cette distance. Par conséquent les notions de prolongement
naturel et de distance ne sont pas des notions opposées mais com-
plémentaires,qui demeurent l'une et l'autredes éléments essentielsde
la conceptionjuridique du plateau continental. ))

J'aidu mal à saisirdans cetextele sensdesmots ((enpartie n,quisemblent
indiquer que leprolongement naturel peut êtredéterminé <(en partie par
desfacteursautres quela (distance )- etdequelsfacteurs peut-il s'agir, si

cen'est des aspects physiques, qu'écarteprécisément l'expression (quelle
que soit ? Ce passage se comprendrait donc mieux sans la restriction
expriméepar les mots <en partie ))- restriction qui aurait peut-êtreété
nécessaire sila Cour avait voulu analyser l'article 76 de la convention de
1982(voir ci-après,par. 61), mais qui ne l'est pas, puisque la Cour, à ce
stade de sa décision,a déjàvirtuellement admis que cet article doit être
compris dans un sens compatible avec les critèresapplicables à la déter-

mination deslimitesdelazoneéconomiqueexclusive.Dans cesconditions, dire que les notions de prolongement naturel et de distance ...sont ...

complémentaires >)et que l'uneet l'autre demeurent ((des éléments essen-
tiels n'està coup sûr, du moins dans le contexte des 200 milles, qu'une
façon de maintenir en viele (<prolongement naturel >)en lui appliquant la
respiration artificielle. C'est ce que semble confirmer le paragraphe 39 de
l'arrêt (analyséplusendétaa iluparagraphe 62ci-après), oùla Cour nevoit
aucun inconvénient à consacrer le critèrede distance et à affirmer que le
critèrephysique traditionnel du (prolongement naturel - mêmesousla

forme d'une zone d'effondrement - ne joue pas (le moindre rôle >).
D'ailleurs, enquoi un critère pourrait-il être (<complémentaire par rap-
port a ce qu'il détermine ? 11m'est difficilede comprendre comment les
notions de prolongement naturel et de distance peuvent êtreconsidérées
comme complémentaires.Le présentarrêt,dans la mesure où il se fonde
sur la notion de prolongement naturel invoquée dans l'arrêtde 1969,

n'accorde pas le poids voulu au simple fait que cet arrêta étéprononcé
avant ledébut dela troisièmeconférencedesNations Unies surle droit de
la mer,à une époqueoù l'onne connaissait ni lerôle du critèrede distance
dans le concept du plateau continental ni l'institution de la zone écono-
mique exclusive,et où l'èrenouvelle du droit de la mer attendait le début
des annéessoixante-dix pour apparaître.
7. En second lieu, la Cour applique les principes équitables sans voir

que la méthode de l'équidistancen'a jamais étéproposée comme une
notion faisant pièce à la règlede l'équitée ,t qu'au contraire lesjuges ou
arbitres ont toujours considéréque l'équidistancerentrait clairement dans
le cadre de cette règle.La méthodede l'équidistance,on le verra au cha-
pitre II, ajouéetcontinue àjouer un rôleimportant dans ladélimitationdu
plateaucontinental, dans lecadrede l'évolutioncontemporaine du droit de

la mer, et sans cesser de satisfaire à la notion d'équité.

2. Erreurs dans la définitionde la (zonepertinente »
aux fins de l'arrêt

8. 11est des cas où il est difficile et hasardeux de définirles <(zones

contestées O, (zones pertinentes ou <<zones de délimitation à retenir
pour délimiter leplateau continental de deux Etats ou plus, et ces diffi-
cultésetcesrisques sont multipliésquand lamer qui baigne lesrivagesdes
Etats parties estégalemententouréed'autres Etats, quinesontpas devenus
parties au différend. Dans la présente espèce, la (<zone en question,
n'étant qu'uneaddition de la (<future zone relevant de la Libye et de la

(future zone ))relevant de Malte, n'est pas de nature àintéresserexclu-
sivementles deux Parties au différend,sansaffecter aucun Etat tiers.A cet
égard,l'affaire est bien différente de l'affaire de la Délimitationde la
frontière maritime dans la régiondu golfe du Maine (où il s'agissait uni-
quement d'unedivision à opérerentre leCanada etlesEtats-Unis) et même
de l'affaire du Plateaucontinental(Tunisie/Jamahiriya arabelibyenne)(où
la Cour pouvait plausiblement seborner à envisagerunezone limitée,sans affecter les intérêtsou les prétentions des Etats tiers). Dans la présente

délimitationentre la Libye et Malte,la régionoù la lignedevait êtretracée
pouvait effectivement comprendre certaines étenduessusceptibles d'inté-
resser les Etats tiers.
9. La Cour, lorsqu'elledécrit (<la régiondans laquelle doit avoir lieu la
délimitation du plateau continental ))s'abstient prudemment de préciser
en termes géographiques la zone en litige entre les Parties 1)(par. 14).
Toutefois, en expliquant la tâche qui luiincombe, elleadopte une attitude

positive dans la définition de cette (<zone :
(<[La] décisionne doit s'appliquer qu'àune aire géographique où
aucune prétention [desEtats tiers] ne s'exerce.Sans doute les Parties

ont-elles en fait invitélaCour ... à ne pas limiter son arrêt à la région
où ellessont seulesen présence ;mais la Courne pense pas avoir une
telle libertéd'action, vu l'intérêt manifesté par l'Italieà l'égardde
l'instance.))(Par. 21 .)

<(La présentedécisiondoit ..êtred'une portéegéographiquelimi-
tée,de manière à ne pas affecter lesprétentionsde l'Italie ;autrement
dit ellene doit porter que sur lazoneoù, selonlesindications qu'ellea
données à la Cour, l'Italie n'émetpas de prétentions sur le plateau
continental. ))(Ibid.)

Une décisionrestreinte de lasorte ne signifiepasque lesprincipes
et règlesapplicables à la délimitationdans la zone viséene soientpas
applicablesendehors de celle-ci,ni que lesprétentionsformuléespar
l'une ou l'autre des Parties sur des étenduesde plateau continental
extérieures à la zone soient tenues pour injustifiées. ))(Zbid.)

<<Les limites à l'intérieurdesquelles la Cour doit, afin de préserver
les droits des tiers, confiner sa décisionen la présenteespèce,peu-
vent êtreainsi définiesd'après les prétentions émisespar l'Italie. ))
(Par. 22.)

(<la Cour s'entiendra aux étenduessur lesquellesaucun Etat tiers n'a
formuléde revendications )) (ibid.).

C'est ainsi que la (<zone )>s'arrêteau méridien 15" 10'E <<qui, selon la
Cour, définitles limites de la zone dans laquelle l'arrêtpeut s'appliquer 1)
(par. 68), et qui correspond tout simplement à la limite occidentale des
revendications italiennes dans la mer Ionienne.

10. En précisant sa tâche aux paragraphes 20 à 23 de l'arrêt, laCour
utilise onze fois au moins des expressions telles que <<prétentions ita-
liennes O, (<l'intérêt manifestp éar l'Italie etautres locutions semblables,
et une dizaine de fois l'expression << prétentions d'un Etat tiers ))ou une
formule analogue. Et, pour la simple raison qu'il s'agiten l'espècede
prétentions<< qu'aucune des Parties n'aqualifiéesde manifestement dérai- sonnables )(par. 23), elle confine sa tâcheà une (zone ))très étroitement
limitée. Il estcependant surprenant de constater que l'arrêt, en évoquant
lesprétentions italiennesdans les régionssituéesen dehorsde la (<zone >),

ne fait pas une seule allusion aux prétentions correspondantes de Malte
dans les mêmesrégions. C'est - parmi d'autres raisons - ce qui me fait
regretter que la requête à fin d'intervention de l'Italie ait étérejetée.De
l'avis de la Cour, comme elle l'a dit dans son arrêtdu 21 mars 1984,les
droits revendiquéspar les Etats tiers devraient êtresauvegardéspar l'ar-
ticle 59 du Statut (C.I.J. Recueil 1984,p. 26, par. 42), alors que pour ma
part j'exprimais l'opinion que :

on ne saurait voir dans l'article 59 du Statut la garantie que l'arrêt
rendu par la Cour dans une affaire où il s'agit d'un titre opposable à
tousrestera sans effet sur les prétentionsd'un Etat tiersinvoquant ce
mêmetitre >> (zbid.,p. 109,par. 37).

La Cour raisonne donc aujourd'hui comme elle aurait pu le faire si l'in-
tervention de l'Italie avait été admise etsi les revendications de ce pays
avaient été approuvées : elle définitla zone sur laquelle doit porter sa

décisionen fonction des prétentions italiennes.
11. J'estime que, en ce qui concerne la (zone )),la Cour fait erreur en
limitant sa tâche à une zone étroite, uniquement pour éviter tout risque
d'empiéter surles prétentions d'unEtat tiers. En agissant de la sorte, elle
perd de vue le champ du différend entre les deux Parties initiales, man-
quant ainsiau plein exercicede sajuridiction que lesditesPartiesavaientle
droit d'escompter. J'ai déjàdit à maintes reprisesque je suis en désaccord

avec les arrêtsprécédentsde la Cour où tout le raisonnement était fondé
surlapossibilitéde définirles <<zonespertinentes ):je songeen particulier
à mon opinion individuelle dans l'arrêt surla requête à fin d'intervention
de Malte dans l'affaire Tunisie/Libye (C.I.J. Recueil 1981, p. 33-34,
par. 21-23),et à mes opinionsdissidentes dans l'arrêtde 1982sur la même
affaire (C.I.J. Recueil 1982,p. 249-251,par. 147-148)et dansla procédure
sur la requête àfin d'intemention de l'Italie dans laprésenteespèce(C.I.J.
Recueil 1984, p. 109-110, par. 38-39). Qu'il me soit permis de citer la

conclusion de mon opinion dissidente dans l'affaire TunisielLibye :

((jetiens, avant de conclure, à souligner l'un desgrands avantagesde

la méthode de l'équidistance ..: c'est que l'équitéqui est de son
essence reste constante, quelle que soit la <<région à considérer aux
fins de la délimitation O, et que l'on n'est donc pas soumis à la
nécessité impérieusede définir cetterégion, nide recourir àl'emploi
arbitraire et artificiel de parallèles et de méridiens ))(C.I.J. Recueil
1982, p. 273, par. 188).

12. La notion de (<zone ))est égalementinvoquéepar la Cour dans un
contextedifférent,celuidescalculs de proportionnalité entre leslongueurs
de côtes et la zone à diviser. Cette question fera l'objet de la section
suivante. 3. Erreurs dans l'applicationdu critèredeproportionnalité

13. Le critèrede laproportionnalitéjoue un rôle important à l'égardde
la ligne de délimitation proposée.Aux termes de l'arrêt,ce rôle (<ne doit

servir qu'à vérifier l'équité du résultat obtenu par d'autres moyens
(par. 66). La Cour affirme :

<<Cette vérification[parla proportionnalité] n'aurait aucun sens si
les (<côtespertinentes ))etla <<zonepertinente )>n'étaient pas définies
avec précision 1)(par. 67).
Et elle ajoute :

<aucuneraison de principe n'empêched'employer le test de propor-
tionnalité,à peu près de la manière ...qui consiste à déterminerles
<côtespertinentes et les ((zones pertinentes deplateau continen-

talà calculer lesrapports arithmétiquesentre leslongueursdecôteet
les surfacesattribuées, et finalement à comparer cesrapports, afin de
s'assurer de l'équité d'une délimitation ))(par. 74).

14. Sicependant laCour, en l'espèce,abandonne enfaveurdu critèrede
proportionnalité l'opérationqui consiste à déterminer les <zones perti-
nentes ))et les<<côtespertinentes ))cela tient selon elle à deux difficultés
pratiques : premièrement <(le contexte géographique rend la marge de
détermination des côtes pertinentes et des zones pertinentes si large que
pratiquement n'importe quelle variante pourrait êtreretenue ));deuxiè-

mement, <la zone à laquelle l'arrêt s'appliqueraen fait est limitée par
l'existencedesrevendications d'Etats tiers )>(ibid). Surcedernierpoint, la
Cour sait <<àquel point il est dangereuxde sefonder surun calcul dont un
élémentessentiea l déjàétéétabliaudébut deladécision(ibid.).Eneffet :
Il serait illusoire de n'appliquer la proportionnalité qu'aux surfaces
comprises dans ces limites[déterminéespar les revendications des Etats
tiers].>>(Ibid.) Pourtant la Cour relèveencore deux difficultés graves que

soulèveraitl'application des << calculs de proportionnalité sur une étendue
plus vaste D. Elle semble donc renoncer à faire, pour les besoins de la
proportionnalité, tout calcul que cesoitsurlabasedes zonespertinentes et
des côtes pertinentes, bien qu'ayant affirmé antérieurement, dans le pas-
sageprécité :<<Cette vérification[parla proportionnalité] n'aurait aucun
sens si les (<côtes pertinentes ))et la <(zone pertinente ))n'étaient pas

définiesavecprécision. (Par. 67.)Tout ceque dit finalementl'arrêt surle
critère de la proportionnalité, c'est que :
<(si la Cour envisage maintenant l'étendue des zones de plateau de
part et d'autre de la ligne, il lui est possible de se faire une idée

approximative de l'équitédu résultat sans toutefois essayer de l'ex-
primer en chiffres. La conclusion de la Cour à cet égard est qu'iln'ya
certainement pas de disproportion évidente entre les surfacesde pla-
teau attribuées à chacune des Parties, au point que l'on pourrait dire PLATEAU CONTINENTAL (OP. DISS. ODA) 133

que les exigencesdu critère de proportionnalité en tant qu'aspect de
l'équiténe sont pas satisfaites. )(Par. 75.)

15. J'ai peine à croire que, sans définir la zone pertinente et les côtes
pertinentes, et donc sansfournir aucun chiffre pouvant servir de base aux
comparaisons, laCour puisse - selonsespropres termes - réussirà vérifier
l'équité du résultaa tuquel doit aboutir la ligne de délimitationproposée.
On a plutôt l'impressionque, voyant àquelpoint il étaitdifficilede définir
lazonepertinente etlacôtepertinente, ellearenoncé à seservirdeschiffres

qui devaient servir de base àl'application du critère de proportionnalité.
Mais n'est-ilpas paradoxal que,après avoir affirmélanécessité de définir
la zone pertinente et les lignespertinentespour vérifierl'équitédu résultat
de la division de la zone, elle abandonne ensuite cette tâche, au motif
qu'une telle opérations'avérerait impossible ? Il est certes essentiel, pour
appliquer le critère de proportionnalitéentre les surfaces de fonds marins
attribuées aux Parties et la longueur de leurs côtes, de définir d'abord
toutes les zones à délimiteret toutes les côtes à mesurer. Encore faut-il

cependant quecette double définition - des zones et des côtes - soità la
foiscomplètepour lesParties et exclusivepar rapport aux intérêtd sestiers.
Définirla zone en omettant l'une quelconquedes étendues pouvant être
raisonnablement revendiquéespar l'une ou l'autre Partie revient àne pas
exercer toute sa com~étenceet aboutit à une erreur. Cela est ~articuliè-
rement vrai pour les calculs proportionnels, car qui peut dire ce qu'aurait
été laproportion si l'on avait tenu compte de toutes ces étendues ? Une
définitiondece genre devient donc arbitraire et ne signifierien. 11ne faut
pas oublier ce simple fait mathématique : le résultat d'un critère de pro-

portionnalité partiel, c'est-à-dire qui ne tienne pas compte de certaines
zones auxquelles les Etats intéressés peuvent avoirdroit dans le voisinage
immédiat,ne peut donner d'indication sur l'équité finalede la situation
ainsi créée.C'est d'ailleurs un fait que l'arrêtreconnaît (par. 74). Mais
j'estime que l'arrêt aurait dû reconnaître aussi que,pour équitablequ'une
solution puisse paraître dans le présentcontexte,limité à dessein, rien ne
garantit qu'elle semblera encoreéquitable une fois que l'on aura effectué
lesautresdélimitations et achevédedéterminertoutes leszones deplateau

des deux Parties à la présenteaffaire.En attendant, il està craindre que la
Courn'ait pas facilité la tâche desEtats intéresséscommeelleaurait pu le
faire. Or, à long terme, ce qui compte du point de vue de la justice
internationale, c'est que tous les Etats de la régionreçoivent ceà quoi ils
ont droit en vertu du droit applicable.
16. La Cour invoque les chiffres de 24 milles et de 192 milles de
longueur, qui représentent respectivement (la côte maltaise de Ras
il-Wardija à la pointe Delimara, en suivant les lignes de base droites à

l'exclusion de l'îlot de Filfla et (<la côte libyenne de Ras Ajdir à Ras
Zarrouk, mesurée selonsa direction générale ))pour effectuer un (<ajus-
tement de la ligne médiane, afin d'attribuer à la Libye une plus grandeétenduede plateau )(par. 68). Etant donné que I'onne saurait parler de
proportionnalité sans préciserles chiffres de la zone et des côtes, je dois
indiquer que, renseignements pris, ilya entre lessuperficies qui s'étendent
des deux côtés - maltais et libyen- de la ligne de délimitation indiquée
par l'arrêt, et quirelèvent respectivement de Malte et de la Libyeà I'in-
térieurde la régionbornéepar lesligneslatéralesreliantlespoints précités
de chacune de ces côtes, un rapport de 1 à 3,8, si l'on tient compte

des littoraux auxquels la Cour se réfèrepour calculer la<< isparitéconsi-
dérableentre leurs longueurs o.Cependant, compte tenu de mes réserves
sur la zone indiquée plus haut, je proposerai un trapèze hypothétique
caractériséparun rapport de 1 à8entre la petite et la grande base, par des
côtés latérauxd'une longueur égale à celle de la grande base, et par une
petitebase faisant faceaucentre de lagrande(supposition analogue à celle
de I'arrêt).Dans un tel cas, l'effetde la véritableligne d'équidistance(qui
est une courbe, et non une droite parallèle à la base) est un partage
correspondant à un rapport de 1 à 2,3 ou légèrementplus élevéS . i I'on
prolonge la grande base àl'une de ses extrémités,de telle sorte que sa
longueurtotale soitvingt-quatre foisplus grande que cellede lapetite base
(situation où I'onse trouverait ici si l'on prenait la côte libyenne de Ras

Ajdir à Ras el-Hilal), la ligne médiane véritableaboutit àun partage de
1à 4 environ. De plus, pour passer d'un trapèze hypothétiqueau cas
d'espèce,si I'on compte l'immense poche abritée derrière laligne droite
idéale qui sertde base à la côte libyenne, c'est-à-dire le golfe de Syrte, la
différencede proportion devient énorme.
17. Que tel ou tel de ces rapport- de 1 à3,s par l'effet de la ligne de
délimitationproposéepar laCour, oude 1 à 2,3,ou de 1à4enconséquence
de la ligne d'équidistance à l'intérieurde mon trapèze hypothétique -
paraisse plus ou moins équitable, c'est ce dont on peut discuter. Cepen-
dant, I'arrêt netente pas d'établir en quoi l'applicationde la méthodede
l'équidistance quiaboutit à de tels rapports donnerait un résultatinéqui-

table. Or, je dois le faire observer, la notion mêmede la ligne médiane,
appliquée à des Etats se faisant face, sous-entend une division propor-
tionnelle de lazone en cause, et ne garantit pas nécessairement l'égalE.t
c'està ceux que ce fait embarrasse qu'il incombe d'indiquer quel est le
degréde disparité entre les longueurs de côte qui doit déclencher un
ajustement, et pourquoi.
18. En dernière analyse, il semble que la Cour se soit fourvoyéeen
appliquant en l'espècela notion de proportionnalité utiliséedans l'arrêtde
1969.Dans cet arrêt,la proportionnalité servait àvérifier l'équité géogra-
phique dans des étendues oùles Etats riverains se trouvaient devant une

ligne médiane établie etun point central situéau milieu de l'ovale que
forme la mer du Nord. En d'autres termes, ce que la Cour voulait dire en
1969,c'estquedans cescirconstancesparticulières où les Etats intéressés,
étant Etatslimitrophes, setrouvaient tous dans la mêmesituation, mais où
l'existence d'une concavitéou d'une convexitéaccentuéedu littoral pro-
duisait un certain effet de distorsion, la proportion entre les longueurs des
côtes,rectifiéede façonàtenir compte de la direction généralde celles--iou, pour m'exprimer commeje le faisais dans ma plaidoirie de 1968,entre

les (<façades maritimes ))- étaiten principe utile pour vérifier l'équité
géographique(voir ci-après,par. 69). Mais l'arrêtde 1969n'envisageait
nulle part la possibilitéd'appliquer de façon générale le conceptde pro-
portionnalité,surtout encas de délimitationentreEtats sefaisant face. Or
la partie de la Méditerranée centralequi se trouve àmoins de 200milles de
la côte des deux Parties,mais aussi de certains autres Etats, est siétendue,

que la Libye et Malte bordent l'une et l'autre de vastes espaces où les
intérêts desEtats tiers peuvent égalemententrer en ligne di compte. La
présenteespècene ressemble donc pas aux affaires du Plateau continental
de lamer du Nord où il y avait une zone prédéterminé e diviser entre les
parties, à l'exclusiondetout autreEtat, et où cette division étaitdénuéede

pertinence pour la division des étendues extérieures à ladite zone. On
retrouvemalheureusement cette erreur d'application du critèredepropor-
tionnalitédans les arrêtsde 1982et 1984(voir ci-après,chap. III).

4. Erreurs dans l'ajustementde la ligne d'«équidistance ))

19. La Cour tente d'abord d'(<effectuer ...une délimitationprovisoire
selon un critère et une méthodevisiblement appelés à jouer dans la pro-
duction du résultat final un rôle important ))(par. 60),

(<puis [de] confronter cette solution provisoire avec les exigences
découlantd'autres critères pouvant imposer la correction de ce pre-
mier résultat >)(ibid.).

Elle commence par tracer, entre la Libye et Malte, une ligne médianequi
(<n'est ...que provisoire ))(par. 63). Mais l'arrêtdit :

(<Pour ...parvenir [à un résultat équitable],le résultat auquel con-
duit le critère de distance doit être confrontéavec l'application des
autres principes équitables aux circonstances pertinentes. )) (Ibzd)

Après avoir exclu l'îlede Filfla du calcul de la ligne médianeprovisoire
entre Malte et la Libye, la Cour recherche donc (<si d'autres considéra-
tions, y compris le facteur de proportionnalité, doivent l'amener à ajuster
cette ligne (par. 64).Pourreprendre une autre formule de l'arrêt, laCour,

aprèsavoir retenu (<la ligne médiane comme limiteprovisoire (par. 65),
se met en devoir d'en envisager la pondération en équité, envue d'un
<<ajustement de la ligned'équidistance(ibid.) ;sil'on préfère, elle retient
une <<ligne médiane(en rejetant Filfla comme point de base) dans une
premièreétapede la délimitation ))avant d'imprimer (<à la ligne médiane
une translation verslenord >)(par. 73).Je citeencorel'arrêt :(<Ayant tracé
la ligne médiane initiale, la Cour a conclu que cette ligne devait être

ajustée ))(par. 78).
20. Selonla Cour, la ligne d'équidistance initialeest ajustéedans lebut
d'aboutir à <<un résultat équitable ))(par. 63), ou (<dans l'appréciationde
l'équité ))(par. 65). Pour cela, l'arrêttentede considérertoutesles circons-
tances pertinentes, à savoir :(<la trèsgrande différencede longueur descôtes pertinentes des Parties et le facteur que constitue la grande distance
quilessépare (par.66).Au cours de l'opérationde délimitation,ilestpris

note de <(l'existenced'une trèsforte différencede longueur deslittoraux )),
et 1'01-a1ttribue <(à cette relation entre les côtes l'importance qu'elle mé-
rite O, bien que l'arrêtne cherche pas à ((quantifier l'existence de cette
différence, <(ce qui ne serait approprié que pour évaluer à posteriori les
rapportsentre lescôteset lessurfaces (ibid). Pourtant l'arrêt,aprèsavoir

donnélechiffre de 24 millespour la longueur dela côte maltaise et celuide
192 milles pour la longueur de la côte libyenne pertinente, qualifie la
différencede <(sigrande qu'elle appelle unajustement de la lignemédiane,
afin d'attribuer à la Libye une plus grande étenduede plateau ))(par. 68).
Voilà, semble-t-il, pourquoi la Cour :

estime nécessaire,pour qu'une solution équitablepuisse être obte-
nue, d'ajuster la ligne de délimitation ...de manière à la rapprocher
des côtes de Malte ))(par. 71).

21. A cette fin, la Cour choisit ((de déterminertout d'abord quelle ...
doit êtrela limite extrême )) de cette translation (par. 72). Après avoir
adoptéune conception beaucoup trop restrictive de la zone dans laquelle
elle avait compétencepour statuer, ellejuge alors bon de définir la déli-

mitation du plateau continental entre la Libyeet l'îlede Malte, considérée
dans (le cadre géographique d'ensemble (par. 69), comme <<une déli-
mitation entre une partie du littoral méridional etune partie du littoral
septentrional de la Méditerranée centrale )) (ibid.). Elle définit les îles
maltaises comme un petit élémentdu littoral septentrional de la région
considérée,situé notablement au sud de la ligne généralede ce littoral

(ibid.). Et elle retient ((une médiane hypothétique entre la Libye et la
Sicile (par. 72) comme limite extrêmede l'ajustement prévu.
22. L'arrêtaffirme :

((Dans la zone envisagéepar la Cour, les côtes des Parties se font
faceet la ligned'équidistanceentre ellesest approximativementorien-
téed'est en ouest, desortequel'ajustement de la lignepeut êtreréalisé
d'une façon simple et satisfaisante en opérant sa translation vers le
nord. ))(Par. 71. Les italiques sont de moi.)

L'arrêtadopte comme ligne de référencele méridien15" 10'E, qui, cons-
tituant la limite des prétentionsde l'Italie, est censé limiter à l'estla zone
pertinente, puis opère une translation de la ligne de délimitation à l'in-
tersection de ces deux lignes. La ligne médianeentre Malte et la Libye

coupant le méridien15" 10'E à une latitude de 34" 12'N environ, et la
lignemédianeimaginaire entre la Libyeet la Sicilelecoupant à unelatitude
de 34" 36' N environ, la Cour juge qu'~une translation de la médiane
Malte-Libye de 24'de latitude vers le nord serait donc la limite extrême
d'un telajustement ))(par. 72).Cette marge de 24',mesuréesurle méridien

15" IO',doit, selon la Cour, permettre de prendre en considération les
circonstances pertinentes suivantes :
((primo, le cadre géographique d'ensembledans lequel les îles mal- taises apparaissent comme un accident relativement modeste dans
une mer semi-fermée ;secundo, la disparité considérabledes lon-
gueurs des côtes pertinentes des deux Parties )>(par. 73).

Ces circonstances entraîneraient ((la nécessité d'uncertain déplacement
de la limite vers le nord afin de parvenir à un résultat équitable
(ibid.).
23. Tout en admettant que la méthodeadoptée n'est pas un proces-
sus que l'on puisse immanquablement réduire à une formule chiffrée ))
(ibid.),la Cour conclut (<qu'une limite correspondant à un déplacement
des trois quarts environ de la distance ..donne un résultatéquitableauvu

de toutes les circonstances (ibid.).Elle propose donc une ligne obtenue
par une translation de 18' vers le nord sur le méridien 15" 10'E, pris
comme ligne de référence, etcorrespondant à une délimitation qui coupe
cemêmeméridien à unelatitude de 34" 30'N. Par pure coïncidence - que
l'arrêt ometde mentionner - cepoint d'intersection correspond à l'angle
sud-ouest de la zone revendiquéepar l'Italie dans la mer Ionienne.

24. Lapure coïncidence quifaitque lepoint d'intersection de lalignede
délimitationet de la ligne de référence se trouve êtrele mêmeque lepoint
qui marque la limite au sud-ouest des prétentions italiennes dans la mer
Ionienne est un fait géographiquesurprenant. Mais, mêmecelamis àpart,

le déplacementdu point d'intersection de la ligne de délimitationavec le
méridien15 " 10'Eestune erreur géographique.Cedéplacementdelaligne
de délimitationsurleméridien15" 10'Epris commeligne de référencen'a
eneffet de sensni du point de vuedel'équidistance, ni dupoint de vuede la
distance relative entre Malte et la Libye. Certes, ce point particulier de
latitude 34" 12'N sur la lignede référenceesé t quidistantde Malte et de la
Libye ;mais ilne l'estqueparrapport à la pointeDelimara du côtémaltais
et au cap de Homs sur la côte libyenne. Si l'on voulait déplacerla ligne
d'équidistance pour modifier le rapport de proportionnalité, il fallait le

fairesur une lignereliant directement deux points saillants de chaque côte,
et non pas sur la ligne de référence choisiedans l'arrêt,qui est dénuéede
toute pertinence pour ce qui est de la relation géographiqueentre les deux
côtes. L'intervalle sur cette ligne entre le point 34" 12'N, point d'équi-
distance pure et simple entre la Libyeet Malte, et lepoint 34" 36'N, point
d'équidistance hypothétiqueentre l'Italie et la Libye, correspond bien à
une différencede 24', ou 24 milles, sur la ligne de référence - mais sur
celle-ciseulement ;ilestdonc erronéde tenir pour indifférentlechoixdela
lignederéférenceD . ans cetintervalle, la Cour choisitlepoint de 34" 30'N,

imprimant ainsi à la ligne de délimitation une translation de 18', soit
18milles sur la ligne de référence - et il sera effectivement possible de
déplacerla délimitationde 18',soit 18milles,en tous sespoints. Mais cela
ne signifiepasquela lignesubisse une translation égaleaux trois quarts de
la marge (autrement dit, de 18'sur 24),étantdonnéquela distance entrela
ligne médiane continentale et la médiane pure et simple entre Malte et la Libyevarie à chaque méridien, etque par conséquent ladistance n'estpas
toujours de 24 milles à toutes les longitudes. De plus, la vraie distance
comprise dans cet intervalle - c'est-à-dire la plus courte distance, qui,

exceptésur la ligne de référence elle-même n,e suit pas une direction
nord-sud - variera elle aussi selon les endroits.
25. De toute manière,il n'existeaucune raison convaincante de dépla-
cer la ligne de délimitation en suivant un méridienqui est en soi sans
rappdrt géographique avecla Libye et Malte, puisque la ligne de référence
n'a rienà voir avecla distanceentre les côtes maltaises et libyennes et que
son choix est simplement dictépar les revendications d'un Etat tiers. A
mon avis, l'arrêttémoigned'une certaine incompréhension de la géogra-

phie, et lequadrillage conventionnel nord-sud/est-ouest dela cartographie
est sanspertinencepour la division desétenduesentre les Etats côtiers. La
latitude et la longitude, malgré leur utilitépour situer un point fixe sur la
carte, ne sauraientconstituer lefacteur déterminantpourpartager une zone
entre deux Etats. La ligne de délimitation proposéepar l'arrêtrepose
simplement sur l'illusion crééepar la présentation traditionnelle nord-
sud/est-ouest des cartes, et donc, en dernière analyse, sur le plan de

rotation de laTerre, facteurqui n'apas encore trouvé saplacedans ledroit
international. Une situation similaire résultait d'ailleursde l'arrêt rendu
dans l'affaire Tunisie/Libye (voir ci-après, par. 72).
26. La Cour considère que la ligne proposée << correspondant à un
déplacement des troisquarts environ de la distance entre les deux para-
mètres externes ..donne un résultat équitable auvu de toutes les circons-
tances ))(par. 73), et que cette ligne est (<de nature à assurer entre [les

Parties] un résultatéquitable (par.78). Ellene ditpas grand-chose sur le
raisonnement qui luipermet de dire siladite ligneest (équitable )>L'arrêt
précise bienque la ligne médianeinitiale est ajustée << pour tenir compte
des circonstances pertinentes de la région >)(ibid.). Mais <la disparité
considérable deslongueurs descôtesdes Parties )et <<la distance entre ces
côtes peuvent difficilement passer pour des circonstances pertinentes
justifiant un <<ajustement ))Il faut donc conclure que la Cour, en réalité,

n'utilisepas la (<proportionnalité )pour vérifierl'équité du résultat,mais
commecritèrepourletracéde lalignede délimitation.Commeleditl'arrêt
lui-même

((Sil'oncompare lescôtes de Malte etlacôte libyenne de Ras Ajdir
à Ras Zarrouk, il est évidentqu'il existe entre leurs longueurs une
disparitéconsidérable, etconstituant, selonla Cour,une circonstance
pertinente que devrait refléterle tracéde la ligne de délimitation. ))
(Par. 68.)

27. Passons à une question encore plus importante concernant ledépla-
cement vers le nord de la ligne médianeinitiale. Selon l'arrêt,cette ligne
devait être<< ajustée )),ou subir une <translation )>.Mais, en traçant la
ligne entre Malte et la Libye, la Cour n'a pas attribué un plein effet à
l'existencede Malte elle-même ;la ligne tracéene peut donc être uneligne

médiane ou d'équidistanceentre les Parties. La méthode suivie dans leprésent arrêt consisteà voirdans leterritoireentier de I'unedesPartiesune
circonstance spécialedenature à influer sur une délimitation que la Cour
n'a pas de raison d'effectuer, et qui exclut cette Partie même En réalité,
s'ilfallait attribuer un effet partàMalte, il n'existait en théorie aucune
raison deprendre la ligne médianeMalte-Libye enconsidération :cen'est
plus ici qu'un moyen d'ajuster plus facilement la ligne médiane continen-
tale hypothétique Sicile-Libye.On ne peut donc dire que l'arrêtajusteou
déplacela ligne d'équidistanceMalte-Libye : il ne fait que l'évacuer.On

remarquera d'ailleurs que cette ligne, une fois ajustéeou déplacéep ,erd
toutes les propriétés inhérentesà la notion d'équidistance.La ligne pro-
poséeestsimplementun substitut,un succédanéde lalignemédiane,etelle
ne saurait représenterun (ajustement )>dela ligne médianeentre Malte et
la Libye. S'ilexiste une ligne médiane à laquelle puisse un tant soit peu
ressembler la ligne (<ajustée ))c'est peut-êtreune ligne médianeentre la
Sicileetla Libye,maiscertainement pas unelignemédianeentre laLibyeet
Malte.
28. Le présent arrêt meparaît dénoter une conception erronée des
conséquencesde la théoriedu << demi-effet O, telle qu'invoquéedans la

décisionde 1977relative à l'arbitrage franco-britannique. En effet cette
décisionaccordait un effet partiel àunepartie minusculedu territoire de
I'unedesparties, considérée comme une circonstance spécialepertinente à
l'égarddes deux parties pour le tracéde la ligne d'équidistance.Il est
évidentque le tribunal arbitral avait d'abord tracé une véritableligne
d'équidistance,puis qu'il avait étésuggéré de corriger la ligne de base du
Royaume-Uni de façon à éviterque la situation quelque peu isoléedes
petites îles dépendantes que sont les Sorlingues n'exerçe une influence
considérable et excessive sur la délimitation de l'ensemble de la zone. Il
s'agissaitd'unesituation tout àfait différentedecelledelaprésenteespèce,

où un effet partiel est donné à l'un des pays mêmesayant demandé la
délimitation(voir ci-après,par. 45).

5. La géographie

29. L'arrêttraduit, semble-t-il, une compréhension insuffisante de la
géographie,notamment en cequi concernelanotion d'opposition entre les
côtes et la méthodede l'équidistance.Pour moi, la notion d'opposition
s'applique à toutes les côtes qui se font directement face. Dans la Médi-

terranée centrale, pour ce qui est de Malte et de la Libye, il faut entendre
par côtes opposéesla totalité dela côte sud-est des îles de Malte, et la côte
libyenne de Ras Ajdir à Ras el-Hilal. D'un point de vue géographique,il
n'yavait pas de raison d'adopter lepoint 15" 10'Eou RasZarrouk comme
limiteorientale de la côte libyenneopposée à Malte. Cela ne veut pas dire
que la côte de Libyejusqu'à Ras el-Hilal soit opposéeseulement àMalte :
elle l'est certainement aussiàl'Italie eà d'autres Etats. Mais l'erreur de
l'arrêtest de considérerla relation d'opposition exclusivementpar rapport
aux deux Parties, à l'exclusion de tout autre Etat.

30. Deuxièmement,la Cour sembledèsledépartinterpréterde manièreerronéecequ'est l'applicationpratique de la méthoded'équidistance.Une
ligne médianen'est pas simplement un compromis entre des configura-
tions qui se font face, ni la moyenne des lignes que l'on peut tracer

parallèlement à des côtes opposées ou à des lignes de base rectilignes.
L'élémentdéterminant du tracéd'une ligne d'équidistance estconstitué
par les saillants ou les convexitésde la côte, qui sont déterminég séomé-
triquement - etnon pas choisisarbitrairement - au fur etàmesure du tracé
de la ligne de délimitation. Le respectde la géographiesuppose la déter-
mination d'une <équidistance objective, au moyen de la méthodegéo-
graphique - ou géométrique - du tracé de l'équidistance, tout à fait
indépendamment de la définitionsubjective des (<côtes pertinentes ))On

peutse reporter à cesujet à ~ha1owitz:~horeandSea ~oundaries,volume 1
(1962), en particulier pages 232 à 235, et à Hodgson et Cooper, ((The
Technical Delimitation of a Modern Equidistance Boundary )),Ocean
Development andInternational Law, volume 3, no 4, 1976,pages 361 et
suivantes.

CHAPITR II. RÉEXAMEN DE LA RÈGLE (ÉQUIDISTANCE-CIRCONSTANCES
SPÉCIALES ))

1. Introduction :la troisième conférence deN sations Uniessur le droit
de la mer n'apas réussi, en 1982, à indiquer des règlespositives

de délimitationduplateau continental

31. La convention des Nations Unies surle droit de la mer de 1982n'est
pas encore un instrument obligatoire, quarante-six autres ratifications
devant êtreobtenues avant qu'elle n'entre en vigueur. Néanmoins, au
moment où l'on s'interroge sur les principes et règlesdu droit de la mer
contemporain, il est impensable de ne pas tenir compte de tous les efforts
déployésdans le grand atelier de cette conférencepar un nombre jamais
atteint de personnes venues de toutes les contrées du monde, et cela

pendant une périodede gestation d'une duréeexceptionnelle (à partir de
1967,annéede la première constitution du comitédu fond des mers de
l'organisation des Nations Unies), efforts qui ont abouti à un texte
exhaustif de trois cent vingt articles. Je ne le cède personne dans l'ap-
préciation des réalisationsadmirables de la conférence. Je n'arrive cepen-
dant pas à me persuader que la disposition pertinente de la convention
exprime une règlepositive - quelle qu'ellesoit- régissant spécifiquement
la délimitation du plateau continental. Le texte est le suivant :

(Article 83

1. La délimitation du plateau continental entre Etats dont les
côtes sont adjacentes ou se font face est effectuéepar voie d'accord
conformément au droit international tel qu'il est visé à l'article 38
du Statut de la Cour internationale de Justice, afin d'aboutir à une
solution équitable.)) PLATEAU CONTINENTAL (OP.DISS.ODA) 141

32. Celibellépeut s'analysercomme suit :premièrement, la convention
dispose que (<la délimitation du plateau continental ...est effectuéepar
voie d'accord ))Ce n'est là que l'aspect procédural du problème et l'on
peut en déduireque toute prétentionvisant à délimiter unilatéralement le

plateau continental serait considérée commedépourvue de validité en
droit international. C'estla simple confirmation du fait qu'une règlegéné-
rale de comportement dans les relations entre Etats s'applique en matière
de délimitation.Rienne prescrit une ligne de conduite précise.La solution
de façade consistant à dire qu'en l'absenced'unerègleobligatoireapplicable
dans tous les cas la délimitation doit êtreeffectuéepar voie d'accord
n'est pas une solution du tout. La règle exigeant que la délimitation se
fasse au moyen d'un accord reste donc une simple règleconcernant la

façon de procéderet non une règleindiquant une méthodede délunitation.
33. Cependantcette règledeprocédureest soumise à deuxparamètres, à
savoir que la délimitationest effectuée<< conformémentau droit interna-
tional tel qu'il estvisà l'article 38 du Statut de la Cour internationalede
Justice ))et le correctif téléologique(afin d'aboutir à une solution équi-
table )).Mais le simple fait d'invoquer la conformité (<au droit interna-
tional tel qu'il estvisà l'article 38 du Statut de la Cour internationale de
Justice O n'aide en rien à trouver une solution en pratique si aucune
précisionn'est apportéesur les règles spécialementpertinentes dans toute

la panoplie du droit coutumier, général, positifet conventionnel. De
mêmed , éfinirlebut àatteindre comme étantceluid'unesolutionéquitable
ne donne pas la moindre idéede ce qui la rend équitabledans le cas de la
délimitation du plateau, et ne spécifiepas non plus la méthode qu'il
faudrait suivrepour arriver à une telle solution. Au surplus, étantdonnéla
liberté contractuelle des Etats, toute partieàun accord est censéele tenir
pour équitable ou, à tout le moins, avoir renoncé au droit d'invoquer
l'inéquitépour tâcher de s'en dégager.La mention de l'équitéfigurant à

l'article 83, paragraphe 1, bien qu'elle semble énoncer une norme de
caractèrejuridique, est par conséquentoiseuseen tant que règlede droit :
on peut y voir tout au plus une recommandation sur l'état d'esprit dans
lequel les négociateurs devraient aborder leur tâche.

2. La règle«équidistance-circonstances spécial )s

appliquée à la délimitation d'unplateau continental unique et homogène
selon le critère delaprofondeur de 200 mètres

i) La règle dela conventionde Genève sur leplateau continental

34. Sila troisièmeconférencedes Nations Unies sur le droit de la mer
n'apas réussi à proposer une règleapplicable àla délimitationdu plateau
continental, cela ne signifie pas qu'aucune règlede ce genre n'ait existé
auparavant. Au contraire,ladélimitation du plateau continental avaitdéjà

étéréglementée,près d'un quart de siècleplus tôt, par un article de la
convention de Genèvesur le plateau continental. Les dispositions appli-
cables de la convention de 1958étaientainsi rédigées : Article 6
1. Dans le cas où un mêmeplateau est adjacent aux territoires de
deux ou plusieurs Etats dont les côtes sefont face, la délimitationdu
plateau continental entre cesEtats est déterminée par accord entre ces

Etats. A défautd'accord, et à moinsque des circonstancesspécialen se
justifient une autre délimitation, celle-ci est constituée parla ligne
médiane dont tous les points sont équidistants des points les plus
prochesdes lignesde base àpartir desquelles est mesuréelalargeur de
la mer territoriale de chacun de ces Etats.
2. Dans le cas où un mêmeplateau continental est adjacent aux
territoires de deux Etats limitrophes, la délimitation du plateau
continental est déterminéepar accord entre ces Etats. A défautd'ac-
cord, et à moins que des circonstancesspéciales nejustifient unaeutre
délimitation, celle-csi'opère parapplication du principe de I'équidis-

tancedespoints lesplus proches des lignesde base àpartir desquelles
est mesurée la largeurde la mer territoriale de chacun de ces Etats. ))
(Les italiques sont de moi.)
35. Il étaittrop tôt, en 1958,pour déterminerles principes et règlesdu
droit international coutumier applicables à certains aspects du plateau

continental, dont le régime venait seulementde se dégagerpendant la
périoded'après-guerre. La règlede l'équidistance servant à délimiterle
plateau continental avait cependant étédéjàproposéedans le projet de
1953de la Commission du droit international, et reprise dans son projet
final de 1956.Au cours de la premièreconférencedesNations Unies sur le
droit de la mer, tenue en 1958, la proposition conjointe Pays-Bas-
Royaume-Uni, pratiquement identique au projet de la Commission, mais
comportant certaines dispositions additionnelles qui ne nous intéressent
pas ici, avait étémiseaux voix. LeRoyaume-Uni, Etat coauteur, expliqua
dans les termes suivants le raisonnement dont s'inspirait la proposi-
tion :

<La ligne médianeservirait toujours de base pour la délimitation.
Si les deux Etats intéressésacceptaient de prendre comme ligne de
délimitation lalignemédiane,il ne serait pas nécessairede procéder à
d'autres négociations ; sidescirconstances spécialessemblaient indi-
quer qu'il convientde s'écarterde la lignemédiane,uneautre ligne de

délimitationpourraitêtreétabliepar voiede négociation, maislaligne
médiane servirait toujours de point de départ. ))(Conférence des
Nations Unies sur le droit de la mer, Documents officiels,vol. VI,
p. 92.) (C.I.J. Recueil 1982, p. 187-188,par. 52.)

La proposition fut adoptéepar 36 voix contre Oavec 19abstentions à la
Quatrième Commission, et finalement approuvée en plénièrepar 63 voix
contre Oavec seulement 2 abstentions. Le fait qu'en 1958 la première
conférencedesNations Unies sur ledroit de lamer, àlaquelleparticipaient
la plupart des Etats alors indépendants, ait adoptéce texte fondésur un
projet dontla Commission du droitinternational poursuivait l'élaborationdepuis 1951, que cette disposition ait subsisté commerègleconvention-
nelledepuis 1964,annéede l'entréeen vigueur de la convention de 1958,et
qu'elledemeure valide aujourd'huipour cinquante-trois nations, aurait dû
retenir l'attention de la Cour.
36. En stipulant que (la délimitation du plateau continental ...est

déterminéepar accord ))laconvention de 1958insistait déjà,bien évidem-
ment, sur l'importance de la volonté concordante des Etats intéressés.
Cependant, à ladifférencedela convention de 1982,cellede 1958énonçait
vraiment lesrèglespositivesde délimitationdu plateau continental. Selon
moi, cet élémenta étéen généralmal compris. L'intention implicite de
l'article 6 était,me semble-t-il, très vraisemblablement la suivante:qu'il
s'agissed'un accord ou d'une délimitation impartialepar tierce partie, les
principes et règlesdu droit international à appliquer sont que, à moins
qu'une autre méthodene soitjustifiéepar des circonstances spéciales,la
délimitationestlalignemédianedans lecas d'Etats qui sefont faceet,dans
lecas d'Etats limitrophes, elleest déterminéepar l'application du principe

d'équidistance.Autrement dit, on peut interpréter la convention comme
faisant delaméthode (équidistance-circonstancesspéciales ))labase dela
délimitation par voie normale d'accord et de la délimitation par tierce
partie.

ii) L'arrêrtenduparlaCouren1969danslesaffairesduPlateau continental
de la mer du Nord

37. Dans lesaffaires du PlateaucontinentaldelamerduNord,la Cour a
effectivement reconnu la valeur de la règle <<équidistance-circonstances

spéciales D,non pas, il est vrai, comme règlede droit international cou-
tumier, mais seulement comme règleconventionnelle. Elle a dit alors :

(<la convention ..[de 19581n'a ni consacréni cristalliséune règlede
droit coutumierpréexistanteou en voiede formation selon laquelle la
délimitation du plateau continental entre Etats limitrophes devrait
s'opérer,sauf si les Parties en décidentautrement, sur la base d'un
principe équidistance-circonstances spéciales.Une règle a bien été
établiepar l'article 6 de la convention, mais uniquement en tant que
règle conventionnelle. (C.Z. Recueil 1969, p. 41, par. 69.)

11me paraît très important de comprendre (comme le tribunal arbitral
franco-britannique l'a fait en 1977)qu'en 1969la Cour n'a pas niécette
règle, mais qu'aucontraire elle en a mesuréla grande valeur. Il semble y
avoir à cet égardcertains malentendus au sujet de l'arrêtde 1969.Durant
l'instance la République fédéraled'Allemagne elle-mêmeq ,uiétaitferme-
ment opposéeau recours à l'équidistance stricte ences affaires, avait été
d'avis que, s'il fallait éviterune application rigide de l'équidistance et
modifier, dans certains cas, les bases de sa construction, une règle sem-
blable ne soulevait pas d'objection. Et pour finir la Cour elle-mêmea
reconnu que la méthodede l'équidistanceprésentait certains avantages. PLATEAU CONTINENTAL (OP. DISS. ODA) 144

Ainsi la Cour, dans son arrêtde 1969,n'apas niélesvertus intrinsèquesde
l'équidistance entant que telle.

38. Si l'arrêtde 1969n'a pas retenu la méthode de l'équidistance,ce
n'est pas apparemment parce que cette méthode était inapplicable en
elle-même,maispour lesraisons quelaissetransparaître l'arrêt(par. 89) : à

savoir l'existence de prétentions convergentes de plusieurs Etats et de
diversesirrégularités,par exemple la concavitéou la convexitédu littoral
dans larégiondela mer du Nord, desorte que, del'avisdela Cour, l'emploi
pur et simple de la méthode de l'équidistanceeût abouti à un résultat
déraisonnable. Si les lignes de base avaient étéajustéespour rectifier
l'irrégularité des côtes, laCour aurait sans doute hésité à refuser tout
mérite àla méthodede l'équidistance.Bien que l'arrêt ait été adopté par
11voix contre 6, la décisionde la Cour et les opinions dissidentes de plu-
sieurs juges ne paraissent pas grandement différer dans le jugement

qu'ellesportent sur l'équidistance.Ce qui compte, c'est la façon dont la
Cour a évaluélescirconstances spécialesqua iutorisaient às'écarter d'une
application stricte de l'équidistance.La Cour, il est vrai, n'a pas présenté
l'équidistance commeune règle,mais en réalité lesfacteurs à prendre en
considération au cours des négociations, indiquésdans le dispositif de
l'arrêt, n'étaienatutres que ceux qui permettaient de faire exception à la
règle de l'équidistance. En particulier les facteurs mentionnés aux ali-
néas1, ((la configuration générale des côtes des Parties etla présencede
toute caractéristique spéciale ouinhabituelle >),et 3,((le rapport raison-

nable ...entre l'étendue deszonesde plateau continental relevant de 1'Etat
riverain et la longueur de son littoral mesuréesuivant la direction générale
decelui-ci ))concordaient exactement avecce àquoitendait la République
fédérale d'Allemagne ensoutenant qu'il fallait tenir compte de la macro-
géographiedans l'application de la méthode de l'équidistance (C.I.J.
Mémoires, Plateau continentad le lamer du Nord, vol. II, p. 195).

iii)La décisionde 1977 en I'arbitragefranco-britannique

39. Un différendentre le Royaume-Uni et la France, relatif à la déli-
mitation du plateau continental séparant cesdeux pays dans la Manche et
dans la régionqui s'étendvers l'océanAtlantique, a étéportédevant un
tribunal arbitral spécial,qui a rendu sa décisionunanime le 30juin 1977.
Cette décisionestun exempled'interprétationet d'application correctes de
la règle (équidistance-circonstances spéciales o. Le Royaume-Uni et la
France étant tous deux parties à la convention de 1958,la portéede la
réserveformuléepar la France lors de son adhésion à la convention et des
objections opposées à cette réservepar le Royaume-Uni devait êtreélu-

cidée. Letribunal arbitral a estiméque :

l'application ou la non-application des dispositions de la conven-
tion, et en particulier de l'article 6, n'entraînera guèrede différences pratiques, voire aucune, quant au tracéeffectif de la ligne de délimi-
tation dans la zone d'arbitrage ))(décision,par. 65),

et aussi que :

<<les dispositions de l'article 6 ne précisentpas les conditions d'ap-
plication de la règleéquidistance-circonstances spéciales ;de plus,
cette règleet les règlesdu droit coutumier ont un même objet :une
délimitation qui soit conforme au principe de l'équité.Le tribunal
estime par conséquentque les règlesdu droit coutumier sont perti-
nentes et en vérité essentiellespour interpréter et compléterles dis-
positions de l'article 6. )(Ibid., par. 75.)

Cesquestions neprésentent pasdepertinencedirecte auxfins présentes,de
sorte qu'il suffira peut-êtrede rechercher ici comment la règle<< équidis-

tance-circonstances spéciales )) a étéinterprétéedans la décision de
1977.
40. La décisiona correctement interprétéla règlequi se dégagede la
convention de 1958dans le passage suivant :

<<L'article 6 ne formule pas le principe de l'équidistanceet les
<<circonstances spéciales rcommeétantdeux règlesséparéesL . a règle
énoncée par cet articlepour chacune desdeux situationsconstitueune
seulerègle,combinant <<équidistance-circonstancesspéciales ))(ibid.,
par. 68),

et encore :

(<le fait que l'on se trouve en présenced'une règlecombinant équi-
distance-circonstances spéciales signifieque l'obligation d'appliquer
leprincipe de l'équidistance esttoujours subordonnéa la condition :
<<a moins que des circonstances spécialesne justifient une autre
délimitation ))..En résumé, le rôle de la condition relative aux <<cir-
constances spéciales O, posée à l'article 6, est d'assurer une délimita-

tionéquitable ; en fait,la règlecombinant équidistance-circonstances
spécialesconstitue l'expression particulière d'une norme générale
suivant laquelle la limite entre des Etats qui donnent sur le même
plateau continental doit, en l'absence d'accord,êtredéterminéeselon
desprincipes équitables ..[Mlêmesous l'anglede l'article 6,la ques-
tion de savoir si le principe de l'équidistance ou quelqueautre mé-
thode permet d'aboutir àunedélimitationéquitableest trèslargement
une question d'appréciation qui doit êtrerésolue à la lumière des
circonstancesgéographiquesetautres.End'autres termes, même sous

l'anglede l'article6,ce sont les circonstances géographiqueset autres
qui,dans chaque espèce,indiquent etjustifient lerecours à la méthode
de l'équidistancecomme étantle moyen de parvenir à une solution
équitable,plutôt quela vertu propre de cette méthodequi ferait d'elle
une règlejuridique de délimitation. ))(Ibid., par. 70.) 41. La décisiona aussi bien assimiléla portéede l'arrêt rendupar la
Cour en 1969dans les affaires du Plateau continentad le la mer du Nord:

<la Cour [internationale de Justice] a fait certaines observations qui
étaientd'uncaractèrepurement générae lt quiont traità l'application
du principe de l'équidistance entant que moyen d'aboutir à une
délimitation équitable, applicabilité quivarie en fonction des situa-

tions géographiquesdifférentes.Ces observations, auxquelles le tri-
bunal arbitral s'associede manièregénéralei,ndiquent que I'applica-
bilitéde la méthodede l'équidistance,ou de toute autre méthode, en
tant que moyen d'aboutir à une délimitation équitable du plateau
continental, dépend toujours de la situation géographique particu-
lière.En bref, il n'yajamais, que l'on sefonde sur le droit coutumier
ou sur l'article 6, l'alternative d'une liberté complètedu choix de la
méthodeou d'une absence de toute libertéde choix ;car l'applicabi-

lité, c'est-à-direle caractère équitable de la méthode, est toujours
fonction de la situation géographique particulière. (Ibid, par. 84.)
Quant aux observations de la Cour sur le rôle du principe de
l'équidistance, ellessont loin de déniertoute valeur à la méthodede
délimitation par l'équidistance ; ce que la Cour a refusé, c'estde

considérercetteméthodecommeobligatoireen droit coutumier. <(On
n'ajamais douté >),a dit la Cour, <<que la méthodede délimitation
fondée sur l'équidistancesoit une méthode extrêmementpratique
dont l'emploi estindiquédans un trèsgrand nombre de cas (C.I.J.
Recueil 1969,par. 22) ; et la Cour a ajoutéceci : <ilest probablement
exact qu'aucune autre méthodede délimitationne combine au même
degré les avantagesde la commoditépratique et de la certitude dans

l'application ))(ibid, par. 23). ))(Ibid., par. 85.)
42. Pour tracer la ligne de délimitation entre le Royaume-Uni et la
France à travers la Manche là où leurs côtes se font face, les deux Etats
étaient convenus de délimiter en principe selon la ligne médiane, et le

tribunal n'a vu :
<(aucuneraison pour s'écarterde l'opinion des parties, à savoir que la
méthodeapplicabledans laManche est enprincipe de tracer une ligne
médiane équidistante descôtes de chaque partie ; cette opinion est

conforme à la fois à l'article 6 de la convention et au droit coutu-
mier telqu'ilaété exposépar la Courinternationalede Justice D (ibid.,
par. 87).

43. De fait, àl'estdes îlesAnglo-Normandes, lesparties s'étaient mises
d'accordpour adopter une ligne <(simplifiée )fondéesur la lignemédiane,
représentéepar la ligne tracéedu point A au point D sur lacartejointe à la
décision.A l'ouestdesîles Anglo-Normandes, elles s'étaiententendues de
lamêmemanièresuruneligne <(simplifiée ))reposant surla lignemédiane,
sauf que, entre lespoints F et G, le statut d'Eddystone Rock commepoint
servant à mesurer la distance restait à préciser ;pour finir le tribunal

arbitral a tenu compte decerocher en traçant la lignemédiane. Mêmd eansla région oùles îles Anglo-Normandes pouvaient avoir un certain effet,
autrement dit dans le segment entre les points D et E, les deux parties ont

admis que
(lecadre géographique etjuridique de la délimitationde la limite est
celui d'Etats dont les côtes se font face et que, par conséquent, la
limite devrait, en principe, êtrela ligne médiane. Lesparties sont

cependant en désaccord completsur le rôle qu'il convient de recon-
naître aux côtes des îles Anglo-Normandes en tant que côtes du
Royaume-Uni (faisant face à celles de la France. )) (Décision,
par. 146.)

Le tribunal arbitral a estiméquela situation appelait une double solution.
En premier lieu, il a décidéque la délimitationprimaire entre les parties
devait êtreunelignemédiane reliantlepoint D du segmentest convenu au
point E du segment ouest convenu. La deuxième partie de la solution
proposéepar le tribunal arbitral consistait à laisser aux îles Anglo-Nor-
mandes une zone de 12milles, sauf là où les mers territoriales des deux
parties étaient à délimiter.Bref,dans toute la régionde la Manche, la ligne

d'équidistancea étéconservéeen principe, sauf làoù Eddystone Rock aété
pris en considération, etil n'a pas ététenu compte des îles Anglo-Nor-
mandes pour mesurer l'équidistance.
44. D'autre part, dans la région atlantique, sur laquelle les parties
étaienten complet désaccord,ilne s'agissaitpas de tracer la ligne dans une
zone comprise entre elles, mais dans des étenduesde haute mer où leurs
côtesne sefaisaient plusface.Acet égard,letribunal arbitrala bien mesuré

lecaractèreexhaustif del'article6delaconvention de 1958etiladéclaré ce
qui suit :
((Le caractère général des dispositionsde l'article 6 et l'absence
d'indications contraires dans les travaux préparatoires de cet article

ou dans la pratique des Etats confirment l'idéeque l'article 6 traite la
question dela délimitationdu plateaucontinental defaçon exhaustive
et qu'enprincipe toutes lessituationssont couvertes soit par l'alinéa1
soit par l'alinéa2 de cet article. (Ibid., par. 94.)

<(Les règlesde délimitation prescrites aux alinéas 1 et 2 sont les
mêmese ,t c'estla relation géographique réelleentre lescôtes desdeux
Etats qui détermine leur application. Ce qui importe, c'est qu'au
moment d'établirsila méthodede l'équidistance convient entant que
moyen d'effectuer une délimitation ((juste >)ou ((équitable ))dansla
régionatlantique, le tribunal tienne compte, d'une part, du rapport
latéral entreles deux côtes lorsqu'elles aboutissent au plateau conti-

nental de la régionet, d'autre part, de la grande distance sur laquelle
ce plateau continental s'étend au large de ces côtes. (Ibid.,
par. 242.)
Ensuite le tribunal a bien présentéle cas de la limite latérale, dans les

termes suivants : <Alors que, dans le cas d'Etats (<se faisant faceO, une ligne mé-
diane aura pour effet normal une délimitation qui sera dans l'en-
sembleéquitable,uneligned'équidistancelatéralequiseprolonge loin
au large des côtes d'Etats limitrophes pourra souvent produire une
délimitation inéquitableen raison de l'effetdéformantde caractéris-
tiquesgéographiquesparticulières.Enbref,c'est l'effetcombinédu voi-
sinageimmédiatdes deux Etats et du prolongement vers lelargedela
limite latérale sur une grande distance qui peut créer une situation

inéquitableet quiest àlabase de la distinction entre les situations où
les côtes sont <<limitrophes ))et celles où les côtes <se font face. >)
(Décision,par. 95.)

45. Dansla régionatlantique, letribunal arbitrala doncproposélaligne
médiane du point J au point L, ce dernier équidistant d'Ouessant (île
française)etdes Sorlingues(îlesanglaises).Apartir dupoint L, àl'ouest,le
tribunal a estiméque :

<<il faut donc tenir compte de l'effet de déviation qu'exercent les
Sorlingues sur le tracéde la ligne dans la régionatlantique si l'on
donne plein effetà cesîlesen appliquant laméthode del'équidistance.
En principe, comme le tribunal arbitral l'a décidé,la ligne de déli-
mitation dans le reste de la régionatlantique doit êtrefixéepar la
méthode de l'équidistancemais en ne donnant qu'un demi-effet aux
Sorlingues. En conséquence,la ligne reliant lepoint K au point L, ce
dernierpoint étantun point auquel lesSorlinguesexercentplein effet,

n'est prolongéque sur une brèvedistance à l'ouest,jusqu'à ce qu'elle
coupe, au point M,la ligne d'équidistancequi ne donne qu'un demi-
effet aux îlesSorlingues.A partir du point M,comme il est indiqué au
paragraphe 251,lalignededélimitationsuitlalignequi diviseendeux
la zone formée,au nord, par la ligne d'équidistance tracée à partir
d'Ouessant et des Sorlingues, et, au sud, par la ligne d'équidistance
tracée à partir d'Ouessant et de Land's End, c'est-à-dire sans les îles
Sorlingues. >)(Ibid., par. 253-254.)

Bref, l'équidistance a donc joué un rôle décisif même dans la région
atlantique, où il fallait tracer la limite latérale, et seule la situation géo-
graphique des îles tant anglaisesque françaises a été reconnuecomme un
motif de s'en écarter. Laseule question était celle des circonstances géo-

graphiques entrant dans lecalculdel'équidistance, mais la règlede l'équi-
distance elle-mêmen'ajamais été abandonnée.

3. La règle«équidistance-circonstances spécial )s

à la troisième conférence deN s ations Uniessur le droit dela mer

46. Point n'est besoin de s'attarder sur le processus qui a amené la
troisième conférence des Nations Unies sur le droit de la mer à ne pro-
poser, en dehors d'unedisposition creuse, aucunensemble positif de règles
relativesà la délimitationdu plateaucontinental.On noteracependant que,si la troisième conférence s'est montrée incapable de proposer la règle
(équidistance-circonstances spéciales ))et n'a par ailleurs rien suggéré
d'autre au terme de ses travaux, la possibilitéd'une règlesemblable était
fort loin d'avoir éténégligée. A la troisième session, tenue en 1975, le
présidentde la troisièmeconférenceproposa que leprésidentde chacune

des trois principales commissions élaboreun texte unique de négociation
sur lessujets dont sa commission étaitsaisieen tenant compte de toutes les
discussions - officielleset officieuses- qui avaient eu lieujusque-là, étant
entendu cependant que ces textes n'engageraient aucune délégation etne
constitueraient pas un texte négociéni un compromis accepté,et qu'ils
serviraient simplement de base de négociation. Ledernier jour de la ses-
sion,leprésidentde ladeuxièmecommission (qui s'occupait du droit de la
mer en général)établit lepremier texte sous la forme du texte unique de
négociation officieux. Lesdispositions pertinentes de ce texte ne diffé-
raient pas beaucoup de celles de la convention de 1958,en ce sens que la

règle (équidistance-circonstances spéciales )>étaitconservée,mais sous
une forme quelque peu changée.Le texte unique de négociation officieux
disposait :

(<La délimitationdu plateau continental entreEtats adjacentsou se
faisant face est effectuéepar accord entre eux selon des principes
équitables, moyennant l'emploi, le cas échéant,de la ligne médiane
ou de l'équidistanceet compte tenu de toutes les circonstances per-
tinentes. (Troisièmeconférence desNations Unies sur le droit de
la mer, Documents officiels,vol. IV, p. 168.)

Le texte unique de négociation officieuxfut repris en 1976dans le texte
unique de négociation revisé,avant de devenir le paragraphe 1 de l'ar-
ticle83du textede négociationcomposite officieuxde 1977.La conférence
avait décidéque le texte de négociation composite aurait un caractère

officieuxet serait placésur lemêmeplan queletexteunique de négociation
officieux et le texte unique de négociation revisé, qu'id l evait s'agir uni-
quement d'un instrument de travail et d'unebase de négociation,etque les
délégationscontinueraient d'avoir toutelatitudepour proposer desmodi-
fications en vue de faciliter la réalisationd'un consensus.
47. La troisièmeconférence desNations Unies sur le droit de la mer a
achoppévers 1978sur ce point particulier. On s'estefforcéalors par tous
les moyens d'arriver à un compromis entre les partisans et les adversaires
de la ligne d'équidistance. Letexte de compromis proposé en 1980par le
présidentdu septièmegroupe de négociationa étérepris dans le texte de

négociationcomposite officieux/revision 2,et il est demeurétel quel dans
le projet de convention (texte officieux), c'est-à-dire dans le texte de
négociation composite officieux/revision 3 de 1980. Ce texte est ainsi
conçu :
.
((La délimitation ...du plateau continental entre Etats dont les
côtes se font face ou entre Etats adjacents est effectuéepar voie
d'accord, conformémentau droit international. Un tel accord se fait selondes principes équitables,moyennant l'emploi,lecaséchéant,de
la ligne médianeou de la ligne d'équidistance et comptetenu de tous
les aspects de la situation dans la zone concernée. ))(Troisièmecon-
férence desNations Unies sur le droit de la mer, Documents officiels,
vol. XIII, p. 86.)

Cette disposition a fait partie du texte jusqu'en août 1981.Or, la veille
mêmede la clôture de la reprise de la dixième session,lors de ce qui a été

pratiquement la dernière réunionutile de la conférence,le président de
la troisième conférencea présenté un document intitulé (Proposition
concernant la délimitation )),où il suggéraitun texte, devenu depuis l'ar-
ticle 83de la conventionde 1982.Ce texte inéditn'avaitfait l'objetd'aucun
débat,mais le lendemain, 28 août 1981,tout dernierjour de la session, les
présidentsdesdeuxgroupesopposéssesont généralementprononcés en sa
faveur, et le collègea décidéde l'incorporer dans le projet de convention.

Dans son document leprésident déclaraitqu'au cours desconsultations il
avait

(<eu l'impression que la proposition avait recueilli un appui large et
ferme auprès des deux groupes de délégation lesplus directement
intéressés, ainsi qu'au seinde la conférence dans son ensemble ))

(A/CONF.62/SR.154, p. 2) [traduction du Greffel.

48. 11ressort de l'historique de la rédactionde cette disposition parti-
culièreque l'article83de laconvention de 1982constitue une règlefourre-
tout, propre à satisfaire les tenants des deux thèses,et c'est bien là que
réside son mérite. Maissi l'onconsidère à quel point il est difficile d'ex-
traire de ces dispositions un sens positif, il semble que la satisfaction
qu'elles ont pu inspirer était celle, essentiellement négative,de constater

que l'adversaire n'avaitpas eu expressémentgain de cause. Pourtant, s'il
faut bien reconnaître lecôtétrès limitédes textes de négociation, force est
de constater que la règle équidistance-circonstancesspéciales O,tout au
long de la troisièmeconférencedes Nations Unies sur ledroit de la mer, a
étél'une des grandes prémissesdes discussions.

4. La règle«équidistance-circonstances spécial )sdans la délimitation
d'un plateau continental unique et homogènseelon le critère
de distance des 200 milles

49. Ainsi, pour finir, la règle (<équidistance-circonstances spéciales O,
adoptée - du moins delegeferenda - sans aucune objection à la première
conférencedesNations Unies sur ledroitde lamer, et prise commebase de
négociationdurant toutela troisièmeconférence, n'a pas été expressément
mentionnée comme règle en vigueur dans la convention de 1982. On
pourrait voir là l'effetd'une revisionde la notion mêmede plateau conti-
nental ; aussi n'est-il pas inintéressant d'examiner comment celle-ci a

évoluédepuis 1958.i) Parallélisme nouveau entre plateau continental interne e etterne

50. (Les textes de la convention de 1958et de la convention de 1982.)
Les conceptions relatives à la limite externe du plateau continental ont
considérablementvariéau cours de la périodeécoulée. Laconvention de
1958définit le plateau continental en ces termes :

«Article 1. ..L'expression (<plateau continental )est utiliséepour
désignera) le lit de la mer et le sous-sol des régionssous-marines
adjacentes aux côtes ...jusqu'à une profondeur de 200 mètres ou,
au-delà de cette limite, jusqu'au point où la profondeur des eaux
surjacentes permet l'exploitation des ressources naturelles desdites
régions. >)

Cette définition a été modifiéecomme suit dans le texte unique de né-
gociation officieux de 1975, tout premier projet établi par la troisième
conférence desNations Unies sur le droit de la mer :

<Article 62. Définitionduplateau continental
Leplateau continental d'un Etat côtier comprend lesfonds marins

et leur sous-sol au-delà de sa mer territoriale, sur toute l'étendue du
prolongement naturel du territoire terrestre de cet Etat jusqu'au
rebord externe de la marge continentale, ou jusqu'à 200millesmarins
des lignes de base à partir desquelles est mesuréela largeur de la mer
territoriale, lorsque le rebord externe de la marge continentale se
trouve à une distance inférieure. ))

La disposition du texte unique de négociation officieuxa été reproduite
sanschangement dans l'article64du texte unique de négociation revisé de
1976 - article 76du texte denégociationcomposite officieuxde 1977.L'ar-
ticle 76, paragraphe 1, de la convention de 1982 l'a reprise telle quelle.
Avec quelques dispositions complémentaires, on y trouve la définition
suivante :

<(1. Le plateau continental d'un Etat côtier comprend les fonds
marins et leur sous-sol au-delà de sa mer territoriale, sur toute l'éten-
due du prolongement naturel du territoire terrestre de cet Etat jus-
qu'au rebord externe de la marge continentale, oujusqu'à 200 milles
marins des lignesde base àpartir desquelles est mesurée la largeurde

la mer territoriale, lorsque lerebord externe de la marge continentale
se trouve à une distance inférieure.

3. La marge continentale est leprolongement immergéde la masse
terrestre de 1'Etat côtier ; elle est constituée par les fonds marins
correspondantau plateau, au talus et au glacis ainsi que leur sous-sol.
Elle ne comprend ni lesgrands fonds des océans,avec leurs dorsales

océaniques,ni leur sous-sol. )) 51. (Historique.) La définition nouvelle du plateau continental, qui
n'avaitpasété envisagéeen1958,afait sonapparition verslafin desannées
soixanteet audébutdesannéessoixante-dix.Que s'était-ildonc passédans
l'intervall? C'était l'époque où la possibilitépratique d'extraire du pé-
trole, non seulement du plateau continental mais aussi de la marge conti-
nentale, était devenue une réalité.Vers la fin des années soixante, les
grandes compagnies pétrolières poussaientles Etats-Unis à étendreleur
souverainetésurlesfondsmarins bien au-delà del'isobathe des200mètres.
pour inclure le rebord de la marge continentale, où désormais il était
techniquement et commercialement possible d'exploiter les gisements
pétrolifères.D'autre part, les compagnies désiraient éviterque, par des
mesures de nationalisation ou de confiscation, les pays en développement
ne portent atteinteàleurs intérêtst àleursinvestissements dans ceszones
plus vastes, au large de leurs côtes, où elles pouvaient êtretitulaires des
permis. Les Etats-Unis présentèrenten 1970 à la commission du fond des

mers des Nations Unies un projet de convention (A/AC.138/25) qui pré-
voyait une zone internationaledefonds marins s'étendant au-delàdu pla-
teau continental définipar l'isobathe des200 mètres ;ils proposaient d'y
créerune zone internationale de tutelle,comprenant la marge continentale
au-delà du plateaucontinental, oùchaque Etat côtierpourrait octroyer des
permis, assurer la surveillanceet exercerson autorité,et préleverune frac-
tion des redevances oudu produit de l'exploitation desressources.L'inten-
tion véritable desEtats-Unis était,semble-t-il,de donnerà la marge conti-
nentale le statut d'une zone internationale de fonds marins placée sous
le contrôle des Etats côtiers, tout en prévoyant une protection internatio-
nale des investissements effectuéscontre toute nationalisation ou confis-
cation arbitraire décidéepar ces Etats. En 1973 les Etats-Unis revisèrent
leur position et avancèrent l'idée d'unezone côtière d'intérêt économique
dufond des mers,qui devait s'étendre jusqu'aurebord inférieurdu talus
continental, où seraient imposéescertaines restrictioàsla nationalisation
ou à la confiscation des permis déjà accordés(A/AC.138/SC.II/L.35).

Si ce nouveau projet s'opposait apparemment au projet de conven-
tion présentépar le mêmepays en 1970,les buts des deux propositions
n'étaient pas très différents en réalité.On considérait de plus en plus
généralement que, quelleque soit l'interprétation donnée au critèred'ex-
ploitabilitéde l'article6 de la convention de 1958,la référencefondamen-
tale de l'isobathe des200mètres,retenuepour définir la limitedu plateau
continental, ne pouvait pas êtreconservée,dans la mesure où la souverai-
neténationaledevait s'étendre à toute lazone où desressourcespétrolières
pouvaient êtreprésentes.
52. (Apparition du critère de distance.) Pourtant la géologieet la géo-
morphologie des zones côtières varient considérablement suivant les
régions.A certains endroits le plateau continental (et la marge continen-
tale)s'étend trèsloidelacôte, tandis qu'ailleurslesfonds côtiersplongent
brusquement jusqu'aux grandsfonds océaniques.Pourcette raison, et afin
decompenser leurs handicaps géomorphologiques et géologiquesl,esEtats
à plateau continental trèsétroitont eu l'idéede définir('juridiquement)le plateau continental en fonction d'un critèrede distance détachéen fait de
la géologieou de la géomorphologiedesfonds marins. Ils entendaient en
effet sevoir attribuer deszonesplus importantes et s'assurer,par référence
àune certaine distance de la côte, une étendue minimum de zones sous-
marines réservées,au-delà mêmede leur plateau continental géologique
restreint, et indépendamment de l'existence effectivede gisements pétro-
lifères.Cette tendancecoïncidait avecl'apparition de lanouvelle notion de
zone bconomiqueexclusive,qui afortement influencélerégimedu plateau
continental. En ce qui concerne cette zone économique exclusive,notion
qu'allait rapidement consacrer ledroit international, lalimite de 200milles

était laseuleàavoirjamais été proposée etelleavait étéacceptéd e'entrée,
bien aue ce chiffre de 200 ne corres~onde à aucune nécessitéet ait seu-
lement étésuggérépar certains pays latino-américains vers la fin des
années auarante comme limite de leur souveraineté maritime. Il était
cependant compréhensibleque ce chiffre puisse servir de critère de dis-
tance en matière de ~lateau continental.
53. (L'incorporation de la marge continentale dans le prolongement
naturel du territoire terrestre.) Le ralliement de d lusen d lus généralau
critère des 200 milles pour difinir le plateau continentai ne kettait pas
pour autant un frein à la revendication d'unezoneencoreplus large, allant

jusqu'au pied de la marge continentale, comme réservoirpotentiel de
ressourcespétrolières.Des Etatsdotésd'unplateau continental géologique
de grande dimension prétendaient que la zone de 200 milles n'étaitpas
suffisante et revendiquaient au titre de leur plateau continental des éten-
dues de fonds marins au-delà de 200 milles. Etant donnéqu'il existedes
ressources pétrolièresnon seulement dans leplateau continental lui-même
mais aussi dans la marge continentale au-delà du plateau, l'interprétation
juridique de la notion de plateau continental devait êtrela plus large
possible et englober lerebord externe de la marge continentale. C'estdans
cette perspective que se place la formulation par la Cour de la notion de
prolongementnaturel, apparuepour lapremièrefoisdans l'arrêtde 1969et

constamment associéedepuis à la notion de plateau continental.
54. (Le <(prolongement naturel ))dans l'arrêtde 1969.) En réalité,le
recours à cette notion dans l'arrêtde 1969semble avoir étégénéralement
mal compris car on lui a attachéune importance excessive,contrairement
aux intentions véritablesde l'arrêt, quine visait qu'à préciser ledroit de la
délimitationdu plateau continental. LaCour adit etrépété que le(<plateau
continental est le prolongement naturel [du territoire terrestre] sous la
mer )(C.Z.J. Recueil1969,par. 39).Elleaaussiévoqué <laconceptionplus
fondamentale duplateau continental envisagécommeprolongement natu-
rel du territoire>)(ibid., par. 40), et <prolongement naturel ou ..l'ex-

tension du territoire oudela souverainetéterritorialedel'Etat riverain sous
la haute mer, au-delà du lit ... (ibid, par. 43). L'arrêtde 1969 ne pre-
nait pas position sur des problèmes relatifs la limiteextérieuredu plateau
continental, car la mer du Nord est une mer peu profonde, à l'excep-
tion (sans pertinence en l'espèce)de la fosse norvégienne,de telle sorte
qu'il ne disait rien de la zone située au-delàde l'isobathe des200 mètres.De même qu'aucune idée précisede la limite externe du plateau conti-
nental ne se dégageaitde la convention de 1958sur le plateau continen-
tal, de même l'arrê dte 1969n'entendait pas définir cette limite ni l'éten-
due du plateau continental en recourant à cette notion de (<prolonge-
ment naturel )),simplement utilisée pour justifier la souveraineté de
YEtat côtier sur le plateau continental qui lui était géographiquement

adjacent.

55. (Le (<prolongement naturel àla troisièmeconférencedesNations
Unies sur le droit de la mer.) Sila notion de prolongement naturel dansla
convention de 1982a un sens, ce sens est tout à fait différentde celui que
l'arrêtde 1969avait voulu lui donner. La notion a été utilisée,d'une part,
pourjustifier la tendance àl'extensionde la souveraineténationale sur les
zones sous-marines qui étaitapparue depuis la fin des années soixante et,

d'autre part, pour limiter cetteextension au pied de la marge continentale,
afin de pouvoir laisser les nodules de manganèse des grands fonds océa-
niques, patrimoine commun de l'humanité, sous l'administration d'une
autoritéinternationale, suivant une idée qui s'étaitfaitjour à plusieurs
reprises à la fin des années soixante. En d'autres termes, la notion de
prolongement naturel appliquée au plateau continental avait pour but de
permettre la définition d'une zone internationale de fonds marins.
56. (Les deux différentes propositions présentées àla troisième confé-

rence des Nations Unies sur le droit de la mer.) Deux propositions pré-
sentéesala troisièmeconférencedesNations Unies sur ledroit de la mer à
sa session de Caracas en 1974ont ététrèsimportantes pour l'avenir. Une
proposition faite par neuf Etats (Canada, Chili, Islande, Inde, Indonésie,
Maurice, Mexique, Norvègeet Nouvelle-Zélande) prévoyaitnotamment
ce qui suit :

(Le plateau continental d'un Etat côtier s'étendau-delà de sa mer
territoriale, jusqu'à une distance de 200 milles mesurée à partir des
lignes de base applicables ou, au-delà de cette distance, sur toute
l'étenduedu prolongement naturel du territoire terrestre de 1'Etat
côtier.))(A/CONF.62/L.4, art. 19.)

Parallèlement, lesEtats-Unis renonçaient à leur conception fondamentale
du caractèreinternational des fonds marins,qui avaitinspiré,comme ilest
indiqué plus haut, leurs propositions de 1970 et 1973,pour revenir au
problèmeplussimplede la définitionde la limite externe du plateau conti-
nental :

(<Le plateau continental est le fond de la mer et le sous-sol des
régions sous-marines adjacentes à la mer territoriale et situé au-
delà de la mer territoriale jusqu'a la limite de la zone économique
ou, au-delà de cette limite, tout ce qui correspond au prolonge-
ment naturel submergédu domaine terrestre de l'Etat côtier jusqu'à
la limite extérieure de sa masse continentale, définie et délimitée
de façon précise conformément à l'article 23 [sur les limites].))
(A/CONF.62/C.2/L.47, art. 22-2.) PLATEAU CONTINENTAL (OP. DISS. ODA) 155

Il est sans doute inutile de rappeler que ledéveloppement de cette idéede
l'extension deszonesdu fond des mers réservées auxEtats côtiersjusqu'au
pied du prolongementnaturel de leur domaineterrestre correspondait à la
revendication,formulée par un nombre croissant de ces Etats, de toute la
zone côtière qui renferme des gisements pétrolifères exploitables. Sur la
base apparemment de ces deux propositions - celle du groupe des neuf
(Canada et autres pays) et celle des Etats-Unis - le président de la

deuxièmecommissionrédigea en1975pour le texteunique denégociation
officieux la disposition qui a étécitéeau paragraphe 50 ci-dessus.

57. (Apparition d'un nouveau régimedu plateau continentalexterne.) Il
faut égalementmentionner une autre tendance qui est apparue au début
des années soixante-dix. Un groupe de pays riverains de mers ferméesou
semi-fermées,qui ne faisaient pas face à de vastes étendues océaniqueset
ne pouvaient donc prétendre à des zones très élargiesde fonds marins,
estimèrent que la conception du plateau continental était extrêmement
inéquitable.Sila définitionjuridique du plateau continental devait englo-

ber le rebord externe de la margecontinentale - parfois situé au-delà des
200 milles - et comprendre et mêmedépasserles zones de fonds marins
pouvant receler les gisements pétrolifères, l'inégalité géographiqueentre
Etats deviendraitencoreplusflagrante. LesEtats géographiquementdéfa-
vorisés - c'est-à-dire les Etats sans littoral ou sans plateau continental-
refusaient d'admettre les prétentions excessivesformuléespar une petite
minorité.La dispositionrelative aux contributions en espècesou ennature
au titre de l'exploitation du plateau continental au-delà des 200 milles,
devenuel'article 82dela convention de 1982,fut rédigée par certains Etats

géographiquementbien pourvus àseule fin d'apaiser les mécontents.Elle
prévoyait que, à la différence des bénéficesliésaux intérêtsexclusifs de
1'Etatcôtierjusqu'à une distance de 200 milles, les revenus provenant de
l'exploitation au-delà de cette limite (le plateau continental externe, sije
puis user de cette expression) seraient réservés à la communauté interna-
tionale par le canal de l'autorité à créer pour l'exploitation des grands
fonds océaniques,laquelle les répartirait compte tenu des intérêts et des
besoinsdes Etats en développement,et en particulier des Etats les moins
avancésou démunis de littoral.
58. (Division entre plateau continental interne et plateau continental

externe.) La disposition proposée à titre de compromis politique à la fin
destravaux de la troisièmeconférencedesNations Unies sur ledroit de la
mer peut difficilementêtre considérée comme traduisant le droit interna-
tionalcoutumier. Il faut cependant relever lamodificationtrès importante
de la définition du plateau continental résultant de l'application généra-
liséede la limite de 200milles qui a certainement supplanté, d'une part, la
notion traditionnelle de ((continuité >)ou contiguïté )),et, d'autre part,
l'interprétationde la notion beaucoup plus large de (prolongement natu-
rel figurant dans l'arrêt de1969.Leplateau continental se trouvait donc

divisé endeux zones, la première étantla zoneen deçà de 200 milles de la
côte, ou les droits exclusifs de 1'Etatcôtier sur les ressources minéralesétaientconfirmés,la seconde la zone situéeau-delà,s'étendant <<sur toute
l'étenduedu prolongementnaturel du territoire dudit Etatjusqu'au rebord

externe de la marge continentale ))où il étaitsuggéréqu'une partie des
revenus provenant de l'exploitation soit réservéeà la communauté inter-
nationale.On ne saurait trop souligner que ceparallélismeentre leplateau
continentalinterneetleplateaucontinentalexterne,qui n'ajamais fait partie
de la notion traditionnelle deplateau continental, est désormaisau moins
sous-jacent dans la convention de 1982.

ii) Fondementjuridique inchangé duplateau continental

59. (Identitédes dispositions relatives au droit de 1'Etatcôtier dans la
conventionde 1958et dans laconventionde 1982.)Malgréla modification
radicale de la définition du plateau continental, on ne doit pas perdre de

vue que l'article 77 de la convention de 1982,relatif aux droits de l'Etat
côtier sur leplateau continental, est exactementidentiqueàl'article2de la
conventionde 1958.Ainsi le fondementjuridique du plateau continental,
confirmépar la conventionde 1958et à nouveau sanctionnépar l'arrêtde
la Cour de 1969commebien établien droit international coutumier, a été
repris sans changement dans la convention de 1982. L'identité de l'ar-
ticle 77de la convention de 1982 et de l'article2 de la convention de 1958
montre que le fondement juridique du plateau continental demeure
inchangé,en dépitde diverses incertitudes quant à son applicabilité au
plateau continental externe, pour lequel un régimeentièrement nouveau
est suggéré.

iii) Le nouveaurégimede la zone économiqueexclusiveet ses effts sur la
notion deplateau continental

60. (Apparition delazoneéconomique exclusive.)La Cour, qu'illui soit
ou non demandé d'énoncer des principes et des règles applicables à la
délimitationduplateaucontinental ou auxfrontièresmaritimes,nesaurait
méconnaîtrel'influenceque la nouvelle notion de zoneéconomiqueexclu-
sivea exercéesurle régimedu plateau continental. Je n'ai pas à reprendre
ici l'analyse exhaustive de l'émergencede la notion de zone économique
exclusive au début des années soixante-dix quej'ai déjàfaite dans mon
opinion dissidentejointe à l'arrêtde 1982(C.I.J. Recueil1982,p. 222-234,
par. 108-130).Etant donné toutefois que la notion de zone économique
exclusive a rapidement acquis droit de citéen droit international, on ne

peut éviterde se poser la question suivante : le fond des mers - jusqu'à
200 milles de la côte - rzlève-t-il du régimede la zone économique
exclusive,ou continue-t-il a dépendre du régimedistinct du plateau conti-
nental, parallèlement à celui de la zone économique exclusive ? Cette
questionestbienplusessentiellequ'on nel'avait crud'abord, pour essayer
derésoudrelespoints soumis àl'examendela Couren l'espèce.Jeconstate
avecsatisfactionque celle-ciprend maintenant consciencedel'importance
du problème. 5. Règle à appliquerpour la division
d'une zonemaritime unique et homogène

61. (Article 76 de la convention de 1982.)Voyons à nouveau les dispo-
sitions essentielles de l'article 76 de la convention de 1982 :

<Le plateau continental d'un Etat côtier comprend les fonds
marins et leur sous-sol ..jusqu'au rebord externe de la margeconti-
nentale, oujusqu'à 200millesmarins ..lorsquelerebord externedela
marge continentale se trouve à une distance inférieure.

L'analyserationnellede cetextemontre que l'article76ne proposepas ici,
contrairement aceque sembledirelaCourdans sonarrêt,deuxdéfinitions
complémentairesdu plateau continental (juridique) - et, par conséquent,
deuxcritèrescomplémentaires pour déterminerde quel Etat ilrelève - mais
une alternativeentre deux définitionss'excluantmutuellement.OrlaCour,
aprèsavoir décidé que lefond marin entre les côtes des Parties était une
zone unique et homogène aux fins de la délimitation, n'est pas loin de

laisserentendre,auparagraphe 39del'arrêtq , uedanstouslescasoùils'agit
de revendications sur des distances de moins de 400 milles entre les côtes
<(iln'existeaucuneraison defairejouer un rôleauxfacteurs géologiquesou
géophysiques )>Et sije reconnais que, pour des raisons pratiques - et,
comme je l'indique ailleurs, pour des raisons liéesau régimede la zone
économiqueexclusive - le critère de la distance a remplacé celui de la
géomorphologie à tous les égardssauf en ce qui concerne leplateau conti-
nentalexterneentre les limitesde 200et de 350milles,je me demande sila
Cour s'estrendu compte que, en déclarantque le droit international avait
déjà évolué à ce point, elle donnait plus de poids à la deuxième des
définitionspossibles envisagées à l'article 76, substituant ainsi en fait la

prémissemineure (la distance) à ce que certainsjuristes persistent àcon-
sidérercomme la prémissemajeure (le prolongement physique). Vu les
termes de cet article, cela aurait pu êtrecontestable si en l'espècele fond
marin avait présenté, à la place de la zone d'effondrement, le rebord
externe d'une marge continentale :dans ce cas, la Cour aurait presque
certainement étéobligéede comparer la valeur respective de deux reven-
dicationsconvaincantesinvoquant l'article 76,l'une fondéesurla géologie
etl'autre surladistance. Etantdonnécependant lesfaits de l'espèce,leseul
problèmevéritablequiseposait à la Courétaitde déterminerquelleétait la
règleapplicable pour diviser une zone maritime unique et homogène du

point de vue du critère des 200 milles.
62. (Divisiond'une zone unique et homogène.)Ecartons, pour plus de
commodité,lecritèrede l'exploitabilitéprévudans la convention de 1958
pour lesfonds marinssituésau-delà de l'isobathe des 200mètresainsique
le concept du plateau continentalexterne situé à plus de 200 milles, intro-
duit par la convention de 1982, aucun de ces éléments n'intervenant
directement dansla présenteaffaire.Aux termes de la convention de 1958,
il n'y avait de délimitationpossible du plateau continental dans les zones de fonds marins de caractère homogène(du point de vue du critère de
l'isobathe des 200 mètres) qu'en présenced'Etats dont les titres se che-
vauchaient. Cecritèrede profondeur de 1958a maintenant étéremplacé,
pour ce qui est de ces zones, par le critère de distance de 1982 ;mais la
situation actuelle est essentiellement identique, puisqu'il s'agittoujours de
diviser une zoneuniqueet homogène de fondsmarins (définiemaintenant
par un rayon de 200 milles à partir de l'une ou l'autre des côtes en cause)
entre les Etats riverains. Et je ne vois aucune raison d'appliquer des

principes et règles différents aux hypothèses de 1958 et de 1982 pour
diviserla partie d'une zone homogèneoù ily a chevauchement,puisque le
droit applicable en ce cas n'a pas changé.
63. (Différenceavec les différends frontaliers.) Les différendsconcer-
nant la délimitation du plateau continental diffèrent foncièrement de la
plupart desdifférendsrelatifs auxfrontières terrestresou à lasouveraineté
sur les îles, où l'organisme appeléà trancher la question a pour tâche de
déterminersi l'une ou l'autredes revendications portant sur une frontière
ou une île donnéeest historiquement justifiéeou non. Dans les affaires de
cegenre, la décision consiste àconstater et àvérifierla souverainetéd'une
desparties sur certaines étendues de terre ferme ou sur une certaine île -

mais non pas à déterminercette souverainetéde novo. Dans les délimita-
tions du plateau continental, au contraire, lesfrontièresentre leszones de
fonds marins relevant des Etats côtiers ne sont pas définies à priori, de
sorte que chacun desEtats intéressés a en principe le droit de revendiquer
toute zone spécifiquement définie.Les étenduessituéesdans un rayon de
200milles de la côte, où les revendications des Etats se chevauchent pour
causedeproximitéoud'adjacence, doiventalors êtredélimitées ou divisées
entre les Etats en cause. Et procéder à la délimitation du plateau conti-
nental revient à tracer une ligne dans une zone de fonds marins unique et
homogène.
64. (Division d'une zone.) Il convientà ce propos de mentionner l'idée

consistant à attribuer des((parts justes etéquitablesO,que la Cour arejeté
en 1969. Apparemment, ce rejet découlait en très grande partie de la
doctrine affirméepar la Cour dans lemêmearrêt,selon laquelle <lesdroits
de 1'Etatsouverain concernant la zone de plateau continental ..existent
ipsofacto et ab initi)).Il semble que la Cour ait conclu que cette doctrine
avaitpour corollaire implicite queleszones deplateau continental relevant
de lajuridiction de chacune des parties étaient prédéterminées ab initio,
chacune d'ellesexcluant l'autre, de sorte que l'opérationde délimitation
consistait (simplement à discerner et à faire apparaître une ligne qui
existait déjàpotentiellement.Lecritèredu prolongementnaturel, ainsi que

d'autres aspects de l'arrêt, intervenaientprécisémentpour faciliter l'exé-
cution decette tâche trèsspécialeet fort difficile.Mais, siceraisonnement
s'imposait peut-êtredans le contexte de 1969,je suis convaincu qu'il est
maintenant dépassé par les événementsL . aCour, en 1985,n'avait aucune
raison d'hésiter à reconnaître que la présente délimitation avaitsimple-
mentpour objet de diviserdefaçonjuste etéquitable,d'attribuer à chacune
des Parties, ou mêmede (partager entre elles la partie d'une zone PLATEAU CONTINENTAL (OP.DISS.ODA) 159

homogène de fond marin que l'une et l'autre pouvaient théoriquement
revendiquer. Dansla présente espèce,oùla situation n'estpasdifférentede
cellede 1958,leproblèmeétaitdonc de savoirquels étaientlesprincipes et
règles,autresque la règlede 1'0équidistance-circonstances spéciales ))que
la Courpourrait, le caséchéantp , roposer raisonnablement pour diviserde
manièreéquitableunezone unique et homogènede fonds marins entre les
Etats riverains.

6. L'équité elta règle«équidistance-circonstances spécial» es

65. (Equité.) Le conceptd'(<équité ))est applicable à tout cas de divi-
sion, d'attribution ou mêmede partage, et la division d'un secteur où les

revendications des parties sechevauchent dans une zone de fonds marins
unique et homogènene fait pas exception. La proclamation Truman de
1945,premier document officielsur la question, proposait quela frontière
du plateau continental entre pays voisins soit déterminéepar les Etats
intéressés conformément aux principed se l'équité ;et la disposition ins-
criteà la dernière minute dans la convention de 1982dispose en termes
analogues que la délimitation ...est effectuée ...afin d'aboutir à une
solution équitable o.L'<<équité ))demeure donc leprincipe essentiel de la
délimitationdu plateaucontinental.Cependant, lesimplefait d'exigerune
solution équitablen'estguèreplus utile que d'énoncerune vérité première,
car1'(<équité est un concept polymorphe, qui admet diverses interpré-
tations. Comment aurait-il fallu l'appliquer dans les circonstances de la
présente espèce ?

66. (Non-pertinence de lajustice socialemondiale.) Sans doute aurait-
on pu s'inspirer pour cela de divers facteurs politiques, sociaux ou éco-
nomiques : dimension des territoires et inventaire de la population des
Parties, nature de leur arrière-pays,répartition des ressources naturelles,
niveau de développement économique et industriel,considérations de
sécurité, etc. Toutefoisc,esfacteursne pouvaient pas fournir une solution
aux Parties, car on peut en tenir compte de plusieurs façons. Par exemple,
le niveau industriel ou économiqueélevé d'un Etat est-il un motif de lui
accorder plus de plateau continental qu'à l'autre Etat, ou bien est-ce
celui-ci qui doit bénéficier d'étendueb seaucoup plus vastes en compen-
sation de son dénuement ? Le rapport entre les superficies de la masse
terrestre de chacun des deux Etats, ou mêmeentre leurs longueursde côte,
doit-il en équitéimposer le mêmerapport entre les zones de fonds marins

qui leur sont attribuéesou bien est-il plus équitable au contraire d'appli-
quer un rapport inverseentre leszones de fonds marins ? De tellesinterro-
gationssoulèventdesproblèmesliésaux politiquesmondialesen matièrede
ressources,ou des problèmesfondamentauxde politiquemondiale,qui non
seulementne pourraient pas êtrerésoluspar l'organejudiciaire dela com-
munauté mondiale,mais vont bien au-delà de l'équité en tant que norme
juridique et touchent au domaine de l'organisation sociale.C'est donc là
une question qui concerne la politique future de lajustice sociale dans le
monde et qui dépasse la compétenced'un organejudiciaire, lequelne peut qu'appliquerlesprincipes et règlesdu droit international, àmoins qu'onne
lui demandedestatuer ex aequoetbono.Aussi suis-jed'accord avecla Cour
lorsqu'elleindique dans son arrêtqu'ellen'apas compétencepour pronos-
tiquer ou instaurer une politique future dejustice sociale mondiale trans-

cendant les principes et les règlesen vigueur du droit international. '
67. (Circonstances géographiques, normales ou exceptionnelles.) La
géographien'a cesséde jouer un rôle très important dans le tracé des
frontières maritimes depuis que la Commission du droit international a
commencé à se pencher sur le droit de la mer, et il est rare qu'on ait
considéréqu'elle pouvait être affectéepar d'autres éléments. L'arrêlte
reconnaît trèsjustement. Mais ce que je ne puis accepter, c'est l'idée,
expriméedans l'arrêt,que l'on peut respecter la géographieen exagérant
les conséquencesmathématiquesde l'existenced'un littoral plus long. La

conventionde 1958adoptaitla formuledel'équidistance à partir dela côte
(à moins que [descirconstances spéciales]nejustifient une autre délimi-
tation )); et l'équidistance, méthode géographiquequi ne prête à aucune
incertitude, a toujours été proposée depuis lors pourla délimitation du
plateau continental. Comme la Cour l'a admis dans son arrêtde 1969,
aucune autre méthode de délimitation ne présentela mêmecombinaison
decommoditépratique et de certitude dans sonapplication.Existe-t-il une
autre méthodequipourrait éventuellementrefléterl'équité ?Comme il est
dit dans le présent arrêt, l'équidistancen'est sans doute pas la seule

méthodepossible de délimitation, et l'on n'a jamais doutéqu'en principe
ellenedoitêtreappliquée à lalettre quedans certainessituationsnormales,
où elleaboutit à unesolutionéquitabledu problèmede ladivision dezones
de fonds marins. Mais, s'ils'agitlà d'une méthode qui doit s'appliquer en
principe aux situations normales, comme cela ressort de la convention de
1958,del'arrêtde la Courde 1969et de la décisionde 1977dans l'arbitrage
franco-britannique, comment peut-on soutenir que son application ne
saurait êtreune règlede délimitation ?Ce qui ne signifieévidemmentpas
que cette règledoiveobligatoirementêtresuivie lorsque les circonstances

sont anormales. Dès 1953, le comité d'experts sur certaines questions
d'ordre technique concernant la mer territoriale était parfaitement cons-
cient de la nécessitéde prévoir des exceptions à la règlede l'équidistance.
Et la Commission du droit international a fait observer en 1956,dans la
version finaledesontexte, qu'ail doit êtreprévu qu'onpeut s'écarter dela
règle[del'équidistance] et que (<lecaspourra seprésenter assezsouvent.
La règleadoptéeest donc par là dotéed'une certaine souplesse. ))C'est
pourquoi la convention de 1958disposait que des circonstances spéciales
pourraientjustifier une frontière autreque la ligne d'équidistance. Encore

ne s'agissait-il pas de remplacer purement et simplement la méthodede
l'équidistancedans un tel cas : au contraire, la convention prévoyait une
certaine flexibilitéde façon que l'on puisse, en appliquant l'équidistance,
rectifier les effets de déformation que pouvaient causer les anomalies
géographiques. A mon avis, la règle ((équidistance-circonstances spé-
ciales))suggéréedans la convention de 1958 demeure de nosjours une
règlefondamentale pour la délimitation du plateau continental. 68. (Irrégularitésde la côte en tant que circonstances spéciales.)Con-
sidérantque lagéographieestleseulfacteur dont ilfailletenir compte pour
la division du plateau continental, la formule de l'équidistance peutfort
bien êtreajustée en fonction de certaines circonstances géographiques
pertinentes. Aussi s'est-on efforcé,depuis la première conférence des
Nations Unies sur le droit de la mer, de réconcilier l'équité avelc a géo-
graphie des zones de fonds marins en cause. La véritable solution du
problèmeque pose la méthodede l'équidistance consistepeut-être à tou-

jours tenir compte d'élémentset de facteurs divers pour déterminer les
lignesde base contenant lespoints à partir desquels ilconvient de tracer la
ligne d'équidistance.La configuration réellede la côte de chaque Etat
fournit-elle les seuls points de base à considérerpour mesurer l'équidis-
tance ? Tel est pour l'essentielle moyen utilisépour déterminerla limite
externe de la mer territoriale. Cependant, la logique interne de la conven-
tion de 1958pourrait s'interpréterainsi :pour qu'on puisse s'attendre à ce
que l'emploi exclusif de la méthode de l'équidistance aboutisse à un
résultatéquitable,ildoitêtreentenduquelalignedebase àutiliser auxfins
de la construction géométriques'écartera,danschaque cas, du tracé strict

utilisépour mesurer la limite de la mer territoriale et qu'on utilisera
certaines lignes de base modifiéesenraison descirconstances spécialesde
la géographiede la région. Certes,on ne saurait considérer n'importe quel
accident géographique comme une anomalie, et il n'est pas facile de pré-
ciser quelles sont les irrégularités qui doiventêtrecorrigéespour détermi-
ner la lignede base à utiliser pourla mesure de l'équidistance.D'unefaçon
générale,toutefoisu ,neconfiguration globalement irrégulièredelacôte,ou
d'importantes irrégularitésdans les situations d'adjacence, ou encore
l'existenced'étroits promontoiresou péninsules - ou même d'îles - dans
les situations d'opposition, peuvent raisonnablement être reconnues
comme constituant des irrégularitésdont il y a lieu de réduirel'effet en

plaçant lespoints de base sur les côtes. Il importeà cet égardde noter que
ledegréd'irrégularitéjugé significatif dans chaquecaspeut varier enfonc-
tion de lasuperficie totale delazoneen cause. Sicettezoneest relativement
vaste, on peut fort bien négliger l'existenced'une certaine irrégularité ;
si elle est petite, il faut sans doute tenir compte des irrégularitésmême
mineures pour corriger la ligne de base utiliséeaux fins de la délimi-
tation du plateau.
69. (Façade maritime et perspective macrogéographique.) Dans les
affaires du Plateau continentalde la mer du Nord, la République fédérale
d'Allemagne avait dû plaider la (ifaçade maritime H, ou (iperspective

macrogéographique >)afin d'ajuster les points utiliséspour mesurer l'équi-
distance, en raison des irrégularités de la côte, qui formait en l'espèce
une profonde concavité. Et je m'étais ainsiexprimé au nom de cette
Partie :

(Je pense ..que, pour tracer des lignes de démarcation envue de
partager les zones du plateau continental qui sont trèséloignées du
littoral, il faut, si nous voulons parvenir à un résultat satisfaisant, aborder la question de façon différente.Dans cecasparticulier, cette
modification pourrait comporter le tracé de lignes de délimitation
géographiquesqui ne soient pas baséessur l'angle incurvévers l'in-
térieurque forme la côte de la République fédérale d'Allemagne. Je
propose plutôt que la ligne de démarcation soit tracée à partir d'une
base représentéepar la façade maritime, sije puis l'appeler ainsi.
(C.I.J. Mémoires, Plateau continentad l e la mer du Nord, vol. II,
p. 62.)

<<La façade maritime telle queje la conçois correspond à une vue
d'ensemble du front maritime d'un Etat, envisagéedans une juste
perspective par rapport au front maritime des Etats voisins. Une
répartition envisagéedans cette perspective assurerait àchaque Etat
une part juste et équitable. Pour se représentercette façade, il faut
suivre l'orientation généralede la côte ; la meilleure méthode,dans

certains cas particuliers, consisteraità considérerl'ensemble du lit-
toral d'un pays comme formant une entité. ))(Ibid., p. 193.)
<([La]notion [de lignes de base droites] dans son ensemble et son
évolutionultérieurepeuvent, je crois, servir de transition vers ma
conception de la façade maritime. La ligne forméepar la façade est
une vision macrogéographiquequi procèded'un point de vue micro-

géographique. Elleconsiste en un tracé linéairede la ligne de côte,
analogue à celui qui est envisagédans la notion des lignes de base
droites, mais aveccette différenceque la théoriede la façade suppose
une plus grande abstractionpar rapport à la configuration réellede la
côte, et doit par conséquentêtrevue dans une perspective macrogéo-
graphique. ))(Ibid., p. 195.)

Mes arguments de la (façade maritime )>,du <<front maritime et de la
<<perspective macrogéographique furent contestés avec énergie par
sir Humphrey Waldock, conseil du Danemark et des Pays-Bas, qui dé-
clara :

<Il existeun autre indice dont on peut déduirequenos adversaires
étaient un peu inquiets de l'accueil que vous pourriez réserver au
critère- qui est sans précédentet ne doit pas enconstituer un - de la
façade maritime, c'estl'apparition, àla fin de leurs interventions, de
la perspective macrogéographique. La.manièredont, à la dixième
audience, ce terme imprononçable a soudainement surgi dans leur
argumentation et s'esténsuite-donnélibre cours dans la péroraison,
est certainement un fait digne de remarque. Le distingué conseil
[auteur de la présente opinion], il est vrai, ne s'est abandonné que

deux fois à la capiteuse tentation de cette nouvelle doctrine. Mais
l'éminentagent [M.Jaenicke, qui présentales mêmes argumentsaprès
l'auteur] s'est montré moinssobre : dans les douze dernières pages
de son intervention, il l'a mentionnée une dizaine de fois. ))(Ibid.,
p. 275.)

Il n'en reste pas moins que cette terminologie est maintenant devenue courante dans certainscas de délimitationdu plateau continental, quoique
souventdans dessituationstout àfaitdifférentesde cellesquej'envisageais
àl'origine.

70. (Lesîlesen tant qu'irrégularités.)Silecas desîles,dans sesrapports
avec la délimitation du plateau continental, n'était prévuni dans la con-
vention de 1958ni dans cellede 1982,maintes opinionsont cependant été
expriméessur le point de savoir si toutes lesîles devaient sevoir attribuer
des lignes de base pour la délimitationdu plateau continental par l'équi-
distance. J'ai suffisammenttraité la question des îlàspropos de Y<i<rré-
gularité des côtes dans mon opinion dissidente de 1982 (C.I.J. Recueil

1982, p. 263-266, par. 170-173). Je n'ai donc rien à ajouter, excepté la
conclusionsuivante :il est évident quela présenced'uneîle peut <influer
sur l'équitéde la délimitation)),suivant sa position géographique. Sans
doute aussi serait-il difficile, sinon impossible, d'énoncer une formule
applicableà tous lescas,defaçon à définirlaforme précisede toutecôte ou
la nature de toute île (dimensions,activité économiqued, istance du conti-
nent, etc.) à écarter totalement ou en partie. Mais les critères géogra-
phiqueset démographiquesdoiventnormalement suffire àdécidersidans

chaque cas l'île en question doit être considéréecomme une irrégularité
susceptible de correction.Autrement dit, il faut chaquefoisdéterminer le
rôlequel'îledoitjouer aumomentd'établirlalignedebasedevant servirau
tracéde la ligne d'équidistance. Toutefois, si une île faisant partie d'un
pays peut dans certains cas êtreconsidérée comme une irrégularité à
corriger dans les calculs d'équidistanceentre deux Etats, adjacents ou se
faisant face, il n'estjamais possible d'attribuer ce caractèàel'Etat insu-

laire dont il s'agit de délimiterle plateau continental.

CHAPITR IEI. LES ERREURS D'INTERPRÉTATION
SUR LA (PROPORTIONNALITÉ ))ET LE (<DEMI-EFFET DES ÎLES ))
DANS LES ARRÊTS RÉCENTS

Introduction

71. Jedois signaler àregretque, sileprésentarrêtfaiterreur sur la règle
<(équidistance-circonstances spéciales>),adoptée à titre de règleconven-
tionnellelors delapremièreconférencedesNations Unies surle droit dela
mer, etmiseen lumièred'unemanière oud'une autredans l'arrêd te la Cour
de 1969et l'arbitrage franco-britannique de 1977,il faut en chercher les

causes dans lajurisprudence récentede la Cour, à savoir son arrêt de1982
en l'affaire du Plateau continental(Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne)
et l'arrêt de la Chambre de1984en l'affaire de la Délimitationde lafron-
tièremaritime dans la régiondu golfe du Maine, où cette règle n'est rem-
placéepar aucune autre, mais seulement par quelques idées sans lien
logique. Non seulement dansla premièredeces décisions,maisaussi dans
la deuxième,il semble que l'on ait sous-estiméou ignoréI'applicabilité etlespossibilitésdela règle <<équidistance-circonstances spéciales tout en
faisant de la ((proportionnalité et du (demi-effet des îles un usage
hasardeux.

1. L'arrêtde 1982 en l'affairedu Plateau continental
(Tunisie/ Jamahiriya arabe libyenne)

72. (Choix arbitraire du point d'infléchissement.)Dans son arrêtde
1982en l'affairedu Plateau continental (Tunisie/Jamahiriyaarabe libyenne),

la Cour n'a, me semble-t-il, proposé aucune règle de délimitation. Nul
argument convaincant n'y est invoqué à l'appui de la ligne choisie, mais
seulement quelques idées dénuéed se sérieux.Par exemple,selon l'arrêt,le
premier secteur de la ligne de délimitation doit s'infléchirau

< <oint leplus occidental de la côte tunisienne entre Ras Kapoudia et
Ras Ajdir, à savoir le point le plus occidental de la ligne de rivage
(laisse de basse mer) du golfe de Gabès )(C.I.J. Recueil 1982,p. 94,
par. 133 C 2).

Or, commeje le disais dans mon opinion dissidente :
(J'estime qu'ilsuffit d'envisager laconfiguration de la région d'un

autre point de vue et sous un autre angle que ceux de l'optique
traditionnelle nord-sud/est-ouest pour comprendre tout de suiteque
l'infléchissementproposén'a aucun lien spécial avecle point le plus
occidental du golfe de Gabès. A moins que les Parties ne soient
expressément convenues d'attacher une importance spéciale aux
parallèles ou aux méridiens,c'est assyrémentune grave erreur, dans
une affaire de délimitation, que d'yvoir plus que des lignes de réfé-
rence commodes à des fins descriptives.))(Ibid., p. 268, par. 178.)

73. (Erreur d'application du (<demi-effet ))dans le deuxième secteur.)
De plus, d'après l'arrêtl,e deuxième secteur doit être :

(<parallèleà une ligne tracée àpartir du point le plus occidental du
golfe de Gabès et constituant la bissectrice de l'angle formépar une
ligne reliant ce pointà Ras Kapoudia et une autre ligne partant du
mêmepoint et longeant la côte des Kerkennah du côtédu large, de
sorteque la lignede délimitationparallèle à ladite bissectrice formera

un angle de 52" avec le méridien ))(ibid., p. 94, par. 133C 3).
Sur ce point, je m'exprimais comme suit :

((Maispourquoi cesegmentde laligneserait-ilparallèle à la côtede
la Tunisie plutôt qu'à celle de la Libye?Et d'ailleurs, s'ilest légitime
de prendre un ligneparallèle à la côtepour tracer la limite extérieure
des zones maritimes, on ne peut le faire pour la limite latérale, ou
commune, des zones qui relèvent d'Etats limitrophes, ou même

d'Etats dont les côtes se font face. Si l'on voulait appliquer une
méthodegéométrique dedélimitationconsistant à tracer une parallèle à la bissectrice de l'angle formé par la ligne reliant le point le plus
occidental du golfe de Gabès à Ras Kapoudia et la ligne partant du
mêmepoint et longeant la côte des Kerkennah du côté du large,
pourquoi ne pas avoir retenu la mêmeidée - construire la bissectrice
d'unangle - pourle premier segment delaligne ?(C.I.J. Recueil1982,
p. 268-269,par. 179.)

Cette anomalie est à rapprocher de l'interprétation totalement erronéedu
<<demi-effet >) reconnu aux îles dépendantes, selon le modèle appliqué
pour la première foisdans l'arbitrage franco-britannique de 1977.Dans
cette affaire, le tribunal arbitral avait attribué un demi-effet aux Sor-

lingues pour déterminerle littoral hypothétique du Royaume-Uni et cal-
culer ainsi une bissectrice acceptable, c'est-à-dire une ligne d'équidistance
entre les côtes françaises et les côtes britanniques rectifiées.Or, l'arrêtde
1982s'écartedu précédentde 1977de façon radicale. Sans doutela Cour
y utilise-t-elle aussi la technique du <demi-effet ou du <demi-angle >)
(C.I.J. Recueil1982,p. 89,par. 129)pour modifier la ligne de base imagi-
naire du côtétunisien et tenir ainsi compte desîles Kerkennah comme elle
lejuge approprié, vu sa constatation qu'en l'occurrence la position d'une
ligne d'équidistance pèserait plus qu'ellene le fait normalement (ibid.,

p. 88, par. 126).Malgré cela,cependant, elle n'applique pas le demi-effet
pour déterminer uneligne médianeentre côtes opposées, mais entreprend
de choisir une parallèle à cette ligne de base ajustée comme deuxième
segment de la délimitation, tout comme s'il lui avait étédemandé de
tracer la limite extérieurede l'une des Parties seulement, et non pas une
délimitationlatéralecommune. La France auraitbeaucoup gagné àl'appli-
cation de cette méthode en 1977.

2. L'arrêtrendupar la Chambre en 1984
dans l'affaire de la Délimitation de la frontière maritime
dans la régiondu golfe du Maine

74. (Définitionapproximative de la région.) Leprincipe du non-prin-
cipe sembleréaffirmédans l'arrêt rendupar une chambre spécialeen1984
- la premièrechambre de ce genre àavoir été jamais constituéedepuis la
créationde la Cour, il y a quarante ans. L'arrêt renduen l'affaire du Golfe

du Maine commence en effet par définir larégion à délimiteren termes
géographiquesfort vagues. Selon l'arrêt(C.I.J. Recueil 1984, p. 268-270,
par. 29-34), le golfe du Maine a «grosso modo» la forme d'un rectangle
allongé,constituant <(une vaste échancruregrossomodorectangulaire >),et
son pourtour se compose de quatre lignes i

ligne i): cette ligne n'est pas clairement définie, mais semble représen-
ter <la direction généralesud-sud-est/nord-nord-ouest de la côte du
Massachusetts donnant sur le golfe du Maine ))à partir de l'île de
Nantucket ;

ligneii): la côte du Maine <du cap Elizabeth à la frontière internationale entre ... [les deux Parties], qui a son point terminal dans le chenal

Grand-Manan ));
ligneiii): <laligneimaginairequi,entraversant I'îlecanadienne de Grand-
Manan, unit lepoint terminal de la frontière internationale àl'îleBrier

et au cap de Sable, aux deux extrémitésde la Nouvelle-Ecosse ));
ligne iv): <<une ligne imaginaire unissant par-dessus les eaux l'extrémité
sud-est de l'îlede Nantucket au cap de Sable, à l'extrémité sud-ouest de

la Nouvelle-Ecosse )),où les deux Parties étaient d'accord pour situer
(la <<ligne de fermeture ))du golfe du Maine vers l'extérieur )).

En fait, dans cette configuration grossomodorectangulaire,lecôtéii) n'est
pas relié aucôtéi), car il reste entre les deux un intervalle de près de
60milles,qui formela base d'untriangle.Pourtant, selonl'arrêtl,e (quasi >)-
parallélisme est <(frappant )).Le côtéiii), <<imaginaire O, est parallèle à la
côtede laNouvelle-Ecosse,etcette côte,située a presque )en facedupoint

terminal de la frontièreinternationale, <(s'incurvefranchement ))en direc-
tion <(globale )sud-sud-est, à angle (<quasiment 1)droit. IIs'agiten réalité
d'un angle d'environ98" par rapport au côtéii), comme l'arrêtl'indique
par ailleurs(par. 213)de façon indirecte,et sans peut-êtreen voirles consé-
quences. Dans cette région imaginaire, ou <<vaste échancruregrossomodo
rectangulaire )>,la Chambre propose une ligne de délimitation concrète

qui ne se réclame, selon moi,d'aucune justification rationnelleou convain-
cante.
75. (Le premier segment n'estpas une bissectrice.)A partir du point A,
fixéd'un commun accord par les Parties, et qui est équidistant de leurs
côtes respectives,puisqu'il setrouve sur la ligne d'équidistanceque reven-
diquait le Canada (c'est cefait géographiqueque la Chambre ne veut pas

admettre), le premier segment de la ligne tracée estla bissectrice entre le
côtéii) et le côté ((imaginaire ))iii):malgré lesexplications compliquées
donnéesau paragraphe 213 de l'arrêt, la ligneproposéeest une simple
bissectrice au point A de l'angle formépar les lignes parallèles aux deux
côtes << de base D, indiquées plus haut. Mais, si une ligne tracéecomme
bissectrice de l'angle formé par deux lignes de base doit en principe

représenterla ligne d'équidistance,il faut pour cela qu'elleparte du som-
met. Or,dans lecas du golfedu Maine, la lignene part pas de l'intersection
deslignesde base, mais du point A, qui est sansrapport aveclesommet de
l'angle formé par les deux côtes. Comment se peut-il alors que

(la méthode pratique ainsi utilisée ...[réunisse],de l'avis de la
Chambre, l'avantagede la simplicitéet de la clarté à celui de produire
..un effet qui est vraisemblablement le plus proche possible de celui

d'une division par parts égalesde la ...zone à délimiter (C.I.J.
Recueil 1984, p. 333, par. 213 ; les italiques sont de moi),

puisquelepoint A, bien que fixéd'uncommun accord par les Parties, n'est
qu'un point arbitraire et dépourvude touteimportance géographique ? Si
lalignebissectrice desdeuxcôtes avait commencé, commecelaaurait paruraisonnable, au centre du golfe, sans soute aurait-elle été différentede la
ligne proposée ; mais elle aurait étéla bissectrice aboutissant au som-

met, en d'autres termes au point extrêmede la frontière internationale, et
non pas au point A. Je ne veux pas dire que la ligne de partage n'aurait
pas dû partir du point A, que lesPartiesavaientfixéd'un communaccord.
Mais, si la ligne devait partir du point A, qui ne jouait aucun rôle dans
la construction de l'angle entre les deux côtes, la bissectrice tracée à
partir de ce point ne pouvait posséder les caractères spéciaux qu'onlui
attribuait.
76. (Libertés prises avec la géographiedansle deuxièmesegment.) La
Chambre se trompe encore quand elle définitle deuxièmesegment de la
lignededélimitation.Etant donnéle (<quasi-parallélisme ))entre leslignes

de côte du Massachusettset de la Nouvelle-Ecosse(ilne s'agitplus icides
côtési) et iii)maisd'une lignereliant lepromontoire du cap Ann au coude
du cap Cod et d'une ligne reliant l'île Brier au cap de Sable), qui sont
décritescomme (<pratiquement )parallèles,la Chambre commence bien
par envisagerune lignemédiane,mais seulementpour déterminerla direc-
tiondelalignededélimitation.Puiselleenvisageunecorrectionconsistant
à déplacer l'intersectionde cette ligne médiane et d'une ligne reliant à
travers le golfe les points où les côtes de la Nouvelle-Ecosse et du Mas-
sachusetts (et non pas cette fois les côtés opposés du (<rectangle imagi-

naire )))sont lesplusproches l'unedel'autre,enprenant enconsidération :
a)la longueurtotale descôtesdesEtats-Unis mesuréelelongdesfaçades
côtièresdu coudedu cap Cod au capAnn, du cap Ann au cap Elizabethet
de celui-ci au point terminal de la frontière internationale (ibid.,p. 336,
par. 221) (environ 284milles marins) ; b) (<la longueur totale des côtes
canadiennes, mesuréed'une manièreanaloguelelongdesfaçadescôtières
du point terminal de la frontière internationale au point sur la côte du
Nouveau-Brunswick où il n'y a plus, dans la baie, d'étendues maritimes
dépassantles 12milles à partir de la laissede basse mer ...puis de cepoint
au point correspondant sur la côte de la Nouvelle-Ecosse ...et ensuite de

ce point à l'île Brieret de l'île Brier au cap de Sable (ibid.) (environ
206 millesmarins). La proportion entre les façades côtières desEtats-Unis
etdu Canada, ainsidéfinies,estde 1,38à 1.Pour tenircomptedecerapport,
lalignemédianeaurait pu êtredéplacéesu lrlignereliant à travers legolfe
lespoints où les côtes de la Nouvelle-Ecosse et du Massachusettssont les
plusprochesl'une de l'autre,c'est-à-direun point situéprèsde l'extrémité
nord-est du cap Cod et, en Nouvelle-Ecosse,la pointe Chebogue. Mais la
Chambreprocède àunecorrection supplémentairepour tenircompte dela
présence,devantlescôtesdela Nouvelle-Ecosse,del'île Sealet decertains

îlots, et elle donne à cette île un demi-effet. Le demi-effet, dans ce cas
particulier, signifie qu'une distance de 7117mètres, c'est-à-dire la moitié
de la distance entre l'extrémité sud-ouestde l'île Seal et la côte de la
Nouvelle-Ecosse, est ajoutée ducôtécanadien de la ligne, qui se trouve
ainsi divisée selon unrapport de 1 à 1,32.Encore ce rapport ne traduit-il
pas, selonmoi, lerapport entre lescôtes (<imaginaires desdeuxpays,qui
est de 1 à 1,38,vu que la Chambre fait intervenir un facteur de nature totalement différente. En effetledeuxièmesegmentcommenceaupoint de
jonction avec le premier segment, autrement dit au point B.Ce deuxième
segment, suivant l'arrêt, est (le plus court peut-être, mais à coup sûr le
segment central et le plus déterminant de l'ensemble de la délimitation )).
Lachoseestcertainement vraie. Jeferai seulement remarquerqu'on ne voit
pas comment letracéde cettecourte ligne,correspondant au rapport entre

deux longues façades côtières, peut véritablement partager le plateau
continental du golfe du Maine. Il est extrêmement difficilede trouver un
raisonnementjustifiant en équitéle tracéde ce deuxième segment. A mon
avis,la ligneainsi déplacéen'arien à voir avecune lignemédianecorrigée,
et,de plus,la Chambre sembleavoirmalcompris cequ'estle (<demi-effet
des îles, tel qu'il avaitétéutilisépour la première foisdans la décisionde
1977.L'arrêt rendudans l'affairedu GolfeduMaine s'écartemêmede cette
décisionde manière encoreplus radicalequel'arrêtde 1982,dans lamesure

où le <(demi-effet ))n'y sert pas à tracer une bissectrice ou une ligne
médiane, mais simplement à justifier le glissement d'un point sur la ligne
joignant l'extrémité nord-estdu cap Cod et la pointe Chebogue. Person-
nellement, je n'arrive pas à comprendre ce que la Chambre essayait de
prouver en invoquant le demi-effet o.En tout étatde cause, ledemi-effet
desîles,telqu'ilintervenait dansla décisionde 1977pour rectifier lesbases
de la ligne d'équidistance (=bissectrice) semble avoir été mal compris ou
mal appliqué.

77. (Division arbitraire du secteur extérieur.) Le troisième segment,qui
partdu point C,où leprolongement du deuxièmesegmentcoupe lalignede
fermeture du golfedu Maine(tracéeentre l'îlede Nantucket - etnon cette
fois le cap Cod - et le cap de Sable),est une ligne perpendiculaire à cette
ligne de fermeture. Dans ces conditions, le partage du secteur extérieur
favorise considérablement les Etats-Unis, car il tient compte du rapport
entre lesfaçades côtières respectivesdesdeuxpays dans legolfe - rapport
qui, à mon avis, est dénuéde pertinence pour le secteur extérieur.

78. (Absence d'analyse rationnelle et objective). Un examen attentif de
la ligne de délimitation tracée à l'intérieurdu golfe du Maine et dans le
secteur extérieurdu golfeme conduit à affirmer que l'arrêtde la Chambre
donne une impression dejustice qui ne repose sur aucune analyse ration-
nelle ou objective. Cette décisionn'est fondée sur aucun postulat justi-
fiable en droit. Je partage sur ce point l'avis exprimépar M. Gros dans

son opinion :

(C'est encore un fait que le présentarrêtrejoint pour l'essentiel
l'opinion de la Cour en 1982. Ce sont les effets de ce revirement
conventionnel et jurisprudentiel qui constituent la raison essentielle
de mon désaccord avecla majorité de la Chambre sur la solution
donnéeaux problèmes poséspar la présenteaffaire. J'ai dit en son
temps pourquoi il me semblait que l'arrêtde 1982s'était engagé sur
unevoieerronée(C.I.J. Recueil1982,opinion dissidente,p. 143-156) ;

lerevirement de la Courpouvaitêtreatténué par une décisionde cette PLATEAU CONTINENTAL (OP.DISS.ODA) 169

Chambre dans un différendoù leséléments nécessaireé staientréunis
pour renforcer le droit de la délimitation des grands espaces mari-

times au lieu de l'affaiblir.Il n'en a rien été .)(C.I.J. Recueil 1984,
p. 361-362, par. 3.)

3. Conclusion

79. L'étudedes arrêtsde 1982et 1984donne l'impression que la Cour,

méconnaissant lasignificationvéritablede lanotion deproportionnalité et
de celle de(<demi-effet >)utilise ces notions de manière superficielle afin
de faire passer pour équitableun simple produit de sonimagination. En ce
quiconcerne la notion de (<proportionnalité )>que la Cour avait invoquée
dans lecas particulier desaffaires du Plateau continentaldelamerduNord,
elleestgénéralisédee manièreexcessivedans cesdeux arrêts.Pour pouvoir

parler de(<proportionnalité 1entre lazoneet leslongueurs de côte,ilesten
bonne logique indispensable de définirau préalableles zones et les côtes
qui sont pertinentes pour les seulesparties en présence.La Cour est donc
tombéedans l'arbitraire en retenant des hypothèses mal fondéessur les
limitesdescôteset deszonespertinentes. Quant au (<demi-effet ))lesdeux
arrêtsfont une utilisation erronéede cette notion, employéepour la pre-
mière foisdans la décisionde 1977,où le tribunal arbitral avait donnéun

(demi-effet àune île pour le tracé d'uneligne d'équidistancee,t non pas
pour substituer cette notion nouvelle à la notion même d'équidistance.

CHAPITRE IV. LIGNE DE DÉLIMITATION SUGGÉRÉE

80. Je pense que la règle (<équidistance-circonstances spéciales O, règle
du droit international coutumier, devrait s'appliquer en l'espèce,étant
entendu que l'existencede l'îlede Filfla, vu la taille de cette île, saposition
et sonutilitélimitée,estune circonstance spécialequidoit exclureladiteîle
des calculs d'équidistance entre Malte et la Libye. Si l'on écartel'île de

Filfla, on peut tracer la ligne d'équidistanceentre les côtes maltaises et
libyennes. La carte jointe à titre d'illustration donne une idéede ce que
serait cette ligne de délimitation. On remarquera que la ligne est tracée
jusqu'à son intersection avec la ligne d'équidistance entre l'Italie et la
Libye. La partie de la ligne qui s'étend au-delàde son intersection avec la
ligne reliant les points extrêmes des côtes maltaiseset libyennes opposées

estindiquéeenpointillé.J'ajoute quejene considèrenullementquela ligne
d'équidistanceindiquée sur la carte entre Malte et l'Italie constitue une
divisiondéfinitivedelazoneen questionentre cesEtats.Meréférant à mon
opinion dissidente jointe à l'arrêt surla requête à fin d'intervention de
l'Italie, je regrettà nouveau que l'intervention de l'Italie n'ait pas été
autorisée, mais, vu que selon la Cour les intérêtsdes Etats tiers sont
protégéspar l'article 59 du Statut, la ligne de délimitationqueje suggère PLATEAU CONTINENTAL (OP. DISS. ODA) 170

entrela LibyeetMaltesignifieraitsimplement queleszonessituéesdepart

et d'autre de cette lignene peuvent êtrerevendiquéespar l'une des Parties
contre l'autre. Les revendications que la Tunisie ou'Italie pourraient
formulersurcertaines zonesoùpénètrecettelignededélimitationsontune
autre question.

(Signé S)higeruODA. CARTE JOINTEÀ L'OPINION DE M. ODA

- La ligne que je suggère - Lignes convenues par les Etats intéressés
. - Lignes d'équidistance MT, ML Lignes définiesau paragraphe 80
de mon opinion

Bilingual Content

DISSENTING OPINION OF JUDGE ODA

Paragraphs
1

1. Development of the law of the sea 2-7
2. Misconstruction of the "relevant area" for the operation of the
Judgrnent 8-12
3. Misapplication of the proportionality test 13-18
4. Maladjustment of "equidistance" line 19-28
5. Regarding geography 29-30

CHAPTER II. REAPPRAISA OF THE "EQUIDISTANCE/SPECIAL-CIRCUM-
STANCES" RULE

1. Introduction:failure of UNCLOS III in 1982to indicate positive
rules for the delimitation of the continental shelf 31-33

2. The "equidistance/special-circru ulefornhesdelimita-
tion of a single continental shelf homogeneous in terms of the
200-metre depth criterion 34-45
(i) The Rule in the Geneva Convention on the Continental
Shelf
(.,) The 1969Jud-ment of theCourt in theNorthSea Continental
Shey cases
(iii) The 1977Decision in the Anglo-French Arbitration

3. The "equidistance/special-circru ulesnaUncCes"OS III 46-48

4. The "equidistance/special-circru umlefornhesdelimita-
tion of a single continental shelf homogeneous in terms of the
200-miledistance criterion 49-60
(i) New parallelism betweenthe inner continental shelf and the
outer continental shelf
(ii) Unchanged legal basis of the continental shelf
(iii) Impact of the new régimeof the exclusive economiczone
upon the continental shelf

5.Rule for the division of a single homogeneousmaritime area 61-64

6. Equity within theequidistance/special-circu rmletances"5-70 OPINION DISSIDENTE DE M. ODA

[Traduction]

Paragraphes
REMARQUE LMINAIRES 1

1. L'évolutiondu droit de la mer
2. Erreurs dans la définitionde la <zone pertinente ))aux fins de
-'arrêt
3. Erreurs dans l'application du critèrede proportionnalité
4. Erreurs dans I'aiustementde la li-ne d'béquidistance 0
5. La géographie

CHAPITREII. REEXAMEN DE LA RÈGLE (<ÉQUIDISTANCE-CIRCONS-
TANCES SPÉCIALES ))

1.Introduction : la troisièmeconférence desNations Unies sur le
droit de la mer n'a pas réussi, en1982, à indiquer des règles
positives de délimitation du plateau continental
2. La règle équidistance-circonstances spécialesappliquéeà la
délimitationd'unplateau continental uniqueet homogène selonle
critèrede la profondeur de 200 mètres

i) La règlede la convention de Genève sur le plateau conti-
nental
ii) L'arrêt rendpar la Cour en 1969dans lesaffairesdu Plateau
continental de la mer du Nord
iii) La décisionde 1977en l'arbitrage franco-britannique
3. La règle <équidistance-circonstances spéciales à la troisième

conférencedes Nations Unies sur le droit de la mer
4. La règle équidistance-circonstances spéciale sdans la délimi-
tation d'un plateau continental unique et homogène selonle cri-
tèrede distance des 200 milles
i) Parallélisme nouveauentre plateau continental interne et
externe
ii) Fondement juridique inchangédu plateau continental
iii) Le nouveau régimede la zone économiqueexclusive et ses
effets sur la notion de plateau continental

5. Règle à appliquer pour la divisiond'unezone maritime unique et
homogène
6. L'équité et lraègle(<équidistance-circonstances spéciale )sCHAPTEIRII. MISUNDERSTAND ON"GPROPORTIONALI TYD""HALF-
EFFECTOF AN ISLAND"IN RECENTJUDGMENTS

Introduction 71
1. The 1982 Judgment in the Continental Shelf (TunisialLibyan
Arab Jamahiriya) case 72-73
2.The 1984Judgrnent of the Chamber in the Delimitation of the
Maritime Boundary in the Gulf of Maine Area case 74-78
3. Conclusion 79

CHAPTER IV. SUGGESTEDLINE OFDELIMITATION 80 PLATEAU CONTINENTAL (OP. DISS. ODA) 124

CHAPITRIEII. LES ERREURS D'INTERPRÉTATION SUR LA ((PROPORTION-

NALITÉ ))ET LE (DEMI-EFFET DES PLE S)DANS LES ARRÊTS RÉCENTS
Introduction 71

1.L'arrêtde 1982en l'affairedu Plateau continental(Tunisie/Jama-
hiriya arabe libyenne) 72-73
2. L'arrêt rendupar la Chambre en 1984dans l'affaire de la Déli-
mitation de lafrontièremaritimedans larégion du golfdeu Maine 74-78
3. Conclusion 79

CHAPITRE IV. LIGNE DE DÉLIMITATION SUGGÉRÉE 80 1. To my profound regret, 1was not able to vote for the present Judg-
ment,as on someimportant points 1differed from theviewof the Court. In
my view,the Court has not fully grappled with the recent developments in
the lawof the sea and isin danger, in itsapplication of equity, oftaking the
principle of equity for what it subjectively feels to be equitable in a
particular case.In thisrespect,thisJudgment follows - in myownview - a
mistaken approach which first appeared in the Court's Judgment in the
ContinentalSheif (Tunisia/Libyan ArabJamahiriya) case in 1982and then
in the Chamber Judgment in the Delimitationof theMaritime Boundary in
the Guifcf Maine Area case in 1984.As the Judgment properly States,the
application ofjustice "should display consistency and a degree of predic-

tability" (para. 45) ; yet those qualities are somewhat lacking in these
successivedecisions. Apart from references to "equitable principles", the
"equitable result" or "relevant circumstances", theCourt does not respond
to the Parties' request with any principles or rules on which they can
depend for the delimitation of the continental shelf, but simply translates
"equity" as a subjective appreciation of the circumstances. It hasnotmade
an attempt to understand how the "equidistance/special-circumstances"
rule, employed since the Geneva Convention on the Continental Shelf in
1958, has always been interpreted in connection with the principle of
equity. The delimitation line suggested by the Court resembles more the
result of a transaction than an application ofjudicial principles. 1cannot
but feel as 1 did in the 1982case, when 1 stated :

"the Court suggests as the positive principles and rules of interna-
tional lawto apply in thiscaseonlyequitable principles and the taking
into account of al1relevant circumstances. This merely amounts toan
uninformative rearrangement of the terms of themainquestion put to
it. It appears simply to suggesttheprinciple of non-principle." (I.C.J.

Reports 1982, p. 157,para. 1.)

1. Developmentof the Law of the Sea

2. The present Judgment does not deny that "the 1982Convention is of
major importance" (para. 27),and finds it the Court's duty "to consider in
what degree any of its relevant provisions arebinding upon the Partiesasa
rule of customary international law" (ibid.).It acknowledges theimpact of 1. Amongrand regret,je n'aipas pu voter enfaveurdel'arrêt,carje suis
en désaccordavecla Cour surcertainspointsimportants. Il me paraît que
laCour, faute d'avoirpleinement compris l'évolutionrécentedudroit dela
mer, risque, dans son application de l'équité,de confondre le principe

d'équité aveccequ'ellecroit subjectivement êtreéquitabledanschaquecas
donné. Acet égard,leprésent arrês t'inspire- selon moi - de conceptions
erronées,apparues d'abord dans son arrêtde 1982en l'affaire du Plateau
continental (Tunisie/Jamahiriya arabe Libyenne), puis dans l'arrêtde la
Chambre en l'affaire de la Délimitationde lafrontière maritime dans la
régiondu golfe du Maine, en 1984.Comme le dit fort justement l'arrêt,
l'application de la justice <<doit être marquée par lacohérenceet une
certaine prévisibilité>(par. 45);orcesont làdesqualitésquine sont guère

présentes dans ces décisionssuccessives. Mises à part les allusions aux
(principes équitables )),au (<résultat équitable ou aux <(circonstances
pertinentes ))la Cour ne répondpas à lademandedesParties en énonçant
des principes ou règlessur lesquels elles pourraient se fonder pour déli-
miter leur plateau continental, et se contente de traduire 1'(équité par
une appréciation subjective des circonstances. Elle n'essaiepas de com-
prendre comment la règle <<équidistance-circonstances spéciales )),em-

ployéedepuisla convention de 1958sur le plateau continental, a toujours
été interprétée en relation avec le principe d'équité. Quant à la ligne de
délimitationindiquéeparla Cour, ellefait plutôt songer au résultatd'une
transaction qu'à l'application de principesjudiciaires. Je ne peux donc
qu'éprouverles mêmessentiments que dans l'affaire de 1982, lorsque
j'écrivais:

<la Cour n'indique, comme principes et règlespositives du droit
international à appliquer enl'espèce,quelesprincipeséquitableset la
prise en compte de toutes les circonstancespertinentes. Cela revient
simplement à réaménagerlestermes delaquestionprincipalequi lui a
étéposée,sans rien y ajouter. Ce n'est apparemment qu'affirmer le

principe du non-principe. ))(C.I.J. Recueil 1982, p. 157,par. 1 .)

1. L'évolutiondu droit dela mer

2. L'arrêtne nie pas que <<la conventionde 1982revêtune importance
majeure ))(par. 27),etconstate même qu'ilincombe à la Cour <<d'examiner
jusqu'à quelpoint l'une quelconque de ses dispositionspertinentes lie les

Parties en tant que règlede droit international coutumier (ibid.). Et ilthe new institution of the exclusiveeconomic zone upon the régimeof the
continental shelf, by recognizing that :

"It isin theCourt's viewincontestablethat ... theinstitution of the
exclusive economic zone, with its rule on entitlement by reason of
distance, is shown by the practice of States to have become a part of
customary law." (Para. 34.)

On the other hand, the Judgment besitates to acknowledge that "the con-
cept of the continental shelf has been absorbed by that of the exclusive
economic zone" (para. 33). While acknowledging that the distance cri-
terion applies to the continental shelf as wellasto the exclusiveeconomic
zone, theJudgment refuses to admit that "the idea of natural prolongation
is now superseded by that of distance" (para. 34). Instead, it suggests
that

"where the continental margin does not extend as far as 200 miles
from the shore, natural prolongation, which in spite of its physical
origins has throughout its history become more and more a complex
and juridical concept, is in part defined by distance from the shore,
irrespective of the physical nature of the intervening sea-bed and
subsoil. Theconcepts of natural prolongation and distance are there-
fore not opposed but complementary ; and both remain essential
elements in the juridical concept of the continental shelf." (Ibid.)

3. While admitting, on the one hand, that -
"title depends solely on the distance from the coasts of the claimant
States of any areas of sea-bedclaimed bywayof continental shelf,and
the geological or geomorphological characteristics of those areas are
completely immaterial" (para. 39),

the Court is unable, on the other hand, to accept the conclusion that -

"the newimportance of the idea of distance from the Coasthas, at any
rate for delimitation between opposite coasts, in turn conferred a
primacy on the method of equidistance" (para. 42),

or that -
"even as a preliminary and provisional step toward the drawing of a
delimitation line, the equidistance method is one whch must be
used, or that the Court is 'required, as a first step, to examine the
effects of a delimitation by application of the equidistance method' "

(para. 43).
The present Judgment states that -

"[sluch a rule would come near to an espousal of the idea of 'absolute
proximity',which wasrejectedby theCourt in 1969. ..and whch hasconstate comme suit l'influence que l'institution récentede la zone éco-
nomique exclusive exerce sur le régimedu plateau continental :

(<Il est incontestable selon la Cour qu[e] ..la pratique des Etats
démontreque l'institution de la zone économiqueexclusive,où il est
de règleque le titre soit déterminépar la distance, s'est intégrée au
droit coutumier. )>(Par. 34.)

Cependant la Cour hésite à admettre que ((la notion de zone économique
exclusiverecouvre désormaiscellede plateau continental (par. 33).Tout
en reconnaissant que le critère de distance s'applique au plateau conti-
nental aussi bien qu'à la zone économique exclusive, elle se refuse à
accepter que (l'idéede prolongement naturel soit maintenant remplacée

par celle de distance ))(par. 34). D'après elle :

(lorsquela marge continentale elle-même n'atteint pasles200milles,
le prolongement naturel qui, malgréson origine physique, a acquis

tout au long de son évolutionle caractère d'une notionjuridique de
plus en plus complexe, se définit enpartie par la distance du rivage,
quelle que soit la nature physique du fond etdu sous-solde la mer en
deçà de cette distance. Par conséquent les notions de prolongement
naturel et de distance ne sont pas des notions opposées mais com-
plémentaires,qui demeurent l'uneet l'autredes éléments essentielsde
la conceptionjuridique du plateau continental. ))(Ibid.)

3. Tout en admettant, d'une part, que

(<lavaliditédu titre ...ne dépendque dela distance à laquelle lesfonds
marins revendiquéscomme plateau continental se trouvent par rap-
port aux côtes des Etats qui les revendiquent, sans que les caracté-
ristiques géologiquesou géomorphologiques de ces fonds jouent le
moindre rôle ))(par. 39),

la Cour ne peut, d'autre part, accepter l'idée

quel'importance nouvellementaccordée à la notion de distance de la
côte ait eu pour effet, au moins dans une délimitationentre Etats se
faisant face, de conférerla primauté àla méthodedel'équidistance ))
(par. 4%

ou que
<<mêmecomme étapepréliminaire etprovisoire du tracé d'uneligne

de délimitation, la méthode de l'équidistance doive forcément être
utilisée,ni qu'ilincombe à la Cour (<d'examiner en premier lieu les
effets que pourrait avoir une délimitationselon la méthodede l'équi-
distance ))(par. 43).

Elle affirme que
(<[clette thèse revientpresque à épouserl'idéede <<proximité abso-

lue que la Cour a rejetéeen 1969 ..etqui,depuis, n'apasétéretenue since, moreover, failed of acceptance at the Third United Nations
Conference on the Law of the Sea" (ibid.).

The Judgment continues :
"That a coastal State may be entitled to continental shelf rights by
reason of distance from the Coast. ..does not entai1that equidistance
is the only appropriate method of delimitation ... nor even the only
permissible point of departure." (Ibid.)

4. The Judgment expresses the view that "[State] practice, however
interpreted,alls short of proving the existenceof a rule prescribing the use
of equidistance ... as obligatory" (para. 44 ;emphasis added). The Judg-
ment nevertheless acknowledges "impressive evidence that the equidis-
tance method can in many different situations yield an equitable result"
(para. 44). Then the Judgment goes on to the following dictum :

"Judicial decisions are at one...in holding that the delimitation of
a continental shelf boundary must be effected by the application of
equitable principles in al1 the relevant circumstances in order to
achieve an equitable result." (Para. 45.)
The present Judgment apparently espouses the conclusion of the 1982

Judgment that, even though the reference to "equitable principles" had
been eliminated from the final draft of the 1982Convention, the Court
"was 'bound to decide the case on the basis of equitable principles' as well
as that 'The result of the application of equitable principles must be
equitable' (I.C.J. Reports 1982, p. 59, para. 70)" (para. 28).
The Judgment States :
"The normative character of equitable principles applied as a part
of general international law is important because these principles
govern not only delimitation by adjudication or arbitration,but also,
and indeedprimarily, theduty of Parties to seekfirstadelimitation by

agreement, which is also to seek an equitable result." (Para. 46.)

On the other hand, the Court shows inconsistent severity towards the
similarly absent "equidistance/special-circru umlestnaheegro"und
that thisrule wasnot mentioned in Article 83of the 1982Convention. This
Judgment appears to offer "equity" as the approved antithesis to "equi-
distance".

5. As suggested above, the present Judgment does show some under-
standing of the impact of the exclusiveeconomic zone on the continental
shelf and the criterion of distance for the régimeof the continental shelf.
This is an improvement of the position taken by the Courtin 1982.1recall par la conférence des Nations Unies sur le droit de la mer ))

(ibid.),
et ajoute :

(<Qu'un Etat côtier puisse avoirdesdroits surleplateau continental
en vertu de la distance de la côte ...ne signifie pas que l'équidistance
soit la seule méthode de délimitation appropriée,ni mêmele seul
point de départ possible ...))(Ibid.)

4. D'aprèsl'arrêt, quellequesoit l'interprétation qu'onpuisse endonner,
[la] pratique [étatique]ne suffit pas à prouver l'existence d'une règle
prescrivant le recours à l'équidistance ...))(par. 44 ; les italiques sont de

moi). Certes la Cour admet qu'il existe des exemplesqui <<montrent de
façon frappante que la méthode de l'équidistance peut, dans bien des
situations, produire un résultat équitable (par. 44).Mais elleajoute àcela
le prononcé suivant :

<<Les décisionsjudiciaires sont unanimes pour direque la délimi-
tation du plateau continental doit s'effectuerpar application de prin-
cipes équitables en tenant compte de toutes les circonstances perti-
nentes afin d'aboutir à un résultat équitable (par. 45).

Apparemment, la Cour reprend dans l'arrêtd'aujourd'hui laconclusionde
l'arrêtde 1982 où il était dit que, bien que la mention des principes
équitables ))eût été supprimée dans la version finale de la convention de
1982,la Cour était tenuede statuer en l'espècesur la base de principes
équitables ))et que l'application deprincipeséquitablesdoitaboutir à un
résultat équitable(C.I.J. Recueil 1982, p. 59,par. 70) ))(par. 28).

D'après la Cour :
<(Le caractère normatif des principes équitables appliquésdans le
cadre du droit international généralprésentede l'importance, parce

que cesprincipesgouvernentnon seulement la délimitationjudiciaire
ou arbitrale mais aussi, et d'ailleurs surtout, l'obligation incombant
aux Parties de rechercher en premier lieu une délimitation par voie
d'accord, ce qui revient à viser un résultat équitable. ))(Par. 46.)

En même temps,cependant, et de façon peu logique, elle fait preuve de
sévérité à l'égardde la règlenon moins absente <équidistance-circons-
tances spéciales ))pour la raison précisément qu'elle n'esptas mentionnée
à l'article 83 de la convention de 1982. La Cour, apparemment, avance
1'<é(quité ))comme une antithèse consacréede l'((équidistance o.

5. Commeje l'aidit plus haut, le présent arrêttémoigned'une certaine

compréhension de l'influence de la zone économique exclusive sur le
plateau continental, et du critèrede distance sur le régimede ce plateau.
C'estlàun premier progrèsparrapport àlaposition adoptéepar laCour en 128 CONTINENTAL SHELF (DISS.OP.ODA)

that in my dissenting opinion then 1 expressed my critical view as fol-
lows :
"It willbesurprisingto anystudent of the lawof the seato findthat
thewords 'ExclusiveEconornicZone'appear onlyonce in thislengthy
Judgment, and then only in connection with historic sedentary-fish-

ing rights." (I.C.J. Reports 1982, p. 157,para. 1 .)
In the present case, in contrast, the Judgment pays some heed to the
concept (para. 33). The second improvement in the present Judgment is
related to the attention, if not approval, it gives to the method of equi-
distance, for in 19821,had felt bound to state :

"The Judgment does not even attempt to prove how the equidis-
tance method, whch has often been maintained to embody a rule of
law for delimitation of the continental shelf, would lead to an ine-
quitable result. Indeed, it gives that method rather short shrift."
(I.C.J. Reports 1982, p. 157,para. 1.)

6. Even so, with regard to the principles and rules applicable to the
delimitation of the continental shelf,1cannot but Saythat my understand-
ing of the development of the law of the sea over the past decades is
different from that of the Court. First, the Judgment undermines its own
acknowledgment of the criterion of distance in the régimeof the conti-
nental shelfby the statement that the notions of natural prolongation and
distance are complementary. At this point I'return briefly to the point
made by the Judgment in paragraph 34,whichfor easeof reference 1quote
again in part below :

"natural prolongation, which in spite of its physical origins has
throughout its history become more and morea complex andjuridical
concept, is in part defined by distance from the shore, irrespective of
the physical nature of the intervening sea-bed and subsoil. The con-

cepts of natural prolongation and distance are thereforenot opposed
but complementary ; and both remain essential elements in thejuri-
dical concept of the continental shelf."

1 find it difficult to appreciate the meaning of "in part" within this quo-
tation, because it suggests that, "in part", natural prolongation may be

established by factors other than "distance", and what can those be if not
the physical aspects swept aside'by "irrespective" ? The passage thus
would seem to make better sense without the qualification "in part" - a
qualification which might have been necessary had the Court wished to
analyse Article 76 of the 1982Convention (seepara. 61below),but in fact
the Court has at this point virtually acknowledged that the sense of that
Article must beunderstood as compatible with the criteria for the limits of
the exclusive economic zone. In those circumstances, to Say that "the
concepts of natural prolongation and distance . ..are complementary" PLATEAU CONTINENTAL (OP. DISS. ODA) 128

1982.Je rappelleque, dans mon opinion dissidente,j'avais alorsformuléla

critique suivante :
<(Quiconque étudie ledroit de la mer sera surpris de constater que

l'expression <<zone économiqueexclusive ))n'apparaît qu'une seule
foisdans celongarrêt,et seulement àpropos desdroits historiques sur
les pêcheriessédentaires. ))(C.I.J. Recueil 1982,p. 157,par. 1 .)

Dans laprésenteespèce,aucontraire, l'arrêtaccordeune certaineattention
à cette notion (par. 33). Le second progrès est l'attention, sinon l'appro-
bation, qui y est donnée à la méthodede l'équidistance, sujetsur lequelje
m'étais vu contraint de déclarer en 1982 :

<(L'arrêt n'essaie mêm paes d'établiren quoi la méthodede l'équi-
distance, où l'on a souvent vu la consécration d'une règlede droit
pour la délimitationdu plateau continental, aboutirait à un résultat
inéquitable. On peut mêmedire qu'il ne rend pas justice à cette
méthode. ))(C.I.J. Recueil 1982,p. 157,par. 1.)

6. Malgré cela,je dois dire que mon interprétation de l'évolutiondu
droit de la mer au cours desdernières décenniesest,en cequi concerne les
principes et règlesapplicables à la délimitation du plateau continental,

différentede celle qu'en donne la Cour. En premier lieu, en effet, l'arrêt
affaiblit l'importance qu'il reconnaît lui-mêmeau critère de la distance
dans le régimedu plateau continental, en déclarant que les notions de
prolongement naturel et de distance sont complémentaires. Et ici, je
reviens brièvementsur l'assertion qui est faite à ce sujet au paragraphe 34
de l'arrêt,dont je citerai à nouveau un passage pour la commodité du
lecteur :

le prolongement naturel qui, malgréson origine physique, a acquis
tout au long de son évolution lecaractère d'une notion juridique de

plus en plus complexe, se définit enpartie par la distance du rivage,
quelle que soit la nature physique du fond et du sous-sol de la mer en
deçà de cette distance. Par conséquent les notions de prolongement
naturel et de distance ne sont pas des notions opposées mais com-
plémentaires,qui demeurent l'une et l'autredes éléments essentielsde
la conceptionjuridique du plateau continental. ))

J'aidu mal à saisirdans cetextele sensdesmots ((enpartie n,quisemblent
indiquer que leprolongement naturel peut êtredéterminé <(en partie par
desfacteursautres quela (distance )- etdequelsfacteurs peut-il s'agir, si

cen'est des aspects physiques, qu'écarteprécisément l'expression (quelle
que soit ? Ce passage se comprendrait donc mieux sans la restriction
expriméepar les mots <en partie ))- restriction qui aurait peut-êtreété
nécessaire sila Cour avait voulu analyser l'article 76 de la convention de
1982(voir ci-après,par. 61), mais qui ne l'est pas, puisque la Cour, à ce
stade de sa décision,a déjàvirtuellement admis que cet article doit être
compris dans un sens compatible avec les critèresapplicables à la déter-

mination deslimitesdelazoneéconomiqueexclusive.Dans cesconditions, and that both remain "essential elements" is surely, at least within the
200-milecontext, no more than a method of keeping "natural prolonga-
tion" alive by artificial respiration. This seems to be borne out in para-

graph 39 of the Judgment (further discussed in para. 62 below), which is
quite happy to consecrate the distance criterion and to describe the tra-
ditional physical criterion of "natural prolongation" - including the pre-
sence of a rift zone- as "completely immaterial". In any case, how can a
criterion be "com~lementarv" to what it establishes ?It is difficult for me
to understand ho; the con&ts of natural prolongation and distance can
be considered as being complementary to each other. The present Judg-
ment, to the extent that it relies on the notion of natural prolongation
employed in theJudgment of 1969,fails to allowfull weight to the simple
facts that that Judgment was delivered before the commencement of
UNCLOS III, when both the distance criterion in the concept of the
continental shelf and the new institution of the exclusiveeconomic zone
were unknown, and that the new era of the law of the sea was merely
dawning around the turn of the decade, i.e., from the 1960s to the
1970s.

7. Secondly, the Judgment applies equitable principles without recog-
nizing that the method of equidistance has never been proposed as a
counter-concept to the rule of equity and that this method has been
considered by adjudicators to lie wellwithin the framework of the rule of
equity. The way in which the "equidistance/special-circu rmletances"
has played, or is playing, an important role in the delimitation of the
continental shelf in the recent developments in the law of the sea, still
givingsatisfaction to the concept of equity in thecontemporary law of the
sea, will be seen in Chapter II.

2. Misconstructionof the "RelevantArea" for the Operation of the

Judgment
8. It isin somecases a difficult and dubious task to define the "disputed
areas", "relevant areas" or "areas of delimitation" for the purpose of

delimiting the continental shelf of two or more States, and the difficulty
and dubiety are al1the greater when the sea area washing the shores of the
parties isalsosurrounded by other States whch have not become parties to
the dispute. The present casewasnot onein which the "area", beingsimply
an aggregate of the "area-to-ben appertaining to Libya and the "area-
to-be" appertaining to Malta, did not affect any third State and so only
concerned thesetwoParties in dispute. In thisrespect it wasquite different
from the Delimitation of the Maritime Boundaiy in the Gulfof Maine Area
case (whereonly a division between Canada and the United States was at
issue) and even from the Continental Shelf (Tunisia/Libyan Arab Jama-
hiriya) case (where the Court could plausibly confine itself to a certain
limited areawithout affecting the interests and claims of any third States). dire que les notions de prolongement naturel et de distance ...sont ...

complémentaires >)et que l'uneet l'autre demeurent ((des éléments essen-
tiels n'està coup sûr, du moins dans le contexte des 200 milles, qu'une
façon de maintenir en viele (<prolongement naturel >)en lui appliquant la
respiration artificielle. C'est ce que semble confirmer le paragraphe 39 de
l'arrêt (analyséplusendétaa iluparagraphe 62ci-après), oùla Cour nevoit
aucun inconvénient à consacrer le critèrede distance et à affirmer que le
critèrephysique traditionnel du (prolongement naturel - mêmesousla

forme d'une zone d'effondrement - ne joue pas (le moindre rôle >).
D'ailleurs, enquoi un critère pourrait-il être (<complémentaire par rap-
port a ce qu'il détermine ? 11m'est difficilede comprendre comment les
notions de prolongement naturel et de distance peuvent êtreconsidérées
comme complémentaires.Le présentarrêt,dans la mesure où il se fonde
sur la notion de prolongement naturel invoquée dans l'arrêtde 1969,

n'accorde pas le poids voulu au simple fait que cet arrêta étéprononcé
avant ledébut dela troisièmeconférencedesNations Unies surle droit de
la mer,à une époqueoù l'onne connaissait ni lerôle du critèrede distance
dans le concept du plateau continental ni l'institution de la zone écono-
mique exclusive,et où l'èrenouvelle du droit de la mer attendait le début
des annéessoixante-dix pour apparaître.
7. En second lieu, la Cour applique les principes équitables sans voir

que la méthode de l'équidistancen'a jamais étéproposée comme une
notion faisant pièce à la règlede l'équitée ,t qu'au contraire lesjuges ou
arbitres ont toujours considéréque l'équidistancerentrait clairement dans
le cadre de cette règle.La méthodede l'équidistance,on le verra au cha-
pitre II, ajouéetcontinue àjouer un rôleimportant dans ladélimitationdu
plateaucontinental, dans lecadrede l'évolutioncontemporaine du droit de

la mer, et sans cesser de satisfaire à la notion d'équité.

2. Erreurs dans la définitionde la (zonepertinente »
aux fins de l'arrêt

8. 11est des cas où il est difficile et hasardeux de définirles <(zones

contestées O, (zones pertinentes ou <<zones de délimitation à retenir
pour délimiter leplateau continental de deux Etats ou plus, et ces diffi-
cultésetcesrisques sont multipliésquand lamer qui baigne lesrivagesdes
Etats parties estégalemententouréed'autres Etats, quinesontpas devenus
parties au différend. Dans la présente espèce, la (<zone en question,
n'étant qu'uneaddition de la (<future zone relevant de la Libye et de la

(future zone ))relevant de Malte, n'est pas de nature àintéresserexclu-
sivementles deux Parties au différend,sansaffecter aucun Etat tiers.A cet
égard,l'affaire est bien différente de l'affaire de la Délimitationde la
frontière maritime dans la régiondu golfe du Maine (où il s'agissait uni-
quement d'unedivision à opérerentre leCanada etlesEtats-Unis) et même
de l'affaire du Plateaucontinental(Tunisie/Jamahiriya arabelibyenne)(où
la Cour pouvait plausiblement seborner à envisagerunezone limitée,sansThe region in which the line of delimitation between Libya and Malta was
to be drawn might include some zones where a third party might also be
interested.

9. In describing "the area in which the continental shelf delimitation,
whichis the subject of the proceedings, has tobe effected", the Judgment is
very careful not to define, "in geographical terms", "the area in dispute
between the Parties" (para. 14). However, in explaining the task of the
Court, the Judgment takes a positive line in so defining the "area" :

"[Tlhe decision must be limited to a geographical area in which
no .. .claims [of a third State] exist. It is true that the Parties have in
effect invited the Court .. .not to limit its judgment to the area in
which theirs are the sole competing claims ;but the Court does not
regard itself as free to do so, in view of the interest of Italy in the
proceedings." (Para. 21 .)
"The present decision must ... be lirnited in geographical scope so

as to leave the claims of Italy unaffected, that is to Say that the
decision of the Court must be confined to the area in which, as the
Court has been informed by Italy, that State has no claims to conti-
nental shelf rights." (Ibid.)
"A decision lirnited in this way does not signify either that the
principles and rules applicable tothe delimitation within this area are
not applicable outside it, or that the claims of eitherParty to expanses
of continental shelf outside that area have been found to be unjus-
tified." (Ibid.)

"The limitswithinwhich theCourt, in order topreserve the rights of
third States, willconfineits decision in the present case, may thus be
defined in terms of the claims of Italy." (Para. 22.)

"[Tlhe Court . ..will confine itself to areas where no claims by a
third State exist." (Ibid.)

Accordingly, the limits of the "area" are defined by the meridian 15" 10'E,
"which has been found by theCourt to define thelimits of the area in which
theJudgment can operate" (para. 68),simplycorresponding to the western
limit of the Italian claim in the Ionian Sea.

10. In stating the task of the Court in paragraphs 20-23, the present
Judgment makes use of such expressions as "claims by Italy", "interest of
Italy" or the like at least 11 times and the expression "claims of a third
State", or the like, about 10times. For the simple reason that "it has not
been suggested by either of the Parties that [the Italian claims] are
obviously unreasonable" (para. 23), the Court confines its task to a very affecter les intérêtsou les prétentions des Etats tiers). Dans la présente

délimitationentre la Libye et Malte,la régionoù la lignedevait êtretracée
pouvait effectivement comprendre certaines étenduessusceptibles d'inté-
resser les Etats tiers.
9. La Cour, lorsqu'elledécrit (<la régiondans laquelle doit avoir lieu la
délimitation du plateau continental ))s'abstient prudemment de préciser
en termes géographiques la zone en litige entre les Parties 1)(par. 14).
Toutefois, en expliquant la tâche qui luiincombe, elleadopte une attitude

positive dans la définition de cette (<zone :
(<[La] décisionne doit s'appliquer qu'àune aire géographique où
aucune prétention [desEtats tiers] ne s'exerce.Sans doute les Parties

ont-elles en fait invitélaCour ... à ne pas limiter son arrêt à la région
où ellessont seulesen présence ;mais la Courne pense pas avoir une
telle libertéd'action, vu l'intérêt manifesté par l'Italieà l'égardde
l'instance.))(Par. 21 .)

<(La présentedécisiondoit ..êtred'une portéegéographiquelimi-
tée,de manière à ne pas affecter lesprétentionsde l'Italie ;autrement
dit ellene doit porter que sur lazoneoù, selonlesindications qu'ellea
données à la Cour, l'Italie n'émetpas de prétentions sur le plateau
continental. ))(Ibid.)

Une décisionrestreinte de lasorte ne signifiepasque lesprincipes
et règlesapplicables à la délimitationdans la zone viséene soientpas
applicablesendehors de celle-ci,ni que lesprétentionsformuléespar
l'une ou l'autre des Parties sur des étenduesde plateau continental
extérieures à la zone soient tenues pour injustifiées. ))(Zbid.)

<<Les limites à l'intérieurdesquelles la Cour doit, afin de préserver
les droits des tiers, confiner sa décisionen la présenteespèce,peu-
vent êtreainsi définiesd'après les prétentions émisespar l'Italie. ))
(Par. 22.)

(<la Cour s'entiendra aux étenduessur lesquellesaucun Etat tiers n'a
formuléde revendications )) (ibid.).

C'est ainsi que la (<zone )>s'arrêteau méridien 15" 10'E <<qui, selon la
Cour, définitles limites de la zone dans laquelle l'arrêtpeut s'appliquer 1)
(par. 68), et qui correspond tout simplement à la limite occidentale des
revendications italiennes dans la mer Ionienne.

10. En précisant sa tâche aux paragraphes 20 à 23 de l'arrêt, laCour
utilise onze fois au moins des expressions telles que <<prétentions ita-
liennes O, (<l'intérêt manifestp éar l'Italie etautres locutions semblables,
et une dizaine de fois l'expression << prétentions d'un Etat tiers ))ou une
formule analogue. Et, pour la simple raison qu'il s'agiten l'espècede
prétentions<< qu'aucune des Parties n'aqualifiéesde manifestement dérai-narrowly limited "area". It is astonishing that the Judgment, speaking of
the claims of Italy in the region outside the "area", does not makea single
reference to the corresponding Maltese claim in the same region. For that
and other reasons 1regret that the Court rejected Italy's application for
permission to intervene. In the Court's view,as stated by the Judgment of
21March 1984,the rightsclaimed by athird Statewouldbe safeguarded by

Article 59 of the Statute (I.C.J. Reports 1984,p. 26, para. 42), whereas 1
expressed my view that

"Article 59of the Statute may not be accepted as guaranteeingthat
a decision of theCourt in a caseregarding the title ergaomneswillnot
affect a claim by a third State to the same title." (Ibid., p. 109,
para. 37.)

The Judgment thus proceeds asit might have done had theintervention of
Italy been admitted and its claim approved, i.e., by defining the area of
decision in terms of the claims of Italy.

11. 1hold the view that, with reference to the "area", the Judgment is
mistaken in confining its overview of its task to a narrow area, merely in
order not to risk interfering with a third State's claim. By so doing, the
Court loses sight of the scope of the dispute between the two original

Parties, thus falling short of that fullexerciseofjurisdiction whichthey are
entitled to expect. 1have repeatedly pointed out that 1disagree with the
previous Judgments rendered by the Court in which the whole argument
hinged on the definability of the "relevant areas" :1refer to my separate
opinion in the Judgment on the application by Malta for Permission to
Intervene in the Tunisia/Libya case (I.C.J. Reports1981,pp. 33-34,paras.
21-23),and mydissenting opinionsappended to the 1982Judgment in that
same case (I.C.J. Reports 1982, pp. 249-251, paras. 147-148) and the
proceedings on the Application by Italy for Permission to Intervene in the
present case (I.C.J. Reports 1984, pp. 109-110,paras. 38-39). May 1 be
allowed to quote my concluding words in my dissenting opinion in the
Tunisia/Libya case :

"1 would like before concluding to stress one very important
advantage of the equidistance method ... It lies in the fact that its
inherent property of equity remains constant whatever the 'area rele-
vant to the delimitation', so that the imperious necessity of defining
that area is removed - and with it the need to resort to the arbitrary
and artificial use of parallels and meridians." (I.C.J. Reports 1982,
p. 273, para. 188.)

12. The concept of the "area" is also pressed into servicein a different
context, namely that of calculatingproportionality between the lengths of
coastline and the area to be divided. Thisproblem willbe dealt with in the
next section. sonnables )(par. 23), elle confine sa tâcheà une (zone ))très étroitement
limitée. Il estcependant surprenant de constater que l'arrêt, en évoquant
lesprétentions italiennesdans les régionssituéesen dehorsde la (<zone >),

ne fait pas une seule allusion aux prétentions correspondantes de Malte
dans les mêmesrégions. C'est - parmi d'autres raisons - ce qui me fait
regretter que la requête à fin d'intervention de l'Italie ait étérejetée.De
l'avis de la Cour, comme elle l'a dit dans son arrêtdu 21 mars 1984,les
droits revendiquéspar les Etats tiers devraient êtresauvegardéspar l'ar-
ticle 59 du Statut (C.I.J. Recueil 1984,p. 26, par. 42), alors que pour ma
part j'exprimais l'opinion que :

on ne saurait voir dans l'article 59 du Statut la garantie que l'arrêt
rendu par la Cour dans une affaire où il s'agit d'un titre opposable à
tousrestera sans effet sur les prétentionsd'un Etat tiersinvoquant ce
mêmetitre >> (zbid.,p. 109,par. 37).

La Cour raisonne donc aujourd'hui comme elle aurait pu le faire si l'in-
tervention de l'Italie avait été admise etsi les revendications de ce pays
avaient été approuvées : elle définitla zone sur laquelle doit porter sa

décisionen fonction des prétentions italiennes.
11. J'estime que, en ce qui concerne la (zone )),la Cour fait erreur en
limitant sa tâche à une zone étroite, uniquement pour éviter tout risque
d'empiéter surles prétentions d'unEtat tiers. En agissant de la sorte, elle
perd de vue le champ du différend entre les deux Parties initiales, man-
quant ainsiau plein exercicede sajuridiction que lesditesPartiesavaientle
droit d'escompter. J'ai déjàdit à maintes reprisesque je suis en désaccord

avec les arrêtsprécédentsde la Cour où tout le raisonnement était fondé
surlapossibilitéde définirles <<zonespertinentes ):je songeen particulier
à mon opinion individuelle dans l'arrêt surla requête à fin d'intervention
de Malte dans l'affaire Tunisie/Libye (C.I.J. Recueil 1981, p. 33-34,
par. 21-23),et à mes opinionsdissidentes dans l'arrêtde 1982sur la même
affaire (C.I.J. Recueil 1982,p. 249-251,par. 147-148)et dansla procédure
sur la requête àfin d'intemention de l'Italie dans laprésenteespèce(C.I.J.
Recueil 1984, p. 109-110, par. 38-39). Qu'il me soit permis de citer la

conclusion de mon opinion dissidente dans l'affaire TunisielLibye :

((jetiens, avant de conclure, à souligner l'un desgrands avantagesde

la méthode de l'équidistance ..: c'est que l'équitéqui est de son
essence reste constante, quelle que soit la <<région à considérer aux
fins de la délimitation O, et que l'on n'est donc pas soumis à la
nécessité impérieusede définir cetterégion, nide recourir àl'emploi
arbitraire et artificiel de parallèles et de méridiens ))(C.I.J. Recueil
1982, p. 273, par. 188).

12. La notion de (<zone ))est égalementinvoquéepar la Cour dans un
contextedifférent,celuidescalculs de proportionnalité entre leslongueurs
de côtes et la zone à diviser. Cette question fera l'objet de la section
suivante. 3. Misapplicationof the ProportionalityTest

13. The proportionality test plays a significant role concerning the
suggested delimitation line. According to the Judgment, the role of pro-
portionality "is to be employed solelyasa verification of theequitableness
of the result arrived at by other means" (para. 66).TheCourt isof the view
that -

"[s]ucha test [ofproportionality] would be meaninglessin the absence
of a precise definition of the 'relevant coasts'and the 'relevant area' "
(para. 67).
The Judgment also states

"[Tlhere is no reason of principle why the test of proportionality,
more or lessin the form . ..[of]the identification of 'relevant coasts',
the identification of 'relevant areas' of continental shelf, the calcula-
tion of the mathematical ratios of the lengths of the coasts and the
areas of shelf attributed, and finally the comparison of such ratios,
should not be employed to verify the equity of a delimitation."
(Para. 74.)

14. However, if the Court abandons in this case the exercise of deter-
mining "relevant areas" and "relevant coasts" for the test of proportion-
ality, this is due to two alleged practical difficulties :first, because of "the
geographical context ...[being]such that theidentification of the relevant
coasts and the relevant areas is so much at large that virtually any variant
could be chosen" ; secondly, because of "the existence of claims of third
States" by which "the area to which the Judgment will in fact apply is
limited" (ibid.).In connection with the latter point, the Court is aware of
"the dangers of reliance uponacalculation inwhichaprincipalcomponent
has already been determined at the outset of the decision" (ibid.)because
"[tlo apply the proportionality test simply to the areas within [the]limits

[determined by claims of third States] would be unrealistic" (ibid.).Yet on
the other hand the Judgment further notes two serious difficulties which
would be involved by the application of ''proportionality calculations to
any wider area". Thus it appears totally to abandon the making, for the
sake of proportionality, of any calculation on the basis of relevant areas
and relevant coastlines, in spite of its previous contention, as quoted
above, that "[s]ucha test [ofproportionality] would be meaningless in the
absence of a precise definition of the 'relevant coast' and the 'relevant
area' " (para. 67). What the Judgment finally states, at the most, in con-
nection with the test of proportionality, is -

"[Ilf the Court turns its attention to the extent of the areas of shelf
lying on each side of the line, it is possible for it to make a broad
assessment of theequitableness of the result, without seekingto define
the equities in arithmetical terms. The conclusion to which the Court
comesin thisrespect isthat there iscertainly no evident disproportion
in the areas of shelf attributed to each of the Parties respectively such 3. Erreurs dans l'applicationdu critèredeproportionnalité

13. Le critèrede laproportionnalitéjoue un rôle important à l'égardde
la ligne de délimitation proposée.Aux termes de l'arrêt,ce rôle (<ne doit

servir qu'à vérifier l'équité du résultat obtenu par d'autres moyens
(par. 66). La Cour affirme :

<<Cette vérification[parla proportionnalité] n'aurait aucun sens si
les (<côtespertinentes ))etla <<zonepertinente )>n'étaient pas définies
avec précision 1)(par. 67).
Et elle ajoute :

<aucuneraison de principe n'empêched'employer le test de propor-
tionnalité,à peu près de la manière ...qui consiste à déterminerles
<côtespertinentes et les ((zones pertinentes deplateau continen-

talà calculer lesrapports arithmétiquesentre leslongueursdecôteet
les surfacesattribuées, et finalement à comparer cesrapports, afin de
s'assurer de l'équité d'une délimitation ))(par. 74).

14. Sicependant laCour, en l'espèce,abandonne enfaveurdu critèrede
proportionnalité l'opérationqui consiste à déterminer les <zones perti-
nentes ))et les<<côtespertinentes ))cela tient selon elle à deux difficultés
pratiques : premièrement <(le contexte géographique rend la marge de
détermination des côtes pertinentes et des zones pertinentes si large que
pratiquement n'importe quelle variante pourrait êtreretenue ));deuxiè-

mement, <la zone à laquelle l'arrêt s'appliqueraen fait est limitée par
l'existencedesrevendications d'Etats tiers )>(ibid). Surcedernierpoint, la
Cour sait <<àquel point il est dangereuxde sefonder surun calcul dont un
élémentessentiea l déjàétéétabliaudébut deladécision(ibid.).Eneffet :
Il serait illusoire de n'appliquer la proportionnalité qu'aux surfaces
comprises dans ces limites[déterminéespar les revendications des Etats
tiers].>>(Ibid.) Pourtant la Cour relèveencore deux difficultés graves que

soulèveraitl'application des << calculs de proportionnalité sur une étendue
plus vaste D. Elle semble donc renoncer à faire, pour les besoins de la
proportionnalité, tout calcul que cesoitsurlabasedes zonespertinentes et
des côtes pertinentes, bien qu'ayant affirmé antérieurement, dans le pas-
sageprécité :<<Cette vérification[parla proportionnalité] n'aurait aucun
sens si les (<côtes pertinentes ))et la <(zone pertinente ))n'étaient pas

définiesavecprécision. (Par. 67.)Tout ceque dit finalementl'arrêt surle
critère de la proportionnalité, c'est que :
<(si la Cour envisage maintenant l'étendue des zones de plateau de
part et d'autre de la ligne, il lui est possible de se faire une idée

approximative de l'équitédu résultat sans toutefois essayer de l'ex-
primer en chiffres. La conclusion de la Cour à cet égard est qu'iln'ya
certainement pas de disproportion évidente entre les surfacesde pla-
teau attribuées à chacune des Parties, au point que l'on pourrait dire that it could be said that the requirements of the test of proportion-
ality as an aspect of equity were not satisfied." (Para. 75.)

15. 1 can hardly believethat, without definingthe relevant area and the
relevant coasts, and thus without indicating any basic figures for compari-
son of proportionality, the Court can - on its own terms - successfully
verify the equitable result to be derived from the suggested delimitation
line. The impression is given that the Court, becoming aware of its diffi-
culty in defining the relevant area and the relevant coast, abandoned al1
reference to thefigureswhichweretobe abasis for theproportionality test.
1sit not a paradox for theJudgment to suggestthe necessity of definingthe
relevant area and relevant coastlines for the verification of equity as a
result of the division of the area, and then to abandon this task on the
ground that such an exercisewould beimpossible ? In applying the test of

proportionality between the expanse of the allotted sea-bed areas and the
length of coastlines, it is certainly essential to define in advance al1the
areas to be delimited and coastlines to be measured. Yet for this purpose
both - areas and coastlines - ought to be exhaustive for both Parties as
well asexclusiveof theinterests of any third Party. Adefinition of that area
which excludes any of the expanses to whch one or other Party may
potentially lay reasonable claim willinvolve a failure to exercisejurisdic-
tion and result in distortion. Indeed this is particularly so where the
calculations of proportions are involved, for who is to Saywhat the ratio
might have been if al1such areas were taken into account ? Such a defi-
nition thus becomes arbitrary and meaningless. The simple mathematical
fact should not be overlooked that the outcome of a partial test of pro-
portionality, i.e.,oneleavingout of account some areas to which the States

concerned may be entitled in the immediate vicinity, cannot give any
sound indication of the eventual equity of the resultant situation : a fact
which the Judgment, in effect, acknowledges (para. 74).But theJudgment
should in my view have gone on to recognize that, however equitable a
solution may look in thepresent,deliberatelyrestrictedcontext,there isno
guarantee that it will continue to look equitable once the further delirni-
tations are effected, eventually establishing the total shelfareas of both the
Parties to the present case. Meanwhile, the Court may have failed to help
set the scenein the best waypossible.After all,what will matter in thelong
run, from the viewpoint of international justice, is whether al1States in the
area receive their entitlement in terms of applicable law.

16. The Judgment took the figures of 24 miles' length and 192miles'

length, representing respectively "the coast of Malta from Ras il-Wardija
to Delimara Point, following straight baselines but excluding the islet of
Filfla", and "[tlhe coast of Libya fromRas Ajdir to RasZarruq, measured
following its general direction", as a basis in order "to justify the adjust-
ment of the median line so as to attribute a larger shelf area to Libya" PLATEAU CONTINENTAL (OP. DISS. ODA) 133

que les exigencesdu critère de proportionnalité en tant qu'aspect de
l'équiténe sont pas satisfaites. )(Par. 75.)

15. J'ai peine à croire que, sans définir la zone pertinente et les côtes
pertinentes, et donc sansfournir aucun chiffre pouvant servir de base aux
comparaisons, laCour puisse - selonsespropres termes - réussirà vérifier
l'équité du résultaa tuquel doit aboutir la ligne de délimitationproposée.
On a plutôt l'impressionque, voyant àquelpoint il étaitdifficilede définir
lazonepertinente etlacôtepertinente, ellearenoncé à seservirdeschiffres

qui devaient servir de base àl'application du critère de proportionnalité.
Mais n'est-ilpas paradoxal que,après avoir affirmélanécessité de définir
la zone pertinente et les lignespertinentespour vérifierl'équitédu résultat
de la division de la zone, elle abandonne ensuite cette tâche, au motif
qu'une telle opérations'avérerait impossible ? Il est certes essentiel, pour
appliquer le critère de proportionnalitéentre les surfaces de fonds marins
attribuées aux Parties et la longueur de leurs côtes, de définir d'abord
toutes les zones à délimiteret toutes les côtes à mesurer. Encore faut-il

cependant quecette double définition - des zones et des côtes - soità la
foiscomplètepour lesParties et exclusivepar rapport aux intérêtd sestiers.
Définirla zone en omettant l'une quelconquedes étendues pouvant être
raisonnablement revendiquéespar l'une ou l'autre Partie revient àne pas
exercer toute sa com~étenceet aboutit à une erreur. Cela est ~articuliè-
rement vrai pour les calculs proportionnels, car qui peut dire ce qu'aurait
été laproportion si l'on avait tenu compte de toutes ces étendues ? Une
définitiondece genre devient donc arbitraire et ne signifierien. 11ne faut
pas oublier ce simple fait mathématique : le résultat d'un critère de pro-

portionnalité partiel, c'est-à-dire qui ne tienne pas compte de certaines
zones auxquelles les Etats intéressés peuvent avoirdroit dans le voisinage
immédiat,ne peut donner d'indication sur l'équité finalede la situation
ainsi créée.C'est d'ailleurs un fait que l'arrêtreconnaît (par. 74). Mais
j'estime que l'arrêt aurait dû reconnaître aussi que,pour équitablequ'une
solution puisse paraître dans le présentcontexte,limité à dessein, rien ne
garantit qu'elle semblera encoreéquitable une fois que l'on aura effectué
lesautresdélimitations et achevédedéterminertoutes leszones deplateau

des deux Parties à la présenteaffaire.En attendant, il està craindre que la
Courn'ait pas facilité la tâche desEtats intéresséscommeelleaurait pu le
faire. Or, à long terme, ce qui compte du point de vue de la justice
internationale, c'est que tous les Etats de la régionreçoivent ceà quoi ils
ont droit en vertu du droit applicable.
16. La Cour invoque les chiffres de 24 milles et de 192 milles de
longueur, qui représentent respectivement (la côte maltaise de Ras
il-Wardija à la pointe Delimara, en suivant les lignes de base droites à

l'exclusion de l'îlot de Filfla et (<la côte libyenne de Ras Ajdir à Ras
Zarrouk, mesurée selonsa direction générale ))pour effectuer un (<ajus-
tement de la ligne médiane, afin d'attribuer à la Libye une plus grande 134 CONTINENTAL SHELF (DISS. OP. ODA)

(para. 68). As proportionality cannot be spoken of without figures for the
areaand thecoastlines, 1shouldmention that therelationship between the

areas on each side - Maltese and Libyan - of the delimitation line which
theJudgment now suggests,appertaining respectively to Malta and Libya
within the area delimited by two side-linesconnecting the points on each
coast as referred to above, is, 1am told, 1to 3.8if account is taken of the
coastlinetheJudgment mentionsas a basisforcalculating "a considerable
disparity between their lengths". With myreservationsconcerningthearea
as indicated above, however, 1would suggest a hypothetical trapezium in
which the ratio of theupperside to thebase is 1to 8,withthelength of each
lateral side being the same as the length of the base and the upperside
facing the centre of the base (this is analogous to the presumption in the
Judgment). Here the genuineequidistance line (which will be curved and
not a straight parallel to the base) willproduce an areadividedin the ratio
of 1 to 2.3 or slightly higher. If the base of this trapezium is further

extended to one side so that the total length of the base is 24 times greater
than theupperside(this is analogous to thesituation in which the coastline
of Libya from Ras Ajdir to Ras el-Hilal is counted), the genuine equi-
distance line will produce a division of the area in the ratio of 1 to
approximately 4.In addition, turningfrom ahypotheticaltrapeziumtothe
actual case,if the hugepockethidden behind the notional straightlineas a
baseforthe Libyan coast iscounted, that is, the Gulf of Sirt,thedifference
in ratio will be enormous.

17. Whether or not any one of these ratios - 1to 3.8(as a result of the
division of the area by the delimitationlineproposed by the Court)or 1to
2.3 or 1to 4 (as a consequence of the equidistance line in my hypothetical
trapezium) - appears more or less equitable is a moot point. The Judg-

ment, however, did not attempt to prove how the application of the
equidistance method leading to such ratios would give an inequitable
result. In this respect 1must point out that the very concept of the median
line in the case of opposite States implies a proportional ratio for the
division of the area, instead of necessarily guaranteeingequality. It is for
those who find this fact inconvenient to indicate what degree of coast-
length disparity should trigger an adjustment, and why.

18. In final analysis, the Judgment seems to make a grave error in
applying the concept of proportionality used in the 1969Judgment of the
Court to thispresent case.Thisconcept wasused by that Judgment for the
verification of geographical equity in areas where the surrounding States
faced an established median line and a central point in the oval of the

North Sea.In other words,what the Courtintendedto Sayin 1969was that
in such specificcircumstances,in whch the Statesconcerned werelocated
asadjacent Statesin sirnilarsituations,but wherethe existenceof amarked
concave or convex coastline produced a somewhat distorting effect, the
proportion of the length of the coast asrectified by its generaldirection -
or, if 1may cal1it, as 1did in my argument in 1968.its "coastal façade" -étenduede plateau )(par. 68). Etant donné que I'onne saurait parler de
proportionnalité sans préciserles chiffres de la zone et des côtes, je dois
indiquer que, renseignements pris, ilya entre lessuperficies qui s'étendent
des deux côtés - maltais et libyen- de la ligne de délimitation indiquée
par l'arrêt, et quirelèvent respectivement de Malte et de la Libyeà I'in-
térieurde la régionbornéepar lesligneslatéralesreliantlespoints précités
de chacune de ces côtes, un rapport de 1 à 3,8, si l'on tient compte

des littoraux auxquels la Cour se réfèrepour calculer la<< isparitéconsi-
dérableentre leurs longueurs o.Cependant, compte tenu de mes réserves
sur la zone indiquée plus haut, je proposerai un trapèze hypothétique
caractériséparun rapport de 1 à8entre la petite et la grande base, par des
côtés latérauxd'une longueur égale à celle de la grande base, et par une
petitebase faisant faceaucentre de lagrande(supposition analogue à celle
de I'arrêt).Dans un tel cas, l'effetde la véritableligne d'équidistance(qui
est une courbe, et non une droite parallèle à la base) est un partage
correspondant à un rapport de 1 à 2,3 ou légèrementplus élevéS . i I'on
prolonge la grande base àl'une de ses extrémités,de telle sorte que sa
longueurtotale soitvingt-quatre foisplus grande que cellede lapetite base
(situation où I'onse trouverait ici si l'on prenait la côte libyenne de Ras

Ajdir à Ras el-Hilal), la ligne médiane véritableaboutit àun partage de
1à 4 environ. De plus, pour passer d'un trapèze hypothétiqueau cas
d'espèce,si I'on compte l'immense poche abritée derrière laligne droite
idéale qui sertde base à la côte libyenne, c'est-à-dire le golfe de Syrte, la
différencede proportion devient énorme.
17. Que tel ou tel de ces rapport- de 1 à3,s par l'effet de la ligne de
délimitationproposéepar laCour, oude 1 à 2,3,ou de 1à4enconséquence
de la ligne d'équidistance à l'intérieurde mon trapèze hypothétique -
paraisse plus ou moins équitable, c'est ce dont on peut discuter. Cepen-
dant, I'arrêt netente pas d'établir en quoi l'applicationde la méthodede
l'équidistance quiaboutit à de tels rapports donnerait un résultatinéqui-

table. Or, je dois le faire observer, la notion mêmede la ligne médiane,
appliquée à des Etats se faisant face, sous-entend une division propor-
tionnelle de lazone en cause, et ne garantit pas nécessairement l'égalE.t
c'està ceux que ce fait embarrasse qu'il incombe d'indiquer quel est le
degréde disparité entre les longueurs de côte qui doit déclencher un
ajustement, et pourquoi.
18. En dernière analyse, il semble que la Cour se soit fourvoyéeen
appliquant en l'espècela notion de proportionnalité utiliséedans l'arrêtde
1969.Dans cet arrêt,la proportionnalité servait àvérifier l'équité géogra-
phique dans des étendues oùles Etats riverains se trouvaient devant une

ligne médiane établie etun point central situéau milieu de l'ovale que
forme la mer du Nord. En d'autres termes, ce que la Cour voulait dire en
1969,c'estquedans cescirconstancesparticulières où les Etats intéressés,
étant Etatslimitrophes, setrouvaient tous dans la mêmesituation, mais où
l'existence d'une concavitéou d'une convexitéaccentuéedu littoral pro-
duisait un certain effet de distorsion, la proportion entre les longueurs des
côtes,rectifiéede façonàtenir compte de la direction généralde celles--iwas in principle useful in the verification of geographical equity (seepara.
69below).The 1969Judgment nowhereimplied the possibility of generally
applying the concept ofproportionality in other cases,particularly in cases
of delimitation between opposite States. Theareain the Central Mediter-
ranean Seafalling within the 200-miledistance from the Coast,not only of
the two Parties but also of some other countries, is so extensive that Libya
and Malta both face wide areas in which the interests of those third States
may also be involved. This is certainly not a case like the North Sea

Continental SheIf cases, in which a predetermined area has to be divided
between or among the Parties to the exclusion of others and without
relevance to those parts outside the area in question. Misapplication of the
test ofproportionality isalsoto be seenin the 1982and 1984Judgments, as
1 shall explain in Chapter III.

4. Maladjustment of "Equidistance" Line

19. The Court attempts first to "make a provisional delimitation by
using acriterion and amethod both ofwhich areclearly destined to play an
important role in producing the final result" (para. 60),

"[and] then examine[s] this provisional solution in the light of the
requirements derived from other criteria, which may cal1for a cor-
rection of this initial result" (ibid.).
A median line between Libya and Malta is first drawn which is "only
provisional" (para. 63). The Judgment States that :

"to achieve [an equitable result] the result to which the distance
criteria leads must be examined in the context of applying equitable
principles to the relevant circumstances" (ibid.).
After excluding the island of Filfla in the calculation of the provisional

median line between Malta and Libya, the Judgment considers "whether
other considerations, including the factor of proportionality, should lead
to an adjustment of that line being made" (para. 64). To take another
expression from the Judgment, the Court, after "establishing .. . the
median line as the provisional delimitation line" (para. 65), "reflect[ed] [a
weightin the assessment of theequities of the case]in an adjustment of the
equidistance line" (ibid.), or took "a median line (ignoring Filfla as a
basepoint), as the first step of the delimitation" and then "transpos[ed]
the median line northwards" (para. 73). Again quoting the Judgment,
"[hlaving drawn the initial median line, the Court has found that that
line requires to be adjusted" (para. 78).
20. The initial equidistance line is adjusted, according to the Judg-
ment, to achieve "an equitable result" (para. 63), or to reflect "a weight
in the assessment of the equities of the case" (para. 65). For this pur-
pose the Judgment attempts to examine al1the relevant circumstances,ou, pour m'exprimer commeje le faisais dans ma plaidoirie de 1968,entre

les (<façades maritimes ))- étaiten principe utile pour vérifier l'équité
géographique(voir ci-après,par. 69). Mais l'arrêtde 1969n'envisageait
nulle part la possibilitéd'appliquer de façon générale le conceptde pro-
portionnalité,surtout encas de délimitationentreEtats sefaisant face. Or
la partie de la Méditerranée centralequi se trouve àmoins de 200milles de
la côte des deux Parties,mais aussi de certains autres Etats, est siétendue,

que la Libye et Malte bordent l'une et l'autre de vastes espaces où les
intérêts desEtats tiers peuvent égalemententrer en ligne di compte. La
présenteespècene ressemble donc pas aux affaires du Plateau continental
de lamer du Nord où il y avait une zone prédéterminé e diviser entre les
parties, à l'exclusiondetout autreEtat, et où cette division étaitdénuéede

pertinence pour la division des étendues extérieures à ladite zone. On
retrouvemalheureusement cette erreur d'application du critèredepropor-
tionnalitédans les arrêtsde 1982et 1984(voir ci-après,chap. III).

4. Erreurs dans l'ajustementde la ligne d'«équidistance ))

19. La Cour tente d'abord d'(<effectuer ...une délimitationprovisoire
selon un critère et une méthodevisiblement appelés à jouer dans la pro-
duction du résultat final un rôle important ))(par. 60),

(<puis [de] confronter cette solution provisoire avec les exigences
découlantd'autres critères pouvant imposer la correction de ce pre-
mier résultat >)(ibid.).

Elle commence par tracer, entre la Libye et Malte, une ligne médianequi
(<n'est ...que provisoire ))(par. 63). Mais l'arrêtdit :

(<Pour ...parvenir [à un résultat équitable],le résultat auquel con-
duit le critère de distance doit être confrontéavec l'application des
autres principes équitables aux circonstances pertinentes. )) (Ibzd)

Après avoir exclu l'îlede Filfla du calcul de la ligne médianeprovisoire
entre Malte et la Libye, la Cour recherche donc (<si d'autres considéra-
tions, y compris le facteur de proportionnalité, doivent l'amener à ajuster
cette ligne (par. 64).Pourreprendre une autre formule de l'arrêt, laCour,

aprèsavoir retenu (<la ligne médiane comme limiteprovisoire (par. 65),
se met en devoir d'en envisager la pondération en équité, envue d'un
<<ajustement de la ligned'équidistance(ibid.) ;sil'on préfère, elle retient
une <<ligne médiane(en rejetant Filfla comme point de base) dans une
premièreétapede la délimitation ))avant d'imprimer (<à la ligne médiane
une translation verslenord >)(par. 73).Je citeencorel'arrêt :(<Ayant tracé
la ligne médiane initiale, la Cour a conclu que cette ligne devait être

ajustée ))(par. 78).
20. Selonla Cour, la ligne d'équidistance initialeest ajustéedans lebut
d'aboutir à <<un résultat équitable ))(par. 63), ou (<dans l'appréciationde
l'équité ))(par. 65). Pour cela, l'arrêttentede considérertoutesles circons-
tances pertinentes, à savoir :(<la trèsgrande différencede longueur des namely - "the verymarked difference in thelengths of the relevant coasts
of the Parties, and the element of the considerable distance between those
coasts" (para. 66). In the course of the delimitation process "the existence
of a very marked difference in coastal lengths" is taken note of and "the
appropriate significance [is attributed] to that coastal relationship",
although the Judgment does not seek to define the existence of that

difference "in quantitative terms which are only suited to the ex post
assessment of relationships of coast and area" (ibid.).Yet the Judgment,
afterthus measuring the Maltese coast as 24 miles long and the relevant
Libyan coast as 192miles long, finds that "this difference is so great as to
justify the adjustment of the median line so as to attribute a larger shelf
area to Libya" (para. 68). Apparently for this reason the Court -
"finds it necessary,in order to ensure the achievement of an equitable
solution, that thedelimitationline ...beadjusted soas to liecloser to
the coast of Malta" (para. 71).

21. TheCourt finds it appropriate first "to establish what might be the
extreme limit of such a shift" (para. 72). The Judgment, which had pre-
viously been much too restrictive in its view of the area the Court was
entitled to consider, saw fit to identify the delimitation of the continental
shelf between Libya and the island State of Malta, seen in the "general
geographical context" (para. 69), as "a delimitation between a portion of
the southern littoral and a portion of the northern littoral of the Central
Mediterranean" (ibid.).It treated theMaltese islands "as a minor feature of
the northern seaboard of the region in question, located substantially to

the south of the general direction of that seaboard" (ibid.). Thus the
Judgment took "a notional median line between Libya and Sicily"
(para. 72) as the extreme limit of such a shift.
22. The Judgment argues :
"Within the area with which the Court is concerned, the coasts of
the Parties are opposite to each other, and the equidistance line
between them lies broadlyWestto east, so that its adjustment can be
satisfactorily and simply achieved by transposing it in an exactly
northward direction." (Para. 71 ;emphasis added.)

The Judgment suggests, as a reference line, the 15" 10'E meridian which,
corresponding as it does to the Italian claim, is reputed to constitute the
eastern limit of the "relevant area", and then undertakes to shift the
delimitation line in terms of its intersection with this reference line. The
median line between Malta and Libya intersects the 15" 10'Emeridian at
about 34" 12'N, and the notional median line between Libya and Sicily
intersects it at about 34" 36' N, so the Court suggests that "[a] transposi-
tion northwards through 24' of latitude of the Malta-Libya median line
would thereforebe theextreme limit of suchnorthward adjustment" (para.
72).Within this margin of 24'on the 15" 10'meridian, account is taken of

the following relevant circumstances :
"these are first, the general geographical context in which the islandscôtes pertinentes des Parties et le facteur que constitue la grande distance
quilessépare (par.66).Au cours de l'opérationde délimitation,ilestpris

note de <(l'existenced'une trèsforte différencede longueur deslittoraux )),
et 1'01-a1ttribue <(à cette relation entre les côtes l'importance qu'elle mé-
rite O, bien que l'arrêtne cherche pas à ((quantifier l'existence de cette
différence, <(ce qui ne serait approprié que pour évaluer à posteriori les
rapportsentre lescôteset lessurfaces (ibid). Pourtant l'arrêt,aprèsavoir

donnélechiffre de 24 millespour la longueur dela côte maltaise et celuide
192 milles pour la longueur de la côte libyenne pertinente, qualifie la
différencede <(sigrande qu'elle appelle unajustement de la lignemédiane,
afin d'attribuer à la Libye une plus grande étenduede plateau ))(par. 68).
Voilà, semble-t-il, pourquoi la Cour :

estime nécessaire,pour qu'une solution équitablepuisse être obte-
nue, d'ajuster la ligne de délimitation ...de manière à la rapprocher
des côtes de Malte ))(par. 71).

21. A cette fin, la Cour choisit ((de déterminertout d'abord quelle ...
doit êtrela limite extrême )) de cette translation (par. 72). Après avoir
adoptéune conception beaucoup trop restrictive de la zone dans laquelle
elle avait compétencepour statuer, ellejuge alors bon de définir la déli-

mitation du plateau continental entre la Libyeet l'îlede Malte, considérée
dans (le cadre géographique d'ensemble (par. 69), comme <<une déli-
mitation entre une partie du littoral méridional etune partie du littoral
septentrional de la Méditerranée centrale )) (ibid.). Elle définit les îles
maltaises comme un petit élémentdu littoral septentrional de la région
considérée,situé notablement au sud de la ligne généralede ce littoral

(ibid.). Et elle retient ((une médiane hypothétique entre la Libye et la
Sicile (par. 72) comme limite extrêmede l'ajustement prévu.
22. L'arrêtaffirme :

((Dans la zone envisagéepar la Cour, les côtes des Parties se font
faceet la ligned'équidistanceentre ellesest approximativementorien-
téed'est en ouest, desortequel'ajustement de la lignepeut êtreréalisé
d'une façon simple et satisfaisante en opérant sa translation vers le
nord. ))(Par. 71. Les italiques sont de moi.)

L'arrêtadopte comme ligne de référencele méridien15" 10'E, qui, cons-
tituant la limite des prétentionsde l'Italie, est censé limiter à l'estla zone
pertinente, puis opère une translation de la ligne de délimitation à l'in-
tersection de ces deux lignes. La ligne médianeentre Malte et la Libye

coupant le méridien15" 10'E à une latitude de 34" 12'N environ, et la
lignemédianeimaginaire entre la Libyeet la Sicilelecoupant à unelatitude
de 34" 36' N environ, la Cour juge qu'~une translation de la médiane
Malte-Libye de 24'de latitude vers le nord serait donc la limite extrême
d'un telajustement ))(par. 72).Cette marge de 24',mesuréesurle méridien

15" IO',doit, selon la Cour, permettre de prendre en considération les
circonstances pertinentes suivantes :
((primo, le cadre géographique d'ensembledans lequel les îles mal- of Malta appear as a relatively small feature in a semi-enclosed sea ;
and secondly, the great disparity in the length of the relevant coasts of
the two Parties7'(para. 73).

These circumstances are alleged to "indicate that some northward shiftof
the boundary line is needed in order to produce an equitable result"
(ibid.).
23. Despite recognizing that the process it applies is not one "that can
infallibly be reduced to a formula expressed in actual figures" (ibid.),the
Court concludes that "a boundary line that represents a shift of around
three-quarters of the distance ... achieves an equitable result in al1the
circumstances" (ibid.)Thus a northward shift of 18' on the 15" 10' E
meridian as a reference line is suggested, resulting in a delimitation line
intersecting the reference line at 34" 30'N. Byamere coincidence - afact

which the Judgment does not mention - this point is the same as the
southwestern corner of the Italian claim in the Ionian Sea.

24. The mere coincidence that theintersectionpoint of thedelimitation
line and the reference line happens to have the same location as the
southwestern limit of the Italian claim in the Ionian Sea is a surprising

geographical fact. But, this apart, shifting the intersection point of the
delimitation line on the meridian 15" 10'E is geographically mistaken. If
the delimitation line is shifted along the reference line on the meridian
15 10'E,it will make no sense in terms of either equidistance or propor-
tional distance from Malta and Libya. Certainly the particular point,
34" 12'N, on the reference lineis an equidistant point between Libya and
Malta, but it is equidistant only in relation to Delimara Point on the
Maltese side and Cape of Homs on the Libyan coast. If the equidistance
line is to be shifted to change the ratio, this shifting should properly be
carried out on the linedirectly connecting two salient points on each coast,
but not on the chosen reference line, which is essentially irrelevant to the
geographical situation between the two coasts. In the margin on the ref-
erence line between 34" 12'N, as a pure and simple equidistance between
Libya and Malta, and 34" 36'N, as a point of notional equidistance
between Italy and Libya,there is adifference of 24',that is,24mileson the
reference line - but on this line only ;consequently, it is erroneous to
suppose that the choice of the reference line was a matter of indifference.

The Court suggestsapoint of 34" 30'N, thus shifting thedelimitation line
by 18',that is, 18miles,on the reference line.It willcertainlybe possibleto
move the delimitation by 18',or 18miles, on al1meridians. Yet this does
not mean that the line has been shifted by three-quarters the width of the
margin (that is, 18'in 24), since the distance between the intercontinental
median lineand thepure and simplemedian line between Malta and Libya
varies according to each meridian, so that thedistance at each meridian is
not always 24 miles. Moreover, the true distance contained within the taises apparaissent comme un accident relativement modeste dans
une mer semi-fermée ;secundo, la disparité considérabledes lon-
gueurs des côtes pertinentes des deux Parties )>(par. 73).

Ces circonstances entraîneraient ((la nécessité d'uncertain déplacement
de la limite vers le nord afin de parvenir à un résultat équitable
(ibid.).
23. Tout en admettant que la méthodeadoptée n'est pas un proces-
sus que l'on puisse immanquablement réduire à une formule chiffrée ))
(ibid.),la Cour conclut (<qu'une limite correspondant à un déplacement
des trois quarts environ de la distance ..donne un résultatéquitableauvu

de toutes les circonstances (ibid.).Elle propose donc une ligne obtenue
par une translation de 18' vers le nord sur le méridien 15" 10'E, pris
comme ligne de référence, etcorrespondant à une délimitation qui coupe
cemêmeméridien à unelatitude de 34" 30'N. Par pure coïncidence - que
l'arrêt ometde mentionner - cepoint d'intersection correspond à l'angle
sud-ouest de la zone revendiquéepar l'Italie dans la mer Ionienne.

24. Lapure coïncidence quifaitque lepoint d'intersection de lalignede
délimitationet de la ligne de référence se trouve êtrele mêmeque lepoint
qui marque la limite au sud-ouest des prétentions italiennes dans la mer
Ionienne est un fait géographiquesurprenant. Mais, mêmecelamis àpart,

le déplacementdu point d'intersection de la ligne de délimitationavec le
méridien15 " 10'Eestune erreur géographique.Cedéplacementdelaligne
de délimitationsurleméridien15" 10'Epris commeligne de référencen'a
eneffet de sensni du point de vuedel'équidistance, ni dupoint de vuede la
distance relative entre Malte et la Libye. Certes, ce point particulier de
latitude 34" 12'N sur la lignede référenceesé t quidistantde Malte et de la
Libye ;mais ilne l'estqueparrapport à la pointeDelimara du côtémaltais
et au cap de Homs sur la côte libyenne. Si l'on voulait déplacerla ligne
d'équidistance pour modifier le rapport de proportionnalité, il fallait le

fairesur une lignereliant directement deux points saillants de chaque côte,
et non pas sur la ligne de référence choisiedans l'arrêt,qui est dénuéede
toute pertinence pour ce qui est de la relation géographiqueentre les deux
côtes. L'intervalle sur cette ligne entre le point 34" 12'N, point d'équi-
distance pure et simple entre la Libyeet Malte, et lepoint 34" 36'N, point
d'équidistance hypothétiqueentre l'Italie et la Libye, correspond bien à
une différencede 24', ou 24 milles, sur la ligne de référence - mais sur
celle-ciseulement ;ilestdonc erronéde tenir pour indifférentlechoixdela
lignederéférenceD . ans cetintervalle, la Cour choisitlepoint de 34" 30'N,

imprimant ainsi à la ligne de délimitation une translation de 18', soit
18milles sur la ligne de référence - et il sera effectivement possible de
déplacerla délimitationde 18',soit 18milles,en tous sespoints. Mais cela
ne signifiepasquela lignesubisse une translation égaleaux trois quarts de
la marge (autrement dit, de 18'sur 24),étantdonnéquela distance entrela
ligne médiane continentale et la médiane pure et simple entre Malte et lamargin, i.e., the shortest distance, which except on the reference line itself
is not to be found in a north-south direction, will also Varyfrom place to
place.

25. At any rate, there is no convincingground whatsoever for shifting
the delimitation line along a meridian which in essence bears no geogra-
phical relation to Libya and Malta, because the referenceline has nothing
to do with the distance between the Maltese and Libyan coasts and is
dictated merely by a third party claim. In my view, the Judgment shows

little grasp of the geography, and the conventionallattice of north-south/
east-west cartography is not relevant to the division of the area between
border States. Latitude and longitude, though important for locating a
fixed point on the atlas, cannot be the determining factor in dividingthe
area between two States. The suggestion made by the Judgment for the
delimitation lineis based simplyon the illusioncreated by the traditional
north-south/east-west viewof theatlas,and thus ultimately on theplane of
the earth'srotation, a factor whichhas yet to receiveconsciousrecognition
in international law. A similar situation was alsocreated by the Judgment
in the Tunisia/Libya case (see para. 72 below).

26. The Judgment states that the suggested line "that represents a shft
of around three-quarters of the distance between the two outer para-
meters ...achievesan equitable resultin al1the circumstances"(para. 73)
and that the location of a line is determined "which would ensure an
equitable result between [the Parties]" (para. 78). Very little is revealed
about the reasoning on the basis of which the Court finds the line "equi-
table". The Judgment admittedly states that the initial median line is
adjusted "in viewof the relevant circumstances of the area" (ibid.). Yet
"the considerable disparity between the lengths of the coasts of the Par-
ties" and "the distance between those coasts" are hardly relevant to the
point of being circumstancesjustifying an "adjustment". It must be con-

cluded that the Judgment in fact employs "proportionality" not for the
purpose of verification of the equitable result, but as a criterion for
drawing the delimitation line. The Judgment itself states :
"If thecoast of Malta and the coast of Libyafrom Ras Ajdir to Ras
Zarruq are compared, it is evident that there is a considerable dis-
parity between their lengths, to a degree which, in the view of the
Court, constitutes a relevant circumstance which should be reflected
in the drawing of the delimitation line." (Para. 68.)

27. Let me now turn to an even more important point in connection
with the northward adjustment of the initial median line. The Judgment
suggests that this line should be "adjusted or "transposed". In drawing
the line between Malta and Libya,the Court did not givefull effect to the
existence of Malta itseif; thus the line drawn cannot in any sense be a
median line or equidistanceline between the Parties.The technique of the Libyevarie à chaque méridien, etque par conséquent ladistance n'estpas
toujours de 24 milles à toutes les longitudes. De plus, la vraie distance
comprise dans cet intervalle - c'est-à-dire la plus courte distance, qui,

exceptésur la ligne de référence elle-même n,e suit pas une direction
nord-sud - variera elle aussi selon les endroits.
25. De toute manière,il n'existeaucune raison convaincante de dépla-
cer la ligne de délimitation en suivant un méridienqui est en soi sans
rappdrt géographique avecla Libye et Malte, puisque la ligne de référence
n'a rienà voir avecla distanceentre les côtes maltaises et libyennes et que
son choix est simplement dictépar les revendications d'un Etat tiers. A
mon avis, l'arrêttémoigned'une certaine incompréhension de la géogra-

phie, et lequadrillage conventionnel nord-sud/est-ouest dela cartographie
est sanspertinencepour la division desétenduesentre les Etats côtiers. La
latitude et la longitude, malgré leur utilitépour situer un point fixe sur la
carte, ne sauraientconstituer lefacteur déterminantpourpartager une zone
entre deux Etats. La ligne de délimitation proposéepar l'arrêtrepose
simplement sur l'illusion crééepar la présentation traditionnelle nord-
sud/est-ouest des cartes, et donc, en dernière analyse, sur le plan de

rotation de laTerre, facteurqui n'apas encore trouvé saplacedans ledroit
international. Une situation similaire résultait d'ailleursde l'arrêt rendu
dans l'affaire Tunisie/Libye (voir ci-après, par. 72).
26. La Cour considère que la ligne proposée << correspondant à un
déplacement des troisquarts environ de la distance entre les deux para-
mètres externes ..donne un résultat équitable auvu de toutes les circons-
tances ))(par. 73), et que cette ligne est (<de nature à assurer entre [les

Parties] un résultatéquitable (par.78). Ellene ditpas grand-chose sur le
raisonnement qui luipermet de dire siladite ligneest (équitable )>L'arrêt
précise bienque la ligne médianeinitiale est ajustée << pour tenir compte
des circonstances pertinentes de la région >)(ibid.). Mais <la disparité
considérable deslongueurs descôtesdes Parties )et <<la distance entre ces
côtes peuvent difficilement passer pour des circonstances pertinentes
justifiant un <<ajustement ))Il faut donc conclure que la Cour, en réalité,

n'utilisepas la (<proportionnalité )pour vérifierl'équité du résultat,mais
commecritèrepourletracéde lalignede délimitation.Commeleditl'arrêt
lui-même

((Sil'oncompare lescôtes de Malte etlacôte libyenne de Ras Ajdir
à Ras Zarrouk, il est évidentqu'il existe entre leurs longueurs une
disparitéconsidérable, etconstituant, selonla Cour,une circonstance
pertinente que devrait refléterle tracéde la ligne de délimitation. ))
(Par. 68.)

27. Passons à une question encore plus importante concernant ledépla-
cement vers le nord de la ligne médianeinitiale. Selon l'arrêt,cette ligne
devait être<< ajustée )),ou subir une <translation )>.Mais, en traçant la
ligne entre Malte et la Libye, la Cour n'a pas attribué un plein effet à
l'existencede Malte elle-même ;la ligne tracéene peut donc être uneligne

médiane ou d'équidistanceentre les Parties. La méthode suivie dans le present Judgment involves taking the entire territory of one Party as a
specialcircumstance affecting adelimitation whch the Court has no cal1to
make and which excludes that very Party !Indeed, if Malta is tobe given
partial effect, there is theoretically no need to consider the Malta/Libya
median line at al1 :it becomes a mere convenience enabling the notional
intercontinental Sicily/Libya median line to be more easily adjusted. The
Judgment cannot be regarded as adjustingor transposingthe Malta/Libya
equidistance line,but simplyasgivingit shortshrift. It must be pointed out

that this line, once adjusted/transposed, is deprived of al1the properties
inherent in the concept of equidistance. The suggested line is simply a
substitute for or a replacement of the median line, but cannot be an
"adjustment" of the median line between Malta and Libya. If there is any
median line to which the "adjusted" line bears some resemblance, it is -
possibly - a median line between Sicilyand Lihxra,but certainly not one
between Libya and Malta.

28. The present Judgment appears to me to misunderstand the impli-
cations of the "half-effect" theory used in the 1977 Decision of the Anglo-
French Arbitration. In that Decisionpartial effectwas ailowedto a tinypart
of one party's territory, viewed as a special circumstance relevant to both
parties for the purpose of drawing an equidistance line. Obviously, in that
Arbitration, after a genuineequidistanceline had been drawn, a suggestion
was made for a correction of the United Kingdom baseline lest the some-
what isolated location of the small dependent islands of Scilly should

greatly and unreasonably affect the delimitation of the whole area. This
wasquite differentfrom thepresent case,wherepartial effectisgivento the
country itself for which a delimitation was to be drawn (see para. 45
below).

5. Regarding Geography

29. The Judgment appears to lack a proper understanding of geo-
graphy,particularly in connection with the concept of the oppositeness of
coasts and the method of equidistance. In my understanding, the opposite
coast means, asa concept of geography, the coast which is directly facing.
In the Central Mediterranean, in relation to Malta and Libya, theopposite
coast means the entire southeast coast of the islands of Malta, and Ras

Ajdir to Ras el-Hilal in Libya. There is no ground for theJudgment to take
the point of 15" 10'E or Ras Zarruq for the eastern limit of the coast of
Libya as the opposite coast of Malta from the geographical point of view.
This does notmean that thecoast of Libya asfaras Ras el-Hilal isopposite
onlyto Malta, for it iscertainlyopposite also to Italy and other States. The
error of the Judgment exists in regarding the relation of opposite coasts
only in terms of the two Parties to the exclusion of al1other States.
30. Secondly, the Court seems to misunderstand from the outset theprésent arrêt consisteà voirdans leterritoireentier de I'unedesPartiesune
circonstance spécialedenature à influer sur une délimitation que la Cour
n'a pas de raison d'effectuer, et qui exclut cette Partie même En réalité,
s'ilfallait attribuer un effet partàMalte, il n'existait en théorie aucune
raison deprendre la ligne médianeMalte-Libye enconsidération :cen'est
plus ici qu'un moyen d'ajuster plus facilement la ligne médiane continen-
tale hypothétique Sicile-Libye.On ne peut donc dire que l'arrêtajusteou
déplacela ligne d'équidistanceMalte-Libye : il ne fait que l'évacuer.On

remarquera d'ailleurs que cette ligne, une fois ajustéeou déplacéep ,erd
toutes les propriétés inhérentesà la notion d'équidistance.La ligne pro-
poséeestsimplementun substitut,un succédanéde lalignemédiane,etelle
ne saurait représenterun (ajustement )>dela ligne médianeentre Malte et
la Libye. S'ilexiste une ligne médiane à laquelle puisse un tant soit peu
ressembler la ligne (<ajustée ))c'est peut-êtreune ligne médianeentre la
Sicileetla Libye,maiscertainement pas unelignemédianeentre laLibyeet
Malte.
28. Le présent arrêt meparaît dénoter une conception erronée des
conséquencesde la théoriedu << demi-effet O, telle qu'invoquéedans la

décisionde 1977relative à l'arbitrage franco-britannique. En effet cette
décisionaccordait un effet partiel àunepartie minusculedu territoire de
I'unedesparties, considérée comme une circonstance spécialepertinente à
l'égarddes deux parties pour le tracéde la ligne d'équidistance.Il est
évidentque le tribunal arbitral avait d'abord tracé une véritableligne
d'équidistance,puis qu'il avait étésuggéré de corriger la ligne de base du
Royaume-Uni de façon à éviterque la situation quelque peu isoléedes
petites îles dépendantes que sont les Sorlingues n'exerçe une influence
considérable et excessive sur la délimitation de l'ensemble de la zone. Il
s'agissaitd'unesituation tout àfait différentedecelledelaprésenteespèce,

où un effet partiel est donné à l'un des pays mêmesayant demandé la
délimitation(voir ci-après,par. 45).

5. La géographie

29. L'arrêttraduit, semble-t-il, une compréhension insuffisante de la
géographie,notamment en cequi concernelanotion d'opposition entre les
côtes et la méthodede l'équidistance.Pour moi, la notion d'opposition
s'applique à toutes les côtes qui se font directement face. Dans la Médi-

terranée centrale, pour ce qui est de Malte et de la Libye, il faut entendre
par côtes opposéesla totalité dela côte sud-est des îles de Malte, et la côte
libyenne de Ras Ajdir à Ras el-Hilal. D'un point de vue géographique,il
n'yavait pas de raison d'adopter lepoint 15" 10'Eou RasZarrouk comme
limiteorientale de la côte libyenneopposée à Malte. Cela ne veut pas dire
que la côte de Libyejusqu'à Ras el-Hilal soit opposéeseulement àMalte :
elle l'est certainement aussiàl'Italie eà d'autres Etats. Mais l'erreur de
l'arrêtest de considérerla relation d'opposition exclusivementpar rapport
aux deux Parties, à l'exclusion de tout autre Etat.

30. Deuxièmement,la Cour sembledèsledépartinterpréterde manièrepractical application of the method of equidistance. A median line is not
simplyacompromise between opposingconfigurations, nor the averageof
the linesthat can bedrawn parallel to theopposingcoasts orto the straight
baselines. Determinant in drawing an equidistance line are salient points
or convexities on the coastline, which are geometrical[ydetermined, not
artificially picked up, asthe drawing of the delimitation line progresses. If
geography is respected, the ascertainment of objective "equidistance" by
means of the geographical or geometrical method of plotting equidistance
will be quite independent of the subjectively defined "relevant coasts".

Reference should have been made to Shalowitz'sShore and Sea Boundar-
ies, Volume 1(1962), particularly at pages 232-235, and to Hodgson and
Cooper, "The Technical Delimitation of a Modern Equidistance Boun-
dary", Ocean Developmentand International Law, Volume 3, No. 4, 1976,
pages 361 ff.

CHAPTER II.REAPPRAISA OF THE "EQUIDISTANCE/SPECIAL-
CIRCUMSTANCER SU"LE

1. Introduction: Failure of UNCLOS III in 1982 to Indicate Positive

Rulesfor the Delimitation of the ContinentalShelf

31. The 1982United Nations Convention on the Law of the Sea is not

yet a binding instrument, since 46 more ratifications have to be secured
before it comes into force. Yet, in seeking to ascertain the principles and
rules of the lawof the sea today, it isunthinkable to overlook al1the efforts
deployed in the great workshop of UNCLOS III, involving an unprece-
dentednumber of personnel from al1nations of the world over a uniquely
protracted period ofgestation (since 1967,when the adhoc United Nations
Sea-bed Cornmittee was first set up), and culminating in a most compre-
hensive text of 320 articles. 1 am second to none in appreciating the
magnificent achievements of theConference. However, 1cannot persuade
myself that the Convention, in its relevant provision, is so drafted as to
suggest any positive rule specific to the delimitation of the continental
shelf. The Convention reads as follows :

"Article 83

1. The delimitation of the continental shelf between States with
opposite or adjacentcoasts shallbe effected by agreement on the basis
of international law as referred to in Article 38 of the Statute of the
International Court of Justice, in order to achieve an equitable solu-
tion."erronéecequ'est l'applicationpratique de la méthoded'équidistance.Une
ligne médianen'est pas simplement un compromis entre des configura-
tions qui se font face, ni la moyenne des lignes que l'on peut tracer

parallèlement à des côtes opposées ou à des lignes de base rectilignes.
L'élémentdéterminant du tracéd'une ligne d'équidistance estconstitué
par les saillants ou les convexitésde la côte, qui sont déterminég séomé-
triquement - etnon pas choisisarbitrairement - au fur etàmesure du tracé
de la ligne de délimitation. Le respectde la géographiesuppose la déter-
mination d'une <équidistance objective, au moyen de la méthodegéo-
graphique - ou géométrique - du tracé de l'équidistance, tout à fait
indépendamment de la définitionsubjective des (<côtes pertinentes ))On

peutse reporter à cesujet à ~ha1owitz:~horeandSea ~oundaries,volume 1
(1962), en particulier pages 232 à 235, et à Hodgson et Cooper, ((The
Technical Delimitation of a Modern Equidistance Boundary )),Ocean
Development andInternational Law, volume 3, no 4, 1976,pages 361 et
suivantes.

CHAPITR II. RÉEXAMEN DE LA RÈGLE (ÉQUIDISTANCE-CIRCONSTANCES
SPÉCIALES ))

1. Introduction :la troisième conférence deN sations Uniessur le droit
de la mer n'apas réussi, en 1982, à indiquer des règlespositives

de délimitationduplateau continental

31. La convention des Nations Unies surle droit de la mer de 1982n'est
pas encore un instrument obligatoire, quarante-six autres ratifications
devant êtreobtenues avant qu'elle n'entre en vigueur. Néanmoins, au
moment où l'on s'interroge sur les principes et règlesdu droit de la mer
contemporain, il est impensable de ne pas tenir compte de tous les efforts
déployésdans le grand atelier de cette conférencepar un nombre jamais
atteint de personnes venues de toutes les contrées du monde, et cela

pendant une périodede gestation d'une duréeexceptionnelle (à partir de
1967,annéede la première constitution du comitédu fond des mers de
l'organisation des Nations Unies), efforts qui ont abouti à un texte
exhaustif de trois cent vingt articles. Je ne le cède personne dans l'ap-
préciation des réalisationsadmirables de la conférence. Je n'arrive cepen-
dant pas à me persuader que la disposition pertinente de la convention
exprime une règlepositive - quelle qu'ellesoit- régissant spécifiquement
la délimitation du plateau continental. Le texte est le suivant :

(Article 83

1. La délimitation du plateau continental entre Etats dont les
côtes sont adjacentes ou se font face est effectuéepar voie d'accord
conformément au droit international tel qu'il est visé à l'article 38
du Statut de la Cour internationale de Justice, afin d'aboutir à une
solution équitable.)) 32. This text may be analysed in the following ways. First, the Con-
vention provides that "[tlhe delimitation of the continental shelf ... shall
beeffected by agreement". This simplyrepresents the procedural aspect of
the problem and implies that any unilateral claim to delimit the continen-
talshelfwould not beregarded asvalid under international law.Its effectis

thus merely to confirm that a general rule for the conduct of inter-State
relations is applicable to the subject of delimitation. It in no way indicates
a specific course of action. The ostensible solution that, since there is no
obligatory rule applicable in al1cases, the delimitation is to be effected by
agreement is no solution at all. The rule calling for delimitation by agree-
ment thus remains simply a rule concerning procedure and cannot con-
stitute a rule indicating a method of delimitation.

33. This procedural rule is howeverqualified by the addition of two
parameters, namely, "on the basis of international law, as referred to in
Article 38 of the Statute of the International Court of Justice" and the
teleological rider :"in order to achieve an equitable solution". However,
the simple invocation of "the basis of international law, as referred to in
Article 38 of the Statute of the International Court of Justice" does not
furnish any practical assistance towards a solution, in the absence of any
more specific designation of which rules from the entire panoply of cus-
tomary, general, positive and conventional law are of particular signifi-

cance. Similarly,the prescription of an equitable solutionasthe goal offers
not the slightest clueasto what constitutes an equitable solution in the case
of shelf delimitation, and no method for reaching such an equitable solu-
tion is specified. What is more, given the contractual freedom of States,
each party to an agreement must be deemed to regard it asequitable, or at
the very least to have waived the right to seek to undo it on grounds of
inequity. Hence the reference to equity in Article 83, paragraph 1, whle
seeming to convey a norm of a legal nature, is, as a legal prescription,
otiose :at most it can be held to prescribe the frame of mind in which the
negotiators should approach their task.

2. The "EquidistancelSpecial-Circu Rmuletornctees"elimitation
of a Single ContinentalShelf Homogeneousin Terrnsof the 200-Metre

Depth Criterion

(i) The Rule in the Geneva Convention onthe Continental Shelf

34. The failure of UNCLOS III to suggest any rules concerning the
delimitation of thecontinental shelf does not mean that such rules had not
existed thitherto. On thecontrary,delirnitation of the continental shelfhad
already been provided for, nearlya quarter of a century before, through an
article in the Geneva Convention on the Continental Shelf. The relevant
provisions of the 1958Convention read : PLATEAU CONTINENTAL (OP.DISS.ODA) 141

32. Celibellépeut s'analysercomme suit :premièrement, la convention
dispose que (<la délimitation du plateau continental ...est effectuéepar
voie d'accord ))Ce n'est là que l'aspect procédural du problème et l'on
peut en déduireque toute prétentionvisant à délimiter unilatéralement le

plateau continental serait considérée commedépourvue de validité en
droit international. C'estla simple confirmation du fait qu'une règlegéné-
rale de comportement dans les relations entre Etats s'applique en matière
de délimitation.Rienne prescrit une ligne de conduite précise.La solution
de façade consistant à dire qu'en l'absenced'unerègleobligatoireapplicable
dans tous les cas la délimitation doit êtreeffectuéepar voie d'accord
n'est pas une solution du tout. La règle exigeant que la délimitation se
fasse au moyen d'un accord reste donc une simple règleconcernant la

façon de procéderet non une règleindiquant une méthodede délunitation.
33. Cependantcette règledeprocédureest soumise à deuxparamètres, à
savoir que la délimitationest effectuée<< conformémentau droit interna-
tional tel qu'il estvisà l'article 38 du Statut de la Cour internationalede
Justice ))et le correctif téléologique(afin d'aboutir à une solution équi-
table )).Mais le simple fait d'invoquer la conformité (<au droit interna-
tional tel qu'il estvisà l'article 38 du Statut de la Cour internationale de
Justice O n'aide en rien à trouver une solution en pratique si aucune
précisionn'est apportéesur les règles spécialementpertinentes dans toute

la panoplie du droit coutumier, général, positifet conventionnel. De
mêmed , éfinirlebut àatteindre comme étantceluid'unesolutionéquitable
ne donne pas la moindre idéede ce qui la rend équitabledans le cas de la
délimitation du plateau, et ne spécifiepas non plus la méthode qu'il
faudrait suivrepour arriver à une telle solution. Au surplus, étantdonnéla
liberté contractuelle des Etats, toute partieàun accord est censéele tenir
pour équitable ou, à tout le moins, avoir renoncé au droit d'invoquer
l'inéquitépour tâcher de s'en dégager.La mention de l'équitéfigurant à

l'article 83, paragraphe 1, bien qu'elle semble énoncer une norme de
caractèrejuridique, est par conséquentoiseuseen tant que règlede droit :
on peut y voir tout au plus une recommandation sur l'état d'esprit dans
lequel les négociateurs devraient aborder leur tâche.

2. La règle«équidistance-circonstances spécial )s

appliquée à la délimitation d'unplateau continental unique et homogène
selon le critère delaprofondeur de 200 mètres

i) La règle dela conventionde Genève sur leplateau continental

34. Sila troisièmeconférencedes Nations Unies sur le droit de la mer
n'apas réussi à proposer une règleapplicable àla délimitationdu plateau
continental, cela ne signifie pas qu'aucune règlede ce genre n'ait existé
auparavant. Au contraire,ladélimitation du plateau continental avaitdéjà

étéréglementée,près d'un quart de siècleplus tôt, par un article de la
convention de Genèvesur le plateau continental. Les dispositions appli-
cables de la convention de 1958étaientainsi rédigées : "Article 6

1. Where the samecontinental shelf is adjacent to the territories of
two or more States whose coasts are opposite each other, the boun-
dary of the continental shelf appertaining to such States shall be
determined by agreementbetween them. In the absence of agreement,
and unlessanotherboundarylineisjustijied byspecialcircurnstances,the
boundaryis the rnedianline, every point of which is equidistant from
the nearest points of the baselines from which the breadth of the
territorial sea of each State is measured.

2. Where the samecontinental shelfis adjacent to the territories of
two adjacent States, the boundary of the continental shelf shall be
determined by agreementbetween them. In the absence of agreement,
and unlessanotherboundaly line isjustified by specialcircurnstances,
the boundary shall be determined by applicationof the principle of
equidistancefrom the nearest points of the baselines from which the
breadth of the territorial sea of each State is measured." (Emphasis
added.)

35. The year of 1958was too early to ascertain the principles and rules
of customaryinternational law on certain aspects of thecontinental shelf,
the régimeof which had only emerged during the post-war period. Yet the
equidistance rule for the delimitation of the continental shelf had already
been suggestedin the 1953draft of theInternational LawCommission and
wastaken overin the Commission'sfinal draftin 1956.During UNCLOS 1
in 1958the Netherlands-United Kingdom joint proposal, which wasprac-
tically identical to the Commission's draft - with certain additional pro-
visionswhich are irrelevant in thepresent context - wasput to a vote. The
United Kingdom, asasponsoringcountry, explained the reasoning behind
the proposal, as follows :

"[Tlhemedian linewould always provide the basis for delimitation.
If both the Statesinvolvedweresatisfied with theboundary provided
by the median line, no further negotiation would be necessary ;if a
divergence from the median line appeared to be indicated by special

circumstances, anotherboundary could beestablished by negotiation,
but the median linewould stillserve asthe starting point." (UNCLOS
1,OfficialRecords,Vol. VI, p. 92.) (1.C.J. Reports 1982,pp. 187-188,
para. 52.)

The proposa1was adopted by 36 votes to none with 19abstentions, in the

Fourth Committee, and then finally approved by 63 votes to none, with
only two abstentions, in the plenary. The facts that in 1958 UNCLOS 1
(attended by most of the then-existing independent States) adopted this
text, based upon the draft which the International Law Commission had
been preparing ever since 1951,that the provision has continued in being Article 6
1. Dans le cas où un mêmeplateau est adjacent aux territoires de
deux ou plusieurs Etats dont les côtes sefont face, la délimitationdu
plateau continental entre cesEtats est déterminée par accord entre ces

Etats. A défautd'accord, et à moinsque des circonstancesspécialen se
justifient une autre délimitation, celle-ci est constituée parla ligne
médiane dont tous les points sont équidistants des points les plus
prochesdes lignesde base àpartir desquelles est mesuréelalargeur de
la mer territoriale de chacun de ces Etats.
2. Dans le cas où un mêmeplateau continental est adjacent aux
territoires de deux Etats limitrophes, la délimitation du plateau
continental est déterminéepar accord entre ces Etats. A défautd'ac-
cord, et à moins que des circonstancesspéciales nejustifient unaeutre
délimitation, celle-csi'opère parapplication du principe de I'équidis-

tancedespoints lesplus proches des lignesde base àpartir desquelles
est mesurée la largeurde la mer territoriale de chacun de ces Etats. ))
(Les italiques sont de moi.)
35. Il étaittrop tôt, en 1958,pour déterminerles principes et règlesdu
droit international coutumier applicables à certains aspects du plateau

continental, dont le régime venait seulementde se dégagerpendant la
périoded'après-guerre. La règlede l'équidistance servant à délimiterle
plateau continental avait cependant étédéjàproposéedans le projet de
1953de la Commission du droit international, et reprise dans son projet
final de 1956.Au cours de la premièreconférencedesNations Unies sur le
droit de la mer, tenue en 1958, la proposition conjointe Pays-Bas-
Royaume-Uni, pratiquement identique au projet de la Commission, mais
comportant certaines dispositions additionnelles qui ne nous intéressent
pas ici, avait étémiseaux voix. LeRoyaume-Uni, Etat coauteur, expliqua
dans les termes suivants le raisonnement dont s'inspirait la proposi-
tion :

<La ligne médianeservirait toujours de base pour la délimitation.
Si les deux Etats intéressésacceptaient de prendre comme ligne de
délimitation lalignemédiane,il ne serait pas nécessairede procéder à
d'autres négociations ; sidescirconstances spécialessemblaient indi-
quer qu'il convientde s'écarterde la lignemédiane,uneautre ligne de

délimitationpourraitêtreétabliepar voiede négociation, maislaligne
médiane servirait toujours de point de départ. ))(Conférence des
Nations Unies sur le droit de la mer, Documents officiels,vol. VI,
p. 92.) (C.I.J. Recueil 1982, p. 187-188,par. 52.)

La proposition fut adoptéepar 36 voix contre Oavec 19abstentions à la
Quatrième Commission, et finalement approuvée en plénièrepar 63 voix
contre Oavec seulement 2 abstentions. Le fait qu'en 1958 la première
conférencedesNations Unies sur ledroit de lamer, àlaquelleparticipaient
la plupart des Etats alors indépendants, ait adoptéce texte fondésur un
projet dontla Commission du droitinternational poursuivait l'élaborationas a conventional rule since 1964(when the 1958Convention came into
force), and is valid for 53 nations today, should not have been ignored in
Ourconsiderations.

36. In providing that "the boundary of thecontinental shelf.. .shall be
determined by agreement" the 1958Convention, of course, already laid
emphasis on the importance of agreement between the States concerned.
Yet, unlike the 1982Convention, the 1958Convention did indicate the
positive rules for the delimitation of the continental shelf.In my view,this
point has generallybeen misunderstood. The implicit intention ofArticle 6

was, 1believe,mostprobably to thefollowingeffect :whether in the caseof
agreement or impartial third-party determination, the principles and rules
of international law to be applied should be that, unless anotherboundary
line is justified by special circumstances, the boundary in the case of
oppositeStatesshouldbethe median lineand in thecase of adjacent States
should bedetermined byapplication of theequidistanceprinciple.In other
words, the Convention may be interpreted to mean that it suggested the
"equidistance/special-circ muetsodaascaenormal basis of agree-
ment as well as of third-party deterrnination.

(ii) The 1969Judgment of the Court in the North Sea Continental Shelf
cases

37. In the North Sea Continental Shelf cases the Court did admit the
value of the "equidistance/special-circ ulesnot,nitsstue, as a
rule of customary international law but only as a conventional rule. It
stated that -

"the [1958]Convention did not embodyor crystallize anypre-existing
or emergent rule of customary law, according to which the delimita-
tion of continental shelf areas between adjacent States must, unless

the Parties otherwise agree,be carried out on an equidistance/special
circumstances basis. A rule wasof courseembodied in Article 6of the
Convention, but as a purely conventional rule." (I.C.J. Reports 1969,
p. 41, para. 69.)

1find it very important to realize (as the Anglo-French Court of Arbitra-
tion did in 1977)that the Court in 1969did not deny this rule but, on the
contrary, appreciated its great value. It would seem that there are certain
misunderstandings in this respect regarding the 1969 Judgment of the
Court. In the course of the proceedings in that case, even the Federal
Republic of Germany, whichwasstronglyopposed to thestrictapplication
of equidistance in those cases, had taken the view that if the rigid appli-
cation of equidistance were to be avoided, and the basis of measuring
equidistance in certain cases were to be modified, such a rule was not
objectionable. And in the outcome, the Court itself acknowledged thatdepuis 1951, que cette disposition ait subsisté commerègleconvention-
nelledepuis 1964,annéede l'entréeen vigueur de la convention de 1958,et
qu'elledemeure valide aujourd'huipour cinquante-trois nations, aurait dû
retenir l'attention de la Cour.
36. En stipulant que (la délimitation du plateau continental ...est

déterminéepar accord ))laconvention de 1958insistait déjà,bien évidem-
ment, sur l'importance de la volonté concordante des Etats intéressés.
Cependant, à ladifférencedela convention de 1982,cellede 1958énonçait
vraiment lesrèglespositivesde délimitationdu plateau continental. Selon
moi, cet élémenta étéen généralmal compris. L'intention implicite de
l'article 6 était,me semble-t-il, très vraisemblablement la suivante:qu'il
s'agissed'un accord ou d'une délimitation impartialepar tierce partie, les
principes et règlesdu droit international à appliquer sont que, à moins
qu'une autre méthodene soitjustifiéepar des circonstances spéciales,la
délimitationestlalignemédianedans lecas d'Etats qui sefont faceet,dans
lecas d'Etats limitrophes, elleest déterminéepar l'application du principe

d'équidistance.Autrement dit, on peut interpréter la convention comme
faisant delaméthode (équidistance-circonstancesspéciales ))labase dela
délimitation par voie normale d'accord et de la délimitation par tierce
partie.

ii) L'arrêrtenduparlaCouren1969danslesaffairesduPlateau continental
de la mer du Nord

37. Dans lesaffaires du PlateaucontinentaldelamerduNord,la Cour a
effectivement reconnu la valeur de la règle <<équidistance-circonstances

spéciales D,non pas, il est vrai, comme règlede droit international cou-
tumier, mais seulement comme règleconventionnelle. Elle a dit alors :

(<la convention ..[de 19581n'a ni consacréni cristalliséune règlede
droit coutumierpréexistanteou en voiede formation selon laquelle la
délimitation du plateau continental entre Etats limitrophes devrait
s'opérer,sauf si les Parties en décidentautrement, sur la base d'un
principe équidistance-circonstances spéciales.Une règle a bien été
établiepar l'article 6 de la convention, mais uniquement en tant que
règle conventionnelle. (C.Z. Recueil 1969, p. 41, par. 69.)

11me paraît très important de comprendre (comme le tribunal arbitral
franco-britannique l'a fait en 1977)qu'en 1969la Cour n'a pas niécette
règle, mais qu'aucontraire elle en a mesuréla grande valeur. Il semble y
avoir à cet égardcertains malentendus au sujet de l'arrêtde 1969.Durant
l'instance la République fédéraled'Allemagne elle-mêmeq ,uiétaitferme-
ment opposéeau recours à l'équidistance stricte ences affaires, avait été
d'avis que, s'il fallait éviterune application rigide de l'équidistance et
modifier, dans certains cas, les bases de sa construction, une règle sem-
blable ne soulevait pas d'objection. Et pour finir la Cour elle-mêmea
reconnu que la méthodede l'équidistanceprésentait certains avantages. there weresomeadvantages inthe equidistancemethod. Thus theintrinsic
merit of an equidistance line was not as such rejected in the 1969Judg-
ment.
38. If the equidistancemethod wasnot accepted by the 1969Judgment,
this was apparently not because the equidistance method was per se
inapplicable, but for the reasons implied in the Judgment (para. 89) :
namely, that there existed convergent claims of several States and certain
irregularities such as a concave or convex coastline in the North Seaarea,
and that the Court thought that simplyemploying theequidistancemethod
would produce an unreasonable result. If the baselines had been adjusted
to rectify the irregularity of the coastlines, the Court would surely have
hesitated to refuse merit to the equidistancemethod. In spite of the voting
of 11 to 6 in the Judgment, there did not seem to be a wide difference
between the Court's Judgment and the dissenting opinions of several
judges in their estimation of equidistance. What was important was the
Court's evaluation of the special circumstances which would allow depar-
ture from the strict application of equidistance. It is true that the Court

failed to specifyequidistance as a rule, but in reality thefactors to be taken
into account in the course of negotiations, suggested in the operative part
of theJudgment, constituted nothing but the factors whichwould make an
exception from the equidistance rule possible. In particular, the factors
mentioned under (1),"the general configuration of the coasts of the Parties
as well as the presence of any special or unusual features", and (3), "the
element of areasonable degreeof proportionality ...between the extent of
thecontinental shelf areas appertaining to the coastal Stateand thelength
ofits coast measured in the general direction ofthe coastline", wereexactly
what the Federal Republic of Germany was suggestingin arguing that the
macrogeographyof the coast should be taken into account in applying
the equidistance method (I.C.J. Pleadings, North Sea Continental ShelJ;
Vol. II, p. 195).

(iii)The 1977 Decisionin theAnglo-FrenchArbitration

39. A dispute between the United Kingdom and France on the delimi-
tation of the continental shelf between them in the English Channel and
the area stretching towards the Atlantic Ocean was presented toan adhoc
Court of Arbitration, which delivered a unanimous decision on 30 June
1977.The Decision in this case is an example of how the "equidistance/
special-circumstances" rule can be properly interpreted and applied. Both
theUnited Kingdom and France being parties to the 1958Convention, the
significance of the reservation made by France at the time of its adhesion
to the Convention and the objections to it by the United Kingdom were
issuesupon which the Court gavejudgment. The Court of Arbitration was
of the view that -

"the effect of applying or not applying the provisions of the Conven-
tion, and in particular of Article 6, will make not much practical PLATEAU CONTINENTAL (OP. DISS. ODA) 144

Ainsi la Cour, dans son arrêtde 1969,n'apas niélesvertus intrinsèquesde
l'équidistance entant que telle.

38. Si l'arrêtde 1969n'a pas retenu la méthode de l'équidistance,ce
n'est pas apparemment parce que cette méthode était inapplicable en
elle-même,maispour lesraisons quelaissetransparaître l'arrêt(par. 89) : à

savoir l'existence de prétentions convergentes de plusieurs Etats et de
diversesirrégularités,par exemple la concavitéou la convexitédu littoral
dans larégiondela mer du Nord, desorte que, del'avisdela Cour, l'emploi
pur et simple de la méthode de l'équidistanceeût abouti à un résultat
déraisonnable. Si les lignes de base avaient étéajustéespour rectifier
l'irrégularité des côtes, laCour aurait sans doute hésité à refuser tout
mérite àla méthodede l'équidistance.Bien que l'arrêt ait été adopté par
11voix contre 6, la décisionde la Cour et les opinions dissidentes de plu-
sieurs juges ne paraissent pas grandement différer dans le jugement

qu'ellesportent sur l'équidistance.Ce qui compte, c'est la façon dont la
Cour a évaluélescirconstances spécialesqua iutorisaient às'écarter d'une
application stricte de l'équidistance.La Cour, il est vrai, n'a pas présenté
l'équidistance commeune règle,mais en réalité lesfacteurs à prendre en
considération au cours des négociations, indiquésdans le dispositif de
l'arrêt, n'étaienatutres que ceux qui permettaient de faire exception à la
règle de l'équidistance. En particulier les facteurs mentionnés aux ali-
néas1, ((la configuration générale des côtes des Parties etla présencede
toute caractéristique spéciale ouinhabituelle >),et 3,((le rapport raison-

nable ...entre l'étendue deszonesde plateau continental relevant de 1'Etat
riverain et la longueur de son littoral mesuréesuivant la direction générale
decelui-ci ))concordaient exactement avecce àquoitendait la République
fédérale d'Allemagne ensoutenant qu'il fallait tenir compte de la macro-
géographiedans l'application de la méthode de l'équidistance (C.I.J.
Mémoires, Plateau continentad le lamer du Nord, vol. II, p. 195).

iii)La décisionde 1977 en I'arbitragefranco-britannique

39. Un différendentre le Royaume-Uni et la France, relatif à la déli-
mitation du plateau continental séparant cesdeux pays dans la Manche et
dans la régionqui s'étendvers l'océanAtlantique, a étéportédevant un
tribunal arbitral spécial,qui a rendu sa décisionunanime le 30juin 1977.
Cette décisionestun exempled'interprétationet d'application correctes de
la règle (équidistance-circonstances spéciales o. Le Royaume-Uni et la
France étant tous deux parties à la convention de 1958,la portéede la
réserveformuléepar la France lors de son adhésion à la convention et des
objections opposées à cette réservepar le Royaume-Uni devait êtreélu-

cidée. Letribunal arbitral a estiméque :

l'application ou la non-application des dispositions de la conven-
tion, et en particulier de l'article 6, n'entraînera guèrede différences difference, if any, to the actual course of the boundary in the arbi-
tration area (Cmnd. 7438, para. 65)",
and that -

"the provisions of Article 6 do not define the condition for the
application of the equidistarice-special circumstances mle ;more-
over, the equidistance-special circumstances mle and the rules of
customary law have the same object - the delimitation of the boun-
dary in accordance with equitable principles. In the view of this
Court, therefore, the rules of customary law are a relevant and even
essential means both for interpreting and completing the provisions

of Article 6." (Ibid., para. 75.)
While these issues arenot directly relevant to the present consideration, it
may sufficehere to look at how the "equidistance/special-circumstances"

rule was interpreted in this 1977Decision.

40. The Decision properly interpreted the rule suggested in the 1958
Convention as follows :

"Article 6 . . .does not formulate the equidistance principle and
'special circumstances'as two separate rules. The rule there stated in
each of the two casesis a singleone, a combined equidistance-special
circumstances rule" (ibid., para. 68)

and that -

"[Tlhe combined character of the equidistance-special circum-
stances rule means that the obligation to apply the equidistance
principle is always one qualified by the condition 'unless another
boundary line isjustified by special circumstances' .. .In short, the
rôleof the 'special circumstances'condition inArticle 6is toensure an
equitable delimitation ;and the combined 'equidistance-special cir-
cumstances rule', in effect, gives particular expression to a general
norm that, failing agreement, the boundary between States abutting
on the same continental shelf is to be determined on equitable prin- ,
ciples ... [Elvenunder Article 6 the question whether the use of the
equidistance principle or some other method is appropriate for
achieving an equitable delimitation is very much a matter of appre-
ciation in the light of the geographical and other circumstances. In
other words, even under Article 6 it is the geographical and other

circumstances of any given case which indicate andjustify the use of
the equidistance method as the means of achieving an equitable
solution rather than theinherent quality of themethod asalegalnorm
or delimitation." (Ibid., para. 70.) pratiques, voire aucune, quant au tracéeffectif de la ligne de délimi-
tation dans la zone d'arbitrage ))(décision,par. 65),

et aussi que :

<<les dispositions de l'article 6 ne précisentpas les conditions d'ap-
plication de la règleéquidistance-circonstances spéciales ;de plus,
cette règleet les règlesdu droit coutumier ont un même objet :une
délimitation qui soit conforme au principe de l'équité.Le tribunal
estime par conséquentque les règlesdu droit coutumier sont perti-
nentes et en vérité essentiellespour interpréter et compléterles dis-
positions de l'article 6. )(Ibid., par. 75.)

Cesquestions neprésentent pasdepertinencedirecte auxfins présentes,de
sorte qu'il suffira peut-êtrede rechercher ici comment la règle<< équidis-

tance-circonstances spéciales )) a étéinterprétéedans la décision de
1977.
40. La décisiona correctement interprétéla règlequi se dégagede la
convention de 1958dans le passage suivant :

<<L'article 6 ne formule pas le principe de l'équidistanceet les
<<circonstances spéciales rcommeétantdeux règlesséparéesL . a règle
énoncée par cet articlepour chacune desdeux situationsconstitueune
seulerègle,combinant <<équidistance-circonstancesspéciales ))(ibid.,
par. 68),

et encore :

(<le fait que l'on se trouve en présenced'une règlecombinant équi-
distance-circonstances spéciales signifieque l'obligation d'appliquer
leprincipe de l'équidistance esttoujours subordonnéa la condition :
<<a moins que des circonstances spécialesne justifient une autre
délimitation ))..En résumé, le rôle de la condition relative aux <<cir-
constances spéciales O, posée à l'article 6, est d'assurer une délimita-

tionéquitable ; en fait,la règlecombinant équidistance-circonstances
spécialesconstitue l'expression particulière d'une norme générale
suivant laquelle la limite entre des Etats qui donnent sur le même
plateau continental doit, en l'absence d'accord,êtredéterminéeselon
desprincipes équitables ..[Mlêmesous l'anglede l'article 6,la ques-
tion de savoir si le principe de l'équidistance ou quelqueautre mé-
thode permet d'aboutir àunedélimitationéquitableest trèslargement
une question d'appréciation qui doit êtrerésolue à la lumière des
circonstancesgéographiquesetautres.End'autres termes, même sous

l'anglede l'article6,ce sont les circonstances géographiqueset autres
qui,dans chaque espèce,indiquent etjustifient lerecours à la méthode
de l'équidistancecomme étantle moyen de parvenir à une solution
équitable,plutôt quela vertu propre de cette méthodequi ferait d'elle
une règlejuridique de délimitation. ))(Ibid., par. 70.) 41. The Decision alsogaveaproper evaluation of theCourt's Judgment
of 1969in the North Sea Continental Shelf cases :

"[The International Court of Justice] there made certain observa-
tions, which were of an entirely general character, regarding the
differingvalidity of theequidistanceprincipleasa means of achieving
an equitable delimitation in different geographicalsituations. These
observations, to which the present Court of Arbitration in general
subscribes,indicate that thevalidity of theequidistancemethod, or of
any other method, as a means of achieving an equitable delimitation
of the continental shelf isalwaysrelative to the particular geographi-
cal situation. In short, whether under customary law or Article 6,it is

never a question either of complete or of no freedom of choice as to
method ; for the appropriateness - the equitable character - of the
method is alwaysa function of the particular geographicalsituation.
(Ibid., para. 84.)

"As to the Court's observations on the rôle of the equidistance
principle, it was far from discounting the value of the equidistance
method of delimitation, while declining to regard it as obligatory
under customary law. 'It has never been doubted', the Court com-

mented, 'that the equidistance method is a very convenient one, the
use of which is indicated in a considerable number of cases' (I.C.J.
Reports 1969,para. 22) ; and again it commented 'it wouldprobably
be true to Say that no other method of delimitation has the same
combination of practical convenience and certainty of application'
(ibid., para. 23)." (Ibid., para. 85.)

42. In drawing the line of delimitation between the United Kingdom
and France throughout the EnglishChannel wherethecoasts of theparties
areopposite each other, both parties had agreed that the boundary should
inprinciple be the median line and the Court of Arbitration saw -
"no reason to differ from the conclusion of the Parties that, in prin-
ciple, the method applicable in the English Channel is to draw a
median line equidistant from their respective coasts, a conclusion
whichisin accordance both withArticle 6of theConventionand with

the appreciation by the InternationalCourt of Justice of the position
in customary law7' (ibid., para. 87).
43. In fact, east of the Channel Islands the parties had agreed on a
"simplified" line based on the median line, as indicated by the line from
Point A to Point D on the map attached to the Decision. West of the
Channel Islands a similar agreementhad been reached on a "simplified"

linebased on the median line,except that, in the portion between Points F
and G, the useof theEddystone Rock asabasis for measuringthedistance
remained an issue ; the Court of Arbitration eventually took account of
that rockin drawing the median line.Evenin the regionwheretheChannel 41. La décisiona aussi bien assimiléla portéede l'arrêt rendupar la
Cour en 1969dans les affaires du Plateau continentad le la mer du Nord:

<la Cour [internationale de Justice] a fait certaines observations qui
étaientd'uncaractèrepurement générae lt quiont traità l'application
du principe de l'équidistance entant que moyen d'aboutir à une
délimitation équitable, applicabilité quivarie en fonction des situa-

tions géographiquesdifférentes.Ces observations, auxquelles le tri-
bunal arbitral s'associede manièregénéralei,ndiquent que I'applica-
bilitéde la méthodede l'équidistance,ou de toute autre méthode, en
tant que moyen d'aboutir à une délimitation équitable du plateau
continental, dépend toujours de la situation géographique particu-
lière.En bref, il n'yajamais, que l'on sefonde sur le droit coutumier
ou sur l'article 6, l'alternative d'une liberté complètedu choix de la
méthodeou d'une absence de toute libertéde choix ;car l'applicabi-

lité, c'est-à-direle caractère équitable de la méthode, est toujours
fonction de la situation géographique particulière. (Ibid, par. 84.)
Quant aux observations de la Cour sur le rôle du principe de
l'équidistance, ellessont loin de déniertoute valeur à la méthodede
délimitation par l'équidistance ; ce que la Cour a refusé, c'estde

considérercetteméthodecommeobligatoireen droit coutumier. <(On
n'ajamais douté >),a dit la Cour, <<que la méthodede délimitation
fondée sur l'équidistancesoit une méthode extrêmementpratique
dont l'emploi estindiquédans un trèsgrand nombre de cas (C.I.J.
Recueil 1969,par. 22) ; et la Cour a ajoutéceci : <ilest probablement
exact qu'aucune autre méthodede délimitationne combine au même
degré les avantagesde la commoditépratique et de la certitude dans

l'application ))(ibid, par. 23). ))(Ibid., par. 85.)
42. Pour tracer la ligne de délimitation entre le Royaume-Uni et la
France à travers la Manche là où leurs côtes se font face, les deux Etats
étaient convenus de délimiter en principe selon la ligne médiane, et le

tribunal n'a vu :
<(aucuneraison pour s'écarterde l'opinion des parties, à savoir que la
méthodeapplicabledans laManche est enprincipe de tracer une ligne
médiane équidistante descôtes de chaque partie ; cette opinion est

conforme à la fois à l'article 6 de la convention et au droit coutu-
mier telqu'ilaété exposépar la Courinternationalede Justice D (ibid.,
par. 87).

43. De fait, àl'estdes îlesAnglo-Normandes, lesparties s'étaient mises
d'accordpour adopter une ligne <(simplifiée )fondéesur la lignemédiane,
représentéepar la ligne tracéedu point A au point D sur lacartejointe à la
décision.A l'ouestdesîles Anglo-Normandes, elles s'étaiententendues de
lamêmemanièresuruneligne <(simplifiée ))reposant surla lignemédiane,
sauf que, entre lespoints F et G, le statut d'Eddystone Rock commepoint
servant à mesurer la distance restait à préciser ;pour finir le tribunal

arbitral a tenu compte decerocher en traçant la lignemédiane. Mêmd eansIslands rnight have some effect, in other words in the segment between
Points D and E, both parties remained -

"agreed that the geographical and legal framework for deterrnining
the boundary is one of States the coasts of which are opposite each
other ;and that, inconsequence, the boundary should, in principle, be
the median line. They are, however, in sharp disagreement as to the
rôle which should be allowed to the coasts of the Channel Islands as
coasts of the United Kingdom 'opposite'to those of France." (Cmnd.
7438, para. 146.)

The Court of Arbitration considered that the situation demanded a two-
fold solution.First, the Court decided that theprimary boundary between
them should be a median line, linking Point D of the agreed eastern
segment to Point E of the western agreed segment. The second part of the
solution suggested by the Court of Arbitration was to leave the 12-mile
distance areato the ChannelIslands, exceptwhere the territorial seasofthe
two parties were to be delimited. In short, throughout the region of the
English Channel the equidistance line was in principle maintained except
where the Eddystone Rock was taken into account, and the Channel
Islands were disregarded in measuring the equidistance.
44. In the Atlantic region, on the other hand, where the parties were in
radical disagreement, the line was to be drawn not in the area between the

two parties but in areas of the open sea where their coasts were no longer
opposite. In this respect, the Court of Arbitration properly interpreted
the comprehensive character of Article 6 of the 1958 Convention and
stated :
"The general character of the provisions of Article 6, and the
absence of anycontraryindications in the travauxpréparatoiresof the
Article or in State practice, appear to the Court to support the view
that the Article is to be understood as dealing comprehensively with
the delimitation of the continental shelf, and that al1situations, in
principle, fa11under eitherparagraph 1or paragraph 2of the Article."

(Ibid., para. 94.)
"The rules of delimitation prescribed in paragraph 1and paragraph
2 are the same, and it is the actual geographical relation of the coasts
of the two States which determine their application. What is impor-
tant is that, in appreciating the appropriateness of the equidistance
method as a means of effecting a 'just'or 'equitable' delimitation in
the Atlantic region, the Court must have regard both to the lateral
relation of the twocoasts asthey abut upon the continental shelfof the
region and to the great distance seawards that this shelf extends from
those coasts." (Ibid., para. 242.)

The Court of Arbitration then properly indicated the case of the lateral
boundary referred to, as follows :la région oùles îles Anglo-Normandes pouvaient avoir un certain effet,
autrement dit dans le segment entre les points D et E, les deux parties ont

admis que
(lecadre géographique etjuridique de la délimitationde la limite est
celui d'Etats dont les côtes se font face et que, par conséquent, la
limite devrait, en principe, êtrela ligne médiane. Lesparties sont

cependant en désaccord completsur le rôle qu'il convient de recon-
naître aux côtes des îles Anglo-Normandes en tant que côtes du
Royaume-Uni (faisant face à celles de la France. )) (Décision,
par. 146.)

Le tribunal arbitral a estiméquela situation appelait une double solution.
En premier lieu, il a décidéque la délimitationprimaire entre les parties
devait êtreunelignemédiane reliantlepoint D du segmentest convenu au
point E du segment ouest convenu. La deuxième partie de la solution
proposéepar le tribunal arbitral consistait à laisser aux îles Anglo-Nor-
mandes une zone de 12milles, sauf là où les mers territoriales des deux
parties étaient à délimiter.Bref,dans toute la régionde la Manche, la ligne

d'équidistancea étéconservéeen principe, sauf làoù Eddystone Rock aété
pris en considération, etil n'a pas ététenu compte des îles Anglo-Nor-
mandes pour mesurer l'équidistance.
44. D'autre part, dans la région atlantique, sur laquelle les parties
étaienten complet désaccord,ilne s'agissaitpas de tracer la ligne dans une
zone comprise entre elles, mais dans des étenduesde haute mer où leurs
côtesne sefaisaient plusface.Acet égard,letribunal arbitrala bien mesuré

lecaractèreexhaustif del'article6delaconvention de 1958etiladéclaré ce
qui suit :
((Le caractère général des dispositionsde l'article 6 et l'absence
d'indications contraires dans les travaux préparatoires de cet article

ou dans la pratique des Etats confirment l'idéeque l'article 6 traite la
question dela délimitationdu plateaucontinental defaçon exhaustive
et qu'enprincipe toutes lessituationssont couvertes soit par l'alinéa1
soit par l'alinéa2 de cet article. (Ibid., par. 94.)

<(Les règlesde délimitation prescrites aux alinéas 1 et 2 sont les
mêmese ,t c'estla relation géographique réelleentre lescôtes desdeux
Etats qui détermine leur application. Ce qui importe, c'est qu'au
moment d'établirsila méthodede l'équidistance convient entant que
moyen d'effectuer une délimitation ((juste >)ou ((équitable ))dansla
régionatlantique, le tribunal tienne compte, d'une part, du rapport
latéral entreles deux côtes lorsqu'elles aboutissent au plateau conti-

nental de la régionet, d'autre part, de la grande distance sur laquelle
ce plateau continental s'étend au large de ces côtes. (Ibid.,
par. 242.)
Ensuite le tribunal a bien présentéle cas de la limite latérale, dans les

termes suivants : "Whereas in the case of 'opposite' States a median line will nor-
mally effect a broadly equitable delimitation, a lateral equidistance
line extending outwards from the coasts of adjacent States for long
distances may not infrequently result in an inequitable delimitation
by reason of the distorting effect of individual geographical features.
In short, it is the combined effect of the side-by-side relationship of
the two States and the prolongation of the lateral boundary for great
distances to seawards which may beproductive of inequity and is the
essence of the distinction between 'adjacent' and 'opposite' coasts
situations." (Cmnd. 7438, para. 95.)

45. Thus in the Atlantic region the Court of Arbitration suggested the
median line from Point J to Point L, the latter of which is still equidistant
from Ushant (French island) and the Scilly Isles (English islands). From
Point L westwards the Court of Arbitration was of the view that -

"account has to be taken of the distorting influence exercised by the
Scilly Isles on the course of the boundary in the Atlantic region if
thoseislands aregivenfull effectin applyingtheequidistancemethod.
In principle, as the Court had decided, the boundary in theremainder
of theAtlantic region is to be determined by the equidistancemethod
but giving only half-effect to the Scillies.Accordingly, the line run-
ning from Point K to Point L, at which latter point the Scilly Isles
exercisetheir fulleffect,isprolonged for nomore than abrief distance
westwards until at Point Mit meets theequidistance linewhich allows
only half-effect to the Scilly Isles. From PointM, ... the boundary
followsthe linewhichbisects thearea formed by,on its south side,the
equidistance line delimited from Ushant and the Scilly Isles and, on
itsnorth side,theequidistance linedelimited from Ushant and Land's
End, that is, without the Scilly Isles." (Ibid., paras. 253-254.)

In short, therefore, even in the Atlanticegion where the lateral boundary
was to be drawn, equidistance played a decisive role, any departure from
whichwasjustified by thegeographical location ofboth the Englishislands
and the French islands. The issue was simply the geographical circum-

stances under which the equidistance was to be measured and the rule of
equidistance itself was never abandoned.

3. The "Equidistance/Special-CircuR musleinces"
UNCLOS III

46. The process leadingto thefailure of UNCLOS III to suggest,except
for one empty provision, any positive set of rules concerning the delimi-
tation of thecontinental shelf,shouldnot requireanydetailedexplanation
here. It must however be noted that while UNCLOS III failed to suggest <Alors que, dans le cas d'Etats (<se faisant faceO, une ligne mé-
diane aura pour effet normal une délimitation qui sera dans l'en-
sembleéquitable,uneligned'équidistancelatéralequiseprolonge loin
au large des côtes d'Etats limitrophes pourra souvent produire une
délimitation inéquitableen raison de l'effetdéformantde caractéris-
tiquesgéographiquesparticulières.Enbref,c'est l'effetcombinédu voi-
sinageimmédiatdes deux Etats et du prolongement vers lelargedela
limite latérale sur une grande distance qui peut créer une situation

inéquitableet quiest àlabase de la distinction entre les situations où
les côtes sont <<limitrophes ))et celles où les côtes <se font face. >)
(Décision,par. 95.)

45. Dansla régionatlantique, letribunal arbitrala doncproposélaligne
médiane du point J au point L, ce dernier équidistant d'Ouessant (île
française)etdes Sorlingues(îlesanglaises).Apartir dupoint L, àl'ouest,le
tribunal a estiméque :

<<il faut donc tenir compte de l'effet de déviation qu'exercent les
Sorlingues sur le tracéde la ligne dans la régionatlantique si l'on
donne plein effetà cesîlesen appliquant laméthode del'équidistance.
En principe, comme le tribunal arbitral l'a décidé,la ligne de déli-
mitation dans le reste de la régionatlantique doit êtrefixéepar la
méthode de l'équidistancemais en ne donnant qu'un demi-effet aux
Sorlingues. En conséquence,la ligne reliant lepoint K au point L, ce
dernierpoint étantun point auquel lesSorlinguesexercentplein effet,

n'est prolongéque sur une brèvedistance à l'ouest,jusqu'à ce qu'elle
coupe, au point M,la ligne d'équidistancequi ne donne qu'un demi-
effet aux îlesSorlingues.A partir du point M,comme il est indiqué au
paragraphe 251,lalignededélimitationsuitlalignequi diviseendeux
la zone formée,au nord, par la ligne d'équidistance tracée à partir
d'Ouessant et des Sorlingues, et, au sud, par la ligne d'équidistance
tracée à partir d'Ouessant et de Land's End, c'est-à-dire sans les îles
Sorlingues. >)(Ibid., par. 253-254.)

Bref, l'équidistance a donc joué un rôle décisif même dans la région
atlantique, où il fallait tracer la limite latérale, et seule la situation géo-
graphique des îles tant anglaisesque françaises a été reconnuecomme un
motif de s'en écarter. Laseule question était celle des circonstances géo-

graphiques entrant dans lecalculdel'équidistance, mais la règlede l'équi-
distance elle-mêmen'ajamais été abandonnée.

3. La règle«équidistance-circonstances spécial )s

à la troisième conférence deN s ations Uniessur le droit dela mer

46. Point n'est besoin de s'attarder sur le processus qui a amené la
troisième conférence des Nations Unies sur le droit de la mer à ne pro-
poser, en dehors d'unedisposition creuse, aucunensemble positif de règles
relativesà la délimitationdu plateaucontinental.On noteracependant que,the "equidistance/special-circu rmletwaitceut"producing any

alternative rule at its final stage, the possibility of such a rule had been far
from neglected. At the Third Session in 1975,the President of UNCLOS
III suggested that the Chairmen of the threemain committeesshould each
prepare a single negotiating text covering the subjects entrusted to his
Committee to take account of al1the forma1and informa1discussions held
thus far, though on the understanding that the texts would not prejudice
theposition of anydelegation and would not represent anynegotiating text
of accepted compromise, and that there would be a basis for negotiation.
On the final day of the session the Chairman of the Second Committee
(whichdealt with the lawof the seain general) prepared thefirst text in the
form of the Informa1 Single Negotiating Text (ISNT). The relevant pro-
vision in this text was not much different from that of the 1958Conven-
tion in the sense that the "equidistance/special-circru ulestaasnces"
retained in a somewhat different form. The text of the ISNT read as
follows :

"The delimitation of the continental shelf between adjacent or
opposite States shall be effected by agreement in accordance with
equitable principles, employing, where appropriate, the median or
equidistance line, and taking account of al1 the relevant circum-
stances." (UNCLOS III, Official Records, Vol. IV, pp. 162f.)

The text of the ISNT was taken for inclusion in the Revised Single
Negotiating Text (RSNT) in 1976, and eventually became Article 83,
paragraph 1,of the Informa1CompositeNegotiating Text (ICNT) in 1977.
It was agreed by the Conference that the ICNT would be informa1 in

character and would have the same status as the ISNT and the RSNTand
would therefore serve purely as a procedural device and only provide a
basis for negotiation without affecting the right of any delegation to
suggest revisions in the search for a consensus.

47. There was a deadlock in UNCLOS III around 1978on this parti-
cular point. As from that time every effort was made to obtain a compro-
mise between the two opposing groups which were divided over the pros
and cons of the equidistance line. The compromise text suggested in 1980
by the Chairman of the Seventh Negotiating Group was included in the
ICNT/Revision 2, and remained unchanged in the draft convention (In-
forma1Text), that is, the ICNT/Revision 3 of 1980.The text reads :

"The delimitation of the. ..continental shelf between States with
opposite or adjacent coasts shall be effected by agreement in confor-
mitywith international law.Suchan agreement shallbe in accordancesi la troisième conférence s'est montrée incapable de proposer la règle
(équidistance-circonstances spéciales ))et n'a par ailleurs rien suggéré
d'autre au terme de ses travaux, la possibilitéd'une règlesemblable était
fort loin d'avoir éténégligée. A la troisième session, tenue en 1975, le
présidentde la troisièmeconférenceproposa que leprésidentde chacune

des trois principales commissions élaboreun texte unique de négociation
sur lessujets dont sa commission étaitsaisieen tenant compte de toutes les
discussions - officielleset officieuses- qui avaient eu lieujusque-là, étant
entendu cependant que ces textes n'engageraient aucune délégation etne
constitueraient pas un texte négociéni un compromis accepté,et qu'ils
serviraient simplement de base de négociation. Ledernier jour de la ses-
sion,leprésidentde ladeuxièmecommission (qui s'occupait du droit de la
mer en général)établit lepremier texte sous la forme du texte unique de
négociation officieux. Lesdispositions pertinentes de ce texte ne diffé-
raient pas beaucoup de celles de la convention de 1958,en ce sens que la

règle (équidistance-circonstances spéciales )>étaitconservée,mais sous
une forme quelque peu changée.Le texte unique de négociation officieux
disposait :

(<La délimitationdu plateau continental entreEtats adjacentsou se
faisant face est effectuéepar accord entre eux selon des principes
équitables, moyennant l'emploi, le cas échéant,de la ligne médiane
ou de l'équidistanceet compte tenu de toutes les circonstances per-
tinentes. (Troisièmeconférence desNations Unies sur le droit de
la mer, Documents officiels,vol. IV, p. 168.)

Le texte unique de négociation officieuxfut repris en 1976dans le texte
unique de négociation revisé,avant de devenir le paragraphe 1 de l'ar-
ticle83du textede négociationcomposite officieuxde 1977.La conférence
avait décidéque le texte de négociation composite aurait un caractère

officieuxet serait placésur lemêmeplan queletexteunique de négociation
officieux et le texte unique de négociation revisé, qu'id l evait s'agir uni-
quement d'un instrument de travail et d'unebase de négociation,etque les
délégationscontinueraient d'avoir toutelatitudepour proposer desmodi-
fications en vue de faciliter la réalisationd'un consensus.
47. La troisièmeconférence desNations Unies sur le droit de la mer a
achoppévers 1978sur ce point particulier. On s'estefforcéalors par tous
les moyens d'arriver à un compromis entre les partisans et les adversaires
de la ligne d'équidistance. Letexte de compromis proposé en 1980par le
présidentdu septièmegroupe de négociationa étérepris dans le texte de

négociationcomposite officieux/revision 2,et il est demeurétel quel dans
le projet de convention (texte officieux), c'est-à-dire dans le texte de
négociation composite officieux/revision 3 de 1980. Ce texte est ainsi
conçu :
.
((La délimitation ...du plateau continental entre Etats dont les
côtes se font face ou entre Etats adjacents est effectuéepar voie
d'accord, conformémentau droit international. Un tel accord se fait with equitable principles, employing the median or equidistance line,
whereappropriate, and taking account of al1circumstances prevailing

in the areas concerned." (UNCLOS III, OfficialRecords,Vol. XIII,
pp. 77 f.)

This provision remained part of the text until August 1981.The President
of the Conference introduced - just one day before the close of the
resumed Tenth Session,which was practically the last substantive session
of the Conference - a document entitled "Proposa1 on Delimitation", in
which he suggested a text which later became Article 83 of the 1982
Convention. This previously unknown text had not been discussed at all,
but on the next day, 28 August 1981,the very last day of the session, the
Chairmen of the two opposing groups expressed their general support of

the text and the Collegium decided to incorporate it into the draft of the
Convention. In the above-mentioned document the President stated that
during his consultations he had :

"gained the impression that the proposa1 enjoyed widespread and
substantialsupport in the two most interested groups of delegations,
and in the Conference as a whole" (A/CONF.62/SR.154, p. 2).

48. What is clear from a survey of the drafting history of this specific
provision is that Article 83 of the 1982 Convention contains a catcha11
provision that ought to satisfy twoschoolsof thought, and that isindeedits
merit. Given, however,the difficulty ofderivingany positivemeaning from
theseprovisions, it would seemthat thesatisfactionmustbe essentiallyof a
negativekind, i.e.,pleasurethat theopposing schoolhas not been expressly

vindicated. Yet, whileit is impossible not to admit the very limited nature
of the negotiating texts, it cannot be overlooked that the "equidistance/
special-circumstances" rule had throughout UNCLOS III been considered
as a major premise of the discussions.

4. The "Equidistance/Special-Circu Rmuletonctees"elimitation
of a Single ContinentalShelf Homogeneousin Terms of the 200-Mile
Distance Criterion

49. Thus eventually the "equidistance/special-circu rmle,tances"
which had been adopted - though as lexferenda - without any objection

at UNCLOS 1,and which had remained asabasisfornegotiation through-
out UNCLOS III. wasnot s~ecificallvmentioned asavalid rulein the 1982
Convention. on; might siy that this was due to a change in the very
concept of the continental shelf.It may thereforebe pertinent to look into
the development of the concept of the continental shelf since 1958. selondes principes équitables,moyennant l'emploi,lecaséchéant,de
la ligne médianeou de la ligne d'équidistance et comptetenu de tous
les aspects de la situation dans la zone concernée. ))(Troisièmecon-
férence desNations Unies sur le droit de la mer, Documents officiels,
vol. XIII, p. 86.)

Cette disposition a fait partie du texte jusqu'en août 1981.Or, la veille
mêmede la clôture de la reprise de la dixième session,lors de ce qui a été

pratiquement la dernière réunionutile de la conférence,le président de
la troisième conférencea présenté un document intitulé (Proposition
concernant la délimitation )),où il suggéraitun texte, devenu depuis l'ar-
ticle 83de la conventionde 1982.Ce texte inéditn'avaitfait l'objetd'aucun
débat,mais le lendemain, 28 août 1981,tout dernierjour de la session, les
présidentsdesdeuxgroupesopposéssesont généralementprononcés en sa
faveur, et le collègea décidéde l'incorporer dans le projet de convention.

Dans son document leprésident déclaraitqu'au cours desconsultations il
avait

(<eu l'impression que la proposition avait recueilli un appui large et
ferme auprès des deux groupes de délégation lesplus directement
intéressés, ainsi qu'au seinde la conférence dans son ensemble ))

(A/CONF.62/SR.154, p. 2) [traduction du Greffel.

48. 11ressort de l'historique de la rédactionde cette disposition parti-
culièreque l'article83de laconvention de 1982constitue une règlefourre-
tout, propre à satisfaire les tenants des deux thèses,et c'est bien là que
réside son mérite. Maissi l'onconsidère à quel point il est difficile d'ex-
traire de ces dispositions un sens positif, il semble que la satisfaction
qu'elles ont pu inspirer était celle, essentiellement négative,de constater

que l'adversaire n'avaitpas eu expressémentgain de cause. Pourtant, s'il
faut bien reconnaître lecôtétrès limitédes textes de négociation, force est
de constater que la règle équidistance-circonstancesspéciales O,tout au
long de la troisièmeconférencedes Nations Unies sur ledroit de la mer, a
étél'une des grandes prémissesdes discussions.

4. La règle«équidistance-circonstances spécial )sdans la délimitation
d'un plateau continental unique et homogènseelon le critère
de distance des 200 milles

49. Ainsi, pour finir, la règle (<équidistance-circonstances spéciales O,
adoptée - du moins delegeferenda - sans aucune objection à la première
conférencedesNations Unies sur ledroitde lamer, et prise commebase de
négociationdurant toutela troisièmeconférence, n'a pas été expressément
mentionnée comme règle en vigueur dans la convention de 1982. On
pourrait voir là l'effetd'une revisionde la notion mêmede plateau conti-
nental ; aussi n'est-il pas inintéressant d'examiner comment celle-ci a

évoluédepuis 1958.151 CONTINENTAL SHELF (DISS. OP. ODA)

(i) Newparallelism betweenthe inner continentalshelf and the outerconti-
nental shelf

50. (Text of the 1958Convention and the 1982Convention.) The sug-
gested outer limit of the continental shelf has greatly fluctuated in the
interveningperiod. The 1958Convention provides for thedefinition of the

continental shelf as follows :
"Article 1. ...the term 'continental shelf'is used as referring (a)to
theseabed and subsoil ofthesubmarine areas adjacent to the Coast. ..
to a depth of 200metres or, beyond that limit, to where the depth of
the superjacent waters admits of the exploitation of the natural
resources of the said areas."

This definition was revised in the ISNT in 1975, the very first draft
produced by UNCLOS III, which reads :

"Article 62. Definition of the Continental Shelf
The continental shelf of a coastal State comprises the sea-bed and
subsoil of the submarine areas that extend beyond its territorial sea
throughout the natural prolongation of its land territory to the outer
edge of the continental margin, or to a distance of 200 nautical miles
from the baselines from which the breadth of the territorial sea is
measured where the outer edge of the continental margin does not
extend up to that distance."

The provision in the ISNT remained, without any change, as Article 64 in
the RSNT in 1976and Article 76in the ICNT in 1977.It became Article 76,
paragraph 1,of the 1982Convention without any change. Article 76of the
1982 Convention, with additional provisions, provides, in part, the fol-
lowing definition :

"1. The continental shelf of a coastal State comprises the sea-bed
and subsoil of the submarine areas that extend beyond its territorial
sea throughout the natural prolongation of its land territory to the
outer edge of the continental margin, or to a distance of 200 nautical
milesfromthe baselines from whichthebreadth oftheterritorial seais
measured where the outer edge of the continental margin does not
extend up to that distance . . .

3. The continental margin comprises the submerged prolongation
of the land mass of the coastal State, and consists of the sea-bed and
subsoil of the shelf, the slope and the rise."i) Parallélisme nouveau entre plateau continental interne e etterne

50. (Les textes de la convention de 1958et de la convention de 1982.)
Les conceptions relatives à la limite externe du plateau continental ont
considérablementvariéau cours de la périodeécoulée. Laconvention de
1958définit le plateau continental en ces termes :

«Article 1. ..L'expression (<plateau continental )est utiliséepour
désignera) le lit de la mer et le sous-sol des régionssous-marines
adjacentes aux côtes ...jusqu'à une profondeur de 200 mètres ou,
au-delà de cette limite, jusqu'au point où la profondeur des eaux
surjacentes permet l'exploitation des ressources naturelles desdites
régions. >)

Cette définition a été modifiéecomme suit dans le texte unique de né-
gociation officieux de 1975, tout premier projet établi par la troisième
conférence desNations Unies sur le droit de la mer :

<Article 62. Définitionduplateau continental
Leplateau continental d'un Etat côtier comprend lesfonds marins

et leur sous-sol au-delà de sa mer territoriale, sur toute l'étendue du
prolongement naturel du territoire terrestre de cet Etat jusqu'au
rebord externe de la marge continentale, ou jusqu'à 200millesmarins
des lignes de base à partir desquelles est mesuréela largeur de la mer
territoriale, lorsque le rebord externe de la marge continentale se
trouve à une distance inférieure. ))

La disposition du texte unique de négociation officieuxa été reproduite
sanschangement dans l'article64du texte unique de négociation revisé de
1976 - article 76du texte denégociationcomposite officieuxde 1977.L'ar-
ticle 76, paragraphe 1, de la convention de 1982 l'a reprise telle quelle.
Avec quelques dispositions complémentaires, on y trouve la définition
suivante :

<(1. Le plateau continental d'un Etat côtier comprend les fonds
marins et leur sous-sol au-delà de sa mer territoriale, sur toute l'éten-
due du prolongement naturel du territoire terrestre de cet Etat jus-
qu'au rebord externe de la marge continentale, oujusqu'à 200 milles
marins des lignesde base àpartir desquelles est mesurée la largeurde

la mer territoriale, lorsque lerebord externe de la marge continentale
se trouve à une distance inférieure.

3. La marge continentale est leprolongement immergéde la masse
terrestre de 1'Etat côtier ; elle est constituée par les fonds marins
correspondantau plateau, au talus et au glacis ainsi que leur sous-sol.
Elle ne comprend ni lesgrands fonds des océans,avec leurs dorsales

océaniques,ni leur sous-sol. )) 152 CONTINENTAL SHELF (DISS.OP.ODA)

51. (Background.) The new definition of the continental shelf, which
had not been thought of in 1958,appeared towards the end of the 1960s
and the beginning of the 1970s.What then happened in the intervening
period ?This was the agewhen the extraction of petroleum, not only from
the continental shelf but also from the continental margin, had become a

realistic possibility. Towards the end of the 1960sthe major oil companies
werein favour of the United Statesexpanding its sea-bed areas far beyond
the200-metredepth of thesuperjacent waters to the edgeof thecontinental
margin, where the possibility of the exploitation - either technical or
commercial - of the reservoirof petroleum resources had become realistic.
On the other hand, they were also keen to prevent the developing nations
from nationalizing or confiscating their invested interests in such ex-
panded areas off the latter's coasts, in which they might once have been
granted concessions. The United States introduced in 1970in the United
Nations Sea-bed Committeea draft convention (A/AC.138/25)proposing
an internationalsea-bedareawhich would liebeyond the continental shelf
as defined in terms of the 200-metre isobath, in which it suggested the
institution of an internationaltrusteeshiparea to comprise the continental

margin beyond the continental shelf where each coastal State would be
responsible for licensing, supervision and exercise of jurisdiction and
where it would also be entitled to a portion of the royalties or profits
derived from the exploitation of the resources. The real intention of the
United States seemsto have been for the continental margin, though given
the status of an international sea-bed area, to be placedunder the control
of the coastal State, while nevertheless featuring international protection
of the relevant investments from any arbitrary nationalization or confis-
cation by such State. In 1973the United States revised its position and
suggested the concept of a coastal sea-bed economic areacovering the
expanse to the lower edge of the continental slope where certain restric-
tions on the nationalization or confiscation of once-granted concessions
would be imposed upon the coastal State (A/AC.138/SC.II/L.35).

Although this newdraft ostensibly makes a striking contrast to the United
States draft of 1970, the aims of both proposals were in fact not so
different. A general feeling was emerging that, no matter how the exploi-
tability test in Article 6 of the 1958Convention might be interpreted, the
basic criterion of the 200-metre isobath as the limit of thecontinental shelf
could no longer be retained, in the sense that the whole area as a reservoir
of petroleum resources should be incorporated into the national do-
main.

52. (Emergence of distance criterion.) Yet the geologyand geomorpho-
logyof thecoastal areas in the world Varygreatly according to each region.
In someareas thecontinental shelf(and thecontinental margin) extend far

beyond the Coast,and in other places the coastal sea-bed drops sharply to
the deep ocean floor. In view of this, as a compensation for geomorpho-
logicaland geologicaldisadvantages, theidea of thecriterion of distance to
define thecontinental shelf(in the legalsense),which in fact isnot relevant 51. (Historique.) La définition nouvelle du plateau continental, qui
n'avaitpasété envisagéeen1958,afait sonapparition verslafin desannées
soixanteet audébutdesannéessoixante-dix.Que s'était-ildonc passédans
l'intervall? C'était l'époque où la possibilitépratique d'extraire du pé-
trole, non seulement du plateau continental mais aussi de la marge conti-
nentale, était devenue une réalité.Vers la fin des années soixante, les
grandes compagnies pétrolières poussaientles Etats-Unis à étendreleur
souverainetésurlesfondsmarins bien au-delà del'isobathe des200mètres.
pour inclure le rebord de la marge continentale, où désormais il était
techniquement et commercialement possible d'exploiter les gisements
pétrolifères.D'autre part, les compagnies désiraient éviterque, par des
mesures de nationalisation ou de confiscation, les pays en développement
ne portent atteinteàleurs intérêtst àleursinvestissements dans ceszones
plus vastes, au large de leurs côtes, où elles pouvaient êtretitulaires des
permis. Les Etats-Unis présentèrenten 1970 à la commission du fond des

mers des Nations Unies un projet de convention (A/AC.138/25) qui pré-
voyait une zone internationaledefonds marins s'étendant au-delàdu pla-
teau continental définipar l'isobathe des200 mètres ;ils proposaient d'y
créerune zone internationale de tutelle,comprenant la marge continentale
au-delà du plateaucontinental, oùchaque Etat côtierpourrait octroyer des
permis, assurer la surveillanceet exercerson autorité,et préleverune frac-
tion des redevances oudu produit de l'exploitation desressources.L'inten-
tion véritable desEtats-Unis était,semble-t-il,de donnerà la marge conti-
nentale le statut d'une zone internationale de fonds marins placée sous
le contrôle des Etats côtiers, tout en prévoyant une protection internatio-
nale des investissements effectuéscontre toute nationalisation ou confis-
cation arbitraire décidéepar ces Etats. En 1973 les Etats-Unis revisèrent
leur position et avancèrent l'idée d'unezone côtière d'intérêt économique
dufond des mers,qui devait s'étendre jusqu'aurebord inférieurdu talus
continental, où seraient imposéescertaines restrictioàsla nationalisation
ou à la confiscation des permis déjà accordés(A/AC.138/SC.II/L.35).

Si ce nouveau projet s'opposait apparemment au projet de conven-
tion présentépar le mêmepays en 1970,les buts des deux propositions
n'étaient pas très différents en réalité.On considérait de plus en plus
généralement que, quelleque soit l'interprétation donnée au critèred'ex-
ploitabilitéde l'article6 de la convention de 1958,la référencefondamen-
tale de l'isobathe des200mètres,retenuepour définir la limitedu plateau
continental, ne pouvait pas êtreconservée,dans la mesure où la souverai-
neténationaledevait s'étendre à toute lazone où desressourcespétrolières
pouvaient êtreprésentes.
52. (Apparition du critère de distance.) Pourtant la géologieet la géo-
morphologie des zones côtières varient considérablement suivant les
régions.A certains endroits le plateau continental (et la marge continen-
tale)s'étend trèsloidelacôte, tandis qu'ailleurslesfonds côtiersplongent
brusquement jusqu'aux grandsfonds océaniques.Pourcette raison, et afin
decompenser leurs handicaps géomorphologiques et géologiquesl,esEtats
à plateau continental trèsétroitont eu l'idéede définir('juridiquement)le 153 CONTINENTAL SHELF (DISS.OP. ODA)

to the geology or geomorphology of the sea-bed areas, occurred to those
States with a narrower continental shelf which were keen to obtain wider
areas and ensure in terms of distance fromthe coast aminimum expanse of
the reserved sea-bed areas even beyond their geologically limited conti-
nental shelf, no matter whether or not a deposit of petroleum actually

existed there. This trend happened to coincide with the emergence of the
newconcept of the exclusiveeconomiczone, whichmadea great impacton
the régimeof the continental shelf. In the concept of the exclusive eco-
nornic zone, which was about to be accepted in the realm of international
law, no limit other than 200 miles had ever been suggested and this limit
wastaken for grantedfromthe outset, though the figureof200did not have
any real necessity except for the fact that it had been suggested by some
Latin American countries towards the end of the 1940sas the limit of their
maritime sovereignty. Yet it was understandable for that figure to be
applied as a criterion of distance in the concept of the continental
shelf.
53. (Incorporation of continental margin in terms of natural prolonga-
tion of the land territory.) While the 200-miledistance was gaining world-
wide support as a criterion for the continental shelf, this criterion of
distance did not, however, work to halt the wider claim extending as far as
the foot of the continental margin as a potential reservoir of petroleum
resources. States which had even broader continental shelves in the geo-

logicalsensecontended that that 200-milezonewould not be sufficient and
accordinglyclaimed sea-bed areas farther than 200milesfrom the coast as
being still part of their continental shelf. Sincepetroleum resources exist
not only in the continental shelf itself but also in the continental margin
beyond, the continental shelf in legalterms needed to be interpreted inits
widest sensein order toincorporate theoutermost fringe of thecontinental
margin. The concept of natural prolongation of the land territory, which
appeared for the first time inthe Court's Judgment of 1969and since then
has been constantly referred to as designating the concept of the conti-
nental shelf, was employed to develop this kind of thought.
54. ("Natural prolongation" in the 1969Judgment.) In fact, the use of
the concept in the 1969Judgment seems to have been widely misinter-
preted, as too much emphasis was laid upon the concept, contrary to the
real intention of theJudgment, which was simply to help interpret the law
on the delimitation of the continental shelf.The Court in 1969stated that
"the continental shelf . . constitutes a natural prolongation of its land

territory into and under the seau and repeated that the "shelf area is the
natural prolongation [of the land domain] into and under the sea" (1C ..J.
Reports1969,para. 39).It alsotalked of "the more fundamental concept of
thecontinental shelfasbeing thenatural prolongation of the land domain"
(ibid., para. 40), and of the "natural prolongation or continuation of the
land territory or domain, or land sovereigntyof the coastalState, into and
under the high seas,via the bed .. ."(ibid.,para. 43). In the context of the
1969Judgment the outer limit of thecontinental shelfwas not at issue, the
North Sea being a shallow sea with the exception of the (irrelevant) plateau continental en fonction d'un critèrede distance détachéen fait de
la géologieou de la géomorphologiedesfonds marins. Ils entendaient en
effet sevoir attribuer deszonesplus importantes et s'assurer,par référence
àune certaine distance de la côte, une étendue minimum de zones sous-
marines réservées,au-delà mêmede leur plateau continental géologique
restreint, et indépendamment de l'existence effectivede gisements pétro-
lifères.Cette tendancecoïncidait avecl'apparition de lanouvelle notion de
zone bconomiqueexclusive,qui afortement influencélerégimedu plateau
continental. En ce qui concerne cette zone économique exclusive,notion
qu'allait rapidement consacrer ledroit international, lalimite de 200milles

était laseuleàavoirjamais été proposée etelleavait étéacceptéd e'entrée,
bien aue ce chiffre de 200 ne corres~onde à aucune nécessitéet ait seu-
lement étésuggérépar certains pays latino-américains vers la fin des
années auarante comme limite de leur souveraineté maritime. Il était
cependant compréhensibleque ce chiffre puisse servir de critère de dis-
tance en matière de ~lateau continental.
53. (L'incorporation de la marge continentale dans le prolongement
naturel du territoire terrestre.) Le ralliement de d lusen d lus généralau
critère des 200 milles pour difinir le plateau continentai ne kettait pas
pour autant un frein à la revendication d'unezoneencoreplus large, allant

jusqu'au pied de la marge continentale, comme réservoirpotentiel de
ressourcespétrolières.Des Etatsdotésd'unplateau continental géologique
de grande dimension prétendaient que la zone de 200 milles n'étaitpas
suffisante et revendiquaient au titre de leur plateau continental des éten-
dues de fonds marins au-delà de 200 milles. Etant donnéqu'il existedes
ressources pétrolièresnon seulement dans leplateau continental lui-même
mais aussi dans la marge continentale au-delà du plateau, l'interprétation
juridique de la notion de plateau continental devait êtrela plus large
possible et englober lerebord externe de la marge continentale. C'estdans
cette perspective que se place la formulation par la Cour de la notion de
prolongementnaturel, apparuepour lapremièrefoisdans l'arrêtde 1969et

constamment associéedepuis à la notion de plateau continental.
54. (Le <(prolongement naturel ))dans l'arrêtde 1969.) En réalité,le
recours à cette notion dans l'arrêtde 1969semble avoir étégénéralement
mal compris car on lui a attachéune importance excessive,contrairement
aux intentions véritablesde l'arrêt, quine visait qu'à préciser ledroit de la
délimitationdu plateau continental. LaCour adit etrépété que le(<plateau
continental est le prolongement naturel [du territoire terrestre] sous la
mer )(C.Z.J. Recueil1969,par. 39).Elleaaussiévoqué <laconceptionplus
fondamentale duplateau continental envisagécommeprolongement natu-
rel du territoire>)(ibid., par. 40), et <prolongement naturel ou ..l'ex-

tension du territoire oudela souverainetéterritorialedel'Etat riverain sous
la haute mer, au-delà du lit ... (ibid, par. 43). L'arrêtde 1969 ne pre-
nait pas position sur des problèmes relatifs la limiteextérieuredu plateau
continental, car la mer du Nord est une mer peu profonde, à l'excep-
tion (sans pertinence en l'espèce)de la fosse norvégienne,de telle sorte
qu'il ne disait rien de la zone située au-delàde l'isobathe des200 mètres.Nonvegian Trough, and thus thearea beyond the 200-metre depth ofwater
was not dealt with at that time. Just as the 1958 Convention on the
Continental Shelfdid not reveal any preciseidea as to the outer limitof the
continental shelf,sothe 1969Judgmentdid notattempt to define the outer
limit, or the full expanse of the continental shelf,by use of the concept of
"natural prolongation". No, that concept was used simply to justify the
appurtenance to the coastal State of the continental shelf geographically
adjacent to it.
55. ("Natural prolongation" in UNCLOS III.) If the concept of natural
prolongation had any sense in the 1982Convention, it was quite different

from what the 1969Judgment had in mind.The concept was employed to
give support, on the one hand, to the trend to expansion of the national
sea-bed areas since the late 1960sand to halt this expansion, on the other
hand, at the foot of the continental margin, so as to leave the area of
scattered manganese nodules on the deep ocean floor under international
authority in terms of the common heritage of mankind, theidea which had
been emergingrepeatedly in the late 1960s.In other words, the concept of
natural prolongation for thecontinental shelfwas suggestedwith a viewto
defining the international sea-bed area.

56. (Two distinct proposals at UNCLOS III.) Two proposals presented
at UNCLOS III at its Caracas session in 1974played a great role for the
future. A nine-State proposa1 (Canada, Chile, Iceland, India, Indonesia,
Mauritius, Mexico, New Zealand and Norway) read in part :

"The continental shelf of a coastal State extends beyond its terri-
torial sea to a distance of 200milesfrom the applicable baselines and
throughout the natural prolongation of its land territory where such
natural prolongation extends beyond 200miles." (A/CONF.62/L.4,
Art. 19.)
In parallel, the United States abandoned its basic philosophy concerning
the international character of the off-shore sea-bed area behind its 1970
and 1973proposals, as mentioned above, and switchedback to the simple
subject of the outer limit of the continental shelf :

"The continental shelf is the sea-bed and subsoil of the submarine
areas adjacent to and beyond the territorial sea to the limit of the
economic zone or, beyond that limit, throughout the submerged nat-
uralprolongation of the land territory of the coastal State to the outer
limit of its continental margin, as precisely defined and delimited in
accordance with Article 23 [on limits]." (A/CONF.62/C.2/L.47,
Art. 22-2).De même qu'aucune idée précisede la limite externe du plateau conti-
nental ne se dégageaitde la convention de 1958sur le plateau continen-
tal, de même l'arrê dte 1969n'entendait pas définir cette limite ni l'éten-
due du plateau continental en recourant à cette notion de (<prolonge-
ment naturel )),simplement utilisée pour justifier la souveraineté de
YEtat côtier sur le plateau continental qui lui était géographiquement

adjacent.

55. (Le (<prolongement naturel àla troisièmeconférencedesNations
Unies sur le droit de la mer.) Sila notion de prolongement naturel dansla
convention de 1982a un sens, ce sens est tout à fait différentde celui que
l'arrêtde 1969avait voulu lui donner. La notion a été utilisée,d'une part,
pourjustifier la tendance àl'extensionde la souveraineténationale sur les
zones sous-marines qui étaitapparue depuis la fin des années soixante et,

d'autre part, pour limiter cetteextension au pied de la marge continentale,
afin de pouvoir laisser les nodules de manganèse des grands fonds océa-
niques, patrimoine commun de l'humanité, sous l'administration d'une
autoritéinternationale, suivant une idée qui s'étaitfaitjour à plusieurs
reprises à la fin des années soixante. En d'autres termes, la notion de
prolongement naturel appliquée au plateau continental avait pour but de
permettre la définition d'une zone internationale de fonds marins.
56. (Les deux différentes propositions présentées àla troisième confé-

rence des Nations Unies sur le droit de la mer.) Deux propositions pré-
sentéesala troisièmeconférencedesNations Unies sur ledroit de la mer à
sa session de Caracas en 1974ont ététrèsimportantes pour l'avenir. Une
proposition faite par neuf Etats (Canada, Chili, Islande, Inde, Indonésie,
Maurice, Mexique, Norvègeet Nouvelle-Zélande) prévoyaitnotamment
ce qui suit :

(Le plateau continental d'un Etat côtier s'étendau-delà de sa mer
territoriale, jusqu'à une distance de 200 milles mesurée à partir des
lignes de base applicables ou, au-delà de cette distance, sur toute
l'étenduedu prolongement naturel du territoire terrestre de 1'Etat
côtier.))(A/CONF.62/L.4, art. 19.)

Parallèlement, lesEtats-Unis renonçaient à leur conception fondamentale
du caractèreinternational des fonds marins,qui avaitinspiré,comme ilest
indiqué plus haut, leurs propositions de 1970 et 1973,pour revenir au
problèmeplussimplede la définitionde la limite externe du plateau conti-
nental :

(<Le plateau continental est le fond de la mer et le sous-sol des
régions sous-marines adjacentes à la mer territoriale et situé au-
delà de la mer territoriale jusqu'a la limite de la zone économique
ou, au-delà de cette limite, tout ce qui correspond au prolonge-
ment naturel submergédu domaine terrestre de l'Etat côtier jusqu'à
la limite extérieure de sa masse continentale, définie et délimitée
de façon précise conformément à l'article 23 [sur les limites].))
(A/CONF.62/C.2/L.47, art. 22-2.) 155 CONTINENTAL SHELF (DISS.OP.ODA)

It may not be necessary to repeat that, behind such a development of an
idea for the expansion of the sea-bed areas to be reserved to the coastal
State towards the foot of the natural prolongation of the land territory,
there was an increasing demand from such States that the whole coastal
area as far as petroleum could be extracted should be attributed to the

coastal State.Apparently basing himself on twoproposals, one by the nine
countries (Canada and others) and the other by the United States, both of
whichare quoted above, the Chairman of the SecondCommittee drafted in
1975 a provision for the ISNT, which was referred to in paragraph 50
above.
57. (Emergence of a new régimefor the outer continentalshel') There
wasa furthertrend early in the 1970swhichcannot be overlooked. A group
of nations which could not themselves be entitled to broadly expanded
sea-bed areas, because of theirlocation in an enclosed or semi-enclosed sea
not facing the vast ocean. found the formation of the continental shelf
extremely inequitable. If the legalcontinental shelf was to incorporate the
outer edge of the continental margin - which could lie even beyond the
200-mile distance - thus embodying the sea-bed areas where petroleum
deposits can be found or even beyond, the geographical inequality of

States would be further exaggerated. The geographically disadvantaged -
landlocked orshelf-locked - Statesnot having any continental shelfwould
not allow the excessiveclaims made by a handful of States to go unchal-
lenged. The provision containing the concept of payments and contribu-
tions with respect to the exploitation of the continental shelf beyond 200
miles, which has now become Article 82 of the 1982 Convention, was
drafted by some geographically advantaged States simply to appease the
dissatisfied States.The provision wasto the effect that, unlike the proceeds
of the coastal State's exclusiveinterests within its 200-mile distance, the
revenues derived from exploitation beyond that limit (= the outer conti-
nental shelf, if 1 may so cal1it) would be dedicated to the international
community through the authority to be established for the purpose of
exploitation of the deep ocean floor, which would in turn distribute them,

taking into account the interests and needs of developing States, particu-
larly the least developed and the landlocked among them.

58. (Division of the inner continental shelf and the outer continental
shelf.)The suggestedprovision whichemergedasa political compromise at
the later stage of UNCLOS III can hardly be regarded as reflecting cus-
tomary international law. Yet noteworthy as of great importance is the
change in thedefinition of thecontinental shelfarising out of the universal
introduction of the 200-mile distance which certainly overrode the tradi-
tionalconcept of "continuity" or "contiguity", on the onehand, and of the
interpretation of the concept of "natural prolongation" used in the 1969
Judgment, allowing much wider areas, on the other. Thus the continental
shelf would be divided into two areas, the first being the area within 200

milesof the Coastwhere the coastal State's exclusiveinterest inthe minera1
resources would be established, and the other the area beyond that, PLATEAU CONTINENTAL (OP. DISS. ODA) 155

Il est sans doute inutile de rappeler que ledéveloppement de cette idéede
l'extension deszonesdu fond des mers réservées auxEtats côtiersjusqu'au
pied du prolongementnaturel de leur domaineterrestre correspondait à la
revendication,formulée par un nombre croissant de ces Etats, de toute la
zone côtière qui renferme des gisements pétrolifères exploitables. Sur la
base apparemment de ces deux propositions - celle du groupe des neuf
(Canada et autres pays) et celle des Etats-Unis - le président de la

deuxièmecommissionrédigea en1975pour le texteunique denégociation
officieux la disposition qui a étécitéeau paragraphe 50 ci-dessus.

57. (Apparition d'un nouveau régimedu plateau continentalexterne.) Il
faut égalementmentionner une autre tendance qui est apparue au début
des années soixante-dix. Un groupe de pays riverains de mers ferméesou
semi-fermées,qui ne faisaient pas face à de vastes étendues océaniqueset
ne pouvaient donc prétendre à des zones très élargiesde fonds marins,
estimèrent que la conception du plateau continental était extrêmement
inéquitable.Sila définitionjuridique du plateau continental devait englo-

ber le rebord externe de la margecontinentale - parfois situé au-delà des
200 milles - et comprendre et mêmedépasserles zones de fonds marins
pouvant receler les gisements pétrolifères, l'inégalité géographiqueentre
Etats deviendraitencoreplusflagrante. LesEtats géographiquementdéfa-
vorisés - c'est-à-dire les Etats sans littoral ou sans plateau continental-
refusaient d'admettre les prétentions excessivesformuléespar une petite
minorité.La dispositionrelative aux contributions en espècesou ennature
au titre de l'exploitation du plateau continental au-delà des 200 milles,
devenuel'article 82dela convention de 1982,fut rédigée par certains Etats

géographiquementbien pourvus àseule fin d'apaiser les mécontents.Elle
prévoyait que, à la différence des bénéficesliésaux intérêtsexclusifs de
1'Etatcôtierjusqu'à une distance de 200 milles, les revenus provenant de
l'exploitation au-delà de cette limite (le plateau continental externe, sije
puis user de cette expression) seraient réservés à la communauté interna-
tionale par le canal de l'autorité à créer pour l'exploitation des grands
fonds océaniques,laquelle les répartirait compte tenu des intérêts et des
besoinsdes Etats en développement,et en particulier des Etats les moins
avancésou démunis de littoral.
58. (Division entre plateau continental interne et plateau continental

externe.) La disposition proposée à titre de compromis politique à la fin
destravaux de la troisièmeconférencedesNations Unies sur ledroit de la
mer peut difficilementêtre considérée comme traduisant le droit interna-
tionalcoutumier. Il faut cependant relever lamodificationtrès importante
de la définition du plateau continental résultant de l'application généra-
liséede la limite de 200milles qui a certainement supplanté, d'une part, la
notion traditionnelle de ((continuité >)ou contiguïté )),et, d'autre part,
l'interprétationde la notion beaucoup plus large de (prolongement natu-
rel figurant dans l'arrêt de1969.Leplateau continental se trouvait donc

divisé endeux zones, la première étantla zoneen deçà de 200 milles de la
côte, ou les droits exclusifs de 1'Etatcôtier sur les ressources minéralesextending "throughout the natural prolongation of its land to the outer
edge of the continental margin", where a suggestion had been madethat a
portion of theprofits should be dedicated to the international community.
It cannot be over-emphasized that at least this parallelism between the
inner continentalshelf and the outercontinentalshelf;which never formed
part of the traditional concept of the continental shelf, has now been
suggested in the 1982Convention.

(ii) Unchangedlegal basisof the continentalshelf

59. (Identity of the provisions concerning the right of a coastal State
both in the 1958 Convention and in the 1982Convention.) Despite the
radical change as to the definition of the continental shelf, one cannot
overlook the fact that Article 77of the 1982Convention with regard to the
right of the coastal State over the continental shelf is exactly identical to
Article 2 of the 1958Convention. Thus the legal basis of the continental
shelf, which wasconfirmed by the 1958Convention and further endorsed
by the 1969Judgment of the Court as being established under customary
international law, had been inherited without any change in the 1982
Convention. The fact that Article 77of the 1982Convention is identical to
Article 2 of the 1958 Convention indicates that the legal basis of the
continental shelf has not changed at all, although there remain some
doubts whether this would apply to the outer continentalshelfin which a
totally new régimeis suggested.

(iii) Impact of the new régimeof the exclusive economic zone upon the
continentalshelf

60. (Emergence of the exclusive economic zone.) Whether or not the
Court is asked to suggest principles and rules for the delimitation of the
continental shelformaritimeboundaries,it cannot ignore the impactmade
by the new concept of the exclusive economic zone on the régimeof the
continental shelf. There is no need for me to make a thorough analysis of
the emergence of the exclusiveeconomiczone in the early 1970s,as 1 have
already done this in my dissenting opinion in the 1982Judgment (I.C.J.
Reports1982,pp. 222-234,paras. 108-130).Yet, in viewof thefact that the
concept of the exclusive economic zone has been rapidly accepted in the
realm of international law, the question cannot be avoided whether the
sea-bed - within 200 miles of the Coast - has been incorporated in the

régimeof the exclusive economic zone, or whether it should still come
under,the separate régimeof the continental shelf in parallel with the
exclusive economic zone. This question was far more essential than ini-
tially thought in seeking to come to anyjudgment on the issues that had
been presented for the Court's consideration in the present case. 1am only
toopleased tonoteandappreciatethat the Court isnow becoming awareof
the importance of this problem.étaientconfirmés,la seconde la zone situéeau-delà,s'étendant <<sur toute
l'étenduedu prolongementnaturel du territoire dudit Etatjusqu'au rebord

externe de la marge continentale ))où il étaitsuggéréqu'une partie des
revenus provenant de l'exploitation soit réservéeà la communauté inter-
nationale.On ne saurait trop souligner que ceparallélismeentre leplateau
continentalinterneetleplateaucontinentalexterne,qui n'ajamais fait partie
de la notion traditionnelle deplateau continental, est désormaisau moins
sous-jacent dans la convention de 1982.

ii) Fondementjuridique inchangé duplateau continental

59. (Identitédes dispositions relatives au droit de 1'Etatcôtier dans la
conventionde 1958et dans laconventionde 1982.)Malgréla modification
radicale de la définition du plateau continental, on ne doit pas perdre de

vue que l'article 77 de la convention de 1982,relatif aux droits de l'Etat
côtier sur leplateau continental, est exactementidentiqueàl'article2de la
conventionde 1958.Ainsi le fondementjuridique du plateau continental,
confirmépar la conventionde 1958et à nouveau sanctionnépar l'arrêtde
la Cour de 1969commebien établien droit international coutumier, a été
repris sans changement dans la convention de 1982. L'identité de l'ar-
ticle 77de la convention de 1982 et de l'article2 de la convention de 1958
montre que le fondement juridique du plateau continental demeure
inchangé,en dépitde diverses incertitudes quant à son applicabilité au
plateau continental externe, pour lequel un régimeentièrement nouveau
est suggéré.

iii) Le nouveaurégimede la zone économiqueexclusiveet ses effts sur la
notion deplateau continental

60. (Apparition delazoneéconomique exclusive.)La Cour, qu'illui soit
ou non demandé d'énoncer des principes et des règles applicables à la
délimitationduplateaucontinental ou auxfrontièresmaritimes,nesaurait
méconnaîtrel'influenceque la nouvelle notion de zoneéconomiqueexclu-
sivea exercéesurle régimedu plateau continental. Je n'ai pas à reprendre
ici l'analyse exhaustive de l'émergencede la notion de zone économique
exclusive au début des années soixante-dix quej'ai déjàfaite dans mon
opinion dissidentejointe à l'arrêtde 1982(C.I.J. Recueil1982,p. 222-234,
par. 108-130).Etant donné toutefois que la notion de zone économique
exclusive a rapidement acquis droit de citéen droit international, on ne

peut éviterde se poser la question suivante : le fond des mers - jusqu'à
200 milles de la côte - rzlève-t-il du régimede la zone économique
exclusive,ou continue-t-il a dépendre du régimedistinct du plateau conti-
nental, parallèlement à celui de la zone économique exclusive ? Cette
questionestbienplusessentiellequ'on nel'avait crud'abord, pour essayer
derésoudrelespoints soumis àl'examendela Couren l'espèce.Jeconstate
avecsatisfactionque celle-ciprend maintenant consciencedel'importance
du problème. 5. Rule for the Division of a Single Homogeneous
Maritime Area

61. (Article 76 of the 1982Convention.) Let us now look again at the
gist of the provision of Article 76 of the 1982Convention :

"The continental shelf of a coastal Statecomprisesthe sea-bedand
subsoil of the submarine areas that extend ... to the outer edge of the
continentalmargin, ortoa distance of200nautical miles. ..wherethe
outer edge of the continental margin does not extend up to that
distance."

A logical analysis of these words willshowthat what Article 76 thus offers
isnot, as theJudgment seemsto suggest, two complementarydefinitions of
the (legal)continental shelf - hence two complementarycriteria for deter-
mining its appurtenance - but two radically alternativedefinitions. How-
ever,theCourt hasdecidedthat thesea-bed between the Parties' coasts is a
single, homogeneous area for the purposes of the delimitation and, in
paragraph 39 of the Judgment, comes near to implying that, whenever
dealing with claims in regard tocombineddistances between coasts of less
than 400 miles, "there is no longer any reason to ascribe any role to
geological or geophysical factors". While 1agree that, for practical pur-
poses - and, as 1suggestelsewhere,for reasonsconnected with the régime
of the exclusive econorniczone -. the distance criterion has revlaced that
ofgeornorphologyin al1respects Savein regard to the outercontinentalshelf
between the 200-mile and 350-mile limits, 1 am not sure the Court has
realized that, by stating that international law has already developed to

that stage,it has added weightto the second of thealternativedefinitions in
Article 76 and, in effect,replaced with the minor premise(distance)what
somejurists may still regard as themajor premise (physical prolongation).
From the viewpoint of thatArticle, thiswould havebeen open to challenge,
had the sea-bed in the present casefeatured, not a rift zone, but the outer
edge of a continental margin. The Court would then almostcertainly have
had to weigh the merits of two convincing claims invoking the sense of
Article 76,theonebased on geomorphology, theother relyingon distance.
As it happens, the only realproblembefore the Court was actually that of
discerningthe rule for the division of a singlemaritime areahomogeneous
in terms of the 200-mile distance criterion.

62. (Divison of a single, homogeneous area.) Let us put aside, for the
sake of convenience, the exploitability test prescribed in sea-bed areas

beyond the 200-metre isobath in the 1958Conventionand the newconcept
of the outer continental sheif beyond the 200-mile distance in the 1982
Convention,neither of which had anydirect relevance to the present case.
Under the 1958Convention, delimitation of the continental shelf could
only be effected in a sea-bedarea of a homogeneous nature (interms of the 5. Règle à appliquerpour la division
d'une zonemaritime unique et homogène

61. (Article 76 de la convention de 1982.)Voyons à nouveau les dispo-
sitions essentielles de l'article 76 de la convention de 1982 :

<Le plateau continental d'un Etat côtier comprend les fonds
marins et leur sous-sol ..jusqu'au rebord externe de la margeconti-
nentale, oujusqu'à 200millesmarins ..lorsquelerebord externedela
marge continentale se trouve à une distance inférieure.

L'analyserationnellede cetextemontre que l'article76ne proposepas ici,
contrairement aceque sembledirelaCourdans sonarrêt,deuxdéfinitions
complémentairesdu plateau continental (juridique) - et, par conséquent,
deuxcritèrescomplémentaires pour déterminerde quel Etat ilrelève - mais
une alternativeentre deux définitionss'excluantmutuellement.OrlaCour,
aprèsavoir décidé que lefond marin entre les côtes des Parties était une
zone unique et homogène aux fins de la délimitation, n'est pas loin de

laisserentendre,auparagraphe 39del'arrêtq , uedanstouslescasoùils'agit
de revendications sur des distances de moins de 400 milles entre les côtes
<(iln'existeaucuneraison defairejouer un rôleauxfacteurs géologiquesou
géophysiques )>Et sije reconnais que, pour des raisons pratiques - et,
comme je l'indique ailleurs, pour des raisons liéesau régimede la zone
économiqueexclusive - le critère de la distance a remplacé celui de la
géomorphologie à tous les égardssauf en ce qui concerne leplateau conti-
nentalexterneentre les limitesde 200et de 350milles,je me demande sila
Cour s'estrendu compte que, en déclarantque le droit international avait
déjà évolué à ce point, elle donnait plus de poids à la deuxième des
définitionspossibles envisagées à l'article 76, substituant ainsi en fait la

prémissemineure (la distance) à ce que certainsjuristes persistent àcon-
sidérercomme la prémissemajeure (le prolongement physique). Vu les
termes de cet article, cela aurait pu êtrecontestable si en l'espècele fond
marin avait présenté, à la place de la zone d'effondrement, le rebord
externe d'une marge continentale :dans ce cas, la Cour aurait presque
certainement étéobligéede comparer la valeur respective de deux reven-
dicationsconvaincantesinvoquant l'article 76,l'une fondéesurla géologie
etl'autre surladistance. Etantdonnécependant lesfaits de l'espèce,leseul
problèmevéritablequiseposait à la Courétaitde déterminerquelleétait la
règleapplicable pour diviser une zone maritime unique et homogène du

point de vue du critère des 200 milles.
62. (Divisiond'une zone unique et homogène.)Ecartons, pour plus de
commodité,lecritèrede l'exploitabilitéprévudans la convention de 1958
pour lesfonds marinssituésau-delà de l'isobathe des 200mètresainsique
le concept du plateau continentalexterne situé à plus de 200 milles, intro-
duit par la convention de 1982, aucun de ces éléments n'intervenant
directement dansla présenteaffaire.Aux termes de la convention de 1958,
il n'y avait de délimitationpossible du plateau continental dans les zones 158 CONTINENTAL SHELF (DISS. OP. ODA)

depth criterion of the 200-metre isobath) between States whose titles
happened to overlap. The 1958depth criterion has now been replaced in
such areas by the distance criterion of 1982,but the present situation is
similar in essence in that one homogeneous sea-bed area (now within a
radius of 200 miles from either of thecoasts concerned) may be divided

among the bordering States. And 1can see no reason to apply different
principles and rulesto the 1958and 1982hypotheseswherean overlapping
portion in a homogeneous sea-bed area is to be divided, since the law
applicable to that situation has not undergone any change.

63. (Difference from territorial disputes.) A dispute concerning the
delimitation of,the continental shelf is different in substance from most
disputesconcerningland boundaries, or the sovereignty over an island,in
whichwhat isrequired of theorganentrusted with decidingthe matter isto
ascertain whether this or that claim to a particular boundary or island is
historicallyjustified or not. Inuch cases, the decision to be made by that
organ isoriented towardsfindingand ascertaining, but notdetermining de
novo,the sovereigntyof oneparty in specificareas of land or on a specific
island. In contrast, in the case of the delimitation of the continental shelf,
the boundaries between the sea-bed areas appertaining to the coastal
States are not restricted a priori, so that any State concerned has, in
principle, been entitled to claim any specifically defined area. The area
within a 200-mileradius of the Coast,where given the proximity or adja-
cency of the States their claims overlap, should be delimited or divided

between the States concerned. To make a delimitation of the continental
shelf is to draw a line in a single homogeneous sea-bed area.

64. (Dividing an area.) In this respect a mention should be made of the
concept of apportioning "just and equitable shares", whch the Court did
not accept in 1969.The Court's rejection of this conceptin 1969seems to
have been veryheavilydependent on its development of the doctrine that
"the rights of thecoastalStatein respect of thearea of thecontinental shelf
... ipsofacto and ab initio". The Court seems to have found it an implicit
consequence of this doctrine that the areas of continental shelf falling
under the jurisdiction of each party were predetermined ab initio, each
being mutually exclusiveof the other, so that the function of the delirni-
tation of the continental shelfconsisted "merely" in discerning and bring-
ing to light a line already in potential existence. The test of natural pro-
longation, and certain other features of the Judgment, were developed
precisely as an aid to the performance of that very special and difficult
task. Now,whatever thenecessityof theCourt's logicin the 1969context, 1
am fullypersuaded that it has sincebeen overtaken by events. There is no
reasonforthepresentCourt,in 1985,tobeinhibited from realizingthat the

present delimitation is simply a question of justifiably and equitably
dividing,apportioning or even "sharing" between the Parties a part of a de fonds marins de caractère homogène(du point de vue du critère de
l'isobathe des 200 mètres) qu'en présenced'Etats dont les titres se che-
vauchaient. Cecritèrede profondeur de 1958a maintenant étéremplacé,
pour ce qui est de ces zones, par le critère de distance de 1982 ;mais la
situation actuelle est essentiellement identique, puisqu'il s'agittoujours de
diviser une zoneuniqueet homogène de fondsmarins (définiemaintenant
par un rayon de 200 milles à partir de l'une ou l'autre des côtes en cause)
entre les Etats riverains. Et je ne vois aucune raison d'appliquer des

principes et règles différents aux hypothèses de 1958 et de 1982 pour
diviserla partie d'une zone homogèneoù ily a chevauchement,puisque le
droit applicable en ce cas n'a pas changé.
63. (Différenceavec les différends frontaliers.) Les différendsconcer-
nant la délimitation du plateau continental diffèrent foncièrement de la
plupart desdifférendsrelatifs auxfrontières terrestresou à lasouveraineté
sur les îles, où l'organisme appeléà trancher la question a pour tâche de
déterminersi l'une ou l'autredes revendications portant sur une frontière
ou une île donnéeest historiquement justifiéeou non. Dans les affaires de
cegenre, la décision consiste àconstater et àvérifierla souverainetéd'une
desparties sur certaines étendues de terre ferme ou sur une certaine île -

mais non pas à déterminercette souverainetéde novo. Dans les délimita-
tions du plateau continental, au contraire, lesfrontièresentre leszones de
fonds marins relevant des Etats côtiers ne sont pas définies à priori, de
sorte que chacun desEtats intéressés a en principe le droit de revendiquer
toute zone spécifiquement définie.Les étenduessituéesdans un rayon de
200milles de la côte, où les revendications des Etats se chevauchent pour
causedeproximitéoud'adjacence, doiventalors êtredélimitées ou divisées
entre les Etats en cause. Et procéder à la délimitation du plateau conti-
nental revient à tracer une ligne dans une zone de fonds marins unique et
homogène.
64. (Division d'une zone.) Il convientà ce propos de mentionner l'idée

consistant à attribuer des((parts justes etéquitablesO,que la Cour arejeté
en 1969. Apparemment, ce rejet découlait en très grande partie de la
doctrine affirméepar la Cour dans lemêmearrêt,selon laquelle <lesdroits
de 1'Etatsouverain concernant la zone de plateau continental ..existent
ipsofacto et ab initi)).Il semble que la Cour ait conclu que cette doctrine
avaitpour corollaire implicite queleszones deplateau continental relevant
de lajuridiction de chacune des parties étaient prédéterminées ab initio,
chacune d'ellesexcluant l'autre, de sorte que l'opérationde délimitation
consistait (simplement à discerner et à faire apparaître une ligne qui
existait déjàpotentiellement.Lecritèredu prolongementnaturel, ainsi que

d'autres aspects de l'arrêt, intervenaientprécisémentpour faciliter l'exé-
cution decette tâche trèsspécialeet fort difficile.Mais, siceraisonnement
s'imposait peut-êtredans le contexte de 1969,je suis convaincu qu'il est
maintenant dépassé par les événementsL . aCour, en 1985,n'avait aucune
raison d'hésiter à reconnaître que la présente délimitation avaitsimple-
mentpour objet de diviserdefaçonjuste etéquitable,d'attribuer à chacune
des Parties, ou mêmede (partager entre elles la partie d'une zone 159 CONTINENTAL SHELF (DISS.OP. ODA)

homogeneous sea-bed area which either can potentially claim. Thus the
problemin the present case, in whch the situation wasnot different from
that in 1958,was to see what principles and rules, if any, other than the
"equidistance/special-circu rulstcanldersasonably be proposed

for the purpose of equitably dividing a single homogeneoussea-bed area
among neighbouring States.

6. Equity within the "Equidistance/Special-Circu Ruletances"

65. (Equity.) The concept of "equity" is applicable to any case of
dividing,apportioning or evensharing,and thecase of dividingthe area of
overlapping claims in a single homogenous sea-bed area is no exception.
TheTruman Proclamation of 1945,thefirst officia1document in thisfield,
suggested,fortheboundary of thecontinental shelfbetween neighbouring
States,determination with the Statesconcerned in accordance with equi-
table principles,and the eleventh-hourprovision of the 1982Convention
providesin similartermsthat "delimitation. ..shallbe effected...in order
to achieve an equitable solution". "Equity" remains the prevailing prin-
ciplein delimitingthe continental shelf, yet simpleinsistence on an equi-

table solution is not souch helpful as merely the statement of a truism,
since "equity" is a blanket concept susceptible of divers interpretations.
How should it have been applied in the circumstances of the present
case ?

66. (Irrelevance of world social justice.) Certainly various political,
social and econornicfactors could have been suggested for this purpose :
the size of the territories and their population, the natural features of
"hinterland", the distribution of natural resources, the degree ofvelop-
ment of the economy and industry, security considerations, etc., of the
respective Parties. However, these factors could not lead to a solution for
the Parties,because ideas of the way in whch they should be taken into
account are bound to Varywidely. It could be asked, for instance, if the
advanced industry or economy of one State shouldjustify its being given
wider areas of the continental shelf than the other State, or whether the
latter should be givenmuch wider areas to compensate for its poverty. It
couldalso be asked whether the ratio between the two States'areas of land

territory or evenlengthsofcoastline should in equity ensure the sameratio
between their sea-bed areas or whether,on the contras., an inverseratio of
sea-bed areas would be more equitable. Such questions involve global
resourcepolicies,or basicproblems of world politics,which<notonlycould
not be solvedby thejudicial organ of the world community but stray well
beyond equityas a norm of lawinto the realm of social organization.This
isa matter offuture policyofworld socialjustice whichdoesnot fa11within
the purview of ajudiciary which has to employ solely the principles and
rulesofinternational lawunlessrequested todecideacaseex aequoetbono.
1agreewith theJudgment in suggestingthat the Court has no cornpetence PLATEAU CONTINENTAL (OP.DISS.ODA) 159

homogène de fond marin que l'une et l'autre pouvaient théoriquement
revendiquer. Dansla présente espèce,oùla situation n'estpasdifférentede
cellede 1958,leproblèmeétaitdonc de savoirquels étaientlesprincipes et
règles,autresque la règlede 1'0équidistance-circonstances spéciales ))que
la Courpourrait, le caséchéantp , roposer raisonnablement pour diviserde
manièreéquitableunezone unique et homogènede fonds marins entre les
Etats riverains.

6. L'équité elta règle«équidistance-circonstances spécial» es

65. (Equité.) Le conceptd'(<équité ))est applicable à tout cas de divi-
sion, d'attribution ou mêmede partage, et la division d'un secteur où les

revendications des parties sechevauchent dans une zone de fonds marins
unique et homogènene fait pas exception. La proclamation Truman de
1945,premier document officielsur la question, proposait quela frontière
du plateau continental entre pays voisins soit déterminéepar les Etats
intéressés conformément aux principed se l'équité ;et la disposition ins-
criteà la dernière minute dans la convention de 1982dispose en termes
analogues que la délimitation ...est effectuée ...afin d'aboutir à une
solution équitable o.L'<<équité ))demeure donc leprincipe essentiel de la
délimitationdu plateaucontinental.Cependant, lesimplefait d'exigerune
solution équitablen'estguèreplus utile que d'énoncerune vérité première,
car1'(<équité est un concept polymorphe, qui admet diverses interpré-
tations. Comment aurait-il fallu l'appliquer dans les circonstances de la
présente espèce ?

66. (Non-pertinence de lajustice socialemondiale.) Sans doute aurait-
on pu s'inspirer pour cela de divers facteurs politiques, sociaux ou éco-
nomiques : dimension des territoires et inventaire de la population des
Parties, nature de leur arrière-pays,répartition des ressources naturelles,
niveau de développement économique et industriel,considérations de
sécurité, etc. Toutefoisc,esfacteursne pouvaient pas fournir une solution
aux Parties, car on peut en tenir compte de plusieurs façons. Par exemple,
le niveau industriel ou économiqueélevé d'un Etat est-il un motif de lui
accorder plus de plateau continental qu'à l'autre Etat, ou bien est-ce
celui-ci qui doit bénéficier d'étendueb seaucoup plus vastes en compen-
sation de son dénuement ? Le rapport entre les superficies de la masse
terrestre de chacun des deux Etats, ou mêmeentre leurs longueursde côte,
doit-il en équitéimposer le mêmerapport entre les zones de fonds marins

qui leur sont attribuéesou bien est-il plus équitable au contraire d'appli-
quer un rapport inverseentre leszones de fonds marins ? De tellesinterro-
gationssoulèventdesproblèmesliésaux politiquesmondialesen matièrede
ressources,ou des problèmesfondamentauxde politiquemondiale,qui non
seulementne pourraient pas êtrerésoluspar l'organejudiciaire dela com-
munauté mondiale,mais vont bien au-delà de l'équité en tant que norme
juridique et touchent au domaine de l'organisation sociale.C'est donc là
une question qui concerne la politique future de lajustice sociale dans le
monde et qui dépasse la compétenced'un organejudiciaire, lequelne peut to guessator initiate anyfuture policyof world socialjustice goingbeyond
the existing principles and rules of international law.

67. (Geographical circumstances, normal or exceptional.) In the draw-

ing ofmaritimeboundaries, geography has alwaysplayeda veryimportant
roleeversincethe International LawCommission firststarted dealingwith
the law of the sea, and rarely has any other element been considered as a
factor affecting it. This the Judgment rightly acknowledges. Where 1part
Companywith it is in its belief that geography can be respected by exag-
gerating the mathematical consequences of a longer coastline. The 1958
Convention offered the formula of equidistance from the Coast "unless
another boundary line isjustified". The equidistance method, a geogra-
phical method which leavesno room for equivocal interpretation,has ever
since been suggested for the delimitation of the continental shelf. As the
Court acknowledged in its 1969Judgment, no other method of delimita-
tion has the same combination of practical convenience and certainty of
application. 1s there any other method which may possibly represent
equity ?As suggestedin thepresentJudgment,equidistance may not be the
invariablemethod fordelimitation purposes, and no doubthas existed that
in principle it would be strictly followed only in certain normal situations
where it produces an equitable solution to the problem of the division of

sea-bed areas. Butifthismethod isone which,in principle,shouldapply in
normal situations, as suggestedin the 1958Convention as wellas the 1969
Judgment of the Court and the 1977Decision of the Anglo-French Arbi-
tration, how can anyone maintain that its application cannot be a rule of
delimitation ?This does not, of course, mean that it isacompulsory rule in
abnormal circumstances. In 1953 the Committee of Experts on Certain
Technical QuestionsconcerningtheTerritorial Seawas already well aware
of the necessityof allowingexceptions to the equidistance rule. In 1956the
International Law Commission pointed out, in its final draft, that "pro-
vision must be made for departures [from the equidistance rule]" and that
"this case may arise fairly often so that the rule adopted is fairly elastic".
The 1958Convention accordingly provided that aboundaryother than the
equidistance line might be justified by special circumstances. The 1958
Convention was not meant simply to suggest a substitutefor or a replace-
ment of equidistance in case of special circumstances. On the contrary, a
certain flexibility was given so that, in the application of equidistance,
geographical anomalies could be rectified in order to avoid results of a
distortingcharacter. In myviewthe "equidistance/special-circumstances"

rule as suggested in the 1958Convention still remains a basic rule for the
delimitation of the continental shelf. qu'appliquerlesprincipes et règlesdu droit international, àmoins qu'onne
lui demandedestatuer ex aequoetbono.Aussi suis-jed'accord avecla Cour
lorsqu'elleindique dans son arrêtqu'ellen'apas compétencepour pronos-
tiquer ou instaurer une politique future dejustice sociale mondiale trans-

cendant les principes et les règlesen vigueur du droit international. '
67. (Circonstances géographiques, normales ou exceptionnelles.) La
géographien'a cesséde jouer un rôle très important dans le tracé des
frontières maritimes depuis que la Commission du droit international a
commencé à se pencher sur le droit de la mer, et il est rare qu'on ait
considéréqu'elle pouvait être affectéepar d'autres éléments. L'arrêlte
reconnaît trèsjustement. Mais ce que je ne puis accepter, c'est l'idée,
expriméedans l'arrêt,que l'on peut respecter la géographieen exagérant
les conséquencesmathématiquesde l'existenced'un littoral plus long. La

conventionde 1958adoptaitla formuledel'équidistance à partir dela côte
(à moins que [descirconstances spéciales]nejustifient une autre délimi-
tation )); et l'équidistance, méthode géographiquequi ne prête à aucune
incertitude, a toujours été proposée depuis lors pourla délimitation du
plateau continental. Comme la Cour l'a admis dans son arrêtde 1969,
aucune autre méthode de délimitation ne présentela mêmecombinaison
decommoditépratique et de certitude dans sonapplication.Existe-t-il une
autre méthodequipourrait éventuellementrefléterl'équité ?Comme il est
dit dans le présent arrêt, l'équidistancen'est sans doute pas la seule

méthodepossible de délimitation, et l'on n'a jamais doutéqu'en principe
ellenedoitêtreappliquée à lalettre quedans certainessituationsnormales,
où elleaboutit à unesolutionéquitabledu problèmede ladivision dezones
de fonds marins. Mais, s'ils'agitlà d'une méthode qui doit s'appliquer en
principe aux situations normales, comme cela ressort de la convention de
1958,del'arrêtde la Courde 1969et de la décisionde 1977dans l'arbitrage
franco-britannique, comment peut-on soutenir que son application ne
saurait êtreune règlede délimitation ?Ce qui ne signifieévidemmentpas
que cette règledoiveobligatoirementêtresuivie lorsque les circonstances

sont anormales. Dès 1953, le comité d'experts sur certaines questions
d'ordre technique concernant la mer territoriale était parfaitement cons-
cient de la nécessitéde prévoir des exceptions à la règlede l'équidistance.
Et la Commission du droit international a fait observer en 1956,dans la
version finaledesontexte, qu'ail doit êtreprévu qu'onpeut s'écarter dela
règle[del'équidistance] et que (<lecaspourra seprésenter assezsouvent.
La règleadoptéeest donc par là dotéed'une certaine souplesse. ))C'est
pourquoi la convention de 1958disposait que des circonstances spéciales
pourraientjustifier une frontière autreque la ligne d'équidistance. Encore

ne s'agissait-il pas de remplacer purement et simplement la méthodede
l'équidistancedans un tel cas : au contraire, la convention prévoyait une
certaine flexibilitéde façon que l'on puisse, en appliquant l'équidistance,
rectifier les effets de déformation que pouvaient causer les anomalies
géographiques. A mon avis, la règle ((équidistance-circonstances spé-
ciales))suggéréedans la convention de 1958 demeure de nosjours une
règlefondamentale pour la délimitation du plateau continental. 68. (Coastlineirregularitiesas specialcircumstances.)Considering geo-
graphy as the solefactor tobe employed for the division of the continental

shelf, the equidistance formula may well be rectified by certain relevant
geographicalcircumstances. Since UNCLOS 1efforts have been made to
reconcile equity with the geography surrounding the sea-bed areas con-
cerned.Perhaps the true solution to the problemrelating to the method of
equidistance is that account should always be taken of various elements
and factors when determining the baselines containing the points from
which the equidistanceline is to be plotted. Shouldthe real configuration
of the Coast of each State provide the sole basepoints for measuring
equidistance ? This is basically the procedure applicable for determining
the outer lirnit of the temtorial sea. However,the inherent logicof the 1958
Convention might be so construed :while the soleuse of the equidistance
method can be expected to lead to an equitable result, this is on the
understanding that the baseline to be employed for the purpose of the
geometrical construction will Vary, from case to case, from the strict
version used inmeasuringthe limit of theterritorial seato certain modified
baselines employed because of special circumstancesin the geography of
the region. Certainly,notjust any existing geographicalcondition may be
regarded as an anomaly,and it willnot beeasy to define what irregularities
should be rectified in determining the baseline for application of the
equidistance method. Generally speaking, however, an irregular overall
shape of the coastline, and significant configuration irregularities in a
lateral case, and the existence of narrow promontories of peninsulae or

even of islands in a case of opposite States, might reasonably be agreed
upon as constituting irregularitiesthe effect of which is to be mitigated in
settlingthe basepoints on coastlines. It is important tonote in thisrespect
that the degree ofirregularity to be consideredsignificant in eachcase may
Varyaccording to the overall expanse of the area concerned. If the area is
comparatively large, the existence of some irregularity may well be
ignored, but ifit issmallevensomeminor irregularity would probably have
to be taken into account for the purpose of rectifying the baseline for
delimitation of the continental shelf.

69. (Coastal façade and macrogeographical aspect.) In the North Sea
Continental Shelfcases in which the Federal Republic of Germany had to
argue for "coastal façade" or "macro-geographical aspect" in order to
rectify the points for measuringequidistance because of the irregularities
in coastlines, i.e., a deep concave in that case. At that time 1 argued on
behalf of that Party as follows :

"1 suggest . . .that if we wish to draw lines of demarcation to

apportion areas of the continental shelf far removed from the coastal
belt, weshallhave to take amodifiedapproach if a sensibleoutcome is 68. (Irrégularitésde la côte en tant que circonstances spéciales.)Con-
sidérantque lagéographieestleseulfacteur dont ilfailletenir compte pour
la division du plateau continental, la formule de l'équidistance peutfort
bien êtreajustée en fonction de certaines circonstances géographiques
pertinentes. Aussi s'est-on efforcé,depuis la première conférence des
Nations Unies sur le droit de la mer, de réconcilier l'équité avelc a géo-
graphie des zones de fonds marins en cause. La véritable solution du
problèmeque pose la méthodede l'équidistance consistepeut-être à tou-

jours tenir compte d'élémentset de facteurs divers pour déterminer les
lignesde base contenant lespoints à partir desquels ilconvient de tracer la
ligne d'équidistance.La configuration réellede la côte de chaque Etat
fournit-elle les seuls points de base à considérerpour mesurer l'équidis-
tance ? Tel est pour l'essentielle moyen utilisépour déterminerla limite
externe de la mer territoriale. Cependant, la logique interne de la conven-
tion de 1958pourrait s'interpréterainsi :pour qu'on puisse s'attendre à ce
que l'emploi exclusif de la méthode de l'équidistance aboutisse à un
résultatéquitable,ildoitêtreentenduquelalignedebase àutiliser auxfins
de la construction géométriques'écartera,danschaque cas, du tracé strict

utilisépour mesurer la limite de la mer territoriale et qu'on utilisera
certaines lignes de base modifiéesenraison descirconstances spécialesde
la géographiede la région. Certes,on ne saurait considérer n'importe quel
accident géographique comme une anomalie, et il n'est pas facile de pré-
ciser quelles sont les irrégularités qui doiventêtrecorrigéespour détermi-
ner la lignede base à utiliser pourla mesure de l'équidistance.D'unefaçon
générale,toutefoisu ,neconfiguration globalement irrégulièredelacôte,ou
d'importantes irrégularitésdans les situations d'adjacence, ou encore
l'existenced'étroits promontoiresou péninsules - ou même d'îles - dans
les situations d'opposition, peuvent raisonnablement être reconnues
comme constituant des irrégularitésdont il y a lieu de réduirel'effet en

plaçant lespoints de base sur les côtes. Il importeà cet égardde noter que
ledegréd'irrégularitéjugé significatif dans chaquecaspeut varier enfonc-
tion de lasuperficie totale delazoneen cause. Sicettezoneest relativement
vaste, on peut fort bien négliger l'existenced'une certaine irrégularité ;
si elle est petite, il faut sans doute tenir compte des irrégularitésmême
mineures pour corriger la ligne de base utiliséeaux fins de la délimi-
tation du plateau.
69. (Façade maritime et perspective macrogéographique.) Dans les
affaires du Plateau continentalde la mer du Nord, la République fédérale
d'Allemagne avait dû plaider la (ifaçade maritime H, ou (iperspective

macrogéographique >)afin d'ajuster les points utiliséspour mesurer l'équi-
distance, en raison des irrégularités de la côte, qui formait en l'espèce
une profonde concavité. Et je m'étais ainsiexprimé au nom de cette
Partie :

(Je pense ..que, pour tracer des lignes de démarcation envue de
partager les zones du plateau continental qui sont trèséloignées du
littoral, il faut, si nous voulons parvenir à un résultat satisfaisant, 162 CONTINENTAL SHELF (DISS. OP. ODA)

to be achieved. In this specific case such modification might well
entai1 the drawing of geographically delirnited lines of demarcation
not based upon the angled inward-curving North Sea coast of the
Federal Republic of Germany. Rather, 1 propose that the lines of
demarcation be drawn from a basis represented by the coastal 'fa-

çade', if 1 may so cal1it." (I.C.J. Pleadings, North Sea Continental
ShelJ;Vol. II, p. 62.)

"The coastal façade, as 1envisage it, represents a view taken of a
State's coastal front with the intent of placing it in the proper per-
spective in relation to the coastal front of its neighbouring States.
Such a perspective would lead to a division granting each Stateajust
and equitable share. In order to visualizesuch a façade, one should be
guidedby the general direction of the coast ;in someparticular cases,

the most useful course would be to take the whole coastline of a
country as constituting an entity." (Ibid., p. 193.)
"It may be suggested that [the]entire concept [ofstraight baselines]
and its subsequent development may serve as a bridge towards my
concept of a coastal façade. This façade line is a macrogeographical
viewpoint which is a further abstraction from the microgeographical
viewpoint. The latter consistsin the drawing of the linear coastline as,
for example, is envisaged in the concept of the straight baseline,
whereas the façade theory involves a further abstraction from the

actualcoastalconfigurationand, therefore, should be characterized as
a macrogeographical viewpoint." (Ibid., p. 195.)

My arguments of "façade", "coastal front" and "macrogeographical per-
spective" were strongly opposed by the late Sir Humphrey Waldock, who
was counsel for Denmark and the Netherlands, who said :

"Another sign, Mr. President, that Ouropponents may have been
becoming uneasy about your receptiveness to the 'unprecedented and
not-to-be-a-precedent' criterion of their 'coastal fronts', was the
appearance in their final speechesof the 'macrogeographical perspec-
tive'. At any rate, it was really quite remarkable how, in the dying
moments of their speeches on the tenth day, this tongue troubling
phrase suddenly appeared and ran riot through their argument.
Learned counsel [the present writer], it is true, indulged himself with
theheady wineof this newdoctrine onlytwice,onpage 195,supra. But
the learned Agent [Professor Jaenicke, who presented these argu-
mentsafter the writer]was much lessabstemious ;for ten times did he

have recourse to it on the last dozen pages of his speech." (Ibid.,
p. 275.)

Nevertheless, this terminology does now prevail in some cases for the aborder la question de façon différente.Dans cecasparticulier, cette
modification pourrait comporter le tracé de lignes de délimitation
géographiquesqui ne soient pas baséessur l'angle incurvévers l'in-
térieurque forme la côte de la République fédérale d'Allemagne. Je
propose plutôt que la ligne de démarcation soit tracée à partir d'une
base représentéepar la façade maritime, sije puis l'appeler ainsi.
(C.I.J. Mémoires, Plateau continentad l e la mer du Nord, vol. II,
p. 62.)

<<La façade maritime telle queje la conçois correspond à une vue
d'ensemble du front maritime d'un Etat, envisagéedans une juste
perspective par rapport au front maritime des Etats voisins. Une
répartition envisagéedans cette perspective assurerait àchaque Etat
une part juste et équitable. Pour se représentercette façade, il faut
suivre l'orientation généralede la côte ; la meilleure méthode,dans

certains cas particuliers, consisteraità considérerl'ensemble du lit-
toral d'un pays comme formant une entité. ))(Ibid., p. 193.)
<([La]notion [de lignes de base droites] dans son ensemble et son
évolutionultérieurepeuvent, je crois, servir de transition vers ma
conception de la façade maritime. La ligne forméepar la façade est
une vision macrogéographiquequi procèded'un point de vue micro-

géographique. Elleconsiste en un tracé linéairede la ligne de côte,
analogue à celui qui est envisagédans la notion des lignes de base
droites, mais aveccette différenceque la théoriede la façade suppose
une plus grande abstractionpar rapport à la configuration réellede la
côte, et doit par conséquentêtrevue dans une perspective macrogéo-
graphique. ))(Ibid., p. 195.)

Mes arguments de la (façade maritime )>,du <<front maritime et de la
<<perspective macrogéographique furent contestés avec énergie par
sir Humphrey Waldock, conseil du Danemark et des Pays-Bas, qui dé-
clara :

<Il existeun autre indice dont on peut déduirequenos adversaires
étaient un peu inquiets de l'accueil que vous pourriez réserver au
critère- qui est sans précédentet ne doit pas enconstituer un - de la
façade maritime, c'estl'apparition, àla fin de leurs interventions, de
la perspective macrogéographique. La.manièredont, à la dixième
audience, ce terme imprononçable a soudainement surgi dans leur
argumentation et s'esténsuite-donnélibre cours dans la péroraison,
est certainement un fait digne de remarque. Le distingué conseil
[auteur de la présente opinion], il est vrai, ne s'est abandonné que

deux fois à la capiteuse tentation de cette nouvelle doctrine. Mais
l'éminentagent [M.Jaenicke, qui présentales mêmes argumentsaprès
l'auteur] s'est montré moinssobre : dans les douze dernières pages
de son intervention, il l'a mentionnée une dizaine de fois. ))(Ibid.,
p. 275.)

Il n'en reste pas moins que cette terminologie est maintenant devenue delimitation of the continental shelf, though often in totally different
situations from those 1 originally had in mind.

70. (Offshore islands as irregularities.) Although the status of offshore
islands in connection with the delimitation of the continental shelfwas not
provided forin either the 1958Convention or the 1982Convention, views
have often been expressed on whether al1islands should have baseline
statusfor measuring the equidistance line when delimiting the continental
shelf1havesufficiently dealt with the question of islands in the context of
"irregularities in coastlines" in my dissenting opinion in 1982I.C.J.
Reports 1982, pp. 263-266, paras. 170-173).1 have nothing to add, but
would draw the followingconclusion :it is evident that the presence of an
island may "influence the equity of a delimitation" according to its geo-
graphical position. It must be admitted that it would be difficult, if not
impossible, to deviseageneral formulaapplicable tol1casesin suchaway

as to indicate the precise shape of any coastline or the nature (size,
omy, distance from mainland, etc.) of any island to be wholly or partially
disregarded. Yet geographical and demographic criteria will normally be
sufficient to determine whether it should be treated as a rectifiable
larity. In other words, an island should be considered on its own merits
when the baseline for the plotting of an equidistanceline is being deter-
rnined. Yet even if a dependent island is to be treated as a rectifiable
irregularity in measuring the equidistance between two States, either
lateral or opposite, this qualification of irregularity can never apply to an
island State for which the delimitation of the continental shelf is to be
drawn.

CHAPTER 111.MISUNDERSTANDI NFG"PROPORTIONALIT AY"D
"HALF-EFFECT OF AN ISLAND" IN RECENT JUDGMENTS

Introduction

71. 1regretfully have to point out that the present Judgment's failure to
give proper treatment to the "equidistance/special-circru uml,tances"
which was adopted as a conventional rule in UNCLOS 1and given special

significance in one way or another in the 1969Judgment of the Court and
the 1977 Decision of the Anglo-French Arbitration, originates in the later
jurisprudence of the Court, that is, its 1982Judgment in the Continental
Shelf(Tunisia/ LibyanArabJamahiriya)caseand the 1984Judgment by the
Charnber inthe DelimitationoftheMaritime Boundaryin the Guifof Maine
Area case, both of which suggested no other rule but only some random
ideas.Not onlyinthe firstbut alsointhe second ofthese decisions,itwould
seem that the applicability and potential of the "equidistance/special-
circumstances" rule were either unappreciated or ignored, while the courante dans certainscas de délimitationdu plateau continental, quoique
souventdans dessituationstout àfaitdifférentesde cellesquej'envisageais
àl'origine.

70. (Lesîlesen tant qu'irrégularités.)Silecas desîles,dans sesrapports
avec la délimitation du plateau continental, n'était prévuni dans la con-
vention de 1958ni dans cellede 1982,maintes opinionsont cependant été
expriméessur le point de savoir si toutes lesîles devaient sevoir attribuer
des lignes de base pour la délimitationdu plateau continental par l'équi-
distance. J'ai suffisammenttraité la question des îlàspropos de Y<i<rré-
gularité des côtes dans mon opinion dissidente de 1982 (C.I.J. Recueil

1982, p. 263-266, par. 170-173). Je n'ai donc rien à ajouter, excepté la
conclusionsuivante :il est évident quela présenced'uneîle peut <influer
sur l'équitéde la délimitation)),suivant sa position géographique. Sans
doute aussi serait-il difficile, sinon impossible, d'énoncer une formule
applicableà tous lescas,defaçon à définirlaforme précisede toutecôte ou
la nature de toute île (dimensions,activité économiqued, istance du conti-
nent, etc.) à écarter totalement ou en partie. Mais les critères géogra-
phiqueset démographiquesdoiventnormalement suffire àdécidersidans

chaque cas l'île en question doit être considéréecomme une irrégularité
susceptible de correction.Autrement dit, il faut chaquefoisdéterminer le
rôlequel'îledoitjouer aumomentd'établirlalignedebasedevant servirau
tracéde la ligne d'équidistance. Toutefois, si une île faisant partie d'un
pays peut dans certains cas êtreconsidérée comme une irrégularité à
corriger dans les calculs d'équidistanceentre deux Etats, adjacents ou se
faisant face, il n'estjamais possible d'attribuer ce caractèàel'Etat insu-

laire dont il s'agit de délimiterle plateau continental.

CHAPITR IEI. LES ERREURS D'INTERPRÉTATION
SUR LA (PROPORTIONNALITÉ ))ET LE (<DEMI-EFFET DES ÎLES ))
DANS LES ARRÊTS RÉCENTS

Introduction

71. Jedois signaler àregretque, sileprésentarrêtfaiterreur sur la règle
<(équidistance-circonstances spéciales>),adoptée à titre de règleconven-
tionnellelors delapremièreconférencedesNations Unies surle droit dela
mer, etmiseen lumièred'unemanière oud'une autredans l'arrêd te la Cour
de 1969et l'arbitrage franco-britannique de 1977,il faut en chercher les

causes dans lajurisprudence récentede la Cour, à savoir son arrêt de1982
en l'affaire du Plateau continental(Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne)
et l'arrêt de la Chambre de1984en l'affaire de la Délimitationde lafron-
tièremaritime dans la régiondu golfe du Maine, où cette règle n'est rem-
placéepar aucune autre, mais seulement par quelques idées sans lien
logique. Non seulement dansla premièredeces décisions,maisaussi dans
la deuxième,il semble que l'on ait sous-estiméou ignoréI'applicabilité etnotions of "proportionality" and "half-effect of an island" wererandomly

rnisused.

1. The 1982Judgment in the Continental Shelf (Tunisia/Libyan
Arab Jamahiriya) case
72. (Arbitrarily fixed veering point.) In the Court's 1982Judgment in

the ContinentalShelf(Tunisia/Libyan ArabJamahiriya) case the Court did
not appear to me to suggest any rule for the delimitation. In suggesting a
line of delimitation, the Court did not apply any persuasive reasoning but
rather put forward certain whimsical ideas. For example, in the Judgment
it stated that the first sector of the dividing line should veer at -
"the point of intersection with the parallel passing through the most
westerly point of the Tunisian coastline between Ras Kaboudia and

Ras Ajdir, that is to Say,the most westerlypoint on the shoreline (low
water-mark) of the Gulf of Gabes" (I.C.J. Reports 1982, p. 94,
para. 133C. (2)).
On this point, 1stated in my dissenting opinion :

"1 suggest that, if the configuration of the area is looked at from a
position and angle different from the traditional north-south/west-
east view, it willimmediately be apparent that the suggested veering
point has no special relationship with the most westerly point in the
Gulf of Gabes. Unless there is specificagreement between the Parties
to attach special significance to parallels or meridians, it is surely a
serious error in delimitation to treat them as anything more than
convenient linesof reference for descriptive purposes." (Ihid, p. 268,

para. 178.)
73. (Misapplication of "half-effect" in the second sector.)Furthermore,
the Court suggested that the second sector was -

"to run parallel to a line drawn from the most westerly point of the
Gulf of Gabes bisecting the angle formed by a line from that point to
Ras Kaboudia and a line drawn from that same point along the
seaward coast of the Kerkennah Islands, the bearing of the delimi-
tation line parallel to such bisector being 52" to the meridian" (ihid,
p. 94, para. 133C. (3)).

On this point 1stated
"Why should this segment of the line be parallel with the coast of
Tunisia rather than the coast of Libya ? In any case, a line in parallel

to the coastline can appropriately be used for the outer limit of
maritime zones, but not for the lateral or common boundaries of the
zones of adjacent or even opposite States. If a geometrical method of
delimitation suchasa parallel to the bisector of the angle made byone
line drawn from the most westerly point of the Gulf of Gabes to Raslespossibilitésdela règle <<équidistance-circonstances spéciales tout en
faisant de la ((proportionnalité et du (demi-effet des îles un usage
hasardeux.

1. L'arrêtde 1982 en l'affairedu Plateau continental
(Tunisie/ Jamahiriya arabe libyenne)

72. (Choix arbitraire du point d'infléchissement.)Dans son arrêtde
1982en l'affairedu Plateau continental (Tunisie/Jamahiriyaarabe libyenne),

la Cour n'a, me semble-t-il, proposé aucune règle de délimitation. Nul
argument convaincant n'y est invoqué à l'appui de la ligne choisie, mais
seulement quelques idées dénuéed se sérieux.Par exemple,selon l'arrêt,le
premier secteur de la ligne de délimitation doit s'infléchirau

< <oint leplus occidental de la côte tunisienne entre Ras Kapoudia et
Ras Ajdir, à savoir le point le plus occidental de la ligne de rivage
(laisse de basse mer) du golfe de Gabès )(C.I.J. Recueil 1982,p. 94,
par. 133 C 2).

Or, commeje le disais dans mon opinion dissidente :
(J'estime qu'ilsuffit d'envisager laconfiguration de la région d'un

autre point de vue et sous un autre angle que ceux de l'optique
traditionnelle nord-sud/est-ouest pour comprendre tout de suiteque
l'infléchissementproposén'a aucun lien spécial avecle point le plus
occidental du golfe de Gabès. A moins que les Parties ne soient
expressément convenues d'attacher une importance spéciale aux
parallèles ou aux méridiens,c'est assyrémentune grave erreur, dans
une affaire de délimitation, que d'yvoir plus que des lignes de réfé-
rence commodes à des fins descriptives.))(Ibid., p. 268, par. 178.)

73. (Erreur d'application du (<demi-effet ))dans le deuxième secteur.)
De plus, d'après l'arrêtl,e deuxième secteur doit être :

(<parallèleà une ligne tracée àpartir du point le plus occidental du
golfe de Gabès et constituant la bissectrice de l'angle formépar une
ligne reliant ce pointà Ras Kapoudia et une autre ligne partant du
mêmepoint et longeant la côte des Kerkennah du côtédu large, de
sorteque la lignede délimitationparallèle à ladite bissectrice formera

un angle de 52" avec le méridien ))(ibid., p. 94, par. 133C 3).
Sur ce point, je m'exprimais comme suit :

((Maispourquoi cesegmentde laligneserait-ilparallèle à la côtede
la Tunisie plutôt qu'à celle de la Libye?Et d'ailleurs, s'ilest légitime
de prendre un ligneparallèle à la côtepour tracer la limite extérieure
des zones maritimes, on ne peut le faire pour la limite latérale, ou
commune, des zones qui relèvent d'Etats limitrophes, ou même

d'Etats dont les côtes se font face. Si l'on voulait appliquer une
méthodegéométrique dedélimitationconsistant à tracer une parallèle Kaboudiaand another to the seaward coast of the Kerkennah Islands
is to be used, why should not this idea of bisecting angles have been
applied for drawing the first segment of the boundary ?" (I.C.J.
Reports 1982,pp. 268-269, para. 179.)

Integral with the above anomaly is the thorough rnisunderstanding of the
"half-effect" allowed to dependent islands, as first applied by the 1977
Decision in the Anglo-French Arbitration. In that case, half-effect was
given to the ScillyIslesin order to determine the notional coastline for the
United Kingdom and thus prepare thewayfor an acceptable bisecting line,
that is, an equidistance line between the coast of France and the rectified
coast of the United Kingdom. The 1982Judgmentdeparted crucially from
the 1977precedent. Admittedly, it similarly made use of "the 'half-effect'
or 'half-angle' "technique (I.C.J.Reports1982,p. 89,para. 129)in order to
modify itsimaginary reference baseline on the Tunisian side soas to make
what it regarded asproper allowancefor theKerkennah Islands. Thisitdid

in the context of a finding that a situation had nearly been produced in
which the position of an equidistanceline had become a factor tobe given
more weight (ibid.,p. 88,para. 126).Yet, despite this, it did not apply the
result of the half-effect in order to determine any median line between
opposite coasts but proceeded to consecrate a parallel to that adjusted
baseline as the second segment of the delimitation,just as if the Court had
been asked to determine an outer limit of one party only rather than a
common lateral boundary. France would have gained considerably had
this method been followed in 1977.

2. The 1984Judgment of the Chamber in the
Delimitation of the Maritime Boundary in the
Gulf of Maine Area case

74. (Rough description of the area.) The principle of non-principle
seems to have been repeated in the Judgment given in 1984by a special
Chamber :the first such chamber ever set up in the 40-year history of the
Court. The Judgment in the Gulfof Maine case begins by defining the
delimitation area in a very equivocal geographical context. According to
the Judgment (I.C.J. Reports 1984,pp. 268-270,paras. 29-34),the Gulf of
Maine, having "roughly" the shape of an elongated rectangle, or taking
"the form of a large, roughly rectangular indentation", consists of four
side-lines :

line(i): this line is not clearly defined, but seems to represent "the general
south-southeast/north-northwest direction of the Massachusetts coast
abutting on the Gulf of Maine", starting from Nantucket Island ;

line (ii: the coast of Maine "from Cape Elizabeth to the international à la bissectrice de l'angle formé par la ligne reliant le point le plus
occidental du golfe de Gabès à Ras Kapoudia et la ligne partant du
mêmepoint et longeant la côte des Kerkennah du côté du large,
pourquoi ne pas avoir retenu la mêmeidée - construire la bissectrice
d'unangle - pourle premier segment delaligne ?(C.I.J. Recueil1982,
p. 268-269,par. 179.)

Cette anomalie est à rapprocher de l'interprétation totalement erronéedu
<<demi-effet >) reconnu aux îles dépendantes, selon le modèle appliqué
pour la première foisdans l'arbitrage franco-britannique de 1977.Dans
cette affaire, le tribunal arbitral avait attribué un demi-effet aux Sor-

lingues pour déterminerle littoral hypothétique du Royaume-Uni et cal-
culer ainsi une bissectrice acceptable, c'est-à-dire une ligne d'équidistance
entre les côtes françaises et les côtes britanniques rectifiées.Or, l'arrêtde
1982s'écartedu précédentde 1977de façon radicale. Sans doutela Cour
y utilise-t-elle aussi la technique du <demi-effet ou du <demi-angle >)
(C.I.J. Recueil1982,p. 89,par. 129)pour modifier la ligne de base imagi-
naire du côtétunisien et tenir ainsi compte desîles Kerkennah comme elle
lejuge approprié, vu sa constatation qu'en l'occurrence la position d'une
ligne d'équidistance pèserait plus qu'ellene le fait normalement (ibid.,

p. 88, par. 126).Malgré cela,cependant, elle n'applique pas le demi-effet
pour déterminer uneligne médianeentre côtes opposées, mais entreprend
de choisir une parallèle à cette ligne de base ajustée comme deuxième
segment de la délimitation, tout comme s'il lui avait étédemandé de
tracer la limite extérieurede l'une des Parties seulement, et non pas une
délimitationlatéralecommune. La France auraitbeaucoup gagné àl'appli-
cation de cette méthode en 1977.

2. L'arrêtrendupar la Chambre en 1984
dans l'affaire de la Délimitation de la frontière maritime
dans la régiondu golfe du Maine

74. (Définitionapproximative de la région.) Leprincipe du non-prin-
cipe sembleréaffirmédans l'arrêt rendupar une chambre spécialeen1984
- la premièrechambre de ce genre àavoir été jamais constituéedepuis la
créationde la Cour, il y a quarante ans. L'arrêt renduen l'affaire du Golfe

du Maine commence en effet par définir larégion à délimiteren termes
géographiquesfort vagues. Selon l'arrêt(C.I.J. Recueil 1984, p. 268-270,
par. 29-34), le golfe du Maine a «grosso modo» la forme d'un rectangle
allongé,constituant <(une vaste échancruregrossomodorectangulaire >),et
son pourtour se compose de quatre lignes i

ligne i): cette ligne n'est pas clairement définie, mais semble représen-
ter <la direction généralesud-sud-est/nord-nord-ouest de la côte du
Massachusetts donnant sur le golfe du Maine ))à partir de l'île de
Nantucket ;

ligneii): la côte du Maine <du cap Elizabeth à la frontière internationale 166 CONTINENTAL SHELF (DISS.OP. ODA)

boundary between [the two Parties] which terminates in the Grand
Manan Channel" ;

line(iii):"the imaginaly line which runs from the internationalboundary
terminus across the Canadian island called Grand Manan Island to
Brier Island and Cape Sable at the two extremities of Nova Scotia" ;

line(iv) :"an imaginaryline drawn across from the southeastern point of
Nantucket Island, to Cape Sable, at the southwestern end of Nova
Scotia", which the Parties had agreed as "the seaward 'closing line'of
the Gulf of Maine".

Infact, in thisroughlyrectangular shape, side-line(ii)isnot connected with
side-line(i),leavingnearlya 60-milegap between the two side-lines,which
forms thebase of a triangle at that corner. Yet, accordingto theJudgment,
the "quasi-" parallelism is "striking". Side-line(iii),which is "imaginary",
is parallel with the Coastof Nova Scotia, which, "almost" opposite to the
internationalboundary terminus, swings "sharply" in an "overall" south-
southeasterlydirection at "almost" a right angle. In fact this is an angle of
about 98" to side-line (ii), as the Judgment indirectly - and perhaps
without noticing itsimplication - suggestsat another place (para. 213).In

such an imaginary area of "the form of a large, roughly rectangular
indentation", the Judgment attempted to suggest a concrete delimitation
line which in my viewhas no rational or convincing justification.

75. (Non-bisecting first segment.) Starting from Point A, which had
been agreed upon by the Parties, and which is a point equidistant from
their respectivecoasts as thisisapoint on the lineclaimed byCanada as an
equidistance line (this geographical fact is what the Chamber does not
want to admit), the first segment of the line drawn is a bisector of side-line
(ii) and the "imaginary" side-line (iii) (in spite of the complicated expla-
nations given in paragraph 213 of the Judgment, the suggested line is

simply a bisector at Point A of the angle between lines parallel to the two
"basic" coastlines, as mentioned above). A line drawn as a bisector of the
angle between twobasic lineswill, inprinciple, represent the equidistance
line, but only on condition that it.starts from the apex. In the case of the
Gulf, however,the linedoes not start from the intersection of the baselines
but from Point A, which does not have any relevance to the apex forming
the angle of the two coastlines. How could the Chamber have

"believe[d] that this practical method combines the advantages of
simplicity and clarity with that of producing . ..a result which is
probably as close as possible to an equal division of the. ..area
to be delimited" (I.C.J. Reports 1984, p. 333, para. 213 ; emphasis
added),

ifPoint A, though agreed by the Parties, is nothing but an arbitrary point
without any geographical significance? If the bisecting line of the two
coasts had started, as might have been reasonable, from the centre of the entre ... [les deux Parties], qui a son point terminal dans le chenal

Grand-Manan ));
ligneiii): <laligneimaginairequi,entraversant I'îlecanadienne de Grand-
Manan, unit lepoint terminal de la frontière internationale àl'îleBrier

et au cap de Sable, aux deux extrémitésde la Nouvelle-Ecosse ));
ligne iv): <<une ligne imaginaire unissant par-dessus les eaux l'extrémité
sud-est de l'îlede Nantucket au cap de Sable, à l'extrémité sud-ouest de

la Nouvelle-Ecosse )),où les deux Parties étaient d'accord pour situer
(la <<ligne de fermeture ))du golfe du Maine vers l'extérieur )).

En fait, dans cette configuration grossomodorectangulaire,lecôtéii) n'est
pas relié aucôtéi), car il reste entre les deux un intervalle de près de
60milles,qui formela base d'untriangle.Pourtant, selonl'arrêtl,e (quasi >)-
parallélisme est <(frappant )).Le côtéiii), <<imaginaire O, est parallèle à la
côtede laNouvelle-Ecosse,etcette côte,située a presque )en facedupoint

terminal de la frontièreinternationale, <(s'incurvefranchement ))en direc-
tion <(globale )sud-sud-est, à angle (<quasiment 1)droit. IIs'agiten réalité
d'un angle d'environ98" par rapport au côtéii), comme l'arrêtl'indique
par ailleurs(par. 213)de façon indirecte,et sans peut-êtreen voirles consé-
quences. Dans cette région imaginaire, ou <<vaste échancruregrossomodo
rectangulaire )>,la Chambre propose une ligne de délimitation concrète

qui ne se réclame, selon moi,d'aucune justification rationnelleou convain-
cante.
75. (Le premier segment n'estpas une bissectrice.)A partir du point A,
fixéd'un commun accord par les Parties, et qui est équidistant de leurs
côtes respectives,puisqu'il setrouve sur la ligne d'équidistanceque reven-
diquait le Canada (c'est cefait géographiqueque la Chambre ne veut pas

admettre), le premier segment de la ligne tracée estla bissectrice entre le
côtéii) et le côté ((imaginaire ))iii):malgré lesexplications compliquées
donnéesau paragraphe 213 de l'arrêt, la ligneproposéeest une simple
bissectrice au point A de l'angle formépar les lignes parallèles aux deux
côtes << de base D, indiquées plus haut. Mais, si une ligne tracéecomme
bissectrice de l'angle formé par deux lignes de base doit en principe

représenterla ligne d'équidistance,il faut pour cela qu'elleparte du som-
met. Or,dans lecas du golfedu Maine, la lignene part pas de l'intersection
deslignesde base, mais du point A, qui est sansrapport aveclesommet de
l'angle formé par les deux côtes. Comment se peut-il alors que

(la méthode pratique ainsi utilisée ...[réunisse],de l'avis de la
Chambre, l'avantagede la simplicitéet de la clarté à celui de produire
..un effet qui est vraisemblablement le plus proche possible de celui

d'une division par parts égalesde la ...zone à délimiter (C.I.J.
Recueil 1984, p. 333, par. 213 ; les italiques sont de moi),

puisquelepoint A, bien que fixéd'uncommun accord par les Parties, n'est
qu'un point arbitraire et dépourvude touteimportance géographique ? Si
lalignebissectrice desdeuxcôtes avait commencé, commecelaaurait paruGulf, this linewould certainlyhave been different from the suggested line,
but shouldhavebeen thebisectinglinereaching to theapex,in other words
the international terminus point, but not to Point A. 1am not suggesting
thatthe dividinglineshould not havestarted from PointA, whichhad been
agreedupon by the Parties. Yet if the line had to start from Point A, which

did not have any role in forming the angle between the twocoastlines, the
bisecting line from that point would not possess the special properties
ascribed to it.

76. (Trifling with geography for the second segment.) The Judgment
errsfurther in its suggestionof the second segmentof the delimitation line.
Considering the "quasi-parallelism" betweenthe lines of the Massachu-
setts coast andthe coast ofNova Scotia (ths timenot side-lines (i)and (iii)
but a line linking the promontory of CapeAnn to the elbow of Cape Cod
and a linejoining up Brier Island and Cape Sable), both being "practi-
cally" parallel coasts, a median line is considered first but only for the
purpose of determining the orientation of the delimitation line. A correc-
tion isthen suggested to shift the intersection of this median line with the
location line drawn across the Gulf where the coasts of Nova Scotia and
Massachusetts (this time, not the opposite sides of the "imaginary rec-
tangle") are nearest to each other, considering (a) the total length of the
United States coastline "as measured along the coastal fronts from the
elbow of Cape Cod to Cape Ann, from Cape Ann to Cape Elizabeth. and

fromthelatter to theinternationalboundary terminus" (ibid.,p. 336.para.
22 1)(approximately 284miles),and (b)"the overalllengthof theCanadian
coastline,as similarlycalculated along thecoastal frontsfrom the terminal
point of the international boundary to the point on the New Brunswick
coast offwhichthere ceaseto beanywatersin the bay moredistant than 12
miles from a low water-line ... then from that point across to the corre-
spondingpoint on the Nova Scotian coast ...thence to Brier Island. and
from there to Cape Sable" (ibid.) (approximately 206 miles). The ratio
between the coastal fronts of the United States and Canada as thus mea-
sured is 1.38to 1.Hence the median line, so as to reflect this ratio. could
have beenshifted along the shortest linecrossing the Gulf wherethecoasts
ofNova Scotia and Massachusetts are nearest toeach other. that is.apoint
near the northeastern tip of Cape Cod and Chebogue Point. Nova Scotia.
But the Chamber further corrected this point soasto take into account the
presenceoff Nova Scotiaof SealIsland and certain isletsin itsvicinity.Seal
Island beinggiven "half-effect". Half-effect inthiscase meant that a length
of 7.1 17metres, namely, half of the distance between the southwestern

point of SealIsland and themain coast of Nova Scotia.should be added to
the Canadian portion of the location line. Thus the dividing point on the
location line isfixed intheratio of1to 1.32.In my view.however. thisratio
does not reflect the ratio of even the "imaginary" coastline of both coun-
tries,that is. 1to 1.38.becausea factor ofa totally different nature isherein
introduced.This second segment starts where itmeets the first segment.in
other words Point B. The second segment. according to the Jud, ornent.raisonnable, au centre du golfe, sans soute aurait-elle été différentede la
ligne proposée ; mais elle aurait étéla bissectrice aboutissant au som-

met, en d'autres termes au point extrêmede la frontière internationale, et
non pas au point A. Je ne veux pas dire que la ligne de partage n'aurait
pas dû partir du point A, que lesPartiesavaientfixéd'un communaccord.
Mais, si la ligne devait partir du point A, qui ne jouait aucun rôle dans
la construction de l'angle entre les deux côtes, la bissectrice tracée à
partir de ce point ne pouvait posséder les caractères spéciaux qu'onlui
attribuait.
76. (Libertés prises avec la géographiedansle deuxièmesegment.) La
Chambre se trompe encore quand elle définitle deuxièmesegment de la
lignededélimitation.Etant donnéle (<quasi-parallélisme ))entre leslignes

de côte du Massachusettset de la Nouvelle-Ecosse(ilne s'agitplus icides
côtési) et iii)maisd'une lignereliant lepromontoire du cap Ann au coude
du cap Cod et d'une ligne reliant l'île Brier au cap de Sable), qui sont
décritescomme (<pratiquement )parallèles,la Chambre commence bien
par envisagerune lignemédiane,mais seulementpour déterminerla direc-
tiondelalignededélimitation.Puiselleenvisageunecorrectionconsistant
à déplacer l'intersectionde cette ligne médiane et d'une ligne reliant à
travers le golfe les points où les côtes de la Nouvelle-Ecosse et du Mas-
sachusetts (et non pas cette fois les côtés opposés du (<rectangle imagi-

naire )))sont lesplusproches l'unedel'autre,enprenant enconsidération :
a)la longueurtotale descôtesdesEtats-Unis mesuréelelongdesfaçades
côtièresdu coudedu cap Cod au capAnn, du cap Ann au cap Elizabethet
de celui-ci au point terminal de la frontière internationale (ibid.,p. 336,
par. 221) (environ 284milles marins) ; b) (<la longueur totale des côtes
canadiennes, mesuréed'une manièreanaloguelelongdesfaçadescôtières
du point terminal de la frontière internationale au point sur la côte du
Nouveau-Brunswick où il n'y a plus, dans la baie, d'étendues maritimes
dépassantles 12milles à partir de la laissede basse mer ...puis de cepoint
au point correspondant sur la côte de la Nouvelle-Ecosse ...et ensuite de

ce point à l'île Brieret de l'île Brier au cap de Sable (ibid.) (environ
206 millesmarins). La proportion entre les façades côtières desEtats-Unis
etdu Canada, ainsidéfinies,estde 1,38à 1.Pour tenircomptedecerapport,
lalignemédianeaurait pu êtredéplacéesu lrlignereliant à travers legolfe
lespoints où les côtes de la Nouvelle-Ecosse et du Massachusettssont les
plusprochesl'une de l'autre,c'est-à-direun point situéprèsde l'extrémité
nord-est du cap Cod et, en Nouvelle-Ecosse,la pointe Chebogue. Mais la
Chambreprocède àunecorrection supplémentairepour tenircompte dela
présence,devantlescôtesdela Nouvelle-Ecosse,del'île Sealet decertains

îlots, et elle donne à cette île un demi-effet. Le demi-effet, dans ce cas
particulier, signifie qu'une distance de 7117mètres, c'est-à-dire la moitié
de la distance entre l'extrémité sud-ouestde l'île Seal et la côte de la
Nouvelle-Ecosse, est ajoutée ducôtécanadien de la ligne, qui se trouve
ainsi divisée selon unrapport de 1 à 1,32.Encore ce rapport ne traduit-il
pas, selonmoi, lerapport entre lescôtes (<imaginaires desdeuxpays,qui
est de 1 à 1,38,vu que la Chambre fait intervenir un facteur de nature "though it may be the shortest, will certainly be the central and most
decisivesegment for the whole delimitation line". This certainly is true. 1
simplywant to Say,however,that 1donot seehow the drawing of this short
line, reflecting the ratio of the two long coastlines, can really divide the
continental shelf of the Gulf of Maine. It is difficult to find anyjustifiable
reasoning reflecting equity in drawing such a second segment. In my view,
theline thus shifted cannot be a "corrected median line" in any senseat all,
and in addition the Chamber seems to fail to understand the "half-effect"
of an island, first suggestedin the 1977Decision. Evenmore radically than
that of 1982,the Gulfof Maine Judgment departs from that Decision in its
use of "half-effect", which is no longer related to drawing any bisector or
median line but is simply used to confirm the sliding point on the line

connecting the northeastern tip of Cape Cod and Chebogue Point. Per-
sonally,1amat alossto understand what theJudgment wastrying to prove
by thisreference to "half-effect". At any rate, the half-effect of an island as
referred to in the 1977 Decision for the purpose of rectifying the bases for
the equidistance line (= bisector) would appear to have been either
misunderstood or misapplied.

77. (Groundless division of the area off the Gulf.) The third segment
startingfrom Point C,thepoint where the extension of the second segment
meets the closingline of the Gulf of Maine (connecting Nantucket Island
- not Cape Cod this time - and Cape Sable)is alineperpendicular to that

closing line. Thus the area off the Gulf of Maine is divided between the
United Statesand Canadafar more favourably for the United States than
forCanada, sinceit reflects the ratio of the respectiveoverallcoastlines of
both countries in theGulf, which in my viewcannot have any relevance to
the area outside the Gulf of Maine.
78. (Lack of reasonable and objectiveanalysis.)After having examined
with great care the line of delimitation drawn in and off the Gulf of Maine
by the Chamber, 1 feel bound to Say that the Chamber has created an
impression ofjustice which has insufficient foundation in reasonable and
objective analysis. It is not underpinned by any legallyjustifiable postu-
late. 1share the view of-Judge Gros, when he properly stated that -

"[Ilt is a fact that the present Judgment essentially chimes with the
standpoint taken by the Court in 1982.The effects of this marked
change ofstance inconventional lawandjurisprudence form themain
reason for mydisagreement with the majority of the Chamber regard-
ingthe solution to the problems raised by the present case. 1said at the
time why 1 considered that the 1982Judgment had'taken a wrong
turning (I.C.J. Reports 1982, dissenting opinion, pp. 143-156) ; the
Court's deviation could have been mitigated by a decision of the totalement différente. En effetledeuxièmesegmentcommenceaupoint de
jonction avec le premier segment, autrement dit au point B.Ce deuxième
segment, suivant l'arrêt, est (le plus court peut-être, mais à coup sûr le
segment central et le plus déterminant de l'ensemble de la délimitation )).
Lachoseestcertainement vraie. Jeferai seulement remarquerqu'on ne voit
pas comment letracéde cettecourte ligne,correspondant au rapport entre

deux longues façades côtières, peut véritablement partager le plateau
continental du golfe du Maine. Il est extrêmement difficilede trouver un
raisonnementjustifiant en équitéle tracéde ce deuxième segment. A mon
avis,la ligneainsi déplacéen'arien à voir avecune lignemédianecorrigée,
et,de plus,la Chambre sembleavoirmalcompris cequ'estle (<demi-effet
des îles, tel qu'il avaitétéutilisépour la première foisdans la décisionde
1977.L'arrêt rendudans l'affairedu GolfeduMaine s'écartemêmede cette
décisionde manière encoreplus radicalequel'arrêtde 1982,dans lamesure

où le <(demi-effet ))n'y sert pas à tracer une bissectrice ou une ligne
médiane, mais simplement à justifier le glissement d'un point sur la ligne
joignant l'extrémité nord-estdu cap Cod et la pointe Chebogue. Person-
nellement, je n'arrive pas à comprendre ce que la Chambre essayait de
prouver en invoquant le demi-effet o.En tout étatde cause, ledemi-effet
desîles,telqu'ilintervenait dansla décisionde 1977pour rectifier lesbases
de la ligne d'équidistance (=bissectrice) semble avoir été mal compris ou
mal appliqué.

77. (Division arbitraire du secteur extérieur.) Le troisième segment,qui
partdu point C,où leprolongement du deuxièmesegmentcoupe lalignede
fermeture du golfedu Maine(tracéeentre l'îlede Nantucket - etnon cette
fois le cap Cod - et le cap de Sable),est une ligne perpendiculaire à cette
ligne de fermeture. Dans ces conditions, le partage du secteur extérieur
favorise considérablement les Etats-Unis, car il tient compte du rapport
entre lesfaçades côtières respectivesdesdeuxpays dans legolfe - rapport
qui, à mon avis, est dénuéde pertinence pour le secteur extérieur.

78. (Absence d'analyse rationnelle et objective). Un examen attentif de
la ligne de délimitation tracée à l'intérieurdu golfe du Maine et dans le
secteur extérieurdu golfeme conduit à affirmer que l'arrêtde la Chambre
donne une impression dejustice qui ne repose sur aucune analyse ration-
nelle ou objective. Cette décisionn'est fondée sur aucun postulat justi-
fiable en droit. Je partage sur ce point l'avis exprimépar M. Gros dans

son opinion :

(C'est encore un fait que le présentarrêtrejoint pour l'essentiel
l'opinion de la Cour en 1982. Ce sont les effets de ce revirement
conventionnel et jurisprudentiel qui constituent la raison essentielle
de mon désaccord avecla majorité de la Chambre sur la solution
donnéeaux problèmes poséspar la présenteaffaire. J'ai dit en son
temps pourquoi il me semblait que l'arrêtde 1982s'était engagé sur
unevoieerronée(C.I.J. Recueil1982,opinion dissidente,p. 143-156) ;

lerevirement de la Courpouvaitêtreatténué par une décisionde cette present Chamber in a dispute whch had al1the elements needed to
strengthen rather than erode the law on the delimitation of maritime
expanses,but thisopportunity has been rnissed." (I.C.J. Reports1984,
pp. 361-362,para. 3.)

3. Conclusion

79. On looking at these two Judgments of 1982and 1984,one derives
theimpressionthat theCourt,without beingaware of theproper context of
the concepts of proportionality and half-effect of an island, is simply
trifling with them by suggesting a product of its imagination which it has
mistaken for equity. First, the concept of "proportionality" which had
been mentionedin the specificcircumstances of the North Sea Continental
Shelfcases was overgeneralized in these two Judgments. In order to speak
of "proportionality" between the area and length of thecoast it isgically
unavoidable to assume in advance the relevant areas and relevant coast-
lines with which only the Partiesin dispute are concerned.The Court did
not show itself sufficiently aware of its arbitrariness in assuming the
relevant coasts and areas without any decisive warrant. Secondly, both
Judgments were mistaken in relying on the concept of "half-effect" of an
island, which was employed for the first time in the 1977Decision, where
"half-effect" was given in considering to what extent an island should be

counted as a basis of calculation for drawing an equidistanceline, but not
for the purpose of replacing the very concept of equidistance.

CHAPTER IV. SUGGESTED LINE OF DELIMITATION

80. While the "equidistance/special-circr uuls,tsnacrule"of
international customary law,shouldapplyinthis case,1would suggestthat
the existence of the island of Filfla constitutes a special circumstance
because of its size,locationand limitedfunction, thus beingexcluded from
the measurement of the equidistancebetween Malta and Libya. Ignoring
the island of Filfla, the equidistance line may be drawn between the
Maltese and Libyan coasts. The chart attached for illustration purposes
indicates an idea of what the delimitationlineshould be.Attention should
be drawn to the fact that theline is drawn as far as its intersection with the
equidistanceline between Italy and Libya. The portion of the linextend-
ingbeyond its intersection with thelineconnectingtheoutermostpoints of

the Maltese and Libyancoasts,in their opposite relationship, is indicated
by a dotted line. 1must emphasizethat 1have no intention whatever of
implying that the equidistance line on the chart which Malta shares with
Italy definitivelyivides the area between those States. Referring to my
dissenting opinion in Italy's application to intervene in this case, 1must
repeat my regret that Italy's intervention was not admitted, but, if it be
borne in mind that the Court is of the view that the interests of the third PLATEAU CONTINENTAL (OP.DISS.ODA) 169

Chambre dans un différendoù leséléments nécessaireé staientréunis
pour renforcer le droit de la délimitation des grands espaces mari-

times au lieu de l'affaiblir.Il n'en a rien été .)(C.I.J. Recueil 1984,
p. 361-362, par. 3.)

3. Conclusion

79. L'étudedes arrêtsde 1982et 1984donne l'impression que la Cour,

méconnaissant lasignificationvéritablede lanotion deproportionnalité et
de celle de(<demi-effet >)utilise ces notions de manière superficielle afin
de faire passer pour équitableun simple produit de sonimagination. En ce
quiconcerne la notion de (<proportionnalité )>que la Cour avait invoquée
dans lecas particulier desaffaires du Plateau continentaldelamerduNord,
elleestgénéralisédee manièreexcessivedans cesdeux arrêts.Pour pouvoir

parler de(<proportionnalité 1entre lazoneet leslongueurs de côte,ilesten
bonne logique indispensable de définirau préalableles zones et les côtes
qui sont pertinentes pour les seulesparties en présence.La Cour est donc
tombéedans l'arbitraire en retenant des hypothèses mal fondéessur les
limitesdescôteset deszonespertinentes. Quant au (<demi-effet ))lesdeux
arrêtsfont une utilisation erronéede cette notion, employéepour la pre-
mière foisdans la décisionde 1977,où le tribunal arbitral avait donnéun

(demi-effet àune île pour le tracé d'uneligne d'équidistancee,t non pas
pour substituer cette notion nouvelle à la notion même d'équidistance.

CHAPITRE IV. LIGNE DE DÉLIMITATION SUGGÉRÉE

80. Je pense que la règle (<équidistance-circonstances spéciales O, règle
du droit international coutumier, devrait s'appliquer en l'espèce,étant
entendu que l'existencede l'îlede Filfla, vu la taille de cette île, saposition
et sonutilitélimitée,estune circonstance spécialequidoit exclureladiteîle
des calculs d'équidistance entre Malte et la Libye. Si l'on écartel'île de

Filfla, on peut tracer la ligne d'équidistanceentre les côtes maltaises et
libyennes. La carte jointe à titre d'illustration donne une idéede ce que
serait cette ligne de délimitation. On remarquera que la ligne est tracée
jusqu'à son intersection avec la ligne d'équidistance entre l'Italie et la
Libye. La partie de la ligne qui s'étend au-delàde son intersection avec la
ligne reliant les points extrêmes des côtes maltaiseset libyennes opposées

estindiquéeenpointillé.J'ajoute quejene considèrenullementquela ligne
d'équidistanceindiquée sur la carte entre Malte et l'Italie constitue une
divisiondéfinitivedelazoneen questionentre cesEtats.Meréférant à mon
opinion dissidente jointe à l'arrêt surla requête à fin d'intervention de
l'Italie, je regrettà nouveau que l'intervention de l'Italie n'ait pas été
autorisée, mais, vu que selon la Cour les intérêtsdes Etats tiers sont
protégéspar l'article 59 du Statut, la ligne de délimitationqueje suggèreparty are protected by Article 59 of the Statute, this suggested line of
divisionbetween Libya and Malta wouldsimply mean that neither of these
Parties is entitled to claim against the other the area beyond that line.
Whether some areas where this suggested delimitation line extends may
properly be claimed by Tunisia or Italy will be another problem.

(Signed) Shigeru ODA. PLATEAU CONTINENTAL (OP. DISS. ODA) 170

entrela LibyeetMaltesignifieraitsimplement queleszonessituéesdepart

et d'autre de cette lignene peuvent êtrerevendiquéespar l'une des Parties
contre l'autre. Les revendications que la Tunisie ou'Italie pourraient
formulersurcertaines zonesoùpénètrecettelignededélimitationsontune
autre question.

(Signé S)higeruODA. CARTE JOINTEÀ L'OPINION DE M. ODA

- La ligne que je suggère - Lignes convenues par les Etats intéressés
. - Lignes d'équidistance MT, ML Lignes définiesau paragraphe 80
de mon opinion

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Opinion dissidente de M. Oda (traduction)

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