Opinion individuelle de M. Valticos

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068-19850603-JUD-01-05-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. VALTICOS

1. Tout en souscrivant dans l'ensemble à l'arrêtci-dessus, je désire
préciserma position, notamment au sujet de certains points qui ont mon
plein accord, mais aussi de sérieusesréserves queje tiens à formuler en ce
qui concerne une partie du raisonnement et des conclusions finales.

2. En ce qui concerne, tout d'abord, la tâche de la Cour, je peux com-

prendre la position de celle-cisur la question des Etats tiers compte tenu
spécialementde ce que la Cour avait indiquédans la décisiondu 21 mars
1984par laquelle elleavait rejetéla requêtede l'Italieà fin d'intervention.
Ce faisant, il convient de souligner, d'une part, les circonstances particu-
lièresd'une telle décision et,d'autre part, le fait que, dans leprésent arrêt,
la Cour a bien préciséque la décision<< restreinte))àlaquelle ellea abouti
pour tenir compte des intérêtsde l'Italie ne signifie pas

<<que lesprétentions formuléespar l'une ou l'autre des Partiessurdes
étenduesde plateau continental extérieures à la zone soient tenues

pour injustifiées))(par. 21).

Ce sontdes questions que Malte et la Libye pourront donc examiner avec
l'Italie en vue d'aboutir à une délimitation de leurs zones respectives
éventuellesau-delà de la zone << restreinte))sur laquelle porte la présente
décision.

3. S'agissantdu fond du problème,je tiens à souligner mon plein accord
avec le point de vue de la Cour d'après lequel :

<<du moment que l'évolutiondu droit permet à un Etat de prétendre
que leplateau continental relevant de luis'étendjusqu'à 200millesde
ses côtes, quelles que soient les caractéristiquesgéologiquesdu sol et
du sous-solcorrespondants, il n'existeaucune raison defairejouer un
rôle aux facteurs géologiquesou géophysiquesjusqu7àcette distance,
que ce soit au stade de la vérificationdu titre juridique des Etats

intéressésou à celui de la délimitation de leurs prétentions ))
(par. 39). Cette conclusion est particulièrement importante et marque l'aboutisse-
ment, surcepoint, del'évolutiondu droitde lamer au cours delapériodela
plus récente.Il serait inutile de reprendre ici l'argumentation invoquéeà
cet effet. Il suffira de rappeler le critère consacrépar l'article 76, para-
graphe 1,dernière phrase, de la convention de 1982sur le droit de la mer
qui,comme l'indique la Cour (par. 27), ((revêtune importance majeure D.
Le déclindes caractéristiques physiques du plateau continental qu'en-

traîne la règle précitéedes 200 milles et l'importance accrue accordée
aux éléments géométrique sistance ou adjacence à la mer) ont modifié
dans ce sens la notion de (prolongement naturel )>,tant, du moins,
qu'on se trouve dans les limites des 200 milles de chaque côte. La Cour
et lesjuridictions arbitrales s'étaientdu reste déjàéloignéesdes critères
géologiques et géomorphologiques, alors que la pratique des Etats
(à une exception près, celle,fréquemment citée,du détroitde Timor) a
constamment étéde ne pas tenir compte des accidents physiques du
terrain sous-marin dans la conclusion des accords bilatéraux de délimita-

tion.
D'ailleurs, puisque la délimitation doit se faire selon des principes
équitables,y aurait-ilcritèremoins équitableque celui qui ferait dépendre
les relations entre Etats et parfois leur prospérité deshasards de la con-
figuration du fond des mers et de l'importance, parfois contestée, des
fosses ou autres accidents formés il y a plusieurs millions d'années à
quelques centaines ou milliers de mètresde profondeur ?Si les frontières
naturelles répondentparfois à d'importantes raisons sur terre, où ellesont
pu marquer, façonner et circonscrire la vie desnations, ont-elles vraiment
une signification au fond des mers où ellespeuvent entraîner incertitude,

injustice et contestations? Ce sont là, avec le souci d'égalité desEtats
côtiers, autant de raisonsàl'appui des règlesactuellesexcluant lescritères
géophysiquesdesopérationsdedélimitation à effectuer dans leslimitesdes
200 milles.

4. LaCour a donc eu parfaitement raison de considérer(par. 39)que la
zone d'effondrement )>ne constitue pas une discontinuitéfondamentale
interrompant, comme une sorte de frontière naturelle, l'extension du pla-
teau continental maltais vers le sud. Elle était d'autant plus justifiéeà

rejeter l'argumentation libyenne de lazone dited'effondrement qu'enplus
de son défaut de bien-fondé endroit il n'a pas non plus pu êtreétablide
manière convaincante qu'une discontinuitéfondamentale de cette nature
existait en fait, les témoignages scientifiques contradictoires qu'elle a
entendusayant,pour dire le moins, laissésubsister un doute sérieux à cet
égard (voirarrêt,par. 41).

5. Je suis ainsi amené à deux points fondamentaux au sujet desquelsje
nepeux partager qu'enpartie laposition delaCour. Lepremierconcerne le critère de la ligne médiane, auquel la Cour a jugé bon d'apporter une
<correction >)sensible. Le second a trait au facteur de la proportionna-
lité))Je souhaite aussi présenterquelques brèvesremarques au sujet de
certaines <circonstances pertinentes et clarifier ma position en ce qui
concerne l'aire de délimitation.

6. S'ilest bien entendu que la délimitation deszones de plateau conti-
nental doit être opérée conformément à des principes équitables et de
manière à aboutir à un résultat équitable,compte tenu des circonstances
pertinentes,j'appuie pleinement la première partie du raisonnement de la
Cour qui, pour aboutir à un critère plus précis,a estiméque, dans ce cas

d'espèce,où elle est saisie pour la première fois d'une délimitationexclu-
sivement entre côtes se faisant face, sans aucun élémentd'adjacence entre
elles ni de complexité, letracéd'une lignemédianeentre ces côtes, àtitre
d'élément provisoirec,orrespond à ((la démarche la plusjudicieuse en vue
de parvenir, finalement, à un résultat équitable ))(par. 62). La Cour a fort
justement notéque <(l'équitéde la méthodede l'équidistance étaitparti-
culièrement prononcée ))dans les cas d'Etats dont les côtes se font face
(ibid.).

7. Il est d'autant plus intéressant de relever cette appréciation que
l'équidistanceavaitparfoisparu, cesdernièresannées,la <(mal-aimée des
méthodesde délimitation.On seplaisait à en signaler lesvertus, maison en
différaitlechoix à descirconstancesplus propices. Or, dans lecasprésent,
de nombreuses raisons me paraissent militer pour le choix de la ligne
médiane commeligne de délimitation, non seulement à titre provisoire,
commel'adécidélaCour, maisaussi àtitre définitif.En voiciun trèsrapide
aperçu.
8. La premièrede ces raisons est, comme l'adu reste relevéla Cour, la

situationgéographique des côted seMalte etde laLibye qui sefont vraiment
face de la manière la plus nette, et sans problème ni complication, alors
que, dans de précédentesaffaires(Plateaucontinental(Tunisie/Jamahiriya
arabe libyenne),Délimitationduplateau continentaldans la régiondu golfe
duMaine,notamment), lescôtesadjacentestendaient parfois à sefaire face
ou même sefaisaient vraiment face, mais sur une certaine distance seule-
ment,ce qui rendait leproblèmeplus complexeetmoins comparable, etce
qui avait amené la Cour (et le tribunal arbitral dans l'arbitrage franco-

britannique) à ne pas adopter la solution de l'équidistance.

9. Une deuxième raison qui milite en faveur du choix de la ligne
médianedécouledes nouvelles tendances en matière de titre au plateau
continental. Commeon l'adit plus haut, la convention de 1982surle droit
de la mer a établi le principe selon lequel tout Etat a droit, sans autre
condition, et quelleque soitlaconfiguration desfonds marins, à unplateau
continental de 200 milles marins. Si I'adjacence ou distance devient le 107 PLATEAU CONTINENTAL (OP.IND.VALTICOS)

critère unique du titre au plateau continental jusqu'à 200milles marins et
l'expression de l'emprise de la souverainetéde la terre sur la mer, la mé-
thode de la ligne médianeprend une importance accrue comme méthode
de délimitationentre côtes sefaisant face. En effet, chaque littoral projette
versl'autre unezonedont lavocation est d'atteindre les200milleset, sices
zones se rencontrent auparavant, la méthode la plus équitableet la plus

conforme au principe d'égalité entreEtats devrait logiquement consister a
délimiter ces zonesau milieu de la distance qui les sépare, à moins de
conditions particulières.LaCour, ilest vrai,ne suitpas ceraisonnement de
manièreautomatique et ne considèrepasque la méthodede l'équidistance
doiveforcémentêtreutilisée,mêmc eomme étapepréliminaireet provisoire
du tracéd'uneligne de délimitation(voir arrêt,par. 42-43).Toutefois, sile
critère de la distance ))ne signifie pas que l'équidistance soit laseule
méthodede délimitationappropriée dans le cas de côtes se faisant face,
cette méthode acquiert une pertinence accrue lorsqu'ellene seheurtepas a
des circonstances spéciales.
10. En troisième lieu,le choix de la ligne médianeest corroborépar la
pratique de la grande majoritédes Etats. Malgré lescontestations entre les
Parties sur ce point, les exposés détaillée st les élémentsprésentéspar

celles-ciont fait ressortirclairement que lesnombreux cas de délimitations
conclues par voie d'accord entre Etats présentent certes quelques varia-
tions dues aux particularités de certains cas d'espèce,mais que la très
grande majorité des délimitations intervenuesau sujet de côtes sefaisant
face (qu'il s'agissed'îlesou de continents, et mêmede côtes de longueurs
différentesaussi bien que de côtes plus ou moins proches ou lointaines)
s'inspire sans conteste de la ligne médiane, même si cela n'esptas indiqué
expressément dans le texte de l'accord considéré.Parfois, la ligne fait
l'objet d'adaptations ou de rectifications partielles dues aux circonstances
pertinentes, mais généralementles modifications à la ligne médianesont
rares et mineures. Cela avait étérelevépar le tribunal arbitral de 1977
(par. 85) et dans des donnéeschiffréescontenues dans un document de
1979 citédans un ouvrage récent '. S'agissant, du reste, de Malte elle-

mêmei,lest à noterque la lignede délimitationtracéeaunord de l'île,entre
Malte et la Sicile,est une ligne médianeet l'onne voit guèrepourquoi celle
au sud de l'île, entre Malte et la Libye, ne le serait pas également. (La
longueur de la côte de la Sicile n'a nullement étéprise en considération
pour introduire un élémentde <<proportionnalité comme la Libye le
voudrait pour sa propre côte.)
11. Surcet argument tiréde la pratique desEtats, la Cour aformuléune
conception nuancée (voir arrêt, par.44). Certes, dit-elle, elle

<<n'éprouvequant à elle aucun doute au sujet de l'importance de la
pratique étatique,maiselleestd'avisque ..cette pratique nesuffit pas

' V.L. Caflisc«,Leszonesmaritimes sousjuridiction nationale, leurs limites et leur
délimitatioD,dans Le nouveau droit internationalde la mer, sous la direction de
Bardonnet et Virally, Pans, Pedo1983,p. 60, n67. à prouver l'existenced'unerègleprescrivant lerecours àl'équidistance
ou à toute autre méthodetenue pour obligatoire D.
I
Comme elle, nous pensons que les Etats qui ont conclu les accords bila-
téraux auxquelson s'est référé n'avaien ptas le sentiment de suivre une
règlede droit obligatoire et n'étaientpas inspiréspar une opiniojuris. A
tout lemoins concluaient-ils de tels accordsen tenant compte desdonnées
juridiques et en pensant que la méthodede la ligne médianeétaitla plus

répandueet la plus commode et qu'elle répondait,si l'onpeut dire, àune
opinio aequitatis.Il serait de toute manièrefort fâcheux que, sur ce point,
une sorte de divorce s'établisseentre la pratique conventionnelledesEtats,
àlaquelle se réfère l'article38du Statut de la Cour, et lajurisprudence de
celle-ci, sur un point d'une telle importance.
12. Du reste, depuis son arrêtde1969concernant lePlateau continental
de lamer du Nord, la Cour elle-même s'estsouvent référée aua xvantages
que présente l'équidistance et,comme on l'a dit plus haut, elle n'avait
jusqu'ici pas estiméappropriéd'utiliser cette méthodedu fait que les cas
d'espècedont elle avait eu à connaître concernaient tous, du moins en
partie, des côtes adjacentes. Le cas présent offrait des conditions idéales

pour lerecours àcette méthode etc'estréduireson application de manière
considérableque de l'écarterune fois encore, mêmepartiellement.
13. Enfin, il nous apparaît que la mission mêmede la Cour est une
considérationd'ordre plus généralqu'on ne saurait passer sous silence. Si
l'onnous permet cetteobservation de principe, il faudrait tenir compte du
fait que la mission de la Cour est de résoudreles différendsen apportant
dessolutions dedroit et, cefaisant, de préciser etde concrétiserla règlede
droit international. Dans le présent domaine,où larèglededroit (solution
équitable)est une directive rédigéeen termes délibérémengténérauxc ,'est
en en précisant progressivement les contours, à travers la solution de
questions particulières, que la Cour pourra lentement dégagerdes prin-

cipes objectifs de natureà guider les Etats qui connaissent desproblèmes
analogues (et qui sont en grand nombre, dit-on). Ce faisant, elle pourra
aussicontribuer à laclarté,àlacertitude, àlaprévisibilité et lastabilitédu
droit, si essentielles en droit international. Du reste la Cour a elle-même,
dans leprésent arrê( tpar. 49, soulignéque l'application de lajustice, dont
l'équitéest une émanation :

doitêtremarquéeparla cohérenceetunecertaine prévisibilité ;bien
qu'elles'attache plus particulièrement auxcirconstances d'une affaire
donnée,[laCour]envisageaussi,au-delà decette affaire,desprincipes
d'une application plus générale o.

Cette affirmation nous semble fondamentale pour toute juridiction, et
notamment lajuridiction internationale dont le rôle est particulièrement
important pour le développementdes règlesdedroit. Dans le cas présent,
où serencontre une situation classique et normale de côtes se faisant face,
dénuéede toute complexité,une solution fondéesur la lignemédiane pure
'
et simple aurait présentéun intérêt plusgénéral. 14. Après avoir établiune ligne médianeprovisoire, la Cour a estimé
que d'autres considérations devaient l'amener à ajuster cette ligne. A cet
égard,elle a examiné un certain nombre de facteurs et notamment de
<circonstances pertinentes et retenu comme telle la différencede lon-
gueur entre les côtes. C'est une question que nous allons examiner main-
tenant de plus près après nous êtreréféré au facteur de la <proportion-

nalité)).

15. 11est incontestable que les côtes maltaises sont beaucoup moins
longues que les côtes de Libye qui leur sont opposées.Faut-il en tenir
compte du point de vue de la délimitation ? Dans l'affirmative, à quel

stade,àquel titreet dans quellesproportions ?Telles sont lesquestions qui
ont étéposées à la Cour et qui ont pesé sur les discussions.Ce fut certai-
nement le point crucial du débat.
16. La position à cet égardla plus extrêmea étécelle soutenue par la
Libye. Celle-cia soulevél'objectionde la <proportionnalité )dans lesens
que la proportion des zones du plateau continental attribuéesrespective-
ment à la Libye età Malte devraient êtreanalogues à la proportionnalité
entre lalongueurdes côtesetl'importance delamasse terrestre, d'unepart,

de la Libye et, d'autre part, de Malte. Par ailleurs, le raisonnement de la
Libye revenait à faire de la proportionnalité un principe essentiel et pri-
maire de délimitation, contrairement à la jurisprudence établie dans ce
domaine.
17. Sur ce point, je partage pleinement la position de la Cour en ce
qu'elle a rejeté l'essentield'une telle argumentation. La question de la
masse terrestre derrière la côte ne nous retiendra pas ici, car elle a été
rejetéepar la Cour en termes netsquise passent de commentaires (par. 49).

Pour cequi est du critèrede la longueur des côtes,je partage égalementle
point de vuede laCour quiarappeléque la <<proportionnalité n'ajamais
été mentionnée parmi <les principes et les règlesdu droit international
applicables à la délimitation O,mais constitue simplement un << facteur ))
éventuellementpertinent parmi d'autres (par. 57). La Cour n'a donc pas
retenu la proposition libyenne <si neuve et si radicale qui, en retenant
le rapport entre ces longueurs comme déterminant en lui-mêmela pro-
jection en mer et la superficie du plateau continental qui relèvedechaque

Partie O, allait bien <au-delà d'un recours à la proportionnalité pour
vérifier l'équitdu résultatet corriger une différencede traitement injus-
tifiéeimputable à une certaine méthode et constituerait à la fois le
principe du titre sur le plateau continental et la méthode permettant de
mettre ce principe en Œuvre ))(par. 58).
18. Il me semble inutile, ici, de rappeler les précédentsqui justifient
pleinement la position de la Cour. Elle a citéle cas classique de l'arrêtduPlateau continentaldelamer duNord de 1969,de mêmeque la sentence du
tribunal franco-britannique de 1977.L'arrêtdu Plateau continental(Tu-
nisie/Jamahiriya arabelibyenne)(C.I.J. Recueil1982,p. 93,par. 133B5)a
égalementconsidéré la proportionnalité, non comme un problème de dé-
finition du plateau, mais (en tant qu'aspect de l'équité ))(ibid, par. 103-
104).Plus récemment, laChambre de la Cour a, en 1984,dans l'affaire de
la Délimitation delafrontière maritime dans la régiondu goije duMaine,
mentionné ce facteur comme un critère complémentairedestinésimple-
ment à vérifiersiune délimitation provisoirement établieoufaisant appel à
d'autres critères apparaît ou non comme satisfaisante par rapport à cer-
taines caractéristiques géographiquesdu cas concret et s'il est ou non

raisonnable d'apporter des corrections en conséquence (C.I.J. Recueil
1984, p. 323, par. 185).
19. Ici, cependant, un point essentiel doit êtresouligné. C'estque la
grande différenceentre la présenteaffaire et lesdivers cas où la Cour - et
le tribunal arbitral franco-britannique - s'étaitauparavant référée au
facteur dela proportionnalité (dans lecadre limitéquivient d'être rappelé)
est qu'alors il s'agissait de côtes d'Etats limitrophes et de configurations
comportant des risques d'empiétementet d'amputation. Or la Cour elle-
même avait signalé qu'en matièrede délimitationla situation des côtes se
faisant face est foncièrement différente de celle d'Etats limitrophes, la
ligne de l'équidistanceétantbien plus appropriée,généralement,dans le

premier cas que dans le second (voir par exemple affaires du Plateau
continental de lamer du Nord, C.I.J. Recueil 1969, p. 36, par. 57, etc.). Ce
que visela proportionnalité c'est, s'agissantde côtesadjacentes,d'éviterles
solutions qui, dans certains cas, peuvent, du fait de la configuration par-
ticulièredescôtes considéréesp ,araître contrairesà l'équité. Enl'espèce,il
n'y a, à mon sens, ni côtes adjacentes ni configuration anormale et la
proportionnalité ne devrait pas avoir de rôle àjouer.
20. Dans le cas présent, cependant, la Cour a estimé que la ligne
médiane devrait êtrecorrigée en raisond'un certain nombre de circons-
tances pertinentes, dont, essentiellement, la différencede longueur des
côtes des deux Parties. Cequi précède expliqueles réservesqueje me vois

obligéde formuler à cet égard.En faisant en effet jouer le facteur de la
longueur des côtes là où, àmon sens, cefacteur n'a pas place, on introduit
dans l'opérationde délimitationun élémentsubjectif (pourquoi adopter tel
facteur de <<correction - ici tantde minutes - plutôt que tel autre?),qui
est sans doute inévitableen matière d'équité, maiq sui devrait êtreaussi
restreint que possible.On introduit aussi,dela sorte, un élémentd'inégalité
et de diversité,puisquecetteformule tend pratiquement à situer la lignede
délimitation plus près de la côte la moins longue et qu'elle exclut tout
espoir d'obtenir un minimum d'harmonie et de comparabilitédans l'éta-
blissement des diverses lignes de délimitationdans les mers. Certes, l'in-
convénient est limitédu fait que le test de la longueur respective des côtes

ne constitue pas la méthodemêmede délimitation.Néanmoins, une cor-
rection substantiellepeut s'ensuivreet une réserveme paraît donc néces-
saire, compte tenu notamment du fait que la différencede longueur descôtes esticiprise enconsidérationtant commecirconstance pertinenteque
comme test final de vérificationdu résultat.

21. Le calcul de la proportionnalité semble du reste d'autant plus dif-
ficileà effectuer avec tant soit peu d'exactitude dans le cas présentque la
décisionde laCour deréserver lesprétentions italiennesréduitleszones du
plateau continental effectivement attribuées a l'espacesituéentre le méri-
dien 13' 50' et le méridien 15"IO',ce qui devrait empêcherde tenir
pleinement compte,auxfins d'un tel calcul, du triangleapproximatif qui a
pour sommet Malte et pour base la côte libyenne de Ras Ajdir à Ras
Zarrouk.
22. La correction que la Cour a apportée à la lignemédianepour établir
la ligne définitivede délimitationest substantielle puisqu'elle estde 18',
allant de 34" 12'(lignemédiane) à 34" 30'.Deux raisons m'ont finalement
incité à ne pas me dissocier, à ce propos, de l'ensemble de cet arrêt ':la

première estque la ligne de délimitation finalement choisie reste de quel-
ques minutes au sud de la ligne de délimitationqui aurait séparé l'Italie
(Sicile)de la Libye siMalte n'existaitpas et qu'il est ainsidonnéun certain
effet, bien qu'insuffisanà mon sens,a l'îlede Malte. La seconde raison est
qu'ilm'aparuimportant quelaCour puisses'entendre surunebase quim'a
sembléfinalement plus acceptable que d'autres, bien qu'à la limite et
malgrédes inconvénientsque je ne peux que regretter.

23. En se prononçant enfaveur d'une correction de la ligne médiane, la
Cour a aussi retenu comme une circonstancepertinente supplémentaire la
distance entre les côtes des Parties. A partir du moment où ellechoisissait
comme circonstancepertinente la longueur respective des côtes, l'élément
de la distance entre les côtes devenait une sorte de correctif nécessairede
cette circonstance. Il est évident que les circonstances de la longueur
respective des côtes prend plus d'importance lorsque les côtes sont éloi-
gnéeset tend à seréduirejusqu'à disparaître aufur et àmesure que celles-ci
serapprochent.Pour citer un exemple,il vadesoique, sideux côtesne sont
séparéesque par un bras de mer de 24 milles, on ne saurait envisager
d'autre ligne de délimitationque la ligne médiane.Ce n'est qu'àpartir du
moment où la distance entre les deux côtes devient plus importante que
l'on pourrait - sous réservede mes objections de principe mentionnées

plus haut - envisagerunecorrection de lalignemédiane.C'est cet élément
de distance plus ou moins grande entre les côtes qui peut expliquer que
l'équidistancepure et simple ait étéutiliséeentre le nord de Malte et la
Sicile(voirci-dessus,par. 10).Cepoint réduitdans une certaine mesure les
dimensions du problème,sans allerjusqu'à faire disparaître l'objection de
base mentionnée plus haut. 24. Parmi les (circonstances pertinentes ))mentionnées au cours des
débats,il en est deux qui appellent de brefs commentaires :cellesconcer-
. .-
nant les facteurs économiques et la sécurité.
25. A propos des facteurs économiquesl,a Cour (arrêt,par. 50) n'a pas
estiméque la délimitation à opérer doive êtreinfluencéepar la situa-
tion économiquerelative des deux Etats considérés. Elle a cependant ex-
primél'avis que les ressources effectivement contenues dans le plateau
continental considéré, (<pour autant que cela soit connu ou facile à dé-
terminer )),pourraient constituer des circonstances pertinentes à prendre
en compte dans une délimitation, comme elle l'avait déclarédans les

affaires du Plateau continentalde la mer du Nord (C.I.J. Recueil 1969,
p. 54, par. 101D 2). En effet, précisela Cour, ces ressources représentent
bien l'objectif essentiel que les Etats ont en vue en avançant des préten-
tions sur les fonds marins qui les recèlent. Un point de vue analogue en
ce qui concernela présencede pétroledans une zone à délimiteravait été
signalépar la Cour dans l'affaire du Plateau continental(TunisielJamahi-
riya arabelibyenne)(C.I.J. Recueil 1982,p. 77, par. 107).De son côté,la
Chambre constituéepour examiner l'affaire de la Délimitationde lafron-

tièremaritime dansla régiondu golfedu Maine s'était penchée avec atten-
tion sur les considérationséconomiques,notamment lesressources poten-
tielles du sous-sol, même moinsimportantes que dans le cas présent
(C.I.J. Recueil 1984, p. 340, par. 232).
26. Toutefois, dans l'affaire qui nous occupe, la Cour a relevé queles
Parties n'ont fourni aucune indication sur les ressources que recèlent les
fonds marins. On peut néanmoinsobserver que la Libye disposedepuis de
nombreuses annéesde trèsimportants revenus provenant du pétrole,alors
que Malte, dont le revenu est bien moindre (entre le tiers et la moitiépar

habitant l),ne disposepasde ressourcesprovenant defonds marins tout en
ayant octroyé diverses concessions non encore exploitées,notamment
pour des raisons tenant à l'actuel différend.11est donc permis de penser
qu'une zoneéquitable du plateau,tellequ'aurait été cellequi aurait résulté
de la ligne médiane,aurait pu accroître, dans cette régionpétrolifère où,
comme on vient de le rappeler, elle avait accordé des concessions, ses
chances de développer ses ressources économiques.
27. Une autre circonstance pertinente dont Malte a aussi demandéla

prise en considérationest lasécuritéL . a question est liéeau fait que Malte
constitue un Etat tout entierconcentrédans lesétroiteslimites de l'îleoù il
a son siège.Cet élémena turaitpu jouer, observe la Cour(arrêt,par. 51),si
lalignededélimitationétaitsiprochedes côtesde l'îlequedesquestions de
sécuritéseraientparticulièrement entrées en ligne decornp.te.Le risque est

' Voir World Bank, WorldTables,3eéd.,vol. 1,The Johns Hopkins University Press,
Baltimore et Londres, 1983, p. 560, qui donne un produit national brut par habitant
(grossnationalproductpercapita), pour 1981,3603 dollars des Etats-Unis pour Malte
et 8454 pour la Libye. certesmoindre aveclasolutionretenue par laCour. Ilaurait étencoreplus
réduitsi la ligne médianepure et simple avait étéretenue.

28. Avant de conclure la présente opinion, quelques mots doivent
encoreêtreditsausujetde l'airede délimitation.D'unemanièregénéralei,l
convient de tenir compte, dans toute délimitation, comme la Cour l'avait
signalédans l'affaire du Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe
libyenne),de tous les segments du littoral d'une partie dont le prolonge-
ment pourrait rencontrer celui du littoral de l'autre partie (C.I.J. Recueil
1982, p. 61, par. 75). A cet égard,la formule défendue par Malte et

consistant à prolonger les côtes de l'îledans toutes les directions où elles
peuvent rencontrer les prolongements de côtes de la Libye a pour elle la
logique et se trouve enconformitégénérale avec lestendances récentesdu
droit international, notamment de la règledes 200 milles. Dans le cas
d'espèce,cependant, on ne saurait pousser cette conception à ses consé-
quencesextrêmescar,indiscutable au milieude l'océanoù ellepeut trouver
toute son extension, elle se heurte, dans un espace comme celui de la
Méditerranée, àun obstacle évident :les intérêts deEtats tiers. Dans la
présenteopération de délimitationentre Malte et la Libye, on ne saurait
toutefois se borner uniquement à l'espace définià l'ouest par une ligne
droitejoignant Ras il-Wardija sur l'îlede Gozoà Ras Ajdir, età l'est,par
une ligne droite joignant la pointe Delimara, sur l'île de Malte,à Ras
Zarrouk, non loin de l'intersection du méridien 15" 10'(limitedespréten-

tions de l'Italie) avecla côte libyenne. Il faudrait tenir aussi compted'un
espacesitué à l'estde la ligne pointe Delimara-Ras Zarrouk eàl'ouestdu
méridien15" 10'(et au nord de la ligne de délimitation). Cet espace, qui
prolonge la côte sud-est de Malte en direction de Benghazi, est situédans
une régionsur laquelle ne portent pas les prétentionsde l'Italie et il serait
donc normal qu'il revienne aussiàlazone du plateau continental de Malte
sur la base de la délimitationde la Cour. Cecisans exclure, naturellement,
la délimitation future avec l'Italie et la Libye en ce qui concerne les
étenduesextérieures à la zone restreinteàlaquelle la Cour a décidéde
limiter la portéedu présentarrêt.

29. Etant ainsi pleinement d'accord aveclespositions de la Cour sur un
certain nombrede points, alors queje doisàregret m'endissocierà propos
d'autres, il m'a paru qu'en définitive, malgl'importance de certains de
ceux-ci, notamment la question de la ligne médiane,je pouvais, pour les
raisons déjàindiquées,apporter ma voix à l'arrêtdans son ensemble.

(Signé)Nicolas VALTICOS.

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OPINION INDIVIDUELLE DE M. VALTICOS

1. Tout en souscrivant dans l'ensemble à l'arrêtci-dessus, je désire
préciserma position, notamment au sujet de certains points qui ont mon
plein accord, mais aussi de sérieusesréserves queje tiens à formuler en ce
qui concerne une partie du raisonnement et des conclusions finales.

2. En ce qui concerne, tout d'abord, la tâche de la Cour, je peux com-

prendre la position de celle-cisur la question des Etats tiers compte tenu
spécialementde ce que la Cour avait indiquédans la décisiondu 21 mars
1984par laquelle elleavait rejetéla requêtede l'Italieà fin d'intervention.
Ce faisant, il convient de souligner, d'une part, les circonstances particu-
lièresd'une telle décision et,d'autre part, le fait que, dans leprésent arrêt,
la Cour a bien préciséque la décision<< restreinte))àlaquelle ellea abouti
pour tenir compte des intérêtsde l'Italie ne signifie pas

<<que lesprétentions formuléespar l'une ou l'autre des Partiessurdes
étenduesde plateau continental extérieures à la zone soient tenues

pour injustifiées))(par. 21).

Ce sontdes questions que Malte et la Libye pourront donc examiner avec
l'Italie en vue d'aboutir à une délimitation de leurs zones respectives
éventuellesau-delà de la zone << restreinte))sur laquelle porte la présente
décision.

3. S'agissantdu fond du problème,je tiens à souligner mon plein accord
avec le point de vue de la Cour d'après lequel :

<<du moment que l'évolutiondu droit permet à un Etat de prétendre
que leplateau continental relevant de luis'étendjusqu'à 200millesde
ses côtes, quelles que soient les caractéristiquesgéologiquesdu sol et
du sous-solcorrespondants, il n'existeaucune raison defairejouer un
rôle aux facteurs géologiquesou géophysiquesjusqu7àcette distance,
que ce soit au stade de la vérificationdu titre juridique des Etats

intéressésou à celui de la délimitation de leurs prétentions ))
(par. 39). SEPARATE OPINION OF JUDGE VALTICOS

[Translation]

1. Although concurring with the above Judgment as a whole, 1wish to
make my position clear, in regard not only to certainpoints with which 1
fully agree but also to some serious reservations which 1wish to express as
to part of the reasoning and the ultimate findings.

2. To begin with the task of the Court, 1can understand its position on
thequestion of third States,particularly on account of the Court's remarks
in its decision of 21 March 1984,rejecting Italy's application for permis-
sion tointervene. Here due emphasisshouldbeplaced, on the onehand,on
the special circumstances of this decision, and on the other hand, on the
fact that in the present Judgment, the Court has made it clear that the
"limited" decision which it has made in order to take account of Italy's
interests does not signify

"that the claims of either Party to expanses of continental shelf
outside that area have been found to be unjustified" (para. 21).

These are therefore matters which Malta and Libya can examine together

with Italy with a view to arriving at a delimitation of their respective
potential areas, beyond the "lirnited" area to which the present decision
relates.

3. Coming to the heart of the problem, 1wish to emphasize my full
concurrence with the Court's view that :

"since the development of the law enables a State to claim that the
continental shelf appertaining to it extends up to as far as 200 miles
from its Coast,whatever the geological characteristics of the corres-
ponding sea-bed and subsoil, there is no reason to ascribeany role to
geological or geophysical factors within that distance either in veri-
fying the legal title of the States concerned or in proceeding to a

delimitation as between their claims" (para. 39). Cette conclusion est particulièrement importante et marque l'aboutisse-
ment, surcepoint, del'évolutiondu droitde lamer au cours delapériodela
plus récente.Il serait inutile de reprendre ici l'argumentation invoquéeà
cet effet. Il suffira de rappeler le critère consacrépar l'article 76, para-
graphe 1,dernière phrase, de la convention de 1982sur le droit de la mer
qui,comme l'indique la Cour (par. 27), ((revêtune importance majeure D.
Le déclindes caractéristiques physiques du plateau continental qu'en-

traîne la règle précitéedes 200 milles et l'importance accrue accordée
aux éléments géométrique sistance ou adjacence à la mer) ont modifié
dans ce sens la notion de (prolongement naturel )>,tant, du moins,
qu'on se trouve dans les limites des 200 milles de chaque côte. La Cour
et lesjuridictions arbitrales s'étaientdu reste déjàéloignéesdes critères
géologiques et géomorphologiques, alors que la pratique des Etats
(à une exception près, celle,fréquemment citée,du détroitde Timor) a
constamment étéde ne pas tenir compte des accidents physiques du
terrain sous-marin dans la conclusion des accords bilatéraux de délimita-

tion.
D'ailleurs, puisque la délimitation doit se faire selon des principes
équitables,y aurait-ilcritèremoins équitableque celui qui ferait dépendre
les relations entre Etats et parfois leur prospérité deshasards de la con-
figuration du fond des mers et de l'importance, parfois contestée, des
fosses ou autres accidents formés il y a plusieurs millions d'années à
quelques centaines ou milliers de mètresde profondeur ?Si les frontières
naturelles répondentparfois à d'importantes raisons sur terre, où ellesont
pu marquer, façonner et circonscrire la vie desnations, ont-elles vraiment
une signification au fond des mers où ellespeuvent entraîner incertitude,

injustice et contestations? Ce sont là, avec le souci d'égalité desEtats
côtiers, autant de raisonsàl'appui des règlesactuellesexcluant lescritères
géophysiquesdesopérationsdedélimitation à effectuer dans leslimitesdes
200 milles.

4. LaCour a donc eu parfaitement raison de considérer(par. 39)que la
zone d'effondrement )>ne constitue pas une discontinuitéfondamentale
interrompant, comme une sorte de frontière naturelle, l'extension du pla-
teau continental maltais vers le sud. Elle était d'autant plus justifiéeà

rejeter l'argumentation libyenne de lazone dited'effondrement qu'enplus
de son défaut de bien-fondé endroit il n'a pas non plus pu êtreétablide
manière convaincante qu'une discontinuitéfondamentale de cette nature
existait en fait, les témoignages scientifiques contradictoires qu'elle a
entendusayant,pour dire le moins, laissésubsister un doute sérieux à cet
égard (voirarrêt,par. 41).

5. Je suis ainsi amené à deux points fondamentaux au sujet desquelsje
nepeux partager qu'enpartie laposition delaCour. Lepremierconcerne leThis finding is particularly important ;it marks the culmination of the
development of the lawof the sea on thispoint in recent times. There is no
need to repeat here the arguments which have been invoked initssupport.
It is enough to recall the criterion enshrined in the last sentence of Arti-
cle 76,paragraph 1,of the 1982Convention on the Law of the Sea,which,
as the Court says, "is of major importance" (para. 27). The decline in the
physical characteristics of the continental shelf caused by the aforemen-
tioned 200-milerule, and the increased importanceattributed togeometric
factors (distance or adjacency to the sea) have brought about a corres-
ponding alteration in theconcept of "natural prolongation", at least where
areas within the 200-milelimit from each Coastare concerned. Moreover,
both the Court and arbitral tribunals had already grown aloof from geo-
logical and geomorphological criteria, and the practice of States (with the

onefrequently cited exception of theStrait ofTimor) has consistently been
to ignore the physical features of the submarine terrain when concluding
bilateral delimitation agreements.

Furthermore, since delimitation is to be carried out according to equi-
table principles, there could hardly be a less equitable criterion than one
which would subject relations among States, and sometimes their very
well-being, to chance configurations of the sea-bed and to the often-
disputed significance of troughs or other physical featuresformed millions
of years ago and lying at depths of hundreds or thousands of metres.
Natural boundaries may often indeed derive from significant causes on
land, where they have sometimesimprinted, moulded and circumscribed
the livesof nations ;but what true meaning can they have at the bottom of
the sea,where theycan onlylead touncertainty,injustice and disputation ?
No, there is every warrant for the rules that have now developed for
excluding geophysical criteria when effecting delimitations within 200-

mile limits, especially when the need to preserve the equality of coastal
States is borne in mind.
4. Thus the Court wasquite right to takethe view(para. 39)that the "rift
zone" cannot constitute a fundamental discontinuity terminating the
southward extension of the Maltese shelf, as if it were some natural
boundary. Rejection of the Libyan "rift zope" argument was the more
justified in that, apart from its being insufficiently grounded in law,it had
not been convincingly established that a fundamental discontinuity of this
nature actually existed, since the contradictory scientific evidence which
the Court heard on this point had left, to Saythe least, a serious degree of
doubt on the matter (see Judgment, para. 41).

5. 1now come to two fundamentalpoints on which 1can onlypartially
endorse the Court's position. The firstconcerns the criterion of the median

96 critère de la ligne médiane, auquel la Cour a jugé bon d'apporter une
<correction >)sensible. Le second a trait au facteur de la proportionna-
lité))Je souhaite aussi présenterquelques brèvesremarques au sujet de
certaines <circonstances pertinentes et clarifier ma position en ce qui
concerne l'aire de délimitation.

6. S'ilest bien entendu que la délimitation deszones de plateau conti-
nental doit être opérée conformément à des principes équitables et de
manière à aboutir à un résultat équitable,compte tenu des circonstances
pertinentes,j'appuie pleinement la première partie du raisonnement de la
Cour qui, pour aboutir à un critère plus précis,a estiméque, dans ce cas

d'espèce,où elle est saisie pour la première fois d'une délimitationexclu-
sivement entre côtes se faisant face, sans aucun élémentd'adjacence entre
elles ni de complexité, letracéd'une lignemédianeentre ces côtes, àtitre
d'élément provisoirec,orrespond à ((la démarche la plusjudicieuse en vue
de parvenir, finalement, à un résultat équitable ))(par. 62). La Cour a fort
justement notéque <(l'équitéde la méthodede l'équidistance étaitparti-
culièrement prononcée ))dans les cas d'Etats dont les côtes se font face
(ibid.).

7. Il est d'autant plus intéressant de relever cette appréciation que
l'équidistanceavaitparfoisparu, cesdernièresannées,la <(mal-aimée des
méthodesde délimitation.On seplaisait à en signaler lesvertus, maison en
différaitlechoix à descirconstancesplus propices. Or, dans lecasprésent,
de nombreuses raisons me paraissent militer pour le choix de la ligne
médiane commeligne de délimitation, non seulement à titre provisoire,
commel'adécidélaCour, maisaussi àtitre définitif.En voiciun trèsrapide
aperçu.
8. La premièrede ces raisons est, comme l'adu reste relevéla Cour, la

situationgéographique des côted seMalte etde laLibye qui sefont vraiment
face de la manière la plus nette, et sans problème ni complication, alors
que, dans de précédentesaffaires(Plateaucontinental(Tunisie/Jamahiriya
arabe libyenne),Délimitationduplateau continentaldans la régiondu golfe
duMaine,notamment), lescôtesadjacentestendaient parfois à sefaire face
ou même sefaisaient vraiment face, mais sur une certaine distance seule-
ment,ce qui rendait leproblèmeplus complexeetmoins comparable, etce
qui avait amené la Cour (et le tribunal arbitral dans l'arbitrage franco-

britannique) à ne pas adopter la solution de l'équidistance.

9. Une deuxième raison qui milite en faveur du choix de la ligne
médianedécouledes nouvelles tendances en matière de titre au plateau
continental. Commeon l'adit plus haut, la convention de 1982surle droit
de la mer a établi le principe selon lequel tout Etat a droit, sans autre
condition, et quelleque soitlaconfiguration desfonds marins, à unplateau
continental de 200 milles marins. Si I'adjacence ou distance devient le line,to which theCourthas seenfit tomakea substantial "correction". The
second relates to the "proportionality" factor1shall alsomake some brief
comments regarding certain "relevant circumstances", and clarify my
position with respect to the delimitation area.

THECRITERION OF THE "MEDIANLINE"

6. Ifitisfullyagreedthat delimitation of continental shelfareas must be
carried out in accordance withequitable principles and in suchamanner as
to achievean equitable result, having regard to the relevant circumstances,
1entirely support thefirst part of the Court's reasoning whereby, in order

to arrive at a more precise criterion, the Court takes the view that in the
present case, where it is dealing for the first time with a delimitation
exclusively between opposite coasts, without any element of adjacency
between them and without complicating features, to draw a median line
between those coasts, by way of a provisional step, is "the mostjudicious
manner of proceeding with a view to the eventual achievement of an
equitable solution7' (para. 62). The Court has rightly noted that "the
equitable nature of theequidistancemethod isparticularlypronounced" in
cases of States with opposite coasts (ibid.).
7. This approach isparticularly worthy of note because, in recent years,
equidistancehas often seemed to be the "Cinderella" among delimitation
methods. Its virtues have readily been pointed out, but its actual use has
been put off to amorefavourable moment. In the present case, it seemsto

me that there were a number of reasons for choosingthe median line as a
delimitation line, not merely on a provisional basis, as the Court has
decided, but also on a final basis. 1shall summarize them briefly.

8. The first reason, as the Court itself has pointed out, is the geogm-
phical situation of the coastsof Malta and Libya, which face each other in
the most obvious mannerand present no difficult or complicatingfeatures,
whereas in previous cases (especially Continental Shelf (TunisialLibyan
Arab Jamahiriya), Delimitation of the Maritime Boundary in the Gulf of
Maine Area), the coasts concerned were adjacent coasts which tended in
certain places )O become opposite coasts or indeed did face each other,
but only over a certain distance ; this complicated the problem and ren-
dered it less amenable to comparison, leading the Court (as well as the
Court of Arbitration in the Anglo-French case) not to adopt the equidis-
tance solution.

9. A second reason for choosing the median line arises from the new
trends in thematter of title to the continental shelf. As pointed out above,
the 1982 Convention on the Law of the Sea established the principle
whereby everyState is entitled, without further condition and irrespective
of the configuration of the sea-bed, to a continental shelf of 200nautical
miles. If adjacency or distance becomes the sole criterion of title to the 107 PLATEAU CONTINENTAL (OP.IND.VALTICOS)

critère unique du titre au plateau continental jusqu'à 200milles marins et
l'expression de l'emprise de la souverainetéde la terre sur la mer, la mé-
thode de la ligne médianeprend une importance accrue comme méthode
de délimitationentre côtes sefaisant face. En effet, chaque littoral projette
versl'autre unezonedont lavocation est d'atteindre les200milleset, sices
zones se rencontrent auparavant, la méthode la plus équitableet la plus

conforme au principe d'égalité entreEtats devrait logiquement consister a
délimiter ces zonesau milieu de la distance qui les sépare, à moins de
conditions particulières.LaCour, ilest vrai,ne suitpas ceraisonnement de
manièreautomatique et ne considèrepasque la méthodede l'équidistance
doiveforcémentêtreutilisée,mêmc eomme étapepréliminaireet provisoire
du tracéd'uneligne de délimitation(voir arrêt,par. 42-43).Toutefois, sile
critère de la distance ))ne signifie pas que l'équidistance soit laseule
méthodede délimitationappropriée dans le cas de côtes se faisant face,
cette méthode acquiert une pertinence accrue lorsqu'ellene seheurtepas a
des circonstances spéciales.
10. En troisième lieu,le choix de la ligne médianeest corroborépar la
pratique de la grande majoritédes Etats. Malgré lescontestations entre les
Parties sur ce point, les exposés détaillée st les élémentsprésentéspar

celles-ciont fait ressortirclairement que lesnombreux cas de délimitations
conclues par voie d'accord entre Etats présentent certes quelques varia-
tions dues aux particularités de certains cas d'espèce,mais que la très
grande majorité des délimitations intervenuesau sujet de côtes sefaisant
face (qu'il s'agissed'îlesou de continents, et mêmede côtes de longueurs
différentesaussi bien que de côtes plus ou moins proches ou lointaines)
s'inspire sans conteste de la ligne médiane, même si cela n'esptas indiqué
expressément dans le texte de l'accord considéré.Parfois, la ligne fait
l'objet d'adaptations ou de rectifications partielles dues aux circonstances
pertinentes, mais généralementles modifications à la ligne médianesont
rares et mineures. Cela avait étérelevépar le tribunal arbitral de 1977
(par. 85) et dans des donnéeschiffréescontenues dans un document de
1979 citédans un ouvrage récent '. S'agissant, du reste, de Malte elle-

mêmei,lest à noterque la lignede délimitationtracéeaunord de l'île,entre
Malte et la Sicile,est une ligne médianeet l'onne voit guèrepourquoi celle
au sud de l'île, entre Malte et la Libye, ne le serait pas également. (La
longueur de la côte de la Sicile n'a nullement étéprise en considération
pour introduire un élémentde <<proportionnalité comme la Libye le
voudrait pour sa propre côte.)
11. Surcet argument tiréde la pratique desEtats, la Cour aformuléune
conception nuancée (voir arrêt, par.44). Certes, dit-elle, elle

<<n'éprouvequant à elle aucun doute au sujet de l'importance de la
pratique étatique,maiselleestd'avisque ..cette pratique nesuffit pas

' V.L. Caflisc«,Leszonesmaritimes sousjuridiction nationale, leurs limites et leur
délimitatioD,dans Le nouveau droit internationalde la mer, sous la direction de
Bardonnet et Virally, Pans, Pedo1983,p. 60, n67. CONTINENTAL SHELF (SEP.OP.VALTICOS) 107

continental shelf up to a distance of 200 nautical miles, representing the

domination of land sovereigntyover the sea,the method of the median line
acquiresincreased importance as a delimitation method between opposite
coasts. In fact, each seaboard projects towards the other an area with a
theoretical potential breadth of 200 miles, and if these areas meet before
that point is reached, the most equitable method and the one most in
conformity with the principle of the equality of States should logically
consist in delimiting these areas in the middle of the distance which
separates them, unless special conditions apply. Admittedly, the Court
does not followthis line of reasoning automatically, and does not consider
that the equidistance method mustnecessarily be used, even as a prelimi-
nary and provisional step before a delimitation line is drawn (see Judg-
ment, paras. 42-43). However, while the "distance" criterion does not
imply that equidistance is the sole appropriate method of delimitation in

the case of opposite coasts, the aptness of this method is al1the greater
when there are no special circumstances to hinder its use.
10. In the third place, the choice of the median line is borne out by the
practice of the great majority of States. Notwithstanding the disagree-
ments between the Parties on this point, the detailed statements and the
evidence they have submitted have clearly shown that, although the
numerous delimitations concluded by agreement among States present
somevariations arising fromtheparticular features ofindividual cases,the
overwhelming majority of opposite-coast delimitations (whether in the
caseofislands or of continents, ofcoasts of different lengths, or ofcoasts in
varying degrees of proximity to or distance from each other) are indis-
putably derived from the median line, even where this is not explicitly
stated in the text of the agreement concerned. Adjustments or partial
corrections of the line are sometimes made in the light of relevant circum-

stances but, in general, alterations to the median Iine are slight and occur
rarely. This was pointed out by the 1977Court of Arbitration (para. 85)
and in the facts and figures contained in a 1979 document quoted in a
recent publication '.Moreover, where Malta itself is concerned, it should
benoted that the delimitation line drawnnorthward of theisland, between
Malta and Sicily,isamedian line,and it isdifficult to seewhy thelineto the
south of the island, between Malta and Libya, should not be likewise.(At
no timehasthe length ofthe coast of Sicilybeen taken into consideration in
order to introduce a "proportionality" factor, as Libya would wish in the
case of its own coast.)
11. The Court givesasubtle version of this argument derived from State
practice (see Judgment, para. 44). Admittedly, the Court says, it :

"has no doubt about the importance of State practice in this matter.
Yet that practice ... falls short of proving the existence of a rule

V.L. Caflisch, "Les zones maritimes sousjuridiction nationale, leurs limiteset leur
délimitation" ine nouveau droit internationalde la mer, edited by Bardonnet and
Virally, Paris, Pedon1983,p. 60, n67. à prouver l'existenced'unerègleprescrivant lerecours àl'équidistance
ou à toute autre méthodetenue pour obligatoire D.
I
Comme elle, nous pensons que les Etats qui ont conclu les accords bila-
téraux auxquelson s'est référé n'avaien ptas le sentiment de suivre une
règlede droit obligatoire et n'étaientpas inspiréspar une opiniojuris. A
tout lemoins concluaient-ils de tels accordsen tenant compte desdonnées
juridiques et en pensant que la méthodede la ligne médianeétaitla plus

répandueet la plus commode et qu'elle répondait,si l'onpeut dire, àune
opinio aequitatis.Il serait de toute manièrefort fâcheux que, sur ce point,
une sorte de divorce s'établisseentre la pratique conventionnelledesEtats,
àlaquelle se réfère l'article38du Statut de la Cour, et lajurisprudence de
celle-ci, sur un point d'une telle importance.
12. Du reste, depuis son arrêtde1969concernant lePlateau continental
de lamer du Nord, la Cour elle-même s'estsouvent référée aua xvantages
que présente l'équidistance et,comme on l'a dit plus haut, elle n'avait
jusqu'ici pas estiméappropriéd'utiliser cette méthodedu fait que les cas
d'espècedont elle avait eu à connaître concernaient tous, du moins en
partie, des côtes adjacentes. Le cas présent offrait des conditions idéales

pour lerecours àcette méthode etc'estréduireson application de manière
considérableque de l'écarterune fois encore, mêmepartiellement.
13. Enfin, il nous apparaît que la mission mêmede la Cour est une
considérationd'ordre plus généralqu'on ne saurait passer sous silence. Si
l'onnous permet cetteobservation de principe, il faudrait tenir compte du
fait que la mission de la Cour est de résoudreles différendsen apportant
dessolutions dedroit et, cefaisant, de préciser etde concrétiserla règlede
droit international. Dans le présent domaine,où larèglededroit (solution
équitable)est une directive rédigéeen termes délibérémengténérauxc ,'est
en en précisant progressivement les contours, à travers la solution de
questions particulières, que la Cour pourra lentement dégagerdes prin-

cipes objectifs de natureà guider les Etats qui connaissent desproblèmes
analogues (et qui sont en grand nombre, dit-on). Ce faisant, elle pourra
aussicontribuer à laclarté,àlacertitude, àlaprévisibilité et lastabilitédu
droit, si essentielles en droit international. Du reste la Cour a elle-même,
dans leprésent arrê( tpar. 49, soulignéque l'application de lajustice, dont
l'équitéest une émanation :

doitêtremarquéeparla cohérenceetunecertaine prévisibilité ;bien
qu'elles'attache plus particulièrement auxcirconstances d'une affaire
donnée,[laCour]envisageaussi,au-delà decette affaire,desprincipes
d'une application plus générale o.

Cette affirmation nous semble fondamentale pour toute juridiction, et
notamment lajuridiction internationale dont le rôle est particulièrement
important pour le développementdes règlesdedroit. Dans le cas présent,
où serencontre une situation classique et normale de côtes se faisant face,
dénuéede toute complexité,une solution fondéesur la lignemédiane pure
'
et simple aurait présentéun intérêt plusgénéral. CONTINENTAL SHELF (SEP.OP.VALTICOS) 108

prescribing the use of equidistance, or indeed of any method, as
obligatory."

Like the Court, 1tend to the view that the States which concluded those
bilateral agreements to which reference has been made did not have the
impression that they werefollowing a binding rule of law, and were not
guided by any opiniojuris. But, at the very least, they did conclude these
agreements in the light of the legal background, and in the belief that the
median line was the most widespread and convenient method and that it
reflectedwhat rnightbe called an opinioaequitatis.It would at al1events be

highly unfortunate if, on a point of such importance, a divorcewere to set
inbetween thetreaty practice of States,towhichArticle 38of the Statute of
the Court refers, and the Court's jurisprudence.
12. Furthermore, sinceits 1969Judgment in the North Sea Continental
Shelfcase, the Court itself has often referred to the advantages offered by
equidistance, and, as 1 said above, if it had not previously judged it
appropriateto usethismethod, that was becausethecaseswithwhichit has
had todeal have al1related, at least inpart, to adjacent coasts. The present
case offered ideal conditions for using this method, and to reject it once
more, even partially, is to reduce its scope considerably.

13. Finally, it seems to me that the actual vocation of the Court is a
consideration of a more general nature which cannot be ignored. If 1may
make an observation on a point of principle, due account should be taken
of thefact that theCourt'svocation isto resolvedisputes bymeans of legal
solutions and, in sodoing, to elicit,stateand exemplifytherelevant rule of
international law. In the present field, where the legalrule (the equitable
solution) is a guideline framed in deliberately broad terms, it is byans
of a gradua1refinement of its scope, through the resolution of particular

questions, that the Court will eventually be able to elicit objective prin-
ciples capable of guiding States which encounter similar problems (and
there aremany such States, apparently). In so doing, it willalsobe able to
contribute to that clarity, certainty, predictability and stability which are
soessentialininternational law.Moreover,theCourt hasitselfemphasized
in thepresent Judgment(para. 43, that theapplication ofjustice, ofwhich
equity is an emanation,

"should display consistency and a degree of predictability ;even
though it looks with particularity to the peculiar circumstances of an
instant case, it [theCourt] also looks beyond it to pnnciples of more
general application".

Thisaffirmation seemsto mefundamental forany court, and especiallyfor
aninternational court, whichmust play aparticularly important rolein the
development of rules of law. In the present case, which is a classic and
straightforwardsituation of opposite coasts without complications of any
kind,a solutionbased on the median linepure and simplewouldhavehad a
more general relevance. 14. Après avoir établiune ligne médianeprovisoire, la Cour a estimé
que d'autres considérations devaient l'amener à ajuster cette ligne. A cet
égard,elle a examiné un certain nombre de facteurs et notamment de
<circonstances pertinentes et retenu comme telle la différencede lon-
gueur entre les côtes. C'est une question que nous allons examiner main-
tenant de plus près après nous êtreréféré au facteur de la <proportion-

nalité)).

15. 11est incontestable que les côtes maltaises sont beaucoup moins
longues que les côtes de Libye qui leur sont opposées.Faut-il en tenir
compte du point de vue de la délimitation ? Dans l'affirmative, à quel

stade,àquel titreet dans quellesproportions ?Telles sont lesquestions qui
ont étéposées à la Cour et qui ont pesé sur les discussions.Ce fut certai-
nement le point crucial du débat.
16. La position à cet égardla plus extrêmea étécelle soutenue par la
Libye. Celle-cia soulevél'objectionde la <proportionnalité )dans lesens
que la proportion des zones du plateau continental attribuéesrespective-
ment à la Libye età Malte devraient êtreanalogues à la proportionnalité
entre lalongueurdes côtesetl'importance delamasse terrestre, d'unepart,

de la Libye et, d'autre part, de Malte. Par ailleurs, le raisonnement de la
Libye revenait à faire de la proportionnalité un principe essentiel et pri-
maire de délimitation, contrairement à la jurisprudence établie dans ce
domaine.
17. Sur ce point, je partage pleinement la position de la Cour en ce
qu'elle a rejeté l'essentield'une telle argumentation. La question de la
masse terrestre derrière la côte ne nous retiendra pas ici, car elle a été
rejetéepar la Cour en termes netsquise passent de commentaires (par. 49).

Pour cequi est du critèrede la longueur des côtes,je partage égalementle
point de vuede laCour quiarappeléque la <<proportionnalité n'ajamais
été mentionnée parmi <les principes et les règlesdu droit international
applicables à la délimitation O,mais constitue simplement un << facteur ))
éventuellementpertinent parmi d'autres (par. 57). La Cour n'a donc pas
retenu la proposition libyenne <si neuve et si radicale qui, en retenant
le rapport entre ces longueurs comme déterminant en lui-mêmela pro-
jection en mer et la superficie du plateau continental qui relèvedechaque

Partie O, allait bien <au-delà d'un recours à la proportionnalité pour
vérifier l'équitdu résultatet corriger une différencede traitement injus-
tifiéeimputable à une certaine méthode et constituerait à la fois le
principe du titre sur le plateau continental et la méthode permettant de
mettre ce principe en Œuvre ))(par. 58).
18. Il me semble inutile, ici, de rappeler les précédentsqui justifient
pleinement la position de la Cour. Elle a citéle cas classique de l'arrêtdu THECORRECTIOM NADE TO THE MEDIANLINE

14. Having established a provisional median line, the Court takes the
view that other considerations should prompt it to adjust this line. In this
connection, is has examined a number of factors, especially "relevant
circumstances", and has included among the latter the difference in
lengths between the coasts. 1shall now deal with this matter, turning first
to the "proportionality" factor.

THE "PROPORTIONALITF YA"CTOR AND THE CIRCUMSTANC OESTHE
"LENGTH OF THE COASTS"

15. It is indisputable that the Maltese coasts are much shorter than the
coasts of Libya which lie opposite them. Should account be taken of this
from the viewpoint of the delimitatio? If so, at what stage, on what
grounds and to what degre?These arethequestions whichhavebeen put
to theCourt,and whichhavecarried weightin the discussions. Indeed, this
was the crux of the debate.
16. The most extremeposition in thisrespect was theonemaintained by
Libya.Libya raised the objection of "proportionality" inthe sensethat the
proportion of areas of continental shelf attributed respectively to Libya
and to Malta should be comparable to the proportionality between the
lengths of the coasts and the sizeof thelandmass of Libya, on the onehand,
and Malta, on theother.The effect of Libya'sarguments was also to make

proportionality an essential and primordial principle of delimitation, con-
trary to the established jurisprudence in this field.

17. On this point,fully endorse the Court's position in rejecting the
thrust of this contention. The question of the landmass behind the Coast
need not detain us here, since it has been unambiguously rejected by the
Court in terms which require no comment (para. 49). As regards the
criterion of the length of the coasts, 1 also share the Court's view that
"proportionality" has nowhere been mentioned amongst "the principles
and rules of international lawapplicable...delimitation", but issimply
onepossiblyrelevant "factor" amongothers (para. 57).The Courtoes not
therefore endorse the Libyan proposal, described as "so far reaching and
so novel" which, by treating "the ratio of coastal lengths as of itself

determinative of the seawardreach and area of continental shelf proper to
eachparty", went "far beyond the useof proportionality asa test of equity,
and as a corrective of the unjustifiable difference of treatment resulting
from somemethod of drawing theboundary line", and wouldrepresent "at
once the principle of entitlement to continental shelf rights and also the
method of putting that principle into operation" (para. 58).

18. 1think it is unnecessary to recall here the precedents which amply
justify the Court's position. The Courttes the classiccase of the NorthPlateau continentaldelamer duNord de 1969,de mêmeque la sentence du
tribunal franco-britannique de 1977.L'arrêtdu Plateau continental(Tu-
nisie/Jamahiriya arabelibyenne)(C.I.J. Recueil1982,p. 93,par. 133B5)a
égalementconsidéré la proportionnalité, non comme un problème de dé-
finition du plateau, mais (en tant qu'aspect de l'équité ))(ibid, par. 103-
104).Plus récemment, laChambre de la Cour a, en 1984,dans l'affaire de
la Délimitation delafrontière maritime dans la régiondu goije duMaine,
mentionné ce facteur comme un critère complémentairedestinésimple-
ment à vérifiersiune délimitation provisoirement établieoufaisant appel à
d'autres critères apparaît ou non comme satisfaisante par rapport à cer-
taines caractéristiques géographiquesdu cas concret et s'il est ou non

raisonnable d'apporter des corrections en conséquence (C.I.J. Recueil
1984, p. 323, par. 185).
19. Ici, cependant, un point essentiel doit êtresouligné. C'estque la
grande différenceentre la présenteaffaire et lesdivers cas où la Cour - et
le tribunal arbitral franco-britannique - s'étaitauparavant référée au
facteur dela proportionnalité (dans lecadre limitéquivient d'être rappelé)
est qu'alors il s'agissait de côtes d'Etats limitrophes et de configurations
comportant des risques d'empiétementet d'amputation. Or la Cour elle-
même avait signalé qu'en matièrede délimitationla situation des côtes se
faisant face est foncièrement différente de celle d'Etats limitrophes, la
ligne de l'équidistanceétantbien plus appropriée,généralement,dans le

premier cas que dans le second (voir par exemple affaires du Plateau
continental de lamer du Nord, C.I.J. Recueil 1969, p. 36, par. 57, etc.). Ce
que visela proportionnalité c'est, s'agissantde côtesadjacentes,d'éviterles
solutions qui, dans certains cas, peuvent, du fait de la configuration par-
ticulièredescôtes considéréesp ,araître contrairesà l'équité. Enl'espèce,il
n'y a, à mon sens, ni côtes adjacentes ni configuration anormale et la
proportionnalité ne devrait pas avoir de rôle àjouer.
20. Dans le cas présent, cependant, la Cour a estimé que la ligne
médiane devrait êtrecorrigée en raisond'un certain nombre de circons-
tances pertinentes, dont, essentiellement, la différencede longueur des
côtes des deux Parties. Cequi précède expliqueles réservesqueje me vois

obligéde formuler à cet égard.En faisant en effet jouer le facteur de la
longueur des côtes là où, àmon sens, cefacteur n'a pas place, on introduit
dans l'opérationde délimitationun élémentsubjectif (pourquoi adopter tel
facteur de <<correction - ici tantde minutes - plutôt que tel autre?),qui
est sans doute inévitableen matière d'équité, maiq sui devrait êtreaussi
restreint que possible.On introduit aussi,dela sorte, un élémentd'inégalité
et de diversité,puisquecetteformule tend pratiquement à situer la lignede
délimitation plus près de la côte la moins longue et qu'elle exclut tout
espoir d'obtenir un minimum d'harmonie et de comparabilitédans l'éta-
blissement des diverses lignes de délimitationdans les mers. Certes, l'in-
convénient est limitédu fait que le test de la longueur respective des côtes

ne constitue pas la méthodemêmede délimitation.Néanmoins, une cor-
rection substantiellepeut s'ensuivreet une réserveme paraît donc néces-
saire, compte tenu notamment du fait que la différencede longueur desSeo Continental Shelf Judgment of 1969,as well as the Decision of the
Anglo-French Court of Arbitration in 1977.The Judgment in the case of
the Continental Sheif (Tunisia/Libyan Arab Jamahiriya) (I.C.J. Reports
1982,p. 93,para. 133B.5),alsotreated proportionality not asaproblem in
the definition of the shelf, but as a "function of equity" (ibid, paras.
103-104).More recently, the Chamber of the Court in 1984, in the case
concerning the Delimitationof the Maritime Boundary inthe Guifof Maine
Area, mentioned this factor as an auxiliary criterion serving merely to
check whether a provisional delimitation established on the basis of other
criteria could or could not be considered satisfactory in the light of
certain geographical features of the specific case, and whether it was or
was not reasonable to correct it accordingly (I.C.J. Reports 1984, p. 323,

para. 185).
19. However,there isan essential point herewhich must beemphasized.
The great difference between the present case and the various past casesin
which the Court - and theAnglo-French Court of Arbitration- referred to
the proportionality factor (within the limited context which 1have just
described) is that inthose cases thecoastsconcerned belonged to adjacent
States, and their configurations were such as to carry a risk of encroach-
ment or curtailment. The Court has itself pointed out that, in matters of
delimitation, theposition of oppositecoasts isradically different from that
of adjacent States, the equidistance line being much more appropriate,
generally, in the former case than in the latter (see for example North Sea
ContinentalSheifcases, I.C.J. Reports1969,p. 36,para. 57, etc.). The aim
of proportionality, where adjacent coastsare concerned, is to avoid solu-

tions which,in someinstances, owingto theparticular configuration of the
coasts in question, may seemcontrary to equity. Here, in myopinion, there
are neither adjacent coasts nor any abnormal configuration, and no part
should be played by proportionality.
20. However, in the present case, the Court takes the view that the
median line should be corrected by virtue of a number of relevant cir-
cumstances, including principally the difference in thelengths of thecoasts
of the two Parties. The foregoing comments explain the reservations which
1 find myself compelled to make in this respect. To introduce the coast-
length factor, which in my view has no rightful place here, is to bring a
subjective element into thedelimitation process (whyadopt one particular
"correction'' factor - here a certain number of minutes - rather than any
other ?).Subjectiveelements may wellbe unavoidable in matters of equity,

but they should be kept within strict limits. Another consequence is to
introduce an element of inequality and diversity, since the practical effect
of thisformula is to locate the delimitation line closer to the shorter coast,
thus banishing any hope of achieving a minimum degree of harmony and
comparability in the establishment of the various delimitation lines in the
seas. Admittedly, this disadvantage is palliated by the fact that the verifi-
cation based on the respective lengths of the coasts does not constitute the
delimitationmethod itself.However,it can lead toasubstantial correction,
and 1must therefore express a reservation on this matter, especiallyin thecôtes esticiprise enconsidérationtant commecirconstance pertinenteque
comme test final de vérificationdu résultat.

21. Le calcul de la proportionnalité semble du reste d'autant plus dif-
ficileà effectuer avec tant soit peu d'exactitude dans le cas présentque la
décisionde laCour deréserver lesprétentions italiennesréduitleszones du
plateau continental effectivement attribuées a l'espacesituéentre le méri-
dien 13' 50' et le méridien 15"IO',ce qui devrait empêcherde tenir
pleinement compte,auxfins d'un tel calcul, du triangleapproximatif qui a
pour sommet Malte et pour base la côte libyenne de Ras Ajdir à Ras
Zarrouk.
22. La correction que la Cour a apportée à la lignemédianepour établir
la ligne définitivede délimitationest substantielle puisqu'elle estde 18',
allant de 34" 12'(lignemédiane) à 34" 30'.Deux raisons m'ont finalement
incité à ne pas me dissocier, à ce propos, de l'ensemble de cet arrêt ':la

première estque la ligne de délimitation finalement choisie reste de quel-
ques minutes au sud de la ligne de délimitationqui aurait séparé l'Italie
(Sicile)de la Libye siMalte n'existaitpas et qu'il est ainsidonnéun certain
effet, bien qu'insuffisanà mon sens,a l'îlede Malte. La seconde raison est
qu'ilm'aparuimportant quelaCour puisses'entendre surunebase quim'a
sembléfinalement plus acceptable que d'autres, bien qu'à la limite et
malgrédes inconvénientsque je ne peux que regretter.

23. En se prononçant enfaveur d'une correction de la ligne médiane, la
Cour a aussi retenu comme une circonstancepertinente supplémentaire la
distance entre les côtes des Parties. A partir du moment où ellechoisissait
comme circonstancepertinente la longueur respective des côtes, l'élément
de la distance entre les côtes devenait une sorte de correctif nécessairede
cette circonstance. Il est évident que les circonstances de la longueur
respective des côtes prend plus d'importance lorsque les côtes sont éloi-
gnéeset tend à seréduirejusqu'à disparaître aufur et àmesure que celles-ci
serapprochent.Pour citer un exemple,il vadesoique, sideux côtesne sont
séparéesque par un bras de mer de 24 milles, on ne saurait envisager
d'autre ligne de délimitationque la ligne médiane.Ce n'est qu'àpartir du
moment où la distance entre les deux côtes devient plus importante que
l'on pourrait - sous réservede mes objections de principe mentionnées

plus haut - envisagerunecorrection de lalignemédiane.C'est cet élément
de distance plus ou moins grande entre les côtes qui peut expliquer que
l'équidistancepure et simple ait étéutiliséeentre le nord de Malte et la
Sicile(voirci-dessus,par. 10).Cepoint réduitdans une certaine mesure les
dimensions du problème,sans allerjusqu'à faire disparaître l'objection de
base mentionnée plus haut.light of the fact that here the difference in the length of the coasts is taken
into consideration both as a relevant circumstance and as a final check in
the verification of the result.
21. The proportionality calculation seems,moreover, to be particularly
difficult to make with any degree of accuracy in the present case, since the
Court's decision to reserve the Italian claims reduces the areas of conti-
nental shelf actually apportioned to the expanse located between the
13"50'and the 15" 10'meridians, which consequently makes it impossi-

ble,for the purposes of such acalculation, to take fullaccount of therough
triangle of whch Malta forms the apex and the Libyan coast, from Ras
Ajdir to Ras Zarruq, the base.
22. The correction which the Courthasmade to the median linein order
toestablishthefinaldelimitationline isasubstantial one, sinceit totals 18',
extendingfrom 34" 12'(the median line) to 34" 30'.There are two reasons
which ultimately induced menot to dissociate myself,in thisrespect, from
this Judgment as a whole. The first reason is that the delimitation line
which has ultimately been chosen remains someminutes southward of the
delimitation line which would have divided Italy (Sicily) from Libya if
Malta did not exist, and thus acertain effect, though an inadequateonein
my view,has been givento the island of Malta. The second reason is that 1
felt it was important for the Court to be able to agree on a basis which 1

ultimately found more acceptable than others, although only in the last
resort and in the face of certain drawbacks whch 1 am bound to
deplore.

23. In deciding in favour of a correction of the median line, the Court
has also pointed to an additional relevant circumstance, the distance
between the coasts of theParties.OncetheCourt had chosen the respective
lengths of thecoasts asa relevant circumstance, the element of thedistance
between the coast became a kind of necessary corrective of this circum-
stance. It is apparent that thecircumstance of the respective lengths of the

coasts acquiresgreater significance when the coasts are distant from each
other, and tends to be reduced to vanishing point the closer the coasts
become. To cite an illustration, it is self-evident that if two coasts are
separated onlyby a seaway24mileswide,no other delimitationline can be
contemplated than the median line. It is only when the distance between
the twocoasts becomes greater that - subject to the objections of principle
described above - a correction of the median line can be contemplated. It
is this element of a greater or lesser distance between the coasts which
explains why equidistance pure and simple was used between the north of
Malta and Sicily(seeabove, para. 10).This aspect reduces the scale of the
problem to some extent, without going so far as to remove the basic
objection mentioned above. 24. Parmi les (circonstances pertinentes ))mentionnées au cours des
débats,il en est deux qui appellent de brefs commentaires :cellesconcer-
. .-
nant les facteurs économiques et la sécurité.
25. A propos des facteurs économiquesl,a Cour (arrêt,par. 50) n'a pas
estiméque la délimitation à opérer doive êtreinfluencéepar la situa-
tion économiquerelative des deux Etats considérés. Elle a cependant ex-
primél'avis que les ressources effectivement contenues dans le plateau
continental considéré, (<pour autant que cela soit connu ou facile à dé-
terminer )),pourraient constituer des circonstances pertinentes à prendre
en compte dans une délimitation, comme elle l'avait déclarédans les

affaires du Plateau continentalde la mer du Nord (C.I.J. Recueil 1969,
p. 54, par. 101D 2). En effet, précisela Cour, ces ressources représentent
bien l'objectif essentiel que les Etats ont en vue en avançant des préten-
tions sur les fonds marins qui les recèlent. Un point de vue analogue en
ce qui concernela présencede pétroledans une zone à délimiteravait été
signalépar la Cour dans l'affaire du Plateau continental(TunisielJamahi-
riya arabelibyenne)(C.I.J. Recueil 1982,p. 77, par. 107).De son côté,la
Chambre constituéepour examiner l'affaire de la Délimitationde lafron-

tièremaritime dansla régiondu golfedu Maine s'était penchée avec atten-
tion sur les considérationséconomiques,notamment lesressources poten-
tielles du sous-sol, même moinsimportantes que dans le cas présent
(C.I.J. Recueil 1984, p. 340, par. 232).
26. Toutefois, dans l'affaire qui nous occupe, la Cour a relevé queles
Parties n'ont fourni aucune indication sur les ressources que recèlent les
fonds marins. On peut néanmoinsobserver que la Libye disposedepuis de
nombreuses annéesde trèsimportants revenus provenant du pétrole,alors
que Malte, dont le revenu est bien moindre (entre le tiers et la moitiépar

habitant l),ne disposepasde ressourcesprovenant defonds marins tout en
ayant octroyé diverses concessions non encore exploitées,notamment
pour des raisons tenant à l'actuel différend.11est donc permis de penser
qu'une zoneéquitable du plateau,tellequ'aurait été cellequi aurait résulté
de la ligne médiane,aurait pu accroître, dans cette régionpétrolifère où,
comme on vient de le rappeler, elle avait accordé des concessions, ses
chances de développer ses ressources économiques.
27. Une autre circonstance pertinente dont Malte a aussi demandéla

prise en considérationest lasécuritéL . a question est liéeau fait que Malte
constitue un Etat tout entierconcentrédans lesétroiteslimites de l'îleoù il
a son siège.Cet élémena turaitpu jouer, observe la Cour(arrêt,par. 51),si
lalignededélimitationétaitsiprochedes côtesde l'îlequedesquestions de
sécuritéseraientparticulièrement entrées en ligne decornp.te.Le risque est

' Voir World Bank, WorldTables,3eéd.,vol. 1,The Johns Hopkins University Press,
Baltimore et Londres, 1983, p. 560, qui donne un produit national brut par habitant
(grossnationalproductpercapita), pour 1981,3603 dollars des Etats-Unis pour Malte
et 8454 pour la Libye. 24. Among the "relevant circumstances" mentioned during the oral
proceedings, there were two which cal1for brief comment ; these relate to
the economic and security factors.
25. In dealing with the economicfactors, the Court, in paragraph 50, ,
does not consider thatthe delimitation tobe made shouldbe influenced by
the relative economic position of the two States in question. However, it
expressesthe opinion that the natural resources of thecontinental shelf "so
far as readily ascertainable", might constitute relevant circumstances to be
taken into account in a delimitation, quoting its previous statement in the
North Sea ContinentalShelfcases (1.C.J. Reports1969,p. 54,para. 101(D)
2).Those resources, the Court says,arethe essential objective envisagedby
Stateswhen theyput forward claims to sea-bed areas containing them. The
Court had expressed asimilar viewregarding the existenceof oilin an area
to be delimited, in the case concerning the Continental Shelf (Tunisia/

Libyan Arab Jamahiriya) (I.C.J. Reports 1982, p. 77, para. 107). For its
part, the Chamber formed to deal with the Delimitation of the Maritime
Boundaryin the Gulfof MaineArea case devoted considerable attention to
economic considerations, particularly the potential resources of the sub-
soil, although these were less significant than in the present case (I.C.J.
Reports 1984, p. 340, para. 232).

26. However, in the case now before us, the Court points out that the
Parties have not furnished any indications on the resources contained in
the sea-bed. It may nevertheless be noted that for many years Libya has
been enjoying substantial revenues from oil, whereas Malta, whose reve-
nues are much lower (from a third to a half of Libya's per head of
population'), has no resources deriving from the sea-bed, although it has
granted a number of concessions which have not yet been developed,

notably for reasons related to the current dispute. It is thus reasonable to
assume that an equitable area of shelf, such as would have resulted from
the median line, would have increased its opportunities of developing its
economicresourcesin thisoil-bearing regionwithin which,as1have said,it
has granted concessions.
27. Another relevant circumstance whichMalta has asked to have taken
into consideration issecurity.This question is linked to thefact that Malta
is a State entirely concentrated within the narrow boundaries of theisland
which contains its capital. The Court observes (Judgment, para. 5 1) that
this factor might haveplayed a part if the delimitation lineweresocloseto
the coasts of Malta as to make questions of security a particular consi-

'See World Bank, World Tables, 3rd ed., Vol. 1, The Johns Hopkins University
Press, Baltimore and London, 1983,p. 560, whichives a gross national product per
capita for 1981of US$3,603 for Malta and US$ 8,454 for Libya. certesmoindre aveclasolutionretenue par laCour. Ilaurait étencoreplus
réduitsi la ligne médianepure et simple avait étéretenue.

28. Avant de conclure la présente opinion, quelques mots doivent
encoreêtreditsausujetde l'airede délimitation.D'unemanièregénéralei,l
convient de tenir compte, dans toute délimitation, comme la Cour l'avait
signalédans l'affaire du Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe
libyenne),de tous les segments du littoral d'une partie dont le prolonge-
ment pourrait rencontrer celui du littoral de l'autre partie (C.I.J. Recueil
1982, p. 61, par. 75). A cet égard,la formule défendue par Malte et

consistant à prolonger les côtes de l'îledans toutes les directions où elles
peuvent rencontrer les prolongements de côtes de la Libye a pour elle la
logique et se trouve enconformitégénérale avec lestendances récentesdu
droit international, notamment de la règledes 200 milles. Dans le cas
d'espèce,cependant, on ne saurait pousser cette conception à ses consé-
quencesextrêmescar,indiscutable au milieude l'océanoù ellepeut trouver
toute son extension, elle se heurte, dans un espace comme celui de la
Méditerranée, àun obstacle évident :les intérêts deEtats tiers. Dans la
présenteopération de délimitationentre Malte et la Libye, on ne saurait
toutefois se borner uniquement à l'espace définià l'ouest par une ligne
droitejoignant Ras il-Wardija sur l'îlede Gozoà Ras Ajdir, età l'est,par
une ligne droite joignant la pointe Delimara, sur l'île de Malte,à Ras
Zarrouk, non loin de l'intersection du méridien 15" 10'(limitedespréten-

tions de l'Italie) avecla côte libyenne. Il faudrait tenir aussi compted'un
espacesitué à l'estde la ligne pointe Delimara-Ras Zarrouk eàl'ouestdu
méridien15" 10'(et au nord de la ligne de délimitation). Cet espace, qui
prolonge la côte sud-est de Malte en direction de Benghazi, est situédans
une régionsur laquelle ne portent pas les prétentionsde l'Italie et il serait
donc normal qu'il revienne aussiàlazone du plateau continental de Malte
sur la base de la délimitationde la Cour. Cecisans exclure, naturellement,
la délimitation future avec l'Italie et la Libye en ce qui concerne les
étenduesextérieures à la zone restreinteàlaquelle la Cour a décidéde
limiter la portéedu présentarrêt.

29. Etant ainsi pleinement d'accord aveclespositions de la Cour sur un
certain nombrede points, alors queje doisàregret m'endissocierà propos
d'autres, il m'a paru qu'en définitive, malgl'importance de certains de
ceux-ci, notamment la question de la ligne médiane,je pouvais, pour les
raisons déjàindiquées,apporter ma voix à l'arrêtdans son ensemble.

(Signé)Nicolas VALTICOS.deration. The risk isadmittedly lesswith the solution chosen by the Court.
It would have been even further reduced if the median line pure and
simple had been adopted.

28. Before concluding this opinion, a few words must be added on the
question of the delimitation area. Generally speaking, in every delimita-
tion, as the Court pointed out in thecaseconcerning the ContinentalSheif
(Tunisia/Libyan Arab ~amahi$a), account should be taken of everypart
of thecoast of one party the extension of whichwould overlap with part of
the coast of the other party (I.C.J. Reports 1982,p. 61, para. 75). In this
respect, the formula proposed by Malta, which would extend the island's
coasts in al1directions in which they may overlap with the extensions of
Libya'scoasts has logicon its side, and is in broad conformity with recent
trends in international law, especially the 200-mile rule. However, in the

present casethisidea cannot be taken to its logicalconclusion ; unarguable
asit may be in themiddle of the ocean where a full extension ispossible, in
the confines of the Mediterranean it encounters an evident obstacle :the
interests of third States. In the present delimitation between Malta and
Libya however, it is not possible to confine the area wholly within the
expansedefined on theWestbyastraight linejoining Ras il-Wardija, on the
island of Gozo, to Ras Ajdir, and, on theeast, by a straight linejoining the
Delimara Point, on the island of Malta, to Ras Zarruq, close to the
intersection of the 15" 10'meridian (the limit of Italy's claims) with the
Libyancoast. Account must alsobe taken ofan expanse situated eastwards
of the line from Delimara Point to Ras Zarruq and westwards of the
15' 10'meridian (and northwards of the delimitation line). This area,
forming aprolongation of the southeastern coast of Malta in the direction
of Benghazi, is located wiehina region outside the reach of Italy's claims,
and it was therefore to be expected that it should also belong to Malta's
area of continental shelf on the basis of the Court's delimitation. To Say
this does not, of course, exclude any future delimitation with Italy and

Libya asregardsthe expansesoutside the restricted area to whichtheCourt
has decided to limit the scope of the present Judgment.

29. Being thus fully in agreement with the Court's views on a certain
number of points, although 1must regretfully dissociate myself from it in
regard to others, 1felt that in the final analysis, and notwithstanding the

significance of some of these points, not least the question of the median
line, 1could vote for the Judgment as a wholefor the reasonsalreadygiven.

(Signed) Nicolas VALTICOS.

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Document Long Title

Opinion individuelle de M. Valticos

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