Opinion individuelle de M. Sette-Camara, Vice-président (traduction)

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068-19850603-JUD-01-02-EN
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068-19850603-JUD-01-00-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. SETTE-CAMARA,
VICE-PRÉSIDENT

[Traduction]

Bien qu'ayant voté enfaveur de l'arrêtj,e trouve dans le raisonnement
quiy est fait certainspoints queje ne peux pas accepterentièrement. C'est
pourquoi je me vois obligédejoindre à l'arrêtla présente opinion indivi-
duelle.
Il convient, pour aboutiràladélimitation correctede lazonepertinente,
de commencer par définirquelles sont les côtes pertinentes. Et cela est
d'une importance particulière en l'espèce,car nous avons affaire à des
Etats dont les côtes se font face et se caractérisentpar une disproportion
sansprécédentdu point devuedelalongueur. Ilimportedoncau plus haut

point de définirsans ambiguïtéles côtes de chaque Partie qui sont perti-
nentes en l'espèce - définitionqui fait évidemmentpartie de l'opération
consistant àdéterminerlazone pertinente. Ilyaune autre raison quidonne
une importance extrême à cette définition descôtespertinentes :c'estque
l'arrêtattribueà la disproportionentre leslongueurs decôtescomparables
la valeur d'une circonstance spécialetrèsimportante, et mêmedétermi-
nante, pour corriger la ligned'équidistancequi constitue la premièreétape
del'opérationdedélimitation.Or ilnefait pas de doute quelessegmentsde
littoralcompris entre lapointe Delimara et Ras il-Wardija, du côtémaltais,
et entre Ras Ajdir, sur la frontière entre la Libye et la Tunisie, et Ras

Zarrouk, du côtélibyen, sont les côtes à considérer.
De même,je suistout à fait d'accord avec l'arrêtquand il rejette l'ar-
gument géomorphologique invoquépar la Libye. Au raisonnement de
l'arrêt surce point, j'ajouterai d'ailleurs que l'aCour a toujours montré
beaucoup de prudence en admettant l'existenced'une limitation naturelle
des zones de plateau continental, correspondant à des accidents naturels.
De même,le Royaume-Uni et la Norvège,dans leur accord du 10 mars
1965,ont complètementnégligé la fossenorvégienne,en dépitde son relief
accusé.De même encore,il est dit dans l'arbitrage franco-britanniquede
1977, au sujet de la fosse centrale - autre accident très marqué -, que
l'emplacement des accidents de cette sorte est affaire de hasard - (un

simpleaccident de lanature ))- et qu'((iln'yaen soiaucun motif pour que
cet axeconstitue la limite..))(décisiondu 30juin 1977,par. 108).Enfin la
Cour, dans l'affaire du Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe
libyenne) a rejetédans les termes suivants les efforts tunisiens pour pré-
senter les crêtesde Zira et de Zouara comme une ligne frontière pos-
sible:

Quant aux particularités dont la Tunisie fait état, la Cour, sans
admettre que leur étendueet leur importance relatives puissent être
ramenées à des proportions aussi insignifiantes que l'ont donné à entendre lesconseilsde la Libye,ne saurait souscrire à l'idéeque l'une
de ces caractéristiques marquerait une rupture ou solution de conti-
nuité telle qu'elle constituerait indiscutablement la limite de deux
plateaux continentaux ou prolongements naturels distincts. )(C.I.J.
Recueil 1982,p. 57, par. 66.)

Dansla présenteaffaire,lesdeux Parties ont eurecours à la pratique des
Etats pour étayerleur argumentation. La Libye a produit deux volumes
d'annexes reproduisant des accords de délimitation,pour la plupart tirés
deLimits in theSeas,publication du départementd'Etat des Etats-Unis, et
Malte a présentédans l'annexe 4 à sa réplique une savante étude de
M. J. R. V. Prescott sur cette mêmepratique - le débatprincipal entre les

Parties portant sur l'emploi de la méthode de l'équidistance dans les
accords de frontière maritime.
Je crois superflu d'entrer dans un tel débat. Depuis 1969,on sait que
l'équidistanceest une méthodeparmid'autres et qu'iln'estpas question de
lui attribuer une primauté quelconque, ni la qualité decritère prioritaire.
D'un autre côté,il serait vain d'essayer de prouver qu'elle est progressi-
vement éliminéede la pratique des Etats. En 1982encore, dans l'affaire
Tunisie/Libye, la Cour a fait appel àl'équidistancepour justifier l'inflé-
chissement de la ligne de délimitation à l'endroit où la côte tunisienne
change de direction, en s'exprimant comme suit :

<<De l'avis de la Cour, le changement radical d'orientation de la
côte tunisienne semble modifier jusqu'à un certain point, mais pas
complètement, la relation existant entre la Libye et la Tunisie qui,
Etats limitrophes au départ, tendraient à devenir des Etats sefaisant
face. On aboutit ainsi à une situation dans laquelle la position d'une

ligne d'équidistance pèseplus qu'elle ne ferait normalement dans
l'appréciationglobale des considérations d'équité. ))(C.I.J. Recueil
1982,p. 88, par. 126.)
Il suffit de parcourir la sérieLimits in the Seas pour constater que

l'équidistance a toujoursservi et continue à servir de technique de déli-
mitation, même slia troisièmeconférencedesNations Unies sur ledroit de
la mer a supprimé toute mention de cette méthodedans l'article 83 de la
convention de 1982.11est d'ailleurs ànoter que, malgré cefait, l'équidis-
tance n'est pas entièrement absente de cet instrument : aux termes de
l'article,ellereste lecritèreofficielpour fixerlalimite extérieurede lamer
territoriale.

Quant aux limites naturelles, la fosse de Timor semble êtrele seul
exemple indiscutable de phénomènegéomorphologiquecommandant le
tracéd'une ligne de délimitation.Dans Limits in the Seas (no87,p. 3),les

services géographiquesdu département d7Etat des Etats-Unis décrivent
cette fosse dans les termes suivants :
<On peut distinguer deux grandes provinces morphologiques sous- marines :la fosse de Timor au nord-ouest, et le plateau de Sahul au
sud-est. La fosse de Timor est un bassin allongéorienté approxima-
tivement nord-est/sud-ouest, dont la plus grande profondeur est
d'environ 3200 mètres. ))
Dans les autres cas mentionnéspar la Libye, c'est-à-dire dans l'accord
du 5 février1974entre la Corée etle Japon et dans l'accord du 29janvier

1974entre l'Espagneet la France, l'existenced'accidents morphologiques
accentuésapermis d'établirleslimitesdezonesd'exploitation encommun,
mais sans déterminer vraiment le tracéde la frontière.
Il importe d'ailleurs de noter que la facultéqu'ont les Etats de conclure
entre eux des accords de délimitation tenant compte des accidents mor-
phologiques, quelle que soit leur dimension, est une chose, et que l'obli-
gation pour un tribunal destatuer sur la base d'un accident du fond marin
en est une autre, fort différente.
La question n'est pas de regarder la carte et d'y chercher des frontières
dans le bleu sombre des dépressions et des fosses, ou dans la pâleur des
crêteset des plateaux.
La question est d'aller au-dekà, de recourir au droit, et de donner à
celui-ci le dernier mot.

L'arrêt araison de signaler qu'en l'espècele droit conventionnel ne
fournità la Cour aucune disposition pouvant servir de source dedroit. La
Libye (à la différencede Malte) n'estpas partie a la convention de Genève
de 1958sur ledroit de lamer. Il n'yapasd'accord antérieurdedélimitation
maritime entre lesParties. Quant àlaconvention de Montego Bayde 1982,
elle n'est pas encore en vigueur, et elle ne le sera pas avant longtemps, si
le rythme actuel de ratification se maintient. Les dispositions du droit
conventionnel,enparticulier cellesdes deux conventions susmentionnées,
ne peuvent donc êtreinvoquéesque dans la mesure où elles constituent

l'expression du droit international coutumier.
L'arrêtn'estime pas nécessairede faire l'historique de l'évolutiondu
concept de plateau continental. Il est vrai que la Cour l'a déjà faitde
manièreapprofondie dans les affaires du Plateau continental dela mer du
Nord (voir C.Z.J.Recueil 1969,p. 32, par. 42) et dans l'affaire du Plateau
continental(Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne)(voir C.I.J. Recueil 1982,
p. 43, par. 47). Et ces deux arrêtsont montréqu'aujourd'hui encore cer-
tains des principaux élémentsde la doctrine du plateau continental ont
leur source dans la proclamation 2667, faite le 28 septembre 1945par le
présidentdes Etats-Unis.
L'arrêtde la Cour de 1969 reste certainement l'événementmarquant
dans l'évolutiondu concept de plateau continental, et l'arrêtdu 12octobre
1984,rendu par la Chambrede la Cour en l'affaire de la Délimitationde la
frontièremaritime dans la régiondu golfedu Maine, entre le Canada et les
Etats-Unis, souligne avec force l'importance de l'arrêtde 1969 : <<Cet arrêt, connu pour avoir donné au lien entre l'institution
juridique du plateau continental et le fait physique du prolongement
naturel du territoire une importance plus marquéeque celle qui lui a

été accordép ear la suite, représente néanmoins ladécisionjudiciaire
quia leplus contribué àlaformation du droit coutumier en lamatière.
Decepoint de vue,sesacquisdemeurent incontestés. ))(C.I.J. Recueil
1984, p. 293, par. 91.)

Quelques-uns des énoncésde 1969constituent en effet la formulation
fondamentale des règles et principes régissant l'ensembledu droit du
plateau continental, quel'ondoit avoirprésents àl'esprittoutes lesfoisque
l'on s'occupede ce problème. L'énoncéprédominant se trouve dans le
dispositif de l'arrêt,au paragraphe 101C 1 :

<(la délimitationdoit s'opérerpar voie d'accord conformément à des
principes équitables et compte tenu de toutes les circonstances per-
tinentes, de manière à attribuer, dans toute la mesure du possible, à
chaque Partie la totalité des zones du plateau continental qui cons-
tituent le prolongement naturel de son territoire sousla mer et n'em-
piètent pas sur le prolongement naturel du territoire de l'autre ))
(C.I.J. Recueil 1969, p. 53).

L'arrêtde 1969reconnaît en outre que le prolongement naturel est un
fait de lanature ;on ne saurait donc ignorer la géographielorsqu'on essaie
de déterminerle plateau continental d'un pays donné.Comme il y est dit
au paragraphe 95 :

<<L'institution du plateau continental est néede la constatation
d'un fait naturel et lelien entre cefait et ledroit, sans lequel ellen'eût
jamais existé,demeure un élémentimportant dans l'application du
régimejuridique de l'institution. ))(Ibid., p. 51.)

Et encore : L'appartenance géologiquedu plateau continental aux pays
riverains devant leurs côtes est donc un fait ..))(Ibid.)
Le concept de plateau continental en tant que prolongement naturel de
la terre ferme trouve sasource dans leprincipe fondamental selonlequel la
terre domine la mer, que la Cour a énoncé ences termes :

<<En réalitéle titre que le droit international attribue ipsjo ure à
1'Etatriverain sur son plateau continental procède de ce que leszones
sous-marinesen cause peuvent êtreconsidérées commefaisant véri-

tablement partie du territoire sur lequel 1'Etatriverain exercedéjàson
autorité : on peut dire que, tout en étantrecouvertes, elles sont un
prolongement,une continuation, une extension de ceterritoire sousla
mer. (Ibid., p. 31, par. 43.)

Selon l'arrêtde 1969,cette règle est
laplus fondamentalede toutes lesrèglesdedroit relatives au plateau
continental et qui est consacréepar l'article 2 de la convention de Genève de 1958,bien qu'elle en soit tout à fait indépendante : les
droits de l'Etat riverain concernant la zone de plateau continental ...
existent ipsofacto et abinitio en vertu de la souverainetéde 1'Etatsur
ceterritoireet par une extension decettesouverainetésouslaformede

l'exercicede droits souverainsauxfins del'exploration du lit de lamer
et de l'exploitation de sesressources naturelles i)(C.I.J. Recueil 1969,
p. 22, par. 19).

Un autre point important de l'arrêtde 1969est qu'iln'yapas de règlede
droit internationalrendant obligatoire la méthode de l'équidistance,sauf
accord entre les Parties (ibid., p. 41, par. 69).
L'arbitrage franco-britanniquede 1977coïncidepresque en touspoints
avec l'arrêtde 1969quant aux règleset principes applicables à la délimi-
tation du plateau continental. Cette décisionarbitrale souligne également
l'importance du rapport entre le fait physique du prolongement naturel et
le conceptjuridique de plateau continental, la nature des droits de l'Etat
riverain surleplateau, et lapertinence de laconfiguration descôtes pour la

détermination du prolongement naturel.

L'arrêt enl'affaire du Plateau continental(Tunisie/Jamahiriya arabe
libyenne) de 1982 a confirmé les principales conclusions des arrêts sur
lePlateau continentalde la mer duNord, en ajoutant certains énoncésim-
portants sur les aspects pertinents de la délimitation du plateau conti-
nental.
Par exemple,leparagraphe 74de l'arrêtde 1982affirmel'importance de

la configuration des côtes.
Cetarrêtde1982estd'un intérêtparticulied rans laprésenteinstance,en
raison du débat qui avait opposéles Parties sur le respect du principe
fondamental du prolongement naturel, prônépar la Libye, et sur le rôle
donnépar Malte au principe de distance O,telqu'ilfigure àl'article76de
la convention de 1982sur le droit de la mer. La Cour a dit a ce sujet :

((D'aprèsla premièrepartie du paragraphe 1,c'estleprolongement
naturel du territoire terrestre qui est le critère principal. Dans la
deuxièmepartie du paragraphe, c'est la distance de 200 milles qui
fonde dans certaines circonstances le titre de 1'Etatcôtier. i)(C.I.J.
Recueil 1982, p. 48, par. 47.)

Et aussi :

((Dans la mesure cependant où le paragraphe prévoit que dans
certainescirconstancesladistance àpartir de lalignedebase, mesurée
à la surface de la mer, fonde le titre de 1'Etatcôtier, il s'écartedu
principe suivant lequel ce serait leprolongement naturel qui en cons-
tituerait la seule base. ))(Ibid., par. 48.)

Cependant lemêmeparagraphe 48 concluait que leprincipe de distance
n'était qu'unesimple ((tendance il:

Lesdeux Parties invoquent leprincipe du prolongement naturel : ellesn'ont avancéaucun argumentfondésurla (<tendance )>enfaveur
du principe de distance. La définitionde l'article76,paragraphe 1,ne
fournit donc aucun critère de délimitation en l'espèce. ))(C.I.J.
Recueil 1982, p. 48-49.)

Donc, dans la présente instance, la thèsede Malte se fondait, selon la
jurisprudence de la Cour, sur une <<tendance )>où l'onne peut encore voir
une règledu droit international coutumier.
Commel'arrêtde 1969,l'arrêtde 1982rejetait l'équidistanceen tantque

règleobligatoire :
<<S'ilest vrai que ...aucune règleobligatoire de droit international

coutumier n'exige que la délimitation s'effectue suivant l'équidis-
tance, il faut reconnaître que celle-ci a l'avantage - peut-êtreaussi
l'inconvénient - de reproduire presque toutes les irrégularités des
côtes prises comme base )>(ibid., p. 88, par. 126).

Cependant l'un desaspects importantsde l'arrêtde 1982est l'accentqui
y était mis sur la spécificitéde chaque cas de délimitation de plateau
continental :

<<Il est bien évidentquechaque litigerelatif au plateau continental
doit êtreexaminéet résoluen lui-mêmeen fonction descirconstances

qui lui sont propres ;il n'ya doncpas lieu d'essayer d'élaborertoute
une construction abstraite au sujet de l'application des principes et
règlesrelatifs au plateau continental. (Ibid., p. 92, par. 132.)

Et l'arrêt affirmait
<(la délimitation doit s'opérerconformément a des principes équi-

tables en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes >>
(ibid., par. 133A 1).
L'arrêtde 1982reconnaissait la réalitéde 1'~élargissementdu concept

[de plateau continental] à des finsjuridiques )>:
<(trèstôt dans l'évolutionde la notionjuridique de plateau continen-

tal, son acception s'est élargie,au point de comprendre pour finir
toute étendue du fond des mers se trouvant dans un rapport parti-
culier avecla côte d'un Etat voisin, qu'elleprésente ounon les carac-
téristiques exactesqu'un géographeattribuerait a un o plateau conti-
nental )>(ibid., p. 45, par. 41).

L'arrêt rendu le12octobre 1984par la Chambre de la Cour constituée

par l'ordonnance du 20janvier 1982en l'affaire de la Délimitationde la
frontièremaritime dans la régiondu golfe du Maine consolide encore l'es-
sentiel de la ju.ispr-dence de la Cour sur la délimitation du plateau
continental, tout en en précisant certains points.

La Chambre, comme la Cour avant elle, n'a accordéqu'une influence PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. SETTE-CAMARA) 66

limitéeaux frontières sous-marines naturelles, allant jusqu'à dire au para-
graphe 46 de son arrêt :

(<Mêmele plus accentué de ces accidents, c'est-à-dire le chenal
Nord-Est, ne possèdepas lescaractéristiquesd'unevéritablefossequi
marquerait la séparationentre deux unitésgéomorphologiques dis-
tinctes. Il ya là tout simplement un trait naturel de la région.On peut

d'ailleurs rappeler que la présenced'accidents beaucoup plus accen-
tués, telsque la fosse centrale et la zone de failles géologiquespré-
sentes dans le plateau qui faisait l'objet de l'arbitrage franco-britan-
nique, n'a pas empêchéle tribunal arbitral de conclure que les failles
en question n'interrompaient pas la continuité géologique dudit pla-
teau et ne constituaient pas desfacteurs utiles pour arrêter laméthode
de délimitation. )>(C.I.J. Recueil 1984,p. 274, par. 46.)

Et encore, au paragraphe 56 :

<(11faut d'ailleurs préciserqu'une délimitation,qu'elle soitmari-
time ou terrestre, est une opérationjuridico-politique et que rien ne
dit que, là mêmeoù une frontière naturelle apparaît, la délimitation
doive nécessairementen suivre le tracé. ))(Ibid., p. 277.)

La Chambre n'a pas manqué de souligner la portée limitéedu droit
international coutumier dans l'opérationmêmede délimitation, en cons-
tatant au paragraphe 81de l'arrêt :

(<Le droit international, et en disant cela il est logique que la
Chambre seréfèreenpremier lieuau droit international coutumier, ne
peut, par sa nature même,fournir dans une matière comme celle du
présent arrêq t ue quelques principesjuridiques de base qui énoncent
des directives à suivre en vue d'un but essentiel. (Ibzd, p. 290.)

Et le paragraphe 82 conclut :
<<Dans ledroitinternational conventionnel,en revanche, leschoses

peuvent seprésenter différemment,car rien n'empêchep , ar exemple,
les parties à une convention - soit bilatérale, soit multilatérale -
d'étendrela réglementation qu'ellesy prévoient à des aspects que le
droit international coutumier pourrait plus difficilement aborder. ))
(Ibid.)

A propos du rôle et de la nature du principe de I'équidistance,la
Chambre a suivi la démarche desarrêtsde 1969et de 1982en affirmant
avec clarté,au paragraphe 107 :

t(Que celle-ci [la méthode de I'équidistance]ait pu rendre des
services indéniables par son application dans bien des situations
concrètes, qu'ellesoit une méthode pratique dont une convention
comme celle de 1958peut prévoiret rendre obligatoire l'utilisation
dans certaines conditions, personne ne saurait le contester. Il n'em-
pêchequ'une tellenotion, telleque lajurisprudence internationale l'a mise en évidence, n'estpas pour autant devenue une règledu droit
international général,une norme découlant logiquement d'un prin-

cipejuridiquement obligatoire du droit international coutumier etque
ce dernier ne l'a d'ailleurspas non plus adoptéeausimple titre d'une
méthode prioritaire ou préférable. ))(C.I.J. Recueil 1984, p. 297.)

Enfin l'un desprincipaux passages de l'arrêtde la Chambre est celuiou,
s'appuyant sur l'arrêt rendudans les affaires du Plateau continentalde la
mer du Nord, la Chambre a énoncé ceque l'on peut considérer comme la
(norme fondamentale )>,expriméeau paragraphe 112 dans les termes
suivants :

<<1) Aucune délimitation maritime entre Etats dont les côtes sont
adjacentes ou se font face ne peut êtreeffectuéeunilatéralement par
l'unde ces Etats. Cette délimitation doitêtrerecherchéeet réalisée au
moyen d'un accordfaisant suite àune négociation menée debonne foi
et dans l'intention réelled'aboutir à un résultatpositif. Au cas où,
néanmoins, untel accord ne serait pas réalisable,la délimitation doit

êtreeffectuéeen recourant à une instance tierce dotéede la compé-
tence nécessairepour ce faire.
2) Dans le premier cas comme dans le second,la délimitation doit
êtreréalisée par l'application de critèreséquitablesetpar l'utilisation
de méthodes pratiques aptes à assurer, compte tenu de la configura-
tion géographiquede la régionet desautres circonstancespertinentes
de l'espèce,un résultat équitable. ))(Ibid., p. 299-300.)

Sij'ai rappelélesprincipales conclusions de la Cour dans sestrois arrêts
pertinents, ainsi que cellesde l'arbitrage franco-britanniquede 1977,c'est
qu'elles peuvent servird'arrière-plan pour examiner les réalisations plus
récentesdu droit conventionnel, correspondant aux dix annéesde travail

de la troisième conférence desNations Unies surle droitde la mer, dont la
convention de Montego Bay de 1982est le résultat.

Les deux Parties a la présente instance ont choisi des argumentsjuri-
diques différents pour appuyer leurs revendications. La Libye mettait en
avant le principe du prolongement naturel, en attribuant une importance
spécialeaux aspects physiques de ceprolongement, qui servaient sa thèse

del'existencede deuxfrontièresnaturelles dansla région,àsavoirla << zone
d'effondrement ))au nord-ouest etla ligne desescarpements(escarpement
de Sicile-Malteet escarpement de Medina, séparés par la valléedeHeron)
à l'est. La <zone d'effondrement )>,qui s'étendde la valléed'Egadi à la
valléede Heron sur plus de 300milles marins, était,d'aprèsla Libye, une
discontinuité fondamentale et constituait une frontière naturelle.
Malte refusait toute importance à ces caractères morphologiques, et

affirmait la continuité,la <<simplicité >)et la (normalité ))de la zone àdélimiter.Malte prétendaitenoutreque leprincipejusque-là incontesté du
prolongement naturel s'était progressivementérodé au coursde la troi-
sièmeconférencedesNations Unies sur le droit de la mer, et que, depuis
la convention de 1982,le principe fondamental du droit du plateau conti-
nental était le((principe de distance O,formulé à l'article76,paragraphe 1,
de cette convention.

Etant donnécet argument de Malte, il incombait à la Cour d'examiner
les <(nouvelles tendances du droit international de la mer, telles que les
exprime la convention de Montego Bay, bien qu'aucune disposition du
compromis entre la Libye et Malte ne chargeât la Cour d'une telle tâche,
comme c'étaitle cas dans le compromis Tunisie/Libye.
Il importe donc, pour commencer, de se demander quelle est la valeur
actuelledelaconvention de 1982surledroitde lamer. On saitque c'estune
convention signéeparun grand nombre d'Etats, ratifiéepar quelques-uns,
et qui n'estpas encore entréeen vigueur. Lenombre de ratifications requis

pour son entrée en vigueur (soixante) est loin d'êtreatteint : à l'heure
actuelle, quatorze Etats seulement ont procédé à cette formalité.La con-
vention ne peut doncêtreprise en considérationque dans la mesure où elle
contient desprincipes dedroitinternational coutumier. Apart cela,elleest
dépourvuede pertinence en l'espèce.
Etant donnétoutefois que l'arrêt,notamment aux paragraphes 39,42 et
43, rend au principe dit << de distance )>les honneurs d'une règlede droit
international coutumier sous la forme qu'il revêt à l'article 76, paragra-
phe 1,de la convention, il me paraît utile d'analyser la signification de ce
principe et son importance.

Ma première observation sera que l'article 76 vise la définition du
plateau continental et de seslimites extérieures,et non pas sadélimitation,
qui est traitée à l'article 83. Le paragraphe 10 de l'article 76,comme l'a
rappeléplusieurs fois la Libye, contient mêmela disposition suivante :

((Le présent articlene préjugepas de la question de la délimitation
du plateau continental entre des Etats dont les côtes sont adjacentes
ou se font face. ))
Enfait, leparagraphe 1de l'article76n'écarteaucunement leprincipe de

prolongement naturel en tant que corollaire de la règle selon laquellela
terre domine la mer. Au contraire, ce paragraphe est ainsi libellé :
((Le plateau continental d'un Etat côtier comprend les fonds
marinset leur sous-solau-delà de samer territoriale, surtoutel'étendue

duprolongementnaturelduterritoire terrestre ... (Lesitaliquessont de
moi.)
Le principe du prolongement naturel n'est donc pas abandonné :il est
complétédans la deuxièmepartie du mêmeparagraphe, où est résolu le
problème des Etats possédant une marge continentale dont le rebord

extérieursetrouve à une distance de moins de 200millesmarins à partir de
la côte.
L'histoire de cette disposition est trop connuepour qu'ilsoit besoin dela rappeler en détail. Deux polémiques sesont poursuivies pendant
la majeure partie de la troisième conférencedes Nations Unies sur le
droit de la mer : la controverse entre l'équidistanceet les principes équi-
tables, et, surtout, la lutte contre la tendance croissantà vouloir fixer à
200milles la largeur de la mer territoriale. Les craintes de plusieurs pays,
soucieux àjuste titre de sauvegarderleprincipe sacro-saint de la libertéde

la haute mer au cas où l'emporterait la tendance en faveur d'une mer
territoriale de 200 milles, provoquèrent une activité diplomatique com-
plexe et difficile,quiaboutità un accord surlazoneéconomiqueexclusive
de 200 milles et sur la disposition relative aux 200 milles de l'article 76,
paragraphe 1. C'est probablement de la polémiqueentre les tenants du
territoire))et ceux du patrimoine >)que sort le chiffre magique de
200milles, conçu pour remplacer la mer territoriale de 200 milles, à
laquelle les pays intéresséssont en voie de renoncer par la signature de la
convention et la ratification future de ses dispositions.

Le problèmequi sepose maintenant à nous est le suivant :le critèrede
distance de l'article6,paragraphe 1,de laconvention de 1982sur ledroit

delamer constitue-t-ilunedisposition de droitinternational coutumier,en
ce sens que le plateau continental aurait désormais une largeur minimale
de 200 milles marins depuis les lignes de base à partir desquelles est
mesuréela largeur de la mer territoriale, et une largeur maximale de
350milles marins en vertu du paragraphe 5 du mêmearticle ?
Endépitde toutes lesspéculationsqu'on peutfaire àl'appui dela théorie
de la créationspontanéedu droit international coutumier par la voie du
consensus,j'ai du mal à reconnaître d'ores et déjà aux dispositions sur la
distance de l'article 76, paragraphes 1et 5, le caractère de règlesde droit
international coutumier. La seule règlede droit international coutumier
qui soit retenue dans cet article reste, selon moi, la vieille règledu pro-

longementnaturel. Quant au reste, ilmanque lapreuve de l'opiniojurissive
necessitatis et de l'usus.Pour autant que je sache, il n'y a pas une seule
convention entreEtats - hormis laconvention de Montego Bayelle-même
- qui affirme la règled'une distance minimale de 200 milles et d'une
distance maximale de 350 milles. Il n'y a pas non plus de décisionsjudi-
ciaires internationales reconnaissant ces critères de distance. On peut, à
l'appui du principe de distance, parler de raisons d'opportunitépolitique
et diplomatique. Mais on ne peut pas invoquer I'opiniojuris sive neces-
sitatis.

On a dit aussi que lecritèremagique des200milles tendait à entraîner la
fusion de deux concepts, celui de plateau continental et celui de zone
économiqueexclusive.Je n'en suis pas sûr. Il y a, pour les Etats côtiers,
d'importantes différencesde compétenceentre les deux cas. La cinquième
partiede la convention de 1982,quitraite de lazoneéconomiqueexclusive,
necontient pas un seulmot conférantauxdroits de cesEtats lecaractèrede droits ab initioet ipsofacto, comme l'établitclairement le paragraphe 3 de
l'article77,concernant leplateau continental. Il est vrai que laconvention
n'exigepas de revendication ou de proclamation formelle de 1'Etatcôtier
pour établir l'existence de sa zone économique exclusive ; mais, jusqu'à
présent,la pratique des Etats a étéde considérer une revendication for-
melle comme nécessaire à l'existence d'une telle zone. En outre, selon
l'article57de la convention, la largeur de la zoneéconomiqueexclusivene
peut dépasser200millesmarins. Lechiffre de 200millesmarins représente
donc lalargeur maximale dans lecas de lazoneéconomiqueexclusive,etla

largeur minimale dans lecas du plateau continental. La largeur maximale
du plateau, selon le paragraphe 5 de l'article 76,est en effet de 350milles,
ou de 100 milles à partir de l'isobathe des 2500 mètres. Ainsi les deux
frontières, mêmesi parfois elles coïncident, délimitent des choses diffé-
rentes.
Une chose me semble peu claire : en quoi le principe de distance de
l'article 76 intéresse-t-illa présente délimitation Le groupe des îles mal-
taises se trouve a environ 180milles marins de la côte de Libye et, par
conséquent, à moins que l'on n'accepte l'argumentde la Libye au sujet de
l'existenced'une discontinuitéfondamentale et des frontièresnaturelles, il
n'y a entre les deux côtes qu'un seul plateau continental, de moins de
200milles marins, à diviser par accord entre les Parties selon lesprincipes
et les règlesindiquésdans l'arrêtde la Cour.

En ce qui concerne la zone économique exclusive, aucune des deux
Parties n'a formuléjusqu'ici de revendication officielle. Malte a établi
unilatéralement unezone de pêchede 25millespour protégersespêcheries
traditionnelles, spécialementles kannizzati, qui représentent40 pour cent
desprises maltaises. Mais, bien que leskannizzati - qui sont faits de bottes
defeuillesde palmier, souslesquellescertaines espècesserassemblentpour
rechercher l'ombre et sont alors capturées - soient très semblables aux
pêcheshistoriques tunisiennes, qui avaient tenu une place importantedans
l'argumentation des Parties en 1982,personne, en la présente affaire,n'a
mis en doute le droit de Malte d'établir sazone de pêchede 25 milles.
Comme de plus cette zone de pêchene dépasse pasla limite extrêmede
l'ajustement vers lenord de la ligne médiane(arrêt, par.72), il me paraît
inutile de m'y attarder.
Pour résumer, l'article76 de la convention maintient le prolongement

naturel comme source de titre et comme règlede droit international cou-
tumier, et l'on ne peut actuellement voir dans le <principe de distance ))
une règledu droit international coutumier.
Qui plus est, le concept de plateau continental, depuis son apparition
dans la proclamation Truman, se rapporte a une zone sous-marine :le
prolongement naturel du territoire des Etats dans et sous la mer ;et la
convention de Montego Bayne contient aucune disposition dont on puisse
dire qu'elle change quoi que ce soit à ce fait. Certes, le fait physique de
1'<e<spèce de socle géologiquea étéprogressivement remplacépar le
conceptjuridique de plateau continental. Etje reconnais que, d'après la
convention de 1982,ladistance de 200millespeut êtremesurée àla surfacedeseaux. Maisje doute que les (inouvelles tendances )aient rienchangé à
la nature du plateau continental comme zone sous-marine.
Laprésente affaireestuneaffaire dedélimitationdu plateau continental
entreEtats dont lescôtessefont face àune distance demoins de200milles.
Lesprolongements naturels de ces côtes serencontrent et sechevauchent.

La Course sert de I'équidistanceparce que l'équidistance esu t neméthode
- parmi d'autres - qui serecommande dans lesaffaires decegenre,et non
pas en vertu d'un <(principe de distance )>Après quoila Cour corrige la
ligne d'équidistancede façon à tenir compte de certaines circonstances
spécialeset à aboutir àun résultat équitable.C'esltà unefaçon deprocéder
normale selon ledroit international coutumier, etje ne voisaucune néces-
sitéde recourir à l'article 76, paragraphe 1 in fine, de la convention de
Montego Bay, ni d'introduire dans l'arrêtune analyse injustifiéeet pré-
maturéede la nouvelledéfinitiondu plateau continental que contiendrait
cette convention.

Quant àlazoneéconomiqueexclusive,je ne voispaspourquoi l'arrêtlui
consacre une part importante de ses motifs (par. 31-34).
La zone économiqueexclusive est une créationde la troisièmeconfé-
rence des Nations Unies sur le droit de la mer et de la convention de
Montego Bay.Certains pensent que, dans le systèmede la convention, les
concepts deplateau continental et dezoneéconomiqueexclusivetendent à
se fondre en une seuleet même chose.Je ne suis pas d'accord avec cette
façon de voir. En réalitél,esdroits et lajuridiction des Etats sur leplateau
continental et sur la zone économiqueexclusivesechevauchent dans une

très large mesure, maisdiffèrentaussi de bien des manières.Par exemple,
l'article56 de la convention traite des obligations de l'Etat côtier à
l'égardde la zone économiqueexclusive, et l'onne trouve aucune clause
semblable pour le plateau continental. Une autre différencefrappante
entre lesdeux régimesrésultede l'article 82de la convention, aux termes
duquel 1'Etatcôtierquiprospecte lesressourcesnon biologiquesduplateau
continental au-delà de 200 millesmarins doit verser des contributions en
espècesou en nature à l'Autorité,qui les répartit(ientre les Etats parties
selondescritèresdepartage équitables,compte tenu desintérête stbesoins
des Etats en développement,enparticulier desEtats en développementles

moins avancésou sans littoral ))Rien de tel n'existe à propos de la zone
économiqueexclusive.
En l'espècej,e lerépète,aucune desdeux Parties n'arevendiquéde zone
économiqueexclusive,et la proposition qu'avaitfaite la Libye de négocier
leslimitesde cettezoneenmêmetempsque cellesdu plateaucontinental a
étérejetéepar Malte, ce qui explique que rien de tel ne figure dans le
compromis. J'estime donc que les digressions de l'arrêt sur la zoneéco-
nomique exclusive n'étaientpas nécessaires,et ne contribuent pas à la
clartédu raisonnement.

Déjà,dans les affaires du Plateaucontinentalde lamer duNord, la Couravait invoqué laproportionnalité dans deux contextes différents. Selon le
paragraphe 101 C, qui traitait des principes et règles de droit interna-

tional applicables à la délimitationproprement dite,lerecours à la notion
de proportionnalité était accessoire et ne concernait que les <(zones de
chevauchement ))marginales, qui devaient êtrediviséesentre les Parties
par voie d'accord ou, àdéfaut,par parts égales, àmoins que les Parties
n'adoptent un régimedejuridiction, d'utilisation ou d'exploitation com-
mun pour tout ou partie des zones de chevauchement )).Mais le dispositif
invoquait aussi la proportionnalité dans un autre contexte, au sous-para-
graphe D, qui, énumérantles facteurs à prendre enconsidérationau cours
des négociationsentre les Parties, citait à l'alinéa3

<<le rapport raisonnable qu'une délimitation opérée conformémen t
des principes équitables devrait faire apparaître entre l'étendue des

zones de plateau continental relevant de l'Etat riverain et la longueur
de sonlittoral mesurésuivant la directiongénéralede celui-ci,compte
tenu à cette fin des effets actuels ou éventuelsde toute autre délimi-
tation du plateau continental effectuéeentreEtats limitrophes dansla
même région (C.I.J. Recueil 1969, p. 54).

La Cour, tout en rejetant la notion de proportionnalité avancéepar la
Républiquefédérald e'Allemagnecomme correspondant à<<unepartjuste
et équitable ))du plateau continental, ne pouvait pas l'écarter complète-

ment,et c'estpourquoi cette notion apparaît dans ledispositif, à proposde
la division des zones de chevauchement et comme (<facteur à prendre en
considérationpar les Parties <<au cours des négociations o.La différence
est à noter : dans le premier contexte, il n'y a pas de définition de la
proportionnalité entre leszones àdiviser,sibien que leparagraphe 101C2
stipule que, à défaut d'accordentre les Parties, ces zones devront être
diviséesparparts égales.Parcontre, lelibellédu paragraphe 101D 3définit
la proportionnalité comme un équilibreentre l'étendue deszones de pla-
teau continental et la longueur du littoral, mesuréesuivant la direction

généralede celui-ci.Mais là encore,je le répète,il est fait appel à la pro-
portionnalité comme àl'un des <(facteursà prendre en considération ..au
cours des négociations )entre les Parties- et cela dans le but mentionné
au paragraphe 92 de l'arrêtde 1969, à savoir que la délimitation soit
effectuéede manière à êtrereconnue comme équitable.
La décisionrendue dans l'arbitrage franco-britanniquede 1977conteste
l'application générale du critère du degréraisonnable deproportionnalité
tel que formulédans l'arrêtde 1969,enlaissant entendre au paragraphe 99

que ce critèreétait conçupour lecas particulier de trois Etats limitrophes,
situéssur une côte concave, et uniquement pour ce cas. Et le tribunal
arbitral déclareau paragraphe 101 :

<(En bref, c'est la disproportion plutôt qu'un principe généralde
proportionnalité qui constitue le critère ou facteur pertinent ...La
proportionnalité doit donc êtreutiliséecomme un critère ou un fac- teur permettant d'établirsi certaines situations géographiquespro-
duisent des délimitations équitables et non commeun principe géné-
ral qui constituerait une source indépendante de droits sur les éten-

dues de plateau continental. )>
Le tribunal arbitral a refuséde se livrer à de ((savants calculs )>sur la
longueur du littoral des Etats et sur l'étenduede plateau continental qui
leur revient. Par contre, il a admis la proportionnalité comme critère

servant à remédier auxdistorsions dues à des caractéristiques géogra-
phiques particulières - comme un instrument de correction de la dispro-
portion.
Le paragraphe 98 de l'arrêtde 1969(C.I.J. Recueil 1969,p. 52) semble
donner à l'élémend t e proportionnalité un sens beaucoup plus large que
celuisuggéré par la Libye en 1982.Ilyest dit en effet qu'ilfaut mesurer les
côtes

d'aprèsleur direction généraleafin d'établirl'équilibre nécessaire
entre les Etats ayant des côtes droites et les Etats ayant des côtes
fortement concaves ou convexes ou afin de ramener des côtes très
irrégulières à des proportions plus exactes D.

A l'appui de sa position, la Libye avait cité en 1982le passage suivant de
l'arbitrage franco-britannique :

((Elle [ladélimitation équitable]ne consiste pas davantage en une
simple attribution à ces Etats de zones du plateau proportionnelles à
la longueur de leur ligne côtière ;agir ainsi serait,en effet, remplacer
la délimitation par une attribution de parts. De plus, le principe
fondamental suivant lequel le plateau continental relèved'un Etat

côtierparce qu'il est leprolongement naturel du territoire de celui-ci
limite nettement le recours au facteur de proportionnalité. )>
(Par. 101.)

Mais le fait est que, dans la présente instance, la disproportion entre les
longueurs de côteétaitsiflagrante qu'ilfallaitabsolument, pour parvenir à
un résultat équitable,corriger toute ligne éventuelle selonun rapport
raisonnable.
La Libye est revenue plusieurs fois sur la nécessitéde tenir comptede la
proportionnalité, considéréed'après les masses terrestres des territoires
des Parties. Je pense que l'arrêt araison de dire que les dimensions terri-
toriales ne sont pasà prendre enconsidération : c'estlalongueur du littoral

qui importe.
Le tribunal chargéde délimiterlesfrontières maritimes entre la Guinée
et la Guinée-Bissau,dans sa décisionarbitrale du 14février1985,a conclu
au paragraphe 119 :

(Quant à la proportionnalité par rapport à la masse terrestre de
chaque Etat, le Tribunal estime qu'ellene constitue pas une circons-
tance pertinente en l'espèce.Les droits qu'un Etat peut prétendre
avoir sur la mer sont en rapport non pas avec l'étendue de son territoirederrièresescôtes, maisaveccescôteset avecla manièredont
ellesbordent ce territoire. Un Etat dont la superficie est peu étendue
peut prétendre à desterritoiresmaritimes bien plus importantsqu'un
Etat d'une grande superficie. Tout dépendde leursfaçadesmaritimes
respectives et de la façon dont elles se présentent.
LaCourne pouvait pas nepas tenir compte de laremarquable différence

de longueur entre lescôtespertinentes - différencesansprécédentdans la
pratique desEtats, au moins au degréqu'elleatteint ici.Cependant l'arrêt,
emboîtant le pas à l'arbitrage franco-britannique, tient compte de la dis-
proportion plutôt que de la proportionnalité. Et cette disproportion fla-
grante est retenue comme une circonstance spécialeimportante pour la
correction de la ligne d'équidistance. Le principe de proportionnalité
lui-même n'estretenu que dans son emploi normal à posteriori, comme
critère de l'équitédu résultat final.

Je ne puis souscrirà la démarchesuiviedans l'arrêtpour fixer la limite
extrêmevers le nord de l'équidistance corrigée. L'analyse du cadre géo-
graphique à laquelle il est procédé auparagraphe 69, avant de conclure
que, tout en ne concernant que le plateau continental relevant de deux
Etats, laprésentedélimitationest également effectuéeentreune portion du
littoral méridional de la Méditerranée centrale et une portion de son
littoral septentrional, me paraît bien artificielle. La Cour avaitlimiter
le plateau continental de deux Etats, et, aux termes du compromis, elle
n'était pas chargéede réglerla délimitation de << portions )>de rivages

continentaux. De plus, certainesparties de lacôte siciliennequi entrent ici
en ligne de compte ont déjà servipour tracer la ligne médiane provi-
soire dans ledétroit qui sépare Maltede la Sicile.Certes, la Cour ne voit
là qu'une première étape pour établirIa limite extrêmevers le nord du
déplacementdela ligned'équidistance,cequi fait l'objetdu paragraphe 72
de l'arrêt.Dans cepassage, la Courfait appel àune situation hypothétique
qui équivaut à ne pas tenir compte de l'existencede Malte, et imagine une
ligne médiane idéaleentre la Libye et la Sicile. Cette ligne constitue
l'ajustement extrêmeverslenord (évalué à24')de la ligne médianeMalte-
Libye. Entre ces deux lignes, la Cour aboutit à la solution de la ligne de
34" 30' N, résultatd'une correction de 18'qu'elle juge équitable.

Bien qu'acceptant la décisionde la Cour,j'ai certains doutes devant un
raisonnement aussi compliqué.Malteexiste,et comparaissait devant nous
comme l'une des Parties à l'instance. Il est impossible de ne pas tenir
compte de Malte, même à titre d'hypothèse. Sonlittoral, surla longueur ou
il s'étend,interrompt toute relation possible entre les côtes de la Libye et
cellesde l'Italie. Dans lecas d'Etats qui se font face, c'estla confrontation
entre leslittoraux quijoue lerôle suprêmedans l'opérationde délimitation,etilne sauraity avoirdeconfrontation de cegenreentre la Libyeetla Sicile
tant que lescôtes maltaises s'interposent entre l'uneet l'autre. Jefais donc
des réserves surla façon dont le paragraphe 72 de l'arrêtrefait implicite-
ment la géographie.Il eût étébien plussimple d'attribuer un effet partiel
aux côtes de Malte, en l'équilibrant avec l'effet partielttribuerà la
disproportion entre leslongueurs descôtespertinentes, de façoàaboutir
à un résultat équitable.
Cependant mes réserves ne serapportent qu'à certains aspects du rai-
sonnement suivi.Je suispersuadéque leprésent arrêatboutit pleinementà
la solution équitable qui, aux termes de l'article 83 de la convention de
Montego Bay, est le but ultime de l'opérationde délimitation.

(Signé José SETTE-CAMARA.

Bilingual Content

60

SEPARATE OPINION OF VICE-PRESIDENT SE7TE-CAMARA

Whilevoting in favour of theJudgment, 1feel that there are somepoints
of the reasoning with which 1 do not entirely agree. That is why 1 find
myself bound to append this separate opinion to the Judgment.

In order to arrive at the proper delimitation of the relevant area we
should start from the definition of the relevant coasts. And in the present
case this is particularly important because we are faced with a case of
States with opposite coastlines and coastlines with an unprecedented dis-
proportion inlengths. It isofparamount importance that thecoasts ofeach

Party which are relevant to the case be defined in an unambiguous way.
And that of course would be a part of the process for establishing the
relevant area. The definition of the relevant coastlines is moreover of
extreme importance because the Judgment has considered the dispropor-
tion in the comparable lengths of coasts as a very important special
circumstance, indeed a determinant for the correction of the equidistance
line which constituted the first step in the process of delimitation. But it is
beyond doubt that the segments of coastlines between Delimara Point and
Ras il-Wardija on the Maltese side, and between Ras Ajdir, on the boun-
dary between Libya and Tunisia, and Ras Zarruq on the Libyan side
emerge as the relevant coasts.
Again, 1fullyagreewith theJudgment in rejecting the geomorphological
argument advanced by Libya. To the reasoning of the Judgment on this
point 1would add the following : the Court has been very careful in the
recognition of natural boundaries ofcontinental shelfareas constituted by
natural features. The treatment of the Norwegian Trough by the United

Kingdom and Norway in the Agreement of 10 March 1965completely
disregarded it in spite of its marked characteristics ; the findings of the
Court of Arbitration in the Anglo-French Arbitration of 1977, when
referring to the Hurd Deep - another marked feature -, stated that the
location offeatures of thisiund isamatter ofchance - "a fact of nature" -,
"and there isno intrinsic reason why a boundary along that axis should be
the boundary . .."(Decision of 30 June 1977,para. 108).And again the
Court's 1982 Judgment in the Continental Shelf (Tunisia/Libyan Arab
Jamahiriya) case rejects the Tunisian attempt at presenting the Zira and
Zuwarah Ridges as a potential boundary line. The Court found :

"As for the features relied on by Tunisia, the Court, while not
accepting that the relative sizeandimportance of thesefeatures can be
reduced to such insubstantial proportions as counsel for Libya sug- OPINION INDIVIDUELLE DE M. SETTE-CAMARA,
VICE-PRÉSIDENT

[Traduction]

Bien qu'ayant voté enfaveur de l'arrêtj,e trouve dans le raisonnement
quiy est fait certainspoints queje ne peux pas accepterentièrement. C'est
pourquoi je me vois obligédejoindre à l'arrêtla présente opinion indivi-
duelle.
Il convient, pour aboutiràladélimitation correctede lazonepertinente,
de commencer par définirquelles sont les côtes pertinentes. Et cela est
d'une importance particulière en l'espèce,car nous avons affaire à des
Etats dont les côtes se font face et se caractérisentpar une disproportion
sansprécédentdu point devuedelalongueur. Ilimportedoncau plus haut

point de définirsans ambiguïtéles côtes de chaque Partie qui sont perti-
nentes en l'espèce - définitionqui fait évidemmentpartie de l'opération
consistant àdéterminerlazone pertinente. Ilyaune autre raison quidonne
une importance extrême à cette définition descôtespertinentes :c'estque
l'arrêtattribueà la disproportionentre leslongueurs decôtescomparables
la valeur d'une circonstance spécialetrèsimportante, et mêmedétermi-
nante, pour corriger la ligned'équidistancequi constitue la premièreétape
del'opérationdedélimitation.Or ilnefait pas de doute quelessegmentsde
littoralcompris entre lapointe Delimara et Ras il-Wardija, du côtémaltais,
et entre Ras Ajdir, sur la frontière entre la Libye et la Tunisie, et Ras

Zarrouk, du côtélibyen, sont les côtes à considérer.
De même,je suistout à fait d'accord avec l'arrêtquand il rejette l'ar-
gument géomorphologique invoquépar la Libye. Au raisonnement de
l'arrêt surce point, j'ajouterai d'ailleurs que l'aCour a toujours montré
beaucoup de prudence en admettant l'existenced'une limitation naturelle
des zones de plateau continental, correspondant à des accidents naturels.
De même,le Royaume-Uni et la Norvège,dans leur accord du 10 mars
1965,ont complètementnégligé la fossenorvégienne,en dépitde son relief
accusé.De même encore,il est dit dans l'arbitrage franco-britanniquede
1977, au sujet de la fosse centrale - autre accident très marqué -, que
l'emplacement des accidents de cette sorte est affaire de hasard - (un

simpleaccident de lanature ))- et qu'((iln'yaen soiaucun motif pour que
cet axeconstitue la limite..))(décisiondu 30juin 1977,par. 108).Enfin la
Cour, dans l'affaire du Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe
libyenne) a rejetédans les termes suivants les efforts tunisiens pour pré-
senter les crêtesde Zira et de Zouara comme une ligne frontière pos-
sible:

Quant aux particularités dont la Tunisie fait état, la Cour, sans
admettre que leur étendueet leur importance relatives puissent être
ramenées à des proportions aussi insignifiantes que l'ont donné à61 CONTINENTAL SHELF (SEP.OP. SETTE-CAMARA)

gest, isunable to find that any of them involve such a marked dis-
ruption or discontinuance of the sea-bed as to constitute an indis-
putable indication of the lirnitsof two separate continental shelves,or
twoseparate natural prolongations." (I.C.J. Reports1982,p. 57,para.
66.)

In thepresent caseboth Parties have resorted to thepractice of States to
support their arguments. Libya produced a two-volume Annex to its
Counter-Memorial, reproducing Delimitation Agreements, mainly based
on the United States Department of State's Limits in the Seas. Malta
submitted, as Annex 4 to the Maltese Reply, a learned expert opinion on
State practice by Dr. J. R. V.Prescott. The main controversy between the
Parties centred on the use of the equidistance method in maritime boun-
dary agreements.

1believe that it is otiose to embark on such a controversy. Since 1969it
has been well established that equidistance is one method among others,
and that there is no question of attributing to it a primacy or the character
of a primary test. But, on the otherhand, it would be futile to try to prove
that it has been progressively discarded by the practice of States. As
recently asthe Tunisia/Libya casein 1982,the Court invoked equidistance
tojustify the veering of the delimitation line at the point of change of di-
rection of the Tunisian coastline. The Court found (Judgment, para.
126) :

"The major change in direction undergone by the Coastof Tunisia
seemsto theCourt to gosomeway,though not the wholeway,towards
transforming the relationship of Libya and Tunisia from that of
adjacent States to that of opposite States, and thus to produce a
situation in which the position of an equidistance line becomes a
factor to be given more weight in the balancing of equitable consi-
derations than would otherwise be the case." (I.C.J. Reports 1982,
p. 88.)

A simple perusal of the series Limits in the Seas will show beyond any
doubt that equidistance has always been, and continues to be, found a
useful technical method for delimitation, even though the work of the
Third United Nations Conference on the Law of the Sea has led to the
suppression of any mention of it in Article 83 of the 1982Convention on
the Lawof the Sea.One should notethat,in spite of this fact, equidistance
has not been altogether expelled from that Convention. According to its
Article 4 thereof equidistance is still the officia1criterion for establishing
the outer limit of the territorial sea.
Regarding natural boundaries, the Timor Trough seems to be the only
indisputable exampleofageomorphological phenomenon governing aline
of delimitation. The Timor Trough is described by The Geographer,
Bureau of Intelligence and Research of the Department of State of the
United States in Limits in the Seas, No. 87, page 3, as follows :

"Two major submarine rnorphologic provinces may be distin- entendre lesconseilsde la Libye,ne saurait souscrire à l'idéeque l'une
de ces caractéristiques marquerait une rupture ou solution de conti-
nuité telle qu'elle constituerait indiscutablement la limite de deux
plateaux continentaux ou prolongements naturels distincts. )(C.I.J.
Recueil 1982,p. 57, par. 66.)

Dansla présenteaffaire,lesdeux Parties ont eurecours à la pratique des
Etats pour étayerleur argumentation. La Libye a produit deux volumes
d'annexes reproduisant des accords de délimitation,pour la plupart tirés
deLimits in theSeas,publication du départementd'Etat des Etats-Unis, et
Malte a présentédans l'annexe 4 à sa réplique une savante étude de
M. J. R. V. Prescott sur cette mêmepratique - le débatprincipal entre les

Parties portant sur l'emploi de la méthode de l'équidistance dans les
accords de frontière maritime.
Je crois superflu d'entrer dans un tel débat. Depuis 1969,on sait que
l'équidistanceest une méthodeparmid'autres et qu'iln'estpas question de
lui attribuer une primauté quelconque, ni la qualité decritère prioritaire.
D'un autre côté,il serait vain d'essayer de prouver qu'elle est progressi-
vement éliminéede la pratique des Etats. En 1982encore, dans l'affaire
Tunisie/Libye, la Cour a fait appel àl'équidistancepour justifier l'inflé-
chissement de la ligne de délimitation à l'endroit où la côte tunisienne
change de direction, en s'exprimant comme suit :

<<De l'avis de la Cour, le changement radical d'orientation de la
côte tunisienne semble modifier jusqu'à un certain point, mais pas
complètement, la relation existant entre la Libye et la Tunisie qui,
Etats limitrophes au départ, tendraient à devenir des Etats sefaisant
face. On aboutit ainsi à une situation dans laquelle la position d'une

ligne d'équidistance pèseplus qu'elle ne ferait normalement dans
l'appréciationglobale des considérations d'équité. ))(C.I.J. Recueil
1982,p. 88, par. 126.)
Il suffit de parcourir la sérieLimits in the Seas pour constater que

l'équidistance a toujoursservi et continue à servir de technique de déli-
mitation, même slia troisièmeconférencedesNations Unies sur ledroit de
la mer a supprimé toute mention de cette méthodedans l'article 83 de la
convention de 1982.11est d'ailleurs ànoter que, malgré cefait, l'équidis-
tance n'est pas entièrement absente de cet instrument : aux termes de
l'article,ellereste lecritèreofficielpour fixerlalimite extérieurede lamer
territoriale.

Quant aux limites naturelles, la fosse de Timor semble êtrele seul
exemple indiscutable de phénomènegéomorphologiquecommandant le
tracéd'une ligne de délimitation.Dans Limits in the Seas (no87,p. 3),les

services géographiquesdu département d7Etat des Etats-Unis décrivent
cette fosse dans les termes suivants :
<On peut distinguer deux grandes provinces morphologiques sous- guished :theTimor trough in the northwest and the Sahul shelfin the
southeast. The Timor trough is an elongated basin oriented approxi-
mately northeast-southwest ;the maximum depth is approximately
3,200 meters."

In the other cases mentioned by Libya, namely the 5 February 1974
Agreementbetween Japan and Korea, and the 29January 1974Agreement
between France and Spain, the existence of marked morphological fea-
tures led tothe establishment ofjoint development zonelimits, and did not
really determine the course of the boundary.
But it is important to observe that it is one thing for any Stateto be free
to conclude with another State a delimitation agreement that would take
into account geomorphological features of whatever dimension ; for a

tribunal to feel obliged to decide on the basis of any accidentalfeature of
the sea-bed is quite another.
When we resort to maps, we should not merely search for natural
boundaries in the dark blue depths of depressions and troughs or in the
pale shallownesses of ridges and plateau.
Beyond al1this we have to resort to law and it is law that will have the
final word.

The Judgment hascorrectlyrecognized that in the present casethe Court
cannot rely on any provision of treaty-law as a source of the law to be
applied. Libya,unlike Malta, isnot aparty to the 1958Geneva Convention
on the Law of the Sea.There is no previous agreement on delimitation of
maritime boundaries in force between the Parties. On the other hand, the
1982Montego Bay Convention on the Law of the Sea is not yet in force,
and willnotbefor aconsiderable time,ifthe present Paceof ratifications is
maintained. Therefore provisions of treaty-law, particularly those of the
two above-mentioned Conventions, may be invoked only in so far as they
constitute the expression of customary international law.
The Judgment did not find it necessary to evoke the history of the
evolution of the concept of continental shelf.The Court itself has done so
extensively in the North Sea Continental Sheif cases (see I.C.J. Reports
1969, p. 32, para. 42) and in the Continental Sheif (Tunisia/Libyan Arab

Jamahiriya) case (see I.C.J. Reports 1982, p. 43, para. 47). And in both
these Judgments it was emphasized that even today some of the main
elements of the doctrine of the continental shelf can be traced back to
Proclamation 2667 made by the President of the United States on
28 September 1945.
The 1969Judgment of the Court certainly continues to be a milestonein
the evolution of the concept of the continental shelf. In the Judgment of
12October 1984givenby the Chamber of theCourt in the caseconcerning
Delimitation of the Maritime Boundary in theGuifof Maine Area, between
Canada and the United States, the importance of the 1969Judgment was
emphasized in strong terms : marines :la fosse de Timor au nord-ouest, et le plateau de Sahul au
sud-est. La fosse de Timor est un bassin allongéorienté approxima-
tivement nord-est/sud-ouest, dont la plus grande profondeur est
d'environ 3200 mètres. ))
Dans les autres cas mentionnéspar la Libye, c'est-à-dire dans l'accord
du 5 février1974entre la Corée etle Japon et dans l'accord du 29janvier

1974entre l'Espagneet la France, l'existenced'accidents morphologiques
accentuésapermis d'établirleslimitesdezonesd'exploitation encommun,
mais sans déterminer vraiment le tracéde la frontière.
Il importe d'ailleurs de noter que la facultéqu'ont les Etats de conclure
entre eux des accords de délimitation tenant compte des accidents mor-
phologiques, quelle que soit leur dimension, est une chose, et que l'obli-
gation pour un tribunal destatuer sur la base d'un accident du fond marin
en est une autre, fort différente.
La question n'est pas de regarder la carte et d'y chercher des frontières
dans le bleu sombre des dépressions et des fosses, ou dans la pâleur des
crêteset des plateaux.
La question est d'aller au-dekà, de recourir au droit, et de donner à
celui-ci le dernier mot.

L'arrêt araison de signaler qu'en l'espècele droit conventionnel ne
fournità la Cour aucune disposition pouvant servir de source dedroit. La
Libye (à la différencede Malte) n'estpas partie a la convention de Genève
de 1958sur ledroit de lamer. Il n'yapasd'accord antérieurdedélimitation
maritime entre lesParties. Quant àlaconvention de Montego Bayde 1982,
elle n'est pas encore en vigueur, et elle ne le sera pas avant longtemps, si
le rythme actuel de ratification se maintient. Les dispositions du droit
conventionnel,enparticulier cellesdes deux conventions susmentionnées,
ne peuvent donc êtreinvoquéesque dans la mesure où elles constituent

l'expression du droit international coutumier.
L'arrêtn'estime pas nécessairede faire l'historique de l'évolutiondu
concept de plateau continental. Il est vrai que la Cour l'a déjà faitde
manièreapprofondie dans les affaires du Plateau continental dela mer du
Nord (voir C.Z.J.Recueil 1969,p. 32, par. 42) et dans l'affaire du Plateau
continental(Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne)(voir C.I.J. Recueil 1982,
p. 43, par. 47). Et ces deux arrêtsont montréqu'aujourd'hui encore cer-
tains des principaux élémentsde la doctrine du plateau continental ont
leur source dans la proclamation 2667, faite le 28 septembre 1945par le
présidentdes Etats-Unis.
L'arrêtde la Cour de 1969 reste certainement l'événementmarquant
dans l'évolutiondu concept de plateau continental, et l'arrêtdu 12octobre
1984,rendu par la Chambrede la Cour en l'affaire de la Délimitationde la
frontièremaritime dans la régiondu golfedu Maine, entre le Canada et les
Etats-Unis, souligne avec force l'importance de l'arrêtde 1969 : "That Judgment, whilewellknown to have attributedmore marked
importance to thelink between the legalinstitution-ofthecontinental
shelf and the physical fact of the natural prolongation than has
subsequently been given to it, is nonetheless the judicial decision
which has made the greatest contribution to the formation of cus-
tomary law in this field. From this point of view, its achievements
remain unchallenged." (I.C.J. Reports 1984, p. 293, para. 91 .)

A few of the 1969dicta constitute basic formulations of the principles
and rules governing the whole of the field of the law of the continental
shelf, that must be kept in mind whenever we deal with this problem. The
overriding dictum is contained in operative paragraph 101(C) (1) of the
Judgment which reads :

"delimitation is to be effected by agreement in accordance with
equitable principles, and taking account of al1the relevant circum-
stances, in such a wayasto leaveas much as possible to each Party al1
those parts of the continental shelf that constitute a natural prolon-
gation of its land territory intoand under the sea, without encroach-
ment on the natural prolongation of the land territory of the other"
(I.C.J. Reports 1969, p. 53).

The Judgment contains a recognition moreover that such a natural
prolongation isafact of nature, so that geography cannot be ignored when
trying to identify thecontinental shelfof a givencountry.Indeed it saysin
paragraph 95 :

"The institution of the continental shelf has arisen out of the
recognition of a physical fact ; and the link between this fact and the
law,without which that institution would never have existed, remains
an important element for the application of its legal régime." (Ibid.,
p. 51.)
And more : "The appurtenance of the shelf to the countries in front of

whose coastlines it lies, is therefore a fact ..." (Ibid.)
The source of the concept of the continental shelf as the natural pro-
longation of the landmass arises from the basic principle that the land
dominates the sea. The Court put it in the following terms :
"What confers the ipsjo ure title which international law attributes
to the coastal State in respect of its continental shelf, is the fact that

the submarine areas concerned may be deemed to be actually part of
the territory over which the coastal State already has dominion, - in
the sensethat, although coveredwith water, they are aprolongation or
continuation of that territory, an extension ofit under the sea." (Ibid.,
p. 31, para. 43.)
The Judgment also considered it

"the most fundamental of al1the rules of law relating to the conti-
nental shelf, enshrined in Article 2 of the 1958Geneva Convention, <<Cet arrêt, connu pour avoir donné au lien entre l'institution
juridique du plateau continental et le fait physique du prolongement
naturel du territoire une importance plus marquéeque celle qui lui a

été accordép ear la suite, représente néanmoins ladécisionjudiciaire
quia leplus contribué àlaformation du droit coutumier en lamatière.
Decepoint de vue,sesacquisdemeurent incontestés. ))(C.I.J. Recueil
1984, p. 293, par. 91.)

Quelques-uns des énoncésde 1969constituent en effet la formulation
fondamentale des règles et principes régissant l'ensembledu droit du
plateau continental, quel'ondoit avoirprésents àl'esprittoutes lesfoisque
l'on s'occupede ce problème. L'énoncéprédominant se trouve dans le
dispositif de l'arrêt,au paragraphe 101C 1 :

<(la délimitationdoit s'opérerpar voie d'accord conformément à des
principes équitables et compte tenu de toutes les circonstances per-
tinentes, de manière à attribuer, dans toute la mesure du possible, à
chaque Partie la totalité des zones du plateau continental qui cons-
tituent le prolongement naturel de son territoire sousla mer et n'em-
piètent pas sur le prolongement naturel du territoire de l'autre ))
(C.I.J. Recueil 1969, p. 53).

L'arrêtde 1969reconnaît en outre que le prolongement naturel est un
fait de lanature ;on ne saurait donc ignorer la géographielorsqu'on essaie
de déterminerle plateau continental d'un pays donné.Comme il y est dit
au paragraphe 95 :

<<L'institution du plateau continental est néede la constatation
d'un fait naturel et lelien entre cefait et ledroit, sans lequel ellen'eût
jamais existé,demeure un élémentimportant dans l'application du
régimejuridique de l'institution. ))(Ibid., p. 51.)

Et encore : L'appartenance géologiquedu plateau continental aux pays
riverains devant leurs côtes est donc un fait ..))(Ibid.)
Le concept de plateau continental en tant que prolongement naturel de
la terre ferme trouve sasource dans leprincipe fondamental selonlequel la
terre domine la mer, que la Cour a énoncé ences termes :

<<En réalitéle titre que le droit international attribue ipsjo ure à
1'Etatriverain sur son plateau continental procède de ce que leszones
sous-marinesen cause peuvent êtreconsidérées commefaisant véri-

tablement partie du territoire sur lequel 1'Etatriverain exercedéjàson
autorité : on peut dire que, tout en étantrecouvertes, elles sont un
prolongement,une continuation, une extension de ceterritoire sousla
mer. (Ibid., p. 31, par. 43.)

Selon l'arrêtde 1969,cette règle est
laplus fondamentalede toutes lesrèglesdedroit relatives au plateau
continental et qui est consacréepar l'article 2 de la convention de 64 CONTINENTAL SHELF (SEP.OP. SETTE-CAMARA)

though quite independent of it, - namely that the rights of the coastal

State in respect of the area of continental shel...existipsofacto and
abinitio,byvirtue of its sovereigntyovertheland,and asan extension
ofit in an exerciseof sovereignrightsfor the purpose of exploring the
seabed and exploiting its natural resources" (I.C.J. Reports 1969,
p. 22, para. 19).

Another important point of the 1969Judgment is that there isno rule of
international law imposing the equidistance method as obligatory, failing

the agreement of the Parties (see ibid., p. 41, para. 69).
TheAnglo-French Arbitration of 1977coincideson most points with the
1969Judgment on the establishment of the principles and rules governing
the question ofdelimitation of thecontinental shelf.The importance of the
relationship between the physical fact of natural prolongation and the
legal concept of continental shelf, the nature of the rights of the coastal
State over the shelf, and the relevance of the configuration of the coasts to
the identification of the natural prolongation, are likewiseemphasized in
the arbitral decision.
The 1982 ContinentalSheif (Tunisia/Libyan Arab Jamahiriya) case con-
firmed the basic findings of the North Sea Continental Sheif cases and
added some important dicta on relevant aspects of continental shelf
delimitation.

For instance, the importance of the configuration of the coasts is
emphasized in paragraph 74 of the 1982Judgment.

The 1982Judgment is especiallymeaningful for the present case because
of the controversy between the Parties relating to Libya's fidelity to the
basic principle of natural prolongation and Malta's reliance on the "dis-
tance principle" as it appearsin Article 76 of the 1982Convention on the
Law of the Sea. On this point the Court said :
"According to the firstpart ofparagraph 1the natural prolongation
of the land territory is the main criterion. In the second part of the
paragraph, the distance of 200 nautical miles is in certain circum-

stances the basis of the title of a coastal State." (I.C.J. Reports 1982,
p. 48, para. 47.)
And

"In so far however as the paragraph provides that in certain cir-
cumstancesthedistance from the baseline, measured on thesurface of
the sea,is the basis forthe title of thecoastal State, it departs from the
principle thatnatural prolongation is the solebasis of the title."bid.,
para. 48.)

But the same paragraph 48 concluded that the distance principle is a
mere "trend". It reads :
"Both Parties rely on the principle of natural prolongation :they Genève de 1958,bien qu'elle en soit tout à fait indépendante : les
droits de l'Etat riverain concernant la zone de plateau continental ...
existent ipsofacto et abinitio en vertu de la souverainetéde 1'Etatsur
ceterritoireet par une extension decettesouverainetésouslaformede

l'exercicede droits souverainsauxfins del'exploration du lit de lamer
et de l'exploitation de sesressources naturelles i)(C.I.J. Recueil 1969,
p. 22, par. 19).

Un autre point important de l'arrêtde 1969est qu'iln'yapas de règlede
droit internationalrendant obligatoire la méthode de l'équidistance,sauf
accord entre les Parties (ibid., p. 41, par. 69).
L'arbitrage franco-britanniquede 1977coïncidepresque en touspoints
avec l'arrêtde 1969quant aux règleset principes applicables à la délimi-
tation du plateau continental. Cette décisionarbitrale souligne également
l'importance du rapport entre le fait physique du prolongement naturel et
le conceptjuridique de plateau continental, la nature des droits de l'Etat
riverain surleplateau, et lapertinence de laconfiguration descôtes pour la

détermination du prolongement naturel.

L'arrêt enl'affaire du Plateau continental(Tunisie/Jamahiriya arabe
libyenne) de 1982 a confirmé les principales conclusions des arrêts sur
lePlateau continentalde la mer duNord, en ajoutant certains énoncésim-
portants sur les aspects pertinents de la délimitation du plateau conti-
nental.
Par exemple,leparagraphe 74de l'arrêtde 1982affirmel'importance de

la configuration des côtes.
Cetarrêtde1982estd'un intérêtparticulied rans laprésenteinstance,en
raison du débat qui avait opposéles Parties sur le respect du principe
fondamental du prolongement naturel, prônépar la Libye, et sur le rôle
donnépar Malte au principe de distance O,telqu'ilfigure àl'article76de
la convention de 1982sur le droit de la mer. La Cour a dit a ce sujet :

((D'aprèsla premièrepartie du paragraphe 1,c'estleprolongement
naturel du territoire terrestre qui est le critère principal. Dans la
deuxièmepartie du paragraphe, c'est la distance de 200 milles qui
fonde dans certaines circonstances le titre de 1'Etatcôtier. i)(C.I.J.
Recueil 1982, p. 48, par. 47.)

Et aussi :

((Dans la mesure cependant où le paragraphe prévoit que dans
certainescirconstancesladistance àpartir de lalignedebase, mesurée
à la surface de la mer, fonde le titre de 1'Etatcôtier, il s'écartedu
principe suivant lequel ce serait leprolongement naturel qui en cons-
tituerait la seule base. ))(Ibid., par. 48.)

Cependant lemêmeparagraphe 48 concluait que leprincipe de distance
n'était qu'unesimple ((tendance il:

Lesdeux Parties invoquent leprincipe du prolongement naturel : have not advanced any argument based on the 'trend' towards the
distance principle. The definition in Article 76,paragraph 1,therefore
affords no criterion for delimitation in the present case." (I.C.J.

Reports 1982, pp. 48-49.)
So, in the present case, the argument of Malta, according to the juris-
prudence of theCourt, isbased ona "trend" that cannot yet be considered
as a rule of customary international law.
Consistently with the 1969 Judgment, the 1982 Judgment discards

equidistance as a mandatory rule :
"While . ..there is no mandatory rule of customary international
lawrequiring delimitation to be on an equidistance basis, it should be
recognized that it is thevirtue - though it may alsobethe weakness -
of the equidistance method to take full account of almost al1varia-

tions in the relevant coastlines." (Ibid., p. 88, para. 126.)
But one of the highlights of the 1982Judgment deals with the specificity
of each case of dispute over continental shelf delimitation, where it
States:

"Clearly each continental shelfcasein dispute should be considered
and judged on its own merits, having regard to its peculiar circum-
stances ; therefore, no attempt should be made here to overconcep-
tualize the application of the principles and rules relating to the
continental shelf." (Ibid., p. 92, para. 132.)

And the Judgment proclaims :

"the delimitation is to be effected in accordance with equitable prin-
ciples, and taking account of al1relevant circumstances" (ibid.,para.
133A. (1)).
The Judgment accepted the reality of the "widening of the concept [of
continental shelf] for legal purposes" :

"at a very early stage in the development of the continental shelf as a
concept of law, it acquired a more extensive connotation, so as even-
tually to embrace any sea-bed area possessing a particular relation-
ship with the coastline of a neighbouring State, whether or not such

area presented the specificcharacteristics which a geographer would
recognize as those of what he would classify as 'continental shelf' "
(ibid. p. 45, para. 41).
The Judgment dated 12 October 1984 of the Chamber of the Court,
constituted by the Order of 20 January 1982 in the Delimitation of the

Maritime Boundary inthe Gulf of Maine Area case, contributes substan-
tially to consolidating the basic findings of thejurisprudence of the Court
on the question of delimitation of continental shelf, and to clarifying
additional points.
Regarding the problem of natural submarine frontiers the Chamber ellesn'ont avancéaucun argumentfondésurla (<tendance )>enfaveur
du principe de distance. La définitionde l'article76,paragraphe 1,ne
fournit donc aucun critère de délimitation en l'espèce. ))(C.I.J.
Recueil 1982, p. 48-49.)

Donc, dans la présente instance, la thèsede Malte se fondait, selon la
jurisprudence de la Cour, sur une <<tendance )>où l'onne peut encore voir
une règledu droit international coutumier.
Commel'arrêtde 1969,l'arrêtde 1982rejetait l'équidistanceen tantque

règleobligatoire :
<<S'ilest vrai que ...aucune règleobligatoire de droit international

coutumier n'exige que la délimitation s'effectue suivant l'équidis-
tance, il faut reconnaître que celle-ci a l'avantage - peut-êtreaussi
l'inconvénient - de reproduire presque toutes les irrégularités des
côtes prises comme base )>(ibid., p. 88, par. 126).

Cependant l'un desaspects importantsde l'arrêtde 1982est l'accentqui
y était mis sur la spécificitéde chaque cas de délimitation de plateau
continental :

<<Il est bien évidentquechaque litigerelatif au plateau continental
doit êtreexaminéet résoluen lui-mêmeen fonction descirconstances

qui lui sont propres ;il n'ya doncpas lieu d'essayer d'élaborertoute
une construction abstraite au sujet de l'application des principes et
règlesrelatifs au plateau continental. (Ibid., p. 92, par. 132.)

Et l'arrêt affirmait
<(la délimitation doit s'opérerconformément a des principes équi-

tables en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes >>
(ibid., par. 133A 1).
L'arrêtde 1982reconnaissait la réalitéde 1'~élargissementdu concept

[de plateau continental] à des finsjuridiques )>:
<(trèstôt dans l'évolutionde la notionjuridique de plateau continen-

tal, son acception s'est élargie,au point de comprendre pour finir
toute étendue du fond des mers se trouvant dans un rapport parti-
culier avecla côte d'un Etat voisin, qu'elleprésente ounon les carac-
téristiques exactesqu'un géographeattribuerait a un o plateau conti-
nental )>(ibid., p. 45, par. 41).

L'arrêt rendu le12octobre 1984par la Chambre de la Cour constituée

par l'ordonnance du 20janvier 1982en l'affaire de la Délimitationde la
frontièremaritime dans la régiondu golfe du Maine consolide encore l'es-
sentiel de la ju.ispr-dence de la Cour sur la délimitation du plateau
continental, tout en en précisant certains points.

La Chambre, comme la Cour avant elle, n'a accordéqu'une influenceconcurred with the previous Judgments in giving them a limited weight.
Indeed, in paragraph 46 we read :

"Even the most accentuated of these features, namely the North-
east Channel, does not have the characteristics of a real trough
marking the dividing-line between two geomorphologically distinct
units. It is quite simply a natural feature of the area. It might alsobe
recalled that the presence of much more conspicuous accidents, such
as the Hurd deep and Hurd Deep FaultZonein thecontinental shelf
which was the subject of the Anglo-French arbitration, did not pre-
vent the Court of Arbitration from concluding that those faults did
not interrupt the gslogical continuity of that shelf and did not
constitute factors to be used to determine the method of delimita-
tion."(I C..J. Reports 1984,p. 274, para. 46.)

And more in paragraph 56 :
"It must, however, be emphasized that a delimitation, whether of a
maritime boundary or of a land boundary, is a legal-political opera-

tion, and that it is not the case that where a natural boundary is
discernible, the political delimitation necessarily has to follow the
same line." (Ibid p.,77.)
The Chamber did not fail to emphasize the limited reach of customary
international law in the actual process of delimitation. In paragraph 81 of
the Judgment it found :

"In a matter of this kind, international l-wandin this respect the
Chamber has logically to refer primarily to customary international
law - can of its nature onlyprovide afewbasiclegalprinciples, which
lay down guidelines to be followed with a view to an essential objec-
tive."(Ibid p.,90.)
And it concluded in paragraph 82 :

"The same may not, however, be true of international treaty law.
There is,for instance, nothing toprevent theparties to a convention
whether bilateral or multilater-lfromextending the rulescontained
in that convention to aspects which it is less likely that customary
international law might govern." (Ibid.)

On the role and nature of the equidistance principle the Chamber
followed in the footsteps of the 1969and 1982Judgments. In paragraph
107 the Chamber stated clearly :

"It will not be disputed that this method has rendered undeniable
servicein many concrete situations, and is a practical method whose
use under certainconditions should becontemplated and mademan-
datory by aconvention like that of 1958.Nevertheless this concept, as
manifested in decided cases,has not thereby become a rule of general
international law, a norm logically flowing from a legally binding PLATEAU CONTINENTAL (OP. IND. SETTE-CAMARA) 66

limitéeaux frontières sous-marines naturelles, allant jusqu'à dire au para-
graphe 46 de son arrêt :

(<Mêmele plus accentué de ces accidents, c'est-à-dire le chenal
Nord-Est, ne possèdepas lescaractéristiquesd'unevéritablefossequi
marquerait la séparationentre deux unitésgéomorphologiques dis-
tinctes. Il ya là tout simplement un trait naturel de la région.On peut

d'ailleurs rappeler que la présenced'accidents beaucoup plus accen-
tués, telsque la fosse centrale et la zone de failles géologiquespré-
sentes dans le plateau qui faisait l'objet de l'arbitrage franco-britan-
nique, n'a pas empêchéle tribunal arbitral de conclure que les failles
en question n'interrompaient pas la continuité géologique dudit pla-
teau et ne constituaient pas desfacteurs utiles pour arrêter laméthode
de délimitation. )>(C.I.J. Recueil 1984,p. 274, par. 46.)

Et encore, au paragraphe 56 :

<(11faut d'ailleurs préciserqu'une délimitation,qu'elle soitmari-
time ou terrestre, est une opérationjuridico-politique et que rien ne
dit que, là mêmeoù une frontière naturelle apparaît, la délimitation
doive nécessairementen suivre le tracé. ))(Ibid., p. 277.)

La Chambre n'a pas manqué de souligner la portée limitéedu droit
international coutumier dans l'opérationmêmede délimitation, en cons-
tatant au paragraphe 81de l'arrêt :

(<Le droit international, et en disant cela il est logique que la
Chambre seréfèreenpremier lieuau droit international coutumier, ne
peut, par sa nature même,fournir dans une matière comme celle du
présent arrêq t ue quelques principesjuridiques de base qui énoncent
des directives à suivre en vue d'un but essentiel. (Ibzd, p. 290.)

Et le paragraphe 82 conclut :
<<Dans ledroitinternational conventionnel,en revanche, leschoses

peuvent seprésenter différemment,car rien n'empêchep , ar exemple,
les parties à une convention - soit bilatérale, soit multilatérale -
d'étendrela réglementation qu'ellesy prévoient à des aspects que le
droit international coutumier pourrait plus difficilement aborder. ))
(Ibid.)

A propos du rôle et de la nature du principe de I'équidistance,la
Chambre a suivi la démarche desarrêtsde 1969et de 1982en affirmant
avec clarté,au paragraphe 107 :

t(Que celle-ci [la méthode de I'équidistance]ait pu rendre des
services indéniables par son application dans bien des situations
concrètes, qu'ellesoit une méthode pratique dont une convention
comme celle de 1958peut prévoiret rendre obligatoire l'utilisation
dans certaines conditions, personne ne saurait le contester. Il n'em-
pêchequ'une tellenotion, telleque lajurisprudence internationale l'a 67 CONTINENTAL SHELF (SEP.OP. SETTE-CAMARA)

principle of customary international law, neither has it been adopted
into customary law simply as a method to be given priority or pre-

ference." (I.C.J. Reports 1984, p. 297.)

One of the most important passages of the Judgment of the Chamber is
the one where, drawing upon the Judgment in the North Sea Continental
Shelfcases, the Chamber enunciated what could be considered the "basic
norm", which is contained in paragraph 112and reads :

"(1) No maritime delimitation between States with opposite or
adjacent coasts may be effected unilaterally by one of those States.
Such delimitation must be sought and effected by means of an agree-
ment, following negotiations conducted in good faith and with the
genuineintention of achievingapositive result. Where, however, such

agreement cannot be achieved, delimitation should be effected by
recourse to a third party possessing the necessary competence.

(2) In either case, delimitation is to be effected by the application
of equitable criteria and by the use of practical methods capable of
ensuring, with regard to the geographic configuration of the area and
other relevant circumstances, an equitable result." (Ibid., pp. 299-
300.)

1have tried to draw up a marginalia of the important findings of the
Court in its three relevant Judgments, as well as the 1977Decision of the
Anglo-French Court of Arbitration, as an important background for con-
sideration of the more recent achievements in the field of treaty-law
through the almost ten years of labour of the Third United Nations
Conference on the Law of the Sea, of which the 1982 Montego Bay
Convention is the result.

The two Parties in the present case have diverged in their pursuit of the
basic legalsupport for their claims. Libya attached itself to theprinciple of
natural prolongation, attributing special importance to the physical
aspects of natural prolongation, to develop itsclaim of the existenceof two
natural frontiers in the area, namely the "Rift Zone" in the northwest and
the line of Escarpments (Sicily-Malta Escarpment and Medina Escarp-
ment, separated by the Heron Valley) in the east. The "Rift Zone",
extending from the Egadi Valley to the Heron Valley, over more than 300

nautical miles, is a fundamental discontinuity according to Libya and
constitutes a natural frontier.
Malta denies any importance to the same morphological features,
affirming the continuity, "simplicity" and "normality" of the area to be mise en évidence, n'estpas pour autant devenue une règledu droit
international général,une norme découlant logiquement d'un prin-

cipejuridiquement obligatoire du droit international coutumier etque
ce dernier ne l'a d'ailleurspas non plus adoptéeausimple titre d'une
méthode prioritaire ou préférable. ))(C.I.J. Recueil 1984, p. 297.)

Enfin l'un desprincipaux passages de l'arrêtde la Chambre est celuiou,
s'appuyant sur l'arrêt rendudans les affaires du Plateau continentalde la
mer du Nord, la Chambre a énoncé ceque l'on peut considérer comme la
(norme fondamentale )>,expriméeau paragraphe 112 dans les termes
suivants :

<<1) Aucune délimitation maritime entre Etats dont les côtes sont
adjacentes ou se font face ne peut êtreeffectuéeunilatéralement par
l'unde ces Etats. Cette délimitation doitêtrerecherchéeet réalisée au
moyen d'un accordfaisant suite àune négociation menée debonne foi
et dans l'intention réelled'aboutir à un résultatpositif. Au cas où,
néanmoins, untel accord ne serait pas réalisable,la délimitation doit

êtreeffectuéeen recourant à une instance tierce dotéede la compé-
tence nécessairepour ce faire.
2) Dans le premier cas comme dans le second,la délimitation doit
êtreréalisée par l'application de critèreséquitablesetpar l'utilisation
de méthodes pratiques aptes à assurer, compte tenu de la configura-
tion géographiquede la régionet desautres circonstancespertinentes
de l'espèce,un résultat équitable. ))(Ibid., p. 299-300.)

Sij'ai rappelélesprincipales conclusions de la Cour dans sestrois arrêts
pertinents, ainsi que cellesde l'arbitrage franco-britanniquede 1977,c'est
qu'elles peuvent servird'arrière-plan pour examiner les réalisations plus
récentesdu droit conventionnel, correspondant aux dix annéesde travail

de la troisième conférence desNations Unies surle droitde la mer, dont la
convention de Montego Bay de 1982est le résultat.

Les deux Parties a la présente instance ont choisi des argumentsjuri-
diques différents pour appuyer leurs revendications. La Libye mettait en
avant le principe du prolongement naturel, en attribuant une importance
spécialeaux aspects physiques de ceprolongement, qui servaient sa thèse

del'existencede deuxfrontièresnaturelles dansla région,àsavoirla << zone
d'effondrement ))au nord-ouest etla ligne desescarpements(escarpement
de Sicile-Malteet escarpement de Medina, séparés par la valléedeHeron)
à l'est. La <zone d'effondrement )>,qui s'étendde la valléed'Egadi à la
valléede Heron sur plus de 300milles marins, était,d'aprèsla Libye, une
discontinuité fondamentale et constituait une frontière naturelle.
Malte refusait toute importance à ces caractères morphologiques, et

affirmait la continuité,la <<simplicité >)et la (normalité ))de la zone à 68 CONTINENTAL SHELF (SEP. OP. SETTE-CAMARA)

delimited. Moreover, Malta allegesthe progressiveerosion, in thecourse of
theworkof theThird United Nations Conference on the Lawof the Sea,of
the hitherto undisputed principle of natural prolongation, and has main-
tained that the fundamental principle of the lawof the continental shelfis,

since the 1982 Convention, the "principle of distance" as envisaged in
paragraph 1 of Article 76 of the Convention.
In view of the argument of Malta the Court was bound to examine the
"new trends" of international law in the law of the sea, as reflected in the
Montego BayConvention,althoughthe SpecialAgreement between Libya
and Malta does not contain any specific proviso attributing to the Court
such a task, as was the case with the Tunisia/Libya Special Agreement.
At the outset one should enquire what is the present status of the 1982
Convention on the Lawof the Sea.Of course it isa Convention signedby a
large number of States, ratified by afew,and not yet in force. The required
number of ratifications for its coming into force (60 ratifications) is far
from being attained : at present only 14States have ratified it. Therefore
the Convention can be taken into consideration only in sofaras itcontains
principles ofcustomaryinternational law.Apart from that theConvention
is irrelevant to this case.

But since the Judgment, particularly in paragraphs 39, 42 and 43, has
attributed to the so-called "distance principle" the status of a rule of
customaryinternational lawin theform it takes in Article 76,paragraph 1,
of the Convention, 1feel it would be appropriate to analyse its meaning
and importance.
My first observation is that Article 76 relates to the definition of the
continental shelf and of its outward limits, and not to delimitation, which
is dealt with in Article 83. Paragraph 10of Article 76 contains an express
proviso according to which :

"The provisions of this article are without prejudice to the question
of delimitation of the continental shelf between States with opposite
or adjacent coasts."
In fact, paragraph 1of Article 76by no means discards the principle of
natural prolongation as a corollary of the rule that the land dominates the
sea. Indeed Article 76, paragraph 1, reads :

"The continental shelfof a coastal State comprisesthe sea-bed and
subsoil of the submarine areas that extend beyond its territorial sea
throughoutthenuturulprolongutionof itsIundterritory . ." (Emphasis
added.)

The principle of natural prolongation therefore has not been aban-
doned ; it issupplemented by the second part of theparagraph which took
care of thesituation ofStates possessingacontinental margin with an outer
edge not extending to the distance of 200 nautical miles.

The history of this provision is well known and does not require to bedélimiter.Malte prétendaitenoutreque leprincipejusque-là incontesté du
prolongement naturel s'était progressivementérodé au coursde la troi-
sièmeconférencedesNations Unies sur le droit de la mer, et que, depuis
la convention de 1982,le principe fondamental du droit du plateau conti-
nental était le((principe de distance O,formulé à l'article76,paragraphe 1,
de cette convention.

Etant donnécet argument de Malte, il incombait à la Cour d'examiner
les <(nouvelles tendances du droit international de la mer, telles que les
exprime la convention de Montego Bay, bien qu'aucune disposition du
compromis entre la Libye et Malte ne chargeât la Cour d'une telle tâche,
comme c'étaitle cas dans le compromis Tunisie/Libye.
Il importe donc, pour commencer, de se demander quelle est la valeur
actuelledelaconvention de 1982surledroitde lamer. On saitque c'estune
convention signéeparun grand nombre d'Etats, ratifiéepar quelques-uns,
et qui n'estpas encore entréeen vigueur. Lenombre de ratifications requis

pour son entrée en vigueur (soixante) est loin d'êtreatteint : à l'heure
actuelle, quatorze Etats seulement ont procédé à cette formalité.La con-
vention ne peut doncêtreprise en considérationque dans la mesure où elle
contient desprincipes dedroitinternational coutumier. Apart cela,elleest
dépourvuede pertinence en l'espèce.
Etant donnétoutefois que l'arrêt,notamment aux paragraphes 39,42 et
43, rend au principe dit << de distance )>les honneurs d'une règlede droit
international coutumier sous la forme qu'il revêt à l'article 76, paragra-
phe 1,de la convention, il me paraît utile d'analyser la signification de ce
principe et son importance.

Ma première observation sera que l'article 76 vise la définition du
plateau continental et de seslimites extérieures,et non pas sadélimitation,
qui est traitée à l'article 83. Le paragraphe 10 de l'article 76,comme l'a
rappeléplusieurs fois la Libye, contient mêmela disposition suivante :

((Le présent articlene préjugepas de la question de la délimitation
du plateau continental entre des Etats dont les côtes sont adjacentes
ou se font face. ))
Enfait, leparagraphe 1de l'article76n'écarteaucunement leprincipe de

prolongement naturel en tant que corollaire de la règle selon laquellela
terre domine la mer. Au contraire, ce paragraphe est ainsi libellé :
((Le plateau continental d'un Etat côtier comprend les fonds
marinset leur sous-solau-delà de samer territoriale, surtoutel'étendue

duprolongementnaturelduterritoire terrestre ... (Lesitaliquessont de
moi.)
Le principe du prolongement naturel n'est donc pas abandonné :il est
complétédans la deuxièmepartie du mêmeparagraphe, où est résolu le
problème des Etats possédant une marge continentale dont le rebord

extérieursetrouve à une distance de moins de 200millesmarins à partir de
la côte.
L'histoire de cette disposition est trop connuepour qu'ilsoit besoin de recapitulated. Throughout the greater part of the Third United Nations

Conference on the Law of the Sea twoimportant disputes took place :the
equidistance versus equitable principles controversy, and - most impor-
tant - the struggle against the growing tendency of many countries
towards theestablishment of 200miles as the breadth of the territorial sea.
The fears of a number of countries, rightly concerned about the threat to
thepreservation of the sacrosanctprinciple of thefreedom of the high seas
constituted by any generalization of the trend towards the 200-mile ter-
ritorial sea, led to a painstaking and intricate exerciseof diplomacy, from
which emerged a consensus on the recognition of the 200 miles exclusive
economic zone and the 200 miles proviso of Article 76, paragraph 1.The
dispute between the "territorialists" and the "patrimonialists" isprobably
at the root of the magic number of 200miles. It was negotiated to counter
the 200 miles territorial sea, renunciation of which by the interested
countries will follow from the signing of the Convention and by the

forthcoming ratification of its provisions.
Now, the problem before usis : does the distancecriterion of Article 76,
paragraph 1, of the 1982 Convention on the Law of the Sea constitute
customary international law, in the sense that 200nautical miles from the
baselines, from which the breadth of the territorial seais measured, willbe
theminimum breadth of thecontinental shelf,whilethemaximum breadth
of the samecontinental shelfshallnot exceed350nautical miles,according
to paragraph 5 of the same Article ?
In spite of al1 the speculations backing the theory of instantaneous
formation of customaryinternational lawby theprocedure of consensus, 1
find it difficult to accept at this time the distance provisions of Article 76,
paragraphs 1and 5, as rules of customary international law. The only rule
ofcustomaryinternational lawretained by thisArticle is,1submit, still the
old rule of natural prolongation. Anything further lacks evidence of opinio

juris sivenecessitatisand of usus.To the best of my knowledge, there is not
one single convention between States - aside the Montego Bay Conven-
tion - embodying the rule of minimum 200milesand maximum 350miles.
Neither is there any decision of an international tribunal subscribing to
these distance criteria. In support of the distance principle political and
diplomatic convenience can be invoked - but this ishardly opiniojuris sive
necessitatis.

On the other hand, it has been suggested that the magic criterion of
200 milestends to lead to a merger of the two concepts - continental shelf
and exclusive economic zone. 1have my doubts on this point. There are
substantial differences in thejurisdiction of the coastal State in the two
cases. Part V of the 1982 Convention, which deals with the exclusive
economic zone, does not contain one word that would givethe rights of thela rappeler en détail. Deux polémiques sesont poursuivies pendant
la majeure partie de la troisième conférencedes Nations Unies sur le
droit de la mer : la controverse entre l'équidistanceet les principes équi-
tables, et, surtout, la lutte contre la tendance croissantà vouloir fixer à
200milles la largeur de la mer territoriale. Les craintes de plusieurs pays,
soucieux àjuste titre de sauvegarderleprincipe sacro-saint de la libertéde

la haute mer au cas où l'emporterait la tendance en faveur d'une mer
territoriale de 200 milles, provoquèrent une activité diplomatique com-
plexe et difficile,quiaboutità un accord surlazoneéconomiqueexclusive
de 200 milles et sur la disposition relative aux 200 milles de l'article 76,
paragraphe 1. C'est probablement de la polémiqueentre les tenants du
territoire))et ceux du patrimoine >)que sort le chiffre magique de
200milles, conçu pour remplacer la mer territoriale de 200 milles, à
laquelle les pays intéresséssont en voie de renoncer par la signature de la
convention et la ratification future de ses dispositions.

Le problèmequi sepose maintenant à nous est le suivant :le critèrede
distance de l'article6,paragraphe 1,de laconvention de 1982sur ledroit

delamer constitue-t-ilunedisposition de droitinternational coutumier,en
ce sens que le plateau continental aurait désormais une largeur minimale
de 200 milles marins depuis les lignes de base à partir desquelles est
mesuréela largeur de la mer territoriale, et une largeur maximale de
350milles marins en vertu du paragraphe 5 du mêmearticle ?
Endépitde toutes lesspéculationsqu'on peutfaire àl'appui dela théorie
de la créationspontanéedu droit international coutumier par la voie du
consensus,j'ai du mal à reconnaître d'ores et déjà aux dispositions sur la
distance de l'article 76, paragraphes 1et 5, le caractère de règlesde droit
international coutumier. La seule règlede droit international coutumier
qui soit retenue dans cet article reste, selon moi, la vieille règledu pro-

longementnaturel. Quant au reste, ilmanque lapreuve de l'opiniojurissive
necessitatis et de l'usus.Pour autant que je sache, il n'y a pas une seule
convention entreEtats - hormis laconvention de Montego Bayelle-même
- qui affirme la règled'une distance minimale de 200 milles et d'une
distance maximale de 350 milles. Il n'y a pas non plus de décisionsjudi-
ciaires internationales reconnaissant ces critères de distance. On peut, à
l'appui du principe de distance, parler de raisons d'opportunitépolitique
et diplomatique. Mais on ne peut pas invoquer I'opiniojuris sive neces-
sitatis.

On a dit aussi que lecritèremagique des200milles tendait à entraîner la
fusion de deux concepts, celui de plateau continental et celui de zone
économiqueexclusive.Je n'en suis pas sûr. Il y a, pour les Etats côtiers,
d'importantes différencesde compétenceentre les deux cas. La cinquième
partiede la convention de 1982,quitraite de lazoneéconomiqueexclusive,
necontient pas un seulmot conférantauxdroits de cesEtats lecaractèredecoastal State an abinitioand ipsofactocharacter, as isclearlyestablished in
paragraph 3 of Article 77 concerning the continental shelf. It is true that

the Convention does not require an express claim or proclamation of the
coastal State to establish the existence of the exclusiveeconomic zone. But
sofar thepractice of States has been that an express claim is necessary for
the existence of the exclusive economic zone. Moreover, according to
Article 57 of the Convention, the breadth of the exclusiveeconomic zone
shall not extend beyond 200 nautical miles. In the case of the exclusive
economic zone 200nautical miles is the maximum breadth and in the case
of the continental shelfit is the minimum breadth.The maximum breadth
of the latter, according to paragraph 5 of Article 76, will be 350 miles or
100milesfrom the 2,500-metreisobath. Sothe twoboundaries of maritime
spaces, although possibly coinciding, delimit different things.

What does not seemclear to me iswhat the distance principle of Article

76hasto do with thepresent delimitation. The Maltese group ofislands lies
about 180nautical milesoff the Coastof Libya ;so, unless one accepts the
argument of Libya of the fundamental discontinuity and natural boun-
daries, what existsbetween the twocoasts isone singlecontinental shelfof
less than 200 nautical miles to be divided by agreement between the
Parties, according to principles and rules to be establishedby the Court in
its Judgment.
As to the exclusive economic zone, neither Party has so far made any
officia1claim. Malta has unilaterally established a 25-milefishing zone to
protect its traditional fisheries, especially the kannizzati, the latter being
the source of 40per cent of the Maltese catch. Although the kannizzati -
made of bundles of palm leaves under which certain species gather in
search of shade and are then caught - are very similar to the Tunisian
historic fisheries, which involved a substantial part of the argument of the

Parties in 1982, in the present case nobody has questioned the right of
Malta to establishits 25-milefishery zone. Since,furthermore, it is located
to the north of what the Judgment treats as the maximum northward
adjustment of the median line (para. 72), 1think we should not lose any
time in discussing it.

To sum up, Article 76 of the Convention retained natural prolongation
asasource of entitlement and asa rùle ofcustomary international law.The
so-called "distance principle" could hardly be considered a rule of cus-
tomary international law at the present time.
Moreover, the concept of continental shelf, since its inception in the
Truman Proclamation, has related to a submarine area - the natural

prolongation of the territory of a State into and under the sea. There is
nothing in the Montego Bay Convention that can be said to change this
fact. It is true that the physical fact of the geological"species of platform"
has been progressively replaced by thejuridical concept of the continental
shelf. 1 admit that in the light of the 1982 Convention the distance of
200 miles may be measured on the surface of the waters. But 1 doubt droits ab initioet ipsofacto, comme l'établitclairement le paragraphe 3 de
l'article77,concernant leplateau continental. Il est vrai que laconvention
n'exigepas de revendication ou de proclamation formelle de 1'Etatcôtier
pour établir l'existence de sa zone économique exclusive ; mais, jusqu'à
présent,la pratique des Etats a étéde considérer une revendication for-
melle comme nécessaire à l'existence d'une telle zone. En outre, selon
l'article57de la convention, la largeur de la zoneéconomiqueexclusivene
peut dépasser200millesmarins. Lechiffre de 200millesmarins représente
donc lalargeur maximale dans lecas de lazoneéconomiqueexclusive,etla

largeur minimale dans lecas du plateau continental. La largeur maximale
du plateau, selon le paragraphe 5 de l'article 76,est en effet de 350milles,
ou de 100 milles à partir de l'isobathe des 2500 mètres. Ainsi les deux
frontières, mêmesi parfois elles coïncident, délimitent des choses diffé-
rentes.
Une chose me semble peu claire : en quoi le principe de distance de
l'article 76 intéresse-t-illa présente délimitation Le groupe des îles mal-
taises se trouve a environ 180milles marins de la côte de Libye et, par
conséquent, à moins que l'on n'accepte l'argumentde la Libye au sujet de
l'existenced'une discontinuitéfondamentale et des frontièresnaturelles, il
n'y a entre les deux côtes qu'un seul plateau continental, de moins de
200milles marins, à diviser par accord entre les Parties selon lesprincipes
et les règlesindiquésdans l'arrêtde la Cour.

En ce qui concerne la zone économique exclusive, aucune des deux
Parties n'a formuléjusqu'ici de revendication officielle. Malte a établi
unilatéralement unezone de pêchede 25millespour protégersespêcheries
traditionnelles, spécialementles kannizzati, qui représentent40 pour cent
desprises maltaises. Mais, bien que leskannizzati - qui sont faits de bottes
defeuillesde palmier, souslesquellescertaines espècesserassemblentpour
rechercher l'ombre et sont alors capturées - soient très semblables aux
pêcheshistoriques tunisiennes, qui avaient tenu une place importantedans
l'argumentation des Parties en 1982,personne, en la présente affaire,n'a
mis en doute le droit de Malte d'établir sazone de pêchede 25 milles.
Comme de plus cette zone de pêchene dépasse pasla limite extrêmede
l'ajustement vers lenord de la ligne médiane(arrêt, par.72), il me paraît
inutile de m'y attarder.
Pour résumer, l'article76 de la convention maintient le prolongement

naturel comme source de titre et comme règlede droit international cou-
tumier, et l'on ne peut actuellement voir dans le <principe de distance ))
une règledu droit international coutumier.
Qui plus est, le concept de plateau continental, depuis son apparition
dans la proclamation Truman, se rapporte a une zone sous-marine :le
prolongement naturel du territoire des Etats dans et sous la mer ;et la
convention de Montego Bayne contient aucune disposition dont on puisse
dire qu'elle change quoi que ce soit à ce fait. Certes, le fait physique de
1'<e<spèce de socle géologiquea étéprogressivement remplacépar le
conceptjuridique de plateau continental. Etje reconnais que, d'après la
convention de 1982,ladistance de 200millespeut êtremesurée àla surfacewhether the "new trends" have in any way changed the nature of the
continental shelf as a submarine area.
Wehave before us acase of delimitation of continental shelfwith States
having opposite coasts lying less than 200 miles apart. The natural pro-
longations of the coasts meet and overlap. The Court resorts to equidis-
tance because equidistance is a method - among others - which recom-
mends itself in cases like this- not on account of the so-called "distance
principle". In a second stage the Court corrects the equidistance line to
take account of special circumstances and to achieve an equitable result.
That isa normal procedure according to customary international law. 1do
not see any need to resort to paragraph 1 of Article 76 in fine of the
Montego Bay Convention, and to introduce into the Judgment an unwar-
ranted and premature discussion on the nature of its new approach to the
definition of the continental shelf.

As regards the exclusiveeconorniczone, 1do not seewhy the Judgment
devotes a considerable part of the reasoning to it (paras. 31-34).
The exclusiveeconomic zone is a creation of the Third United Nations
Conference on the Law of the Sea and of the Montego Bay Convention.
Some believe that within the economy of the Convention the concepts of
continental shelf and exclusiveeconomiczone tend to merge and become
the same thing. 1disagree with that view.In fact the rights andjurisdiction
of the States over the continental shelf and the exclusive economic zone
overlap to a considerable degree ; but they differ in many ways. For
instance, Article 56of theConvention dealswith the "duties" of thecoastal
State in relation to the exclusive economic zone and there is no similar
proviso regarding the continental shelf. Another striking difference in the
two régimesis the one concerning Article 82 of the Convention, under

which the coastal State exploring non-living resources of the continental
shelf beyond 200 miles shall make payments and contributions to the
Authority, which shall distribute them "on the basis of equitable sharing
criteria, taking into account the interests and needs of developing States,
particularly the least developed and the land-locked among them".
Nothing of that kind exists concerning the exclusive economic zone.

Now, 1repeat, in thepresent case,neither Partyhas claimed an exclusive
economic zone, and an offer of Libya to negotiate the limits of the latter
together with those of the continental shelf was rejected by Malta. and
therefore nothing of the kind was included in the SpecialAgreement. So, 1
submit that the excursusof the Judgment on the exclusiveeconomiczone

was unnecessary and does not contribute to the clarity of the reason-
ing.

Already in the NorthSea ContinentalShelfcases the Court dealt with thedeseaux. Maisje doute que les (inouvelles tendances )aient rienchangé à
la nature du plateau continental comme zone sous-marine.
Laprésente affaireestuneaffaire dedélimitationdu plateau continental
entreEtats dont lescôtessefont face àune distance demoins de200milles.
Lesprolongements naturels de ces côtes serencontrent et sechevauchent.

La Course sert de I'équidistanceparce que l'équidistance esu t neméthode
- parmi d'autres - qui serecommande dans lesaffaires decegenre,et non
pas en vertu d'un <(principe de distance )>Après quoila Cour corrige la
ligne d'équidistancede façon à tenir compte de certaines circonstances
spécialeset à aboutir àun résultat équitable.C'esltà unefaçon deprocéder
normale selon ledroit international coutumier, etje ne voisaucune néces-
sitéde recourir à l'article 76, paragraphe 1 in fine, de la convention de
Montego Bay, ni d'introduire dans l'arrêtune analyse injustifiéeet pré-
maturéede la nouvelledéfinitiondu plateau continental que contiendrait
cette convention.

Quant àlazoneéconomiqueexclusive,je ne voispaspourquoi l'arrêtlui
consacre une part importante de ses motifs (par. 31-34).
La zone économiqueexclusive est une créationde la troisièmeconfé-
rence des Nations Unies sur le droit de la mer et de la convention de
Montego Bay.Certains pensent que, dans le systèmede la convention, les
concepts deplateau continental et dezoneéconomiqueexclusivetendent à
se fondre en une seuleet même chose.Je ne suis pas d'accord avec cette
façon de voir. En réalitél,esdroits et lajuridiction des Etats sur leplateau
continental et sur la zone économiqueexclusivesechevauchent dans une

très large mesure, maisdiffèrentaussi de bien des manières.Par exemple,
l'article56 de la convention traite des obligations de l'Etat côtier à
l'égardde la zone économiqueexclusive, et l'onne trouve aucune clause
semblable pour le plateau continental. Une autre différencefrappante
entre lesdeux régimesrésultede l'article 82de la convention, aux termes
duquel 1'Etatcôtierquiprospecte lesressourcesnon biologiquesduplateau
continental au-delà de 200 millesmarins doit verser des contributions en
espècesou en nature à l'Autorité,qui les répartit(ientre les Etats parties
selondescritèresdepartage équitables,compte tenu desintérête stbesoins
des Etats en développement,enparticulier desEtats en développementles

moins avancésou sans littoral ))Rien de tel n'existe à propos de la zone
économiqueexclusive.
En l'espècej,e lerépète,aucune desdeux Parties n'arevendiquéde zone
économiqueexclusive,et la proposition qu'avaitfaite la Libye de négocier
leslimitesde cettezoneenmêmetempsque cellesdu plateaucontinental a
étérejetéepar Malte, ce qui explique que rien de tel ne figure dans le
compromis. J'estime donc que les digressions de l'arrêt sur la zoneéco-
nomique exclusive n'étaientpas nécessaires,et ne contribuent pas à la
clartédu raisonnement.

Déjà,dans les affaires du Plateaucontinentalde lamer duNord, la Cour 72 CONTINENTAL SHELF (SEP. OP. SETTE-CAMARA)

problem of proportionality in two different contexts : according to para-
graph 101(C), whch deals with the principles and rules of international
lawapplicable to delimitation proper, resort to the concept of proportion-
ality is ancillary and relates only to marginal "areas that overlap", which

are to be divided between the Parties in agreed proportions or, "failing
agreement, equally, unless they decide on a régimeof joint jurisdiction,
user, or exploitation for the zones of overlap or any part of them". But the
dispositif deals with proportionality in another context, namely that of
subparagraph (D), which enumerates the factors to be taken into account
in the course of the negotiations of the Parties, and lists under (3)

"the element of a reasonable degree of proportionality, which a
delimitationcarried out in accordance with equitableprinciplesought
to bring about between the extent of the continental shelf areas
appertaining to the coastal Stateand the length of its coast measured
in the general direction of the coastline, account being taken for this
purpose of the effects, actual and prospective, of any other continen-
tal shelf delimitations between adjacent States in the same region"
(I.C.J. Reports 1969, p. 54).

The Court, though rejecting theconcept of proportionality raised by the
Federal Republic of Germany as corresponding to "a just and equitable
share" of the continental shelf, could not discard it, and that is why it
emerges in the dispositifas a criterion for the division of the areas which
overlap, and as a "factor" to be taken into consideration by the Parties in
the "course of negotiations". One should observe the difference :in the
former context there is no definition of proportionality between the areas
to be divided, somuch so that paragraph 101(C) (2)stipulates that failing
agreement between the Parties the areas should be equally divided. Con-
versely the wording of paragraph 101(D) (3) spells out the meaning of
proportionality, that is to Say,a balance between the extent of the conti-

nental shelf areas and thelength of coast, measured in thegeneral direction
of the coastline. But again, 1 repeat, in this case proportionality was
resorted to as "a factor to be taken into account" by the Parties "in the
course of negotiations". And this,with the goal referred to in paragraph 92
of the 1969Judgment, namely that delimitation be carried out in such a
way as to be recognized as equitable.
The 1977 Decision in theAnglo-French Arbitration contests the general
application of the criterion of a reasonable degree of proportionality, as
put forward by the 1969Judgment. In paragraph 99 it implies that the
criterion was intended to be applied in the specific situation of three
adjoining States situated on a concave coast and nothing else. And in
paragraph 101the Court of Arbitration stated :

"In short, it is disproportion rather than any general principle of
proportionality which is the relevant criterion or factor . ..Propor-
tionality, therefore is to be used as a criterion or factor relevant inavait invoqué laproportionnalité dans deux contextes différents. Selon le
paragraphe 101 C, qui traitait des principes et règles de droit interna-

tional applicables à la délimitationproprement dite,lerecours à la notion
de proportionnalité était accessoire et ne concernait que les <(zones de
chevauchement ))marginales, qui devaient êtrediviséesentre les Parties
par voie d'accord ou, àdéfaut,par parts égales, àmoins que les Parties
n'adoptent un régimedejuridiction, d'utilisation ou d'exploitation com-
mun pour tout ou partie des zones de chevauchement )).Mais le dispositif
invoquait aussi la proportionnalité dans un autre contexte, au sous-para-
graphe D, qui, énumérantles facteurs à prendre enconsidérationau cours
des négociationsentre les Parties, citait à l'alinéa3

<<le rapport raisonnable qu'une délimitation opérée conformémen t
des principes équitables devrait faire apparaître entre l'étendue des

zones de plateau continental relevant de l'Etat riverain et la longueur
de sonlittoral mesurésuivant la directiongénéralede celui-ci,compte
tenu à cette fin des effets actuels ou éventuelsde toute autre délimi-
tation du plateau continental effectuéeentreEtats limitrophes dansla
même région (C.I.J. Recueil 1969, p. 54).

La Cour, tout en rejetant la notion de proportionnalité avancéepar la
Républiquefédérald e'Allemagnecomme correspondant à<<unepartjuste
et équitable ))du plateau continental, ne pouvait pas l'écarter complète-

ment,et c'estpourquoi cette notion apparaît dans ledispositif, à proposde
la division des zones de chevauchement et comme (<facteur à prendre en
considérationpar les Parties <<au cours des négociations o.La différence
est à noter : dans le premier contexte, il n'y a pas de définition de la
proportionnalité entre leszones àdiviser,sibien que leparagraphe 101C2
stipule que, à défaut d'accordentre les Parties, ces zones devront être
diviséesparparts égales.Parcontre, lelibellédu paragraphe 101D 3définit
la proportionnalité comme un équilibreentre l'étendue deszones de pla-
teau continental et la longueur du littoral, mesuréesuivant la direction

généralede celui-ci.Mais là encore,je le répète,il est fait appel à la pro-
portionnalité comme àl'un des <(facteursà prendre en considération ..au
cours des négociations )entre les Parties- et cela dans le but mentionné
au paragraphe 92 de l'arrêtde 1969, à savoir que la délimitation soit
effectuéede manière à êtrereconnue comme équitable.
La décisionrendue dans l'arbitrage franco-britanniquede 1977conteste
l'application générale du critère du degréraisonnable deproportionnalité
tel que formulédans l'arrêtde 1969,enlaissant entendre au paragraphe 99

que ce critèreétait conçupour lecas particulier de trois Etats limitrophes,
situéssur une côte concave, et uniquement pour ce cas. Et le tribunal
arbitral déclareau paragraphe 101 :

<(En bref, c'est la disproportion plutôt qu'un principe généralde
proportionnalité qui constitue le critère ou facteur pertinent ...La
proportionnalité doit donc êtreutiliséecomme un critère ou un fac- evaluating the equities of certain geographical situations, not as a
generalprincipleproviding an independent sourceofrights to areas of

continental shelf."

The Court of Abitration shunned the idea of embarking on "nice cal-
culations" between the extent of the coasts of the State and the area of
continental shelf appertaining to it. Proportionality is, on the contrary,
recognized as a criterion for remedying distortions due to particular geo-
graphicalfeatures. Proportionality is an instrumentfor correcting dispro-
portionality.

Paragraph 98of the 1969Judgment (I.C.J.Reports1969,p. 52)seemsto
understand the element of proportionality in a much broader sense than
the one suggested by Libya in 1982.Indeed it stresses the need to measure
the coastlines
"according to their general direction in order to establish the neces-
sary balance between States with straight, and those with markedly
concaveorconvexcoasts, or toreduce veryirregular coastlines to their
truer proportions".

Infavour ofits ownposition Libya quotedin 1982thefollowingpassage of
the Decision in the Anglo-French Arbitration :

"Nor isitaquestion ofsimplyassigning to them areas of the shelfin
proportion to the length of their coastlines ;for to do this would be to
substitute for thedelimitation of boundaries adistributive apportion-
ment of shares. Futhermore, the fundamental principle that the con-
tinental shelf appertains to a coastal state as being the natural pro-
longation ofits territory placesdefinite limits on recoursetothe factor
of proportionality." (Para. 101 .)

But the fact is that in the present case the flagrant disproportion in the
lengths of coasts is such that the correction of any line according to a
reasonable ratio is indispensable for achieving an equitable result.

The argument of Libya repeatedly makes reference to consideration of
proportionality in relation to the landmass of the territory of each of the
Parties. 1think the Judgment is right in recognizing that these territorial
dimensions are not to be taken into consideration ;it is the coastal length
that matters.
In the Arbitral Award of 14February 1985,the ArbitrationTribunal for
Delimitation of Maritime Boundaries between Guinea and Guinea-Bissau
found in paragraph 119 :

"As to proportionality in relation to the landmass of each State,the
Tribunal considers that this is not a relevant circumstance in the
present case.The rights overthe sea to which aState may layclaimare
related, not to the extent of its territory behind its coasts, but with teur permettant d'établirsi certaines situations géographiquespro-
duisent des délimitations équitables et non commeun principe géné-
ral qui constituerait une source indépendante de droits sur les éten-

dues de plateau continental. )>
Le tribunal arbitral a refuséde se livrer à de ((savants calculs )>sur la
longueur du littoral des Etats et sur l'étenduede plateau continental qui
leur revient. Par contre, il a admis la proportionnalité comme critère

servant à remédier auxdistorsions dues à des caractéristiques géogra-
phiques particulières - comme un instrument de correction de la dispro-
portion.
Le paragraphe 98 de l'arrêtde 1969(C.I.J. Recueil 1969,p. 52) semble
donner à l'élémend t e proportionnalité un sens beaucoup plus large que
celuisuggéré par la Libye en 1982.Ilyest dit en effet qu'ilfaut mesurer les
côtes

d'aprèsleur direction généraleafin d'établirl'équilibre nécessaire
entre les Etats ayant des côtes droites et les Etats ayant des côtes
fortement concaves ou convexes ou afin de ramener des côtes très
irrégulières à des proportions plus exactes D.

A l'appui de sa position, la Libye avait cité en 1982le passage suivant de
l'arbitrage franco-britannique :

((Elle [ladélimitation équitable]ne consiste pas davantage en une
simple attribution à ces Etats de zones du plateau proportionnelles à
la longueur de leur ligne côtière ;agir ainsi serait,en effet, remplacer
la délimitation par une attribution de parts. De plus, le principe
fondamental suivant lequel le plateau continental relèved'un Etat

côtierparce qu'il est leprolongement naturel du territoire de celui-ci
limite nettement le recours au facteur de proportionnalité. )>
(Par. 101.)

Mais le fait est que, dans la présente instance, la disproportion entre les
longueurs de côteétaitsiflagrante qu'ilfallaitabsolument, pour parvenir à
un résultat équitable,corriger toute ligne éventuelle selonun rapport
raisonnable.
La Libye est revenue plusieurs fois sur la nécessitéde tenir comptede la
proportionnalité, considéréed'après les masses terrestres des territoires
des Parties. Je pense que l'arrêt araison de dire que les dimensions terri-
toriales ne sont pasà prendre enconsidération : c'estlalongueur du littoral

qui importe.
Le tribunal chargéde délimiterlesfrontières maritimes entre la Guinée
et la Guinée-Bissau,dans sa décisionarbitrale du 14février1985,a conclu
au paragraphe 119 :

(Quant à la proportionnalité par rapport à la masse terrestre de
chaque Etat, le Tribunal estime qu'ellene constitue pas une circons-
tance pertinente en l'espèce.Les droits qu'un Etat peut prétendre
avoir sur la mer sont en rapport non pas avec l'étendue de son those coasts, and the wayin which they bound that territory. A State
oflimited area may claim much more extensivemarineterritories than
a State of large area :everything depends on their respective coastal
fronts, and on their presentation." [Translation.]

The striking difference in the lengths of the relevant coasts, without
precedent in the practice of States - at least in the degree present here -,
couldnot be ignored by the Court. ButtheJudgment, followingin thesteps
of the Anglo-French Court of Arbitration, took into account dispropor-
tionality rather than proportionality ; and thisflagrant disproportionality
was recognized as an important special circumstancefor the correction of
the equidistance line. The principle of proportionality itself was retained
only for its normal a posteriori use to test the equity of the final result.

1cannot subscribeto the wayin which the northern extremeparameter,
for the establishment of the corrected equidistance line, is arrived at. The

consideration of the general geographical context proposed by para-
graph 69, so as to come to the conclusion that although the delimitation
relates only to the continental shelf appertaining to two States it is at the
same time a delimitation between a portion of the southern littoral and a
portion of the northern littoral of the Central Mediterranean, seemsto me
afar-fetched exercise.We are dealing with the delimitation of continental
shelfbetween twoStates, and under the terms of the SpecialAgreement we
have nojurisdiction to deal with delirnitation of "portions" of littorals of
continents. Moreover, parts of the Coastof Sicilyrelevant for this exercise
have already been used in the "provisional" median line in the channel
between Malta and Sicily.Of course al1this is only the first step towards
establishing the extreme lirnit northwards of the shifting of the equidis-
tance line, which is dealt with in paragraph 72 of the Judgment. There,
resorting to a hypothetical situationtantamount to ignoring the existence
of Malta, the Court established a notional median line between Libya and
Sicily.That line is to provide the maximum northwards adjustment of the

Libya-Malta median line, estimated by the Judgment to be 24'of latitude.
Between the two lines the Court has reached the solution of the line of
34' 30'N, resulting from a correction of 18' which it considers equi-
table.
Though accepting the decisionof the Court 1have doubts concerning the
intricate method ofreasoning. Malta existsand isbefore usasaParty in the
case.It cannot be ignored evenex hypothesi.For sofar asits coasts extend,
they interrupt any possible relationship between the coasts of Libya and
Italy. In opposite States it is the confrontation of coasts that plays the
paramount role in the delimitation process, and there is no such confron-
tation between Libya and Sicily as long as the Maltese coasts are inter- territoirederrièresescôtes, maisaveccescôteset avecla manièredont
ellesbordent ce territoire. Un Etat dont la superficie est peu étendue
peut prétendre à desterritoiresmaritimes bien plus importantsqu'un
Etat d'une grande superficie. Tout dépendde leursfaçadesmaritimes
respectives et de la façon dont elles se présentent.
LaCourne pouvait pas nepas tenir compte de laremarquable différence

de longueur entre lescôtespertinentes - différencesansprécédentdans la
pratique desEtats, au moins au degréqu'elleatteint ici.Cependant l'arrêt,
emboîtant le pas à l'arbitrage franco-britannique, tient compte de la dis-
proportion plutôt que de la proportionnalité. Et cette disproportion fla-
grante est retenue comme une circonstance spécialeimportante pour la
correction de la ligne d'équidistance. Le principe de proportionnalité
lui-même n'estretenu que dans son emploi normal à posteriori, comme
critère de l'équitédu résultat final.

Je ne puis souscrirà la démarchesuiviedans l'arrêtpour fixer la limite
extrêmevers le nord de l'équidistance corrigée. L'analyse du cadre géo-
graphique à laquelle il est procédé auparagraphe 69, avant de conclure
que, tout en ne concernant que le plateau continental relevant de deux
Etats, laprésentedélimitationest également effectuéeentreune portion du
littoral méridional de la Méditerranée centrale et une portion de son
littoral septentrional, me paraît bien artificielle. La Cour avaitlimiter
le plateau continental de deux Etats, et, aux termes du compromis, elle
n'était pas chargéede réglerla délimitation de << portions )>de rivages

continentaux. De plus, certainesparties de lacôte siciliennequi entrent ici
en ligne de compte ont déjà servipour tracer la ligne médiane provi-
soire dans ledétroit qui sépare Maltede la Sicile.Certes, la Cour ne voit
là qu'une première étape pour établirIa limite extrêmevers le nord du
déplacementdela ligned'équidistance,cequi fait l'objetdu paragraphe 72
de l'arrêt.Dans cepassage, la Courfait appel àune situation hypothétique
qui équivaut à ne pas tenir compte de l'existencede Malte, et imagine une
ligne médiane idéaleentre la Libye et la Sicile. Cette ligne constitue
l'ajustement extrêmeverslenord (évalué à24')de la ligne médianeMalte-
Libye. Entre ces deux lignes, la Cour aboutit à la solution de la ligne de
34" 30' N, résultatd'une correction de 18'qu'elle juge équitable.

Bien qu'acceptant la décisionde la Cour,j'ai certains doutes devant un
raisonnement aussi compliqué.Malteexiste,et comparaissait devant nous
comme l'une des Parties à l'instance. Il est impossible de ne pas tenir
compte de Malte, même à titre d'hypothèse. Sonlittoral, surla longueur ou
il s'étend,interrompt toute relation possible entre les côtes de la Libye et
cellesde l'Italie. Dans lecas d'Etats qui se font face, c'estla confrontation
entre leslittoraux quijoue lerôle suprêmedans l'opérationde délimitation,75 CONTINENTAL SHELF (SEP.OP.SETTE-CAMARA)

posed between them. 1 have reservations in relation to the imaginary
refashioning of geography implied by paragraph 72 of the Judgment. It
would be much simpler to attribute partial effect to the coasts of Malta, to
be balanced up with similar partial effect to be given to the dispropor-
tionality in the lengths of the relevant coasts, so as to reach an equitable
result.

However,myreservations relate only to someaspects of the reasoning.1
am convinced that the equitable solution, which is the final goal of the
delimitation procedure according to Article3 of the Montego Bay Con-
vention, is fully achieved by the present Judgment.

(Signed) JoséSETTE-CAMARA.etilne sauraity avoirdeconfrontation de cegenreentre la Libyeetla Sicile
tant que lescôtes maltaises s'interposent entre l'uneet l'autre. Jefais donc
des réserves surla façon dont le paragraphe 72 de l'arrêtrefait implicite-
ment la géographie.Il eût étébien plussimple d'attribuer un effet partiel
aux côtes de Malte, en l'équilibrant avec l'effet partielttribuerà la
disproportion entre leslongueurs descôtespertinentes, de façoàaboutir
à un résultat équitable.
Cependant mes réserves ne serapportent qu'à certains aspects du rai-
sonnement suivi.Je suispersuadéque leprésent arrêatboutit pleinementà
la solution équitable qui, aux termes de l'article 83 de la convention de
Montego Bay, est le but ultime de l'opérationde délimitation.

(Signé José SETTE-CAMARA.

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Opinion individuelle de M. Sette-Camara, Vice-président (traduction)

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