Opinion dissidente de M. Gros

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063-19820224-JUD-01-04-EN
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OPINION DISSIDENTE DE M. GROS

J'ai votécontre l'ensemble du présentarrêtpour des raisons que j'ex-
poserai de la manière la plus succincte.
1. En raison de l'importance del'interprétation par la Cour de sonrôle
selonle compromis,je traiterai cepoint en premier(textedans les qualités
de l'arrêt, par.2).

Le problème qui se posait à la Cour était celui de l'étendue desa

compétencepour répondre àla demande des Parties, telle que celle-ciest
formuléedansle compromisqui est la seule source de cettecompétence. 11
résulte des positions prises dans les écritures et les plaidoiries que les
Parties sont en désaccordsur la portée exactede la demande. Il s'agiten
réalitéde plus qu'une divergence mineure d'interprétation des articles 2
et 3 du compromisqui constituent l'objet du débat(arrêt, par.29-30) ;la
thèsesoutenue par la Libyereposesur la négationd'un principevital pour
la Cour :la Cour est un organejuridictionnel dont l'exercicedu pouvoir
juridictionnel estréglpar leStatut etleRèglement.Certes,par lavoied'un
compromis, deux Etats peuvent donner àla Courplus decompétenceque
neleprévoientdestraitésenvigueurentre eux,ou ilspeuvent, en précisant
leur demande,restreindre la compétencedela Cour aun point ouplusieurs
points de droit ouàdesfaits précis.Maisc'esttout autre chosequela Libye

prétend trouverdans lecompromis. Ceciaété révélépar lesréponsesfaites
par les deux Etats le 21 octobre 1981 à la question que j'ai poséele
15 octobre 1981. Pour réduire les dimensions.de cette opinion, je ne
reproduis pas cet échange et en tirerai seulement les conclusions.

2. Portant sur la <force obligatoire u de l'arrêtéventuel,la question
souhaitait attirer l'attention des Parties sur les règlesde la Charte, du
Statut et du Règlement,ainsi que sur la pratique de la Cour. Le premier
texte est l'article 94, paragraphes 1 et 2, de la Charte qui oblige les
Membres des Nations Unies à se conformer à la décisionde la Cour )>
(par. 1)et envisageune action du Conseil de sécuritéencas de refusd'une
Partie (par. 2). Lesautres textes applicablessurlaforceobligatoiresont les
articles59,60,61, paragraphe 3,du Statut, et 94,paragraphe 2, du Règle-
ment qui reprennent larègledela Charte selonlaquelle tout arrêtobligeles

parties às'yconformer.La réponselibyennene seréfère à aucun moment
aux obligations qui résultent de ces textes pour tout Etat Membre des
Nations Unies ;le préambulede la réponse prend comme seulejustifica-
tion de la reconnaissance de la forceobligatoiredu futur arrêtle compro-
mis, tel que la Libye l'entend : <<Compte tenu dufait que la Libye et la Tunisie sont convenues à

l'article3 du compromisde se << [conformer] à l'arrêt ainsi qu'àses
explications et éclaircissements >)la position de la Libye est lasui-
vante ..>)(Italique ajouté.)
Tout découle donc, selon la Libye, du seul texte du compromis, sans
aucunemention des règlesdela Charteet du Statut, cequi est un choix ; la

Libyen'a pas fait référence à l'obligationderespecteret exécuterl'arrêt de
la Cour, tellequ'elleest édictéeparlaCharte etleStatut, parce que celaeût
portéatteinte àsa thèsequelecompromis renvoie, aprèsl'arrêd te la Cour,
à un accordlibre entre lesParties, lequelpourrait donc aménagerlestermes
del'arrêt. L'arrêt serabieu nne décisiondela Cour, mais,pour la Libye,sa
force obligatoire n'existe que dans la mesure où [<tenant compte du
fait..>>]elle a <<convenu )) de s'y conformer, par un engagement pris
vis-à-vis de la Tunisie, non pas vis-à-visde la Cour. Et en donnant cette
réponse la Libye ne fait que confirmer la thèsefondamentale pour elle,
selonlaquellela délimitationfinaledu plateau continental doit sefaire par
accord. Il eût fallu exposercela dansl'arrêt, puisdissiper toute équivoque,

ce qui n'a pas été faitde manière telle que les Parties soient averties de
l'opinion dela Cour surl'étendue desajuridiction dans la présenteaffaire.
<<La saisinede la Cour est une chose, l'administration de lajustice en est
une autre >)(affaire Nottebohm, C.I.J. Recueil 1953,p. 122).

3. L'article 2du compromis prévoitunesimpleobligation de négocierle
tracésur une cartede la décisiondedélimitationprise par la Cour,rien de
plus. L'article 3confirmecetteportéelimitéede1'<a <ccord >en organisant
les(<éclaircissementset explications >quidoivent <<[faciliter]la tâchedes
deux délégations pour parvenir à la ligne séparant les deux zones du
plateau continental ..>)Le renvoi àun accord constitue une obligation de

négocier,ce qui ne contredit pas la thèse de la Libye que le compromis
conduit nécessairement à l'accord entre les Parties. Mais de quel accord
s'agit-il réellement?

L'obligation de négocier est biendéfiniepar la Cour dans le texte d'un
avis classiquementcité :

(En réalitéi,l est permis de considérerque l'engagement desdeux
gouvernements ..n'estpas seulement d'entamer lesnégociationsmais
encore de les poursuivre autant que possible, en vue d'arriver à des
accords ...Mais l'engagement de négocier n'impliquepas celui de
s'entendre ..>>(Traficferroviaireentre la Lithuanie et la Pologne, avis
consultatif, 1931,C.P.J.I. sérieA/ B no42, p. 116.Cf. aussi la confir-
mation dans l'arrêtde 1969,C.I.J. Recueil 1969,p. 47-48,par. 85 a)
et 87.)

Leslimites de l'obligationsont simples,négocierdefaçonraisonnableetde bonne foipour obtenir un résultat acceptablepar les deux parties mais
pas d'obligation de conclure à tout prix. L'obligation de négocier estune
obligation de comportement dont la définitiondans chaquecas comporte
des (<standards ou des (directives qui tiennent à lanature de l'objet sur
lequel doit porter la négociationet qui ont pour sourcela coutume ou la
pratique internationale ;ils ont donc une origine et une portéejuridiques,
tout en n'étant pas,strictosensu,des règlesou desprincipesjuridiques au

sens de l'article 38 du Statut de la Cour. Mais ce ne sontpas des éléments
politiques ou de pur fait dépourvus de toute colorationjuridique, bien au
contraire, puisque leur existence dépend de leur reconnaissance par les
Etats comme éléments de solutionde leur différend.En l'espècefaut-il
rappeler qu'il s'agirait de négociersur un arrêtde la Cour, donc sur des
règlesde droit obligatoires ?
4. Pour mémoireon peut citer le principe de la bonne foi qui s'analyse
icien uneobligationdesecomporterde tellesorte quela négociationaitun
sens, c'est-à-dire que l'arrêtsoit exécuté.Il n'ya pas de négociation,si
chaque Partie, ou l'une d'elles,insiste sur sa propre position sansjamais
envisager d'atténuationou de modification (cf. C.I.J. Recueil 1969,p. 48,
par. 87 infine ;aussi arbitrage du Lac Lanoux, sentencedu 16novembre

1957, Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales,XII, p. 310-314
notamment). Divers passages desplaidoiriesétablissent que telle pourrait
êtrela conséquence de la thèsequ'un accord seul pourra fixer la délimi-
tation définitive et que les indications de la Cour ne seront que des
< <uidance o.Il fallait donc, selon moi, compléterla critique que porte
l'arrêtsur ce point précis (par. 29-30), en envisageant toutes les consé-
quences d'une thèseque la Cour devait refuser d'admettre.

5. En effet, en prenant une telle position, contredite par la Tunisie, la
Libyeinterprète lecompromis comme s'ilpouvait amender les règlesde la
Charteet du Statut, cequi touche à l'essencedurôlejudiciaire dela Cour. Il
a été argué quedeux Etats peuvent toujours se mettre d'accord pour
modifier leur situation de droit par traité et que l'arrêt ne pouvait faire
exception àcette règle. C'estune vue un peu simplistedes choses lorsqu'il

s'agitde décidersila Cour,ainsiprévenuedesintentions d'une Partie,peut
garder le silencesur une telle opinion. La questionétaitde savoir si,avant
l'arrêtque les Parties ont demandé à la Cour deprononcer et qui doit être
obligatoirepour elles,le compromisavait pu valablementleur réserverle
droit de modifier,partiellement ou entièrement,l'actejuridictionnel de la
Cour. C'est une notion inacceptable pour la Cour qui ne fournit pas des
avisaux Etats maisleur dit avecforceobligatoire ce qu'elletient pour être
ledroit applicableaudifférenddont elleaété saisie.Et, avertiequel'un des
Etats croit pouvoirnepas en tenircompte,l'autre Etat prenant la position
contraire, la Cour devait se demander si elle ne seraitpas ainsi empêchée
d'exercer convenablement sa fonctionjudiciaire. Dans l'arrêtrendu dans
l'affairedesZonesfranches,le7juin 1932(C.P.J.I. sérieA/B no 46,p. 161),

la Cour s'est exprimée ainsi : <(Après un examen très approfondi, la Cour maintient son opi-

nion : pour elle, il serait incompatible avec son Statut et avec sa
position en tant quecourdejustice derendre un arrêtdont lavalidité
serait subordonnée àl'approbation ultérieure des Parties. ))

La Cour devait donc rejeter nettement la thèselibyenne et dire que, hors
tracer sur une cartela ligne déjà déterminéer,ien n'étaitnégociabledans
l'arrêt qu'elle rend surla détermination des zones de plateau continental
relevant des Parties ;ceci n'a pas été fait(cf. arrêt, par.26 et 29).

6. L'absence de précision dans l'arrêtsur la force obligatoire de la
décisionjuridictionnelle qu'ilcontient présenteautant de gravitélorsqu'il
s'agit de l'article 3 du compromis (cf. arrêt, par.31).
L'article 60du Statut prévoit unrecours eninterprétation <surle senset
la portée des arrêtsde la Cour, à la demande de toute partie. Siles deux
Etats en cause songeaient à un recours en interprétation, l'article 3 du
compromisétait inutile ;il faut donc supposerque cet articleouvre autre

chosequ'une possibilitéd'interprétation.La Cour a décliné de répondre à
ce problème qui, selon moi, commandait aussi le raisonnement sur la
portéeobligatoiredesonarrêt.Ona soutenu qu'il s'agissaitd'unrecours en
interprétation, soit de plus, soit de moins. Il est regrettable pour diverses
raisons d'en être resté à cette incertitude. Si l'article 3 est une version
affaibliede l'article 60 du Statut, la question de sa licéitésepose, et de la
façon la plus gravepuisquel'article 60ouvre lerecours en interprétation à
(toute partie )),donc à une seule partie, tandis que l'article 3 parle des

deux Parties qui <<reviendront ensemble àla Cour et luidemanderont ... )>,
ce qui semble impliquer la nécessitéd'un accord pour revenir et d'un
accord sur les points à expliquer ou éclaircir.La Cour ayant refusé de se
poser le problèmeje ne puis le traiter complètement puisqu'il peut être
posédans un délaidetroisou sixmoismais,dansla mesureoù l'article 3du
compromis complète, dans une certaine interprétation, la thèse que la
négociationdelaligne à tracer aprèsl'arrêtest entre lesmainsdesparties,
sans que l'arrêt soit véritablement <définitif (lemot de l'article 60 du

Statut), je crois nécessairede me séparer à la fois du refus de la Cour de
juger le point de droit et des conséquencesque cette abstention pourrait
entraîner. Parmi celles-cila plus grave est que la protection résultant du
paragraphe 2 de l'article94 de la Charte en cas de refus d'exécutiond'un
arrêtserait en somme suspendue, sinon annulée, en cas d'impossibilité
pour une partie de revenir seule devant la Cour pour interprétation après
un refus de l'autre partie fondé sur l'article 3 qui, selon l'interprétation
exposéeci-dessus,permettrait de dire qu'iln'estpas besoin d'explications

et éclaircissements et que le compromis a organisé une obligation de
négociermais pas de conclure (cf. supra, par. 3-5). 7. Si la Cour n'a pas reçu expressémentla charge d'assurer la réussite
d'unenégociationsur letracéde lalignesurla carte, ellea celled'assurerle
respectintégralde sa décision ; ellelaissesanslimite précisela prétention
constamment affirmée par une partie au cours de la procédure à une

compétencepropre de négocier surce tracé.C'estlecompromisqui a fixé,
dans l'article 3, les rapports des Parties pour le tracé de laligne de déli-
mitation après l'arrêt, et pour l'interprétationéventuellede l'arrêt.Le
double refus d'examiner si cet article 3 est conforme à l'article94 de la
Charteet à l'article60 du Statut laisse les Parties dans la confusion,et la
prétendue négociationdans l'incertitude quant à seslimites. Je n'ai pour
ma part aucun doute que les deux articles précités prévalenp tour le juge
sur toute construction différente de l'article3 du compromis. La thèse
d'une négociation ouverte sur le tracé, allantjusqu'à modifier la délimi-
tation fixéepar l'arrêt, supposeque les deux Etats ont renoncé par le
compromis à l'obligation(<de se conformer à l'arrêt dela Cour et à ses

explicationset éclaircissements >(art. 3infine). LaTunisien'acceptant pas
cette thèse,la Cour devait trancher ce qui est le problème de force obli-
gatoire de l'arrêt et dece fait dire ce qu'elle est prête à accepter des
intentions des Parties dans l'appréciation de son rôlejudiciaire et de la
protection que son Statut assureaux Etats qui la saisissent. La Cour avait
affirméen 1963que ses arrêts devaientdissipertoute incertitude dans les
relationsjuridiques entre les Parties (C.I.J. Recueil 1963,p. 34).

Il y aurait, c'est visible, d'autres difficuàtpropos de l'article 3 du
compromiset de soninterprétation exacte,mais laquestionque j'ai traitée
ici me paraît majeure et rien n'empêchait la Courde dissiper le doute.

8. Un mot sur l'argument invoqué, selonlequella situation créée par le
compromisseraitanalogue àcelledes affairesdu Plateau continentaldela
mer duNord où la Cour avait renvoyéledifférend à la négociationentre les
Parties ;il suffit de rappeler que rien dans le déroulementde ces affaires
n'indiquait lemoindre doute surlavolontéformellede toutes lesParties de
se conformer à l'arrêt etle compromis disait : <<Les gouvernements ...
délimiterontleplateau continental ..par voie d'accord conclu conformé-

ment à la décisiondemandée à la Cour internationale de Justice.)>Il n'y
avait là rien qui oppose le compromisau Statut de la Cour, l'application
des règles de droit ayant été,par la demande, réservéeaux Parties. La
saisinedes affaires de 1969et celle de l'affaire actuelle sont entièrement
différentes.

9. En second lieu je me trouve en désaccordavecl'arrêtsur la manière
dont la Cour a procédé à la recherche d'une délimitation équitable deszones de plateau continental entre les Parties,queje trouvecontraire à la
conceptionadoptéedansl'arrêtde laCouren 1969surle rôle de l'équité en
matière de délimitation de plateau continental.
10. Sil'onreprend les paragraphes 83 à 101del'arrêt de1969,diverses
indications y sont données,tant sur les règlesde fond applicablesque sur

lesfacteurs àprendre en considération ;la Cour affirmeparticulièrement
le droit inhérent de chaque Etat côtier à sa zone de plateau continental,
avec le corollaire qu'il ne s'agit pas d'un partage, l'obligation de ne pas
refaire la géographie, cellede ne pas empiéter sur la zone de plateau
continental de l'un ou de l'autre Etat, le rôle du prolongement naturel,
l'absence de méthode unique de délimitation,la nécessité de balancer les
équités,la vérificationdes effets des particularités géographiques,l'exa-
men de la structure physique et géologiqueainsi que des ressources natu-
relles. Une formule résume cet ensemble :

((en d'autres termes, il ne s'agitpas d'appliquer l'équitésimplement
comme une représentation de la justice abstraite, mais d'appliquer
une règlede droit prescrivant le recours à des principes équitables
conformémentauxidéesqui ont toujoursinspiréledéveloppementdu
régimejuridique du plateau continental en la matière, à savoir :

b) lesparties sont tenues d'agirde telle sorteque, dans le casd'espèce
et comptetenu detoutes lescirconstances,desprincipeséquitables

soientappliqués ; àcet effet la méthodedel'équidistancepeut être
appliquée ;d'autres aussi existent et peuvent êtreutilisées exclu-
sivement ou conjointement selon les secteurs envisagés n '(C.I.J.
Recueil 1969, p. 47, par. 85).
Etl'arrêtde 1969,danssondispositif,décidequel'ensemble decesrègleset
de ces facteurs doit êtreprisen considération.La compétencede la Cour,
enmatièrede délimitation,estbien limitéepar cetteobligationd'appliquer
les règlesdedroit et lesfacteurspertinents énoncésauparagraphe 85,c'est

unecompétenceliéeetnon pas unelibertéd'actiondujuge. Non seulement
un but est fixé,la délimitation équitable, ce quien soi n'est que poser le
problème sans en donner la solution, mais les règleset moyens pour y
parvenir sont précisés ; telle n'est pas la méthodesuiviepar la Cour en la
présente affaire.

11. Ainsi, la Cour se contente-t-elle aux paragraphes 113 et 114 du
présentarrêtdequelques généralitéssurlaméthodede l'équidistancesans
indiquer les motifs pour lesquels celle-ci n'a pas étéemployée.De plus,
aucuneétudepréalable nejustifie cette décision,alors que la Cour contre-
dit, en agissantainsi, lesindications qu'elleadonnéesen1969surcepoint.

Les raisons évoquées aux premières lignes du paragraphe 89 de l'arrêt de
1969pour écarter l'équidistance qui dans certaines conditions géogra-
phiques [pouvait]créer une incontestable inéquité )),se fondaient sur des
configurationsgéographiquesparticulièreset sur leur effet d'incontestableinéquité,deux élémentsquiexigent examen. Or, rien n'a étéfait dans la
présenteaffairepour rechercher l'effetprécis desfaits géographiquesper-
tinents dans la région du plateau continental considérésur une ligne
d'équidistance, les résultats (déraisonnables 1)(le mot est employéau
paragraphe 89) que la méthode de l'équidistancepourrait produire et les
modifications éventuelles à prendre en considération.Si la Cour a dit en
1969 que l'emploi concurrent de diverses méthodes pouvait permettre
d'aboutir, dans certaines situations, à la solution équitable recherchée,

encore eût-il fallu précisémentessayer plusieurs méthodes,dont certaine-
mentl'équidistancedanslesecteurproche descôtesetaularge,lescomparer
dans leurs effets, rechercher si des effets disproportionnésrésultaient de
telleou telleparticularitégéographiquepertinente, peserleséquités etnese
décider qu'en pleine connaissancede cause. Ceci n'a pas été faitet cette
absence de recherche organisée de l'équitable produit un résultat dont
l'équitén'est pas établie.
12. Lapremièretâche delaCoureûtdonc étéde regarderce quedonnait
une ligne d'équidistance pour découvrirl'extraordinaire, l'anormal ou le

déraisonnable que cette méthode pouvait, dit-on, entraîner.
Les adjectifs choisis par l'arrêt de1969(par. 24)montrent un degrétrès
élevé deconditions a remplir et le paragraphe 96del'arrêt insistesurl'idée
que des ((configurations excentriques ))méritent lamêmeprise en consi-
dération quedes configurations normales ou ordinaires.L'extraordinaire,
l'anormal et le déraisonnable sont des conditions qui visent les effets
possibles de la configuration géographique des côtesqu'ilfaut (regarder
de près 1)en gardant àl'esprit l'autre formule qu'ilnepeut être (question
de refaire la nature entièrement (arrêt, par. 85-92). Je ne crois pas
né,cessaired'insistersur lesobservationsfort préciseset détaillées del'arrêt

de 1969et dirai seulement que les côtes tunisiennes pertinentes sont aussi
simplesqu'on peut le souhaiter en dehorsde côtes totalement rectilignes et
que les quelques particularités de ces côtes ne produisent pas de résultats
((extraordinaires,anormaux ou déraisonnables >>Il.fautnoter quetoute la
régiondu golfe de Gabès,dont les Parties n'ont laisséaucun élémentsans
commentaires, n'a aucun effet particuliersur le calcul d'une ligne d'équi-
distance, pas plus que l'île de Djerba. Considérer que la jonction du
segment de côte nord-sud avec le segment de côte ouest-nord-ouest de la
Tunisie peut êtretenuepour déraisonnableou seulement anormaleétonne

(cf.une situation comparabledans la délimitation du plateau continental
entre l'Espagne etla Francepar le traitédu29janvier 1974).Ce n'est donc
pasdans l'aspect descôtesqu'une difficultépouvaitapparaîtredans lepre-
mier secteur ; le secteur au large n'est pas plus compliqué et les effets
d'une ligne d'équidistance sont normaux, a moins de prétendre refairela
géographie.
13. Lejuge ne faitappel àdesprincipes équitablesques'ilest devant une
situationjuridique tellequelerésultatobtenuparl'application desrèglesde
droit sur la délimitation d'une régionde plateau continental entre deux
Etats apparaît inéquitableenraison dela présencedansla zoneconsidérée

d'éléments géographiquesdont l'effetest disproportionnéavec leur perti-nence et le caratère nécessairede leur utilisation pour la délimitation.Le
juge ne modifie pas une délimitationparce qu'illa trouve subjectivement
moins avantageusepour l'un que pour l'autre, car il ferait une recherche
vaine d'égalisationdes faits de la nature ; il constate que, ayant pris en
considération tous les éléments prévup sar le droit applicable,certains de
ces éléments,qui sont pertinents, ont des effets disproportionnés ou
démesurés qui,peut-être, créent une inéquité c,e qui resteà démontrer.

Alors seulement,aprèsquecettedémonstration estfaite, vient leproblème
debalance deséquitésentre les deux parties (contra paragraphes 70-71de
l'arrêt) et leur applicatioà la construction de la ligne de délimitation.

14. L'arrêtde 1969 tient pour inéquitables <(les conséquencesd'un
accident géographique naturel >> lorsque la déformation de la côte est
amplifiéedans sesconséquencessur une ligne d'équidistanceparcequela
déformation est considérable et la zone trèséloignée de la côte (C.I.J.
Recueil1969, p. 49,par. 89a)). Il me paraît impossible de désigner surles
côtestunisiennes un seul <<accidentgéographiquenaturel Hrépondant à ce

doublecritère ;la ligneseconstruit au nord par lesîlesKerkennahet sur la
côtesud par despoints précissurlescôtesdesParties. Desîlesséparéed sela
côtepar une zone de hauts-fonds, àmoins de 12milles, comme le sont les
Kerkennah, nesontpasuneparticularitégéographiqueanormaleet doivent
êtreutilisées commepoints de base pour des lignes de délimitation. Le
tribunalarbitral,dans sadécisiondu 30juin 1977,aenvisagél'inéquité dans
lecasdesîlesSorlinguesen tenant comptede ladéformationdeladirection
d'unelignepartant desSorlingues (àplusde 31millesdelacôte) aulieiid'un
point surla côtedu Royaume-Uni,par rapport àladirection issuedupoint
leplusoccidentalde l'îlefrançaisedeOuessant (cf.lesprincipes exposéset
leur application aux faits géographiques auxparagrahes 238 à 245 inclus,
248 à 252deladécision).Jen'enciteraiqu'unephrasequi, selonmoi,définit

aussi le problème actuel :

<(Laquestion estdesavoirsi,compte tenudetoutes lescirconstances
géographiquespertinentes, cefait[lasimpleprésencedesSorlingues là

ou elles se trouvent] entraîne une déviation inéquitable de la ligne
d'équidistance, ayant deseffets disproportionnésquant aux zones de
plateau continental revenant aux deux Etats. ))(Par. 243 infine.)
Posonslamême question àproposdes îlesKerkennah.L'arrêtimposeun

demi-effetaprès avoir constaté quecesîles avaientune haute importance.
Sans relever la contradiction entre cette appréciationet le refus d'en tirer
toutes les conséquences,je dirai seulement que la carte ne me paraît pas
révélerd'effetsdisproportionnés sur une lignede délimitation dus au seul
faitdelaprésencedecesîlesimportantes làoùellessetrouvent,enréservant
tout commentaire sur l'existence d'une déviationinéquitable d'uneligne
quelaCour atiréeexnihilo.La balance desintérêtsa pesé,en l'espèce,une
différencedemilliersde kilomètrescarrésau détrimentd'unePartie, cequi
eût méritéun contrôle sérieuxdes méthodes de cette ((équitéo. 15. Mêmeen appliquant, commelefait l'arrêtl,'idéequetoute méthode
en vaut une autre pour délimiterun plateau continental si elle permet
d'aboutir à une délimitation équitable,il faut que la délimitation soit
équitable pour les deux Parties - condition sine qua non - et la manière
dont 1ûCour a recherchél'équitablen'ajamais comporté,pour le contrôle
de la méthodequ'elle avait décidéd'adopter, cecontrôle strict de l'équité
des résultats selon les indications données par l'arrêtde 1969 pour le
contrôle de l'équité d'une lignd e'équidistance. Aucune méthodene doit

êtreexempte de ce contrôle, si l'on parle d'équité. Après s'êtrecontentée
d'uneseuleméthode,laprolongation de lafrontière terrestre - sansparler
encore des imprécisionsdes motifs sur lesquels cette méthodeest fondée
dans le cas présent - la Cour n'a pas procédéau contrôle de l'équitable
des résultats ets'est limitéeà des affirmations non vérifiées par d'autres
méthodesqu'ilfallait au moins essayerd'appliquer, fût-ce pour lesécarter,
mais ceci seulement aprèsles avoir prises en sérieuseconsidération. Il ne
suffit pas de dire que la méthodede l'équidistance n'eûtpas abouti à la
délimitation la plus équitable,alors que les conditions de son exclusion
n'ont éténi réunies, nimêmeexaminées commeil se doit, et alors que la
Cour n'a pas examinéles résultats extraordinaires, anormaux et dérai-
sonnables de sa propre manièrede procéder.Dansla conception adoptée
par la Cour, la configuration géographique des côtes pertinentes pour la

délimitation aétélaisséede côté etl'examen s'estfait par des calculs de
directions, par desproportions, en substituant des apriorismes àla réalité
cartographique (cf. en exemple le paragraphe 133 de l'arrêt).Tous les
éléments géographiqued se la situation de fait ont étéignorésnon seule-
ment quant à leur pertinence pour la délimitation mais aussi pour le
contrôle de l'équitableauquel on prétendait arriver par d'autres tech-
niques. La côte tunisienne a été, ensomme, effacéeet la Cour a raisonné
comme si des particularités géographiques n'existaientpas ; àfortiori lui
semblait-il alorsinutile de calculerleurs effetséventuels surladélimitation
pour savoir si ellesentraînaient ou non une disproportion inéquitablepar
leurprésence à l'endroit où la nature les a mises. C'estun exempleparfait
de remise en cause de la géographie.
16. Lorsque la Cour, dans son arrêtde 1969,ne s'estpas contentéede
dire au'une délimitation de ~lateau continental doit se faire selon des

principes équitables, mais qu'elle a accumulé lesgaranties en faisant de
l'équitél'application de règleset principes du droit, longuement exposés,
tenant compte de facteurs soigneusement précisés, elle définissaista con-
ception du rôlede l'équitédans ladélimitationdu plateau continental. Sila
Cour aledroit de changer deconception del'équité par rapport à l'arrêtde
1969,il ne suffit pas de quelques citations de cet arrêtpour nier ce chan-
gement. C'est lefond du droit applicable àladélimitationduplateau conti-
nental qui est icien cause, pas lesformules anciennes ou nouvellesquisont
employées, mais les décisions priseset les motivations apportées dans leprésentarrêt ; et c'est sur ces points que je diffère entièrement des vues
actuelles de la Cour.

Pour simplifier il suffira de commencer par quelques remarques géné-
rales. Il s'agit de savoir de façon précise quel sensdonner à l'équité pour
délimiter deszones de la te aucontinental en laissant de côté toute dis-
cussionsur S'équité du dioit interne,l'équitédanslaphilosophiedu droit et
ladiversitédeséquitép sossibles.Lejuge nedécidequedel'affairedont ilest
saisisans pouvoir fairedesarrêtsdeprincipeayant uneportéegénéraleI.ci
l'équitéest lebut et la manièred'atteindre ce but est d'appliquer auxfaits
pertinents des méthodeset des raisonnementsjuridiques qui soient adé-
quats aux facteurs divers qui constituent ce phénomène unique qu'est
l'affaire portée devant lejuge.

17. Leprésentarrêtachoisidepartager leszonesditescontestées,i. e.où
les prétentions des Parties sont confondues, en affirmant que ce partage
opérait le résultat équitableprescrit par le droit international de la déli-
mitation. Lefondement idéologiqueestrenduincertainpar diverséléments
quisont brièvementrelevésaux paragraphesci-après, maisl'essentielde la
conception de l'arrêt mesemble être que,l'équité étantle but, la propor-
tionnalitéest la méthode, la Cour parle mêmede (principe de propor-
tionnalité O,pour y parvenir, et ellel'utilisà tout propos dans le présent
arrêt.Cecivabeaucoupplus loinquelaremarquedans ledispositif del'arrêt
de 1969(par. 101D 3)),sur laproportionnalité indiquéecommeun facteur
decontrôled'une délimitationfaite selondesprincipeséquitables,nonpas

comme une méthode pour y parvenir. De mêmela sentence du tribunal
arbitral du 30juin 1977insiste sur cette position mineure de la propor-
tionnalité :(<C'estplutôt un facteur àprendre en considérationpourjuger
de l'effetdescaractéristiquesgéographiquessurl'équitéoul'inéquitd é'une
délimitation ..)>(par. 99) età diverses reprises le tribunal déclarait que,
quelle que soit la méthode employéepour parvenir à une délimitation
équitable,cette délimitation <dépend des circonstancespertinentes, géo-
graphiques et autres du cas d'espèce ))(par. 97). Le présent arrêtmodifie
de fond en comble le rôle restreint au'il convient d'accorder au facteur
de proportionnalité et les calculs utilisés ne sont justifiés par aucune
des précautionsprévuesdans une délimitationoù la proportionnalité des

zones a étéprise en considération (cf. les croquis 1,2 et 3 dans l'article
sur la délimitation du traité entre l'Espagne et la France par José Luis
de Azchrraga, Revista espaiîolade derecho internacional,vol. XXVIII,
p. 131-138).
Il y a dans ces vues des choses une différencequi est, pour moi, fon-
damentale :le présent arrêt aécartél'argument géologiqueet effacéla
configurationgéographique,choiside tracer des lignesdedirectionqu'au-
cunprincipe n'impose,et d'adopter des anglessans enjustifier le choixpar
desfaitspertinents. La conception estnouvelle et s'écartedelaconception
del'équité expriméepar l'arrêt de1969etappliquéeparla sentencede 1977 ;
est-ce encore une conception de l'équité ? 153 PLATEAU CONTINENTAL (OP. DISS.GROS)

18. Le fosséestprofond entreune solutionéguitable d'un problèmede

délimitation de plateau continental qui repose sur les règles de droit
applicables à desfaitspertinents dont ilest exactementetpleinementtenu
compte et une solution équitable qui repose sur des appréciationssubjec-
tivesetparfois diviséesdesfaits,sansappelau droit de la délimitation,par
une approche multiforme d'un résultat sansrapport avec les facteurs en
présenceet sans autre contrôle que des calculsinspirésdu hasard ou de la
coïncidence. Ce n'est plus là une solution par l'équitémais par un com-
promisrecherché àlafoisentre lesprétentionsdesPartiesetlesopinionsau
sein de la Cour.
Lors des arrêts du25juillet 1974(Compétenceen matièredepêcheries,
Royaume-Unic.IslandeetRépubliquefédérale d'Allemagcn.e Islande,fond)

et de l'avisconsultatif du 3janvier 1975(Saharaoccidental,C.I.J. Recueil
1975),j'ai exprimé monsentiment sur la sorte de conciliation amiable
tentéepar laCour (cf. C.I.J. Recueil1974,p. 148-149,et C.I.J. Recueil1975,
p. 75 à 77). La mêmeobservation vaut dans la présente affaire. Le pré-
sent arrêtmarque plus que toute autre considération la recherche d'une
solution d'égalisationdes intérêts desdeux Etats. Il n'y aurait là rien à
redire si l'on étaiten présence d'une ((égalitédans le mêmeplan >ou de
cette((situationgéographiquedequasi-égalité ..[oùil s'agit]de remédiera
une particularité non essentielle d'où pourrait résulter une injustifiable
différence de traitement ))(C.I.J. Recueil 1969, p. 50, par. 91). Ce sont

encore là des conditions très précisesd'une recherche d'égalisation dela
balance des intérêts etelles ne se retrouvent pas dans la situation de fait
dans la présenteaffaire ;la formuled'une égalité quasimathématique par
laquelle l'arrêta procédéne correspond pas aux faits pertinents et elle
remplace mal uneméthodede délimitationfondéesurlaconfigurationdes
côtesdes deux Parties telles qu'ellessont et non pas telles que des calculs
d'anglesou dedirection les transforment par une véritablereconstruction
de la géographie.
19. Il s'agitde bien plus qued'une oppositionde vues surla manièrede
concevoir l'équitéc,equi est encause est la décisionpartageant un plateau
continental entre deux Etats et qu'ilsdemandaient derendreselonledroit.

Si un Etat qui revendique un droit à une zone de plateau continental
détientréellementcedroit tel qu'il ledécrit,il n'ya pas équitéa l'en priver
mais erreur dedroit, cequi n'estpas un griefsansconséquencepuisque les
arrêtsde la Cour sont irréversiblesentre les Parties. L'équitén'estpas une
sortede visionindépendante etsubjectivequi sesubstitue au droit. L'arrêt
déclarequ'il esthors de question enl'espèced'appliquer l'exaequoetbono.
Les déclarations sont une chose, les prononcéseffectifs de l'arrêten sont
une autre. Il ne m'est pas apparu, au cours de la construction du présent
arrêtqu'il s'agissed'équité.

20. La première ((justification historique ))de la ligne adoptéepar la

Cour est dépourvuedepertinence,tant historiquequejuridique. Il s'agitde
justifier lemaintien d'unelimite fixéeunilatéralementpar desinstructions
italiennes du 16 avril 1919 émanant du gouverneur de la colonie pourétablirune surveillancede lapêcheetdu commercecôtier,texte qui épuisa
seseffets à laguerre de 1940,limitestrictementfonctionnelleet dénuéede
toute prétention à êtreautrechosecar àune époqueoùleseauxterritoriales
étaientde 3 milles,ce que le texte signale, cette limite s'étendaiten haute
merpour cettepolice spécialedesconsessionsdepêcheriesetdu commerce
local. Comment croire qu'une limite maritime spécialisée allant en haute

mer ait pu, à cette époque,êtreacceptéetacitement comme divisant des
zones de haute mer qui ne relevaient à aucun titre de la souverainetédes
Etats telle que le droit international la définissait?C'est une succession
d'hypothèsessans base et deconceptionsjuridiques impossibles. Une zone
tampon << historique ))aujourd'hui devenue pour la Cour un modusvivendi
de facto n'est riende plus, sur le planjuridique, que ce qu'elle étaitentre
1919et 1940,la prétentionunilatéraled'une Etat à surveiller sespêcheries
sédentaires.Jeter rétroactivement sur cette zone, impréciseau demeurant
car ellen'est pas définiesur la carte, le voiledejustification historique est

un abusde mots qui lesprive de touteportée(cf.lesparagraphes 93 à95de
l'arrêtsur cesinstructions de 1919qui sefondent sur un soi-disant accord,
non identifiénidaté,et qui fixent une surveillance <(approximativement
sans aucune coordonnée :texte complet dans le contre-mémoirelibyen,
vol. II, ann. 43).La Tunisie n'ajamais donné àcette démarcationun autre
sens que celui de la surveillance nécessaire des pêcheries sédentairesres-
pectives desdeux Etats ;on ne peut passer de ceci à la notion de frontière
d'eaux territoriales et de cette notion à celle de frontière de zones de
plateau continental, comme si la confusion des genres étaitune notion

juridique.

Lefait que les Parties ne se soientjamais misesd'accord sur la limite de
leurs eaux territoriales, jusqu'à aujourd'hui devant la Cour où elles ont
formellement revendiquécette compétence,aurait dû conduire à plus de
prudence dans la construction du consensus imprévu de ces Etats qui
auraient ainsi, sans le savoir, déjàrégléleur problème de délimitationdu
plateau continental, bien avant d'entrer en négociationsur la limite et de
saisir la Cour.

21. La secondejustification indiquée par l'arrêt à l'appui du segment
de la ligne de délimitation du plateau continental entre les Parties au
départde Ras Ajdir avecl'anglede 26" vers le nord-est est (la ligne entre
concessions adjacentes ))des deux Etats qui (correspond en outre à la
perpendiculaire à la côte au point frontière))(Ras Ajdir) ;ceci fait beau-
coup de correspondances. La limite historique élucidée auparagraphe
précédentcoïncide avecla limiterésultant de la perpendiculaire à la côte,
laquelle coïncide avec la ligne entre les concessions définiespar chacune
desdeux Parties. L'arrêtdéduitdecesrencontres attribuéesau hasard plus

qu'un fait de concordance, une preuve du caractère équitablede la ligne
de délimitation du plateau continental entre les Parties. Chaque ligne
consoliderait l'autre, l'histoire, laperpendiculaire,la ligneentre lesconces-
sions.Une observation générale d'abord :une lignene consoliderien sielleest fragile et la somme de thèsescontroversées demeure une controverse.
La ligne historique,on l'a vu, est une démarcationdémodéede police de
pêcheriessédentairesqui ne peut influencer une ligne de délimitationdu
plateau continental, laquelle doit être recherchéedans son propre cadre
juridique. La perpendiculaire à la côte est une méthode qui n'a pas été
utiliséepar la Cour de façon scientifique dans le présent arrêtpuisque
aucune étude sérieuse d'uneperpendiculaire à des côtes non précisées

n'apparaît ; la Cour n'a pu adopter une véritableperpendiculairequi,par
nécessité,commenceraitpar délimiterleseauxterritorialesdesdeuxParties,
ce que le compromis ne lui permet pas de faire et que les Parties refusent
formellement, maisun anglede 26". Iln'yadonc pas emploi dela méthode
de laligneperpendiculaire auxcôtes,ni ligne,nicôtes invoquées.C'estune
allusion àune coïncidence, entre une lignenon tracée etun angle approxi-
matif, rien n'est démontré.

22. Nous restonsalors avecle troisièmeargument de laconcordance, la
ligneentre lesconcessions. La lignedesconcessionsest autre chosequ'une

limite de plateau continental et la Tunisie, pour sa part, a formellement
indiqué que (<dans l'attente d'un accord entre la Tunisie et la Libye
définissantla limite deleurjuridiction respectivesur le plateau continen-
tal))(arrêt, par. 21), une limite de permis était définiepar une ligne
d'équidistance.Il n'est pas possible de soutenir que la ligne libyenne de
concessions a une validité quelconquevis-à-visde la Tunisie qui,par son
comportement, ses essais de négociationssur la limite de plateau conti-
nental et finalement son recours à la Cour, n'a cesséde montrer qu'iln'y
avait aucune limite acceptéeou acceptable entre les deux Etats. La Cour
déclare àbon droit qu'une ligne de concessions est un acte unilatéralnon
opposable ;ilnerésultepasducomportementde laTunisie autre choseque

l'attente d'une délimitationpar négociationou par la Cour et déduirede
cetteattente, de l'échecdetout essaide négociation,puisde la saisinede la
Cour quela Tunisie a, sans le savoir et alors qu'elleexprimait le contraire
(arrêt, ar. 21infine),acceptélalignelibyennede concessionsestune erreur
dedroitquidétruit cefondement du segmentinitital utilisépar la Cour. La
premièreconstatation de la Cour suffisait d'ailleurs:aucun acteunilatéral
dedélimitationde plateaucontinentalpar l'undes Etats intéressésnepeut
êtreopposé àun autreEtat intéresséc ,'est unevéritépremièrederselations
internationaleset l'affirmation contrairedétruirait lefondement mêmede
la théoriedu plateau continental selon laquelle le plateau continental se
délimitepar accord des parties, ou par lejuge. Le doute n'existepas sur ce

point. Mais si la ligne de concessionslibyennes n'est pas opposable à la
Tunisie, par quelle coïncidence devient-elle la ligne de délimitation du
plateaucontinental et,à cetitre,opposable à laTunisie ?Latransformation
de l'unilatéraà l'équitablene trouve pasd'explication.L'arrêt apris surce
point une position qui est, selon moi, contraire aux règlesde droit appli-
cables.156 PLATEAU CONTINENTAL (OP. DISS. GROS)

23. La mêmeobservation s'applique au second angle de direction

découvertparl'arrêt pour lesecteuraulargedescôtes.L'anglede 52" censé
représenterun <virage ))de la côte montre la persistance de l'effacement
des côtes pertinentes ; à cette position ce sont les Kerkennah qui in-
fluencenttoutedélimitation,pas desdirectionsde la côte. Quant à la moti-
vation de l'angle de 52" dans les paragraphes 128et 129de l'arrêt, son
énoncémontre seulementqu'on peut substituer auxdonnées de la géogra-
phie n'importe quel calcul choisi à cette fin.
24. Le fait mêmeque l'arrêt repose sur detels arguments,contestés et
fragiles, pour en déduireune ligne, est préoccupant ;l'histoire est muette,
leprésent nemontre que desrevendicationscontradictoireset la construc-
tion de l'équitablene repose que surdes calculset affirmationsnon fondés

sur lesfaits de l'espèce,les facteurs visibles, les règlesdu droit applicable.
Mais la conclusion la plus grave est que, ainsi conçu, l'arrêtn'assure pas
une solution juste du problème posé.Qualifier une limite et sa moti-
vation d'équitablesne peut suffire à prouver l'équité;un arrêtn'est équi-
table que s'ilétablit ledroit entre les Parties. Cet arrêtn'atteint pas lebut
car il n'a pas réussà apporter une solutionqui balance véritablement les
intérêts des Parties et la solution n'étant pas équitable pour l'une ne peut
l'être pour l'autre.En recherchant l'égalitéalors que les deux Etats ne
sont pas sur le mêmeplan, laproportionnalité dans des calculs arbitraires
et en ignorant les particularités géographiquespertinentes ainsi que leur

effet sur la délimitation, l'arrêts'est égarédans le subjectivisme.

Les Etats sont depuis une dizained'années de moins en moinsprésents
devant la Cour ;lorsqu'ilsont volontairement choisid'yvenir, laCourdoit
répondre à leur demande et dire le droit, non pas tenter une conciliation
par persuasionquine relèvepas du rôlejudiciaire de la Cour, tel qu'ellel'a
depuis longtemps défini.

(Signé A)ndréGROS.

Bilingual Content

OPINION DISSIDENTE DE M. GROS

J'ai votécontre l'ensemble du présentarrêtpour des raisons que j'ex-
poserai de la manière la plus succincte.
1. En raison de l'importance del'interprétation par la Cour de sonrôle
selonle compromis,je traiterai cepoint en premier(textedans les qualités
de l'arrêt, par.2).

Le problème qui se posait à la Cour était celui de l'étendue desa

compétencepour répondre àla demande des Parties, telle que celle-ciest
formuléedansle compromisqui est la seule source de cettecompétence. 11
résulte des positions prises dans les écritures et les plaidoiries que les
Parties sont en désaccordsur la portée exactede la demande. Il s'agiten
réalitéde plus qu'une divergence mineure d'interprétation des articles 2
et 3 du compromisqui constituent l'objet du débat(arrêt, par.29-30) ;la
thèsesoutenue par la Libyereposesur la négationd'un principevital pour
la Cour :la Cour est un organejuridictionnel dont l'exercicedu pouvoir
juridictionnel estréglpar leStatut etleRèglement.Certes,par lavoied'un
compromis, deux Etats peuvent donner àla Courplus decompétenceque
neleprévoientdestraitésenvigueurentre eux,ou ilspeuvent, en précisant
leur demande,restreindre la compétencedela Cour aun point ouplusieurs
points de droit ouàdesfaits précis.Maisc'esttout autre chosequela Libye

prétend trouverdans lecompromis. Ceciaété révélépar lesréponsesfaites
par les deux Etats le 21 octobre 1981 à la question que j'ai poséele
15 octobre 1981. Pour réduire les dimensions.de cette opinion, je ne
reproduis pas cet échange et en tirerai seulement les conclusions.

2. Portant sur la <force obligatoire u de l'arrêtéventuel,la question
souhaitait attirer l'attention des Parties sur les règlesde la Charte, du
Statut et du Règlement,ainsi que sur la pratique de la Cour. Le premier
texte est l'article 94, paragraphes 1 et 2, de la Charte qui oblige les
Membres des Nations Unies à se conformer à la décisionde la Cour )>
(par. 1)et envisageune action du Conseil de sécuritéencas de refusd'une
Partie (par. 2). Lesautres textes applicablessurlaforceobligatoiresont les
articles59,60,61, paragraphe 3,du Statut, et 94,paragraphe 2, du Règle-
ment qui reprennent larègledela Charte selonlaquelle tout arrêtobligeles

parties às'yconformer.La réponselibyennene seréfère à aucun moment
aux obligations qui résultent de ces textes pour tout Etat Membre des
Nations Unies ;le préambulede la réponse prend comme seulejustifica-
tion de la reconnaissance de la forceobligatoiredu futur arrêtle compro-
mis, tel que la Libye l'entend : DISSENTING OPINION OF JUDGE GROS

[Translation]

I have voted against the Judgment as a whole, for reasons which I shall
set forth as succinctly as possible.
1. On account of theimportance of the Court's interpretation of its role

under the Special Agreement, 1shall deal with this point first (the text of
the SpecialAgreement is to be found in therecapitulation at thebeginning
of the Judgment, para. 2).
The problem that arose for the Court was that of the extent of its
competence to answer the Parties' request as formulated in the Special
Agreementwhich isthe solesource of that competence. It is apparent from
the positions taken up in the pleadingsand at the hearing that the Parties
disagreeas to the precise scopeof the request.More isinfact involved than
a minor differencein the interpretation of Articles 2 and 3 of the Special
Agreement, which are the subject of debate (Judgment, paras. 29 f.);the
contention arguedfor by Libya is based on the denial of aprinciple which
isvital for the Court :namely, that theCourt is ajudicial bodythe exercise
of whosejudicial power is governed by the Statute and the Rules. It is of
course open to two States, by means of a Special Agreement, to give the
Court a wider jurisdiction than is contemplated by the treaties in force
between them or, in the formulation of their request, to lirnit the Court's
competenceto oneor more specific points of law or certain specificfacts.

But what Libya claims to find in the SpecialAgreement is something quite
different. This was disclosed by the replies given by the two States on
21 October 1981to the question 1put on 15 October 1981.In order to
reducethe dimensions of thisopinion, 1shall not reproduce that exchange
but simply draw the appropriate conclusionsfrom it.
2. Concerning as it did the "binding force" of thejudgment to be given,
the question sought to draw the attention of the Parties to the rules tobe
found in the Charter, the Statute and the Rules of Court, as well as the
practise of theCourt. Thefirst text isArticle 94,paragraphs 1and 2,of the
Charter, whichbinds Members of the United Nations to "comply with the
decision" of the Court (para. l), and contemplates action by the Security
Council in case of a Party'srefusa1to do so(para. 2).The other applicable
texts on the subject of the binding force are Article 59, Article 60 and
Article 61,paragraph 3,of the Statute, and Article 94,paragraph 2,of the
Rules of Court, whichreiterate the rule of theCharter that everyjudgment

binds theparties to comply with it. Libya's replyto my question makes no
reference whatever to the obligations deriving from these texts for every
StateMember of the United Nations ;the preamble to that reply takesas
solereason for acknowledging thebindingforce of the futurejudgment the
Special Agreement, as interpreted by Libya : <<Compte tenu dufait que la Libye et la Tunisie sont convenues à

l'article3 du compromisde se << [conformer] à l'arrêt ainsi qu'àses
explications et éclaircissements >)la position de la Libye est lasui-
vante ..>)(Italique ajouté.)
Tout découle donc, selon la Libye, du seul texte du compromis, sans
aucunemention des règlesdela Charteet du Statut, cequi est un choix ; la

Libyen'a pas fait référence à l'obligationderespecteret exécuterl'arrêt de
la Cour, tellequ'elleest édictéeparlaCharte etleStatut, parce que celaeût
portéatteinte àsa thèsequelecompromis renvoie, aprèsl'arrêd te la Cour,
à un accordlibre entre lesParties, lequelpourrait donc aménagerlestermes
del'arrêt. L'arrêt serabieu nne décisiondela Cour, mais,pour la Libye,sa
force obligatoire n'existe que dans la mesure où [<tenant compte du
fait..>>]elle a <<convenu )) de s'y conformer, par un engagement pris
vis-à-vis de la Tunisie, non pas vis-à-visde la Cour. Et en donnant cette
réponse la Libye ne fait que confirmer la thèsefondamentale pour elle,
selonlaquellela délimitationfinaledu plateau continental doit sefaire par
accord. Il eût fallu exposercela dansl'arrêt, puisdissiper toute équivoque,

ce qui n'a pas été faitde manière telle que les Parties soient averties de
l'opinion dela Cour surl'étendue desajuridiction dans la présenteaffaire.
<<La saisinede la Cour est une chose, l'administration de lajustice en est
une autre >)(affaire Nottebohm, C.I.J. Recueil 1953,p. 122).

3. L'article 2du compromis prévoitunesimpleobligation de négocierle
tracésur une cartede la décisiondedélimitationprise par la Cour,rien de
plus. L'article 3confirmecetteportéelimitéede1'<a <ccord >en organisant
les(<éclaircissementset explications >quidoivent <<[faciliter]la tâchedes
deux délégations pour parvenir à la ligne séparant les deux zones du
plateau continental ..>)Le renvoi àun accord constitue une obligation de

négocier,ce qui ne contredit pas la thèse de la Libye que le compromis
conduit nécessairement à l'accord entre les Parties. Mais de quel accord
s'agit-il réellement?

L'obligation de négocier est biendéfiniepar la Cour dans le texte d'un
avis classiquementcité :

(En réalitéi,l est permis de considérerque l'engagement desdeux
gouvernements ..n'estpas seulement d'entamer lesnégociationsmais
encore de les poursuivre autant que possible, en vue d'arriver à des
accords ...Mais l'engagement de négocier n'impliquepas celui de
s'entendre ..>>(Traficferroviaireentre la Lithuanie et la Pologne, avis
consultatif, 1931,C.P.J.I. sérieA/ B no42, p. 116.Cf. aussi la confir-
mation dans l'arrêtde 1969,C.I.J. Recueil 1969,p. 47-48,par. 85 a)
et 87.)

Leslimites de l'obligationsont simples,négocierdefaçonraisonnableet "Bearingin mind that Libya and Tunisia have agreed inArticle 3of
the SpecialAgreement. . .to 'comply withthejudgment of the Court
and with itsexplanationsand clarifications',thepositionofLibya isas

follows :" (emphasis added).
Thus Libya represented everything as flowing solely from the text of the
SpecialAgreement, without any mention of the rules in the Charter and
Statute, and it did sodeliberately :Libya did not refer to the obligation to
respectand carryout theCourt'sjudgment, aslaiddownintheCharterand
Statute, because that would have undermined its contention that the
Special Agreement provides for referral, after the Court has delivered
judgment, to an unfettered agreement between the Parties which could
thus adjust the terms of the Judgment. The Judgment will indeed be a
decision of the Court but, for Libya, its binding force only exists to the

extent that ["Bearinginmindthat ..."] ithas "agreed" to complywith itby
an undertaking given to Tunisia, not to the Court. In giving that reply,
Libya was simply confirming what is, for that Party, a basic contention,
namely that thefinal delimitation of the continental shelfmustbe effected
byagreement.TheCourt shouldhave brought this to lightintheJudgment
and gone on to remove al1uncertainty, which has not been done in such a
way as to bring home to the Parties the Court's view of the extent of its
jurisdiction in thepresent case :"the seising of the Court is one thing,the
administration of justice is another" (Nottebohm, I.C.J. Reports 1953,
p. 122).
3. Article 2 of the SpecialAgreement connotes merely an obligation to
negotiate the transference to a map of the delimitation decision taken by
the Court, no more. Article 3 confirms this limited scope of the "agree-
ment" by making provision for "explanations and clarifications" which
would "facilitate the task of the two delegations, to arrive at the line
separating the two areas of the continental shelf .. .".The reference to an
agreement postulates an obligation to negotiate, which does not run
counter to Libya's argument that the Special Agreement entails agree-
ment being reached between the Parties. But what agreement is really
involved ?
The obligation to negotiate has been well defined by the Court in a
passage of an Advisory Opinion which has become a locusclassicus :

"The Court is indeedjustified in consideringthat the engagement
incumbent on the two Governments ... is not only to enter into
negotiations, but alsoto pursue them as far aspossible, with a viewto
concluding agreements. .. But an obligation to negotiate does not
imply an obligation to reach an agreement. .." (Railway Traffic
betweenLithuania andPoland,Advisoiy Opinion,1931,P.C.I.J., Series
A/B, No. 42,p. 116 ;and cf. alsothe confirmation of this in the 1969
Judgment, I.C.J. Reports 1969, pp. 47 f., at para. 85, sub (a), and
para. 87.)

The limits of the obligation are simple : to negotiate in a reasonablede bonne foipour obtenir un résultat acceptablepar les deux parties mais
pas d'obligation de conclure à tout prix. L'obligation de négocier estune
obligation de comportement dont la définitiondans chaquecas comporte
des (<standards ou des (directives qui tiennent à lanature de l'objet sur
lequel doit porter la négociationet qui ont pour sourcela coutume ou la
pratique internationale ;ils ont donc une origine et une portéejuridiques,
tout en n'étant pas,strictosensu,des règlesou desprincipesjuridiques au

sens de l'article 38 du Statut de la Cour. Mais ce ne sontpas des éléments
politiques ou de pur fait dépourvus de toute colorationjuridique, bien au
contraire, puisque leur existence dépend de leur reconnaissance par les
Etats comme éléments de solutionde leur différend.En l'espècefaut-il
rappeler qu'il s'agirait de négociersur un arrêtde la Cour, donc sur des
règlesde droit obligatoires ?
4. Pour mémoireon peut citer le principe de la bonne foi qui s'analyse
icien uneobligationdesecomporterde tellesorte quela négociationaitun
sens, c'est-à-dire que l'arrêtsoit exécuté.Il n'ya pas de négociation,si
chaque Partie, ou l'une d'elles,insiste sur sa propre position sansjamais
envisager d'atténuationou de modification (cf. C.I.J. Recueil 1969,p. 48,
par. 87 infine ;aussi arbitrage du Lac Lanoux, sentencedu 16novembre

1957, Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales,XII, p. 310-314
notamment). Divers passages desplaidoiriesétablissent que telle pourrait
êtrela conséquence de la thèsequ'un accord seul pourra fixer la délimi-
tation définitive et que les indications de la Cour ne seront que des
< <uidance o.Il fallait donc, selon moi, compléterla critique que porte
l'arrêtsur ce point précis (par. 29-30), en envisageant toutes les consé-
quences d'une thèseque la Cour devait refuser d'admettre.

5. En effet, en prenant une telle position, contredite par la Tunisie, la
Libyeinterprète lecompromis comme s'ilpouvait amender les règlesde la
Charteet du Statut, cequi touche à l'essencedurôlejudiciaire dela Cour. Il
a été argué quedeux Etats peuvent toujours se mettre d'accord pour
modifier leur situation de droit par traité et que l'arrêt ne pouvait faire
exception àcette règle. C'estune vue un peu simplistedes choses lorsqu'il

s'agitde décidersila Cour,ainsiprévenuedesintentions d'une Partie,peut
garder le silencesur une telle opinion. La questionétaitde savoir si,avant
l'arrêtque les Parties ont demandé à la Cour deprononcer et qui doit être
obligatoirepour elles,le compromisavait pu valablementleur réserverle
droit de modifier,partiellement ou entièrement,l'actejuridictionnel de la
Cour. C'est une notion inacceptable pour la Cour qui ne fournit pas des
avisaux Etats maisleur dit avecforceobligatoire ce qu'elletient pour être
ledroit applicableaudifférenddont elleaété saisie.Et, avertiequel'un des
Etats croit pouvoirnepas en tenircompte,l'autre Etat prenant la position
contraire, la Cour devait se demander si elle ne seraitpas ainsi empêchée
d'exercer convenablement sa fonctionjudiciaire. Dans l'arrêtrendu dans
l'affairedesZonesfranches,le7juin 1932(C.P.J.I. sérieA/B no 46,p. 161),

la Cour s'est exprimée ainsi :manner and in good faith in order to achieve a result acceptable to both
Parties, but without being obliged to reach agreement at any price. The
obligation to negotiate is an obligation as to conduct, the definition of

whichin eachcase involves"standards" or "guidelines" derivingfrom the
nature of the specific object of negotiation and flowingfrom international
custom or practice ; they are thus legal in origin and scope, while not,
strictly speaking, being legal rules or principles within the meaning of
Article 38 of the Statute of the Court. But they are not political or purely
factual elements with no legal colouring ; quite the reverse - since their
existence depends upon their recognitionby Statesas factors in resolving
their dispute. In the present context,1need hardly recall, the negotiating
would revolveupon ajudgment of the Court, and thus on binding rules of
law.
4. For the record, it is worth mentioning the principle of good faith,
which may be construed in this instance as the obligation so to conduct
oneself that the negotiations are meaningful, that is to Say,that thejudg-
ment is carried out. There is no negotiation if each party, or either party,
insistson itsownposition and refusesevertocontemplateanysoftening or

change(cf. I.C.J. Reports1969,p. 48,para. 87infine, and theLake Lanoux
Award of 16November 1957,ILR 1957,esp. pp. 133-138).Various pas-
sagesin the oral arguments go to showthat such might be the outcome of
the contention that the final delimitation can only be established by an
agreement, so that the findings communicated by the Court are merely
"guidance". The Judgment's criticism on this specific point (paras.
29f.) ought consequently,in my view,to have been rounded off by envis-
aging al1the consequences of a contention which the Court should have
ruled out of order.
5. The point is that by taking up such a position, contradicted by
Tunisia, Libya was interpreting the Special Agreement as if that instru-
ment were capable of amendingthe rules of the Charter and Statute, and
that issomething which goesto theheart of the Court'sjudicial role. It has
been arguedthat twoStates can alwaysagreeby treaty tomodify their legal
situation and that thejudgment could not make an exception to this rule.
This is a somewhat simplisticviewof things when what the situation calls
for isadecisionwhether theCourt, beingthus warned of theintentions of a

party, can keep silent in the face of such an opinion. The question was
whether, before thejudgment which the Parties asked the Court to deliver
and which must be binding on them, the SpecialAgreement could validly
have reserved for them the right wholly or partly to modify the Court's
jurisdictional act.That isan unacceptablenotion for theCourt, which does
not giveStates opinions but declares to them, with binding force, what it
holds to be the law applicable to the dispute submitted to it. And, having
been warned that one of the States felt able to disregard this, while the
other State tookthe oppositeposition,the Court ought tohave asked itself
whether it might not thereby be prevented from properly exercising its
judicial function. In the Judgment delivered in the Free Zones case on
7 June 1932 (P.C.I.J., SeriesA/B, No. 46, p. 161),the Court said : <(Après un examen très approfondi, la Cour maintient son opi-

nion : pour elle, il serait incompatible avec son Statut et avec sa
position en tant quecourdejustice derendre un arrêtdont lavalidité
serait subordonnée àl'approbation ultérieure des Parties. ))

La Cour devait donc rejeter nettement la thèselibyenne et dire que, hors
tracer sur une cartela ligne déjà déterminéer,ien n'étaitnégociabledans
l'arrêt qu'elle rend surla détermination des zones de plateau continental
relevant des Parties ;ceci n'a pas été fait(cf. arrêt, par.26 et 29).

6. L'absence de précision dans l'arrêtsur la force obligatoire de la
décisionjuridictionnelle qu'ilcontient présenteautant de gravitélorsqu'il
s'agit de l'article 3 du compromis (cf. arrêt, par.31).
L'article 60du Statut prévoit unrecours eninterprétation <surle senset
la portée des arrêtsde la Cour, à la demande de toute partie. Siles deux
Etats en cause songeaient à un recours en interprétation, l'article 3 du
compromisétait inutile ;il faut donc supposerque cet articleouvre autre

chosequ'une possibilitéd'interprétation.La Cour a décliné de répondre à
ce problème qui, selon moi, commandait aussi le raisonnement sur la
portéeobligatoiredesonarrêt.Ona soutenu qu'il s'agissaitd'unrecours en
interprétation, soit de plus, soit de moins. Il est regrettable pour diverses
raisons d'en être resté à cette incertitude. Si l'article 3 est une version
affaibliede l'article 60 du Statut, la question de sa licéitésepose, et de la
façon la plus gravepuisquel'article 60ouvre lerecours en interprétation à
(toute partie )),donc à une seule partie, tandis que l'article 3 parle des

deux Parties qui <<reviendront ensemble àla Cour et luidemanderont ... )>,
ce qui semble impliquer la nécessitéd'un accord pour revenir et d'un
accord sur les points à expliquer ou éclaircir.La Cour ayant refusé de se
poser le problèmeje ne puis le traiter complètement puisqu'il peut être
posédans un délaidetroisou sixmoismais,dansla mesureoù l'article 3du
compromis complète, dans une certaine interprétation, la thèse que la
négociationdelaligne à tracer aprèsl'arrêtest entre lesmainsdesparties,
sans que l'arrêt soit véritablement <définitif (lemot de l'article 60 du

Statut), je crois nécessairede me séparer à la fois du refus de la Cour de
juger le point de droit et des conséquencesque cette abstention pourrait
entraîner. Parmi celles-cila plus grave est que la protection résultant du
paragraphe 2 de l'article94 de la Charte en cas de refus d'exécutiond'un
arrêtserait en somme suspendue, sinon annulée, en cas d'impossibilité
pour une partie de revenir seule devant la Cour pour interprétation après
un refus de l'autre partie fondé sur l'article 3 qui, selon l'interprétation
exposéeci-dessus,permettrait de dire qu'iln'estpas besoin d'explications

et éclaircissements et que le compromis a organisé une obligation de
négociermais pas de conclure (cf. supra, par. 3-5). "After matureconsideration,theCourtmaintainsitsopinion that it

would be incompatible with the Statute, and with its position as a
Court of Justice, to giveajudgment which wouldbe dependent forits
validity on the subsequent approval of the Parties."

The Court oughtthereforeto have rejected the Libyancontention outright
and to have declared that, apart from the drawingupon a map of the line
already determined, nothing was negotiablein the Judgment it has deliv-
ered on the determination of the areas of continental shelf appertaining to
the Parties ; this has not been done (cf. paras. 26 and 29 of the Judg-
ment).
6. The absence of precision in theJudgment with respect to thebinding
force of thejudicial decision it contains isjust as serious with respect to
Article 3 of the Special Agreement (cf. Judgment, para. 31).
Article 60of the Statute makesprovision for a request forinterpretation
"as to the meaningand scope" ofjudgments of the Court, upon the request
of any party. If the two Statesin question had had in rnind a request for
interpretation, Article 3of the SpecialAgreement would have been super-
fluous ;it is consequently to be supposed that that article was meant to

pave the way to some other eventuality than interpretation. The Courthas
declined to meet this problem which, in my view, also controlled the
argument as tohowfarits Judgment was tobe taken asbinding. It hasbeen
urged that what is entailed is a request for interpretation, or something
more than or short of that. For various reasons, it is regrettable to have
remained in this uncertainty. If Article 3 is a weakened version of Arti-
cle 60 of the Statute, the question of its lawfulnessarises - in the acutest
way,moreover, sinceArticle 60allows"any party", and thus a singleparty,
to subrnit a request for interpretation, whereas Article 3provides that the
two Parties "shall together go back to the Court and request . ..",which
seemsto imply the necessity of an agreement to goback and an agreement
as to the points to be explained or clarified.The Court having refused to
consider this problem 1cannot deal with it in full, since it may actually
arise within three or six months, but in so far as Article 3 of the Special
Agreement, according to one interpretation of it, clinches the contention
that thenegotiation of the line tobe drawn followingdeliveryofjudgment
isin thehands of theParties,without theJudgment being truly "final" (the
wordemployed inArticle 60of the Statute), 1findit necessary to dissociate

myselfboth from the Court's refusa1to pronounce upon this point of law
and from the possible sequelsof this abstention. Of these the most serious
is that the protection afforded by paragraph 2of Article 94of the Charter
in the event of a refusa1to comply with ajudgment would effectivelybe
suspended, if not cancelled,should itnot be possible forone Party alone to
goback to the Court for aninterpretation after arefusa1by theother Party
based on Article 3,which,according to theinterpretation alluded to above,
would enable it to Saythat there was no need for explanations or clanfi-
cations and that the SpecialAgreement laid down an obligation to nego-
tiate, but not to reach agreement (cf. paras. 3-5 above). 7. Si la Cour n'a pas reçu expressémentla charge d'assurer la réussite
d'unenégociationsur letracéde lalignesurla carte, ellea celled'assurerle
respectintégralde sa décision ; ellelaissesanslimite précisela prétention
constamment affirmée par une partie au cours de la procédure à une

compétencepropre de négocier surce tracé.C'estlecompromisqui a fixé,
dans l'article 3, les rapports des Parties pour le tracé de laligne de déli-
mitation après l'arrêt, et pour l'interprétationéventuellede l'arrêt.Le
double refus d'examiner si cet article 3 est conforme à l'article94 de la
Charteet à l'article60 du Statut laisse les Parties dans la confusion,et la
prétendue négociationdans l'incertitude quant à seslimites. Je n'ai pour
ma part aucun doute que les deux articles précités prévalenp tour le juge
sur toute construction différente de l'article3 du compromis. La thèse
d'une négociation ouverte sur le tracé, allantjusqu'à modifier la délimi-
tation fixéepar l'arrêt, supposeque les deux Etats ont renoncé par le
compromis à l'obligation(<de se conformer à l'arrêt dela Cour et à ses

explicationset éclaircissements >(art. 3infine). LaTunisien'acceptant pas
cette thèse,la Cour devait trancher ce qui est le problème de force obli-
gatoire de l'arrêt et dece fait dire ce qu'elle est prête à accepter des
intentions des Parties dans l'appréciation de son rôlejudiciaire et de la
protection que son Statut assureaux Etats qui la saisissent. La Cour avait
affirméen 1963que ses arrêts devaientdissipertoute incertitude dans les
relationsjuridiques entre les Parties (C.I.J. Recueil 1963,p. 34).

Il y aurait, c'est visible, d'autres difficuàtpropos de l'article 3 du
compromiset de soninterprétation exacte,mais laquestionque j'ai traitée
ici me paraît majeure et rien n'empêchait la Courde dissiper le doute.

8. Un mot sur l'argument invoqué, selonlequella situation créée par le
compromisseraitanalogue àcelledes affairesdu Plateau continentaldela
mer duNord où la Cour avait renvoyéledifférend à la négociationentre les
Parties ;il suffit de rappeler que rien dans le déroulementde ces affaires
n'indiquait lemoindre doute surlavolontéformellede toutes lesParties de
se conformer à l'arrêt etle compromis disait : <<Les gouvernements ...
délimiterontleplateau continental ..par voie d'accord conclu conformé-

ment à la décisiondemandée à la Cour internationale de Justice.)>Il n'y
avait là rien qui oppose le compromisau Statut de la Cour, l'application
des règles de droit ayant été,par la demande, réservéeaux Parties. La
saisinedes affaires de 1969et celle de l'affaire actuelle sont entièrement
différentes.

9. En second lieu je me trouve en désaccordavecl'arrêtsur la manière
dont la Cour a procédé à la recherche d'une délimitation équitable des 7. While the task of ensuring the successof negotiations on the drawing
of theline on the map has not expresslybeen conferredupon the Court, it
does have that of ensuring full respect for its decision ; yet no precise
bounds have been set to the claim, constantly asserted by one Party in the
course of the proceedings, to possess acompetence of its own to negotiate
how the line is to be drawn. It is the Special Agreement whch has deter-
mined, inArticle 3,therelationship between the Parties with respect to the
drawing of the delimitation line following the delivery ofjudgment, and
with respect to the eventuality of an interpretation of the Judgment. The
twofold refusa1 to examine whether that Article 3 is in conformity with
Article 94 of the Charter and yith Article 60 of the Statute leaves the
Parties in confusion, and the supposed negotiations without any certain
limits. For my part, 1have no doubt that for the Court the two Articles
referred to aboveprevail overany divergentconstruction ofArticle 3of the
Special Agreement. The argument that negotiations are to be held as to
how thelineshall be drawn, goingsofar as to modify the delimitationlaid
down in the Judgment, supposes that by the Special Agreement the two
States waived their obligation to "comply with thejudgment of the Court

and with its explanationsand clarifications"(Art. 3 infine). SinceTunisia
does not accept this argument, the Court ought to have settled the issue,
i.e.,theproblem of thebinding force of theJudgment, and thereby to have
madeclear what it was prepared to accept of the Parties' intentions, from
the viewpoint of a proper understanding of its judicial role and the pro-
tection afforded by its Statute to States that bring cases before it. The
Court had stated in 1963that its Judgments must "remov[e] uncertainty
from [the Parties'] legalrelations" (I.C.J. Reports 1963, p. 34).
There could clearly be other difficulties with regard to Article 3 of the
Special Agreement and its precise interpretation, but the question with
which 1have dealt here seemsto me the major one, and there was nothng
to prevent the Court from removing the uncertainty.
8. One word concerning the argument advanced to the effect that the
situation created by the Special Agreement is analogous to that in the
North Sea ContinentalShelfcases, wherethe Courtremittedthedispute for
negotiation between the Parties :it suffices to recall that nothng in the
course of those cases occasioned the slightest doubt as to the solemn
intentions of al1the Parties to comply with the Judgment, and the Special
Agreement provided that "the Governments ... shall delimit the conti-
nental shelf ... by agreement in pursuance of the decision requestedfrom
the InternationalCourt of Justice". There was nothing in this to bring the
Special Agreement into conflict with the Statute of the Court, since the

application of the legal rules was resemed for the Parties by the request.
The ways in which the Court was seised of the 1969cases and the present
case were entirely different.

9. In the secondplace, 1find myselfindisagreement with theJudgment
in respect of the way in which the Court set about the search for anzones de plateau continental entre les Parties,queje trouvecontraire à la
conceptionadoptéedansl'arrêtde laCouren 1969surle rôle de l'équité en
matière de délimitation de plateau continental.
10. Sil'onreprend les paragraphes 83 à 101del'arrêt de1969,diverses
indications y sont données,tant sur les règlesde fond applicablesque sur

lesfacteurs àprendre en considération ;la Cour affirmeparticulièrement
le droit inhérent de chaque Etat côtier à sa zone de plateau continental,
avec le corollaire qu'il ne s'agit pas d'un partage, l'obligation de ne pas
refaire la géographie, cellede ne pas empiéter sur la zone de plateau
continental de l'un ou de l'autre Etat, le rôle du prolongement naturel,
l'absence de méthode unique de délimitation,la nécessité de balancer les
équités,la vérificationdes effets des particularités géographiques,l'exa-
men de la structure physique et géologiqueainsi que des ressources natu-
relles. Une formule résume cet ensemble :

((en d'autres termes, il ne s'agitpas d'appliquer l'équitésimplement
comme une représentation de la justice abstraite, mais d'appliquer
une règlede droit prescrivant le recours à des principes équitables
conformémentauxidéesqui ont toujoursinspiréledéveloppementdu
régimejuridique du plateau continental en la matière, à savoir :

b) lesparties sont tenues d'agirde telle sorteque, dans le casd'espèce
et comptetenu detoutes lescirconstances,desprincipeséquitables

soientappliqués ; àcet effet la méthodedel'équidistancepeut être
appliquée ;d'autres aussi existent et peuvent êtreutilisées exclu-
sivement ou conjointement selon les secteurs envisagés n '(C.I.J.
Recueil 1969, p. 47, par. 85).
Etl'arrêtde 1969,danssondispositif,décidequel'ensemble decesrègleset
de ces facteurs doit êtreprisen considération.La compétencede la Cour,
enmatièrede délimitation,estbien limitéepar cetteobligationd'appliquer
les règlesdedroit et lesfacteurspertinents énoncésauparagraphe 85,c'est

unecompétenceliéeetnon pas unelibertéd'actiondujuge. Non seulement
un but est fixé,la délimitation équitable, ce quien soi n'est que poser le
problème sans en donner la solution, mais les règleset moyens pour y
parvenir sont précisés ; telle n'est pas la méthodesuiviepar la Cour en la
présente affaire.

11. Ainsi, la Cour se contente-t-elle aux paragraphes 113 et 114 du
présentarrêtdequelques généralitéssurlaméthodede l'équidistancesans
indiquer les motifs pour lesquels celle-ci n'a pas étéemployée.De plus,
aucuneétudepréalable nejustifie cette décision,alors que la Cour contre-
dit, en agissantainsi, lesindications qu'elleadonnéesen1969surcepoint.

Les raisons évoquées aux premières lignes du paragraphe 89 de l'arrêt de
1969pour écarter l'équidistance qui dans certaines conditions géogra-
phiques [pouvait]créer une incontestable inéquité )),se fondaient sur des
configurationsgéographiquesparticulièreset sur leur effet d'incontestable equitabledelimitation of thecontinental shelfareasasbetween theParties,
which 1findcontraryto theconcept of theroleof equityinthedelimitation
of a continental shelf adopted by the Court in its 1969Judgment.
10. To take paragraphs 83-101 of the 1969 Judgment, they contain
various indications as to the applicable substantive rules and also the
factors to be taken into consideration ; more especially,the Court affirms
theinherent right of everycoastalState toits area ofcontinental shelf,with

the corollarythat apportionment is not what is called for, the obligation
not to refashion geography, that ofnot encroachingupon anyother State's
area'of continental shelf, the role of natural prolongation, the absence of
anyonemethod of delimitation solelyapplicable,the need to balance the
equities, the ascertainment of the effects of particular geographical fea-
tures, examination of the physical and geologieal structure and of the
natural resources. Al1this was summed up as follows :

"in short,it is not a question of applyingequity simply asa matter of
abstract justice, but of applyinga rule of law which itseifrequiresthe
application of equitable principles, in accordance with the ideas
which have always underlain the development cf the legal régimeof
the continental shelf in this field, namely :

(b) thepartiesare under an obligation to act in such awaythat, inthe
particular case, and taking al1 the circumstances into account,
equitable principles are applied, - for this purpose the equidis-
tance method can be used, but other methods exist and may be
employed, alone or in combination, according to the areas
involved" (1C ..J. Reports 1969, p. 47, para. 85).

And the 1969Judgment provided in its operative provisions that al1these
rules and factors must be taken into consideration. The competence of the
Court, in the matter of delimitation, is definitelylimited by thisobligation
to apply the rules of law and the relevant factors listed in that para-
graph 85 ; it is a non-discretionary competence, not freedom to act as the
Court pleases. Not only is a goal - equitable delimitation - laid down,
which intrinsically is merely to pose the problem without providing the

solution, but the rules and means for reaching it are alsospecified ;suchis
not the method which has been followed by the Court in the present
case.
11. Thus the Court contents itself in paragraphs 113 and 114 of the
Judgment with some generalities on the equidistance method without
giving the reasons why it has not been employed. Moreover, there is no
prior examination tojustify such a decision, when the Court, in acting in
this way, contradicts the indications it gave on this point in 1969.The
reasonsreferred to in the first lines of paragraph 89of the 1969Judgment
for discarding equidistance, which "in certain geographical conditions
[could lead] unquestionably to inequity", were based on particular geo-
graphical configurations and on their unquestionably inequitable effect,inéquité,deux élémentsquiexigent examen. Or, rien n'a étéfait dans la
présenteaffairepour rechercher l'effetprécis desfaits géographiquesper-
tinents dans la région du plateau continental considérésur une ligne
d'équidistance, les résultats (déraisonnables 1)(le mot est employéau
paragraphe 89) que la méthode de l'équidistancepourrait produire et les
modifications éventuelles à prendre en considération.Si la Cour a dit en
1969 que l'emploi concurrent de diverses méthodes pouvait permettre
d'aboutir, dans certaines situations, à la solution équitable recherchée,

encore eût-il fallu précisémentessayer plusieurs méthodes,dont certaine-
mentl'équidistancedanslesecteurproche descôtesetaularge,lescomparer
dans leurs effets, rechercher si des effets disproportionnésrésultaient de
telleou telleparticularitégéographiquepertinente, peserleséquités etnese
décider qu'en pleine connaissancede cause. Ceci n'a pas été faitet cette
absence de recherche organisée de l'équitable produit un résultat dont
l'équitén'est pas établie.
12. Lapremièretâche delaCoureûtdonc étéde regarderce quedonnait
une ligne d'équidistance pour découvrirl'extraordinaire, l'anormal ou le

déraisonnable que cette méthode pouvait, dit-on, entraîner.
Les adjectifs choisis par l'arrêt de1969(par. 24)montrent un degrétrès
élevé deconditions a remplir et le paragraphe 96del'arrêt insistesurl'idée
que des ((configurations excentriques ))méritent lamêmeprise en consi-
dération quedes configurations normales ou ordinaires.L'extraordinaire,
l'anormal et le déraisonnable sont des conditions qui visent les effets
possibles de la configuration géographique des côtesqu'ilfaut (regarder
de près 1)en gardant àl'esprit l'autre formule qu'ilnepeut être (question
de refaire la nature entièrement (arrêt, par. 85-92). Je ne crois pas
né,cessaired'insistersur lesobservationsfort préciseset détaillées del'arrêt

de 1969et dirai seulement que les côtes tunisiennes pertinentes sont aussi
simplesqu'on peut le souhaiter en dehorsde côtes totalement rectilignes et
que les quelques particularités de ces côtes ne produisent pas de résultats
((extraordinaires,anormaux ou déraisonnables >>Il.fautnoter quetoute la
régiondu golfe de Gabès,dont les Parties n'ont laisséaucun élémentsans
commentaires, n'a aucun effet particuliersur le calcul d'une ligne d'équi-
distance, pas plus que l'île de Djerba. Considérer que la jonction du
segment de côte nord-sud avec le segment de côte ouest-nord-ouest de la
Tunisie peut êtretenuepour déraisonnableou seulement anormaleétonne

(cf.une situation comparabledans la délimitation du plateau continental
entre l'Espagne etla Francepar le traitédu29janvier 1974).Ce n'est donc
pasdans l'aspect descôtesqu'une difficultépouvaitapparaîtredans lepre-
mier secteur ; le secteur au large n'est pas plus compliqué et les effets
d'une ligne d'équidistance sont normaux, a moins de prétendre refairela
géographie.
13. Lejuge ne faitappel àdesprincipes équitablesques'ilest devant une
situationjuridique tellequelerésultatobtenuparl'application desrèglesde
droit sur la délimitation d'une régionde plateau continental entre deux
Etats apparaît inéquitableenraison dela présencedansla zoneconsidérée

d'éléments géographiquesdont l'effetest disproportionnéavec leur perti-two factors that require examination. Yet in the present case nothng was
done to investigatethe preciseeffect on anequidistanceline of therelevant
geographicalfeaturesin the area of continental shelf under consideration,
the "unreasonable" (the word used in para. 89) results whch the equi-

distance method might produce and any modifications to be therefore
envisaged. If the Court stated in 1969that the concurrent use of various
methodscould, in certain situations, enable the desiredequitable solution
to be achieved, there was, precisely, al1the more necessity to try several
methods, certainly including equidistancein the sector close to the coast
and farther out, to compare their effects, to investigate whether dispro-
portionate effects resulted from this, that or the other relevant geographi-
calfeature, to weightheequitiesand onlyto decideinfull possession of the
facts. This was not done, and this lack of a systematic search for the
equitable has produced a result the equity of which remains to be
proved.
12. The Court's first task was thus to see what an equidistance line
would produce in order to identify the "extraordinary, unnatural or
unreasonable" result to which, it is said, this method might lead.
These adjectives, selected in the 1969Judgment (para. 24),indicate the
very exigent conditions to be met, and paragraph 96 of that Judgment
emphasizes that "pronounced configurations" deserve the sarneconsider-

ation asnormal or ordinaryconfigurations. "Extraordinary, unnatural and
unreasonable" are conditions that relate to the possible effects of the
geographicalconfiguration of the coastline, which must be "examine[d]
closely", while keeping in mind the other rule that there can be no "ques-
tion of completelyrefashioningnature" (paras. 85-92of the Judgment). 1
do not think it necessary to dwell upon the extremelyprecise and detailed
observationsin the 1969Judgment and would merely Saythat therelevant
Tunisian coastline is as simple as could be wished, short of being entirely
straight, and that the few particular features along that coastline do not
produce "extraordinary, unnatural or unreasonable" results. It should be
noted that the entire Gulf of Gabes region, of which the Parties did not
leaveone element unglossed, has no particular effect on theplotting of an
equidistance line, any more than the island of Jerba. To consider that
the junction of the north-south segment of the Tunisian coast with its
west-northwest segment can be held unreasonable or even unnatural is
astonishing (cf. a comparable situation in the delimitation of the con-

tinental shelf between Spain and France effected by the Treaty of
29 January 1974).It is thus not from the aspect of the coastline that a
difficulty might anse in the first secto; the sectormore to seaward is no
more complicated and the effects of an equidistance line are normal,
provided no attempt is made to refashion geography.
13. A court ofjustice only has recourse to equitable principles if faced
with a legal situation such that theresultobtained by applyingthe rules of
law on the delimitation between two States of an area of continental shelf
appears inequitable on account of the presence in the area under consi-
deration of geographical features the effect of whichisdisproportionate tonence et le caratère nécessairede leur utilisation pour la délimitation.Le
juge ne modifie pas une délimitationparce qu'illa trouve subjectivement
moins avantageusepour l'un que pour l'autre, car il ferait une recherche
vaine d'égalisationdes faits de la nature ; il constate que, ayant pris en
considération tous les éléments prévup sar le droit applicable,certains de
ces éléments,qui sont pertinents, ont des effets disproportionnés ou
démesurés qui,peut-être, créent une inéquité c,e qui resteà démontrer.

Alors seulement,aprèsquecettedémonstration estfaite, vient leproblème
debalance deséquitésentre les deux parties (contra paragraphes 70-71de
l'arrêt) et leur applicatioà la construction de la ligne de délimitation.

14. L'arrêtde 1969 tient pour inéquitables <(les conséquencesd'un
accident géographique naturel >> lorsque la déformation de la côte est
amplifiéedans sesconséquencessur une ligne d'équidistanceparcequela
déformation est considérable et la zone trèséloignée de la côte (C.I.J.
Recueil1969, p. 49,par. 89a)). Il me paraît impossible de désigner surles
côtestunisiennes un seul <<accidentgéographiquenaturel Hrépondant à ce

doublecritère ;la ligneseconstruit au nord par lesîlesKerkennahet sur la
côtesud par despoints précissurlescôtesdesParties. Desîlesséparéed sela
côtepar une zone de hauts-fonds, àmoins de 12milles, comme le sont les
Kerkennah, nesontpasuneparticularitégéographiqueanormaleet doivent
êtreutilisées commepoints de base pour des lignes de délimitation. Le
tribunalarbitral,dans sadécisiondu 30juin 1977,aenvisagél'inéquité dans
lecasdesîlesSorlinguesen tenant comptede ladéformationdeladirection
d'unelignepartant desSorlingues (àplusde 31millesdelacôte) aulieiid'un
point surla côtedu Royaume-Uni,par rapport àladirection issuedupoint
leplusoccidentalde l'îlefrançaisedeOuessant (cf.lesprincipes exposéset
leur application aux faits géographiques auxparagrahes 238 à 245 inclus,
248 à 252deladécision).Jen'enciteraiqu'unephrasequi, selonmoi,définit

aussi le problème actuel :

<(Laquestion estdesavoirsi,compte tenudetoutes lescirconstances
géographiquespertinentes, cefait[lasimpleprésencedesSorlingues là

ou elles se trouvent] entraîne une déviation inéquitable de la ligne
d'équidistance, ayant deseffets disproportionnésquant aux zones de
plateau continental revenant aux deux Etats. ))(Par. 243 infine.)
Posonslamême question àproposdes îlesKerkennah.L'arrêtimposeun

demi-effetaprès avoir constaté quecesîles avaientune haute importance.
Sans relever la contradiction entre cette appréciationet le refus d'en tirer
toutes les conséquences,je dirai seulement que la carte ne me paraît pas
révélerd'effetsdisproportionnés sur une lignede délimitation dus au seul
faitdelaprésencedecesîlesimportantes làoùellessetrouvent,enréservant
tout commentaire sur l'existence d'une déviationinéquitable d'uneligne
quelaCour atiréeexnihilo.La balance desintérêtsa pesé,en l'espèce,une
différencedemilliersde kilomètrescarrésau détrimentd'unePartie, cequi
eût méritéun contrôle sérieuxdes méthodes de cette ((équitéo.their relevance and the necessity of theiremployment for the delimitation.
A court ofjustice does not modify a delimitation because it finds subjec-
tively that it is less advantageous to one party than to the other, for this
would be to embarkupon the vain task of equalizing thefacts of nature ;it
notes, having taken into consideration al1the factorscontemplated by the
applicable law, that some of those factors, which are relevant, have dis-
proportionate or inordinate effectswhich, perhaps, may generateinequity
- whichremains tobe demonstrated. Only then, after this hasbeen shown
to be the case,comes the problem of balancingthe equitiesas between the
two Parties(contrary to what is stated in paras. 70f. of theJudgment) and

their application to the construction of the delimitation line.
14. The 1969Judgment holds "the consequences of a natural geogra-
phical feature" tobe inequitable where, because of its sizeand the remote-
nessof an areafrom thecoast,anirregularityin thecoastline would have a
magnified effect upon an equidistance line (I.C.J. Reports 1969, p. 49,
para. 89(a)). 1find it impossibletopoint to a single "natural geographical
feature" on the Tunisian coast that meets this double criterion :the con-
struction of theline isgoverned in the north by theKerkennah Islandsand
in regard to the southern coast by specific points on the coasts of the
Parties. Islands separated from the coast by an area of shoals less than 12
miles wide, which is the case of the Kerkennahs, are not an abnormal
geographical feature and must be employed as base points for lines of
delimitation. In its Decision of 30 June 1977, the Court of Arbitration
posed the question of inequityin thecase of the ScillyIsles, taking account
of the distortion in the direction of a linebased on the Scillies(more than
31 miles from the coast) instead of a point on the coast of the United
Kingdom, as compared with the direction of a line generated from the

westernmostpoint of theFrenchisland of Ushant (cf.theprinciplesstated
and their application to the geographical factsin paras. 238-245and 248-
252 of the Decision). 1 shall quote only one sentence which, to my mind,
also serves to define the present problem :
"The question is whether, in the light of al1the pertinent geogra-
phical circumstances,that fact [themerepresence of the ScillyIslesin
theposition in which theylie]amounts to aninequitabledistortion of

the equidistancelineproducingdisproportionate effects on theareas
of shelf accruing to the two States." (Para. 243 infine.)
Let us pose the same question with respect to the Kerkennah Islands.
The Judgment imposes a half-effect after finding that these islands are
highly material. Without dwelling upon the contradiction between this
assessrnent and the refusa1to draw the proper conclusionfrom it, 1would
simply Saythat the map does not appear to me to reveal any dispropor-
tionate effects on a delimitation line which would be due solely to the
presence of these material islands in the position in which they lie, while

refraining from comment as to the existence of an inequitable deviation
from a line which the Court has derived ex nihilo. Where the balance of
interests is concerned, in this instance, a difference of some thousands of 15. Mêmeen appliquant, commelefait l'arrêtl,'idéequetoute méthode
en vaut une autre pour délimiterun plateau continental si elle permet
d'aboutir à une délimitation équitable,il faut que la délimitation soit
équitable pour les deux Parties - condition sine qua non - et la manière
dont 1ûCour a recherchél'équitablen'ajamais comporté,pour le contrôle
de la méthodequ'elle avait décidéd'adopter, cecontrôle strict de l'équité
des résultats selon les indications données par l'arrêtde 1969 pour le
contrôle de l'équité d'une lignd e'équidistance. Aucune méthodene doit

êtreexempte de ce contrôle, si l'on parle d'équité. Après s'êtrecontentée
d'uneseuleméthode,laprolongation de lafrontière terrestre - sansparler
encore des imprécisionsdes motifs sur lesquels cette méthodeest fondée
dans le cas présent - la Cour n'a pas procédéau contrôle de l'équitable
des résultats ets'est limitéeà des affirmations non vérifiées par d'autres
méthodesqu'ilfallait au moins essayerd'appliquer, fût-ce pour lesécarter,
mais ceci seulement aprèsles avoir prises en sérieuseconsidération. Il ne
suffit pas de dire que la méthodede l'équidistance n'eûtpas abouti à la
délimitation la plus équitable,alors que les conditions de son exclusion
n'ont éténi réunies, nimêmeexaminées commeil se doit, et alors que la
Cour n'a pas examinéles résultats extraordinaires, anormaux et dérai-
sonnables de sa propre manièrede procéder.Dansla conception adoptée
par la Cour, la configuration géographique des côtes pertinentes pour la

délimitation aétélaisséede côté etl'examen s'estfait par des calculs de
directions, par desproportions, en substituant des apriorismes àla réalité
cartographique (cf. en exemple le paragraphe 133 de l'arrêt).Tous les
éléments géographiqued se la situation de fait ont étéignorésnon seule-
ment quant à leur pertinence pour la délimitation mais aussi pour le
contrôle de l'équitableauquel on prétendait arriver par d'autres tech-
niques. La côte tunisienne a été, ensomme, effacéeet la Cour a raisonné
comme si des particularités géographiques n'existaientpas ; àfortiori lui
semblait-il alorsinutile de calculerleurs effetséventuels surladélimitation
pour savoir si ellesentraînaient ou non une disproportion inéquitablepar
leurprésence à l'endroit où la nature les a mises. C'estun exempleparfait
de remise en cause de la géographie.
16. Lorsque la Cour, dans son arrêtde 1969,ne s'estpas contentéede
dire au'une délimitation de ~lateau continental doit se faire selon des

principes équitables, mais qu'elle a accumulé lesgaranties en faisant de
l'équitél'application de règleset principes du droit, longuement exposés,
tenant compte de facteurs soigneusement précisés, elle définissaista con-
ception du rôlede l'équitédans ladélimitationdu plateau continental. Sila
Cour aledroit de changer deconception del'équité par rapport à l'arrêtde
1969,il ne suffit pas de quelques citations de cet arrêtpour nier ce chan-
gement. C'est lefond du droit applicable àladélimitationduplateau conti-
nental qui est icien cause, pas lesformules anciennes ou nouvellesquisont
employées, mais les décisions priseset les motivations apportées dans lesquare kilometres have tipped the scales to the detriment of one of the
Parties, so that the methods behnd this "equity" merited some serious
checking.
15. Even applying, as theJudgment does, theidea that anymethod is as
good as another for the delimitation of a continental shelf if it enables an
equitabledelimitation tobe reached, it isnecessary that thedelimitation be

equitable for both Parties - a conditio sinequa non - and the manner in
which the Court has searched for what isequitable never included,by way
of checking the method it had decided to adopt, any strict verification of
the equity of the results in accordance with the indications given by the
1969Judgment for the purpose of ascertaining whether an equidistance
line is equitable. No method should be exempt from this control, when
equity is involved. After contenting itseif with a single method, the pro-
longation of the land frontier - even leaving aside the imprecisions of
reasoning on which this method has been grounded in thepresent case -,
the Court failed to crosscheck the equity of the results and confined itself

to assertions unchecked by other methods, which it ought at least to have
attempted to apply, even if it had eventually - though only after serious
consideration - discarded them. It is not enough to say that the equidis-
tancemethod would not have resultedin the most equitable delimitation,
when the conditions for excluding it were neither ascertained to exist nor
even given proper thought and the Court has failed to examine the
extraordinary, unnatural and unreasonable results of its own manner of
proceeding. In theCourt's approach, thegeographicalconfiguration of the
coasts relevant to the delimitation was left on one side, and the examina-
tion proceeded by estimates of directions and proportions, with a priori
postulates being substituted for actual cartographic fact (cf.,for example,

para. 133 of the Judgment). Al1the geographical elements of the actual
situation were ignored, from the viewpoint of their relevance not only to
the delimitation but to verification of the equitable solution claimed to be
reached with the aid of other techniques. In sum, the Tunisian coastline
was effaced,and the Court reasoned as if some geographical features did
not exist - it then found there was no need to calculate their possible
effects on the delimitation to see whether they resulted or not in inequi-
table disproportion through their presence in the places where nature had
put them. This is a perfect example of trying to unmake geography.
16. When the Court, in its 1969Judgment, did not rest content with

saying that a continental shelf delimitation should be carried out in
accordance with equitable pnnciples, but amassed safeguards by charac-
terizing equity as the application of some lengthilyexpounded rules and
principles of law, taking account of carefully specified factors, it was
defining its conception of the role of equity in the delimitation of the
continental shelf. While the Court is entitled to changeits conception of
equity in comparison with the 1969Judgment, the use of a fewquotations
from that Judgment does not suffice to prove that no such change has
taken place.What is in issuehere is the substance of the law applicable to
the delimitation of the continental shelf, not the old or novel formulaeprésentarrêt ; et c'est sur ces points que je diffère entièrement des vues
actuelles de la Cour.

Pour simplifier il suffira de commencer par quelques remarques géné-
rales. Il s'agit de savoir de façon précise quel sensdonner à l'équité pour
délimiter deszones de la te aucontinental en laissant de côté toute dis-
cussionsur S'équité du dioit interne,l'équitédanslaphilosophiedu droit et
ladiversitédeséquitép sossibles.Lejuge nedécidequedel'affairedont ilest
saisisans pouvoir fairedesarrêtsdeprincipeayant uneportéegénéraleI.ci
l'équitéest lebut et la manièred'atteindre ce but est d'appliquer auxfaits
pertinents des méthodeset des raisonnementsjuridiques qui soient adé-
quats aux facteurs divers qui constituent ce phénomène unique qu'est
l'affaire portée devant lejuge.

17. Leprésentarrêtachoisidepartager leszonesditescontestées,i. e.où
les prétentions des Parties sont confondues, en affirmant que ce partage
opérait le résultat équitableprescrit par le droit international de la déli-
mitation. Lefondement idéologiqueestrenduincertainpar diverséléments
quisont brièvementrelevésaux paragraphesci-après, maisl'essentielde la
conception de l'arrêt mesemble être que,l'équité étantle but, la propor-
tionnalitéest la méthode, la Cour parle mêmede (principe de propor-
tionnalité O,pour y parvenir, et ellel'utilisà tout propos dans le présent
arrêt.Cecivabeaucoupplus loinquelaremarquedans ledispositif del'arrêt
de 1969(par. 101D 3)),sur laproportionnalité indiquéecommeun facteur
decontrôled'une délimitationfaite selondesprincipeséquitables,nonpas

comme une méthode pour y parvenir. De mêmela sentence du tribunal
arbitral du 30juin 1977insiste sur cette position mineure de la propor-
tionnalité :(<C'estplutôt un facteur àprendre en considérationpourjuger
de l'effetdescaractéristiquesgéographiquessurl'équitéoul'inéquitd é'une
délimitation ..)>(par. 99) età diverses reprises le tribunal déclarait que,
quelle que soit la méthode employéepour parvenir à une délimitation
équitable,cette délimitation <dépend des circonstancespertinentes, géo-
graphiques et autres du cas d'espèce ))(par. 97). Le présent arrêtmodifie
de fond en comble le rôle restreint au'il convient d'accorder au facteur
de proportionnalité et les calculs utilisés ne sont justifiés par aucune
des précautionsprévuesdans une délimitationoù la proportionnalité des

zones a étéprise en considération (cf. les croquis 1,2 et 3 dans l'article
sur la délimitation du traité entre l'Espagne et la France par José Luis
de Azchrraga, Revista espaiîolade derecho internacional,vol. XXVIII,
p. 131-138).
Il y a dans ces vues des choses une différencequi est, pour moi, fon-
damentale :le présent arrêt aécartél'argument géologiqueet effacéla
configurationgéographique,choiside tracer des lignesdedirectionqu'au-
cunprincipe n'impose,et d'adopter des anglessans enjustifier le choixpar
desfaitspertinents. La conception estnouvelle et s'écartedelaconception
del'équité expriméepar l'arrêt de1969etappliquéeparla sentencede 1977 ;
est-ce encore une conception de l'équité ?employed but the decisions taken and the reasons given in the present
Judgment ; and it is on those points that 1differ entirelyfrom the present
views of the Court.
To simplify, 1need onlybegin with a fewgeneralremarks.Thequestion
is :exactly what meaningshould be ascribed to equity in the delimitation

of continental shelf areas, leaving aside al1discussion of equityin munici-
pal law, equity in the philosophy of law and the diversity of possible
equities ? A court only decides the case before it without being able to
deliverjudgments of principle with a general scope. Here, equity is the
goal, and the way to reach that goal is to apply to the relevant facts such
legalmethods and reasoningas are suited to the various factors that go to
make up that unique phenomenon whch is the case referred to the
court.
17. The present Judgment has chosen to divide the areas said to be in
dispute, i.e., those where the claims of the Partiesoverlap, while declaring
that this division produces the equitable result prescribedby the interna-
tional law of delimitation.The ideological basis is made shaky by various
elements which 1shall briefly point out in subsequentparagraphs, but the

main thrust of the Judgment's approach seemstobe that, equity being the
goal,proportionality isthemethod - theCourt evensays"principle" - for
reaching it ; and the Court makes general use of it throughout the present
Judgment.This goesmuch farther than the remarkin the 1969Judgment,
under (D) (3) of the operativeparagraph, indicating proportionality as a
verifyingfactorin the caseof a delimitationcarried out inaccordance with
equitableprinciples, butnot as a method for achievingthat end. Sirnilarly,
the Decision of30June 1977bytheCourt ofArbitration stressesthisminor
status of proportionality : "It is rather a factor to be taken into account
in appreciatingthe effects of geographcal features on the equitable or in-
equitablecharacter ofadelimitation" (para. 99) - andin various placesthe
Court of Arbitration declared that, whatever the method used for achiev-
ing an equitabledelimitation, that delimitation "is afunction or reflection
of the geographical and other relevant circumstances of each particular
case" (para. 97).The presentJudgmentdrasticallyalters therestrictedrole

which properly belongs to the proportionality factor, and the justice of
the calculations it employs is not borne out by any of the precautions
taken in a delimitation which took account of the proportionality of the
areas concerned (cf. sketch-maps 1,2 and 3 in the article by JoséLuis de
Azcarragaon the delimitation effected by the treaty between France and
Spain, RivistaespaiioladederechointernacionalV , ol.XXVIII,pp. 131-138).
As between these two waysof looking at the matter there is a difference
which, to my mind, is fundamental : the present Judgment has ruled out
the geological argument and effaced the geographical configuration, and
has chosen to draw lines of direction which no principle dictates and to
adopt angles without justifying their selection in terms of any relevant
facts.This isanovelapproach whichdeparts fromtheconception ofequity
expressed by the 1969Judgment and applied by the 1977Decision ; is it
still a conception of equity ? 153 PLATEAU CONTINENTAL (OP. DISS.GROS)

18. Le fosséestprofond entreune solutionéguitable d'un problèmede

délimitation de plateau continental qui repose sur les règles de droit
applicables à desfaitspertinents dont ilest exactementetpleinementtenu
compte et une solution équitable qui repose sur des appréciationssubjec-
tivesetparfois diviséesdesfaits,sansappelau droit de la délimitation,par
une approche multiforme d'un résultat sansrapport avec les facteurs en
présenceet sans autre contrôle que des calculsinspirésdu hasard ou de la
coïncidence. Ce n'est plus là une solution par l'équitémais par un com-
promisrecherché àlafoisentre lesprétentionsdesPartiesetlesopinionsau
sein de la Cour.
Lors des arrêts du25juillet 1974(Compétenceen matièredepêcheries,
Royaume-Unic.IslandeetRépubliquefédérale d'Allemagcn.e Islande,fond)

et de l'avisconsultatif du 3janvier 1975(Saharaoccidental,C.I.J. Recueil
1975),j'ai exprimé monsentiment sur la sorte de conciliation amiable
tentéepar laCour (cf. C.I.J. Recueil1974,p. 148-149,et C.I.J. Recueil1975,
p. 75 à 77). La mêmeobservation vaut dans la présente affaire. Le pré-
sent arrêtmarque plus que toute autre considération la recherche d'une
solution d'égalisationdes intérêts desdeux Etats. Il n'y aurait là rien à
redire si l'on étaiten présence d'une ((égalitédans le mêmeplan >ou de
cette((situationgéographiquedequasi-égalité ..[oùil s'agit]de remédiera
une particularité non essentielle d'où pourrait résulter une injustifiable
différence de traitement ))(C.I.J. Recueil 1969, p. 50, par. 91). Ce sont

encore là des conditions très précisesd'une recherche d'égalisation dela
balance des intérêts etelles ne se retrouvent pas dans la situation de fait
dans la présenteaffaire ;la formuled'une égalité quasimathématique par
laquelle l'arrêta procédéne correspond pas aux faits pertinents et elle
remplace mal uneméthodede délimitationfondéesurlaconfigurationdes
côtesdes deux Parties telles qu'ellessont et non pas telles que des calculs
d'anglesou dedirection les transforment par une véritablereconstruction
de la géographie.
19. Il s'agitde bien plus qued'une oppositionde vues surla manièrede
concevoir l'équitéc,equi est encause est la décisionpartageant un plateau
continental entre deux Etats et qu'ilsdemandaient derendreselonledroit.

Si un Etat qui revendique un droit à une zone de plateau continental
détientréellementcedroit tel qu'il ledécrit,il n'ya pas équitéa l'en priver
mais erreur dedroit, cequi n'estpas un griefsansconséquencepuisque les
arrêtsde la Cour sont irréversiblesentre les Parties. L'équitén'estpas une
sortede visionindépendante etsubjectivequi sesubstitue au droit. L'arrêt
déclarequ'il esthors de question enl'espèced'appliquer l'exaequoetbono.
Les déclarations sont une chose, les prononcéseffectifs de l'arrêten sont
une autre. Il ne m'est pas apparu, au cours de la construction du présent
arrêtqu'il s'agissed'équité.

20. La première ((justification historique ))de la ligne adoptéepar la

Cour est dépourvuedepertinence,tant historiquequejuridique. Il s'agitde
justifier lemaintien d'unelimite fixéeunilatéralementpar desinstructions
italiennes du 16 avril 1919 émanant du gouverneur de la colonie pour 18. There isaprofound gulfbetween an equitablesolution to aproblem
of continental shelf delimitation which is founded upon the rules of law
applicable to relevantfactsaccuratelyandfully taken into account,and an
equitable solution which is founded upon subjective and sometimes
divided assessments of the facts, regardless of the law of delimitation,

through an eclecticapproach to aresultunrelated to the extant factors and
without any verification other than calculationsprompted by chance of
coincidence. That is a solution not through equity, but through a com-
promise sought at oneand the same time between the claimsof the Parties
and the opinions held within the Court.
On the occasion of theJudgments of 25 July 1974 (FisheriesJurisdiction,
United Kingdom v. Iceland and FederalRepublicof Germanyv. Iceland,
Merits) and the Advisory Opinion of 3January 1975(Western Sahara),1
stated my views on the sort of amicable conciliation attempted by the
Court (see I.C.J. Reports 1974,pp. 148f. and I.C.J. Reports 1975,pp. 75-
77).The same observationholds good in this case. The present Judgment
discloses more than any other consideration the quest for a solution
equalizingthe interests of the two States.There would be nothing objec-
tionable in this if one were confronted here with an "equality within the
sameplane" or with that "geographical situation of quasi-equality" which
callsfor "abating theeffects of an incidental specialfeaturefrom which an
unjustifiable difference of treatment could result" (I.C.J. Reports 1969,

p. 50, para. 91). These again are very precise conditions to be fulfilled
before seeking to equalize the balance of interests, and they are not satis-
fied in the factual circumstances of this case ; the formula of quasi-
mathematical equality by which the Judgment proceeds does not corres-
pond to the relevant facts and is not substitute for a delimitation method
based on the actualconfiguration of the coasts of the twoPartiesinstead of
coastlinesastransformed by estimates of anglesor directions in averitable
reconstruction of geography.
19. Much more is here involved than a difference of opinion as to how
equity should be conceived :what is at issue is the decision dividing a
continental shelfbetween twoStateswhichrequestedthat itbe deliveredin
accordance withthe law.If aState claimingaright to anarea ofcontinental
shelf really possesses that right such as it describes it, it is not equity to
depriveit ofit but an error oflaw,and therein liesafar-reachingcomplaint
since thejudgments of the Court are irreversible as between the Parties.
Equity is not a sort of independent and subjective vision that takes the
place of law. The Judgment states that there can be no question in the

instant case of applying ex aequo etbono. Statements are one thing, the
effectivepronouncements of the Judgment are another. For the foregoing
reasons, and those 1give below, it is not equity whch has struck me as
presiding over the construction of the Judgment.
20. The first "historicaljustification" of the lineadopted by theCourt is
devoid of either historical orjuridical relevance. It involvesjustifying the
maintenance of alimitfixed unilaterally by Italian Instructions of 16April
1919issuedby the governor ofthecolonywithaview to theintroduction ofétablirune surveillancede lapêcheetdu commercecôtier,texte qui épuisa
seseffets à laguerre de 1940,limitestrictementfonctionnelleet dénuéede
toute prétention à êtreautrechosecar àune époqueoùleseauxterritoriales
étaientde 3 milles,ce que le texte signale, cette limite s'étendaiten haute
merpour cettepolice spécialedesconsessionsdepêcheriesetdu commerce
local. Comment croire qu'une limite maritime spécialisée allant en haute

mer ait pu, à cette époque,êtreacceptéetacitement comme divisant des
zones de haute mer qui ne relevaient à aucun titre de la souverainetédes
Etats telle que le droit international la définissait?C'est une succession
d'hypothèsessans base et deconceptionsjuridiques impossibles. Une zone
tampon << historique ))aujourd'hui devenue pour la Cour un modusvivendi
de facto n'est riende plus, sur le planjuridique, que ce qu'elle étaitentre
1919et 1940,la prétentionunilatéraled'une Etat à surveiller sespêcheries
sédentaires.Jeter rétroactivement sur cette zone, impréciseau demeurant
car ellen'est pas définiesur la carte, le voiledejustification historique est

un abusde mots qui lesprive de touteportée(cf.lesparagraphes 93 à95de
l'arrêtsur cesinstructions de 1919qui sefondent sur un soi-disant accord,
non identifiénidaté,et qui fixent une surveillance <(approximativement
sans aucune coordonnée :texte complet dans le contre-mémoirelibyen,
vol. II, ann. 43).La Tunisie n'ajamais donné àcette démarcationun autre
sens que celui de la surveillance nécessaire des pêcheries sédentairesres-
pectives desdeux Etats ;on ne peut passer de ceci à la notion de frontière
d'eaux territoriales et de cette notion à celle de frontière de zones de
plateau continental, comme si la confusion des genres étaitune notion

juridique.

Lefait que les Parties ne se soientjamais misesd'accord sur la limite de
leurs eaux territoriales, jusqu'à aujourd'hui devant la Cour où elles ont
formellement revendiquécette compétence,aurait dû conduire à plus de
prudence dans la construction du consensus imprévu de ces Etats qui
auraient ainsi, sans le savoir, déjàrégléleur problème de délimitationdu
plateau continental, bien avant d'entrer en négociationsur la limite et de
saisir la Cour.

21. La secondejustification indiquée par l'arrêt à l'appui du segment
de la ligne de délimitation du plateau continental entre les Parties au
départde Ras Ajdir avecl'anglede 26" vers le nord-est est (la ligne entre
concessions adjacentes ))des deux Etats qui (correspond en outre à la
perpendiculaire à la côte au point frontière))(Ras Ajdir) ;ceci fait beau-
coup de correspondances. La limite historique élucidée auparagraphe
précédentcoïncide avecla limiterésultant de la perpendiculaire à la côte,
laquelle coïncide avec la ligne entre les concessions définiespar chacune
desdeux Parties. L'arrêtdéduitdecesrencontres attribuéesau hasard plus

qu'un fait de concordance, une preuve du caractère équitablede la ligne
de délimitation du plateau continental entre les Parties. Chaque ligne
consoliderait l'autre, l'histoire, laperpendiculaire,la ligneentre lesconces-
sions.Une observation générale d'abord :une lignene consoliderien siellea régimefor the surveillance of fishing and coastal traffic, a text which
became ineffective with the advent of the 1940war ; ths was a strictly
functional limit lacking al1pretension to be anything else,for at a period
when the territorial waters were three milesbroad, asthe text points out,it

was for the purposes of this special policing of fishery concessions and
local traffic that it was extended into the high seas. How is it possible to
believethat aspecializedmaritimelimitextending into the hgh seascould,
at theperiodinquestion, havebeen tacitlyaccepted asdividingareas of the
high seas which werenot by any token subjectto the sovereignty of States
as then defined by international law ? This is a succession of unfounded
hypothesesand impossiblejuridical conceptions. Well may the Court now
regard a "historical" buffer zone as a modus vivendide facto :legally
spealung,it isstillnothing more than it wasbetween 1919and 1940,that is,
the unilateral claim of one State to surveillance of its sedentary fisheries.
Retroactively to cast the mantle of historicaljustification over this zone -
which is, besides, an imprecise area, for it is not defined on the map -
is a misuse of words which voids them of al1import (cf. paras. 93-95 of
theJudgment,dealing with theseInstructions of 1919,whichwerebased on
an alleged agreement,neither identified nor dated, and "approximately"
delineate an area of surveillancewithout giving any CO-ordinates :com-
plete text in Ann. 43 to Libyan Counter-Memorial, Vol. II). Tunisia

has never ascribed to that demarcation any other meaning than related to
the necessary surveillance of the respective sedentary fisheries of the two
States ;onecannot passfrom thistothenotion oftheboundary ofterritorial
waters, and from the latter to the notion of the boundary of continental
shelf areas, as if the confusion of categories were forensicallyacceptable.
The fact that the Parties have never reached agreement on the boundary
of their territorial waters, right up to the present time when they have
formally claimed incourt that to do solieswithin their competence,should
have given the Court pause before it proceeded to construct this unfore-
seen consensus between two States which are purported to have thus,
without realizing it, already settled their continental shelf delimitation
problemlongbefore they began negotiating about theboundary or refer-
red the matter to the Court.
21. The second justification indicated by the Judgment in support of
that segment of the line delimiting the continental shelf as between the
Parties which runs 26"north-east from the starting-point of Ras Ajdir is

the "line of adjoining concessions" of the two States which "corresponds
furthermoreto the line perpendicular to the coast at the frontier point"
(Ras Ajdir) : that makes quite a few correspondences. The historical
boundary elucidated in the previous paragraph coincides with the limit
deriving from the perpendicular to the coast, which in turn coincideswith
the line between the concessions delineated by each of the two Parties.
From thesechanceencounterstheJudgment deduces somethingmore than
mere factual concordance : namely proof of the equitablecharacter of the
line delimiting the continental shelf as between the Parties. Each line
purportedly consolidates the other :the historical, the perpendicular, theest fragile et la somme de thèsescontroversées demeure une controverse.
La ligne historique,on l'a vu, est une démarcationdémodéede police de
pêcheriessédentairesqui ne peut influencer une ligne de délimitationdu
plateau continental, laquelle doit être recherchéedans son propre cadre
juridique. La perpendiculaire à la côte est une méthode qui n'a pas été
utiliséepar la Cour de façon scientifique dans le présent arrêtpuisque
aucune étude sérieuse d'uneperpendiculaire à des côtes non précisées

n'apparaît ; la Cour n'a pu adopter une véritableperpendiculairequi,par
nécessité,commenceraitpar délimiterleseauxterritorialesdesdeuxParties,
ce que le compromis ne lui permet pas de faire et que les Parties refusent
formellement, maisun anglede 26". Iln'yadonc pas emploi dela méthode
de laligneperpendiculaire auxcôtes,ni ligne,nicôtes invoquées.C'estune
allusion àune coïncidence, entre une lignenon tracée etun angle approxi-
matif, rien n'est démontré.

22. Nous restonsalors avecle troisièmeargument de laconcordance, la
ligneentre lesconcessions. La lignedesconcessionsest autre chosequ'une

limite de plateau continental et la Tunisie, pour sa part, a formellement
indiqué que (<dans l'attente d'un accord entre la Tunisie et la Libye
définissantla limite deleurjuridiction respectivesur le plateau continen-
tal))(arrêt, par. 21), une limite de permis était définiepar une ligne
d'équidistance.Il n'est pas possible de soutenir que la ligne libyenne de
concessions a une validité quelconquevis-à-visde la Tunisie qui,par son
comportement, ses essais de négociationssur la limite de plateau conti-
nental et finalement son recours à la Cour, n'a cesséde montrer qu'iln'y
avait aucune limite acceptéeou acceptable entre les deux Etats. La Cour
déclare àbon droit qu'une ligne de concessions est un acte unilatéralnon
opposable ;ilnerésultepasducomportementde laTunisie autre choseque

l'attente d'une délimitationpar négociationou par la Cour et déduirede
cetteattente, de l'échecdetout essaide négociation,puisde la saisinede la
Cour quela Tunisie a, sans le savoir et alors qu'elleexprimait le contraire
(arrêt, ar. 21infine),acceptélalignelibyennede concessionsestune erreur
dedroitquidétruit cefondement du segmentinitital utilisépar la Cour. La
premièreconstatation de la Cour suffisait d'ailleurs:aucun acteunilatéral
dedélimitationde plateaucontinentalpar l'undes Etats intéressésnepeut
êtreopposé àun autreEtat intéresséc ,'est unevéritépremièrederselations
internationaleset l'affirmation contrairedétruirait lefondement mêmede
la théoriedu plateau continental selon laquelle le plateau continental se
délimitepar accord des parties, ou par lejuge. Le doute n'existepas sur ce

point. Mais si la ligne de concessionslibyennes n'est pas opposable à la
Tunisie, par quelle coïncidence devient-elle la ligne de délimitation du
plateaucontinental et,à cetitre,opposable à laTunisie ?Latransformation
de l'unilatéraà l'équitablene trouve pasd'explication.L'arrêt apris surce
point une position qui est, selon moi, contraire aux règlesde droit appli-
cables.line between concessions. One general comment first : a line cannot con-
solidate anything ifit isfragile,and the sumofcontroversial thesesremains
a controversy. The historical line, as wehave seen,represents an outdated
demarcationfor the policing of sedentary fisherieswhich cannot have any
influence on a continental shelf delimitation line, which must be sought
within its own appropriate legal framwork. The perpendicular to the

coastlineis amethod of which theCourt has not made any scientific usein
thepresent Judgment, sinceit disclosesno seriousstudy of aperpendicular
to a coastline which has moreover remained unspecified ;what the Court
has been able to adopt is not a genuine perpendicular, whch would
necessarilyhavetobeginby delimiting the twoParties' territorial waters -
competence for which is not conferred by the Special Agreement and is
formallyrefusedby the Parties -, but an angleof 26". Sothere has been no
employment of the coastal-perpendicular method - neither linenor coast-
line is relied on. There is just an allusion to a coincidence between an
undrawn line and an approximate angle - nothing is demonstrated.
22. So there remains the third argument from concordance : the line
between the concessions. The line of the concessions is something other

than a continental shelf limit and Tunisia, for its part, has formally indi-
cated that "pending an agreementbetweenTunisia and Libyadefining the
limit of their respective jurisdictions over the continental shelf" (Judg-
ment, para. 21), one licence-limit was defined by an equidistance line. It
cannot tenably be argued that the Libyan concession line enjoys any
validitywhatsoever vis-à-visTunisia, which, byitsconduct, itsattemptsto
negotiate the limit of the continental shelf, and finally its recourse to the
Court,has constantly shown that there wasno accepted or acceptable limit
as between the two States. The Court rightly declares that a line of con-
cessions is a non-opposable unilateral act ; al1that Tunisia's conduct can
be se~n as implying is that it has been waiting for delimitation to be
effectedby negotiations or by theCourt, and to deduce from that attitude,
from the failure of every attempted negotiation and from the submission
of the matter to the Court that Tunisia, without realizing it and while

expressing the reverse (Judgment, para. 21 in fine), has accepted the
Libyan concessionline is an error of law which destroys this basis for the
initial segment employed by the Court. The Court's first finding was
enough,moreover :no unilateralact for the delimitation of thecontinental
shelf on the part of an interested State is opposable to another interested
State - that is an axiom of international relations, and to assert the
opposite would destroy the verybasis of the theory of thecontinental shelf
according to whichitistobe delimitedby agreementbetween theparties or
by wayof adjudication. That point isbeyond the shadow of adoubt. But if
the Libyan concession line is not opposable to Tunisia, by what coinci-
dence does it become the delimitation line of thecontinental shelf and, on
that account,opposable to Tunisia ?The transformation of the unilateral

into the equitable remains unexplained. The Judgment has taken on ths
point a position which, in my view,is opposed to the applicable rules of
law.156 PLATEAU CONTINENTAL (OP. DISS. GROS)

23. La mêmeobservation s'applique au second angle de direction

découvertparl'arrêt pour lesecteuraulargedescôtes.L'anglede 52" censé
représenterun <virage ))de la côte montre la persistance de l'effacement
des côtes pertinentes ; à cette position ce sont les Kerkennah qui in-
fluencenttoutedélimitation,pas desdirectionsde la côte. Quant à la moti-
vation de l'angle de 52" dans les paragraphes 128et 129de l'arrêt, son
énoncémontre seulementqu'on peut substituer auxdonnées de la géogra-
phie n'importe quel calcul choisi à cette fin.
24. Le fait mêmeque l'arrêt repose sur detels arguments,contestés et
fragiles, pour en déduireune ligne, est préoccupant ;l'histoire est muette,
leprésent nemontre que desrevendicationscontradictoireset la construc-
tion de l'équitablene repose que surdes calculset affirmationsnon fondés

sur lesfaits de l'espèce,les facteurs visibles, les règlesdu droit applicable.
Mais la conclusion la plus grave est que, ainsi conçu, l'arrêtn'assure pas
une solution juste du problème posé.Qualifier une limite et sa moti-
vation d'équitablesne peut suffire à prouver l'équité;un arrêtn'est équi-
table que s'ilétablit ledroit entre les Parties. Cet arrêtn'atteint pas lebut
car il n'a pas réussà apporter une solutionqui balance véritablement les
intérêts des Parties et la solution n'étant pas équitable pour l'une ne peut
l'être pour l'autre.En recherchant l'égalitéalors que les deux Etats ne
sont pas sur le mêmeplan, laproportionnalité dans des calculs arbitraires
et en ignorant les particularités géographiquespertinentes ainsi que leur

effet sur la délimitation, l'arrêts'est égarédans le subjectivisme.

Les Etats sont depuis une dizained'années de moins en moinsprésents
devant la Cour ;lorsqu'ilsont volontairement choisid'yvenir, laCourdoit
répondre à leur demande et dire le droit, non pas tenter une conciliation
par persuasionquine relèvepas du rôlejudiciaire de la Cour, tel qu'ellel'a
depuis longtemps défini.

(Signé A)ndréGROS. 23. The sameremarkapplies to the second angleof direction discovered
by the Judgment for application to the sector fartherout to sea. The angle
of 52" supposed to represent a "veering" of the Coastshows the persistent
effacement of the relevant coasts ; at that position it is the Kerkennahs
whichinfluenceanydelimitation,not directions of thecoastline. Asfor the
reasoning given in paragraphs 128and 129of the Judgment in order to
justify the angleof 52O,itmerelyservestodemonstratethat anycalculation
chosen for the purpose can be substituted for the facts of geography.
24. The fact that the Judgment relies on such controversial and fragile
arguments for the deduction of a line is disquieting in itself ;history is
silent,al1that thepresent revealsisconflicting claims,and theconstruction
of theequitable isno longer based on anything but unfoundedcalculations
and assertions as to thefacts of the case,the visiblefactors,the rules of the

applicable law. But the gravest conclusion is that, as thus conceived, the
Judgment does not provide ajust solution to the problem posed. To term
a lirnit and its motivation equitable is no sufficient proof of equity ;a
judgment is onlyequitable ifit establishes thelaw between theparties.This
Judgment falls short of the mark, because the Court has not managed to
Dresenta solution which trulvbalancesthe interests of the Parties. and as
;he solution isnot equitableforone,itcannot be equitable for theother. In
seeking equality when the two States are not on the same plane, propor-
tionalityin arbitrary calculations,and in ignoringthe relevant geographi-
cal peculiarities and their effect on the delimitation, the Judgment has
strayed into subjectivism.
For the past ten years or so, States have been less and less inclined to
present themselvesbeforetheCourt ;when theyhavevoluntarily chosen to
come,theCourt must answer their request and declare thelaw,not attempt
a conciliation by persuasion which does not belong to the Court'sjudicial
role, as long ago defined by the Court itself.

(Signed)André GROS.

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Document Long Title

Opinion dissidente de M. Gros

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