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148-20130710-ORA-02-01-BI
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CR 2013/20 (traduction)

CR 2013/20 (translation)

Mercredi 10 juillet 2013 à 15 heures

Wednesday 10 July 2013 at 3.p.m. - 2 -

14 Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. L’audience est ouverte et je donne la parole à

M. Crawford pour qu’il poursuive sa présentation de l’article VIII. Après avoir traité de son

interprétation, il va nous parler de son application. Monsieur, vous avez la parole.

M. CRAWFORD : Je vous remercie Monsieur le président.

B. L’application de l’article VIII

28. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, j’en viens à la question de

l’application de la convention, plus particulièrement de son article VIII, en la présente affaire.

29. Je commencerai par relever quatre points sur lesquels les Parties semblent s’entendre :

1
1) premièrement, la convention n’envisage que trois types de chasse à la baleine ;
2
2) deuxièmement, la convention établit un régime exhaustif ;

3) troisièmement, l’article VIII fait partie intégrante de la convention, bien que cette position ne

3
semble pas partagée par tous les conseils ;

4) quatrièmement, l’article VIII constitue une exception : «l’article VIII … constitue une

exception au regard des autres règles applicables à la chasse à la baleine, contenues dans la

convention…» . 4

30. Ainsi, deux questions se posent : JARPA II est-il un programme de recherche

scientifique au sens de l’article VIII, et est-il conduit aux seules fins de cette recherche ?

JARPA II n’est pas un programme de recherche scientifique : la condition du caractère
scientifique

31. S’agissant de la première question, JARPA II n’est pas un programme de recherche

scientifique pouvant se justifier par l’article VIII. Ce matin, le Solicitor-General et M. Sands ont

déjà souligné que le Japon n’avait pas apporté le moindre élément de preuve indépendant ou

objectif pour répondre à des questions fondamentales concernant la conduite de ses «recherches»,

1
CR 2013/12, p. 44, par. 14 (Akhavan).
2CR 2013/13, p. 40, par. 7 (Boyle).
3
CR 2013/13, p. 65, par. 17 (Pellet).
4
CR 2013/14, p. 60, par. 36 (Pellet). - 3 -

questions qui appellent une réponse scientifique crédible. Je ne répéterai pas ici ce qu’ils ont dit à

ce sujet.

32. Je ferai simplement trois remarques supplémentaires.

15 1) Un programme d’une durée illimitée visant un nombre indéterminé de baleines

33. La première concerne la nature du programme et la question de savoir s’il s’agit d’un

programme à caractère permanent. Il a été démontré qu’un programme de recherche scientifique

devait avoir un objectif raisonnablement défini et une date d’achèvement raisonnablement précise.

«Le suivi de l’écosystème de l’Antarctique» est une entreprise qui peut durer jusqu’au jour du

jugement dernier — je ne parle pas ici de votre jugement. Le suivi de l’écosystème de

l’Antarctique ne constitue pas un programme de recherche scientifique au sens de l’article VIII de

la convention : il s’agit d’une activité qui peut se poursuivre indéfiniment. S’il s’agissait d’un

programme de recherche scientifique, tout Etat partie pourrait, à tout moment, tuer autant de

baleines qu’il lui semblerait bon, à des fins de suivi. Le régime établi par la convention serait

entièrement réduit à néant. Le fait est que JARPA II est un programme d’une durée illimitée visant

un nombre indéterminé de baleines.

34. A cet égard, le juge Cançado Trindade a demandé la semaine dernière s’il était possible

de déterminer le nombre total de baleines qu’il serait nécessaire de tuer pour atteindre les objectifs
5
du programme . Citant le plan de recherche, M. Boyle a déclaré qu’il était prévu que JARPA II

«dure six ans, au terme desquels une évaluation serait menée et, si nécessaire, des modifications y

6
seraient apportées» . Le Japon voudrait ainsi vous faire croire que JARPA II s’achèvera peut-être

au terme de l’évaluation de 2014.

35. Or cette suggestion est démentie par les termes mêmes du plan de recherche, tels que
7
cités par M. Boyle . Comment peut-on dire qu’un programme de recherche s’achèvera au bout de

six ans, lorsqu’il est expressément prévu que ce programme soit éventuellement modifié à la suite

5CR 2013/14, p. 51.

6CR 2013/15, p. 51, par. 24 (Boyle).
7
Gouvernement japonais, «Planification de la deuxième phase du programme japonais de recherche scientifique
sur les baleines dans l’Antarctique au titre d’un permis spécial («JARPASuivi de l’écosystème de l’Antarctique
et élaboration de nouveaux objectifs de gestion des ressources baleinières», 2005, SC/57/01, p. 13 [MA, annexe 105]. - 4 -

de l’évaluation menée au terme de cette période ? Si l’on y apporte des modifications, c’est bien

dans l’idée de le poursuivre.

36. La suggestion de M. Boyle ne cadre pas davantage avec la manière dont le Japon décrit

la période de recherche de JARPA II dans son contre-mémoire : «JARPA II est un programme de

recherche à long terme sans date de fin déterminée car son objectif principal — le suivi de

l’écosystème de l’Antarctique — exige la conduite d’activités continues» . (Les italiques sont de

nous.) Elle est en outre démentie par les déclarations des ministres japonais, qui ont réaffirmé leur

détermination à poursuivre ce programme jusqu’à la levée du moratoire. C’est ainsi que, en

16 mai 2011, le vice-ministre principal chargé de la pêche a déclaré : «Le ministère de l’agriculture,

des forêts et de la pêche est déterminé à poursuivre [le programme JARPA II] jusqu’à la reprise des

activités de chasse à la baleine à des fins commerciales, quelle que soit la date à laquelle celle-ci

interviendra.» J’ai déjà cité cette déclaration pendant la première semaine d’audiences, et le Japon

ne l’a ni expliquée ni contestée lors de son premier tour de plaidoiries.

37. Par conséquent, la réponse à votre question, Monsieur le juge Cançado Trindade, est

qu’un nombre inconnu et indéterminé de baleines sera capturé dans le cadre de JARPA II.

2) Les vraies raisons qui ont dicté les limites de capture de JARPA et JARPA II

38. Ma deuxième remarque concerne les vraies raisons qui ont dicté les limites de capture de

JARPA et JARPA II.

39. L’Australie a déjà démontré que le Japon n’avait pas clairement expliqué la méthode

prétendument scientifique à laquelle il avait eu recours pour calculer la taille des échantillons . 10

Comme l’a montré M. Sands, le vernis scientifique dont a tenté de se parer le Japon en mettant en
11
avant un manuel de statistiques mathématiques destiné à des étudiants de premier cycle ne résiste

pas à un examen sérieux. Nous disposons également d’éléments de preuve de nature historique.

8 CMJ, par. 5.42.

9 Government of Japan, Minutes of the Second Meeting of the Committee on the Whale Research Program,
17 mai 2011, Déclaration du président du comité, Nobutaka Tsutsui, vice-ministre principal chargé de l’agriculture, des
forêts et de la pêche, p. 9-10.
10
CR 2013/9, p. 24-28 (Sands) ; CR 2013/10, p. 42-43, par. 6-10 (Crawford) ; CR 2013/14, p. 41-47.
11
CR 2013/15, p. 62-64 (Boyle). - 5 -

Faisons un rapide retour en arrière et revenons sur les débats internes qui ont eu lieu au Japon

lorsqu’il s’est agi de déterminer pour la première fois les limites de capture de JARPA.

40. A l’époque où il a pris la décision de retirer son objection au moratoire, conformément à

12
son échange de lettres avec les Etats-Unis en 1984 , le Japon a commencé à concevoir un plan de

«recherche», afin d’assurer la pérennité de la chasse à la baleine dans l’océan Austral. Décrivant la

manière dont a été déterminée la taille de l’échantillon de JARPA, le commissaire du Japon auprès

de la CBI, Tatsuo Saito, se souvient (onglet n 39) : [les propos de M. Saito s’affichent à l’écran]

«Cette recherche, telle que je la concevais, devait vraiment avoir un sens.

A l’époque, le quota de la chasse commerciale s’élevait à environ 1 800 baleines.
Mon sentiment était donc que le [quota de recherche] se situerait entre 400 et
500 spécimens. J’ai demandé à M. Ikeda (responsable du département des ressources

halieutiques naturelles en eaux profondes, institut national de recherche sur les
pêcheries en eaux lointaines, premier directeur général de l’institut de recherche sur
les cétacés) d’élaborer un plan de recherche. M. Ikeda a dit que le quota serait fixé à
13
825.» [Fin de l’affichage.]

17 41. Un haut représentant japonais se souvient de la position adoptée par M. Saito à l’époque :

«Je me rappelle les propos de M. Saito à l’époque. Il avait fait observer, en
termes vigoureux, que la limite de capture s’élevait à 1 900 baleines dans le cadre de
la chasse commerciale et que, si nous devions en prélever 1 700 à des fins de

recherche, personne ne croirait à notre projet de recherche. Seul aurait changé le nom
de notre activité.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

M. Saito avait ajouté que, selon lui, un total de 500 spécimens environ serait
probablement le maximum au début.» 14

42. En fait, à l’origine, le Japon avait fixé les quotas de capture à 825 petits rorquals et

50 cachalots , puis les avait sensiblement réduits six mois plus tard . Ces nouveaux quotas, tout

12
CR 2013/10, p. 49-50, par. 27-29 (Crawford).
13The Institute of Cetacean Research — The First Ten Years (institut de recherche sur les cétacés, Tokyo,
30 octobre 1997), p. 85-86 (Tatsuo Saito, ex-commissaire du Japon auprès de la CBI), Whaling Library website :
http://luna.pos.to/whale/jpn_zadan1 and http://luna.pos.to/whale/jpn_zadan2 , site consulté le 8 juillet 2013.

14The Institute of Cetacean Research —The First Ten Years (institut de recherche sur les cétacés, Tokyo,
30 octobre 1997), p. 91 (Junichiro Okamoto, directeur de la division chargée de la conservation des pêcheries au sein de
l’agence japonaise des pêcheries, et directeur du bureau chargé de la conservation de l’écosystème), Whaling Library
website: http://luna.pos.to/whale/jpn_zadan1 et http://luna.pos.to/whale/jpn_zadan2, site consulté le 8 juillet 2013. Voir

aussi Kazuo Shima, commissaire auprès de la CBI; président de l’association japonaise pour la conservation des
ressources des pêcheries, p. 91
15 Gouvernement japonais, «Programme de recherche sur le petit rorqual de l’hémisphère sud et étude
préliminaire sur l’écosystème marin de l’Antarctique», 1987, SC/38/04 [MA, annexe 156].

16Gouvernement japonais, «Plan de recherche pour l’étude de faisabilité du «Programme de recherche sur le petit
rorqual de l’hémisphère sud et de l’étude préliminaire sur l’écosystème marin de l’Antarctique», octobre 1987,
SC/D87/1. - 6 -

comme les premiers, n’obéissaient pas à des considérations scientifiques. Là encore, pour expliquer

cette réduction, je citerai les propos d’une autre personne ayant participé au processus,

M. Kazuo Shima, qui était à l’époque le commissaire du Japon auprès de la CBI :

«C’est après la réunion de 1987 que la taille de l’échantillon a été fixée à 300.
Les membres du gouvernement se sont réunis avant le départ du premier ministre
Nakasone pour les Etats-Unis, et il a été décidé de réduire la taille de l’échantillon,
compte tenu non seulement des commentaires du comité scientifique, mais aussi des

relations avec les Etats-Unis… Je n’oublierai jamais le jour où nous sommes allés en
informer M. Tanaka [un scientifique japonais de renom, spécialiste des cétacés]. Il
nous a rétorqué : «Peu vous importe à vous les bureaucrates. Mais nous, les

scientifiques, nous devons ré17iser des études en nous fondant sur des chiffres qui ont
une valeur scientifique.»»

43. Ce dialogue, extrait d’une table ronde organisée au Japon et publiée par l’institut de

recherche sur les cétacés, montre clairement que ce ne sont pas des considérations scientifiques qui

18 ont conduit le Japon à fixer comme il l’a fait les limites de capture de JARPA. Ces limites ont été

définies par des «bureaucrates». Le chiffre de 300 a été dicté par des considérations politiques et

18
pour échapper aux critiques .

44. La taille des échantillons de JARPA II, tout comme celle de son prédécesseur, n’a

aucune justification scientifique. Nous attendons toujours du Japon qu’il nous explique pourquoi il

a plus que doublé la taille de ses échantillons [pour les petits rorquals] par rapport à JARPA, en la

fixant à 850. Cela ne fait que rendre plus évidente la continuité entre JARPA — que M. Walløe n’a

19
même pas tenté de défendre — et JARPA II. Nous attendons avec impatience les explications que

nous fournira le Japon, la semaine prochaine, lorsqu’il tentera à nouveau de justifier

scientifiquement la manière dont il a fixé la taille de ses échantillons, sans, bien entendu, invoquer

de nouveaux éléments de preuve.

17 The Institute of Cetacean Research —The First Ten Years (institut de recherche sur les cétacés, Tokyo,
30 octobre 1997), p. 91 (Shima, commissaire auprès de la CBI; président de l’association japonaise pour la conservation
des ressources des pêcheries), Whaling Library website : http://luna.pos.to/whale/jpn_zadan1 et
http://luna.pos.to/whale/jpn_zadan2, site consulté le 8 juillet 2013.
18
«Le premier ministre a demandé au directeur général de l’agence des pêcheries de pratiquer une chasse à la
baleine à des fins scientifiques qui ne suscitera pas de critiques», Asahi Shimbun, 26 avril 1987 (édition du matin), p. 2
(MA, annexe 127). Voir aussi T. Kasuya, «Chasse à la baleine et autres cétacés pratiquée par le Japon » (2007) 14 (1)
Env. Sci. Pollut. Res., p. 39, 45-46 [MA, annexe 77].
19
CR 2013/14, p. 50. - 7 -

3) Pourquoi les objectifs de recherche de JARPA II ne justifient pas la conduite de ce
programme

45. J’en viens à ma troisième remarque. Le fait est que les objectifs de JARPA II ne justifient

pas la conduite de ce programme.

46. Si le Japon avait sérieusement envisagé de conduire des recherches scientifiques sur

l’écosystème de l’Antarctique, il aurait veillé :

a) premièrement, à bâtir un modèle d’écosystème destiné à guider la conception de son

programme et à déterminer les principaux paramètres à étudier ;

b) deuxièmement, à recenser les aires de reproduction et à suivre les déplacements des baleines au

moyen de balises satellites et de prélèvements biopsiques ;

19 c) et troisièmement, à recueillir des données d’observation à l’aide de méthodes standard pour

établir des estimations d’abondance convenues de plusieurs espèces de cétacés, et non pas

uniquement des petits rorquals.

47. Or, concernant chacun de ces points :

a) une estimation d’abondance convenue et fondée sur les données des programmes IDCR et

SOWER n’a pu être établie qu’en 2012 , soit des décennies plus tard ;

b) cette estimation d’abondance établie en 2012 ne reposait pas sur les données issues de
21
JARPA ;

c) et ceci est un argument qui condamne JARPA en tant que programme scientifique en soi :

vingt-cinq ans se sont écoulés depuis le lancement du premier programme et nous ne savons

toujours pas si les effectifs des petits rorquals sont i) stables ; ii) en hausse ; ou iii) en baisse.

Les trois scénarios sont possibles en l’état actuel des connaissances ; et

d) nous en savons davantage sur les populations de baleines à bosse que sur les petits rorquals,

malgré le nombre d’animaux sacrifiés dans le cadre de JARPA/JARPA II : petits rorquals :

10 410 ; baleines à bosse : 0.

20
Report of the Scientific Committee, J. Cetacean Res. Manage. n 14 (Suppl.), 2013, p. 27.
21Ibid, p. 26-29.
22
“Report of the Sub-Committee on In-depth Assessments”, Ann. G to the “Report of the Scientific Committee
Annual Meeting 2013”, p. 4, disponible à l’adresse suivante: <http://iwc.int/screport&gt;, site consulté le 8 juillet 2013. - 8 -

48. Si le Japon avait sérieusement envisagé de conduire des recherches scientifiques sur

l’écosystème de l’Antarctique, il se serait également attaché à obtenir des données lui permettant de

mieux comprendre la distribution et l’abondance du krill.

49. Or, le fait est que :

a) on ne connaît qu’un seul projet mené en coopération par JARPA et le laboratoire de recherche

des pêcheries en eaux lointaines pendant les dix-huit ans qu’a duré ce programme (une étude du

23
krill dont les résultats ont été publiés en 2013) ;

b) JARPA II n’a étudié le krill que pour la forme.

Bien qu’il existe d’excellents scientifiques japonais spécialistes du krill, il semble qu’ils

aient rarement été en contact avec les scientifiques de JARPA, à l’exception de cette publication. Je

24
vous renvoie à cet égard à la question que le juge Keith a posée la semaine dernière .

Conclusion sur la condition du caractère scientifique

(onglet n°40) [Les données annuelles relatives aux objectifs de prise et aux prises effectives

s’affichent à l’écran.]

50. Pour conclure sur la condition du caractère scientifique, pour toutes les raisons que je

viens d’invoquer, outre celles exposées par le Solicitor-General et M. Sands, JARPA II n’est pas

un programme de recherche scientifique pour lequel un permis spécial peut légitimement être

délivré au titre de l’article VIII. Il n’y pas d’hypothèse vérifiable, pas de lien entre les objectifs

poursuivis et les moyens mis en œuvre, pas d’examen par les pairs, pas de calcul des prises létales

nécessaires, et pas de date d’achèvement.

51. J’aimerais ajouter quelque chose ici, dans le même ordre d’idées mais en abordant le

problème sous un angle légèrement différent. A supposer que JARPA II tel qu’il a été proposé, et

c’est ce qui est indiqué dans les permis spéciaux, soit un programme scientifique — quod non —, il

20 existe une différence manifeste entre les informations contenues dans le permis spécial et la

manière dont le programme a été effectivement mené. Au point qu’on ne peut pas dire que les

23Murase, J., Kitakado, T., Hakamada, T., Matsuoka, K., Nihiwaki, S., et Naganobu, M., “Spatial Distribution of
Antarctic minke whales (Balaenoptera bonaerensis) in relation to spatial distribution of krill in the Ross Sea, Antarctica”,
2013 Fisheries Oceanography , vol. 22, p. 154-173.

24CR 2013/14, p. 57-58. - 9 -

baleines sont tuées, capturées ou traitées conformément au permis au sens de l’article VIII.

L’article VIII prévoit que les baleines seront tuées, capturées ou traitées conformément au permis.

Or la réalité n’a aucun rapport avec ce qui est stipulé dans le permis. Comme le montre le tableau
o
comparant les quotas autorisés et les prises effectives (onglet n 41 de vos dossiers de plaidoiries),

«les baleines sont tuées, capturées ou traitées» d’une manière qui ne ressemble en rien à ce qui était

prévu dans le permis. Il s’agissait d’un programme de recherche couvrant plusieurs espèces destiné

à étudier — je suis gentil — la concurrence entre différents prédateurs. En réalité, au cours des

quatre dernières années, parmi les trois espèces visées par le permis spécial, les pourcentages de

cétacés capturés se sont répartis comme suit : petits rorquals : 30, 7% ; rorquals communs : 2% ; et

baleines à bosse : 0%. Le permis spécial est déjà indéfendable en soi, mais le programme

JARPA II est sans rapport aucun avec ce permis spécial. Il ne s’agit pas de science. Il s’agit d’une

entreprise menée dans le but de chasser et de rassembler des informations de manière aléatoire ; pas

si aléatoire que ça, en fait, puisqu’elle s’adapte à la baisse de la demande de viande de baleine sur

le marché japonais [fin de l’affichage].

La condition du but exclusivement scientifique : JARPA II est mené à des fins commerciales

52. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, voilà qui m’amène à la

deuxième condition requise pour pouvoir invoquer l’article VIII : il faut que les objectifs réels du

programme soient scientifiques, et exclusivement scientifiques. En particulier, eu égard au

moratoire de la chasse à la baleine à des fins commerciales — lequel fait partie du régime instauré

par la convention sous sa forme actuelle —, l’article VIII ne peut être invoqué pour autoriser une

activité qui est en réalité commerciale ou qui obéit dans une large mesure à des considérations

commerciales. Or JARPA II est une opération commerciale, une entreprise subordonnée à des

visées commerciales. J’aurais cinq remarques à faire sur ce point.

1) Le comportement du Japon lorsqu’il a lancé JARPA

53. Premièrement, les Parties ont consacré de longs débats au fait que JARPA avait été lancé

au moment où le moratoire était entré en vigueur à l’égard du Japon. Si les deux Parties

s’accordent à dire qu’il ne s’agit pas là d’une coïncidence, elles divergent quant à la conclusion qui - 10 -

21 peut en être inférée . Je vais développer mon propos, mais j’aimerais tout d’abord faire observer

que la transition entre JARPA et JARPA II est en réalité beaucoup plus importante, et que le Japon

est beaucoup moins disert sur ce point.

54. La semaine dernière, le juge Bhandari a demandé au Japon de commenter une

déclaration traduite dans le mémoire de l’Australie de la façon suivante : «la conduite d’opérations

de chasse à la baleine à des fins scientifiques était considérée comme le seul moyen de perpétuer

nos traditions de chasse» 26 (les italiques sont de nous). Le Japon a répondu que l’Australie

présentait cette déclaration sous un jour trompeur — une critique émise, semble-t-il, à l’égard de

toutes les déclarations de ministres et autres hauts représentants japonais citées par l’Australie à

27
titre de preuve ; et il s’agit bien d’éléments de preuve. Cette grave allégation — selon laquelle

l’Australie aurait induit la Cour en erreur — repose sur deux arguments, selon M. Iwasawa . Le 28

premier est que l’Australie a mal traduit cette déclaration, qui devrait se lire comme suit : «la

conduite d’opérations de chasse à la baleine à des fins scientifiques était considérée comme le seul

moyen de transmettre nos traditions de chasse» (les italiques sont de nous).

55. On m’a fait savoir — n’étant pas moi-même, à mon grand regret, japonais — que la

traduction de l’Australie pouvait se défendre et n’était pas fausse, mais que celle du Japon était

meilleure. Même s’il existe une nuance entre les deux versions, elles signifient toutes deux que la

chasse à la baleine au titre d’un permis spécial était la seule option qui s’offrait au Japon pour

poursuivre ses traditions de chasse. Il n’y a là rien qui permette d’affirmer que l’Australie a tenté

d’induire la Cour en erreur.

56. La deuxième raison avancée par M. Iwasawa est tout aussi infondée. Il déclare que

«eu égard aux dispositions de l’alinéa e) du paragraphe 10 du règlement, la chasse au titre de

permis spéciaux était de fait le seul moyen dont disposait le Japon pour obtenir la levée du

moratoire …» . Il s’agit là d’une simple assertion, que nous rejetons. Le comportement du Japon,

25
CR 2013/8, p. 61, par. 15 (Sands) ; CR 2013/10, p. 50, par. 28 (Crawford) ; CR 2013/12, p. 50, par. 41
(Akhavan) ; CR 2013/13, p. 23, par. 41 (Hamamoto) ; CR 2013/16, p. 25, par. 32 (Iwasawa).
26 G. Satake, Japanese Fisheries and Overseas Fisheries Cooperation in the Era of Globalisation (Seizankdo-
Shoten Publishing Co. Ltd, 1997), p. 113 [MA, annexe 75].

27CR 2013/16, p. 21-22, par. 22- 23; p. 24- 25, par. 29 et 31 (Iwasawa).
28
CR 2013/16, p. 24, par. 29 (Iwasawa).
29Ibid. (les italiques sont de nous). - 11 -

qui a autorisé et mis en œuvre le programme JARPA pendant dix-huit ans, en apporte un démenti.

En 1987, avant que JARPA ne soit lancé, la CBI a adopté pas moins de huit résolutions dans

lesquelles elle faisait observer que le programme n’apporterait pas de contribution primordiale à

l’évaluation exhaustive, ni n’apporterait les informations nécessaires ou essentielles à la gestion

30
rationnelle des stocks de baleines concernés . Si le Japon avait voulu contribuer à la levée du

22 moratoire, il avait le choix entre diverses mesures, qu’il s’est en grande partie abstenu de prendre.

En outre, comme l’a relevé M. Sands la semaine dernière, la résolution 1995-9 recommandait que

«les recherches scientifiques visant à contribuer à l’évaluation exhaustive des populations de

baleines et à la mise en œuvre de la procédure de gestion revisée [soient] menées sans recourir à

des méthodes létales» . Or le Japon a maintenu son programme, tuant 6777 baleines, sous prétexte

qu’il menait des «recherches» qui permettraient de lever le moratoire, recherches dont la CBI a

maintes fois rappelé qu’elles n’étaient pas utiles à la gestion et n’accéléreraient pas la levée du

moratoire. Cela a été confirmé en 2007, lorsque la CBI a constaté que le programme n’avait atteint

aucun de ses objectifs ni obtenu le moindre résultat nécessaire à la gestion envisagée par la RMP et

susceptible de contribuer à la levée du moratoire . Mais à cette époque, le Japon était déjà entré,

sans marquer une pause ni procéder à la moindre évaluation, dans la deuxième phase du projet, le

programme JARPA II.

57. M. Iwasawa soutient également que l’Australie cite plusieurs déclarations de hauts

responsables japonais faisant part de leur détermination à continuer de chasser la baleine «sous une

33
forme ou sous une autre» , en les présentant «hors contexte» et en les interprétant «de façon

tendancieuse» . Il ajoute : «Pendant la période qui s’est écoulée entre 1982 et 1987, différentes

opinions ont été exprimées quant à l’avenir de l’industrie baleinière japonaise. Les déclarations

favorables à la poursuite de la chasse à la baleine doivent être interprétées dans ce contexte.» 35

30 Résolution 1987-4 [MA, annexe 10] ; Résolution 1989-3 [MA, annexe16] ; Résolution 1990-2 [MA,

annexe 18] ; Résolution 1991-2 [MA, annexe 19] ; Résolution 1992-5 ; Résolution 1993-7 [MA, annexe 21] ;
Résolution 1994-10 [MA, annexe 25] ; Résolution 1997-5 [MA, ann.29].
31 CR 2013/10, p. 36 (Sands) (les italiques sont de nous).

32 Résolution 2007-1 [MA, annexe 41].
33
CR 2013/10, p. 50-51, par. 31 (Crawford) ; MA, par. 3.18-3.19.
34
CR 2013/16, p. 24-25, par. 31 (Iwasawa).
35 CR 2013/16, p. 25, par. 31 (Iwasawa). - 12 -

58. Je vous invite à vous reporter à la chronologie des événements qui ont marqué la période

comprise entre 1982 et 1987 (onglet n 42). o

le 17 mars 1982, le premier ministre du Japon affirme : «Le gouvernement entend redoubler

36
d’efforts afin d’assurer la protection et la croissance de l’industrie baleinière à l’avenir» ;

en juillet 1982, la CBI adopte le moratoire ;

au début de 1984, le gouvernement confie à un groupe restreint de personnes le soin d’élaborer

un plan en vue de conduire des activités de chasse à la baleine à des fins scientifiques, en

imposant deux conditions :

1) le projet doit être «autofinancé», c’est-à-dire assurer durablement le financement de ses
23

opérations par la vente de viande de baleine ; et

2) le projet doit porter sur «une longue période, pouvant se prolonger jusqu’à la reprise de la

chasse commerciale» . 37

juillet 1984 : environ six mois plus tard, le groupe d’étude recommande au Japon de «chercher

l’accord des pays concernés afin qu’ils soutiennent les activités de chasse à la baleine menées

par le Japon à des fins scientifiques» dans ce contexte précis.

août 1984 : le directeur général de l’agence japonaise des pêcheries déclare devant la Diète :

«La voie permettant de garantir la poursuite de la chasse serait, dans l’océan Austral, de la

39
positionner en tant qu’activité axée sur la recherche scientifique.» (Les italiques sont de

nous.)

er 40
1 mai 1987 : le moratoire entre en vigueur à l’égard du Japon .

janvier 1988 : le programme JARPA est lancé.

36 Gouvernement japonais, Débats devant la Diète, chambre des conseillers, commission budgétaire, n 10,o
17 mars 1982, orateur : 23/360 (Zenkō Suzuki, premier ministre) [MA, annexe 88].

37T Kasuya, «Chasse à la baleine et autres cétacés pratiquée par le Japon » (2007) 14 (1) Env Sci Pollut Res,
p. 39, 45-46 [MA, annexe 77].
38
Groupe d’étude sur les questions relatives à la chasse à la baleine : rapport sur les orientations futures à retenir
pour la chasse à la baleine pratiquée par le Japon (juillet 1984), Gekkan Nyuu Porishii (août 1984), p. 108 [MA, annexe
98].
39
Gouvernement japonais, Débats devant la Diète, chambre des représentants, commission de l’agriculture, des
forêts et de la pêche, n° 27, 2 août 1984, orateur : 211/342 (Hiroya Sano, directeur général de l’agence japonaise des
pêcheries) [MA, annexe 92].
40
IWC Circular Communication RG/VJH/16129, «Withdrawal of Objection to Schedule Paragraph 10(e) by
Japan», 1 July 1986 enclosing Note from the Ambassador of Japan to the United Kingdom to the Secretary of the
International Whaling Commission, 1 July 1986 [MA, annexe 54]. - 13 -

Il n’y a ici aucun élément de planification scientifique. Tout concourt au contraire à assurer

la poursuite de la chasse à la baleine pour d’autres raisons. Tel est le contexte dans lequel

s’inscrivent les déclarations des hauts représentants japonais lorsqu’ils ont fait part de leur

détermination à poursuivre la chasse à la baleine «sous une forme ou sous une autre». Je laisse la

Cour en tirer ses propres conclusions.

2) La prétendue différence avec la chasse commerciale

59. (Onglet n°43) [S’affiche à l’écran le graphique de M. Iwasawa sur les captures effectuées

par le Japon.] Le Japon affirme, par l’entremise de mon excellent ami et collègue, M. Iwasawa,

que JARPA II n’est pas une opération commerciale parce que le nombre de captures autorisé dans

le cadre de ce programme est considérablement moins élevé que celui qui avait cours à l’époque de
41
la chasse commerciale . Vous vous souvenez du graphique qu’il nous a montré et qui semblait se

24 passer de commentaire. Certes, il est vrai que les limites de capture de JARPA II n’ont rien à voir

avec les immenses quantités de baleines qui étaient tuées à l’époque où la chasse commerciale était

à son apogée. Il n’y a là rien d’étonnant car, lorsque JARPA II a débuté, les diverses espèces de

baleines avaient été quasiment exterminées. Cependant, si l’on regarde attentivement les dix

années qui ont précédé l’entrée en vigueur du moratoire, les choses apparaissent sous un jour bien

différent, que le graphique de M. Iwasawa ne montre pas.

60. Premièrement, dans son graphique, M. Iwasawa nous a montré l’ensemble des opérations

de chasse commerciale menées dans le monde entier avant l’entrée en vigueur du moratoire, alors

que les zones qui nous intéressent sont les zones couvertes par JARPA et JARPA II. Les zones

pertinentes à des fins de comparaison alternent chaque année entre les zones A et B et les zones B

et C (JARPA II couvre en alternance chacune de ces zones un an sur deux). Deuxièmement, il

nous a montré les captures effectivement réalisées dans le cadre de JARPA et de JARPA II alors

que, comme vous le savez, le nombre des captures effectives — en particulier pour ce qui concerne

JARPA II — diffère considérablement du nombre des captures prévues. La présentation de

graphiques montrant la situation sous un jour aussi trompeur ne peut aider la Cour à parvenir à la

bonne décision [fin de l’affichage].

41CR 2013/16, p. 28, par. 40 (Iwasawa). - 14 -

o
61. Permettez-moi de vous montrer quelque chose de plus crédible (onglet n 44). [S’affiche

à l’écran un graphique présentant le nombre de captures effectuées entre 1977 et 1986.] Le

graphique que vous voyez à présent à l’écran vous montre les captures effectuées par le Japon dans

l’hémisphère sud pendant les dix années qui ont précédé l’entrée en vigueur du moratoire à son

égard, dans les zones qui nous intéressent. La ligne horizontale qui traverse ce graphique

représente la limite de capture fixée à 935 petits rorquals dans le cadre de JARPA II — seuls des

petits rorquals ont été capturés pendant cette période. Vous constaterez que, dans les zones A et B,

les prises commerciales de petits rorquals effectuées par le Japon au cours de cette période sont du

même ordre de grandeur que la limite de capture de JARPA II. Pendant les trois années qui ont

précédé l’entrée en vigueur du moratoire, cela est encore plus frappant. Et, si l’on regarde les

zones B et C, on constate que la limite de 935 petits rorquals excède le nombre de captures

réalisées dans le cadre de la chasse commerciale pendant quatre ans et n’est que légèrement

en-deçà du nombre de prises effectives pendant quatre autres années. La conclusion est que

l’objectif de capture de la chasse scientifique n’était guère différent des prises commerciales des

années précédentes et, en tout cas, loin de pouvoir justifier que l’on qualifie différemment les deux

types d’opérations.

25 3) La prétendue différence avec la chasse commerciale : les trajectoires de JARPA

[S’affiche à l’écran le graphique de M. Iwasawa représentant les trajectoires suivies par les

navires.]

62. Troisièmement, au cours de son premier tour de plaidoiries, le Japon a affirmé que

«[d]ans JARPA II, les navires de recherche suivent une trajectoire scientifiquement prédéfinie, qui

bifurque en zigzags tous les dix degrés de longitude afin d’obtenir des données importantes pour la
42 o
recherche» — tels sont les propos de M. Iwasawa. Il vous a montré ce graphique (onglet n 45) à

l’écran et a ajouté : «Les navires parcourent donc la plupart du temps des zones présentant une

faible densité de baleines et ne passent que quelque 20 % de leurs missions dans les zones à densité

42CR 2013/16, p. 26, par. 34 (Iwasawa). - 15 -

43
élevée.» Aucune source faisant autorité ne vient étayer ces déclarations. Cette fois encore, nous

nous trouvons face à des assertions sans preuves.

[S’affiche à l’écran le graphique extrait du rapport de mission.]

63. Je vous invite à présent à étudier le deuxième graphique qui apparaît à l’écran et à le

comparer à celui de M. Iwasawa. Ce deuxième graphique illustre la trajectoire suivie par les

navires «d’observation et d’échantillonnage» japonais, telle qu’elle figure dans les rapports

officiels soumis par le Japon — les rapports de mission JARPA II . Ce graphique contredit

entièrement celui de M. Iwasawa, et les assertions infondées du Japon concernant la trajectoire des

navires .5

64. Suivant la trajectoire représentée dans les rapports de mission du Japon, les déplacements

des navires de JARPA II comprennent 22 segments courts dans la strate méridionale présentant une

forte densité et uniquement 6 segments dans la strate septentrionale présentant une plus faible

densité — 79 % des segments se trouvent dans la zone présentant une forte densité. En termes de

distance parcourue, environ 50 % de la trajectoire se situe dans la zone présentant une densité

élevée. Etant donné que la flotte parcourt une distance plus grande en moins de temps lorsque la

densité est faible, il est vraisemblable que la flotte de JARPA II passe bien plus de la moitié de son

temps dans les aires à haut rendement, là où se concentrent les baleines. Ce scénario se fonde sur

les rapports que le Japon lui-même a fournis à la CBI. C’est exactement l’antithèse de celui qu’a

décrit M. Iwasawa la semaine dernière. [Fin de l’affichage.]

26 4) Le paragraphe 2 de l’article VIII et la vente des «sous-produits»

65. Quatrièmement, le Japon tente d’invoquer le paragraphe 2 de l’article VIII pour justifier

l’accent disproportionné placé par son programme «scientifique» sur la production, la vente et la

distribution de viande de baleine, et la nécessité de stimuler les ventes face à un déclin de la

43CR 2013/16, p. 26, par. 34 (Iwasawa).

44Nishiwaki, Shigetoshi et al., Rapport de mission sur la deuxième phase du programme japonais de recherche
scientifique sur les baleines dans l’Antarctique au titre d’un permis spécial (JARPA II), en 2005/2006 — Etude de
faisabilité, SC/58/07, p. 19, fig. 3 [MA, annexe 57].
45
CR 2013/16, p. 26, par. 34 (Iwasawa) ; CMJ, par. 5.132. - 16 -

46
demande . Il prétend que ces activités sont justifiées, voire requises, par le paragraphe 2 de

l’article VIII .

66. Il soutient en outre que l’utilisation des recettes provenant de la vente des sous-produits

est une pratique largement admise, y compris par l’Australie . 48 Cependant, le droit interne

australien qui permet la vente des poissons capturés dans le cadre d’un projet de recherche est sans

rapport avec la question de savoir si le Japon a respecté les termes exprès de l’article VIII, laquelle

se rapporte aux caractéristiques du programme.

67. Nous n’avons jamais prétendu que la vente des «sous-produits» constituait en soi une

violation du moratoire . Mais le paragraphe 2 de l’article VIII a été écrit pour éviter le gaspillage

et non pas dans l’idée d’utiliser les recettes provenant des ventes commerciales de la viande de

baleine pour financer durablement des programmes de grande ampleur, à long terme et

autofinancés, comme le fait le Japon. Le paragraphe 2 de l’article VIII, qui prévoit à titre

accessoire le traitement de la viande de baleine, n’était pas censé devenir la raison d’être de la

chasse à la baleine en vertu d’un permis spécial.

50
68. Il ressort clairement des sources que j’ai citées la semaine dernière que la conception et

l’exécution de JARPA II obéissaient essentiellement à des considérations commerciales. JARPA II

sort donc du cadre du paragraphe 1 de l’article VIII. Cette approche concorde avec les vues de la

commission, qui a déclaré dans sa résolution 2003-2 : «L’article VIII de la convention de 1946 n’a

pas vocation à être exploité de façon à fournir de la chair de baleine destinée à des fins

commerciales et ne doit pas être utilisé à cet effet.» 51 Cette vue exprimée par la commission est

infiniment respectable.

46CR 2013/11, p. 18-19, par. 59-61 (Crawford).

47CR 2013/16, p. 16, par. 8 (Iwasawa).

48CR 2013/16, p. 17-18 (Iwasawa) ; voir aussi CR 2013/12, p. 60, par. 73 (Akhavan).
49
CR 2013/16, p. 16, par. 8 (Iwasawa).
50CR 2013/11, p. 24, par. 82 (Crawford).

51Résolution 2003-2 [MA, annexe 38]. - 17 -

27 5) Des captures qui servent un double objectif

69. Voilà qui m’amène à la question du juge Gaja, qui faisait suite à celle posée auparavant

par la juge Donoghue . 52 Le juge Gaja a adressé la question suivante à l’Australie et à la

Nouvelle-Zélande : «Si un programme de chasse à la baleine est mené à la fois à des fins

scientifiques et à des fins commerciales, quelles sont les règles applicables en vertu de la

convention de 1946 ?» 53

70. L’Australie souscrit à la réponse apportée à cette question par la Nouvelle-Zélande

lundi . Je me contenterai d’apporter quelques précisions.

71. Tout d’abord, eu égard au paragraphe 2 de l’article VIII, tout programme de recherche

scientifique comporte un élément commercial. La vente accessoire de sous-produits ne suffit pas à

invalider un programme de recherche scientifique digne de ce nom, dès lors qu’elle demeure

accessoire. Les faits montrent que, dans le cas de JARPA II, ces ventes sont loin d’être

accessoires. L’Australie soutient même que les considérations commerciales sont déterminantes.

Mais, sans aller aussi loin, l’Australie rappelle que l’article VIII exige que le programme soit mené

en vue de recherches scientifiques. Parce qu’il s’inscrit dans le contexte du moratoire de la chasse

commerciale — que le Japon est tenu de respecter —, l’article VIII doit être strictement interprété :

toute prise commerciale doit être purement accessoire.

72. La réponse à la question du juge Gaja est qu’un programme qui répond à des objectifs

commerciaux et à des objectifs scientifiques ne peut se justifier par l’article VIII.

Conclusions

73. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, j’en viens à présent à mes

conclusions. Je ferai tout d’abord remarquer que c’est la dernière fois que l’Australie pourra

présenter un exposé oral devant la Cour en la présente instance. Nous espérons donc que le

défendeur n’invoquera pas d’arguments juridiques entièrement nouveaux auxquels nous ne serons

pas en mesure de répondre. Le Japon cherche à rassurer la Cour en lui donnant des assurances.

Mais la théorie juridique qui sous-tend son argumentation ne concorde pas avec ces assurances.

52
CR 2013/9, p. 67-68.
53CR 2013/16, p. 63.

54CR 2013/17, p. 27-28, par. 42-43 (Finlayson). - 18 -

74. Tout d’abord, le Japon prétend que la Cour doit s’en remettre au comité scientifique, qui

55
a approuvé les deux programmes JARPA . M. Sands vous a démontré qu’il n’en était rien : les

28 programmes JARPA n’ont pas été approuvés par le comité. En tout état de cause, une telle

affirmation contredit les propos tenus par M. Pellet, qui vous a dit que le comité scientifique ne

joue aucun rôle normatif à l’égard des permis spéciaux aux termes de l’article VIII . Tel est le56

fameux «vide de Pellet». Tout au plus, le comité scientifique peut-il examiner les projets, mais le

Japon n’est en aucun cas tenu d’écouter les vues exprimées par le comité, et encore moins d’en tirer

des enseignements.

75. Ensuite, le Japon admet qu’il a le devoir, jusqu’à un certain point, de ne pas porter

57
préjudice au stock . Mais ce devoir ne lui est pas imposé, substantiellement, par l’article VIII, et

le comité scientifique n’a d’autre mandat que de prendre connaissance du projet de recherche. Cela

ne cadre pas avec la convention.

76. J’en reviens aux arguments développés par MM. Pellet et Lowe, que j’ai déjà résumés,

car c’est là qu’est la vraie question :

a) premièrement, s’agissant de l’article VIII, la convention revêt un caractère purement

procédural ; c’est comme si la procédure l’emportait sur le fond, et on nous dit que le Japon a

58
scrupuleusement suivi la procédure ce que nous contestons ;

b) deuxièmement, s’agissant de la nécessité, de la portée et de la conduite d’un soi-disant

programme scientifique, le Japon se place effectivement dans une position souveraine : il use de

son pouvoir souverain de délivrer un permis, pouvoir qu’il ne tient pas de la convention

puisqu’il le détenait avant son adoption, et qu’il peut exercer sans avoir à en référer aux autres

Etats membres ; 59

c) troisièmement, les limites à l’autorité du Japon dépendent d’une notion aux contours mal

définis, celle de la bonne foi qui est présumée par défaut . 60

55
CR 2013/12, p. 45, par. 21 (Akhavan) ; CR 2013/15, p. 68, par. 89 (Boyle).
56CR 2013/13, p. 61-62, par. 5 et 7 (Pellet).

57CR 2013/15, p. 24, par. 51 (Lowe) ; OEJ, par. 9.
58
CR 2013/15, p. 15, par. 9 ; p. 21, par. 34-35 (Lowe) ; CR 2013/16, p. 50, par. 33 (Pellet).
59
CR 2013/13, p. 61, par. 5 (Pellet) ; CR 2013/13, p. 64, par. 10 (Pellet) ; CR 2013/15, p. 15, par. 7 (Lowe) ;
CR 2013/15, p. 21, par. 34 (Lowe) ; CR 2013/16, p. 51-52, par. 37 (Pellet).
60CR 2013/15, p. 5, par. 15 ; p. 21, par. 38 ; p. 24, par. 54 (Lowe) ; CR 2013/16, p. 53, par. 41 (Pellet). - 19 -

Je dirai quelques mots sur le lien avec la bonne foi ou la mauvaise foi, que nous avons déjà

abordé dans notre argumentation principale fondée sur le texte de la convention. J’ai déjà indiqué

que des allégations de mauvaise foi peuvent être une source de difficultés pour les tribunaux et les

cours. Et que les traités consacrés à la conservation des ressources vivantes marines relevant du

domaine public ne devraient pas avoir pour seul critère de violation des allégations de mauvaise

foi. Bien entendu, si l’on peut prouver la mauvaise foi, cet argument est alors hautement pertinent.

Et pour les raisons que nous avons expliquées au cours de nos plaidoiries, y compris pendant le

premier tour, nous déclarons, à titre subsidiaire, que le Japon a agi de mauvaise foi, et nous

29 maintenons notre position. Nous estimons disposer d’éléments à l’appui de cette affirmation et il

appartiendra à la Cour de les apprécier. M. Gleeson y reviendra dans un instant. La position du

Japon aux termes des trois propositions que je viens de mentionner est qu’il a un droit préalable de

chasse à la baleine au nom de la «science» —, un droit souverain de s’arroger la propriété des

baleines ad libitum. Une telle position est contraire au système de réglementation collective des

peuplements baleiniers, contraire à l’objet et au but de la convention, contraire au sens premier de

l’article VIII. En résumé, le Japon tente d’échapper à la lex specialis contenue dans la convention

afin d’écumer les mers de la «recherche scientifique», qui ne sont effectivement soumises à aucune

réglementation. Or, cela revient à affirmer la science sans la prouver.

77. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, même la véritable recherche

scientifique doit dûment prendre en considération les vues du comité scientifique et de la

commission. Pour illustrer mon propos, et bien comprendre que l’article VIII fait partie intégrante

o
de la convention, nous avons ajouté à l’onglet n 46 de vos dossiers de plaidoiries, un projet

d’expérience destiné à démontrer la validité de l’effet Allee sur les baleines bleues. L’effet Allee,

comme vous l’avez appris en cours de biologie au lycée, est une hypothèse selon laquelle, en-deçà

d’un certain seuil de densité de population, une espèce se reproduit plus lentement . 61 Les

mécanismes de reconstitution d’une espèce proche de l’extinction sont mal connus. Des travaux de

recherche nous en apprendraient beaucoup. La baleine bleue a frôlé l’extinction en 1982, date à

laquelle sa population avait été réduite à un millier d’individus, et probablement même à moins

61Voir Courchamp F., Berec J., Gascoigne J. (2008). Allee effects in ecology and conservation. Oxford, New
York, USA: Oxford University Press. - 20 -

de cinq cents. On dénombrerait aujourd’hui 6 000 baleines bleues dans l’Antarctique. Comme
o
vous le constatez à la lecture du document figurant sous l’onglet n 46, cette expérience est

relativement simple. Elle comprend deux phases : la phase n 1 prévoit la prise létale de

1 050 baleines bleues sur une période de quatre ans afin de déterminer le taux de gestation de
o
référence c’est la première chose qu’il faut faire ; la phase n 2 prévoit la prise létale de

500 baleines bleues chaque année pendant dix ans, afin de réduire de moitié la population et de

vérifier l’effet Allee.

78. L’expérience prendra fin, soit lorsque le taux de gestation aura atteint un seuil inférieur

au taux de référence statistiquement significatif, ce qui prouvera l’effet Allee, soit lorsque

5 000 baleines auront été tuées, ce qui prouvera le contraire. La vérification de cette hypothèse

exige une réduction expérimentale de la taille de la population, ce qui exclut toute méthode non

létale.

30 79. Le Japon nous dira sûrement qu’il n’a aucune intention de capturer des baleines bleues,

du moins je l’espère. Mais là n’est pas l’objet de notre démonstration. La question concerne la

théorie juridique qui sous-tend l’article VIII. L’expérience que je viens de vous décrire est, sans

aucun doute, scientifique. Premièrement, notre compréhension de l’extinction et de la

reconstitution des espèces marines souffre de graves lacunes. Deuxièmement, il existe une

hypothèse reconnue — l’effet Allee — fondée sur l’état actuel des connaissances. Troisièmement,

il existe un projet d’expérience conçu pour vérifier cette hypothèse, et capable de le faire.

Quatrièmement, une date d’achèvement est prévue, ce qui nous permettra de savoir si l’expérience

a été couronnée de succès. JARPA II ne réunit aucune de ces quatre caractéristiques. Notre

expérience sur les baleines bleues serait une expérience scientifique menée dans un but

scientifique. Il découle de l’interprétation que donne le Japon de l’article VIII — le vide et la

vacuité — qu’un permis spécial autorisant la capture de 6 050 baleines bleues pendant quatorze ans

serait licite aux termes de la convention, même si cela implique de tuer plus de baleines bleues

qu’il n’en existe aujourd’hui. Je reprendrai les mots de M. Pellet, «les permis spéciaux délivrés à

62
des fins scientifiques échappent au mécanisme de la convention … » , et ceux de M. Lowe, «les

62CR 2013/13, p. 61, par. 5 (Pellet). - 21 -

limites fixées par l’article VIII imposent simplement au Japon de se conformer aux obligations

63
procédurales établies dans la convention» . Voilà ce que fait le Japon du régime établi par la

convention de 1946 ! Voilà ce qu’il fait de l’effet utile ! Si l’interprétation du Japon signifie que la

mise à mort pendant quatorze ans d’un nombre de baleines bleues supérieur au nombre de baleines

bleues vivant dans l’hémisphère sud est une pratique qu’il n’appartient pas à la Cour d’examiner,

cette interprétation doit être rejetée.

80. J’ajouterai que nous nous sommes essayés à un exercice consistant à anticiper les

réactions du comité scientifique, de plus en plus dysfonctionnel, face à cette modeste proposition,

pour reprendre un titre célèbre de Jonathan Swift. Ces commentaires que nous lui prêtons reflètent

la confusion et les dissensions qui règnent au sein du comité : «certains membres

pensent … d’autres membres pensent …». Concernant l’article VIII, il n’existe actuellement aucun

processus efficace auquel la Cour pourrait avoir recours. Le temps est venu pour la Cour d’agir.

81. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, les faits et les témoignages

des experts étant à présent, il me semble, très clairs, que doit faire la Cour ? La réponse à cette

question appelle de ma part une observation sur la procédure et une autre sur le fond.

31 82. Tout d’abord, ma remarque sur la procédure. Dans son contre-mémoire, le Japon n’a pas

pris la peine de produire ses propres éléments de preuve scientifiques afin de réfuter ceux présentés

par l’Australie. Le Japon a été pour le moins déconcerté lorsque l’Australie, estimant avoir eu tout

loisir d’exposer ses vues, a choisi de ne pas déposer de réplique. Nous avons cru que les

protestations réitérées du Japon face à l’absence d’un second tour révélaient son intention d’ajouter

de nombreux éléments de preuve scientifiques et documentaires dans sa duplique. Nous

comprenons à présent que telle n’était pas son intention et qu’il n’avait pas d’éléments de preuve à

présenter. La Cour a néanmoins donné aux Parties une nouvelle occasion de présenter des preuves

par expertise, et le Japon a alors soumis le rapport de M. Walløe, une personnalité étroitement

associée aux programmes JARPA, dont le rapport ne contenait pas une seule note de bas de page.

Vous avez entendu M. Walløe. A vous de juger de son témoignage. Nous nous contenterons de

dire que, dans l’ensemble, il n’a pas contribué à défendre la thèse avancée par le Japon.

63CR 2013/15, p. 15, par. 9 (Lowe). - 22 -

83. Puis, à la dernière minute, le Japon a soumis des observations qui auraient pu figurer

dans son contre-mémoire, mais qu’il a présentées de manière à nous priver de la possibilité d’y

répondre. La Cour a, à juste titre, traité ces documents déposés inopinément par le Japon à un stade

tardif de la procédure, comme de simples «observations du Japon». Et vous, Monsieur le président,

et je le dis avec le plus profond respect, avez à bon droit empêché le Japon de soulever ces

questions dans le cadre du contre-interrogatoire comme s’il s’était agi d’un rapport d’expert produit

dans les délais prescrits .

84. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je comprends les réserves que

peuvent avoir certains d’entre vous à l’égard de ce qui peut apparaître comme une intrusion des

méthodes de common law dans la procédure d’établissement des faits et d’évaluation des éléments

de preuve ordinairement suivie par la Cour. Je ne doute pas que la Cour saura faire la part des

choses. Mais le Japon s’est fait assister par d’éminents membres du Barreau, spécialisés aussi bien

dans la common law que dans le droit romano-germanique. Ensuite, sous votre supervision,

Monsieur le président, le Japon a eu tout le loisir de faire entendre sa cause, et les questions posées

par la Cour des deux côtés du fossé qui sépare la common law du droit romano-germanique —

montrent, j’espère être autorisé à le dire, une perception aiguë des questions qui se posent en la

présente affaire et une bonne compréhension du dossier. Vous êtes à présent en position d’agir.

85. Et j’en viens à ma remarque sur le fond. Vous êtes une cour de justice. Il vous est

respectueusement demandé de vous concentrer sur les questions précises dont cette Cour a été

saisie. Est-ce que les permis spéciaux délivrés jusqu’à présent par le Japon le soustraient à son

obligation, que nul ne conteste, de ne se livrer à aucune chasse de nature commerciale par son

ampleur tant que le moratoire demeurera en vigueur ? Une seule réponse est possible, sur la base

32 des éléments de preuve, et cette réponse est non. Il faut donner cette réponse maintenant,

indépendamment des allusions faites par le Japon aux modifications qui pourraient être apportées

au programme à la suite de l’évaluation de 2014. Se posent aussi deux questions concernant les

rorquals communs au regard du sanctuaire et du moratoire des usines flottantes. J’en ai parlé au
65
premier tour de plaidoiries et le Japon n’a pas présenté le moindre argument à sa décharge.

64
CR 2013/9, p. 61 (Président).
65CR 2013/11, p. 22-23, par. 74-76 et 79-80 (Crawford). - 23 -

86. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, que voulons-nous ? Nous

assurer que le Japon s’acquitte de ses responsabilités aux termes d’une convention multilatérale

d’importance majeure. A partir de quand ? Dès maintenant.

Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je vous remercie tout

particulièrement de vos questions avisées et de l’attention que vous avez portée aux réponses qui

vous ont été données. Monsieur le président, je vous prierai de bien vouloir appeler à la barre

M. Sands afin qu’il réponde à la question posée par le juge Greenwood, puis le Solicitor-General.

Je vous remercie Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour.

Le PRESIDENT : Merci, M. Crawford. J’appelle maintenant à la barre M. Sands pour qu’il

apporte sa réponse. M. Sands, vous avez la parole.

M. SANDS : Je serai très bref. Monsieur le président, Mmes et MM. de la Cour, j’aimerais

vous remercier pour ne pas nous avoir demandé de répondre à la question immédiatement et nous

avoir accordé le temps de la pause déjeuner. Nous serons toutefois peut être amenés à répondre

sur-le-champ à l’avenir. Nous avons consulté les rapports et avons procédé au comptage : il s’agit

simplement de consulter la liste des noms et de les additionner. Si une ou deux erreurs se sont

glissées dans ce processus, si les chiffres que nous donnons sont erronés à un ou deux près, nous

nous en excusons d’avance. Nous avons fait de notre mieux. La situation est la suivante : pour

l’année 2005, le comité scientifique se composait des délégations de 31 Etats contractants

regroupant au total 139 délégués, sans compter les interprètes. Etaient en outre présents

44 participants invités, qui n’étaient pas associés à la délégation d’un Etat contractant, et deux

observateurs d’organisations internationales, ce chiffre excluant les observateurs déjà inclus dans

les délégations nationales. Cela représente au total 185 membres. Si on soustrait de ce chiffre les

63 membres qui ont refusé de participer aux débats, il en reste 122. Sur ces 122 membres, d’après

nos calculs, 27 étaient inscrits sur la liste en tant que membres de la délégation japonaise et, en

soustrayant ce nombre, cela fait 95 membres ne faisant ni partie des 63 susmentionnés ni de la

délégation japonaise qui ne se sont pas retirés des débats.

33 Il convient d’ajouter que, avant d’être examiné par le comité scientifique, le programme

JARPA II a fait l’objet de discussions au sein d’un organe appelé groupe de travail permanent - 24 -

chargé des permis scientifiques. Ce groupe de travail permanent, comme cela est indiqué dans son

rapport qui figure à l’annexe 01 du rapport du comité scientifique nous avons mentionné le

rapport du groupe de travail permanent dans nos notes de bas de page et mettrons, par

l’intermédiaire du Greffe, ce document à la disposition de tous les membres de la Cour et, bien

entendu, de nos collègues de la partie adverse ce groupe se composait de 87 membres, sans tenir

compte des trois interprètes. Sur les 63 scientifiques qui avaient refusé de prendre part à l’examen

de JARPA II, 28 étaient également membres de ce groupe de travail permanent lorsque les débats y

furent menés pour la première fois, ce qui fait 59 membres qui ne se sont pas retirés des débats au

sein du groupe de travail permanent. Sur ces 59 membres, 26 étaient inscrits en tant que membres

de la délégation japonaise, ce chiffre excluant les interprètes, ce qui laisse 33 membres non

japonais et ne faisant pas non plus partie du groupe des 63, si je puis m’exprimer ainsi, qui ne se

sont pas retirés des débats au sein du groupe de travail permanent. Nous ne pouvons pas vous dire

quelles étaient les opinions de ces membres restants, car elles n’ont été consignées nulle part, qu’il

s’agisse du groupe de travail permanent ou du comité scientifique. Tout ce que nous pouvons faire,

c’est vous inviter à consulter l’onglet 29 de vos dossiers de plaidoiries, où est reproduit un extrait

du rapport du président sur les travaux de la 57 réunion annuelle de la CBI, ainsi que l’onglet 30,

d’après lesquels vous pourrez constater que, s’il y a eu débat, aucun avis n’a été exprimé dans un

sens ou un autre.

J’espère que cela vous est utile, Monsieur le président, ainsi qu’à vous, Mmes et MM. de la

Cour. Ce sont les chiffres que nous avons pu établir, et nous pouvons revenir avec plus

d’informations, si vous le jugez nécessaire. Je crois que le moment est à présent venu de donner la

parole au Solicitor-General.

Le PRESIDENT : Merci, M. Sands. J’appelle maintenant à la barre le Solicitor-General

d’Australie, M. Gleeson. Vous avez la parole, Monsieur. - 25 -

M. GLEESON :

LE JAPON N ’AGIT PAS DE BONNE FOI ET A COMMIS UN ABUS DE DROIT

Introduction

1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, l’Australie a maintenant

achevé son exposé sur les questions d’interprétation et de violation des traités. Il me reste à

34 répondre à la présentation du Japon sur le thème du manque de bonne foi et de l’abus de droit,

notamment aux exposés présentés par M. Lowe, Mme Takashiba et M. Pellet. J’aimerais faire

observer qu’il est à présent presque minuit à Sydney et vingt-trois heures à Tokyo. Après une

longue journée d’exposés australiens minutieux et détaillés et, espérons-le, convaincants

j’espère que vous n’avez pas l’impression qu’il est deux heures du matin à La Haye. Vous vous

demandez peut-être aussi si notre second tour de plaidoiries se distingue du programme JARPA II,

s’il aura une fin, à un moment ou à un autre. La réponse est «oui», je vous l’assure.

2. Il me reste cependant, dans cette importante partie de notre exposé, bien qu’elle soit

présentée à titre subsidiaire à répondre à certaines importantes questions soulevées par le Japon

dans les trois exposés que je viens de mentionner. Mais avant d’en venir là, j’aimerais traiter deux

questions préliminaires. Premièrement, notre réponse à la question posée par la juge Charlesworth.

3. Notre réponse est la suivante : la Cour n’a pas besoin de se prononcer sur le manque de

bonne foi du Japon ou l’abus de droit que celui-ci aurait commis pour conclure en faveur de

l’Australie. D’un point de vue juridique, les présents arguments constituent une autre partie de

l’affaire. L’Australie pourrait bien sûr, elle ne devrait pas mais elle pourrait perdre la

présente affaire sur la question de l’interprétation des traités, et la gagner sur la présente partie. En

ce sens, l’argument pourrait être considéré comme étant véritablement présenté à titre subsidiaire.

J’aimerais faire observer que cet argument s’inspire des principes du droit international, tels

qu’appliqués à la présente convention et aux présents faits. Nous nous appuyons sur le droit

international pour appliquer les principes relatifs à la bonne foi et au caractère raisonnable de

l’exercice d’un droit pour déterminer si, comme nous l’avons dit dans notre premier tour de

plaidoiries en invoquant l’affaire des Crevettes traitée par l’organe d’appel de l’OMC, l’abus du - 26 -

droit en question est suffisamment grave ou important pour que le Japon ait, de fait, fait des

obligations que lui impose la convention de simples obligations facultatives, qu’il en ait réduit à

néant le caractère juridique et, ce faisant, qu’il ait nié les droits de toutes les autres parties à la

convention .6

4. La seconde question préliminaire est que, ainsi que je l’ai moi-même bien précisé au cours

de notre premier tour de plaidoiries et que M. Crawford l’a lui aussi clairement précisé durant ce

même tour et de nouveau aujourd’hui, l’Australie admet que cette partie subsidiaire de l’affaire fait

peser sur elle une lourde charge. Il est bien connu qu’on ne saurait invoquer le manque de bonne

foi qu’en s’appuyant sur de solides éléments de preuve. Pareil argument doit être prouvé, la

mauvaise foi ne se présume pas, et la Cour ne prendra pas à la légère la décision demandée.

35 5. Il pourrait donc être utile, avant que j’en vienne aux trois points de mon exposé par

lesquels je répondrai précisément aux intervenants susmentionnés, que je prenne pour un instant un

peu de recul par rapport aux éléments de preuve précis que vous nous avons présentés et que je

définisse les trois grandes catégories d’éléments de preuve sur lesquels l’Australie s’appuie pour

cette partie de l’affaire.

6. La première catégorie d’éléments de preuve porte sur le fait que vous ont à présent été

soumis tout simplement trop de documents couvrant une période de 30 années indiquant que le

commerce était la motivation fondamentale du programme JARPA, puis du programme JARPA II,

pour que la science soit le véritable but dans lequel le droit établi par l’article VIII a été invoqué

par le Japon. Vous vous souviendrez peut-être que, dans le vague et déjà lointain passé d’il y a

deux semaines, j’ai commencé mon exposé en énonçant sept indices du caractère commercial d’un

programme de chasse. M. Crawford s’est attardé sur l’argument relatif au caractère commercial

des programmes de chasse du Japon au cours du premier tour de plaidoiries et cet après-midi. Le

manque de bonne foi repose dans l’intrusion, dans l’exercice du pouvoir conféré par l’article VIII,

de considérations si étrangères à cet article et si omniprésentes qu’elles justifient qu’on conclue au

manque de bonne foi.

66Voir l’exposé présenté par l’Australie au sujet de la bonne foi et de l’abus de droit dans son premier tour de
plaidoiries, tel que consigné dans le CR 2013/11. - 27 -

7. La deuxième grande catégorie d’éléments de preuve concerne la réaction ou peut-être

l’absence de considération tenant lieu de réaction à l’ensemble de résolutions adoptées par la

CBI pendant 30 ans. Avec le recul, on peut difficilement trouver un exemple similaire dans

l’histoire des conventions multilatérales, un exemple où un Etat n’aurait de la sorte tenu aucun

compte des déclarations de l’organe principal instauré par l’instrument en question.

8. La troisième catégorie d’éléments de preuve concerne le respect du paragraphe 30 par le

Japon, un point sur lequel je reviendrai ultérieurement. L’Australie étaye donc ses deux allégations

sur trois catégories d’éléments de preuve et, lorsque la Cour examinera ces éléments, nous

l’invitons respectueusement à le faire en tenant compte des circonstances aggravantes énoncées

ci-dessous :

il ne s’agit pas d’un comportement exceptionnel, qui ne se serait produit qu’une seule fois ;

il ne s’agit pas d’un simple manquement d’ordre technique ;

il ne s’agit pas d’une obligation marginale de la convention.

On peut difficilement imaginer comportement plus calculé et tenace, et cela constitue une

menace pour l’intégrité de cette très précieuse convention.

36 Réponse à M. Lowe

9. J’aimerais à présent me pencher sur ce que M. Lowe vous a déclaré la semaine dernière et

répondre à trois questions. Premièrement, vous vous souviendrez qu’il a, à juste titre, concédé que

la bonne foi du Japon devait être examinée dans le contexte de la délivrance de chaque permis
67
spécial, année après année .

10. Du point de vue de la preuve, cet argument est important au moins à deux niveaux.

Comme cela ressort désormais clairement des documents versés au dossier, les décideurs japonais

n’ont tout simplement pas pu prêter chaque année attention aux questions auxquelles, comme le

reconnaît à juste titre M. Lowe, il convient de répondre, à savoir et je le cite «le nombre de

baleines qui, d’après les bonnes pratiques scientifiques, devraient être capturées, ainsi que la durée

pendant laquelle elles devraient l’être». Vous savez maintenant fort bien que, depuis la toute

première année, le projet de capturer des spécimens appartenant à trois espèces en nombre défini

67CR 2013/15, p. 24 (Lowe). - 28 -

est tombé en lambeaux. Pourquoi les décideurs ont-il continué d’autoriser, la deuxième année et

les suivantes, la capture de 50 baleines à bosse alors que, contrairement à ce qui était prévu dans le

programme, aucune n’avait été capturée ? Pourquoi ont-ils continué d’autoriser la capture de

50 rorquals communs alors que, contrairement à ce qui était prévu dans le programme, un très petit

nombre de baleines non représentatives avait été capturé ? Pourquoi ont-ils continué d’autoriser la

capture de 850 petits rorquals alors que, pour des raisons qui ne peuvent pas être entièrement

attribuées à Sea Shepherd, un nombre inférieur aux prévisions et de surcroît inégal avait été capturé

les années précédentes ? Peut-être plus important encore, et je tire cet argument de ce qui a été dit

mercredi dernier, pourquoi ont-ils continué de délivrer un permis identique chaque année alors que

M. Walløe affirmait que le projet posait de graves difficultés, au moins en ce qui concerne les

68
rorquals communs et les baleines à bosse ?

11. Du point de vue de la preuve, c’est la première conséquence du fait que, comme l’a fort

justement concédé M. Lowe, la bonne foi doit être appréciée année après année. La seconde

conséquence découle de la réponse qu’a également fort justement donnée M. Boyle, à savoir que la

possibilité d’avoir recours à d’autres méthodes, non létales, n’a pas été évaluée chaque année. Le

fait que ces questions n’ont pas été examinées année après année est en soi, estimons-nous, de

nature à faire prévaloir nos arguments pour cette partie de l’affaire.

12. Le second point qui se dégage de la formulation employée par M. Lowe et celle-ci

était, bien entendu, soigneusement choisie lorsqu’on relit ses propos, c’est qu’il y manque la

reconnaissance du fait que la bonne foi impose de tenir compte des résolutions adoptées par la CBI

37 elle-même. Comme M. Crawford vient de le souligner cet après-midi, M. Lowe n’admet pour

seules obligations que des obligations d’ordre procédural mais, pire encore, la seule obligation

procédurale dont il admet expressément l’existence est celle d’examiner les avis formulés par le

comité scientifique en application du paragraphe 30. Notre avis diverge du sien sur ce point en ce

qui concerne le droit. Le principe de bonne foi oblige en effet selon nous indubitablement chaque

membre à tenir compte des résolutions adoptées par la commission en application de l’article VI.

Vous ne connaissez que trop bien la teneur de ces résolutions adoptées sur une période de

68CR 2013/14, p. 44 (Walløe). - 29 -

69
30 années, et le Nouvelle-Zélande vous en a précisément et utilement résumé les effets lundi .

Nous soutenons respectueusement que M. Lowe a eu tort d’exclure des obligations qu’impose le

principe de bonne foi à un Etat partie à la convention lorsqu’il délivre un permis celle de tenir

compte des avis exprimés par la CBI. Il n’a certainement étayé ses propos sur aucun fondement

juridique.

13. La dernière question que j’aimerais aborder à propos de l’exposé de M. Lowe a trait au

fait que, comme vous vous en souviendrez peut-être, celui-ci a, à deux reprises, poliment mais

fermement soutenu que l’Australie n’avait fourni aucun élément de preuve à l’appui de sa

principale allégation . Cette allégation, permettez-moi de vous le rappeler, était que le Japon n’a

même jamais envisagé d’apporter le moindre changement aux aspects principaux de ses méthodes

létales ; l’échelle, la continuité et la permanence n’ont jamais été remis en question. Si bien que,

jeudi dernier, M. Lowe a poliment mais ferment invité l’Australie à reformuler son allégation, à la

retirer en quelque sorte. Eh bien je tiens à vous dire que, tout bien considéré, l’Australie n’entend

pas obtempérer. Cette allégation a été formulée en portant la plus grande attention aux éléments de

preuve, et elle établissait une distinction importante entre les aspects principaux des méthodes

létales employées par le Japon l’échelle, la continuité et la permanence et ce qu’on pourrait

considérer comme les détails par lesquels passe la mise en œuvre de ces principaux éléments. Nul

doute que le Japon a peut-être procédé à un ou deux changements marginaux. Peut-être le ferait-il

encore s’il était soumis à de fortes pressions. Mais les éléments principaux du projet sont la mise à

mort de 850 petits rorquals, 50 baleines à bosse et 50 rorquals communs, la délivrance de permis en

ces termes, année après année, et ce sans l’ombre d’une fin à l’horizon. Tels sont les points,

M. Lowe, sur lesquels l’Australie ne retire pas son allégation selon laquelle le Japon n’a jamais

envisagé une véritable remise en question.

14. Quant à l’allégation de M. Lowe selon laquelle nous n’aurions alors avancé aucun

élément de preuve à l’appui de nos dires, franchement, les bras m’en tombent. Vous vous

souviendrez que, dans l’exposé très pittoresque qu’il a présenté jeudi dernier, M. Pellet a, avec une

69CR 2013/17, p. 19 (Finlayson). Voir également l’onglet 47, sous lequel est reproduite la diapositive qui
figurait sous l’onglet 5 du dossier de plaidoiries présenté par la Nouvelle-Zélande.

70CR 2013/14, p. 18 et 25 (Lowe). - 30 -

38 certaine emphase, évoqué les quatre péchés capitaux ou les quatre crimes capitaux que

l’Australie aurait accusé le Japon d’avoir commis. Après quoi il a donné à la Cour sa réponse à ces

71
prétendues accusations . De toute évidence, les éléments de preuve existaient, mais la question

est : ceux-ci établissent-ils la norme ?

15. Avant d’en finir avec M. Lowe, j’aimerais conclure sur une remarque d’ordre

méthodologique et mettre en exergue certains points que M. Crawford vient d’aborder dans un

contexte légèrement différent. Les éléments de preuve que l’Australie a rassemblés pour étayer

cette allégation employaient les outils juridiques normalement utilisés pour établir les faits en droit

interne et international. Nous avons attiré votre attention sur des documents. Nous avons attiré

votre attention sur des comportements, y compris des omissions dans des circonstances où une

action serait attendue. Nous avons attiré votre attention sur des déclarations faites par des

dirigeants japonais et qui constituaient une preuve directe de l’état d’esprit et de l’intention des

décideurs japonais. Nous invitons la Cour à tirer les conséquences qui découlent logiquement de

tout cet ensemble de documents convaincants.

16. Bien sûr, pour des raisons évidentes, nous n’avons pas été en mesure de présenter à cette

honorable Cour certains éléments de preuve. Il n’était pas en notre pouvoir d’obliger les décideurs

japonais pertinents à fournir des éléments de preuve, ni à communiquer les documents internes

dans lesquels sont consignées leurs décisions. Cela ne signifie pas pour autant que notre argument

ne doit pas être retenu.

17. Conformément aux outils normalement employés pour établir les faits, tels qu’ils ont été

mis en évidence par la Cour dans l’affaire du Détroit de Corfou , la Cour devrait examiner

l’ensemble de documents rassemblés par l’Australie et si la conclusion naturelle et évidente qui en

découle est celle que nous avançons, et en l’absence d’éléments de preuve indiquant une

71CR 2013/16, p. 43 (Pellet).

72Détroit de Corfou (Royaume-Uni c. Albanie), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1949, p. 18 :

«En revanche, le contrôle territorial exclusif exercé par l’Etat dans les limites de ses frontières n’est pas sans
influence sur le choix des modes de preuve propres à démontrer cette connaissance. Du fait de ce contrôle exclusif, l’Etat
victime d’une violation du droit international se trouve souvent dans l’impossibilité de faire la preuve directe des faits
d’où découlerait la responsabilité. Il doit lui être permis de recourir plus largement aux présomptions de fait, aux indices
ou preuves circonstancielles (circumstantial evidence). Ces moyens de preuve indirecte sont admis dans tous les
systèmes de droit et leur usage est sanctionné par la jurisprudence internationale. On doit les considérer comme
particulièrement probants quand ils s’appuient sur une série de faits qui s’enchaînent et qui conduisent logiquement à une
même conclusion.» - 31 -

conclusion en sens contraire soumis par le Japon ce qui est le cas la Cour peut

confortablement tirer sa conclusion.

18. Alors, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, l’allégation de

l’Australie sur ce point était, nous semble-t-il, soigneusement formulée. Elle reposait sur de solides

39 éléments de preuve et nous persistons respectueusement à prier la Cour de l’examiner avec la plus

grande attention. Nous ne nous sommes pas contentés de présumer le manque de bonne foi, nous

l’avons prouvé.

Réponse à Mme Takashiba

19. J’en viens à présent au deuxième exposé, celui de Mme Takashiba, à propos duquel les

observations que je ferai se limiteront aux questions qui n’ont pas déjà été abordées par l’Australie.

Vous vous souviendrez peut-être que Mme Takashiba vous a déclaré que son exposé avait

principalement pour objet de démontrer que le Japon avait scrupuleusement respecté le

73
paragraphe 30 . Il me faut revenir un pas en arrière, à la déclaration faite par le Japon dans son

contre-mémoire, selon laquelle il prouverait qu’il avait «scrupuleusement respecté» cette

disposition. Comme vous le savez, l’un des griefs de l’Australie à l’encontre du Japon était qu’il

ressort d’une lecture simple du paragraphe 30 que le Japon est tenu de fournir au secrétaire de la

CBI ses propositions de permis avant leur délivrance et dans un délai suffisant pour permettre au

comité scientifique de les examiner et de formuler un avis à ce sujet. L’Australie a soutenu que, de

fait, cela ne s’est produit qu’en 2005 et ne s’est pas reproduit depuis.

20. Dans son contre-mémoire , le Japon a répondu que, en fournissant les détails du projet

de programme JARPA II en 2005, il s’est, à l’époque, suffisamment acquitté de ses obligations et

que, pour chacune des années suivantes, il n’était pas nécessaire de fournir d’autres propositions de

permis à l’avance.

21. Mme Takashiba a adopté ce qui pourrait être une approche différente en déclarant ce qui

suit :

73
CR 2013/15, p. 27 (Takashiba) ; CMJ, par. 8.102 iii).
74MA, par. 4.20-4.24.
75
CMJ, par. 9.37. - 32 -

«il est incontestable que le Japon n’a jamais délivré ses permis scientifiques sans avoir
au préalable donné au comité scientifique la possibilité d’examiner les projets de
permis et de formuler un avis à ce sujet bien avant l’expiration des délais, et ceci tout
au long des périodes de JARPA et JARPA II.» 76

22. Je vous invite à réfléchir à ces mots prononcés par Mme Takashiba. Si elle voulait

simplement dire ce qui l’est déjà dans le mémoire, à savoir que le fait d’avoir fourni au comité

scientifique le projet de programme JARPA II suffisait pour chacune des années suivantes, ce n’est

pas ce que l’on peut qualifier de «respect scrupuleux».

23. Si, au contraire, elle voulait dire que le Japon se conforme effectivement au

paragraphe 30 chaque année en fournissant à l’avance les propositions de permis au comité

40 scientifique, les éléments de preuve indiquent le contraire. Je vais demander qu’on vous projette à

l’écran une diapositive représentant un extrait de document que vous pourrez trouver dans son

intégralité sous l’onglet 48 de vos dossiers de plaidoiries. [Projection.] Voilà ce qui s’est passé

l’autre jour au comité scientifique, et il est tout à fait évident que les permis ne sont pas fournis et

examinés chaque année, pas plus qu’ils ne font l’objet d’un avis.

24. Le deuxième élément présenté par Mme Takashiba pour prouver que le Japon a

scrupuleusement respecté le paragraphe 30 consistait à affirmer que, par l’examen partiel et limité

de la proposition de programme JARPA II auquel il avait procédé en 2005, le comité scientifique

avait conféré au Japon l’approbation dont celui-ci avait besoin pour la période allant de 2005

à 2013 et au-delà.

25. Si vous me permettez de m’exprimer ainsi : M. Sands a ce matin contré d’un smash ce

faible lob, et marcher sur son territoire reviendrait à tenter de voler la coupe de Wimbledon au

premier vainqueur britannique de ce tournoi depuis 76 ans, ce que je me garderai bien de faire. Je

ne m’attarderai donc pas sur ce point.

26. Son troisième argument était que «[l]e Japon [était] prêt à modifier le programme, si

nécessaire, sur la base des résultats de l[’]évaluation [de 2014]» , et M. Crawford y a répondu.

76CR 2013/15, p. 30, par. 9 (Takashiba).

77CR 2013/15, p. 36, par. 27 (Takashiba). - 33 -

Réponse à M. Pellet

27. J’en viens enfin à l’exposé présenté par M. Pellet jeudi dernier. Inutile que je vous

rappelle ici le conseil précédent a attiré votre attention sur ce point qu’une grande partie de

cet exposé, qui arguait de la bonne foi du Japon, consistait à attaquer sans discernement l’Australie,

d’autres pays non désignés et d’autres scientifiques de nationalité très diverses également non
78
désignés . J’aimerais simplement répondre par les observations suivantes, et en examinant les

propos de M. Pellet à la lumière du principe de bonne foi. Comme vous l’a rappelé M. Crawford

ce matin, la décision de modifier le règlement annexé à la convention de 1946, d’introduire le

moratoire ou d’autres restrictions, et les décisions prises par la suite pour le modifier, sont prises à

la majorité des trois quarts . Tels sont les termes du contrat entre les parties. Si le Japon souhaite

que les dispositions actuelles du règlement changent, il a certaines options à sa disposition et il peut

tenter d’obtenir une majorité de 75 %. Comme toujours en cas de vote majoritaire, les Etats

contractants sont en droit de tenir compte d’un ensemble de considérations pour décider de la

manière dont ils vont voter sur les amendements. La Cour serait très lente très lente,

41 disons-nous si elle devait contester la bonne foi de nombreux pays, et non des parties à la

présente procédure, ainsi que l’y a invitée M. Pellet.

28. Deuxièmement, vous aurez remarqué que l’autre erreur juridique que Mme Boisson de

Chazournes a traitée hier était au cœur de l’attaque de M. Pellet. Le postulat de ce dernier selon

lequel la conservation et le rétablissement des populations baleinières ne peuvent jamais être plus

que de simples moyens de parvenir au but qui serait celui de la convention d’abattre le nombre

maximal viable de baleines à des fins commerciales porte à tort atteinte à cet instrument. Il ne

saurait être question de mauvaise foi ou d’écart par rapport à la convention de la part de l’Australie

ou de n’importe quel autre Etat contractant lorsqu’il s’agit de voter sur des amendements au

règlement pour exprimer sa satisfaction face à l’augmentation du nombre de baleines, notamment

eu égard à l’équité entre les générations et au principe de précaution.

78
CR 2013/16, p. 49, par. 30 (Pellet).
79Convention internationale pour la réglementation de la chasse à la baleine, art. III 2). - 34 -

29. Troisièmement, vous vous souviendrez avec quelle brutalité M. Pellet s’en est pris à

l’attitude de l’Australie et de ses chercheurs envers la CBI et la communauté scientifique en

général .

30. L’Attorney-General a répondu à cette regrettable attaque. Qu’il me soit permis d’ajouter

ceci : l’Australie et ses chercheurs ont contribué de la manière la plus précieuse et variée à la

recherche ainsi qu’à la conservation et à la gestion des baleines au sein de la CBI et ce, comme

vous le savez, en étroite collaboration avec de nombreux autres pays, dont le Japon. Cette

contribution comprend notamment le travail réalisé par l’Australie sur les méthodes non létales et

les études réalisées dans le cadre du programme d’observation SOWER, la promotion du SORP et

d’autres programmes de coopération entre Etats en matière de recherche, en application de

l’article IV de la convention de 1946, ainsi que l’a exposé M. Gales. [Projection.] Je pourrais

également faire observer que M. Pellet a oublié que l’Australie a fourni trois présidents au comité

scientifique de la CBI [onglets 56 et 57] un record qui a son importance , tout comme il

oublie que ce sont en fait les recherches d’avant-garde menées par des chercheurs australiens qui

ont conduit à l’élaboration de la RMP elle-même. L’article qui a jeté les bases de la RMP figure
81
sous l’onglet 58 de vos dossiers de plaidoiries.

31. Permettez-moi de passer sur des déclarations du conseil d’une virulence digne de

Cicéron et revenir au fond : les Parties s’accordent à présent à reconnaître que le Japon a

l’obligation «d’observer, du moins dans une certaine mesure, les lignes directrices et les résolutions

de la CBI, ainsi que les rapports du comité scientifique» , M. Pellet le reconnaît, mais il est vrai

42 peut-être pas M. Lowe. L’élément de preuve capital j’ai mentionné ceci au cours du premier

tour de plaidoiries et nous soutenons que cela n’a pas changé réside en ce que M. Pellet ne peut

pas vous indiquer un seul document ou élément de preuve démontrant que le Japon aurait

véritablement observé les recommandations de la CBI en application de l’article IV dans un

quelconque des aspects essentiels de son programme. Aucun document démontrant que le Japon

aurait envisagé de diminuer le nombre de ses captures en dehors du report temporaire de la

80
CR 2013/16, p. 40, par. 7 (Pellet).
81 William K. de la Mare, «Further Simulation Studies on Management Procedures», Rep. Int. Whal. Commn
(Special Issue 11), p. 157-169 [onglet 58].

82CR 2013/16, p. 43, par. 18 (Pellet). - 35 -

chasse à la baleine à bosse, manifestement pour des raisons politiques. Aucun document

démontrant que le Japon aurait mis en œuvre des mesures pour adopter d’autres méthodes, non

létales, ou pour étudier de telles méthodes. Aucun document démontrant que le Japon aurait

envisagé de revoir ses objectifs pour mieux les faire correspondre aux fins de recherche essentielles

définies par le comité scientifique.

32. Pour seule réponse, M. Pellet s’en est pris à l’intégrité de la CBI. Il a qualifié ces

recommandations d’ultra vires, prétendu qu’elles étaient l’œuvre d’une majorité tyrannique et

qu’elles avaient été adoptées au mépris de la grande marge d’appréciation dont disposait le Japon.

Pour notre part, au contraire, nous affirmons que le Japon devait tenir compte des intérêts des

autres parties à la convention, dont ces résolutions, adoptées conformément aux règles de vote

établies par les parties, étaient également le reflet. Nous reprenons respectueusement à notre

compte ce que la Nouvelle-Zélande vous a affirmé lundi, à propos de la teneur de cette partie de

l’obligation d’agir de bonne foi.

33. Mon exposé, cet après-midi, a porté sur les faits examinés à la lumière du principe de

bonne foi. Pour les mêmes raisons, l’Australie réitère que, si la Cour doit se prononcer sur ce

point, le Japon a exercé ses droits en s’écartant tellement des normes de la bonne foi et du caractère

raisonnable qu’il a vidé de toute substance les obligations que lui impose la convention.

Conclusion

34. Enfin, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, vous vous souviendrez

peut-être que jeudi dernier, M. Pellet a achevé son exposé sur ce thème, en vous disant que lui ou

son client, ou les deux, se sentaient plutôt amers et désabusés. Contrairement à lui, j’espère que

l’Australie est parvenue à présenter ce qu’elle avait à dire sur cette difficile, mais importante, partie

de notre argumentation présentée à titre subsidiaire d’une manière qui n’exprime pas l’amertume,

pas plus qu’elle ne la provoque.

Monsieur le président, j’arrive au terme de mon exposé. Pourrais-je vous prier de bien
43

vouloir appeler à la barre l’Attorney-General, après une courte pause, si vous le souhaitez. - 36 -

Le PRESIDENT : Je vous remercie, M. le Solicitor-General. La Cour est à présent prête à

entendre l’Attorney-General. Si vous voulez bien venir à la barre. Je donne donc la parole à

l’honorable Mark Dreyfus, Attorney-General d’Australie. Monsieur, vous avez la parole.

M. DREYFUS :

O BSERVATIONS FINALES SUR LA POSITION DE L ’A USTRALIE

1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, c’est un honneur pour moi de

vous livrer ces ultimes observations sur la position de l’Australie. Je tiens à conclure en me

tournant vers l’avenir et le règlement du présent différend, plutôt que de revenir sur les arguments

qui ont été avancés avec clarté et avec force par mes confrères tout au long de ces plaidoiries.

2. Monsieur le président, la présente affaire suscite beaucoup d’intérêt en Australie et dans

nombre d’autres pays. En m’exprimant publiquement sur cet intérêt, j’ai toujours mis un point

d’honneur à rappeler que l’Australie et le Japon étaient des pays amis. C’est en tant qu’amis que

nos deux pays en réfèrent ici à la Cour, étant tous deux très attachés à ce que leurs différends soient

réglés conformément au droit international.

3. La force avec laquelle les conseils ont plaidé devant vous fait partie de toute procédure

judiciaire, car il est important que les éléments de preuve et arguments présentés à la Cour soient

soumis à un examen rigoureux. J’espère que nos échanges vous auront finalement donné une idée

plus claire des faits et des questions juridiques dont vous êtes saisis.

4. Monsieur le président, c’est un rôle important qui incombe à la Cour en interprétant la

convention et en vérifiant si le Japon s’y est conformé. La Cour jugeant en dernier ressort des

différends juridiques entre Etats, sa décision en l’espèce aura des répercussions considérables en

droit international, en particulier dans les domaines de l’environnement et de la science. Comme

M. Crawford l’a fait observer hier, c’est la première fois que la Cour est appelée à examiner une

convention multilatérale visant la conservation d’espèces en danger.

44 5. La présente affaire offre à la Cour une occasion importante de confirmer ce qui constitue

vraiment de la recherche scientifique, et de faire en sorte que des activités ne puissent être menées

au titre d’un traité exigeant un objectif scientifique sans qu’il puisse être démontré que ces activités

ont bien un fondement scientifique objectif. En particulier, la Cour a aujourd’hui l’occasion de - 37 -

contribuer à assurer l’intégrité et l’efficacité de la convention sur la chasse à la baleine, un

instrument qui a ouvert la voie à une ère nouvelle et qui sert réellement l’intérêt des «nations du

monde». J’ajouterai que les «générations futures» auxquelles les auteurs de la convention firent

référence en 1946 sont présentes dans ce prétoire. La responsabilité qui était la leur est également

la nôtre, et nous devons reprendre le flambeau pour les générations qui nous succéderont.

6. Comme je l’ai annoncé au début, et je ne doute pas que vous en serez soulagés, je

n’entends pas résumer la longue argumentation développée par l’Australie tout au long de cette

procédure. Je me bornerai à réaffirmer combien les arguments avancés par l’Australie sur le droit

et les faits sont solides, et j’exhorte la Cour à les faire siens en accédant aux demandes spécifiques

de l’Australie dont notre agent vous donnera lecture après cet épilogue.

7. En substance, l’Australie prie respectueusement la Cour d’ordonner qu’il soit mis fin à

l’exécution de JARPA II, les baleines tuées à grande échelle dans le cadre de ce programme l’étant

à des fins commerciales, et totalement étrangères à ce qui est permis par l’article VIII de la

convention. L’Australie est évidemment consciente que l’article VIII fait partie de la convention.

Elle reconnaît également que des baleines peuvent être mises à mort à des fins scientifiques dans

certaines circonstances exceptionnelles, pour répondre à des besoins d’importance capitale, et à

condition qu’il soit satisfait aux autres exigences établies à cet égard dans la convention. De fait,

dans un document intitulé Addressing Special Permit Whaling and the Future of the IWC [la chasse
ème
à la baleine au titre d’un permis spécial et l’avenir de la CBI] qu’il a soumis en 2009 à la 61 CBI

(onglet n° 37), le Gouvernement australien reconnaissait que de telles recherches létales pouvaient

être effectuées sur les baleines, pourvu que les conditions nécessaires aient été respectées au

préalable. Dans la présente affaire, les preuves montrent de manière claire et irréfutable que ces

conditions préalables n’ont pas été respectées.

8. Nous espérons que, si elles sont ordonnées par la Cour, les mesures demandées par

l’Australie mettront un terme aux activités létales menées au titre de l’article VIII. Quoi qu’il en

soit, toute activité de recherche létale susceptible d’être entreprise à l’avenir sur la base de cet

article devra satisfaire aux critères présentés ce matin par M. Sands, qui exigent :

a) un examen de la pratique scientifique antérieure afin d’identifier une réelle lacune que la

nouvelle activité proposée permettrait de combler ; - 38 -

45 b) des éléments démontrant que la recherche envisagée répond à des besoins d’importance capitale

pour la conservation et la reconstitution des populations de baleines ;

c) des objectifs précis définissant clairement les questions (ou hypothèses) que la recherche

proposée vise à étudier et indiquant en quoi ces questions commandent le recours aux méthodes

envisagées ;

d) des éléments démontrant clairement que la mise à mort de l’animal est indispensable car la

recherche proposée ne peut être menée par aucun autre moyen, et que le nombre de mises à

mort est limité au strict nécessaire ;

e) la soumission à un examen indépendant par des pairs de toute proposition avant sa finalisation,

pendant sa mise en œuvre ainsi qu’au stade de l’évaluation des résultats ; et

f) une stricte adhésion aux procédures établies dans la convention, et en particulier au

paragraphe 30 du règlement.

9. Monsieur le président, avant de conclure, je tiens à mettre l’accent sur les conséquences

positives qu’auraient des mesures telles que celles souhaitées par l’Australie. Pareilles mesures

pourraient notamment renforcer la coopération et la collaboration entre les parties à la convention

dans le domaine de la recherche scientifique sur les baleines. Elles contribueraient ainsi à répondre

à l’objectif énoncé dans la convention — la conservation et la reconstitution des populations de

baleines —, un objectif auquel les Parties souscrivent l’une et l’autre.

10. L’article VIII pourra toujours être utilisé, à condition de l’être dûment, encore que

l’Australie demeure fermement convaincue que la meilleure façon de mener des recherches

scientifiques aux fins de la convention est d’agir de manière collective et collaborative en ayant

recours à des méthodes non létales. L’efficacité de ces méthodes non létales est parfaitement

illustrée par les activités entreprises dans le cadre du partenariat pour la recherche dans

l’océan Austral, comme la Cour a pu le constater lorsque, entre autres éléments de preuve,

l’Australie lui a présenté des opérations de marquage et de suivi par satellite de petits rorquals par

des scientifiques australiens. Aux fins de telles recherches collectives et collaboratives, la

commission et les Etats contractants devraient s’attacher davantage à favoriser la coopération sur la

base de l’article IV de la convention, qui prévoit que la commission : - 39 -

«a)[e]ncourager[a], recommander[a] et…organiser[a] des études et des enquêtes sur
les baleines et la chasse à la baleine ;

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

c) [é]tudier[a], évaluer[a] et diffuser[a] des renseignements sur les méthodes à utiliser
pour préserver et reconstituer les peuplements baleiniers».

46 11. Monsieur le président, la science et le droit international ont l’un et l’autre évolué de

manière considérable depuis 1946, lorsque la communauté des nations reconnut la nécessité de

conclure une convention contraignante pour protéger et gérer les stocks de baleines mondiaux.

Dans les décennies qui ont suivi, notre action collective nous a offert une deuxième chance

d’assurer la conservation d’espèces de baleines que l’humanité avait jadis tant chassées qu’elles

étaient sur le point de disparaître.

12. Le développement, pour les écosystèmes de l’Antarctique, de modèles appropriés et plus

détaillés qui nous permettront de mieux connaître les baleines et leur environnement constitue une

tâche monumentale qu’aucun programme de recherche national ne peut accomplir isolément. Je

puis affirmer que le Gouvernement et le peuple australiens seraient heureux de travailler en

partenariat avec d’autres pays, y compris le Japon, dans le cadre d’une nouvelle ère de recherche

scientifique non létale sur les baleines qui serait placée sous le signe de la coopération. La Cour

peut contribuer à créer les conditions propices à cette action collective, ce qui renforcera non

seulement la convention elle-même mais aussi le respect de la procédure scientifique et du droit

international.

13. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je vous remercie pour votre

attention. Je vous prie à présent de donner la parole à l’agent de l’Australie, M. Campbell, pour

qu’il vous donne lecture des conclusions finales de l’Australie.

Le PRESIDENT : Je vous remercie. Je donne à présent la parole à l’agent de l’Australie,

afin qu’il nous donne lecture des conclusions finales de son gouvernement. Vous avez la parole,

Monsieur.

M. CAMPBELL : Je vous remercie, Monsieur le président. Monsieur le président,

Mesdames et Messieurs de la Cour, c’est pour moi un privilège que de prendre la parole devant

vous pour clore les plaidoiries de l’Australie au terme de ce second tour. J’aimerais tout d’abord, - 40 -

Monsieur le président, remercier la Cour de son aimable attention et de la manière dont elle a

conduit les débats. J’aimerais en particulier la remercier, à l’instar de mon collègue M. Crawford,

d’avoir si activement participé à l’audition des experts. Les questions posées par les membres de la

Cour, aussi bien aux experts qu’aux Parties, attestent selon moi l’intérêt que porte la Cour à la

présente affaire.

J’aimerais également remercier le greffier et le personnel du Greffe pour leur aide, leur

efficacité et leur professionnalisme, qui nous ont grandement facilité la tâche devant cette Cour.

J’aimerais également saisir cette occasion pour saluer le travail des interprètes, qui ont dû non

seulement s’ajuster à la vitesse de parole de certains conseils, mais aussi jongler avec le jargon

scientifique, pour le moins ardu, utilisé au cours de l’audition des experts.

47 Enfin, j’aimerais adresser mes sincères remerciements à nos conseils et à l’ensemble de la

délégation de l’Australie pour tout le travail qu’ils ont accompli dans la présentation des arguments

de l’Australie, dans une affaire qui lui tient tout particulièrement à cœur.

Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je vais à présent donner lecture

des conclusions officielles de l’Australie. Voici les conclusions finales de l’Australie.

Conclusions finales de l’Australie

1. L’Australie prie la Cour de dire et juger qu’elle est compétente pour connaître des

demandes présentées par l’Australie.

2. L’Australie prie également la Cour de dire et juger que le fait d’autoriser et d’exécuter la

deuxième phase du programme japonais de recherche scientifique sur les baleines dans

l’Antarctique au titre d’un permis spécial (JARPA II) dans l’océan Austral constitue de la part du

Japon une violation de ses obligations internationales.

3. Plus particulièrement, la Cour est priée de dire et juger que, par son comportement, le

Japon a violé ses obligations internationales au titre de la convention internationale pour la

réglementation de la chasse à la baleine, à savoir :

a) respecter, en application du paragraphe 10 e) du règlement, la limite fixée à zéro s’agissant de

la mise à mort de baleines à des fins commerciales ; - 41 -

b) s’abstenir, en application du paragraphe 7 b) du règlement, d’entreprendre des activités de

chasse au rorqual commun à des fins commerciales dans le sanctuaire de l’océan Austral ;

c) respecter, en application du paragraphe 10 d) du règlement, le moratoire interdisant la capture,

la mise à mort ou le traitement des baleines, à l’exception des petits rorquals, par des usines

flottantes ou des navires baleiniers rattachés à ces usines flottantes ; et

d) satisfaire aux exigences énoncées au paragraphe 30 du règlement.

4. La Cour est également priée de dire et juger que le programme JARPA II n’est pas un

programme mené en vue de recherches scientifiques au sens de l’article VIII de la convention

internationale pour la réglementation de la chasse à la baleine.

5. La Cour est en outre priée de dire et juger que le Japon doit :

a) s’abstenir d’autoriser ou d’exécuter toute activité de chasse à la baleine au titre d’un permis

spécial qui ne serait pas menée en vue de recherches scientifiques au sens de l’article VIII ;

48 b) mettre fin, avec effet immédiat, à l’exécution du programme JARPA II ; et

c) révoquer tout permis, autorisation ou licence permettant la mise en œuvre du

programme JARPA II.

Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, voilà qui met fin aux conclusions

orales de l’Australie en la présente affaire. Je vous remercie Monsieur le président, Mesdames et

Messieurs de la Cour.

Le PRESIDENT : Je vous remercie, M. Campbell. La Cour prend acte des conclusions

finales dont vous venez de donner lecture au nom de l’Australie. La Cour se réunira de nouveau le

lundi 15 juillet, à 10 heures, pour entendre le début du second tour de plaidoiries du Japon.

L’audience est levée.

L’audience est levée à 16 h 40.

___________

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