Non-Corrigé ~raduction
Uncorrected Translation
CR2000112 (traduction)
CR2000112 (translation)
Vendredi9juin2000
Friday9June2000008 The PRESIDENT: Please be seated. The sitting is open and I give the fioor to
Mr JanPaulssononbehalfofthe StateofBahrein.
Mr PAULSSON:Merci,Monsieurleprésident.
LES ÉVÉNEMENTD SESANNÉESTRENTEETLEURCONTEXTE
33. Hier, Bahreeina indiquéà la Courque Qatar est le produit de l'expansionnisme edtu
regroupement,que son expansion àZubaraha été illégaleet que,vers les îles Hawar,l'expansion
n'a tout simplementjamaiseu lieu. Le problèmede Qatar est qu'il revendiquela souveraineté
temtoriale sur des zones contestées qui,Qatar le reconnaît, ontautrefois appartenuà Bahreïn
sans- semble-t-i- êtreà mêmede montrercommentet quand il aurait supplantéBahreein en
tantquesouverain.
34. Qatar est certainement trèsconscient de cette difficultéconsidérableque soulèvesa
thèse. Ses conseillers ont sans aucun doute recherché partout des événem denttsils pourraient
faire étatcommeconstitutifsdesouveraineté.
35. Ainsi que nous l'avons découvert pendanctes audiences, Qatar met maintenantses
espoirsdanslaconventionanglo-ottomanede 191 3 quin'ajamais été ratifiée. Malgré celaf,alt,
selon lui,considérerque ce texte exprimece que pensaientles Britanniqueset les Ottomansà
l'époque))(CR 200015, p.58, par. 67). Cequi plaît à Qatar dans ce texte, c'est que, selon
l'article11 «il est entendu entreles deux gouvernementsque la presqu'île sera,commepar le
passé,gouvernée par le cheikhDjassim-bin-Samiet par ses successeurs». Qatara fait figurerle
textede cetteconvention nonratifiéedansson dossier desjuges. Bahreïna déjàmontrécomment
cetraité atrésviteétabandonné (voirparexemple le contre-mémoird eeBahreeïn,ar. 123-127).
36. Ensuite,pour tenter de donner un peu de vie à cette conventionnon ratifiée,Qatara
soulignéqu'une convention anglo-turqueultérieure (datant1d9e14- l'annéesuivante(mémoire
*
deQatar,par. 11.45)- a été effectivementratifiéeet a allégquel'articlIIIde cette convention
comportaituneréférence explicità l'article11de l'instnunentnonratifié.Euégard à la présence - : ,
b
dedeuxtraités, donlt'un état ort-né alorquel'autre estentréenvigueur,onaurait pus'attendre
à ce que Qatar soit encore plus content de faire figurer la convention ratifiéede 1914 dans le
dossier desjuges.Or, il ne l'apas fait. La Cour verra quele texte de 1914se bornait àaffirmerque la délimitation dela frontièresud de Qatar se ferait «en conformitéde l'article11 de la
convention anglo-ottomane»de 1913. En d'autres termes, le texte de 1913 dit deux choses :
«presqu'île»et ((frontièrsud» alors quele texte de 1914dit seulementque la ((frontièresud» se
fera«en conformité du textede 1913»,et Qatar veut maintenantnous faire croireque le document
de 1914a confié les deuxchoses. Iln'y a dans la conventionratifiéede 1914rien qui permette
de dire qu'ellecomporteunereconnaissancede l'autoritédesAl-Thanisurune presqu'îlede Qatar
unitaire; cettenotion n'a pas survécu à la non-ratification du document de1913 et il est très
manifeste qu'ellen'a pas été ressuscitée parconventionde 1914. Ilsemblequenous devons être
trèsrigoureuxlorsquenousexaminonsles relationsalléguéesentre documentshistoriques.
37. Qatar n'est pas plus convaincant lorsqu'il décrit l'accord de 1916 entre la
Grande-Bretagneet le ((cheikhdeQatam. Il faitvaloirquece
((traiténe définitpas expressémentle territoire de Qatar mais la définitionest
implicite: le traité aétésigné trois ans seulementaprès la convention de 1913,
laquelle indiquait expressément que toute la presqu'île était gouvernée par les
Al-Thmi» (CR 200015,p. 59,par. 75).
Lemot «doute»est ajoutépar Qatar.
38. En d'autrestermes,ou c'est du moins ce queQatar donne à entendre, l'accordde 1916
avec le cheikhde Qatar doit avoir unsens qui va au-delàde ses termesparce qu'unedes partiesà
cet accordavaitparticipéaux négociations relativeà un autre document qui,s'il avait étratifié,
auraitpu comporterce que Qataraurait vouluvoir dans cetaccord. Point n'est besoin de réfuter
pareilargument.
39. Incidemment,le cheikhAbdullahAl-Thanilui-même a déclaréen 1934que le traitéde
1916 <aiyenglobepas l'intérieurmais uniquement le littoral)).ela, ainsi qu'un grand nombre
d'autres élémentd se preuve contredisantl'aff'ïrmationde Qatar selon laquellel'intégride son
territoireenglobanttoute la presqu'îleétaitbien établieen 1930,figure dans le contre-mémoirede
Bahreein(par.128et suiv.,voir aussilarépliquedeBahreeinp,ar. 263).
40. Qatar a également cherché à impressionnerla Cour en se référant à des documents
administratifsottomans qui donnent à penser que toute la presqu'île de Qatar formaitune seule
entité souscontrôle ottoman.Maisil estbienarrivé àl'Iraqde déclarer,iln'y a pas longtemps,que
le Koweïtétaitune de ses provinces,et d'ailleursIrana décrit Bahreïnjusqu'en 197c0 ommeunede ses provinces. Maisdire une chosene suffitpas à faire en sorte qu'elle soit. Bahreïn a cité
jusqu'à dix casoùdes fonctionnairesottomansont constaté et admq isueleur autoritétaitlimitéeà
lavillede Doha,y comprisun rapport de1913du conseil des ministres ottomanrecommandan dte ,
mettre «un termeauxeffortsdéployés ev nainpourimposer notre souveraineté dan ls péninsulede
Qatan>(répliquede Bahreïn,par. 244).
41. Qatar ne cesse de considérerque le terme «Qatam, chaque fois qu'il figure dans un
document historique,se réfereà la totalité dela presqu'île, sans tenircompte du contexte, qui
montresouventquel'auteur ou lesauteursn'avaientpasl'intentionde se référer àdesendroitsqui
nesontpas situésàproximitédeDoha,ou àdes lieuxsetrouvantau-delà delacôte est de Qatar,ou
encoreau-delàdesterritoiressur lesquelsles Al-Thani exerçaientun contrôle- quelsqu'ilsaient
pu êtreàl'époque.Qatarse fondeuniquementsur l'emploid'un mot,définicommeil le souhaite,
pourrépondre àla question même qui est posée;c'est unepétition deprincipe,quin'apporterien
aurèglementd'undifférend.Le fait est qu'on nese souciaitpas beaucoupde savoirqui contrôlait
cetteterre vide etbrûlée parle sole-l dumoinsjusqu'aujour oùon apenséqu'il pourraityavoir
deriches gisements minéraux sousle sable. Quant à l'intérêt singulièrementpassioq nunésuscite
pourQatar la demandeformuléeunefoispar les Britanniques au cheikh Abdullahbin Than i'une
autorisation de survol de sonterritoire,il est bien évidentque ce n'estpas du toutcela qui définit
sonterritoire. Le faitquecette autorisationn'apas étdemandée àBahre'inn'a absolumentriende
remarquable :les avionsvenaientdeBahreein.
42. Quelquesmots surles origines des agglomérationssituées aux environsD deha.
43. En 1845,uneétudebritanniquedes (aivesarabesdu golfe Persique))n'a mentionnéque
troislocalitéssurla côteest dela presqu'île. Premièrement,Biddah(Doha) :une<cville»comptant
((environtrois centsmaisons ...un lieudes plusmisérables :pas un brin d'herbe nide végétation
d'aucune sorte dans les environs». Deuxièmement,Wu. :une «ville» d'«environdeux cent
I
cinquante maisons». TroisièmemenA t,deed :aucune estimationdu nombre d'habitations mau ine
C
brèvedescriptionqui s'achèvecommesuit : (Il serait difficile de choisirun site plus misérable,
désolé et stériledansl'ensembleduGolfe.))(Mémoire deBahreïn,annexe 6,vol.2,p. 0090-0091.) 44. Lorimer a donné pou Qatar, en 1915, le chiffre de vingt-sept mille habitants
(R.S.Zahlan, The Creation of Qatar, p. 119). Maisc'étaità l'apogée dela pêche deshuîtres
perlières et, selon le rapport rédigéen 1933 par un agent politique, il s'agissait d'une
((surestimation))résultante l'émigrationa Bahreïn (dossier Archives deQatar 5.15). Si nous
extrapolonsa partir d'un rapportdurésidentpolitique qui s'estreàdQataren 1941(mémoirede
Bahreïn,annexe 296, vol. 5, p.1205),le chiffre dedixmille habitantspourrait être exact.Mais
mêmes'il y en avaiteu vingtmille, Qatar aurait encore étévirtuellementvide :moins de deux
habitantsparkilomètre carré.
45.Mêmeaujourd'hui, Qatar estun despaysles moinspeuplés dumonde. Et celabienqu'il
O 1 1 ait le plus fort pourcentaged'étrangersde tous les p-ys70 % des habitants sont desétrangers,
selonThe EconomistIntelligenceUnit (1999-2000CountryProfile, annexe 10, p. 96, documents
supplémentaires de Bahreïn soumisle 1" mars 2000). Il n'y aaujourd'hui,selon la mêmesource,
pas plusde centsoixantemillecitoyensqatariens.
46.Permettez-moid'appelervotre attentionsur la répartitiactuellede lapopulation,selon
les statistiquespubliéespar l'officecentralde statistiquedeQatar,que vous trouverezaussidans
vos dossiers(no15,1995).
47. Sir Eli Lauterpacht abordera la quesgénéraldees cartesla semaineprochaineetje ne
veux pasanticiper surce qu'il dira. Maisil y an point de l'exposé faitla semainedernièrepar
monsavant amiM.Bundyquiappelleici desobservations. C'estcelui dela carte ottomaneétablie
par le capitaineIzzet. Je suis très contentque M.Bundyse soitarrêté si longtemps crettecarte
parcequ'elle confortelathèse deBahreïn.
48. Voici la carte. Vous vous souviendrezque M. Bundy a longuementdéveloppé l'idée
qu'il étaiitllogiquede tirer des conclusions dufait qu'aussibien Bahreïn que les îlesHawarsont
coloriés enbleu parcequ'ily abeaucoupd'autreszones quile sont également. En fait,M.Bundy
nous a critiqués,parlant d'une façon presque menaçanted'un ((problèmebeaucoup plus grave))
(CR2000/7,p. 20, par.56),au motifqueBahreïnn'avait pasproduitles parties nord delacarte du
capitaineIzzet couvrantle Koweït,l'Iraq et d'autres territoires, qu'on voyait aussi surcette
partie de la carte des taches bleues qui ne pouvaient évidemmenptas représenterun temtoire
bahreïnite. 49. Je suis heureux d'avoir l'occasionde manifester mon accordavecnos opposants. Si
nousavionsaffirméquela cartedu capitaineIzzetcorrespondaitàune tentativedélibérdedéfinir
desfrontièrespolitiques, nousaurionseffectivementeutort. Mais. Bundya fait dire àBahreïn
ceque celui-ci n'apas dit en déclarqu'il(cprétenquecommel'îleprincipalede Bahreïnaussi
bien que les îles Hawar y sontreprésentéese la mêmecouleur bleue, le capitaine Izzetdevait
considérerquecesîles faisaientpartiedehreïm. Pourautantqueje le sache,Bahreeinn'a jamais
employéle mot «bleu» à cet effet. Ce que Bahreïn voulaitfaire, c'était fournir le meilleur
témoignage possible sulra réalitéuerrain. Rappelez-vousque les Ottomansontpris le contrôle
deDoha en 1871. Le capitaine Izzeta établicette carteen 1878. Je soutiensque c'estune carte
plus intéressante que celles établisar des Italiens ou des Australiens, dansleurs lointains
bureaux. Dans lazone qui nous intéress,ixnoms seulementsont donnés :île de Bahreïn, îlede
Hawar, Zubarah, Ras Maroon (zone de Ras Laffan), collinesde Biddah, puis, dans le coin
sud-est.. Qatar. C'est, permettez-moide le dire, entièrementcompatible avec la version
O 1 2 bahreïnitede l'histoire. Encoreque Bahreïnaurait volontierscommuniquéàQatarla moitiénord
de la carted'Izzet si seulement Qatarle lui avait demandé. Qatar a fort bien fait d'envoyer
quelqu'un vérifielra cartetanbul;voiciau moins un documentottomansurlequella Cour peut
s'appuyer.
50. On peutjouer àl'infîniavec lescartes. Qatara décrété quceellesproduites entre1870
et 1939sont les seulesqui soient pertinentes.Maishreeïnpourrait direqu'il faudrait selimiter
aux cartes des années1850parce que cette périodeest antérieureau premier conflit entre les
Al-Khalifahet les Al-Thani. Bahreeïpourrait faireobserverque Qatar n'apas fourniune seule
cartedatant de cette décennie. je pourrais appelervotre attention sur cettecarte écossaisede
1850 où,commevous le voyez, lapresqu'îlede Qatarne figurepas, ou surcette cartebritannique
de 1852-là nonpluspas deQatardutout - et, enfin,surune autre cartebritanniquede 1853,et
conclureque pour les années 1850, cequ'on appelle les((élémentdse preuve cartographiques))
démontrede façon((écrasante)e)tnon controversée quleapresqu'îlede Qatarn'existaitmême pas.
51. Ces trois cartes proviennent d'unseul ouvrage,intituléhe Gulf inHistorie Maps,
magnifiquement présentéet publié en1996. Je ne le soumetspas commeélémend te preuve,je
seraisextrêmementsurprissi quelqu'umnedemandaitdelefaire. Ce queje veuxdire,c'estqu'ily a des dizainesd'atlaset des milliersde cartes. Inonderla Courde cartesnon concluantesest à la
portéeden'importe qui.
52. Ilseraitcertes absurdede considérer que ces trois cartes prouventla non-existencede la
presqu'île de Qatar mais elles attestent une chose beaucoupplus simple : en ce temps-là cette
presqu'îleétait aisément oubliéD e.u sableàperte de vue etpresque aucunêtre humain.
53. Qatarn'est guèreoubliéaujourd'hui :c'est, d'après le revenu parabitant,un desdeux
ou trois pays les plus riches du monde; il a le privilège enviable d'avoir les moyens financire
toute initiativequel'argentpeut permettre.
54. Mais nous essayons pour l'instant de nous remémore lr débutdes annéestrente. A
l'époque, Qatar étaitun endroit marquépar une (pauvretéextrême))e,n raison notammentde la
quasi-disparition du marché des perles, qua i également touché Bahreein(voir le mémoirede
Bahreïn,par.377 à379).
55. La pauvreté avait poureffet de fragiliser le régimedes Al-Thani. En mai 1937,le
capitaineHickinbotham, l'agent politique britanniquen,otaitce quisuit:
«Mon impression générale est qule a position du cheikhde Qatar s'affaiblitde
jour enjour par des défectionsn, on seulement de notablesqui lui sontétrangersmais
aussi de membres desapropre famille. Très bientôt,il ne sera plus dans une position
suffisamment forte pour imposer ses conditions, quelles qu'elles soient,et selon
certaines rumeurs il craindrait mêmetous les jours pour sa vie.» (Mémoirede
Bahreïn,par. 278.)
013 56. Le capitaineHickinbothamsignale qu'undes neveuxmêmesdu cheikh Abdullahs'était
récemmentenfui la nuit des quartiers du cheikh Abdullah à Doha accompagnéde quelques
partisans pour rejoindre les Nairn. Quatre véhicules et30 hommes armésfurent lancés à sa
poursuite. Leneveu Al-Thanine put s'échappeq ru'après avoir blessésonproprepère - Nasir,le
fièredu cheikh Abdullah - d'uneballe dans l'épaule.Le neveu du souverainne quittaitpas la
péninsulede Qatar; il quittait le territoire du cheikh Abdullah pour rejoindreles Naim. La
conclusion est claire: la souverainetédu cheikh Abdullahne s'étendait pasà la totalité dela
péninsulede Qatar.
57. Il ressort clairement du rapport de Hickinbotham que la raison pour laquelle le
cheikh Abdullahne souhaitait pasque des personnes s'échappent pour se placer sousjuridiction
bahreïniteétaitqu'il tenaitbeaucoup àpercevoirdesimpôts versés par sespartisans.C'estlaraisonpour laquelle,peu après,il attaquaZubarah - cinq semainesaprèsle rapportde Hickinbotham -
maisje reviendraien temps voulusurcet événement.
'
58. M. Weightman (quiallaitdevenirparla suite sirHughWeightman),l'agentpolitiquequi
remplaça Hickinbotham, confirmeles difficultés du cheikh Al-Thani. Dans son rapport annuel
pour 1939, que vous trouverezà la page 1190 du volume5 du mémoirede Bahreïn (envous
référanttoujours, si vous le consultez, auxchiffies en grandsaractèresqui figurentau bas de la
page,-parfois on trouve plusieurs numéros :le numéro originalet le numérod'ordre - ce sont
toujours les grands chiffies du bas de la page qu'il faut retenir),Weightman évoquele
mécontentement provoqué au sein d lepopulationqatariennepar la pauvretéet aussi,comme ille
dit, «parle souverain[le cheikh Abdullah] et parla cupiditéde son filsAhmed...Ni l'unni l'autre
ne comprend que ..la génération montant e..ne peut plus êtretrompéeni réprimée.)) Et
Weightman ajoute danscerapportque lesmembresdestribussonttentésd'émigrer àBahreein eten
Arabie saouditeparce que le cheikhrefusedepartagerl'argentdu pétrole.D'ailleurs,il relèveque
le cheikhNassir bin Jasim,un desfièresducheikhAbdullah,
«a pris l'initiativede parlersansdétoursau souverainet de l'avertirquesa pingrerie et
la politique qu'ilpratiquaitvis-à-visde l'emploidans la sociétpétrolièreétaienten
train de lui coûterle soutiendesmembresdestribus dontil avaitpourtantbesoin pour
assurerson contrôlesurQatam(mémoiredeBahreeïnv ,ol.5,p. 1190).
59. Toutefois,au lieu de partager les revenus,le fils du souverainmit en placeun système
visantàempêcherpalra forcel'émigration vers Bahreïn.
60. Mais le problème était plus gravq eue ne l'étaitcette déperditionde population sous
l'effet de l'émigration. D'aprèlsmême rapport,le mécontentement s'était également empd ars
partisans des Al-Thani «à Doha mêmeet gagnaitjusqu'à certainsgardes du corps du [cheikh
Abdullah] et de larges couchesdes tribus purement qatariennes ..qui allaient jusqu'à menacer
ouvertement deretirer leur soutien aux cheikhsde Qatar et de rejoindre Bahreeïnou Ibn Saud)).
Voustrouverezcepassage au tout premier paragraphe durapport, toujour slapage 1190.
61. La menace n'auraitpu être plusgrave. Comme Qatar l'asouvent rappeléà la Cour, il
1
s'agissaitd'unerégion etd'unecultureoù les allégeances concernaienltes souverains plutôtquele
territoire. Nous constatonsdoncqu'en 1939,lapopulation de Dohasedemandesi ellene feraitpas mieux de s'attacherauxAl-KhalifadeBahreeinouàl'Arabiesaoudite. Si elle l'avaitfait, c'eûtétla
fin du régimedes Al-ThanietQatarcommetel auraitfortbienpune plus exister aujourd'hui.
62. Jemepermetsderépéteq rueje viensdeparler dela situationentre1937et1939. Qatara
en effet, danssoncontre-mémoirea ,dmistrèsjustementque ce n'estquepeu après1945que Qatar
est devenu unEtatexerçantson contrôlesur l'intégraliéelapéninsule.
63. Si nousjetons aujourd'huiun coup d'Œil enarrière,Bahre-ïnestime qu'ilfaut féliciterle
peuplede Qatarpour sesprogrès étonnants. Lf eait qu'ilsaientéaccomplis ensipeu de tempsles
rend d'autant plus impressionnants. Ces dernières annéteos,tefois,leGouvernementde Qatar a
agi comme s'ilvoulait récrire l'histoic,omme s'ilne voulait pas admettreà quel point et à quel
rythme le pays s'estdéveloppé.D'oùles dificultésqu'éprouve tout observateuorbjectif qui veut
comprendrele passé. Le sujet paraitsensible etje me borneraidonc àciter sans le commenterun
passaged'unouvrage deJ. B. Kelly. Jetiens àsoulignerqueje n'aurais pasfait cette citationn'eût
été lefait que M. Kelly est un expert sur lequel s'appuie Qatar lui-même (mémoid e Qatar,
par. 5.20) pource qui est de l'histoire dela région. Voici ce quM.crKelly,un peu brutalement
peut-être, dansnouvrage publié en 1980 :
«les Qatariensse sont dotés récemmen dt'unehistoire et d'uneculture indigène,àun
degré élevpéour lesdeux. Letémoinparexcellencede cetteentrepriseparticulièreest
un «muséenational)),situédans l'ancien palais (de1920 environ) du souverain à
Dauhah [Doha]. Inspirésen grande partie par un cabinet de relations publiques à
Londres, l'équipemenett la décorationdu musée ont coûtéplusieursmillionse,n dépit
-ou peut-êtreàcause - d'unelimitationfondamentale :ily avaittrèspeude choses
à y mettre.. Ce que l'onpeut reprocher à ces déploiements derelations publiques
réaliséasunom du régime qatarienc ,'estqu'ilsparticipentde la falsificationpassé
historique deprèsde deuxsiècles,en ce quiconcernenotammentla nature etla durée
des liens entre Bahreïn et Qatar... » (J.B. Kelly, Arabia, thGulf and the West,
(1980), p. 191. Contre-mémoirede Bahreïn, vol.2, p. 267-370.) [Traductiondu
Greffe-]
0-5 64.Chaquefois que l'onsacrifie l'exactitude historique, voirle'exactitudedémographiqu,à
tel ou tel autre objectif de politique gouvernementale sur lequel Bahreïns'abstiendra de toute
conjecture, il devient, de toute évidence, diffiee reconstituer les détailsdu passé. Mais du
moins pouvons-noussansrisquerdenous tromper résumercommesuit les réponses à la première
sériede questions:CommentétaitBahreïn ? (Voustrouverez égalemenc tesréponses dans votre dossier.)
- c'était un archipeslituédansun endroit stratégique, peupdepuisplusieurs milliersd'annéeet
dotéd'uneagricultureet d'uncommerce florissants;
- Zubarahfaisaitencorepartie de Bahreïn;
- c'était un Etat donlta dynastie au pouvoir remontaitàla fin duXVIII%iècle;
- c'était l'endroitù le pétrole fut découverp tour la première foisdu côtéarabe du Golfe
(en 1932), découvertequi fut suivie pour Bahreïn d'une brèvepériodede prospérité sans
précédent (((sesrues étaient pavées'on>quifaisait l'enviedesesvoisins.
Commentétait Qatar ?
- un pays trèspeu peupléen 1930(comptantpeut-être 10000 habitants,peut-être ldeouble, tout
auplus);
- la très grande majoritéde cette population vivaità Doha et à proximité(non compris les
partisansde BahreeinàZubarah, au nombredequelques milliers peut-être avan letur expulsion);
- des pêcheursde poissons et des pêcheurs de perles, et non deshommes du déserthabituésà
traverserlesétendues désertiques oàumême dele faire;
- désespérémentpauvre;
- unproblèmed'émigration;
- régimeinstabledesAl-Thani;
- Qatar lui-mêmea reconnu que, jusque peu après1945, ce n'était pas un Etat moderne; la
dominationdesAl-Thani ne cessaitde s'étendre puisde serétrécir, en fonctionde l'allégeance
fluctuantedesautrestribus;
- le traitéanglo-ottomande 1913 n'ajamais été ratifiéle traitéanglo-turc de 1914 n'a pas
confirmé ladomination desAl-Thani sur l'ensemblede la péninsule;il s'agissaitd'unEtat in
statunascendi.
J'en arriveàma deuxièmesériedequestions,quiestbeaucouppluscourte : II.ZUBARAH
Quelsétaientlesliensentre Bahreïnetla région deZubarah?
65. Comme vous le savez, les Al-Khalifaont quitté dansles années1760 ce qui est
aujourd'huile Koweït et se sont installésà Zubarah, qui devint rapidementflorissante grâceà la
richesse de soncommerceet de la pêchedesperles. Quelques décenniep slustard, les Al-Khalifa
déplacent le siègde leur gouvernementvers les îles de Bahreïn,mais continuentde régner sur
Zubarah(mémoire de Bahreïn, p. 104à 112).
66. Toutau long duXIXesiècleet au début duXX", lenord-ouestdelapéninsuledeQataret
Zubarahenparticulierétaientpeuplédse membresd'uneconfédératiotn ribaledirigéepar lesNaim,
partisansdesAl-Khalifade Bahreïn.
67. Quelssontles élémentdsepreuve dont disposela Cour?
68. Le capitaineGeorge Brucks a réalisune étudependanthuit ans, de 1821 à 1829,soit
dansla toute premièrepériode etunsiècleavantles événementdsesannéestrente.
69. Voustrouverezun extraitdurapportdeBruckssousla cote 6de votredossierd'audience.
70. Ce quedit le capitaineBrucks au sujetde Zubarahsetrouvà la page 100. Il a constaté
que les habitants étaientdes sujets deBahreeïn;en réalité,il écritque tous les villages de
Ras Rakkan àZubarahrelevaientdeBahreeïn.
71. Les Naim, qui habitaient la région de Zubarah,et les Al-Khalifa entretenaient des
relationsutilesaux deux parties. D'unepart, cette relationpermettait aux Al-Khalifa deconserver
le contrôle sur leurs territoires dans la péninsule. D'autrepart, elle permettait aux Naim de
consoliderleur positionde chef de la confédératide tribus dansle nord dela péninsule. Les
Naim payaient desimpôts et fournissaient desservicesau souverain deBahremq,ui les respectait
et les soutenait.Les archives publiques donnent beaucoupde preuves de cette relation. Par
exemple,en 1880,le cheikh JasimdeDohaécrivaitau résident politique eteplaignaitdecequele
cheikh Isale souverainde Bahreïn, «[ait] conservédes amis a Fueyrat [nord de Qatar] et leur
envoie les Naim et s'il [le souverain de Bahreïn] permetaux Naim de rester à Fueyrat et de
provoquerdes désordres à Qatar, ceux-ci necesserontpas» (contre-mémoiredeBahreïn,par. 53).LaCourtrouvera20autresexemplesdecetterelation entre Bahreïnet lesNaimdanslaréplique de
Bahreïn(par. 234).
72. Entre 1874et 1903, lesOttomans etlou les cheikhs de Doha tentent par six fois des
percéesexpansionnistesdans la régionde Zubarah. Ces attaquesont été décriteset attestéesde
façondétaillée(mémoire de Bahreïn, sectio2n.7); aucunene fut couronnée de succès; l'iempire
ottomanni les cheikhs de Dohan'étendirenlteur autoritéà la région de Zubarajusqu'àl'attaque
de 1937,àlaquelleje reviendrai touàl'heure.
73.Pendanttout ce temps,lesrelationsentrelesAl-Khalifaet lesNairnssont restées étroites.
Les Naim avaient coutume dese déplacer entre la régionde Zubarahet les îles de Bahreïn. De
nombreusesfamillesNaimpossédaientune maison àla fois àZubarahet sur les îles de Bahreïn.
Un historiendécritla migration saisonnièdes Nairnqui a lieupar bateau: «de Zubarah àJau et
Askarsur la côte ouest de Bahreïn, ellese déroulaitavecles familles,les petits animaux, voire les
chameauxet, dansune moindremesure,les chevaux)) (KlausFerdinand, Bedouin of Qatar, p. 41
(1993). Mémoirede Bahreïn, vol.4, annexe232, p. 1013. Voiraussi le mémoirede Bahreïn,
section2.1)
74. De mêmed , es habitantsdesîles principalesde Bahreïnse rendaientubarah,comme
onl'expliquedans les écritursmémoire de Bahreïn,par.228).
75.En 1948,Belgraveécrivait
«Certainsdes Khalifahhabitaientà demeureàZubarahet ses environs, venant
de Bahreeinpour des visites, et un an environ avantmon arrivée[1926],un certain
cheikhIbrahim bin Khalid Al-Khalifah a étébanni à Zubarah sur ordre du
cheikhHarned ...Il y a vécujusquevers 1926,dateàlaquelleil fut autoriàrevenir
àBahreein... Pour autantqueje sache,il n'ya paseu, de 191à 1937,de conflit avec
la populationbahreeinitvivant dansla régionde Zubarah.~ (Mémoirede Bahrein,
par. 228.)
Quelsétaientles liens entre Qataretla régionde Zubarah ?
76. Qu'en est-il des liens entre Qataret la régionde Zubarah? Quelles preuves Qatar
soumet-il? Les événementisnvoqués parQatar commepreuve de l'autoritédes Al-Thani sur
Zubarahse révèlentq , uand onles analysede près,n'être ried'autre quedes incidentsisolésaucoursdesquels des tribus étaient envoyée àsZubarahpar les Ottomanset par lesAl-Thani lorsde
l'uneoul'autredeleurstentativesinhctueuses d'yimposerleurautorité.
77. Faute de mieux [en fiançais dans l'original], Qatarcontinue de désigner cesincidents
commedes exemplesde l'exercicede son autorité sur Zubarah.Le professeur Davidrappellepar
exemple que, en 1895,les Britanniques ont détruituneflotillede bateauxdes Al-ThaniàZubarah.
Il poursuit en soutenant que Qatar n'a pas trouvé de documents à l'appui de l'affirmation de
Bahreïn selon laquelle cette mesure avait été entreprisdans l'intention de protéger letitre du
souverainde Bahreeïnsur Zubarah(CR200019,p. 14,par. 26). M. David laisse entendreque cet
actedécoulaiten fait dela volontéd'assurerla sécuritde l'îleprincipaledeBahreeïn.
78. Ce commentaire traduitune piètreconnaissancedes documentshistoriques. Aprèsla
destructionpar les Britanniquesdesboutresdes Al-Thani, les conditions poséelorsde la reddition
prévoyaient notammenq tueles tribusdes Al-Thaniayant servi à attaquerZubarahse dispersentet
queneufbateauxappartenant aupeuple de Bahreeïnsoientrendus. En 1895,lecapitainePellyécrit
àun fonctionnaireturc :
«Ayant appris que vous vous êtes emparéd se neuf navires appartenant au
cheikh de Bahreïn, qui entretient des relations d'amitié avec leGouvernement
britannique, et Zubarah étantune ville qui lui appartient, et lesbin Ali étantses
sujets...» (MémoiredeBahreïn, vol. 2, annexe59,p. 0265.)
79. Un rapport turc surZubarahdatantde 1897indique :«LaGrande-Bretagnedéclare que
Zubarah se trouve sous le contrôle de Bahreeinet donc, selon elle, sous protection britannique.»
(Mémoire de Bahreïn, annexe63a), vol.2, p. 269.)
80. En 1933,l'agent politique britanniqrapporteque :
«les prospecteurs de la Anglo-Persian Oil Company Limited à Qatar sont venus
inspecter des lieuxoù le souverain de Qatarn'avait aucundroit de les laisseraller et
que les gens deBahreeïnfréquentent encorede nosjours pendant l'étéd;e fait, il a été
dit que l'annéedernière encore(1932),le souverainde Qataradmettaiten public que
certains secteurs de la côteqatariennerelevaient de Bahrein» (contre-mémoirede
Bahreïn,par.215).
81. En 1932, des fonctionnaires britanniquesont conclu que s'ils ne parvenaientpas à
obtenir du cheikh Al-Thani le droit d'attenir en cas d'urgence sur son territoiàeproximitéde
Doha,la Grande-Bretagne,qui avaitdéjàobtenude Bahreeïn l'autorisationd'attenir surle temtoire
de ce dernier, établiraitalors des installations d'atterrissageen cas d'urgence Zubarah ou àDohatFaisalch,àunetrentainede millesau sud deZubarah(répliquedeBahreïn,par.265-266). Le
résidentpolitique précise que lesdeux endroits «sont près de Bahreïm)(télégramme décodé du
résidentpolitique au secrétaire'Etatpour les Indes, 18août 1932,réplique deBahreïn,annexe1)
et propose deux «sites de substitution». Les Britanniquesont donc admis que l'autorisation des
Al-Thanide Doha n'étaitpas nécessairepour atterrirau nord de la côte ouest de Qatar, puisqu'il
s'agissaitd'unterritoireahreiïnite.
82. Le professeur Davida illustréles difficultésque peuvent rencontrer les étrangern,on
seulementpour identifier les subdivisionsentre lesdifférentes unités et sous-unités tribales, mais
égalementpour suivre le cours des allégeances éphémère etsfluctuantes de ces tribus dans le
temps, en particulier en ce qui concerne des populationsqui ne disposaientpas d'archives. Sa
démonstration est plutôt convaincante.
83. Ce que la Cour doit retenirnéanmoins,c'estque le professeurDavidn'a montréqu'une
facedel'histoire. Il a entreprisde contesterle titredeBahree,n secachant apparemmentderrière
la thèsede Qatar, qui soutient avoirinstantanément exercésa souverainetéd'une côte à l'autreà
partirde 1868. Mais qu'en est-ildutitresurZubarahdont Qatarsedote ?
84. Je vais vous dire ce qu'il en est: si les moyens présentés par Bahreeïnsouffrent de
quelquesfaiblesses, ceux de Qatar sont impossibles à défendre à moins d'admettrela notionde
frontièrenaturelle intrinsèqueet instantanée.Il n'existeaucune preuved'allégeanceà Qatardans
larégionde Zubarah avantl'agressiondesAl-Thani en 1937.
85. Il faut bien qu'il y ait un commencement. Heureusement,il y en a un, et la Courpeut
constaterque les partiessontd'accordsurcepoint. Commesir ElihuLauterpachtl'arappeléhierà
la Cour, Qatar a admis, au paragraphe5 de la requêtequ'il a introduite auprèsde la Cour en
juillet 1995,que«[j]usqulen1868,lapéninsule de Qatar fut considérp éaer les Britanniquescomme
une dépendancede Bahreeh>. Ainsi, sans discuterde ce qui s'est produit parla suite, on peut
commencerpar affirmeravec certitudeque,toutaumoinsjusqu'en 1868,ily aunanimitésurle fait
que la péninsulede Qatarétaittout entièresoumise à la souveraineté de Bahreïny, comprisbien
évidemmentlarégion de Zubarah. 86.Au cŒurmême de la thèsede Qatar,il y a une grandelacune ence qui concerneà la fois
Zubarah et les îles Hawar :il faut que cet Etat explique à la Cour commentet quand, alors que
géographiquementi,l sortaittoutjuste d'unedomination bahreïniteinitialequifut totale,il a étendu
sa souveraineté à Zubarah. Et il faut que Qatar s'explique égalemenatu sujet des îles Hawar.
Qatarn'a fourni,etne peut fournir,aucun élémen dte preuveni dansl'un nidansl'autrecas.
87. Tous les élémentsde preuve tels qu'ils existent, et toutes les difficultésque le
professeurDavid décritsi bien, nous portent à conclure qu'en1937 le régime desAl-Thanine
s'étaitjamais -je dis bien jamais- établiàZubarah. Puisqueles Ottomansont admis qu'ils ne
s'y étaient pas établis quanàeux, et puisqueQatar revendiquedes droits qu'i1aurait eus sous le
régime ottoman, ilrevient à Qatar de démontrer commene tt quand il aurait obtenuZubarah peu
après 1915,lorsdu départdesTurcs. Aumoins,la souveraineté intrinsèqueet instantanée s'est-elle
arrêté àeZubarah.
88. Donc, si l'on ne tient pas compte de la théorie fumeuse del'unitégéographique
prédestinée, lathèse deQatar repose au fondsur une expressionqu'il a eu la chance de trouver
dans le traitéanglo-ottomannon ratifiéde 1913 :«la péninsule» - et non pas la péninsuletout
entière- «la péninsule» seragouvernéepar Jasim bin Thani et ses successeurs. Mais le
professeur David est trèd siscret sur ce point. Ce qu'il a dit étaitune glissade[en fiançais dans
l'original]; il s'est empressé de donner comme exemplesignificatif de la reconnaissance
britannique «l'article 11du traitéanglo-turcde 1913 confié par celui de 1914» (CR 200019,
p. 16,par. 29).
89. Or, commenous l'avonsvu, le traiténon ratifiéde 1913ne peut pas créerde titre, et
l'affirmationconcernantles frontièresde la péninsulede Qatarn'a pas du toutété «confirmé[e]»
par le traitéde 1914.
QuantauxliensdeBahreinavecZubarah,voici :
- Zubarahest le foyer ancestral desAl-Khalifa;
- Les habitants ontcontinuéde faireallégeance auxAl-Khalifa;
- Des tentatives répétéed se conquêtede Zubarah à partir de Doha (en particulier par les
Ottomans)sesonttoujourssoldéesparunéchec face àunerésistanceorganiséeparBahreiïn;- L'émirdeBahreïnserendaitrégulièremen àtZubarah.
Vous trouverez desdétailssur ces points dans le dossresjuges.
LesliensdeQataravec Zubarah
- Avant 1937,lesAl-Thanin'avaientjamais contrôlé Zubara h ne fût-ceque temporairement.
7 juiiiet 1937
90. Dansles annéestrente,Zubarahétait d'oreset déjà presque entièremen et ruines. Mais
la régionétaitencore habitéepar lesNaïmet les souverainsde Bahreiïns'yrendaient. En 1937,le
cheikh Abdullah de Dohaessaya d'y établu irnport douanierpourcollecterdestaxes. LesNaïm se
plaignirent auprès du cheikh Abdullah de Bahreïn. Cette situation entraîna une sériede
négociations infructueusesentre Bahreïnet Qatar à Manama,Bahreeïn,qui vont durer prèsd'un
mois.
91. Le résident politiqueritannique,Hickinbotham,écrivitce qui suità la fin du mois de
mai 1937(jene sauraisêtre tenupourresponsablede sasyntaxe) :
«Le conseiller [Belgrave] 'afait savoirquele Gouvernementde Bahreïn avait
préparép,our le cas où elles'avèreraitnécessaire, une contre-proposition indiquant
qu'il serait dispoàconcéder toute la zone situéà proximité immédiate d Zeubarah
elle-même, àconditiond'être autoriséàconserverla ville intramuroset ày fairetout
ce qu'ilveut. Nouspensonsque si le cheikhAbdullah[deQatar] gardene serait-ce
qu'une trace d'autorité, rine s'oppose à un compromissatisfaisanten ce sens. Il
conviendraitd'accorderaux Naïm le droit de décider, parplébiscite,du souverain
qu'ilsdésirentservir,bien entendu,au cas où ils désireraients'installersur unepartie
quelconquede Qatar appartenantaucheikhde Qataraprèsavoir accepté p,ar exemple,
la nationalitéhre'initei,ls deviendraientipacto imposablescomme touslesautres
citoyensdeQatar.))(Mémoire deBahreeïnv,ol.3,annexe 128,p. 674.)
92. L'expressionaune partie quelconque deQatarappartenant au cheikh deQatam déplaît
évidemment à nos adversaires, d'autantplus qu'elle date de 1937, c'est-à-direexactement
soixante-neufansaprèsla date àlaquelle Qatar veut nous faicroire qu'il aacquissa souveraineté
d'unecôteàl'autre.
93. Quoiqu'ilen soit,laconcessionconsistantàdemanderauxNaïm de payer des impôtsau
cheikhde Qatar s'ils s'installentsur territoireariensemblainsuffisante: rien n'indique que le
cheikh Abdullah ait éprouvéle moindre désird'accepter le plébiscitepréconisé par l'agent politique et par Bahreïn. Bahreeïn soumit plusieurs pétitions contenant cinq cent
trente-six signaturesde résidentsde Zubarahse réclamantde l'allégeanceàBahreeïn et définissant
le territoirequi,pour eux, appartenaitaux Al-Khalifah (mémoire Bahreeïnv7ol. 3, annexe1306)'
p. 681). C'est sur cette preuve que Bahreïn se fonde pour fixer les limites territorialesde ses
revendications.
94. Par la suite, le cheikh Ahmed de Bahreeïnenvoya une délégation de haut niveau,
comprenant notammentle prince héritier,Belgraveet quelquetrente autres dignitaires répartis sur
deux vaisseaux. Lesdélégués s rendirent danslepetit villagede pêcheurde Ghariyehsurla côte
nord de Qatar. La délégationqatarienneétaitconduitepar le cheikh Abdullahlui-même. Après
plusieurs jours de réunionspeu concluantes,la délégation bahreïnite rembarqua sur sb eateaux
pourrentrer chezelle.
95. Sur cequi arriva ensuite,nous disposons d'uncertainnombre de témoignages oculaires.
Permettez-moide lire le passage suivant extraitdes mémoires deBelgrave(p. 156, cote10dansle
dossierdesjuges) :
«Denombreusespersonnes [c'estBelgrave qui écrit] possédaient des jumelles
et une ou deux d'entre elles observaient vaguementla côte pour tuer le temps.
J'entendis descris d'étonnement ..une activitéinhabituelleavait étdétectée sur la
côte. Des camions chargés d'hommesse dirigeaient vers Zubarah et des unités
d'hommesse déployaient.Commenousregardions,lescombatsont commencé.Les
membresde la tribu des Naïmvivant à Zubarah étaientattaqués parles bédouinsdu
cheikh Abdullahbin Jasim,les mêmes bédouins àl'airrébarbatifquenous avionsvus
absolumentpartout quandnousétionsdansle villagede Ghariyeh. L'excitationétait à
son comblesur les vedettes. Une partie de nos hommes appartenaient à la tribu des
Naïm et avaient dela famille àZubarah;ils voulaient aller prêter main-forteleurs
parents. Nouseûmesdu mal à les empêcher de sauteàr l'eau. De dangereuxrécifsse
dressaienten effet entre nouset la côte, et mêmesi nous avions réussà débarquer,
notrepetitgroupen'auraitété qud e'uneminceutilité...
Parmi les hommes tués [c'est Belgrave qui continue] figuraient plusieurs
serviteursdu cheikh Ahmed;l'un d'entreeux étaitun homme âgé queje connaissais
trèsbienet quej'aimaisbien. Dès leretraitde la forceqatarienne, absolumenttous les
membresde la tribu des Naïm,accompagnés deleurs familles, deleurs troupeaux et
de leurs chameaux, quittèrent Zubarahet s'embarquèrent pour Bahreeïnà bord d'une
flottille de bateaux que nous leur avions envoyéspour les chercher...cet incident
envenima lesrelationsentre Bahre'inet Qataret mit un ternà tout espoir de parvenir
à un règlementnégocié pendant plusieurs années. Toutelses relationsavec Qataront
O22 étécoupéesetplus aucun Qatarienne futautoriséà débarquerà Bahreein.A la mortdu
cheikhAhmed,en 1942,je me remémoraila phrase attribuéeàla reineMaryTudor :
«Lorsqueje mourrai ..voustrouverez «Calais» gravé surmon cŒm :dansle cas du
cheikh,laville auraitét«Zubarah>).»[Traduction duGreffe.] 96. Biensûr, Belgraveest mortdepuis,lui aussi,maisau moinsdeuxvieillardssonttoujours
en vie qui setrouvaientsurplace en cejour fatidiqueet qui vutleursparentstuéspar les forces
d'Al-Thani. Leurs souvenirsde premièremainde cet événement dramatiqu ont étcommuniqués
àla Cour sousformede déclaration(mémoire de Bahremïp,ar. 283-284).
97. Bahreeïndemanda à la Grande-Bretagne d'«empêchelre cheikh Abdullahde faire la
guerreànos sujetsqui viventdansnos frontièreà Zubd) (mémoire deBahreïn,par. 285).
98. La Grande-Bretagnene bougea pas. Ilest intéressant de dansdes mémorandums du
Gouvernement britanniquececi :«dans ces conditions,il ne nous reste qu'à laisser leshostilités
suivre leur cours)) et «la compagnie pétrolièr[PCL] ...ne reprendra pas ses activités avant
l'automneet d'ici-làle conflitentrele cheikhde Qataret lesn devraitêtreréglé)()mémoire de
Bahre'ïn,par.286).
Le non-acquiescement de Bahreïn
99. Aprèsl'attaquede 1937,Qatarne fit pas grand chose pour consolider son occupation.
Zubarah était loinde Doha qui regroupait alors97% de la population qatarienne. Petitàpetit,
certainsNaïm bahreeïnitecommencèrent à revenirun par un, sur leurs terres désertées.Comme
Belgravele signale, toujoursdans sesmémoire(p. 157):
((Bientôt,les Arabes bahreïnites de Zubarah recommencèreàt se plaindre de
l'agressiondes Arabes qatarienset le cheikh prit l'habitudede discuter avec moi,à
chacunedenos rencontres,pendantdes heures d'affilée,e la question deses droiàs
Zubarah et de l'attitudepeu coopérative des autorités britanniqui refusaient de
s'engager.))
100.Lalongue liste destentativesinfructueusesde Bahreïn envue d'obtenirréparationpour
les préjudicescauséspar leAl-Thani àZubarahestrésumée dans quelquq euaranteparagraphesdu
mémoirede Bahreüi(par. 295-336). Bahreepeut sansdoute comprendre quela Grande-Bretagne
trouva commode de faire abstraction du problèmepour s'épargner un conflit et Bahreïnn'était
certespas en mesurede contraindre les autoritésbritanniquestueren l'occurrence,mais,àbien
lirece dossier,il n'estpaspossibledeconclurequeahreeïnaitjamais admiscet étatdefait.
101.Dans tous les cas sauf un,ans les entretiensqui auraienteu lieu, il aurait été formulé
des propositions par exemple,(laissez-nousdisposerd'un autreport surle continentqatarienet
O nous oublieronsZubarh) (voir le mémoirede Bahreïn,vol. 3, annexe 87, p. 524). Mais,dans cetéventuel«quidpro quo»,Bahreüin'a pas lâché lequid faute d'avoir à aucunmoment obtenule
quo.
102.En fait,il n'y a qu'unseulaccordqueBahreïnait signéau sujetdeZubarah. Ilremonte
à juin 1944 et son texte, que M. Shankardassvous a déjà montré(CR200019,p. 28, par. 8)'
s'établit comme sui :t
«Le souverain deBahreinet le souverainde Qatar conviennentderétablirentre
eux desrelationsaussi amicalesqu'elles l'étaiendtans lepassé.Le souverain deQatar
s'engageàce que Zubarahdemeureen l'état,sansque rien n'y soit faitqui n'existait
pas dans lepassé, cela parégard pourAl-Khalifahet pour lui rendrehommage. Pour
sa part le souverainde Bahreïn s'engage également àne rien faire qui puisse porter
atteinte aux intérêtdsu souverain de Qatar. Le présentaccordn'affectepas l'accord
conclu avec la compagnie pétrolière opérant à Qatar dont les droits sont protégés.))
(Mémoirede Qatar,vol. 8, annexeIlI.240,p. 183.)
103. L'ambiguïté du texte incite très fortementenser qu'il résultedespressions exercées
par les Britanniquesqui désiraientla paix et quine s'intéressaientvraiment qu'àce qu'énonce la
dernièrephrase. Il s'agissait d'un accordestatuquovisantàaiderlescompagniespétrolières.
104. Lorsqu'il quitta Bahreïnen 1957,aprèstrente etun ans, Belgrave qui, bien entendu,
avaitintégralementsuivil'évolutionde la situation,nota simplement queZubarah«faisaittoujours
l'objet de discussions interminableest acrimonieusesentre le cheikh [Ahrnedde Bahreïn]et les
autoritésbritanniqueset que la perspective de parvenirà un règlementn'avaitjamais paru aussi
lointaine»(p. 159). [TraductionduGrefe.]
Résumonslesévénementd se 1937 :
1"juillet 1937 :
- Il y a uneinvasion armée desAl-Thani.
- Ellesusciteunerésistancede la populationNaün locale, quireste fidèleàBahreein.
- LesNaïm sont expulsés versBahre'ïnsaufs'ilsacceptent deserallierauxAl-Thani.
Au sujet de l'acquiescement,la situationpeutserésumer comme suit
Refus deBahreïnd'avaliserlefait accompli(enfi-ançaisdansl'original)àZubarah
- Lerégimeqatarienn'a jamaisété consolidé.
- Aucuneeflectivité n'aété constatéejusqu'à présent.
- CertainsNaïmontregagnéunpays vide,cequia créé une situationambiguë.- La Grande-Bretagne n'a jamaispris de décision,se contentantde temporiser pour éviterun
conflit.
- Les concessionsoffertes par Bahreïnn'ontjamais été retenuesansle cadre d'unaccordet ne
sauraientpar conséquenêt treassimiléeàunerenonciation.
- Aucontraire,Bahreïnn'a cesséjusqu'à aujourd'hui de renouvele sresrevendications.
MaquatrièmesériedequestionsconcernelesîlesHawar :
Quelsétaient lesliensdeBahreïnaveclesîles Hawar ?
105.La domination deBahreeinsur les îles Hawarremonte àl'époque où,commeQatar l'a
reconnudans sa requêtel,a totalitéde lapéninsuleqatarienneétaitunedépendancebahreïnite.
106.Même sil'onadmettait avecla plus grandelargessequi soitla thèsede la consolidation
de 1'Etatqatarien, malgré l'absence de toutélémentde preuve matérielvraiment dépourvu
d'ambiguïté,Qatar ne saurait prétendre avoir agp i our étendresa souveraineté à une partie
quelconque du littoral occidental de la péninsule avant1937 et les événementsde Zubarah.
Comme le conseil de Qatar l'a fait observer la semaine dernière,la premièrevisite connue du
cheikhde Qatar surla côte ouestde la péninsuleremonteà 1938,lorsquece cheikhserendit sur le
nouveaugisementpétrolierde Dukhan.
107. A l'époque,les îles Hawar étaientdéjàpeupléespar des sujets bahre-ïnitesdepuis
cent cinquanteans, c'est-à-dire depuisque les Al-Khalifah avaient permis aux Dowasir de s'y
installer.
108. Le levédu capitaineBrucks que vous avez déjà vu dansle dossier desjuges contient,
Monsieurle président,Madameet Messieurs lesMembresde la Cour, lapremièrementiondesîles
Hawar quifigure dansun documentauthentiqueprésenté àla Cour.
109. Au sommet de la péninsule, c'est-à-direà la pointe de Ras Rakkan, Brucks émitla
conclusion généralesuivante (p. 99): (Depuis la pointe, jusqu'à AlBidder vers le sud et l'île
Wardenvers l'ouest,l'autoritédu cheikhde Bahre'ïnestreconnue.)) 110.Pour savoirce que Brucksditprécisémend tesîles Hawar,il est nécessairede passerà
la page 101. Brucks utilise l'appellation«îlesWardem et décrivitles Hawar comme«un groupe
de huit à neuf îles et rochers...l'île principale est appeléeA1Howahk [de toute évidence la
translittératide Hawar]et ellemesure environ6,5kilomètresde long. Il s'y trouve deuxvillages
de pêcheure st elleappartientBahreïn.))
111.Aujourd'hui,soitcent soixante-dixansplustard,onpeut toujours voirles deuxvillages
en questionsurHawar.
112. Il existait d'abondantes preuves dela possession et du contrôle desîles Hawar par
Bahreïn dèsavant la décision de1939. Bahreeinrenvoie sur ce point la Cour au résumé des
O2 5 preuves, plus de quatre pages à interligne simple,qui figure au paragraphe 28 de saréplique.
M. RobertVolterratraitera cettequestionmardiprochainsi vouslepermettez.
Quelsétaient les liensdeQataravecles îiesHawar ?
113. Disons tout de suite que les Hawar ne sont pas proches de Qatar pour tout ce qui
concerneles échangeshumains. La vie à QatarétaitconcentréeàDoha et sesenvirons,surla côte
orientale. Aucuneroute ne reliait cette côte orientale de Qatara côte occidental: àquoibon
construireunerouten'allantnullepart ?
114.Il n'est donc guère surprenant uele souverainde Qatar,lorsqu'ilémitsa revendication
surles îles Hawar,ne sûtmême pas où elles étaieti quelle étaitleur taille etqu'ilignorâtquedes
Dowasiry habitaient.
115.Lesgensde Dohan'ontjamais éprouvé le moindreintérê àtl'égardde ces îles oùla vie
est encoreplus dure que sur la côte orientale de Qatar. Les gens de Doha sont des plongeursde
pêche perlièreet des pêcheurs. Les insulairseHawar,euxaussi, gagnaient leur vieen plongeant
et enpêchant.Il n'y avaitdoncaucune raison d'entreprendreun long voyageàtraversdescontrées
désertiques etdangereusespour échangerdu poisson contredu poisson ou des perles contre des
perles. Les insulaires de Hawar traitaient donc avecles marchés deManarnaet de Muharraq à
Bahreïn :desendroitsfacilement accessiblesparlamer. 116.Uneautreraisonexpliquel'ignorancedu souverainde Qatarau sujetdesHawar. Rien
de surprenant à ce qu'elle s'exprimepar un seul mot:le pétrole. Rappelonsque Bahreeinet son
concessionnaireaméricain,la BAPCO,avaient trouvé du pétroleen 1932. La rumeurse répandit
que «les rues de Manama étaientpavéesd'on. Qatar et son concessionnaire majoritairement
britannique, PCL,n'ontrien trouvéd, 'oùlapersistance delapauvreté pour Qatartl'augmentation
des dépensespour la compagnie pétrolière. On ne peut donc s'empêcher d'imaginer quePCL
-qui détenaitune concession couvranttous les territoires appartenantau cheikh Abdullah de
Qatar - a sans doute expliquéau cheikh qu'il serait avantageux d'opérer, étad ntnnéles
probabilitésgéologiquesa,ussi prèsquepossiblede Bahreïn,où du pétrole avaidtéjàété trouvé et
lui aurait demandés'il se considéraitcomme le maître des îles Hawar. Il n'a pas dû êtretrès
difficilepourle cheikhdetrouverla (bonne))réponse à donner àPCL,ni très difficilede formuler
la revendication correspondante.Lescénarioestconnu :nombreuxsontles différends territoriaux
qui ont étéconçus, et j'ajouterai mêmefinancés,par le concessionnaire quiveut s'assurer un
maximumdedroits.
117.L'absencedetoutlien entreDohaet lesHawarest évidentdans unelonguelettre quele
cheikhAbdullahde Qatara remise à la Grande-Bretagneen 1939pour étayersarevendicationsur
les îles Hawar. Ici,j'anticipe quelque peu surma dernièresériede questions. Mais, avec
l'indulgencedela Cour,j'aimeraisfaireétatdès àprésent de ce documenettje nemerépéterap ias
ensuite. Cettelongue lettre du cheikh Abdullah apparala page 1146du volume5. Vous verrez
que l'agent politiqueaajoutésescommentairesdansla margegauche.
118.Ce documenta tout d'abordceci de remarquablequ'il ne contientaucunepreuve de
liens que Qatar aurait établisavec lesHawar. Par exemple,au bas dela premièrepage, le cheikh
Abdullah prétend que la position de Bahreïnn'estpas crédible parce qle détachement militaire
bahreeiniten poste dans les îles n'y est pas depuis très longtemps.Il se gardebien de prétendre,
car celalui seraitimpossible,qu'ily aitjamaiseu des détachementsu des représentantsatariens
sur les îles. Ala page 1157,denouveau,il affirmequ'unDowasir bahreïnite fut attaqsurHawar
et vint réclamer protectionà son père, le cheikh Jasim alors que celui-ci étaitmort depuis
vingt-sixans. Le cheikh Abdullah affme disposerde «témoinsfiables»mais il ne donne aucun
nom. 119. Secondpoint remarquableà propos de ce document, l'assuranceextraordinaireavec
laquelle son auteur avancedes assertionsdont le caractère fondamentalemetrronépeut être
facilementprouvé.Puis-je respectueusement attirr'attentionde la Cour surle passage suivant,
tel qu'ilfigureaubas dela page1148:
«ce sont en effet des îles dont la superficie est de 4 à 5 milles carrés
approximativementà maréehaute. De plus, elles sont désertiques,sans eau et
inutilisables comme pâturages pour des troupeaux; dans le passé elles étaient
complètement dépourvues d'édifices habito éns;ne saurait d'aucune manière les
appelerdesvillagesourienquis'approchedusensde ceterme...»
et denouveau,aubas delapage 1153 :
«Lesîles Hawar sontconsidéréesd ,u point de vue géographique,comme une
partie de Qatar qui le complèteau nord. Quiconquepossède les connaissances
géographiqueslepslusélémentaireesn conviendra.))
120.MonsieurleprésidentM, adameet MessieurslesMembres delaCour,les îlesHawarne
font pas 4 à5 millescarrés mais cinq fois plus,soit 20 millescarrés ou environ
51kilomètres carrés. Ellesnsontcertainementpas(une partiede Qatarquile complèteaunord)).
Ellesne sontpasdésertiques.Ony trouve denombreuxvestigesd'anciens systèmes de collecteet
de conservation de l'eau. Des troupeaxont brouté pendant des générations.firmerqu'elles
étaient«complètementdépourvues d'édifices habités))constitue, commdiatis-je,pour lemoins
uneerreurmanifeste. Laprésencedesdeuxvillages,commenousl'avons vu,a étéconstatéparle
O 27 capitaineBruckscent ansavant que le cheikhAbdullahn'écriveson commentaire. En outre, il
existe encore beaucoup de personnes âgéeesn vie qui ont habitésur les îles Hawar dans les
annéesvingt,c'est-à-dirependantla décennie précédant immédiatementé vsénementqsui nous
occupent, et qui connaissent par cŒur lesdeux villages en question (voir les dépositionsdes
témoins dans le mémoire de Bahreein,annexe 313-316 et dans la réplique de Bahrein,
annexe20-23).
121. Tout en formulant ces grossièrescontre-véritésl,e cheikh Abdullah est totalement
persuadéd'avoirraison et exprimeson méprisleplus totalpourles «arguties»de Bahreïn,comme
il les appelle, ainsi quepour la manière dont ce paysveut(mier des faits connus de tous».
Commentpeut-onàla fois être aussiconvaincud'avoir raisonet êàrcepointdans l'erreu? 122. La réponse la plus simpleest que le cheikh Abdullah qui, comme l'agent politique
l'affirme,ne s'était jamaisrendu sur les îles Hawar,était toutbonnement persuadéde revendiquer
les petites îles situéesroximitéde la pointe de Ras Rakkan, à faible distance deZubarah, qu'il *
connaissait incontestablementtrès bien.
123. Les deux îles en question sont vraiment beaucoup plus petites, probablement
désertiques,très vraisemblablement inhabitéed sepuis toujours et peuvent êtreconsidéréecsomme
(tune partie de Qatar qui le complète aunord)). Ce qui pourrait expliquer pourquoi le cheikh
Abdullah fait si peu cas de la descriptionde Bahrein,une description quine convient certainement
pas à Ras Rakkan. Quant à l'affirmationdu cheikh Abdullah selonlaquelle, «à maréebasse)),la
distanceentre les îles Hawar et le continent est assez brève pour qu'on ((puia franchiràpied)),
elle esttout simplementabsurdepour quiconques'estjamais rendusur les îles Hawar.
124. Nousdisposons d'un étatfiable des distances et des communications émanant duplus
haut fonctionnaire enposte dans le Golfe, l'agent résidente l'époque :le lieutenant-colonelHay,
qui devait devenirplus tard sir RupertHay. Cet état qui est adressé auouvernementbritannique
est particulièrementutile parce qu'il date de novembre 1941, dateà laquelle le lieutenant-colonel
Hay s'estrendu àQatar (mémoire de Bahreïn, annexe 296,vol. 5, p. 1205).
125. Hay explique qu'il s'est rendu de Bahreïn à Zilait où il a vu les installations dela
compagniemajoritairementbritanniquePCL,puis à Dukhan,localitésituéejuste ausud.
126. Depuis la côte occidentale, Hay rapporte ceci : (Nous partîmes ...rendre visite au
cheikh [de Qatar] dans sa résidence de Raiyan à une soixantaine de milles.)) [Unecentaine de
kilomètres.]
127.Il décritson voyageen ces termes :
«La route traverse un désert rocailleux et inhabitéet elle est franchement
mauvaise; nous n'avons pas vu une âme qui vive à 80kilomètresà la ronde ...vous
avez un sentiment étrange quand vous voyagezdans ces contréessauvages ...sans
aucuneescorte armée.»[Traductiondu GrefSe ].
128.Hay note égalementque, mêmesi le cheikh est déjà ((beaucoupplus prospère) g)râceà
l'exploitationpétrolière,l n'a pas encoreété trouvde port se prêtant l'exportation dupétrolesur
la côte orientalede Qatar. Ainsi, mêmele développement de cettenouvelle activitén'avait pas
conduit à étofferles infrastructureset àcréerune liaisonest-ouest. 129.Ceque sirRupert Hay vitlorsde sonpéripleàl'estde Dukhanest demeuréen l'étatet
peut encore êtrevu de nos jours, comme le prouvent ces images prises au débutde l'annéeet
soumisesavecles documents supplémentaired seBahreein.
130. J'attire de nouveau votre attention surl'écranoù figure un extrait de la 23' édition
(1975)d'Al-Munjind,un ouvragederéférencepublie én arabe au Libanet,je crois,inspiréduPetit
Larousse(documentssupplémentaires deBahreïnsoumisle 1"mars2000, annexe21,p. 179). Cet
extrait figure dans le dossier des juges sous la cote 14. Ce que vous voyez maintenant est la
définitiondes (îles Hawan) telle qu'elle figuredans ce dictionnaire. La traduction est cel:e-ci
«Un groupe de seize îles relevant de 1'Etatde Bahreïn)). Suit une carte qui n'appelleaucun
commentaire carla frontièreinternationaley est indiquéeonne peutplus clairement. Pourne pas
induirela Cour en erreur,j'ajouterai qu'aprèsle débutde la présente procédure, dans les éditions
ultérieures,Al-Munjinda reconnu que Qatarrevendiquait lesHawaret s'abstintpar conséquentde
répéterde manière aussitranchéeque les îles Hawar (relevaient de 17Etatde Bahremin>» L.a
définitionqueje viens delire figureen effet uniquement dansl'éditionde 1975. Maisje m'arrête
sur la carte pourune autreraison que voiciucuneroutene relieDohaàlapartie désertique de la
péninsulefaisantfaceauxHawar. .
131.Un membrede la commissionhistoriquede Qatar,dans un ouvragecitépar Qatar,a
écritqu'en 1908la population de toute la côte occidentale représentait((environ 3%» de la
population totale de Qatar. De plus, cette maigre population de3 % peut êtrelocaliséeavec
précision etson effectif estimatif se situerait entretrois cents et huit cents personnes. L'auteur
indique que la côte occidentalen'abrite que trois villes,arah étantselon elle ccpratiquement
déserte)(R. S Zalhan,ne Creation of Qatar, p. 15, 1979). La Cour se demanderaprobablement
où ces trois villes sur la ((côteoccidentale))étaient situées.vonsla carte. Les trois seules
villes de la côte occidentalede Qatar, d'aprèsce membre de la commissionhistorique de Qatar
de 1908, étaient: AbouDhaluf, Hidayia et Khuwayr (ou Kwar Hassan comme onl'appelle
généralement aujourd'hui).Comme vous pouvez le constater, les trois agglomérations sont
' concentréesdanslapartieseptentrionaledela côte occidentale. C'estlà quevivaientcestroiscents
àhuitcentspersonnes. Passez toutle tempsquevous voulez àexaminerla question,la conclusion
seratoujourslamême :la côte sud-ouest de Qatarétaittout simplementnon peuplée. 132. La partie de Qatar la plus proche des Hawar est une péninsuleinhabitée etvide
d'édifices, l'exceptionde quelques rares postes militaires.Je ne pense pas que sonnom soit la
péninsule de Zilait, cette appellationservantsimplementà des fins d'identification.ésence
humainen'est importantedans la régionque dans la ville pétroliède Dukhan et dansle port de
Zikrit qui jouxte Dukhan. Bien sûr, il fallut attendre 1939 pour que l'on découvre le premier
gisement qatarien. Dukhann'a été crééeque pour hébergerquelquetrois cents hommesdans le
désert(GeoffreyBibby,Lookingfor Dilmun,p. 4, 1970).
133. Bahreïnpeut citeruntémoinquecertainsseront peut-êtrée tonnédse rencontrerdansce
contexte, le professeur GeoffieyBibby, l'archéologueanglais qui est l'auteur du livre le plus
célèbrequ'un occidentalait écritsur Bahreei: ((Lookingfor Dilmun))(dont la premièreédition
remonte à 1970et quia étécitéplusieurs foisparles deuxPartiesen cette affaire).
134. La raisonpour laquelleje cite maintenantle professeur Bibbyn'a rien à voir avec
l'archéologie.Elle a trait aux activitésqui furent celles du professeurpendant sa jeunesse,bien
avant qu'ilne devienneprofesseur. Cequinous ramène àla périodede 1947-1950,quand lejeune
GeoffieyBibby,commeil l'écritdansle premier chapitrede ((Lookingfor Dilmun)),était l'adjoint
du chefdesopérationsdePCL à Qatar. Lesopérations étaient concentréàes ukhan,où,commeje
l'ai déjàdit, prèsde troiscents hommestravaillaientsur le gisement. Mais venons-ene queje
tenaisàvous dire.
135. Le jeuneM. Bibby et sa société exploitailt concessionà Qatar, mais l'endroitqui
leur parut le plus commode pour qu'ils y constituent leurbase et supervisent les opérationsà
Dukhan, ce ne fut pas Doha ni une autreville de Qatar, mais Manama, sur l'île principale de
Bahreïn. C'est là que PCL avait ses bureaux où travaillaient une vingtaine d'employéset
d'acheteurs.
136.En d'autrestermes,même Dukkanétait,à toutesfinsutiles,plus prochedeBahreïnque
de Qatar. Et ce qui vautpour Dukhanvaut encore bien davantagepour les îles Hawar,qui sont
peupléesde Dowasiroriginairesde Budaiyaet de Sellac.
137. Et que faisaient exactement les employés dPeCL basésau siègede Manama ? Le
professeurBibby se souvient,notamment à la page 4 de son livre,que PCL entretenait«uneflotte
de boutresqui faisaientla navette entreune sourcesituée sur fondsmarins,au largede Bahreïn,et030 la péninsuleqatariennedépourvued'eau)). Autrementdit, l'approvisionnementen eaude Dukhan,
en eau indispensable,était asspar desBahreeïnitesuil'apportaientdepuisla merdeBahreeïn.
Quepouvons-nousenconclure ?
Les liensdeBahreïnaveclesîlesHawar
- étaientexclusifs;
- étaientconstants;
- existaientdepuisdes générationqsuandfut prisela décisionbritannique de 1939;
- etexistenttoujours.
Les liensdeQatar aveclesîlesHawar
- sontlargementsujetsàcaution;
- peuventêtreniéset pourune fois il est possible de prouver une conclusion négative, grâeà
deuxraisons:
-Premièrement, la conclusion s'impose avec force à la suite des
quatre-vingt-deuxdocuments. Quelle autre conclusioformulerau sujet d'unepartie qui
enestréduiteàsoumettrede tels élémentsdepreuv ?e
- Deuxièmement,et voici l'élément positif servàaptrouverla conclusion négativ: Qatar
est coupégéographiquemene ttdémographiquemend tes îles Hawar et ignore absolument
toutde leur situation.
Monsieurle président,il ne me restequ'uneseule sériede questions, ausujetde la décision
britannique de1939, et, pour moi du moins, la pause serait utile ici. Mais si vous désirez
poursuivre,je suis àvotre disposition.
The PRESIDENT: Thank you. TheCourtwilladjournfor 10minutes.
TheCourtadjournedfiom10.1 Oa.m.to 11.30am.
The PRESIDENT: Pleasebe seated. The sittingis resumed and 1give the floor again to
MrJanPauisson.
Mr PAULSSON :Mercibeaucoup,Monsieurleprésident. -28 -
V. LA DÉCISIONBRITANNIQUE DE 1939
Lecontexte
138.La semaine dernière,le mardi,nos adversairesont dià la Courque si les Britanniques
s'étaientseulement rendu compte en 1939 que les îles Hawar étaientsi proches de Qatar, ils
<<n'auraienstûrementpas décidéque cesîles appartenaientàBahreeb»(CR2000/6,p.45, par.22).
Celaressemblait à une doléance concernant une erreurui entachaitune décision vieille de deus
soixante ans, et comme le saventtous les juristes, cen'est pas un motif de contestationbien
convaincant.
139. Mais le lendemain, nous avonsapprisque la décisionde 1939était laconclusion d'une
«histoire sordide et..honteuse)). La décision britannique, nous a dit sirIanSinclair, était
«hypocrite». Le sens de ce terme est clai:les Britanniquesont décidéc,'est du moins ce dont
Qatarvoudraitvous persuader,que les îles Hawarappartenaient àBahreeinsans croire eux-mêmes
quece fûtvrai :c'est cela,l'hypocrisie.
140. Mais Qatar ne peut pas jouer sur les deux tableaux. Si la décisionde la
Grande-Bretagnereposait sur l'ignorance de ceque l'on présentecomme la réalitéi,l n'y apas
d'hypocrisie. Si la Grande-Bretagneétait hypocrip,eu importaitlaréalité.
141.Maisrevenons àce scénario «sordide» ethonteux». SirIan Sinclaira trouvédans les
archives des indications selon lesquelles les autorités britanniques s'attendaient que la
revendicationdu cheikhAbdullahsoit rejetée. Sir Ianpeut très bien dire quec'estparce que les
Britanniquesétaient«sordides»et «honteux», maisil est plus plausiblequepersonnene s'attendait
àce que le cheikhAbdullah aitgainde causeparce quesa revendication étaiatbsurde. Lui-même
et sa tribu vivaient loin de là, du côté deDoha, isoléspar un espace vide, etnul n'avait jamais
entenduparlerd'une présence qatariennedans les îles Hawar. La revendicationsoudainede 1938
avaitune trèsforte odeur de pétrole.
142.C'estlorsqu'ilen vientà formuler des hypothèsessur des motifsque l'exposéde Qatar
s'embourbeet se brouille. Peu aprèsavoir soutenuque les Britanniques favorisaient Qatarparce
qu'ils favorisaientla compagniepétrolière britanniqe,n nous dit qu'ilsfavorisaientreïncar,
sij'ai bien compris,la perfideAlbionavaitmaintenantunmotif altruiste-contribuer à renflouer Bahreïn. Commenty parviendraient-ils :cen'estpasclair :personne n'avaittrouvédepétroledans
lesîles Hawaret on n'en ad'ailleurs toujourpastrouvé.
.O3 2 143. Ayantextrait la dernièregoutte de suspicion de toutes les pagesjaunies qu'ils ontpu
dénicher ,nos savants amis aboutissentà une conclusionqui doit certainementêtre,parmitoutes
celles qui ont étéprésentées à la Cour, l'une des moins surprenantes: les puissances coloniales
agissaientdansleurpropreintérêt.
144.Eh bien oui, effectivement. Sur des dizaines demilliers de kilomètres, des frontières
internationales grotesques ont ététracéesdans le monde en développementpar de puissants
envahisseursétrangersu , niquementpréoccupéd seleurspropresintérêtspolitiquese commerciaux,
en tenant fort peu compte des populations autochtones. Pourtant, ces frontièressurvivent,non
parce qu'ellesflattentnotre sensde l'équitém, aisparce quele respectcontinu de ces fiontièresa
évité laguerre. Mon confièreFathiKemichavousparlera decette questionla semaineprochaine,
j'espère.
145.La démonstrationde Qatar en est doncréduiteà beaucoup de bruit et de fureurpour
rien. A vrai dire, Bahreeïpourraits'arrêterci. Maispar souci d'exactitude historique et puisque
nous sommesvenus devant cette Cour, Bahreïntient à ce qu'elle soit convaincuequ'il n'a pas
bénéficiédemachinations«sordides»et «honteuses».
146. Dès la découvertede pétrole à Bahreeinen 1932, Qatar- ou plus exactement
1'Anglo-PersianOil Company, quiappartenait à des Britanniques - n'a pas perdu de temps.
Quelquesmois après cettedécouvertel ,'agent politiquebritanniqueécrivait:«les prospecteursde
laAnglo-PersianOil CompanyLtd. à Qatarsont venusinspecterdeslieux oùle souverainde Qatar
n'avait aucun droit de les laisser aller» alors même,observait-il, qu'«dla étédit que l'année
dernièreencore(1932), le souverainde Qatar admettaiten public que certains secteursde la côte
qatariennerelevaientde Bahreïm (contre-mémoire deBahreïn, par.215).
147. Au mêmemoment,le cheikh Harnadde Bahreeïnnégociaitavec la BAPCO, société
américaine,pour étendresaconcession. Il étaitdansl'intérdtu Royaume-Unique l'extensiondes
droitsde laBAPCOsoit aussilimitée que possiblepuisquec'estune sociétéaméricainL e.e cheikh
Hamad de Bahreïnétaitapparemmentdisposé àne pas l'étendreaux îles Hawar, maisil n'alaissé
planer aucundoute sur sapositionlorsqu'il adéclaréà l'agent politique parintérim,au coursd'uneréunion tenuele 29juillet 1933, que :«ces îles étaient des dépendances dB eahreïm (dépêchd eu
30juillet 1933,mémoirede Qatar,annexeIII.87, vo1.6,p. 445).
148. Dès le lendemain, l'agent politique -Loch - adresse à son gouvernement le
télégramms euivant :
(Le cheikhDamad deBahreein] appuie desonautoritél'[extensiondéfinie]aux
conditions suivantes. Premièrement,il désire quela zone soit appelée(îles de
Bahreeïn»sans nommer spécifiquementles îles concernées,afin de ne pas faire
ressurgirla questionde l'îleHawar (dontl'absencedans l'énumération ne manquerait
pas d'êtreremarquée)et de Qatar. Je pense que nous pouvons accepter cette
suggestion,dans la mesure où l'île Hawar ne fait nettementpas partie de l'archipel
bahreïnite.))(MémoiredeQatar, annexe III.88,vol. 6,p. 449.)
149. Les avocats de Qatar insistent beaucoupsur cette expression : «l'île Hawar ne fait
nettement paspartie de l'archipelbahré'inite)). on savantadversaire,M. Shankardass,a priéla
Cour de <cprendr[eb ]onne note du fait qu'en 1933,Loch estime donc que l'île Hawarne fait pas
partiede Bahreein».Il a poursuivien disant que cela(&anchefortemenb)avec le faitqueLoch lui-
mêmea par la suite reconnu le droit de Bahreïn sur lesîles Hawar (CR 200016,p. 24, par. 37,
alinéa2)). Cetargument apporte évidemment sa pierre, pa insinuation,àl'«histoire sordideet...
honteuse»de sir Ian. Toutefois,Lochn'a pas écrit(aiefait pas partie de Bahreii; mais (aiefait
pas ... partie de l'archipel bahréiinite~. La distinction entre politique et géographieest
fondamentale. Il me semble que lorsque la Cour «prendra bonne note» de cette lettre, comme
M. Shankardassl'y invite, elle constateraque l'on ne peut absolumentpas interpréterle texte de
Loch commeexprimant un «avis» au sujet du droit de propriété sur les îleHawar. Commeje
viens de le rappeler, ce télégramme a étéenvoyé le lendemaindu jour où le cheikh Harnad a
((immédiatemenb s)oulignédevantLochque les îles étaientdes «dépendances» de Bahreeïn.Le fait
que lesîlesHawarne fassent pas partiedu grouped'îlesqui s'agglutinent autour de l'îleprincipale
de Bahreïn ne signifie évidemment pas qu'ellesn'appartiennent pasà Bahreïn. L'île de Pitcairn
danslePacifiqueSud,Sainte-Hélènedans l'Atlantiqu eudet lesîles Caïmans dans les Caraïbesne
font certespaspartie géographiquemend tesîlesbritanniques,mais il est tout aussi certainqu'elles
sont placées sousla souverainetébritannique. 150.La concession négociéepa Arnglo-Persianfut rapidement cédé eune sociéténouvelle,
PCL, où le Gouvemement britanniqueavait indirectementune participation. Voustrouverez sous
la cote 19de votredossier de brèvesindicationssur les différentessociétés dont somsfigurent
dansles documents,ce quipeut enfaciliterla lecture.
151. PCL avait un directeur généradlu nom de JohnSkliros, qui est aussi une figure
dynamiquede l'histoire du pétrole. Ilne sait rien des îles Hawar -sauf qu'il les voulait. Le
29 avril 1936, il écrivitdonc unebrève lettreau Gouvemement britannique(contre-mémoire de
Bahreeïnp,ar. 233)oùil faisait valoirqueHawar:
«est représentéesur la carte officiellede Qatar, qu'ont signéele cheikh de Qatar et
M. Mylles etelle fait partiede la concessionde Qatar. Il me sembleque cette cartea
étévue etapprouvéepar le résident politique et peut-être1'IndiaOffice. Tout cela
va dans le sensde l'appartenance decetteîàeQataretnon àBahreiïn.))
152. Ilestdifficiled'imaginerunargumentplus faible. C'estmême plutôt prendrseesdésirs
pour des réalités.Voici la carte en question, qui vousa montréela semaine dernière.Ce que
M. SMirosespéraitpeut-êtreimplicitement,c'étaitque le Gouvernementbritanniquecroirait - et
c'est ce que su IanSinclair a explicitementinvitéla Cour à croire la semaine dernièr- que
M. Mylles et le cheikhAbdullah avaient manifestéleur intention de séparerles îles Hawar de
Bahreüien apposantleurs signatures entre les deux groupesd'îles. Il semble que cetargumentait
étéavancétrèssérieusement.Eh bien,Bahreïn peutapporter àcelaquatreréponses :
- premièrement,si cettepageétaitblancheet que vousdeviezla signer,oùapposeriez-vousvotre
signature? Laréponsesembleévidente :exactement làoù sontles signatures;
- deuxièmement,si vous vouliez montrer une séparationentre les îles Hawar et Bahreïn,n'y
a-t-il pasunefaçonplus claire,plus simple, dele fa?rPar exemple ...uneligne ?
- troisièmement,le cheikhAbdullah et son concessionnairen'ont en tout étatde cause pas le
droitdetracerles frontièresdeBahreeïn;
- quatrièmement-et ceci est décisif- lorsque l'on a demandéà plusieurs reprises au
cheikhAbdullah,en 1938et 1939,s'ilavaitdes élémentd se preuveattestantquelesîlesHawar
lui appartenaient,il ne lui estpasveàl'e'spritde produirecette cartepour prouverqu'ilavait
autoriséla prospection pétrolière danes îles Hawar. Ou bien le cheikhAbdullah avait une
mémoire étonnammentdéfaillana l,rsqu'iln'avaitjamais euqu'uneseulefois l'occasionde signerun accord deconcession,oubien ilne donnaitpas de cettecartela même interprétation
quecellequ'en donne maintenant sirIan.
153. Le cheikhHamad de Bahreeïndevait quelquepeu se douter de ce que manigançait
Skliros. Si vous vouiez bien vous reporter à la page 1071 du volume 5, vous verrez qu'en
avril 1936, le cheikhHamad prit la précautionde charger son conseiller, Belgrave, d'écrireà
l'agent politiquepourconfirmerquelesîles Hawarfaisaient ((incontestablemenp tartie de 1'Etatde
Bahreïn~.
154. C'estla lettre dans laquelleBelgravedresseune liste des îles Hawar-page 1072-
qui, commele faitjustement remarquerQatar,est inexacte. Mais pensezaux circonstances. Nos
adversaires disent qu'ils ont vériflejournal personnelde Belgrave et conclu queBelgravene
s'étaitjamais rendu dans les îles Hawar auparavant. Je les crois.Donc, Belgrave est chargé
d'écrire cette lettreurgente. Il a dû rechercher des informations, par l'intermédiaired'un
traducteur, auprèsde quelqu'un qui étaitlà et qui connaissait un peu les îles Hawar, et cette
personne - quelleque soit la façon dontelle avait comprisla questionde Belgrav- a énuméré
les îleen suivant exactement l'ordre dans lequel ellesse présentent lorsl'on se rend dans les
îles Hawar :Nun,Mashtan,Al Mutarid,Rabad,puisHawar.
155.Il importe dese souvenirqueBelgraven'étaitabsolumentpas entrain de témoignerou
d'argumenterdevantuntribunal. Il faisait simplementdeson mieuxpourfournirdesinformations,
comptetenu des circonstances,car ilne voulait pasqueles autoritésbritanniquesdonnentàSkliros
des informationsfausseset défavorables. EtBelgraveavait certainementraison de se hâter, car
comme nous venons de le voir, M. Skiiros écrivaitsa propre lettre, en fait datéedu lendemain
même.
156.M. Shankardassa dit àlaCour
((Nous savons aussi aujourd'hui, d'après les observations consignéespar
Belgravedans sonjournal le 23avril 1936 .. que les cheikhsAl-Khalifah, cinqjours
seulement avant la revendication officielle du 28 avril 1936,ne pensaient pasux-
mêmes pouvoirvalablementrevendiquer les îlesHawar.1)(CR2000/8,p. 27,par.27.)
157. La Coura dû penser, commemoi-mêmeq ,ue tout cela étaitassezspectaculaire. Voilà
que Qatar déclareà la Cour que le cheikh Hamadde Bahre'ïnlui-même ne croyaitpas que les îles
Hawarlui appartenaientlorsqu'ilfaisaitvaloir sesdroits. 158. Quand onavance une idée aussi propre à enflammerles espritsmieux vaut disposer
d'éléments sur lesquelss'appuyer. Veuillez examinerce queBelgravea écritle 23 avril 1936,et
jugez parvous-mêmes.Le matin,Belgraveva àsonbureau, le soir,il va au cinéma. Mais entre les
deux,il y aceci:
«Avons parlédu pétrole etdu nouvel accord et plus particulièrementde la
question de nos droits sur les îles du groupe Hawar,dont les cheikhs craignentque
l'Agencene lesreconnaisse pas. Je pense pourmapart qu'ilssont incontestables.))
159.Commentpeut-on sérieusementconclurd ee cepassage queles cheikhsne croyaientpas
à leurtitre sur lesîlesHawa?
160. Sir Ianpropose aussiune interprétation imaginativede ce passage. Voici ce qu'il a
soutenudevantla Cour :
«On comprendbien pourquoilescheikhsde Bahreïnontpu craindreque l'agent
politique britannique rejetteune revendication sur les îlesHawar formuléepar le
souverainde Bahreïn. Mais pourquoiBelgraveétait-il quant à lui certain que cette
revendication (qui ne sera formulée que cinq jours plus tard) serait appuyéepar
l'agence? Sepourrait-ilqu'il aitsu à l'avanceou, àtout le moins,qu'il ait entendu
quelquesbruitssur ce que seraitprobablementlaréactionde l'agenceau sujetde cette
revendication? Comment l'expliquer autrement, quand les fondements de la
revendication de Bahreïnsur les îles Hawar, s'ils avaienttésoumis à un examen
attentif, seraient apparus, comme Belgrave devait le savoir, comme extrêmement
incertains?» (CR200017,p. 50,par. 10.)
161.Aucunélémend te ces remarques n'est convaincant. Les cheikhs ne s'inquiétaient pas
du rejet d'une«revendication»:ilsparlent deleur«droits». Quant auxmotifsde leurscraintes,les
documents nous montrent que les Britanniques avaientnotamment intérêtà défavoriserle
concessionnaire américainde Bahreïn, ou au moins à promouvoir la cause de la compagnie
pétrolièrebritannique.
162. Dansla deuxième phrase,Belgrave ne se dit pas certain que la revendicationsera
«appuyée par l'agence)i)l,dit qu'elleest«incontestable».
163. Quant à l'hypothèse«qu'il ait su à l'avance ou, à tout le moins, qu'il ait entendu
quelquesbruits)),c'estune inventionde Qatar. Ce queBelgraveécric t'est qu'iltient lesdroitsde
Bahreeinpourindiscutables.
164. Et enfin : «Belgrave devait ...savoir» que les fondements de la revendication de
Bahreïn étaient ((extrêmementincertains) U).ne affirmationaussi tendancieuseserait simplement
drôle, s'il n'y avtn l'espècedes enjeuxaussisérieux.Elle confineau scandaleux. 165. Soit dit en passant, pourquoiBelgravese mentirait-ilà lui-mêmdans son journalet
écrirait-il((jepense» que les droits de Bahreïn sont incontesta-less'il pensait en fait qu'ils
étaient ((extrêmeme intertains))
166.Continuantdans cetteveine,sirIans'estinterrogésur le faitque Belgrave,en aidant le
cheikh Hamadde Bahreïn à formulerle fondementde la revendication deBahreüi sur les îles
Hawaravaittotalement((oubliéde dire qu'ellesfaisaientpartiede la principautédeBahreeïndans
un article qu'ilavaitlui-mêmepublié huitns seulementauparavanb)(CR200017,p. 51,par. 13).
Dans la description de Belgrave, Bahre'ïnne trouve nulle part l'expression (cprincipautde
Bahreïn» utiliséepar sir Ian (cote18 du dossier des juges de Qatar). Comme tant d'autres,
Belgravedécritce qu'ilappelle ((l'archipelde Bahree-m d'autres parlentdu ((groupedes îlesde
Bahdi)). Bahreïn ne se vexe ni ne s'inquiètede constaterque l'on définigéographiquement
l'archipelde Bahre'ïncomme composédes îles qui entourent immédiatemenlt'îleprincipale. On
peut dire que les îles Hawar constituentleur propre archipel. Cela n'impliqueaucun jugement
politiquesurla questionde savoir quiellesappartiennent.
167.Voyonsmaintenantcequeles fonctionnairesbritanniquesfontau sujetdesdeux lettres
de Skliros et Belgrave,qui à un jour près portentla mêmedate. D'abord,à la page 1074 du
volume5,vous avezlerapport del'agentpolitiqueàson supérieur,dontles points importantssont
lesparagraphes 5et6 (p. 1075). Jene vousendonneraipas lecture. SirIan semble considéreqrue
cerapportfait échoàune machination«sordide»et «(honteuse».Bahreïnne voit riendetel. Quant
àlaréponseà M. Skliros,page 1076,deuxpagesplus loindans le même volume, vouv soyezque
M. Walton,de 1'IndiaOffce lui répond,il répondàM. Skliros,que l'affaireretournera devantle
résidentpolitique dans le Golfe, non sans faire un commentaire assez cinglant au sujetde
l'argumentfutileque M.Sklirostire dela cartesignéepar le cheikhAbdullahet M.Mylles. Vous
levoyez,c'estle dernierparagraphedela lettre. M. Waltona écri:
«Jedouteque la cartejointe enannexeàla concession deQatar soitpertinentà
cetégard :elleavaitpourobjetde définirla frontièresudde la concession. D'ailleurs,
ellereprésenteleîles deBahreüiaussibienqueHawar. Veuillezagréer...»
168.L'argumentde M. Sklirosne méritaitpas plus, et celareste la réponseque Qatarmérite
aujourd'hui. 169.Permettez-moi seulementd'ajouterque bien que la lettre de M. Walton porte sur la
question de savoir si les îles Hawar appartiennent à Bahreeïn,les «îles de Bahreïn)) sont
mentionnées commedistinctesde «Hawar». Compte tenu dela réponsede M. Waltonsurle fond,
il est manifestement incontestaquela distinctionse situe surle plan de la géograp,ondela
souveraineté.
170.Suivant l'avisde l'agentpolitiqueet durésident politique,omprisla conclusionque
les souverainssuccessifsdeBahreïn «ontexercé, de façoactive, leur autoriàHawarjusqu'àce
jour» (contre-mémoire de Bahreïn, par.246)'le Gouvernement britanniquea exprimé,enjuillet,
l'opinionque Bahreeïavaituntitrede souverainetésur lesîlesHawar (contre-mémoirdeeBahreiïn,
par.253).
171.L'attitudedes autoritésbritanniques sembleparfaitementjudicieusll,esont répondu
une demande de PCL, maisen prévenant queleur opinion étaitexprimée sous réservd ee la
décisionquipourrait êtreenduesiQatardemandait unjour àfairevaloirsonpoint devue.
172.En 1937,on le sait, les troupes du cheikh Abdullah envahirent Zubarah. L'undees
réactionsde Bahreïn fut de prendre une séride mesures défensivesdans les îles Hawar. Qatar
tenta de qualifier cetteréaction d'occupatillégale opportunistpar Bahreïn. Ce n'est pasun
argumentqui méritebeaucoupd'attention,surtout depuis queles quatre-vingt-deuxdocuments ont
disparude la scène. Il suffitde répondreque contrairementà ce que soutient Qatar, cesmesures
prisespar Bahreeinsont précisément cellds'unsouverainréagissantàce qu'il perçoitcommeune
menaceextérieure.
173.Et nous enarrivons ainsi 1938,date àlaquellele souverainde Qatardonnehalernent
sontoutpremiersigned'intérê pour lesîlesHawar. Quel'on soitprêtà croireou non qu'iln'apas
étéencouragépar PCL, il reste un fait incontestab:el'intérêtue PCL et le cheikhAbdullah
avaienttousdeuxàce queQatars'agrandisse.
L'ARBITRAGE
174. En février1938, à l'occasion d'une visitede l'agent politique à Doha, le
cheikhAbdulhaha déclaré que Bahreüin'avait aucun droitd'êtredans les îles Haver. Dans son
rapport sur cette réunion,que vous trouverez au volume5, page 1096, l'agent politique,Weightman-qui allait devenirsir Hugh Weightm-n note toutefois quele cheikh Abdullaha
((immédiatementchangéde conversation)) etqu'«il étaitévidentqu'il n'était absolumetas
disposéàl'époqueàrevendiquer formellementlegroupedesîlesHawm.
175.Apparemment, Weightman n'apas rendu compte de cette réunionde févrierà son
supérieur,le résidentpolitique, avant lejour où il lui a envoyécette lettrequi, vous le voyez,est
datéedu 15 mai. Sir Ian estimeque ce délaiest unélémte l'«histoiresordide...honteuse)).
On voit mal ce qui l'incàdirecela. La conclusionde Weightmanétaitque le cheikhAbdullah
n'était«absolumentpas» disposéà formulerune revendication. Weightmanécrit qu'ilessayait
d'amener le cheikhAbdullah sur le sujet, mais que celui-ci a ((immédiatement changéde
conversation». Nous ne savonspas pourquoimaisnous pouvonsobserver queM. Sklirosn'était
pas là pour lui chuchoter quelque chose à l'oreille. En tout cas, pourquoi serait-il urgent que
Weightmanrende compted'unerevendicationquin'apas été formulé ?e
176 .'estseulement trois mois plus tardquele cheikh Abdullaha effectivementfparulé
écritune revendicatio: une courte lettre datéedu10mai et une lettre un peu plus longue
du 27mai. Elles sont reproduites aux pages1094et1102 de ce volume (mémoire deBahreïn,
vol.5). Vous pouvez les étudiervous-mêmes.Elles ne sontpas avares d'éloquence main se
contiennentpas la moindrepreuve d'actesd'administrationou de toute autre présenceienne
surlesîlesHawar.
177.Le 30mai, Weightman est allé à Doha et a rencontréle cheikh Abdullah et ses
conseillers. L'agentpolitique britannique«a interrogé)l)e cheikhAbdullah«enàproposde
la revendicationde Qataret le cheikha déclaré «ile pouvaitapporter d'autrespreuvesqueles
déclarationémisesafin d'appuyer sarevendication»(contre-mémoide Bahreei,nnexe 88).En
réponseàdes ((demandesrépétées( sicp)ortantsurle point de savoirsi les deuxlettres expédiées
par le cheikh Abdullah présentaient ses revendicationse manière aussi détailléequ'il le
souhaitait»ousi le souverainavait((d'autresélémsepreuve,documentairesou d'un autretype,
qu'il souhaiteraitsoumettre)),le cheikhAbdullaha déqu'ilavait exposé daces deux lettres
tout ce qu'iltenaitre.039
178.Néanmoins,deux semainesplus tard, le 15juin, le cheikh Abdullah a demandépar
lettreà êtreinforméde la revendication deBahreïn en déclarantqu'il aurait peut-êtred'autres
élémentsdp ereuveàproduire enfonction delanaturedecetterevendication.
179.LeForeign Officea indiquéque«danslecas d'un arbitragede cetype)),les déclarations
dechaquepartie doiventêtre communiquées àl'autrepourréponse,afin de réduirelerisque qu'une
décisionsoitfondéesur«unedéclaration erronée)()mémoirede Qatar,annexe III165).
180. Etainsi, une foisla demandereconventionnelledeBahreeindéposéeen décembre1938,
l'occasion derépondre aétédonnée àQatar, qu'ila effectivementsaisie avecla dupliquedépose
la fi nemars1939.
181.Nous en venonsmaintenant audocumentquiestpeut-être le plus importantnl'espèce,
le rapportde Weightmandu 22 avril 1939 dans lequelil récapitulel'affaire etpasse en revue les
élémentd sepreuve. S'ily a un document que, Bahre'inen est certain, chaque membre dela Cour
étudieraavecun soinparticulier,c'estcelui-ci,quevoustrouverezàla page 1165 duvolume5. Je
n'ai pas la prétentionde vous aider à le lire mais permettez-moide faire une observation,à la
lumièredesplaintesrépétées de Qatar selon lesquellesGrande-Bretagnea injustement faitporter
à Qatar la charge de la preuve. Mon observationest la suivant: le rapport de Weightman ne
contient absolumentaucuneprésomption. Il n'yest pasdit que Qatara la charge dela preuve. On
y trouveune simplemiseenparallèledes élémentd se preuve, ce quin'est pas difficile,Qatar n'en
ayantproduitaucun.
182.Qatar semble considérer queWeightmanétaitun menteur et que tousceux qui étaient
d'accord aveclui étaientdes hypocrites. Ce type d'argument satisferasûrementpas la Cour,i
d'ailleurs aucunautre tribunal. Bien que l'on ne puisse guèrobliger Bahreïn à prouver que
Weightmann'était pas un menteur, il me semble qu'un lecteurobjectif de son rapport sera
convaincu qu'ilne peut guèreavoir étéécritpar quelqu'un quiavait un parti pris «sordide»et
«honteux». Je me permets de demanderaux membresde la Cour d'en lirele paragraphe 11,du
moinsen tempsvoulu sinonaujourd'hui,et de sedemandersi c'est là le langaged'un homme qui
(procèdeàun simulacre))àdesfins iniques ? 183. In'y adanstout le dossierde la présente affaire aucdocumenthistorique contenant
une analyseplusprécisede la question dutitre surlesîlesHawar.La réticenceapparentede Qatar
àdiscuterl'analysede Weightmanpourrait simplement s'expliquer par lefait qu'elle constitueun
exposécomplet du fond du différendet que, dèsqu'onparle dufonddel'affaire,on serend compte
que l'argumentationdeQatarconcernant lesîlesHawarseréduit à uneaffinnationcreuse.
040 184. Suivant une traditionséculaire,Qatara manifestement décique puisqu'il n'aimepas
lemessage,ilblâmeralemessager. Donc, QatarattaqueWeightmanpersonnellement.
185. Qatar dit que l'analyse de Weightmanest «tendancieuse» sans jamais expliquer
comment celapeut se concevoir - puisqu'en plusde soixante ans,jusqu'à cejour, Qatarn'a pas
trouvéun seul document authentique attestantun seul cas de présence qatariennesur les îles
Hawar - commentil est concevable, par conséquentq,ue, dans son évaluation,Weightmanait eu
tort surle fond
186.Qatarne mâche certespas sesmots en parlant deWeightman.Il doit avoir éprouvé des
«préjugésprofondément enraciné ...contre la famille régnantedes Al-Thanin. Je cite ici
textuellement sir Ian (CR 200018, p. 16, par. 15). Weighman avait une «attitude quasi
paranoïaque ..à l'égardde la famille régnante deQatam - là aussi,je cite sir Ian (CR2000108,
p. 14,par. 13).
187. SirIan a dit presque commes'il s'en plaignait que Weightman<m'explique vraiment
pas pourquoiil éprouveune antipathie profondeà l'encontredu souverainde Qatar de l'époque»
(CR200018,p. 15, par. 13). En procédant ainsi,Qatar pourrait parler de quiconquen'est pas
d'accordaveclui et seplaindrede ce queM.X n'a jamais expliqué pourquoiliétait(cparanoïaque))
ou éprouvaitdes (cpréjugé psrofondémentenracinés)).Il est demandé à la Cour de présumerla
mauvaisefoi. Ce seraitinverserunerègleuniverselle.
188. Le parti pris de Weightman, selon Qatar, transparaîtdans diverses notes et
communications qui -permettez-moi de lesoutenir- peuvent égalementêtreinterprétées
comme de bonne foi. Qatar met fortement l'accent sur une lettre que Weightmana écriteen
décembre1939 et dont vous vous souvenez certainement. Selon sirIan, c'étaitla lettre où
Weightman ((semble presque envisager avecplaisir une éventuelletentative d'assassinatsur la
personne del'héritierprésomptif deatam(CR200018,p. 14,par. 12(8)). 189.Nous avons placéce documentdans votre dossier,sous la cote20 (contre-mémoire de
Qatar,annexe III4., vol. 3,p. 275).
190. Nous voyons que Weightmann'admire ni le cheikh Abdullahni son fils Hamad :
«Bahreïn[écrit-il]est assiépar pléthore de gens Qatarquien ont assez du cheikhAbdullahet
des impôtsde sonfilsaîné,le cheikhamad.))
191.Iiévaluela situationcommesuit:
«Je crois personnellementque, tant que le vieuxcheikh reste envie, Qatar se
débrouilleratant bien quemal, étant donnéqu'il est populaire à la fois chez les
citadins (sil'on considèreque des lieux commehaou Wakhra sont des «ville»)
et chez les bédouins.Les seules personnes qui ledétestentvraiment sont certainsde
ses proches. Maisquand il mourra et que le cheikhHamad prendra le pouvoir,je
@Il- prévoisune croissance rapide du niveau d'agitation.Je doute fort qu'il y ait un
soulèvementarmé car la famille dirigeante disposedes meilleures armes,et de loin.
Maisje prévoisqu'il yaura certainementun meurtreetje pense trèssincèrement qu'il
serait avantageuxà long terme pour Qatar que le cheikh Harnad bin Abdullah
disparaisse.Nous l'avons bien entendureconnu commehéritierlégitime, maiscela
n'impliquepas, heureusement,quenous le protégions contrun assassinat,et puisque
je ne prévoispas de combatnousn'avonspas vraimentderaison denous inquiéterd, u
moins ence qui concernelespuitsdepétrolede Zaictit.))
192.En d'autres termes,le cheikh Hamadpeut êtrtuémais ce sera une querellede famille
qui n'entraînerapas une guerre civile. Weightmandit que c'est un problèmeinterne. Ce qui le
préoccupec'est qu'iln'y aitpas de guerrecivile.Weightmanpensait quele cheikhAbdullahétait
mauvais pour son propre peuple. En tant qu'agent politique, ilétaitcenséévaluer lesmériteset
supputerl'avenirdespersonnesoccupantdespositionsdepouvoir.
193. Lalettre de Weightmanmontre qu'il s'inquiétait dce qui «étaitavantageuxà long
terme pour Qatm. Rien ne concerneautant le «long terme»queles questionstenitoriales. Ce
n'est pas au profit d 'individusque l'ona fait valoirun titresur les Hawar, maisau profit dedeux
pays rivaux. Quelle que soit son opiniondes individus,rien ne prouve que Weightmanait plus
favoriséle peuple de Bahre'inque celui de Qatar. Le seul point sur lequel il se montrait
«tendancieux»,pour autant queje puissem'en rendrecompte,c'est sa conviction quela proximité
ne suffitpaà créerun titre.
194.Les insultes ne sont pas limitéesWeighûnan. Loch,a dit Qatar à la Cour, a porté
atteinteauxintérêtse Qatarparcequ'il s'estconduit«lâchement». 195. Fowle n'est pas davantage épargné : (parti pris» et s'est ((délibérément abstenu
d'examinem(CR200017,p. 50, par. 10).
196. En fait, Qatar conclut que le «Gouvernementbrieque ...ne procédait qu'àun
simulacre d'enquêtee))t que «le scénario)e «l'enquête»fut acceptéen principe tant par 1'India
Office que par le Foreign Officeà Londres (CR200018,p. 11, par.7-8). Tout le Gouvernement
britannique est donc maintenant accusé. Faire siennel ses revendications du cheikh Abdullah
sembleêtrela seule façond'éviterles épithètes de «sordid»t de «honteux».
197. Nous en venons maintenant à la fin de l'histoire. L'analyse et le dossier des
revendicationsrivalessur les îles Hawar ont étpassésen revue àLondres par le Gouvernement
britannique,notammentpar lemarquis de Zetlandetpar lord Halifax,puis la sentenceen faveur de
Bahreïna été rendue le13juin, a obtenul'agrémentduGouvernementde l'Indele 1"juillet et a été
communiquéeaux deuxsouverainsle11juillet.
198.Enrésumé, le souveraid neQatarn'a puproduireaucunepreuve,oumême alléguerrien
de précispour confier qu'ilrégnait sur lîles Hawar. Les autoritébritanniquesqui ont évalué
sa revendication ont conclu que malgréleurs invitations répétées à produire des éléments de
preuve, il n'a pu faire valoir pour fondersa revendication que l'argument indéfendablede la
proximité.
Lessuitesde ladécision
199.Troissemainesaprèsquela décision contraire àses souhaitsde la Grande-Bretagnelui
eut étécommuniquéel ,e cheikhAbdullaha écritau résident politiqupour lui dire qu'il étt &ès
déçw)par celle-ci. Sa lettre figure la page 1184 du mémoirede Bahreein,volume 5. Il est
importantdenoterquecette lettrene traitequedu fond. Mais commetoujours,le cheikhAbdullah
n'ofie aucunélémend te preuve etseborneàaffmer. Ilne seplaintpas de laprocédure.
200. Après 1940, Qatar n'a pas dit un mot sur la décisionrelative aux îles Hawar
jusqu'en 1947,annéo eù les enquêtesbritanniques slr frontièremaritimel'ontamené àexprimer
ànouveau son mécontentement ausujet de la décision de1939. Pendant les dix-sept années qui
suivirent,pas un seulmotn'a étéprononcépar Qatarsurce sujet. La décisionbritanniquede1939ausujetdesîies Hawar
- A la suitedel'invasiondeZubarah enjuillet 1936,larevendication de QatalesîlesHawar
étaitunenouvellemanifestation logique de l'expansionndeesAl-Thani;
- le moment précis où elle est interveetaitévidemmentliéau nouvel appétidt e pétrolede
Qatar;
- les intérêtommerciauxdes Britanniques surcettequestionallaientdansle sensque souhaitait
Qatar;
- iln'ya paseude conspiration contre Qatar;
- au contraire,il y a eu une procédureéquitableà laquelle Qatara pleinement participen
acceptant- et je cite le cheikh Abdullah- «le droit du gouvernement de Sa Majesté
d'examinerlesquestionsdecetype»;
- lesraisonsde fond des décisions prises sont déterminanteetsn'attribuaientàaucune desdeux
Partiesla chargede lapreuve;
- enfin,la Grande-Bretagneest toujourestée fidèàsadécision.
043 CONCLUSION
201. Monsieur le président,Madame et Messieurs de la Cour, Bahreeïns'appuie
naturellementsur la position juridique forte qui estlae en vertu de la décision de1939.
M. Reismananalyseradansuninstantla situationjuridique créée arttedécisionbritannique.
202. Ce queje voudraisfaire observer,et qui représema dernièreréflexionde cematin,
c'estque le droitde Bahreïn sur lesîles Hawarseraittout aussi clairementétablis'il n'yavait pas
eudedécisionen 1939.
203.Cettesentences'estbornée,eneffet,à prendre acte d'une éviden:eil y a soixanteans,
on disposait déjàde preuves écrasantes dela souverainetéde Bahreeïn,aussi bien en termes
d'allégeance dela populationà Bahreeïnqu'en termes de contrôle parBahreeïndes îles et des
activitésqui yétaientmenées.
204.Des enfants ayantgrandi surles îles Hawarsont devenusdes figuresmarquantes dela
viebahreeinite.Ainsi,AbdullahbinJaborAl Dosaria étle secrétaireinfluat el'émirdeBahreïn
danslesannées trenteIlapasséunegrandepartiede son enfance surlesîles Hawar. Commecela
ressortdeleurstémoignages écrits (mémoirede Bahreïn, anne3xeset 314),leshabitantsdesîlesHawar y passaient déjàleur enfance bien des années avantque la présence depétrolesoit
découverte, bien desannées avant que l'on fasse la moindre mention d'une revendication
qatarienne- dans lesannéesvingt,àuneépoque oùBelgraven'avaitencorejamais entenduparler
des îles Hawar. Ces habitants des îles Hawar peuvent indiqueraujourd'huil'emplacement des
pièges depoissonsquele pèred'Abdullahbin Jabor y possédait.Et sonpetit-fils le ministre
des affaires étrangèresde Bahreïn depuis son accession'indépendanceen 1971, et est bien
entenduprésentavecnous aujourd'huidanscetteGrande salle.
205.Ilne s'agitpas là de visions de fantômeou d'affirmationsgratuites fondées surdes
documents obscurs. Cesont des personnes que vouspouvez dénombreret nommer, que vous
pouvez voir et toucherencore aujourd'huiet qui peuvent vousmontrer oùelles ont vécu,où a
véculeur famille,etcommentleurdestinest devenu indissociablede celleurnation:Bahreïn.
206. Merci de votre patience. Permettez-moi maintenant, Monsile président,de vous
demanderd'inviterM.Reisman à prendrelaparole.
The PRESIDENT : Thank you, Mr. Paulsson. Je donne maintenant la parole au
professeurReisman.
M.REISMAN
L'AUTORIT DELA CHOSE JUGÉE
Introduction
1.Monsieur leprésident,Madameet Messieursde la Cour. C'estun honneurpour moi que
de me présenterdevant la Cour au nom de 1'Etatde Bahreïn pour examiner lesconséquences
juridiquesde l'arbitragede 1939,que M.Paulsson vient d'évoquer.
2. Sir Elihu a présenténotre argumentation en expliquant que, malgré le tableau
extrêmemenc tomplexebrossépar noséminents adversaires, cette affaest en bonne partie très
simple. rajouterai que l'une des questionsles plus simples estcelle de la souveraineté sur les
îles Hawar, car cette question a étérégléeil y a soixanteetun ans par un arbitrage valideet
obligatoireen faveurdeBahreïn,quiest revêtul'autoritédelachosejugée. 3. La Cour a peut-être été surprised'apprendreaujourd'hui parmon collègue,M.Paulsson,
qu'ily abieneu unarbitrage, avec uneprocédure mise aupointen consultationavecdesjuristesdu
Foreignmce britanniqueet une sentence écrite, fondée su urn mémorandum détailleé xposantles
faits et le droit. Surpriseparce que les conseilsde Qatar ontremplivotredossier et l'écranqui se
trouve derrièremoi de mémorandums etde documents émanant de personnes qun i'ont pas
organisé laprocédure et àpartir desquelsils se sont lancés dans des conjectured se plus en plus
invraisemblablesau sujet d'éventuelscomplots. Les personnesdontles vuesplaisent àQatar font
l'objet de promotions stupéfiantesc,ommele bureaucrate britannique dontsir Iannous a dit qu'il
avait écritun mémorandumen 1964pour critiquerla sentencede 1939et qui, dansle paragraphe
suivant, estprésenté commeleForeignOBcelui-mêmer,ien de moins1. MaisQatar s'est à peine
référé aux procédureset semble hésitertout particulièrement à évoquerles deux documents
capitaux :la sentenceet le mémorandum exposantles faits et le droit surlequelelle estfondée.
4. Imaginezqu'une partie déboutéa ettaqueun arrêtde cette Cour éminenteen s'appuyant
uniquementsur des notes ou des courriers électroniques échangés entre lje uges au cours de la
procédure et du délibérés,ur des comptes rendus de deuxième oude troisième main de
conversations tenues lors de déjeunersou de pauses-café au coursdes audiences, sur des
mémorandumsinternesde fonctionnairesde diversgouvernementssurles intérêts que ced serniers
045 pourraientavoir àdéfendreen l'espèce,surd'autreshypothèses ausujetde ce qu'auraientpu être
ces intérêtse,t même surunmémorandumémanant d'un fonctionnairede la Courrecrutéplustard,
qui n'aurait pas travaillésur l'affaire, et qui aurait consigné dansses dossiers qu'il estimait
personnellement quel'affaire avait étémal tranchée; et imaginez que ce derniermémorandumsoit
présentécomme donnant le point de vue adoptévraiment à l'époque par laCour dans son
ensemble. Le tout sans qu'il soitfait étatde l'arrêt, sans qu'il soit discuté,pas plus que les
mémorandumsexposantles faitset le droitsurlesquelsl'arrêt esftondé.
5. Voilàune méthodequin'a rien dejuridique. C'estlaméthode d'un journalisteàl'affit du
sensationnel qui ne tient compte ni du dossier officiel, ni des documents de l'affaire, ni des
mémorandums juridiques,ni des élémentd sepreuve,mais cherche n'importe où ailleursce que sir
--
ExposédesirIanCR 200017 ,.48,par.8-9.Ian a appelé«cequerévèle véritablemenlte dossim2 ou«laréalité déplaisante»c,ommeQatarl'a
dit avecune ironiesûrementinvolontairequand ila soumisquatre-vingt-deux fauxdocuments.
6. Il y a belet bien eu arbitrage. Certes,un arbitrage simple, tonnéqu'aucundesdeux
souverainsn'étaittrèsau fait de la procédure internationale.Mais un arbitragetout de même,
remplissanttoutesles conditions requises.Avecune sentence, quise trouve maintenant dansvotre
dossier. Avec un mémorandumdétaillé exposan lts faits et le droit, sur lequel la sentence est
fondée, dontvous constaterez qu'il témoigne d'une intelligencesolide et fort remarquable des
principesdu droitinternationalrégissanla souverainettenitonale, qu'ildonne unaperçucomplet
de la procédureet contientun examenscrupuleux des faitset des élémentd se preuve soumis,y
comprisdu problème, quis'estdoncdéjà posé à l'époqued, es élémentdsepreuvedouteuxproduits
par Qatar. Le mémorandumse trouve aussi dans votredossier. Commenous le savons tous,
l'arbitrage international requiert«le consentement des parties»et il y a effectivement eu un
consentement écrità cette procédurespécifiquede la part du souverainde Qatar, qui se trouve
égalementdans votredossier.
7. NéanmoinsQ , atarsoutientquela décision de1939
{aie peut pas êtreassimiléeà une sentence arbitraleet que, qu'elle soitou non
considérée commte elle, elleseraitde toutefaçon nulledu fait même deisrrégularités
de procéduregravesquiont étérelevées)?.
La semaine dernière,le conseilde Qatar est mêmealléplus loin dans son exposé, qualifian lt
sentencede «dénide justice^^ui devrait fairel'objetnon d'unréexamenmais d'un appel sur le
fond. Queles chosessoientbien claires :Qatarne demandepas simplementunréexamen ;même
si, commeje pensepouvoir le démontrer,l'arbitrageest parfaitementvalide,Qatar veut qu'il en
soit faitppel. Et non pas un appel ordinaire,car celui-ci serait limitéaux questions de droit.
Qatar veut un réexamencomplet de tous les éléments de fait-dans la mesure où ils sont
disponibles- une remise en cause del'autorité de la chosejugée s'attachant à une sentence
arbitralerendueily a soixanteetunans.
Ibid.,par.1.
Mémoird eeQatar,par.6.144.
CR200016,p.39,par.10. 8. Si la revendicationessentielleest extraordinairement simple,les questionsde droitet de
fait dontelleprocèdene le sont paset l'uned'entre ellesest une questionpréliminairequipourrait
bien empêched r'examinerl'ensembledela question.
La Courest-eiiecompétente pourréexaminer la sentencerendue
parunautretribunal ?
9. La Cour et celle quil'a précédée ont établi, da tnsis affaires successives,commeune
sorte dejurisprudence quasi-constante, suivanlaquelleilne faut pas réexaminera,nnuler,ni même
confirmerdes sentencesrenduespar d'autrestribunaux intemationaux, à moinsque n'ait été donné
un consentement spécifique, exprès et supplémentaire àla réouverture de l'affaire.Dans l'affaire
~ocobelge~ ,n tribunal arbitral international avait constatleGouvernementhelléniquen'avait
pas rempli lesobligations lui incombantenvertu d'uncontratsignéavecune société belge. Quand
la Grècen'a pas exécuté la sentence,la Belgiquea portésa demandedevant laCour permanente
sur la base d'un accord bilatéral de règlement judiciaire doatclausede compétencecomprenait
l'article 36 du Statut de la Cour. Quelle formule pourrait-elleêtreplus large que celle du
paragraphe2 de l'article36 : «toutpoint de droit international))? La Courpermanentea pourtant
déclaré que <m'ayant reçudesPartiesaucunpouvoirà[l']égard [des sentences]i,l ne lui appartient
pas plus de les confirmerque de les infirmer entout ou en partie»6. Le consentement à l'examen
par la Cour de (tout point de droitinternationab)ne s'étendatas au consentementàun réexamen
d'unesentence arbitrale qui avaitl'autoritéde la chosejugée.
10. En 1960, la Cour s'est trouvéeco&ontée à la même question dans l'affaire du Roi
dJ~spagne7q , ui concernaitun différend territorial entle Honduras et le Nicaragua soumisen
1902auditroi commearbitre unique. En 1906, le roi avait tranché en faveurdu Honduras,mais
l'affaire avait étémarquéepar des problèmes de procédure, donlt'un, significatif,concernait
justement la désignationde l'arbitreunique. Le Nicaraguaa protestéet a en vain demandéau roi
de réexaminersa décision.En 1957,des rumeurs concernantl'existencede gisementsde pétrole
dans une partie de la zone litigieuse ont déclenchédes heurts qui ont entraînédes pertes
SociétcommercialedeBelgique,arr, 939.C.P.J.I.sALBeno78p. 160.
ibid., 174.
' AffairedlaSentencearbitralerenduepar le roid'Espagnele 23décembr,rrêt, .Z.J.Recueil1960. importanteschez lesmilitaires. L'ûrganisationdes Etats américainsa servi de médiateur poulra
signature de l'accord dit de Washington, par lequel le différenda étésoumis à la Cour
internationaledeJustice.
047 11. Cet accord de Washington n'avait pas pu résoudre le litige qui opposait
fondamentalementles parties sur la questionde savoir s'il fallait remettre en cause la sentence
de 1906;il avait parconséquentprévusimplementquechaquepartieplaiderait dela façonqu'elle
«juger[ait]appr~prié[e]».Chaquegouvernementa doncjoint sa propre déclaratiop nourexpliquer
ce qu'il jugeaitapproprié.LeNicaraguaa bienévidemmens toutenuqu'il avaitle droit de contester
la sentence,alors quele Honduras s'opposaità la contestation. La Cour a déclaréque <même si
ces griefs avaient étprésentés en tempsvoulu, la sentence,selon la Cour, devraitencore être
reconnuecomme valable.^^
12.En 1991,la Cour s'est ànouveaupenchée surcette questiondans l'affaire relativeàla
Sentencearbitrale du 31juillet 1989'~.Le Sénégalc,ommela Cour le sait, avait remportéà la
majoritéune affaire de différendfiontaliermaritime qui l'opposaitla Guinée-Bissau.Le Sénégal
avait acceptéla juridiction de la Cour dans une déclaration antérieure au différend. La
Guinée-Bissau a fait une déclaration d'acceptatine la compétence obligatoire dlea Couren des
temes trèslarges, postérieuremen t la sentence,et a ensuitesaisi la Courafin que celle-ciannule
ladite sentence,en alléguant qu'unetelle question relevait clairementes catégoriesdéf~es au
paragraphe 2 de l'article 36 du Statut, et correspondait notammentà un qoint de droit
international)).LaCoura réponduentermestrèsmesurés, confirmanq tu'ellene réexamineraiptas
la décisiondefondprise parle tribunalarbitral. Je vais,si vousle permettez,lire icil'énodela
Cour :
ales Partiesont reconnu qu'ily avait lieu de distinguerle différend defond quiles
opposentrelativement à la délimitationmaritime,de celui qui concernela sentence
renduepar leTribunal,et que seul cedernier différendq,ui estnépostérieurementàla
déclarationdu Sénégal,fait l'objet de la présenteinstance devant la Cour. La
Guinée-Bissaua aussi adoptéla position, acceptéepar le Sénégal, selon laquellela
présenteinstance ne doit pas être considéré cemme un appel de la sentence ou
Requête introductive d'inacnexe3), 1960,C.I.J.Mémoires,affaire delaSentencearbitralerendue par
le roi d'Espagne23décembre,p.28-29.
Affaire dela Sentencearbitralerenduepar le roi d'Espagnele 23 décembre1906, arrê1960,.J.Recueil
p.214.
'Affaire relaelaSentencearbitrale31juillet 1989,arrêt,R.ecuei1991,. 53 comme unedemandeenrevisionde celle-ci. Ainsi,lesPartiesreconnaissent qu'aucun
aspect du différendde fondrelatif àla délimitationn'est en cause. Sur cettebase, le
Sénégan l'a pas contestéque la Courest compétentepourreconnaîtrede larequête en
vertu du paragraphe 2 de l'article36 du Statut. Dansles circonstances de l'espècel,a
Cour considère sacompétence commeétablie.))"
13.M. Mbaye,qui a votéavec lamajorité, aestimé quele fait que la Cour sereconnaisse
compétente,commeune courde cassation,pour se prononcersur des sentencesqui sontun «autre
mode de règlementdes différends ..serait ...une aventure dontles conséquences dévastatrices
ne selimiteraient pas aux seules décisiorsnduespar desarbitres.»12
14.Danslaprésente affairel,aCours'estreconnuunecompétence généra :«auxtermesde
ces accords [de Doha] les Parties ont pris l'engagement desoumettre à la Cour l'ensemble du
différendqui les oppose...))3. Cette compétence comprend-elle le consentementà la remise en
caused'une sentencearbitrale ? Dansl'affaireSocobelge,desconclusionsformuléesen des termes
aussi larges avaientétéconsidéréec sommen'autorisant pas la Cour à réexaminerune sentence
arbitrale. Dansles affairesqui ont suivi,la Coura recherchéun consentementspécialetexprès àla
remise en cause. Iln'en figurepas dansle procès-verbalde Doha. En cherchant à infirmer la
sentencede 1939et àfaireappel,Qatardemandeàla Cour, pour lapremièrefois,de sereconnaître
une compétenced'appel àl'égardde lasentenced'unautretribunalsansle consentementexprèsde
la partieen faveurdelaquellelasentencea étérendue. C'es utne démarche donltes incidencesont,
jusqu'à présent, incitla Cour à refuser de la suivre.Bahreïn demande à la Courde se borner,
conformémentàsa jurisprudence, à déclarerque la sentencede 1939a un caractère défmitif.La
sentenceconfumée,Bahreïn demande à la Cour de dire, sur la base des effectivitésdont il a fait
état etde l'absencetotaled'effectivitésnce qui concerneQatar,que toutes lesîlesHawarrelèvent
du territoire deBahre-ïn.
Existe-t-ildes moyensde contester la validitédela sentence ?
15.Maismême si la Cour devaitréexaminerla sentencede 1939,Bahreïn soutienqtu'ellene
trouverait,ni en droit,ni dans les faits,debase pour étayerl'unequelconquedesrevendications de
Qatar.Qatar allègue :
IC.I.J.Recueil,19p162.
lDélimitation maritimeet questionsterritoriales entre Qataret Bahreïn, compétenceet recevabilité, arrêt,
C.Z.J. ecueil1994,p 112-126. - qu'iln'a pas consentià l'arbitrage;
- queles fonctionnairesduRoyaume-Uni quiont arbitréont faitpreuve de partipris;
- quedesvices deprocédure ont entaché le déroulementld 'erbitragede 1939;
- quela sentencen'apas été motivée; et
- queQatar a constammentcontestéla décision,qui,de ce fait,ne le lie pas.
16.Je vaismaintenantétudierces allégationsune paurne.
LAPRÉTENDUE ABSENCE DECONSENTEMENT
17. La première question porte sur le consentement. Jee me propose pas de développer
longuement, à ce stade, la question des traités surlesquels se fonde la décision britannique,en
observanttoutefoisque leRoyaume-Unia certainement interprété cestraitésconclusavec les Etats
de la régioncommel'autorisantàarbitrertousles différends.Lespropositionsformuléesen 1919
0 4 9 par la délégation britannique en vue d'un projet de traitéindiquent que les divers traitésdéjà
conclusavec les souverainsde la péninsule Arabique «contiennent généraleme des dispositions
prévoyantque le gouvernementde Sa Majestéarbitrera tous les litiges entre lesditschefs»14.Et
effectivement,par la suite, les fonctionnairesbritanniquesont considéré quedécisionde 1939
revêtaitl'autoritéde la chose jugée, avec touteles conséquences juridiques qui en déco~lent'~.
Maisil est inutiled'allerplus loin dans cette voie, tout simpletarce que le souverainde Qatar,
par une communication écrite,a explicitementautoriséle Gouvernement britanniqueàtrancherla
question de la souveraineté sur lesîles Hawar. En effet, dans une lettre du 10mai 1938,le
souveraina énoncé ses revendications sur lesîles Hawar, protestécontre les activitésqu'y exerçait
Bahreïnet demandéunedécision.Enconclusion,il écrivait
«J9aijugé nécessaire en premierde vous rendre compte de cette affaireet de
protester contre les actes d'ingérenceet les menéesdu Gouvernementde Bahreein à
Hawar, qui est une dépendancedu Qatar.Je suis sûr que vousaccordereztoute votre
attentionà cette affaireet prendrez toutesles mesures nécessairespour évitertoutes
difficultésquipourraient provoquerunerupturede lapaix.
l4MémorandumduForeignOfficede 1920répliquede Qatar,annexeIII. 223..
" Voir la lettre adrpar l'agent politique de Bahreïn au résidue Bahreïn le31décembre1946,
mémoirede Qatar,annex111.249. J'aipréféré vous informer, ainsi qjeedoislefaire,etespère que vousme ferez
connaîtrevotre décisioncar il est nécessaire d'agirrapidement contreces agresseurs
qui sesont permisces actions àmon insu.Je suispersuadéque,pourpréserverlapaix
et la tranquillité, vous ferez toultenécessaire enlaère.»I6
18. Ce n'est pas tout. Le27 mai 1938,le souverainde Qatar, informé des revendicationest
des éléments de preuve présentéspar Bahrein,a répondu parses propres prétendusélémentd se
preuve, que j'analyserai plus tard. En guise de préface,il déclare : «Je remercie aussi le
gouvernementde SaMajestéqui, commevousl'avez dit, décidera dela questionen s'inspirantde
la vérité ete lajustice.»" Après avoir présentsa version des événements, le souverac onclut :
«Jesuispersuadéquele gouvemement deSaMajesté administrera lajustice etl'équitetquevous
le ferez dans les circonstancprésentes..» Voustrouverez toutesceslettresdansvotredossier.
19. Dans sa plaidoirie sir Iana soutenuque (tout au plus», c'étaitlà un consentemànune
«enquêt[e]»'8.Mais le souverain écrivai t «Le gouvemement de Sa Majesté .. déciderade la
questionen s'inspirantde la véritéet de lajustice.)) Celane suffit toujours pas,nous dit sirIan,
parce que le souverain n'a jamais utilile terme d'«arbitrage». Or, si le souverain n'aconsenti
O 58 qu'à une décision politiqu-e et, incontestablement,il a consenàiquelque chose- alors, aucune
des normes de l'arbitrage nes'applique,commeje le montreraiplus tard. Je considèreque le
consentement àune décision inspiré«edela véritéet de lajustice)) avecla procédurequia suiviet
àlaquelle le souveraina pleinement participéc,'étaitconsentiràl'arbitrage. Dansl'affairede la
Sentencearbitralerenduepar le roi d'Espagnela Coura observé
«Ni la validitéde la désignation duroi comme arbitre ni sa compétenceàce
titre n'ont été misesen doute à aucun moment de la procédure arbitrale qui s'est
déroulée devant lui. Les Parties ont suivi devantle roi la procédurequi avait été
convenuepourlaprésentationdeleursthèses respectives.»19
Remplacezle nom du Nicaragua par celui de Qatar,et l'argument de Qatarplaidant l'absencede
consentementsevolatilise.
l6Mémoird eeBahrein,annexe256,p. 1095.
l7Mémoird eeBahrein, nnexe260,p. 1102.
l8CR2000/7,p.47,par.6.
l9Sentencearbitralerenduepar le roid'Espagne,C.I.J.Recueil1960,p. 207. 20. M. Salmonet sirIan ont implicitementproposéune théorienovatricedu consentement :
un consentement,non pas à l'arbitrage, maisàla sentence rendue. Autrementdit, le fait que Qatar
ait consentiàl'arbitrageimportepeu. Comme Qatarn'apas donné son consentemen tlasentence,
il n'est pas liépar celle-ci.Mais,quandQatarafhe nepas avoir consentiàcet arbitrageen 1938
ni avoirparticipéà la procédure,sesallégationssontdénuées de fondement.
Le prétendu partiprisduRoyaume-Uni
21. J'en viens maintenantaux allégationsde parti pris. Avec le retrait des documents
falsifiés,dont beaucoup étaienctensésdémontrer un complot britannique,on auraitpu croire que
cette thèse disparaîtraitde l'affaire. Pour remple vide, Qatar a échafaudé de nouvelles théories
de conspiration, encore plus compliquées, dontsir Elihuet M. Paulsson ontmontréqu'elles ne
reposaient sur rien. Le problèmeicin'estpas seulementque la thèsede la conspirationsoit sipeu
plausible,mais qu'ellesoulèveunequestionfondamentalede compétence.
22. Dans sonmémoire,Qatarchercheàimpliquerdirectementla Grande-Bretagnedans cette
conspiration complexe à douze reprises, pas moins. Cinq fonctionnaires britanniques, dans
l'exercicede leursfonctions,sontexpressémenn tomméscommemembres du complot. «[Il1y a eu
de la part de la Grande-Bretagneen générae lt deWeightman[l'agent politique]en particulier des
manifestationsévidentes d'unpartipris en faveurde Bahreein>e>t,Qatar entire la conclusionque
«la procéduresuivie par les Britanniques était ce point viciéeque la décisionqui s'ensuivitne
peut qu'être considéré coemmenulle>?'.
23. Bahrein, ayant dans son contre-mémoire,appelé l'attentionde la Cour sur les
conséquencesque les insinuationsde Qatar contrela Grande-Bretagne auraientsur la compétence,
Qatar a changé de ton. Dans sa réplique,son refrain est maintenant-je ne cite que quelques
exemples,le suivant :
«dl s'agit là d'allégations dirigées contre des personnes désignées
nommément. .>>21
«Ces allégationsne sont pas dirigées contrele Gouvemement britanniqueen
tantquetel etne l'ontjamaisété.>>22
Mémoirede Qatar,par.6.251.
2'RépliqudeQatar,par.4.295. 24. Pourtant, dansleurs plaidoiries,M. Shankardasset sir Ian sont revenus, apparemment
avec quelque complaisance, surcette théorie dela «perfide Albion». Il le fallait bien. Un
gouvernementne peut fonctionnerquepar l'intermédiaire des êtreshumainsqui sontses agents. Si
ces derniersagissentdansl'exercice de leurs fonctionsd ,ans le cadredeleurspouvoirs, avecl'aval
de leurs supérieursde l'administration,commece fut lecas en l'occurrence,leurs actes sont des
actes du gouvernement. Aussi, lorsque Qatar faitétatd'un parti pris, il s'agit du partipris du
Gouvernementbritannique.
25. Si elle retient les allégationsde parti pris qui visent le Royaume-Uni,la Cour sera
amenéeà juger le comportement du Gouvernementbritannique et à se prononcer sur les
responsabilitésqui en découlent. Mais le Royaume-Unin'a pas acceptéla compétencede la Cour
pour cette affaire; d'ailleurs, dans la déclaration qu'ila faite en vertu de l'article 36, le
Royaume-Uniexclutexpressémenltes événements antérieurs à 1946. Bahreïna invoqué, dansses
écritures, ladécision adoptée palra Courdans l'affairedu Timororientalqui, à son avis, règle
définitivementcette question. Qatara réponduque la situation juridique étaitinfinimentplus
complexeet s'estmis à analyser desaffaires que cetteCour connaîtmieuxque quiconque :celles
de l'Or monétaire2'd ,u et deNaud5.
26. Bahreïn souscrit entièrementàla jurisprudenceque la Coura établiedans ces affaires.
Cettejurisprudence témoigne d'ung erandecohérence,mêmse i, commeil en est pour l'application
de touterègle,elle s'adapteaux spécificités decsasd'espèce.En général l,a Cour sembledisposée
à exercer sa compétenceà l'égardd'un différendou d'une revendication déterminée danu sn
différendlorsqueles intérêtsd'un Etat tiesrosnt encause à titre marginalou périphérique, tan qtue
cet Etattiers n'estpas effectivementouinévitablemenlta véritablecibleduprocèsou quela licéité
de soncomportement n'esp tas unélémenctentralde l'unedes questionsposées à la Courdans le
cadre du dzflérenddont elle est saisie. Si l'une de ces conditions est remplie, la Cour peut se
déclarerincompétentede manièresélective, pour l'une des demandes etnon pas pour la totalitéde
* RépliqudeeQatar,par.4.296.
" OrmonétaireprisàRomeen 1943,C.I.J.Recueil1954,p. 19,exceptionspréliminaires.
''Activités militaireset paramilitaires au Nicaraguaet contre celui-ci (Nicaraguac. Etats-UnisdAmérique),
C.I.J.Recueil1984, 392.
25Certainesterresà phosphatesàNauru(Nauruc.AustraliC.I.JRecueil1992,p. 240.l'affaireà moins que les autres demandesne soientliéesàcelle qui est exclueet que celle-cine
commandelaréponse à leur donner.
27. L'argumentde Qatar au sujet de la nullitéde la sentence arbitrale pour causede parti
pris, depar sa nature, met nécessairement en cause la licéitdu comportementdu Royaume-Uni
sansle consentementde cetEtat. Dansl'affairede Timororiental 26la Coura soulignéque si elle
exerçait sa compétence,«[l]es droits et obligations del'Indonésieconstitueraientdès lorsl'objet
même d'un tealrrêt,rendu enl'absencedu consentementde cet ~tat9~'. Comme l'allégationde
parti pris formuléepar Qatarsusciteraitcertainement le même souci, il faut obéir au précédednt
l'affairedu Timororiental,puisque cette allégation de partipris met nécessairement encauseun
Etat quine relèvepas dela compétencede la Cour en l'espèce. Le raisonnement développé dans
l'affairedesTerresàphosphatesàNaururenforce cette thèse,car les allégationsde Qatarobligent
àapprécierla licéitéde l'actiondu Royaume-Uni commes'il s'agissaitd'une ((condition préalable
à la décision». Il risque donc d'y avoir un obstacle juridictionnel insurmontableà recevoir
l'allégatiodepartipris.
28.Jen'étudieraipas ces allégationsfantaisistesdeparti pris quantau fond,maisje voudrais
m'arrêtebrrièvementsur les incidencesdes nombreusesnotes et mémorandumsbritanniques dans
lesquelsles conseils de Qataront voulu voir latoile d'une conspiration.Quandun gouvernement
étaitchoisicomme arbitre au XD(' siècle et au débudtu XXt siècle et,plus encore, lorsquedes
traitésdonnaient à ce gouvernement des responsabilitésà l'égard desparties à un litige qui
l'avaient choisi,la dynamiquedu délibéré étaitgénéralemen rèsdifférente decelle destribunaux
modernes, comme cela ressort clairement des pièces et du dossier de l'affaire dela Sentence
arbitralerenduepar le roid'Espagne.Les fonctionnaires, à différentsniveaux, conformémenatux
règlesinternespropres à leur administration, participaient dedifférentesfaçonsà l'ensemblede la
procédure. Ils correspondaient par des notes, comme c'est l'usage chez les fonctionnaires.
Précisémen ptarce qu'ilsétaientdotésdepouvoirs conventionnels à l'égarddu sujetde l'arbitrage,
différentsaspects de la question litigieuse avaient déjàété évoqué dsans la correspondance
échangéa evecleurs prédécesseurs. Certaines dcees communicationsreflétaient peut-êtu reepart
26Timororiental (Portugalc.Australie), .I.J.Recueil1995,p. 90.
"Ibid.,~. 105.dejugement. Quiconquechoisitun Etatpourarbitre sait dansquellesconditionsun Etat s'acquitte
de fonctions collectives, et l'intéresest nécessairementréputéavoir acceptéce facteur en
contrepartiedes avantagesnon négligeablesqu'il y a à faire résoudrele différend parun arbitre
bien informé etfaisant autorité,surtout lorsque1'Etatainsi choisia un pouvoir et un prestigetels
qu'il est d'autantplus vraisemblable quesa sentence sera appliquéetonc que le différend sera
définitivementrésolu.
29. Qui plus est, quiconque est appea exercerune fonctionjudiciaire ou arbitralene fait
pas table rase de toutce qui aprécédé. ous avonstous desopinions. Laquestionest desavoirsi,
par conscience professionnelle, nous en faisons abstraction quandnous nous acquittons de
l'arbitragequinous a été confié. ous tenonsles documentsdelaprocédure,le mémorandum elta
sentence pour un reflet digne de foi de cet arbitrage. Révèlent-tsn parti pris qui justifierait
l'annulationde la de la senten?e
L'exercicedesesresponsabilitéspalr eRoyaume-Uni,en 1936,
était-ilentaché de vices de procédu re
30. J'e niens à l'allégationde Qatar selonlaquellela ((décisionprovisoi)e 1936aurait
étéprise sans sa participation,n'a pas été motivet devrait doncêtre annulép earce que, étant
censée êtreun arbitrag- en 1936 -, ellenerespectaitpascertainesrèglesdejustice naturelle,et
notamment pasle droit qu'avaitQatar de participerla décision. Maisil n'y a pas eu d'arbitrage
en 1936. Il n'y avait pas de parties. Voyonsce qu'a éle scénariovéritable, unefois qu'on le
débarrasse de toutes les hypothèses de plus en plus enfiévréesde conspiration. Etant
conventionnellementresponsabledes affaires étrangèredse Bahreein,e Royaume-Unia été obligé
de répondre à des demandes d'éclaircissemendte la part de compagniespétrolièreayant engagé
des négociations commerciales avec Bahreïn, qui voulaient savoir si Bahreïn exerçait sa
souverainetésur les îles Hawar. Le Royaume-Unia donc examinéla questionet confirméce qui
était évidentpersonned'autreque Bahreïnn'était présent dan lss îlesHawar,etle Royaume-Uni
pouvait démontrer suffisamment d7«effectivités».l n'y avait rien de nouveau à cela et, comme
M. Volterra l'exposera lasemaine prochaine,la Grande-Bretagneavait déjàà maintes reprisesau
cours de décennies précédentes confirmlaésouverainetéde Bahreiïnsur lesîles Hawar,y compris
vis-à-vis de gouvernements étrangers.Deuxansplus tard, lorsque Qatara décidde réclamerlesîles Hawaret s'est adresséau gouvernement deSaMajesté, ce dernier n'a pas dit que la question
avait étéréglée par un arbitrage en 1936et revêtaitdonc l'autoritéde la chosejugée. Tout au
contraire. Devantune revendication portantsur les îles Hawar formuléecette fois par un autre
souverain,le gouvernementde Sa Majestéa réagi dansla logique dela correspondanceantérieure,
en disant que la décisionde 1936 n'avait étéque provisoire et il a mis en place uneprocédure
d'arbitrage. Ce sera leseularbitrage. Qatarl'a demandé,y a consenti,y a participé pleinement et
a perdu. C'est seulementcette décisionde 1939 dontle Royaume-Unia dit par la suite qu'elle
revêtailt'autoritédela chosejugée.
31. Qatar essaie de transformerla responsabilitécouranteet d'ailleurs inéluctable de toute
puissance exerçantun protectoraten 1936en un vice de procédured'arbitrage parce que,dit-il,la
Grande-Bretagnen'a pas consultéQatar en lamatière. Mais il n'y apas eu d'arbitrage en1936.
Lorsquela position adoptéea étécontestéeen 1938,c'est alors que la Grande-Bretagnea établi
une procédured'arbitrage. Voyez àquelleabsurditéconduisent lesaffirmationsde Qatarau sujet
des événements de 1936. Tout acteur de la scène internationale' qu'il s'agisse d'unEtat ou de
l'Organisationdes NationsUnies dansune opérationde maintien dela paix, quandils s'acquittent
d'un mandat de droit conventionnelou coutumier, est-il obligéd'organiser une procédure
contradictoire chaque foisqu'il adopte une décision courante, pour ne pas parler de décision
administrativeprovisoire, mêmle orsqu'il n'est pasclair quele sujetprêàcontradiction? Iln'y a
pas d'arbitrage«<provisoire»e 1936.
Laprocédurede1939fut-elleentachée devices ?
32. A divers endroits dans ses pièces de procédure écrite e otrale, Qatar examine les
documentsanciens - des communicationsnécessaires à la puissanceprotectrice dansle cadre de
l'exercice de ses responsabilitésau titre des traitésconsacrant son rôle - et suggèrequ'ils
prouvent que le Royaume-Uni, entant qu'arbitre, a imposéla charge de la preuve à Qatar.
M. Paulsson vient d'examiner cet aspect de l'arbitrage de1939 et de montrer qu'à l'évidence i
l'argument est totalement infondé. Chaque partie a agi en vertu du principe qui s'énonce
actori incumbitprobatio et impose à chaque partie d'étayersa thèse :une règle parfaitement
respectéedansle cadre del'arbitragecommel'attesteledossier. 33. Qatar a également prétendu qu'en l'absence de procéduo reale, il n'avait pas étéen
mesure de procéder à l'interrogatoire et au contre-interrogatoirede témoinssur les questions de
fait.Mais rien n'exigequ'un arbitrage, pour êtrevalable et équitable,prévoie une procédurorale
ou des dépositionsde témoins. Certains tribunaux, telsle tribunal administratif de l'OCDE et la
commission de recoursde l'OTAN, organisent des audiences. Mais nombreux sontles tribunaux
internationaux,dontcertainsétaientauparavantsoumisaucontrôle formelde la cour internationale'
qui n'ont recours à une procédure oraleou à la citation de témoinsque dans des circonstances
exceptionnelles. Le tribunal administratif de la Banque mondiale, qui a examiné 225affaires
depuissa fondationen 1980et qui a comptéparmi ses membres d'anciens juges de cette Cour, n'a
organisé d'audiencesque dans deux affaires. Les 223 arrêtsconcernant les autres affaires
doivent-ilsêtreannulés pour autant ? Le tribunal administratifde l'OIT n'organise deprocédure
oraleque trèsexceptionnellement(la dernièrefois, d'ailleurs,desa propre initiative) et le tribunal
administratif du FMI uniquement quand cette procédure est nécessaire pour juger l'affaire
(articlXIü, par. 1) du règlement intérieurdu tribunal). Ce qui compte, c'est l'égalité de
traitement,l'informationdu tribunal etl'équité élémentaire.
34. La notion générale d'arbitragepar un tiers choisipar les parties étaitun élémente la
culture politique régionale pré-islamiquet plonge ses racines dans l'islam lui-même. Mais les
procédures idiosyncratiquesde l'arbitrageinternational publicne faisaientpas encore partie de la
traditionjuridique régionaleet étaiet al connues dessouverainsde Qatarou de BahreeinIlaurait
pu se révélerinjuste de les leur imposer.La question fondamentaleest de savoir si la procédure
miseau point par le Royaume-Uniau cours de l'arbitragede 1939étaitjustepour les deux parties
et constituait ainsiune règle du jeu équitable)). Et effectivement, la procédure fut équitable,
simple évidemment, maistout à fait adaptée au contexte culturel. Il ressort clairement des
documents qui subsistent decette procédurede 1939 queQatar ou Bahreïn aurait parfaitementpu
produiredes témoinsou d'autres éléments de preuve s'il l'avait voulu.e souverain de Qatar fut
tout à fait satisfait de la procédure, puisqu'il écrivit à l'agent politique britannique, le30mars 1939 :«JYaiexplicitémes commentaireset mes observations à votre Excellence aussi
complètement que les circonstancesde l'affaire'exigent>)**
La sentenceétait-ellemotivé ?e
35. Voyonsà présentcommentQatar tente de contesterla validitéde la sentencede 1939
pour la raison qu'elle({n'étatas motivée))p,our reprendre les termes de la Partie advers. ette
affirmation est tout simplement matériellement inexacte. Rétrospectivement, il est clq aire le
processus aboutissant à la sentence reposesur deux documents figuranttous les deux dans les
annexesdeQatar. Le premierest l'examendétaillé (surhuitpages) desélémentd sepreuveque sir
Hugh Weightmanadresse au résidentpolitique le 22 avril 1939,qui, bureaucratieoblige,devait
être approuvé par les supérieurshiérarchiques;le second document estune communicationplus
brève adresséeaux deux souverains par le résident politiquele 11 juillet 1939; elle s'inspire
simplementdu mémorandum consacra éux questionsde droit et de fait de Weightman sansjamais
s'en écarter etlui donne suite. Le second document seborne à informerles destinatairesde la
sentence, selon une pratique très courante à l'époque dansle cadre des arbitrages
gouvernementaux,comme j'aurai l'occasion de le démontrer. Pour comprendre la sentenc dee.
1939etcomprendrequ'elle estmotivée, ilconvientd'examinerlesdeuxdocumentsenquestion.
36. Nous savons, d'aprèsle mémorandum du 22 avril 1936 que l'arbitrage a exigéune
évaluationextrêmement minutieusd ee la position de chaque partie,qui a portéaussi sur leurs
points forts etleurspoints faibles. Ceshuit pagesinterlignesimple démontrent indubitablement
que ce processus afait appel à un examen trèsattentif des élémentd se preuve et desmotifs et
répondaitamplement à l'obligation de motiver les sentences arbitralesqui existait à l'époque
comme maintenant du reste. Les membresde la Cour étudieront sûremenc te documentde sorte
queje me contenteraide les renvoyer à la dernièrepartie,qui est longueet dans laquelle sir Hugh
Weightmanrésumeses conclusions,lesrattacheauxpreuveset formulesesre~ommandations*~,3~.
28Mémoird eeBahreïn,annexe279,vol. 5,p. 1160.
29Zbid .,nexe281,vol. 5,p. 1166-1167.
'O~bidp.,1171-1172. 37. Certes, ces motifs ne furent pas communiquésaux deux souverains,ce qui n'étaitpas
inhabituel pourles arbitragesrenduspar les gouvernements à l'époque,mais on ne sauraitaffirmer
pour autantque ladécision n'était pams otivée.
38. Larédactionet lacommunicationdes motifs doiventêtrereplacéesdans lc eontexted'un
genre particulier d'arbitrage international qui connutson apogée au XIXe siècle et au débutdu
XXesiècle, époqueoù il n'était pas rare de demandeà r un chef d'Etat ou de gouvernement de
rendre seul une sentence arbitrale. Lorsque deux gouvernementschoisissaient pour arbitre un
gouvernementtiersou un chefde gouvernementétrangeri,lsne s'attendaientgénéralemenptas àce
que la sentences'accompagne deconsidérants juridiques fortcomplexes. Le différendfrontalier
entre la Bolivie et le Pérous'est soldéen 1909par une sentence rendue par le président de la
Républiqueargentinequi tient en une demi-page31.La sentencerendue par Victor-EmmanuelIII,
le roi d'Italie, dans l'affaire de la frontière guyanaise tienten deux pages et d,commecelle
qui fut rendue dans l'affaire de la délimitationde la frontière du~arotse~~.Dans l'affaire de la
Cordilleraentre l'Argentine et le Chili, arbitrée parEdouard VII, la sentence faisait une pageet
demie34(tandis que le rapport remis par le tribunal que ce souverain avait constituépour la
circonstancene faisait pas plus de cinq pages). Tous ces précédents ne donnent-ils pasà penser
que, lorsqu'on faisait appelà des chefs d'Etat ou de gouvernement pour qu'ils jouent le rôle
d'arbitre,c'étaitnon pas pour obtenirdes considérants détaillexposant les motifsde la sentence,
mais pour qu'ilsusent de leur autorité afin de résoudre définitivement un problèmtede dissuader
les parties de contesterla senten?e On ne pouvait tout simplementpas s'attendre à ce qu'unchef
d'Etat ou de gouvernement siégeantseul à titre d'arbitre unique, prononce unesentence assortie
d'une liste détailléede considérants analogue à celle des arbitrages confiés à des juristes.
Lorsqu'ontient compte de ce contexte,la sentencede 1939répond beaucoupplus largementqu'on
057
31Sentencearbitrale duprésidentde la Républiqueargentinedansle conflitde limitesentrela BolivieetlePérou,
1909(RGDIP,191O).
32Sentence arbitrale doànRome le 6juin 1904par le roi d'Italie,Victor-EmmanuelIII, pour décider de la
question dela frontièreentre la Guyanebritanniqueet leBrésil, 1904.
33Sentence arbitrale pour trancher la questionrelative aux limitesoccidentales du temtoire du Royaumedu
Barotse, 1905(NationsUnies,ueildessentencesarbitrales,vol. 11).
34Questiondelimites entrele Chilietla Républiqueargentine1902(RGDIP,1903).ne pouvait s'yattendreàce type d'obligation,et sonexposédes motifsserait plus que satisfaisant
auregardden'importequellenorme contemporaine.
LA PROTESTATIONPORTE-T-ELLE ATTEINTE
A L'AUTORITEDELACHOSEJUGEE ?
39. J'en viensà la question des prétendues ((protestations))e atar a élevéescontre la
décisionde 1939-si je comptebien,à troisreprisesentre 1939et 1965y comprisune périodede
silence de dix-sept ans- et au grief corollaire concernant son non-acquiescement. Dans ses
écritures,Qatarutilisele terme (protestation))commes'il s'agissait d'unmantra,commesi ce mot
avait un pouvoir magiquetel que le seul fait de le psalmodier sansarrêt pouvaitannuler l'effet
juridique contraignantd'arrêts te sentences parfaitement légalesu demeurant. N'y a-t-il pas
quelquechosed'incongrudans l'idée de protestercontrel'autoritédela chosejugée? D'ordinaire,
nous parlons de protestationà l'encontre d'événementtesls que l'appropriation unilatérap,ar
l'armée,d'un territoirepar un autre Etat. Le droit international permet,gràccette institution
juridiqueunique en songenre de la protestatioà,un Etat faiblede s'opposerà la transformation
d'un delicturnenjus, d'un déliten droit. Mais que peutbien signifierune protestation élevée
contrel'autoritéde la chosejugéesurle plan internationalàla suited'une procédureà laquellela
partiequi protestea consenti? La ((protestation))peut-elle,de quelquemanièreque ce soit, saper
l'autoritéde la chosejugée quis'attacheun arrêt ouà une sentencerendus en droit international
ou,du reste,dansn'importequel systèmede droit ? Personnen'aimeperdre,et nombreux sontles
perdantsquiprotestent. Les criminels condamnésprotestendte leurinnocence. Celaentame-t-ille
jugementprononcécontreeux ? Lesparties déboutéedsans une procédurecivileprotestentcontre
l'arrêt. Cela entame-t-ill'effet contraignantde l'arrêt? Les Etats qui n'onpas appréciéles
décisionsde votre Cour les ont contestées. Cette protestation entame-t-elle laaliditéde ces
arrêts?
40. Et toutà fait en dehors de la question dela protestationélevée conun arrêtou une
T
sentence internationale,quel est l'effet, en droit international'd'une protestation qui n'est pas
fondéesur les objections juridiquement valablesde l'absence de consentement ou du vice de
procédure ? Quand nousentendons direque le souverain deQatar a contestéla sentence,cela
signifie qu'il a dit qu'elle ne lui plaisait pas, qu'elle étaitinjuste, inéquitable etqu'il n'enreconnaîtraitpas la validité. Encore une fois, qu'aurait-ilpu dire d'a?trIl ne s'élevait pa, i
hier,ni aujourd'hui, contrela sentenceentant que telle maiscontre le droit internationallui-même,
qui dit que le titre de souverainetédécouled'une occupation effective compatible avec les
possibilitésécologiqueset non de la seule proximité. En réalité,la protestation du souverainde
Qataréquivauttout simplement à :«mais cesîles sontsiproches».
41.Je me permetsde dire que l'argumentconsistant a faire valoir la protestation élepar
Qatarcontre la sentencede1939estpurementet simplementdénué de tout effetjuridique.
LA SENTENCEDE 1939 ETAIT-ELLEEN REALITEUNEDECISIONADMINISTRATIVE
A CARACTEREPOLITIQUE ?
42. Qatar a présentéla décisionde 1939 tantôt commeune sentence arbitrale entachéede
vices de procédure,tantôt comme une décision administrativequi était ultra vires. Il faut bien
qualifier la décisionet donc, s'il ne s'agit pas d'une sentencearbitrale, il s'agit nécessairement
d'une décision politique britannique.S'il s'agit d'unedécisionpolitique, le point de savoir si elle
est conforme aux normes procédurales del'arbitrage international est sans pertinence, car les
décisionspolitiquesne sontpas révisablesauregard decettenorme. Pourjuger de la légalité d'une
décision politique,ce quicompte essentiellement,c'estde savoir si celle-ci arendue intravires
c'est-à-dire,en l'espèce,si elle se fondaitsur la compétence Bahreïn et Qatar avaient reconnue
au Royaume-Uni pour rendre ladite décision. Dans ses écritures,Qatar balance souvent entre ces
deux qualificationsparce qu'il voudraitse soustraireau caractère définitif qui s'attachechose
jugée tout en continuant d'appliquer, en matière de procédure, les normes exigeantes
caractéristiquesde l'arbitrageinternationalmodernea une décisionpolitique adoptéeil y a plus de
soixanteans. Cela luipermet de renouvelerlesallégationsqu'il formule à l'encontre de la validité
de la sentencepour attaquer la validitéde ladécision politique.Cela lui permet aussi d'éluderune
question relativement simple et déterminante qui est celle-ci : la décision administrative de
caractèrepolitiquea-t-elleétérendue intravires? Nous estimonsque la décisionde 1939étaitune
sentence arbitrale mais mêmesi l'on optaitpour l'autre hypothèse, ilest clair que nous avons
toujoursaffaireà une décision valableetcontraignante.
43. Tout d'abord,il est clairqueleslettres adresséles 10et 27 mai 1938à l'agentpolitique
britanniquepar le souverainde Qatar, lettres que j'ai examinéetsout l'heure, reviennent sans lamoindreambiguïtéà donner compétencepour trancherla question dela souverainetéterritoriale
sur lesîles Hawar. Comment est-il même possible d souleverla questionde lacompétence du
moment que ces lettres figurentau dossier ? Même sices lettres n'existaientpas, l'ensemble
d'instruments bilatérauxet de déclarationsunilatérales,officiels ou plus informels, qui ontété
conclusou promulguésau cours de la périodequi a suivi 1820 a globalementdéfiniles droitset
obligations du Royaume-Uni,d'une part, et, del'autre, ceuxde Bahreïn et de Qatar. Le 12
septembre 1868, le souverain Al-Thani a pris un engagement unilatéral concernantson
comportementsousla formeexpressedel'obligationsuivante :
«S'il survientune divergenced'opinionàquelquepropos [avec Bahreïn], qu'il
s'agisse d'un paiementen argent ou d'une autre aflaire, ce différend doitêtreporté
devantlerésident.)) (Lesitaliquessont denous.)
44. Outre ces engagementsexplicites, le Royaume-Uni a acquisdes pouvoirs implicites,
commele montre l'article X du traitéde 1916,dans lequelle cheikh de Qatar déclareue :
«Le Gouvernementbritannique,en contrepartie des traitée st engagements que
j'ai conclusavec lui, s'engageà me protéger ainsique mes sujets et le territoirede
Qatarde toute agressionpar lamer et à faire tout cequi estensonpouvoirpour exiger
réparationdetous lespréjudices que moi-même oumes sujetspoumons subiren nous
déplaçantpar voie maritimepour desraisons licites.))
45. Mêmesi l'on admet la thèse desir Ian selon laquelleces traités ne représentenptas un
consentement à l'arbitrage,ils reviennentincontestablemenà consentirà ce qu'unedécision soit
rendue. En outre, puisque le Royaume-Uniétaitredevabledes mêmesobligations deprotection
temtonale à l'égard de Bahreïn et à l'égard de Qatar et que Qatar revendiquait un temtoire
appartenant àBahreïn,leRoyaume-Unin'avaitpas d'autrechoixquede définirles frontièresqu'il
étaittenude protéger,carcela faisaitintrinsèquemenpt artie desonobligationdeprotection.
46. Lorsqu'ellea interprétédes traitéésnonçant clairemendtesobligationssansdéfinir avec
précisionles pouvoirs permettant d'exécuter ces obligations,la Cour internationale de Justice a
conclu à l'existence de pouvoirs implicites dans la mesure où ils étaientindispensablesà la
réalisationdes principalesfinalités de l'accorden question. Je citerai uniquementl'affairerelative
1
à CertainesdépensesdesNations Unies,danslaquellelaCourdéclare :
35
Mémoird ee Bahreï, nnex12vol.2,p.157.
36
MémoirBeahreïn,annexe84,vol. 3515. «lorsque l'Organisation prend des mesures donton peut direà juste titre qu'elles sont
appropriées à l'accomplissementdesbuts déclaréd sesNationsUnies, il està présumer
37
que cetteactionne dépasse paslespouvoirsde l'Organisation» .
47. La Coura abouti à une conclusion comparabledans l'avisconsultatifrelatià la Namibie,
et ilexiste d'autresprécédent.
48. Les responsabilités attribuées au Gouvemement britannique en matiè dreeprotection par
l'ensemble des accords conclus entre le Royaume-Uni, d'une part, et de l'autre, respectivement
Bahreïn et Qatar, ne pouvaient pas êtreassuméespar le Gouvemement britannique si le
Royaume-Uniignoraitou se situaientles frontières. S'iln'avait eu compétencepoud rétermineren
droit àqui appartenaitle territoire revendiquà la fois par Bahreïn et par Qatar, le Royaume-Uni
n'aurait paspu remplirson obligationde protectiondes domainesterritoriauxdesdeux souverains.
0 6 0 Il s'ensuit, par analogie avec l'affaire relatàvCertaines dépensesdes Nations Unies, que les
actes accomplis par le Royaume-Uni pour s'acquitter dûment de ses responsabilitésdoivent
nécessairement être considér cos merelevant desespouvoirs.
Conclusion
49. Monsieur le président,Madame et Messieurs de la Cour, l'examen des allégations
formuléespar Qatar à l'encontre de la validité decette sentence aprouvéqu'aucune d'entre elles
n'est fondée. En outre,la Cour doit de son côtése pencher sur l'importantequestion de savoir si
les accords de Doha, qui lui ont conféré une compétencg eénéraleen l'espèce, prescrivent
égalementla formeparticulière de consentementque la Cour permanente exigeait et que la Cour
actuelleexige pour pouvoir réexaminerla validitéd'une sentencearbitraleinternationaleprononcée
par un autre tribunal. Quant aux allégationsde Qatar concernant le parti pris britannique, il est
éminemment douteuxp , our Bahreïn, qu'elles soient même recevables puisqu'elleismposeraientà
la Courde statuersurla légalitédesactesd'unEtat quin'avaitpas reconnu sacompétenceactuelle.
Enfin, si, comme Qatar l'a soutenu de façon intermittente, la décisionde 1939 n'est pas une
sentencemais simplementune décisionpolitiqueet administrative,nous avonsdémontré qu'elle ne
JI
Certainesdépensesdes Nations Unies(17,paragraph2 dela Charte), C.I.J.Recueil1962,p. 168.
38
Conséquencesjuridiqpour les Etats de laprésencecontinuede l'Afriquedu SudenNamibie (Sud-Ouest
africain)nonobstantla réso276(1970)duConseildesécuritC.I. Jecuei1971,p.47.peut être soumise àl'épreuvedes critèresde l'arbitrage. Maisau regard des normes applicablesà
la validitédes décisions politiques internationales, la décde 1939étaitintravires,était légale
et liaitlesparties. .
50. Monsieur le président, Madameet Messieurs de laCour, l'arbitrage estŒuvrehumaine,
et ne saurait donc atteindre la perfection. A supposer même quela procédure de1939 ait
eflectivement étéentachée decertains vices, quod non, et qu'il n'existe aucun des obstacles
juridictionnels dont j'ai parlé,la prudence s'imposenéanmoins et s'oppose à la revision d'une
sentencerendue il y a plus de soixanteans sur la base de laquelle des gouvernementset certaines
tiercesparties ont agi en confianceet se sont investis. On nepeut oublier, comme l'a ditl'un des
juges de cette Cour éminente,quele fardeau dela décisiontient notamment àce qu'unedesparties
sera toujours déçue. Il n'est pas de gouvernementqui perde allègrementun différend territorial.
Ces gouvernements et les experts nationaux recherchentsouvent de manière obsessionnelle les
irrégularitésoupçonnées ou imaginaires qui entachend tivers arbitrageset publient des exposéà
ce sujet: c'est le cas pour l'affaire Venezuelac. Guyane britannique; ou pour le Mexique c. la
Francedans l'affairede l'Ilede Clipperton,c'est même le caspour certainsarrêtsde cetteCour qui
ont étési vivement contestés.La liste est infinie. Si la Cour internationalede Justice dit qu'il est
possiblede réexaminerdes sentencesrenduesil y a bien longtemps, combiend'Etatsvont-ilstenter
de ranimer de lointaines revendication? Et pourquoi ne le feraient-ilspas ? Qu'auraient-ilà
perdre ? Et quel en seral'effet surla stabilitéterritorialeinternati?nLes Romains,qui sont la
source où le droit internationalet de nombreuxsystèmesde droit interne ont puisélonguement et
abondamment,ont voulu que soit, par principe, respectéel'autoritéde la chosejugée,parce que,
disaient-ils,interessereipublicae utsitfinis litium. ((L'intptublic veut qu'un litige soit tranché
une fois pour toutes.)) L'affaire des Grisbadarna a prouvé qu'ilne faut pas perturber «une
situation établie)).Jellinek parlait, il y a longtempsdéjà, dela force normative des situations de
fait. La question de la souverainetésurles îles Hawar aété tranchél y a plus de soixanteanspar
une décisionprise en toute légitimité. Les parties ont consentià la procédure. Sa validité est
inattaquable. Elle a l'autoritéde lachosejugée.
Monsieurle président,Madameet Messieursde la Cour,je vousremerciede m'avoir écouté. -63 -
The PRESIDENT :Thankyou, ProfessorReisman. This brings to a closeour Sittingthis
morning. The Court willresumeon Tuesday 13 June at 10.a.m.to hear the continuation ofthe
pleadingsofthe State ofBahrain. TheCourtisadjourned.
TheCourtroseat 12.55p.m.
Traduction