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CR2000112 (traduction)

CR2000112 (translation)

Vendredi9juin2000

Friday9June2000008 The PRESIDENT: Please be seated. The sitting is open and I give the fioor to

Mr JanPaulssononbehalfofthe StateofBahrein.

Mr PAULSSON:Merci,Monsieurleprésident.

LES ÉVÉNEMENTD SESANNÉESTRENTEETLEURCONTEXTE

33. Hier, Bahreeina indiquéà la Courque Qatar est le produit de l'expansionnisme edtu

regroupement,que son expansion àZubaraha été illégaleet que,vers les îles Hawar,l'expansion

n'a tout simplementjamaiseu lieu. Le problèmede Qatar est qu'il revendiquela souveraineté

temtoriale sur des zones contestées qui,Qatar le reconnaît, ontautrefois appartenuà Bahreïn

sans- semble-t-i- êtreà mêmede montrercommentet quand il aurait supplantéBahreein en

tantquesouverain.

34. Qatar est certainement trèsconscient de cette difficultéconsidérableque soulèvesa

thèse. Ses conseillers ont sans aucun doute recherché partout des événem denttsils pourraient

faire étatcommeconstitutifsdesouveraineté.

35. Ainsi que nous l'avons découvert pendanctes audiences, Qatar met maintenantses

espoirsdanslaconventionanglo-ottomanede 191 3 quin'ajamais été ratifiée. Malgré celaf,alt,

selon lui,considérerque ce texte exprimece que pensaientles Britanniqueset les Ottomansà

l'époque))(CR 200015, p.58, par. 67). Cequi plaît à Qatar dans ce texte, c'est que, selon

l'article11 «il est entendu entreles deux gouvernementsque la presqu'île sera,commepar le

passé,gouvernée par le cheikhDjassim-bin-Samiet par ses successeurs». Qatara fait figurerle

textede cetteconvention nonratifiéedansson dossier desjuges. Bahreïna déjàmontrécomment

cetraité atrésviteétabandonné (voirparexemple le contre-mémoird eeBahreeïn,ar. 123-127).

36. Ensuite,pour tenter de donner un peu de vie à cette conventionnon ratifiée,Qatara

soulignéqu'une convention anglo-turqueultérieure (datant1d9e14- l'annéesuivante(mémoire
*
deQatar,par. 11.45)- a été effectivementratifiéeet a allégquel'articlIIIde cette convention

comportaituneréférence explicità l'article11de l'instnunentnonratifié.Euégard à la présence - : ,
b
dedeuxtraités, donlt'un état ort-né alorquel'autre estentréenvigueur,onaurait pus'attendre

à ce que Qatar soit encore plus content de faire figurer la convention ratifiéede 1914 dans le

dossier desjuges.Or, il ne l'apas fait. La Cour verra quele texte de 1914se bornait àaffirmerque la délimitation dela frontièresud de Qatar se ferait «en conformitéde l'article11 de la

convention anglo-ottomane»de 1913. En d'autres termes, le texte de 1913 dit deux choses :

«presqu'île»et ((frontièrsud» alors quele texte de 1914dit seulementque la ((frontièresud» se

fera«en conformité du textede 1913»,et Qatar veut maintenantnous faire croireque le document

de 1914a confié les deuxchoses. Iln'y a dans la conventionratifiéede 1914rien qui permette

de dire qu'ellecomporteunereconnaissancede l'autoritédesAl-Thanisurune presqu'îlede Qatar

unitaire; cettenotion n'a pas survécu à la non-ratification du document de1913 et il est très

manifeste qu'ellen'a pas été ressuscitée parconventionde 1914. Ilsemblequenous devons être

trèsrigoureuxlorsquenousexaminonsles relationsalléguéesentre documentshistoriques.

37. Qatar n'est pas plus convaincant lorsqu'il décrit l'accord de 1916 entre la

Grande-Bretagneet le ((cheikhdeQatam. Il faitvaloirquece

((traiténe définitpas expressémentle territoire de Qatar mais la définitionest

implicite: le traité aétésigné trois ans seulementaprès la convention de 1913,
laquelle indiquait expressément que toute la presqu'île était gouvernée par les
Al-Thmi» (CR 200015,p. 59,par. 75).

Lemot «doute»est ajoutépar Qatar.

38. En d'autrestermes,ou c'est du moins ce queQatar donne à entendre, l'accordde 1916

avec le cheikhde Qatar doit avoir unsens qui va au-delàde ses termesparce qu'unedes partiesà

cet accordavaitparticipéaux négociations relativeà un autre document qui,s'il avait étratifié,

auraitpu comporterce que Qataraurait vouluvoir dans cetaccord. Point n'est besoin de réfuter

pareilargument.

39. Incidemment,le cheikhAbdullahAl-Thanilui-même a déclaréen 1934que le traitéde

1916 <aiyenglobepas l'intérieurmais uniquement le littoral)).ela, ainsi qu'un grand nombre

d'autres élémentd se preuve contredisantl'aff'ïrmationde Qatar selon laquellel'intégride son

territoireenglobanttoute la presqu'îleétaitbien établieen 1930,figure dans le contre-mémoirede

Bahreein(par.128et suiv.,voir aussilarépliquedeBahreeinp,ar. 263).

40. Qatar a également cherché à impressionnerla Cour en se référant à des documents

administratifsottomans qui donnent à penser que toute la presqu'île de Qatar formaitune seule

entité souscontrôle ottoman.Maisil estbienarrivé àl'Iraqde déclarer,iln'y a pas longtemps,que

le Koweïtétaitune de ses provinces,et d'ailleursIrana décrit Bahreïnjusqu'en 197c0 ommeunede ses provinces. Maisdire une chosene suffitpas à faire en sorte qu'elle soit. Bahreïn a cité

jusqu'à dix casoùdes fonctionnairesottomansont constaté et admq isueleur autoritétaitlimitéeà

lavillede Doha,y comprisun rapport de1913du conseil des ministres ottomanrecommandan dte ,

mettre «un termeauxeffortsdéployés ev nainpourimposer notre souveraineté dan ls péninsulede

Qatan>(répliquede Bahreïn,par. 244).

41. Qatar ne cesse de considérerque le terme «Qatam, chaque fois qu'il figure dans un

document historique,se réfereà la totalité dela presqu'île, sans tenircompte du contexte, qui

montresouventquel'auteur ou lesauteursn'avaientpasl'intentionde se référer àdesendroitsqui

nesontpas situésàproximitédeDoha,ou àdes lieuxsetrouvantau-delà delacôte est de Qatar,ou

encoreau-delàdesterritoiressur lesquelsles Al-Thani exerçaientun contrôle- quelsqu'ilsaient

pu êtreàl'époque.Qatarse fondeuniquementsur l'emploid'un mot,définicommeil le souhaite,

pourrépondre àla question même qui est posée;c'est unepétition deprincipe,quin'apporterien

aurèglementd'undifférend.Le fait est qu'on nese souciaitpas beaucoupde savoirqui contrôlait

cetteterre vide etbrûlée parle sole-l dumoinsjusqu'aujour oùon apenséqu'il pourraityavoir

deriches gisements minéraux sousle sable. Quant à l'intérêt singulièrementpassioq nunésuscite

pourQatar la demandeformuléeunefoispar les Britanniques au cheikh Abdullahbin Than i'une

autorisation de survol de sonterritoire,il est bien évidentque ce n'estpas du toutcela qui définit

sonterritoire. Le faitquecette autorisationn'apas étdemandée àBahre'inn'a absolumentriende

remarquable :les avionsvenaientdeBahreein.

42. Quelquesmots surles origines des agglomérationssituées aux environsD deha.

43. En 1845,uneétudebritanniquedes (aivesarabesdu golfe Persique))n'a mentionnéque

troislocalitéssurla côteest dela presqu'île. Premièrement,Biddah(Doha) :une<cville»comptant

((environtrois centsmaisons ...un lieudes plusmisérables :pas un brin d'herbe nide végétation

d'aucune sorte dans les environs». Deuxièmement,Wu. :une «ville» d'«environdeux cent
I
cinquante maisons». TroisièmemenA t,deed :aucune estimationdu nombre d'habitations mau ine

C
brèvedescriptionqui s'achèvecommesuit : (Il serait difficile de choisirun site plus misérable,

désolé et stériledansl'ensembleduGolfe.))(Mémoire deBahreïn,annexe 6,vol.2,p. 0090-0091.) 44. Lorimer a donné pou Qatar, en 1915, le chiffre de vingt-sept mille habitants

(R.S.Zahlan, The Creation of Qatar, p. 119). Maisc'étaità l'apogée dela pêche deshuîtres

perlières et, selon le rapport rédigéen 1933 par un agent politique, il s'agissait d'une

((surestimation))résultante l'émigrationa Bahreïn (dossier Archives deQatar 5.15). Si nous

extrapolonsa partir d'un rapportdurésidentpolitique qui s'estreàdQataren 1941(mémoirede

Bahreïn,annexe 296, vol. 5, p.1205),le chiffre dedixmille habitantspourrait être exact.Mais

mêmes'il y en avaiteu vingtmille, Qatar aurait encore étévirtuellementvide :moins de deux

habitantsparkilomètre carré.

45.Mêmeaujourd'hui, Qatar estun despaysles moinspeuplés dumonde. Et celabienqu'il

O 1 1 ait le plus fort pourcentaged'étrangersde tous les p-ys70 % des habitants sont desétrangers,

selonThe EconomistIntelligenceUnit (1999-2000CountryProfile, annexe 10, p. 96, documents

supplémentaires de Bahreïn soumisle 1" mars 2000). Il n'y aaujourd'hui,selon la mêmesource,

pas plusde centsoixantemillecitoyensqatariens.

46.Permettez-moid'appelervotre attentionsur la répartitiactuellede lapopulation,selon

les statistiquespubliéespar l'officecentralde statistiquedeQatar,que vous trouverezaussidans

vos dossiers(no15,1995).

47. Sir Eli Lauterpacht abordera la quesgénéraldees cartesla semaineprochaineetje ne

veux pasanticiper surce qu'il dira. Maisil y an point de l'exposé faitla semainedernièrepar

monsavant amiM.Bundyquiappelleici desobservations. C'estcelui dela carte ottomaneétablie

par le capitaineIzzet. Je suis très contentque M.Bundyse soitarrêté si longtemps crettecarte

parcequ'elle confortelathèse deBahreïn.

48. Voici la carte. Vous vous souviendrezque M. Bundy a longuementdéveloppé l'idée

qu'il étaiitllogiquede tirer des conclusions dufait qu'aussibien Bahreïn que les îlesHawarsont

coloriés enbleu parcequ'ily abeaucoupd'autreszones quile sont également. En fait,M.Bundy

nous a critiqués,parlant d'une façon presque menaçanted'un ((problèmebeaucoup plus grave))

(CR2000/7,p. 20, par.56),au motifqueBahreïnn'avait pasproduitles parties nord delacarte du

capitaineIzzet couvrantle Koweït,l'Iraq et d'autres territoires, qu'on voyait aussi surcette

partie de la carte des taches bleues qui ne pouvaient évidemmenptas représenterun temtoire

bahreïnite. 49. Je suis heureux d'avoir l'occasionde manifester mon accordavecnos opposants. Si

nousavionsaffirméquela cartedu capitaineIzzetcorrespondaitàune tentativedélibérdedéfinir

desfrontièrespolitiques, nousaurionseffectivementeutort. Mais. Bundya fait dire àBahreïn

ceque celui-ci n'apas dit en déclarqu'il(cprétenquecommel'îleprincipalede Bahreïnaussi

bien que les îles Hawar y sontreprésentéese la mêmecouleur bleue, le capitaine Izzetdevait

considérerquecesîles faisaientpartiedehreïm. Pourautantqueje le sache,Bahreeinn'a jamais

employéle mot «bleu» à cet effet. Ce que Bahreïn voulaitfaire, c'était fournir le meilleur

témoignage possible sulra réalitéuerrain. Rappelez-vousque les Ottomansontpris le contrôle

deDoha en 1871. Le capitaine Izzeta établicette carteen 1878. Je soutiensque c'estune carte

plus intéressante que celles établisar des Italiens ou des Australiens, dansleurs lointains

bureaux. Dans lazone qui nous intéress,ixnoms seulementsont donnés :île de Bahreïn, îlede

Hawar, Zubarah, Ras Maroon (zone de Ras Laffan), collinesde Biddah, puis, dans le coin

sud-est.. Qatar. C'est, permettez-moide le dire, entièrementcompatible avec la version

O 1 2 bahreïnitede l'histoire. Encoreque Bahreïnaurait volontierscommuniquéàQatarla moitiénord

de la carted'Izzet si seulement Qatarle lui avait demandé. Qatar a fort bien fait d'envoyer

quelqu'un vérifielra cartetanbul;voiciau moins un documentottomansurlequella Cour peut

s'appuyer.

50. On peutjouer àl'infîniavec lescartes. Qatara décrété quceellesproduites entre1870

et 1939sont les seulesqui soient pertinentes.Maishreeïnpourrait direqu'il faudrait selimiter

aux cartes des années1850parce que cette périodeest antérieureau premier conflit entre les

Al-Khalifahet les Al-Thani. Bahreeïpourrait faireobserverque Qatar n'apas fourniune seule

cartedatant de cette décennie. je pourrais appelervotre attention sur cettecarte écossaisede

1850 où,commevous le voyez, lapresqu'îlede Qatarne figurepas, ou surcette cartebritannique

de 1852-là nonpluspas deQatardutout - et, enfin,surune autre cartebritanniquede 1853,et

conclureque pour les années 1850, cequ'on appelle les((élémentdse preuve cartographiques))

démontrede façon((écrasante)e)tnon controversée quleapresqu'îlede Qatarn'existaitmême pas.

51. Ces trois cartes proviennent d'unseul ouvrage,intituléhe Gulf inHistorie Maps,

magnifiquement présentéet publié en1996. Je ne le soumetspas commeélémend te preuve,je

seraisextrêmementsurprissi quelqu'umnedemandaitdelefaire. Ce queje veuxdire,c'estqu'ily a des dizainesd'atlaset des milliersde cartes. Inonderla Courde cartesnon concluantesest à la

portéeden'importe qui.

52. Ilseraitcertes absurdede considérer que ces trois cartes prouventla non-existencede la

presqu'île de Qatar mais elles attestent une chose beaucoupplus simple : en ce temps-là cette

presqu'îleétait aisément oubliéD e.u sableàperte de vue etpresque aucunêtre humain.

53. Qatarn'est guèreoubliéaujourd'hui :c'est, d'après le revenu parabitant,un desdeux

ou trois pays les plus riches du monde; il a le privilège enviable d'avoir les moyens financire

toute initiativequel'argentpeut permettre.

54. Mais nous essayons pour l'instant de nous remémore lr débutdes annéestrente. A

l'époque, Qatar étaitun endroit marquépar une (pauvretéextrême))e,n raison notammentde la

quasi-disparition du marché des perles, qua i également touché Bahreein(voir le mémoirede

Bahreïn,par.377 à379).

55. La pauvreté avait poureffet de fragiliser le régimedes Al-Thani. En mai 1937,le

capitaineHickinbotham, l'agent politique britanniquen,otaitce quisuit:

«Mon impression générale est qule a position du cheikhde Qatar s'affaiblitde

jour enjour par des défectionsn, on seulement de notablesqui lui sontétrangersmais
aussi de membres desapropre famille. Très bientôt,il ne sera plus dans une position
suffisamment forte pour imposer ses conditions, quelles qu'elles soient,et selon
certaines rumeurs il craindrait mêmetous les jours pour sa vie.» (Mémoirede
Bahreïn,par. 278.)

013 56. Le capitaineHickinbothamsignale qu'undes neveuxmêmesdu cheikh Abdullahs'était

récemmentenfui la nuit des quartiers du cheikh Abdullah à Doha accompagnéde quelques

partisans pour rejoindre les Nairn. Quatre véhicules et30 hommes armésfurent lancés à sa

poursuite. Leneveu Al-Thanine put s'échappeq ru'après avoir blessésonproprepère - Nasir,le

fièredu cheikh Abdullah - d'uneballe dans l'épaule.Le neveu du souverainne quittaitpas la

péninsulede Qatar; il quittait le territoire du cheikh Abdullah pour rejoindreles Naim. La

conclusion est claire: la souverainetédu cheikh Abdullahne s'étendait pasà la totalité dela

péninsulede Qatar.

57. Il ressort clairement du rapport de Hickinbotham que la raison pour laquelle le

cheikh Abdullahne souhaitait pasque des personnes s'échappent pour se placer sousjuridiction

bahreïniteétaitqu'il tenaitbeaucoup àpercevoirdesimpôts versés par sespartisans.C'estlaraisonpour laquelle,peu après,il attaquaZubarah - cinq semainesaprèsle rapportde Hickinbotham -

maisje reviendraien temps voulusurcet événement.
'
58. M. Weightman (quiallaitdevenirparla suite sirHughWeightman),l'agentpolitiquequi

remplaça Hickinbotham, confirmeles difficultés du cheikh Al-Thani. Dans son rapport annuel

pour 1939, que vous trouverezà la page 1190 du volume5 du mémoirede Bahreïn (envous

référanttoujours, si vous le consultez, auxchiffies en grandsaractèresqui figurentau bas de la

page,-parfois on trouve plusieurs numéros :le numéro originalet le numérod'ordre - ce sont

toujours les grands chiffies du bas de la page qu'il faut retenir),Weightman évoquele

mécontentement provoqué au sein d lepopulationqatariennepar la pauvretéet aussi,comme ille

dit, «parle souverain[le cheikh Abdullah] et parla cupiditéde son filsAhmed...Ni l'unni l'autre

ne comprend que ..la génération montant e..ne peut plus êtretrompéeni réprimée.)) Et

Weightman ajoute danscerapportque lesmembresdestribussonttentésd'émigrer àBahreein eten

Arabie saouditeparce que le cheikhrefusedepartagerl'argentdu pétrole.D'ailleurs,il relèveque

le cheikhNassir bin Jasim,un desfièresducheikhAbdullah,

«a pris l'initiativede parlersansdétoursau souverainet de l'avertirquesa pingrerie et
la politique qu'ilpratiquaitvis-à-visde l'emploidans la sociétpétrolièreétaienten

train de lui coûterle soutiendesmembresdestribus dontil avaitpourtantbesoin pour
assurerson contrôlesurQatam(mémoiredeBahreeïnv ,ol.5,p. 1190).

59. Toutefois,au lieu de partager les revenus,le fils du souverainmit en placeun système

visantàempêcherpalra forcel'émigration vers Bahreïn.

60. Mais le problème était plus gravq eue ne l'étaitcette déperditionde population sous

l'effet de l'émigration. D'aprèlsmême rapport,le mécontentement s'était également empd ars

partisans des Al-Thani «à Doha mêmeet gagnaitjusqu'à certainsgardes du corps du [cheikh

Abdullah] et de larges couchesdes tribus purement qatariennes ..qui allaient jusqu'à menacer

ouvertement deretirer leur soutien aux cheikhsde Qatar et de rejoindre Bahreeïnou Ibn Saud)).

Voustrouverezcepassage au tout premier paragraphe durapport, toujour slapage 1190.

61. La menace n'auraitpu être plusgrave. Comme Qatar l'asouvent rappeléà la Cour, il
1
s'agissaitd'unerégion etd'unecultureoù les allégeances concernaienltes souverains plutôtquele

territoire. Nous constatonsdoncqu'en 1939,lapopulation de Dohasedemandesi ellene feraitpas mieux de s'attacherauxAl-KhalifadeBahreeinouàl'Arabiesaoudite. Si elle l'avaitfait, c'eûtétla

fin du régimedes Al-ThanietQatarcommetel auraitfortbienpune plus exister aujourd'hui.

62. Jemepermetsderépéteq rueje viensdeparler dela situationentre1937et1939. Qatara

en effet, danssoncontre-mémoirea ,dmistrèsjustementque ce n'estquepeu après1945que Qatar

est devenu unEtatexerçantson contrôlesur l'intégraliéelapéninsule.

63. Si nousjetons aujourd'huiun coup d'Œil enarrière,Bahre-ïnestime qu'ilfaut féliciterle

peuplede Qatarpour sesprogrès étonnants. Lf eait qu'ilsaientéaccomplis ensipeu de tempsles

rend d'autant plus impressionnants. Ces dernières annéteos,tefois,leGouvernementde Qatar a

agi comme s'ilvoulait récrire l'histoic,omme s'ilne voulait pas admettreà quel point et à quel

rythme le pays s'estdéveloppé.D'oùles dificultésqu'éprouve tout observateuorbjectif qui veut

comprendrele passé. Le sujet paraitsensible etje me borneraidonc àciter sans le commenterun

passaged'unouvrage deJ. B. Kelly. Jetiens àsoulignerqueje n'aurais pasfait cette citationn'eût

été lefait que M. Kelly est un expert sur lequel s'appuie Qatar lui-même (mémoid e Qatar,

par. 5.20) pource qui est de l'histoire dela région. Voici ce quM.crKelly,un peu brutalement

peut-être, dansnouvrage publié en 1980 :

«les Qatariensse sont dotés récemmen dt'unehistoire et d'uneculture indigène,àun

degré élevpéour lesdeux. Letémoinparexcellencede cetteentrepriseparticulièreest
un «muséenational)),situédans l'ancien palais (de1920 environ) du souverain à
Dauhah [Doha]. Inspirésen grande partie par un cabinet de relations publiques à
Londres, l'équipemenett la décorationdu musée ont coûtéplusieursmillionse,n dépit
-ou peut-êtreàcause - d'unelimitationfondamentale :ily avaittrèspeude choses
à y mettre.. Ce que l'onpeut reprocher à ces déploiements derelations publiques

réaliséasunom du régime qatarienc ,'estqu'ilsparticipentde la falsificationpassé
historique deprèsde deuxsiècles,en ce quiconcernenotammentla nature etla durée
des liens entre Bahreïn et Qatar... » (J.B. Kelly, Arabia, thGulf and the West,
(1980), p. 191. Contre-mémoirede Bahreïn, vol.2, p. 267-370.) [Traductiondu
Greffe-]

0-5 64.Chaquefois que l'onsacrifie l'exactitude historique, voirle'exactitudedémographiqu,à

tel ou tel autre objectif de politique gouvernementale sur lequel Bahreïns'abstiendra de toute

conjecture, il devient, de toute évidence, diffiee reconstituer les détailsdu passé. Mais du

moins pouvons-noussansrisquerdenous tromper résumercommesuit les réponses à la première

sériede questions:CommentétaitBahreïn ? (Voustrouverez égalemenc tesréponses dans votre dossier.)

- c'était un archipeslituédansun endroit stratégique, peupdepuisplusieurs milliersd'annéeet

dotéd'uneagricultureet d'uncommerce florissants;

- Zubarahfaisaitencorepartie de Bahreïn;

- c'était un Etat donlta dynastie au pouvoir remontaitàla fin duXVIII%iècle;

- c'était l'endroitù le pétrole fut découverp tour la première foisdu côtéarabe du Golfe

(en 1932), découvertequi fut suivie pour Bahreïn d'une brèvepériodede prospérité sans

précédent (((sesrues étaient pavées'on>quifaisait l'enviedesesvoisins.

Commentétait Qatar ?

- un pays trèspeu peupléen 1930(comptantpeut-être 10000 habitants,peut-être ldeouble, tout

auplus);

- la très grande majoritéde cette population vivaità Doha et à proximité(non compris les

partisansde BahreeinàZubarah, au nombredequelques milliers peut-être avan letur expulsion);

- des pêcheursde poissons et des pêcheurs de perles, et non deshommes du déserthabituésà

traverserlesétendues désertiques oàumême dele faire;

- désespérémentpauvre;

- unproblèmed'émigration;

- régimeinstabledesAl-Thani;

- Qatar lui-mêmea reconnu que, jusque peu après1945, ce n'était pas un Etat moderne; la

dominationdesAl-Thani ne cessaitde s'étendre puisde serétrécir, en fonctionde l'allégeance

fluctuantedesautrestribus;

- le traitéanglo-ottomande 1913 n'ajamais été ratifiéle traitéanglo-turc de 1914 n'a pas

confirmé ladomination desAl-Thani sur l'ensemblede la péninsule;il s'agissaitd'unEtat in

statunascendi.

J'en arriveàma deuxièmesériedequestions,quiestbeaucouppluscourte : II.ZUBARAH

Quelsétaientlesliensentre Bahreïnetla région deZubarah?

65. Comme vous le savez, les Al-Khalifaont quitté dansles années1760 ce qui est

aujourd'huile Koweït et se sont installésà Zubarah, qui devint rapidementflorissante grâceà la

richesse de soncommerceet de la pêchedesperles. Quelques décenniep slustard, les Al-Khalifa

déplacent le siègde leur gouvernementvers les îles de Bahreïn,mais continuentde régner sur

Zubarah(mémoire de Bahreïn, p. 104à 112).

66. Toutau long duXIXesiècleet au début duXX", lenord-ouestdelapéninsuledeQataret

Zubarahenparticulierétaientpeuplédse membresd'uneconfédératiotn ribaledirigéepar lesNaim,

partisansdesAl-Khalifade Bahreïn.

67. Quelssontles élémentdsepreuve dont disposela Cour?

68. Le capitaineGeorge Brucks a réalisune étudependanthuit ans, de 1821 à 1829,soit

dansla toute premièrepériode etunsiècleavantles événementdsesannéestrente.

69. Voustrouverezun extraitdurapportdeBruckssousla cote 6de votredossierd'audience.

70. Ce quedit le capitaineBrucks au sujetde Zubarahsetrouvà la page 100. Il a constaté

que les habitants étaientdes sujets deBahreeïn;en réalité,il écritque tous les villages de

Ras Rakkan àZubarahrelevaientdeBahreeïn.

71. Les Naim, qui habitaient la région de Zubarah,et les Al-Khalifa entretenaient des

relationsutilesaux deux parties. D'unepart, cette relationpermettait aux Al-Khalifa deconserver

le contrôle sur leurs territoires dans la péninsule. D'autrepart, elle permettait aux Naim de

consoliderleur positionde chef de la confédératide tribus dansle nord dela péninsule. Les

Naim payaient desimpôts et fournissaient desservicesau souverain deBahremq,ui les respectait

et les soutenait.Les archives publiques donnent beaucoupde preuves de cette relation. Par

exemple,en 1880,le cheikh JasimdeDohaécrivaitau résident politique eteplaignaitdecequele

cheikh Isale souverainde Bahreïn, «[ait] conservédes amis a Fueyrat [nord de Qatar] et leur

envoie les Naim et s'il [le souverain de Bahreïn] permetaux Naim de rester à Fueyrat et de

provoquerdes désordres à Qatar, ceux-ci necesserontpas» (contre-mémoiredeBahreïn,par. 53).LaCourtrouvera20autresexemplesdecetterelation entre Bahreïnet lesNaimdanslaréplique de

Bahreïn(par. 234).

72. Entre 1874et 1903, lesOttomans etlou les cheikhs de Doha tentent par six fois des

percéesexpansionnistesdans la régionde Zubarah. Ces attaquesont été décriteset attestéesde

façondétaillée(mémoire de Bahreïn, sectio2n.7); aucunene fut couronnée de succès; l'iempire

ottomanni les cheikhs de Dohan'étendirenlteur autoritéà la région de Zubarajusqu'àl'attaque

de 1937,àlaquelleje reviendrai touàl'heure.

73.Pendanttout ce temps,lesrelationsentrelesAl-Khalifaet lesNairnssont restées étroites.

Les Naim avaient coutume dese déplacer entre la régionde Zubarahet les îles de Bahreïn. De

nombreusesfamillesNaimpossédaientune maison àla fois àZubarahet sur les îles de Bahreïn.

Un historiendécritla migration saisonnièdes Nairnqui a lieupar bateau: «de Zubarah àJau et

Askarsur la côte ouest de Bahreïn, ellese déroulaitavecles familles,les petits animaux, voire les

chameauxet, dansune moindremesure,les chevaux)) (KlausFerdinand, Bedouin of Qatar, p. 41

(1993). Mémoirede Bahreïn, vol.4, annexe232, p. 1013. Voiraussi le mémoirede Bahreïn,

section2.1)

74. De mêmed , es habitantsdesîles principalesde Bahreïnse rendaientubarah,comme

onl'expliquedans les écritursmémoire de Bahreïn,par.228).

75.En 1948,Belgraveécrivait

«Certainsdes Khalifahhabitaientà demeureàZubarahet ses environs, venant
de Bahreeinpour des visites, et un an environ avantmon arrivée[1926],un certain
cheikhIbrahim bin Khalid Al-Khalifah a étébanni à Zubarah sur ordre du
cheikhHarned ...Il y a vécujusquevers 1926,dateàlaquelleil fut autoriàrevenir
àBahreein... Pour autantqueje sache,il n'ya paseu, de 191à 1937,de conflit avec

la populationbahreeinitvivant dansla régionde Zubarah.~ (Mémoirede Bahrein,
par. 228.)

Quelsétaientles liens entre Qataretla régionde Zubarah ?

76. Qu'en est-il des liens entre Qataret la régionde Zubarah? Quelles preuves Qatar

soumet-il? Les événementisnvoqués parQatar commepreuve de l'autoritédes Al-Thani sur

Zubarahse révèlentq , uand onles analysede près,n'être ried'autre quedes incidentsisolésaucoursdesquels des tribus étaient envoyée àsZubarahpar les Ottomanset par lesAl-Thani lorsde

l'uneoul'autredeleurstentativesinhctueuses d'yimposerleurautorité.

77. Faute de mieux [en fiançais dans l'original], Qatarcontinue de désigner cesincidents

commedes exemplesde l'exercicede son autorité sur Zubarah.Le professeur Davidrappellepar

exemple que, en 1895,les Britanniques ont détruituneflotillede bateauxdes Al-ThaniàZubarah.

Il poursuit en soutenant que Qatar n'a pas trouvé de documents à l'appui de l'affirmation de

Bahreïn selon laquelle cette mesure avait été entreprisdans l'intention de protéger letitre du

souverainde Bahreeïnsur Zubarah(CR200019,p. 14,par. 26). M. David laisse entendreque cet

actedécoulaiten fait dela volontéd'assurerla sécuritde l'îleprincipaledeBahreeïn.

78. Ce commentaire traduitune piètreconnaissancedes documentshistoriques. Aprèsla

destructionpar les Britanniquesdesboutresdes Al-Thani, les conditions poséelorsde la reddition

prévoyaient notammenq tueles tribusdes Al-Thaniayant servi à attaquerZubarahse dispersentet

queneufbateauxappartenant aupeuple de Bahreeïnsoientrendus. En 1895,lecapitainePellyécrit

àun fonctionnaireturc :

«Ayant appris que vous vous êtes emparéd se neuf navires appartenant au
cheikh de Bahreïn, qui entretient des relations d'amitié avec leGouvernement
britannique, et Zubarah étantune ville qui lui appartient, et lesbin Ali étantses
sujets...» (MémoiredeBahreïn, vol. 2, annexe59,p. 0265.)

79. Un rapport turc surZubarahdatantde 1897indique :«LaGrande-Bretagnedéclare que

Zubarah se trouve sous le contrôle de Bahreeinet donc, selon elle, sous protection britannique.»

(Mémoire de Bahreïn, annexe63a), vol.2, p. 269.)

80. En 1933,l'agent politique britanniqrapporteque :

«les prospecteurs de la Anglo-Persian Oil Company Limited à Qatar sont venus

inspecter des lieuxoù le souverain de Qatarn'avait aucundroit de les laisseraller et
que les gens deBahreeïnfréquentent encorede nosjours pendant l'étéd;e fait, il a été
dit que l'annéedernière encore(1932),le souverainde Qataradmettaiten public que
certains secteurs de la côteqatariennerelevaient de Bahrein» (contre-mémoirede
Bahreïn,par.215).

81. En 1932, des fonctionnaires britanniquesont conclu que s'ils ne parvenaientpas à

obtenir du cheikh Al-Thani le droit d'attenir en cas d'urgence sur son territoiàeproximitéde

Doha,la Grande-Bretagne,qui avaitdéjàobtenude Bahreeïn l'autorisationd'attenir surle temtoire

de ce dernier, établiraitalors des installations d'atterrissageen cas d'urgence Zubarah ou àDohatFaisalch,àunetrentainede millesau sud deZubarah(répliquedeBahreïn,par.265-266). Le

résidentpolitique précise que lesdeux endroits «sont près de Bahreïm)(télégramme décodé du

résidentpolitique au secrétaire'Etatpour les Indes, 18août 1932,réplique deBahreïn,annexe1)

et propose deux «sites de substitution». Les Britanniquesont donc admis que l'autorisation des

Al-Thanide Doha n'étaitpas nécessairepour atterrirau nord de la côte ouest de Qatar, puisqu'il

s'agissaitd'unterritoireahreiïnite.

82. Le professeur Davida illustréles difficultésque peuvent rencontrer les étrangern,on

seulementpour identifier les subdivisionsentre lesdifférentes unités et sous-unités tribales, mais

égalementpour suivre le cours des allégeances éphémère etsfluctuantes de ces tribus dans le

temps, en particulier en ce qui concerne des populationsqui ne disposaientpas d'archives. Sa

démonstration est plutôt convaincante.

83. Ce que la Cour doit retenirnéanmoins,c'estque le professeurDavidn'a montréqu'une

facedel'histoire. Il a entreprisde contesterle titredeBahree,n secachant apparemmentderrière

la thèsede Qatar, qui soutient avoirinstantanément exercésa souverainetéd'une côte à l'autreà

partirde 1868. Mais qu'en est-ildutitresurZubarahdont Qatarsedote ?

84. Je vais vous dire ce qu'il en est: si les moyens présentés par Bahreeïnsouffrent de

quelquesfaiblesses, ceux de Qatar sont impossibles à défendre à moins d'admettrela notionde

frontièrenaturelle intrinsèqueet instantanée.Il n'existeaucune preuved'allégeanceà Qatardans

larégionde Zubarah avantl'agressiondesAl-Thani en 1937.

85. Il faut bien qu'il y ait un commencement. Heureusement,il y en a un, et la Courpeut

constaterque les partiessontd'accordsurcepoint. Commesir ElihuLauterpachtl'arappeléhierà

la Cour, Qatar a admis, au paragraphe5 de la requêtequ'il a introduite auprèsde la Cour en

juillet 1995,que«[j]usqulen1868,lapéninsule de Qatar fut considérp éaer les Britanniquescomme

une dépendancede Bahreeh>. Ainsi, sans discuterde ce qui s'est produit parla suite, on peut

commencerpar affirmeravec certitudeque,toutaumoinsjusqu'en 1868,ily aunanimitésurle fait

que la péninsulede Qatarétaittout entièresoumise à la souveraineté de Bahreïny, comprisbien

évidemmentlarégion de Zubarah. 86.Au cŒurmême de la thèsede Qatar,il y a une grandelacune ence qui concerneà la fois

Zubarah et les îles Hawar :il faut que cet Etat explique à la Cour commentet quand, alors que

géographiquementi,l sortaittoutjuste d'unedomination bahreïniteinitialequifut totale,il a étendu

sa souveraineté à Zubarah. Et il faut que Qatar s'explique égalemenatu sujet des îles Hawar.

Qatarn'a fourni,etne peut fournir,aucun élémen dte preuveni dansl'un nidansl'autrecas.

87. Tous les élémentsde preuve tels qu'ils existent, et toutes les difficultésque le

professeurDavid décritsi bien, nous portent à conclure qu'en1937 le régime desAl-Thanine

s'étaitjamais -je dis bien jamais- établiàZubarah. Puisqueles Ottomansont admis qu'ils ne

s'y étaient pas établis quanàeux, et puisqueQatar revendiquedes droits qu'i1aurait eus sous le

régime ottoman, ilrevient à Qatar de démontrer commene tt quand il aurait obtenuZubarah peu

après 1915,lorsdu départdesTurcs. Aumoins,la souveraineté intrinsèqueet instantanée s'est-elle

arrêté àeZubarah.

88. Donc, si l'on ne tient pas compte de la théorie fumeuse del'unitégéographique

prédestinée, lathèse deQatar repose au fondsur une expressionqu'il a eu la chance de trouver

dans le traitéanglo-ottomannon ratifiéde 1913 :«la péninsule» - et non pas la péninsuletout

entière- «la péninsule» seragouvernéepar Jasim bin Thani et ses successeurs. Mais le

professeur David est trèd siscret sur ce point. Ce qu'il a dit étaitune glissade[en fiançais dans

l'original]; il s'est empressé de donner comme exemplesignificatif de la reconnaissance

britannique «l'article 11du traitéanglo-turcde 1913 confié par celui de 1914» (CR 200019,

p. 16,par. 29).

89. Or, commenous l'avonsvu, le traiténon ratifiéde 1913ne peut pas créerde titre, et

l'affirmationconcernantles frontièresde la péninsulede Qatarn'a pas du toutété «confirmé[e]»

par le traitéde 1914.

QuantauxliensdeBahreinavecZubarah,voici :

- Zubarahest le foyer ancestral desAl-Khalifa;

- Les habitants ontcontinuéde faireallégeance auxAl-Khalifa;

- Des tentatives répétéed se conquêtede Zubarah à partir de Doha (en particulier par les

Ottomans)sesonttoujourssoldéesparunéchec face àunerésistanceorganiséeparBahreiïn;- L'émirdeBahreïnserendaitrégulièremen àtZubarah.

Vous trouverez desdétailssur ces points dans le dossresjuges.

LesliensdeQataravec Zubarah

- Avant 1937,lesAl-Thanin'avaientjamais contrôlé Zubara h ne fût-ceque temporairement.

7 juiiiet 1937

90. Dansles annéestrente,Zubarahétait d'oreset déjà presque entièremen et ruines. Mais

la régionétaitencore habitéepar lesNaïmet les souverainsde Bahreiïns'yrendaient. En 1937,le

cheikh Abdullah de Dohaessaya d'y établu irnport douanierpourcollecterdestaxes. LesNaïm se

plaignirent auprès du cheikh Abdullah de Bahreïn. Cette situation entraîna une sériede

négociations infructueusesentre Bahreïnet Qatar à Manama,Bahreeïn,qui vont durer prèsd'un

mois.

91. Le résident politiqueritannique,Hickinbotham,écrivitce qui suità la fin du mois de

mai 1937(jene sauraisêtre tenupourresponsablede sasyntaxe) :

«Le conseiller [Belgrave] 'afait savoirquele Gouvernementde Bahreïn avait
préparép,our le cas où elles'avèreraitnécessaire, une contre-proposition indiquant
qu'il serait dispoàconcéder toute la zone situéà proximité immédiate d Zeubarah
elle-même, àconditiond'être autoriséàconserverla ville intramuroset ày fairetout
ce qu'ilveut. Nouspensonsque si le cheikhAbdullah[deQatar] gardene serait-ce
qu'une trace d'autorité, rine s'oppose à un compromissatisfaisanten ce sens. Il
conviendraitd'accorderaux Naïm le droit de décider, parplébiscite,du souverain

qu'ilsdésirentservir,bien entendu,au cas où ils désireraients'installersur unepartie
quelconquede Qatar appartenantaucheikhde Qataraprèsavoir accepté p,ar exemple,
la nationalitéhre'initei,ls deviendraientipacto imposablescomme touslesautres
citoyensdeQatar.))(Mémoire deBahreeïnv,ol.3,annexe 128,p. 674.)

92. L'expressionaune partie quelconque deQatarappartenant au cheikh deQatam déplaît

évidemment à nos adversaires, d'autantplus qu'elle date de 1937, c'est-à-direexactement

soixante-neufansaprèsla date àlaquelle Qatar veut nous faicroire qu'il aacquissa souveraineté

d'unecôteàl'autre.

93. Quoiqu'ilen soit,laconcessionconsistantàdemanderauxNaïm de payer des impôtsau

cheikhde Qatar s'ils s'installentsur territoireariensemblainsuffisante: rien n'indique que le

cheikh Abdullah ait éprouvéle moindre désird'accepter le plébiscitepréconisé par l'agent politique et par Bahreïn. Bahreeïn soumit plusieurs pétitions contenant cinq cent

trente-six signaturesde résidentsde Zubarahse réclamantde l'allégeanceàBahreeïn et définissant

le territoirequi,pour eux, appartenaitaux Al-Khalifah (mémoire Bahreeïnv7ol. 3, annexe1306)'

p. 681). C'est sur cette preuve que Bahreïn se fonde pour fixer les limites territorialesde ses

revendications.

94. Par la suite, le cheikh Ahmed de Bahreeïnenvoya une délégation de haut niveau,

comprenant notammentle prince héritier,Belgraveet quelquetrente autres dignitaires répartis sur

deux vaisseaux. Lesdélégués s rendirent danslepetit villagede pêcheurde Ghariyehsurla côte

nord de Qatar. La délégationqatarienneétaitconduitepar le cheikh Abdullahlui-même. Après

plusieurs jours de réunionspeu concluantes,la délégation bahreïnite rembarqua sur sb eateaux

pourrentrer chezelle.

95. Sur cequi arriva ensuite,nous disposons d'uncertainnombre de témoignages oculaires.

Permettez-moide lire le passage suivant extraitdes mémoires deBelgrave(p. 156, cote10dansle

dossierdesjuges) :

«Denombreusespersonnes [c'estBelgrave qui écrit] possédaient des jumelles
et une ou deux d'entre elles observaient vaguementla côte pour tuer le temps.
J'entendis descris d'étonnement ..une activitéinhabituelleavait étdétectée sur la
côte. Des camions chargés d'hommesse dirigeaient vers Zubarah et des unités
d'hommesse déployaient.Commenousregardions,lescombatsont commencé.Les
membresde la tribu des Naïmvivant à Zubarah étaientattaqués parles bédouinsdu

cheikh Abdullahbin Jasim,les mêmes bédouins àl'airrébarbatifquenous avionsvus
absolumentpartout quandnousétionsdansle villagede Ghariyeh. L'excitationétait à
son comblesur les vedettes. Une partie de nos hommes appartenaient à la tribu des
Naïm et avaient dela famille àZubarah;ils voulaient aller prêter main-forteleurs
parents. Nouseûmesdu mal à les empêcher de sauteàr l'eau. De dangereuxrécifsse
dressaienten effet entre nouset la côte, et mêmesi nous avions réussà débarquer,
notrepetitgroupen'auraitété qud e'uneminceutilité...

Parmi les hommes tués [c'est Belgrave qui continue] figuraient plusieurs
serviteursdu cheikh Ahmed;l'un d'entreeux étaitun homme âgé queje connaissais
trèsbienet quej'aimaisbien. Dès leretraitde la forceqatarienne, absolumenttous les
membresde la tribu des Naïm,accompagnés deleurs familles, deleurs troupeaux et
de leurs chameaux, quittèrent Zubarahet s'embarquèrent pour Bahreeïnà bord d'une
flottille de bateaux que nous leur avions envoyéspour les chercher...cet incident
envenima lesrelationsentre Bahre'inet Qataret mit un ternà tout espoir de parvenir
à un règlementnégocié pendant plusieurs années. Toutelses relationsavec Qataront
O22 étécoupéesetplus aucun Qatarienne futautoriséà débarquerà Bahreein.A la mortdu

cheikhAhmed,en 1942,je me remémoraila phrase attribuéeàla reineMaryTudor :
«Lorsqueje mourrai ..voustrouverez «Calais» gravé surmon cŒm :dansle cas du
cheikh,laville auraitét«Zubarah>).»[Traduction duGreffe.] 96. Biensûr, Belgraveest mortdepuis,lui aussi,maisau moinsdeuxvieillardssonttoujours

en vie qui setrouvaientsurplace en cejour fatidiqueet qui vutleursparentstuéspar les forces

d'Al-Thani. Leurs souvenirsde premièremainde cet événement dramatiqu ont étcommuniqués

àla Cour sousformede déclaration(mémoire de Bahremïp,ar. 283-284).

97. Bahreeïndemanda à la Grande-Bretagne d'«empêchelre cheikh Abdullahde faire la

guerreànos sujetsqui viventdansnos frontièreà Zubd) (mémoire deBahreïn,par. 285).

98. La Grande-Bretagnene bougea pas. Ilest intéressant de dansdes mémorandums du

Gouvernement britanniquececi :«dans ces conditions,il ne nous reste qu'à laisser leshostilités

suivre leur cours)) et «la compagnie pétrolièr[PCL] ...ne reprendra pas ses activités avant

l'automneet d'ici-làle conflitentrele cheikhde Qataret lesn devraitêtreréglé)()mémoire de

Bahre'ïn,par.286).

Le non-acquiescement de Bahreïn

99. Aprèsl'attaquede 1937,Qatarne fit pas grand chose pour consolider son occupation.

Zubarah était loinde Doha qui regroupait alors97% de la population qatarienne. Petitàpetit,

certainsNaïm bahreeïnitecommencèrent à revenirun par un, sur leurs terres désertées.Comme

Belgravele signale, toujoursdans sesmémoire(p. 157):

((Bientôt,les Arabes bahreïnites de Zubarah recommencèreàt se plaindre de
l'agressiondes Arabes qatarienset le cheikh prit l'habitudede discuter avec moi,à
chacunedenos rencontres,pendantdes heures d'affilée,e la question deses droiàs
Zubarah et de l'attitudepeu coopérative des autorités britanniqui refusaient de
s'engager.))

100.Lalongue liste destentativesinfructueusesde Bahreïn envue d'obtenirréparationpour

les préjudicescauséspar leAl-Thani àZubarahestrésumée dans quelquq euaranteparagraphesdu

mémoirede Bahreüi(par. 295-336). Bahreepeut sansdoute comprendre quela Grande-Bretagne

trouva commode de faire abstraction du problèmepour s'épargner un conflit et Bahreïnn'était

certespas en mesurede contraindre les autoritésbritanniquestueren l'occurrence,mais,àbien

lirece dossier,il n'estpaspossibledeconclurequeahreeïnaitjamais admiscet étatdefait.

101.Dans tous les cas sauf un,ans les entretiensqui auraienteu lieu, il aurait été formulé

des propositions par exemple,(laissez-nousdisposerd'un autreport surle continentqatarienet

O nous oublieronsZubarh) (voir le mémoirede Bahreïn,vol. 3, annexe 87, p. 524). Mais,dans cetéventuel«quidpro quo»,Bahreüin'a pas lâché lequid faute d'avoir à aucunmoment obtenule

quo.

102.En fait,il n'y a qu'unseulaccordqueBahreïnait signéau sujetdeZubarah. Ilremonte

à juin 1944 et son texte, que M. Shankardassvous a déjà montré(CR200019,p. 28, par. 8)'

s'établit comme sui :t

«Le souverain deBahreinet le souverainde Qatar conviennentderétablirentre
eux desrelationsaussi amicalesqu'elles l'étaiendtans lepassé.Le souverain deQatar
s'engageàce que Zubarahdemeureen l'état,sansque rien n'y soit faitqui n'existait
pas dans lepassé, cela parégard pourAl-Khalifahet pour lui rendrehommage. Pour
sa part le souverainde Bahreïn s'engage également àne rien faire qui puisse porter
atteinte aux intérêtdsu souverain de Qatar. Le présentaccordn'affectepas l'accord
conclu avec la compagnie pétrolière opérant à Qatar dont les droits sont protégés.))
(Mémoirede Qatar,vol. 8, annexeIlI.240,p. 183.)

103. L'ambiguïté du texte incite très fortementenser qu'il résultedespressions exercées

par les Britanniquesqui désiraientla paix et quine s'intéressaientvraiment qu'àce qu'énonce la

dernièrephrase. Il s'agissait d'un accordestatuquovisantàaiderlescompagniespétrolières.

104. Lorsqu'il quitta Bahreïnen 1957,aprèstrente etun ans, Belgrave qui, bien entendu,

avaitintégralementsuivil'évolutionde la situation,nota simplement queZubarah«faisaittoujours

l'objet de discussions interminableest acrimonieusesentre le cheikh [Ahrnedde Bahreïn]et les

autoritésbritanniqueset que la perspective de parvenirà un règlementn'avaitjamais paru aussi

lointaine»(p. 159). [TraductionduGrefe.]

Résumonslesévénementd se 1937 :

1"juillet 1937 :

- Il y a uneinvasion armée desAl-Thani.

- Ellesusciteunerésistancede la populationNaün locale, quireste fidèleàBahreein.

- LesNaïm sont expulsés versBahre'ïnsaufs'ilsacceptent deserallierauxAl-Thani.

Au sujet de l'acquiescement,la situationpeutserésumer comme suit

Refus deBahreïnd'avaliserlefait accompli(enfi-ançaisdansl'original)àZubarah

- Lerégimeqatarienn'a jamaisété consolidé.

- Aucuneeflectivité n'aété constatéejusqu'à présent.

- CertainsNaïmontregagnéunpays vide,cequia créé une situationambiguë.- La Grande-Bretagne n'a jamaispris de décision,se contentantde temporiser pour éviterun

conflit.

- Les concessionsoffertes par Bahreïnn'ontjamais été retenuesansle cadre d'unaccordet ne

sauraientpar conséquenêt treassimiléeàunerenonciation.

- Aucontraire,Bahreïnn'a cesséjusqu'à aujourd'hui de renouvele sresrevendications.

MaquatrièmesériedequestionsconcernelesîlesHawar :

Quelsétaient lesliensdeBahreïnaveclesîles Hawar ?

105.La domination deBahreeinsur les îles Hawarremonte àl'époque où,commeQatar l'a

reconnudans sa requêtel,a totalitéde lapéninsuleqatarienneétaitunedépendancebahreïnite.

106.Même sil'onadmettait avecla plus grandelargessequi soitla thèsede la consolidation

de 1'Etatqatarien, malgré l'absence de toutélémentde preuve matérielvraiment dépourvu

d'ambiguïté,Qatar ne saurait prétendre avoir agp i our étendresa souveraineté à une partie

quelconque du littoral occidental de la péninsule avant1937 et les événementsde Zubarah.

Comme le conseil de Qatar l'a fait observer la semaine dernière,la premièrevisite connue du

cheikhde Qatar surla côte ouestde la péninsuleremonteà 1938,lorsquece cheikhserendit sur le

nouveaugisementpétrolierde Dukhan.

107. A l'époque,les îles Hawar étaientdéjàpeupléespar des sujets bahre-ïnitesdepuis

cent cinquanteans, c'est-à-dire depuisque les Al-Khalifah avaient permis aux Dowasir de s'y

installer.

108. Le levédu capitaineBrucks que vous avez déjà vu dansle dossier desjuges contient,

Monsieurle président,Madameet Messieurs lesMembresde la Cour, lapremièrementiondesîles

Hawar quifigure dansun documentauthentiqueprésenté àla Cour.

109. Au sommet de la péninsule, c'est-à-direà la pointe de Ras Rakkan, Brucks émitla

conclusion généralesuivante (p. 99): (Depuis la pointe, jusqu'à AlBidder vers le sud et l'île

Wardenvers l'ouest,l'autoritédu cheikhde Bahre'ïnestreconnue.)) 110.Pour savoirce que Brucksditprécisémend tesîles Hawar,il est nécessairede passerà

la page 101. Brucks utilise l'appellation«îlesWardem et décrivitles Hawar comme«un groupe

de huit à neuf îles et rochers...l'île principale est appeléeA1Howahk [de toute évidence la

translittératide Hawar]et ellemesure environ6,5kilomètresde long. Il s'y trouve deuxvillages

de pêcheure st elleappartientBahreïn.))

111.Aujourd'hui,soitcent soixante-dixansplustard,onpeut toujours voirles deuxvillages

en questionsurHawar.

112. Il existait d'abondantes preuves dela possession et du contrôle desîles Hawar par

Bahreïn dèsavant la décision de1939. Bahreeinrenvoie sur ce point la Cour au résumé des

O2 5 preuves, plus de quatre pages à interligne simple,qui figure au paragraphe 28 de saréplique.

M. RobertVolterratraitera cettequestionmardiprochainsi vouslepermettez.

Quelsétaient les liensdeQataravecles îiesHawar ?

113. Disons tout de suite que les Hawar ne sont pas proches de Qatar pour tout ce qui

concerneles échangeshumains. La vie à QatarétaitconcentréeàDoha et sesenvirons,surla côte

orientale. Aucuneroute ne reliait cette côte orientale de Qatara côte occidental: àquoibon

construireunerouten'allantnullepart ?

114.Il n'est donc guère surprenant uele souverainde Qatar,lorsqu'ilémitsa revendication

surles îles Hawar,ne sûtmême pas où elles étaieti quelle étaitleur taille etqu'ilignorâtquedes

Dowasiry habitaient.

115.Lesgensde Dohan'ontjamais éprouvé le moindreintérê àtl'égardde ces îles oùla vie

est encoreplus dure que sur la côte orientale de Qatar. Les gens de Doha sont des plongeursde

pêche perlièreet des pêcheurs. Les insulairseHawar,euxaussi, gagnaient leur vieen plongeant

et enpêchant.Il n'y avaitdoncaucune raison d'entreprendreun long voyageàtraversdescontrées

désertiques etdangereusespour échangerdu poisson contredu poisson ou des perles contre des

perles. Les insulaires de Hawar traitaient donc avecles marchés deManarnaet de Muharraq à

Bahreïn :desendroitsfacilement accessiblesparlamer. 116.Uneautreraisonexpliquel'ignorancedu souverainde Qatarau sujetdesHawar. Rien

de surprenant à ce qu'elle s'exprimepar un seul mot:le pétrole. Rappelonsque Bahreeinet son

concessionnaireaméricain,la BAPCO,avaient trouvé du pétroleen 1932. La rumeurse répandit

que «les rues de Manama étaientpavéesd'on. Qatar et son concessionnaire majoritairement

britannique, PCL,n'ontrien trouvéd, 'oùlapersistance delapauvreté pour Qatartl'augmentation

des dépensespour la compagnie pétrolière. On ne peut donc s'empêcher d'imaginer quePCL

-qui détenaitune concession couvranttous les territoires appartenantau cheikh Abdullah de

Qatar - a sans doute expliquéau cheikh qu'il serait avantageux d'opérer, étad ntnnéles

probabilitésgéologiquesa,ussi prèsquepossiblede Bahreïn,où du pétrole avaidtéjàété trouvé et

lui aurait demandés'il se considéraitcomme le maître des îles Hawar. Il n'a pas dû êtretrès

difficilepourle cheikhdetrouverla (bonne))réponse à donner àPCL,ni très difficilede formuler

la revendication correspondante.Lescénarioestconnu :nombreuxsontles différends territoriaux

qui ont étéconçus, et j'ajouterai mêmefinancés,par le concessionnaire quiveut s'assurer un

maximumdedroits.

117.L'absencedetoutlien entreDohaet lesHawarest évidentdans unelonguelettre quele

cheikhAbdullahde Qatara remise à la Grande-Bretagneen 1939pour étayersarevendicationsur

les îles Hawar. Ici,j'anticipe quelque peu surma dernièresériede questions. Mais, avec

l'indulgencedela Cour,j'aimeraisfaireétatdès àprésent de ce documenettje nemerépéterap ias

ensuite. Cettelongue lettre du cheikh Abdullah apparala page 1146du volume5. Vous verrez

que l'agent politiqueaajoutésescommentairesdansla margegauche.

118.Ce documenta tout d'abordceci de remarquablequ'il ne contientaucunepreuve de

liens que Qatar aurait établisavec lesHawar. Par exemple,au bas dela premièrepage, le cheikh

Abdullah prétend que la position de Bahreïnn'estpas crédible parce qle détachement militaire

bahreeiniten poste dans les îles n'y est pas depuis très longtemps.Il se gardebien de prétendre,

car celalui seraitimpossible,qu'ily aitjamaiseu des détachementsu des représentantsatariens

sur les îles. Ala page 1157,denouveau,il affirmequ'unDowasir bahreïnite fut attaqsurHawar

et vint réclamer protectionà son père, le cheikh Jasim alors que celui-ci étaitmort depuis

vingt-sixans. Le cheikh Abdullah affme disposerde «témoinsfiables»mais il ne donne aucun

nom. 119. Secondpoint remarquableà propos de ce document, l'assuranceextraordinaireavec

laquelle son auteur avancedes assertionsdont le caractère fondamentalemetrronépeut être

facilementprouvé.Puis-je respectueusement attirr'attentionde la Cour surle passage suivant,

tel qu'ilfigureaubas dela page1148:

«ce sont en effet des îles dont la superficie est de 4 à 5 milles carrés
approximativementà maréehaute. De plus, elles sont désertiques,sans eau et
inutilisables comme pâturages pour des troupeaux; dans le passé elles étaient
complètement dépourvues d'édifices habito éns;ne saurait d'aucune manière les
appelerdesvillagesourienquis'approchedusensde ceterme...»

et denouveau,aubas delapage 1153 :

«Lesîles Hawar sontconsidéréesd ,u point de vue géographique,comme une
partie de Qatar qui le complèteau nord. Quiconquepossède les connaissances
géographiqueslepslusélémentaireesn conviendra.))

120.MonsieurleprésidentM, adameet MessieurslesMembres delaCour,les îlesHawarne

font pas 4 à5 millescarrés mais cinq fois plus,soit 20 millescarrés ou environ

51kilomètres carrés. Ellesnsontcertainementpas(une partiede Qatarquile complèteaunord)).

Ellesne sontpasdésertiques.Ony trouve denombreuxvestigesd'anciens systèmes de collecteet

de conservation de l'eau. Des troupeaxont brouté pendant des générations.firmerqu'elles

étaient«complètementdépourvues d'édifices habités))constitue, commdiatis-je,pour lemoins

uneerreurmanifeste. Laprésencedesdeuxvillages,commenousl'avons vu,a étéconstatéparle

O 27 capitaineBruckscent ansavant que le cheikhAbdullahn'écriveson commentaire. En outre, il

existe encore beaucoup de personnes âgéeesn vie qui ont habitésur les îles Hawar dans les

annéesvingt,c'est-à-dirependantla décennie précédant immédiatementé vsénementqsui nous

occupent, et qui connaissent par cŒur lesdeux villages en question (voir les dépositionsdes

témoins dans le mémoire de Bahreein,annexe 313-316 et dans la réplique de Bahrein,

annexe20-23).

121. Tout en formulant ces grossièrescontre-véritésl,e cheikh Abdullah est totalement

persuadéd'avoirraison et exprimeson méprisleplus totalpourles «arguties»de Bahreïn,comme

il les appelle, ainsi quepour la manière dont ce paysveut(mier des faits connus de tous».

Commentpeut-onàla fois être aussiconvaincud'avoir raisonet êàrcepointdans l'erreu? 122. La réponse la plus simpleest que le cheikh Abdullah qui, comme l'agent politique

l'affirme,ne s'était jamaisrendu sur les îles Hawar,était toutbonnement persuadéde revendiquer

les petites îles situéesroximitéde la pointe de Ras Rakkan, à faible distance deZubarah, qu'il *

connaissait incontestablementtrès bien.

123. Les deux îles en question sont vraiment beaucoup plus petites, probablement

désertiques,très vraisemblablement inhabitéed sepuis toujours et peuvent êtreconsidéréecsomme

(tune partie de Qatar qui le complète aunord)). Ce qui pourrait expliquer pourquoi le cheikh

Abdullah fait si peu cas de la descriptionde Bahrein,une description quine convient certainement

pas à Ras Rakkan. Quant à l'affirmationdu cheikh Abdullah selonlaquelle, «à maréebasse)),la

distanceentre les îles Hawar et le continent est assez brève pour qu'on ((puia franchiràpied)),

elle esttout simplementabsurdepour quiconques'estjamais rendusur les îles Hawar.

124. Nousdisposons d'un étatfiable des distances et des communications émanant duplus

haut fonctionnaire enposte dans le Golfe, l'agent résidente l'époque :le lieutenant-colonelHay,

qui devait devenirplus tard sir RupertHay. Cet état qui est adressé auouvernementbritannique

est particulièrementutile parce qu'il date de novembre 1941, dateà laquelle le lieutenant-colonel

Hay s'estrendu àQatar (mémoire de Bahreïn, annexe 296,vol. 5, p. 1205).

125. Hay explique qu'il s'est rendu de Bahreïn à Zilait où il a vu les installations dela

compagniemajoritairementbritanniquePCL,puis à Dukhan,localitésituéejuste ausud.

126. Depuis la côte occidentale, Hay rapporte ceci : (Nous partîmes ...rendre visite au

cheikh [de Qatar] dans sa résidence de Raiyan à une soixantaine de milles.)) [Unecentaine de

kilomètres.]

127.Il décritson voyageen ces termes :

«La route traverse un désert rocailleux et inhabitéet elle est franchement
mauvaise; nous n'avons pas vu une âme qui vive à 80kilomètresà la ronde ...vous
avez un sentiment étrange quand vous voyagezdans ces contréessauvages ...sans
aucuneescorte armée.»[Traductiondu GrefSe ].

128.Hay note égalementque, mêmesi le cheikh est déjà ((beaucoupplus prospère) g)râceà

l'exploitationpétrolière,l n'a pas encoreété trouvde port se prêtant l'exportation dupétrolesur

la côte orientalede Qatar. Ainsi, mêmele développement de cettenouvelle activitén'avait pas

conduit à étofferles infrastructureset àcréerune liaisonest-ouest. 129.Ceque sirRupert Hay vitlorsde sonpéripleàl'estde Dukhanest demeuréen l'étatet

peut encore êtrevu de nos jours, comme le prouvent ces images prises au débutde l'annéeet

soumisesavecles documents supplémentaired seBahreein.

130. J'attire de nouveau votre attention surl'écranoù figure un extrait de la 23' édition

(1975)d'Al-Munjind,un ouvragederéférencepublie én arabe au Libanet,je crois,inspiréduPetit

Larousse(documentssupplémentaires deBahreïnsoumisle 1"mars2000, annexe21,p. 179). Cet

extrait figure dans le dossier des juges sous la cote 14. Ce que vous voyez maintenant est la

définitiondes (îles Hawan) telle qu'elle figuredans ce dictionnaire. La traduction est cel:e-ci

«Un groupe de seize îles relevant de 1'Etatde Bahreïn)). Suit une carte qui n'appelleaucun

commentaire carla frontièreinternationaley est indiquéeonne peutplus clairement. Pourne pas

induirela Cour en erreur,j'ajouterai qu'aprèsle débutde la présente procédure, dans les éditions

ultérieures,Al-Munjinda reconnu que Qatarrevendiquait lesHawaret s'abstintpar conséquentde

répéterde manière aussitranchéeque les îles Hawar (relevaient de 17Etatde Bahremin>» L.a

définitionqueje viens delire figureen effet uniquement dansl'éditionde 1975. Maisje m'arrête

sur la carte pourune autreraison que voiciucuneroutene relieDohaàlapartie désertique de la

péninsulefaisantfaceauxHawar. .

131.Un membrede la commissionhistoriquede Qatar,dans un ouvragecitépar Qatar,a

écritqu'en 1908la population de toute la côte occidentale représentait((environ 3%» de la

population totale de Qatar. De plus, cette maigre population de3 % peut êtrelocaliséeavec

précision etson effectif estimatif se situerait entretrois cents et huit cents personnes. L'auteur

indique que la côte occidentalen'abrite que trois villes,arah étantselon elle ccpratiquement

déserte)(R. S Zalhan,ne Creation of Qatar, p. 15, 1979). La Cour se demanderaprobablement

où ces trois villes sur la ((côteoccidentale))étaient situées.vonsla carte. Les trois seules

villes de la côte occidentalede Qatar, d'aprèsce membre de la commissionhistorique de Qatar

de 1908, étaient: AbouDhaluf, Hidayia et Khuwayr (ou Kwar Hassan comme onl'appelle

généralement aujourd'hui).Comme vous pouvez le constater, les trois agglomérations sont

' concentréesdanslapartieseptentrionaledela côte occidentale. C'estlà quevivaientcestroiscents

àhuitcentspersonnes. Passez toutle tempsquevous voulez àexaminerla question,la conclusion

seratoujourslamême :la côte sud-ouest de Qatarétaittout simplementnon peuplée. 132. La partie de Qatar la plus proche des Hawar est une péninsuleinhabitée etvide

d'édifices, l'exceptionde quelques rares postes militaires.Je ne pense pas que sonnom soit la

péninsule de Zilait, cette appellationservantsimplementà des fins d'identification.ésence

humainen'est importantedans la régionque dans la ville pétroliède Dukhan et dansle port de

Zikrit qui jouxte Dukhan. Bien sûr, il fallut attendre 1939 pour que l'on découvre le premier

gisement qatarien. Dukhann'a été crééeque pour hébergerquelquetrois cents hommesdans le

désert(GeoffreyBibby,Lookingfor Dilmun,p. 4, 1970).

133. Bahreïnpeut citeruntémoinquecertainsseront peut-êtrée tonnédse rencontrerdansce

contexte, le professeur GeoffieyBibby, l'archéologueanglais qui est l'auteur du livre le plus

célèbrequ'un occidentalait écritsur Bahreei: ((Lookingfor Dilmun))(dont la premièreédition

remonte à 1970et quia étécitéplusieurs foisparles deuxPartiesen cette affaire).

134. La raisonpour laquelleje cite maintenantle professeur Bibbyn'a rien à voir avec

l'archéologie.Elle a trait aux activitésqui furent celles du professeurpendant sa jeunesse,bien

avant qu'ilne devienneprofesseur. Cequinous ramène àla périodede 1947-1950,quand lejeune

GeoffieyBibby,commeil l'écritdansle premier chapitrede ((Lookingfor Dilmun)),était l'adjoint

du chefdesopérationsdePCL à Qatar. Lesopérations étaient concentréàes ukhan,où,commeje

l'ai déjàdit, prèsde troiscents hommestravaillaientsur le gisement. Mais venons-ene queje

tenaisàvous dire.

135. Le jeuneM. Bibby et sa société exploitailt concessionà Qatar, mais l'endroitqui

leur parut le plus commode pour qu'ils y constituent leurbase et supervisent les opérationsà

Dukhan, ce ne fut pas Doha ni une autreville de Qatar, mais Manama, sur l'île principale de

Bahreïn. C'est là que PCL avait ses bureaux où travaillaient une vingtaine d'employéset

d'acheteurs.

136.En d'autrestermes,même Dukkanétait,à toutesfinsutiles,plus prochedeBahreïnque

de Qatar. Et ce qui vautpour Dukhanvaut encore bien davantagepour les îles Hawar,qui sont

peupléesde Dowasiroriginairesde Budaiyaet de Sellac.

137. Et que faisaient exactement les employés dPeCL basésau siègede Manama ? Le

professeurBibby se souvient,notamment à la page 4 de son livre,que PCL entretenait«uneflotte

de boutresqui faisaientla navette entreune sourcesituée sur fondsmarins,au largede Bahreïn,et030 la péninsuleqatariennedépourvued'eau)). Autrementdit, l'approvisionnementen eaude Dukhan,

en eau indispensable,était asspar desBahreeïnitesuil'apportaientdepuisla merdeBahreeïn.

Quepouvons-nousenconclure ?

Les liensdeBahreïnaveclesîlesHawar

- étaientexclusifs;

- étaientconstants;

- existaientdepuisdes générationqsuandfut prisela décisionbritannique de 1939;

- etexistenttoujours.

Les liensdeQatar aveclesîlesHawar

- sontlargementsujetsàcaution;

- peuventêtreniéset pourune fois il est possible de prouver une conclusion négative, grâeà

deuxraisons:

-Premièrement, la conclusion s'impose avec force à la suite des

quatre-vingt-deuxdocuments. Quelle autre conclusioformulerau sujet d'unepartie qui

enestréduiteàsoumettrede tels élémentsdepreuv ?e

- Deuxièmement,et voici l'élément positif servàaptrouverla conclusion négativ: Qatar

est coupégéographiquemene ttdémographiquemend tes îles Hawar et ignore absolument

toutde leur situation.

Monsieurle président,il ne me restequ'uneseule sériede questions, ausujetde la décision

britannique de1939, et, pour moi du moins, la pause serait utile ici. Mais si vous désirez

poursuivre,je suis àvotre disposition.

The PRESIDENT: Thank you. TheCourtwilladjournfor 10minutes.

TheCourtadjournedfiom10.1 Oa.m.to 11.30am.

The PRESIDENT: Pleasebe seated. The sittingis resumed and 1give the floor again to

MrJanPauisson.

Mr PAULSSON :Mercibeaucoup,Monsieurleprésident. -28 -

V. LA DÉCISIONBRITANNIQUE DE 1939

Lecontexte

138.La semaine dernière,le mardi,nos adversairesont dià la Courque si les Britanniques

s'étaientseulement rendu compte en 1939 que les îles Hawar étaientsi proches de Qatar, ils

<<n'auraienstûrementpas décidéque cesîles appartenaientàBahreeb»(CR2000/6,p.45, par.22).

Celaressemblait à une doléance concernant une erreurui entachaitune décision vieille de deus

soixante ans, et comme le saventtous les juristes, cen'est pas un motif de contestationbien

convaincant.

139. Mais le lendemain, nous avonsapprisque la décisionde 1939était laconclusion d'une

«histoire sordide et..honteuse)). La décision britannique, nous a dit sirIanSinclair, était

«hypocrite». Le sens de ce terme est clai:les Britanniquesont décidéc,'est du moins ce dont

Qatarvoudraitvous persuader,que les îles Hawarappartenaient àBahreeinsans croire eux-mêmes

quece fûtvrai :c'est cela,l'hypocrisie.

140. Mais Qatar ne peut pas jouer sur les deux tableaux. Si la décisionde la

Grande-Bretagnereposait sur l'ignorance de ceque l'on présentecomme la réalitéi,l n'y apas

d'hypocrisie. Si la Grande-Bretagneétait hypocrip,eu importaitlaréalité.

141.Maisrevenons àce scénario «sordide» ethonteux». SirIan Sinclaira trouvédans les

archives des indications selon lesquelles les autorités britanniques s'attendaient que la

revendicationdu cheikhAbdullahsoit rejetée. Sir Ianpeut très bien dire quec'estparce que les

Britanniquesétaient«sordides»et «honteux», maisil est plus plausiblequepersonnene s'attendait

àce que le cheikhAbdullah aitgainde causeparce quesa revendication étaiatbsurde. Lui-même

et sa tribu vivaient loin de là, du côté deDoha, isoléspar un espace vide, etnul n'avait jamais

entenduparlerd'une présence qatariennedans les îles Hawar. La revendicationsoudainede 1938

avaitune trèsforte odeur de pétrole.

142.C'estlorsqu'ilen vientà formuler des hypothèsessur des motifsque l'exposéde Qatar

s'embourbeet se brouille. Peu aprèsavoir soutenuque les Britanniques favorisaient Qatarparce

qu'ils favorisaientla compagniepétrolière britanniqe,n nous dit qu'ilsfavorisaientreïncar,

sij'ai bien compris,la perfideAlbionavaitmaintenantunmotif altruiste-contribuer à renflouer Bahreïn. Commenty parviendraient-ils :cen'estpasclair :personne n'avaittrouvédepétroledans

lesîles Hawaret on n'en ad'ailleurs toujourpastrouvé.

.O3 2 143. Ayantextrait la dernièregoutte de suspicion de toutes les pagesjaunies qu'ils ontpu

dénicher ,nos savants amis aboutissentà une conclusionqui doit certainementêtre,parmitoutes

celles qui ont étéprésentées à la Cour, l'une des moins surprenantes: les puissances coloniales

agissaientdansleurpropreintérêt.

144.Eh bien oui, effectivement. Sur des dizaines demilliers de kilomètres, des frontières

internationales grotesques ont ététracéesdans le monde en développementpar de puissants

envahisseursétrangersu , niquementpréoccupéd seleurspropresintérêtspolitiquese commerciaux,

en tenant fort peu compte des populations autochtones. Pourtant, ces frontièressurvivent,non

parce qu'ellesflattentnotre sensde l'équitém, aisparce quele respectcontinu de ces fiontièresa

évité laguerre. Mon confièreFathiKemichavousparlera decette questionla semaineprochaine,

j'espère.

145.La démonstrationde Qatar en est doncréduiteà beaucoup de bruit et de fureurpour

rien. A vrai dire, Bahreeïpourraits'arrêterci. Maispar souci d'exactitude historique et puisque

nous sommesvenus devant cette Cour, Bahreïntient à ce qu'elle soit convaincuequ'il n'a pas

bénéficiédemachinations«sordides»et «honteuses».

146. Dès la découvertede pétrole à Bahreeinen 1932, Qatar- ou plus exactement

1'Anglo-PersianOil Company, quiappartenait à des Britanniques - n'a pas perdu de temps.

Quelquesmois après cettedécouvertel ,'agent politiquebritanniqueécrivait:«les prospecteursde

laAnglo-PersianOil CompanyLtd. à Qatarsont venusinspecterdeslieux oùle souverainde Qatar

n'avait aucun droit de les laisser aller» alors même,observait-il, qu'«dla étédit que l'année

dernièreencore(1932), le souverainde Qatar admettaiten public que certains secteursde la côte

qatariennerelevaientde Bahreïm (contre-mémoire deBahreïn, par.215).

147. Au mêmemoment,le cheikh Harnadde Bahreeïnnégociaitavec la BAPCO, société

américaine,pour étendresaconcession. Il étaitdansl'intérdtu Royaume-Unique l'extensiondes

droitsde laBAPCOsoit aussilimitée que possiblepuisquec'estune sociétéaméricainL e.e cheikh

Hamad de Bahreïnétaitapparemmentdisposé àne pas l'étendreaux îles Hawar, maisil n'alaissé

planer aucundoute sur sapositionlorsqu'il adéclaréà l'agent politique parintérim,au coursd'uneréunion tenuele 29juillet 1933, que :«ces îles étaient des dépendances dB eahreïm (dépêchd eu

30juillet 1933,mémoirede Qatar,annexeIII.87, vo1.6,p. 445).

148. Dès le lendemain, l'agent politique -Loch - adresse à son gouvernement le

télégramms euivant :

(Le cheikhDamad deBahreein] appuie desonautoritél'[extensiondéfinie]aux

conditions suivantes. Premièrement,il désire quela zone soit appelée(îles de
Bahreeïn»sans nommer spécifiquementles îles concernées,afin de ne pas faire
ressurgirla questionde l'îleHawar (dontl'absencedans l'énumération ne manquerait
pas d'êtreremarquée)et de Qatar. Je pense que nous pouvons accepter cette
suggestion,dans la mesure où l'île Hawar ne fait nettementpas partie de l'archipel
bahreïnite.))(MémoiredeQatar, annexe III.88,vol. 6,p. 449.)

149. Les avocats de Qatar insistent beaucoupsur cette expression : «l'île Hawar ne fait

nettement paspartie de l'archipelbahré'inite)). on savantadversaire,M. Shankardass,a priéla

Cour de <cprendr[eb ]onne note du fait qu'en 1933,Loch estime donc que l'île Hawarne fait pas

partiede Bahreein».Il a poursuivien disant que cela(&anchefortemenb)avec le faitqueLoch lui-

mêmea par la suite reconnu le droit de Bahreïn sur lesîles Hawar (CR 200016,p. 24, par. 37,

alinéa2)). Cetargument apporte évidemment sa pierre, pa insinuation,àl'«histoire sordideet...

honteuse»de sir Ian. Toutefois,Lochn'a pas écrit(aiefait pas partie de Bahreii; mais (aiefait

pas ... partie de l'archipel bahréiinite~. La distinction entre politique et géographieest

fondamentale. Il me semble que lorsque la Cour «prendra bonne note» de cette lettre, comme

M. Shankardassl'y invite, elle constateraque l'on ne peut absolumentpas interpréterle texte de

Loch commeexprimant un «avis» au sujet du droit de propriété sur les îleHawar. Commeje

viens de le rappeler, ce télégramme a étéenvoyé le lendemaindu jour où le cheikh Harnad a

((immédiatemenb s)oulignédevantLochque les îles étaientdes «dépendances» de Bahreeïn.Le fait

que lesîlesHawarne fassent pas partiedu grouped'îlesqui s'agglutinent autour de l'îleprincipale

de Bahreïn ne signifie évidemment pas qu'ellesn'appartiennent pasà Bahreïn. L'île de Pitcairn

danslePacifiqueSud,Sainte-Hélènedans l'Atlantiqu eudet lesîles Caïmans dans les Caraïbesne

font certespaspartie géographiquemend tesîlesbritanniques,mais il est tout aussi certainqu'elles

sont placées sousla souverainetébritannique. 150.La concession négociéepa Arnglo-Persianfut rapidement cédé eune sociéténouvelle,

PCL, où le Gouvemement britanniqueavait indirectementune participation. Voustrouverez sous

la cote 19de votredossier de brèvesindicationssur les différentessociétés dont somsfigurent

dansles documents,ce quipeut enfaciliterla lecture.

151. PCL avait un directeur généradlu nom de JohnSkliros, qui est aussi une figure

dynamiquede l'histoire du pétrole. Ilne sait rien des îles Hawar -sauf qu'il les voulait. Le

29 avril 1936, il écrivitdonc unebrève lettreau Gouvemement britannique(contre-mémoire de

Bahreeïnp,ar. 233)oùil faisait valoirqueHawar:

«est représentéesur la carte officiellede Qatar, qu'ont signéele cheikh de Qatar et
M. Mylles etelle fait partiede la concessionde Qatar. Il me sembleque cette cartea
étévue etapprouvéepar le résident politique et peut-être1'IndiaOffice. Tout cela
va dans le sensde l'appartenance decetteîàeQataretnon àBahreiïn.))

152. Ilestdifficiled'imaginerunargumentplus faible. C'estmême plutôt prendrseesdésirs

pour des réalités.Voici la carte en question, qui vousa montréela semaine dernière.Ce que

M. SMirosespéraitpeut-êtreimplicitement,c'étaitque le Gouvernementbritanniquecroirait - et

c'est ce que su IanSinclair a explicitementinvitéla Cour à croire la semaine dernièr- que

M. Mylles et le cheikhAbdullah avaient manifestéleur intention de séparerles îles Hawar de

Bahreüien apposantleurs signatures entre les deux groupesd'îles. Il semble que cetargumentait

étéavancétrèssérieusement.Eh bien,Bahreïn peutapporter àcelaquatreréponses :

- premièrement,si cettepageétaitblancheet que vousdeviezla signer,oùapposeriez-vousvotre

signature? Laréponsesembleévidente :exactement làoù sontles signatures;

- deuxièmement,si vous vouliez montrer une séparationentre les îles Hawar et Bahreïn,n'y

a-t-il pasunefaçonplus claire,plus simple, dele fa?rPar exemple ...uneligne ?

- troisièmement,le cheikhAbdullah et son concessionnairen'ont en tout étatde cause pas le

droitdetracerles frontièresdeBahreeïn;

- quatrièmement-et ceci est décisif- lorsque l'on a demandéà plusieurs reprises au

cheikhAbdullah,en 1938et 1939,s'ilavaitdes élémentd se preuveattestantquelesîlesHawar

lui appartenaient,il ne lui estpasveàl'e'spritde produirecette cartepour prouverqu'ilavait

autoriséla prospection pétrolière danes îles Hawar. Ou bien le cheikhAbdullah avait une

mémoire étonnammentdéfaillana l,rsqu'iln'avaitjamais euqu'uneseulefois l'occasionde signerun accord deconcession,oubien ilne donnaitpas de cettecartela même interprétation

quecellequ'en donne maintenant sirIan.

153. Le cheikhHamad de Bahreeïndevait quelquepeu se douter de ce que manigançait

Skliros. Si vous vouiez bien vous reporter à la page 1071 du volume 5, vous verrez qu'en

avril 1936, le cheikhHamad prit la précautionde charger son conseiller, Belgrave, d'écrireà

l'agent politiquepourconfirmerquelesîles Hawarfaisaient ((incontestablemenp tartie de 1'Etatde

Bahreïn~.

154. C'estla lettre dans laquelleBelgravedresseune liste des îles Hawar-page 1072-

qui, commele faitjustement remarquerQatar,est inexacte. Mais pensezaux circonstances. Nos

adversaires disent qu'ils ont vériflejournal personnelde Belgrave et conclu queBelgravene

s'étaitjamais rendu dans les îles Hawar auparavant. Je les crois.Donc, Belgrave est chargé

d'écrire cette lettreurgente. Il a dû rechercher des informations, par l'intermédiaired'un

traducteur, auprèsde quelqu'un qui étaitlà et qui connaissait un peu les îles Hawar, et cette

personne - quelleque soit la façon dontelle avait comprisla questionde Belgrav- a énuméré

les îleen suivant exactement l'ordre dans lequel ellesse présentent lorsl'on se rend dans les

îles Hawar :Nun,Mashtan,Al Mutarid,Rabad,puisHawar.

155.Il importe dese souvenirqueBelgraven'étaitabsolumentpas entrain de témoignerou

d'argumenterdevantuntribunal. Il faisait simplementdeson mieuxpourfournirdesinformations,

comptetenu des circonstances,car ilne voulait pasqueles autoritésbritanniquesdonnentàSkliros

des informationsfausseset défavorables. EtBelgraveavait certainementraison de se hâter, car

comme nous venons de le voir, M. Skiiros écrivaitsa propre lettre, en fait datéedu lendemain

même.

156.M. Shankardassa dit àlaCour

((Nous savons aussi aujourd'hui, d'après les observations consignéespar
Belgravedans sonjournal le 23avril 1936 .. que les cheikhsAl-Khalifah, cinqjours
seulement avant la revendication officielle du 28 avril 1936,ne pensaient pasux-

mêmes pouvoirvalablementrevendiquer les îlesHawar.1)(CR2000/8,p. 27,par.27.)
157. La Coura dû penser, commemoi-mêmeq ,ue tout cela étaitassezspectaculaire. Voilà

que Qatar déclareà la Cour que le cheikh Hamadde Bahre'ïnlui-même ne croyaitpas que les îles

Hawarlui appartenaientlorsqu'ilfaisaitvaloir sesdroits. 158. Quand onavance une idée aussi propre à enflammerles espritsmieux vaut disposer

d'éléments sur lesquelss'appuyer. Veuillez examinerce queBelgravea écritle 23 avril 1936,et

jugez parvous-mêmes.Le matin,Belgraveva àsonbureau, le soir,il va au cinéma. Mais entre les

deux,il y aceci:

«Avons parlédu pétrole etdu nouvel accord et plus particulièrementde la
question de nos droits sur les îles du groupe Hawar,dont les cheikhs craignentque
l'Agencene lesreconnaisse pas. Je pense pourmapart qu'ilssont incontestables.))

159.Commentpeut-on sérieusementconclurd ee cepassage queles cheikhsne croyaientpas

à leurtitre sur lesîlesHawa?

160. Sir Ianpropose aussiune interprétation imaginativede ce passage. Voici ce qu'il a

soutenudevantla Cour :

«On comprendbien pourquoilescheikhsde Bahreïnontpu craindreque l'agent
politique britannique rejetteune revendication sur les îlesHawar formuléepar le
souverainde Bahreïn. Mais pourquoiBelgraveétait-il quant à lui certain que cette

revendication (qui ne sera formulée que cinq jours plus tard) serait appuyéepar
l'agence? Sepourrait-ilqu'il aitsu à l'avanceou, àtout le moins,qu'il ait entendu
quelquesbruitssur ce que seraitprobablementlaréactionde l'agenceau sujetde cette
revendication? Comment l'expliquer autrement, quand les fondements de la
revendication de Bahreïnsur les îles Hawar, s'ils avaienttésoumis à un examen
attentif, seraient apparus, comme Belgrave devait le savoir, comme extrêmement

incertains?» (CR200017,p. 50,par. 10.)
161.Aucunélémend te ces remarques n'est convaincant. Les cheikhs ne s'inquiétaient pas

du rejet d'une«revendication»:ilsparlent deleur«droits». Quant auxmotifsde leurscraintes,les

documents nous montrent que les Britanniques avaientnotamment intérêtà défavoriserle

concessionnaire américainde Bahreïn, ou au moins à promouvoir la cause de la compagnie

pétrolièrebritannique.

162. Dansla deuxième phrase,Belgrave ne se dit pas certain que la revendicationsera

«appuyée par l'agence)i)l,dit qu'elleest«incontestable».

163. Quant à l'hypothèse«qu'il ait su à l'avance ou, à tout le moins, qu'il ait entendu

quelquesbruits)),c'estune inventionde Qatar. Ce queBelgraveécric t'est qu'iltient lesdroitsde

Bahreeinpourindiscutables.

164. Et enfin : «Belgrave devait ...savoir» que les fondements de la revendication de

Bahreïn étaient ((extrêmementincertains) U).ne affirmationaussi tendancieuseserait simplement

drôle, s'il n'y avtn l'espècedes enjeuxaussisérieux.Elle confineau scandaleux. 165. Soit dit en passant, pourquoiBelgravese mentirait-ilà lui-mêmdans son journalet

écrirait-il((jepense» que les droits de Bahreïn sont incontesta-less'il pensait en fait qu'ils

étaient ((extrêmeme intertains))

166.Continuantdans cetteveine,sirIans'estinterrogésur le faitque Belgrave,en aidant le

cheikh Hamadde Bahreïn à formulerle fondementde la revendication deBahreüi sur les îles

Hawaravaittotalement((oubliéde dire qu'ellesfaisaientpartiede la principautédeBahreeïndans

un article qu'ilavaitlui-mêmepublié huitns seulementauparavanb)(CR200017,p. 51,par. 13).

Dans la description de Belgrave, Bahre'ïnne trouve nulle part l'expression (cprincipautde

Bahreïn» utiliséepar sir Ian (cote18 du dossier des juges de Qatar). Comme tant d'autres,

Belgravedécritce qu'ilappelle ((l'archipelde Bahree-m d'autres parlentdu ((groupedes îlesde

Bahdi)). Bahreïn ne se vexe ni ne s'inquiètede constaterque l'on définigéographiquement

l'archipelde Bahre'ïncomme composédes îles qui entourent immédiatemenlt'îleprincipale. On

peut dire que les îles Hawar constituentleur propre archipel. Cela n'impliqueaucun jugement

politiquesurla questionde savoir quiellesappartiennent.

167.Voyonsmaintenantcequeles fonctionnairesbritanniquesfontau sujetdesdeux lettres

de Skliros et Belgrave,qui à un jour près portentla mêmedate. D'abord,à la page 1074 du

volume5,vous avezlerapport del'agentpolitiqueàson supérieur,dontles points importantssont

lesparagraphes 5et6 (p. 1075). Jene vousendonneraipas lecture. SirIan semble considéreqrue

cerapportfait échoàune machination«sordide»et «(honteuse».Bahreïnne voit riendetel. Quant

àlaréponseà M. Skliros,page 1076,deuxpagesplus loindans le même volume, vouv soyezque

M. Walton,de 1'IndiaOffce lui répond,il répondàM. Skliros,que l'affaireretournera devantle

résidentpolitique dans le Golfe, non sans faire un commentaire assez cinglant au sujetde

l'argumentfutileque M.Sklirostire dela cartesignéepar le cheikhAbdullahet M.Mylles. Vous

levoyez,c'estle dernierparagraphedela lettre. M. Waltona écri:

«Jedouteque la cartejointe enannexeàla concession deQatar soitpertinentà
cetégard :elleavaitpourobjetde définirla frontièresudde la concession. D'ailleurs,
ellereprésenteleîles deBahreüiaussibienqueHawar. Veuillezagréer...»

168.L'argumentde M. Sklirosne méritaitpas plus, et celareste la réponseque Qatarmérite

aujourd'hui. 169.Permettez-moi seulementd'ajouterque bien que la lettre de M. Walton porte sur la

question de savoir si les îles Hawar appartiennent à Bahreeïn,les «îles de Bahreïn)) sont

mentionnées commedistinctesde «Hawar». Compte tenu dela réponsede M. Waltonsurle fond,

il est manifestement incontestaquela distinctionse situe surle plan de la géograp,ondela

souveraineté.

170.Suivant l'avisde l'agentpolitiqueet durésident politique,omprisla conclusionque

les souverainssuccessifsdeBahreïn «ontexercé, de façoactive, leur autoriàHawarjusqu'àce

jour» (contre-mémoire de Bahreïn, par.246)'le Gouvernement britanniquea exprimé,enjuillet,

l'opinionque Bahreeïavaituntitrede souverainetésur lesîlesHawar (contre-mémoirdeeBahreiïn,

par.253).

171.L'attitudedes autoritésbritanniques sembleparfaitementjudicieusll,esont répondu

une demande de PCL, maisen prévenant queleur opinion étaitexprimée sous réservd ee la

décisionquipourrait êtreenduesiQatardemandait unjour àfairevaloirsonpoint devue.

172.En 1937,on le sait, les troupes du cheikh Abdullah envahirent Zubarah. L'undees

réactionsde Bahreïn fut de prendre une séride mesures défensivesdans les îles Hawar. Qatar

tenta de qualifier cetteréaction d'occupatillégale opportunistpar Bahreïn. Ce n'est pasun

argumentqui méritebeaucoupd'attention,surtout depuis queles quatre-vingt-deuxdocuments ont

disparude la scène. Il suffitde répondreque contrairementà ce que soutient Qatar, cesmesures

prisespar Bahreeinsont précisément cellds'unsouverainréagissantàce qu'il perçoitcommeune

menaceextérieure.

173.Et nous enarrivons ainsi 1938,date àlaquellele souverainde Qatardonnehalernent

sontoutpremiersigned'intérê pour lesîlesHawar. Quel'on soitprêtà croireou non qu'iln'apas

étéencouragépar PCL, il reste un fait incontestab:el'intérêtue PCL et le cheikhAbdullah

avaienttousdeuxàce queQatars'agrandisse.

L'ARBITRAGE

174. En février1938, à l'occasion d'une visitede l'agent politique à Doha, le

cheikhAbdulhaha déclaré que Bahreüin'avait aucun droitd'êtredans les îles Haver. Dans son

rapport sur cette réunion,que vous trouverez au volume5, page 1096, l'agent politique,Weightman-qui allait devenirsir Hugh Weightm-n note toutefois quele cheikh Abdullaha

((immédiatementchangéde conversation)) etqu'«il étaitévidentqu'il n'était absolumetas

disposéàl'époqueàrevendiquer formellementlegroupedesîlesHawm.

175.Apparemment, Weightman n'apas rendu compte de cette réunionde févrierà son

supérieur,le résidentpolitique, avant lejour où il lui a envoyécette lettrequi, vous le voyez,est

datéedu 15 mai. Sir Ian estimeque ce délaiest unélémte l'«histoiresordide...honteuse)).

On voit mal ce qui l'incàdirecela. La conclusionde Weightmanétaitque le cheikhAbdullah

n'était«absolumentpas» disposéà formulerune revendication. Weightmanécrit qu'ilessayait

d'amener le cheikhAbdullah sur le sujet, mais que celui-ci a ((immédiatement changéde

conversation». Nous ne savonspas pourquoimaisnous pouvonsobserver queM. Sklirosn'était

pas là pour lui chuchoter quelque chose à l'oreille. En tout cas, pourquoi serait-il urgent que

Weightmanrende compted'unerevendicationquin'apas été formulé ?e

176 .'estseulement trois mois plus tardquele cheikh Abdullaha effectivementfparulé

écritune revendicatio: une courte lettre datéedu10mai et une lettre un peu plus longue

du 27mai. Elles sont reproduites aux pages1094et1102 de ce volume (mémoire deBahreïn,

vol.5). Vous pouvez les étudiervous-mêmes.Elles ne sontpas avares d'éloquence main se

contiennentpas la moindrepreuve d'actesd'administrationou de toute autre présenceienne

surlesîlesHawar.

177.Le 30mai, Weightman est allé à Doha et a rencontréle cheikh Abdullah et ses

conseillers. L'agentpolitique britannique«a interrogé)l)e cheikhAbdullah«enàproposde

la revendicationde Qataret le cheikha déclaré «ile pouvaitapporter d'autrespreuvesqueles

déclarationémisesafin d'appuyer sarevendication»(contre-mémoide Bahreei,nnexe 88).En

réponseàdes ((demandesrépétées( sicp)ortantsurle point de savoirsi les deuxlettres expédiées

par le cheikh Abdullah présentaient ses revendicationse manière aussi détailléequ'il le

souhaitait»ousi le souverainavait((d'autresélémsepreuve,documentairesou d'un autretype,

qu'il souhaiteraitsoumettre)),le cheikhAbdullaha déqu'ilavait exposé daces deux lettres

tout ce qu'iltenaitre.039
178.Néanmoins,deux semainesplus tard, le 15juin, le cheikh Abdullah a demandépar

lettreà êtreinforméde la revendication deBahreïn en déclarantqu'il aurait peut-êtred'autres

élémentsdp ereuveàproduire enfonction delanaturedecetterevendication.

179.LeForeign Officea indiquéque«danslecas d'un arbitragede cetype)),les déclarations

dechaquepartie doiventêtre communiquées àl'autrepourréponse,afin de réduirelerisque qu'une

décisionsoitfondéesur«unedéclaration erronée)()mémoirede Qatar,annexe III165).

180. Etainsi, une foisla demandereconventionnelledeBahreeindéposéeen décembre1938,

l'occasion derépondre aétédonnée àQatar, qu'ila effectivementsaisie avecla dupliquedépose

la fi nemars1939.

181.Nous en venonsmaintenant audocumentquiestpeut-être le plus importantnl'espèce,

le rapportde Weightmandu 22 avril 1939 dans lequelil récapitulel'affaire etpasse en revue les

élémentd sepreuve. S'ily a un document que, Bahre'inen est certain, chaque membre dela Cour

étudieraavecun soinparticulier,c'estcelui-ci,quevoustrouverezàla page 1165 duvolume5. Je

n'ai pas la prétentionde vous aider à le lire mais permettez-moide faire une observation,à la

lumièredesplaintesrépétées de Qatar selon lesquellesGrande-Bretagnea injustement faitporter

à Qatar la charge de la preuve. Mon observationest la suivant: le rapport de Weightman ne

contient absolumentaucuneprésomption. Il n'yest pasdit que Qatara la charge dela preuve. On

y trouveune simplemiseenparallèledes élémentd se preuve, ce quin'est pas difficile,Qatar n'en

ayantproduitaucun.

182.Qatar semble considérer queWeightmanétaitun menteur et que tousceux qui étaient

d'accord aveclui étaientdes hypocrites. Ce type d'argument satisferasûrementpas la Cour,i

d'ailleurs aucunautre tribunal. Bien que l'on ne puisse guèrobliger Bahreïn à prouver que

Weightmann'était pas un menteur, il me semble qu'un lecteurobjectif de son rapport sera

convaincu qu'ilne peut guèreavoir étéécritpar quelqu'un quiavait un parti pris «sordide»et

«honteux». Je me permets de demanderaux membresde la Cour d'en lirele paragraphe 11,du

moinsen tempsvoulu sinonaujourd'hui,et de sedemandersi c'est là le langaged'un homme qui

(procèdeàun simulacre))àdesfins iniques ? 183. In'y adanstout le dossierde la présente affaire aucdocumenthistorique contenant

une analyseplusprécisede la question dutitre surlesîlesHawar.La réticenceapparentede Qatar

àdiscuterl'analysede Weightmanpourrait simplement s'expliquer par lefait qu'elle constitueun

exposécomplet du fond du différendet que, dèsqu'onparle dufonddel'affaire,on serend compte

que l'argumentationdeQatarconcernant lesîlesHawarseréduit à uneaffinnationcreuse.

040 184. Suivant une traditionséculaire,Qatara manifestement décique puisqu'il n'aimepas

lemessage,ilblâmeralemessager. Donc, QatarattaqueWeightmanpersonnellement.

185. Qatar dit que l'analyse de Weightmanest «tendancieuse» sans jamais expliquer

comment celapeut se concevoir - puisqu'en plusde soixante ans,jusqu'à cejour, Qatarn'a pas

trouvéun seul document authentique attestantun seul cas de présence qatariennesur les îles

Hawar - commentil est concevable, par conséquentq,ue, dans son évaluation,Weightmanait eu

tort surle fond

186.Qatarne mâche certespas sesmots en parlant deWeightman.Il doit avoir éprouvé des

«préjugésprofondément enraciné ...contre la famille régnantedes Al-Thanin. Je cite ici

textuellement sir Ian (CR 200018, p. 16, par. 15). Weighman avait une «attitude quasi

paranoïaque ..à l'égardde la famille régnante deQatam - là aussi,je cite sir Ian (CR2000108,

p. 14,par. 13).

187. SirIan a dit presque commes'il s'en plaignait que Weightman<m'explique vraiment

pas pourquoiil éprouveune antipathie profondeà l'encontredu souverainde Qatar de l'époque»

(CR200018,p. 15, par. 13). En procédant ainsi,Qatar pourrait parler de quiconquen'est pas

d'accordaveclui et seplaindrede ce queM.X n'a jamais expliqué pourquoiliétait(cparanoïaque))

ou éprouvaitdes (cpréjugé psrofondémentenracinés)).Il est demandé à la Cour de présumerla

mauvaisefoi. Ce seraitinverserunerègleuniverselle.

188. Le parti pris de Weightman, selon Qatar, transparaîtdans diverses notes et

communications qui -permettez-moi de lesoutenir- peuvent égalementêtreinterprétées

comme de bonne foi. Qatar met fortement l'accent sur une lettre que Weightmana écriteen

décembre1939 et dont vous vous souvenez certainement. Selon sirIan, c'étaitla lettre où

Weightman ((semble presque envisager avecplaisir une éventuelletentative d'assassinatsur la

personne del'héritierprésomptif deatam(CR200018,p. 14,par. 12(8)). 189.Nous avons placéce documentdans votre dossier,sous la cote20 (contre-mémoire de

Qatar,annexe III4., vol. 3,p. 275).

190. Nous voyons que Weightmann'admire ni le cheikh Abdullahni son fils Hamad :

«Bahreïn[écrit-il]est assiépar pléthore de gens Qatarquien ont assez du cheikhAbdullahet

des impôtsde sonfilsaîné,le cheikhamad.))

191.Iiévaluela situationcommesuit:

«Je crois personnellementque, tant que le vieuxcheikh reste envie, Qatar se
débrouilleratant bien quemal, étant donnéqu'il est populaire à la fois chez les
citadins (sil'on considèreque des lieux commehaou Wakhra sont des «ville»)
et chez les bédouins.Les seules personnes qui ledétestentvraiment sont certainsde
ses proches. Maisquand il mourra et que le cheikhHamad prendra le pouvoir,je
@Il- prévoisune croissance rapide du niveau d'agitation.Je doute fort qu'il y ait un
soulèvementarmé car la famille dirigeante disposedes meilleures armes,et de loin.
Maisje prévoisqu'il yaura certainementun meurtreetje pense trèssincèrement qu'il

serait avantageuxà long terme pour Qatar que le cheikh Harnad bin Abdullah
disparaisse.Nous l'avons bien entendureconnu commehéritierlégitime, maiscela
n'impliquepas, heureusement,quenous le protégions contrun assassinat,et puisque
je ne prévoispas de combatnousn'avonspas vraimentderaison denous inquiéterd, u
moins ence qui concernelespuitsdepétrolede Zaictit.))

192.En d'autres termes,le cheikh Hamadpeut êtrtuémais ce sera une querellede famille

qui n'entraînerapas une guerre civile. Weightmandit que c'est un problèmeinterne. Ce qui le

préoccupec'est qu'iln'y aitpas de guerrecivile.Weightmanpensait quele cheikhAbdullahétait

mauvais pour son propre peuple. En tant qu'agent politique, ilétaitcenséévaluer lesmériteset

supputerl'avenirdespersonnesoccupantdespositionsdepouvoir.

193. Lalettre de Weightmanmontre qu'il s'inquiétait dce qui «étaitavantageuxà long

terme pour Qatm. Rien ne concerneautant le «long terme»queles questionstenitoriales. Ce

n'est pas au profit d 'individusque l'ona fait valoirun titresur les Hawar, maisau profit dedeux

pays rivaux. Quelle que soit son opiniondes individus,rien ne prouve que Weightmanait plus

favoriséle peuple de Bahre'inque celui de Qatar. Le seul point sur lequel il se montrait

«tendancieux»,pour autant queje puissem'en rendrecompte,c'est sa conviction quela proximité

ne suffitpaà créerun titre.

194.Les insultes ne sont pas limitéesWeighûnan. Loch,a dit Qatar à la Cour, a porté

atteinteauxintérêtse Qatarparcequ'il s'estconduit«lâchement». 195. Fowle n'est pas davantage épargné : (parti pris» et s'est ((délibérément abstenu

d'examinem(CR200017,p. 50, par. 10).

196. En fait, Qatar conclut que le «Gouvernementbrieque ...ne procédait qu'àun

simulacre d'enquêtee))t que «le scénario)e «l'enquête»fut acceptéen principe tant par 1'India

Office que par le Foreign Officeà Londres (CR200018,p. 11, par.7-8). Tout le Gouvernement

britannique est donc maintenant accusé. Faire siennel ses revendications du cheikh Abdullah

sembleêtrela seule façond'éviterles épithètes de «sordid»t de «honteux».

197. Nous en venons maintenant à la fin de l'histoire. L'analyse et le dossier des

revendicationsrivalessur les îles Hawar ont étpassésen revue àLondres par le Gouvernement

britannique,notammentpar lemarquis de Zetlandetpar lord Halifax,puis la sentenceen faveur de

Bahreïna été rendue le13juin, a obtenul'agrémentduGouvernementde l'Indele 1"juillet et a été

communiquéeaux deuxsouverainsle11juillet.

198.Enrésumé, le souveraid neQatarn'a puproduireaucunepreuve,oumême alléguerrien

de précispour confier qu'ilrégnait sur lîles Hawar. Les autoritébritanniquesqui ont évalué

sa revendication ont conclu que malgréleurs invitations répétées à produire des éléments de

preuve, il n'a pu faire valoir pour fondersa revendication que l'argument indéfendablede la

proximité.

Lessuitesde ladécision

199.Troissemainesaprèsquela décision contraire àses souhaitsde la Grande-Bretagnelui

eut étécommuniquéel ,e cheikhAbdullaha écritau résident politiqupour lui dire qu'il étt &ès

déçw)par celle-ci. Sa lettre figure la page 1184 du mémoirede Bahreein,volume 5. Il est

importantdenoterquecette lettrene traitequedu fond. Mais commetoujours,le cheikhAbdullah

n'ofie aucunélémend te preuve etseborneàaffmer. Ilne seplaintpas de laprocédure.

200. Après 1940, Qatar n'a pas dit un mot sur la décisionrelative aux îles Hawar

jusqu'en 1947,annéo eù les enquêtesbritanniques slr frontièremaritimel'ontamené àexprimer

ànouveau son mécontentement ausujet de la décision de1939. Pendant les dix-sept années qui

suivirent,pas un seulmotn'a étéprononcépar Qatarsurce sujet. La décisionbritanniquede1939ausujetdesîies Hawar

- A la suitedel'invasiondeZubarah enjuillet 1936,larevendication de QatalesîlesHawar

étaitunenouvellemanifestation logique de l'expansionndeesAl-Thani;

- le moment précis où elle est interveetaitévidemmentliéau nouvel appétidt e pétrolede

Qatar;

- les intérêtommerciauxdes Britanniques surcettequestionallaientdansle sensque souhaitait

Qatar;

- iln'ya paseude conspiration contre Qatar;

- au contraire,il y a eu une procédureéquitableà laquelle Qatara pleinement participen

acceptant- et je cite le cheikh Abdullah- «le droit du gouvernement de Sa Majesté

d'examinerlesquestionsdecetype»;

- lesraisonsde fond des décisions prises sont déterminanteetsn'attribuaientàaucune desdeux

Partiesla chargede lapreuve;

- enfin,la Grande-Bretagneest toujourestée fidèàsadécision.

043 CONCLUSION

201. Monsieur le président,Madame et Messieurs de la Cour, Bahreeïns'appuie

naturellementsur la position juridique forte qui estlae en vertu de la décision de1939.

M. Reismananalyseradansuninstantla situationjuridique créée arttedécisionbritannique.

202. Ce queje voudraisfaire observer,et qui représema dernièreréflexionde cematin,

c'estque le droitde Bahreïn sur lesîles Hawarseraittout aussi clairementétablis'il n'yavait pas

eudedécisionen 1939.

203.Cettesentences'estbornée,eneffet,à prendre acte d'une éviden:eil y a soixanteans,

on disposait déjàde preuves écrasantes dela souverainetéde Bahreeïn,aussi bien en termes

d'allégeance dela populationà Bahreeïnqu'en termes de contrôle parBahreeïndes îles et des

activitésqui yétaientmenées.

204.Des enfants ayantgrandi surles îles Hawarsont devenusdes figuresmarquantes dela

viebahreeinite.Ainsi,AbdullahbinJaborAl Dosaria étle secrétaireinfluat el'émirdeBahreïn

danslesannées trenteIlapasséunegrandepartiede son enfance surlesîles Hawar. Commecela

ressortdeleurstémoignages écrits (mémoirede Bahreïn, anne3xeset 314),leshabitantsdesîlesHawar y passaient déjàleur enfance bien des années avantque la présence depétrolesoit

découverte, bien desannées avant que l'on fasse la moindre mention d'une revendication

qatarienne- dans lesannéesvingt,àuneépoque oùBelgraven'avaitencorejamais entenduparler

des îles Hawar. Ces habitants des îles Hawar peuvent indiqueraujourd'huil'emplacement des

pièges depoissonsquele pèred'Abdullahbin Jabor y possédait.Et sonpetit-fils le ministre

des affaires étrangèresde Bahreïn depuis son accession'indépendanceen 1971, et est bien

entenduprésentavecnous aujourd'huidanscetteGrande salle.

205.Ilne s'agitpas là de visions de fantômeou d'affirmationsgratuites fondées surdes

documents obscurs. Cesont des personnes que vouspouvez dénombreret nommer, que vous

pouvez voir et toucherencore aujourd'huiet qui peuvent vousmontrer oùelles ont vécu,où a

véculeur famille,etcommentleurdestinest devenu indissociablede celleurnation:Bahreïn.

206. Merci de votre patience. Permettez-moi maintenant, Monsile président,de vous

demanderd'inviterM.Reisman à prendrelaparole.

The PRESIDENT : Thank you, Mr. Paulsson. Je donne maintenant la parole au

professeurReisman.

M.REISMAN

L'AUTORIT DELA CHOSE JUGÉE

Introduction
1.Monsieur leprésident,Madameet Messieursde la Cour. C'estun honneurpour moi que

de me présenterdevant la Cour au nom de 1'Etatde Bahreïn pour examiner lesconséquences

juridiquesde l'arbitragede 1939,que M.Paulsson vient d'évoquer.

2. Sir Elihu a présenténotre argumentation en expliquant que, malgré le tableau

extrêmemenc tomplexebrossépar noséminents adversaires, cette affaest en bonne partie très

simple. rajouterai que l'une des questionsles plus simples estcelle de la souveraineté sur les

îles Hawar, car cette question a étérégléeil y a soixanteetun ans par un arbitrage valideet

obligatoireen faveurdeBahreïn,quiest revêtul'autoritédelachosejugée. 3. La Cour a peut-être été surprised'apprendreaujourd'hui parmon collègue,M.Paulsson,

qu'ily abieneu unarbitrage, avec uneprocédure mise aupointen consultationavecdesjuristesdu

Foreignmce britanniqueet une sentence écrite, fondée su urn mémorandum détailleé xposantles

faits et le droit. Surpriseparce que les conseilsde Qatar ontremplivotredossier et l'écranqui se

trouve derrièremoi de mémorandums etde documents émanant de personnes qun i'ont pas

organisé laprocédure et àpartir desquelsils se sont lancés dans des conjectured se plus en plus

invraisemblablesau sujet d'éventuelscomplots. Les personnesdontles vuesplaisent àQatar font

l'objet de promotions stupéfiantesc,ommele bureaucrate britannique dontsir Iannous a dit qu'il

avait écritun mémorandumen 1964pour critiquerla sentencede 1939et qui, dansle paragraphe

suivant, estprésenté commeleForeignOBcelui-mêmer,ien de moins1. MaisQatar s'est à peine

référé aux procédureset semble hésitertout particulièrement à évoquerles deux documents

capitaux :la sentenceet le mémorandum exposantles faits et le droit surlequelelle estfondée.

4. Imaginezqu'une partie déboutéa ettaqueun arrêtde cette Cour éminenteen s'appuyant

uniquementsur des notes ou des courriers électroniques échangés entre lje uges au cours de la

procédure et du délibérés,ur des comptes rendus de deuxième oude troisième main de

conversations tenues lors de déjeunersou de pauses-café au coursdes audiences, sur des

mémorandumsinternesde fonctionnairesde diversgouvernementssurles intérêts que ced serniers

045 pourraientavoir àdéfendreen l'espèce,surd'autreshypothèses ausujetde ce qu'auraientpu être

ces intérêtse,t même surunmémorandumémanant d'un fonctionnairede la Courrecrutéplustard,

qui n'aurait pas travaillésur l'affaire, et qui aurait consigné dansses dossiers qu'il estimait

personnellement quel'affaire avait étémal tranchée; et imaginez que ce derniermémorandumsoit

présentécomme donnant le point de vue adoptévraiment à l'époque par laCour dans son

ensemble. Le tout sans qu'il soitfait étatde l'arrêt, sans qu'il soit discuté,pas plus que les

mémorandumsexposantles faitset le droitsurlesquelsl'arrêt esftondé.

5. Voilàune méthodequin'a rien dejuridique. C'estlaméthode d'un journalisteàl'affit du

sensationnel qui ne tient compte ni du dossier officiel, ni des documents de l'affaire, ni des

mémorandums juridiques,ni des élémentd sepreuve,mais cherche n'importe où ailleursce que sir

--
ExposédesirIanCR 200017 ,.48,par.8-9.Ian a appelé«cequerévèle véritablemenlte dossim2 ou«laréalité déplaisante»c,ommeQatarl'a

dit avecune ironiesûrementinvolontairequand ila soumisquatre-vingt-deux fauxdocuments.

6. Il y a belet bien eu arbitrage. Certes,un arbitrage simple, tonnéqu'aucundesdeux

souverainsn'étaittrèsau fait de la procédure internationale.Mais un arbitragetout de même,

remplissanttoutesles conditions requises.Avecune sentence, quise trouve maintenant dansvotre

dossier. Avec un mémorandumdétaillé exposan lts faits et le droit, sur lequel la sentence est

fondée, dontvous constaterez qu'il témoigne d'une intelligencesolide et fort remarquable des

principesdu droitinternationalrégissanla souverainettenitonale, qu'ildonne unaperçucomplet

de la procédureet contientun examenscrupuleux des faitset des élémentd se preuve soumis,y

comprisdu problème, quis'estdoncdéjà posé à l'époqued, es élémentdsepreuvedouteuxproduits

par Qatar. Le mémorandumse trouve aussi dans votredossier. Commenous le savons tous,

l'arbitrage international requiert«le consentement des parties»et il y a effectivement eu un

consentement écrità cette procédurespécifiquede la part du souverainde Qatar, qui se trouve

égalementdans votredossier.

7. NéanmoinsQ , atarsoutientquela décision de1939

{aie peut pas êtreassimiléeà une sentence arbitraleet que, qu'elle soitou non
considérée commte elle, elleseraitde toutefaçon nulledu fait même deisrrégularités
de procéduregravesquiont étérelevées)?.

La semaine dernière,le conseilde Qatar est mêmealléplus loin dans son exposé, qualifian lt

sentencede «dénide justice^^ui devrait fairel'objetnon d'unréexamenmais d'un appel sur le

fond. Queles chosessoientbien claires :Qatarne demandepas simplementunréexamen ;même

si, commeje pensepouvoir le démontrer,l'arbitrageest parfaitementvalide,Qatar veut qu'il en

soit faitppel. Et non pas un appel ordinaire,car celui-ci serait limitéaux questions de droit.

Qatar veut un réexamencomplet de tous les éléments de fait-dans la mesure où ils sont

disponibles- une remise en cause del'autorité de la chosejugée s'attachant à une sentence

arbitralerendueily a soixanteetunans.

Ibid.,par.1.
Mémoird eeQatar,par.6.144.

CR200016,p.39,par.10. 8. Si la revendicationessentielleest extraordinairement simple,les questionsde droitet de

fait dontelleprocèdene le sont paset l'uned'entre ellesest une questionpréliminairequipourrait

bien empêched r'examinerl'ensembledela question.

La Courest-eiiecompétente pourréexaminer la sentencerendue
parunautretribunal ?

9. La Cour et celle quil'a précédée ont établi, da tnsis affaires successives,commeune

sorte dejurisprudence quasi-constante, suivanlaquelleilne faut pas réexaminera,nnuler,ni même

confirmerdes sentencesrenduespar d'autrestribunaux intemationaux, à moinsque n'ait été donné

un consentement spécifique, exprès et supplémentaire àla réouverture de l'affaire.Dans l'affaire

~ocobelge~ ,n tribunal arbitral international avait constatleGouvernementhelléniquen'avait

pas rempli lesobligations lui incombantenvertu d'uncontratsignéavecune société belge. Quand

la Grècen'a pas exécuté la sentence,la Belgiquea portésa demandedevant laCour permanente

sur la base d'un accord bilatéral de règlement judiciaire doatclausede compétencecomprenait

l'article 36 du Statut de la Cour. Quelle formule pourrait-elleêtreplus large que celle du

paragraphe2 de l'article36 : «toutpoint de droit international))? La Courpermanentea pourtant

déclaré que <m'ayant reçudesPartiesaucunpouvoirà[l']égard [des sentences]i,l ne lui appartient

pas plus de les confirmerque de les infirmer entout ou en partie»6. Le consentement à l'examen

par la Cour de (tout point de droitinternationab)ne s'étendatas au consentementàun réexamen

d'unesentence arbitrale qui avaitl'autoritéde la chosejugée.

10. En 1960, la Cour s'est trouvéeco&ontée à la même question dans l'affaire du Roi

dJ~spagne7q , ui concernaitun différend territorial entle Honduras et le Nicaragua soumisen

1902auditroi commearbitre unique. En 1906, le roi avait tranché en faveurdu Honduras,mais

l'affaire avait étémarquéepar des problèmes de procédure, donlt'un, significatif,concernait

justement la désignationde l'arbitreunique. Le Nicaraguaa protestéet a en vain demandéau roi

de réexaminersa décision.En 1957,des rumeurs concernantl'existencede gisementsde pétrole

dans une partie de la zone litigieuse ont déclenchédes heurts qui ont entraînédes pertes

SociétcommercialedeBelgique,arr, 939.C.P.J.I.sALBeno78p. 160.
ibid., 174.

' AffairedlaSentencearbitralerenduepar le roid'Espagnele 23décembr,rrêt, .Z.J.Recueil1960. importanteschez lesmilitaires. L'ûrganisationdes Etats américainsa servi de médiateur poulra

signature de l'accord dit de Washington, par lequel le différenda étésoumis à la Cour

internationaledeJustice.

047 11. Cet accord de Washington n'avait pas pu résoudre le litige qui opposait

fondamentalementles parties sur la questionde savoir s'il fallait remettre en cause la sentence

de 1906;il avait parconséquentprévusimplementquechaquepartieplaiderait dela façonqu'elle

«juger[ait]appr~prié[e]».Chaquegouvernementa doncjoint sa propre déclaratiop nourexpliquer

ce qu'il jugeaitapproprié.LeNicaraguaa bienévidemmens toutenuqu'il avaitle droit de contester

la sentence,alors quele Honduras s'opposaità la contestation. La Cour a déclaréque <même si

ces griefs avaient étprésentés en tempsvoulu, la sentence,selon la Cour, devraitencore être

reconnuecomme valable.^^

12.En 1991,la Cour s'est ànouveaupenchée surcette questiondans l'affaire relativeàla

Sentencearbitrale du 31juillet 1989'~.Le Sénégalc,ommela Cour le sait, avait remportéà la

majoritéune affaire de différendfiontaliermaritime qui l'opposaitla Guinée-Bissau.Le Sénégal

avait acceptéla juridiction de la Cour dans une déclaration antérieure au différend. La

Guinée-Bissau a fait une déclaration d'acceptatine la compétence obligatoire dlea Couren des

temes trèslarges, postérieuremen t la sentence,et a ensuitesaisi la Courafin que celle-ciannule

ladite sentence,en alléguant qu'unetelle question relevait clairementes catégoriesdéf~es au

paragraphe 2 de l'article 36 du Statut, et correspondait notammentà un qoint de droit

international)).LaCoura réponduentermestrèsmesurés, confirmanq tu'ellene réexamineraiptas

la décisiondefondprise parle tribunalarbitral. Je vais,si vousle permettez,lire icil'énodela

Cour :

ales Partiesont reconnu qu'ily avait lieu de distinguerle différend defond quiles
opposentrelativement à la délimitationmaritime,de celui qui concernela sentence
renduepar leTribunal,et que seul cedernier différendq,ui estnépostérieurementàla
déclarationdu Sénégal,fait l'objet de la présenteinstance devant la Cour. La
Guinée-Bissaua aussi adoptéla position, acceptéepar le Sénégal, selon laquellela
présenteinstance ne doit pas être considéré cemme un appel de la sentence ou

Requête introductive d'inacnexe3), 1960,C.I.J.Mémoires,affaire delaSentencearbitralerendue par
le roi d'Espagne23décembre,p.28-29.

Affaire dela Sentencearbitralerenduepar le roi d'Espagnele 23 décembre1906, arrê1960,.J.Recueil
p.214.
'Affaire relaelaSentencearbitrale31juillet 1989,arrêt,R.ecuei1991,. 53 comme unedemandeenrevisionde celle-ci. Ainsi,lesPartiesreconnaissent qu'aucun
aspect du différendde fondrelatif àla délimitationn'est en cause. Sur cettebase, le
Sénégan l'a pas contestéque la Courest compétentepourreconnaîtrede larequête en

vertu du paragraphe 2 de l'article36 du Statut. Dansles circonstances de l'espècel,a
Cour considère sacompétence commeétablie.))"

13.M. Mbaye,qui a votéavec lamajorité, aestimé quele fait que la Cour sereconnaisse

compétente,commeune courde cassation,pour se prononcersur des sentencesqui sontun «autre

mode de règlementdes différends ..serait ...une aventure dontles conséquences dévastatrices

ne selimiteraient pas aux seules décisiorsnduespar desarbitres.»12

14.Danslaprésente affairel,aCours'estreconnuunecompétence généra :«auxtermesde

ces accords [de Doha] les Parties ont pris l'engagement desoumettre à la Cour l'ensemble du

différendqui les oppose...))3. Cette compétence comprend-elle le consentementà la remise en

caused'une sentencearbitrale ? Dansl'affaireSocobelge,desconclusionsformuléesen des termes

aussi larges avaientétéconsidéréec sommen'autorisant pas la Cour à réexaminerune sentence

arbitrale. Dansles affairesqui ont suivi,la Coura recherchéun consentementspécialetexprès àla

remise en cause. Iln'en figurepas dansle procès-verbalde Doha. En cherchant à infirmer la

sentencede 1939et àfaireappel,Qatardemandeàla Cour, pour lapremièrefois,de sereconnaître

une compétenced'appel àl'égardde lasentenced'unautretribunalsansle consentementexprèsde

la partieen faveurdelaquellelasentencea étérendue. C'es utne démarche donltes incidencesont,

jusqu'à présent, incitla Cour à refuser de la suivre.Bahreïn demande à la Courde se borner,

conformémentàsa jurisprudence, à déclarerque la sentencede 1939a un caractère défmitif.La

sentenceconfumée,Bahreïn demande à la Cour de dire, sur la base des effectivitésdont il a fait

état etde l'absencetotaled'effectivitésnce qui concerneQatar,que toutes lesîlesHawarrelèvent

du territoire deBahre-ïn.

Existe-t-ildes moyensde contester la validitédela sentence ?

15.Maismême si la Cour devaitréexaminerla sentencede 1939,Bahreïn soutienqtu'ellene

trouverait,ni en droit,ni dans les faits,debase pour étayerl'unequelconquedesrevendications de

Qatar.Qatar allègue :

IC.I.J.Recueil,19p162.

lDélimitation maritimeet questionsterritoriales entre Qataret Bahreïn, compétenceet recevabilité, arrêt,
C.Z.J. ecueil1994,p 112-126. - qu'iln'a pas consentià l'arbitrage;

- queles fonctionnairesduRoyaume-Uni quiont arbitréont faitpreuve de partipris;

- quedesvices deprocédure ont entaché le déroulementld 'erbitragede 1939;

- quela sentencen'apas été motivée; et

- queQatar a constammentcontestéla décision,qui,de ce fait,ne le lie pas.

16.Je vaismaintenantétudierces allégationsune paurne.

LAPRÉTENDUE ABSENCE DECONSENTEMENT

17. La première question porte sur le consentement. Jee me propose pas de développer

longuement, à ce stade, la question des traités surlesquels se fonde la décision britannique,en

observanttoutefoisque leRoyaume-Unia certainement interprété cestraitésconclusavec les Etats

de la régioncommel'autorisantàarbitrertousles différends.Lespropositionsformuléesen 1919

0 4 9 par la délégation britannique en vue d'un projet de traitéindiquent que les divers traitésdéjà

conclusavec les souverainsde la péninsule Arabique «contiennent généraleme des dispositions

prévoyantque le gouvernementde Sa Majestéarbitrera tous les litiges entre lesditschefs»14.Et

effectivement,par la suite, les fonctionnairesbritanniquesont considéré quedécisionde 1939

revêtaitl'autoritéde la chose jugée, avec touteles conséquences juridiques qui en déco~lent'~.

Maisil est inutiled'allerplus loin dans cette voie, tout simpletarce que le souverainde Qatar,

par une communication écrite,a explicitementautoriséle Gouvernement britanniqueàtrancherla

question de la souveraineté sur lesîles Hawar. En effet, dans une lettre du 10mai 1938,le

souveraina énoncé ses revendications sur lesîles Hawar, protestécontre les activitésqu'y exerçait

Bahreïnet demandéunedécision.Enconclusion,il écrivait

«J9aijugé nécessaire en premierde vous rendre compte de cette affaireet de
protester contre les actes d'ingérenceet les menéesdu Gouvernementde Bahreein à

Hawar, qui est une dépendancedu Qatar.Je suis sûr que vousaccordereztoute votre
attentionà cette affaireet prendrez toutesles mesures nécessairespour évitertoutes
difficultésquipourraient provoquerunerupturede lapaix.

l4MémorandumduForeignOfficede 1920répliquede Qatar,annexeIII. 223..

" Voir la lettre adrpar l'agent politique de Bahreïn au résidue Bahreïn le31décembre1946,
mémoirede Qatar,annex111.249. J'aipréféré vous informer, ainsi qjeedoislefaire,etespère que vousme ferez
connaîtrevotre décisioncar il est nécessaire d'agirrapidement contreces agresseurs
qui sesont permisces actions àmon insu.Je suispersuadéque,pourpréserverlapaix
et la tranquillité, vous ferez toultenécessaire enlaère.»I6

18. Ce n'est pas tout. Le27 mai 1938,le souverainde Qatar, informé des revendicationest

des éléments de preuve présentéspar Bahrein,a répondu parses propres prétendusélémentd se

preuve, que j'analyserai plus tard. En guise de préface,il déclare : «Je remercie aussi le

gouvernementde SaMajestéqui, commevousl'avez dit, décidera dela questionen s'inspirantde

la vérité ete lajustice.»" Après avoir présentsa version des événements, le souverac onclut :

«Jesuispersuadéquele gouvemement deSaMajesté administrera lajustice etl'équitetquevous

le ferez dans les circonstancprésentes..» Voustrouverez toutesceslettresdansvotredossier.

19. Dans sa plaidoirie sir Iana soutenuque (tout au plus», c'étaitlà un consentemànune

«enquêt[e]»'8.Mais le souverain écrivai t «Le gouvemement de Sa Majesté .. déciderade la

questionen s'inspirantde la véritéet de lajustice.)) Celane suffit toujours pas,nous dit sirIan,

parce que le souverain n'a jamais utilile terme d'«arbitrage». Or, si le souverain n'aconsenti

O 58 qu'à une décision politiqu-e et, incontestablement,il a consenàiquelque chose- alors, aucune

des normes de l'arbitrage nes'applique,commeje le montreraiplus tard. Je considèreque le

consentement àune décision inspiré«edela véritéet de lajustice)) avecla procédurequia suiviet

àlaquelle le souveraina pleinement participéc,'étaitconsentiràl'arbitrage. Dansl'affairede la

Sentencearbitralerenduepar le roi d'Espagnela Coura observé

«Ni la validitéde la désignation duroi comme arbitre ni sa compétenceàce
titre n'ont été misesen doute à aucun moment de la procédure arbitrale qui s'est

déroulée devant lui. Les Parties ont suivi devantle roi la procédurequi avait été
convenuepourlaprésentationdeleursthèses respectives.»19

Remplacezle nom du Nicaragua par celui de Qatar,et l'argument de Qatarplaidant l'absencede

consentementsevolatilise.

l6Mémoird eeBahrein,annexe256,p. 1095.

l7Mémoird eeBahrein, nnexe260,p. 1102.
l8CR2000/7,p.47,par.6.

l9Sentencearbitralerenduepar le roid'Espagne,C.I.J.Recueil1960,p. 207. 20. M. Salmonet sirIan ont implicitementproposéune théorienovatricedu consentement :

un consentement,non pas à l'arbitrage, maisàla sentence rendue. Autrementdit, le fait que Qatar

ait consentiàl'arbitrageimportepeu. Comme Qatarn'apas donné son consentemen tlasentence,

il n'est pas liépar celle-ci.Mais,quandQatarafhe nepas avoir consentiàcet arbitrageen 1938

ni avoirparticipéà la procédure,sesallégationssontdénuées de fondement.

Le prétendu partiprisduRoyaume-Uni

21. J'en viens maintenantaux allégationsde parti pris. Avec le retrait des documents

falsifiés,dont beaucoup étaienctensésdémontrer un complot britannique,on auraitpu croire que

cette thèse disparaîtraitde l'affaire. Pour remple vide, Qatar a échafaudé de nouvelles théories

de conspiration, encore plus compliquées, dontsir Elihuet M. Paulsson ontmontréqu'elles ne

reposaient sur rien. Le problèmeicin'estpas seulementque la thèsede la conspirationsoit sipeu

plausible,mais qu'ellesoulèveunequestionfondamentalede compétence.

22. Dans sonmémoire,Qatarchercheàimpliquerdirectementla Grande-Bretagnedans cette

conspiration complexe à douze reprises, pas moins. Cinq fonctionnaires britanniques, dans

l'exercicede leursfonctions,sontexpressémenn tomméscommemembres du complot. «[Il1y a eu

de la part de la Grande-Bretagneen générae lt deWeightman[l'agent politique]en particulier des

manifestationsévidentes d'unpartipris en faveurde Bahreein>e>t,Qatar entire la conclusionque

«la procéduresuivie par les Britanniques était ce point viciéeque la décisionqui s'ensuivitne

peut qu'être considéré coemmenulle>?'.

23. Bahrein, ayant dans son contre-mémoire,appelé l'attentionde la Cour sur les

conséquencesque les insinuationsde Qatar contrela Grande-Bretagne auraientsur la compétence,

Qatar a changé de ton. Dans sa réplique,son refrain est maintenant-je ne cite que quelques

exemples,le suivant :

«dl s'agit là d'allégations dirigées contre des personnes désignées

nommément. .>>21

«Ces allégationsne sont pas dirigées contrele Gouvemement britanniqueen
tantquetel etne l'ontjamaisété.>>22

Mémoirede Qatar,par.6.251.

2'RépliqudeQatar,par.4.295. 24. Pourtant, dansleurs plaidoiries,M. Shankardasset sir Ian sont revenus, apparemment

avec quelque complaisance, surcette théorie dela «perfide Albion». Il le fallait bien. Un

gouvernementne peut fonctionnerquepar l'intermédiaire des êtreshumainsqui sontses agents. Si

ces derniersagissentdansl'exercice de leurs fonctionsd ,ans le cadredeleurspouvoirs, avecl'aval

de leurs supérieursde l'administration,commece fut lecas en l'occurrence,leurs actes sont des

actes du gouvernement. Aussi, lorsque Qatar faitétatd'un parti pris, il s'agit du partipris du

Gouvernementbritannique.

25. Si elle retient les allégationsde parti pris qui visent le Royaume-Uni,la Cour sera

amenéeà juger le comportement du Gouvernementbritannique et à se prononcer sur les

responsabilitésqui en découlent. Mais le Royaume-Unin'a pas acceptéla compétencede la Cour

pour cette affaire; d'ailleurs, dans la déclaration qu'ila faite en vertu de l'article 36, le

Royaume-Uniexclutexpressémenltes événements antérieurs à 1946. Bahreïna invoqué, dansses

écritures, ladécision adoptée palra Courdans l'affairedu Timororientalqui, à son avis, règle

définitivementcette question. Qatara réponduque la situation juridique étaitinfinimentplus

complexeet s'estmis à analyser desaffaires que cetteCour connaîtmieuxque quiconque :celles

de l'Or monétaire2'd ,u et deNaud5.

26. Bahreïn souscrit entièrementàla jurisprudenceque la Coura établiedans ces affaires.

Cettejurisprudence témoigne d'ung erandecohérence,mêmse i, commeil en est pour l'application

de touterègle,elle s'adapteaux spécificités decsasd'espèce.En général l,a Cour sembledisposée

à exercer sa compétenceà l'égardd'un différendou d'une revendication déterminée danu sn

différendlorsqueles intérêtsd'un Etat tiesrosnt encause à titre marginalou périphérique, tan qtue

cet Etattiers n'estpas effectivementouinévitablemenlta véritablecibleduprocèsou quela licéité

de soncomportement n'esp tas unélémenctentralde l'unedes questionsposées à la Courdans le

cadre du dzflérenddont elle est saisie. Si l'une de ces conditions est remplie, la Cour peut se

déclarerincompétentede manièresélective, pour l'une des demandes etnon pas pour la totalitéde

* RépliqudeeQatar,par.4.296.

" OrmonétaireprisàRomeen 1943,C.I.J.Recueil1954,p. 19,exceptionspréliminaires.
''Activités militaireset paramilitaires au Nicaraguaet contre celui-ci (Nicaraguac. Etats-UnisdAmérique),
C.I.J.Recueil1984, 392.

25Certainesterresà phosphatesàNauru(Nauruc.AustraliC.I.JRecueil1992,p. 240.l'affaireà moins que les autres demandesne soientliéesàcelle qui est exclueet que celle-cine

commandelaréponse à leur donner.

27. L'argumentde Qatar au sujet de la nullitéde la sentence arbitrale pour causede parti

pris, depar sa nature, met nécessairement en cause la licéitdu comportementdu Royaume-Uni

sansle consentementde cetEtat. Dansl'affairede Timororiental 26la Coura soulignéque si elle

exerçait sa compétence,«[l]es droits et obligations del'Indonésieconstitueraientdès lorsl'objet

même d'un tealrrêt,rendu enl'absencedu consentementde cet ~tat9~'. Comme l'allégationde

parti pris formuléepar Qatarsusciteraitcertainement le même souci, il faut obéir au précédednt

l'affairedu Timororiental,puisque cette allégation de partipris met nécessairement encauseun

Etat quine relèvepas dela compétencede la Cour en l'espèce. Le raisonnement développé dans

l'affairedesTerresàphosphatesàNaururenforce cette thèse,car les allégationsde Qatarobligent

àapprécierla licéitéde l'actiondu Royaume-Uni commes'il s'agissaitd'une ((condition préalable

à la décision». Il risque donc d'y avoir un obstacle juridictionnel insurmontableà recevoir

l'allégatiodepartipris.

28.Jen'étudieraipas ces allégationsfantaisistesdeparti pris quantau fond,maisje voudrais

m'arrêtebrrièvementsur les incidencesdes nombreusesnotes et mémorandumsbritanniques dans

lesquelsles conseils de Qataront voulu voir latoile d'une conspiration.Quandun gouvernement

étaitchoisicomme arbitre au XD(' siècle et au débudtu XXt siècle et,plus encore, lorsquedes

traitésdonnaient à ce gouvernement des responsabilitésà l'égard desparties à un litige qui

l'avaient choisi,la dynamiquedu délibéré étaitgénéralemen rèsdifférente decelle destribunaux

modernes, comme cela ressort clairement des pièces et du dossier de l'affaire dela Sentence

arbitralerenduepar le roid'Espagne.Les fonctionnaires, à différentsniveaux, conformémenatux

règlesinternespropres à leur administration, participaient dedifférentesfaçonsà l'ensemblede la

procédure. Ils correspondaient par des notes, comme c'est l'usage chez les fonctionnaires.

Précisémen ptarce qu'ilsétaientdotésdepouvoirs conventionnels à l'égarddu sujetde l'arbitrage,

différentsaspects de la question litigieuse avaient déjàété évoqué dsans la correspondance

échangéa evecleurs prédécesseurs. Certaines dcees communicationsreflétaient peut-êtu reepart

26Timororiental (Portugalc.Australie), .I.J.Recueil1995,p. 90.
"Ibid.,~. 105.dejugement. Quiconquechoisitun Etatpourarbitre sait dansquellesconditionsun Etat s'acquitte

de fonctions collectives, et l'intéresest nécessairementréputéavoir acceptéce facteur en

contrepartiedes avantagesnon négligeablesqu'il y a à faire résoudrele différend parun arbitre

bien informé etfaisant autorité,surtout lorsque1'Etatainsi choisia un pouvoir et un prestigetels

qu'il est d'autantplus vraisemblable quesa sentence sera appliquéetonc que le différend sera

définitivementrésolu.

29. Qui plus est, quiconque est appea exercerune fonctionjudiciaire ou arbitralene fait

pas table rase de toutce qui aprécédé. ous avonstous desopinions. Laquestionest desavoirsi,

par conscience professionnelle, nous en faisons abstraction quandnous nous acquittons de

l'arbitragequinous a été confié. ous tenonsles documentsdelaprocédure,le mémorandum elta

sentence pour un reflet digne de foi de cet arbitrage. Révèlent-tsn parti pris qui justifierait

l'annulationde la de la senten?e

L'exercicedesesresponsabilitéspalr eRoyaume-Uni,en 1936,
était-ilentaché de vices de procédu re

30. J'e niens à l'allégationde Qatar selonlaquellela ((décisionprovisoi)e 1936aurait

étéprise sans sa participation,n'a pas été motivet devrait doncêtre annulép earce que, étant

censée êtreun arbitrag- en 1936 -, ellenerespectaitpascertainesrèglesdejustice naturelle,et

notamment pasle droit qu'avaitQatar de participerla décision. Maisil n'y a pas eu d'arbitrage

en 1936. Il n'y avait pas de parties. Voyonsce qu'a éle scénariovéritable, unefois qu'on le

débarrasse de toutes les hypothèses de plus en plus enfiévréesde conspiration. Etant

conventionnellementresponsabledes affaires étrangèredse Bahreein,e Royaume-Unia été obligé

de répondre à des demandes d'éclaircissemendte la part de compagniespétrolièreayant engagé

des négociations commerciales avec Bahreïn, qui voulaient savoir si Bahreïn exerçait sa

souverainetésur les îles Hawar. Le Royaume-Unia donc examinéla questionet confirméce qui

était évidentpersonned'autreque Bahreïnn'était présent dan lss îlesHawar,etle Royaume-Uni

pouvait démontrer suffisamment d7«effectivités».l n'y avait rien de nouveau à cela et, comme

M. Volterra l'exposera lasemaine prochaine,la Grande-Bretagneavait déjàà maintes reprisesau

cours de décennies précédentes confirmlaésouverainetéde Bahreiïnsur lesîles Hawar,y compris

vis-à-vis de gouvernements étrangers.Deuxansplus tard, lorsque Qatara décidde réclamerlesîles Hawaret s'est adresséau gouvernement deSaMajesté, ce dernier n'a pas dit que la question

avait étéréglée par un arbitrage en 1936et revêtaitdonc l'autoritéde la chosejugée. Tout au

contraire. Devantune revendication portantsur les îles Hawar formuléecette fois par un autre

souverain,le gouvernementde Sa Majestéa réagi dansla logique dela correspondanceantérieure,

en disant que la décisionde 1936 n'avait étéque provisoire et il a mis en place uneprocédure

d'arbitrage. Ce sera leseularbitrage. Qatarl'a demandé,y a consenti,y a participé pleinement et

a perdu. C'est seulementcette décisionde 1939 dontle Royaume-Unia dit par la suite qu'elle

revêtailt'autoritédela chosejugée.

31. Qatar essaie de transformerla responsabilitécouranteet d'ailleurs inéluctable de toute

puissance exerçantun protectoraten 1936en un vice de procédured'arbitrage parce que,dit-il,la

Grande-Bretagnen'a pas consultéQatar en lamatière. Mais il n'y apas eu d'arbitrage en1936.

Lorsquela position adoptéea étécontestéeen 1938,c'est alors que la Grande-Bretagnea établi

une procédured'arbitrage. Voyez àquelleabsurditéconduisent lesaffirmationsde Qatarau sujet

des événements de 1936. Tout acteur de la scène internationale' qu'il s'agisse d'unEtat ou de

l'Organisationdes NationsUnies dansune opérationde maintien dela paix, quandils s'acquittent

d'un mandat de droit conventionnelou coutumier, est-il obligéd'organiser une procédure

contradictoire chaque foisqu'il adopte une décision courante, pour ne pas parler de décision

administrativeprovisoire, mêmle orsqu'il n'est pasclair quele sujetprêàcontradiction? Iln'y a

pas d'arbitrage«<provisoire»e 1936.

Laprocédurede1939fut-elleentachée devices ?

32. A divers endroits dans ses pièces de procédure écrite e otrale, Qatar examine les

documentsanciens - des communicationsnécessaires à la puissanceprotectrice dansle cadre de

l'exercice de ses responsabilitésau titre des traitésconsacrant son rôle - et suggèrequ'ils

prouvent que le Royaume-Uni, entant qu'arbitre, a imposéla charge de la preuve à Qatar.

M. Paulsson vient d'examiner cet aspect de l'arbitrage de1939 et de montrer qu'à l'évidence i

l'argument est totalement infondé. Chaque partie a agi en vertu du principe qui s'énonce

actori incumbitprobatio et impose à chaque partie d'étayersa thèse :une règle parfaitement

respectéedansle cadre del'arbitragecommel'attesteledossier. 33. Qatar a également prétendu qu'en l'absence de procéduo reale, il n'avait pas étéen

mesure de procéder à l'interrogatoire et au contre-interrogatoirede témoinssur les questions de

fait.Mais rien n'exigequ'un arbitrage, pour êtrevalable et équitable,prévoie une procédurorale

ou des dépositionsde témoins. Certains tribunaux, telsle tribunal administratif de l'OCDE et la

commission de recoursde l'OTAN, organisent des audiences. Mais nombreux sontles tribunaux

internationaux,dontcertainsétaientauparavantsoumisaucontrôle formelde la cour internationale'

qui n'ont recours à une procédure oraleou à la citation de témoinsque dans des circonstances

exceptionnelles. Le tribunal administratif de la Banque mondiale, qui a examiné 225affaires

depuissa fondationen 1980et qui a comptéparmi ses membres d'anciens juges de cette Cour, n'a

organisé d'audiencesque dans deux affaires. Les 223 arrêtsconcernant les autres affaires

doivent-ilsêtreannulés pour autant ? Le tribunal administratifde l'OIT n'organise deprocédure

oraleque trèsexceptionnellement(la dernièrefois, d'ailleurs,desa propre initiative) et le tribunal

administratif du FMI uniquement quand cette procédure est nécessaire pour juger l'affaire

(articlXIü, par. 1) du règlement intérieurdu tribunal). Ce qui compte, c'est l'égalité de

traitement,l'informationdu tribunal etl'équité élémentaire.

34. La notion générale d'arbitragepar un tiers choisipar les parties étaitun élémente la

culture politique régionale pré-islamiquet plonge ses racines dans l'islam lui-même. Mais les

procédures idiosyncratiquesde l'arbitrageinternational publicne faisaientpas encore partie de la

traditionjuridique régionaleet étaiet al connues dessouverainsde Qatarou de BahreeinIlaurait

pu se révélerinjuste de les leur imposer.La question fondamentaleest de savoir si la procédure

miseau point par le Royaume-Uniau cours de l'arbitragede 1939étaitjustepour les deux parties

et constituait ainsiune règle du jeu équitable)). Et effectivement, la procédure fut équitable,

simple évidemment, maistout à fait adaptée au contexte culturel. Il ressort clairement des

documents qui subsistent decette procédurede 1939 queQatar ou Bahreïn aurait parfaitementpu

produiredes témoinsou d'autres éléments de preuve s'il l'avait voulu.e souverain de Qatar fut

tout à fait satisfait de la procédure, puisqu'il écrivit à l'agent politique britannique, le30mars 1939 :«JYaiexplicitémes commentaireset mes observations à votre Excellence aussi

complètement que les circonstancesde l'affaire'exigent>)**

La sentenceétait-ellemotivé ?e

35. Voyonsà présentcommentQatar tente de contesterla validitéde la sentencede 1939

pour la raison qu'elle({n'étatas motivée))p,our reprendre les termes de la Partie advers. ette

affirmation est tout simplement matériellement inexacte. Rétrospectivement, il est clq aire le

processus aboutissant à la sentence reposesur deux documents figuranttous les deux dans les

annexesdeQatar. Le premierest l'examendétaillé (surhuitpages) desélémentd sepreuveque sir

Hugh Weightmanadresse au résidentpolitique le 22 avril 1939,qui, bureaucratieoblige,devait

être approuvé par les supérieurshiérarchiques;le second document estune communicationplus

brève adresséeaux deux souverains par le résident politiquele 11 juillet 1939; elle s'inspire

simplementdu mémorandum consacra éux questionsde droit et de fait de Weightman sansjamais

s'en écarter etlui donne suite. Le second document seborne à informerles destinatairesde la

sentence, selon une pratique très courante à l'époque dansle cadre des arbitrages

gouvernementaux,comme j'aurai l'occasion de le démontrer. Pour comprendre la sentenc dee.

1939etcomprendrequ'elle estmotivée, ilconvientd'examinerlesdeuxdocumentsenquestion.

36. Nous savons, d'aprèsle mémorandum du 22 avril 1936 que l'arbitrage a exigéune

évaluationextrêmement minutieusd ee la position de chaque partie,qui a portéaussi sur leurs

points forts etleurspoints faibles. Ceshuit pagesinterlignesimple démontrent indubitablement

que ce processus afait appel à un examen trèsattentif des élémentd se preuve et desmotifs et

répondaitamplement à l'obligation de motiver les sentences arbitralesqui existait à l'époque

comme maintenant du reste. Les membresde la Cour étudieront sûremenc te documentde sorte

queje me contenteraide les renvoyer à la dernièrepartie,qui est longueet dans laquelle sir Hugh

Weightmanrésumeses conclusions,lesrattacheauxpreuveset formulesesre~ommandations*~,3~.

28Mémoird eeBahreïn,annexe279,vol. 5,p. 1160.

29Zbid .,nexe281,vol. 5,p. 1166-1167.
'O~bidp.,1171-1172. 37. Certes, ces motifs ne furent pas communiquésaux deux souverains,ce qui n'étaitpas

inhabituel pourles arbitragesrenduspar les gouvernements à l'époque,mais on ne sauraitaffirmer

pour autantque ladécision n'était pams otivée.

38. Larédactionet lacommunicationdes motifs doiventêtrereplacéesdans lc eontexted'un

genre particulier d'arbitrage international qui connutson apogée au XIXe siècle et au débutdu

XXesiècle, époqueoù il n'était pas rare de demandeà r un chef d'Etat ou de gouvernement de

rendre seul une sentence arbitrale. Lorsque deux gouvernementschoisissaient pour arbitre un

gouvernementtiersou un chefde gouvernementétrangeri,lsne s'attendaientgénéralemenptas àce

que la sentences'accompagne deconsidérants juridiques fortcomplexes. Le différendfrontalier

entre la Bolivie et le Pérous'est soldéen 1909par une sentence rendue par le président de la

Républiqueargentinequi tient en une demi-page31.La sentencerendue par Victor-EmmanuelIII,

le roi d'Italie, dans l'affaire de la frontière guyanaise tienten deux pages et d,commecelle

qui fut rendue dans l'affaire de la délimitationde la frontière du~arotse~~.Dans l'affaire de la

Cordilleraentre l'Argentine et le Chili, arbitrée parEdouard VII, la sentence faisait une pageet

demie34(tandis que le rapport remis par le tribunal que ce souverain avait constituépour la

circonstancene faisait pas plus de cinq pages). Tous ces précédents ne donnent-ils pasà penser

que, lorsqu'on faisait appelà des chefs d'Etat ou de gouvernement pour qu'ils jouent le rôle

d'arbitre,c'étaitnon pas pour obtenirdes considérants détaillexposant les motifsde la sentence,

mais pour qu'ilsusent de leur autorité afin de résoudre définitivement un problèmtede dissuader

les parties de contesterla senten?e On ne pouvait tout simplementpas s'attendre à ce qu'unchef

d'Etat ou de gouvernement siégeantseul à titre d'arbitre unique, prononce unesentence assortie

d'une liste détailléede considérants analogue à celle des arbitrages confiés à des juristes.

Lorsqu'ontient compte de ce contexte,la sentencede 1939répond beaucoupplus largementqu'on
057

31Sentencearbitrale duprésidentde la Républiqueargentinedansle conflitde limitesentrela BolivieetlePérou,
1909(RGDIP,191O).
32Sentence arbitrale doànRome le 6juin 1904par le roi d'Italie,Victor-EmmanuelIII, pour décider de la
question dela frontièreentre la Guyanebritanniqueet leBrésil, 1904.

33Sentence arbitrale pour trancher la questionrelative aux limitesoccidentales du temtoire du Royaumedu
Barotse, 1905(NationsUnies,ueildessentencesarbitrales,vol. 11).
34Questiondelimites entrele Chilietla Républiqueargentine1902(RGDIP,1903).ne pouvait s'yattendreàce type d'obligation,et sonexposédes motifsserait plus que satisfaisant

auregardden'importequellenorme contemporaine.

LA PROTESTATIONPORTE-T-ELLE ATTEINTE
A L'AUTORITEDELACHOSEJUGEE ?

39. J'en viensà la question des prétendues ((protestations))e atar a élevéescontre la

décisionde 1939-si je comptebien,à troisreprisesentre 1939et 1965y comprisune périodede

silence de dix-sept ans- et au grief corollaire concernant son non-acquiescement. Dans ses

écritures,Qatarutilisele terme (protestation))commes'il s'agissait d'unmantra,commesi ce mot

avait un pouvoir magiquetel que le seul fait de le psalmodier sansarrêt pouvaitannuler l'effet

juridique contraignantd'arrêts te sentences parfaitement légalesu demeurant. N'y a-t-il pas

quelquechosed'incongrudans l'idée de protestercontrel'autoritédela chosejugée? D'ordinaire,

nous parlons de protestationà l'encontre d'événementtesls que l'appropriation unilatérap,ar

l'armée,d'un territoirepar un autre Etat. Le droit international permet,gràccette institution

juridiqueunique en songenre de la protestatioà,un Etat faiblede s'opposerà la transformation

d'un delicturnenjus, d'un déliten droit. Mais que peutbien signifierune protestation élevée

contrel'autoritéde la chosejugéesurle plan internationalàla suited'une procédureà laquellela

partiequi protestea consenti? La ((protestation))peut-elle,de quelquemanièreque ce soit, saper

l'autoritéde la chosejugée quis'attacheun arrêt ouà une sentencerendus en droit international

ou,du reste,dansn'importequel systèmede droit ? Personnen'aimeperdre,et nombreux sontles

perdantsquiprotestent. Les criminels condamnésprotestendte leurinnocence. Celaentame-t-ille

jugementprononcécontreeux ? Lesparties déboutéedsans une procédurecivileprotestentcontre

l'arrêt. Cela entame-t-ill'effet contraignantde l'arrêt? Les Etats qui n'onpas appréciéles

décisionsde votre Cour les ont contestées. Cette protestation entame-t-elle laaliditéde ces

arrêts?

40. Et toutà fait en dehors de la question dela protestationélevée conun arrêtou une
T
sentence internationale,quel est l'effet, en droit international'd'une protestation qui n'est pas

fondéesur les objections juridiquement valablesde l'absence de consentement ou du vice de

procédure ? Quand nousentendons direque le souverain deQatar a contestéla sentence,cela

signifie qu'il a dit qu'elle ne lui plaisait pas, qu'elle étaitinjuste, inéquitable etqu'il n'enreconnaîtraitpas la validité. Encore une fois, qu'aurait-ilpu dire d'a?trIl ne s'élevait pa, i

hier,ni aujourd'hui, contrela sentenceentant que telle maiscontre le droit internationallui-même,

qui dit que le titre de souverainetédécouled'une occupation effective compatible avec les

possibilitésécologiqueset non de la seule proximité. En réalité,la protestation du souverainde

Qataréquivauttout simplement à :«mais cesîles sontsiproches».

41.Je me permetsde dire que l'argumentconsistant a faire valoir la protestation élepar

Qatarcontre la sentencede1939estpurementet simplementdénué de tout effetjuridique.

LA SENTENCEDE 1939 ETAIT-ELLEEN REALITEUNEDECISIONADMINISTRATIVE

A CARACTEREPOLITIQUE ?

42. Qatar a présentéla décisionde 1939 tantôt commeune sentence arbitrale entachéede

vices de procédure,tantôt comme une décision administrativequi était ultra vires. Il faut bien

qualifier la décisionet donc, s'il ne s'agit pas d'une sentencearbitrale, il s'agit nécessairement

d'une décision politique britannique.S'il s'agit d'unedécisionpolitique, le point de savoir si elle

est conforme aux normes procédurales del'arbitrage international est sans pertinence, car les

décisionspolitiquesne sontpas révisablesauregard decettenorme. Pourjuger de la légalité d'une

décision politique,ce quicompte essentiellement,c'estde savoir si celle-ci arendue intravires

c'est-à-dire,en l'espèce,si elle se fondaitsur la compétence Bahreïn et Qatar avaient reconnue

au Royaume-Uni pour rendre ladite décision. Dans ses écritures,Qatar balance souvent entre ces

deux qualificationsparce qu'il voudraitse soustraireau caractère définitif qui s'attachechose

jugée tout en continuant d'appliquer, en matière de procédure, les normes exigeantes

caractéristiquesde l'arbitrageinternationalmodernea une décisionpolitique adoptéeil y a plus de

soixanteans. Cela luipermet de renouvelerlesallégationsqu'il formule à l'encontre de la validité

de la sentencepour attaquer la validitéde ladécision politique.Cela lui permet aussi d'éluderune

question relativement simple et déterminante qui est celle-ci : la décision administrative de

caractèrepolitiquea-t-elleétérendue intravires? Nous estimonsque la décisionde 1939étaitune

sentence arbitrale mais mêmesi l'on optaitpour l'autre hypothèse, ilest clair que nous avons

toujoursaffaireà une décision valableetcontraignante.

43. Tout d'abord,il est clairqueleslettres adresséles 10et 27 mai 1938à l'agentpolitique

britanniquepar le souverainde Qatar, lettres que j'ai examinéetsout l'heure, reviennent sans lamoindreambiguïtéà donner compétencepour trancherla question dela souverainetéterritoriale

sur lesîles Hawar. Comment est-il même possible d souleverla questionde lacompétence du

moment que ces lettres figurentau dossier ? Même sices lettres n'existaientpas, l'ensemble

d'instruments bilatérauxet de déclarationsunilatérales,officiels ou plus informels, qui ontété

conclusou promulguésau cours de la périodequi a suivi 1820 a globalementdéfiniles droitset

obligations du Royaume-Uni,d'une part, et, del'autre, ceuxde Bahreïn et de Qatar. Le 12

septembre 1868, le souverain Al-Thani a pris un engagement unilatéral concernantson

comportementsousla formeexpressedel'obligationsuivante :

«S'il survientune divergenced'opinionàquelquepropos [avec Bahreïn], qu'il
s'agisse d'un paiementen argent ou d'une autre aflaire, ce différend doitêtreporté
devantlerésident.)) (Lesitaliquessont denous.)

44. Outre ces engagementsexplicites, le Royaume-Uni a acquisdes pouvoirs implicites,

commele montre l'article X du traitéde 1916,dans lequelle cheikh de Qatar déclareue :

«Le Gouvernementbritannique,en contrepartie des traitée st engagements que
j'ai conclusavec lui, s'engageà me protéger ainsique mes sujets et le territoirede

Qatarde toute agressionpar lamer et à faire tout cequi estensonpouvoirpour exiger
réparationdetous lespréjudices que moi-même oumes sujetspoumons subiren nous
déplaçantpar voie maritimepour desraisons licites.))

45. Mêmesi l'on admet la thèse desir Ian selon laquelleces traités ne représentenptas un

consentement à l'arbitrage,ils reviennentincontestablemenà consentirà ce qu'unedécision soit

rendue. En outre, puisque le Royaume-Uniétaitredevabledes mêmesobligations deprotection

temtonale à l'égard de Bahreïn et à l'égard de Qatar et que Qatar revendiquait un temtoire

appartenant àBahreïn,leRoyaume-Unin'avaitpas d'autrechoixquede définirles frontièresqu'il

étaittenude protéger,carcela faisaitintrinsèquemenpt artie desonobligationdeprotection.

46. Lorsqu'ellea interprétédes traitéésnonçant clairemendtesobligationssansdéfinir avec

précisionles pouvoirs permettant d'exécuter ces obligations,la Cour internationale de Justice a

conclu à l'existence de pouvoirs implicites dans la mesure où ils étaientindispensablesà la

réalisationdes principalesfinalités de l'accorden question. Je citerai uniquementl'affairerelative
1
à CertainesdépensesdesNations Unies,danslaquellelaCourdéclare :

35
Mémoird ee Bahreï, nnex12vol.2,p.157.
36
MémoirBeahreïn,annexe84,vol. 3515. «lorsque l'Organisation prend des mesures donton peut direà juste titre qu'elles sont
appropriées à l'accomplissementdesbuts déclaréd sesNationsUnies, il està présumer
37
que cetteactionne dépasse paslespouvoirsde l'Organisation» .

47. La Coura abouti à une conclusion comparabledans l'avisconsultatifrelatià la Namibie,

et ilexiste d'autresprécédent.

48. Les responsabilités attribuées au Gouvemement britannique en matiè dreeprotection par

l'ensemble des accords conclus entre le Royaume-Uni, d'une part, et de l'autre, respectivement

Bahreïn et Qatar, ne pouvaient pas êtreassuméespar le Gouvemement britannique si le

Royaume-Uniignoraitou se situaientles frontières. S'iln'avait eu compétencepoud rétermineren

droit àqui appartenaitle territoire revendiquà la fois par Bahreïn et par Qatar, le Royaume-Uni

n'aurait paspu remplirson obligationde protectiondes domainesterritoriauxdesdeux souverains.

0 6 0 Il s'ensuit, par analogie avec l'affaire relatàvCertaines dépensesdes Nations Unies, que les

actes accomplis par le Royaume-Uni pour s'acquitter dûment de ses responsabilitésdoivent

nécessairement être considér cos merelevant desespouvoirs.

Conclusion

49. Monsieur le président,Madame et Messieurs de la Cour, l'examen des allégations

formuléespar Qatar à l'encontre de la validité decette sentence aprouvéqu'aucune d'entre elles

n'est fondée. En outre,la Cour doit de son côtése pencher sur l'importantequestion de savoir si

les accords de Doha, qui lui ont conféré une compétencg eénéraleen l'espèce, prescrivent

égalementla formeparticulière de consentementque la Cour permanente exigeait et que la Cour

actuelleexige pour pouvoir réexaminerla validitéd'une sentencearbitraleinternationaleprononcée

par un autre tribunal. Quant aux allégationsde Qatar concernant le parti pris britannique, il est

éminemment douteuxp , our Bahreïn, qu'elles soient même recevables puisqu'elleismposeraientà

la Courde statuersurla légalitédesactesd'unEtat quin'avaitpas reconnu sacompétenceactuelle.

Enfin, si, comme Qatar l'a soutenu de façon intermittente, la décisionde 1939 n'est pas une

sentencemais simplementune décisionpolitiqueet administrative,nous avonsdémontré qu'elle ne

JI
Certainesdépensesdes Nations Unies(17,paragraph2 dela Charte), C.I.J.Recueil1962,p. 168.
38
Conséquencesjuridiqpour les Etats de laprésencecontinuede l'Afriquedu SudenNamibie (Sud-Ouest
africain)nonobstantla réso276(1970)duConseildesécuritC.I. Jecuei1971,p.47.peut être soumise àl'épreuvedes critèresde l'arbitrage. Maisau regard des normes applicablesà

la validitédes décisions politiques internationales, la décde 1939étaitintravires,était légale

et liaitlesparties. .

50. Monsieur le président, Madameet Messieurs de laCour, l'arbitrage estŒuvrehumaine,

et ne saurait donc atteindre la perfection. A supposer même quela procédure de1939 ait

eflectivement étéentachée decertains vices, quod non, et qu'il n'existe aucun des obstacles

juridictionnels dont j'ai parlé,la prudence s'imposenéanmoins et s'oppose à la revision d'une

sentencerendue il y a plus de soixanteans sur la base de laquelle des gouvernementset certaines

tiercesparties ont agi en confianceet se sont investis. On nepeut oublier, comme l'a ditl'un des

juges de cette Cour éminente,quele fardeau dela décisiontient notamment àce qu'unedesparties

sera toujours déçue. Il n'est pas de gouvernementqui perde allègrementun différend territorial.

Ces gouvernements et les experts nationaux recherchentsouvent de manière obsessionnelle les

irrégularitésoupçonnées ou imaginaires qui entachend tivers arbitrageset publient des exposéà

ce sujet: c'est le cas pour l'affaire Venezuelac. Guyane britannique; ou pour le Mexique c. la

Francedans l'affairede l'Ilede Clipperton,c'est même le caspour certainsarrêtsde cetteCour qui

ont étési vivement contestés.La liste est infinie. Si la Cour internationalede Justice dit qu'il est

possiblede réexaminerdes sentencesrenduesil y a bien longtemps, combiend'Etatsvont-ilstenter

de ranimer de lointaines revendication? Et pourquoi ne le feraient-ilspas ? Qu'auraient-ilà

perdre ? Et quel en seral'effet surla stabilitéterritorialeinternati?nLes Romains,qui sont la

source où le droit internationalet de nombreuxsystèmesde droit interne ont puisélonguement et

abondamment,ont voulu que soit, par principe, respectéel'autoritéde la chosejugée,parce que,

disaient-ils,interessereipublicae utsitfinis litium. ((L'intptublic veut qu'un litige soit tranché

une fois pour toutes.)) L'affaire des Grisbadarna a prouvé qu'ilne faut pas perturber «une

situation établie)).Jellinek parlait, il y a longtempsdéjà, dela force normative des situations de

fait. La question de la souverainetésurles îles Hawar aété tranchél y a plus de soixanteanspar

une décisionprise en toute légitimité. Les parties ont consentià la procédure. Sa validité est

inattaquable. Elle a l'autoritéde lachosejugée.

Monsieurle président,Madameet Messieursde la Cour,je vousremerciede m'avoir écouté. -63 -

The PRESIDENT :Thankyou, ProfessorReisman. This brings to a closeour Sittingthis

morning. The Court willresumeon Tuesday 13 June at 10.a.m.to hear the continuation ofthe

pleadingsofthe State ofBahrain. TheCourtisadjourned.

TheCourtroseat 12.55p.m.

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