Résumé de l'arrêt du 11 décembre 2020

Document Number
163-20201211-SUM-01-00-EN
Document Type
Number (Press Release, Order, etc)
2020/4
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COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
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Résumé
Non officiel

Résumé 2020/4

Le 11 décembre 2020

Immunités et procédures pénales (Guinée équatoriale c. France)
Historique de la procédure (par. 1-24)

La Cour commence par rappeler que, le 13 juin 2016, la Guinée équatoriale a déposé une
requête introductive d’instance contre la France au sujet d’un différend ayant trait à
«l’immunité de juridiction pénale du second vice-président de la République de
Guinée équatoriale chargé de la défense et de la sécurité de l’Etat
[M. Teodoro Nguema Obiang Mangue], ainsi qu[’au] statut juridique de l’immeuble
qui abrite l’Ambassade de Guinée équatoriale en France, tant comme locaux de la
mission diplomatique que comme propriété de l’Etat».
Dans sa requête, la Guinée équatoriale entendait fonder la compétence de la Cour, d’une
part, sur l’article 35 de la convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale
organisée du 15 novembre 2000 (ci-après la «convention de Palerme») et, d’autre part, sur
l’article premier du protocole de signature facultative à la convention de Vienne sur les relations
diplomatiques concernant le règlement obligatoire des différends du 18 avril 1961.

Suite au dépôt par la Guinée équatoriale le 29 septembre 2016 d’une demande en indication
de mesures conservatoires, la Cour a, par ordonnance en date du 7 décembre 2016, prié la France,
«dans l’attente d’une décision finale en l’affaire», de
«prendre toutes les mesures dont elle dispos[ait] pour que les locaux présentés comme
abritant la mission diplomatique de la Guinée équatoriale au 42 avenue Foch à Paris
jouissent d’un traitement équivalent à celui requis par l’article 22 de la convention de
Vienne sur les relations diplomatiques
1
, de manière à assurer leur inviolabilité».

1 L’article 22 est rédigé comme suit :

«1. Les locaux de la mission sont inviolables. Il n’est pas permis aux agents de l’Etat accréditaire
d’y pénétrer, sauf avec le consentement du chef de la mission.

2. L’Etat accréditaire a l’obligation spéciale de prendre toutes mesures appropriées afin
d’empêcher que les locaux de la mission ne soient envahis ou endommagés, la paix de la mission troublée
ou sa dignité amoindrie.

3. Les locaux de la mission, leur ameublement et les autres objets qui s’y trouvent, ainsi que les
moyens de transport de la mission, ne peuvent faire l’objet d’aucune perquisition, réquisition, saisie ou
mesure d’exécution.»
- 2 -
Le 31 mars 2017, la France a soulevé des exceptions préliminaires d’incompétence de la
Cour et d’irrecevabilité de la requête. Par son arrêt du 6 juin 2018, la Cour a retenu la première
exception préliminaire, selon laquelle la Cour n’a pas compétence sur la base de l’article 35 de la
convention de Palerme. Elle a en revanche rejeté les deuxième et troisième exceptions
préliminaires et dit qu’elle avait compétence, sur la base du protocole de signature facultative à la
convention de Vienne sur les relations diplomatiques, pour se prononcer sur la requête de la
Guinée équatoriale, en ce qu’elle a trait au statut de l’immeuble sis au 42 avenue Foch à Paris en
tant que locaux de sa mission, et que ce volet de la requête était recevable.
I. CONTEXTE FACTUEL (PAR. 25-38)

La Cour explique que, le 2 décembre 2008, l’association Transparency International France a
déposé une plainte auprès du procureur de la République de Paris à l’encontre de certains chefs
d’Etat africains et de membres de leurs familles, pour des détournements allégués de fonds publics
dans leur pays d’origine, dont les produits auraient été investis sur le territoire de la
République française. Cette plainte a été déclarée recevable par la justice française et une
information judiciaire a été ouverte en 2010. L’enquête a notamment porté sur le mode de
financement de biens mobiliers et immobiliers acquis en France par M. Teodoro Nguema Obiang
Mangue, fils du président de la République de Guinée équatoriale, qui était à l’époque ministre
d’Etat chargé de l’agriculture et des forêts de la Guinée équatoriale et qui, le 21 mai 2012, est
devenu second vice-président de la Guinée équatoriale chargé de la défense et de la sécurité de
l’Etat.

L’enquête ainsi diligentée a plus particulièrement concerné les modalités d’acquisition par
M. Teodoro Nguema Obiang Mangue de divers objets de grande valeur et d’un immeuble sis au
42 avenue Foch à Paris. Les 28 septembre et 3 octobre 2011, les enquêteurs ont effectué des
perquisitions à cette adresse et saisi des véhicules de luxe qui appartenaient à l’intéressé. Le
4 octobre 2011, la Guinée équatoriale a adressé à la France une note verbale dans laquelle elle
indiquait qu’elle disposait depuis plusieurs années d’un immeuble situé au 42 avenue Foch à Paris
qu’elle utilisait pour l’accomplissement des fonctions de sa mission diplomatique. Par une note
verbale du 11 octobre 2011, la France lui a répondu que l’immeuble en question ne faisait pas
partie des locaux relevant de la mission diplomatique de la Guinée équatoriale, qu’il relevait du
domaine privé et, de ce fait, du droit commun. Par note verbale du 17 octobre 2011, la
Guinée équatoriale a informé la France que la résidence officielle de sa déléguée permanente
auprès de l’UNESCO se trouvait dans les locaux de la mission diplomatique située au
42 avenue Foch à Paris. Par note verbale du 31 octobre 2011 adressée à la Guinée équatoriale, la
France a réaffirmé que l’immeuble en question ne faisait pas partie des locaux de la mission, qu’il
n’avait jamais été reconnu comme tel et relevait, de ce fait, du droit commun.
Du 14 au 23 février 2012, l’immeuble sis au 42 avenue Foch à Paris a fait l’objet de
nouvelles perquisitions au cours desquelles d’autres biens ont été saisis et enlevés. Par notes
verbales des 14 et 15 février 2012, la Guinée équatoriale, présentant l’immeuble comme la
résidence officielle de sa déléguée permanente auprès de l’UNESCO et affirmant que ces
perquisitions emportaient violation de la convention de Vienne, a invoqué le bénéfice de la
protection conférée par ladite convention à une telle résidence.
L’un des juges d’instruction du Tribunal de grande instance de Paris ayant conclu que l’achat
de l’immeuble du 42 avenue Foch à Paris avait été financé en tout ou partie par le produit des
infractions alléguées en cause et que son véritable propriétaire était M. Teodoro Nguema Obiang
Mangue, il a ordonné le 19 juillet 2012 que le bâtiment fasse l’objet d’une «saisie pénale
immobilière». Cette décision a été confirmée le 13 juin 2013 par la chambre de l’instruction de la
Cour d’appel de Paris devant laquelle l’intéressé avait interjeté appel.
- 3 -

Par note verbale du 27 juillet 2012, la Guinée équatoriale a informé la France que les
services de l’ambassade étaient, depuis cette date, installés au 42 avenue Foch à Paris. Par note
verbale du 6 août 2012, la France a appelé l’attention de la Guinée équatoriale sur le fait que
l’immeuble en question avait fait l’objet d’une ordonnance de saisie pénale immobilière le
19 juillet 2012 et qu’elle ne pouvait, de ce fait, le reconnaître officiellement comme étant, à
compter du 27 juillet 2012, le siège de la chancellerie.

Le 23 mai 2016, le procureur de la République financier a pris un réquisitoire définitif aux
fins notamment que M. Teodoro Nguema Obiang Mangue soit jugé pour des délits de blanchiment
d’argent. Le 5 septembre 2016, les juges d’instruction du Tribunal de grande instance de Paris ont
ordonné le renvoi de l’intéressé ⎯ qui avait entre-temps été nommé, par décret présidentiel du
21 juin 2016, vice-président de la Guinée équatoriale chargé de la défense nationale et de la
sécurité de l’Etat ⎯ devant le Tribunal correctionnel de Paris afin d’y être jugé pour les infractions
qu’il aurait commises en France entre 1997 et octobre 2011.

Le 27 octobre 2017, le Tribunal correctionnel a rendu son jugement, par lequel il a déclaré
M. Teodoro Nguema Obiang Mangue coupable des faits de blanchiment d’argent qui lui étaient
reprochés. Le Tribunal a, entre autres, ordonné la confiscation de l’ensemble des biens mobiliers
saisis dans le cadre de l’information judiciaire et de l’immeuble sis au 42 avenue Foch à Paris ayant
fait l’objet d’une «saisie pénale immobilière». S’agissant de la confiscation de cet immeuble, le
Tribunal, se référant à l’ordonnance en indication de mesures conservatoires rendue par la Cour le
7 décembre 2016, a dit que «la procédure pendante devant [la Cour internationale de Justice]
rend[ait] impossible non pas le prononcé d’une peine de confiscation mais l’exécution par l’Etat
français d’une telle mesure». A la suite du prononcé du jugement, M. Teodoro Nguema
Obiang Mangue a fait appel de sa condamnation devant la Cour d’appel de Paris. Cet appel ayant
un effet suspensif, aucune mesure n’a été prise pour mettre à exécution les peines prononcées à
l’encontre de l’intéressé. La Cour d’appel de Paris a rendu son arrêt le 10 février 2020. Elle a
notamment prononcé la confiscation de l’«ensemble immobilier sis sur la commune de Paris
16
ème
arrondissement, 40-42 avenue Foch, saisi par ordonnance du 19 juillet 2012».
M. Teodoro Nguema Obiang Mangue a formé un pourvoi en cassation contre ledit arrêt. Ce
pourvoi ayant un effet suspensif, aucune mesure n’a été prise pour mettre à exécution les peines
prononcées à l’encontre de l’intéressé.
II. CIRCONSTANCES DANS LESQUELLES UN BIEN ACQUIERT LE STATUT DE «LOCAUX
DE LA MISSION» AU TITRE DE LA CONVENTION DE VIENNE (PAR. 39-75)

La Cour relève que les Parties divergent sur la question de savoir si l’immeuble sis au
42 avenue Foch à Paris fait partie des locaux de la mission diplomatique de la Guinée équatoriale
en France et peut donc bénéficier du traitement accordé à pareils locaux par l’article 22 de la
convention de Vienne sur les relations diplomatiques (ci-après la «convention de Vienne»). Les
Parties s’opposent aussi sur la question de savoir si les mesures prises par les autorités françaises à
l’égard de cet immeuble emportent violation par la France des obligations lui incombant au titre de
l’article 22.
La Cour commence par examiner les circonstances dans lesquelles un bien acquiert le statut
de «locaux de la mission» au sens de l’alinéa i) de l’article premier de la convention de Vienne, aux
termes duquel «l’expression «locaux de la mission» s’entend des bâtiments ou des parties de
bâtiments et du terrain attenant qui, quel qu’en soit le propriétaire, sont utilisés aux fins de la
mission, y compris la résidence du chef de la mission». Elle se penche à cette fin sur la convention
de Vienne en précisant qu’elle interprétera cet instrument conformément aux règles coutumières
d’interprétation des traités qui trouvent leur expression aux articles 31 et 32 de la convention de
Vienne sur le droit des traités.
- 4 -
La Cour considère que les dispositions de la convention de Vienne, prises dans leur sens
ordinaire, n’aident pas à déterminer les circonstances dans lesquelles un bien acquiert le statut de
«locaux de la mission». S’il définit les «locaux de la mission» comme les immeubles «utilisés aux
fins de la mission», l’alinéa i) de l’article premier de ladite convention n’aide pas, à lui seul, à
déterminer comment un immeuble peut en venir à être utilisé aux fins d’une mission diplomatique,
si un tel usage est subordonné au respect d’éventuelles conditions préalables et de quelle manière
cet usage, le cas échéant, doit être établi. De plus, il n’apporte aucune précision sur les rôles
respectifs de l’Etat accréditant et de l’Etat accréditaire quant à la désignation des locaux d’une
mission. L’article 22 de la convention de Vienne ne donne pas plus d’indications à cet égard. La
Cour examine donc le contexte de ces dispositions ainsi que l’objet et le but de la convention de
Vienne.

S’agissant tout d’abord du contexte, l’article 2 de la convention de Vienne prévoit que
«[l]’établissement de relations diplomatiques entre Etats et l’envoi de missions diplomatiques
permanentes se font par consentement mutuel». Du point de vue de la Cour, il serait difficile de
concilier cette disposition avec une interprétation de la convention selon laquelle un immeuble
pourrait acquérir le statut de locaux de la mission sur la base de la désignation unilatérale de l’Etat
accréditant et ce, en dépit de l’objection expresse de l’Etat accréditaire.
En outre, les dispositions de la convention traitant de la nomination et des immunités du
personnel diplomatique et du personnel de la mission illustrent l’équilibre que cet instrument tente
de trouver entre les intérêts des Etats accréditant et accréditaire. L’article 4 dispose que le choix du
chef de mission par l’Etat accréditant doit recevoir l’agrément de l’Etat accréditaire. Il indique
également que l’Etat accréditaire n’est pas tenu de donner les raisons de son éventuel refus. A
l’inverse, l’accord préalable de l’Etat accréditaire n’est généralement pas requis s’agissant de la
nomination des membres du personnel de la mission visée à l’article 7. En vertu de l’article 39,
toute personne ayant droit aux privilèges et immunités en bénéficie dès qu’elle pénètre sur le
territoire de l’Etat accréditaire ou, si elle s’y trouve déjà, dès que sa nomination a été notifiée à
l’Etat en question. Ces immunités étendues sont cependant contrebalancées par le pouvoir de cet
Etat, prévu à l’article 9, de déclarer personae non gratae certains membres d’une mission
diplomatique. En revanche, la convention de Vienne n’établit pas de mécanisme équivalent pour
les locaux de la mission. S’il était possible à un Etat accréditant de désigner unilatéralement les
locaux de sa mission, en dépit de l’objection émise par l’Etat accréditaire, celui-ci serait de fait
contraint de choisir entre accorder la protection au bien en question contre sa volonté ou prendre la
mesure radicale consistant à rompre ses relations diplomatiques avec l’Etat accréditant. Même dans
ce dernier cas, l’article 45 de la convention de Vienne imposerait à l’Etat accréditaire de continuer
de respecter et de protéger les locaux de la mission, ainsi que ses biens et ses archives, prolongeant
ainsi les effets du choix unilatéral de l’Etat accréditant. De l’avis de la Cour, une telle situation
placerait l’Etat accréditaire dans une position déséquilibrée, à son détriment ; cela irait en outre
bien au-delà de ce qui est requis pour atteindre l’objectif, énoncé dans la convention de Vienne,
consistant à assurer l’accomplissement efficace des fonctions des missions diplomatiques.

Pour ce qui est de l’objet et du but de la convention de Vienne, il est précisé dans le
préambule de celle-ci qu’elle vise à «contribuer[] à favoriser les relations d’amitié entre les pays»,
objectif devant être atteint par l’octroi aux Etats accréditants et à leurs représentants d’importants
privilèges et immunités. Le préambule indique que «le but desdits privilèges et immunités est non
pas d’avantager des individus mais d’assurer l’accomplissement efficace des fonctions des
missions diplomatiques en tant que représentants des Etats». Il reflète donc le fait que les privilèges
et immunités diplomatiques mettent à la charge des Etats accréditaires des obligations lourdes, qui
trouvent néanmoins leur raison d’être dans l’objectif consistant à favoriser les relations d’amitié
entre les pays.
A la lumière de ce qui précède, la Cour estime que la convention de Vienne ne peut être
interprétée comme autorisant un Etat accréditant à imposer unilatéralement son choix de locaux de
la mission à l’Etat accréditaire lorsque ce dernier a objecté à ce choix. S’il en allait ainsi, l’Etat
- 5 -
accréditaire serait tenu d’assumer, contre sa volonté, l’«obligation spéciale» de protéger les locaux
choisis qui est énoncée au paragraphe 2 de l’article 22 de la convention. L’imposition unilatérale du
choix de locaux par un Etat accréditant ne serait donc manifestement pas compatible avec l’objet
de la convention consistant à favoriser les relations d’amitié entre les pays. Elle exposerait de
surcroît l’Etat accréditaire à des abus potentiels des privilèges et immunités diplomatiques, ce que
les rédacteurs de la convention de Vienne entendaient éviter, en spécifiant, dans le préambule, que
le but desdits privilèges et immunités n’est pas «d’avantager des individus». La pratique de
plusieurs Etats, qui exige clairement l’accord préalable de l’Etat accréditaire avant qu’un immeuble
puisse acquérir le statut de «locaux de la mission», et l’absence de toute objection à cette pratique,
sont des facteurs qui vont à l’encontre de la conclusion selon laquelle l’Etat accréditant aurait le
droit au titre de la convention de Vienne de désigner unilatéralement les locaux de sa mission
diplomatique.

La Cour considère que, si l’Etat accréditaire peut objecter au choix des locaux de l’Etat
accréditant, il s’ensuit qu’il peut choisir les modalités d’une telle objection. Conclure autrement
reviendrait à imposer à la souveraineté des Etats accréditaires une restriction qui ne trouve aucune
base dans la convention de Vienne ou en droit international général. Certains Etats accréditaires
peuvent énoncer à l’avance, par leur législation ou par des lignes directrices officielles, les
modalités selon lesquelles leur accord peut être donné, tandis que d’autres peuvent opter pour une
réponse au cas par cas. Ce choix proprement dit n’a aucune incidence sur le pouvoir de l’Etat
accréditaire d’émettre une objection.

La Cour souligne cependant que le pouvoir dont dispose l’Etat accréditaire d’objecter à la
désignation par un Etat accréditant des locaux de sa mission diplomatique n’est pas illimité. Eu
égard aux obligations susmentionnées, ainsi qu’à l’objet et au but de la convention de Vienne
consistant à favoriser les relations d’amitié entre les pays, la Cour considère qu’une objection d’un
Etat accréditaire doit être communiquée en temps voulu et ne doit pas être arbitraire. Qui plus est,
conformément à l’article 47 de la convention de Vienne, cette objection ne doit pas avoir un
caractère discriminatoire. En tout état de cause, l’Etat accréditaire demeure tenu, au titre de
l’article 21 de la convention, de faciliter l’acquisition sur son territoire, dans le cadre de sa
législation, des locaux nécessaires à l’Etat accréditant pour sa mission diplomatique, ou d’aider ce
dernier à obtenir des locaux d’une autre manière.
Compte tenu de ce qui précède, la Cour conclut que, si l’Etat accréditaire objecte à la
désignation par l’Etat accréditant d’un certain bien comme faisant partie des locaux de sa mission
diplomatique, et si cette objection est communiquée en temps voulu et n’a un caractère ni arbitraire
ni discriminatoire, ce bien n’acquiert pas le statut de «locaux de la mission» au sens de l’alinéa i)
de l’article premier de la convention de Vienne et ne bénéficie donc pas de la protection prévue à
l’article 22 de la convention. La question de savoir s’il a été satisfait aux critères mentionnés
ci-dessus doit être appréciée dans les circonstances propres à chaque affaire.
A la lumière de ces conclusions, la Cour procède à l’examen de la question de savoir si, au
vu des faits portés à sa connaissance, la France a objecté à la désignation de l’immeuble sis au
42 avenue Foch à Paris comme locaux de la mission diplomatique de la Guinée équatoriale et, dans
l’affirmative, si une telle objection a été communiquée en temps voulu et n’avait un caractère ni
arbitraire ni discriminatoire.
III. STATUT DE L’IMMEUBLE SIS AU 42 AVENUE FOCH À PARIS (PAR. 76-118)
1. La question de savoir si la France a objecté dans le cadre des échanges diplomatiques
que les Parties ont eus entre le 4 octobre 2011 et le 6 août 2012 (par. 76-89)

La Cour commence par se pencher sur les échanges diplomatiques des Parties intervenus
entre le 4 octobre 2011, date à laquelle la Guinée équatoriale a pour la première fois informé la
- 6 -
France qu’«il s’agi[ssai]t des locaux de la Mission Diplomatique», et le 6 août 2012, peu après la
«saisie pénale immobilière» de l’immeuble ordonnée le 19 juillet 2012.

La Cour rappelle que les premières perquisitions opérées dans l’immeuble par les autorités
françaises chargées de l’enquête ont eu lieu les 28 septembre 2011 et 3 octobre 2011 ; à cette
occasion, des véhicules de luxe appartenant à M. Teodoro Nguema Obiang Mangue ont été saisis.
Le 4 octobre 2011, la Guinée équatoriale a adressé à la France une note verbale dans laquelle elle
indiquait qu’elle «dispos[ait] depuis plusieurs années» d’un immeuble situé au 42 avenue Foch à
Paris qu’elle «utilis[ait] pour l’accomplissement des fonctions de sa Mission Diplomatique». Le
même jour, des affichettes en papier mentionnant «République de Guinée équatoriale ⎯ locaux de
l’ambassade» ont été apposées sur l’immeuble. Le 11 octobre 2011, la France a adressé à la
Guinée équatoriale une note verbale précisant que «l’immeuble [en question] ne fai[sai]t pas partie
des locaux relevant de la mission diplomatique de la République de Guinée Equatoriale», qu’il
«rel[evait] du domaine privé et, de ce fait, du droit commun».
Le 17 octobre 2011, la Guinée équatoriale a adressé à la France une note verbale l’informant
que la direction de sa mission diplomatique serait assurée par sa déléguée permanente auprès de
l’UNESCO (en qualité de chargée d’affaires par intérim). La note précisait que «la résidence
officielle» de celle-ci «se trouv[ait] dans les locaux de la mission diplomatique [de la
Guinée équatoriale] située au 40-42, avenue Foch [à] Paris». Dans une note verbale adressée à la
Guinée équatoriale le 31 octobre 2011, la France a réitéré que l’immeuble en question «ne fai[sait]
pas partie des locaux de la mission, qu’il n’a[vait] jamais été reconnu comme tel et [qu’il]
rel[evait], de ce fait, du droit commun».

Entre le 14 et le 23 février 2012, les autorités françaises ont procédé à d’autres perquisitions
dans l’immeuble litigieux, saisissant et enlevant divers biens à cette occasion. Pendant cette
période, présentant cet immeuble comme la résidence de sa chargée d’affaires et déléguée
permanente auprès de l’UNESCO et affirmant que ces perquisitions et saisies emportaient violation
de la convention de Vienne, la Guinée équatoriale a invoqué le bénéfice de la protection conférée
par ladite convention à une telle résidence. La France a, pour sa part, répété qu’elle ne reconnaissait
pas l’immeuble en tant que résidence officielle de l’intéressée. Les 9 et 12 mars 2012, la
Guinée équatoriale a adressé à la France deux notes verbales dans lesquelles elle réitérait que
l’immeuble faisait partie des locaux de sa mission diplomatique en France. La France, dans sa
réponse du 28 mars 2012, réaffirmait, pour sa part, que l’immeuble «ne saurait être considéré
comme relevant des locaux de la mission diplomatique dès lors qu’il n’a pas été reconnu comme tel
par les autorités françaises faute d’être affecté aux fins de la mission ou à la résidence du chef de
mission conformément à l’article 1
er
, alinéa i), … de la Convention de Vienne». Par notes verbales
des 25 avril et 2 mai 2012, la Guinée équatoriale et la France ont réitéré leurs positions.

L’un des juges d’instruction du Tribunal de grande instance de Paris a ordonné la «saisie
pénale immobilière» de l’immeuble le 19 juillet 2012. Les 27 juillet et 2 août 2012, la
Guinée équatoriale a adressé à la France deux notes verbales l’informant que ses services étaient, à
compter de cette date, installés au 42 avenue Foch à Paris, immeuble qu’elle utilisait désormais
pour l’accomplissement des fonctions de sa mission diplomatique. Dans une note verbale du 6 août
2012, la France a répondu que, l’immeuble en question ayant fait l’objet d’une ordonnance de
saisie pénale immobilière le 19 juillet 2012, elle ne pouvait, de ce fait, le reconnaître officiellement
comme étant, à compter du 27 juillet 2012, le siège de la chancellerie et que celle-ci était donc
toujours au 29 boulevard de Courcelles à Paris, seule adresse reconnue comme telle.

La Cour considère que les faits relatés montrent que, entre le 11 octobre 2011 et le 6 août
2012, la France a constamment objecté à la désignation de l’immeuble sis au 42 avenue Foch à
Paris comme faisant partie des locaux de la mission diplomatique de la Guinée équatoriale.
- 7 -
2. La question de savoir si l’objection de la France
a été communiquée en temps voulu (par. 90-92)
La Cour se penche ensuite sur la question de savoir si l’objection de la France a été
communiquée en temps voulu. Le 11 octobre 2011, la France a informé la Guinée équatoriale, en
des termes clairs et sans équivoque, qu’elle n’acceptait pas cette désignation. Elle a communiqué
sans délai son objection, une semaine exactement après que la Guinée équatoriale eut affirmé pour
la première fois que l’immeuble jouissait du statut de locaux de sa mission diplomatique, dans sa
note verbale du 4 octobre 2011. Dans celle du 17 octobre 2011, la Guinée équatoriale a de nouveau
affirmé que l’immeuble faisait partie des locaux de sa mission diplomatique, ajoutant qu’il abritait
aussi la résidence de sa déléguée permanente auprès de l’UNESCO et indiquant que l’intéressée
exercerait désormais également les fonctions de chargée d’affaires par intérim de sa mission
diplomatique en France. Dans sa note verbale du 31 octobre 2011, la France a répété qu’elle
objectait à la désignation par la Guinée équatoriale de l’immeuble comme faisant partie des locaux
de sa mission diplomatique en France.

Lorsque de nouvelles perquisitions ont été entamées dans l’immeuble sis au 42 avenue Foch
à Paris le 14 février 2012, la Guinée équatoriale a adressé à la France un certain nombre de
communications diplomatiques dans lesquelles elle faisait part de ses griefs au sujet des actions des
autorités françaises. Dans ses réponses, la France a de nouveau refusé de reconnaître le statut de
l’immeuble et a indiqué la procédure devant être suivie pour qu’un bien acquière le statut de locaux
d’une mission diplomatique. Les 9 et 12 mars 2012, la Guinée équatoriale lui a adressé deux notes
verbales dans lesquelles elle réaffirmait que l’immeuble faisait partie des locaux de sa mission
diplomatique en France. Cette dernière a de nouveau clairement rejeté cette prétention le 28 mars
2012. Le 25 avril 2012, la Guinée équatoriale a une nouvelle fois formulé sa revendication et, le
2 mai 2012, la France a répété son objection. Après la «saisie pénale immobilière» du 19 juillet
2012, la Guinée équatoriale a adressé à la France, les 27 juillet 2012 et 2 août 2012, deux autres
notes verbales affirmant que l’immeuble jouissait du statut de locaux de sa mission diplomatique ;
la France a répondu le 6 août 2012, refusant une nouvelle fois expressément de reconnaître que
l’immeuble faisait partie des locaux de la mission diplomatique de la Guinée équatoriale.
A la lumière de l’ensemble du dossier, la Cour note que la France a communiqué sans délai
son objection à la désignation de l’immeuble sis au 42 avenue Foch à Paris comme locaux de la
mission diplomatique de la Guinée équatoriale après la notification du 4 octobre 2011. La France a
par la suite constamment objecté à chaque assertion de la Guinée équatoriale voulant que cet
immeuble constituât les locaux de sa mission diplomatique, et a maintenu son objection à ce qu’il
fût désigné comme tel. La Cour considère que, dans les circonstances de la présente affaire, la
France a objecté en temps voulu à la désignation, par la Guinée équatoriale, de l’immeuble comme
locaux de sa mission diplomatique.
3. La question de savoir si l’objection de la France n’avait un caractère
ni arbitraire ni discriminatoire (par. 93-117)
La Cour en vient à présent à la question de savoir si l’objection de la France à la désignation
par la Guinée équatoriale de l’immeuble sis au 42 avenue Foch à Paris comme locaux de sa mission
diplomatique n’avait un caractère ni arbitraire ni discriminatoire.
La Cour estime que la France, au moment où elle a reçu la notification de la
Guinée équatoriale en date du 4 octobre 2011, disposait d’informations suffisantes pour fonder
raisonnablement sa conclusion concernant le statut de l’immeuble sis au 42 avenue Foch à Paris.
Outre qu’elle pouvait conclure au moment de la notification de la Guinée équatoriale que
l’immeuble n’était pas utilisé ni ne faisait l’objet de préparatifs en vue d’être utilisé à des fins
diplomatiques, la France avait un motif supplémentaire évident d’objecter à la désignation de cet
immeuble comme locaux de la mission diplomatique au 4 octobre 2011. L’immeuble avait fait
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l’objet de perquisitions juste quelques jours plus tôt dans le cadre d’une procédure pénale qui était
toujours en cours. La France pouvait donc raisonnablement supposer que des perquisitions
supplémentaires dans l’immeuble, ou d’autres mesures de contrainte, pourraient être nécessaires
avant que cette procédure fût achevée. En acceptant que la Guinée équatoriale affectât l’immeuble
à sa mission diplomatique et, partant, en assumant les obligations d’en garantir l’inviolabilité et
l’immunité prévues par la convention, la France aurait risqué d’entraver le bon fonctionnement de
sa justice pénale. A cet égard, la Cour relève que la Guinée équatoriale avait connaissance de la
procédure pénale en cours. En conséquence, elle savait ou ne pouvait pas ignorer, le 4 octobre
2011, que l’immeuble avait fait l’objet de perquisitions dans le cadre de la procédure pénale en
cours. La Cour relève que ce motif qui a conduit la France à objecter le 11 octobre 2011 a persisté
bien après cette date. Qu’il ait ou non été l’objet de préparatifs en vue d’être utilisé, ou ait été
utilisé, aux fins de la mission diplomatique de la Guinée équatoriale à un moment donné après le
27 juillet 2012, l’immeuble sis au 42 avenue Foch à Paris était toujours visé dans le cadre d’une
procédure pénale qui est encore pendante à ce jour. Lorsqu’elle a répété son objection dans sa note
verbale du 6 août 2012, la France s’est expressément référée à la saisie ordonnée au cours de ladite
procédure.
Dans ces conditions, la Cour conclut qu’il existait des motifs raisonnables pour que la France
objectât à la désignation par la Guinée équatoriale de l’immeuble comme locaux de sa mission
diplomatique. Ces motifs étaient connus ou auraient dû être connus de la Guinée équatoriale. A la
lumière de ces motifs, la Cour ne considère pas que l’objection de la France avait un caractère
arbitraire. En outre, la Cour est d’avis que la France n’était pas tenue de se concerter avec la
Guinée équatoriale avant de communiquer le 11 octobre 2011 sa décision de ne pas reconnaître à
l’immeuble le statut de locaux de la mission. En effet, la convention de Vienne n’impose à l’Etat
accréditaire aucune obligation de se concerter avec l’Etat accréditant avant de pouvoir objecter à la
désignation d’un immeuble comme locaux d’une mission diplomatique.

La Cour en vient à la question de savoir si la position de la France au sujet du statut de
l’immeuble a été incohérente. Elle relève que, dans toute la correspondance diplomatique invoquée
par la Guinée équatoriale, la France a constamment affirmé que l’acquisition du statut de locaux de
la mission était subordonnée à deux conditions : l’absence d’objection de la part de l’Etat
accréditaire et l’affectation effective des locaux à l’usage diplomatique.
La Cour observe que la France a maintenu son objection expresse à la désignation de
l’immeuble comme locaux de la mission diplomatique de la Guinée équatoriale bien après la note
verbale du 6 août 2012. Elle se réfère notamment à une note verbale du 2 mars 2017 dans laquelle
la France indiquait que, «[s]uivant sa position constante, [elle] ne consid[érait] pas l’immeuble
situé 42 avenue Foch à Paris 16
ème
comme faisant partie des locaux de la mission diplomatique de
la République de Guinée équatoriale en France».
Les exemples invoqués par la Guinée équatoriale, tels que l’obtention de visas au
42 avenue Foch à Paris ou la protection assurée à l’occasion d’événements susceptibles de donner
lieu à des atteintes à des personnes ou à des biens sur le territoire d’un Etat, tels que des
manifestations ou des élections présidentielles, ne démontrent pas que la France ait tacitement
reconnu l’immeuble en tant que «locaux de la mission» au sens de la convention.
En outre, les éléments de preuve n’établissent pas que la France a manqué d’objecter à la
désignation par un autre Etat accréditant d’un immeuble comme locaux de sa mission diplomatique
dans des circonstances comparables à celles de la présente affaire. En l’espèce, la
Guinée équatoriale n’a pas démontré que la France, en objectant à la désignation de l’immeuble sis
au 42 avenue Foch à Paris comme locaux de la mission diplomatique équato-guinéenne, a agi de
manière discriminatoire.
Enfin, la Cour note que le comportement de la France n’a pas privé la Guinée équatoriale de
ses locaux diplomatiques en France, car la Guinée équatoriale en disposait déjà ailleurs à Paris, au
- 9 -
29 boulevard de Courcelles, que la France reconnaît toujours officiellement comme les locaux de la
mission diplomatique de la Guinée équatoriale. Par conséquent, l’objection de la France au
déménagement de l’ambassade au 42 avenue Foch à Paris n’a pas empêché la Guinée équatoriale
de maintenir une mission diplomatique en France, ni de conserver les locaux diplomatiques dont
elle disposait déjà ailleurs à Paris. Cela constitue un facteur supplémentaire à l’encontre de la
conclusion qu’il y a eu arbitraire ou discrimination.

Sur la base de l’ensemble des considérations qui précèdent, la Cour estime que la France a
objecté à la désignation par la Guinée équatoriale de l’immeuble comme locaux de sa mission
diplomatique en temps voulu et que cette objection n’avait un caractère ni arbitraire ni
discriminatoire.

Pour l’ensemble de ces motifs, la Cour conclut que l’immeuble sis au 42 avenue Foch à Paris
n’a jamais acquis le statut de «locaux de la mission» au sens de l’alinéa i) de l’article premier de la
convention.
IV. EXAMEN DES CONCLUSIONS FINALES DE LA GUINÉE ÉQUATORIALE
(PAR. 119-125)
La Cour ayant conclu que l’immeuble sis au 42 avenue Foch à Paris n’a jamais acquis le
statut de «locaux de la mission» au titre de la convention de Vienne, les actes dont la
Guinée équatoriale tire grief ne peuvent constituer un manquement de la France aux obligations
que lui fait cette convention. En conséquence, la Cour ne peut faire droit à la demande de la Guinée
équatoriale la priant de dire que la France est tenue de lui fournir réparation pour le préjudice
causé.
La Cour rappelle que l’objection d’un Etat accréditaire à la désignation d’un bien comme
faisant partie des locaux d’une mission diplomatique étrangère empêche ce bien d’acquérir le statut
de «locaux de la mission» au sens de l’alinéa i) de l’article premier de la convention de Vienne, dès
lors que cette objection a été communiquée en temps voulu et n’a de caractère ni arbitraire ni
discriminatoire. La Cour a conclu que l’objection de la France dans la présente affaire satisfaisait à
ces conditions. Compte tenu de ces conclusions, la Cour ne peut faire droit à la demande de la
Guinée équatoriale tendant à ce qu’elle déclare que la France est tenue de reconnaître à l’immeuble
le statut de locaux de la mission diplomatique équato-guinéenne.
V. DISPOSITIF (PAR. 126)

Par ces motifs,
LA COUR,

1) Par neuf voix contre sept,
Dit que l’immeuble sis au 42 avenue Foch à Paris n’a jamais acquis le statut de «locaux de la
mission» de la République de Guinée équatoriale en République française au sens de l’alinéa i) de
l’article premier de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques ;
POUR : MM. Tomka, Abraham, Bennouna, Cançado Trindade, Mme Donoghue,
MM. Crawford, Gevorgian, Salam, Iwasawa, juges ;
CONTRE : M. Yusuf, président ; Mme Xue, vice-présidente ; M. Gaja, Mme Sebutinde,
MM. Bhandari, Robinson, juges ; M. Kateka, juge ad hoc ;
- 10 -

2) Par douze voix contre quatre,
Déclare que la République française n’a pas manqué aux obligations qui lui incombent au
titre de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques ;
POUR : M. Yusuf, président ; MM. Tomka, Abraham, Bennouna, Cançado Trindade,
Mme Donoghue, M. Gaja, Mme Sebutinde, MM. Crawford, Gevorgian, Salam, Iwasawa,
juges ;
CONTRE : Mme Xue, vice-présidente ; MM. Bhandari, Robinson, juges ; M. Kateka,
juge ad hoc ;

3) Par douze voix contre quatre,

Rejette le surplus des conclusions de la République de Guinée équatoriale.
POUR : M. Yusuf, président ; MM. Tomka, Abraham, Bennouna, Cançado Trindade,
Mme Donoghue, M. Gaja, Mme Sebutinde, MM. Crawford, Gevorgian, Salam, Iwasawa,
juges ;
CONTRE : Mme Xue, vice-présidente ; MM. Bhandari, Robinson, juges ; M. Kateka,
juge ad hoc.
*
M. le juge YUSUF, président, joint à l’arrêt l’exposé de son opinion individuelle ;
Mme la juge XUE, vice-présidente, joint à l’arrêt l’exposé de son opinion dissidente ;
M. le juge GAJA joint une déclaration à l’arrêt ; Mme la juge SEBUTINDE joint à l’arrêt l’exposé de
son opinion individuelle ; MM. les juges BHANDARI et ROBINSON joignent à l’arrêt les exposés de
leur opinion dissidente ; M. le juge ad hoc KATEKA joint à l’arrêt l’exposé de son opinion
dissidente.

___________

Annexe au résumé 2020/4
Opinion individuelle de M. le juge Yusuf, président

S’il s’associe aux deuxième et troisième points du dispositif de l’arrêt, le président a voté
contre le premier point, dans lequel la Cour constate que «l’immeuble sis au 42 avenue Foch à
Paris n’a jamais acquis le statut de «locaux de la mission» ... au sens de l’alinéa i) de l’article
premier de la convention de Vienne» sur les relations diplomatiques (ci-après la «CVRD»). Selon
lui, cette conclusion est erronée. Elle n’est pas fondée sur une interprétation et une application
correctes de l’alinéa i) de l’article premier ni d’aucune autre disposition de la CVRD. Elle ne
découle même pas du raisonnement juridique suivi dans l’arrêt. Il est dit dans l’arrêt que les
dispositions de la CVRD «n’aident pas» à apprécier les circonstances dans lesquelles un bien
acquiert le statut de «locaux de la mission», tandis que l’alinéa i) de l’article premier y est
considéré comme «n’aid[ant] nullement» à déterminer comment un immeuble peut en venir à être
utilisé aux fins d’une mission diplomatique. Le président pose donc la question suivante : si
l’alinéa i) de l’article premier n’aide nullement à procéder à une telle détermination, comment
peut-il servir de base à la conclusion du dispositif indiquant que l’immeuble n’a jamais acquis le
statut de «locaux de la mission» ?

Selon le président, l’arrêt ne permet en rien d’apprécier le sens des termes
«bâtiments ... utilisés aux fins de la mission» figurant à l’alinéa i) de l’article premier, et l’on n’y
trouve pas la moindre velléité d’appliquer ce sens aux circonstances particulières de cette affaire.
Pour le président, la Cour aurait dû, conformément aux règles coutumières d’interprétation des
traités, interpréter la définition figurant à l’alinéa i) de l’article premier dans son contexte et à la
lumière de son objet et de son but, afin de déterminer, à titre liminaire, si l’immeuble sis au
42 avenue Foch à Paris était «utilisé aux fins de la mission». Cette approche est étayée par la
pratique des cours et tribunaux nationaux et internationaux qui ont examiné le statut de locaux
diplomatiques par le passé. Au lieu de cela, l’arrêt dévie vers l’exigence jusqu’ici inconnue d’un
«accord préalable» ou le «pouvoir d’objecter» de l’Etat accréditaire, qui ne trouvent aucun
fondement dans le texte de la convention. Ces nouvelles conditions ne sont pas accréditées par la
pratique ultérieure des parties à la convention de Vienne, ni par le droit coutumier ou toute autre
source de droit international. Elles sont en outre susceptibles de générer à l’avenir des malentendus
et des tensions inutiles dans l’application aux locaux diplomatiques du droit séculaire des relations
diplomatiques. De plus, les critères proposés par la Cour pour l’exercice de ce «pouvoir d’objecter»
ne sont ni clairs ni bien définis.

Selon le président, une appréciation correcte des faits aurait dû amener à la conclusion que
l’immeuble sis au 42 avenue Foch à Paris a acquis le statut de «locaux de la mission» à compter du
27 juillet 2012, après que des agents des autorités françaises s’étaient introduits à diverses reprises
dans les locaux pour y réaliser des perquisitions. Par conséquent, ces mesures ne pouvaient pas
constituer une violation du paragraphe 1 de l’article 22 de la convention. Les mesures ultérieures de
saisie et de confiscation ne pouvaient pas non plus constituer une violation du paragraphe 3 de
l’article 22 de la convention, puisqu’elles ne portaient que sur la propriété de l’immeuble qui,
conformément à l’alinéa i) de l’article premier, est indifférente pour le statut de «locaux de la
mission».
Opinion dissidente de Mme la juge Xue, vice-présidente

1. La vice-présidente est en désaccord avec la décision de la Cour, pour des raisons qui
tiennent principalement à sa position au sujet de la compétence. Selon elle, la question du statut de
l’immeuble sis au 42 avenue Foch à Paris fait partie intégrante du différend des Parties relatif aux
immunités juridictionnelles des hauts fonctionnaires et biens d’Etat de la Guinée équatoriale
vis-à-vis de la justice française. La vice-présidente regrette que, en restreignant le champ de sa
compétence en la présente affaire, la Cour ait éludé certains aspects cruciaux du différend entre les
Parties. A son sens, le point de savoir si l’immeuble sis au 42 avenue Foch à Paris est devenu
- 2 -
propriété de l’Etat de Guinée équatoriale par le transfert de sa propriété n’est pas ici une simple
question de droit français ; il s’agit en définitive des droits et obligations dont les Etats sont
titulaires en droit international dans la conduite des procédures pénales concernant un Etat étranger
ou ses biens.

2. A cet égard, la vice-présidente attache de l’importance à deux éléments : la transaction
intervenue au sujet de l’immeuble entre M. Teodoro Nguema Obiang Mangue et la République de
Guinée équatoriale, et le droit de cette dernière de désigner cet immeuble en tant que locaux de sa
mission diplomatique. A propos du premier élément, la vice-présidente relève que les justificatifs
produits par la Guinée équatoriale montrent que la transaction a été dûment réalisée au regard du
droit français. Il ressort clairement des faits que l’objection persistante de la France à la demande
de la Guinée équatoriale visant à désigner l’immeuble en cause comme locaux de sa mission
n’avait guère de rapport avec les circonstances et conditions dans lesquelles un bien peut acquérir
le statut diplomatique, mais était liée à la controverse qui s’était fait jour entre les Parties s’agissant
des poursuites pénales en cours à l’encontre de M. Teodoro Nguema Obiang Mangue.

3. Pour ce qui est du second élément, la vice-présidente fait observer que les actes officiels
des autorités françaises concernant l’enregistrement de la cession des droits sociaux liés à
l’immeuble et le prélèvement de l’impôt sur la plus-value ont porté la Guinée équatoriale à penser,
de manière raisonnable, qu’elle avait acquis la propriété de l’immeuble. Si elle entendait maintenir
ce bien dans le domaine privé, la France aurait dû couper court à la transaction afin de signifier
clairement à la Guinée équatoriale le statut de l’immeuble. Outre ces actes officiels de ses autorités,
la France n’a, à aucun moment de la procédure, mis en doute l’authenticité de la cession de
l’immeuble entre M. Teodoro Nguema Obiang Mangue et la Guinée équatoriale. Pour la
vice-présidente, le différend entre les Parties concernant le statut de l’immeuble tient à la propriété
de celui-ci. Tout d’abord, la motivation avancée par la France à l’appui de son objection à la
demande de la Guinée équatoriale portait directement sur la propriété de l’immeuble, puisqu’elle
indiquait expressément que le bâtiment «rel[evait] du domaine privé». Ensuite, la question de la
propriété a influé sur le comportement de la France à l’égard de l’immeuble. Si elle ne détermine
pas le statut de mission diplomatique, la propriété des locaux, lorsqu’elle est détenue par l’Etat
accréditant, ouvre toutefois droit à la protection prévue par la convention de Vienne sur les
relations diplomatiques (ci-après la «convention de Vienne» ou la «convention») ainsi que par les
règles coutumières relatives aux immunités juridictionnelles de l’Etat et de ses biens. Dans la
présente affaire, ces règles auraient pu entrer en jeu lors de l’examen de la licéité des mesures de
contrainte imposées par la justice française au sujet de l’immeuble, si la question de la propriété
avait été dûment analysée.

4. En ce qui concerne l’interprétation de la convention de Vienne, la vice-présidente convient
avec la majorité que les dispositions de celle-ci ne précisent pas à quel moment et dans quelles
conditions un bien acquiert le statut de «locaux de la mission», au sens de l’alinéa i) de son article
premier, et commence à bénéficier des privilèges et immunités y énoncés. Eu égard à l’objet et au
but de la convention, l’Etat accréditant ne peut imposer unilatéralement son choix de locaux à
l’Etat accréditaire. La vice-présidente est toutefois en désaccord avec le raisonnement de la Cour
qui tend à laisser entendre que, par son objection persistante à la désignation proposée par l’Etat
accréditant, l’Etat accréditaire et lui seul aurait le dernier mot.

5. La vice-présidente souligne que le principe fondamental de droit international contenu
dans le préambule de la convention, à savoir le principe de l’égalité souveraine, constitue le
fondement juridique du droit international régissant les relations diplomatiques. C’est de manière
mutuelle que les Etats s’octroient et bénéficient des privilèges et immunités diplomatiques, pour
«importants» ou «lourds» de conséquences qu’ils soient. L’établissement de missions
diplomatiques permanentes, pour servir les objectifs consistant à maintenir la paix et la sécurité et à
favoriser les relations d’amitié entre les pays, doit être fondé sur le respect mutuel des principes de
la souveraineté des Etats et de l’égalité de traitement. Bien que la désignation des locaux des
missions diplomatiques obéisse dans une large mesure à la pratique des Etats, compte tenu des
- 3 -
circonstances propres à chacun d’eux, seules la coopération et la consultation peuvent, en vertu du
principe de l’égalité souveraine, permettre de parvenir à une solution mutuellement acceptable.

6. La vice-présidente relève que, dans la présente affaire, la France n’a pas produit
d’éléments attestant de manière convaincante que sa pratique consiste à exiger systématiquement
son consentement préalable pour qu’un immeuble puisse acquérir le statut diplomatique. En outre,
son refus répété de l’affectation sollicitée par la Guinée équatoriale ne tient pas tant à cette
procédure elle-même qu’aux poursuites pénales contestées.

7. De l’avis de la vice-présidente, le statut de l’immeuble en question étant l’objet même du
différend des Parties concernant les immunités des biens d’Etat, un examen général des
circonstances dans lesquelles un bien acquiert le statut diplomatique ne répond pas à la véritable
question au cœur de la présente affaire. La question déterminante ici n’est pas de savoir si la
France, en tant qu’Etat accréditaire, avait le droit souverain d’objecter au choix de locaux
diplomatiques fait par la Guinée équatoriale ; il s’agit de savoir si elle a indûment exercé sa
juridiction en imposant des mesures de contrainte à l’encontre d’un bien d’Etat de la
Guinée équatoriale.

8. La vice-présidente note que la Cour reconnaît que la manière dont l’Etat accréditaire élève
son objection à la désignation de locaux diplomatiques par l’Etat accréditant doit satisfaire à trois
critères, à savoir la communication en temps voulu, le caractère non arbitraire et l’absence de
discrimination. S’agissant du premier critère, relatif à la communication en temps voulu, il ne fait
selon elle aucun doute que, chaque fois que la Guinée équatoriale a informé le service du protocole
du ministère français des affaires étrangères de sa désignation ou de son utilisation de l’immeuble
en tant que locaux de sa mission diplomatique, le ministère a objecté sans délai.

9. Toutefois, la vice-présidente fait observer que, lorsqu’elle examine la question de savoir si
l’objection de la France avait un caractère arbitraire, la Cour fonde son raisonnement sur un
postulat erroné, à savoir que les poursuites pénales visant M. Teodoro Nguema Obiang Mangue et
les mesures de contrainte contre l’immeuble n’étaient pas en litige entre les Parties. Du point de
vue de la vice-présidente, ce raisonnement est totalement déséquilibré. Il met en évidence que la
question de l’objection de la France à la désignation par la Guinée équatoriale de l’immeuble
comme locaux de sa mission diplomatique ne peut être dissociée de celle des immunités des biens
d’Etat dans le cadre des poursuites pénales. A l’époque où la Guinée équatoriale a demandé pour la
première fois l’affectation de l’immeuble à sa mission diplomatique, la France a objecté pour la
raison précise de maintenir l’immeuble sous le coup de mesures de contrainte aux fins de la
procédure pénale en cours. La vice-présidente considère également que la Cour est allée à
l’encontre de l’objet et du but de la convention en déclarant que la France n’était nullement tenue,
au regard de cet instrument, de consulter la Guinée équatoriale lorsqu’elle a décidé de refuser de
laisser celle-ci désigner le bâtiment comme locaux de sa mission diplomatique.

10. La vice-présidente considère que, pour déterminer si la France a agi de manière
discriminatoire, point n’est besoin d’interroger la pratique de celle-ci à la recherche d’éventuels cas
comparables ; il suffit de rechercher si, en pareilles circonstances, tout autre Etat aurait été traité ou
accepté d’être traité par elle de la même façon. A ce propos, la vice-présidente relève que, pendant
près de quatre ans, c’est-à-dire du 27 juillet 2012 (date à laquelle la Guinée équatoriale a
effectivement installé sa mission dans l’immeuble) jusqu’au 13 juin 2016 (date à laquelle la
demanderesse a institué la présente instance contre la France devant la Cour), l’ambassade de
Guinée équatoriale a utilisé l’immeuble pour l’accomplissement des fonctions officielles de la
mission diplomatique, mais sans bénéficier du statut et de la protection correspondants. Dans
l’intervalle, des mesures de contrainte, notamment de saisie et de confiscation, ont été prises à
l’encontre de l’immeuble. Aux yeux de la vice-présidente, une telle situation ne peut être
considérée comme normale sur le plan diplomatique ; il ne s’agit pas non plus de la relation que
l’on attendrait entre deux Etats souverains égaux. Ces éléments, en eux-mêmes, démontrent que le
fait d’accorder une place trop importante au pouvoir d’objection de l’Etat accréditaire risque de
- 4 -
rompre le fragile équilibre que la convention de Vienne a su établir entre l’Etat accréditant et l’Etat
accréditaire.
Déclaration de M. le juge Gaja

Le juge Gaja considère que, nonobstant l’objection de la France, l’immeuble sis au
42 avenue Foch à Paris a acquis le statut de locaux de la mission diplomatique de la Guinée
équatoriale. De son point de vue, le consentement exprès ou tacite de l’Etat accréditaire n’est
nullement requis à cet effet par la convention de Vienne sur les relations diplomatiques, dont
l’article premier ne fait aucune référence à un tel consentement lorsqu’il définit les locaux de la
mission en son alinéa i). Le fait que l’article 12 exige «au préalable le consentement exprès» de
l’Etat accréditaire quand l’immeuble est situé en dehors de la capitale de celui-ci vient encore, aux
yeux du juge Gaja, conforter l’idée que le consentement n’est pas nécessaire dans le cas, de loin le
plus fréquent, d’immeubles situés dans la capitale du pays.

Le juge Gaja fait observer que, si l’Etat accréditant doit respecter les lois et règlements de
l’Etat accréditaire, aucune question d’urbanisme ou de zonage pour raisons de sécurité n’a été
soulevée dans la présente affaire ; la France ne figure en outre pas au nombre des Etats qui ont
adopté des lois ou adressé des notes circulaires aux missions diplomatiques pour faire valoir que
l’Etat accréditaire avait le droit de refuser son consentement quant au choix de locaux
diplomatiques pouvant être fait à l’avenir par un Etat accréditant.

Partant, conclut le juge Gaja, la France était tenue de se conformer aux obligations découlant
de l’article 22 de la convention une fois que l’immeuble était utilisé en tant que mission
diplomatique de la Guinée équatoriale. Toutefois, selon lui, la Guinée équatoriale n’est parvenue à
établir l’existence d’aucun manquement supposé de la France à ces obligations.
Opinion individuelle de Mme la juge Sebutinde

La juge Sebutinde a voté contre le point 1 du dispositif de l’arrêt. De son point de vue,
l’immeuble sis au 42 avenue Foch à Paris a acquis le statut de «locaux de la mission» de la
Guinée équatoriale au sens de l’alinéa i) de l’article premier de la convention de Vienne sur les
relations diplomatiques (ci-après la «convention») le 27 juillet 2012, lorsque la Guinée équatoriale
a effectivement installé sa mission dans cet immeuble. A compter de cette date, la France était
tenue d’accorder à la mission équato-guinéenne dans l’immeuble la protection garantie par
l’article 22 de la convention.

Selon la convention, la propriété d’un immeuble n’a pas d’importance aux fins de déterminer
si celui-ci est susceptible de faire partie des locaux d’une mission. Or, la juge Sebutinde est d’avis
que le refus de la France de reconnaître à l’immeuble en cause le statut de locaux de la mission de
la Guinée équatoriale après le 27 juillet 2012 était fondé sur des considérations en rapport avec la
propriété ou le transfert de la propriété de l’édifice, plutôt qu’avec son utilisation par la
demanderesse à des fins étrangères à sa mission. Elle incline à penser, au vu des éléments
disponibles concernant l’existence d’une obligation d’obtenir le consentement préalable de l’Etat
accréditaire avant qu’un immeuble puisse être reconnu comme locaux d’une mission, que la France
a une pratique de «non-objection» voulant que l’Etat accréditaire se garde d’objecter de manière
déraisonnable pour se limiter au cas où l’immeuble n’est pas utilisé aux fins de la mission, ainsi
qu’il est prévu à l’article 3 de la convention.

L’immeuble en cause n’ayant acquis le statut de «locaux de la mission» qu’à la date du
27 juillet 2012, la juge Sebutinde estime que les mesures prises avant cette date par les autorités
françaises à l’égard de l’édifice, y compris les perquisitions, les saisies et l’ordonnance de saisie
pénale immobilière, ne peuvent être considérées comme étant en violation de l’article 22 de la
- 5 -
convention. La mesure de confiscation de l’immeuble ordonnée le 27 octobre 2017 et confirmée le
10 février 2020 n’emporte pas davantage violation de l’article 22 de la convention puisqu’elle
concerne le transfert de la propriété du bâtiment et n’a pas nécessairement d’incidence sur
l’utilisation de celui-ci en tant que locaux de la mission de la Guinée équatoriale. A cet égard, la
juge Sebutinde s’est associée à la majorité et a voté pour le point 2 du dispositif de l’arrêt.

Enfin, la juge Sebutinde regrette que l’arrêt n’approfondisse pas la question de l’abus de
droit qui était reproché à la Guinée équatoriale dans la présente affaire, faisant simplement allusion,
au paragraphe 66, au fait que le but des privilèges et immunités diplomatiques prévus par la
convention n’est pas d’avantager des individus, sans expliquer en quoi cette déclaration se rapporte
aux prétentions ou au comportement de la Guinée équatoriale. La juge Sebutinde estime, en
dernière analyse, que la Cour aurait dû constater expressément dans son arrêt l’absence de
circonstances exceptionnelles et déterminantes permettant de conclure à un abus de droit de la part
de la Guinée équatoriale.
Opinion dissidente de M. le juge Bhandari

1. Dans son opinion dissidente, le juge Bhandari expose qu’il ne peut se rallier à la
conclusion énoncée par la majorité au paragraphe 126 de l’arrêt. Ses réserves tiennent au critère, à
ses yeux insuffisant, selon lequel une objection de l’Etat accréditaire qui est communiquée en
temps voulu et n’a de caractère ni arbitraire ni discriminatoire peut empêcher un bien donné
d’acquérir le statut de locaux de la mission. De son point de vue, pareil critère amène
inexorablement à conclure qu’un bien pourrait ne jamais acquérir le statut diplomatique sans le
consentement de l’Etat accréditaire ; or, relève-t-il, ni la convention de Vienne sur les relations
diplomatiques de 1961 (ci-après la «convention de Vienne»), ni le droit coutumier n’imposent une
telle exigence. Le juge Bhandari adopte cette position sur le fondement des quatre considérations
ci-dessous.

2. Premièrement, le juge Bhandari se penche sur le concept de consentement mutuel et de
privilèges réciproques dans le cadre des relations et privilèges diplomatiques, tel qu’il est apparu
dans les pratiques et instruments antérieurs à la codification de la convention de Vienne. Il examine
ensuite les travaux de codification menés en 1957 par la Commission du droit international
(ci-après la «CDI») sur la question des relations et des immunités diplomatiques, ainsi que la
théorie de l’intérêt de la fonction étudiée dans les travaux de la CDI en tant que fondement de la
fonction diplomatique. Il prend également note des travaux que la conférence des Nations Unies
sur les relations et immunités diplomatiques a menés en 1961 dans ce contexte. Le préambule de la
convention de Vienne, rappelle-t-il, a été rédigé sur la base d’une proposition qui indiquait fort
utilement que les privilèges et immunités diplomatiques avaient pour but «d’assurer
l’accomplissement efficace des fonctions des missions diplomatiques», mettant ainsi l’intérêt de la
fonction au cœur de la vocation du régime de privilèges et d’immunités prévu par la convention de
Vienne. Le juge Bhandari estime que ce contexte historique fait clairement apparaître qu’aucune
règle de droit international coutumier préalablement établie ne requiert ni ne semble permettre
l’objection de l’Etat accréditaire à la désignation des locaux de la mission ; il précise qu’il sera
guidé, dans son analyse, par l’objectif consistant à assurer l’accomplissement efficace des fonctions
des missions diplomatiques.

3. Deuxièmement, le juge Bhandari examine l’objet et le but de la convention de Vienne. Ce
faisant, il s’intéresse particulièrement aux principes de l’égalité souveraine des Etats, du
développement de relations amicales entre les nations et du maintien de la paix et de la sécurité
internationales. Le principe de l’égalité souveraine met en exergue le droit de tous les Etats à
l’égalité sur le plan juridique, excluant toute supériorité de l’un sur l’autre. Le juge Bhandari se
penche ensuite sur la volonté de développer des relations amicales entre les nations, réaffirmée par
- 6 -
l’adoption de la résolution 2625 (XXV) de l’Assemblée générale, qui reflète elle-même le droit
international coutumier. Il ajoute que, en interprétant l’objet et le but de la convention de Vienne, il
doit accorder une attention particulière à la prévention des conflits et au règlement pacifique des
différends. Il souligne que le critère énoncé au paragraphe 74 de l’arrêt met en péril le subtil
équilibre entre les intérêts des Etats que l’objet et le but de la convention viennent établir, au risque
de favoriser la notion de supériorité juridique d’un Etat sur un autre en conférant au premier un
pouvoir discrétionnaire.

4. Troisièmement, le juge Bhandari signale que, selon l’article 2 de la convention de Vienne,
l’établissement des relations diplomatiques entre Etats se fait par consentement mutuel, et relève
que ladite convention n’exige nullement le consentement de l’Etat accréditaire pour que soient
établis les locaux de la mission. Partant, il regrette que le critère énoncé au paragraphe 74 ne reflète
pas le consentement mutuel. Le fait de permettre une objection a inévitablement pour conséquence
d’accorder au consentement de l’Etat accréditaire un rôle important dans l’établissement des
«locaux de la mission», ce qui ne rend pas compte de l’idée selon laquelle le droit de légation ne
peut être exercé sans l’accord des deux parties.

5. Quatrièmement, en appliquant les règles coutumières d’interprétation des traités
consacrées aux articles 31 et 32 de la convention de Vienne sur le droit des traités, le juge Bhandari
conclut que, dans les circonstances de l’espèce et sur la base des faits présentés, il peut être utile de
lire l’alinéa i) de l’article premier de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques
conjointement avec l’article 22 pour déterminer «quand et comment» un bien donné acquiert le
statut diplomatique au sens de celle-ci. Il s’appuie sur les distinctions faites dans les dispositions
relatives à l’accréditation des chefs de mission aux paragraphes 1 et 2 de l’article 4, au
paragraphe 1 de l’article 5 et à l’article 6 de la convention, qui prévoient expressément l’agrément
et l’opposition de l’Etat accréditaire. Il en conclut que les deux conditions cumulatives que sont la
notification par l’Etat accréditant puis l’usage effectif lui-même peuvent être un critère adéquat
pour déterminer quand et comment un bien acquiert le statut diplomatique. En conséquence, estime
le juge Bhandari, à compter du 27 juillet 2012, l’immeuble sis au 42 avenue Foch à Paris avait
acquis le statut de locaux de la mission diplomatique de la Guinée équatoriale.

6. Enfin, pour conclure, le juge Bhandari déclare que l’objection d’un Etat accréditaire au
choix des locaux de la mission, qu’elle soit ou non appréciée à l’aune de facteurs tels que la
communication en temps voulu et le caractère non arbitraire, ne traduit pas la conciliation d’intérêts
qu’exige la convention de Vienne. Elle ne témoigne pas non plus d’une attitude de bonne foi, dans
la mesure où une objection à la reconnaissance de l’existence de locaux d’une mission constituerait
un acte de mauvaise foi ainsi qu’une atteinte à la souveraineté d’un Etat partie à la convention de
Vienne. S’agissant de relations entre Etats souverains égaux, il semblerait erroné de considérer que
l’Etat accréditant n’a pas d’autre choix que de se plier aux souhaits de l’Etat accréditaire. Une
objection unilatérale de l’Etat accréditaire ayant pour effet d’empêcher d’office l’acquisition du
statut diplomatique risquerait d’entraîner un déséquilibre, au détriment de l’Etat accréditant. Ainsi,
la conséquence logique des vues de la majorité est que l’immeuble sis au 42 avenue Foch à Paris
n’acquerra jamais le statut de locaux de la mission diplomatique de la Guinée équatoriale. Compte
tenu des considérations examinées dans son opinion, le juge Bhandari estime qu’une telle
conséquence ne saurait entrer dans les prévisions du régime d’immunités et de privilèges établi
dans la convention de Vienne pour l’établissement des «locaux de la mission» et le développement
de relations amicales entre toutes les nations.
- 7 -
Opinion dissidente de M. le juge Robinson
Dans l’exposé de son opinion dissidente, le juge Robinson déclare être en désaccord avec
l’ensemble des conclusions énoncées dans le dispositif figurant au paragraphe 126 de l’arrêt. Selon
lui, les éléments soumis à la Cour établissent que l’immeuble sis au 42 avenue Foch a acquis le
statut de «locaux de la mission» au sens de l’alinéa i) de l’article premier de la convention de
Vienne sur les relations diplomatiques (ci-après la «convention de Vienne» ou la «convention»). En
conséquence, le juge Robinson affirme que, par ses mesures à l’égard de l’immeuble ⎯ entrée,
perquisitions, saisie et ordonnance de confiscation ––, la France n’a pas respecté l’inviolabilité que
confère l’article 22 de la convention à l’immeuble en question, en tant que «locaux de la mission».
Le juge Robinson se penche sur l’interprétation de la majorité selon laquelle la convention
de Vienne autorise la France, en tant qu’Etat accréditaire, à objecter et à faire échec unilatéralement
à la désignation par la Guinée équatoriale de l’immeuble sis au 42 avenue Foch comme «locaux de
la mission». Il décrit en outre la manière dont il conviendrait, à son sens, d’interpréter la
convention ainsi que les violations alléguées de celle-ci et les remèdes dus à raison de ces
violations.
Le juge Robinson estime que la question décisive en l’espèce est celle de savoir si
l’immeuble sis au 42 avenue Foch a acquis le statut de «locaux de la mission» au sens de l’alinéa i)
de l’article premier de la convention de Vienne. Selon lui, le raisonnement suivi par la majorité
consiste à soutenir que i) la convention de Vienne confère à l’Etat accréditaire le pouvoir d’objecter
à la désignation par l’Etat accréditant d’un immeuble comme «locaux de la mission», et que,
ii) puisqu’il existe dans la présente affaire des éléments attestant que la France a objecté en
plusieurs occasions à cette désignation par la Guinée équatoriale, l’immeuble n’a pas acquis le
statut de «locaux de la mission». Or, le juge Robinson n’est pas d’accord avec ce raisonnement
parce qu’il lui semble en découler que, même s’il existe des preuves claires d’activités
diplomatiques menées au 42 avenue Foch, lesquelles témoignent donc de son utilisation aux fins de
la mission, cet immeuble ne peut acquérir le statut de locaux de la mission si la France, en tant
qu’Etat accréditaire, objecte à ce que la Guinée équatoriale le désigne comme tel. A son sens, cette
proposition va à rebours du sens ordinaire de l’expression «utilisé aux fins de la mission». Le juge
Robinson fait valoir qu’un immeuble «utilisé aux fins de la mission» au sens de l’alinéa i) de
l’article premier de la convention de Vienne ne devrait pas se voir dénier le statut de «locaux de la
mission», et donc l’inviolabilité, du fait de l’objection de l’Etat accréditaire. Il estime qu’il est
erroné d’interpréter ainsi la convention. Selon lui, la définition des «locaux de la mission» n’est pas
soumise à une clause de «non-objection» ; autrement dit, rien dans la définition ne subordonne son
application à l’absence d’objection de la part de l’Etat accréditaire.

Le juge Robinson fait valoir que la France a raison de relever ce qu’elle appelle «la lettre
et ... l’esprit essentiellement consensuels de la convention de Vienne» et qu’il doit effectivement y
avoir un «lien de confiance» entre les Etats accréditant et accréditaire. A ses yeux, il s’agit là
d’éléments primordiaux pour bien interpréter et appliquer la convention, qui repose
fondamentalement sur la réciprocité et l’équilibre. Il estime toutefois que, en faisant l’amalgame
entre l’exigence du consentement de l’Etat accréditaire à la désignation par l’Etat accréditant d’un
immeuble comme locaux de la mission et le pouvoir de l’Etat accréditaire d’objecter à cette
désignation, la majorité prive de tout effet juridique la conclusion qu’elle tire au paragraphe 67 de
l’arrêt. De son point de vue, cette conclusion est irrationnelle, et donc invalide, puisque le
raisonnement de la majorité ne traduit aucune distinction entre les deux notions pourtant distinctes
que sont l’exigence du consentement de l’Etat accréditaire à la désignation des locaux de la mission
et le pouvoir de cet Etat d’objecter à une telle désignation. Selon lui, tandis que cette conclusion
fait référence au pouvoir de l’Etat accréditaire d’objecter à la désignation par l’Etat accréditant
d’un immeuble comme locaux de sa mission, la France a fait référence à plusieurs reprises au
consentement et à l’objection comme étant deux notions distinctes, et la thèse du demandeur a
consisté à répondre à l’argument selon lequel le consentement de la France en tant qu’Etat
accréditaire était requis aux fins de cette désignation. Il convient enfin de noter, de l’avis du
- 8 -
juge Robinson, que l’arrêt lui-même cite une pratique étatique qui atteste l’existence d’une
obligation d’obtenir le consentement de l’Etat accréditaire à cette désignation, et non d’un pouvoir
de l’Etat accréditaire d’objecter à pareille désignation. A ses yeux, cet amalgame de motifs distincts
prive la conclusion de la majorité de tout effet juridique.
Bien qu’il soit ici d’avis que la majorité n’a pas établi que la convention de Vienne confère à
l’Etat accréditaire le pouvoir d’objecter à la désignation par l’Etat accréditant d’un immeuble
comme locaux de la mission et que, en conséquence, point n’est besoin de rechercher si un tel
pouvoir discrétionnaire a été exercé de manière raisonnable, le juge Robinson relève que la
présente affaire illustre un exercice déraisonnable de ce pouvoir. En effet, tantôt la France fait
allusion à son pouvoir d’objecter à la désignation par la Guinée équatoriale d’un immeuble comme
locaux de la mission, tantôt elle allègue qu’une telle désignation est soumise à son consentement.
Cette incohérence traduit un exercice déraisonnable et arbitraire, par la France, de son pouvoir
discrétionnaire qui prive l’objection de tout effet juridique. Les objections de la défenderesse sur
lesquelles la majorité s’appuie pour parvenir à sa conclusion au paragraphe 67 n’étaient donc pas
valables, de sorte que la conclusion elle-même est dépourvue de toute validité.

Selon le juge Robinson, il existe en outre de solides arguments en faveur de la conclusion
selon laquelle la France a reconnu le statut diplomatique de l’immeuble sis au 42 avenue Foch
lorsque des responsables français, parmi lesquels la secrétaire d’Etat chargée du développement et
de la francophonie, s’y sont rendus afin d’obtenir des visas pour des visites en Guinée équatoriale.
Ce comportement vaut reconnaissance tacite. Bien que l’article 5 de la convention de Vienne sur
les relations consulaires recense la délivrance de visas comme une fonction consulaire, le
paragraphe 2 de l’article 3 de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques précise
qu’«[a]ucune [de ses] disposition[s] … ne saurait être interprétée comme interdisant l’exercice de
fonctions consulaires par une mission diplomatique». Ainsi, même si la liste non exhaustive des
fonctions d’une mission diplomatique dressée au paragraphe 1 de son article 3 ne comprend pas la
délivrance de visas, la convention de Vienne sur les relations diplomatiques autorise une mission
diplomatique à en accorder. Le juge Robinson estime que la majorité s’est contentée de formuler
des assertions à cet égard, puisqu’elle a simplement affirmé, au paragraphe 114 de l’arrêt, que «[l]a
Cour ne consid[érait] pas que l’obtention de visas au 42 avenue Foch à Paris permette de conclure
que ces locaux étaient reconnus comme ceux d’une mission diplomatique». Il est au contraire
d’avis que, dans les circonstances de la présente affaire, cette conclusion est erronée étant donné
que le comportement de la France n’emporte pas objection à la désignation par la
Guinée équatoriale de l’immeuble comme locaux de la mission, bien au contraire : il montre que
cette dernière a reconnu tacitement ladite désignation.

Le juge Robinson relève du reste que la majorité s’est abondamment fondée sur le préambule
pour parvenir à sa conclusion très lourde de conséquences au paragraphe 67 de l’arrêt. Or, il estime
que le préambule n’étaye pas une telle conclusion, ajoutant qu’il est d’ailleurs inhabituel que la
principale conclusion tirée dans un arrêt de la Cour repose essentiellement sur l’interprétation du
préambule d’un traité. Autre point pertinent à ses yeux, il ressort de la pratique des Etats qu’un
immeuble acquiert le statut de locaux de la mission lorsque son usage prévu aux fins de la mission
est suivi d’un usage effectif à ces fins. Selon le juge Robinson, au vu de cette pratique, l’immeuble
sis au 42 avenue Foch a acquis le statut de locaux de la mission le 4 octobre 2011, puisqu’il était
destiné à être utilisé aux fins de la mission à compter de cette date et qu’il a ensuite été
effectivement utilisé aux mêmes fins, à compter du 27 juillet 2012 au plus tard.

Le juge Robinson soutient que, à la lumière de l’équilibre qu’elle vise à établir entre les
intérêts des Etats accréditant et accréditaire, et compte tenu de ses objectifs consistant à favoriser
des relations amicales entre les nations, sur la base du respect du principe de l’égalité souveraine
des Etats, et à contribuer au maintien de la paix et de la sécurité internationales, la convention de
Vienne ne devrait pas, pour trancher la question de savoir si un immeuble a acquis le statut de
«locaux de la mission», être interprétée comme fondant l’Etat accréditant ou l’Etat accréditaire à
imposer sa volonté à l’autre Etat.
- 9 -

Selon le juge Robinson, la convention de Vienne établit un critère objectif permettant de
déterminer si un immeuble a le statut de «locaux de la mission» : il faut que celui-ci soit «utilisé
aux fins de la mission» ; il s’agit d’un critère pragmatique qui n’englobe pas le pouvoir de l’Etat
accréditaire d’objecter à la désignation par l’Etat accréditant d’un immeuble comme locaux de sa
mission. Le juge Robinson affirme qu’il y a lieu de rechercher s’il a été satisfait au critère
indépendamment des vues subjectives de l’Etat accréditant ou de l’Etat accréditaire quant au statut
de l’immeuble. A la lumière de ce critère objectif, il ne juge donc guère surprenant que la
convention de Vienne demeure muette sur les rôles respectifs des Etats accréditant et accréditaire
en matière de désignation des locaux de la mission.

Le juge Robinson pose ensuite la question suivante : «Comment convient-il alors de régler
un différend lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, les parties sont en désaccord sur cette
importante question ?» Il répond que, compte tenu de la relation qu’entretient la convention de
Vienne avec les trois buts et principes fondamentaux de la Charte des Nations Unies qui sont
énoncés dans son préambule, si désaccord il y a, celui-ci doit être réglé au moyen d’une
consultation menée de bonne foi entre les parties et, en cas d’échec, sur la base d’un règlement par
tierce partie. Il relève que, en l’espèce, la Guinée équatoriale a sollicité un règlement judiciaire sur
la base de la clause compromissoire qui figure dans le protocole de signature facultative concernant
le règlement obligatoire des différends qui accompagne la convention. Selon lui, la Cour devait
régler le différend conformément au critère objectif énoncé à l’alinéa i) de l’article premier de la
convention de Vienne et parvenir à sa décision en appliquant ledit critère, tout en tenant compte des
trois principes et buts fondamentaux mentionnés dans le préambule. Le juge Robinson affirme que,
dans les circonstances de la présente affaire, la Cour disposait d’éléments de preuve suffisants pour
conclure que, à l’époque pertinente, l’immeuble sis au 42 avenue Foch était utilisé aux fins de la
mission de la Guinée équatoriale. Aussi ne peut-il souscrire à la conclusion de la majorité selon
laquelle cet immeuble n’a jamais acquis le statut de «locaux de la mission».

Enfin, le juge Robinson conclut que les éléments de preuve présentés à la Cour établissent
que l’immeuble sis au 42 avenue Foch a acquis le statut de «locaux de la mission» au sens de
l’alinéa i) de l’article premier de la convention de Vienne le 4 octobre 2011 et que, en conséquence,
par ses mesures à l’égard de l’immeuble ⎯ entrée, perquisitions, saisie et ordonnance de
confiscation ––, la France n’a pas respecté l’inviolabilité que confère l’article 22 de la convention à
l’immeuble en question, en tant que «locaux de la mission».

Le juge Robinson achève son exposé en soulignant que son opinion reflète ses vues sur le
fond de la présente affaire portée par la Guinée équatoriale contre la France et qu’elle ne doit en
aucun cas être considérée comme reflétant ses vues sur le fond de l’affaire introduite par les
autorités françaises devant les juridictions de la France à l’encontre de M. Teodoro Nguema
Obiang Mangue.
Opinion dissidente de M. le juge ad hoc Kateka
Dans son opinion dissidente, le juge ad hoc Kateka exprime son désaccord avec la
conclusion de la Cour selon laquelle l’immeuble sis au 42 avenue Foch n’a jamais acquis le statut
de «locaux de la mission» de la République de Guinée équatoriale en République française au sens
de l’alinéa i) de l’article premier de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques
(ci-après la «CVRD» ou la «convention»). Il se dissocie également de la Cour lorsqu’elle dit que la
France n’a pas manqué aux obligations qui lui incombent au titre de la CVRD. En conséquence, il a
voté contre le dispositif du présent arrêt, figurant au paragraphe 126, y compris le point où il est
indiqué que la majorité rejette le surplus des conclusions de la République de Guinée équatoriale.
Le juge ad hoc Kateka estime que l’immeuble sis au 42 avenue Foch a bien acquis le statut de
mission diplomatique de la Guinée équatoriale et que la France a manqué aux obligations découlant
de la CVRD du fait des mesures de contrainte qu’elle a prises contre l’immeuble en question.
- 10 -

Le juge ad hoc Kateka ne souscrit pas au raisonnement de la majorité pour des raisons de
procédure et de fond. Il ne partage pas l’analyse de celle-ci lorsqu’elle voit dans la CVRD une
exigence relative au consentement de l’Etat accréditaire, alors que la convention est muette sur ce
point, et qu’elle fait abstraction de l’exigence relative à l’«usage» de l’immeuble, visée à l’alinéa i)
de l’article premier. A ce propos, il affirme que la Cour s’est excessivement appuyée sur le
préambule sous le prétexte d’interpréter l’objet et le but de la CVRD. Au fond, il examine les
circonstances dans lesquelles un bien peut acquérir le statut de «locaux de la mission» au sens de
l’alinéa i) de l’article premier de la convention. Il affirme à cet égard que l’arrêt passe sous silence
la condition relative à l’«usage» de l’immeuble énoncée dans cette disposition et qu’il privilégie la
condition du «consentement» ou de la non-objection de l’Etat accréditaire, qui, selon lui, n’a pas de
fondement dans la CVRD s’agissant de la condition requise pour qu’un bien acquière le statut de
«locaux de la mission». Il revient sur la conclusion de la majorité selon laquelle l’objection de la
France a été communiquée en temps voulu et avait un caractère non arbitraire et non
discriminatoire. De son point de vue, l’immeuble satisfait à la condition relative à l’«usage» de
l’immeuble énoncée à l’alinéa i) de l’article premier de la CVRD et a acquis le statut de locaux de
la mission de la Guinée équatoriale le 4 octobre 2011 et, en tout état de cause, avant le 27 juillet
2012. Enfin, le juge ad hoc Kateka formule des observations quant au sort des locaux
diplomatiques de la Guinée équatoriale une fois l’arrêt sur le fond rendu par la Cour.

En particulier, le juge ad hoc Kateka déplore d’abord que la majorité ait accordé une telle
importance au préambule, sachant que les préambules ont certes une influence normative sur le
sens à donner à un traité mais que cette influence est limitée. Il ajoute que le recours au seul
préambule aux fins de l’interprétation d’un traité, alors que ledit préambule n’est étayé par aucune
disposition particulière du traité, ne crée pas d’obligations de fond pour les parties au traité. Partant,
conclut-il, si les préambules sont utiles aux fins de l’interprétation des traités, il serait inopportun
de leur accorder un rôle tel qu’il modifierait le sens que les rédacteurs ont voulu donner aux traités.
Le juge ad hoc Kateka examine ensuite les exigences posées par la CVRD pour qu’un bien
acquière le statut de «locaux de la mission». Il est en désaccord avec la majorité lorsque celle-ci
affirme que le consentement ou la non-objection de l’Etat accréditaire sont requis pour qu’un
immeuble soit désigné aux fins d’une mission diplomatique, et avance à cet égard deux motifs
principaux. Premièrement, la convention n’apporte aucune précision quant à une telle exigence.
Elle ne subordonne nullement l’octroi du statut diplomatique au consentement ou à la
non-objection de l’Etat accréditaire. Deuxièmement, lorsque le consentement de l’Etat accréditaire
est requis, la convention l’indique expressément. Ainsi, l’exigence du consentement ou de la
non-objection de l’Etat accréditaire est expressément visée dans de nombreuses dispositions de la
CVRD, notamment le paragraphe premier de son article 5, ses articles 6 et 7, le paragraphe 2 de
son article 8, son paragraphe 12, son article 19, le paragraphe premier de son article 27 et son
article 46, qui énonce l’exigence du consentement ou de la non-objection de l’Etat accréditaire. Le
juge ad hoc Kateka fait observer en outre que la majorité élude la condition relative à l’«usage»
énoncée dans la convention. Cette condition est mentionnée aux paragraphes 107, 108 et 109 de
l’arrêt, où il est question de l’affectation réelle ou effective des locaux. Selon le
juge ad hoc Kateka, il s’agit là de références sommaires visant à étayer l’argument de la majorité
relatif au consentement ou à la non-objection de l’Etat accréditaire et à justifier les poursuites
pénales engagées en France à l’encontre de M. Teodoro Nguema Obiang Mangue. En conséquence,
le juge ad hoc Kateka déplore que soit invoqué de manière sélective le critère inexistant du
consentement ou de la non-objection de l’Etat accréditaire, notamment en tant qu’il est assorti du
critère ou de la règle afférents à leur caractère opportun, non arbitraire et non discriminatoire. Il est
également en désaccord avec l’avis de la majorité, qui estime que les privilèges et immunités
diplomatiques mettent à la charge de l’Etat accréditaire des obligations lourdes. Selon lui, la
réciprocité est au cœur de la pratique diplomatique. En conséquence, le juge ad hoc Kateka
considère que la majorité a tort de dire que les Etats accréditaires sont soumis à des obligations
lourdes ou pesantes, étant donné que chaque Etat est à la fois accréditant et accréditaire. De son
point de vue, les avantages dont bénéficient les missions diplomatiques sont compensés par les
sanctions que prévoit la CVRD.
- 11 -

Par ailleurs, le juge ad hoc Kateka estime infondée l’analogie qu’établit la majorité entre les
dispositions de l’article 9 de la CVRD relatives aux personae non gratae et l’absence de
mécanisme équivalent pour les locaux de la mission. Selon lui, la convention est un régime se
suffisant à lui-même qui vise des personnes, des locaux et des biens. Ce régime ne doit pas être
traité isolément mais considéré comme un ensemble cohérent. Partant, les sanctions pouvant être
appliquées par un Etat accréditaire à l’égard de personnes peuvent également servir à régler des
différends touchant des locaux ou des biens. Un Etat accréditaire peut rompre ses relations
diplomatiques avec un Etat accréditant qui ne respecterait pas les règles énoncées dans la CVRD. Il
peut aussi invoquer les dispositions relatives aux personae non gratae pour expulser les diplomates
d’un Etat qui contreviendrait au régime de la convention.

S’agissant de la condition relative à l’«usage» des locaux, le juge ad hoc Kateka affirme que
la majorité ne juge pas nécessaire de se prononcer sur la prétendue exigence relative à
l’«affectation effective» d’un immeuble pour déterminer si celui-ci bénéficie des protections
prévues par l’article 22. Selon lui, la majorité considère que, pour régler le différend entre les
Parties, il suffit de se pencher sur la question de savoir si l’objection de la France quant à la
désignation de l’immeuble sis au 42 avenue Foch comme locaux de la mission diplomatique de la
Guinée équatoriale «a été communiquée en temps voulu et n’avait un caractère ni arbitraire, ni
discriminatoire». Il est en désaccord avec cette approche, qui ne tient pas compte de la condition
relative à l’«usage» des locaux énoncée dans la CVRD, ainsi qu’avec l’adoption par la majorité du
critère du consentement ou de la non-objection de l’Etat accréditaire, sur lequel la convention est
muette. Il observe que la majorité adopte le critère du caractère non arbitraire et non discriminatoire
pour rationaliser l’invocation de la condition du «consentement», absente de la CVRD.

Le juge ad hoc Kateka relève que la majorité ne se livre pas à une interprétation détaillée de
l’alinéa i) de l’article premier de la CVRD. Selon lui, la définition énoncée dans cette disposition
n’est pas seulement descriptive. Le terme «utilisés» qui y figure précise l’une des conditions
requises aux fins de l’établissement des locaux de la mission. Il se rallie à la Guinée équatoriale
lorsqu’elle affirme que ce terme englobe les locaux affectés à des fins diplomatiques, c’est-à-dire
dont l’usage est prévu comme tel. La préparation afférente au choix des locaux d’une mission et à
leur réaménagement prenant parfois un certain temps, il rejette l’opinion selon laquelle l’affectation
«réelle» ou «effective» des locaux ne survient qu’après l’installation complète de la mission
diplomatique dans les locaux en question. Le juge ad hoc Kateka estime qu’un immeuble peut
bénéficier de l’immunité dès lors qu’il est prévu de l’utiliser à des fins diplomatiques et qu’il est
réellement utilisé comme tel par la suite. Il affirme que la condition relative à l’utilisation figurant à
l’alinéa i) de l’article premier de la convention de Vienne peut être interprétée de sorte à inclure
l’usage prévu d’une mission diplomatique, catégorie dont relèvent les actions menées par la
Guinée équatoriale pendant la période comprise entre le 4 octobre 2011 et le 27 juillet 2012.
Concernant le statut de l’immeuble sis au 42 avenue Foch à Paris, le juge ad hoc Kateka
examine les échanges tenus entre les Parties du 4 octobre 2011 au 27 juillet 2012. Il considère que
ces deux dates sont essentielles aux fins de la détermination du statut de l’immeuble. La Cour
s’étant déclarée incompétente à l’égard de l’immeuble sis au 42 avenue Foch en tant qu’il est la
propriété d’un Etat étranger au titre de la convention de Palerme, le juge ad hoc Kateka estime que
les demandes de la Guinée équatoriale portant sur la période antérieure au 4 octobre 2011
échappent à la compétence de la Cour et que les événements survenus avant cette date sont dénués
de pertinence et n’auraient pas dû être invoqués par la majorité.

Le juge ad hoc Kateka examine ensuite les actions de la France afin de déterminer si
l’objection de celle-ci a été communiquée en temps voulu et avait un caractère non arbitraire et non
discriminatoire. Il est d’avis que pareille règle est difficile à justifier et note que l’on est en droit de
se demander si la France a bien agi en temps voulu. A propos du caractère raisonnable ou non de
l’objection émise, il conclut qu’il ressort des circonstances de la présente espèce que la
Guinée équatoriale est victime d’un traitement injuste. Il relève en outre que des accusations d’abus
de droit ont été portées mais que la majorité ne s’y intéresse pas, ajoutant que la France ne saurait
- 12 -
échapper à des accusations d’agissements arbitraires et discriminatoires. Ainsi, les autorités
françaises ont accepté le versement d’impôts fonciers pour le bien sis au 42 avenue Foch alors
qu’elles n’avaient nullement l’intention de transférer le titre de propriété de l’immeuble à la
Guinée équatoriale.

Par ailleurs, indique-t-il, il convient d’admettre la date du 4 octobre 2011 comme étant celle
à partir de laquelle l’immeuble sis au 42 avenue Foch a été désigné comme locaux diplomatiques
de la Guinée équatoriale. La période comprise entre cette date et le 27 juillet 2012 a servi à la
préparation du transfert des locaux, autrefois sis au 29 boulevard de Courcelles, au 42 avenue Foch
à Paris. Le juge ad hoc Kateka observe que les autorités françaises, par leurs actions, ont maintes
fois reconnu l’immeuble sis au 42 avenue Foch comme étant la mission diplomatique de la
Guinée équatoriale. Il donne à cet égard plusieurs exemples. Selon lui, en tout état de cause, même
si la date du 4 octobre 2011 donne matière à controverse, nul ne saurait contester la date du
27 juillet 2012 comme étant celle à partir de laquelle la mission de la Guinée équatoriale sise au
42 avenue Foch a acquis son statut diplomatique. La France concède que sa non-reconnaissance de
l’immeuble et les saisies des biens qui s’y trouvaient sont antérieures au 27 juillet 2012. Elle ajoute
que depuis cette date, la Guinée équatoriale n’a jamais fait état d’incidents ayant pu affecter la paix
de l’immeuble. Selon le juge ad hoc Kateka, il s’agit là d’un consentement tacite et d’une
reconnaissance du statut diplomatique des locaux. Compte tenu de ce qui précède, conclut-il,
l’immeuble sis au 42 avenue Foch a acquis le statut de locaux de la mission de la
Guinée équatoriale en France le 4 octobre 2011 et la France enfreint les obligations que lui impose
la CVRD.

Enfin, lorsqu’il se penche sur le sort des locaux de la mission de la Guinée équatoriale sise
au 42 avenue Foch, le juge ad hoc Kateka fait remarquer que lesdits locaux ont été reconnus par la
Cour au titre de l’ordonnance en indication de mesures conservatoires rendue en décembre 2016 et
que la reconnaissance et la protection accordées à ce titre prendront fin à la date du présent arrêt sur
le fond. Il estime que le sort des locaux en question sera plus incertain au terme de la procédure de
pourvoi contre l’arrêt de la Cour d’appel en date du 10 février 2020. Il juge donc regrettable que la
Cour n’ait pas tranché cette question.

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Résumé de l'arrêt du 11 décembre 2020

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