Contre-mémoire de l'Etat du Qatar

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174-20190225-WRI-01-00-EN
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Note: Cette traduction a été établie par le Greffe à des fins internes et n’a aucun caractère officiel
15902
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
APPEL CONCERNANT LA COMPÉTENCE DU CONSEIL DE L’OACI EN VERTU
DE L’ARTICLE II, SECTION 2, DE L’ACCORD DE 1944 RELATIF
AU TRANSIT DES SERVICES AÉRIENS INTERNATIONAUX
(BAHREÏN, ÉGYPTE ET ÉMIRATS ARABES
UNIS c. QATAR)
CONTRE-MÉMOIRE DE L’ÉTAT DU QATAR
VOLUME I
25 février 2019
[Traduction du Greffe]
TABLE DES MATIÈRES
Page
CHAPITRE 1. INTRODUCTION .............................................................................................................. 1
I. Historique de la procédure ......................................................................................................... 1
II. Enoncé succinct des arguments du Qatar ................................................................................. 3
III. Structure du contre-mémoire du Qatar .................................................................................... 4
CHAPITRE 2. LES APPELANTS INVOQUENT LE «VÉRITABLE DIFFÉREND» COMME PRÉTEXTE
POUR SE SOUSTRAIRE À L’EXAMEN RIGOUREUX DE LEURS MESURES D’INTERDICTION ............... 7
I. Les appelants ont introduit leurs mesures en violation de l’accord de transit ........................... 8
II. Les appelants portent des accusations mensongères .............................................................. 15
A. Les allégations de soutien au terrorisme et à l’extrémisme avancées par les
appelants sont fausses ....................................................................................................... 15
B. Les allégations d’«ingérence» «systématique» du Qatar dans les affaires intérieures
des appelants sont fausses ................................................................................................. 22
C. Les allégations des appelants relatives à l’utilisation par le Qatar des médias pour
attiser la violence et la haine sont fausses ......................................................................... 26
CHAPITRE 3. LA COUR DEVRAIT REJETER LE DEUXIÈME MOYEN D’APPEL ...................................... 30
I. Le Conseil de l’OACI est habilité à exercer ses fonctions en matière de règlement des
différends «dans leur plénitude» ............................................................................................ 31
II. Le différend porté par le Qatar devant le Conseil de l’OACI survient «à propos de
l’interprétation ou de l’application» de l’accord de transit .................................................... 34
A. L’invocation par les appelants de contre-mesures en guise de défense n’a aucune
incidence sur la détermination du «véritable problème» en cause .................................... 35
B. La ligne de défense fondée sur les contre-mesures, quand bien même elle serait
pertinente, ne soustrait pas le différend à la compétence du Conseil ............................... 38
1. Les exposés du Qatar devant le Conseil de l’OACI montrent que l’objet du
différend entre manifestement dans les prévisions de l’accord de transit .................. 38
2. L’objet des demandes du Qatar concerne uniquement l’interprétation ou
l’application de l’accord de transit ............................................................................. 42
3. Le Conseil de l’OACI n’a pas à examiner au fond l’argument des contre-mesures
pour statuer dans cette affaire ..................................................................................... 45
III. Une décision du Conseil de l’OACI à l’égard des demandes du Qatar est pleinement
conforme au principe d’opportunité judiciaire ....................................................................... 51
CHAPITRE 4. LA COUR DEVRAIT REJETER LE TROISIÈME MOYEN D’APPEL DES APPELANTS ........... 54
I. Le Conseil a jugé à juste titre que le Qatar avait satisfait à l’obligation de négociation ......... 55
A. Le droit exige qu’il y ait véritable tentative de négociation en vue de régler le
différend ............................................................................................................................ 55
B. Le Qatar a véritablement tenté de négocier en vue de régler le différend ......................... 59
- ii -
1. Le Qatar a tenté sans succès de régler le différend par des moyens directs .................. 60
2. Le Qatar a tenté sans succès de régler le différend par l’intermédiaire de l’OACI ...... 69
3. Le Qatar a tenté sans succès de régler le différend par l’intermédiaire de l’OMC ....... 71
4. Le Qatar a tenté sans succès de régler le différend par le truchement d’Etats tiers ...... 73
II. Le Conseil de l’OACI a jugé à raison que la requête et le mémoire du Qatar étaient
conformes à l’alinéa g) de l’article 2 du Règlement de l’OACI ............................................ 76
CHAPITRE 5. LA COUR DEVRAIT REJETER LE PREMIER MOYEN D’APPEL DES APPELANTS ............... 79
I. La Cour n’a pas à statuer sur les vices de procédure allégués ................................................. 80
II. Le Conseil de l’OACI s’est acquitté comme il se doit de ses fonctions au titre de la
section 2 de l’article II de l’accord de transit et de l’article 84 de la convention de
Chicago .................................................................................................................................. 81
A. Les appelants ont eu tout loisir de plaider leur cause ........................................................ 81
1. Le Conseil a prolongé le délai dont disposaient les appelants pour déposer leur
premier mémoire en réponse ...................................................................................... 81
2. Le Conseil de l’OACI a donné aux appelants toutes les occasions possibles de
présenter leurs arguments par écrit ............................................................................. 82
3. Le Conseil a également donné aux appelants la possibilité de présenter un
exposé oral .................................................................................................................. 83
4. Le Conseil a rejeté à bon droit les exceptions préliminaires des appelants .................. 84
B. Les griefs des appelants relatifs à la procédure sont infondés ........................................... 85
1. L’absence de délibérations publiques sur les questions de fond en cause et
l’absence de motivation s’expliquent par la décision du Conseil de procéder à
un scrutin secret, comme prévu dans son règlement .................................................. 86
2. Les appelants se sont vu accorder suffisamment de temps pour présenter leurs
arguments devant le Conseil ....................................................................................... 89
3. La majorité requise par le Conseil de l’OACI pour statuer sur les exceptions
préliminaires était correcte ......................................................................................... 92
4. Le Conseil de l’OACI a rejeté à bon droit les deux exceptions préliminaires des
appelants ..................................................................................................................... 95
III. Les irrégularités de procédure alléguées n’ont pas constitué une atteinte
«fondamentale» aux «exigences d’une bonne procédure» ..................................................... 96
CONCLUSIONS .................................................................................................................................. 99
CERTIFICATION ............................................................................................................................... 100
LISTE DES ANNEXES ....................................................................................................................... 101
- iii -
GLOSSAIRE DES PRINCIPAUX TERMES, ABRÉVIATIONS
ET ACRONYMES
Affaire Inde c. Pakistan Appel concernant la compétence du Conseil de
l’OACI (Inde c. Pakistan), arrêt, C.I.J. Recueil 1972
Accord de transit Accord relatif au transit des services aériens
internationaux, Chicago, 7 décembre 1944
Appelants Le Royaume de Bahreïn, la République arabe
d’Egypte et les Emirats arabes unis
Arabie saoudite Le Royaume d’Arabie saoudite
Articles sur la responsabilité de
l’Etat
Projet d’articles sur la responsabilité de l’Etat pour
fait internationalement illicite
Bahreïn Le Royaume de Bahreïn
CCG Conseil de coopération du Golfe
CDI Commission du droit international
CMQ-B Appel concernant la compétence du Conseil de
l’OACI en vertu de l’article II, section 2, de l’accord
de 1944 relatif au transit des services aériens
internationaux (Bahreïn, Egypte et Emirats arabes
unis c. Qatar), contre-mémoire de l’Etat du Qatar,
25 février 2019
CNUDM Convention des Nations Unies sur le droit de la mer
Conseil de l’OACI Conseil de l’Organisation de l’aviation civile
internationale
Convention de Chicago Convention relative à l’aviation civile internationale,
Chicago, 7 décembre 1944
Convention de Vienne Convention de Vienne sur le droit des traités
Décision B du Conseil de l’OACI Décision rendue le 29 juin 2018 par le Conseil de
l’Organisation de l’aviation civile internationale
concernant l’exception préliminaire soulevée en
l’affaire opposant l’Etat du Qatar au Royaume de
Bahreïn, à la République arabe d’Egypte et aux
Emirats arabes unis (2017, requête B)
- iv -
Duplique B devant l’OACI Duplique de la République arabe d’Egypte, du
Royaume de Bahreïn et des Emirats arabes unis à la
réponse de l’Etat du Qatar aux exceptions
préliminaires des défendeurs au sujet de la requête B
de l’Etat du Qatar relative au désaccord découlant de
l’accord relatif au transit des services aériens
internationaux, signé à Chicago le 7 décembre 1944,
12 juin 2018
EAU Les Emirats arabes unis
Egypte La République arabe d’Egypte
Exceptions préliminaires B devant
l’OACI
Exceptions préliminaires de la République arabe
d’Egypte, du Royaume de Bahreïn et des Emirats
arabes unis au sujet de la requête B de l’Etat du Qatar
relative au désaccord découlant de l’accord relatif au
transit des services aériens internationaux, signé à
Chicago le 7 décembre 1944, 19 mars 2018
FIR Flight information region
Région d’information de vol
FMI Fonds monétaire international
GAFI Groupe d’action financière
Mémoire B devant l’OACI Mémoire joint à la requête B de l’Etat du Qatar,
Désaccord à propos de l’interprétation et de
l’application de l’accord relatif au transit des services
aériens internationaux (Chicago, 1944), 30 octobre
2017
NOTAM Avis aux navigateurs aériens
OACI Organisation de l’aviation civile internationale
OMC Organisation mondiale du commerce
Qatar L’Etat du Qatar
QNA Qatar News Agency
(Agence de presse gouvernementale du Qatar)
Règlement de l’OACI Règlement de l’OACI pour la solution des différends
de 1957
- v -
Réplique B devant l’OACI Réponse de l’Etat du Qatar aux exceptions
préliminaires des défendeurs au sujet de la requête B
de l’Etat du Qatar relative au désaccord à propos de
l’interprétation et de l’application de l’accord relatif
au transit des services aériens internationaux, signé à
Chicago le 7 décembre 1944, 30 avril 2018
Requête B devant l’OACI Requête B de l’Etat du Qatar, Désaccord à propos de
l’interprétation et de l’application de l’accord relatif
au transit des services aériens internationaux
(Chicago, 1944), 30 octobre 2017
Requête B devant la Cour Appel concernant la compétence du Conseil de
l’OACI en vertu de l’article II, section 2, de l’accord
de 1944 relatif au transit des services aériens
internationaux (Bahreïn, Egypte et Emirats arabes
unis c. Qatar), requête introductive d’instance
conjointe, 4 juillet 2018
TFTC Terrorist Financing Targeting Center
Centre de lutte contre le financement du terrorisme
UE L’Union européenne
CHAPITRE 1
INTRODUCTION
1.1. En application de l’ordonnance rendue par la Cour le 25 juillet 2018, l’Etat du Qatar
(ci-après le «Qatar») soumet respectueusement le présent contre-mémoire en réponse au mémoire
du Royaume de Bahreïn (ci-après «Bahreïn»), de la République arabe d’Egypte (ci-après
l’«Egypte») et des Emirats arabes unis (ci-après les «EAU») (ensemble, ci-après les «appelants»),
déposé le 27 décembre 20181.
1.2. Bien que la Cour en ait fixé la date limite de dépôt au 27 mai 2019, le Qatar a décidé de
soumettre son contre-mémoire avant cette échéance. Ce choix est motivé par l’urgence des
questions en litige, ainsi que par le caractère restreint de la procédure, qui se limite à un appel
d’une décision du Conseil de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) (ci-après le
«Conseil de l’OACI») statuant sur sa compétence.
I. HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE
1.3. Comme le Qatar l’expliquera plus en détail au chapitre 2, la présente affaire est née de
l’introduction soudaine par les appelants, le 5 juin 2017, de mesures de vaste portée faisant
interdiction à tous les aéronefs immatriculés au Qatar de voler à destination ou en provenance des
aéroports des appelants et de survoler leurs espaces aériens respectifs et leurs régions d’information
de vol (FIR) (ci-après les «mesures d’interdiction visant l’aviation»). Agissant en application de la
section 2 de l’article II de l’accord relatif au transit des services aériens internationaux (ci-après
l’«accord de transit»)2, le 30 octobre 2017, le Qatar a déposé devant le Conseil de l’OACI une
requête et un mémoire détaillant les violations de cet instrument commises par les appelants et
priant le Conseil de dire et juger que les mesures d’interdiction visant l’aviation étaient illicites3.
1.4. Le 19 mars 2018, les appelants ont soulevé deux exceptions préliminaires contestant la
compétence du Conseil de l’OACI pour connaître du différend4. En particulier, ils ont soutenu que :
1) s’il devait statuer sur le différend, le Conseil aurait à examiner des questions de droit
international n’entrant pas dans les prévisions de l’accord de transit (déterminer si les mesures
d’interdiction visant l’aviation constituent ou non des contre-mesures licites) (ci-après la «première
exception préliminaire») ; et 2) le Qatar n’avait pas respecté l’obligation de négociation énoncée à
la section 2 de l’article II de cet instrument (ci-après la «seconde exception préliminaire»).
1 Appel concernant la compétence du Conseil de l’OACI en vertu de l’article II, section 2, de l’accord de 1944
relatif au transit des services aériens internationaux (Bahreïn, Egypte et Emirats arabes unis c. Qatar), mémoire du
Royaume de Bahreïn, de la République arabe d’Egypte et des Emirats arabes unis, 27 décembre 2018 (ci-après
«MBEE»).
2 Accord relatif au transit des services aériens internationaux (1944), Nations Unies, Recueil des traités (ci-après
«RTNU»), vol. 84, p. 389, 7 décembre 1944, entré en vigueur le 30 janvier 1945 (ci-après l’«accord de transit»), art. 2
(MBEE, vol. II, annexe 2).
3 Requête B de l’Etat du Qatar, «Désaccord à propos de l’interprétation et de l’application de la section 2 de
l’article II de l’accord de transit (Chicago, 1944)», 30 octobre 2017 (ci-après la «requête B devant l’OACI») (MBEE,
vol. III, annexe 23).
4 Exceptions préliminaires de la République arabe d’Egypte, du Royaume de Bahreïn et des Emirats arabes unis
au sujet de la requête B de l’Etat du Qatar relative au désaccord découlant de l’accord relatif au transit des services
aériens internationaux, signé à Chicago le 7 décembre 1944 (19 mars 2018) (ci-après les «exceptions préliminaires B
devant l’OACI») (MBEE, vol. III, annexe 24).
1
2
- 2 -
A l’issue d’un échange complémentaire de notes et de plusieurs audiences5, le Conseil de l’OACI a
rendu sa décision le 29 juin 2018 rejetant les exceptions préliminaires des appelants par 18 voix
contre deux et cinq abstentions (ci-après la «décision B du Conseil de l’OACI»6).
1.5. Exerçant leur droit de faire appel devant la Cour des décisions du Conseil de l’OACI, tel
que prévu à la section 2 de l’article II de l’accord de transit, les appelants ont introduit la présente
instance par voie d’une requête conjointe datée du 4 juillet 2018 (ci-après la «requête B devant la
Cour»)7. Ils invoquent trois moyens d’appel. En l’espèce, les appelants prient la Cour de dire et
juger que :
 la décision B du Conseil de l’OACI est «nulle, non avenue» et doit être «infirmée» au motif
que la procédure suivie par le Conseil de l’OACI a «manifestement été ... conduite en
méconnaissance des principes fondamentaux que sont la régularité de la procédure et le respect
du droit d’être entendu» (ci-après le «premier moyen d’appel»)8 ;
 le Conseil de l’OACI a commis une erreur de fait et de droit en rejetant la première exception
préliminaire, dans la mesure où «s’il devait connaître du différend, [il] aurait à trancher des
questions ne relevant pas de sa compétence : pour se prononcer sur la licéité des
contre-mesures adoptées par les [appelants], notamment certaines restrictions de l’espace
aérien» (ci-après le «deuxième moyen d’appel»)9) ; et
 le Conseil de l’OACI a commis une erreur de fait et de droit en rejetant la seconde exception
préliminaire, dans la mesure où le Qatar n’avait pas respecté «la condition nécessaire préalable
à la compétence du Conseil, prévue à la section 2 de l’article II de l’accord de transit, et, par
renvoi, à l’article 84 de la convention de Chicago, exigeant qu’il ait d’abord cherché à régler
par voie de négociation le désaccord qui l’opposait aux [appelants] au sujet des restrictions de
l’espace aérien avant de soumettre ses demandes au Conseil…» (ci-après le «troisième moyen
d’appel»)10.
5 Réponse de l’Etat du Qatar aux exceptions préliminaires des défendeurs au sujet de la requête B de l’Etat du
Qatar relative au désaccord à propos de l’interprétation et de l’application de l’accord relatif au transit des services
aériens internationaux (Chicago, 1944), 30 avril 2018 (ci-après la «réplique B devant l’OACI») (MBEE, vol. IV,
annexe 25) ; duplique de la République arabe d’Egypte, du Royaume de Bahreïn et des Emirats arabes unis à la réponse
de l’Etat du Qatar aux exceptions préliminaires des défendeurs au sujet de la requête B de l’Etat du Qatar relative au
désaccord découlant de l’accord relatif au transit des services aériens internationaux, signé à Chicago le 7 décembre 1944
(12 juin 2018) (ci-après la «duplique B devant l’OACI») (MBEE, vol. IV, annexe 26) ; Conseil de l’OACI,
deux cent quatorzième session, procès-verbal sommaire de la 8e séance du 26 juin 2018, doc. C-MIN 214/8, 23 juillet
2018, par. 6 (MBEE, vol. V, annexe 53).
6 Décision rendue le 29 juin 2018 par le Conseil de l’Organisation de l’aviation civile internationale concernant
l’exception préliminaire soulevée en l’affaire opposant l’Etat du Qatar au Royaume de Bahreïn, à la République arabe
d’Egypte et aux Emirats arabes unis (2017, requête B) (ci-après la «décision B du Conseil de l’OACI») (MBEE, vol. V,
annexe 52).
7 Appel concernant la compétence du Conseil de l’OACI en vertu de l’article II, section 2, de l’accord de 1944
relatif au transit des services aériens internationaux (Bahreïn, Egypte et Emirats arabes unis c. Qatar), requête
introductive d’instance conjointe, 4 juillet 2018 (ci-après la «requête B devant la Cour»).
8 Ibid., par. 28, 30, 33 3).
9 Ibid., par. 20, al. i), 31.
10 Ibid., par. 20, al. ii), 32.
3
4
- 3 -
II. ENONCÉ SUCCINCT DES ARGUMENTS DU QATAR
1.6. Le Qatar démontrera dans les chapitres qui suivent l’absence de fondement des trois
moyens d’appel. En effet, dans l’arrêt rendu en 1972 en l’affaire de l’Appel concernant la
compétence du Conseil de l’OACI (Inde c. Pakistan) (ci-après «Inde c. Pakistan»), la Cour a rejeté
des arguments identiques au fond à ceux qu’avancent aujourd’hui les appelants dans leurs deux
premiers moyens.
1.7. A l’instar des appelants, l’Inde soutenait dans cette affaire que la décision du Conseil de
l’OACI était «viciée» par diverses irrégularités de procédure11. La Cour en a décidé autrement. Elle
a estimé que sa fonction de juridiction d’appel des décisions portant sur la compétence du Conseil
de l’OACI consistait à «dire si le Conseil [était] compétent en l’espèce»12. Pour ce faire, il lui
suffisait de répondre à «une question juridique objective» qui «ne saurait dépendre de ce qui s’est
passé devant le Conseil»13. Les irrégularités de procédure alléguées par l’Inde étaient donc dénuées
de pertinence. Cela vaut aussi pour celles qu’allèguent les appelants dans leur mémoire.
1.8. Le Qatar juge révélateur que les appelants ne mentionnent à aucun moment la partie,
dans l’arrêt rendu en l’affaire Inde c. Pakistan, qui a trait à la fonction de la Cour en tant juridiction
d’appel des décisions prises par le Conseil de l’OACI concernant sa propre compétence, et qui
invalide pleinement le premier moyen.
1.9. Tout comme les appelants, l’Inde avançait que le différend qui l’opposait au Pakistan
était «du domaine de l’affrontement politique entre deux Etats … et ces points d’affrontement
politique … ne relèvent pas de la compétence du Conseil»14. Là encore, la Cour a aisément rejeté
l’argument, soutenant que :
«On ne saurait considérer le Conseil comme privé de compétence du seul fait
que des données extérieures aux Traités pourraient être invoquées, dès lors que, de
toute façon, des questions relatives à l’interprétation ou à l’application de ceux-ci
entrent en jeu. Le fait qu’une défense au fond se présente d’une certaine manière ne
peut porter atteinte à la compétence du tribunal ou de tout autre organe en cause; sinon
les parties seraient en mesure de déterminer elles-mêmes cette compétence, ce qui
serait inadmissible. Comme on l’a déjà vu pour la compétence de la Cour, la
compétence du Conseil dépend nécessairement du caractère du litige soumis au
Conseil et des points soulevés, mais non pas des moyens de défense au fond ou
d’autres considérations qui ne deviendraient pertinentes qu’une fois tranchés les
problèmes juridictionnels.»15
11 Appel concernant la compétence du Conseil de l’OACI (Inde c. Pakistan), mémoire de l’Inde,
22 décembre 1971, par. 93.
12 Appel concernant la compétence du Conseil de l’OACI (Inde c. Pakistan), arrêt, C.I.J. Recueil 1972, par. 45. A
deux reprises par le passé, la Cour a estimé que la fonction de juridiction d’appel exigeait de dire si l’arbitre, en première
instance, avait bien ou mal jugé au fond. Voir Sentence arbitrale rendue par le roi d’Espagne le 23 décembre 1906
(Honduras c. Nicaragua), arrêt, C.I.J. Recueil 1960, p. 214 ; Sentence arbitrale du 31 juillet 1989 (Guinée-Bissau
c. Sénégal), arrêt, C.I.J. Recueil 1991, par. 24.
13 Appel concernant la compétence du Conseil de l’OACI (Inde c. Pakistan), arrêt, C.I.J. Recueil 1972, par. 45.
14 Appel concernant la compétence du Conseil de l’OACI (Inde c. Pakistan), mémoire de l’Inde, 22 décembre
1971, par. 79.
15 Appel concernant la compétence du Conseil de l’OACI (Inde c. Pakistan), arrêt, C.I.J. Recueil 1972, par. 27
(les italiques sont de nous).
5
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- 4 -
1.10. S’ils passent totalement sous silence l’aspect de l’arrêt rendu en l’affaire Inde
c. Pakistan qui réfute totalement leurs arguments d’ordre procédural, les appelants cherchent au
moins à accroire que la présente instance est différente de cette affaire-là. Ils soutiennent que les
«données extérieures» à l’accord de transit en l’espèce sont en quelque sorte à distinguer de celles
en jeu en l’affaire Inde c. Pakistan, car elles se rapportent au droit des contre-mesures (par
opposition au droit des traités qui intéresse les questions soulevées par l’Inde). Les raisons
expliquant la vanité de cet argument seront expliquées en détail au chapitre 3. Mais, comme il
ressort manifestement du texte suscité, le raisonnement invoqué par la Cour en l’affaire susnommée
est développé en termes généraux et fait clairement valoir qu’une «défense au fond», quelle qu’elle
soit, «ne peut porter atteinte à la compétence du tribunal ou de tout autre organe en cause».
1.11. Les appelants semblent espérer obtenir une décision autre que celle admise par la
jurisprudence de la Cour en présentant un argumentaire long  et hors de propos  au sujet du
soutien allégué du Qatar au terrorisme et de son ingérence dans leurs affaires intérieures, ce qui
conférerait aux mesures d’interdiction visant l’aviation le statut de contre-mesures licites. Non
seulement ces allégations ne sont pas fondées, comme nous le démontrerons amplement au
chapitre 2, mais elles sont aussi totalement hors sujet. Elles constituent néanmoins une défense au
fond qui «ne peut porter atteinte à la compétence» du Conseil de l’OACI.
1.12. L’argument final des appelants selon lequel le Qatar n’a pas respecté l’obligation de
négociation contenue à la section 2 de l’article II de l’accord de transit (et, par renvoi, à l’article 84
de la convention de Chicago16) ne convainc pas plus que les deux autres. Après avoir introduit sans
préavis les mesures d’interdiction visant l’aviation, les appelants ont déclaré sur-le-champ qu’il n’y
avait «rien à négocier» avec le Qatar17 et ont ensuite formulé des exigences auxquelles, selon ce
qu’ils ont affirmé (et affirment toujours), le Qatar doit satisfaire avant même qu’ils n’envisagent de
discuter de la levée des mesures. Ils ont répété à l’envi et avec emphase que ces exigences étaient
«non négociables». La jurisprudence de la Cour établit clairement que, dès lors qu’un Etat se heurte
à un tel refus de dialogue sur une quelconque question, il se trouve exonéré de son obligation de
négociation. Si un Etat va jusqu’à refuser de s’asseoir à la table des négociations, il ne sert à rien
d’insister sur des négociations.
1.13. En tout état de cause, le Qatar démontrera au chapitre 4 qu’il a, à de multiples reprises,
vraiment tenté de négocier avec les appelants dans diverses enceintes, y compris de façon directe,
dans le cadre institutionnel de l’OACI et par le truchement d’Etats tiers. Les appelants ont repoussé
une à une chacune de ces tentatives. L’insistance avec laquelle ils soutiennent aujourd’hui que le
Qatar n’a pas respecté l’obligation de négociation prévue par l’accord de transit est aussi cynique
qu’injustifiée.
III. STRUCTURE DU CONTRE-MÉMOIRE DU QATAR
1.14. Aux autres chapitres du présent contre-mémoire seront expliquées en détail toutes les
raisons pour lesquelles le recours formé conjointement par les appelants doit être rejeté. Plutôt que
d’examiner les moyens d’appel dans l’ordre dans lequel ils sont présentés dans le mémoire des
appelants, le Qatar examinera en premier lieu les deux exceptions préliminaires qui ont été
16 Convention relative à l’aviation civile internationale (1994), RTNU, vol. 15, p. 295, 7 décembre 1944, entrée en
vigueur le 4 avril 1947 (ci-après la «convention de Chicago»), art. 84 (MBEE, vol. II, annexe 1).
17 J. Gambrell, «Emirati diplomat to AP: «Nothing to negotiate» with Qatar», Associated Press, 7 juin 2017
(Appel concernant la compétence du Conseil de l’OACI en vertu de l’article II, section 2, de l’accord de 1944 relatif au
transit des services aériens internationaux (Bahreïn, Egypte et Emirats arabes unis c. Qatar), contre-mémoire de l’Etat
du Qatar (ci-après «CMQ-B»), vol. IV, annexe 72).
7
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- 5 -
soulevées devant le Conseil de l’OACI. Ainsi, il répondra d’abord au sujet du deuxième moyen
d’appel, qui reprend la première exception préliminaire, puis du troisième moyen d’appel, qui
reprend la seconde exception préliminaire. En dernier lieu sera examiné le premier moyen d’appel
relatif aux prétendues irrégularités de procédure.
1.15. Outre que cette séquence respecte l’ordre de présentation des différents éléments
devant le Conseil de l’OACI, le Qatar considère qu’elle est conforme à l’approche retenue par la
Cour en l’affaire Inde c. Pakistan. Dans la mesure où «dire si le Conseil est compétent en l’espèce»
se résume à «une question juridique objective» qui «ne saurait dépendre de ce qui s’est passé
devant le Conseil»18, les arguments des appelants sont entièrement suspendus aux deuxième et
troisième moyens d’appel. Par conséquent, le Qatar commencera par examiner ces derniers.
1.16. Le présent contre-mémoire est divisé en cinq chapitres, suivis des conclusions du
Qatar. A la suite de l’introduction, compte tenu de la mise en garde émise par la Cour en l’affaire
Inde c. Pakistan quant au fait que seuls doivent être portés à sa connaissance les éléments
pertinents pour l’instance19, le chapitre 2 rappelle le contexte factuel entourant l’introduction par
les appelants de mesures d’interdiction visant l’aviation en violation de l’accord de transit. Dans ce
chapitre est également dénoncée la fourberie des accusations sans fondement ni pertinence des
appelants concernant le prétendu soutien du Qatar au terrorisme et son ingérence dans leurs affaires
intérieures. De l’avis du Qatar, le fait que les appelants en soient réduits à présenter des
affirmations si aisément falsifiables pour tenter de justifier leurs mesures d’interdiction soulève de
sérieuses questions quant aux motivations qui sous-tendent toute leur ligne de conduite, y compris
leur choix de faire appel d’une décision manifestement sensée du Conseil de l’OACI.
1.17. Le chapitre 3 s’intéresse au deuxième moyen avancé par les appelants. Les tentatives
de ces derniers pour restreindre a priori la compétence du Conseil de l’OACI sont contredites par
le mandat de cet organe, chargé de remplir «dans leur plénitude» ses fonctions en matière de
règlement des différends lorsque des points d’interprétation ou d’application de l’accord de transit
font l’objet d’un litige  comme c’est le cas ici. La tentative transparente des appelants d’élargir le
différend en invoquant les contre-mesures en guise de ligne de défense ne saurait avoir d’incidence
sur la compétence du Conseil. S’ils étaient autorisés à agir de la sorte, cela aurait pour effet non
seulement d’accroître le risque d’abus inhérent au concept de contre-mesures, mais aussi de miner
tout entier le système de règlement international des différends.
1.18. Le constat est simple : les demandes du Qatar ne peuvent trouver de réponse sans qu’il
y ait interprétation ou application de l’accord de transit. En effet, tant la faculté par principe
d’invoquer des contre-mesures comme moyen de défense que la question de savoir si les conditions
nécessaires à leur mise en oeuvre étaient réunies sont deux questions qui relèvent incontestablement
de la compétence du Conseil de l’OACI. Par conséquent, l’invocation par les appelants d’une
défense fondée sur des contre-mesures ne saurait en aucune manière remettre en cause le fait que le
différend porté devant le Conseil a trait à l’interprétation et à l’application dudit accord. En
conclusion, ce chapitre montre qu’une décision du Conseil de l’OACI au sujet des demandes du
Qatar est pleinement conforme au principe d’opportunité judiciaire.
18 Appel concernant la compétence du Conseil de l’OACI (Inde c. Pakistan), arrêt, C.I.J. Recueil 1972, par. 45.
19 Ibid., par. 11 («la Cour n’a pas à s’occuper de ces différentes questions, pas plus qu’elle n’a à s’occuper du
fond du différend tel qu’il a été soumis au Conseil, des faits qui s’y rattachent ou des thèses des Parties à ce sujet, si ce
n’est dans la mesure où ces éléments peuvent concerner la question purement juridictionnelle qui seule a été portée
devant la Cour, à savoir celle de la compétence du Conseil pour statuer sur l’affaire»).
9
10
- 6 -
1.19. Au chapitre 4 sont expliquées les raisons pour lesquelles la Cour devrait rejeter le
troisième moyen avancé par les appelants. Il ressort du dossier de la procédure que le Qatar a
respecté l’obligation de négociation énoncée à la section 2 de l’article II de l’accord de transit, dans
la mesure où il a tenté, à de multiples reprises, par de multiples voies et dans de multiples
enceintes, de négocier avec les appelants au sujet de leurs mesures d’interdiction visant l’aviation,
pour se voir opposer systématiquement une fin de non-recevoir. De plus, contrairement à ce
qu’allèguent les appelants, le Qatar s’est conformé en bonne et due forme aux prescriptions de
l’alinéa g) de l’article 2 du Règlement de l’OACI pour la solution des différends (ci-après le
«règlement de l’OACI»).
1.20. Au chapitre 5 est démontrée l’absence de fondement des irrégularités de procédure
putatives dont les appelants font grief au Conseil de l’OACI. En premier lieu, conformément à la
décision rendue en l’affaire Inde c. Pakistan, la Cour n’a pas à statuer sur les griefs procéduraux
des appelants, car la décision du Conseil était objectivement correcte. En deuxième lieu, même si la
Cour décidait de statuer autrement qu’en l’affaire susmentionnée et d’examiner les griefs
procéduraux des appelants, le chapitre 5 établit clairement qu’aucune irrégularité n’est venue
entacher la procédure adoptée par le Conseil. Ce dernier a conduit la procédure et pris sa décision
conformément aux dispositions de l’accord de transit, au Règlement de l’OACI, au Règlement
intérieur du Conseil et à sa propre pratique. En outre, aucune des irrégularités procédurales
alléguées par les appelants dans leur mémoire ne constituait une atteinte fondamentale aux
exigences d’une procédure équitable.
11 1.21. Le présent contre-mémoire se referme sur les conclusions du Qatar.
- 7 -
CHAPITRE 2
LES APPELANTS INVOQUENT LE «VÉRITABLE DIFFÉREND» COMME PRÉTEXTE
POUR SE SOUSTRAIRE À L’EXAMEN RIGOUREUX
DE LEURS MESURES D’INTERDICTION
2.1. Le présent chapitre expose le contexte factuel entourant le différend relatif aux
violations de l’accord de transit commises par les appelants, lesquelles ont donné lieu à
l’introduction par le Qatar en octobre 2017 d’une requête devant le Conseil de l’OACI. Le Qatar y
réfute également les accusations mensongères portées contre lui par les appelants dans leur
mémoire, au sujet de prétendus manquements «en matière de lutte contre le terrorisme et
l’extrémisme», «discours haineux et … incitation [à la violence] diffusés … avec le soutien de
l’Etat» et «non-respect du principe de non-intervention»20.
2.2. Quoique réticent à cet égard, le Qatar a décidé de répondre à ces accusations. Il aurait pu
invoquer le fait qu’elles sont  pour reprendre les termes exacts utilisés par la Cour en l’affaire
Inde c. Pakistan  tout simplement sans rapport avec «la question purement juridictionnelle qui
seule a été portée devant la Cour»21. C’est l’approche que le Qatar a retenue quand les appelants
ont porté des accusations similaires devant le Conseil de l’OACI dans le but de justifier leur
première exception d’incompétence (introduite dans la présente instance dans le deuxième moyen
d’appel). Le Conseil n’a eu aucun mal à démêler le vrai du faux. Le Qatar est convaincu que la
Cour serait parvenue à la même conclusion, même sans l’éclairage d’un argument contraire.
2.3. Le Qatar choisit cette fois de répondre aux accusations uniquement pour protéger
l’intégrité de la procédure devant l’organe judiciaire principal des Nations Unies. Loin de
«confirmer la conclusion selon laquelle le différend est effectivement sans rapport avec la
navigation et le transport aériens»22, les accusations des appelants, cyniques (et facilement
démenties), ne font que souligner le caractère injustifiable des actions qu’ils entreprennent depuis
le 5 juin 2017.
2.4. Le présent chapitre examine ces points l’un après l’autre. La section I détaille
l’introduction illicite par les appelants de mesures d’interdiction visant l’aviation, en violation de
l’accord de transit, ainsi que les tentatives de dialogue engagées par le Qatar sous les auspices de
l’OACI pour atténuer les effets de ces mesures. La section II replace dans leur contexte les
allégations infondées des appelants quant aux supposées violations par le Qatar des accords de
Riyad et d’autres règles du droit international et met au jour leur vraie nature : elles ne sont qu’un
prétexte pour échapper à un examen rigoureux des mesures d’interdiction qui sont en cause dans la
présente affaire.
2.5. Avant d’aborder ces points, le Qatar rappelle que le Royaume d’Arabie saoudite
(ci-après l’«Arabie saoudite»), bien qu’il ne soit pas partie aux procédures en cours, a à tout
moment agi de concert avec les appelants, y compris en ce qui concerne les mesures d’interdiction
visant l’aviation. Dans le présent chapitre, le Qatar décrira donc également la conduite de l’Arabie
saoudite afin de donner à la Cour une vue d’ensemble aussi complète que possible de tous les
comportements pertinents.
20 Nombre de ces accusations mensongères et diffamatoires sont répétées dans les exposés écrits des appelants,
mais elles sont développées de manière plus détaillée dans le chapitre II de leur mémoire.
21 Appel concernant la compétence du Conseil de l’OACI (Inde c. Pakistan), arrêt, C.I.J. Recueil 1972, par. 11.
22 MBEE, par. 2.2.
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13
- 8 -
I. LES APPELANTS ONT INTRODUIT LEURS MESURES
EN VIOLATION DE L’ACCORD DE TRANSIT
2.6. Le 5 juin 2017 (10 ramadan 1438), les appelants ont décrété des mesures d’interdiction
générales prohibant à tous les aéronefs immatriculés au Qatar de voler à destination ou en
provenance de leurs aéroports, et de survoler leurs espaces aériens et leurs FIR23 24. Cette fermeture
sans précédent d’espaces aériens a été annoncée sans notification préalable (ce qui constitue en soi
une violation de l’accord de transit25), adressée par voie d’avis aux navigateurs aériens (NOTAM)
par les autorités de l’aviation civile respectives des appelants26.
2.7. L’Arabie saoudite a envoyé son premier NOTAM annonçant le retrait de l’autorisation
d’atterrissage des aéronefs immatriculés au Qatar dans les aéroports saoudiens à 4 h 42 le 5 juin27.
Le NOTAM aurait été en vigueur à partir de 4 h 35 le même jour (soit sept minutes avant son
émission)28. L’Arabie saoudite a envoyé un second NOTAM à 9 h 37 interdisant tout survol par les
aéronefs immatriculés au Qatar de l’«espace aérien saoudien» à compter du 6 juin, 0 h 129. Les
NOTAM suivants émis le 5 juin à 10 h 4 et à 11 h 41 faisaient obligation à tous les aéronefs
immatriculés en dehors de l’Arabie saoudite qui assurent des vols au départ ou en provenance des
23 Une région d’information de vol (FIR) est un espace aérien de dimensions définies à l’intérieur duquel le
service d’information de vol et le service d’alerte sont assurés. La gestion par un Etat d’une FIR ne préjuge aucunement
de l’exercice d’une quelconque souveraineté par cet Etat sur l’espace aérien qu’elle renferme. Voir Assemblée de
l’OACI, résolution A38-12 : Exposé récapitulatif de la politique permanente de l’AOCI et des règles pratiques relevant
spécifiquement du domaine de la navigation aérienne, doc. 10022 (entrée en vigueur le 4 octobre 2013), appendice G,
par. 7 («si le Conseil approuve des accords régionaux de navigation aérienne relatifs à la fourniture, par un Etat, des
services de la circulation aérienne dans l’espace aérien situé au-dessus de la haute mer, cela n’implique aucune
reconnaissance de souveraineté de cet Etat sur l’espace aérien considéré») (CMQ-B, vol. II, annexe 14).
24 Les mesures d’interdiction visant l’aviation s’inscrivent dans un ensemble de mesures destiné à rompre toutes
les relations entre les parties. En effet, le 5 juin 2017, les appelants ont, entre autres mesures, simultanément rompu toute
relation diplomatique avec le Qatar et fermé leurs frontières terrestres et maritimes avec ce dernier avec effet immédiat,
empêchant la circulation des personnes et les échanges commerciaux. Les appelants  Bahreïn et les EAU , ainsi que
l’Arabie saoudite, ont également sommé les résidents et visiteurs qatariens de quitter leurs territoires respectifs sous
quatorze jours. Voir Kingdom of Bahrain Ministry Foreign Affairs News Details, «Statement of the Kingdom of Bahrain
on the severance of diplomatic relations with the State of Qatar», 5 juin 2017 (MBEE, vol. V, annexe 73) ; exceptions
préliminaires B devant l’OACI, pièce jointe 6, «Declaration of the Arab Republic of Egypt», 4 juin 2017 (MBEE, vol. III,
annexe 24) ; ibid., pièce jointe 9, «Declaration of the United Arab Emirates», 5 juin 2017 ; Saudi Ministry of Foreign
Affairs, «The Kingdom severs diplomatic and consular relations with Qatar», [6] juin 2017 (CMQ-B, vol. III, annexe 48).
Dans son ordonnance du 23 juillet 2018, la Cour a jugé que certaines des mesures adoptées le 5 juin 2017 par les EAU
«p[ouvaient] constituer des actes de discrimination raciale» au sens de la convention internationale sur l’élimination de
toutes les formes de discrimination raciale. Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les
formes de discrimination raciale (Qatar c. Emirats arabes unis), demande en indication de mesures conservatoires,
ordonnance du 23 juillet 2018, par. 54.
25 La section 2 de l’article premier de l’accord de transit dispose que «[l]es privilèges susmentionnés devront être
exercés conformément aux dispositions de ... la Convention relative à l’aviation civile internationale». Les «privilèges
susmentionnés» sont ceux «de survoler [le] territoire [d’un Etat] sans atterrir» et «d’atterrir à des fins non commerciales»
(section 1 de l’article premier de l’accord de transit (MBEE, vol. II, annexe 2). La convention de Chicago et ses annexes
régissent donc l’exercice des privilèges conférés par l’accord de transit. En outre, la 15e édition de l’annexe 15 à la
convention de Chicago, en vigueur à l’époque, faisait obligation aux Etats de donner un préavis de sept jours au moins
avant d’établir des zones interdites, sauf en cas d’opérations d’urgence, ce qui n’était pas le cas. Convention relative à
l’aviation civile internationale, annexe 15 : «Services d’information aéronautique», 15e éd., juillet 2016, norme 5.1.1.4
(«Un préavis de sept jours au moins sera donné avant de mettre en activité des zones interdites, réglementées ou
dangereuses déjà établies, ainsi qu’avant d’entreprendre des activités qui exigent l’imposition de restrictions temporaires
de l’espace aérien, sauf s’il s’agit d’opérations d’urgence.») (CMQ-B, vol. II, annexe 16).
26 Les NOTAM ont été diffusés dans le monde entier par les voies de distribution internationales prévues à cet
effet, tandis que les mesures d’interdiction ont été annoncées dans différentes déclarations publiques dans divers médias.
27 Réplique B devant l’OACI, pièce jointe 5, «NOTAMS Issued by the Respondents», p. 975 (MBEE, vol. IV,
annexe 25).
28 Ibid.
29 Ibid.
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- 9 -
aéroports qatariens et traversent l’espace aérien saoudien de prendre contact avec l’Autorité
générale de l’aviation civile d’Arabie saoudite, avec effet au 6 juin, 0 h 130.
2.8. Agissant prétendument pour le compte de la République du Yémen, l’Arabie saoudite a
également émis un NOTAM à 15 h 46 le 6 juin interdisant à tous les aéronefs immatriculés au
Qatar de survoler l’espace aérien yéménite31. Tout comme pour le premier NOTAM saoudien, la
date d’entrée en vigueur a été antidatée à 15 h 35, soit onze minutes avant l’émission du message32.
2.9. Pour leur part, les EAU ont émis un NOTAM faisant interdiction à tous les aéronefs
immatriculés au Qatar de survoler leur FIR (qui, outre le territoire émirien, comprend de vastes
portions des zones de haute mer du golfe Arabo-Persique) et d’atterrir dans les aérodromes
émiriens (soit les aéroports, terrains d’aviation et pistes d’atterrissage de l’aviation militaire) à
8 h 37 le 5 juin33. Le NOTAM exigeait également de tous les opérateurs immatriculés en dehors
des EAU souhaitant utiliser l’espace aérien émirien pour assurer des vols en provenance ou au
départ du Qatar qu’ils soumettent une demande d’autorisation préalable à l’Autorité générale
émirienne de l’aviation civile, en remettant une copie du manifeste de vol détaillé au moins
vingt-quatre heures avant le départ.
2.10. Bahreïn a émis des NOTAM à 11 h 17 et 11 h 22 le 5 juin interdisant respectivement
tous les vols reliant Bahreïn et le Qatar et tout survol par des aéronefs immatriculés au Qatar de
l’«espace aérien bahreïnite»34. Le pays a émis deux NOTAM supplémentaires à 11 h 29 et 11 h 59
le même jour, précisant que tous les vols visés par les deux précédents NOTAM devaient
emprunter deux routes spécifiques pour entrer et sortir de la FIR de Bahreïn. Sachant que cette FIR
englobe l’intégralité du territoire du Qatar et une grande partie des zones de haute mer qui
l’entourent, cette mesure a eu pour effet de fermer entièrement le reste de l’espace aérien
surplombant la haute mer du golfe Arabo-Persique35. Bahreïn a également informé le Qatar de son
intention d’établir une «zone tampon» adjacente à ses eaux territoriales, menaçant d’intercepter
manu militari tout aéronef immatriculé au Qatar qui y pénétrerait36. Deux jours plus tard, le 7 juin,
Bahreïn a émis un autre NOTAM exigeant que tous les opérateurs immatriculés en dehors de son
territoire et souhaitant utiliser l’espace aérien bahreïnite pour assurer des vols au départ ou en
partance du Qatar en obtiennent l’autorisation auprès de l’Autorité de l’aviation civile de Bahreïn37.
2.11. L’Egypte est intervenue à 12 h 25 le 5 juin, émettant un NOTAM interdisant à tous les
aéronefs immatriculés au Qatar de survoler la FIR du Caire (qui englobe des secteurs de haute mer
30 Réplique B devant l’OACI, pièce jointe 5, «NOTAMS Issued by the Respondents», p. 975 (MBEE, vol. IV,
annexe 25).
31 Ibid., p. 977.
32 Ibid.
33 Ibid., p. 974.
34 Ibid., p. 971-973.
35 Voir ICAO Council, First ATM Contingency Coordination Meeting For Qatar, Summary of Discussions,
doc. ACCM/1, 6 juillet 2017, appendice A, p. 4-5 (carte indiquant que les routes empruntées vers l’ouest ont été
interdites par voie de NOTAM, ne laissant aux aéronefs immatriculés au Qatar que deux routes pour rejoindre et quitter
Doha (CMQ-B, vol. III, annexe 26). Voir aussi figure 2 ci-dessous : deux routes ATS disponibles après la mise en place
des mesures d’interdiction en place.
36 Réplique B devant l’OACI, pièce jointe 3, «Letter from Adbulla Nasser Turki Al-Subaey, Chairman of Qatar
Civil Aviation Authority, to Dr. Olumuyiwa Benard Aliu, President of ICAO, 2017/15984», 8 juin 2017 (MBEE, vol. IV,
annexe 25).
37 Ibid., pièce jointe 5, «NOTAMS Issued by the Respondents», p. 971-973.
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de la mer Méditerranée38) et de décoller ou atterrir dans les aérodromes égyptiens39. Le même
NOTAM exigeait de tous les opérateurs immatriculés en dehors de l’Egypte souhaitant utiliser la
FIR du Caire pour assurer des vols au départ ou en provenance du Qatar qu’ils obtiennent une
autorisation préalable auprès de l’Autorité de l’aviation civile égyptienne40.
2.12. Prises séparément et collectivement, les mesures d’interdiction visant l’aviation
adoptées par les appelants ont eu pour effet immédiat de susciter des perturbations et de semer la
confusion à grande échelle. Plus de 70 vols, programmés par de multiples transporteurs, ont été
annulés le 6 juin41. Des centaines de passagers, dont des pèlerins souhaitant faire la Omra, ont été
abandonnés à leur sort et contraints de prendre de nouvelles réservations et de modifier leur
itinéraire de voyage42. Au cours de la première semaine d’application des mesures d’interdiction,
des dizaines de milliers de réservations de sièges pour des vols assurés par toutes les compagnies
aériennes à destination et en partance de Doha et pour toutes les dates de voyage ultérieures ont été
annulées43.
2.13. Les mesures d’interdiction visant l’aviation ont aussi compromis la sûreté et la sécurité
d’au moins cinq aéronefs traversant l’espace aérien yéménite le 5 juin, puisque le NOTAM
restreignant l’utilisation de cet espace aérien a été antidaté. Ces aéronefs en vol ont été contraints
de modifier d’urgence et de façon inopinée leur itinéraire, ce qui a donné lieu au dépôt de deux
comptes rendus d’événements de sécurité aérienne44.
2.14. Le Qatar a immédiatement informé le Conseil de l’OACI des mesures prises par les
appelants et a prié ce dernier d’intervenir d’urgence au moins pour autoriser le survol de l’espace
aérien international surplombant les zones de haute mer situées à l’intérieur des FIR des
appelants45. Le 8 juin 2017, le Qatar a officiellement demandé la tenue d’une session extraordinaire
38 Voir ICAO, Interactive Map, «Cairo FIR» (CMQ-B, vol. III, annexe 33).
39 Réplique B devant l’OACI, pièce jointe 5, «NOTAMS Issued by the Respondents», p. 976 (MBEE, vol. IV,
annexe 25).
40 Ibid.
41 «Gulf blockade disrupts Qatar Airways flights», Al-Jazeera, 7 juin 2017 (CMQ-B, vol. IV, annexe 73).
42 «Qatar row: Air travellers hit by grounded flights», BBC [News], 5 juin 2017 (CMQ-B, vol. IV, annexe 68) ;
N. Siddiqui, «550 Pakistani pilgrims stranded in Qatar flown to Muscat», Dawn, 6 juin 2017 (CMQ-B, vol. IV,
annexe 70).
43 «Slump in travel to and from Qatar as thousands of airline bookings are cancelled», The National, 13 juin 2017
(CMQ-B, vol. IV, annexe 77).
44 Tout événement qui influe ou est susceptible d’influer sur la sécurité de l’aviation doit être notifié dans un
compte rendu d’événement de sécurité aérienne, conformément aux dispositions de l’annexe 13 à la convention de
l’OACI relative aux enquêtes sur les accidents et incidents d’aviation.
45 Letter from Abdulla Nasser Turki Al-Subaey, Chairman of Qatar Civil Aviation Authority, to Fang Liu, ICAO
Secretary General, 5 juin 2017 (CMQ-B, vol. III, annexe 21). Voir aussi Conseil de l’OACI, deux cent onzième session
[10e séance], résumé des décisions, doc. C-DEC 211/10 (27 juin 2017), par. 21, al. a) (décrivant les efforts engagés par le
Bureau régional de l’OACI pour la région Moyen-Orient depuis le 5 juin) (CMQ-B, vol. III, annexe 25).
18
- 11 -
du Conseil invoquant l’alinéa n) de l’article 54 de la convention de Chicago46. Le Conseil a
convoqué une réunion extraordinaire le 31 juillet 2017 pour examiner la demande du Qatar.
2.15. Dans leur mémoire, les appelants allèguent qu’ils ont «coopéré sans réserve et sans
délai, aussi bien avec l’OACI qu’avec le Qatar, afin de convenir de routes d’exception et de
dispositions connexes et d’éviter ainsi toute perturbation inutile de la circulation aérienne»47. Rien
n’est moins vrai. La figure 1 (voir page suivante) montre que, avant le 5 juin 2017, le transporteur
national qatarien, Qatar Airways, avait accès à 13 routes permettant d’assurer les services de la
circulation aérienne (ci-après les «routes ATS»48) pour assurer des vols à destination et en partance
de Doha, y compris pour ses vols au-dessus des territoires des appelants.
2.16. Dès que les mesures d’interdiction visant l’aviation sont entrées en vigueur, les
aéronefs immatriculés au Qatar ont eu interdiction de traverser le territoire et l’espace aérien
national des appelants. Ils se sont trouvés contraints d’utiliser deux routes, survolant toutes deux la
haute mer dans la FIR de Bahreïn49, comme indiqué à la figure 2 (voir page suivante).
2.17. Ce n’est qu’après l’intervention de l’OACI, faisant suite aux appels répétés lancés par
le Qatar à son endroit (vu que tous les canaux de communication avec les autorités compétentes des
appelants avaient été rompus dès le 5 juin 2017, comme examiné ci-dessous50), et environ une
semaine après l’introduction des mesures, que les appelants ont émis des NOTAM réduisant la
portée des interdictions à leurs seuls espaces aériens nationaux respectifs51, ce qui emportait
toujours violation de la section 1 de l’article premier de l’accord de transit. Le 11 juin, Bahreïn a
rétabli deux routes ATS modifiées permettant la circulation sur l’axe ouest-est et est-ouest
au-dessus de la haute mer adjacente à son territoire52.
46 Réplique B devant l’OACI, pièce jointe 3, «Letter from Adbulla Nasser Turki Al-Subaey, Chairman of Qatar
Civil Aviation Authority, to Dr. Olumuyiwa Benard Aliu, President of ICAO, 2017/15984», 8 juin 2017 (MBEE, vol. IV,
annexe 25). L’alinéa n) de l’article 54 de la convention de Chicago dispose que le Conseil «examine[] toute question
relative à la Convention dont il est saisi par un Etat contractant». Convention de Chicago, art. 54, al. n) (MBEE, vol. II,
annexe 1). Comme il a déjà été relevé, la section 2 de l’article premier de l’accord de transit incorpore la convention de
Chicago aux fins de régir l’exercice des privilèges conférés par la section 1 de l’article premier de l’accord (section 2 de
l’article premier de l’accord de transit (MBEE, vol. II, annexe 2)).
47 MBEE, par. 2.54.
«Les plans de mesures d’exception visent à mettre en oeuvre des installations et services destinés à
remplacer, en cas d’indisponibilité temporaire, ceux qui sont prévus dans le plan régional de navigation
aérienne. Les arrangements correspondants sont donc de nature temporaire ; ils ne restent en vigueur que
jusqu’à ce que les installations et services du plan régional de navigation aérienne soient rétablis, et ils ne
constituent donc pas des amendements du plan régional, qui doivent être traités conformément à la
«Procédure d’amendement des plans régionaux approuvés».» Convention relative à l’aviation civile
internationale, annexe 11 : Services de la circulation aérienne, 14e éd., juillet 2016, Supplément C,
p. SUP C-1 (CMQ-B, vol. II, annexe 17).
48 Les routes ATS sont des routes destinées à canaliser la circulation pour permettre d’assurer les services de la
circulation aérienne, conformément aux réglementations de l’OACI.
49 Voir ICAO Council, First ATM Contingency Coordination Meeting For Qatar, Summary of Discussions,
doc. ACCM/1, 6 juillet 2017, appendice A, p. 4-5 (CMQ-B, vol. III, annexe 26).
50 Voir chap. 4 ci-dessous, par. 4.28, 4.29.
51 Bahreïn et l’Egypte ont émis des NOTAM révisés le 10 juin, tandis que les Emirats arabes unis ont émis leur
NOTAM revisé le 12 juin. Réplique B devant l’OACI, pièce jointe 5, «NOTAMS Issued by the Respondents»,
p. 971-976 (MBEE, vol. IV, annexe 25).
52 ICAO Council, First ATM Contingency Coordination Meeting For Qatar, Summary of Discussions,
doc. ACCM/1, 6 juillet 2017, appendice A, p. 9–10 (CMQ-B, vol. III, annexe 26).
19
20
- 12 -
Figure 1
Source : Autorité de l’aviation civile du Qatar
Figure 2
Source : Qatar Airways
TREIZE ROUTES ATS DISPONIBLES AVANT LA
MISE EN PLACE DES MESURES
D’INTERDICTION VISANT L’AVIATION
DEUX ROUTES ATS DISPONIBLES APRES LA MISE
EN PLACE DES MESURES D’INTERDICTION
VISANT L’AVIATION
- 13 -
2.18. Le 13 juin, le Qatar a proposé la création d’une route d’exception au-dessus du
territoire émirien, proposition rejetée par les EAU53. Une proposition distincte visant
l’établissement d’une route d’exception survolant la haute mer de la FIR de Bahreïn a été présentée
le 18 juin. La route a été approuvée le 20 juin et mise en activité le 22 juin54. D’autres propositions
relatives à la création de routes d’exception au-dessus des zones de haute mer de la FIR des EAU
ont été soumises le 20 juin et sont restées à l’étude jusqu’en août.
2.19. Au 22 juin 2017, plus de deux semaines après l’introduction des mesures d’interdiction
visant l’aviation, seules deux autres voies aériennes ATS modifiées avaient été rouvertes et une
seule route d’exception avait été établie  par Bahreïn dans sa FIR (qui, comme indiqué plus haut,
englobe le Qatar et la haute mer adjacente), mais il n’y en avait toujours pas au-dessus du territoire
terrestre des appelants. Les autres appelants ont continué de rejeter toutes les propositions du Qatar
visant l’ouverture de routes supplémentaires ou d’en retarder l’examen55.
2.20. Suite à la session extraordinaire tenue par le Conseil de l’OACI le 31 juillet 2017 à la
demande du Qatar, le Conseil a adopté une décision «priant tous les Etats membres de l’OACI de
continuer à collaborer, en particulier afin de promouvoir la sécurité, la sûreté, l’efficience et la
durabilité de l’aviation civile internationale»56. Le même jour, les EAU ont approuvé la mise en
place d’une route d’exception supplémentaire au-dessus de la haute mer pour les vols à l’arrivée,
autorisant un volume limité de trafic aérien ; cette route d’exception a été ouverte le 7 août 201757.
Au lendemain de la session extraordinaire du Conseil, l’Egypte a également approuvé la création
d’une route d’exception au-dessus d’une zone de haute mer de la FIR du Caire, qui revêtait
toutefois une valeur limitée, voire nulle, sur le plan de l’exploitation58.
2.21. Comme indiqué à la figure 3 (voir page suivante), la situation n’a guère évolué depuis
le 30 octobre 2017, date à laquelle le Qatar a déposé sa requête devant le Conseil de l’OACI en
application de la section 2 de l’article II de l’accord de transit59. L’interdiction de décollage et
53 ICAO Council, First ATM Contingency Coordination Meeting For Qatar, Summary of Discussions,
doc. ACCM/1, 6 juillet 2017, appendice B, p. 14–20 (CMQ-B, vol. III, annexe 26).
54 Ibid., par. 6.4.
55 Voir Kingdom of Bahrain, Arab Republic of Egypt, Kingdom of Saudi Arabia and United Arab Emirates,
«Appendices of Working Paper 14640: Contingency Arrangements and ATM Measures in the MID Region» (2017) (où
figurent les cartes et horaires des routes que les appelants ont finalement accepté d’ouvrir) (CMQ-B, vol. IV,
annexe 135).
56 Conseil de l’OACI, «Rapport annuel de l’OACI : Solutions des différends» (2017) (CMQ-B, vol. II,
annexe 18).
57 Kingdom of Bahrain, Arab Republic of Egypt, Kingdom of Saudi Arabia and United Arab Emirates,
«Appendices of Working Paper 14640: Contingency Arrangements and ATM Measures in the MID Region» (2017)
(indiquant que, le 7 août 2017, les Emirats arabes unis ont accepté la proposition de route est-ouest T665 pour les vols à
l’arrivée de Qatar Airways) (CMQ-B, vol. IV, annexe 135).
58 Réplique B devant l’OACI, pièce jointe 10, «Council  Extraordinary Session, Summary Minutes,
doc. C-MIN Extraordinary Session (Closed)», 31 juillet 2017, par. 41 (indiquant que la route d’exception traversant la
FIR du Caire serait ouverte le lendemain, le 1er août 2017) (MBEE, vol. IV, annexe 25) ; ICAO Council, Third ATM
Contingency Coordination Meeting for Qatar, Summary of Discussions, doc. ACCM/3, 5-6 septembre 2017, par. 6.5
(notant l’absence d’utilisation de la route d’exception T565 traversant la FIR du Caire) (CMQ-B, vol. III, annexe 27).
59 Les seuls changements observés concernent 1) l’accroissement du trafic entrant sur la route T665 (voir ICAO
Council, Third ATM Contingency Coordination Meeting for Qatar, Summary of Discussions, doc. ACCM/3,
5-6 septembre 2017, par. 6.12.1 (CMQ-B, vol. III, annexe 27)) et 2) l’ouverture d’une nouvelle route à destination de
Doha traversant la FIR de Bahreïn, qui n’a été mise en activité que le 31 janvier 2019 (voir ICAO Council, Fourth ATM
Contingency Coordination Meeting for Qatar, Summary of Discussions, doc. ACCM/4, 28 avril 2018 (CMQ-B, vol. III,
annexe 34)).
21
22
- 14 -
d’atterrissage dans les aéroports des appelants et de survol de leurs territoires respectifs demeure en
vigueur à ce jour, ce qui contrevient à la section 2 de l’article premier de cet instrument.
Figure 3
Source : Autorité de l’aviation civile du Qatar
2.22. En raison des mesures d’interdiction visant l’aviation, Qatar Airways a dû annuler plus
de 50 vols quotidiens et suspendre ses liaisons vers 18 destinations situées sur le territoire des
appelants, ce qui correspond à environ 18 % de sa capacité maximale en sièges passagers60. Les
mesures d’interdiction ont aussi contraint Qatar Airways à emprunter des routes moins nombreuses
et moins pratiques pour desservir les destinations pour lesquelles la compagnie maintient ses
liaisons, entraînant une dangereuse congestion du trafic et compromettant l’efficience de l’aviation
civile, grevée par l’allongement des temps de vol et la surconsommation de carburant occasionnés
par le nécessaire déroutement des aéronefs61.
2.23. Comme indiqué dans sa requête déposée le 30 octobre 2017 devant le Conseil de
l’OACI, le Qatar conteste les mesures d’interdiction visant l’aviation au motif qu’elles violent
60 Z. Alkhalisi, «Arab blockade is nightmare for Qatar Airways», CNN, 6 juin 2017 (CMQ-B, vol. IV,
annexe 71).
61 M. Bearak, «Three maps explain how geopolitics has Qatar Airways in big trouble», Washington Post, 7 juin
2017 (démontrant l’allongement des temps de vol et la surconsommation de carburant provoqués par les mesures
d’interdiction visant l’aviation) (CMQ-B, vol. IV, annexe 74).
SEPT ROUTES ATS DISPONIBLES AU 4 FEVRIER 2019
- 15 -
l’article premier de l’accord de transit, en particulier le «privilège de survoler [le] territoire [des
Etats concernés] sans atterrir» et le «privilège d’atterrir à des fins non commerciales»62. Le Conseil
a confirmé qu’il était compétent pour connaître de ces prétentions dans la décision B dont il est fait
aujourd’hui appel devant la Cour63.
2.24. C’est cette simple réalité que les appelants cherchent à embrouiller avec leurs
accusations mensongères quant au supposé soutien du Qatar au terrorisme et à l’extrémisme et à sa
supposée ingérence dans leurs affaires intérieures. Le Qatar démontrera ci-après que les
accusations des appelants sont sans fondement.
II. LES APPELANTS PORTENT DES ACCUSATIONS MENSONGÈRES
2.25. Dans leur mémoire, les appelants prétendent que les mesures d’interdiction visant
l’aviation traduisent leur «position mûrement réfléchie motivée par le constat que le Qatar manque,
de manière répétée et persistante, aux obligations juridiques internationales qui lui incombent»64.
Ils affirment que le Qatar a manifestement manqué à ses obligations, dans la mesure où il «a omis
de réprimer les activités de terroristes et d’extrémistes présents sur son territoire et d’engager des
poursuites contre eux» ; «s’est systématiquement ingéré dans les affaires intérieures des appelants
et d’autres Etats» ; et «s’est servi des médias qu’il détient et contrôle — notamment le réseau
Al-Jazeera — pour attiser la haine et la violence»65. Les «preuves» produites par les appelants pour
étayer ces accusations très graves se limitent presque exclusivement à des articles de presse et à
leurs propres déclarations officielles.
2.26. Le Qatar expliquera au chapitre 3 en quoi la tentative des appelants visant à masquer les
véritables problèmes en cause ne convainc pas en droit. Ici, le Qatar montre que, dans les faits, ces
faux-fuyants sont tout aussi infondés et qu’ils ont d’ailleurs été rejetés par la communauté
internationale dans son ensemble. Le fait que les appelants en soient réduits à se cacher derrière de
telles allégations sans fondement soulève des questions quant aux véritables motivations de leur
ligne de conduite, y compris leur choix de faire appel de la décision B du Conseil devant la Cour.
Les appelants ne s’inquiètent pas sincèrement du soutien (inexistant) du Qatar au terrorisme ou de
son ingérence dans leurs affaires intérieures. Leur véritable intention est de contraindre le Qatar à
renoncer à son attachement à la liberté d’expression et à la tolérance politique  attachement
qu’ils perçoivent malheureusement comme une menace.
A. Les allégations de soutien au terrorisme et à l’extrémisme
avancées par les appelants sont fausses
2.27. Les appelants prétendent que le Qatar «appuie de longue date des groupes terroristes et
extrémistes dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord»66. Toutefois, les «preuves»
produites pour étayer ces graves accusations, pour beaucoup assez datées, ne résistent aucunement
à un examen rigoureux. Cette affirmation est aussi catégoriquement contredite par la communauté
internationale dans son ensemble, y compris par des organisations spécialisées mandatées pour
combattre le financement du terrorisme, le Conseil de coopération du Golfe (CCG), l’Union
européenne (UE) et les Etats-Unis d’Amérique, qui ont invariablement loué le rôle de premier plan
62 Requête B devant l’OACI (MBEE, vol. III, annexe 23).
63 Décision B du Conseil de l’OACI (MBEE, vol. V, annexe 52).
64 MBEE, par. 2.7.
65 Ibid.
66 Ibid., par. 2.9.
23
24
- 16 -
joué par le Qatar dans la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme et ont exprimé leurs inquiétudes
croissantes au sujet des antécédents qui sont ceux des appelants dans ce domaine.
2.28. Les appelants citent par exemple un article du New York Times, paru il y a 16 ans, pour
étayer l’idée selon laquelle un agent qatarien aurait «aidé» le cerveau des attentats du 11 septembre
perpétrés contre le World Trade Center, Khaled Cheikh Mohammed, à «échapper à un mandat
d’arrêt délivré en janvier 1996 par les Etats-Unis pour ses activités terroristes»67. Or, ce même
article démontre le manque de fondement de l’accusation, citant les propos de l’ambassadeur des
Etats-Unis alors en poste au Qatar  «Je ne dispose d’aucune information qui me conduirait à
conclure que le gouvernement du Qatar a prévenu Khaled Cheikh Mohammed» , ainsi que
d’autres agents des Etats-Unis qui ont reconnu qu’il n’existait aucune «preuve tangible» à l’appui
de cette allégation68.
2.29. L’affirmation des appelants ne manque pas d’ironie. Les 19 pirates de l’air des attentats
du 11 septembre étaient tous des ressortissants de l’un ou l’autre des trois appelants ou de l’Arabie
saoudite: on comptait deux ressortissants émiriens, un ressortissant égyptien69 et 15 ressortissants
saoudiens, mais aucun ressortissant qatarien. Quant à l’Arabie saoudite, elle devra bientôt répondre
de sa participation alléguée à la planification des attentats du 11 septembre, après avoir été
déboutée de sa requête en irrecevabilité déposée devant les tribunaux américains70. Dans le cadre
de ces procédures, les EAU ne sont pas à l’abri de révélations, puisque nombre des pirates de l’air
ont transité via le territoire émirien et que d’importantes ressources financières ont été transmises
par l’intermédiaire de banques émiriennes aux pirates de l’air et à d’autres agents d’Al-Qaida71.
2.30. Ensuite, les appelants prétendent qu’en 2003 (il y a donc seize ans), le Qatar a «offert
l’asile» à Zelimkhan Yandarbiyev72, ancien président de la Tchétchénie, qui, selon eux, était inscrit
sur la liste du Comité du Conseil de sécurité des Nations Unies concernant les sanctions contre
Al-Qaida pour des faits allégués de levée de fonds au profit de groupes terroristes, et a fait l’objet
d’une demande d’extradition par la Russie, que le Qatar a refusé d’honorer73. Les appelants
omettent toutefois de mentionner que M. Yandarbiyev a été inscrit sur cette liste quelques mois
seulement avant d’être assassiné à Doha en février 200474. En outre, le rapport de 2008 du Fonds
monétaire international (FMI) invoqué par les appelants pour appuyer cette affirmation fait
expressément référence aux déclarations des autorités qatariennes indiquant que «le refus
[d’extrader M. Yandarbiyev pour le confier aux autorités russes] visait à assurer sa protection»75.
67 «Threats and Responses: Counterterrorism; Qaeda Aide Slipped Away Long Before Sept. 11 Attack»,
The New York Times, 8 mars 2003 (MBEE, vol. VI, annexe 100) ; voir également MBEE, par. 2.10.
68 Ibid.
69 «September 11 Hijackers Fast Facts», CNN, 27 juillet 2013 (CMQ-B, vol. IV, annexe 64).
70 J. Stempel, «Saudi Arabia must face U.S. lawsuits over Sept. 11 attacks», Reuters, 28 mars 2018 (CMQ-B,
vol. IV, annexe 97).
71 J. Merrill, «REVEALED: 9/11 families could sue UAE for alleged role in attacks», Middle East Eye, 14 juillet
2017 (CMQ-B, vol. IV, annexe 83).
72 MBEE, par. 2.10.
73 Ibid. Voir aussi International Monetary Fund, «Qatar: Detailed Assessment Report on Anti-Money Laundering
and Combating the Financing of Terrorism», 19 juin 2018, publié en octobre 2008, p. 46, par. 184 (MBEE, vol. VII,
annexe 130).
74 M. Yandarbiyev a été inscrit sur la liste du Conseil de sécurité des Nations Unies le 26 juin 2003.
Nations Unies, communiqué de presse SC/7803, «Le Comité du Conseil de sécurité ajoute les noms de 17 individus à la
section Al-Qaida de la liste récapitulative», 27 juin 2003 (MBEE, vol. VI, annexe 89).
75 International Monetary Fund, «Qatar: Detailed Assessment Report on Anti-Money Laundering and Combating
the Financing of Terrorism», 19 juin 2008, publié en octobre 2008, p. 46, par. 184 (MBEE, vol. VII, annexe 130).
25
26
- 17 -
Les craintes du Qatar semblaient bien fondées, puisque deux Russes ont ensuite été jugés et
condamnés pour son assassinat76.
2.31. Point significatif, ce même rapport de 2008 du FMI conclut qu’«il n’existe pour l’heure
aucune preuve de mouvement important [de blanchiment de capitaux] dans le pays», que «la
prévalence des infractions principales semble très faible au Qatar par rapport à d’autres pays», que
«le Qatar se classe parmi les pays les moins corrompus dans la région» et qu’«[a]ucune activité
terroriste majeure n’a été enregistrée dans le pays»77. Dans le rapport sont par ailleurs formulées
certaines recommandations et observations relatives à la pénalisation du financement du
terrorisme78, lesquelles ont toutes été appliquées depuis. Non seulement la loi no 4 votée par le
Qatar en 2010 érige en infractions le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, mais
elle porte également création d’une commission nationale pour la lutte contre le blanchiment de
capitaux et le financement du terrorisme habilitée à geler des avoirs et à décréter des interdictions
de voyager79. En 2017, le Qatar a aussi modifié sa loi relative au contreterrorisme afin de se doter
sa propre liste nationale des entités terroristes, fondée sur la liste des personnes et entités désignées
par le Comité du Conseil de sécurité des Nations Unies concernant les sanctions80. Ces cadres et
mécanismes ont déjà permis de désigner des entités et de les traduire en justice81.
2.32. Les appelants mentionnent également une déclaration prononcée en 2014 par le
sous-secrétaire américain au terrorisme et au renseignement financier, M. David Cohen, dans
laquelle il décrivait le Qatar comme un «Etat permissif» à l’égard du financement du terrorisme82.
Cette qualification tranche radicalement avec le rapport du FMI cité précédemment et avec le fait
que le Qatar a été le premier Etat à négocier et à signer un accord détaillé de lutte contre le
terrorisme avec les Etats-Unis83. Après la signature de cet accord, le secrétaire d’Etat américain a
déclaré que «sur le terrain du financement du terrorisme, le Qatar fait désormais la course en tête
devant ses rivaux»84.
76 S. Lee Myers, «Qatar Court Convicts 2 Russians in Top Chechen’s Death», New York Times, 1er juillet 2004
(CMQ-B, vol. IV, annexe 60).
77 International Monetary Fund, «Qatar: Detailed Assessment Report on Anti-Money Laundering and Combating
the Financing of Terrorism», 19 juin 2008, publié en octobre 2008, p. 19–20, par. 59–63 (MBEE, vol. VII, annexe 130).
78 Ibid., p. 47, par. 185.
79 State of Qatar, Law No. 4 of 2010 on Combating Money Laundering and Terrorism Financing, 18 mars 2010
(CMQ-B, vol. III, annexe 44).
80 State of Qatar, Decree No. 11 of 2017 to Amend Law No. 3 of 2004, 13 juillet 2017 (CMQ-B, vol. III,
annexe 45).
81 Voir par exemple N. Browning, «Qatar puts 28 people and entities on new terrorism list», Reuters, 22 mars
2018 (CMQ-B, vol. IV, annexe 95).
82 Exceptions préliminaires B devant l’OACI, pièce jointe 19, «Remarks of Under Secretary for Terrorism and
Financial Intelligence David Cohen before the Center for a New American Security on Confronting New Threats in
Terrorist Financing», 3 avril 2014 (MBEE, vol. III, annexe 24) ; voir aussi MBEE, par. 2.11.
83 U.S. Department of State, «Press Availability with Qatari Foreign Minister Sheikh Mohammed bin
Abdulrahman al-Thani», 11 juillet 2017 (CMQ-B, vol. III, annexe 49). Le mémorandum d’accord Qatar/Etats-Unis pour
la lutte contre le terrorisme a été négocié par les parties environ un an avant qu’il ne soit signé le 11 juillet 2017.
N. Gaouette & Z. Cohen, «US and Qatar broker counterterrorism agreement», CNN, 11 juillet 2017 (CMQ-B, vol. IV,
annexe 82). Voir aussi U.S. Department of State, «Joint Statement of the Inaugural United States-Qatar Strategic
Dialogue», 30 janvier 2018 (déclaration conjointe sur le premier dialogue stratégique Etats-Unis/Qatar dans laquelle on
peut lire : «Les Etats-Unis ont remercié le Qatar pour son action contre toutes les formes de terrorisme et d’extrémisme
violent, le Qatar étant notamment l’un des seuls pays à avoir conclu un mémorandum d’accord bilatéral avec les
Etats-Unis.») (CMQ-B, vol. III, annexe 51).
84 Réplique B devant l’OACI, pièce jointe 46, «Tillerson Tries Shuttle Diplomacy in Qatar Dispute»,
11 juillet 2017 (MBEE, vol. IV, annexe 25).
27
- 18 -
2.33. A cet égard, le Qatar souligne également que le 22 mai 2017, soit deux semaines avant
l’introduction des mesures d’interdiction visant l’aviation, il a rejoint le centre de lutte contre le
financement du terrorisme (ci-après le «TFTC»), partenariat conclu entre les Etats-Unis et les Etats
membres du CCG pour contribuer au démantèlement des réseaux financiers terroristes. Le Qatar a
assisté aux réunions du TFTC organisées après l’introduction des mesures d’interdiction visant
l’aviation et des autres mesures annoncées le 5 juin 2017, en juillet 2017, en mars 2018 et en mai
2018, et a, de concert avec les autres membres du TFTC, désigné comme bailleurs de fonds du
terrorisme 11 personnes et deux entités le 25 octobre 201785, ainsi que 28 personnes
supplémentaires le 22 mars 201886. Alors même qu’ils accusent le Qatar de soutien «au terrorisme
et à l’extrémisme» devant la Cour, les EAU, Bahreïn et l’Arabie saoudite continuent de travailler
avec lui de manière constructive et sans rechigner dans l’enceinte du TFTC87.
2.34. Le Qatar est aussi l’un des membres fondateurs et l’un des plus importants
contributeurs du Forum mondial de lutte contre le terrorisme, qui coordonne et finance les
initiatives de lutte antiterroriste engagées au niveau local par 30 pays, dont la Chine, la Russie,
l’Inde, la France, l’Allemagne, le Japon, la Turquie, le Royaume-Uni, l’Arabie saoudite et deux des
appelants, l’Egypte et les EAU88.
2.35. Là encore, le Qatar ne peut s’empêcher de souligner l’ironie des allégations des
appelants. Tant les EAU que l’Arabie saoudite seraient d’importantes plaques tournantes du
financement des groupes terroristes implantés en Asie du Sud, y compris les talibans en
Afghanistan, Lashkar-e-Tayyiba et le réseau Haqqani89. Les activités en jeu concernent la levée de
fonds auprès de bailleurs, le blanchiment de capitaux et l’extorsion de fonds auprès des populations
expatriées. Des banques émiriennes ont aussi été accusées d’avoir facilité le versement de fonds au
profit de terroristes et de groupes terroristes, y compris ceux responsables des attentats du
11 septembre et des attentats de 2008 à Mumbai90.
85 «Qatar’s sanctions hit 13 facilitators of terrorism», Qatar Tribune, 26 octobre 2017 (CMQ-B, vol. IV,
annexe 93).
86 N. Browning, «Qatar puts 28 people and entities on new terrorism list», Reuters, 22 mars 2018 (CMQ-B,
vol. IV, annexe 95).
87 U.S. Embassy & Consulate in the UAE, «Meeting of the Terrorist Financing Targeting Center Member States
Convenes in Kuwait», 6 mars 2018 (CMQ-B, vol. III, annexe 52) ; «Co-Led by US, Saudi Arabia, TFTC Members Meet
in Kuwait», Kuwait News Agency, 11 mai 2018 (CMQ-B, vol. IV, annexe 98). La coopération dans le domaine de la
sécurité entre le Qatar et trois des appelants, Bahreïn, l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, demeure inchangée.
Au dernier sommet du CCG en décembre 2018, le ministre des affaires étrangères de l’Arabie saoudite, Adel al-Jubeir, a
reconnu cet état de fait, déclarant que «le différend n’affecterait pas la coopération militaire». S. Kalin, «Qatar rift
overshadows Gulf Arab summit as emir stays away», Reuters, 8 décembre 2018 (CMQ-B, vol. IV, annexe 102).
88 U.S. Department of State, «Global Counterterrorism Forum Co-Chairs: About the Global Counterterrorism
Forum (GCTF)», 23 septembre 2014 (CMQ-B, vol. III, annexe 46).
89 D. Walsh, «WikiLeaks cables portray Saudi Arabia as a cash machine for terrorists», The Guardian,
5 décembre 2010 (CMQ-B, vol. IV, annexe 62) ; G. Jaffe & M. Ryan, «A Dubai shopping trip and a missed chance to
capture the head of the Taliban», Washington Post, 24 mars 2018 (notant les preuves factuelles attestant les fréquents
voyages du dirigeant taliban à Dubai) (CMQ-B, vol. IV, annexe 96). L’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis figurent
aussi parmi les trois seuls Etats qui, à la fin des années 1990, ont reconnu les talibans comme gouvernement légitime de
l’Afghanistan. A. Guelke, Terrorism and Global Disorder (2006), p. 55 (CMQ-B, vol. IV, annexe 109).
90 «Protests outside UAE Embassy in New Delhi over 26/11 terror funding allegations», New India Express,
6 août 2017 (CMQ-B, vol. IV, annexe 87).
28
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- 19 -
2.36. En outre, un rapport sur l’Arabie saoudite publié en septembre 2018 par le Groupe
d’action financière91 (GAFI) a révélé que «l’Arabie saoudite ne pren[ait] pas de mesures concrètes
pour enquêter sur les individus impliqués dans des opérations à plus grande échelle ou
professionnelles [de blanchiment de capitaux] et les traduire en justice», ni «de mesures concrètes
pour confisquer les produits du crime», ni «de mesures concrètes pour solliciter la coopération
internationale d’autres pays en vue de retracer les activités de blanchiment de capitaux et les
produits du crime»92. En d’autres termes, chaque année, plusieurs milliards de dollars d’argent sale
quittent l’Arabie saoudite sans laisser de trace93.
2.37. L’Arabie saoudite a été récemment inscrite sur la liste de l’UE «recensant les pays tiers
à haut risque présentant des carences en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le
financement du terrorisme»94. Les pays figurant sur cette liste présentent des «carences stratégiques
dans leurs cadres de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme qui
représentent d’importantes menaces pour le système financier de l’Union européenne»95. Le Qatar
ne figure pas sur la liste de l’UE.
2.38. Les appelants accusent également le Qatar de «n’a[voir] pas davantage pris de mesures
pour mettre fin aux activités liées au terrorisme des personnes inscrites sur les listes noires
internationales qui se trouvaient sur son territoire, ni pour poursuivre ces personnes»96. Les
appelants citent nommément quatre individus inscrits sur la liste du Comité des sanctions du
Conseil de sécurité des Nations Unies contre l’Etat islamique d’Iraq et du Levant (EILL, également
connu sous le nom de Daech) et Al-Qaida : Khalifa Muhammad Turki al-Subaiy (désigné en
2008)97 ; Abd al-Rahman bin ‘Umayr al-Nu’aymi (désigné en 2014)98 ; Sa’d bin Sa’d Muhammad
91 Le Groupe d’action financière (GAFI) a été créé à l’initiative du G7 pour lutter contre le blanchiment de
capitaux et le financement du terrorisme. Les objectifs du GAFI sont l’élaboration des normes et la promotion de
l’efficace application de mesures législatives, réglementaires et opérationnelles en matière de lutte contre le blanchiment
de capitaux, le financement du terrorisme et les autres menaces liées pour l’intégrité du système financier international ;
le GAFI surveille les progrès réalisés par les pays membres dans la mise en oeuvre des mesures requises et examine les
techniques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme ainsi que les mesures permettant de lutter contre
ces phénomènes. Groupe d’action financière (GAFI), «Qui sommes-nous ?» (CMQ-B, vol. IV, annexe 130).
92 FATF-MENAFATF, «Anti-money laundering and counter-terrorist financing measures  Saudi arabia»,
Fourth Round Mutual Evaluation Report, FATF, Paris, septembre 2018, p. 3–4 (CMQ-B, vol. IV, annexe 120).
93 D. Dudley, «Saudi Arabia Accused Of Turning A Blind Eye To International Terrorism Financing By Global
Watchdog», Forbes, 25 septembre 2018 (CMQ-B, vol. IV, annexe 101).
94 S. Kalin & F. Guarascio, «EU adds Saudi Arabia to draft terrorism financing list: sources», Reuters, 25 janvier
2019 (CMQ-B, vol. IV, annexe 104). Voir aussi F. Guarascio, «EU adds Saudi Arabia to dirty-money blacklist, upsets
UK, U.S.», Reuters, 13 février 2019 (CMQ-B, vol. IV, annexe 107).
95 S. Kalin & F. Guarascio, «EU adds Saudi Arabia to draft terrorism financing list: sources», Reuters, 25 janvier
2019 (CMQ-B, vol. IV, annexe 104).
96 MBEE, par. 2.15, 2.37.
97 Exceptions préliminaires B devant l’OACI, pièce jointe 15, «Narrative Summary: QDi.253 Khalifa Muhammad
Turki Al-Subaiy, United Nations sanctions list issued by the Security Council Commission pursuant to Security Council
Resolutions 1267 (1999) 1989 (2011) and 2253 (2015) concerning ISIL (Da’esh) Al-Qaida and Associated Individuals,
Groups, Undertakings and Entities», dernière mise à jour le 3 février 2016 (MBEE, vol. III, annexe 24).
98 Ibid., pièce jointe 16, «Narrative Summary: QDi.334 ‘Abd al-Rahman bin ‘Umayr al-Nu’aymi, United Nations
sanctions list issued by the Security Council Commission pursuant to Security Council Resolutions 1267 (1999) 1989
(2011) and 2253 (2015) concerning ISIL (Da’esh) Al-Qaida and Associated Individuals, Groups, Undertakings and
Entities», dernière mise à jour le 13 mai 2016.
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- 20 -
Shariyan al-Ka’bi (désigné en 2015)99 ; et Abd al-Latif bin Abdallah Salih Muhammad al-Kawari
(désigné en 2015)100.
2.39. Pourtant, le Qatar s’est acquitté de son obligation de mettre en oeuvre les sanctions de
l’Organisation des Nations Unies (ONU) applicables à ces individus (embargo sur les armes, gel
des avoirs et interdiction de voyager) et, à aucun moment, il n’a été constaté par l’un quelconque
des organismes de l’ONU que le Qatar avait violé ladite obligation. Le Qatar a arrêté al-Subaiy et
l’a condamné à six mois d’emprisonnement en 2008 pour financement du terrorisme101. Et il a
inscrit tous ces individus sur la liste des personnes et entités désignées comme terroristes de la
Commission nationale de lutte contre le terrorisme102, une mesure qui facilitera l’ouverture de
procédures pénales pour toute infraction pour laquelle des preuves suffisantes peuvent être réunies.
2.40. Les appelants laissent par ailleurs entendre que la réserve émise par le Qatar au sujet de
la résolution adoptée le 18 février 2015 par la Ligue des Etats arabes appuyant le recours unilatéral
à la force par l’Egypte en Libye démontre en quelque sorte que le Qatar soutient le terrorisme103. Ils
se fourvoient. Le Qatar a rappelé son ambassadeur au Caire lorsque l’Egypte a émis cette
insinuation insultante pour la première fois en 2015104. La réserve du Qatar s’expliquait par son
inquiétude devant le recours unilatéral à la force sur le territoire d’un Etat membre de la Ligue des
Etats arabes, par le risque de pertes civiles et par le souhait de ne renforcer aucune partie en
particulier dans la guerre civile en Libye avant la conclusion des pourparlers de paix qui étaient
alors en cours sous l’égide des Nations Unies105. Il est à noter que le Secrétaire général du CCG,
M. Abdul Latif al-Zayani (de Bahreïn), a déclaré à l’époque que les accusations de l’Egypte étaient
«infondées, contredisent la réalité et font fi des efforts sincères engagés par le Qatar, ainsi que le
Conseil de coopération du Golfe et les Etats arabes, dans la lutte contre le terrorisme et
l’extrémisme à tous les niveaux»106.
2.41. Enfin, les appelants allèguent, se prévalant d’articles de presse de la BBC et du
Washington Post, que le Qatar a versé à des terroristes, à des groupes combattants armés et aux
Gardiens de la révolution islamique en Iran des centaines de millions de dollars «censés servir à
99 Security Council Committee Pursuant to Resolutions 1267 (1999), 1989 (2011) and 2253 (2015) Concerning
ISIL (Da’esh) Al Qaida and Associated Individuals, Groups, Undertakings and Entities, «Narrative Summaries of
Reasons for Listing QDi.382 Sa’d bin Sa’d Muhammad Shariyan al-Ka’bi, United Nations Security Council Subsidiary
Organs», dernière mise à jour le 21 septembre 2015 (MBEE, vol. VI, annexe 96).
100 Security Council Committee Pursuant to Resolutions 1267 (1999), 1989 (2011) and 2253 (2015) Concerning
ISIL (Da’esh) Al Qaida and Associated Individuals, Groups, Undertakings and Entities, «Narrative Summaries of
Reasons for Listing QDi.380 Abd al-Latif bin Abdallah Salih Muhammad al-Kawari, United Nations Security Council
Subsidiary Organs», dernière mise à jour le 21 septembre 2015 (MBEE, vol. VI, annexe 95).
101 Exceptions préliminaires B devant l’OACI, pièce jointe 15, «Narrative Summary: QDi.253 Khalifa
Muhammad Turki Al-Subaiy, United Nations sanctions list issued by the Security Council Commission pursuant to
Security Council Resolutions 1267 (1999) 1989 (2011) and 2253 (2015) concerning ISIL (Da'esh) Al-Qaida and
Associated Individuals, Groups, Undertakings and Entities», dernière mise à jour le 3 février 2016 (MBEE, vol. III,
annexe 24).
102 Voir State of Qatar, Ministry of Interior, National Counter Terrorism Committee, «National Terrorist
Designation Lists», Designation Order No. 2, 21 mars 2018 (désignation d’al-Nu’aymi, al-Ka’bi et al-Kawari) (CMQ-B,
vol. III, annexe 41) ; State of Qatar, Ministry of Interior, National Counter Terrorism Committee, «National Terrorist
Designation Lists», Designation Order No. 4, 28 août 2018 (désignation d’al-Subaiy) (CMQ-B, vol. III, annexe 43).
103 MBEE, par. 2.35.
104 «Qatar recalls envoy to Egypt in row over Libya strikes», BBC News, 19 février 2015 (CMQ-B, vol. IV,
annexe 67).
105 Ibid.
106 Ibid.
32
- 21 -
payer une rançon pour la libération de membres de la famille royale qatarienne qui avaient été
kidnappés»107. Toutefois, les articles en question mentionnent clairement que ce travail
journalistique tire en partie ses sources de communications piratées et corrigées par un Etat hostile
au Qatar108, ce qui laisse planer le doute sur la fiabilité des informations communiquées. L’article
en version intégrale du Washington Post indique également que le Qatar a «systématiquement
démenti les rumeurs d’un versement de fonds à des organisations terroristes en guise de
contrepartie»109 et que le premier ministre irakien, M. Haider al-Abadi, a affirmé que les fonds en
question avaient été réceptionnés par le gouvernement irakien et demeuraient en sa possession110.
L’article de la BBC cité par les appelants confirme de la même manière que les fonds du Qatar
étaient destinés au gouvernement irakien, qui en conservait la possession111. Sans surprise, aucun
membre du Conseil de sécurité des Nations Unies n’a ajouté foi à la «demand[e] [de l’Egypte] []
d’ouvrir une enquête sur les sommes ainsi versées à des groupes terroristes à titre de rançon»112.
2.42. En résumé, toutes les allégations des appelants quant au supposé «soutien au terrorisme
et à l’extrémisme» prêté par le Qatar sont fausses. Des organismes internationaux chargés de
surveiller les activités terroristes et extrémistes, dont le financement du terrorisme, ainsi que
d’autres importants acteurs internationaux, sont d’accord pour dire que le Qatar est, aujourd’hui et
de longue date, l’un des moteurs régionaux et mondiaux de la coopération contre le terrorisme113.
107 MBEE, par. 2.47.
108 P. Wood, ««Billion Dollar Ransom»: Did Qatar Pay Record Sum?», BBC, 17 juillet 2018 (MBEE, vol. VI,
annexe 120) ; «Hacked Phone Messages Shed Light on Massive Payoff that Ended Iraqi Hostage Affair»,
The Washington Post, article non daté (MBEE, vol. VI, annexe 121).
109 J. Warrick, « Hacked Messages Show Qatar Appearing to Pay Hundreds of Millions to Free Hostages»,
The Washington Post, 28 avril 2018 (MBEE, vol. VI, annexe 117).
110 M. Chmaytelli, «Iraq says it still has Qatari money sent to free ruling family members», Reuters, 11 juin 2017
(CMQ-B, vol. IV, annexe 76).
111 P. Wood, ««Billion Dollar Ransom»: Did Qatar Pay Record Sum?», BBC, 17 juillet 2018 (MBEE, vol. VI,
annexe 120).
112 MBEE, par. 2.47.
113 Qui plus est, outre qu’il est partie à pas moins de 15 accords multilatéraux sur la sécurité et la lutte contre le
terrorisme et à plusieurs traités et arrangements bilatéraux en matière de coopération dans le domaine de la sécurité, le
Qatar est le seul pays membre du CCG contribuant au Fonds mondial pour l’engagement de la communauté et la
résilience, première initiative mondiale destinée à aider les communautés locales à accroître leur résilience face à
l’extrémisme violent. Global Community Engagement and Resilience Fund, «Donor Frequently Asked Questions»
(dernière consultation le 2 février 2019) (CMQ-B, vol. IV, annexe 132). Le Qatar s’est aussi engagé à verser 10 millions
de dollars à l’appui des buts et objectifs du Fonds en mai 2018, tandis qu’au Forum de Doha de décembre 2018,
S. A. l’émir a promis le versement de 75 millions de dollars sur cinq ans (15 millions de dollars par an) au Comité contre
le terrorisme du Conseil de sécurité des Nations Unies. State of Qatar, Ministry of Justice, «Qatar Doubles Contribution
to Global Community Engagement & Resilience Fund», 30 mai 2018 (CMQ-B, vol. III, annexe 42) ; Doha Forum,
«Qatar Announces Half a Billion USD in Funds to UN Agencies», décembre 2018 (CMQ-B, vol. IV, annexe 126). En
outre, le Qatar abrite la base du commandement central de la coalition mondiale contre l’EIIL/Daech, composée de
79 membres, et de la plus grande base militaire américaine dans la région. Global Coalition, «79 Partners» (dernière
consultation le 1er février 2019) (CMQ-B, vol. IV, annexe 131) ; J. McIntyre, «US base in Qatar still running the fight
against ISIS amid diplomatic rift in the Middle East», Washington Examiner, 5 juin 2017 (CMQ-B, vol. IV, annexe 69).
Voir aussi Ministry of Defence of United Kingdom, «Defence Secretary hosts Qatari counterpart at historic Horse
Guards», 16 janvier 2018 (CMQ-B, vol. III, annexe 50) (qui fait état de la déclaration du secrétaire à la défense du
Royaume-Uni, M. Gavin Williamson, selon laquelle «le Qatar est un partenaire vital dans la lutte contre Daech, car il
accueille l’état-major de la campagne aérienne de la coalition qui coordonne encore à ce jour les frappes lancées
quotidiennement contre les objectifs en Syrie») ; «Qatar’s efforts in combating terrorism win German praise», Gulf
Times, 14 juillet 2018 (CMQ-B, vol. IV, annexe 100) (rapportant les propos de la ministre allemande de la défense,
Mme Ursula von der Leyen, louant le Qatar pour ses «remarquables efforts parmi les rangs de l’Alliance [OTAN] ... pour
combattre le terrorisme et l’éliminer définitivement») ; U.S. Department of State, «Secretary Pompeo’s Meeting with
Qatari Foreign Minister Al Thani», 26 juin 2018 (CMQ-B, vol. III, annexe 53) (notant la reconnaissance exprimée par le
secrétaire d’Etat américain, M. Michael Pompeo, à l’égard du «ministre des affaires étrangères pour les efforts continus
du Qatar dans la lutte contre le terrorisme et le financement du terrorisme»).
33
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2.43. Pour conclure sur ce point, le Qatar souligne qu’il n’est pas seul à mettre en doute la
sincérité des appelants quand ils invoquent le soutien allégué du Qatar au terrorisme pour justifier
l’adoption des mesures d’interdiction visant l’aviation et des autres mesures coercitives. Le 20 juin
2017, la porte-parole du département d’Etat américain a demandé sans mâcher ses mots : «Les
mesures interviennent-elles véritablement en réaction aux inquiétudes relatives au soutien allégué
du Qatar au terrorisme, ou sont-elles le fruit de différends larvés entre les pays du CCG ?»114
B. Les allégations d’«ingérence» «systématique» du Qatar dans
les affaires intérieures des appelants sont fausses
2.44. Les appelants accusent également le Qatar d’«ingérence délibérée et
systématique … dans [leurs] affaires intérieures», en violation des accords de Riyad et du droit
international115. Cette allégation, en ce qu’elle se fonde sur un prétendu «soutien [du Qatar] à des
groupes terroristes et aux idéologies extrémistes»116, a déjà été réfutée plus haut. Nous en
examinerons ici les autres prémisses.
2.45. Les appelants prétendent que le Qatar a manqué à l’obligation qui lui est faite en vertu
des accords de Riyad de «ne fournir aucun soutien … par des actions directes ou par voie
d’influence politique» à la Société des frères musulmans117. En particulier, ils lui reprochent des
«déclarations publiques hostiles» par lesquelles il aurait «condamn[é]» la décision de l’Egypte de
qualifier la société des Frères musulmans d’organisation terroriste118, déclarations que l’Egypte a
décriées comme constituant une «ingérence flagrante dans [ses] affaires intérieures»119 et qui ont
amené les appelants à rappeler leurs ambassadeurs au Qatar en mars 2014120.
2.46. Les «déclarations publiques hostiles» en question ont en fait trait aux inquiétudes
exprimées par le Qatar dans le contexte d’assassinats sans distinction de manifestants en Egypte
 l’épisode le plus notable étant le massacre de plus de 800 manifestants place Rabaa le 14 août
2013 , suite à l’éviction de l’ancien président égyptien, M. Mohamed Morsi121. Les inquiétudes
soulevées par le Qatar étaient des plus raisonnables compte tenu des rapports attestant «le nombre
croissant de victimes parmi les manifestants en Egypte et l’assassinat d’un grand nombre de
personnes dans tout le pays»122. Le Qatar craignait aussi que «la décision de faire passer des
mouvements politiques [populaires] pour des organisations terroristes et des manifestations pour
des actes de terrorisme» ne soit pas de nature à favoriser l’élimination de la violence et a appelé à
114 A. Gearan & K. DeYoung, «State Department issues unusual public warning to Saudi Arabia and UAE over
Qatar rift», Washington Post, 20 juin 2017 (CMQ-B, vol. IV, annexe 78) (les italiques sont de nous). Les «différends
larvés» mentionnés par le département d’Etat font référence aux désaccords politiques entre divers membres du CCG.
115 MBEE, par. 2.43. Les accords de Riyad désignent le premier accord de Riyad, conclu le 23 novembre 2013,
son mécanisme de mise en oeuvre, adopté le 17 avril 2014, et l’accord complémentaire de Riyad en date du 16 novembre
2014 (MBEE, vol. II, annexes 19–21). Ces instruments, adoptés sous les auspices du CCG, visent à promouvoir le
dialogue et la coopération dans la lutte contre les menaces pesant sur la sécurité, la stabilité et la paix dans la région.
116 MBEE, par. 2.43.
117 Premier accord de Riyad, 23 et 24 novembre 2013, art. 2 (MBEE, vol. II, annexe 19).
118 MBEE, par. 2.19.
119 Statement of the Arab Republic of Egypt Ministry of Foreign Affairs, «The Egyptian Ministry of Foreign
Affairs summons the Qatari Ambassador to Cairo», 4 janvier 2014 (MBEE, vol. V, annexe 59).
120 MBEE, par. 2.20.
121 Human Rights Watch, «All According to Plan: The Rab’a Massacre and Mass Killings of Protesters in
Egypt», 12 août 2014 (CMQ-B, vol. IV, annexe 112).
122 «Qatar criticizes Egypt’s designation of the Muslim Brotherhood as a terrorist organization», BBC Arabic,
4 janvier 2014 (MBEE, vol. VI, annexe 104).
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36
- 23 -
l’ouverture d’un «dialogue entre les segments politiques de la société et l’Etat … sans aucune
mesure d’exclusion ou d’élimination»123. Plusieurs organes des Nations Unies et dirigeants
mondiaux se sont fait l’écho des déclarations du Qatar et ils ont de même appelé à la retenue et
condamné l’assassinat de manifestants pacifiques124.
2.47. Les appelants affirment que le prétendu soutien que le Qatar aurait apporté aux Frères
musulmans en violation des accords de Riyad est corroboré par le fait que cet Etat a refusé,
en 2015, d’extrader Youssef al-Qaradawi, théologien sunnite et président de l’Union internationale
des savants musulmans, dont le siège se trouve à Doha125. Toutefois, ils taisent le fait que la notice
rouge d’INTERPOL, émise à la demande de l’Egypte et fondant la demande d’extradition
d’al-Qaradawi, a été retirée, car les accusations portées à son encontre étaient sans fondement126. Ils
omettent également de dire que le vice-président et premier ministre des EAU, le cheikh
Mohammed ben Rachid Al Maktoum, a personnellement remis à M. al-Qaradawi le prix de la
«figure internationale de l’année» en 2012127 et que l’Arabie saoudite lui a décerné le Prix
international du roi Faiçal pour les études islamiques128, l’une des plus prestigieuses récompenses
du monde musulman.
2.48. De même, les appelants passent sous silence le fait que la communauté internationale a
condamné la détention illégale par l’Egypte de la fille de M. al-Qaradawi, Ola al-Qaradawi, et de
son époux pendant plus de 500 jours, motivée uniquement par leurs liens familiaux avec
M. al-Qaradawi129. Récemment, le Groupe de travail sur la détention arbitraire du Conseil des
droits de l’homme a jugé, entre autres conclusions, que l’arrestation, la détention et
l’emprisonnement par les autorités égyptiennes de ces deux personnes «n’[avaie]nt pas de
fondement légal et [étaie]nt, de ce fait, arbitraires»130.
123 «Qatar criticizes Egypt’s designation of the Muslim Brotherhood as a terrorist organization», BBC Arabic,
4 janvier 2014 (MBEE, vol. VI, annexe 104).
124 Voir par exemple «Navi Pillay exhorte les Egyptiens à renouer avec le dialogue pour éviter davantage de
violence dans le pays», ONU Info, 15 août 2013 (CMQ-B, vol. IV, annexe 127) (faisant référence aux déclarations faites
par la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme et par plusieurs rapporteurs spéciaux, ainsi qu’à la
séance du Conseil de sécurité sur la situation en Egypte).
125 MBEE, par. 2.33.
126 «Interpol removes red notice against Islamic scholar Yusuf Al Qaradawi», TRT World, 13 décembre 2018
(CMQ-B, vol. IV, annexe 103). Le Qatar souligne aussi que les appelants ont désigné M. al-Qaradawi comme terroriste
après l’introduction des mesures d’interdiction visant l’aviation et d’autres mesures le 5 juin 2017. Voir Kingdom of
Bahrain Ministry Foreign Affairs News Details, «Statement by the Kingdom of Saudi Arabia, the Arab Republic of
Egypt, the United Arab Emirates, and the Kingdom of Bahrain», 9 juin 2017 (MBEE, vol. V, annexe 74). De plus,
l’allégation des appelants selon laquelle M. al-Qaradawi «a bénéficié du soutien des plus hauts dirigeants qatariens» au
seul motif qu’il a été photographié et a dîné en compagnie de S. A. l’émir du Qatar à un «banquet de savants, juges et
imams» ne résiste pas à l’analyse. MBEE, par. 2.33 ; «Amir Hosts Iftar banquet for scholars, judges and imams»,
Gulf Times, 30 mai 2018 (MBEE, vol. VI, annexe 118).
127 «Video: Dubai ruler praises Al-Qaradawi for his scholarly achievements», Middle East Monitor, 12 avril 2014
(CMQ-B, vol. IV, annexe 65).
128 King Faisal Prize, «Professor Yousef A. Al-Qaradawi, Winner of the 1994 KFP Prize for Islamic Studies»
(dernière consultation le 15 février 2019) (CMQ-B, vol. IV, annexe 134).
129 Nations Unies, Conseil des droits de l’homme, groupe de travail sur la détention arbitraire, avis adoptés par le
groupe de travail sur la détention arbitraire à sa quatre-vingt-unième session, doc. A/HRC/WGAD/2018/26 (7-26 avril
2018), par. 79.
130 Ibid., par. 59.
37
- 24 -
2.49. Les appelants allèguent par ailleurs que «[l]a présence des Frères musulmans au Qatar
a eu de graves conséquences»131. Ils font référence à l’attentat terroriste perpétré le 11 décembre
2016, qui a pris pour cible des Coptes venus se recueillir à Abbasiya, en Egypte, et à une
déclaration du ministère de l’intérieur égyptien invoquant la radicalisation du coupable, un
ressortissant égyptien, au Qatar132. Les appelants ne produisent aucune preuve qui permettrait de
corroborer cette affirmation. Il est intéressant de noter que la déclaration du ministère de l’intérieur
mentionne aussi les nombreux voyages effectués par le coupable dans le Sinaï Nord133, qui, selon le
département d’Etat américain, constitue un «sanctuaire terroriste» utilisé par l’Etat islamique
Wilaya du Sinaï comme base pour planifier les attentats perpétrés dans la région et dans le reste de
l’Egypte134.
2.50. En fait, de l’avis général, l’Egypte figure par les 15 principaux pays d’origine des
combattants terroristes étrangers luttant aux côtés de l’EIIL. L’Arabie saoudite arrive en deuxième
position135. D’autres sources d’information indiquent que plus de cent Bahreïnites pourraient avoir
rejoint les rangs de l’EIIL, un important contingent par rapport à la population de Bahreïn, et
s’inquiètent de possibles liens entre les forces de sécurité bahreïnites et l’EIIL136. D’autres sources
encore rapportent que les armes fournies par l’Arabie saoudite ont souvent atterri entre les mains de
l’EIIL en Iraq et en Syrie137. Une enquête de CNN a montré que les EAU et l’Arabie saoudite
transféraient des armes aux «combattants d’Al-Qaida, aux milices salafistes partisanes d’une ligne
dure et à d’autres factions en guerre au Yémen»138. Une enquête distincte d’Amnesty International
a mis en évidence que les EAU étaient occupés à «approvisionner sans retenue des milices»
accusées de crimes de guerre en matériel de guerre avancé139.
131 MBEE, par. 2.34.
132 Official Statement of the Ministry of Interior of the Arab Republic of Egypt, 12 décembre 2016 (MBEE,
vol. V, annexe 71) ; voir aussi MBEE, par. 2.34.
133 Official Statement of the Ministry of Interior of the Arab Republic of Egypt, 12 décembre 2016 (MBEE,
vol. V, annexe 71).
134 U.S. Department of State, Bureau of Counterterrorism and Countering Violent Extremism, Country Reports on
Terrorism, «Chapter 4: Terrorist Safe Havens (Update to 7120 Report)», 2017 (CMQ-B, vol. III, annexe 47).
135 FATF, «Financing of the Terrorist Organisation Islamic State in Iraq and the Levant (ISIL)», février 2015,
p. 21 (CMQ-B, vol. IV, annexe 113) ; E. Benmelech & E.F. Klor, «What Explains the Flow of Foreign Fighters to
ISIS?», National Bureau of Economic Research, Working Paper 22190, avril 2016, p. 16 (CMQ-B, vol. IV, annexe 114) ;
S. B. Glasser, «Martyrs’ in Iraq Mostly Saudis», Washington Post, 15 mai 2005 (CMQ-B, vol. IV, annexe 61) ; voir aussi
H. Longo, «Sharing information in order to fight against terrorism», ICAO, Hong Kong ICAO TRIP Regional Seminar,
2017, p. 6 (CMQ-B, vol. II, annexe 19).
136 A. Shehabi, «Why is Bahrain Outsourcing Extremism?», Foreign Policy, 29 octobre 2014 (CMQ-B, vol. IV,
annexe 66).
137 B. McKernan, «US and Saudi Arabia arms significantly enhanced Isis’ military capabilities, report reveals»,
The Independent, 15 décembre 2017 (CMQ-B, vol. IV, annexe 94).
138 N. Elbagir, S. Abdelaziz, M. A. El Gheit & L. Smith-Spark, «Sold to an ally, lost to an enemy», CNN, février
2019 (CMQ-B, vol. IV, annexe 106).
139 Amnesty International, «Yemen: UAE recklessly supplying militias with windfall of Western arms», 6 février
2019 («les Emirats arabes unis sont devenus un fournisseur majeur de véhicules blindés, de mortiers, de fusils, de
pistolets et de mitrailleuses qui sont vendus illégalement à des milices agissant en dehors de tout contrôle et accusées de
crimes de guerre et d’autres graves exactions») (CMQ-B, vol. IV, annexe 133).
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- 25 -
2.51. Les appelants font ensuite mention d’un arrêt rendu en 2017 par la Cour de cassation
égyptienne, qui a prétendument
«confirmé que, entre 2011 et 2013, l’ancien président Morsi et des membres de son
gouvernement affilié à la Société des Frères musulmans avaient vendu à des agents du
renseignement qatarien des secrets militaires et d’autres informations essentielles pour
la sécurité nationale de l’Egypte»140.
Toutefois, de sérieuses questions se posent quant à la qualité des preuves produites en l’espèce et à
la politisation de tous les aspects de la procédure en raison des relations tendues entre l’Egypte et le
Qatar141  en effet, l’arrêt en question a été rendu après l’introduction le 5 juin 2017 des mesures
d’interdiction visant l’aviation et des autres mesures. Au-delà de ce fait, quelques mois avant le
jugement, le cadre juridique régissant le choix des hauts magistrats des instances judiciaires en
Egypte a été amendé pour accorder au président «le pouvoir discrétionnaire de choisir, sans
contrôle, les juges en chef de l’appareil judiciaire, révoquant le critère neutre de l’ancienneté…» Le
président al-Sissi a exercé ce pouvoir pour la première fois quelque peu avant que soit rendu l’arrêt
en question142.
2.52. Enfin, les appelants accusent le Qatar d’avoir
«offert à certains ressortissants de Bahreïn … de généreuses incitations financières
pour venir s’installer sur son sol et prendre la nationalité qatarienne. Etaient
spécifiquement visés des Bahreïnites occupant ou ayant occupé des fonctions de haut
niveau en rapport avec des questions sensibles.»143
Les preuves produites par les appelants eux-mêmes traduisent le fait que le Qatar a démenti et
continue de démentir cette accusation144. Sans surprise, les appelants ne présentent aucune autre
preuve pour étayer leurs propos.
2.53. En résumé, toutes les accusations portées par les appelants quant à la supposée
«ingérence systématique» du Qatar dans leurs affaires intérieures s’écroulent face à l’analyse. En
fait, ce sont les appelants eux-mêmes qui, en introduisant leurs mesures d’interdiction visant
l’aviation et d’autres mesures de coercition, ont cherché de façon délibérée et systématique à
s’ingérer dans les affaires intérieures du Qatar en violation des accords de Riyad et du droit
140 MBEE, par. 2.44 ; Morsi and others v. Public Prosecution, Case No. 32611, Judgment of the Court of
Cassation of the Arab Republic of Egypt (Criminal Chamber), 16 septembre 2017 (MBEE, vol. VII, annexe 137).
141 «Qatar Espionage case», The Tahrir Institute for Middle East Policy (dernière consultation le 14 février 2019)
(CMQ-B, vol. IV, annexe 121).
142 «The Battle over Appointing Judges in Egypt», Carnegie Endowment for International Peace, 16 janvier 2018
(CMQ-B, vol. IV, annexe 119).
143 MBEE, par. 2.45.
144 Fourth Report of the Follow-up Committee on the Implementation of the Riyadh Agreement Mechanism,
15 juillet 2014 (MBEE, vol. V, annexe 64) ; voir aussi réplique B devant l’OACI, pièce jointe 79, «Deputy PM and FM:
Investigations Proved Involvement of 2 Siege Countries in QNA Hacking», 10 janvier 2018 (indiquant que les
inquiétudes soulevées par Bahreïn sur la question de la naturalisation ont été levées en 2014) (MBEE, vol. IV,
annexe 25).
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international145. Au lieu de présenter leurs griefs (quelle qu’en soit la véritable nature) dans le cadre
des mécanismes régionaux de dialogue et de règlement des différends146, les appelants ont choisi
d’imposer les mesures d’interdiction visant l’aviation et d’autres mesures de coercition, qui, aux
dires des intéressés, ne seront levées qu’une fois que le Qatar aura capitulé devant leurs exigences.
Pour reprendre la formule de S. Exc. le ministre des affaires étrangères du Qatar, le cheikh
Mohammed ben Abdulrahman al-Thani : «[L]es pays à l’origine du blocus ont exigé que nous
renoncions à notre souveraineté, fixant par là même le prix à payer pour mettre fin au siège  ils
savaient que le Qatar ne ferait jamais une telle chose.»147
C. Les allégations des appelants relatives à l’utilisation par le Qatar
des médias pour attiser la violence et la haine sont fausses
2.54. Les appelants allèguent par ailleurs que le Qatar a soutenu la montée de «groupes tels
qu’Al-Qaida, le Hamas et les Frères musulmans», et utilisé «le réseau média Al Jazeera, qu’il
détient et contrôle, pour relayer [les] appels [des Frères musulmans] à l’extrémisme et à la
violence … contre le Gouvernement égyptien», en violation des accords de Riyad148.
2.55. Ces allégations sont infirmées en premier lieu par l’estime internationale portée à
Al-Jazeera. Le groupe est largement reconnu pour son traitement indépendant, objectif et factuel de
l’information, fondé sur des analyses détaillées et la prise en compte de points de vue
145 Voir réplique B devant l’OACI, pièce jointe 42, «Qatar’s Siege A Clear Violation of Riyadh Agreement,
Director of Government Communication Office Says», 10 juillet 2017 (MBEE, vol. IV, annexe 25). Les appelants
poussent le vice jusqu’à alléguer que le Qatar a répudié les accords de Riyad par voie d’un courrier adressé au Secrétaire
général du CCG en date du 19 février 2017. Or, la traduction approximative du courrier du Qatar dit que les parties
«n’ont fait aucun effort pour appliquer l’accord de Riyad et son mécanisme de mise en oeuvre». Letter of 19 February
2017 from the Minister of Foreign Affairs of the State of Qatar to the Secretary-General of the GCC (MBEE, vol. V,
annexe 72) (les italiques sont de nous). En fait, la traduction exacte de cette phrase dit que les parties «n’ont épargné
absolument aucun effort dans la mise en application de l’accord de Riyad et du mécanisme prévu pour son exécution».
Letter from Mohamed Bin Abdul Rahman Bin Jassim Al Thani, Minister of Foreign Affairs of State of Qatar, to
Abdul Latif Bin Rashid Al-Ziyani, Secretary-General of GCC, 19 février 2017 (CMQ-B, vol. III, annexe 40) (les
italiques sont de nous). A la lumière de ce fait, la lettre du Qatar priait les autres parties aux accords de «convenir de
dénoncer» les accords de Riyad. Ibid. (les italiques sont de nous). En aucun cas le courrier ne vaut répudiation des
accords, dont le Qatar continue de reconnaître le caractère contraignant.
146 Le premier accord de Riyad trouve son fondement dans le «mécanisme général» du CCG, y compris l’accent
mis sur le dialogue et la disposition relative au règlement des différends énoncée à l’article 10 de la charte du CCG.
L’article 10, intitulé «Commission de règlement des différends», dispose que :
«Le Conseil de coopération comprend une commission appelée Commission de règlement des
différends qui est rattachée au Conseil suprême. Le Conseil suprême constitue la Commission pour
chaque cas séparément en fonction de la nature du différend. Si un différend porte sur l’interprétation ou
l’application de la Charte et que ce différend n’est pas réglé au Conseil des Ministres ou au Conseil
suprême, le Conseil suprême peut renvoyer ce différend à la Commission de règlement des différends. La
Commission soumet ses recommandations ou son avis, selon le cas, au Conseil suprême qui prend les
mesures appropriées.»
Charte du Conseil de coopération des Etats arabes du Golfe, conclue à Abou Dhabi le 25 mai 1981, RTNU,
vol. 1288, p. 151, article 10 (MBEE, vol. II, annexe 8). Voir aussi réplique B devant l’OACI, pièce jointe 79, «Deputy
PM and FM: Investigations Proved Involvement of 2 Siege Countries in QNA Hacking», 10 janvier 2018 (notant les
dispositions prévues dans la charte du CCG et les accords de Riyad pour le règlement des différends) (MBEE, vol. IV,
annexe 25).
147 Réplique B devant l’OACI, pièce jointe 39, «Foreign Minister: Any Threat to Region is Threat to Qatar»,
6 juillet 2017 (MBEE, vol. IV, annexe 25).
148 MBEE, par. 2.13.
41
42
- 27 -
contradictoires149. Cette haute estime trouve écho dans la réaction internationale qu’a provoquée la
demande de fermeture d’Al-Jazeera des appelants. Le Rapporteur spécial sur la liberté d’expression
de l’ONU, M. David Kaye, a déclaré que la fermeture d’Al-Jazeera «porterait gravement atteinte au
pluralisme du paysage médiatique dans une région où le journalisme et les médias en tous genres
souffraient déjà de graves restrictions»150. Reporters sans frontières a condamné les efforts
déployés par les appelants pour museler la liberté des médias et la liberté d’expression, qualifiant la
demande de fermeture d’Al-Jazeera de «chantage inacceptable»151.
2.56. Le Qatar dispose depuis longtemps d’une politique de soutien à la liberté d’expression
 pour laquelle il a payé, et continue de payer, le prix fort. Le Qatar n’intervient aucunement dans
le choix des personnes qui ont (ou n’ont pas) droit de cité sur Al-Jazeera. Le réseau jouit d’une
totale indépendance journalistique et est seul à décider de sa ligne éditoriale. Par ailleurs, ni
M. al-Qaradawi, dont les apparitions sur Al-Jazeera sont épinglées par les appelants pour son
attitude critique152, ni l’institution qu’il préside ne sont désignés comme terroristes par le Conseil
de sécurité des Nations Unies, ni d’ailleurs par le Qatar153. Les Frères musulmans ne sont pas non
plus désignés par les Nations Unies comme organisation terroriste ou inscrits sur la liste des
organisations terroristes du CCG154. En fait, puisqu’il y a des partis politiques et des sociétés
affiliées aux Frères musulmans dans des pays du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, y compris
des députés et agents publics155, il est normal que ces personnes soient de temps à autre invitées sur
des chaînes d’information en continu, telles qu’Al-Jazeera. En effet, depuis de nombreuses années,
Bahreïn compte au sein de son parlement plusieurs députés qui sont membres d’un parti politique
affilié aux Frères musulmans et le ministre des affaires étrangères bahreïnite a reconnu que le parti
respectait l’état de droit156.
149 A. Bakshian Jr., «The Unlikely Rise of Al Jazeera», The Atlantic, 10 janvier 2012 (CMQ-B, vol. IV,
annexe 63). Sans surprise, l’affirmation des appelants selon laquelle, «[c]omme eux, bien d’autres Etats dénoncent le fait
que, tout en prétendant être un «canal d’information», Al-Jazeera sert d’instrument de déstabilisation de la région» n’est
accompagnée d’aucune source. Voir MBEE, par. 2.42.
150 Réplique B devant l’OACI, pièce jointe 33, «BBC, Qatar condemns Saudi refusal to negotiate over demands»,
28 juin 2017 (MBEE, vol. IV, annexe 25).
151 Reporters sans frontières, «Crise dans le Golfe : l’irrecevable demande faite à Al-Jazeera et aux autres médias
du Qatar», 28 juin 2017 (CMQ-B, vol. IV, annexe 122).
152 MBEE, par. 2.18, 2.33.
153 Comme expliqué plus haut, les appelants n’ont désigné M. al-Qaradawi comme terroriste qu’après
l’introduction des mesures de coercition unilatérales le 5 juin 2017.
154 Letter from Abdul Latif Bin Rashid Al-Ziyani, GCC Secretary General, to Khalid Bin Mohamed Al Ativa,
Minister of Foreign Affairs of the State of Qatar, 19 mai 2014 (CMQ-B, vol. III, annexe 38). Le Hamas ne figure pas non
plus sur la liste des organisations terroristes du CCG et n’a pas été désigné comme organisation terroriste par les
Nations Unies ou le Qatar.
155 Des organisations politiques affiliées aux Frères musulmans participent activement à la politique électorale et
sont représentées au sein des gouvernements de différents pays au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, y compris le
Maroc, la Tunisie, la Jordanie, le Koweït, le Yémen, la Libye, l’Iraq, l’Algérie et Bahreïn. Voir C. Alexander
& S. Dodge, «Muslim Brotherhood Is at the Heart of Gulf Standoff With Qatar», Bloomberg, 7 juin 2017 (recensant
plusieurs pays dans lesquels les Frères musulmans participent aux offices publics et à la vie politique) (CMQ-B, vol. IV,
annexe 75) ; M. Lynch, «In Uncharted Waters: Islamist Parties Beyond Egypt’s Muslim Brotherhood», Carnegie
Endowment for International Peace, 16 décembre 2016 (décrivant les différents niveaux de participation politique des
groupes affiliés aux Frères musulmans dans plusieurs pays) (CMQ-B, vol. IV, annexe 115).
156 K. Moore-Gilbert, «A Band of (Muslim) Brothers? Exploring Bahrain’s Role in the Qatar Crisis», Middle East
Institute, 3 août 2017 («[L]’organisation bahreïnite affiliée aux Frères musulmans mène ses activités en tant que société
politique licite et a remporté des sièges au parlement de Bahreïn à plusieurs occasions») (CMQ-B, vol. IV, annexe 117) ;
I. Hatlani, «Bahrain Between its Backers and the Brotherhood», Carnegie Endowment for International Peace, 20 mai
2014 («Le ministre des affaires étrangères de Bahreïn, M. Khaled ben Ahmed Al Khalifa, a indiqué lors d’une conférence
de presse au Pakistan que son gouvernement ne cataloguait pas la branche politique de la société locale des Frères
musulmans, la Société islamique, comme organisation terroriste. Il a déclaré que le groupe respectait l’état de droit et
n’agissait pas contre la sécurité du pays.») (CMQ-B, vol. IV, annexe 111).
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2.57. En fin de compte, le Qatar et les appelants semblent nourrir des vues
fondamentalement divergentes sur la notion d’indépendance des médias et le recours aux médias à
des fins d’incitation157. Le fait que le traitement d’une question par un organe de presse puisse être
incompatible avec la version qui recueille la préférence d’un Etat particulier ne signifie pas pour
autant que ledit organe de presse fasse la promotion de l’extrémisme. Au contraire, il fait là son
travail.
2.58. Il convient aussi de rappeler qu’en prélude à l’adoption le 5 juin 2017 des mesures
d’interdiction visant l’aviation et des autres mesures, une campagne médiatique anti-Qatar a été
lancée  en violation manifeste de l’interdiction de recourir aux médias à des fins d’incitation
prévue dans les accords de Riyad , à commencer par le piratage illicite du site Internet de
l’Agence de presse officielle du Qatar (Qatar News Agency, ci-après «QNA») le 24 mai 2017. Les
pirates informatiques ont attribué la paternité de déclarations inventées de toutes pièces à
S. A. l’émir du Qatar, le cheikh Tamim ben Hamad al-Thani158, des sources tierces imputant la
cyberattaque aux EAU159. L’enquête lancée par le Qatar pour faire la lumière sur l’incident, menée
avec l’aide d’experts internationaux d’Etats tiers, a confirmé le piratage et mis en évidence des
preuves irréfutables de l’implication de certains des appelants160.
2.59. Le Qatar en a également appelé au secrétaire général du CCG, exprimant son
inquiétude devant la propagation de fausses informations par des médias agissant sur le territoire et
sous le contrôle des EAU et de l’Arabie saoudite161. Or, cela n’a pas empêché les appelants
d’invoquer comme prétexte immédiat le piratage de QNA pour justifier leurs actions ultérieures.
Cela n’a pas non plus endigué le flux de désinformation162. Au cours de sa mission technique au
Qatar en novembre 2017, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a
constaté l’existence d’une «campagne de diffamation et de haine contre le Qatar et le[s] Qataris
157 Ce point ressort aussi clairement des statistiques compilées par le comité pour la protection des journalistes
en 2018 : 25 journalistes ont été emprisonnés en Egypte, 16 en Arabie saoudite et 6 à Bahreïn. En revanche, aucun
journaliste n’a été emprisonné au Qatar. Committee to Protect Journalists, Data & Research, 2018 (CMQ-B, vol. IV,
annexe 124). Dans le même temps, le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires,
Mme Agnès Callamard, a ouvert une enquête internationale sur le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi, afin
d’«examiner et évaluer, sous l’angle des droits de l’homme, les circonstances entourant l’exécution» survenue au
consulat saoudien à Istanbul (Turquie) en octobre 2018. Office of the High Commissioner for Human Rights,
«Independent human rights expert to visit Turkey to launch international inquiry into Khashoggi case», 25 janvier 2019
(CMQ-B, vol. IV, annexe 129). Si l’Arabie saoudite a jugé certains des suspects mis en cause dans l’assassinat, le
Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a estimé que c’était «insuffisant». «Assassinat de
Khashoggi : le procès en Arabie Saoudite ne constitue pas l’enquête indépendante nécessaire, a estimé la cheffe des droits
de l’homme de l’ONU», ONU Info, 4 janvier 2019 (CMQ-B, vol. IV, annexe 128).
158 Voir P. Salisbury, «The fake-news hack that nearly started a war this summer was designed for one man:
Donald Trump», Quartz, 20 octobre 2017 (CMQ-B, vol. IV, annexe 92).
159 K. DeYoung & E. Nakashima, «UAE orchestrated hacking of Qatari government sites, sparking regional
upheaval, according to U.S. intelligence officials», Washington Post, 16 juillet 2017 (CMQ-B, vol. IV, annexe 84). Voir
aussi C. Bing & J. Schectman, «Inside the UAE’s secret hacking team of American mercenaries», Reuters, 30 janvier
2019 (CMQ-B, vol. IV, annexe 105) (notant que les opérations de piratage émiriennes visaient aussi le Qatar et des
responsables du pays). Voir aussi réplique B devant l’OACI, pièce jointe 79, «Deputy PM and FM: Investigations Proved
Involvement of 2 Siege Countries in QNA Hacking», 10 janvier 2018, p. [PDF] 1329 (notant la coopération du FBI et de
l’Agence nationale de lutte contre la criminalité du Royaume-Uni dans l’enquête sur le piratage) (MBEE, vol. IV,
annexe 25).
160 Letter from Muhammad Bin Abdul Rahman Al Thani, Minister of Foreign Affairs of the State of Qatar, to
Abdulatif Bin Rashid Al Zayani, GCC Secretary General, 7 août 2017 (CMQ-B, vol. III, annexe 39).
161 Ibid.
162 Voir réplique B devant l’OACI, pièce jointe 42, «Qatar Siege A Clear Violation of Riyadh Agreement,
Director of Government Communication Office Says», 10 juillet 2017 (MBEE, vol. IV, annexe 25) ; ibid., pièce
jointe 79, «Deputy PM and FM: Investigations Proved Involvement of 2 Siege Countries in QNA Hacking», 10 janvier
2018.
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dans divers médias liés aux quatre pays ainsi que sur les médias sociaux» qui «peut constituer une
forme d’incitation»163.
2.60. Les chaînes et sites d’information détenus par les gouvernements des Etats appelants et
de l’Arabie saoudite ont aussi attisé les craintes et la confusion générées en premier lieu par les
mesures d’interdiction visant l’aviation. Le 9 août 2017, le réseau d’information Al Arabiya,
contrôlé par l’Arabie saoudite, a diffusé une simulation animée d’un avion à réaction militaire
abattant en vol un avion de ligne civil de Qatar Airways à l’aide d’un missile air-air, accompagnée
d’une voix off indiquant qu’abattre un aéronef violant l’espace aérien national d’un Etat était
autorisé en droit international164.
2.61. Ce recours aux médias comme vecteur d’incitation à la haine et de propagande
constitue une violation évidente des prescriptions des accords de Riyad à cet égard165. Les
appelants formulent des accusations qui, outre leur défaut de fondement, seraient plus justement
dirigées contre eux-mêmes.
*
2.62. Comme il a été rappelé plus haut, dès le 5 juin 2017, les appelants ont introduit des
mesures d’interdiction visant l’aviation, en violation des obligations leur incombant en vertu de
l’accord de transit. Pour tenter de justifier ces actes illicites, ils portent à l’encontre du Qatar des
accusations sans fondement sur des faits dont ils sont en réalité coupables. Dans les chapitres qui
suivent, le Qatar non seulement procédera à une solide réfutation des allégations des appelants,
mais confirmera en outre que le Conseil de l’OACI a compétence pour connaître du différend qui
oppose les Parties au sujet de leurs violations dudit accord.
163 Voir réplique B devant l’OACI, pièce jointe 76, «OHCHR Technical Mission to the State of Qatar,
17-24 November 2017, Report on the Impact of the Gulf Crisis on Human Rights (December 2017)», par. 14, 20.
164 «Emergency corridors opened before Qatar Airways», Al Arabiya, 9 août 2017 (CMQ-B, vol. IV, annexe 88).
Voir aussi K. Jon Heller, «Saudi Arabia Threatens to Shoot Down a Qatari Airways Plane», OpinioJuris, 18 août 2017
(CMQ-B, vol. IV, annexe 123) (arguant que, par le biais de cette vidéo, «l’Arabie saoudite menace de recourir au
terrorisme d’Etat  à savoir utiliser la violence pour répandre la panique parmi la population civile qatarienne afin de
persuader le gouvernement du Qatar de cesser supposément tout soutien aux groupes terroristes»).
165 Voir réplique B devant l’OACI, pièce jointe 79, «Deputy PM and FM: Investigations Proved Involvement of
2 Siege Countries in QNA Hacking», 10 janvier 2018 (notant le recours aux médias par les appelants à des fins
d’incitation à la haine en violation des accords de Riyad) (MBEE, vol. IV, annexe 25).
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CHAPITRE 3
LA COUR DEVRAIT REJETER LE DEUXIÈME MOYEN D’APPEL
3.1. Dans leur première exception préliminaire soulevée en contestation de la compétence du
Conseil de l’OACI et dans le deuxième moyen qu’ils invoquent devant la Cour, les appelants
affirment que :
«[ils] ont ainsi contesté la compétence du Conseil de l’OACI ou, à titre subsidiaire, la
recevabilité des demandes du Qatar au motif que … s’il devait connaître du différend,
le Conseil de l’OACI aurait à trancher des questions ne relevant pas de sa
compétence : pour se prononcer sur la licéité des contre-mesures adoptées par les
[appelants], notamment certaines restrictions de l’espace aérien, il aurait à trancher la
question de l’exécution par le Qatar d’obligations fondamentales de droit international
sans aucun rapport avec l’accord de transit et n’entrant pas dans le champ de
celui-ci.»166
3.2. Les appelants articulent cette exception en «en deux volets, l’un principal et l’autre
subsidiaire» :
1) Ils invoquent l’incompétence
«au motif que le véritable problème en cause, une fois correctement défini, ne saurait
être circonscrit à des divergences quant à l’interprétation ou l’application de l’accord
de transit, car il concerne en réalité un différend plus large entre les Parties» ; et
2) «à titre subsidiaire», ils contestent la recevabilité des demandes du Qatar
«au motif que le Conseil de l’OACI … [pour rendre] une décision définitive sur
lesdites demandes … statuerait nécessairement sur des questions qui échappent à la
compétence limitée qu’il tient de l’accord de transit, sans que les [appelants] y aient
consenti»167.
3.3. Il sera démontré au présent chapitre que ces deux arguments sont infondés en droit et,
partant, que le Conseil de l’OACI a rejeté à raison la première exception préliminaire des
appelants.
3.4. Avant de faire cette démonstration, il est toutefois important de souligner les dangers
que les arguments des appelants font planer sur l’ordre juridique international. Par essence, ces
arguments postulent qu’une instance habilitée à statuer sur un différend au sujet «de l’interprétation
ou de l’application» d’un traité donné est privée de ce pouvoir de décision dès lors que la défense
choisie par l’Etat défendeur repose sur des contre-mesures «non réciproques» licites. Les dangers
inhérents à cette posture, si la Cour venait à l’accepter, sautent aux yeux. Les Etats défendeurs
seraient alors en mesure de se soustraire à leur guise au mécanisme obligatoire de règlement des
différends invoqué en application de la clause compromissoire d’un traité en faisant simplement
valoir une ligne de défense fondée sur des contre-mesures «licites»  une défense qui, à l’instar
166 Requête devant la Cour, par. 20, al. i) (les italiques sont de nous).
167 MBEE, par. 5.2.
47
48
- 31 -
d’autres formes d’auto-assistance, est susceptible d’abus168. Le droit des contre-mesures se muerait
alors en carte maîtresse à même d’affaiblir tout le système de règlement international des
différends. Il est de l’avis du Qatar que tel est là le véritable objet des questions de compétence et
de recevabilité soulevées dans le deuxième moyen des appelants.
3.5. Le reste du présent chapitre s’articule comme suit : la section I balaie les tentatives des
appelants visant à restreindre a priori la compétence du Conseil de l’OACI à l’égard des différends
«à propos de l’interprétation ou de l’application» de l’accord de transit. La section II démontre que
le différend dont le Qatar a saisi le Conseil est précisément un différend de cet ordre et que la ligne
de défense des appelants, qui invoquent des contre-mesures, n’y change rien. Enfin, la section III
examine l’argument subsidiaire des appelants selon lequel, nonobstant ce qui précède, la demande
du Qatar serait irrecevable pour des raisons d’«opportunité judiciaire».
I. LE CONSEIL DE L’OACI EST HABILITÉ À EXERCER SES FONCTIONS
EN MATIÈRE DE RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS
«DANS LEUR PLÉNITUDE»
3.6. Les appelants soutiennent qu’à la lumière du «principe de spécialité», la compétence
reconnue au Conseil de l’OACI par la section 2 de l’article II de l’accord de transit169 «doit être
considérée comme circonscrite et limitée aux questions relevant de la spécialité de cet organe», à
savoir l’«aviation civile internationale»170.
3.7. Or, le principe de spécialité ne limite pas les fonctions dévolues au Conseil en vertu de
la section 2 de l’article II, comme semblent le suggérer les appelants171. Dans les faits, il produit
même l’effet inverse. Dans un paragraphe clé de l’avis consultatif qu’elle a rendu au sujet de la
Licéité de l’utilisation des armes nucléaires, que les appelants évitent soigneusement de
mentionner, la Cour souligne que le principe de spécialité revêt un sens double. Une organisation
internationale «n’est pas un Etat, mais une institution internationale pourvue d’un objet spécial» qui
«n’a que les attributions que lui confère le Statut définitif, pour lui permettre de remplir cet
168 Projet d’articles sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite et commentaires y relatifs,
adopté par la Commission du droit international à sa cinquante-troisième session (2001), Rapport de la Commission du
droit international sur les travaux de sa cinquante-troisième session, Nations Unies, doc. A/56/10 (ci-après les «Articles
sur la responsabilité de l’Etat»), p. 137, par. 2. Ce risque d’abus est même exacerbé en l’espèce, comme expliqué au
chapitre 2 du présent contre-mémoire.
169 La section 2 de l’article II de l’accord de transit est ainsi libellée :
«Si un désaccord survenu entre deux ou plusieurs Etats contractants à propos de l’interprétation
ou de l’application du présent Accord ne peut être réglé par voie de négociation, les dispositions du
chapitre XVIII de la Convention susmentionnée seront applicables dans les conditions prévues par
lesdites dispositions relativement à tout désaccord portant sur l’interprétation ou l’application de ladite
Convention.» Section 2 de l’article II de l’accord de transit (MBEE, vol. II, annexe 2).
L’expression «Convention susmentionnée» figurant dans l’accord de transit renvoie à la convention de Chicago
(MBEE, vol. II, annexe 1). Dans le présent contre-mémoire, le Qatar emploie les termes «désaccord» et «différend» de
manière interchangeable, sans reconnaître que le terme «désaccord» à l’article 84 est parfait synonyme du terme
«différend» retenu dans de nombreuses autres clauses compromissoires.
170 MBEE, par. 5.13, 5.23.
171 Ibid., par. 5.11, 5.17.
49
50
- 32 -
objet»172 ; elle a compétence «pour exercer ces fonctions dans leur plénitude, pour autant que le
Statut ne lui impose pas de restrictions»173.
3.8. Dans le domaine de l’aviation civile internationale, le Conseil de l’OACI est par
conséquent habilité à remplir les fonctions de règlement des différends que lui confère la section 2
de l’article II «dans leur plénitude». Cela signifie à tout le moins qu’il est compétent pour statuer
sur les différends «à propos de l’interprétation ou de l’application» de l’accord de transit, même si
l’une des parties invoque en défense des questions qui ne relèvent pas de cet instrument, ou si le
désaccord en cause est né dans le cadre d’un différend plus large entre les parties.
3.9. Ni la section 2 de l’article II ni aucune autre disposition de l’accord ou de la convention
de Chicago auquel celui-ci fait référence ne restreint le pouvoir dont est investi le Conseil de
l’OACI pour trancher les différends. Les appelants semblent reconnaître ce point. Ils laissent donc
entendre que les restrictions qu’ils souhaitent voir imposées au pouvoir de décision du Conseil
peuvent être inférées des buts et objectifs de l’OACI, tels qu’énoncés à l’article 44 de la convention
de Chicago, et de «la logique du système global envisagé par la Charte [des Nations Unies]»174. Ils
se fourvoient.
3.10. Les buts et objectifs de l’OACI sont notamment d’«assurer le respect intégral des droits
des Etats et une possibilité équitable pour chaque Etat d’exploiter des entreprises de transport
aérien international», d’«éviter la discrimination entre Etats contractants» et de «promouvoir la
sécurité de vol dans la navigation aérienne internationale»175. L’exercice par le Conseil de l’OACI
de sa compétence pour connaître du différend que les appelants ont fait naître en imposant
inopinément des mesures d’interdiction visant l’aviation s’inscrit à l’appui de ces buts et objectifs ;
il ne les affaiblit pas.
3.11. A cet égard, il est utile de rappeler que l’accord de transit constitue un «accord
complémentaire»176 à la convention de Chicago ayant établi l’OACI, qui est une institution
spécialisée de l’ONU au sens de l’article 57 de la Charte des Nations Unies. Les principes qui la
guident, ainsi que les activités qu’elle entreprend en application de ces principes, doivent par
conséquent être réputés donner effet aux buts des Nations Unies, tels que définis à l’article 1 de la
Charte. Ces buts sont les notamment suivants : «réaliser, par des moyens pacifiques, conformément
aux principes de la justice et du droit international, l’ajustement ou le règlement de différends … de
caractère international» ; «[d]évelopper entre les nations des relations amicales … et prendre toutes
autres mesures propres à consolider la paix du monde» ; et «[r]éaliser la coopération internationale
en résolvant les problèmes internationaux d’ordre économique, social, intellectuel ou
humanitaire»177.
172 Licéité de l’utilisation des armes nucléaires par un Etat dans un conflit armé, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 1996 (I), par. 25 (citant Compétence de la Commission européenne du Danube, avis consultatif, 1927,
C.P.J.I. série B no 14, p. 64.)
173 Ibid. (les italiques sont de nous).
174 MBEE, par. 5.16 (citant Licéité de l’utilisation des armes nucléaires par un Etat dans un conflit armé, avis
consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), par. 26), par. 5.19.
175 Convention de Chicago, art. 44, al. f) à h) (MBEE, vol. II, annexe 1).
176 «Interpretation of the air transport services agreement between the United States of America and Italy, Award
of 17 July 1965», RSA, vol. XVI, p. 96.
177 Charte des Nations Unies, RTNU, vol. 1, p. 16, 26 juin 1945 (entrée en vigueur le 24 octobre 1945), art. 1.
51
52
- 33 -
3.12. Le préambule de la convention de Chicago lui-même renvoie expressément l’OACI à
ces buts. Il indique que «le développement [] de l’aviation civile internationale peut grandement
aider à créer et à préserver entre les nations et les peuples du monde l’amitié et la compréhension,
alors que tout abus qui en serait fait peut devenir une menace pour la sécurité générale» et qu’«il
est désirable d’éviter toute mésentente entre les nations et les peuples et de promouvoir entre eux la
coopération dont dépend la paix du monde»178. Là encore, l’exercice par le Conseil de sa
compétence à l’égard de ce différend ne peut que servir ces objectifs, et non les affaiblir.
3.13. De même, les fonctions dévolues au Conseil en matière de règlement des différends ne
sauraient être limitées au vu de «considérations d’ordre pratique qui ont trait à la composition du
Conseil de l’OACI ainsi qu’à l’expérience et à l’expertise des représentants de ses Etats membres»,
comme le prétendent à tort les appelants179. Leur affirmation selon laquelle le Conseil n’est pas
«apt[e] à régler des différends juridiques complexes entre Etats dans des domaines qui débordent
celui, restreint et spécialisé, des règles du droit international applicables à l’aviation civile
internationale»180 est contredite par la pratique du Conseil à cet égard181. De plus, les Etats
membres de l’OACI sont libres d’intégrer à leurs délégations représentées au Conseil des experts
possédant un vaste éventail de compétences et de connaissances, ou même des avocats de la
pratique privée182. Et le Conseil lui-même peut demander l’avis d’experts sur toute question
juridique difficile, qu’elle relève du droit interne ou du droit international, dès lors qu’il l’estime
nécessaire183.
178 Convention de Chicago, préambule (MBEE, vol. II, annexe 1). Il faut noter qu’au cours de son histoire,
l’OACI a agi dans les limites de ses compétences et buts lorsqu’elle a condamné les politiques d’apartheid et de
discrimination raciale de l’Afrique du Sud. Assemblée de l’OACI, résolution A15-7 : Résolution condamnant la politique
d’apartheid et de discrimination raciale de l’Afrique du Sud, doc. 8528 (22 juin-16 juillet 1965) (CMQ-B, vol. II,
annexe 1). A l’époque, l’OACI a en outre décidé de ne plus inviter l’Afrique du Sud à ses réunions, car, en maintenant
ses politiques d’apartheid, elle agissait en flagrante contradiction avec le préambule de la convention de Chicago. Voir
Assemblée de l’OACI, résolution A18-4 : Mesures à prendre à l’égard de l’Afrique du Sud comme suite aux résolutions
2555 et 2704 de l’Assemblée générale des Nations Unies, doc. 8958 (15 juin-7 juillet 1971) (CMQ-B, vol. II, annexe 2).
A la lumière des objectifs de l’OACI et de la pratique passée du Conseil, l’idée que le domaine d’intervention de
l’organisation serait purement «technique», comme semblent le penser les appelants, est tout à fait fausse. MBEE,
par. 5.23.
179 MBEE, par. 5.25.
180 Ibid.
181 Par exemple, en l’affaire Pakistan c. Inde, les parties ont présenté des arguments relatifs à la dénonciation et à
la suspension des traités en vertu du droit international général. Voir par exemple Conseil de l’OACI,
soixante-quatorzième session, procès-verbal de la 2e séance/1001, 27 juillet 1971 (CMQ-B, vol. II, annexe 4) ; Conseil de
l’OACI, soixante-quatorzième session, procès-verbal de la 3e séance, 27 juillet 1971 (CMQ-B, vol. II, annexe 5) ; Conseil
de l’OACI, soixante-quatorzième session, procès-verbal de la 4e séance, 28 juillet 1971 (CMQ-B, vol. II, annexe 6) ;
Conseil de l’OACI, soixante-quatorzième session, procès-verbal de la 5e séance, 28 juillet 1971 (MBEE, vol. V,
annexe 27). En l’affaire Etats-Unis et 15 Etats européens, les parties ont présenté des arguments relatifs au caractère
adéquat des négociations et à l’épuisement des voies de recours internes, et le Conseil a rendu une décision sur ces
questions relevant du droit public international. Voir par exemple Conseil de l’OACI, cent soixante et unième session,
procès-verbal sommaire de la 4e séance, 15 novembre 2000 (CMQ-B, vol. II, annexe 13) ; exceptions préliminaires B
devant l’OACI, pièce jointe 1, «Summary Minutes of the Council, Sixth Meeting, 161st Session», doc. C-MIN 161/6,
16 novembre 2000 (MBEE, vol. III, annexe 24). En l’affaire entre le Brésil et les Etats-Unis, les parties ont présenté des
arguments relatifs au principe de la prescription extinctive invoquant le droit international général, et le Conseil a, là
encore, rendu une décision sur cette question. Voir, par exemple, exceptions préliminaires B devant l’OACI, pièce
jointe 2, «ICAO Council – 211th Session, Summary Minutes of the Ninth Meeting of 21 June 2017 », doc. C-MIN 211/9,
5 juillet 2017 (MBEE, vol. III, annexe 23) ; Conseil de l’OACI, deux cent onzième session, 9e séance, résumé des
décisions, 21 juin 2017 (CMQ-B, vol. III, annexe 23).
182 C’est en effet ce que l’un des appelants, Bahreïn, a fait à l’audience devant le Conseil de l’OACI. Voir Conseil
de l’OACI, deux cent quatorzième session, procès-verbal sommaire de la 8e séance du 26 juin 2018, doc. C-MIN 214/8,
par. 121 (MBEE, vol. V, annexe 53).
183 Règlement de l’OACI, art. 8 (MBEE, vol. II, annexe 6).
53
- 34 -
3.14. La jurisprudence de la Cour balaie tout doute qui pourrait persister quant au pouvoir
dont jouit le Conseil de l’OACI pour remplir, dans leur plénitude, ses fonctions en matière de
règlement des différends. En l’affaire Inde c. Pakistan, la Cour a établi clairement que la
compétence reconnue au Conseil par l’article 84 de la convention de Chicago — auquel fait
référence la section 2 de l’article II de l’accord de transit — était complétée par le mécanisme
d’appel prévu au même article, qui garantit que le Conseil remplit ses fonctions dans les limites de
son champ de compétence. Selon les mots de la Cour :
«En prévoyant ainsi un recours juridictionnel d’appel devant la Cour contre les
décisions du Conseil en matière d’interprétation et d’application … les Traités [de
Chicago] donnaient aux Etats membres et par leur entremise au Conseil la possibilité
de faire assurer un certain contrôle de ces décisions par la Cour. Dans cette mesure, les
Traités font contribuer la Cour au bon fonctionnement de l’Organisation ; la première
garantie pour le Conseil est donc de savoir qu’un contrôle est possible pour vérifier si
une décision prise sur sa propre compétence est ou non conforme aux dispositions des
traités qui gouvernent son action.»184
3.15. En conséquence, ni le principe de spécialité, ni les buts et objectifs de l’OACI, ni des
«considérations d’ordre pratique» d’un quelconque ordre ne limitent la compétence du Conseil à
l’égard de différends «à propos de l’interprétation ou de l’application» de l’accord de transit. Au
contraire, le Conseil est habilité à exercer sa compétence «dans [sa] plénitude». C’est exactement
ce qu’il a fait en rendant sa décision du 29 juin 2018 relative à la requête B du Qatar.
II. LE DIFFÉREND PORTÉ PAR LE QATAR DEVANT LE CONSEIL DE L’OACI
SURVIENT «À PROPOS DE L’INTERPRÉTATION OU DE L’APPLICATION»
DE L’ACCORD DE TRANSIT
3.16. Les appelants font observer que «la compétence que le Conseil de l’OACI tient de la
section 2 de l’article II de l’accord de transit est limitée et circonscrite ratione materiae aux
questions relatives à «l’interprétation ou [à] l’application» de cet instrument»185. Le Qatar en
convient ; le sens des termes de la section 2 de l’article II est clair. Les appelants soutiennent
toutefois que le différend porté par le Qatar devant le Conseil ne porte qu’«à première vue» sur des
questions d’interprétation ou d’application de l’accord de transit, et qu’il «ne concerne en réalité
que l’un des aspects du véritable différend opposant les Parties»186. Selon leur interprétation, «le
véritable objet du différend … concerne le fait que le Qatar ne respecte pas … certaines obligations
fondamentales d’une tout autre nature» qui échappent à la compétence du Conseil187. Les appelants
avancent également que
184 Appel concernant la compétence du Conseil de l’OACI, arrêt, C.I.J. Recueil 1972, p. 46, par. 26 (les italiques
sont de nous) ; voir aussi ibid., opinion individuelle de M. le juge de Castro, par. 7 ; ibid., opinion individuelle de
M. le juge Dillard, p. 105 ; ibid., déclaration de M. le juge Lachs, p. 75 («le Conseil, vu son expérience limitée des
problèmes de procédure et composé comme il l’est d’experts dans d’autres domaines que le droit, a sans aucun doute
besoin de directives et … la Cour peut certainement les lui fournir. Ces directives seraient très importantes pour la suite
du présent procès et pour les instances à venir et accroîtraient la confiance des Etats qui confient au Conseil la tâche de
régler des désaccords survenant dans le domaine de l’aviation civile.»).
185 MBEE, par. 5.11.
186 Ibid., par. 5.27.
187 Ibid., par. 5.28–5.29.
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«[t]oute décision définitive sur [l]es griefs [du Qatar] imposerait … au Conseil de
l’OACI, nécessairement et inévitablement, d’examiner se pencher et à et de trancher
des questions qui excèdent incontestablement [s]a compétence ratione materiae
limitée»188.
Pour preuve, ils expliquent que «les restrictions visant l’espace aérien qu’[ils] ont
adoptées constituent des contre-mesures licites»189.
3.17. L’argument des appelants sur ces questions est extrêmement répétitif. Ils consacrent un
chapitre entier de leur mémoire190, ainsi que plusieurs sections de deux autres chapitres au prétendu
«véritable problème» en cause191. Les expressions «véritable problème» et «véritable différend»
apparaissent à plus d’une soixantaine de reprises dans le mémoire, comme si la répétition des
mêmes arguments erronés pouvait en quelque sorte les conforter au fond. Ce n’est pas le cas.
3.18. La réponse du Qatar sera plus concise. Le moyen de défense que les appelants tirent
des contre-mesures ne prive pas le Conseil de l’OACI de la compétence qui lui revient dans le
règlement du différend porté devant lui par le Qatar, car 1) cet argument n’a aucune pertinence
pour la détermination par la Cour du «véritable problème» en cause (sect. II.A) ; et 2) même si
cette défense était d’une façon ou d’une autre pertinente (quod non), elle n’enlève rien au fait que
le différend relève de la compétence du Conseil (sect. II.B).
A. L’invocation par les appelants de contre-mesures en guise de défense
n’a aucune incidence sur la détermination du
«véritable problème» en cause
3.19. Dans l’introduction de leur mémoire, les appelants affirment que «[l]es questions de
compétence et de recevabilité soulevées au titre du deuxième moyen d’appel sont nouvelles et
inédites, que ce soit dans la jurisprudence de la Cour ou dans celle d’autres juridictions»192. Cette
affirmation est infirmée par la jurisprudence de la Cour. Lorsqu’elle a précédemment été amenée à
se prononcer sur une décision du Conseil d’OACI, la Cour a rejeté catégoriquement un argument
de la partie appelante qui, en substance, était le même.
3.20. Plus précisément, dans l’affaire Inde c. Pakistan, l’Inde soutenait que le différend porté
par le Pakistan devant le Conseil de l’OACI ne concernait pas l’interprétation ou l’application de la
convention de Chicago, car, selon elle, il exigeait du Conseil qu’il tranche des questions de droit
international n’entrant pas dans les prévisions de la convention (en l’occurrence, le fait de savoir si
l’application de celle-ci était validement suspendue ou dénoncée dans les relations entre les deux
parties). Suivant une ligne similaire à celle des appelants en l’espèce, l’Inde soutenait que le
Conseil n’avait ni la compétence ni l’expertise nécessaire pour se prononcer ces questions193.
188 MBEE, par. 5.30 (les italiques sont de nous).
189 Ibid.
190 Ibid., chap. II.
191 Ibid., chap. I, sect. 3 ; chap. V, sect. 3 et 4.
192 Ibid., par. 1.32 (les italiques sont de nous).
193 Voir Conseil de l’OACI, soixante-quatorzième session, procès-verbal de la 2e séance, 27 juillet 1971, p. 23
(CMQ-B, vol. II, annexe 4) ; Appel concernant la compétence du Conseil de l’OACI, mémoire de l’Inde, par. 68-85 ;
réplique de l’Inde, par. 44, 63-74 ; plaidoiries, p. 504-523 (Palkhivala).
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3.21. Les dangers de cet argument sont immédiatement apparus à la Cour. Si une défense au
fond pouvait porter atteinte à la compétence du Conseil, les «parties seraient en mesure de
déterminer elles-mêmes cette compétence, ce qui serait inadmissible»194. Il est de l’avis de la Cour
que la compétence du Conseil de l’OACI
«dépend nécessairement du caractère du litige soumis au Conseil et des points
soulevés, mais non pas des moyens de défense au fond ou d’autres considérations qui
ne deviendraient pertinentes qu’une fois tranchés les problèmes juridictionnels»195.
Cette conclusion n’est en rien modifiée si les considérations sont «extérieures aux Traités». Le
Conseil ne peut être privé de sa compétence «dès lors que, de toute façon, des questions relatives à
l’interprétation ou à l’application de ceux-ci entrent en jeu»196.
3.22. Tout comme le Conseil l’a fait face au même argument, la Cour a catégoriquement
rejeté l’appel de l’Inde197. Elle a affirmé la compétence du Conseil de l’OACI par 14 voix pour et
deux voix contre. Même les deux juges qui ont émis une opinion dissidente n’ont pas considéré que
le Conseil de l’OACI n’avait pas compétence pour connaître de la requête du Pakistan au fond198.
3.23. C’est exactement le même cas de figure qui se présente ici. Les appelants tentent
concrètement  pour reprendre les termes exacts de la Cour  de «déterminer e[ux]-mêmes la
compétence» du Conseil en présentant «une défense au fond … d’une certaine manière» (en
l’espèce, en invoquant des contre-mesures). Dès lors que, «de toute façon, des questions relatives à
l’interprétation ou à l’application de [l’accord de transit] entrent en jeu»  et les appelants
194 Appel concernant la compétence du Conseil de l’OACI, arrêt, C.I.J. Recueil 1972, p. 46, par. 27.
195 Ibid. (les italiques sont de nous). Voir aussi ibid., par. 31 («On ne saurait admettre qu’une simple assertion
unilatérale de ces thèses, contestées par la partie adverse, élimine la compétence du Conseil. Ce n’est pas que ces thèses
soient nécessairement mal fondées, mais c’est que leur bien-fondé n’a pas encore été établi. Les Parties sont en désaccord
sur les points de savoir si les Traités ont jamais été valablement suspendus ou remplacés, si les Traités sont en vigueur
entre elles et si les mesures prises par l’Inde à l’égard des survols par des appareils pakistanais, au lieu de mettre en jeu
les Traités, se justifiaient par d’autres motifs extérieurs ; ces questions sont donc maintenant en cause devant le Conseil et
l’on ne peut tirer de leur existence, au moins à ce stade, aucune conclusion d’ordre juridictionnel qui exclue ipso facto et
à priori la compétence du Conseil.») (Les italiques sont de nous.)
196 Ibid., par. 27. Les appelants avancent que la Cour, dans son arrêt, «a ainsi préludé à l’application du critère du
«véritable problème» qu’elle a développé dans les affaires ultérieures, mais qu’elle n’avait pas encore besoin d’appliquer
dans cette affaire-là». MBEE, par. 5.89. Toutefois, le texte de l’arrêt ne laisse aucune place à l’ambiguïté. Plus loin dans
son arrêt, la Cour affirme expressément que
«[l]a question juridique que la Cour doit trancher est donc en fait de savoir si ce différend, sous la forme
où les Parties l’ont soumis au Conseil et l’ont présenté à la Cour dans leurs conclusions ... peut être résolu
sans aucune interprétation ou application des Traités en cause. Si cela n’est pas possible, le Conseil a
nécessairement compétence.» Ibid., par. 28 (les italiques sont de nous).
197 Le Conseil de l’OACI a rejeté l’exception de l’Inde par 20 voix contre zéro et quatre abstentions. Voir Conseil
de l’OACI, décisions du Conseil, soixante-quatorzième session (8 juillet 1971, 27-29 juillet 1971,
28 septembre-17 décembre 1971), p. 43 (CMQ-B, vol. II, annexe 3).
198 Voir Appel concernant la compétence du Conseil de l’OACI, arrêt, C.I.J. Recueil 1972, p. 46, opinion
dissidente de M. le juge Morozov, p. 157–163 ; Appel concernant la compétence du Conseil de l’OACI, arrêt,
C.I.J. Recueil 1972, p. 46, opinion dissidente de M. le juge Nagendra Singh, par. 19 (affirmant qu’il «n’exprimera[]
aucune opinion sur le fond de la question de compétence»).
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admettent que c’est le cas en l’espèce199  «on ne saurait admettre que» leurs assertions
unilatérales «élimine[nt] la compétence du Conseil»200.
3.24. Les appelants ont la prudence de ne pas prétendre que la Cour s’est trompée dans
l’affaire Inde c. Pakistan en 1972. Ils tentent à la place de limiter la portée de sa décision aux
moyens de défense qui «s’inscriv[ent] … dans le cadre de l’accord de transit», alors que dans leur
cas «le fait d’invoquer de bonne foi l’adoption de contre-mesures fait sortir le différend du cadre de
la convention»201. Cependant, l’arrêt rendu par la Cour en 1972 exclut cette manoeuvre. Tout
comme celui que les appelants tirent des contre-mesures, le moyen de défense de l’Inde a été
considéré comme «extérieure[] aux Traités»202. La Cour décrit l’argument de l’Inde comme suit :
«La thèse [de l’Inde] est celle-ci: puisqu[e] … l’Inde n’invoquait aucun droit
découlant des Traités mais agissait en dehors des Traités, sur la base d’un principe
général de droit international, il en résulte nécessairement que le Conseil, dont la
compétence procède des Traités et qui ne peut connaître que de questions se posant à
leur propos, est incompétent.»203
3.25. De plus, la Cour ne fait aucun distinguo entre les moyens de défense fondés sur la
convention de Chicago et ceux qui lui sont extérieurs quand elle dit que la compétence du Conseil
de l’OACI «dépend nécessairement du caractère du litige soumis au Conseil…, mais non pas des
moyens de défense au fond ou d’autres considérations qui ne deviendraient pertinentes qu’une fois
tranchés les problèmes juridictionnels»204.
3.26. Point plus fondamental encore, rien ne justifie qu’un moyen de défense qui s’inscrit
«dans le cadre de la convention de Chicago [ou de l’accord de transit]» soit traité différemment
d’un autre fondé sur des questions «extérieures aux Traités». Si l’on devait admettre que l’une ou
l’autre défense puisse porter atteinte à la compétence du Conseil de l’OACI (ou de toute autre
juridiction internationale), une partie serait alors «en mesure de déterminer … cette compétence»
elle-même, «ce qui serait inadmissible»205.
3.27. On ne saurait trop insister sur les implications de la position des appelants. Si la Cour
devait l’accepter, rien n’empêcherait alors un Etat défendeur d’invoquer des «contre-mesures
licites» comme moyen de défense dans toute instance introduite devant le Conseil de l’OACI pour
se soustraire à l’examen de ses actes par la justice. Plus encore, rien n’empêcherait un Etat
défendeur d’en faire de même dans toute instance introduite devant tout tribunal ou cour
international dont la compétence ratione materiae est limitée.
199 MBEE, par. 5.27 (affirmant que la demande soumise par le Qatar au Conseil de l’OACI «porte à première vue
sur l’interprétation et l’application de l’accord de transit», et par. 5.30 (affirmant que le Qatar a «pris soin de cibler ses
griefs, dans sa requête B devant l’OACI, de sorte qu’ils ne portent que sur le présumé manquement, par les
appelants, … à leurs obligations au titre de l’accord de transit»).
200 Appel concernant la compétence du Conseil de l’OACI, arrêt, C.I.J. Recueil 1972, p. 46, par. 27, 31.
201 MBEE, par. 5.90, 5.91 (les italiques sont de nous ; les appelants veulent sans doute dire «sortir le différend du
cadre de l’accord de transit»). Comme indiqué au chapitre 2 du présent contre-mémoire, on est loin de pouvoir affirmer
que les contre-mesures ont été invoquées de bonne foi par les appelants.
202 Appel concernant la compétence du Conseil de l’OACI, arrêt, C.I.J. Recueil 1972, p. 46, par. 27.
203 Ibid., par. 31 (les italiques sont de nous).
204 Ibid., par. 27.
205 Ibid. (les italiques sont de nous).
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3.28. Pour les raisons déjà expliquées par la Cour en l’affaire Inde c. Pakistan, l’invocation
de contre-mesures en guise de défense n’a aucune incidence sur la détermination du «véritable
problème» en cause.
B. La ligne de défense fondée sur les contre-mesures, quand bien même
elle serait pertinente, ne soustrait pas le différend à
la compétence du Conseil
3.29. La Cour n’a nullement besoin de chercher plus loin que l’arrêt rendu en l’affaire Inde
c. Pakistan pour conclure que le Conseil de l’OACI a rejeté à bon droit la première exception
préliminaire des appelants. Cependant, quand bien même la Cour, nonobstant sa jurisprudence,
choisirait d’examiner la défense des appelants pour déterminer le «véritable problème» en cause, sa
conclusion serait au final exactement la même.
3.30. Le Qatar rejoint les appelants sur le fait qu’un différend est correctement défini «par
une appréciation objective»206 et que «[c]’est donc le devoir de la Cour de circonscrire le véritable
problème en cause»207. Il convient par ailleurs que la formulation du différend, telle qu’elle apparaît
dans les exposés écrits du demandeur208, de même que «l’objet de la demande» et son rapport avec
l’interprétation ou l’application du traité en question209 jouent un rôle important à cet égard.
Toutefois, le Qatar est en désaccord avec la conclusion que les appelants tirent de ces
considérations. Comme nous le verrons plus loin, ces deux considérations confirment la conclusion
selon laquelle le Conseil de l’OACI a confirmé à bon droit qu’il était compétent en l’espèce.
1. Les exposés du Qatar devant le Conseil de l’OACI montrent que l’objet du différend entre
manifestement dans les prévisions de l’accord de transit
3.31. Selon les appelants, «il est clair que le différend porté devant le Conseil de l’OACI,
même défini uniquement sur la base des exposés du Qatar, concerne des questions qui débordent le
cadre de l’accord de transit»210. Cet argument est manifestement faux pour plusieurs raisons.
3.32. Primo, la requête et le mémoire déposés par le Qatar devant le Conseil de l’OACI
exposent clairement un différend «à propos de l’interprétation ou de l’application» de l’accord de
transit tant dans les faits qu’en droit. Dans sa requête, le Qatar affirme que le différend est né du
fait que :
206 MBEE, par. 5.45.
207 Ibid., par. 5.49 (citant Essais nucléaires (Australie c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974, par. 29 ; Essais
nucléaires (Nouvelle-Zélande c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974, par. 30 ; Obligation de négocier un accès à l’océan
Pacifique (Bolivie c. Chili), exception préliminaire, arrêt, C.I.J. Recueil 2015 (II), par. 26).
208 MBEE, par. 5.48. (citant Interhandel (Suisse c. Etats-Unis d’Amérique), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 1959, p. 21 ; Droit de passage sur territoire indien (Portugal c. Inde), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1960,
p. 33–34 ; Appel concernant la compétence du Conseil de l’OACI (Inde c. Pakistan), arrêt, C.I.J. Recueil 1972, par. 22,
36). Voir aussi Obligation de négocier un accès à l’océan Pacifique (Bolivie c. Chili), exception préliminaire, arrêt,
C.I.J. Recueil 2015 (II), par. 26 ; Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), exceptions préliminaires,
arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II), par. 38.
209 MBEE, par. 5.53, 5.59–5.67.
210 Ibid., par. 5.77.
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«Le 5 juin 2017, les Gouvernements des défendeurs ont annoncé, avec effet
immédiat et sans négociation ou avertissement préalable, qu’il était interdit aux
aéronefs immatriculés au Qatar d’atterrir aux aéroports situés sur leurs territoires ou
d’en décoller et d’utiliser ... leur espace aérien national.»211
3.33. Il y dit par ailleurs :
«Les actes des défendeurs continuent d’avoir de graves incidences sur la
sécurité, la sûreté, la régularité et l’économie de l’aviation civile dans la région. Qatar
Airways, la compagnie aérienne nationale du demandeur, exploite quelque 800 vols
par jour et transporte dans le monde entier des milliers de passagers de nombreuses
nationalités. Les plans de voyage et les réservations de milliers de voyageurs de
nationalités diverses ont été perturbés, des familles ont été contraintes de se séparer et
les réservations auprès de Qatar Airways et les billets émis par cette dernière n’ont pas
été honorés par les compagnies aériennes des défendeurs. Il a été interdit aux vols de
Qatar Airways d’emprunter des voies aériennes internationales établies, y compris
celles au-dessus de la haute mer. ... Le réacheminement des vols dans des corridors
restreints accroît les temps de vol et la consommation de carburant et entraîne
d’importantes pertes économiques.»212
3.34. Le mémoire déposé par le Qatar devant le Conseil réitère ces faits et avance que, «[p]ar
leurs actions qui durent depuis le 5 juin 2017, les défendeurs bafouent la lettre et l’esprit de
l’accord relatif au transit des services aériens internationaux»213. Le mémoire précise que les
mesures dont il est fait grief violent «le privilège de survoler [le] territoire [des défendeurs] sans
atterrir» et «le privilège d’atterrir à des fins non commerciales», privilèges que chaque partie à cet
instrument accorde «à l’autre ... dans le cadre des services aériens internationaux réguliers[»]214.
3.35. Un différend portant sur la question de savoir si des mesures adoptées par un Etat
partie à un traité violent les dispositions dudit traité est par définition un différend «à propos de
l’interprétation ou de l’application» de ses dispositions215.
3.36. Secundo, ni la demande que le Qatar a adressée au Conseil de l’OACI afin que celui-ci
se prononce, sur la base de ces mêmes faits, sur les violations «d’autres règles du droit
international»216 ni la brève référence qu’il fait dans son mémoire au contexte dans lequel les
mesures d’interdiction visant l’aviation ont été introduites217 ne peuvent raisonnablement être
interprétées comme signifiant qu’il «reconnaissait» que le différend factuel découle de la décision
211 Requête B devant l’OACI, p. 1 (MBEE, vol. III, annexe 23).
212 Ibid.
213 Mémoire B devant l’OACI, p. 4 (MBEE, vol. III, annexe 23).
214 Ibid.
215 La Cour a, en nombre d’occasions, exercé sa compétence au titre de la clause compromissoire d’un traité pour
déclarer qu’un Etat avait violé une disposition dudit traité. Voir par exemple Questions concernant l’obligation de
poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II), par. 49–52 ; Application de l’accord
intérimaire du 13 septembre 1995 (ex-République yougoslave de Macédoine c. Grèce), arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (II),
par. 58 ; Avena et autres ressortissants mexicains (Mexique c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2004 (I),
par. 27–28 ; Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt,
C.I.J. Recueil 2003, par. 31 ; LaGrand (Allemagne c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2001, par. 42.
216 Requête B devant l’OACI, p. 2 ; mémoire B devant l’OACI, point e), par. 1 et 2 (MBEE, vol. III, annexe 23).
217 Mémoire B devant l’OACI, point g) (MBEE, vol. III, annexe 23).
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des appelants de prendre des contre-mesures218. Et même si tel était le cas, ces éléments
demeureraient dénués de pertinence pour la détermination du «véritable problème» en cause. La
Cour a établi clairement que pour définir l’objet du différend, elle «tient notamment compte des
faits que le demandeur invoque à l’appui de sa demande»219. Comme il ressort à l’évidence de la
requête et du mémoire qu’il a soumis au Conseil, le Qatar fonde ses demandes uniquement sur les
mesures d’interdiction visant l’aviation.
3.37. Les appelants déploient néanmoins des efforts considérables pour tenter de démontrer
que le Qatar, dans sa réplique devant l’OACI, «a … reconnu de manière implicite qu’il existait un
différend entre les Parties quant au point de savoir s’il avait manqué à d’autres obligations
internationales en dehors de l’accord de transit»220. Ces efforts sont stériles. Le Qatar reconnaît
volontiers qu’il existe un différend entre les Parties sur la question du respect de ses obligations en
matière de lutte contre le terrorisme et de non-ingérence, y compris au titre des accords de Riyad. Il
n’a donc jamais «modifié sa position»221 ni «tenté de redéfinir le différend»222 devant le Conseil de
l’OACI à la lumière de la première exception préliminaire des appelants, comme le laissent
entendre à tort ces derniers.
3.38. Comme il a été expliqué au chapitre 2, le Qatar dément dans les termes les plus fermes
avoir jamais violé l’une quelconque des obligations citées par les appelants. Mais là n’est pas la
question. La simple coexistence d’un différend opposant les Parties sur d’autres questions avec
celui qui porte sur les mesures d’interdiction visant l’aviation ne fait pas de ces autres questions «le
véritable problème» en cause devant le Conseil de l’OACI. La Cour a, à maintes reprises, statué sur
des différends étroitement imbriqués dans d’autres désaccords entre les Etats en présence. A
chaque fois, sans exception, elle a jugé que l’existence d’autres différends connexes ne la privait
pas de sa compétence223.
218 MBEE, par. 5.74.
219 Obligation de négocier un accès à l’océan Pacifique (Bolivie c. Chili), exception préliminaire, arrêt,
C.I.J. Recueil 2015 (II), par. 26.
220 MBEE, par. 5.40 ; voir aussi ibid., par. 5.81.
221 Ibid., par. 1.5.
222 Ibid., par. 5.75.
223 Voir par exemple Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran (Etats-Unis d’Amérique
c. Iran), arrêt, C.I.J. Recueil 1980, par. 37 ; Actions armées frontalières et transfrontalières (Nicaragua c. Honduras),
compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 1988, par. 54 ; Application de la convention internationale sur
l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires,
arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), par. 32 ; Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua
c. Etats-Unis d’Amérique), compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 1984, par. 96 ; Licéité de l’utilisation des
armes nucléaires par un Etat dans un conflit armé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), par. 16 ; Violations alléguées
du traité d’amitié, de commerce et de droits consulaires de 1955 (République islamique d’Iran c. Etats-Unis
d’Amérique), ordonnance du 3 octobre 2018, C.I.J. Recueil 2018, par. 38.
65
- 41 -
3.39. En effet, la Cour a indiqué clairement que
«les différends juridiques entre Etats souverains ont, par leur nature même, toutes
chances de surgir dans des contextes politiques et ne représentent souvent qu’un
élément d’un différend politique plus vaste et existant de longue date entre les Etats
concernés. Nul n’a cependant jamais prétendu que, parce qu’un différend juridique
soumis à la Cour ne constitue qu’un aspect d’un différend politique, la Cour doit se
refuser à résoudre dans l’intérêt des parties les questions juridiques qui les opposent.
La Charte et le Statut ne fournissent aucun fondement à cette conception des fonctions
ou de la juridiction de la Cour ; si la Cour, contrairement à sa jurisprudence
constante, acceptait une telle conception, il en résulterait une restriction considérable
et injustifiée de son rôle en matière de règlement pacifique des différends
internationaux.»224
3.40. De même, en l’affaire Bolivie c. Chili, la Cour a rejeté l’argument avancé par le Chili
selon lequel la requête de la Bolivie «masquerait le véritable objet de la demande de la Bolivie,
c’est-à-dire la souveraineté territoriale et la nature de l’accès de la Bolivie à l’océan Pacifique»225.
La Cour a souligné que «les requêtes qui lui sont soumises portent souvent sur un différend
particulier qui s’est fait jour dans le cadre d’un désaccord plus large entre les parties»226.
3.41. La Cour a confirmé cette position dans sa jurisprudence plus récente227.
3.42. Pour conclure sur ce point, les appelants admettent  conformément à la jurisprudence
de la Cour  que la formulation du différend proposée dans la requête et le mémoire déposés par
le Qatar devant l’OACI mérite une «attention particulière»228. Et malgré leurs tentatives visant à
masquer le véritable objet du différend, les pièces produites par le Qatar devant le Conseil
établissent clairement que ledit objet entre pleinement dans les prévisions de l’accord de transit.
L’analyse de l’objet des demandes du Qatar présentée ci-dessous confirme cette conclusion.
224 Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran (Etats-Unis d’Amérique c. Iran), arrêt,
C.I.J. Recueil 1980, par. 37 (les italiques sont de nous).
225 Obligation de négocier un accès à l’océan Pacifique (Bolivie c. Chili), exception préliminaire, arrêt,
C.I.J. Recueil 2015 (II), par. 32.
226 Ibid., par. 32 (les italiques sont de nous). Voir aussi In the matter of the South China Sea Arbitration
(The Republic of the Philippines v. The People’s Republic of China), Cour permanente d’arbitrage, affaire no 2013-19,
sentence (compétence et recevabilité), 29 octobre 2015, par. 152 («Il ne fait aucun doute qu’il existe un différend entre
les Parties concernant la souveraineté sur certaines formations maritimes en mer de Chine méridionale ... Le Tribunal
n’admet toutefois pas l’idée que l’existence d’un différend portant sur la souveraineté détermine que la souveraineté
caractérise bien l’objet des prétentions des Philippines dans la procédure. Le Tribunal estime qu’il est tout à fait ordinaire
et qu’il était à prévoir que deux Etats entretenant une relation aussi vaste et multiforme que celle liant les Philippines et la
Chine aient des différends concernant plusieurs sujets distincts ... Le Tribunal convient, comme l’a affirmé la Cour
internationale de Justice en l’affaire du Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran, qu’il n’existe
aucun motif «lui interdi[san]t de se saisir d’un aspect d’un différend pour la simple raison que ce différend comporterait
d’autres aspects, si importants soient-ils».»)
227 Violations alléguées du traité d’amitié, de commerce et de droits consulaires de 1955 (République islamique
d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), exceptions préliminaires, arrêt du 13 février 2019, par. 36 : «Ainsi que la Cour l’a
relevé par le passé, les requêtes qui lui sont soumises portent souvent sur un différend particulier qui s’est fait jour dans le
cadre d’un désaccord plus large entre les parties.»
228 MBEE, par. 5.71.
66
67
- 42 -
2. L’objet des demandes du Qatar concerne uniquement l’interprétation ou l’application de
l’accord de transit
3.43. Les appelants s’attachent au fil de plusieurs paragraphes de leur mémoire à expliquer
que «[l]e critère du «véritable problème» peut permettre de trancher la question de la compétence
ratione materiae [de la Cour]»229. Or, chacune des affaires auxquelles ils font référence dans ce
contexte confirme la même conclusion, à savoir que les demandes du Qatar concernent
l’interprétation ou l’application de l’accord de transit et, partant, que le Conseil de l’OACI a jugé à
raison qu’il avait compétence.
3.44. Avant de revenir sur ces affaires, il est utile de rappeler à nouveau l’arrêt
Inde c. Pakistan. Comme l’a indiqué la Cour dans cette affaire,
«[l]a question juridique que la Cour doit trancher est donc en fait de savoir si ce
différend, sous la forme où les Parties l’ont soumis au Conseil et l’ont présenté à la
Cour dans leurs conclusions … peut être résolu sans aucune interprétation ou
application des Traités en cause. Si cela n’est pas possible, le Conseil a
nécessairement compétence.»230
3.45. La «question juridique que la Cour doit trancher» est invoquée avec la même insistance
dans toutes les affaires que les appelants examinent dans leur mémoire. En l’affaire du Plateau
continental de la mer Egée231, par exemple, la Grèce a, pour caractériser le différend porté devant
la Cour, indiqué qu’il portait sur la délimitation du plateau continental et qu’il était donc extérieur à
la réserve qu’elle avait émise au sujet du titre de compétence (qui excluait les différends «relatifs
au statut territorial de la Grèce»). La Cour a rejeté cet argument en se référant à la première
conclusion formulée dans la requête de la Grèce, par laquelle cette dernière priait la Cour de «dire
et juger … [que] [certaines] îles grecques [avaie]nt droit à la portion du plateau continental relevant
de ces îles conformément aux principes et règles applicables du droit international»232. La Cour a
considéré que «[l]’essence même du différend» était «le droit de ces îles grecques à un plateau
continental». L’objet de la demande énoncé dans la requête de la Grèce, à savoir la définition de la
limite, était «une question secondaire à régler ensuite à la lumière de la décision sur la première
question fondamentale»233.
229 MBEE, par. 5.53, 5.56–5.70.
230 Appel concernant la compétence du Conseil de l’OACI (Inde c. Pakistan), arrêt, C.I.J. Recueil 1972, p. 53,
p. 28 (les italiques sont de nous).
231 Cette affaire est examinée au paragraphe 5.53 du mémoire. Les appelants admettent que «[s]i elle n’a pas parlé
de «véritable problème» comme dans les affaires des Essais nucléaires, la Cour a néanmoins appliqué, pour l’essentiel,
ce même critère». Ibid.
232 Plateau continental de la mer Egée (Grèce c. Turquie), arrêt, C.I.J. Recueil 1978, par. 12.
233 Ibid., par. 83 (les italiques sont de nous).
68
- 43 -
3.46. De même, dans l’affaire Bolivie c. Chili, la Cour a examiné l’objet des demandes dont
la Bolivie l’avait saisie, tel qu’énoncé dans sa requête, pour rejeter l’exception du Chili selon
laquelle «le véritable objet de la demande de la Bolivie» était «la souveraineté territoriale et la
nature de l’accès de la Bolivie à l’océan Pacifique»234 (questions qui ne relevaient pas de la
compétence de la Cour235). La Cour a considéré que
«même si l’on peut supposer que l’accès souverain à l’océan Pacifique constitue
l’objectif ultime de la Bolivie, il convient d’établir une distinction entre cet objectif et
le différend lié, mais distinct, qui lui a été présenté dans la requête ; celui-ci réside
dans la question de savoir si le Chili a l’obligation de négocier un accès souverain de
la Bolivie à la mer et, dans l’hypothèse où cette obligation existerait, si le Chili y a
manqué. Dans sa requête, la Bolivie ne demande pas à la Cour de dire et juger qu’elle
a droit à pareil accès.»236
3.47. Les appelants soulignent que le Chili a également contesté la compétence de la Cour en
invoquant que
«la Bolivie a formulé de manière artificiellement étroite la requête, car la décision
sollicitée par la Bolivie donnerait lieu à des négociations dont le résultat serait
prédéterminé par voie judiciaire sur des questions ne relevant pas de la compétence de
la Cour»237.
La Cour a aussi rejeté cet argument, rappelant là encore que «la Bolivie ne lui demande pas de dire
qu’elle a droit à un accès souverain à la mer, ni de se prononcer sur le statut juridique du[] traité [de
paix de 1904]»238. Comme le concèdent les appelants, la Cour a admis que les demandes de la
Bolivie «pouvaient être tranchées [par la Cour] sans toucher à la question du droit fondamental de
la Bolivie à un accès souverain à la mer»239.
3.48. Le même principe trouve son expression dans les deux affaires d’arbitrage jugées par
des tribunaux constitués conformément à l’annexe VII de la convention des Nations Unies sur le
droit de la mer (ci-après la «CNUDM») mentionnées par les appelants : l’Arbitrage relatif à la mer
de Chine méridionale et l’Arbitrage concernant l’aire marine protégée des Chagos240. Dans la
première, le tribunal a considéré que les demandes des Philippines «étaient correctement formulées
comme ne portant pas sur la souveraineté», car le tribunal a lui-même indiqué, ainsi que les
appelants le soulignent, qu’il était «en mesure de définir le différend sans qu’il doive se prononcer
sur les questions de souveraineté, explicitement ou implicitement»241.
234 Obligation de négocier un accès à l’océan Pacifique (Bolivie c. Chili), exception préliminaire, arrêt,
C.I.J. Recueil 2015 (II), par. 32.
235 Ibid., par. 22.
236 Ibid., par. 32 (les italiques sont de nous).
237 MBEE, par. 5.59 (citant Obligation de négocier un accès à l’océan Pacifique (Bolivie c. Chili), exception
préliminaire, arrêt, C.I.J. Recueil 2015 (II), par. 33).
238 Obligation de négocier un accès à l’océan Pacifique (Bolivie c. Chili), exception préliminaire, arrêt,
C.I.J. Recueil 2015 (II), par. 33.
239 MBEE, par. 5.59 (les italiques sont de nous).
240 Ibid., par. 5.60–5.66.
241 Ibid., par. 5.66 (citant In the matter of the South China Sea Arbitration (The Republic of the Philippines v. The
People’s Republic of China), Cour permanente d’arbitrage, affaire no 2013-19, sentence (compétence et recevabilité),
29 octobre 2015, par. 152-153).
69
70
- 44 -
3.49. Dans la seconde affaire, le tribunal est parvenu à la conclusion inverse. Il s’est déclaré
incompétent à l’égard de certaines des demandes de Maurice, car il a jugé que le «véritable
problème» en cause entre les parties concernait un différend à propos de la souveraineté territoriale,
et non pas l’interprétation ou l’application de la CNUDM242. Les prétentions soumises à l’arbitrage
ont été présentées dans la première conclusion de Maurice, au titre de laquelle ce dernier priait le
Tribunal de dire et juger que «le Royaume-Uni n’est pas en droit de déclarer [une aire marine
protégée] ou d’autres zones maritimes, car il n’est pas l’«Etat côtier» au sens de [la CNUDM]» 243.
3.50. Le tribunal a reconnu l’existence d’un différend relatif à l’interprétation du sens du
terme «Etat côtier», en parallèle du différend opposant les parties à propos de la souveraineté sur
l’archipel des Chagos244. S’appuyant sur un critère nouveau visant à déterminer «l’objet
prédominant du litige», le tribunal a conclu que «le différend opposant les parties au sujet de la
première conclusion de Maurice est correctement caractérisé comme se rapportant à la souveraineté
territoriale sur l’archipel des Chagos. Le désaccord entre les parties sur le sens de l’expression
«Etat côtier» aux fins de la convention est tout simplement un aspect de leur différend plus
profond»245. Pour motiver sa décision, le tribunal a invoqué deux raisons : d’une part, avant le
lancement de la procédure d’arbitrage, il n’y avait «guère de preuves attestant que Maurice soit
particulièrement soucieux de la mise en oeuvre par le Royaume-Uni de la convention» et, d’autre
part, «les conséquences qui adviendraient dans le cas où il serait jugé que le Royaume-Uni n’est
pas l’Etat côtier s’étendent bien au-delà de la question de la validité de [l’aire marine protégée]»246.
3.51. Ces affaires ont un point commun : les cours et tribunaux internationaux déterminent le
«véritable problème» en cause par référence à l’objet déclaré des demandes qui leur sont
soumises247. L’Arbitrage relatif à la mer de Chine méridionale et l’Arbitrage concernant l’aire
marine protégée des Chagos donnent à voir que la recherche de la compétence peut s’étendre
au-delà des prétentions soumises par l’Etat demandeur et sonder «le véritable objectif» visé par ces
dernières248. Quand bien même ce dernier type d’investigation se justifierait dans cette affaire, la
conclusion serait la même : le véritable objet des demandes du Qatar a trait à l’interprétation ou à
l’application de l’accord de transit.
242 MBEE, par. 5.61.
243 In the matter of the Chagos Marine Protected Area Arbitration (Republic of Mauritius v. United Kingdom of
Great Britain and Northern Ireland), Cour permanente d’arbitrage, affaire no 2011-03, sentence, 18 mars 2015, par. 158.
244 Ibid., par. 209, 211.
245 In the matter of the Chagos Marine Protected Area Arbitration (Republic of Mauritius v. United Kingdom of
Great Britain and Northern Ireland), Cour permanente d’arbitrage, affaire no 2011-03, sentence, 18 mars 2015,
par. 211-212.
246 Ibid., par. 212.
247 Appel concernant la compétence du Conseil de l’OACI (Inde c. Pakistan), arrêt, C.I.J. Recueil 1972, p. 53,
p. 28 ; Plateau continental de la mer Egée, arrêt, C.I.J. Recueil 1978, p. 3, par. 83 ; Obligation de négocier un accès à
l’océan Pacifique (Bolivie c. Chili), exception préliminaire, arrêt, C.I.J. Recueil 2015 (II), par. 32.
248 In the matter of the South China Sea Arbitration (The Republic of the Philippines v. The People’s Republic of
China), Cour permanente d’arbitrage, affaire no 2013-19, sentence (compétence et recevabilité), 29 octobre 2015,
par. 152.
71
72
- 45 -
3.52. Cela ressort à l’évidence de la requête déposée par le Qatar devant le Conseil de
l’OACI, dans laquelle il prie ce dernier :
 «d’établir que, par les mesures prises à l’encontre de l’Etat du Qatar, les
défendeurs ont contrevenu à leurs obligations au titre de l’accord relatif au transit
des services aériens internationaux et d’autres règles de droit international ;
 de déplorer le non-respect par les défendeurs des principes fondamentaux de
l’accord relatif au transit des services aériens internationaux ;
 de prier instamment les défendeurs de lever, sans délai, toutes les restrictions
imposées aux aéronefs immatriculés au Qatar et de se conformer à leurs
obligations au titre de l’accord relatif au transit des services aériens
internationaux ;
 de prier instamment les défendeurs de négocier de bonne foi en vue d’une
coopération harmonieuse future dans la région afin de préserver la sécurité, la
sûreté, la régularité et l’économie de l’aviation civile internationale»249.
3.53. Aucune des demandes du Qatar, exposées à nouveau dans le mémoire250, «ne peut être
résolu[e] sans aucune interprétation ou application des Traités en cause»251.
3.54. Pas plus que le «véritable objectif» qu’elles visent n’est extérieur à l’accord de transit.
C’est précisément l’inverse qui se vérifie. Le Qatar demande à ce qu’il soit établi que les mesures
d’interdiction visant l’aviation violent cet instrument. Ce sont bien les appelants, et non le Qatar,
qui ont mis sur le tapis le non-respect allégué d’obligations internationales extérieures à ce cadre
pour tenter de justifier leurs propres manquements à l’accord de transit252. Or, ces allégations sont
sans rapport avec l’objet des demandes du Qatar, sur lesquelles le Conseil de l’OACI peut se
prononcer sans avoir besoin d’examiner au fond la défense des appelants, comme il sera expliqué
dans la section suivante.
3. Le Conseil de l’OACI n’a pas à examiner au fond l’argument des contre-mesures pour
statuer dans cette affaire
3.55. A la lumière de la jurisprudence de la Cour, ce sont à l’évidence les violations de
l’accord de transit, résultant de l’adoption des mesures d’interdiction visant l’aviation, qui
constituent le «véritable problème» en cause devant le Conseil de l’OACI. D’autres considérations
encore viennent le confirmer253. Loin de figurer au nombre des «aspects incontournables [du]
249 Requête B devant l’OACI, p. 2 (MBEE, vol. III, annexe 23).
250 Mémoire B devant l’OACI, point f) (MBEE, vol. III, annexe 23).
251 Appel concernant la compétence du Conseil de l’OACI (Inde c. Pakistan), arrêt, C.I.J. Recueil 1972, par. 28.
252 Le Qatar rappelle à cet égard que la Cour
«a exercé à maintes reprises le pouvoir qu’elle possède d’écarter, s’il est nécessaire, certaines thèses ou
certains arguments avancés par une partie comme élément de ses conclusions quand elle les considère,
non pas comme des indications de ce que la partie lui demande de décider, mais comme des motifs
invoqués pour qu’elle se prononce dans le sens désiré». Essais nucléaires (Australie c. France), arrêt,
C.I.J. Recueil 1974, par. 29.
253 Le Qatar émet ces observations complémentaires sans préjudice de ses arguments quant au fond du moyen de
défense que les appelants tirent des contre-mesures.
73
- 46 -
différend entre les Parties»254, le moyen de défense que les appelants tirent des contre-mesures n’a
même pas besoin d’être examiné au fond par le Conseil aux fins de statuer sur les demandes du
Qatar.
3.56. Pour commencer, le droit des Etats d’adopter des contre-mesures en droit international
est régi par les «règles secondaires de la responsabilité des Etats»255. A ce titre, les contre-mesures
«offre[nt] à l’Etat un bouclier contre une accusation de violation d’une obligation internationale
qui serait par ailleurs fondée»256. En l’affaire du Projet Gabčíkovo-Nagymaros, la Cour a conclu à
titre principal que la Tchécoslovaquie avait commis un fait internationalement illicite et a recherché
à titre secondaire «si cette illicéité peut être excusée au motif que la mesure ainsi adoptée l’aurait
été en réaction au défaut préalable de la Hongrie de s’acquitter de ses obligations en vertu du droit
international»257.
3.57. En d’autres termes, l’argument des contre-mesures des appelants est au mieux  pour
reprendre les mots de la Cour en l’affaire du Plateau continental de la mer Egée  «une question
secondaire à régler ensuite à la lumière de la décision sur la première question fondamentale»258 ;
en l’occurrence celle de savoir si les mesures d’interdiction visant l’aviation sont illicites. En effet,
si le Conseil juge que ce n’est pas le cas259, la question des contre-mesures ne se pose même pas.
L’argument des contre-mesures des appelants ne devient donc une question à examiner que si le
Conseil de l’OACI établit que ces mesures sont par ailleurs illicites. Pourtant, même dans ce cas, au
moins trois raisons pourraient pousser le Conseil à se prononcer sur les demandes du Qatar sans
examiner au fond la défense des appelants fondée sur les contre-mesures.
3.58. Premièrement, le Conseil de l’OACI pourrait juger que, conformément au principe
lex specialis, l’accord de transit et la convention de Chicago, qui régit l’exercice des libertés de
l’air conférées par ce dernier260, font sortir les contre-mesures du champ des circonstances excluant
254 MBEE, par. 5.39.
255 Articles sur la responsabilité de l’Etat, p. 31, par. 3.
256 Ibid., p. 71, par. 1 (les italiques sont de nous).
257 Projet Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt, C.I.J. Recueil 1997, par. 82.
258 Plateau continental de la mer Egée (Grèce c. Turquie), arrêt, C.I.J. Recueil 1978, par. 83 (les italiques sont de
nous).
259 Le Qatar note à cet égard qu’alors même qu’ils invoquent des contre-mesures, les appelants n’admettent pas
que les mesures d’interdiction visant l’aviation étaient illicites au sens de l’accord de transit. En effet, l’invocation «de
bonne foi» par les appelants de contre-mesures se fait «sans préjudice de leur position sur le fond de la demande formulée
par le Qatar au titre d[udit] accord». MBEE, note 142 ; voir aussi ibid., note 354 («La véracité de ces faits allégués n’a
pas à être examinée par la Cour à ce stade, et les appelants réservent leurs droits à cet égard»).
260 Aux termes de la section 2 de l’article premier de l’accord de transit, «[l]es privilèges susmentionnés
[c’est-à-dire les libertés de l’air définies à la section 1] devront être exercés conformément aux dispositions de ... la
Convention relative à l’aviation civile internationale, ... élaboré[e] à Chicago le 7 décembre 1944». (MBEE, vol. II,
annexe 2) (citation omise). Cette disposition de l’accord de transit agit comme une clause de renvoi inter-conventionnel à
la convention de Chicago, dont elle fait entrer en jeu les dispositions dès que les obligations au titre de l’accord de transit
sont applicables. (Mathias Forteau, Les renvois inter-conventionnels, in Annuaire français de droit international, vol. 49
(2003) (CMQ-B, vol. IV, annexe 136).
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75
- 47 -
l’illicéité261. En effet, «[l]es Etats peuvent convenir que d’autres règles du droit international ne
peuvent faire l’objet de contre-mesures»262. Cette possibilité est prévue à l’article 55 du projet
d’articles sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite (ci-après les «articles
sur la responsabilité de l’Etat») de la Commission du droit international (CDI), qui dispose que
lesdits articles «ne s’appliquent pas dans les cas et dans la mesure où les conditions de l’existence
d’un fait internationalement illicite ou le contenu ou la mise en oeuvre de la responsabilité
internationale d’un Etat sont régis par des règles spéciales de droit international»263.
3.59. A cet égard, le Qatar rappelle que
«[d]ans la mesure où les clauses dérogatoires et les autres dispositions
conventionnelles (par exemple celles qui interdisent les réserves) sont interprétées
convenablement comme indiquant que les dispositions du traité sont
«intransgressibles», elles peuvent impliquer une exclusion des contre-mesures»264.
Le Conseil pourrait tout à fait conclure que c’est exactement l’effet que produisent les dispositions
de la convention de Chicago, qui régissent l’exercice des droits conférés par l’accord de transit. En
effet, la convention ne contient qu’une seule clause dérogatoire, à l’article 89, intitulée «Guerre»,
qui dispose que :
«En cas de guerre, les dispositions de la présente Convention ne portent atteinte
à la liberté d’action d’aucun des Etats contractants concernés, qu’ils soient belligérants
ou neutres. Le même principe s’applique dans le cas de tout Etat contractant qui
proclame l’état de crise nationale et notifie ce fait au Conseil.»265
3.60. En l’absence de guerre ou d’état de crise nationale dûment proclamé et notifié au
Conseil de l’OACI  situations qui n’existent pas en l’espèce , les Etats ne sont pas en droit de
déroger aux obligations leur incombant en vertu de la convention266 de Chicago ou de l’accord de
transit, par l’effet de la section 2 de son article premier. Il est révélateur qu’avant les appelants,
aucun Etat n’ait jamais cherché à justifier par l’adoption de contre-mesures l’inexécution de ses
261 Comme l’admettent les appelants, au stade de la détermination de la compétence dans l’instance devant le
Conseil, le Qatar a soutenu que la question des contre-mesures devait être examinée «sur le fond de l’affaire» et qu’à ce
stade de la procédure, il «opposera … une défense solide en droit et en fait». MBEE, par. 5.35–5.38 (citant la réplique B
devant l’OACI, par. 76–78, 82 (MBEE, vol. IV, annexe 25) et Conseil de l’OACI, deux cent quatorzième session,
procès-verbal sommaire de la 8e séance du 26 juin 2018, doc. C-MIN 214/8, 23 juillet 2018, par. 62 (MBEE, vol. V,
annexe 53). Il est incorrect d’inférer de cette réplique que le Qatar «n’a pas contesté que, en principe, des contre-mesures
pouvaient constituer une circonstance excluant l’illicéité, au regard du droit international général, des restrictions visant
l’espace aérien» ou que «le Qatar n’a pas cherché à prétendre que l’accord de transit empêche les Etats parties de recourir
à des contre-mesures». Voir MBEE, par. 2.59–2.60. En tout état de cause, le Qatar confirme ici qu’au stade de l’examen
au fond du différend, il contestera la faculté d’invoquer des contre-mesures en tant que circonstance excluant l’illicéité
dans le cadre dudit accord, sur la base du principe lex specialis.
262 Articles sur la responsabilité de l’Etat, p. 133, par. 10.
263 Ibid., art. 55.
264 Ibid., p. 142, par. 10 (les italiques sont de nous).
265 Convention de Chicago, art. 89 (MBEE, vol. II, annexe 1).
266 R. Abeyratne, Convention on International Civil Aviation, A Commentary, 2014, p. 149 («Par conséquent, à
moins qu’un Etat ne soit en guerre (terme que la convention ne définit pas) ou qu’il n’ait proclamé l’état de crise
nationale, il sera lié par les dispositions de la convention») (CMQ-B, vol. IV, annexe 110).
76
77
- 48 -
obligations au titre de la convention ou de l’accord267. En revanche, des Etats ont invoqué
l’article 89268.
3.61. Les contre-mesures sont incompatibles avec le fonctionnement de l’accord de transit à
un autre titre essentiel. Les contre-mesures sont, par leur nature même, discriminatoires. Elles
doivent toujours viser l’Etat particulier que l’Etat lésé tient pour responsable d’un fait
internationalement illicite269. Pourtant, nombre de dispositions de la convention de Chicago, qui
régit les obligations imposées par ledit accord270, ainsi que l’accord de transit lui-même271,
interdisent expressément les actes de discrimination à l’égard des aéronefs des Etats membres de
l’OACI. En effet, l’un des «buts et objectifs» de l’Organisation est précisément d’«éviter la
discrimination entre Etats contractants»272.
3.62. En outre, bien que la convention de Chicago ou l’accord de transit ne l’interdise pas,
aucun Etat partie n’a jamais émis de réserve à l’égard de l’une quelconque de ses dispositions
 ou soumis une demande d’une quelconque nature à cet effet au Conseil ou à tout autre organe de
l’Organisation273. Tous les Etats membres de l’OACI acceptent l’accord et la convention sans
réserve.
3.63. Enfin, en application de l’article [82] de la convention de Chicago, les Etats membres
de l’OACI se sont engagés «à ne pas contracter de telles obligations [obligations et ententes entre
eux qui sont incompatibles avec ses dispositions]»274. Le rapport de la CDI sur la fragmentation du
267 Cela n’a rien d’étonnant. Le risque de voir les contre-mesures se muer en loi du talion est potentiellement
délétère pour l’exploitation sans heurts et interdépendante de l’aviation civile dans le monde. Au cours des 75 années
d’existence de l’OACI et malgré des périodes de grave tension politique entre Etats, l’adoption de mesures telles que les
vastes mesures d’interdiction visant l’aviation, en cause dans cette affaire, demeure particulièrement exceptionnelle.
268 Lorsqu’Israël a adhéré à l’OACI en 1949, l’Egypte et l’Iraq se sont prévalus de l’article 89 pour nier aux
aéronefs israéliens le droit de survoler leurs territoires respectifs, car l’état de guerre était officiellement déclaré entre ces
pays et Israël. Voir R. Abeyratne, Convention on International Civil Aviation, A Commentary, 2014, p. 677, se référant
au document OACI 6922-C/803, annexe A, p. 125, qui reproduit la lettre adressée par le gouvernement de l’Egypte à
l’OACI en date du 16 octobre 1949 (CMQ-B, vol. IV, annexe 110).
269 Articles sur la responsabilité de l’Etat, art. 49, par. 1 ; voir aussi p. 129–131 ; Projet Gabčíkovo-Nagymaros
(Hongrie/Slovaquie), arrêt, C.I.J. Recueil 1997, p. 7, par. 83.
270 Voir par exemple convention de Chicago, art. 9, al. b) (conférant aux Etats contractants le droit «de restreindre
ou d’interdire temporairement et avec effet immédiat les vols au-dessus de tout ou partie de [leur] territoire» dans des
circonstances exceptionnelles, en période de crise ou dans l’intérêt de la sécurité publique, «à condition que cette
restriction ou interdiction s’applique, sans distinction de nationalité, aux aéronefs de tous les autres Etats») (MBEE,
vol. II, annexe 1) (les italiques sont de nous).
271 L’accord de transit interdit «[toute] discrimination entre les entreprises de transports aériens exploitant la
même route» lorsqu’«un service commercial raisonnable» est exigé à une escale faite à des fins non commerciales : voir
accord de transit, section 3 de l’article premier (MBEE, vol. II, annexe 2).
272 Convention de Chicago, art. 44, al. g) (MBEE, vol. II, annexe 1) (les italiques sont de nous).
273 Le paragraphe 3 de l’article 20 de la convention de Vienne sur le droit des traités dispose que, «[l]orsqu’un
traité est un acte constitutif d’une organisation internationale et à moins qu’il n’en dispose autrement, une réserve exige
l’acceptation de l’organe compétent de cette organisation». Convention de Vienne sur le droit des traités (adoptée le
22 mai 1969), RTNU, vol. 1155, p. 331, art. 20, point 3. Voir aussi Commission du droit international, Guide de la
pratique sur les réserves aux traités, conclusion 2.8.8, dans Annuaire de la Commission du droit international, 2011,
vol. II (deuxième partie), doc. ONU A/CN.4/SER.A/2011/Add.1, p. 26. Cette disposition peut être considérée comme le
reflet du droit international coutumier. Voir Commission du droit international, 59e session, Douzième rapport sur les
réserves aux traités, par M. Alain Pellet, Rapporteur spécial, doc. ONU A/CN.4.584 (15 mai 2007), p. 45–46, par. 67-68.
274 Convention de Chicago, art. 82 (MBEE, vol. II, annexe 1) (les italiques sont de nous). Dans la mesure où les
appelants fondent leur défense relative aux contre-mesures sur les accords de Riyad, cette disposition renverse à elle seule
leur affirmation.
78
- 49 -
droit international définit les clauses de ce type comme «une exception expresse à la règle de la
lex posterior, tendant à garantir le pouvoir normatif du traité antérieur»275.
3.64. Si le Conseil devait conclure qu’en raison des dispositions susmentionnées de l’accord
de transit, de la convention de Chicago régissant l’exercice des droits conférés par ce dernier et
d’autres éléments, les contre-mesures ne répondent pas à la qualification de circonstance excluant
l’illicéité des mesures d’interdiction visant l’aviation, il ne fait aucun doute qu’il pourrait trancher
les demandes du Qatar «sans toucher» à la question des manquements allégués aux obligations
internationales derrière lesquels les appelants tentent de se retrancher. En effet, la question de
savoir si l’accord de transit exclut les contre-mesures est en soi une question «à propos de
l’interprétation ou de l’application de cet accord». La défense des appelants fondée sur les
contre-mesures ne saurait priver le Conseil de la compétence qui est la sienne pour trancher cette
question.
3.65. L’affaire du Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran illustre
tous les points qui précèdent. Dans cette affaire, l’Iran, tout comme les appelants en l’espèce,
prétendait que sa conduite se justifiait par les activités illicites antérieures des Etats-Unis276. L’Iran
n’a pas fait spécifiquement référence à la théorie des contre-mesures et la Cour a noté qu’il n’avait
«pas non plus indiqué sur quelle base juridique … ces allégations constituent une réponse
pertinente aux demandes des Etats-Unis»277. Néanmoins, après avoir jugé l’Iran responsable de
violations du droit diplomatique et consulaire, la Cour a considéré qu’il était de son devoir
d’examiner la question de savoir si le comportement illicite de l’Iran «pourrait être justifié par
l’existence de circonstances spéciales»278. La Cour n’a pas estimé que le moyen de défense de
l’Iran était exclu de sa compétence, telle que délimitée par les titres de compétence invoqués par les
Etats-Unis279. Elle n’a pas non plus considéré qu’un tel moyen de défense la privait de la
compétence qui était la sienne pour connaître des demandes des Etats-Unis.
3.66. La Cour a, en fin de compte, conclu qu’elle n’avait pas à examiner le moyen de défense
de l’Iran, car
«même dans l’hypothèse où les agissements criminels allégués à l’encontre des
Etats-Unis en Iran pourraient être considérés comme établis, il resterait à déterminer
si, de l’avis de la Cour, ils ne pourraient constituer une justification du comportement
275 Commission du droit international, Fragmentation du droit international: difficultés découlant de la
diversification et de l’expansion du droit international, Rapport du Groupe d’étude de la Commission du droit
international, doc. ONU A/CN.4/L.682, 13 avril 2006, par. 268 (certains italiques sont de nous).
276 Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran, arrêt, C.I.J. Recueil 1980, p. 3, par. 37–38.
277 Ibid., par. 82.
278 Ibid., par. 80. Commentant l’arrêt rendu par la Cour, Cannizzaro et Bonafè écrivent :
«Bien que la Cour n’ait pas dévoilé la qualification juridique des circonstances spéciales qui
auraient pu justifier le comportement de l’Iran, il ne fait guère de doute qu’elle faisait référence au régime
des contre-mesures existant dans le droit coutumier relatif à la responsabilité des Etats.»
E. Cannizzaro & B. Bonafè, «Fragmenting International Law through Compromissory Clauses? Some Remarks
on the Decision of the ICJ in the Oil Platforms Case», European Journal of International Law, Vol. 16, No. 3, 2005,
p. 492 (CMQ-B, vol. IV, annexe 108).
279 A savoir les protocoles de signature facultative aux conventions de Vienne de 1961 et 1963 sur les relations
diplomatiques et consulaires, et le Traité d’amitié, de commerce et de droits consulaires de 1955 entre les Etats-Unis et
l’Iran.
79
80
- 50 -
de l’Iran et par conséquent un moyen de défense opposable aux demandes des
Etats-Unis»280.
La Cour a estimé que tel n’était pas le cas, car «le droit diplomatique lui-même fournit les moyens
de défense nécessaires ainsi que des sanctions contre les activités illicites de membres de missions
diplomatiques ou consulaires»281.
3.67. Deuxièmement, quand bien même les contre-mesures constitueraient un moyen de
défense accepté au titre de l’accord de transit, le «véritable problème» en cause n’en demeurerait
pas moins solidement ancré dans cet instrument. Cela s’explique par le fait que les contre-mesures
ne sont qu’une exclusion temporaire de la responsabilité des Etats, et non un moyen de défense
in limine282. Le Conseil pourrait quand même déclarer illicites les mesures d’interdiction visant
l’aviation au titre de l’accord de transit et simplement prendre acte du moyen de défense des
appelants fondé sur les contre-mesures. Le fait que les conséquences juridiques d’une telle décision
seraient exclues «pour la durée pendant laquelle elles le sont»283 ne signifie pas pour autant que la
décision du Conseil ne serait pas «susceptible d’application effective»284. Dès que l’effet
d’exclusion des contre-mesures serait éteint, l’arrêt du Conseil donnerait droit au Qatar d’exiger, en
application de l’article 27 des Articles sur la responsabilité de l’Etat285, que : 1) les appelants
respectent les obligations leur incombant en vertu de la convention de Chicago, y compris
l’obligation de retirer les mesures d’interdiction visant l’aviation286 et 2) qu’il lui soit accordé une
indemnisation pour toute perte matérielle causée par les violations de la convention par les
appelants.
3.68. En troisième et dernier lieu, le Conseil pourrait évaluer la licéité des contre-mesures
invoquées en tant que moyen de défense sans se pencher sur la prémisse qui sous-tend cette défense
(à savoir l’allégation de non-respect par le Qatar de ses obligations en droit international en dehors
du cadre de la convention de Chicago). Le Conseil a indubitablement compétence pour évaluer la
mesure dans laquelle les appelants ont rempli les autres conditions nécessaires à l’application de
contre-mesures287. Par exemple, les questions relatives aux conditions préalables devant être
satisfaites pour recourir à des contre-mesures288, y compris les préalables d’ordre procédural,
peuvent toutes être examinées et tranchées sans explorer les manquements allégués du Qatar au
droit international.
280 Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran, arrêt, C.I.J. Recueil 1980, p. 3, par. 83.
281 Ibid. (les italiques sont de nous).
282 Articles sur la responsabilité de l’Etat, p. 75, par. 2 («[L]es circonstances excluant l’illicéité ... n’ont pas pour
effet d’annuler ou d’éteindre l’obligation; elles constituent plutôt un fait justificatif ou une excuse de l’inexécution tant
que subsistent les circonstances en cause.»)
283 Ibid., p. 80, art. 22, par. 4.
284 Cameroun septentrional (Cameroun c. Royaume-Uni), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1963,
p. 22.
285 Articles sur la responsabilité de l’Etat, art. 27.
286 Ibid, art. 27, et p. 86, par. 3.
287 Les appelants ont concédé que le «véritable problème» en cause continuait de relever «de [l]a compétence
[d’une cour ou d’un tribunal international] même s’il compren[ait] d’autres aspects incidents ou secondaires», MBEE,
par. 5.67 (renvoyant à Certains intérêts allemands en Haute-Silésie polonaise, compétence, arrêt no 6, 1925, C.P.J.I.
série A no 6, p. 18) ; voir aussi ibid., par. 5.61 (citant In the matter of the Chagos Marine Protected Area Arbitration
(Republic of Mauritius v. United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland), Cour permanente d’arbitrage,
affaire no 2011-03, sentence, 18 mars 2015, par. 220).
288 Voir Articles sur la responsabilité de l’Etat, art. 52.
81
82
- 51 -
3.69. Pour toutes les raisons qui précèdent et conformément à la jurisprudence constante de
la Cour, les violations de l’accord de transit commises par les appelants sont indéniablement le
«véritable problème» en cause dans le différend que le Qatar a porté devant le Conseil de l’OACI.
Par conséquent, le Conseil a jugé à raison qu’il avait compétence pour connaître des demandes du
Qatar.
III. UNE DÉCISION DU CONSEIL DE L’OACI À L’ÉGARD DES DEMANDES
DU QATAR EST PLEINEMENT CONFORME AU PRINCIPE
D’OPPORTUNITÉ JUDICIAIRE
3.70. Les appelants soutiennent que «[q]uand bien même la Cour … conclurait que [le
Conseil de l’OACI] a, en principe, compétence à l’égard des allégations … formulées par le
Qatar … la question de la compétence du Conseil pour connaître du différend ne serait pas close
pour autant»289.
3.71. En réalité, la question est close. L’argument d’irrecevabilité des demandes du Qatar
avancé par les appelants «à titre subsidiaire» n’est pas réellement «subsidiaire». C’est, par essence,
une réorientation évidente de leur exception d’incompétence dévoyée290. Ainsi, une fois encore, les
appelants affirment que le Conseil de l’OACI, s’il devait examiner les contre-mesures en tant que
moyen de défense, connaîtrait «de questions débordant du cadre» de la section 2 de l’article II291
sans qu’ils y aient consenti. L’argument, même ainsi revêtu de nouveaux habits, n’est pas plus
convaincant.
3.72. Comme indiqué ci-dessus, le Conseil n’a pas à se prononcer sur le respect par le Qatar
des obligations internationales lui incombant à l’égard des appelants en dehors du cadre de l’accord
de transit pour rendre sa décision sur les demandes soumises par le Qatar au titre de ce même
cadre. Par définition, c’est au Conseil qu’il appartient de statuer en première instance sur la
question de savoir si les contre-mesures demeurent un moyen de défense pouvant être invoqué au
titre de cet instrument pour exclure l’illicéité292 ; les contre-mesures n’écartent pas in limine un
manquement à l’accord de transit293 ; et elles sont subordonnées à la satisfaction par les appelants
de prérequis transcendant leur postulat au fond294.
3.73. De surcroît, aucun des ensembles circonscrits de circonstances exceptionnelles qui ont
donné naissance à la doctrine de l’opportunité judiciaire dans la jurisprudence de la Cour ne
s’applique ici. Les demandes du Qatar ne sont pas dépourvues d’objet («devoid of purpose» dans
289 MBEE, par. 5.96.
290 Par conséquent, il peut être invalidé pour le même motif et sans déterminer si les questions relatives à la
recevabilité des demandes peuvent être soulevées à titre préliminaire devant le Conseil, un point auquel, curieusement,
les appelants consacrent 24 pages de leur mémoire.
291 MBEE, par. 5.118 ; voir aussi ibid., par. 5.119–5.124.
292 Voir par. 3.58–3.66 plus haut.
293 Voir par. 3.67 plus haut.
294 Voir par. 3.68 plus haut. Quand bien même le Conseil aurait à se prononcer sur la prémisse des contre-mesures
alléguées, les appelants doivent être réputés avoir implicitement consenti à ce qu’il le fasse selon le principe du forum
prorogatum. La doctrine du forum prorogatum «est pertinente ... dès lors qu’il faut déterminer ... la mesure dans laquelle
[l’Etat défendeur] est susceptible d’avoir accepté tacitement la compétence à l’égard des questions non couvertes par le
titre de compétence originel». Hugh Thirlway, The International Court of Justice, 2016, p. 53. Rien ne justifie que cette
même logique ne s’applique pas à l’Etat défendeur lorsque celui-ci invoque des contre-mesures comme moyen de
défense.
83
- 52 -
l’affaire du Cameroun septentrional295, ou «devoid of object» dans les affaires des Essais
nucléaires296) du fait de l’argument des contre-mesures des appelants ; aucun des facteurs énoncés
dans l’affaire des Zones franches n’a le moindre lien avec la présente instance297 ; à l’évidence, le
différend n’en est pas «un qui n’est pas d’ordre juridique» (affaire Haya de la Torre)298 ; il n’est
aucunement question de décider de la responsabilité internationale d’un Etat qui n’est pas partie à
l’instance introduite devant le Conseil (affaire de l’Or monétaire)299 ; et le Qatar ne cherche pas à
tourner les limites de la compétence contentieuse du Conseil de l’OACI (affaire du Sahara
occidental)300.
3.74. En réalité, c’est le fait d’accepter les conclusions des appelants, et non celles du Qatar,
qui serait une insulte au principe d’opportunité judiciaire. Ce sont eux qui cherchent à empêcher le
Conseil d’exercer ses pouvoirs juridictionnels «dans leur plénitude»301. Et ce sont eux qui tentent
de tourner le principe de consentement en cherchant à déterminer la compétence du Conseil à
raison d’assertions unilatérales (sans fondement).
3.75. Fait révélateur, les appelants referment leur argument relatif à l’opportunité judiciaire
sur une assertion singulière, selon laquelle
«pour ne pas compromettre [leur] position, la seule solution possible pour le Conseil
consisterait à s’abstenir expressément de statuer sur leur argument des contre-mesures
en reconnaissant simplement qu’il s’agit d’un moyen de défense disponible en droit
international général qui permettrait d’exclure définitivement l’illicéité alléguée de ces
mesures»302.
En d’autres termes, selon eux, il serait approprié que le Conseil leur reconnaisse la possibilité
d’invoquer des contre-mesures comme moyen de défense, mais inapproprié qu’il examine ce
moyen. De l’avis du Qatar, une telle conception brouillonne de l’opportunité judiciaire ne démontre
qu’une seule chose : l’argument d’irrecevabilité des appelants ne tient pas, du point du vue de la
logique comme du droit, et doit donc être rejeté.
*
3.76. Le présent différend porte sur l’interprétation et l’application de l’accord de transit. Par
conséquent, le Conseil de l’OACI est compétent. Conformément à la jurisprudence de la Cour, le
débat est clos. Le Qatar ne peut être privé de son droit à ce que ses demandes soient entendues au
295 Cameroun septentrional (Cameroun c. Royaume-Uni), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1963,
p. 38.
296 Essais nucléaires (Australie c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974, par. 62.
297 Zones franches de la Haute-Savoie et du Pays de Gex, ordonnance du 19 août 1929, C.P.J.I. série A no 22,
p. 15 ; Zones franches de la Haute-Savoie et du Pays de Gex, arrêt, 1932, C.P.J.I. série A/B no 46, p. 161-162.
298 MBEE, par. 5.100.
299 Or monétaire pris à Rome en 1943 (question préliminaire) (Italie c. France, Royaume-Uni de
Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 1954, p. 32.
300 Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975, par. 33.
301 Licéité de l’utilisation des armes nucléaires par un Etat dans un conflit armé, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 1996 (I), par. 25.
302 MBEE, par. 5.133.
84
85
- 53 -
motif que les appelants affirment, de manière unilatérale, que le «véritable problème» en cause
entre les Parties concerne des obligations internationales n’entrant pas dans les prévisions de
l’accord. En conséquence, le Conseil a rejeté à juste titre la première exception préliminaire des
appelants et la Cour devrait en faire de même à l’égard du deuxième moyen d’appel.
- 54 -
CHAPITRE 4
LA COUR DEVRAIT REJETER LE TROISIÈME MOYEN D’APPEL
DES APPELANTS
4.1. La seconde exception préliminaire soulevée par les appelants devant le Conseil de
l’OACI et le troisième moyen d’appel introduit dans la présente instance consistent à dire que le
Conseil a jugé à tort qu’il avait compétence, car :
1) le Qatar n’aurait pas respecté «la condition préalable de négociation prévue à la section 2 de
l’article II» de l’accord de transit303 ; et
2) le Qatar n’aurait pas respecté «les prescriptions de l’alinéa g) de l’article 2»304 du Règlement de
l’OACI.
4.2. Les appelants fondent ces deux affirmations sur l’assertion selon laquelle le Qatar «n’a
pas démontré qu’il avait véritablement tenté, ou même tenté tout court, d’engager des négociations
au sujet des restrictions visant l’espace aérien … avant de soumettre [sa requête] au Conseil»305.
4.3. Au présent chapitre sera démontré que le Conseil de l’OACI n’a pas commis d’erreur en
de déclarant compétent pour connaître de la requête B. Le dossier de l’affaire montre que, malgré le
refus total de négocier des appelants, le Qatar a multiplié les tentatives en ce sens auprès d’eux en
vue de régler le différend relatif aux mesures d’interdiction visant l’aviation. En effet, les preuves
qui l’attestent sont accablantes, de même que les preuves montrant que les appelants ont repoussé
les uns après les autres les efforts du Qatar en insistant sur des conditions préalables «non
négociables» (sect. I).
4.4. Le mémoire du Qatar devant le Conseil de l’OACI est aussi pleinement conforme à
l’alinéa g) de l’article 2 du Règlement de l’organisation. Et même en supposant arguendo qu’il ne
le soit pas, tout défaut d’exécution ostensible a été ultérieurement corrigé et n’est, en tout état de
cause, pas susceptible d’appel devant la Cour (sect. II).
303 MBEE, par. 6.1.
304 Ibid. Le chapeau et l’alinéa g) de l’article 2 disposent que :
«Tout Etat contractant (ci-après appelé «le demandeur» qui soumet un désaccord au Conseil aux
fins de règlement, doit introduire une requête, à laquelle est joint un mémoire contenant : … g) une
déclaration attestant que des négociations ont eu lieu entre les parties pour régler le désaccord, mais
qu’elles n’ont pas abouti.» (OACI, Règlement pour la solution des différends, art. 2, al. g) (MBEE,
vol. II, annexe 6).)
305 Ibid., par. 6.4.
86
87
- 55 -
I. LE CONSEIL A JUGÉ À JUSTE TITRE QUE LE QATAR AVAIT SATISFAIT
À L’OBLIGATION DE NÉGOCIATION
A. Le droit exige qu’il y ait véritable tentative
de négociation en vue de régler le différend
4.5. Dans sa partie pertinente, la section 2 de l’article II de l’accord de transit dispose ce qui
suit :
«Si un désaccord survenu entre deux ou plusieurs Etats contractants à propos de
l’interprétation ou de l’application du présent Accord ne peut être réglé par voie de
négociation, les dispositions du chapitre XVIII de la Convention [de Chicago] seront
applicables dans les conditions prévues par lesdites dispositions relativement à tout
désaccord portant sur l’interprétation ou l’application de ladite Convention.»306
4.6. La Cour a expliqué à maintes reprises quels étaient les éléments constitutifs des
obligations de négociation du type de celle énoncée à la section 2 de l’article II. En l’affaire
Géorgie c. Fédération de Russie, elle a jugé que la notion de négociations impliquait «à tout le
moins, que l’une des parties tente vraiment d’ouvrir le débat avec l’autre partie en vue de régler le
différend»307. La Cour a ajouté que «lorsqu’il y a tentative ou début de négociations,… il n’est
satisfait à la condition préalable de tenir des négociations que lorsque celles-ci ont échoué, sont
devenues inutiles ou ont abouti à une impasse»308.
4.7. Les appelants acceptent cette description de l’obligation en l’affaire
Géorgie c. Fédération de Russie309. Par conséquent, ils acceptent aussi que la section 2 de
l’article II n’exige pas que les négociations aient effectivement eu lieu. Comme la Cour l’a déclaré,
l’obligation est susceptible d’être satisfaite lorsque l’une des parties a vraiment tenté d’ouvrir le
306 Accord de transit, art. II, section 2 (MBEE, vol. II, annexe 2) (les italiques sont de nous). En particulier,
l’article 84 dispose ce qui suit dans sa partie pertinente :
«Si un désaccord entre deux ou plusieurs Etats contractants à propos de l’interprétation ou de
l’application de la présente Convention et de ses Annexes ne peut être réglé par voie de négociation, le
Conseil statue à la requête de tout Etat impliqué dans ce désaccord. Aucun membre du Conseil ne peut
voter lors de l’examen par le Conseil d’un différend auquel il est partie. Tout Etat contractant peut, sous
réserve de l’article 85, appeler de la décision du Conseil à un tribunal d’arbitrage ad hoc établi en accord
avec les autres parties au différend ou à la Cour permanente de Justice internationale. Un tel appel doit
être notifié au Conseil dans les soixante jours à compter de la réception de la notification de la décision du
Conseil.»
Convention de Chicago, art. 84 (MBEE, vol. II, annexe 1).
307 Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale
(Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), par. 157 (les italiques sont de
nous).
308 Ibid., par. 159 (citant Concessions Mavrommatis en Palestine, arrêt no 2, 1924, C.P.J.I. série A no 2, p. 13) ;
Sud-Ouest africain (Ethiopie c. Afrique du Sud ; Libéria c. Afrique du Sud), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 1962, p. 345–346 ; Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran (Etats-Unis d’Amérique
c. Iran), arrêt, C.I.J. Recueil 1980, par. 51 ; Applicabilité de l’obligation d’arbitrage en vertu de la section 21 de
l’accord du 26 juin 1947 relatif au siège de l’Organisation des Nations Unies, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1988,
par. 55).
309 MBEE, par. 6.28–6.29, 6.36.
88
89
- 56 -
débat avec l’autre partie en vue de régler le différend et que cette tentative a échoué ou est devenue
inutile310.
4.8. Il peut toutefois aussi y avoir exonération de l’obligation de négociation lorsqu’une
partie au litige se heurte à un «refus immédiat et total» de négocier de la part de l’autre partie. Un
tel refus générique exclut manifestement toute possibilité de règlement à l’amiable. C’est
précisément le cas qui s’est présenté en l’affaire du Personnel diplomatique et consulaire des
Etats-Unis à Téhéran. Dans cette affaire, la Cour a considéré que le fait que «le Gouvernement de
l’Iran [ait] refusé toute discussion» malgré les protestations des Etats-Unis suffisait à satisfaire à
l’obligation de négociation prévue au paragraphe 2 de l’article XXI du traité d’amitié, de
commerce et de droits consulaires entre les Etats-Unis et l’Iran311. En effet, l’arrêt de la Cour ne fait
aucunement mention d’une quelconque tentative de négociation des Etats-Unis après que ces
derniers ont été éconduits dans leurs efforts pour faire connaître leurs vues à l’Iran312.
4.9. Ce résultat est parfaitement logique. Une règle qui en prendrait le contre-pied
permettrait à une partie à un différend de frustrer l’autre partie d’accès à un mécanisme de
règlement des différends subordonné à la tenue de négociations, en refusant simplement d’y
participer.
4.10. Outre qu’il procède du bon sens pratique, ce résultat est aussi conforme à ce qui est
attendu des Etats en cas de négociations. En l’affaire du Plateau continental de la mer du Nord, la
Cour a expliqué que
«les parties sont tenues d’engager une négociation en vue de réaliser un accord et non
pas simplement de procéder à une négociation formelle comme une sorte de condition
préalable à l’application automatique d’une certaine méthode de délimitation faute
d’accord ; les parties ont l’obligation de se comporter de telle manière que la
négociation ait un sens, ce qui n’est pas le cas lorsque l’une d’elles insiste sur sa
propre position sans envisager aucune modification»313.
310 «[D]éterminer si des négociations ... ont eu lieu et si elles ont échoué, sont devenues inutiles ou ont abouti à
une impasse est essentiellement une question de fait, «une question d’espèce».» Application de la convention
internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie),
exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), par. 160 (citant Concessions Mavrommatis en Palestine, arrêt
no 2, 1924, C.P.J.I. série A no 2, p. 13).
311 Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran (Etats-Unis d’Amérique c. Iran), arrêt,
C.I.J. Recueil 1980, par. 51. Le paragraphe 2 de l’article XXI dispose que :
«Tout différend qui pourrait s’élever entre les Hautes Parties contractantes quant à l’interprétation
ou à l’application du présent Traité et qui ne pourrait pas être réglé d’une manière satisfaisante par la voie
diplomatique sera porté devant la Cour internationale de Justice, à moins que les Hautes Parties
contractantes ne conviennent de le régler par d’autres moyens pacifiques.»
Les appelants ne font aucune distinction entre l’obligation de négocier énoncée à la section 2 de l’article II de
l’accord de transit et celle de trouver un règlement satisfaisant à un différend par la voie diplomatique énoncée au
paragraphe 2 de l’article XXI du traité d’amitié liant les Etats-Unis et l’Iran. Voir MBEE, par. 6.53, al. b). La Cour ne
distingue pas non plus l’obligation prévue au paragraphe 2 de l’article XXI d’autres obligations de négociation figurant
dans d’autres traités. Voir Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de
discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I),
par. 133.
312 Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran (Etats-Unis d’Amérique c. Iran), arrêt,
C.I.J. Recueil 1980, par. 47 ; voir aussi ibid., par. 48.
313 Plateau continental de la mer du Nord (République fédérale d’Allemagne/Danemark) (République fédérale
d’Allemagne/Pays-Bas), arrêt, C.I.J. Recueil 1969, par. 85, al. a) (les italiques sont de nous).
90
- 57 -
4.11. Si un Etat va jusqu’à refuser de s’asseoir à la table des négociations, sans même parler
de l’ouverture d’esprit qu’exige le droit international, il n’y a évidemment aucune chance que se
tiennent des échanges qui aient un sens ni que le différend puisse être résolu par la voie de la
négociation.
4.12. Les appelants font fi de ces points fondamentaux dans l’exposé des éléments
constitutifs de l’obligation de négociation présenté dans leur mémoire314.
4.13. Les appelants soulignent toutefois que la tentative de négociation doit intervenir «en
vue de régler le différend»315. Or, ils tentent mal à propos de reformuler cette exigence en des
termes plus stricts. Ils affirment que :
«les négociations, ou la tentative de négocier, doivent se rapporter directement au
désaccord opposant les deux Etats qui est soumis au règlement judiciaire et cibler tout
particulièrement (ou à tout le moins chercher à cibler) la question spécifique de
l’interprétation ou de l’application du traité qui est à l’origine du différend entre les
parties»316.
4.14. Ce n’est pas ce qu’a dit la Cour en l’affaire Géorgie c. Fédération de Russie. Dans
cette affaire, la Cour a déclaré que, pour que l’obligation de négociation soit satisfaite,
«il n’est pas nécessaire qu’un Etat mentionne expressément, dans ses échanges avec
l’autre Etat, un traité particulier pour être ensuite admis à invoquer ledit traité devant
la Cour … [I]l doit néanmoins s’être référé assez clairement à l’objet du traité pour
que l’Etat contre lequel il formule un grief puisse savoir qu’un différend existe ou peut
exister à cet égard.»317
4.15. Par conséquent, les appelants se fourvoient lorsqu’ils prétendent que la partie qui tente
de négocier doit avoir cherché à traiter «la question spécifique de l’interprétation ou de
l’application du traité qui est à l’origine du différend entre les parties»318. Au contraire, le droit
international exige uniquement que l’«objet» du traité sur lequel porte le différend soit visé «assez
clairement» pour permettre à l’autre partie de conclure «qu’un différend existe ou peut exister à cet
égard»319.
4.16. Enfin, la Cour a établi clairement que ce qui constitue des «négociations» devait être
évalué avec souplesse. En l’affaire des Concessions Mavrommatis en Palestine, la devancière de la
Cour a jugé que :
314 Dans leur mémoire, les appelants ne citent l’affaire du Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis
à Téhéran qu’une seule fois et pour un point plutôt mineur. Voir MBEE, par. 6.53, al. b), note 438.
315 Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale
(Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), par. 157 ; voir MBEE,
par. 6.27.
316 MBEE, par. 6.31 (les italiques sont de nous).
317 Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale
(Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), par. 30 (les italiques sont de
nous).
318 MBEE, par. 6.31 (les italiques sont de nous).
319 Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale
(Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), par. 30.
91
92
- 58 -
«Une négociation ne suppose pas toujours et nécessairement une série plus ou
moins longue de notes et de dépêches ; ce peut être assez qu’une conversation ait été
entamée ; cette conversation a pu être très courte : tel est le cas si elle a rencontré un
point mort, si elle s’est heurtée finalement à un non possumus ou à un non nolumus
péremptoire de l’une des Parties et qu’ainsi il est apparu avec évidence que le
différend n’est pas susceptible d’être réglé par une négociation diplomatique.»320
4.17. De la même façon, aucune forme ou procédure particulière n’est ici nécessaire. Dans
les affaires du Sud-Ouest africain, la Cour a décidé qu’il convenait de ne pas faire de distinction
entre des «négociations collectives» au sein d’une organisation internationale et des «négociations
directes» entre les parties à un différend, faisant observer que «ce qui importe en la matière ce n’est
pas tant la forme des négociations que l’attitude et les thèses des Parties sur les aspects
fondamentaux de la question en litige»321. En effet, «la diplomatie pratiquée au sein des
conférences ou diplomatie parlementaire s’est fait reconnaître comme l’un des moyens établis de
conduire des négociations internationales»322.
4.18. La Cour a réaffirmé cette conclusion en l’affaire Géorgie c. Fédération de Russie, dans
laquelle «elle a finalement admis que des échanges moins formels puissent constituer des
négociations»323.
4.19. Le juge Buergenthal s’en est fait l’écho dans son ouvrage sur l’OACI, écrivant dès
1969 :
«L’obligation de négociations préalables ne suppose pas nécessairement que les
parties entament des négociations directes. Elle pourrait sans aucun doute être
satisfaite dans une instance parlementaire ou une conférence, à condition que les deux
parties au litige y participent dans des camps adverses. Le différend qui a opposé les
Etats-Unis à la Tchécoslovaquie au sujet du lancement de montgolfières démontre
que, dans le cadre de l’OACI, la diplomatie parlementaire peut se substituer aux
négociations directes.»324
4.20. En résumé, la description que font les appelants de l’obligation de négociation prévue à
la section 2 de l’article II dans leur mémoire est incomplète et, à certains égards, erronée. Ils
reconnaissent qu’il n’est pas exigé à ladite section que les négociations aient effectivement eu lieu
tant qu’il y a eu véritable tentative de négociation325. Ils n’admettent toutefois pas qu’une partie à
un différend n’est pas tenue de négocier, ni même de tenter de négocier lorsqu’elle se heurte à un
320 Concessions Mavrommatis en Palestine, arrêt no 2, 1924, C.P.J.I. série A no 2, p. 13 (les italiques ont été
omis). Et la Cour de poursuivre :
«Mais si les négociations diplomatiques entre les gouvernements ont eu leur point de départ dans
les discussions antérieures, il se peut très bien que celles-ci aient été de nature à rendre superflue une
discussion nouvelle des points de vue qui sont à la base du différend. On ne saurait, à cet égard, poser
aucune règle générale et absolue ; c’est une question d’espèce.» Ibid.
321 Sud-Ouest africain (Ethiopie c. Afrique du Sud ; Libéria c. Afrique du Sud), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 1962, p. 345–346 (les italiques sont de nous).
322 Ibid., p. 346.
323 Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale
(Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), par. 160.
324 T. Buergenthal, Law-making in the International Civil Aviation Organization (1969), p. 131 (MBEE, vol. VI,
annexe 125) (les italiques sont de nous).
325 Voir MBEE, par. 6.28–6.29, 6.36.
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«refus immédiat et total» d’entamer toute discussion de la part de l’autre partie. Enfin, les appelants
reconnaissent que la tentative de négociation doit intervenir «en vue de régler le différend», mais
ils cherchent à tort à imposer des exigences strictes expressément rejetées par la Cour lorsqu’ils
allèguent que la tentative doit «cibler tout particulièrement … la question spécifique de
l’interprétation ou de l’application du traité qui est à l’origine du différend entre les parties»326.
4.21. Le Qatar démontrera ci-après que l’obligation de négociation prévue à la section 2 de
l’article II a été clairement respectée dans la présente instance.
B. Le Qatar a véritablement tenté de négocier en vue
de régler le différend
4.22. Le Qatar a déposé sa requête devant le Conseil de l’OACI le 30 octobre 2017327. Le
désaccord relatif aux mesures d’interdiction visant l’aviation était survenu 147 jours plus tôt, le
5 juin 2017. Comme le dossier soumis au Conseil le montre, le Qatar a tenté à maintes reprises
dans cet intervalle d’entamer des négociations avec les appelants par de multiples voies et dans de
multiples enceintes, y compris par des moyens directs (sect. I.B.1), par l’intermédiaire de l’OACI
(sect. I.B.2), par l’intermédiaire de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) (sect. I.B.3) et
par le truchement d’autres Etats (sect. I.B.4). Les appelants ont fait échouer tour à tour ces
initiatives. En tout temps, ils ont conditionné le règlement du différend aéronautique à la
capitulation du Qatar devant leurs exigences plus larges.
4.23. Dans ces circonstances, il ne fait aucun doute que l’obligation de négociation prévue à
la section 2 de l’article II a été satisfaite et que le Conseil de l’OACI a jugé à juste titre qu’il était
compétent.
4.24. Avant d’examiner ces circonstances, il est toutefois important de balayer un argument
des appelants qui se fonde non pas sur les faits de l’affaire, mais sur une lecture manifestement
incorrecte de ce que dit le Qatar au sujet de l’alinéa g) de l’article 2 dans son mémoire devant
l’OACI, à savoir :
«Les défendeurs n’ont donné aucune occasion d’entreprendre des négociations
relativement aux aspects aéronautiques des mesures hostiles qu’ils ont prises à
l’encontre de l’Etat du Qatar. À maintes reprises, ils ont lancé un ultimatum à l’Etat du
Qatar sur des questions sans lien aucun avec la navigation aérienne et le transport
aérien. Les dernières communications ont été échangées au cours de conférences
téléphoniques avec des fonctionnaires des défendeurs les 5 et 6 juin 2017 qui n’ont
permis aucun rapprochement. En fait, la crise s’est envenimée graduellement lorsque
les défendeurs ont déclaré que tous les ressortissants et résidents d’origine qatarienne
sur leurs territoires étaient «indésirables» (persona non grata) et leur ont ordonné de
quitter les territoires des défendeurs dans un délai de 14 jours. La rupture des relations
diplomatiques rend futile tout effort de négociation [supplémentaire].»328
4.25. Les appelants affirment que ces propos constituent «de la part du Qatar, une admission
claire et sincère de ce que, avant le dépôt de sa requête, il n’a pas tenté d’ouvrir le débat avec les
appelants sur le désaccord» et que le Qatar a donc «admis implicitement qu’il n’avait pas respecté
326 MBEE, par. 6.28, 6.31.
327 Requête B devant l’OACI (MBEE, vol. III, annexe 23).
328 Mémoire B devant l’OACI, point g) (MBEE, vol. III, annexe 23) (les italiques sont de nous).
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la condition préalable de négociation requise pour établir la compétence telle qu’énoncée à la
section 2 de l’article II de l’accord de transit»329.
4.26. Fait non dépourvu d’ironie, les appelants fondent leur argument sur la première
phrase : «Les défendeurs n’ont donné aucune occasion d’entreprendre des négociations
relativement aux aspects aéronautiques des mesures hostiles»330. L’ironie veut que, si elle est
avérée331, cette allégation signifie forcément qu’il a été satisfait à l’obligation de négociation332. De
plus, ces propos ne se rapportent qu’au comportement des appelants et ne sauraient être interprétés
comme signifiant que le Qatar n’a rien tenté pour négocier. C’est d’autant plus vrai qu’à la fin, le
Qatar dit sans équivoque que «[l]a rupture des relations diplomatiques rend futile tout effort de
négociation [supplémentaire]» («further negotiating» dans la version anglaise)333. Il s’agit donc
d’une «admission claire et sincère» que le Qatar, en fait, a véritablement tenté de négocier.
4.27. A la lumière de ce qui précède, l’affirmation des appelants selon laquelle il y a
incohérence entre le mémoire du Qatar et la réplique aux exceptions préliminaires qu’il a déposée
devant le Conseil de l’OACI334 ne tient pas au fond. Comme démontré ci-dessous, le Qatar a
multiplié les tentatives véritables de négociation en vue de régler le différend, malgré le refus qui
lui a été opposé par les appelants.
1. Le Qatar a tenté sans succès de régler le différend par des moyens directs
4.28. Les mesures d’interdiction visant l’aviation ne sont pas les seules mesures qui ont été
prises par les appelants à l’encontre du Qatar le 5 juin 2017. Le jour même, se passant là encore de
préavis, ils ont rompu toutes les relations diplomatiques et consulaires avec le Qatar, expulsé les
diplomates qatariens de leurs territoires, fermé leurs ambassades et consulats à Doha et rappelé
leurs propres diplomates au Qatar335.
329 MBEE, par. 6.45 ; voir aussi ibid., par. 6.59.
330 Mémoire B déposé devant l’OACI, point g) (MBEE, vol. III, annexe 23) ; MBEE, par. 6.46.
331 A l’évidence, le Qatar ne conteste pas que
«[l]e raisonnement qui sous-tend la condition préalable de négociation énoncée à la section 2 de
l’article II de l’accord de transit serait contrarié si un demandeur était autorisé à déclarer unilatéralement
futiles des négociations avant même d’entreprendre la moindre tentative en ce sens. S’il en était
autrement, la condition préalable de négociation serait facilement contournée.» MBEE, par. 6.48.
Mais ces mêmes raisons d’ordre politique seraient tout autant mises en échec s’il était permis à un défendeur de
se soustraire à la compétence d’une instance en déclarant que ses mesures sont non négociables uniquement pour insister
ultérieurement sur le fait que le demandeur aurait quand même dû chercher à négocier avec lui.
332 Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran (Etats-Unis d’Amérique c. Iran), arrêt,
C.I.J. Recueil 1980, par. 47-48, 51-52.
333 Mémoire B devant l’OACI, point g) (MBEE, vol. III, annexe 23) (les italiques sont de nous).
334 Voir MBEE, par. 6.40, 6.59.
335 Exceptions préliminaires B devant l’OACI, pièce jointe 6, «Declaration of the Arab Republic of Egypt»,
16 novembre 2014 (MBEE, vol. III, annexe 24) ; ibid., pièce jointe 7, «Declaration of the Kingdom of Bahrain», 5 juin
2017 ; ibid., pièce jointe 9, «Declaration of the United Arab Emirates», 5 juin 2017.
97
- 61 -
4.29. Les appelants soutiennent que «l’absence de relations diplomatiques n’empêche pas un
Etat de tenter des négociations»336, mais c’est là ignorer la réalité du dialogue et de la
communication entre Etats. A tout le moins, en l’absence de canaux diplomatiques entre les
appelants et lui-même, il était bien plus difficile pour le Qatar de ne serait-ce que tenter de
négocier. Mais la rupture des relations a aussi envoyé un message : les appelants n’étaient
nullement intéressés par des pourparlers, sans même parler de négociations, avec le Qatar.
4.30. Ce message est vite devenu explicite. A peine deux jours après l’introduction des
mesures d’interdiction visant l’aviation, le ministre d’Etat aux affaires étrangères des EAU a
déclaré qu’il n’y avait «rien à négocier» avec le Qatar337. Ensuite, le 22 juin 2017, les appelants,
conjointement avec l’Arabie saoudite, ont dévoilé leurs «13 exigences»338, enjoignant notamment
au Qatar de «réduire les relations diplomatiques avec l’Iran» ; de «fermer Al-Jazeera et toutes les
chaînes appartenant au groupe» ; de «cesser toute coopération militaire avec la Turquie sur le
territoire qatarien» ; et de «s’aligner sur la position militaire, politique, sociale et économique des
autres pays du Golfe et pays arabes»339. Le Qatar a également été sommé de «consentir à toutes les
conditions dans un délai de dix jours» ; et de «consentir, une fois les conditions acceptées, à se
soumettre à des contrôles mensuels la première année, remplacés par des contrôles trimestriels la
deuxième année, et des contrôles annuels les dix années suivantes»340.
336 MBEE, par. 6.53, al. b). Les appelants cherchent à établir cette proposition en se référant à la jurisprudence de
la Cour, mais le Qatar ne voit pas en quoi ladite jurisprudence vient l’appuyer. Tant dans l’affaire du Personnel
diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran que dans celle des Plates-formes pétrolières, la Cour n’a eu aucun
mal à conclure que l’obligation de négociation prévue au paragraphe 2 de l’article XXI du traité d’amitié, de commerce et
de droits consulaires entre les Etats-Unis et l’Iran était réalisée. Dans la première affaire, et comme expliqué plus haut, la
Cour est parvenue à cette conclusion sur la base du «refus immédiat et total» du gouvernement iranien de négocier. Voir
Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran (Etats-Unis d’Amérique c. Iran), arrêt,
C.I.J. Recueil 1980, par. 47-48, 51-52. Dans la seconde, concernant les demandes de l’Iran au titre du traité, les
Etats-Unis n’ont pas même contesté la compétence de la Cour au motif que l’obligation de négociation n’aurait pas été
satisfaite. Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), exception préliminaire,
arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II), par. 16. Cela laisse entendre que les Etats-Unis ont reconnu la conclusion opposée à celle
tirée par les appelants, à savoir que l’absence de relations diplomatiques est une entrave à la faculté d’un Etat de tenter
d’entamer des négociations. Pour ce qui est des demandes reconventionnelles des Etats-Unis, la Cour a de même jugé que
l’obligation de négociation avait été réalisée sans se référer à aucune négociation particulière entre les parties.
Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2003, par. 107.
Cela donne par ailleurs à voir que l’absence de relations diplomatiques peut constituer un obstacle aux négociations. Le
fait que les appelants invoquent l’article 63 de la convention de Vienne sur le droit des traités, qui dispose que «[l]a
rupture des relations diplomatiques ou consulaires entre parties à un traité est sans effet sur les relations juridiques
établies entre elles par le traité», n’enlève rien à cette observation. MBEE, par. 6.53, al. b). Si c’est peut-être vrai en ce
qui concerne la persistance du caractère juridiquement contraignant des dispositions conventionnelles en question, qui
forme après tout l’objet de l’article 63, rien n’est dit quant à savoir si les relations établies entre les parties au titre de ce
traité sont susceptibles d’en pâtir dans les faits.
337 J. Gambrell, «Emirati diplomat to AP: «Nothing to negotiate» with Qatar», Associated Press, 7 juin 2017
(CMQ-B, vol. IV, annexe 72).
338 Réplique B devant l’OACI, pièce jointe 27, «State of Qatar Announces Receipt of Paper Containing Demands
from Siege Countries, Egypt» (MBEE, vol. IV, annexe 25) ; ibid., pièce jointe 28, «List of demands by Saudi Arabia,
other Arab nations».
339 Ibid., pièce jointe 28, «List of demands by Saudi Arabia, other Arab nations».
340 Ibid. Le 19 juillet 2017 ou autour de cette date, les appelants ont ajouté à leurs 13 exigences 6 principes, axés
sur le respect de l’accord de Riyad de 2014 et les conclusions du Sommet de Riyad de 2017, portant sur la lutte contre
l’extrémisme et la prévention des actes de provocation et d’ingérence dans les affaires d’autres Etats. Voir «Arab
countries’ six principles for Qatar «a measure to restart the negotiation process»», The National, 19 juillet 2017 (CMQ-B,
vol. IV, annexe 85) ; réplique B devant l’OACI, pièce jointe 57, «Foreign Ministers of Saudi Arabia, Bahrain, UAE and
Egypt: Measures taken against Qatar are sovereign, and we all are negatively impacted when terrorism and extremism
become stronger», 30 juillet 2017 (MBEE, vol. IV, annexe 25).
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4.31. Le Qatar a considéré que les exigences posées par les appelants étaient manifestement
déraisonnables341. Et il n’était pas le seul à penser de la sorte. Le secrétaire d’Etat des Etats-Unis a
déclaré publiquement que les exigences des appelants étaient «difficiles à satisfaire»342. Le
secrétaire aux affaires étrangères du Royaume-Uni a de même laissé entendre que ces exigences
n’étaient pas «réalistes»343. Et pour le ministère des affaires étrangères allemand, les 13 exigences
se situaient dans un registre «très provocateur»344.
4.32. Le 27 juin 2017, le ministre des affaires étrangères de l’Arabie saoudite a confirmé que
les 13 exigences étaient «non négociables»345. Bien que cet Etat ne soit pas partie à la présente
procédure, l’intéressé s’est exprimé tant au nom de l’Arabie saoudite que des appelants (comme le
montre clairement l’emploi du mot «nous»). Et le ministre d’ajouter :
«C’est très simple. Nous avons dit ce que nous avions à dire. Nous avons pris
nos dispositions et il appartient à présent aux Qatariens de revoir leur conduite. Dès
qu’ils le feront, les choses s’arrangeront d’elles-mêmes. Mais s’ils s’y refusent, ils
demeureront confinés dans leur isolement. … Si le Qatar veut retrouver sa place dans
le club [du Conseil de coopération du Golfe], il sait ce qu’il lui reste à faire.»346
4.33. Le même jour, l’ambassadeur des EAU en Fédération de Russie a confirmé ce qu’il
adviendrait si le Qatar ne capitulait pas devant les 13 exigences dans le délai de dix jours qui lui
avait été donné : «[N]ous n’aurions plus aucun intérêt à ramener le Qatar au bercail du Golfe et des
pays arabes.»347
4.34. Et, pour le cas où il subsisterait encore le moindre doute sur la nature des exigences
fixées au Qatar par les appelants, le lendemain, le 28 juin 2017, le ministre des affaires étrangères
de l’Arabie saoudite, s’exprimant là encore tant au nom de celle-ci que des appelants, a réaffirmé :
«Nos exigences à l’égard du Qatar sont non négociables.»348
4.35. Le Qatar n’est pas certain de comprendre comment les appelants peuvent de bonne foi
formuler la thèse que le Qatar aurait manqué à son obligation de négocier lorsque les appelants
eux-mêmes, après avoir rompu les relations diplomatiques, ont considéré qu’il n’y avait «rien à
négocier» tant que le Qatar ne se conformerait pas à leurs exigences, qui étaient elles-mêmes «non
négociables».
341 Réplique B devant l’OACI, pièce jointe 38, «Qatari, German Foreign Ministers: Dialogue Only Option to
Resolve Crisis», 4 juillet 2017, p. 3 (MBEE, vol. IV, annexe 25).
342 Ibid., pièce jointe 29, «Qatar demands difficult to meet, says US», 25 juin 2017.
343 Ibid.
344 «Saudi demands from Qatar «very provocative»: Germany», Reuters, 26 juin 2017 (CMQ-B, vol. IV,
annexe 80).
345 Réplique B devant l’OACI, pièce jointe 33, «Qatar condemns Saudi refusal to negotiate over demands»,
28 juin 2017 (MBEE, vol. IV, annexe 25).
346 Ibid.
347 Ibid., pièce jointe 31, «Qatar facing indefinite isolation, UAE says», 27 juin 2017.
348 N. Al Wasmi, «UAE and Saudi put pressure on Qatar ahead of demands deadline», The National, 28 juin 2017
(CMQ-B, vol. IV, annexe 81) (les italiques sont de nous).
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4.36. Comme indiqué, la Cour a établi clairement qu’un «refus immédiat et total» de
négocier de la part d’une partie à un différend rendait d’emblée inutile l’examen des tentatives de
négociation de l’autre partie349. La Cour a également considéré que, lorsqu’une partie «insiste sur
sa propre position sans envisager aucune modification», elle ne respecte pas l’obligation qui lui est
faite de se comporter de telle sorte que la négociation «ait un sens»350.
4.37. Dans la présente instance, les appelants ont non seulement refusé de négocier, mais
aussi expressément subordonné toute négociation à l’acceptation d’exigences qui, elles-mêmes,
sont non négociables. A fortiori, l’obligation de négociation est réputée remplie sans qu’il soit
même nécessaire d’examiner en détail les tentatives de négociation particulières faites par le Qatar.
4.38. Cela dit, le dossier de l’affaire montre qu’en dépit de la rupture par les appelants de
tous les canaux diplomatiques de communication et de leur refus de négocier tant que le Qatar ne
capitulerait pas devant leurs exigences, ce dernier a affirmé, à maintes reprises et publiquement,
qu’il était ouvert au dialogue et à la négociation, y compris sur la question des mesures
d’interdiction visant l’aviation351. Par exemple, le 11 septembre 2017, le vice-premier ministre et
ministre des affaires étrangères du Qatar a déclaré devant le Conseil des droits de l’homme des
Nations Unies que le pays était disposé à dialoguer pour mettre fin à la crise du Golfe352. Ensuite, le
19 septembre 2017, S. A. l’émir du Qatar a prononcé son discours à l’Assemblée générale des
Nations Unies, déclarant :
«[N]ous sommes ouverts au dialogue sans diktats et nous avons exprimé notre
volonté de régler les différends grâce à des compromis fondés sur des engagements
communs. Le règlement des conflits par des moyens pacifiques est l’une des priorités
349 Voir Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran (Etats-Unis d’Amérique c. Iran), arrêt,
C.I.J. Recueil 1980, par. 52.
350 Plateau continental de la mer du Nord (République fédérale d’Allemagne/Danemark) (République fédérale
d’Allemagne/Pays-Bas), arrêt, C.I.J. Recueil 1969, par. 85, al. a).
351 Réplique B devant l’OACI, pièces jointes 15–17, 19-20, 22-25, 31, 33-39, 41, 43, 47–56, 58-62, 65-71, 73
(MBEE, vol. IV, annexe 25). Les appelants cherchent à écarter les preuves produites par le Qatar après la date de dépôt
de la requête (30 octobre 2017), soutenant que «le respect de toute condition préalable à l’exercice de la compétence du
Conseil doit être effectif au moment de sa saisine». MBEE, par. 6.75, 6.90-6.92. Bien que le Qatar ait satisfait à
l’obligation de négociation à la date à laquelle il a porté le différend devant le Conseil, il n’est pas d’accord pour dire que
cette même obligation devait être satisfaite à cette date. Le Qatar soutient que, bien que la Cour considère généralement
les questions de compétence et de recevabilité à la date de dépôt de la requête, rien n’est gravé dans le marbre. En
l’affaire des Concessions Mavrommatis en Palestine, l’instance devancière de la Cour a jugé que, «même si
l’introduction avait été prématurée, parce que le Traité de Lausanne n’était pas encore ratifié, ce fait aurait été couvert par
le dépôt ultérieur des ratifications requises», notant que «[l]a Cour, exerçant une juridiction internationale, n’est pas tenue
d’attacher à des considérations de forme la même importance qu’elles pourraient avoir dans le droit interne».
Concessions Mavrommatis en Palestine, arrêt no 2, 1924, C.P.J.I. série A no 2, p. 34. Bien plus récemment, en l’affaire
relative à l’Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie), la
Cour a jugé que la date pertinente était celle à laquelle il était statué sur la compétence, et non la date de dépôt de la
requête, car «cela ne servirait pas l’intérêt d’une bonne administration de la justice d’obliger le demandeur à
recommencer la procédure» (exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2008, par. 85). Cette logique vaut tout autant
en l’espèce, compte tenu de l’intransigeance des appelants. En tout état de cause, la Cour a accepté que «[l]e
comportement des parties postérieur à la requête ... peut être pertinent à divers égards», en particulier, aux fins de
«confirmer l’existence d’un différend». Obligations relatives à des négociations concernant la cessation de la course aux
armes nucléaires et le désarmement nucléaire (Iles Marshall c. Royaume-Uni), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 2016 (II), par. 43. Rien ne justifie qu’il en soit autrement pour d’autres obligations figurant dans une clause
de compétence. Il s’ensuit à tout le moins que les preuves du Qatar postérieures au 30 octobre 2017 sont admises pour
confirmer l’inutilité des négociations déjà patente à cette période.
352 «S. Exc. le ministre des affaires étrangères fait une déclaration lors de la trente-sixième session du Conseil des
droits de l’homme», article publié le 11 septembre 2017 par la mission permanente de l’Etat du Qatar auprès de l’Office
des Nations Unies à Genève (Suisse) (CMQ-B, vol. III, annexe 54).
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de notre politique étrangère. Je réitère ici mon appel à un dialogue sans conditions
préalables, sur la base du respect mutuel de la souveraineté.»353
4.39. Alors que les appelants auraient pu exercer leur droit de réponse après le discours du
Qatar (comme ce dernier l’a fait en réaction aux discours des EAU et de Bahreïn354), ils sont tous
restés silencieux à la conclusion du discours de S. A. l’émir du Qatar.
4.40. Les appelants balaient du revers de la main cette manifestation d’ouverture, comme
d’autres, les qualifiant de simple «tactique» et accusant le Qatar de ne «pren[dre] en réalité aucune
mesure concrète pour tenter d’ouvrir un débat»355. Il sied mal aux appelants d’accuser le Qatar
d’user de «tactique» lorsqu’ils ont eux-mêmes d’abord refusé la négociation, puis subordonné toute
négociation à l’acceptation préalable d’exigences jugées irréalistes356 et provocatrices357 par des
Etats tiers.
4.41. Les appelants balaient aussi les tentatives de négociation du Qatar au motif qu’elles
étaient «adressé[e]s non pas [à eux-mêmes] mais à de tierces parties, avant d’être rapporté[e]s dans
les médias ou dans des communiqués de presse diffusés par le Qatar dans le monde entier»358.
Comme la Cour l’a toutefois souligné, «ce qui importe en la matière ce n’est pas tant la forme des
négociations que l’attitude et les thèses des Parties sur les aspects fondamentaux de la question en
litige»359. Or, l’attitude et les thèses du Qatar étaient claires : il demeurait ouvert à un «dialogue
sans conditions préalables»360. La position des appelants était tout aussi claire : il n’y avait «rien à
négocier» avec le Qatar361.
353 Assemblée générale des Nations Unies, soixante-douzième session, débat général, allocution de Son Altesse
le cheikh Tamim Bin Hamad al-Thani, émir de l’Etat du Qatar, 19 septembre 2017, p. 4 (CMQ-B, vol. III, annexe 55).
354 Voir Assemblée générale des Nations Unies, soixante-douzième session, débat général, allocution de
Son Altesse le cheikh Abdullah Bin Zayed Al Nahyan, ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale
des Emirats arabes unis, 22 septembre 2017 (CMQ-B, vol. III, annexe 57) ; Assemblée générale des Nations Unies,
soixante-douzième session, débat général, allocution de S. Exc. le cheikh Khalid Bin Ahmed Bin Mohamed Al Khalifa,
ministre des affaires étrangères de Bahreïn, 22 septembre 2017 (CMQ-B, vol. III, annexe 58). Le Qatar a également
exercé son droit de répondre à l’allocution de l’Arabie saoudite. Voir résumé de l’allocution faite par S. Exc. M. Adel
Ahmed Al-Jubeir, ministre des affaires étrangères de l’Arabie saoudite, lors du débat général le 23 septembre 2017,
Assemblée générale des Nations Unies, soixante-douzième session (CMQ-B, vol. III, annexe 59).
355 MBEE, par. 6.61.
356 Réplique B devant l’OACI, pièce jointe 29, «Qatar demands difficult to meet, says US», 25 juin 2017 (MBEE,
vol. IV, annexe 25) ; «Qatar given 10 days to meet 13 sweeping demands by Saudi Arabia», The Guardian, 23 juin 2017
(CMQ-B, vol. IV, annexe 79).
357 «Saudi demands from Qatar «very provocative»: Germany», Reuters, 26 juin 2017 (CMQ-B, vol. IV,
annexe 80).
358 MBEE, par. 6.76.
359 Sud-Ouest africain (Ethiopie c. Afrique du Sud ; Libéria c. Afrique du Sud), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 1962, p. 346 (les italiques sont de nous) ; voir aussi Application de la convention internationale sur
l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires,
arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), par. 160 («[la Cour] a finalement admis que des échanges moins formels puissent constituer
des négociations…»).
360 Assemblée générale des Nations Unies, soixante-douzième session, débat général, allocution de Son Altesse le
cheikh Tamim Bin Hamad al-Thani, émir de l’Etat du Qatar, 19 septembre 2017, p. 4 (CMQ-B, vol. III, annexe 55).
361 J. Gambrell, «Emirati diplomat to AP: «Nothing to negotiate» with Qatar»», Associated Press, 7 juin 2017
(CMQ-B, vol. IV, annexe 72).
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4.42. De fait, les dirigeants des appelants n’ont jamais accepté d’échanger directement ou
indirectement avec le Qatar. Celui-ci a toutefois eu une très brève conversation téléphonique avec
le prince héritier d’Arabie saoudite, qui n’a eu de cesse d’agir de concert avec les appelants depuis
le 5 juin 2017. Le 8 septembre 2017, par le truchement du président des Etats-Unis, S. A. l’émir du
Qatar a appelé le prince héritier d’Arabie saoudite par téléphone. Comme l’a rapporté la Saudi
Press Agency, l’agence de presse officielle saoudienne, l’émir, au cours de cette conversation, «a
exprimé son souhait de s’asseoir autour de la table pour négocier et discuter les exigences des
quatre pays»362. Selon la Qatar News Agency (QNA), S. A. l’émir s’est félicité que le prince
héritier propose de «nommer deux envoyés pour régler [les] questions en litige»363, ce qui
comprend à l’évidence les mesures d’interdiction visant l’aviation. Immédiatement après l’appel,
l’Arabie saoudite a toutefois fait machine arrière et annoncé «la suspension de tout dialogue ou
communication avec les autorités au Qatar»364. Elle a procédé ainsi uniquement parce que la QNA
n’avait pas précisé que c’était le Qatar qui était à l’initiative de l’appel365. Les chances de
négociation sont retombées à zéro, en dépit du fait que S. A. l’émir du Qatar avait vraiment tenté de
négocier.
4.43. Le mémoire des appelants peine à caractériser cet appel autrement que comme une
véritable tentative de négociation. Ces derniers avancent quatre arguments plutôt défensifs, dont
aucun n’est valide au fond.
4.44. Premièrement, les appelants soutiennent que «les preuves relatives à la teneur de cette
prétendue conversation sont sujettes à caution» et critiquent le Qatar au motif qu’il «s’appuie
exclusivement sur des articles de presse» et ne fournit pas un «compte rendu, une note
contemporaine ou une déclaration officielle de ses représentants»366. Toutefois, l’un des articles de
presse sur lequel se fonde le Qatar vient de l’agence de presse officielle de l’Arabie saoudite, qui
relaie expressément que «l’émir de l’Etat du Qatar a exprimé son souhait de s’asseoir autour de la
table pour dialoguer et discuter les exigences des quatre pays»367. Si les comptes rendus de presse
ne sont pas entièrement d’accord sur la question de savoir si le prince héritier saoudien a proposé la
nomination de deux envoyés, tous, y compris ceux de l’Arabie saoudite et des EAU368, s’accordent
sur le contenu général de la conversation.
4.45. Deuxièmement, les appelants soutiennent que «le Qatar lui-même ne prétend pas avoir
proposé, dans ladite conversation téléphonique, de mener des négociations»369. Le Qatar se base sur
la description qui fait consensus dans la presse, telle que présentée ci-dessus, laquelle montre sans
362 «Saudi Arabia suspends dialogue, saying Qatar «distorting facts»», The Guardian, 8 septembre 2017
(CMQ-B, vol. IV, annexe 89) (les italiques sont de nous).
363 «Hopes for Qatar crisis breakthrough raised, shattered within minutes», Gulf News, 9 septembre 2017
(CMQ-B, vol. IV, annexe 90).
364 «Saudi Arabia suspends dialogue, saying Qatar «distorting facts»», The Guardian, 8 septembre 2017
(CMQ-B, vol. IV, annexe 89) (les italiques sont de nous).
365 «Qatar crisis: Saudi Arabia angered after emir’s phone call», BBC News, 9 septembre 2017 (CMQ-B, vol. IV,
annexe 91).
366 MBEE, par. 6.78.
367 «Saudi Arabia suspends dialogue, saying Qatar «distorting facts»», The Guardian, 8 septembre 2017
(CMQ-B, vol. IV, annexe 89).
368 «Hopes for Qatar crisis breakthrough raised, shattered within minutes», Gulf News, 9 septembre 2017
(CMQ-B, vol. IV, annexe 90) ; «Saudi Arabia suspends dialogue, saying Qatar «distorting facts»», The Guardian,
8 septembre 2017 (CMQ-B, vol. IV, annexe 89).
369 MBEE, par. 6.79.
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aucun doute que, par cet appel, S. A. l’émir du Qatar a, entre autres, vraiment tenté de négocier au
sujet du différend, y compris les mesures d’interdiction visant l’aviation. En fait, un rapport de la
Gulf News, agence de presse dont le siège se situe à Dubaï (EAU), fait état d’une déclaration d’un
agent du ministère des affaires étrangères saoudien, affirmant que «[l]’appel s’est tenu à l’initiative
du Qatar et était une demande de dialogue avec les quatre pays sur les exigences»370.
4.46. Troisièmement, les appelants avancent que cette conversation téléphonique a été
engagée uniquement avec l’Arabie saoudite, et non avec eux371. C’est, à l’évidence, vrai. Toutefois,
selon le compte rendu de l’appel, tel que relaté par l’agence de presse officielle saoudienne
elle-même, S. A. l’émir «a exprimé le souhait de s’asseoir autour de la table pour dialoguer et
discuter les exigences des quatre pays afin de veiller aux intérêts de toutes les parties…»372 Etant
donné que dans toutes les mesures qu’ils ont adoptées depuis juin 2017, y compris les mesures
d’interdiction visant l’aviation, l’Arabie saoudite et les appelants ont agi conjointement et de
concert  et continuent de le faire devant la Cour , ce serait faire preuve d’un formalisme
excessif que d’écarter l’appel au seul motif que les dirigeants des appelants n’étaient pas en ligne.
En effet, dans son compte rendu, l’agence de presse officielle saoudienne fait référence à des
«détails … qui seront annoncés ultérieurement, une fois que l’Arabie saoudite aura conclu une
entente avec Bahreïn, les Emirats arabes unis et l’Egypte»373, ce qui démontre à nouveau le degré
de coordination existant entre l’Arabie saoudite et les appelants.
4.47. Quatrièmement, les appelants soutiennent que la conversation téléphonique ne
concernait pas «le respect des obligations internationales pertinentes dans le domaine de l’aviation
civile»374. Dans le même ordre d’idées, ils ajoutent qu’une telle discussion portant
«sur la nécessité du dialogue, exprimée en des termes on ne peut plus généraux et dans
le contexte d’un différend bien plus large entre les Parties … ne saurait, de toute
évidence, constituer des négociations ou des tentatives de négociation au sujet de
l’interprétation ou de l’application de l’accord de transit»375.
4.48. Comme expliqué plus haut, l’obligation de négociation est toutefois satisfaite dès qu’il
y a véritable tentative de négociation «en vue de régler le différend». A l’unanimité, les
communiqués de presse rapportent que S. A. l’émir du Qatar «a exprimé le souhait de s’asseoir
autour de la table pour dialoguer et discuter les exigences des quatre pays»376, lesquelles ont été
formulées dans le contexte de l’adoption d’une série de mesures, incluant les mesures d’interdiction
visant l’aviation. Les mêmes sources indiquent également que S. A. l’émir et le prince héritier se
sont montrés favorables à l’idée que l’on «nomme[] deux envoyés pour régler les questions en
litige»377, parmi lesquelles figurent les mesures d’interdiction visant l’aviation.
370 «Hopes for Qatar crisis breakthrough raised, shattered within minutes», Gulf News, 9 septembre 2017
(CMQ-B, vol. IV, annexe 90) (les italiques sont de nous).
371 MBEE, par. 6.82.
372 «Hopes for Qatar crisis breakthrough raised, shattered within minutes», Gulf News, 9 septembre 2017
(CMQ-B, vol. IV, annexe 90) (les italiques sont de nous).
373 Ibid.
374 MBEE, par. 6.80.
375 Ibid., par. 6.81.
376 «Saudi Arabia suspends dialogue, saying Qatar «distorting facts»», The Guardian, 8 septembre 2017
(CMQ-B, vol. IV, annexe 89).
377 «Hopes for Qatar crisis breakthrough raised, shattered within minutes», Gulf News, 9 septembre 2017
(CMQ-B, vol. IV, annexe 90).
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4.49. Le fait que les «questions en litige» dépassent le simple cadre des mesures
d’interdiction visant l’aviation ne signifie pas pour autant que l’appel ne puisse être considéré
comme une véritable tentative de négociation en vue d’un règlement à l’amiable du différend
opposant les parties au titre de l’accord de transit. Par ailleurs, nul ne peut nier que le règlement de
ces questions plus larges pourrait aussi résoudre la question des mesures d’interdiction visant
l’aviation378. Comme expliqué plus haut, la position adoptée par les appelants sur l’objet des
négociations dénote un formalisme excessif et n’est pas conforme à la jurisprudence de la Cour379.
4.50. En tout état de cause, il n’est pas vrai que les tentatives du Qatar «ne se rapport[aient]
pas à l’objet spécifique [de ses] demandes» au titre de l’accord de transit380. Le 28 juin 2017, la
BBC a rapporté que S. Exc. le ministre des affaires étrangères du Qatar avait «condamné le refus
de ses voisins du Golfe d’ouvrir la négociation sur les exigences posées par ces derniers en vue du
rétablissement des liaisons aériennes, maritimes et terrestres»381. Les «liaisons aériennes» sont une
référence évidente aux mesures d’interdiction visant l’aviation.
4.51. Le 5 juillet 2017, S. Exc. le ministre des affaires étrangères du Qatar a déclaré :
«La réponse à nos désaccords ne se trouve ni dans les blocus ni dans les
ultimatums. Elle se trouve dans le dialogue et la raison. Le Qatar demeure ouvert à
l’un comme à l’autre et accueillera avec satisfaction toute initiative sérieuse visant à
résoudre les divergences qui l’opposent à ses voisins … Et nous sommes toujours
favorables au dialogue et à la négociation. … Le Qatar continue d’appeler au
dialogue … Le Qatar se tient prêt à entamer un processus de négociation, guidé par un
cadre clair et un ensemble de principes propre à garantir qu’il n’est pas porté atteinte à
sa souveraineté.»382
4.52. Bien que S. Exc. le ministre des affaires étrangères ne fasse pas expressément mention
dans son discours des mesures d’interdiction visant l’aviation, il se réfère à maintes reprises au
«blocus» et mentionne également les «actions hostiles extraordinaires et gratuites menées à
l’encontre du Qatar»383. Il ne fait aucun doute que ces actions couvrent entre autres les mesures
d’interdiction visant l’aviation.
378 Cela ne veut pas dire que le différend porté sur le fondement de l’accord de transit soit d’une certaine manière
subsumé sous le différend plus large qui oppose les parties, ni que le «véritable problème» en cause soit extérieur aux
prévisions de cet instrument, comme allégué par les appelants au paragraphe 6.89 de leur mémoire. Le Qatar rappelle la
position de la Cour dans l’affaire du Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran, à savoir que :
«les différends juridiques entre Etats souverains ont, par leur nature même, toutes chances de surgir dans
des contextes politiques et ne représentent souvent qu’un élément d’un différend politique plus vaste et
existant de longue date entre les Etats concernés. Nul n’a cependant jamais prétendu que, parce qu’un
différend juridique soumis à la Cour ne constitue qu’un aspect d’un différend politique, la Cour doit se
refuser à résoudre dans l’intérêt des parties les questions juridiques qui les opposent. La Charte et le
Statut ne fournissent aucun fondement à cette conception des fonctions ou de la juridiction de la Cour ; si
la Cour, contrairement à sa jurisprudence constante, acceptait une telle conception, il en résulterait une
restriction considérable et injustifiée de son rôle en matière de règlement pacifique des différends
internationaux.» Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran (Etats-Unis d’Amérique
c. Iran), arrêt, C.I.J. Recueil 1980, par. 37 (les italiques sont de nous).
379 Voir par. 4.13–4.15 plus haut.
380 MBEE, par. 6.83.
381 Réplique B devant l’OACI, pièce jointe 33, «Qatar condemns Saudi refusal to negotiate over demands»,
28 juin 2017 (MBEE, vol. IV, annexe 25) (les italiques sont de nous).
382 Ibid., pièce jointe 39, «Foreign Minister: Any Threat to Region is Threat to Qatar», 5 juillet 2017.
383 Ibid.
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4.53. Le 22 juillet 2017, S. A. l’émir du Qatar s’est exprimé publiquement pour la première
fois depuis l’introduction, le 5 juin 2017, des mesures d’interdiction visant l’aviation et des autres
mesures. Il a déclaré expressément que le Qatar était «prêt à dialoguer et à conclure un règlement
sur toutes les questions litigieuses dans ce contexte»384. Les «questions litigieuses» comprennent,
bien entendu, les mesures d’interdiction visant l’aviation, dont S. A. l’émir a également fait
mention expresse dans son discours385.
4.54. Malgré les appels à la négociation lancés par le Qatar, le 30 juillet 2017, les ministres
des affaires étrangères des appelants ont réaffirmé leur intransigeance. Lors d’une conférence de
presse commune tenue avec ses homologues des pays appelants, le ministre des affaires étrangères
de l’Arabie saoudite a déclaré que «les 13 exigences ne font l’objet d’aucune négociation»386. Fait
important, le ministre a ajouté : «nous avons pris la décision de ne pas autoriser l’utilisation de
notre espace aérien ou de nos frontières et c’est notre droit souverain»387. Il ne fait donc aucun
doute que la question ne pouvant faire l’objet «d’aucune négociation» englobait, entre autres
choses, les mesures d’interdiction visant l’aviation.
4.55. En conclusion, le Qatar a tenté à maintes reprises de se mettre en contact avec les
appelants pour régler le différend avant d’introduire une instance devant le Conseil de l’OACI le
30 octobre 2017. Dans tous ses efforts, il n’a essuyé que refus et, aujourd’hui encore, rien ne laisse
présager une quelconque évolution de la situation tant que le Qatar n’aura pas capitulé devant les
exigences des appelants. Le 27 mai 2018, le ministre des affaires étrangères de Bahreïn a affirmé
que, s’agissant de trouver une solution, les circonstances ne laissaient entrevoir «aucune lueur
d’espoir»388. Plus récemment, le 26 septembre 2018, le ministre des affaires étrangères saoudien a
prévenu, au nom de l’Arabie saoudite et des appelants, que «si [le Qatar] [ne change pas] nous
sommes patients. Nous attendrons encore dix, quinze, vingt ans, cinquante ans. … Ce n’est pas un
problème pour nous.»389
4.56. La situation qui nous occupe n’est donc pas sans rappeler l’affaire du Personnel
diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran. Tout comme l’Iran, les appelants ont refusé
toute discussion sur quelque question que ce soit, y compris sur les mesures d’interdiction visant
l’aviation. Pour preuve, ils ont, entre autres mesures, fermé tous les canaux de communication
diplomatiques et leurs dirigeants politiques ont déclaré à maintes reprises qu’ils n’étaient pas
disposés à négocier. La conclusion est par conséquent inéluctable : tout comme dans l’affaire du
384 «Emir speech in full text: Qatar ready for dialogue but won’t compromise on sovereignty», The Peninsula,
22 juillet 2017, p. 7 (CMQ-B, vol. IV, annexe 86).
385 Ibid., p. 7 («Je remercie également tous ceux qui nous ont ouvert leurs espaces aériens et leurs eaux
territoriales lorsque nos frères ont fermé les leurs.»). Voir aussi réplique B devant l’OACI, pièce jointe 69, «Minister of
State for Foreign Affairs Confirms Illegality of the Siege Imposed on Qatar», 26 septembre 2017 (MBEE, vol. IV,
annexe 25).
386 Réplique B devant l’OACI, pièce jointe 57, «Foreign Ministers of Saudi Arabia, Bahrain, UAE and Egypt:
Measures taken against Qatar are sovereign, and we all are negatively impacted when terrorism and extremism become
stronger», 30 juillet 2017 (MBEE, vol. IV, annexe 25).
387 Ibid.
388 «Bahrain sees «no glimmer of hope» for ending Qatar crisis soon», Reuters, 27 mai 2018 (CMQ-B, vol. IV,
annexe 99).
389 Council on Foreign Relations, «A Conversation With Adel al-Jubeir», 26 septembre 2018 (CMQ-B, vol. IV,
annexe 125). Les appelants avaient réaffirmé leur «position ferme quant à la nécessité pour Doha de satisfaire aux
13 exigences» lors d’une précédente réunion tenue au cours du 29e Sommet de la Ligue des Etats arabes. Voir réplique B
devant l’OACI, pièce jointe 84, «Arab Quartet stresses Qatar must meet 13 demands to mend ties», 14 avril 2018
(MBEE, vol. IV, annexe 25).
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Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran, l’obligation de négociation est
satisfaite.
2. Le Qatar a tenté sans succès de régler le différend par l’intermédiaire de l’OACI
4.57. Le Qatar a également cherché à discuter avec les appelants dans le cadre institutionnel
de l’OACI. Le dossier de l’affaire montre que les appelants ont exclu les mesures d’interdiction
visant l’aviation de l’examen de la demande du Qatar, entrepris par le Conseil au titre de l’alinéa n)
de l’article 54 de la convention de Chicago390, tout en niant leur caractère illicite au titre de l’accord
de transit. Une fois encore, le message était clair : s’il voulait avoir une chance de régler le
différend à l’amiable, le Qatar devait chercher ailleurs.
4.58. D’emblée, il convient de rappeler que  pour citer le juge Buergenthal  «dans le
cadre de l’OACI, la diplomatie parlementaire peut se substituer aux négociations directes» sous
réserve que «les deux parties au litige y participent dans des camps adverses»391. En effet, on ne
saurait trop insister sur l’importance des bons offices de l’OACI  notons en particulier que,
s’agissant des différends dont il a été formellement saisi, le Conseil n’a jamais eu à rendre de
décision au fond, car les parties sont parvenues à un règlement à l’amiable392.
4.59. Par voie de conséquence, l’argument des appelants selon lequel, en ayant recours au
cadre de l’OACI, le Qatar n’a pas «véritablement tenté d’engager des négociations», dans la
mesure où il a cherché à s’entretenir avec les organes de l’OACI, et non avec les appelants, et n’a
pas inclus dans ses lettres et requêtes une invitation à négocier adressée directement à ces
derniers393, est dénué de pertinence. Ce qui est pertinent en revanche, c’est que le Qatar a sollicité
les organes de l’OACI le jour même de l’adoption des mesures d’interdiction visant l’aviation, les
informant de ses vues sur la licéité de celles-ci au regard de l’accord de transit et leur demandant
d’intervenir394. Une fois informés de l’action du Qatar, les appelants sont dans un premier temps
restés silencieux395 et ont ensuite soit refusé la moindre discussion, soit émis l’avis que les mesures
d’interdiction visant d’aviation ne constituaient pas une violation dudit accord.
4.60. En effet, peu avant la fin de la 211e session, le 23 juin 2017, lorsque le Conseil de
l’OACI s’est interrogé sur la façon dont il allait examiner la demande présentée par le Qatar au titre
de l’alinéa n) de l’article 54 de la convention de Chicago, par laquelle ce dernier sollicitait son
intervention au sujet des mesures d’interdiction adoptées par les appelants dans le domaine de
390 L’alinéa n) de l’article 54 de la convention de Chicago dispose que «le Conseil ... examine[] toute question
relative à la Convention dont il est saisi par un Etat contractant». (Convention de Chicago, art. 54, al. n) (MBEE, vol. II,
annexe 1)).
391 T. Buergenthal, Law-making in the International Civil Aviation Organization, 1969, Part III, p. 131 (MBEE,
vol. VI, annexe 125).
392 P. S. Dempsey, Public International Air Law (2017), p. 921 (CMQ-B, vol. IV, annexe 116).
393 MBEE, par. 6.65–6.66.
394 Voir réplique B devant l’OACI, pièces jointes 1–6 (MBEE, vol. IV, annexe 25).
395 Deux jours après l’introduction des mesures d’interdiction visant l’aviation, le 7 juin 2017, la secrétaire
générale de l’OACI a répondu au recours déposé le 5 juin par le Qatar, affirmant qu’elle avait «porté la question à
l’attention des représentants concernés siégeant au Conseil de l’OACI». Letter from Fang Liu, ICAO Secretary General,
to Abdulla Nasser Turki Al-Subaey, Chairman of Qatar Civil Aviation Authority, Reference No. AN 13/4/3/Open-
AMO66892, 7 juin 2017 (CMQ-B, vol. III, annexe 22). Deux des appelants, l’Egypte et les EAU, figuraient alors parmi
les 36 Etats membres siégeant au Conseil de l’OACI. A ce titre, ils ont été officiellement informés de la réclamation
déposée par le Qatar. Aucun d’eux n’a toutefois formulé la moindre réponse.
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l’aviation396, l’Arabie saoudite et les deux appelants siégeant au Conseil (l’Egypte et les EAU) ont
refusé d’aborder la question. L’Arabie saoudite a déclaré que «le débat devait se concentrer sur la
sécurité, la sûreté et la navigation aérienne»397. Les EAU étaient du même avis398. Et l’Egypte a
laissé entrevoir ce qui serait la première exception préliminaire des appelants, déconseillant à
l’OACI de «s’aventurer dans des considérations politiques»399. Le Conseil a néanmoins décidé de
tenir une session extraordinaire, dont la date a été fixée ultérieurement au 31 juillet 2017, afin
d’examiner la demande du Qatar400.
4.61. Le refus des appelants d’examiner les mesures d’interdiction visant l’aviation
transparaît également dans le document de travail commun qu’ils ont soumis en amont de la
session extraordinaire du Conseil de l’OACI401. Les appelants ont à nouveau invité le Conseil à
reporter l’examen des mesures d’interdiction visant l’aviation au motif qu’elles représentaient une
«question[] non urgente[]» et à «limiter ses délibérations aux questions urgentes soulevées au titre
de l’alinéa n) de l’article 54, qui concernent la sécurité de l’aviation civile internationale»402.
4.62. Les discussions qui se sont déroulées au cours de la session extraordinaire du Conseil,
à laquelle le Qatar et les trois appelants, ainsi que l’Arabie saoudite, étaient présents403, sont encore
plus édifiantes. Le Qatar a tiré grief
«des NOTAM successifs et des mesures arbitraires prises par les quatre Etats ayant
imposé le blocus à compter du 5 juin 2017, en violation flagrante de toutes les règles
internationales pertinentes de l’OACI, ainsi que des instruments pertinents de l’OACI
auxquels ils sont parties»404.
Il a réclamé que les appelants «lèvent le blocus aérien injuste qui lui a été imposé par l’Arabie
saoudite, Bahreïn, l’Egypte et les Emirats arabes unis», notant qu’«il s’agit d’un différend touchant
à l’essence de la convention»405. Les EAU, au nom des appelants et de l’Arabie saoudite, ont
soutenu que «les fermetures de leurs espaces aériens étaient légitimes, justifiées, proportionnées
396 ICAO Council, 211th Session, Summary Minutes of the Tenth Meeting, doc. C-MIN 211/10, 23 juin 2017,
par. 9 («priait le Conseil de l’OACI d’examiner la question des mesures prises par la République arabe d’Egypte, le
Royaume de Bahreïn, le Royaume d’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis en vue de fermer leur espace aérien aux
aéronefs immatriculés dans l’Etat du Qatar») (CMQ-B, vol. III, annexe 24).
397 Ibid., par. 15.
398 Ibid., par. 18.
399 Ibid., par. 20.
400 Ibid., par. 53.
401 Réplique B devant l’OACI, pièce jointe 8, «Response to Qatar’s Submission Under Article 54 (n) Presented
by Bahrain, Egypt, Saudi Arabia, and the United Arab Emirates, doc. C-WP/14640», 19 juillet 2017 (MBEE, vol. IV,
annexe 25). Avant la soumission de ce document de travail, le président du Conseil a invité Bahreïn (et le Qatar) à
participer, sans être admis à voter, à la session extraordinaire faisant valoir l’intérêt particulier des parties ; les deux Etats
ont accepté. Ibid., pièce jointe 10, «ICAO Council, Extraordinary Session, Summary Minutes, doc. C-MIN Extraordinary
Session», 31 juillet 2017, par. 4-5.
402 Ibid., pièce jointe 8, «Response to Qatar’s Submission Under Article 54 (n) Presented by Bahrain, Egypt,
Saudi Arabia, and the United Arab Emirates, doc. C-WP/14640», 19 juillet 2017, par. 5.1, al. b).
403 Ibid., pièce jointe 10, «ICAO Council, Extraordinary Session, Summary Minutes, doc. C-MIN Extraordinary
Session», 31 juillet 2017, par. 5.
404 Ibid., par. 11.
405 Ibid., par. 14.
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aux actions du Qatar et autorisées en droit international»406 et ont réitéré la position qu’ils avaient
exprimée dans leur document de travail, à savoir que «le Conseil devrait limiter ses délibérations à
la question urgente soulevée au titre de l’alinéa n) de l’article 54, qui concerne la sécurité de
l’aviation civile internationale, et … reporter l’examen des autres questions non urgentes»407.
4.63. Les membres du Conseil ont bien compris que ce dernier se trouvait dans une impasse.
L’Espagne, par exemple, a déclaré qu’«elle aurait aimé voir la question en jeu résolue par voie de
négociation entre les cinq parties», mais que «cela n’a pas été possible»408.
4.64. Bien que les parties aient subséquemment tenu quelques échanges supplémentaires sur
les routes d’exception, la question des mesures d’interdiction visant l’aviation en est restée exclue.
Cette situation s’est maintenue jusqu’à ce que le Qatar dépose sa requête devant le Conseil en vertu
de la section 2 de l’article II (et, comme expliqué plus haut, la situation persiste à ce jour).
4.65. En conclusion, les efforts diplomatiques du Qatar, sur le plan tant multilatéral que
bilatéral, n’ont pas suffi à résoudre le différend. Ces efforts se sont systématiquement heurtés au
refus des appelants de discuter les mesures d’interdiction visant l’aviation ou même de reconnaître
qu’il était possible qu’ils aient enfreint l’accord de transit. Bien que ces échanges se soient tenus
dans un contexte multilatéral, ils remplissent néanmoins les conditions pour constituer de véritables
tentatives de négociation. Comme indiqué, la Cour a établi clairement que «la diplomatie pratiquée
au sein des conférences ou diplomatie parlementaire s’est fait reconnaître comme l’un des moyens
établis de conduire des négociations internationales»409. La Cour a également fait clairement savoir
qu’aucune forme particulière n’était nécessaire410. Il est donc mal venu de la part des appelants de
critiquer le fait que le Qatar invoque ces échanges.
3. Le Qatar a tenté sans succès de régler le différend par l’intermédiaire de l’OMC
4.66. Outre qu’il a tenté de régler le différend par des voies directes et dans le cadre de
l’OACI, le Qatar a aussi essayé de négocier les mesures d’interdiction visant l’aviation dans
l’enceinte de l’OMC.
406 Réplique B devant l’OACI, pièce jointe 10, «ICAO Council, Extraordinary Session, Summary Minutes,
doc. C-MIN Extraordinary Session», 31 juillet 2017, par. 32 (MBEE, vol. IV, annexe 25). Cette déclaration fait suite à
celle prononcée par le ministre des affaires étrangères de l’Arabie saoudite lors d’une conférence de presse commune
donnée la veille par le ministre et ses homologues des Etats appelants, dans laquelle il s’exprimait ainsi : «nous avons pris
la décision de ne pas autoriser l’utilisation de notre espace aérien ou de nos frontières et c’est notre droit souverain».
Ibid., pièce jointe 58, «Foreign Ministers of Saudi Arabia, Bahrain, UAE and Egypt: Measures taken against Qatar are
sovereign, and we all are negatively impacted when terrorism and extremism become stronger», 30 juillet 2017. Une
partie qui soutient systématiquement que les faits ne donnent pas lieu à un différend à propos de l’interprétation ou de
l’application d’un traité ne peut, dans le même temps, critiquer l’autre partie au motif qu’elle ne tente pas vraiment de
négocier ; dans ces circonstances, il est manifeste que le différend ne peut être réglé par voie de négociation. Questions
d’interprétation et d’application de la convention de Montréal de 1971 résultant de l’incident aérien de Lockerbie
(Jamahiriya arabe libyenne c. Etats-Unis d’Amérique), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1998, par. 21.
407 Ibid., pièce jointe 10, «ICAO Council, Extraordinary Session, Summary Minutes, doc. C-MIN Extraordinary
Session», 31 juillet 2017, par. 33.
408 Ibid., par. 75 (les italiques sont de nous).
409 Sud-Ouest africain (Ethiopie c. Afrique du Sud ; Libéria c. Afrique du Sud), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 1962, voir p. 346.
410 Ibid.
116
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4.67. En particulier, le 31 juillet 2017, le Qatar a prié Bahreïn et les EAU, ainsi que l’Arabie
saoudite, «d’engager des consultations au sujet de mesures adoptées dans le contexte de tentatives
coercitives d’isolement économique menées contre l’Etat du Qatar»411. La demande de
consultations présentée par le Qatar mentionne expressément que les mesures prises par Bahreïn,
les EAU et l’Arabie saoudite incluent «l’interdiction pour les aéronefs qatariens d’accéder à [leur]
espace aérien», ainsi que
«la prohibition par [les appelants] des vols à destination et en provenance de [leurs
territoires] qui sont assurés par des aéronefs immatriculés au Qatar ; y compris la
prohibition de l’atterrissage des aéronefs qatariens dans les aéroports [de leurs
territoires]»412.
4.68. Bahreïn, les EAU et l’Arabie saoudite ont adressé leur réponse dans une lettre
commune datée du 10 août 2017, dans laquelle ils ont «refus[é] d’entamer des consultations sur la
question», car, selon eux, «les mesures auxquelles il est fait référence dans la demande ont été
prises en application de décisions diplomatiques et relevant de la sécurité nationale, ce sur quoi
tous les membres de l’OMC sont pleinement souverains»413.
4.69. Dans leur mémoire, les appelants affirment que les tentatives du Qatar visant à engager
des consultations sous l’égide de l’OMC n’ont aucune pertinence au regard de l’obligation de
négociation énoncée à la section 2 de l’article II de l’accord de transit. Ils en veulent pour preuve
que les demandes de consultations en question «ne faisaient nulle mention des obligations
pertinentes de la convention de Chicago et l’accord de transit qui, à en croire les requêtes et les
mémoires du Qatar, n’auraient pas été respectées»414.
4.70. Comme il a été expliqué plus haut, toutefois, le Qatar n’était pas tenu de se référer
expressément à l’accord de transit415, mais bien uniquement à l’objet du différend en question416.
En mentionnant l’interdiction faite par les deux appelants aux aéronefs qatariens d’accéder à leur
espace aérien et la prohibition par ces derniers des vols à destination et en provenance de leurs
territoires qui sont assurés par des aéronefs immatriculés au Qatar, c’est précisément ce qu’a fait le
Qatar.
411 Réplique B devant l’OACI, pièce jointe 11, «World Trade Organization, Bahrain — Measures Relating to
Trade in Goods and Services, and Trade-Related Aspects of Intellectual Property Rights, WT/DS527/1», 4 août 2017
(MBEE, vol. IV, annexe 25) ; ibid., pièce jointe 12, «World Trade Organization, United Arab Emirates — Measures
Relating to Trade in Goods and Services, and Trade-Related Aspects of Intellectual Property Rights, WT/DS526/1»,
4 août 2017 ; «World Trade Organization, Saudi Arabia — Measures Relating to Trade in Goods and Services, and
Trade-Related Aspects of Intellectual Property Rights, WT/DS528/1», 4 août 2017 (CMQ-B, vol. IV, annexe 137).
412 Réplique B devant l’OACI, pièce jointe 11, «World Trade Organization, Bahrain — Measures Relating to
Trade in Goods and Services, and Trade-Related Aspects of Intellectual Property Rights, WT/DS527/1», 4 août 2017,
par. 8, al. i) (MBEE, vol. IV, annexe 25) ; ibid., pièce jointe 12, «World Trade Organization, United Arab Emirates —
Measures Relating to Trade in Goods and Services, and Trade-Related Aspects of Intellectual Property Rights,
WT/DS526/1», 4 août 2017, par. 8, al. i) ; «World Trade Organization, Saudi Arabia — Measures Relating to Trade in
Goods and Services, and Trade-Related Aspects of Intellectual Property Rights, WT/DS528/1», 4 août 2017, par. 8, al. i)
(CMQ-B, vol. IV, annexe 137).
413 Réplique B devant l’OACI, pièce jointe 13, «Letter from UAE, Bahrain, and Saudi Arabia to Junichi Ihara,
Chairman of the WTO Dispute Settlement Body», 10 août 2017, p. 2 (MBEE, vol. IV, annexe 25).
414 MBEE, par. 6.73 ; voir aussi duplique B devant l’OACI, par. 122–126 (MBEE, vol. IV, annexe 26).
415 Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale
(Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), par. 30.
416 Ibid.
117
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4.71. L’autre argument des appelants à ce propos est tout aussi vain. Ils soutiennent que la
demande du Qatar n’était pas adressée à l’Egypte et que, par conséquent, «l’on ne saurait donc
invoquer à cet égard une quelconque tentative de négociation»417. Pourtant, la réponse de Bahreïn,
des EAU et de l’Arabie saoudite à la demande de consultations du Qatar ne s’écarte en rien des
déclarations similaires prononcées par l’Egypte elle-même418 et en son nom419 dans l’enceinte de
l’OACI, ce qui trahit le degré de concertation des appelants et le caractère artificiel des tentatives
visant à les distinguer les uns des autres dans ce contexte.
4. Le Qatar a tenté sans succès de régler le différend par le truchement d’Etats tiers
4.72. Les appelants soutiennent que le Qatar n’a pas vraiment tenté de négocier «par d’autres
moyens, telle que l’entremise de l’émir du Koweït»420, mais ne se donnent aucunement la peine
d’expliquer pourquoi il en est ainsi. Là encore, le dossier de l’affaire les met en défaut. Il y a eu
d’autres efforts déployés pour régler le différend via l’intervention d’Etats tiers. En particulier, le
Koweït et les Etats-Unis se sont attachés à rapprocher les parties, mais ces efforts sont restés lettre
morte en raison de l’intransigeance des appelants.
4.73. Dès le 7 juin 2017, S. A. l’émir du Koweït informait S. A. l’émir du Qatar de «ses
efforts pour tenter de résoudre la crise»421. Trois jours plus tard, S. Exc. le ministre des affaires
étrangères du Qatar déclarait dans un entretien télévisé que les efforts de S. A. l’émir étaient «en
cours» et que le Qatar «estim[ait] et appréci[ait]» ces efforts et «ne perd[rait] pas espoir» dans le
processus422. Ensuite, le 12 juin, S. Exc. le ministre des affaires étrangères a déclaré que «le Qatar
est en contact avec S. Exc. l’émir du Koweït … au sujet de ses efforts de médiation», et affirmé que
le Qatar était ouvert au dialogue, ajoutant que «le Qatar est prêt à examiner toute demande, à
condition qu’elle soit claire»423. Le 17 juin 2017, il a souligné à nouveau les vigoureux efforts
déployés par S. A. l’émir du Koweït et noté «la poursuite des visites de nos frères koweïtiens dans
les pays à l’origine de ces mesures iniques»424.
4.74. L’annonce par les appelants de leurs 13 exigences, le 22 juin 2017, a menacé de faire
capoter le processus, mais cela n’a pas empêché S. A. l’émir du Koweït de poursuivre ses efforts et
d’appeler à un dialogue sans conditions. Le Qatar y a répondu favorablement425, contrairement aux
appelants426. Tout en reconnaissant que «l’émir du Koweït … a fait office d’intermédiaire au cours
417 MBEE, par. 6.72.
418 Voir ICAO Council, 211th Session, Summary Minutes of the Tenth Meeting, doc. C-MIN 211/10, 23 juin
2017, par. 20 (CMQ-B, vol. III, annexe 24).
419 Voir réplique B devant l’OACI, pièce jointe 10, «ICAO Council, Extraordinary Session, Summary Minutes,
doc. C-MIN Extraordinary Session», 31 juillet 2017, par. 32 (MBEE, vol. IV, annexe 25) ; ibid., pièce jointe 57, «Foreign
Ministers of Saudi Arabia, Bahrain, UAE and Egypt: Measures taken against Qatar are sovereign, and we all are
negatively impacted when terrorism and extremism become stronger», 30 juillet 2017.
420 MBEE, par. 6.82.
421 Réplique B devant l’OACI, pièce jointe 18, «HH the Emir Meets HH the Emir of Kuwait», 7 juin 2017
(MBEE, vol. IV, annexe 25).
422 Ibid., pièce jointe 21, «The Foreign Minister’s Interview with RT on GCC Crisis», 10 juin 2017.
423 Ibid., pièce jointe 22, «Foreign Minister: Qatar Focuses on Solving Humanitarian Problems of Illegal Siege»,
12 juin 2017.
424 Ibid., pièce jointe 25, «HE Foreign Minister Expresses Surprise of Reaction of GCC Countries Blockading
Qatar», 17 juin 2017.
425 Ibid., pièces jointes 18, 32-35, 37-38, 41, 43-45, 47-48, 58-61, 64-67, 71-73.
426 Ibid., pièce jointe 60, «Foreign Minister Reiterates: Qatar Welcomes Any Effort Supports Kuwaiti Mediation
to Resolve Gulf Crisis», 30 août 2017.
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- 74 -
de cette période de communication indirecte», la presse émirienne a rapporté le 11 septembre 2017
que «[l]es 13 exigences du Quartet arabe sont individuellement non négociables et collectivement
indivises et constituent les conditions minimums à respecter pour un retour à la normalité entre
voisins»427.
4.75. Le 30 août 2017, à l’occasion d’une conférence de presse donnée de concert avec le
ministre des affaires étrangères de la Russie, S. Exc. le ministre des affaires étrangères du Qatar a
fait mention des :
«lettres envoyées par S. Exc. l’Emir du Koweït à toutes les parties, appelant à un
dialogue direct et sans conditions. Il a fait observer que l’Etat du Qatar était le seul
pays à avoir répondu à la lettre koweïtienne, après quelques jours, alors qu’aucun des
pays à l’origine de l’état de siège n’a réagi, ces derniers persistant dans leur choix de
ne pas répondre et ignorant tout effort de médiation, qu’il émane du Koweït ou de tout
autre pays ami.»428
4.76. L’«autre pays ami» mentionné dans la déclaration de Son Excellence était les
Etats-Unis, qui eux aussi ont tenté de faciliter le règlement du différend, n’obtenant pour seule
réponse que l’indifférence des appelants à l’égard de leurs propositions429. Deux semaines après
l’annonce des mesures d’interdiction visant l’aviation, on pouvait lire dans les médias que le
secrétaire d’Etat américain «a tenu plus de 20 appels téléphoniques et réunions avec les dirigeants
du Golfe et d’autres pays»430. Le 27 juin 2017, le secrétaire d’Etat a rencontré S. Exc. le ministre
des affaires étrangères du Qatar, affirmé qu’il importait de trouver une solution satisfaisante dès
que possible et fait savoir qu’il était disposé à appuyer ce processus431. En référence à cette réunion,
S. Exc. le ministre des affaires étrangères du Qatar a déclaré : «Nous convenons que l’Etat du Qatar
engagera un dialogue constructif avec les parties concernées si ces dernières souhaitent parvenir à
une solution et surmonter cette crise.»432
4.77. Les appelants, en revanche, n’étaient pas ouverts à la négociation. Après avoir mené
des pourparlers avec le secrétaire d’Etat américain le 27 juin 2017, le ministre des affaires
étrangères saoudien a réaffirmé une nouvelle fois, là encore tant au nom de l’Arabie saoudite que
des appelants, que les 13 exigences étaient non négociables433.
4.78. Le 11 juillet 2017, la presse a annoncé que le secrétaire d’Etat américain présenterait le
mémorandum d’accord conclu entre le Qatar et les Etats-Unis pour la lutte contre le terrorisme aux
«dirigeants de l’Arabie saoudite, des Emirats arabes unis et de Bahreïn afin de déterminer si ce sera
suffisant pour sortir d’une impasse qui [les] a amenés à maintenir leur blocus à l’encontre du Qatar
427 Réplique B devant l’OACI, pièce jointe 64, «UAE Press: Qatar has distorted details of phone call»,
11 septembre 2017 (MBEE, vol. IV, annexe 25) (les italiques sont de nous).
428 Ibid., pièce jointe 60, «Foreign Minister Reiterates: Qatar Welcomes Any Effort Supports Kuwaiti Mediation
to Resolve Gulf Crisis», 30 août 2017, p. 1–2.
429 Ibid., p. 2.
430 Ibid., pièce jointe 26, «State Dept. Lashes Out at Gulf Countries Over Qatar Embargo», 20 juin 2017, p. 3 ;
ibid., pièce jointe 46, «Tillerson Tries Shuttle Diplomacy in Qatar Dispute», 11 juillet 2017.
431 Ibid., pièce jointe 32, «Foreign Minister Meets US Counterpart», 27 juin 2017.
432 Ibid., pièce jointe 31, «Foreign Minister: Siege Countries’ Allegations Should be Supported by Evidence»,
27 juin 2017.
433 Ibid., pièce jointe 33, «Qatar condemns Saudi refusal to negotiate over demands», 28 juin 2017.
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pendant plus d’un mois»434. Deux jours plus tard, les représentants du Qatar, des Etats-Unis et du
Koweït se sont réunis pour discuter des résultats de la visite du secrétaire d’Etat américain en
Arabie saoudite435. A cette occasion, S. Exc. le ministre des affaires étrangères du Qatar a à
nouveau fait savoir que ce dernier était ouvert «à un dialogue constructif»436.
4.79. Le 25 juillet 2017, S. Exc. le ministre des affaires étrangères du Qatar a loué «les
efforts considérables entrepris par le secrétaire d’Etat américain, M. Rex Tillerson, au cours de sa
récente tournée dans les pays du Golfe, dont sont ressorties plusieurs propositions auxquelles nous
allons répondre»437. Or, cinq jours plus tard, son homologue saoudien a réaffirmé lors d’une
conférence de presse donnée avec les ministres des affaires étrangères des appelants que «les
13 exigences ne font l’objet d’aucune négociation»438.
4.80. Comme relaté plus haut, le président des Etats-Unis est lui-même intervenu, facilitant
une communication téléphonique directe entre S. A. l’émir du Qatar et le prince héritier de l’Arabie
saoudite le 8 septembre 2017439. Alors que cette conversation semblait avoir donné des résultats, le
lendemain même, l’Arabie saoudite a accusé le Qatar de dénaturer les faits et a annoncé «la
suspension de tout dialogue ou communication avec les autorités au Qatar»440.
4.81. Le 22 octobre 2017, le secrétaire d’Etat américain a fait clairement savoir que l’Arabie
saoudite n’y mettait pas du sien. Il a annoncé : «Au cours de mon entretien avec le prince héritier
Mohamed ben Salman, je lui ai demandé s’il vous plaît, s’il vous plaît de bien vouloir engager le
dialogue», mais il a conclu qu’«il n’est pas clair que les parties soient prêtes à nouer le
dialogue»441. Bien que l’Arabie saoudite ne soit pas partie à la présente procédure, son
comportement reflète ici, comme précédemment, l’attitude des appelants.
4.82. De fait, comme S. Exc. le ministre des affaires étrangères du Qatar l’a expliqué par la
suite :
«[L]e secrétaire d’Etat américain s’est rendu au Qatar, puis en Arabie saoudite,
a rencontré ensuite les pays à l’origine du siège, est retourné à Doha avec une
proposition comprenant une liste de principes et une feuille de route, et a demandé à
recevoir une réponse dans les cinq jours … [Nous avons] répondu à la feuille de route
et à la liste de principes au terme des cinq jours mentionnés par le secrétaire d’Etat
américain … Nous avons alors demandé quelles mesures devaient suivre. En réponse,
les Etats-Unis ont indiqué que les pays à l’origine de l’état de siège ne leur avaient
434 Réplique B devant l’OACI, pièce jointe 46, «Tillerson Tries Shuttle Diplomacy in Qatar Dispute», 11 juillet
2017 (MBEE, vol. IV, annexe 25).
435 Ibid., pièce jointe 47, «Foreign Minister Meets Kuwaiti Minister of State for Cabinet Affairs, U.S. Secretary of
State», 13 juillet 2017.
436 Ibid.
437 Ibid., pièce jointe 53, «Qatar’s Foreign Minister Says Visit to Washington Aims to Inform US Politicians
about Negative Impacts of Gulf Crisis», 25 juillet 2017, p. 1.
438 Ibid., pièce jointe 57, «Foreign Ministers of Saudi Arabia, Bahrain, UAE and Egypt: Measures taken against
Qatar are sovereign, and we all are negatively impacted when terrorism and extremism become stronger», 30 juillet 2017.
439 Ibid., pièce jointe 62, «Emir holds telephone talks with US President», 9 septembre 2017.
440 Ibid., pièce jointe 63, «Official Source: What was published by Qatar News Agency is continuation of Qatari
authority’s distortion of facts», 9 septembre 2017.
441 Ibid., pièce jointe 72, «Remarks With Qatari Foreign Minister Sheikh Mohammed bin Abdulrahman
al-Thani», 22 octobre 2017.
123
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pas adressé de réponse et que la question était par conséquent au point mort à ce
stade.»442
4.83. Les appelants ont donc mis en échec les efforts de médiation déployés par le Koweït et
les Etats-Unis afin de trouver une solution au différend. Comme l’a parfaitement résumé le
secrétaire d’Etat américain dans un entretien donné quelques jours avant l’ouverture de l’instance
devant le Conseil : «Il appartient aux dirigeants du Quartet de décider quand ils souhaitent nouer le
dialogue avec le Qatar, car ce dernier s’est montré très clair  il est prêt à discuter.»443
4.84. Pour toutes ces raisons, le Qatar s’est clairement acquitté de l’obligation qui lui était
faite de négocier avec les appelants le différend survenu au titre de l’accord de transit, occasionné
par les mesures d’interdiction visant l’aviation. Il a tenté à maintes reprises de discuter avec les
appelants par de multiples voies et dans de multiples enceintes. Les appelants ont rejeté
systématiquement chacune de ces manifestations d’ouverture. Par conséquent, le Conseil de
l’OACI a conclu à juste titre que le Qatar avait satisfait aux obligations prévues à la section 2 de
l’article II de l’accord de transit et qu’il avait compétence pour connaître de la requête du Qatar au
fond.
II. LE CONSEIL DE L’OACI A JUGÉ À RAISON QUE LA REQUÊTE ET
LE MÉMOIRE DU QATAR ÉTAIENT CONFORMES À L’ALINÉA G)
DE L’ARTICLE 2 DU RÈGLEMENT DE L’OACI
4.85. Les appelants soutiennent, presque au passage, que la demande du Qatar est
irrecevable, car le mémoire qu’il a déposé devant le Conseil ne satisfait pas à l’alinéa g) de
l’article 2 du Règlement de l’OACI. Le chapeau et l’alinéa g) de l’article 2 disposent que :
«Tout Etat contractant … qui soumet un désaccord au Conseil aux fins de
règlement, doit introduire une requête, à laquelle est joint un mémoire contenant :
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
g) une déclaration attestant que des négociations ont eu lieu entre les parties pour
régler le désaccord, mais qu’elles n’ont pas abouti.»444
4.86. Les appelants semblent mal interpréter la nature de l’obligation énoncée à l’alinéa g) de
l’article 2. Ils affirment dans leur requête, par exemple, que tout demandeur est tenu «d’établir dans
son mémoire que des négociations avaient eu lieu entre les parties pour régler le désaccord, mais
qu’elles n’avaient pas abouti»445. Or, ce n’est pas du tout ce que dit l’alinéa g) de l’article 2. Ce
dernier énonce simplement que le demandeur «doit introduire une requête, à laquelle est joint un
mémoire contenant … [a] statement that negotiations to settle the disagreement had taken place but
were not successful» dans la version anglaise du règlement446. De même, le texte français parle
442 Réplique B devant l’OACI, pièce jointe 79, «Deputy PM and FM: Investigations Proved Involvement of
2 Siege Countries in QNA Hacking», 10 janvier 2018 (MBEE, vol. IV, annexe 25) (les italiques sont de nous).
443 Ibid., pièce jointe 70, «Tillerson Faults Saudi-Led Bloc for Failing to End Qatar Crisis», 19 octobre 2017.
444 Règlement de l’OACI, art. 2, al. g) (MBEE, vol. II, annexe 6).
445 Requête devant la Cour, par. 19, al. ii) (les italiques sont de nous).
446 Règlement de l’OACI, art. 2, al. g) (MBEE, vol. II, annexe 6) (les italiques sont de nous).
125
- 77 -
d’«une déclaration attestant que des négociations ont eu lieu entre les parties pour régler le
désaccord, mais qu’elles n’ont pas abouti»447.
4.87. Ainsi, un mémoire déposé par un demandeur devant le Conseil de l’OACI doit
uniquement «attester» («state» dans la version anglaise du Règlement de l’OACI), et non «établir»
ou «affirmer»448, que des négociations ont eu lieu pour régler le désaccord, mais qu’elles n’ont pas
abouti. C’est bien évidemment une condition de forme et c’est ainsi qu’elle apparaît dans la
pratique constante du Conseil. En effet, tant dans l’affaire Cuba et Etats-Unis que dans Etats-Unis
et 15 Etats européens, les allégations factuelles ont suffi pour que le Conseil considère que
l’obligation énoncée à l’alinéa g) de l’article 2 était satisfaite449.
4.88. Le mémoire déposé par le Qatar devant le Conseil satisfait à l’obligation énoncée à
l’alinéa g) de l’article 2. La dernière page du mémoire comprend une section intitulée «Déclaration
relative aux tentatives de négociation», dans laquelle le Qatar déclare : «Les défendeurs n’ont
donné aucune occasion d’entreprendre des négociations relativement aux aspects aéronautiques des
mesures hostiles qu’ils ont prises.»450 Quand bien même les appelants affirmeraient à raison que
«[p]areille déclaration, au contraire, prend acte de … qu’il n’y a pas eu de négociations entre les
Parties pour régler le désaccord»451, leur «refus immédiat et total» de négocier à moins d’une
capitulation du Qatar devant leurs exigences, refus qui transparaît dans cette déclaration, suffirait à
réaliser l’obligation qui «se retrouv[e]» à l’alinéa g) de l’article 2452, pour les raisons expliquées
plus haut453.
4.89. Pourtant, comme expliqué ci-dessus454, les appelants ont tort. La dernière phrase de la
déclaration soumise par le Qatar au titre de l’alinéa g) de l’article 2 se lit comme suit : «La rupture
des relations diplomatiques rend futile tout effort de négociation.»455 L’emploi, dans la version
anglaise, au terme «further» (tout effort supplémentaire) traduit ce que le Qatar a amplement
démontré dans sa réponse déposée devant l’OACI et dans le présent chapitre de son
contre-mémoire : le Qatar a bel et bien tenté de négocier.
4.90. En somme, la déclaration incluse dans le mémoire du Qatar est plus que suffisante pour
satisfaire à l’obligation prévue à l’alinéa g) de l’article 2. Et même si ce n’était pas le cas, dans sa
réplique aux exceptions préliminaires des appelants, le Qatar a modifié ses plaidoiries pour inclure
la déclaration suivante : «Des négociations ont eu lieu entre les parties pour régler le désaccord,
mais elles n’ont pas abouti.»456 Si d’une façon ou d’une autre ce n’était pas encore suffisant, le vice
de procédure mineur allégué par les appelants ne constituerait pas un motif opérant pour faire appel
447 Conseil de l’OACI, Règlement pour la solution des différends (1957, amendé le 10 novembre 1971), art. 2,
al. g) (CMQ-B, vol. II, annexe 10) (les italiques sont de nous).
448 MBEE, par. 6.97.
449 ICAO Council, Cuba v. United States, Memorial of Cuba, 11 juillet 1996, par. 9 (CMQ-B, vol. II, annexe 11) ;
ICAO Council, United States v. 15 EU Member State, Memorial of the United States, 14 mars 2000 (CMQ-B, vol. II,
annexe 12).
450 Requête B devant l’OACI, point g) (MBEE, vol. III, annexe 23).
451 MBEE, par. 6.97.
452 Ibid., par. 6.96.
453 Voir par. 4.26 plus haut.
454 Ibid.
455 Mémoire B devant l’OACI, point g) (MBEE, vol. III, annexe 23) (les italiques sont de nous).
456 Réplique B devant l’OACI, par. 91 (MBEE, vol. IV, annexe 25).
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127
- 78 -
devant la Cour de la décision prise par le Conseil le 29 juin 2018, pour les raisons exposées dans le
chapitre suivant consacré au premier moyen des appelants.
*
4.91. Pour toutes ces raisons, la Cour devrait rejeter le troisième moyen avancé par les
appelants.
- 79 -
CHAPITRE 5
LA COUR DEVRAIT REJETER LE PREMIER MOYEN D’APPEL
DES APPELANTS
5.1. Fidèles au registre outrancier qui caractérise l’ensemble de leur argumentation, les
appelants posent dans leur premier moyen d’appel que la procédure adoptée par le Conseil de
l’OACI pour rejeter leurs exceptions préliminaires était entachée d’«irrégularités … qui ont
manifestement vicié la procédure, conduite en méconnaissance des règles fondamentales garantes
d’un procédure régulière, qui constituent des principes généraux de droit, ainsi que des propres
règles procédurales du Conseil»457. A en croire les appelants, «[c]es irrégularités étaient si graves et
si nombreuses qu’elles privent la procédure et la décision de leur caractère judiciaire»458. La
conséquence de ces violations présumées, affirment-ils, est que la décision du Conseil relative à sa
compétence est «nulle et non avenue et doit être infirmée»459. Les appelants se fourvoient. Leurs
arguments, et avec eux leur premier moyen d’appel, s’effondrent pour au moins trois raisons.
5.2. Premièrement, ainsi que la Cour a conclu dans l’affaire Inde c. Pakistan, la question de
savoir si le Conseil de l’OACI est ou non compétent est une «question juridique objective» qui doit
être tranchée indépendamment de la procédure suivie devant le Conseil de l’OACI460. Même à les
supposer avérées (quod non), les présumées irrégularités de procédure mises en avant par les
appelants sont par conséquent dénuées de toute pertinence lorsqu’il s’agit de déterminer si le
Conseil de l’OACI a décidé à tort ou à raison qu’il avait compétence pour entendre des demandes
du Qatar (sect. I).
5.3. Deuxièmement, même en supposant arguendo que la Cour estime nécessaire de se
prononcer sur les vices de procédure allégués, et qu’il soit permis aux appelants de faire entendre
aujourd’hui leurs griefs à cet égard, alors qu’ils ne l’ont pas fait à l’audience devant le Conseil de
l’OACI, aucune des actions de ce dernier n’est de nature à constituer des irrégularités de procédure
«graves» et «nombreuses», comme l’affirment les appelants. En fait, le Conseil a respecté le cadre
de procédure applicable et a agi conformément à sa propre pratique (sect. II).
5.4. Troisièmement, les irrégularités de procédure pointées du doigt par les appelants, même
à supposer qu’elles aient été commises et qu’ils n’aient pas renoncé à les contester (quod non), ne
constitueraient pas «une atteinte fondamentale aux exigences d’une bonne procédure»461 (sect. III).
5.5. Pour ces trois raisons, chacune étant suffisante en soi, la Cour devrait rejeter le premier
moyen avancé par les appelants.
457 MBEE, par. 1.2, al. a) (les italiques sont de nous).
458 Ibid., par. 3.1 (les italiques sont de nous).
459 Ibid., par. 1.2, al. a).
460 Appel concernant la compétence du Conseil de l’OACI (Inde c. Pakistan), arrêt, C.I.J. Recueil 1972, par. 45.
461 Ibid., par. 45.
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- 80 -
I. LA COUR N’A PAS À STATUER SUR LES VICES DE
PROCÉDURE ALLÉGUÉS
5.6. La Cour a déjà matériellement rejeté des arguments exactement identiques à ceux
présentés par les appelants dans leur premier moyen d’appel. En particulier, en l’affaire Inde
c. Pakistan, l’Inde faisait appel d’une décision du Conseil de l’OACI portant rejet de ses exceptions
préliminaires dans une instance introduite par le Pakistan. Tout comme les appelants ici, l’Inde
soutenait que la décision du Conseil était «viciée» par des irrégularités de procédure462. De fait, les
irrégularités qu’elle alléguait ressemblent à s’y méprendre à celles soulevées en l’espèce par les
appelants : 1) le Conseil avait omis d’exposer les raisons motivant sa décision463 ; 2) cette décision
était viciée par le fait que les questions étaient mal formulées464 ; et 3) elle n’était pas soutenue par
la majorité requise465.
5.7. La Cour a rejeté les arguments de l’Inde. Toutefois, pour ce faire, elle s’est d’abord
penchée sur la nature de sa fonction de juridiction d’appel des décisions relatives à la compétence
du Conseil de l’OACI. Elle a estimé que sa tâche était «de dire si le Conseil [était] compétent en
l’espèce»466. Pour statuer, la Cour avait uniquement à répondre à «une question juridique
objective»467 qui «ne saurait dépendre de ce qui s’est passé devant le Conseil»468. Dans la mesure
où le Conseil avait répondu correctement à la «question juridique objective» portant sur sa
compétence, la Cour a considéré que les irrégularités de procédure alléguées par l’Inde étaient
dénuées de pertinence.
5.8. La Cour a expliqué :
«[L]es irrégularités de procédure, à les supposer vérifiées, auront pour seul
résultat qu[e le Conseil] sera parvenu à la décision qui convient d’une manière
erronée : il aura tout de même abouti au bon résultat. Si en revanche la Cour s’était
prononcée contre la compétence du Conseil, cela aurait infirmé la décision du Conseil
de se déclarer compétent, même en l’absence de toute irrégularité.»469
5.9. Par conséquent, il n’est opportun d’infirmer une décision prise par le Conseil de l’OACI
quant à sa compétence que s’il n’a pas «abouti au bon résultat». S’il a «abouti au bon résultat»,
même «d’une manière erronée», la décision doit être maintenue. Pour les raisons expliquées aux
chapitres 3 et 4 du présent contre-mémoire, le Conseil a, à l’évidence, abouti au bon résultat en
l’espèce. L’argument présenté par les appelants au sujet des irrégularités procédurales est par
conséquent dénué de pertinence et devrait être rejeté.
5.10. Les appelants ne mentionnent nulle part dans leur mémoire cet aspect de la décision
prise par la Cour en l’affaire Inde c. Pakistan et demeurent plus silencieux encore sur les raisons
462 Appel concernant la compétence du Conseil de l’OACI (Inde c. Pakistan), arrêt, C.I.J. Recueil 1972, par. 44.
463 Appel concernant la compétence du Conseil de l’OACI (Inde c. Pakistan), comptes rendus des audiences
publiques tenues au Palais de la Paix, à La Haye, du 19 juin au 3 juillet, et le 18 août 1972, p. 607.
464 Ibid., mémoire de l’Inde (22 décembre 1971), par. 93 1).
465 Ibid., par. 93 2).
466 Appel concernant la compétence du Conseil de l’OACI (Inde c. Pakistan), arrêt, C.I.J. Recueil 1972, par. 45.
467 Ibid.
468 Ibid.
469 Ibid. (les italiques sont de nous).
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131
- 81 -
pour lesquelles la Cour devrait retenir un angle différent en l’espèce. Pour le Qatar, le silence des
appelants en dit long.
5.11. Les appelants se bornent à affirmer qu’en tant que «gardienne de l’intégrité de la
procédure judiciaire internationale, la Cour doit exercer son pouvoir de contrôle à l’égard des
défaillances procédurales commises … par le Conseil de l’OACI»470. Or, les rédacteurs de l’accord
de transit et de la convention de Chicago n’ont pas investi la Cour de ce rôle de «gardienne de
l’intégrité de la procédure judiciaire internationale»471. Au contraire, comme la Cour l’a elle-même
observé dans son arrêt de 1972, le système de recours établi en vertu de la section 2 de l’article II
de l’accord de transit et de l’article 84 de la convention de Chicago vise à «assurer un certain
contrôle … par la Cour» de la prise de décision du Conseil, afin de donner «la garantie pour le
Conseil … qu’un contrôle est possible pour vérifier si une décision prise sur sa propre compétence
est ou non conforme aux dispositions des traités qui gouvernent son action»472.
5.12. Le fait qu’elle ait jugé que les griefs procéduraux de l’Inde étaient dénués de pertinence
montre que la Cour n’a pas considéré que son «pouvoir de contrôle» s’étendait aux questions de
procédure. En évaluant la compétence du Conseil comme une «question juridique objective» et en
s’assurant que le Conseil statue à bon droit, la Cour s’acquitte pleinement du rôle dont elle est
investie au titre de l’accord de transit et de la convention de Chicago.
II. LE CONSEIL DE L’OACI S’EST ACQUITTÉ COMME IL SE DOIT DE SES FONCTIONS
AU TITRE DE LA SECTION 2 DE L’ARTICLE II DE L’ACCORD DE TRANSIT ET
DE L’ARTICLE 84 DE LA CONVENTION DE CHICAGO
5.13. Même si, par pure hypothèse, la Cour venait à juger qu’il y a lieu de statuer sur les
irrégularités de procédure putatives soulevées par les appelants, il faudrait quand même rejeter leur
premier moyen d’appel, car les griefs exposés sont sans fondement. L’instance devant le Conseil
était pleinement conforme, dans la lettre et l’esprit, au Règlement pour la solution des différends
adopté par l’OACI en 1957 et au Règlement intérieur du Conseil.
A. Les appelants ont eu tout loisir de plaider leur cause
1. Le Conseil a prolongé le délai dont disposaient les appelants pour déposer leur premier
mémoire en réponse
5.14. L’instance introduite au titre de l’accord de transit devant le Conseil a débuté le
30 octobre 2017, date du dépôt par le Qatar de sa requête B et de son mémoire auprès de la
Secrétaire générale de l’OACI473. Après avoir vérifié que la requête B satisfaisait aux conditions de
forme prévues à l’article 2 du règlement de l’OACI, le Secrétariat l’a transmise, accompagnée du
mémoire, à chacun des appelants le 3 novembre 2017474. Le 20 novembre 2017, le Conseil a fixé le
délai à observer pour le dépôt des contre-mémoires conformément à l’alinéa c) du premier
470 MBEE, par. 3.11.
471 Ils ne confient pas non plus à la Cour la responsabilité d’«arrêter des critères décisionnels et d’en contrôler
l’application dans l’ordre juridique international», comme l’allèguent avec audace les appelants. Ibid. C’est aux Etats
membres et au Conseil de l’OACI qu’il appartient de fixer les procédures décisionnelles instituées au titre de l’article 84.
472 Appel concernant la compétence du Conseil de l’OACI (Inde c. Pakistan), arrêt, C.I.J. Recueil 1972, par. 26.
473 Requête B devant l’OACI (MBEE, vol. III, annexe 23). Voir aussi Règlement de l’OACI, art. 2 (MBEE,
vol. II, annexe 6).
474 Letter of 17 November 2017 from the Secretary-General of ICAO to the Appellants (MBEE, vol. V,
annexe 43).
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133
- 82 -
paragraphe de l’article 3 du règlement de l’OACI475. Il a donné aux appelants un délai de douze
semaines pour déposer leur contre-mémoire (soit jusqu’au 12 février 2018)476.
5.15. Dans l’instance introduite devant le Conseil, les appelants ont agi conjointement dès le
tout premier acte de procédure. En particulier, le 16 janvier 2018, l’Egypte a demandé une
prorogation de six semaines afin de déposer un contre-mémoire en son nom propre et au nom des
autres appelants. Le Conseil a accédé à cette demande le 9 février 2018477 et fixé au 26 mars 2018
le nouveau délai à observer pour le dépôt du contre-mémoire478.
2. Le Conseil de l’OACI a donné aux appelants toutes les occasions possibles de présenter
leurs arguments par écrit
5.16. Au lieu de soumettre chacun un contre-mémoire, les appelants ont décidé de contester
la compétence du Conseil de l’OACI. Le 19 mars 2018, ils ont soumis conjointement un document
contenant leurs exceptions préliminaires, en application de l’article 5 du règlement de l’OACI479.
5.17. Le Qatar a été invité à formuler ses observations sur les exceptions préliminaires au
plus tard le 2 mai 2016480, ce qu’il a fait dans les délais fixés par le Conseil481. Chose inhabituelle,
les appelants ont ensuite demandé à pouvoir commenter la réplique du Qatar.
5.18. Jamais auparavant le Conseil de l’OACI n’avait autorisé une partie à soumettre des
pièces supplémentaires après qu’un demandeur eut soumis sa réplique à une exception
préliminaire. Le Qatar s’est par conséquent opposé au voeu des appelants482. Le Conseil les a
néanmoins autorisés à soumettre une «duplique» au plus tard le 12 juin 2018483. Cette fois, les
appelants ont respecté le délai.
475 Voir Règlement de l’OACI, art. 3, par. 1, al. c) (MBEE, vol. II, annexe 6).
476 Letter of 17 November 2017 from the Secretary-General of ICAO to the Appellants (MBEE, vol. V,
annexe 43). L’article 28 du règlement laisse au Conseil de l’OACI l’initiative de fixer les délais à observer pour le dépôt
des exposés. De façon générale, néanmoins, le Conseil de l’OACI doit fixer ces délais de façon à «prévenir tout retard et
à assurer un traitement équitable à toute partie intéressée». Règlement de l’OACI, art. 28 (MBEE, vol. II, annexe 6).
477 Letter of 9 February 2018 from the Secretary-General of ICAO to the Appellants (MBEE, vol. V, annexe 45).
478 Ibid.
479 Exceptions préliminaires B devant l’OACI (MBEE, vol. III, annexe 24). L’article 5 du Règlement autorise le
défendeur à contester la compétence du Conseil dans un «document séparé» qui doit être soumis «au plus tard avant
l’expiration du délai fixé pour le dépôt du contre-mémoire». Conformément au Règlement de l’OACI, dès qu’une partie
soulève une exception préliminaire, la procédure sur le fond est suspendue. Voir Règlement de l’OACI, art. 5, par. 2
(MBEE, vol. II, annexe 6).
480 Letter from Fang Liu, ICAO Secretary General, to Essa Abdulla Al-Malki, Agent for the State of Qatar,
20 mars 2018 (CMQ-B, vol. III, annexe 32).
481 MBEE, par. 3.24.
482 Letter of 28 May 2018 from the Secretary-General of ICAO to the Appellants, attaching Email of 25 May
2018 from the Delegation of the State of Qatar to the Secretary-General of ICAO (MBEE, vol. V, annexe 48). Dans
l’instance introduite devant le Conseil de l’OACI, le Qatar a tiré grief du préjudice résultant de ce changement de position
inapproprié des parties en l’espèce. Voir par exemple Conseil de l’OACI, deux cent quatorzième session, procès-verbal
sommaire de la 8e séance du 26 juin 2018, doc. C-MIN 214/8, 23 juillet 2018, par. 41 (MBEE, vol. V, annexe 53).
483 Voir Letter of 28 May 2018 from the Secretary-General of ICAO to the Appellants (MBEE, vol. V,
annexe 49) ; voir aussi Letter of 28 May 2018 from the Secretary-General of ICAO to the Appellants, attaching Email of
25 May 2018 from the Delegation of the State of Qatar to the Secretary-General of ICAO (MBEE, vol. V, annexe 48).
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135
- 83 -
5.19. La décision du président d’autoriser les appelants à soumettre une duplique implique
qu’ils ont eu, par deux fois, la possibilité de présenter un exposé écrit au Conseil sur la question de
sa compétence, tandis que le Qatar n’a pu s’exprimer qu’une seule fois484.
3. Le Conseil a également donné aux appelants la possibilité de présenter un exposé oral
5.20. Le lendemain du dépôt de la duplique des appelants, le président du Conseil a informé
les parties qu’une audience sur les exceptions préliminaires se tiendrait au cours d’une séance
d’une demi-journée le 26 juin 2018485.
5.21. Dans la même communication, le président a convié les parties à une réunion
d’information informelle consacrée à la «solution des différends», prévue le 19 juin 2018. Les
appelants affirment avoir émis, lors de la réunion informelle, de «vives protestations» quant au fait
«qu’une seule demi-journée ait été réservée à l’audience», car «cela ne leur laisserait pas le temps
nécessaire pour bien coordonner leur action et présenter leur thèse»486. Ces critiques sont infondées,
pour au moins deux raisons.
5.22. Premièrement, conformément au règlement de l’OACI, la «présentation orale [des
conclusions] peut être admise à la discrétion du Conseil»487. Il s’ensuit que le temps accordé à cette
présentation est aussi fixé à la discrétion du Conseil. Prévoir une séance d’une demi-journée pour
l’audience était pleinement conforme à la pratique du Conseil  un temps plus court avait été
accordé en l’affaire opposant le Brésil et les Etats-Unis, qui a précédé le cas qui nous occupe
devant le Conseil488. Deuxièmement, indépendamment de la pratique du Conseil, la seule partie que
l’on pourrait considérer comme lésée par la décision du président était le Qatar. Les appelants
avaient déjà eu, par deux fois, l’occasion de présenter leurs exceptions par écrit. En revanche, le
Qatar n’avait eu qu’une seule occasion de s’exprimer par écrit et devait en outre répondre au sujet
de la dernière pièce de procédure écrite soumise avant l’audience.
5.23. Lors de la réunion d’information du 19 juin 2018, le président a aussi indiqué aux
appelants qu’ils seraient «traités comme un seul»489. Les appelants ne prétendent pas s’être opposés
à cette décision.
484 Les appelants semblent indiquer que le tort en revient au Qatar, car il «n’a pas demandé de droit de réponse».
MBEE, par. 3.25. Or, une fois que le président du Conseil a décidé que les appelants étaient autorisés, au titre du
paragraphe 1 de l’article 7 du Règlement de l’OACI, à déposer une duplique, solliciter un «droit de réponse» aurait été
inutile. En effet, la «duplique» est la dernière pièce de procédure au titre du paragraphe 4 de l’article 7 du Règlement.
Règlement de l’OACI, art. 7, par. 4 (MBEE, vol. II, annexe 6). Le Qatar aurait pu, à titre exceptionnel, demander
l’autorisation au Conseil de soumettre un document supplémentaire, mais une telle démarche aurait supposé au mieux la
tenue d’une audience supplémentaire et, par conséquent, un délai supplémentaire avant que le Conseil de l’OACI puisse
commencer l’examen au fond des exceptions d’incompétence des appelants  délai que le Qatar ne pouvait tout
simplement pas se permettre compte tenu de l’urgence de la situation.
485 Letter of 13 June 2018 from the President of the ICAO Council to the Appellants, attaching Working Paper in
respect of Application (B), doc. C-WP/14778, 23 mai 2018 (MBEE, vol. V, annexe 50).
486 MBEE, par. 3.27 ; voir aussi ibid., par. 1.11.
487 Voir Règlement de l’OACI, art. 12, par. 2 (MBEE, vol. II, annexe 6).
488 Exceptions préliminaires B devant l’OACI, pièce jointe 2, «ICAO Council  211th Session, Summary
Minutes of the Ninth Meeting of 21 June 2017», doc. C-MIN 211/9, 5 juillet2017, par. 9 (MBEE, vol. III, annexe 24).
489 MBEE, par. 3.27.
136
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5.24. Les appelants se plaignent également du fait que «les modalités et le calendrier précis
de cette audience ont continué de fluctuer sans arrêt jusqu’à l’ouverture»490. Toutefois, on ne voit
pas clairement en quoi cela aurait désavantagé les appelants vis-à-vis du Qatar. Celui-ci se trouvait
exactement dans la même position. Il n’existe aucun argument valide qui puisse justifier que la
coordination se soit révélée difficile, parce que les appelants étaient quatre Etats agissant comme
une seule et même partie. Ils avaient, après tout, déjà formulé des arguments concertés dans leurs
exposés écrits.
4. Le Conseil a rejeté à bon droit les exceptions préliminaires des appelants
5.25. L’audience s’est tenue à la date prévue, le 26 juin 2018. Les parties ont présenté
chacune leurs arguments en deux temps. Une fois ces arguments entendus, le Conseil de l’OACI a
décidé de tenir un scrutin secret491. Après avoir conclu qu’il faudrait une majorité de 19 voix pour
prendre une décision en l’affaire relative à l’accord de transit492 et précisé, en réponse à une
question soulevée par l’un des appelants, Bahreïn, que ces derniers avaient soulevé «une exception
préliminaire pour laquelle ils avaient présenté deux justifications»493, le Conseil a mis aux voix la
question «Acceptez-vous l’exception préliminaire ?»494. Sur les 25 membres admis à voter en vertu
de l’accord de transit, seuls deux ont voté en faveur de l’exception ; 18 ont voté contre et cinq se
sont abstenus495. En conséquence, les exceptions d’incompétence soulevées par les appelants ont
été rejetées496.
5.26. Le lendemain de l’audience, le Secrétariat a diffusé un projet de décision du Conseil
«de sorte qu[’il] puisse être examiné et approuvé» à sa session suivante, qui s’est tenue le 29 juin
2018497. Les appelants n’ont aucunement fait état d’irrégularités «graves» ou «nombreuses»
lorsqu’ils ont adressé leurs observations sur le projet de décision. Ils n’ont par ailleurs pas soulevé
la moindre inquiétude concernant ce qu’ils appellent à présent le manquement du Conseil à son
«obligation fondamentale»498 de motiver sa décision. La seule chose qu’ils ont bel et bien faite,
c’est souligner certaines «inexactitudes dans les noms des participants à la réunion»499.
490 MBEE, par. 3.27.
491 Conseil de l’OACI, deux cent quatorzième session, procès-verbal sommaire de la 8e séance du 26 juin 2018,
doc. C-MIN 214/8, 23 juillet 2018, par. 106–108 (MBEE, vol. IV, annexe 53).
492 Ibid., par. 112.
493 Ibid., par. 123.
494 Ibid., par. 126.
495 Ibid.
496 Ibid., par. 127.
497 ICAO Council  214th Session, Summary Minutes of the Eleventh Meeting of 29 June 2018, document
C-MIN 214/11 (Draft), 10 septembre 2018, par. 1 (MBEE, vol. V, annexe 55).
498 MBEE, par. 3.49.
499 ICAO Council  214th Session, Summary Minutes of the Eleventh Meeting of 29 June 2018, document
C-MIN 214/11 (Draft), 10 septembre 2018, par. 3 (MBEE, vol. V, annexe 55).
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B. Les griefs des appelants relatifs à la procédure sont infondés
5.27. Les appelants prétendent à présent que la décision du Conseil de l’OACI est «nulle et
non avenue» au motif d’«irrégularités … qui ont manifestement vicié la procédure, conduite en
méconnaissance des règles fondamentales d’un procès équitable … ainsi que des propres règles
procédurales du Conseil»500. En particulier, les appelants allèguent que :
1) le Conseil n’a pas tenu de délibérations avant de procéder au scrutin secret et n’a donc pas été
en mesure de motiver sa décision, en violation de l’article 15 du règlement de l’OACI501 ;
2) les appelants se sont vu accorder un temps insuffisant pour présenter leurs arguments devant le
Conseil502 ;
3) le Conseil a «abdiqué» son obligation d’interpréter la convention de Chicago et l’accord de
transit en déléguant au directeur des affaires juridiques la question du nombre de voix requises
pour accepter chaque exception préliminaire503 ; et
4) le Conseil a indûment fixé à 19 voix la majorité requise pour accepter les exceptions
préliminaires, sur les 33 voix des membres admis à voter, alors que l’article 52 de la convention
de Chicago n’exige qu’une simple «majorité»504. (Dans tout leur mémoire, les appelants
indiquent des chiffres erronés en ce qui concerne le nombre de membres du Conseil admis à
voter sur la requête B du Qatar au titre de l’accord de transit, ainsi que les résultats du vote. Le
nombre desdits membres admis à voter sur les exceptions préliminaires que les appelants ont
soulevées contre la requête B était de 25, et non de 33505. Seuls 25 des 33 membres du Conseil
sont signataires de l’accord de transit. En outre, aux termes de l’alinéa b) de l’article 66 de la
convention de Chicago, ceux «qui n’ont pas accepté l’[accord de transit] n’ont pas droit de vote
sur les questions soumises à l’Assemblée ou au Conseil en vertu des dispositions de l’Accord en
cause»506. Comme il a été indiqué, sur les 25 membres du Conseil admis à voter, 18 ont voté
contre les exceptions préliminaires des appelants, deux ont voté pour et cinq se sont
abstenus507.)
500 MBEE, par. 1.2, al. a).
501 Ibid., par. 3.36–3.46, 3.65, al. b).
502 Ibid., par. 3.58.
503 Ibid., par. 3.62.
504 Ibid., par. 3.31, 3.59, 3.61, 3.65, al. a).
505 Voir Conseil de l’OACI, deux cent quatorzième session, procès-verbal sommaire de la 8e séance du 26 juin
2018, doc. C-MIN 214/8, 23 juillet 2018, par. 111, 126 (MBEE, vol. V, annexe 53).
506 Convention de Chicago, art. 66 (MBEE, vol. II, annexe 1). Voir également Conseil de l’OACI,
deux cent quatorzième session, procès-verbal sommaire de la 8e séance du 26 juin 2018, doc. C-MIN 214/8, 23 juillet
2018, par. 109 (MBEE, vol. V, annexe 53).
507 Voir exceptions préliminaires B devant l’OACI, pièce jointe 2, «ICAO Council – 211th Session, Summary
Minutes of the Ninth Meeting of 21 June 2017», doc. C-MIN 211/9, 5 juillet 2017, par. 126 (MBEE, vol. III, annexe 24).
139
140
- 86 -
5.28. Aucune des allégations des appelants n’est valide au fond. Le Qatar les examinera tour
à tour ci-après508.
1. L’absence de délibérations publiques sur les questions de fond en cause et l’absence de
motivation s’expliquent par la décision du Conseil de procéder à un scrutin secret, comme
prévu dans son règlement
5.29. Les appelants accusent le Conseil de l’OACI de n’avoir tenu «aucune délibération
avant de procéder à un scrutin secret»509, ce qui explique qu’aucun motif ne soit indiqué dans la
décision portant rejet des exceptions préliminaires510. Voilà un argument sournois511. L’absence de
délibérations publiques et de motivation de la décision découle naturellement de la décision du
Conseil de tenir un scrutin secret.
508 Les appelants accusent également le Conseil de l’OACI de n’avoir pas «respecté les garanties nécessaires pour
préserver l’intégrité de la procédure», arguant qu’il n’a pas prêté attention ou réagi au fait que M. John Augustin, ancien
membre de la direction des affaires juridiques et des relations extérieures de l’OACI qui l’avait conseillé au cours de
l’instance introduite au titre de l’alinéa n) de l’article 54 par le Qatar en juin 2017, est ensuite devenu conseiller du Qatar
et a pris part subséquemment à l’instance introduite au titre de l’article 84. Voir MBEE., par. 3.4. Bien que les appelants
ne consacrent que quelques lignes à cette prétendue irrégularité et que celle-ci ne soit pas incluse dans les «graves»
violations énoncées dans leur mémoire, le Qatar considère qu’il est important de rétablir la vérité au sujet de cette
allégation calomnieuse. Contrairement à ce que les appelants affirment, le fait que M. Augustin ait participé à la
procédure engagée au titre de l’alinéa n) de l’article 54 en qualité de membre de la direction des affaires juridiques et des
relations extérieures de l’OACI, puis à l’instance introduite au titre de l’article 84 en tant que membre de la délégation
qatarienne, ne soulève aucun conflit d’intérêts. Premièrement, M. Augustin a signifié qu’il démissionnait de l’OACI le
5 octobre 2017, soit plusieurs semaines avant que le Qatar ne soumette au Conseil le 30 octobre 2017 ses requêtes au titre
de l’article 84 ; voir Letter from John V. Augustin to Fang Liu, ICAO Secretary General, 5 octobre 2017 (CMQ-B,
vol. III, annexe 28). Alors que sa démission ne devait être effective qu’en février 2018, il a immédiatement pris un congé
et, à compter du jour où il a donné son préavis, il n’a plus exercé aucune fonction au sein de l’OACI. M. Augustin n’a été
nommé conseiller de la mission permanente du Qatar auprès de l’OACI qu’en mars 2018, à savoir après la fin officielle
de sa période d’emploi à l’OACI. Voir Letter from Essa Abdulla Al-Malki, Permanent Representative of Qatar, to Fang
Liu, ICAO Secretary General, 12 mars 2018 (CMQ-B, vol. III, annexe 30). Deuxièmement, les appelants ne citent aucune
règle particulière de déontologie ou disposition interdisant à un ancien membre du personnel de l’OACI de travailler pour
un Etat membre de l’organisation après sa cessation d’emploi. Et ce n’est pas une omission : il n’existe tout simplement
pas de règle dans ce sens. Le secrétariat de l’OACI, après consultation d’autres institutions des Nations Unies, a
récemment conclu qu’«il n’existe ... pas de période tampon à respecter entre la cessation d’emploi d’un employé des
Nations Unies et sa prise de fonctions au sein d’un service gouvernemental, quel qu’il soit» et a recommandé à l’OACI
de s’abstenir d’introduire des restrictions aux conditions s’appliquant après la cessation d’emploi, car, dans les faits, «de
nombreux agents sont mis en disponibilité par leurs administrations nationales pour prendre leurs fonctions à l’OACI et
ces derniers sont susceptibles de reprendre un emploi au sein de leur administration afin d’y poursuivre leur carrière après
leur cessation de fonctions au sein de l’Organisation» ; voir ICAO Council, 215th Session, «Working Paper:
Post-Employment Activities of ICAO Personnel», doc. HR-WP/56, 22 août 2018, p. 2, par. 2.1-2.2 (CMQ-B, vol. III,
annexe 37). Troisièmement, M. Augustin a participé à une instance qui, comme les appelants semblent eux-mêmes le
dire, est de nature différente (voir MBEE, par. 6.69), et il l’a fait en qualité de fonctionnaire du secrétariat de l’OACI, qui
est neutre dans tout différend ou instance entre les parties. Quatrièmement, les appelants n’indiquent aucun effet négatif
ou adverse que la participation de M. Augustin en qualité de fonctionnaire de l’OACI à l’instance introduite au titre de
l’alinéa n) de l’article 54 a eu ou pourrait avoir eu sur l’instance introduite au titre de l’article 84. Enfin, les appelants ne
se sont jamais plaints de la participation de M. Augustin à l’instance introduite au titre de l’article 84, alors qu’ils étaient
parfaitement informés de ses nouvelles fonctions au sein de la mission permanente du Qatar bien avant l’audience tenue
au titre de l’article 84. Voir Letter from President, First Vice-President and Secretary General of ICAO Council to
Representatives on the Council, doc. PRES OBA/2771, 15 mai 2018 (CMQ-B, vol. III, annexe 35).
509 MBEE, par. 3.37.
510 Ibid., par. 3.45.
511 Cet argument est aussi trompeur. Le procès-verbal de l’audience montre clairement qu’il y a bien eu
délibérations après les conclusions des parties, quoique pas sur les questions de fond en cause. Conseil de l’OACI,
deux cent quatorzième session, procès-verbal sommaire de la 8e séance du 26 juin 2018, doc. C-MIN 214/8, 23 juillet
2018, par. 106–118 (MBEE, vol. V, annexe 53).
141
- 87 -
5.30. Il n’est nullement contesté que le cadre de procédure applicable autorise expressément
la tenue d’un scrutin secret. En particulier, la règle 50 du règlement intérieur du Conseil de l’OACI
dispose que :
«A la demande d’un membre du Conseil appuyée par un autre membre du
Conseil, ou à la demande du Président appuyée par deux membres du Conseil, le vote
a lieu au scrutin secret, sauf opposition de la majorité des membres du Conseil.»512
5.31. En conséquence, à condition qu’une motion en ce sens soit soutenue par deux
membres, le vote «a lieu» au scrutin secret, sauf opposition de la majorité des membres.
5.32. A l’inverse, une motion visant à ce que le Conseil de l’OACI prenne sa décision selon
une autre modalité, y compris un vote par appel nominal, doit être soutenue par la majorité des
membres (soit 19 membres)513.
5.33. Nul ne saurait contester sérieusement que la décision de procéder par scrutin secret
entraîne nécessairement l’absence de délibérations publiques. Lors de l’audience, le représentant du
Mexique514, doyen du Conseil de l’OACI, a proposé de procéder «directement à un vote à bulletin
scrutin secret pour statuer sur chacune des exceptions préliminaires soulevées par les
[appelants]»515. Le représentant de Singapour, en sa qualité de premier vice-président du Conseil, a
soutenu la proposition du Mexique516. La motion a donc été adoptée.
5.34. Aucun des appelants n’a demandé à ce que des délibérations publiques se tiennent
avant la mise aux voix ou opposé officiellement d’objection517. Au contraire, invoquant la
«transparence de la procédure» et agissant au nom des quatre appelants dans le cadre de la
procédure relative aux requêtes A et B (qui ont été examinées simultanément), l’Arabie saoudite a
uniquement demandé un vote par appel nominal518  ce qui traduit le fait que les appelants
savaient que des délibérations publiques ne sont en fait pas indispensables à l’exercice collégial des
fonctions du Conseil.
5.35. L’approche retenue par le Conseil était pleinement conforme à sa pratique la plus
récente  un fait, et c’est révélateur, sur lequel les appelants restent muets519. Lorsqu’il a proposé
que l’on tienne directement un scrutin secret, le doyen du Conseil a fait expressément référence à
512 OACI, Règlement intérieur du Conseil, doc. 7559/10 (2014), Règle 50 (CMQ-B, vol. II, annexe 15) (les
italiques sont de nous).
513 Ibid.
514 Le représentant qui siège depuis le plus longtemps au Conseil assure la fonction de doyen du Conseil.
515 Conseil de l’OACI, deux cent quatorzième session, procès-verbal sommaire de la 8e séance du 26 juin 2018,
doc. C-MIN 214/8, 23 juillet 2018, par. 106 (MBEE, vol. V, annexe 53) (les italiques sont de nous).
516 Ibid., par. 106–107.
517 A l’inverse, l’Arabie saoudite, les EAU et l’Egypte ont «exprim[é] [leur] désaccord avec le fait que 19 votes
soient considérés comme représentant la majorité des voix exigée au titre de l’article 52 de la convention de Chicago».
Ibid., par. 113, 116, 117 ; voir aussi ibid., par. 129–130 (l’Arabie saoudite, intervenant au nom des appelants pour
contester  uniquement  «la règle de majorité élargie».
518 Ibid., par. 110. La proposition de l’Arabie saoudite a été rejetée par le Conseil. Ibid.
519 En revanche, les appelants se réfèrent à la décision du Conseil en l’affaire Etats-Unis et 15 Etats européens,
qui, comme expliqué plus bas, a néanmoins été adoptée après un scrutin public. MBEE, par. 3.49.
142
143
- 88 -
«la pratique du Conseil dans la récente affaire Brésil et Etats-Unis»520, dans laquelle la décision sur
l’exception préliminaire des Etats-Unis avait également été prise par scrutin secret. Là encore,
aucune délibération n’a eu lieu avant la mise aux voix521. Ni le Brésil ni les Etats-Unis n’ont
protesté contre la décision du Conseil de procéder directement par scrutin secret sans délibération
préalable, ni dénoncé une quelconque irrégularité de procédure à cet égard une fois la décision
rendue.
5.36. De fait, c’est même l’un des appelants  les EAU  qui avait proposé un scrutin
secret dans cette affaire522. A l’époque, les EAU n’ont pas insisté pour tenir des délibérations
publiques malgré leur demande de scrutin secret. Ils n’ont pas non plus tiré grief d’une quelconque
irrégularité de procédure à cet égard après les faits.
5.37. Par ailleurs, ni les EAU, ni l’une quelconque des parties à l’instance, ni aucun autre
membre du Conseil de l’OACI ne se sont plaints du fait que la décision dans l’affaire opposant le
Brésil et les Etats-Unis n’était pas motivée. Il est à noter que les membres du Conseil qui ont eu à
se prononcer sur cette affaire incluaient, outre les EAU, un autre appelant, à savoir l’Egypte (ainsi
que l’Arabie saoudite)523.
5.38. Dans ces circonstances, les griefs des appelants sonnent creux, si tant est qu’ils aient
encore le droit de les présenter524.
520 Conseil de l’OACI, deux cent quatorzième session, procès-verbal sommaire de la 8e séance du 26 juin 2018,
doc. C-MIN 214/8, 23 juillet 2018, par. 106 (MBEE, vol. V, annexe 53).
521 Décision du Conseil de l’OACI concernant l’exception préliminaire dans l’affaire : Brésil et Etats-Unis
(2016), 23 juin 2017 (MBEE, vol. V, annexe 32).
522 Voir exceptions préliminaires B devant l’OACI, pièce jointe 2, «ICAO Council  211th Session, Summary
Minutes of the Ninth Meeting of 21 June 2017», doc. C-MIN 211/9, 5 juillet 2017, par. 97 (MBEE, vol. III, annexe 24).
La motion émirienne visant la tenue d’un scrutin secret a été adoptée sans opposition.
523 Voir exceptions préliminaires B devant l’OACI, pièce jointe 2, «ICAO Council  211th Session, Summary
Minutes of the Ninth Meeting of 21 June 2017», doc. C-MIN 211/9, 5 juillet 2017, par. 98 (MBEE, vol. III, annexe 24) ;
Conseil de l’OACI, deux cent onzième session, 10e séance, résumé des décisions, 23 juin 2017, doc. C-DEC 211/10
(pièce jointe) (CMQ-B, vol. III, annexe 25). Le Qatar reconnaît que la Secrétaire générale de l’OACI et le directeur des
affaires juridiques et des relations extérieures actuellement en poste ont fait connaître leur position comme suit :
l’obligation de motiver les conclusions, prévue au paragraphe 2 de l’article 15 du Règlement de l’OACI, s’applique aux
décisions prises par le Conseil conformément à l’article 5. Letter of 13 June 2018 from the President of the ICAO
Council to the Appellants, attaching Working Paper in respect of Application (B), ICAO document C-WP/14778,
23 mai 2018 (MBEE, vol. V, annexe 50) ; ICAO Presentation, « Informal briefing of the Council on the Settlement of
Differences», by Dr. Jiefang Huang, Director of ICAO Legal and External Relations Bureau, 19 juin 2018 (MBEE, vol. V,
annexe 51). Ces vues n’ont toutefois aucune valeur contraignante devant le Conseil. Ibid., diapositive 13 («le rôle du
président du Conseil, du Secrétaire général et du Secrétariat consister à formuler des orientations au Conseil sur les
aspects touchant à la procédure. Il ne leur appartient pas de dire la loi, d’appliquer la loi aux faits, de remettre des avis
juridiques ou d’exprimer des vues sur le fond du différend auprès du Conseil» (les italiques sont de nous). Le Conseil a
donc toute latitude pour passer outre cette exigence lorsqu’il décide de procéder directement au scrutin secret, comme il
l’a fait dans la présente affaire et dans celle opposant le Brésil et les Etats-Unis. Il a par ailleurs toute latitude pour se
conformer à cette exigence lorsqu’il opte pour une autre méthode pour prendre sa décision. En effet, la décision du
Conseil dans l’affaire : Etats-Unis d’Amérique et 15 Etats européens, qui a été adoptée à l’issue d’un scrutin public,
expose de  brèves  conclusions motivées. Voir exceptions préliminaires B devant l’OACI, pièce jointe 1, «Summary
Minutes of the Council, Sixth Meeting 161st Session», doc. C-MIN 161/6, 16 novembre 2000 (MBEE, vol. III,
annexe 24).
524 Voir Appel concernant la compétence du Conseil de l’OACI (Inde c. Pakistan), arrêt, C.I.J. Recueil 1972,
opinion individuelle de M. le juge Jiménez de Aréchaga, par. 42 («Quand les questions ont été mises aux voix, aucun
membre du Conseil (et l’Inde était l’un de ces membres) n’a soulevé d’objection ni contesté le droit du président d’agir
comme il le faisait. Les décisions prises par le Conseil sur la base de ces propositions ne peuvent donc plus être remises
en cause par l’appelant à présent et pour ce motif.»)
144
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5.39. En tout état de cause, la déclaration susmentionnée par laquelle le représentant du
Mexique faisait observer qu’un scrutin secret serait le «meilleur moyen d’avancer efficacement» se
fondait expressément sur les «vues de nombreux représentants du Conseil qui [avaient] été
consultés avant [ladite] séance»525. C’est suffisant pour satisfaire à toute exigence de collégialité
qui s’appliquerait dans le processus de prise de décision du Conseil.
5.40. Les appelants en sont réduits à des spéculations, affirmant que le fait qu’une décision
ait été prise dans une affaire aussi «complexe» et «nouve[lle]», «immédiatement après avoir
entendu les parties et ce, sans tenir absolument aucune délibération», donne à penser que la
décision était déjà arrêtée, «peut-être parce que les représentants siégeant au Conseil agissaient sur
les instructions de leurs gouvernements respectifs au lieu d’exercer une fonction judiciaire»526.
Toutefois, comme il a été expliqué plus haut, ce n’était pas là la première fois qu’une partie à un
différend porté devant le Conseil cherchait à se soustraire à sa compétence en invoquant des
considérations étrangères au cadre de l’accord de transit  loin de là527. De plus, les appelants
n’ont produit aucune preuve attestant que les membres du Conseil avaient voté contre leur
exception préliminaire sur instructions de leurs gouvernements528. Plus important encore, même si
c’était le cas, le Qatar ne voit pas en quoi la procédure judiciaire s’en trouverait «priv[ée] … de son
essence même»529. Les représentants des membres du Conseil ne siègent pas à titre personnel. De
fait, c’est plutôt dans le cas où, agissant dans le cadre d’une instance introduite en vertu de l’accord
de transit et de l’article 84, ils s’acquitteraient de leur fonction judiciaire à titre personnel, et pas au
nom des Etats qui les ont désignés, qu’il y aurait manquement aux garanties d’une procédure
régulière, et non l’inverse.
5.41. En somme, les appelants ne peuvent récuser la décision au motif d’une supposée
absence de délibérations avant la mise aux voix. Comme le montre la pratique antérieure du
Conseil de l’OACI, il n’y a pas de délibérations publiques sur les questions de fond lorsque la
décision est prise par scrutin secret. De même, dans ce cas de figure, la décision ne peut contenir de
conclusions motivées. Les appelants sont parfaitement au fait de cette pratique, puisqu’ils y ont
eux-mêmes contribué. Une décision prise selon une modalité prévue dans le règlement intérieur et
acceptée par la majorité des membres du Conseil à l’audience ne peut tout simplement pas être
considérée comme étant entachée d’un vice de procédure.
2. Les appelants se sont vu accorder suffisamment de temps pour présenter leurs arguments
devant le Conseil
5.42. Les appelants avancent ensuite qu’ils se sont vu accorder «un temps … insuffisant pour
exposer leurs arguments au Conseil»530. Comme il a été expliqué plus haut, toutefois, le Conseil
leur a donné, par deux fois, la possibilité d’exposer leurs arguments sur la question de la
compétence, tandis que le Qatar n’a pu le faire qu’une seule fois531. Le Conseil leur a aussi donné la
525 Conseil de l’OACI, deux cent quatorzième session, procès-verbal sommaire de la 8e séance du 26 juin 2018,
doc. C-MIN 214/8, 23 juillet 2018, par. 106–107 (MBEE, vol. V, annexe 53) (les italiques sont de nous).
526 MBEE, par. 3.44.
527 Voir par. 3.24–3.26 plus haut.
528 Contrairement au procès-verbal de l’audience relative au différend opposant le Pakistan et l’Inde, citée par les
appelants (voir MBEE., par. 3.44, note 214), le procès-verbal dans l’affaire qui nous occupe ne fait aucunement état de
l’intention de représentants au Conseil de solliciter des instructions de leurs gouvernements respectifs.
529 MBEE, par. 3.34, al. a).
530 Ibid., par. 3.2, al. a).
531 Voir par. 5.18 plus haut. Le Conseil a aussi prorogé le délai initialement fixé pour le dépôt du contre-mémoire
des appelants. Voir par. 5.15 plus haut.
145
146
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possibilité de présenter leurs conclusions oralement. Fait révélateur, les appelants n’ont jamais
expliqué en quoi ni pourquoi toutes ces occasions de présenter leurs arguments n’avaient pas suffi,
ni en quoi le fait de ne pas avoir d’autres occasions de le faire leur avait causé préjudice532.
5.43. Les appelants tirent grief du fait qu’à l’audience «ils ont de surcroît disposé à eux
quatre d’un temps égal à celui du Qatar alors que chacun d’eux comparaissait comme défendeur en
son nom propre»533. Ce n’est pas contraire aux garanties d’une procédure régulière. En fait, c’est
exactement ce qu’exigeait une procédure régulière en pareilles circonstances : que chaque partie
soit traitée de manière égale.
5.44. Les appelants ont eux-mêmes souvent agi ensemble devant le Conseil de l’OACI
(comme ils le font aujourd’hui devant la Cour). Ils ne sauraient donc se plaindre que le Conseil les
traite exactement de cette manière s’agissant du temps de parole qui leur revient. En plusieurs
occasions, les appelants ont agi comme une seule et même partie devant le Conseil :
 quand l’Egypte a demandé une prorogation du délai fixé pour le dépôt du contre-mémoire
présenté au nom de tous les appelants534 ;
 quand les EAU ont déposé un mémoire sur les exceptions préliminaires au nom de tous les
appelants535 ;
 quand l’Egypte a demandé l’autorisation de déposer une «duplique» au nom de tous les
appelants536 ;
 quand l’Egypte a déposé la duplique au nom de tous les appelants537 ;
 quand, à l’audience devant le Conseil de l’OACI, l’Arabie saoudite a demandé un vote par
appel nominal au nom des quatre appelants dans le cadre de la procédure relative aux
requêtes A et B538 ; et
532 A l’appui de l’allégation selon laquelle le Conseil de l’OACI ne leur aurait pas donné la possibilité d’être
entendus, les appelants comparent la durée de l’audience en cette affaire avec celle tenue en l’affaire de 1971 entre le
Pakistan et l’Inde, dans laquelle, disent-ils, «le Conseil a tenu cinq séances (du 27 au 29 juillet 1971) pour entendre les
parties, délibérer et statuer sur l’unique exception préliminaire de l’Inde» (MBEE, par. 3.28). Or, au moins deux raisons
permettent d’expliquer que l’audience dans ladite affaire ait été plus longue. Premièrement, il n’y avait qu’une seule série
d’exposés écrits concernant l’exception préliminaire (voir Conseil de l’OACI, soixante-quatorzième session,
procès-verbal de la 2e séance/1001, 27 juillet 1971, par. 2 (CMQ-B, vol. II, annexe 4)), alors qu’en l’espèce, comme nous
l’avons vu plus haut, le Conseil a autorisé les appelants à présenter deux exposés écrits : un exposé de leurs exceptions
préliminaires et une duplique. Deuxièmement, en l’affaire opposant le Pakistan et l’Inde, le Conseil a examiné
séparément les demandes soumises par le Pakistan au titre de la convention de Chicago (affaire no 1) et au titre de
l’accord de transit relatif au transit des services aériens internationaux (affaire no 2). Voir ibid., par. 3 (CMQ-B, vol. II,
annexe 4) ; Conseil de l’OACI, soixante-quatorzième session, procès-verbal de la 5e séance, 28 juillet 1971, par. 34
(CMQ-B, vol. II, annexe 7). Dans la présente instance, les appelants ont accepté que les requêtes A et B soient examinées
simultanément. Conseil de l’OACI, deux cent quatorzième session, procès-verbal sommaire de la 8e séance du 26 juin
2018, doc. C-MIN 214/8, 23 juillet 2018, par. 2 (MBEE, vol. V, annexe 53).
533 MBEE, par. 3.2, al. a).
534 Voir lettre adressée le 9 février 2018 aux représentants du Conseil de l’OACI par le président,
doc. PRES OBA/273 (CMQ-B, vol. III, annexe 29).
535 Letter from Representative of UAE to the ICAO Council to Secretary General of the ICAO Council,
UAE-DEL/L-13-2018, 19 mars 2018 (CMQ-B, vol. III, annexe 31).
536 Voir Letter of 28 May 2018 from the Secretary-General of ICAO to the Appellants (MBEE, vol. V,
annexe 49).
537 Letter from Ahmed H. Mostafa Khedr, Representative of the Arab Republic of Egypt before ICAO, to the
ICAO Secretary General, 12 juin 2018 (par laquelle le représentant transmet la duplique à la réplique du Qatar, au nom de
l’Arabie saoudite, de Bahreïn, de l’Egypte et des Emirats arabes unis) (CMQ-B, vol. III, annexe 36).
147
148
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 quand, à l’audience devant le Conseil de l’OACI, Bahreïn a demandé au président de Conseil
de libeller différemment la question mise aux voix au nom de tous les appelants539.
5.45. Dans la précédente instance concernant de multiples parties dont il a été saisi, l’affaire
Etats-Unis et 15 Etats européens, le Conseil de l’OACI a entendu les 15 Etats défendeurs comme
une seule et même partie, et non individuellement540. Conformément aux prescriptions du
règlement de l’OACI, cette façon de procéder a permis de «prévenir tout retard»541, car les
questions de droit en jeu étaient identiques pour tous les Etats défendeurs. Aucun d’entre eux n’a
opposé d’objection.
5.46. De même, en l’espèce, nul ne peut contester que les points de droit en cause sont
identiques pour les quatre appelants. Le Conseil de l’OACI a donc décidé à raison d’entendre ces
derniers collectivement542.
5.47. Il convient de rappeler que le paragraphe 1 de l’article 28 du règlement de l’OACI
dispose que le Conseil fixe les délais à observer «de façon à … assurer un traitement équitable à
toute partie intéressée»543. Dans la mesure où les appelants ont agi comme une seule et même partie
pendant toute la durée de l’instance devant l’OACI, il leur sied mal de reprocher au Conseil de leur
avoir accordé le même temps de parole qu’au Qatar. En effet, si les appelants s’étaient vu accorder
un temps plus long, ils auraient été une nouvelle fois avantagés dans le déroulement de la
procédure, après avoir déjà eu le dernier mot dans la phase écrite avant l’audience544, ce qui aurait
538 Conseil de l’OACI, deux cent quatorzième session, procès-verbal sommaire de la 8e séance du 26 juin 2018,
doc. C-MIN 214/8, 23 juillet 2018, par. 110 (MBEE, vol. V, annexe 53).
539 Ibid., par. 122.
540 Conseil de l’OACI, cent soixante et unième session, procès-verbal sommaire de la 4e séance, 15 novembre
2000, doc. C-MIN 161/4 (CMQ-B, vol. II, annexe 13).
541 Règlement de l’OACI, art. 28, par. 1 (MBEE, vol. II, annexe 6).
542 La pratique de la Cour renvoie à la même approche. Elle a accordé aux Etats qui agissaient «d’un commun
accord» ou «faisaient cause commune» les droits procéduraux revenant à une seule et même partie. Dans les affaires du
Sud-Ouest africain, par exemple, la Cour a considéré que les deux demandeurs, l’Ethiopie et le Libéria, devaient choisir
un seul juge ad hoc, car ils agissaient «d’un commun accord». Sud-Ouest africain (Ethiopie c. Afrique du Sud ; Libéria
c. Afrique du Sud), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1962, p. 322. Comme les appelants dans l’instance
introduite devant le Conseil, l’Ethiopie et le Libéria ont déposé un seul mémoire (et, à un stade ultérieur de l’instance, un
seul ensemble d’observations en réponse aux exceptions préliminaires de l’Afrique du Sud). Voir C.I.J. Mémoires,
plaidoiries et documents, Sud-Ouest africain (Ethiopie c. Afrique du Sud ; Libéria c. Afrique du Sud), vol. I, mémoire du
Gouvernement du Libéria (15 avril 1961), p. 211 ; observations des Gouvernements de l’Ethiopie et du Libéria (1er mars
1962), p. 417. De plus, lors de la procédure orale sur la compétence et la recevabilité, les agents de l’Ethiopie et du
Libéria ont comparu conjointement au nom des deux Etats défendeurs, et non en tant que parties individuelles. C.I.J.
Mémoires, plaidoiries et documents, Sud-Ouest africain (Ethiopie c. Afrique du Sud ; Libéria c. Afrique du Sud), vol. II
(1966), procès-verbaux des audiences publiques tenues au Palais de la Paix, à La Haye, du 2 au 22 octobre et le
21 décembre 1962, p. ix-xi. Dans la présente procédure, les appelants ont déposé ce qu’ils ont eux-mêmes appelé une
«requête conjointe», indiquant qu’ils entendaient désigner un juge ad hoc unique. Requête devant la Cour, p. 1, par. 34.
Ils ont aussi soumis un mémoire conjoint. Les appelants ont donc «fait cause commune» comme une seule et même partie
à l’instance devant le Conseil de l’OACI et continuent d’agir de la sorte devant la Cour.
543 Règlement de l’OACI, art. 28, par. 1 (MBEE, vol. II, annexe 6) (les italiques sont de nous).
544 Letter of 28 May 2018 from the Secretary-General of ICAO to the Appellants, attaching Email of 25 May
2018 from the Delegation of the State of Qatar to the Secretary-General of ICAO (MBEE, vol. V, annexe 48).
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150
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de fait porté atteinte au principe d’égalité des armes énoncé à l’article 28 du règlement de
l’OACI545.
5.48. Enfin, les appelants tirent grief du fait qu’ils ont été tenus d’exposer leurs arguments
sur les requêtes A et B concurremment, bien que l’Arabie saoudite ne fût pas partie à l’instance
relative à la seconde546. Une fois encore, les appelants omettent de préciser un fait essentiel : tous, y
compris l’Arabie saoudite, ont accepté expressément de procéder ainsi. Cette acceptation est actée
dans le procès-verbal de l’audience :
«Les Parties et le Conseil acceptent la proposition du président de présenter et
d’examiner simultanément les deux questions à l’ordre du jour, étant entendu que le
Conseil prendra des décisions séparées puisque la requête A et la requête B relèvent de
deux instruments internationaux de droit aérien différents … et que les défendeurs ne
sont les mêmes dans les deux cas.»547
5.49. Pour conclure, les appelants ne sont pas fondés à prétendre avoir eu moins de temps
qu’ils n’auraient dû en avoir pour présenter leurs arguments. Le Conseil de l’OACI n’a violé
aucune norme de procédure, et encore moins une norme «fondamental[e]», en les traitant comme
une seule et même partie et en leur accordant le même temps de parole qu’au Qatar à l’audience.
3. La majorité requise par le Conseil de l’OACI pour statuer sur les exceptions préliminaires
était correcte
5.50. Les appelants contestent également la décision du Conseil de l’OACI au motif que ce
dernier «a indûment fixé à 19 voix la majorité requise pour retenir les exceptions préliminaires, sur
les 33 voix des membres admis à voter, alors que l’article 52 de la convention de Chicago n’exige
qu’une simple «majorité»»548. Comme il a déjà été relevé, les appelants indiquent un chiffre erroné
s’agissant du nombre de membres du Conseil appelés à voter sur la requête B. Ainsi que le
représentant des EAU l’a dit à l’audience, «conformément à l’article 66 b) de la convention de
Chicago, 25 membres du Conseil [avaie]nt droit de vote», de sorte que, selon lui, «13 votes
favorables constitu[ai]ent une majorité»549. Il apparaît que les appelants entendaient faire valoir
dans leur mémoire que le Conseil aurait dû fixer à 13 voix la majorité requise550.
545 Règlement de l’OACI, art. 28, par. 1 (MBEE, vol. II, annexe 6). Réduit à sa plus simple expression, le
principe d’égalité des armes ne vaut pas égalité mathématique. Ainsi que l’a considéré le Tribunal pénal international
pour l’ex-Yougoslavie en l’affaire Orić, la question est de savoir «objectivement» si la partie intéressée «dispose de
suffisamment de temps» pour présenter ses moyens. Voir Le Procureur c/ Naser Oric, affaire no IT-03-68-AR73.2,
Décision relative à l’appel interlocutoire concernant la durée de la présentation des moyens à décharge, 20 juillet 2005,
par. 8. Dans le procès-verbal du Conseil, qui fait état du degré élevé de similitude que les conclusions orales des parties
entretiennent avec leurs exposés écrits, et même avec le MBEE, rien ne laisse penser que ces derniers aient été privés
d’une occasion de présenter de manière suffisante leurs arguments
546 MBEE, par. 3.58.
547 Conseil de l’OACI, deux cent quatorzième session, procès-verbal sommaire de la 8e séance du 26 juin 2018,
doc. C-MIN 214/8, 23 juillet 2018, par. 2 (MBEE, vol. V, annexe 53) (les italiques sont de nous ; les soulignés étaient
présents dans l’original).
548 MBEE, par. 3.65, al. a).
549 Conseil de l’OACI, deux cent quatorzième session, procès-verbal sommaire de la 8e séance du 26 juin 2018,
doc. C-MIN 214/8, 23 juillet 2018, par. 111 (MBEE, vol. V, annexe 53). Voir aussi MBEE, par. 3.2, al. c).
550 Ibid. Voir également MBEE, par. 3.2, al. c).
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5.51. Voilà une question que la Cour n’a même pas à examiner. Quand bien même les
appelants auraient raison (ce qui est faux, comme il sera démontré plus loin), cela ne changerait
rien en pratique. Ainsi qu’il a été expliqué plus haut, la décision du Conseil de l’OACI a été
adoptée par 18 voix contre deux (et cinq abstentions), ce qui signifie qu’il manquait 11 voix pour
retenir les exceptions préliminaires y compris au regard de la majorité revue à la baisse que le
Conseil, si l’on en croit les appelants, aurait dû exiger. Autrement dit, même si le Conseil avait
commis une erreur, celle-ci serait sans conséquence.
5.52. En tout état de cause, l’argument des appelants est contredit par le texte de la
convention de Chicago et de l’accord de transit, ainsi que par la pratique antérieure du Conseil.
L’article 52 de la convention dispose que «[l]es décisions du Conseil sont prises à la majorité de
ses membres»551. Aux termes de son article 53, «[a]ucun membre du Conseil ne peut voter lors de
l’examen par le Conseil d’un différend auquel il est partie»552. Au surplus, l’alinéa b) de
l’article 66 de la convention précise que les membres de Conseil «qui n’ont pas accepté l’[accord
de transit] n’ont pas droit de vote sur les questions soumises ... au Conseil en vertu des dispositions
de l’Accord en cause»553.
5.53. Dans son interprétation du sens ordinaire de l’article 52, qui se réfère à la majorité des
membres du Conseil, et non aux membres admis à voter, le bureau des affaires juridiques de
l’OACI a conclu dans une note de travail publiée en 1971 qu’«un membre du Conseil ne cesse pas
d’être membre de cet organe du simple fait qu’une disposition de la Convention suspend son droit
de vote en certaines occasions»554. En d’autres termes, même si un membre du Conseil de l’OACI
n’est pas admis à voter, il demeure réputé «membre» aux fins du calcul du nombre de voix requis
pour constituer une majorité au sens de l’article 52.
5.54. Etant donné qu’il compte 36 membres, le Conseil de l’OACI a décidé à bon droit que
la «majorité» requise au sens de l’article 52 était fixée à 19 membres555.
5.55. La décision du Conseil de l’OACI est conforme à sa pratique antérieure. Par exemple,
en l’affaire Inde c. Pakistan, le Conseil s’est prononcé alors qu’il ne comptait que 27 membres. Il
avait alors considéré que la majorité au sens de l’article 52 de la convention de Chicago était fixée
551 Convention de Chicago, art. 52 (MBEE, vol. II, annexe 1) (les italiques sont de nous). Le règlement intérieur
du Conseil définit le terme «Majorité des membres du Conseil» comme étant «plus de la moitié du nombre total des
membres du Conseil». Voir Conseil de l’OACI, règlement intérieur du Conseil, doc. 7559/10 (2014), section
préliminaire, définitions (CMQ-B, vol. II, annexe 15).
552 Convention de Chicago, art. 53 (MBEE, vol. II, annexe 1).
553 Ibid., art. 66. Voir également Conseil de l’OACI, deux cent quatorzième session, procès-verbal sommaire de la
8e séance du 26 juin 2018, doc. C-MIN 214/8, 23 juillet 2018, par. 109 (MBEE, vol. V, annexe 53).
554 Conseil de l’OACI, soixante-quatorzième session, note : Vote au Conseil sur les désaccords et plaintes soumis
conformément au Règlement pour la solution des différends, 21 octobre 1971, doc. C-WP/5465, p. 2–3 (CMQ-B, vol. II,
annexe 9). Voir aussi la réponse du président du Conseil de l’OACI au cours des délibérations du Conseil relatives au
différend Inde et Pakistan, dans laquelle il précise que la majorité statutaire requise pour un vote reste invariable
indépendamment du nombre de membres admis à voter au Conseil (Conseil de l’OACI, soixante-quatorzième session,
procès-verbal de la 6e séance, 29 juillet 1971, doc. 8956-C/1001, par. 141 (CMQ-B, vol. II, annexe 8).
555 Le représentant des EAU à l’audience, S. Exc. M. Al Mansoori, a prié le Conseil de se pencher à nouveau sur
les 19 voix exigées pour l’acceptation des exceptions préliminaires. Le Conseil a rejeté cette demande, «ne souhaitant pas
que la règle de la majorité soit déterminée autrement que par les dispositions pertinentes de la convention de Chicago».
Voir Conseil de l’OACI, deux cent quatorzième session, procès-verbal sommaire de la 8e séance du 26 juin 2018,
doc. C-MIN 214/8, 23 juillet 2018, par. 9, 113, 116–118 (MBEE, vol. V, annexe 53).
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à 14 membres, bien que l’Inde ne fût pas admise à voter en tant que partie au différend556. Plus
récemment, dans l’affaire opposant le Brésil et les Etats-Unis, le Conseil de l’OACI a de même fixé
la majorité à 19 voix, alors que seuls 34 membres du Conseil étaient autorisés à voter557. Aucune
des parties n’a tiré grief d’une quelconque irrégularité de procédure. L’Egypte, les EAU ou
l’Arabie saoudite, qui ont tous participé au vote, ne s’en sont pas plaints non plus.
5.56. En réponse à une demande d’éclaircissement des appelants pendant l’audience, le
directeur des affaires juridiques et des relations extérieures a indiqué qu’il ressortait de l’examen de
«l’historique des instances précédemment introduites devant l’OACI … que le Conseil a[vait], de
façon constante et unanime, adopté ses décisions à la majorité de ses membres, qui [était]
actuellement de 19 voix»558. Les appelants présentent cet échange sous un faux jour afin de laisser
entendre que le Conseil a abdiqué son obligation d’interpréter la convention de Chicago en la
déférant au directeur des affaires juridiques559. Ils se trompent. Comme il l’a lui-même expliqué en
séance, le directeur s’est «contenté de lire au Conseil le texte de l’article 52 de la convention de
Chicago et de recenser les faits relatifs aux précédentes décisions du Conseil, ni plus, ni moins»560.
Il n’a rien «interprété», comme les appelants le prétendent à tort. Par conséquent, il n’est pas vrai
que le Conseil ait abdiqué sa fonction judiciaire au profit du directeur des affaires juridiques.
5.57. Enfin, les appelants soutiennent que le Conseil de l’OACI, selon l’interprétation qu’il
donne de l’article 52 de la convention de Chicago, «pourrait être empêché de prendre une décision
si moins de 19 Etats étaient admis à voter» et qu’«[e]n pareil cas, l’article 52 … se trouverait privé
d’effet utile ; en fait, il serait privé de tout effet»561.
5.58. Ce cas de figure est purement hypothétique. L’OACI ne l’a jamais rencontré en 71 ans
d’existence. De plus, le fait que l’article 52 tel qu’interprété par le Conseil de l’OACI puisse ne
produire aucun effet dans un cas de figure exceptionnel  et celui que les appelants mentionnent
serait, au bas mot, exceptionnel  ne signifie pas pour autant que cette interprétation enfreigne le
principe de l’effet utile. Pour reprendre les termes employés par la Cour et par sa devancière dans
les affaires que les appelants citent eux-mêmes, le principe de l’effet utile ne serait enfreint que s’il
pouvait être démontré que, suivant l’interprétation du Conseil, l’article 52 «ne recevrait jamais une
application pratique»562, ou serait dépourvu de «toute portée pratique»563 ou «privé de son sens»564.
Ce n’est tout simplement pas le cas ici, comme le démontre la pratique du Conseil depuis soixante
et onze ans.
556 Conseil de l’OACI, soixante-quatorzième session, procès-verbal de la 6e séance, 29 juillet 1971,
doc. 8956-C/1001, par. 60, 93 (CMQ-B, vol. II, annexe 8).
557 Voir exceptions préliminaires B devant l’OACI, pièce jointe 2, «ICAO Council – 211th Session, Summary
Minutes of the Ninth Meeting of 21 June 2017», doc. C-MIN 211/9, 5 juillet 2017, par. 97–98 (MBEE, vol. III,
annexe 24).
558 Conseil de l’OACI, deux cent quatorzième session, procès-verbal sommaire de la 8e séance du 26 juin 2018,
doc. C-MIN 214/8, 23 juillet 2018, par. 112 (MBEE, vol. V, annexe 53).
559 MBEE, par. 3.62.
560 Conseil de l’OACI, deux cent quatorzième session, procès-verbal sommaire de la 8e séance du 26 juin 2018,
doc. C-MIN 214/8, 23 juillet 2018, par. 114 (MBEE, vol. V, annexe 53) (les italiques sont de nous).
561 MBEE, par. 3.61.
562 Affaire franco-hellénique des phares, arrêt, 1934, C.P.J.I. série A/B no 62, p. 27 (les italiques sont de nous).
563 Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest
africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, par. 66 (les
italiques sont de nous).
564 Plateau continental de la mer Egée (Grèce c. Turquie), arrêt, C.I.J. Recueil 1978, par. 52 (les italiques sont de
nous) ; voir aussi Différend territorial (Jamahiriya arabe libyenne/Tchad), arrêt, C.I.J. Recueil 1994, par. 51.
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5.59. Pour toutes ces raisons, un éventuel grief des appelants selon lequel le Conseil aurait
commis une erreur en exigeant 13 voix pour retenir les exceptions préliminaires soulevées contre la
requête B serait sans fondement.
4. Le Conseil de l’OACI a rejeté à bon droit les deux exceptions préliminaires des appelants
5.60. Enfin, les appelants prétendent que la décision est «fondamentalement viciée», parce
que la question que le président a finalement mise aux voix «n’a été ni proposée ni appuyée par un
membre du Conseil, au mépris des prescriptions du [règlement intérieur du Conseil]»565. C’est là
encore une déformation malheureuse de ce qui s’est passé à l’audience. La motion originale
présentée par le doyen du Conseil, le représentant du Mexique, et soutenue par le premier
vice-président du Conseil, le représentant de Singapour, visant à procéder à un scrutin secret pour
«statuer sur chacune des exceptions préliminaires soulevées par les [appelants] relativement à la
requête A et à la requête B» n’a jamais été changée ou modifiée566. Bahreïn est intervenu pour
proposer une modification du libellé de la question, mais n’a pas introduit de motion formelle à cet
effet567.
5.61. Le président du Conseil n’a pas jugé nécessaire de modifier le libellé de la question. Il
a considéré qu’il était clair que «pour chacune des requêtes A et B du Qatar, les défendeurs
soulèvent une exception préliminaire pour laquelle ils invoquent deux motifs»568. Le procès-verbal
de la séance montre également que le président a pris note «de la remarque [du conseiller juridique
de Bahreïn], à savoir que le vote sur chaque exception préliminaire s’appliqu[ait] aux deux motifs
qui la fondent»569.
5.62. Tous les membres du Conseil admis à voter étaient présents lors de ces échanges. Tous
étaient donc au fait que les appelants avaient avancé «deux motifs» à l’appui de leur exception
d’incompétence. Il ne régnait aucune confusion quant à la formulation de la question mise aux
voix. Et quand bien même l’on pourrait dire, pour les besoins de la démonstration, que le président
du Conseil a, à tort, combiné les deux exceptions préliminaires, les appelants ont omis de faire
appel de cette décision en application de la règle 36 du règlement intérieur du Conseil et ont donc
renoncé à leur droit d’en tirer grief aujourd’hui570.
5.63. Pour toutes ces raisons, l’affirmation des appelants selon laquelle les procédures
adoptées par le Conseil étaient «manifestement vicié[es]» est entièrement infondée et doit être
rejetée.
565 MBEE, par. 3.65, al. c).
566 Conseil de l’OACI, deux cent quatorzième session, procès-verbal sommaire de la 8e séance du 26 juin 2018,
doc. C-MIN 214/8, 23 juillet 2018, par. 107 (MBEE, vol. V, annexe 53).
567 Ibid., par. 121 (les italiques sont de nous).
568 Ibid., par. 123 (les italiques sont de nous).
569 Ibid. (les italiques sont de nous).
570 Voir OACI, Règlement intérieur du Conseil, doc. 7559/10 (2014), règle 36 (CMQ-B, vol. II, annexe 15). Voir
aussi Appel concernant la compétence du Conseil de l’OACI (Inde c. Pakistan), arrêt, C.I.J. Recueil 1972, opinion
individuelle de M. le juge Jiménez de Aréchaga, par. 42 («Quand les questions ont été mises aux voix, aucun membre du
Conseil (et l’Inde était l’un de ces membres) n’a soulevé d’objection ni contesté le droit du président d’agir comme il le
faisait. Les décisions prises par le Conseil sur la base de ces propositions ne peuvent donc plus être remises en cause par
l’appelant à présent et pour ce motif.»).
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III. LES IRRÉGULARITÉS DE PROCÉDURE ALLÉGUÉES N’ONT PAS CONSTITUÉ
UNE ATTEINTE «FONDAMENTALE» AUX «EXIGENCES
D’UNE BONNE PROCÉDURE»
5.64. Comme indiqué, la Cour a, en l’affaire Inde c. Pakistan, considéré que les allégations
de l’Inde relatives aux irrégularités de procédure devant le Conseil de l’OACI étaient dénuées de
pertinence au regard de la «question juridique objective» dont elle était saisie, à savoir celle de
savoir si le Conseil avait eu raison de se déclarer compétent571. La Cour a aussi jugé qu’il existait
un autre motif, tout aussi irréfutable, justifiant le rejet de l’argument de l’Inde : même à les
supposer vérifiées, les irrégularités «ne constitu[aient] pas une atteinte fondamentale aux exigences
d’une bonne procédure»572.
5.65. La Cour n’a pas expliqué, dans son arrêt de 1972 rendu en l’affaire Inde c. Pakistan, ce
que sont les «exigences d’une bonne procédure». A tout le moins, celles-ci incluent le droit de faire
entendre sa cause équitablement et publiquement, dans un délai raisonnable, par un tribunal
indépendant et impartial constitué en droit573. Dans le dossier de l’instance portée devant le Conseil
de l’OACI, rien ne laisse entendre que les appelants aient été privés d’une quelconque manière de
ces garanties fondamentales. Ainsi que le président du Conseil l’a rappelé à tous les membres au
début de l’audience, «le Conseil siège en tant qu’organe judiciaire au titre de l’article 84 de la
convention de Chicago, et … ses décisions se fondent sur les documents écrits soumis par les
parties ainsi que sur leurs exposés oraux»574. En outre, chaque décision d’ordre procédural prise par
le Conseil et ayant conduit à sa décision finale se justifiait conformément au Règlement pour la
solution des différends575, par référence à la pratique du Conseil de l’OACI576 et suivant la
consultation du directeur des affaires juridiques de l’OACI577.
5.66. La Cour se rappellera que’en l’affaire Inde c. Pakistan, l’Inde a, par essence, tiré grief
de quatre irrégularités de procédure alléguées : 1) le Conseil n’a pas motivé sa décision578 ; 2) la
décision du Conseil était viciée par le fait que les questions étaient mal formulées579 ; 3) la décision
du Conseil relative à la plainte du Pakistan n’était pas soutenue par une majorité statutaire580 ; et
4) certains membres du Conseil n’ont pas pu participer aux délibérations et à la décision finale de
ce dernier581.
571 Voir chap. V, sect. I plus haut.
572 Appel concernant la compétence du Conseil de l’OACI (Inde c. Pakistan), arrêt, C.I.J. Recueil 1972, par. 45.
573 C. T. Kotuby Jr. & Luke Sobota, General Principles of Law and International Due Process (2018), p. 59
(CMQ-B, vol. IV, annexe 118).
574 Conseil de l’OACI, deux cent quatorzième session, procès-verbal sommaire de la 8e séance du 26 juin 2018,
doc. C-MIN 214/8, 23 juillet 2018, par. 6 (MBEE, vol. V, annexe 53).
575 Par exemple, ibid., par. 122 (MBEE, vol. V, annexe 53).
576 Par exemple, ibid., par. 106.
577 Par exemple, ibid., par. 112.
578 Appel concernant la compétence du Conseil de l’OACI (Inde c. Pakistan), arrêt, C.I.J. Recueil 1972,
procédure orale, comptes rendus des audiences publiques tenues au Palais de la Paix, à La Haye, du 19 juin au 3 juillet et
le 18 août 1972, p. 607.
579 C.I.J. Mémoires, Appel concernant la compétence du Conseil de l’OACI (Inde c. Pakistan), mémoire de
l’Inde, par. 93, point 1.
580 Ibid., par. 93, point 2.
581 Ibid., par. 93, point 3.
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5.67. Dans la présente affaire, les irrégularités de procédure putatives mises en évidence par
les appelants ressemblent à s’y méprendre à celles de l’Inde. Selon les appelants :
1) Le Conseil de l’OACI n’a pas motivé sa décision (cette affirmation ressemble à s’y méprendre à
la première irrégularité de procédure alléguée par l’Inde)582 ;
2) La question mise aux voix était mal formulée, si bien que le Conseil de l’OACI a voté partant
du principe erroné qu’il devait se prononcer sur une seule exception583 (cette affirmation
ressemble à s’y méprendre à la deuxième irrégularité de procédure alléguée par l’Inde) ;
3) Le Conseil de l’OACI a indûment fixé à 19 voix la majorité requise pour qu’il soit fait droit aux
exceptions préliminaires584 (cette affirmation ressemble à s’y méprendre à la troisième
irrégularité de procédure alléguée par l’Inde) ; et
4) Le Conseil a rendu sa décision sans aucune délibération585 (cette affirmation ressemble à s’y
méprendre à la quatrième irrégularité de procédure alléguée par l’Inde).
5.68. La Cour n’a pas considéré que les irrégularités alléguées par l’Inde, fondamentalement
identiques, constituaient une «atteinte fondamentale aux exigences d’une bonne procédure» en
l’affaire Inde c. Pakistan. Cela vaut tout autant ici.
5.69. Les autres irrégularités de procédure alléguées par les appelants sont les suivantes :
1) Ils se sont vu accorder le même temps de parole que le Qatar, alors que chacun d’eux estait
comme défendeur en son nom propre ;
2) La décision a été prise au scrutin secret, malgré leur demande de scrutin public par appel
nominal.
5.70. Pour toutes les raisons déjà exposées, aucune de ces affirmations ne constitue une
atteinte  et encore moins une atteinte fondamentale  aux exigences d’une procédure équitable.
5.71. Le fait que le Conseil de l’OACI ait accordé aux appelants le même temps de parole
qu’au Qatar ne signifie pas qu’ils n’ont pas eu suffisamment l’occasion de présenter leurs
arguments. Comme établi clairement dans la jurisprudence de la Cour, le principe d’égalité devant
la Cour est satisfait dès lors que les parties «ont chacun[e] pu présenter leurs arguments … de
manière appropriée et, dans une large mesure, dans des conditions d’égalité»586. Les appelants
n’ont pas démontré que le temps qui leur avait été alloué était insuffisant pour présenter leurs
arguments au Conseil ou que le temps dont ils avaient disposé était insuffisant par rapport à celui
accordé au Qatar. Au final, les appelants ont eu de multiples occasions de présenter leurs
arguments dans la procédure tant écrite qu’orale587.
582 MBEE, par. 3.2, al. e).
583 Ibid., par. 3.30.
584 Ibid., par. 3.65, al. a).
585 Ibid., par. 3.37.
586 Jugement no 2867 du Tribunal administratif de l’Organisation internationale du Travail sur requête contre le
Fonds international de développement agricole, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2012 (I), par. 47.
587 Voir par. 5.16–5.20 plus haut.
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5.72. Le grief que tirent les appelants du caractère secret du scrutin ne convainc pas
davantage. Selon eux, le mode de scrutin était irrégulier parce que l’Arabie saoudite avait demandé
un vote par appel nominal588. Toutefois, comme il a été démontré plus haut, le vote était pleinement
conforme au règlement intérieur et à la pratique du Conseil de l’OACI589. En outre, dans la seule
décision adoptée antérieurement par le Conseil selon cette modalité, c’est l’un des appelants  les
EAU  qui avait proposé la tenue d’un scrutin secret590.
5.73. En somme, même à supposer que les irrégularités de procédure alléguées par les
appelants aient eu lieu (quod non), aucune ne saurait être considérée comme ayant privé ces
derniers d’une procédure équitable devant le Conseil de l’OACI.
*
5.74. Pour toutes les raisons exposées plus haut, le Qatar prie respectueusement la Cour de
rejeter le premier moyen d’appel des appelants.
588 MBEE, par. 1.12.
589 Voir par. 5.29–5.34 plus haut.
590 Voir exceptions préliminaires B devant l’OACI, pièce jointe 2, «ICAO Council – 211th Session, Summary
Minutes of the Ninth Meeting of 21 June 2017», doc. C-MIN 211/9, 5 juillet 2017, par. 97 (MBEE, vol. III, annexe 24).
162
- 99 -
CONCLUSIONS
Sur la base des éléments de fait et de droit exposés dans le présent contre-mémoire, le Qatar
prie respectueusement la Cour de rejeter l’appel des appelants et de confirmer la décision du
Conseil de l’OACI en date du 29 juin 2018 portant rejet de l’exception préliminaire par laquelle les
appelants contestaient la compétence du Conseil pour connaître de la requête B du Qatar en date du
30 octobre 2017.
Respectueusement.
L’agent de l’Etat du Qatar,
(Signé) M. Mohammed ABDULAZIZ AL-KHULAIFI.
Le 25 février 2019.
163
- 100 -
CERTIFICATION
Je certifie que toutes les annexes jointes sont des copies conformes des documents auxquels
il est fait référence et que les traductions fournies sont exactes.
L’agent de l’Etat du Qatar,
(Signé) M. Mohammed ABDULAZIZ AL-KHULAIFI.
Le 25 février 2019.
164
- 101 -
LISTE DES ANNEXES
Annexe
VOLUME II
CROQUIS
1 Thirteen ATS Routes Available Pre-Aviation Prohibitions
2 Two ATS Routes Available Post-Aviation Prohibitions
3 Seven ATS Routes Available as of 4 February 2019
ANNEXES
Documents et correspondance de l’OACI
1 Assemblée de l’OACI, résolution A15-7 : Résolution condamnant la politique d’apartheid
et de discrimination raciale d’Afrique du Sud (22 juin-16 juillet 1965)
2 Assemblée de l’OACI, résolution A18-4 : Mesures à prendre à l’égard de l’Afrique du Sud
comme suite aux résolutions 2555 et 2704 de l’Assemblée générale des Nations Unies
(15 juin-7 juillet 1971)
3 Conseil de l’OACI, décisions du Conseil, soixante-quatorzième session, 8 juillet 1971
(27-29 juillet 1971, 28 septembre-17 décembre 1971)
4 Conseil de l’OACI, soixante-quatorzième session, procès-verbal de la 2e séance, 27 juillet
1971
5 Conseil de l’OACI, soixante-quatorzième session, procès-verbal de la 3e séance, 27 juillet
1971
6 Conseil de l’OACI, soixante-quatorzième session, procès-verbal de la 4e séance, 28 juillet
1971
7 Conseil de l’OACI, soixante-quatorzième session, procès-verbal de la 5e séance, 28 juillet
1971
8 Conseil de l’OACI, soixante-quatorzième session, procès-verbal de la 6e séance, 29 juillet
1971
9 Conseil de l’OACI, soixante-quatorzième session, note : Vote au Conseil sur les
désaccords et plaintes soumis conformément au Règlement pour la solution des différends,
21 octobre 1971
10 OACI, Règlement pour la solution des différends, approuvé par le Conseil le 9 avril 1957
et amendé le 10 novembre 1975
11 ICAO Council, Cuba v. United States, Memorial of Cuba, 11 juillet 1996
- 102 -
Annexe
12 ICAO Council, United States v. 15 EU Member State, Memorial of the United States,
14 mars 2000
13 Conseil de l’OACI, cent soixante et unième session, procès-verbal sommaire de la
4e séance, 15 novembre 2000
14 Assemblée de l’OACI, résolution A38-12 : Exposé récapitulatif de la politique permanente
de l’AOCI et des règles pratiques relevant spécifiquement du domaine de la navigation
aérienne
15 OACI, Règlement intérieur du Conseil, 10e éd., 2014
16 Convention relative à l’aviation civile internationale, annexe 15 : «Services d’information
aéronautique», 15e éd., juillet 2016
17 Convention relative à l’aviation civile internationale, annexe 11 : «Services de la
circulation aérienne», 14e éd., juillet 2016
18 OACI, «Rapport annuel de l’OACI : Solutions des différends» (2017) accessible à
l’adresse suivante : https://www.icao.int/annual-report-2017/Pages/FR/supportingimplementati…-
strategies-legal-and-external-relations-services-settlement-ofdifferences.
aspx (dernière consultation le 31 janvier 2019)
19 H. Longo, «Sharing information in order to fight against terrorism», ICAO, Hong Kong
ICAO TRIP Regional Seminar, 2017, accessible à l’adresse suivante :
https://www.icao.int/Meetings/TRIP-HongKong-2017/Documents/1.HERNAN%
20LONGO.pdf
VOLUME III
Documents et correspondance de l’OACI
20 Convention relative à l’aviation civile internationale, annexe 17 : «Sûreté», 10e éd., avril
2017
21 Letter from Abdulla Nasser Turki Al-Subaey, Chairman of Qatar Civil Aviation
Authority, to Fang Liu, ICAO Secretary General, 5 juin 2017 [annexe non traduite]
22 Letter from Fang Liu, ICAO Secretary General, to Abdulla Nasser Turki Al-Subaey,
Chairman of Qatar Civil Aviation Authority, Reference No. AN 13/4/3/Open-AMO66892,
7 juin 2017
23 Conseil de l’OACI, deux cent onzième session, 9e séance, résumé des décisions, 21 juin
2017
24 ICAO Council, 211th Session, Summary Minutes of the Tenth Meeting,
doc. C-MIN 211/10, 23 juin 2017
25 Conseil de l’OACI, deux cent onzième session, 10e séance, résumé des décisions, 23 juin
2017
26 ICAO Council, First ATM Contingency Coordination Meeting For Qatar, Summary of
Discussions, doc. ACCM/1, 6 juillet 2017
- 103 -
Annexe
27 ICAO Council, Third ATM Contingency Coordination Meeting for Qatar, Summary of
Discussions, doc. ACCM/3, 5-6 septembre 2017
28 Letter from John V. Augustin to Fang Liu, ICAO Secretary General, 5 octobre 2017
29 Lettre adressée le 9 février 2018 aux représentants du Conseil de l’OACI par le président
30 Letter from Essa Abdulla Al-Malki, Permanent Representative of Qatar, to Fang Liu,
ICAO Secretary General, 12 mars 2018
31 Letter from Aysha Alhameli, Representative of UAE to ICAO Council to Fang Liu,
ICAO Secretary General, UAE-DEL/L-13-2018, 19 mars 2018
32 Letter from Fang Liu, ICAO Secretary General, to Essa Abdulla Al-Malki, Agent for the
State of Qatar, 20 mars 2018
33 ICAO, Interactive Map, «Cairo FIR», accessible à l’adresse suivante :
https://gis.icao.int/icaoviewernew/#/41.3577/23.5481/6 (données actualisées le 17 avril
2018)
34 ICAO Council, Fourth ATM Contingency Coordination Meeting for Qatar, Summary of
Discussions, doc. ACCM/4, 28 avril 2018
35 Letter from President, First Vice-President and Secretary General of ICAO Council to
Representatives on the Council, Doc. PRES OBA/2771, 15 mai 2018
36 Letter from Ahmed H. Mostafa Khedr, Representative of the Arab Republic of Egypt
before ICAO, to Fang Liu, ICAO Secretary General, 12 juin 2018
37 ICAO Council, 215th Session, «Working Paper: Post-Employment Activities of ICAO
Personnel», Doc. HR-WP/56, 22 août 2018
Documents du Gouvernement qatarien
38 Letter from Abdul Latif Bin Rashid Al-Ziyani, GCC Secretary General, to Khalid Bin
Mohamed Al Ativa, Minister of Foreign Affairs of the State of Qatar, 19 mai 2014
39 Letter from Muhammad Bin Abdul Rahman Al Thani, Minister of Foreign Affairs of the
State of Qatar, to Abdulatif Bin Rashid Al Zayani, GCC Secretary General, 7 août 2017
40 Letter from Mohamed Bin Abdul Rahman Bin Jassim Al Thani, Minister of Foreign
Affairs of State of Qatar, to Abdul Latif Bin Rashid Al-Ziyani, Secretary-General of GCC,
19 février 2017
41 State of Qatar, Ministry of Interior, National Counter Terrorism Committee, «National
Terrorist Designation Lists», Designation Order No. 2, 21 mars 2018
42 State of Qatar, Ministry of Justice, «Qatar Doubles Contribution to Global Community
Engagement & Resilience Fund», 30 mai 2018, accessible à l’adresse suivante :
https://www.mofa.gov.qa/en/all-mofa-news/details/2018/05/30/qatar-doubl…-
to-global-communityengagement-resilience-fund
- 104 -
Annexe
43 State of Qatar, Ministry of Interior, National Counter Terrorism Committee, «National
Terrorist Designation Lists», Designation Order No. 4, 28 août 2018
Législation du Qatar
44 State of Qatar, Law No. 4 of 2010 on Combating Money Laundering and Terrorism
Financing, 18 mars 2010
45 State of Qatar, Decree No. 11 of 2017 to Amend Law No. 3 of 2004, 13 juillet 2017
Autres documents de gouvernements
46 U.S. Department of State, «Global Counterterrorism Forum Co-Chairs: About the Global
Counterterrorism Forum (GCTF)», 23 septembre 2014, accessible à l’adresse suivante :
https://2009-2017.state.gov/j/ct/rls/fs/fs/232003.htm
47 U.S. Department of State, Bureau of Counterterrorism and Countering Violent Extremism,
Country Reports on Terrorism, «Chapter 4: Terrorist Safe Havens (Update to 7120
Report)», 2017, accessible à l’adresse suivante : https://www.state.gov/reports/countryreports-
on-terrorism-2017/#report-toc__section-1__subsection-10
48 Saudi Ministry of Foreign Affairs, «The Kingdom severs diplomatic and consular relations
with Qatar», 6 juin 2017, accessible à l’adresse suivante :
https://www.mofa.gov.sa/sites/mofaen/ServicesAndInformation/news/Minist…
Pages/ArticleID201765134958689.aspx
49 U.S. Department of State, «Press Availability with Qatari Foreign Minister Sheikh
Mohammed bin Abdulrahman al-Thani», 11 juillet 2017, accessible à l’adresse suivante :
https://www.state.gov/press-availability-with-qatari-foreign-minister-s…-
abdulrahman-al-thani/
50 Ministry of Defence of United Kingdom, «Defence Secretary hosts Qatari counterpart at
historic Horse Guards», 16 janvier 2018, accessible à l’adresse suivante :
https://www.gov.uk/government/news/defence-secretary-hosts-qatari-count…-
horse-guards
51 U.S. Department of State, «Joint Statement of the Inaugural United States-Qatar Strategic
Dialogue», 30 janvier 2018, accessible à l’adresse suivante : https://www.state.gov/jointstatement-
of-the-inaugural-united-states-qatar-strategic-dialogue/
52 U.S. Embassy & Consulate in the UAE, «Meeting of the Terrorist Financing Targeting
Center Member States Convenes in Kuwait», 6 mars 2018, accessible à l’adresse
suivante : https://ae.usembassy.gov/meeting-terrorist-financing-targeting-center-m…-
convenes-kuwait-march-6-2018/
53 U.S. Department of State, «Secretary Pompeo’s Meeting with Qatari Foreign Minister
Al Thani», 26 juin 2018, accessible à l’adresse suivante : https://www.state.gov/secretarypompeos-
meeting-with-qatari-foreign-minister-al-thani/
- 105 -
Annexe
Déclarations officielles
54 «S. Exc. le ministre des affaires étrangères fait une déclaration lors de la trente-sixième
session du Conseil des droits de l’homme», article publié le 11 septembre 2017 par la
mission permanente de l’Etat du Qatar auprès de l’Office des Nations Unies à Genève
(Suisse), accessible à l’adresse suivante : http://geneva.mission.qa/en/news/detail/
2017/09/17/he-the-foreign-minister-delivers-a-statement-in-front-of-the-36th-session-ofthe-
human-rights-council
55 Assemblée générale des Nations Unies, soixante-douzième session, débat général,
allocution de Son Altesse le cheikh Tamim Bin Hamad Al-Thani, émir de l’Etat du Qatar,
19 septembre 2017
56 Assemblée générale des Nations Unies, soixante-douzième session, débat général,
allocution de M. Abdel Fattah Al Sisi, président de la République arabe d’Egypte,
19 septembre 2017
57 Assemblée générale des Nations Unies, soixante-douzième session, débat général,
allocution de Son Altesse le cheikh Abdullah Bin Zayed Al Nahyan, ministre des affaires
étrangères et de la coopération internationale des Emirats arabes unis, 22 septembre 2017
58 Assemblée générale des Nations Unies, soixante-douzième session, débat général,
allocution de S. Exc. le cheikh Khalid Bin Ahmed Bin Mohamed Al Khalifa, ministre des
affaires étrangères de Bahreïn, 22 septembre 2017
59 Résumé de l’allocution faite par S. Exc. M. Adel Ahmed Al-Jubeir, ministre des affaires
étrangères de l’Arabie saoudite, lors du débat général le 23 septembre 2017, Assemblée
générale des Nations Unies, soixante-douzième session
VOLUME IV
Articles de presse
60 S. Lee Myers, «Qatar Court Convicts 2 Russians in Top Chechen’s Death», New York
Times, 1er juillet 2004, accessible à l’adresse suivante :
https://www.nytimes.com/2004/07/01/world/qatar-court-convicts-2-russian…-
s-death.html
61 S. B. Glasser, «Martyrs’ in Iraq Mostly Saudis», Washington Post, 15 mai 2005,
accessible à l’adresse suivante : http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/
2005/05/14/AR2005051401270.html
62 D. Walsh, «WikiLeaks cables portray Saudi Arabia as a cash machine for terrorists», The
Guardian, 5 décembre 2010, accessible à l’adresse suivante :
https://www.theguardian.com/world/2010/dec/05/wikileaks-cablessaudi-ter…
63 A. Bakshian Jr., «The Unlikely Rise of Al Jazeera», The Atlantic, 10 janvier 2012,
accessible à l’adresse suivante : https://www.theatlantic.com/international/
archive/2012/01/the-unlikely-rise-of-al-jazeera/251112/
- 106 -
Annexe
64 «September 11 Hijackers Fast Facts», CNN, 27 juillet 2013, accessible à l’adresse
suivante : https://edition.cnn.com/2013/07/27/us/september-11th-hijackers-fast-fac…
index.html
65 «Video: Dubai ruler praises Al-Qaradawi for his scholarly achievements», Middle East
Monitor, 12 avril 2014, accessible à l’adresse suivante :
https://www.middleeastmonitor.com/20140412-video-dubai-ruler-praises-al…-
scholarly-achievements/
66 A. Shehabi, «Why is Bahrain Outsourcing Extremism?», Foreign Policy, 29 octobre 2014,
accessible à l’adresse suivante : https://foreignpolicy.com/2014/10/29/why-is-bahrainoutsourcing-
extremism/
67 «Qatar recalls envoy to Egypt in row over Libya strikes», BBC News, 19 février 2015,
accessible à l’adresse suivante : https://www.bbc.com/news/world-middle-east-31532665
68 «Qatar row: Air travellers hit by grounded flights», BBC [News], 5 juin 2017, accessible à
l’adresse suivante : https://www.bbc.com/news/world-middle-east-40159085
69 J. McIntyre, «US base in Qatar still running the fight against ISIS amid diplomatic rift in
the Middle East», Washington Examiner, 5 juin 2017, accessible à l’adresse suivante :
https://www.washingtonexaminer.com/us-base-in-qatar-still-running-the-f…-
amid-diplomatic-rift-in-the-middle-east
70 N. Siddiqui, «550 Pakistani pilgrims stranded in Qatar flown to Muscat», Dawn, 6 juin
2017, accessible à l’adresse suivante : https://www.dawn.com/news/1337785
71 Z. Alkhalisi, «Arab blockade is nightmare for Qatar Airways», CNN, 6 juin 2017,
accessible à l’adresse suivante : https://money.cnn.com/2017/06/06/news/qatar-airwaysblockade-
nightmare/index.html
72 J. Gambrell, «Emirati diplomat to AP: «Nothing to negotiate» with Qatar», Associated
Press, 7 juin 2017, accessible à l’adresse suivante : https://apnews.com/
3a69bad153e24102a4dd23a6111613ab
73 «Gulf blockade disrupts Qatar Airways flights», Al-Jazeera, 7 juin 2017, accessible à
l’adresse suivante : https://www.aljazeera.com/news/2017/06/gulf-blockade-disruptsqatar-
airways-flights-170606081841215.html
74 M. Bearak, «Three maps explain how geopolitics has Qatar Airways in big trouble»,
Washington Post, 7 juin 2017, accessible à l’adresse suivante :
https://www.washingtonpost.com/news/worldviews/wp/2017/06/07/three-maps…-
geopolitics-has-qatar-airways-in-big-trouble/?noredirect=on (voir enregistrements
video sur CD-ROM à la fin du volume original)
75 C. Alexander & S. Dodge, «Muslim Brotherhood Is at the Heart of Gulf Standoff With
Qatar», Bloomberg, 7 juin 2017, accessible à l’adresse suivante :
https://www.bloomberg.com/graphics/2017-muslim-brotherhood
76 M. Chmaytelli, «Iraq says it still has Qatari money sent to free ruling family members»,
Reuters, 11 juin 2017, accessible à l’adresse suivante : https://www.reuters.com/article/usmideast-
crisis-iraq-qatar/iraq-says-it-still-has-qatari-money-sent-to-free-ruling-familymembers-
idUSKBN1920Y5
- 107 -
Annexe
77 «Slump in travel to and from Qatar as thousands of airline bookings are cancelled», The
National, 13 juin 2017, accessible à l’adresse suivante :
https://www.thenational.ae/business/slump-in-travel-to-and-from-qatar-a…-
bookings-are-cancelled-1.80185
78 A. Gearan & K. DeYoung, «State Department issues unusual public warning to Saudi
Arabia and UAE over Qatar rift», Washington Post, 20 juin 2017, accessible à l’adresse
suivante : https://www.washingtonpost.com/world/national-security/state-department…-
unusual-public-warning-tosaudi-arabia-and-uae-over-qatar-rift/2017/06/20/
66294a58-55e9-11e7-a204-ad706461fa4f_story.html
79 «Qatar given 10 days to meet 13 sweeping demands by Saudi Arabia», The Guardian,
23 juin 2017, accessible à l’adresse suivante : https://www.theguardian.com/
world/2017/jun/23/close-al-jazeera-saudi-arabia-issues-qatar-with-13-demands-to-endblockade
80 «Saudi demands from Qatar «very provocative»: Germany», Reuters, 26 juin 2017,
accessible à l’adresse suivante : https://www.reuters.com/article/us-gulf-qatargermany/
saudi-demands-from-qatar-very-provocative-germany-idUSKBN19H2A3
81 N. Al Wasmi, «UAE and Saudi put pressure on Qatar ahead of demands deadline», The
National, 28 juin 2017, accessible à l’adresse suivante :
https://www.thenational.ae/world/uae-and-saudi-put-pressure-on-qatarahe…-
1.92119
82 N. Gaouette & Z. Cohen, «US and Qatar broker counterterrorism agreement», CNN,
11 juillet 2017, accessible à l’adresse suivante :
https://edition.cnn.com/2017/07/11/politics/tillerson-qatar-terrorism-m…
index.html
83 J. Merrill, «REVEALED: 9/11 families could sue UAE for alleged role in attacks», Middle
East Eye, 14 juillet 2017, accessible à l’adresse suivante :
https://www.middleeasteye.net/news/xxx-376213863
84 K. DeYoung & E. Nakashima, «UAE orchestrated hacking of Qatari government sites,
sparking regional upheaval, according to U.S. intelligence officials», Washington Post,
16 juillet 2017, accessible à l’adresse suivante :
https://www.washingtonpost.com/world/national-security/uae-hacked-qatar…-
sparking-regional-upheavalaccording-to-us-intelligence-officials/2017/07/16/
00c46e54-698f-11e7-8eb5-cbccc2e7bfbf_story.html
85 «Arab countries’ six principles for Qatar «a measure to restart the negotiation process»»,
The National, 19 juillet 2017, accessible à l’adresse suivante :
https://www.thenational.ae/world/gcc/arab-countries-six-principles-for-…-
the-negotiation-process-1.610314
86 «Emir speech in full text: Qatar ready for dialogue but won’t compromise on
sovereignty», The Peninsula, 22 juillet 2017, accessible à l’adresse suivante :
https://thepeninsulaqatar.com/article/22/07/2017/Emir-speech-in-full-te…-
but-won%E2%80%99t-compromise-on-sovereignty
- 108 -
Annexe
87 «Protests outside UAE Embassy in New Delhi over 26/11 terror funding allegations», New
India Express, 6 août 2017, accessible à l’adresse suivante :
http://www.newindianexpress.com/cities/delhi/2017/aug/06/protests-outsi…-
new-delhi-over-2611-terror-fundingallegations-1639346.html
88 «Emergency corridors opened before Qatar Airways», Al Arabiya, 9 août 2017, accessible
à l’adresse suivante : https://www.youtube.com/watch?v=gIqCPuto9gU (voir
enregistrements vidéo sur CD-ROM à la fin du volume original) (transcription du texte
original en arabe et des sous-titres anglais)
89 «Saudi Arabia suspends dialogue, saying Qatar «distorting facts»»,
The Guardian, 8 septembre 2017, accessible à l’adresse suivante :
https://www.theguardian.com/world/2017/sep/09/saudi-arabia-suspends-dia…-
distorting-facts
90 «Hopes for Qatar crisis breakthrough raised, shattered within minutes», Gulf News,
9 septembre 2017, accessible à l’adresse suivante : https://gulfnews.com/world/gulf/
qatar/hopes-for-qatar-crisis-breakthrough-raised-shatteredwithin-minutes-1.2087108
91 «Qatar crisis: Saudi Arabia angered after emir’s phone call», BBC News, 9 septembre
2017, accessible à l’adresse suivante : https://www.bbc.com/news/world-middle-east-
41209610
92 P. Salisbury, «The fake-news hack that nearly started a war this summer was designed for
one man: Donald Trump», Quartz, 20 octobre 2017, accessible à l’adresse suivante :
https://qz.com/1107023/the-inside-story-of-thehack-that-nearly-started-…-
war/
93 «Qatar’s sanctions hit 13 facilitators of terrorism», Qatar Tribune, 26 octobre 2017,
accessible à l’adresse suivante : http://www.qatar-tribune.com/news-details/id/92566
94 B. McKernan, «US and Saudi Arabia arms significantly enhanced Isis’ military
capabilities, report reveals», The Independent, 15 décembre 2017, accessible à l’adresse
suivante : https://www.independent.co.uk/news/world/middle-east/isis-us-saudi-arab…-
fighters-jihadis-militarycapability-enhanced-weapons-syria-terrorism-a8112076.html
95 N. Browning, «Qatar puts 28 people and entities on new terrorism list», Reuters, 22 mars
2018, accessible à l’adresse suivante : https://www.reuters.com/
article/us-gulf-qatar-security/qatar-puts-28-people-and-entities-onnew-terrorism-listidUSKBN1GY222
96 G. Jaffe & M. Ryan, «A Dubai shopping trip and a missed chance to capture the head of
the Taliban», Washington Post, 24 mars 2018, accessible à l’adresse suivante :
https://www.washingtonpost.com/world/national-security/a-dubai-shopping…-
chance-to-capture-the-head-of-the-taliban/2018/03/24/0137dd66-2ba0-11e8-8ad6-
fbc50284fce8_story.html
97 J. Stempel, «Saudi Arabia must face U.S. lawsuits over Sept. 11 attacks», Reuters,
28 mars 2018, accessible à l’adresse suivante : https://www.reuters.com/article/us-usasaudi-
sept11/saudi-arabia-mustface-u-s-lawsuits-over-sept-11-attacks-idUSKBN1H43A1
- 109 -
Annexe
98 «Co-Led by US, Saudi Arabia, TFTC Members Meet in Kuwait», Kuwait News Agency,
11 mai 2018, accessible à l’adresse suivante : https://menafn.com/
qn_news_story_s.aspx?storyid=1096843079&title=Coled-by-US-Saudi-Arabia-TFTCmembers-
meet-in-Kuwait&src=RSS
99 «Bahrain sees «no glimmer of hope» for ending Qatar crisis soon», Reuters, 27 mai 2018,
accessible à l’adresse suivante : https://af.reuters.com/article/commoditiesNews/
idAFL5N1SY020
100 «Qatar’s efforts in combating terrorism win German praise», Gulf Times, 14 juillet 2018,
accessible à l’adresse suivante : https://www.gulf-times.com/story/599458/Qatar-s-effortsin-
combating-terrorism-win-German
101 D. Dudley, «Saudi Arabia Accused Of Turning A Blind Eye To International Terrorism
Financing By Global Watchdog», Forbes, 25 septembre 2018, accessible à l’adresse
suivante : https://www.forbes.com/sites/dominicdudley/2018/09/25/saudi-arabia-accu…-
turning-a-blind-eye-to-international-terrorism-financing-by-global-watchdog/
102 S. Kalin, «Qatar rift overshadows Gulf Arab summit as emir stays away», Reuters,
8 décembre 2018, accessible à l’adresse suivante : https://www.reuters.com/article/usgulf-
qatar/qatar-rift-overshadows-gulf-arab-summit-asemir-stays-away-idUSKBN1O803S
103 «Interpol removes red notice against Islamic scholar Yusuf Al Qaradawi», TRT World,
13 décembre 2018, accessible à l’adresse suivante : https://www.trtworld.com/middleeast/
interpol-removes-red-notice-against-islamic-scholar-yusuf-al-qaradawi-22453
104 S. Kalin & F. Guarascio, «EU adds Saudi Arabia to draft terrorism financing list:
sources», Reuters, 25 janvier 2019, accessible à l’adresse suivante :
https://www.reuters.com/article/us-eu-saudi-moneylaundering/eu-adds-sau…-
terrorism-financing-list-sources-idUSKCN1PJ23J
105 C. Bing & J. Schectman, «Inside the UAE’s secret hacking team of American
mercenaries», Reuters, 30 janvier 2019, accessible à l’adresse suivante :
https://www.reuters.com/investigates/special-report/usa-spying-raven/
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https://edition.cnn.com/interactive/2019/02/middleeast/yemen-lost-us-ar…
107 F. Guarascio, «EU adds Saudi Arabia to dirty-money blacklist, upsets UK, U.S.», Reuters,
13 février 2019, accessible à l’adresse suivante : https://www.reuters.com/article/us-eusaudi-
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Ouvrages, revues spécialisées et rapports
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109 A. Guelke, Terrorism and Global Disorder, 2006
110 R. Abeyratne, Convention on International Civil Aviation, A Commentary, 2014
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Annexe
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117 K. Moore-Gilbert, «A Band of (Muslim) Brothers? Exploring Bahrain’s Role in the Qatar
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118 C. Kotuby Jr. & L. Sobota, General Principles of Law and International Due Process,
2018
119 «The Battle over Appointing Judges in Egypt», Carnegie Endowment for International
Peace, 16 janvier 2018, accessible à l’adresse suivante :
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120 FATF-MENAFATF, «Anti-money laundering and counter-terrorist financing
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2018, accessible à l’adresse suivante : http://www.fatfgafi.
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Autres documents
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suivante : https://timep.org/transitional-justice-project/phase-I/qatar-espionage-…
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122 Reporters sans frontières, «Crise dans le Golfe : l’irrecevable demande faite à Al-Jazeera
et aux autres médias du Qatar», 28 juin 2017, accessible à l’adresse suivante :
https://rsf.org/fr/actualites/crise-dans-le-golfe-lirrecevable-demande-…-
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Annexe
123 K. Jon Heller, «Saudi Arabia Threatens to Shoot Down a Qatari Airways Plane»,
OpinioJuris, 18 août 2017, accessible à l’adresse suivante :
http://opiniojuris.org/2017/08/18/33233/
124 Committee to Protect Journalists, Data & Research, 2018, accessible à l’adresse suivante :
https://cpj.org/data/imprisoned/2018/?status=Imprisoned&cc_fips%5B%5D=Q…
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125 Council on Foreign Relations, «A Conversation With Adel al-Jubeir», 26 septembre 2018,
accessible à l’adresse suivante : https://www.cfr.org/event/conversation-adel-al-jubeir
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2018, accessible à l’adresse suivante : https://dohaforum.org/news/2019/04/28/qatarannounces-
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127 «Navi Pillay exhorte les Egyptiens à renouer avec le dialogue pour éviter davantage de
violence dans le pays», ONU Info, 15 août 2013, accessible à l’adresse suivante :
https://news.un.org/fr/story/2013/08/272172
128 «Assassinat de Khashoggi : le procès en Arabie Saoudite ne constitue pas l’enquête
indépendante nécessaire, a estimé la cheffe des droits de l’homme de l’ONU», ONU Info,
4 janvier 2019, accessible à l’adresse suivante : https://news.un.org/fr/
story/2019/01/1033102
129 Office of the High Commissioner for Human Rights, «Independent human rights expert to
visit Turkey to launch international inquiry into Khashoggi case», 25 janvier 2019,
accessible à l’adresse suivante : https://www.ohchr.org/en/NewsEvents/Pages/
DisplayNews.aspx?NewsID=24113&LangID=E
130 Groupe d’action financière (GAFI), «Qui sommes-nous ?», accessible à l’adresse
suivante : http://www.fatf-gafi.org/fr/aproposdugafi/ (dernière consultation le 1er février
2019)
131 Global Coalition, «79 Partners», accessible à l’adresse suivante :
http://theglobalcoalition.org/en/partners/ (dernière consultation le 1er février 2019)
132 Global Community Engagement and Resilience Fund, «Donor Frequently Asked
Questions», accessible à l’adresse suivante : https://www.gcerf.org/
donor-frequently-asked-questions/ (dernière consultation le 2 février 2019)
133 Amnesty International, «Yemen: UAE recklessly supplying militias with windfall of
Western arms», 6 février 2019, accessible à l’adresse suivante :
https://www.amnesty.org/en/latest/news/2019/02/yemen-uae-recklessly-sup…-
windfall-of-western-arms/
134 King Faisal Prize, «Professor Yousef A. Al-Qaradawi, Winner of the 1994 KFP Prize for
Islamic Studies», accessible à l’adresse suivante : https://kingfaisalprize.org/professoryousef-
a-al-qaradawi/ (dernière consultation le 15 février 2019)
135 Kingdom of Bahrain, Arab Republic of Egypt, Kingdom of Saudi Arabia and United Arab
Emirates, «Appendices of Working Paper 14640: Contingency Arrangements and ATM
Measures in the MID Region», 2017
- 112 -
Annexe
136 M. Forteau, «Les renvois inter-conventionnels», in Annuaire français de droit
international, vol. 49, 2003
137 World Trade Organization, «Saudi Arabia — Measures Relating to Trade in Goods and
Services, and Trade-Related Aspects of Intellectual Property Rights», WT/DS528/1,
4 août 2017
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Contre-mémoire de l'Etat du Qatar

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