COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
ANNÉE 2019
2019 13 février
Rôle général
no 164
13 février 2019
CERTAINS ACTIFS IRANIENS
(RÉPUBLIQUE ISLAMIQUE D’IRAN c. ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE)
EXCEPTIONS PRÉLIMINAIRES
Contexte factuel.
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Compétence — Paragraphe 2 de l’article XXI du traité d’amitié, de commerce et de droits consulaires de 1955 (ci-après le «traité»).
Faits que le traité était en vigueur à la date d’introduction de la requête et que plusieurs conditions fixées par le paragraphe 2 de l’article XXI du traité sont remplies n’étant pas contestés Différend s’étant élevé entre l’Iran et les Etats-Unis Différend n’ayant pu être réglé par la voie diplomatique Absence d’accord pour régler le différend par d’autres moyens pacifiques.
Opposition des Parties sur la question de savoir si le différend a trait «à l’interprétation ou à l’application» du traité Cour notant qu’un différend particulier se fait souvent jour dans le cadre d’un désaccord plus large entre les parties Cour devant rechercher si les actes dont il est tiré grief entrent dans les prévisions du traité et si, par suite, le différend est de ceux dont elle est compétente pour connaître ratione materiae.
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Première exception d’incompétence : demandes de l’Iran découlant des mesures adoptées par les Etats-Unis pour bloquer les actifs iraniens, conformément au décret présidentiel no 13599.
Question de savoir si les mesures de blocage échappent au champ d’application du traité en vertu de l’alinéa c) du paragraphe 1 de l’article XX, qui dispose que le traité ne fera pas obstacle aux mesures règlementant la production ou le commerce des armes, des munitions et du matériel de guerre, et en vertu de l’alinéa d) du paragraphe 1 de ce même article, qui prévoit que le traité ne fera pas obstacle aux mesures nécessaires à la protection des intérêts vitaux sur le plan de la sécurité Cour ayant déjà observé que le traité ne contenait aucune disposition excluant expressément certaines matières de sa compétence Cour ayant déjà estimé que l’alinéa d) du paragraphe 1 de l’article XX ne restreignait pas sa compétence mais offrait seulement une défense au fond Aucune raison pour la Cour de s’écarter de ses conclusions antérieures Même interprétation s’appliquant également à l’alinéa c) du paragraphe 1 de l’article XX Première exception d’incompétence rejetée.
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Deuxième exception d’incompétence : demandes de l’Iran concernant les immunités souveraines.
Question de savoir si les demandes fondées sur le refus allégué d’accorder une immunité souveraine échappent à la compétence de la Cour — Examen par la Cour des dispositions du traité invoquées par l’Iran pour déterminer s’il peut être considéré que la question des immunités souveraines entre dans le champ d’application du traité.
Paragraphe 2 de l’article IV, qui garantit aux biens des ressortissants et des sociétés de chacun des Etats une protection et une sécurité en aucun cas inférieures aux normes fixées par le droit international Signification du membre de phrase «normes fixées par le droit international» «[D]roit international» en question étant, à la lumière de l’objet et du but du traité, celui qui définit le standard minimum de protection des biens qui appartiennent aux «ressortissants» et aux «sociétés» de l’une des parties exerçant des activités économiques sur le territoire de l’autre Contexte de l’article IV indiquant que cette disposition vise à garantir des droits et protections aux personnes physiques ou morales qui se livrent à des activités commerciales Disposition n’incorporant pas les règles coutumières relatives aux immunités souveraines.
Paragraphe 4 de l’article XI, qui exclut de l’immunité souveraine les entreprises qui sont propriété publique ou sous contrôle public de l’une ou l’autre Partie et qui exercent dans le territoire de l’autre Partie une activité commerciale ou industrielle Disposition n’affectant pas les immunités souveraines dont bénéficient, en vertu du droit international coutumier, les entités publiques lorsqu’elles exercent des activités de puissance publique Disposition ne garantissant pas implicitement, par une interprétation a contrario, l’immunité souveraine des entités publiques se livrant à des activités jure imperii Objet et but du traité corroborant cette interprétation Disposition n’incorporant pas les immunités souveraines.
Paragraphe 2 de l’article III, qui garantit libre accès aux tribunaux de l’autre Etat dans des conditions non moins favorables que celles qui sont applicables aux ressortissants et sociétés de pays tiers Disposition n’étant pas liée aux immunités souveraines car la méconnaissance du
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droit international en la matière ne serait pas susceptible d’avoir une incidence sur le respect du paragraphe 2 de l’article III Disposition ne visant pas à garantir des droits substantiels ou procéduraux qu’une société entendrait faire valoir devant les tribunaux — Rien dans le sens ordinaire et le contexte de cette disposition, à la lumière de l’objet et du but du traité, ne suggérant que celle-ci comporte une obligation de respecter les immunités souveraines.
Paragraphe 1 de l’article IV, qui concerne le traitement juste et équitable accordé aux ressortissants et aux sociétés des deux Parties et interdit les mesures arbitraires ou discriminatoires Raisonnement analogue à celui qui a été suivi pour le paragraphe 2 de l’article IV Disposition n’englobant pas d’obligation de respecter les immunités souveraines.
Paragraphe 1 de l’article X, qui prévoit la liberté de commerce et de navigation Cour ayant déjà jugé que le terme «commerce» au sens du paragraphe 1 de l’article X incluait les échanges commerciaux en général, ne se limitait pas aux activités d’achat et de vente et recouvrait une grande variété de questions accessoires Terme ne pouvant néanmoins couvrir des questions ne présentant aucun lien ou un lien trop ténu avec les relations commerciales entre les Parties Violation des immunités souveraines dont certaines entités publiques bénéficieraient dans l’exercice d’activités jure imperii ne pouvant entraver la liberté de commerce et, par suite, n’entrant pas dans le champ de cette disposition.
Demandes fondées sur des violations alléguées d’immunités souveraines n’entrant pas dans le champ de la clause compromissoire du traité et Cour n’ayant pas compétence pour les examiner Deuxième exception d’incompétence accueillie.
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Troisième exception d’incompétence : demandes de l’Iran se rapportant à des violations alléguées des articles III, IV et V du traité en ce qui concerne la banque Markazi.
Droits et protections garantis par les articles III, IV et V aux «sociétés» d’une partie contractante Définition d’une «société» énoncée au paragraphe 1 de l’article III Entité devant s’être vu conférer une personnalité juridique propre par le droit de l’Etat où elle a été créée Définition ne faisant pas de différence entre entreprises privées et entreprises publiques Banque Markazi possédant une personnalité juridique propre, conférée par la loi monétaire et bancaire iranienne Banque Markazi ne pouvant être exclue de la catégorie des «sociétés» au sens du traité au seul motif qu’elle est intégralement la propriété de l’Iran.
Définition du terme «société» énoncée au paragraphe 1 de l’article III devant être lue dans son contexte et à la lumière de l’objet et du but du traité Traité visant à accorder des protections aux sociétés exerçant des activités de nature commerciale — Question de savoir si la banque Markazi est une «société» devant être déterminée par référence à la nature de ses activités Entité exerçant exclusivement des activités de souveraineté ne pouvant se voir attribuer la qualification de «société» Rien ne permettant d’exclure qu’une même entité exerce à la fois des activités commerciales et souveraines.
Question de la nature des activités de la banque Markazi aux Etats-Unis Loi monétaire et bancaire iranienne n’ayant pas été discutée en détail par les Parties Cour ne disposant pas de
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tous les éléments nécessaires pour déterminer si les activités exercées par la banque Markazi à l’époque pertinente permettraient de caractériser une «société» au sens du traité Nature largement factuelle de ces éléments, en lien étroit avec le fond Troisième exception d’incompétence ne présentant pas, dans les circonstances de l’espèce, un caractère exclusivement préliminaire.
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Exceptions d’irrecevabilité : abus de procédure et absence de «mains propres».
Abus de procédure — Exception initialement qualifiée d’«abus de droit» par les Etats-Unis — Fait que l’exception ait été requalifiée à l’audience d’«abus de procédure» ne constituant pas une nouvelle exception — Cour ne pouvant rejeter pour abus de procédure une demande fondée sur une base de compétence valable que dans des circonstances exceptionnelles —Absence de circonstances exceptionnelles en l’espèce.
Absence de «mains propres» — Cour relevant que les Etats-Unis n’ont pas soutenu que l’Iran aurait violé le traité Cour n’ayant pas à prendre position sur la doctrine des «mains propres», fait, même avéré, que le comportement du demandeur n’était pas exempt de critique n’étant pas suffisant pour accueillir l’exception d’irrecevabilité fondée sur l’absence de «mains propres» Conclusion étant sans préjudice de la question de savoir si les allégations des Etats-Unis pourraient servir, le cas échéant, de défense au fond.
Exceptions d’irrecevabilité rejetées.
ARRÊT
Présents : M. YUSUF, président ; MME XUE, vice-présidente ; MM. TOMKA, ABRAHAM, BENNOUNA, CANÇADO TRINDADE, GAJA, BHANDARI, ROBINSON, CRAWFORD, GEVORGIAN, SALAM, IWASAWA, juges ; MM. BROWER, MOMTAZ, juges ad hoc ; M. COUVREUR, greffier.
En l’affaire relative à certains actifs iraniens,
entre
la République islamique d’Iran,
représentée par
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M. Mohsen Mohebi, conseiller en droit international auprès du président de la République islamique d’Iran et président du centre des affaires juridiques internationales, professeur associé en droit international public et arbitrage à l’Université Azad de Téhéran (département de la science et de la recherche),
comme agent, conseil et avocat ;
M. Mohammad H. Zahedin Labbaf, agent de la République islamique d’Iran près le Tribunal des réclamations irano-américaines, directeur du centre des affaires juridiques internationales de la République islamique d’Iran, La Haye,
comme coagent et conseil ;
M. Vaughan Lowe, QC, membre du barreau d’Angleterre, Essex Court Chambers, professeur émérite de droit international à l’Université d’Oxford, membre de l’Institut de droit international,
M. Alain Pellet, professeur émérite à l’Université Paris Nanterre, ancien membre et ancien président de la Commission du droit international, membre de l’Institut de droit international,
M. Jean-Marc Thouvenin, professeur à l’Université Paris Nanterre, secrétaire général de l’Académie de droit international de La Haye, membre du barreau de Paris, Sygna Partners,
M. Samuel Wordsworth, QC, membre des barreaux d’Angleterre et de Paris, Essex Court Chambers,
M. Sean Aughey, membre du barreau d’Angleterre, 11KBW,
M. Luke Vidal, membre du barreau de Paris, Sygna Partners,
Mme Philippa Webb, professeure associée au King’s College (Londres), membre des barreaux d’Angleterre et de New York, 20 Essex Street Chambers,
comme conseils et avocats ;
M. Jean-Rémi de Maistre, doctorant, Centre de droit international de Nanterre,
M. Romain Piéri, membre du barreau de Paris, Sygna Partners,
comme conseils ;
M. Hadi Azari, conseiller juridique auprès du centre des affaires juridiques internationales de la République islamique d’Iran, professeur adjoint de droit international public à l’Université Kharazmi,
M. Ebrahim Beigzadeh, conseiller juridique principal auprès du centre des affaires juridiques internationales de la République islamique d’Iran, professeur de droit international public à l’Université Shahid Beheshti,
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M. Mahdad Fallah Assadi, conseiller juridique auprès du centre des affaires juridiques internationales de la République islamique d’Iran,
M. Mohammad Jafar Ghanbari Jahromi, vice-président du centre des affaires juridiques internationales de la République islamique d’Iran, professeur associé de droit international public à l’Université Shahid Beheshti,
M. Mohammad H. Latifian, conseiller juridique auprès du centre des affaires juridiques internationales de la République islamique d’Iran,
comme conseillers juridiques,
et
les Etats-Unis d’Amérique,
représentés par
M. Richard C. Visek, premier conseiller juridique adjoint, département d’Etat des Etats-Unis d’Amérique,
comme agent, conseil et avocat ;
M. Paul B. Dean, conseiller juridique, ambassade des Etats-Unis d’Amérique au Royaume des Pays-Bas,
M. David M. Bigge, conseiller juridique adjoint, ambassade des Etats-Unis d’Amérique au Royaume des Pays-Bas,
comme agents adjoints et conseils ;
sir Daniel Bethlehem, QC, membre du barreau d’Angleterre, 20 Essex Street Chambers,
Mme Laurence Boisson de Chazournes, professeure de droit international, Université de Genève ; membre associé de l’Institut de droit international,
M. Donald Earl Childress III, conseiller en droit international, département d’Etat des Etats-Unis d’Amérique,
Mme Lisa J. Grosh, conseillère juridique adjointe, département d’Etat des Etats-Unis d’Amérique,
M. John D. Daley, conseiller juridique adjoint de deuxième classe, département d’Etat des Etats-Unis d’Amérique,
Mme Emily J. Kimball, avocate conseil, département d’Etat des Etats-Unis d’Amérique,
comme conseils et avocats ;
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Mme Terra L. Gearhart-Serna, avocate conseil, département d’Etat des Etats-Unis d’Amérique,
Mme Catherine L. Peters, avocate conseil, département d’Etat des Etats-Unis d’Amérique,
Mme Shubha Sastry, avocate conseil, département d’Etat des Etats-Unis d’Amérique,
M. Niels A. Von Deuten, avocat conseil, département d’Etat des Etats-Unis d’Amérique,
comme conseils ;
M. Guillaume Guez, assistant, faculté de droit de l’Université de Genève,
M. John R. Calopietro, coordinateur de l’assistance juridique, département d’Etat des Etats-Unis d’Amérique,
Mme Mariama N. Yilla, assistante juridique, département d’Etat des Etats-Unis d’Amérique,
Mme Abby L. Lounsberry, assistante juridique, département d’Etat des Etats-Unis d’Amérique,
Mme Catherine I. Gardner, assistante, ambassade des Etats-Unis d’Amérique au Royaume des Pays-Bas,
comme assistants,
LA COUR,
ainsi composée,
après délibéré en chambre du conseil,
rend l’arrêt suivant :
1. Le 14 juin 2016, le Gouvernement de la République islamique d’Iran (ci-après l’«Iran») a déposé au Greffe de la Cour une requête introductive d’instance contre les Etats-Unis d’Amérique (ci-après les «Etats-Unis») au sujet d’un différend concernant de prétendues violations par les Etats-Unis du traité d’amitié, de commerce et de droits consulaires signé par les deux Etats à Téhéran le 15 août 1955 et entré en vigueur le 16 juin 1957 (ci-après le «traité d’amitié» ou le «traité»).
2. Dans sa requête, l’Iran entend fonder la compétence de la Cour sur le paragraphe 1 de l’article 36 du Statut de la Cour et le paragraphe 2 de l’article XXI du traité d’amitié.
3. Conformément au paragraphe 2 de l’article 40 du Statut, la requête a été immédiatement communiquée au Gouvernement des Etats-Unis ; conformément au paragraphe 3 du même article, tous les Etats admis à ester devant la Cour ont été informés du dépôt de la requête.
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4. Par lettres en date du 23 juin 2016, le greffier a informé les deux Parties que, se référant au paragraphe 1 de l’article 24 du Statut, le membre de la Cour de nationalité américaine avait fait part à la Cour de son intention de ne pas participer au jugement de l’affaire. Conformément à l’article 31 du Statut et au paragraphe 1 de l’article 37 du Règlement de la Cour, les Etats-Unis ont désigné M. David Caron pour siéger en qualité de juge ad hoc en l’affaire. M. le juge Caron étant décédé le 20 février 2018, les Etats-Unis ont désigné M. Charles Brower pour siéger en qualité de juge ad hoc en l’affaire.
5. La Cour ne comptant sur le siège aucun juge de nationalité iranienne, l’Iran s’est prévalu du droit que lui confère le paragraphe 2 de l’article 31 du Statut de procéder à la désignation d’un juge ad hoc pour siéger en l’affaire ; il a désigné M. Djamchid Momtaz.
6. Par ordonnance du 1er juillet 2016, la Cour a fixé au 1er février 2017 et au 1er septembre 2017, respectivement, les dates d’expiration du délai pour le dépôt du mémoire de l’Iran et du contre-mémoire des Etats-Unis. L’Iran a déposé son mémoire dans le délai ainsi prescrit.
7. Par lettre du 30 mars 2017, les Etats-Unis, invoquant l’article 49 du Statut et les articles 50 et 62 du Règlement, ont prié la Cour d’ordonner à l’Iran de produire ou de rendre accessibles «certains documents ayant trait aux allégations qu’il a[vait] formulées à l’encontre des Etats-Unis d’Amérique, qui ne figur[aient] pas dans les annexes de son mémoire et que le défendeur ne p[ouvait] consulter», en particulier, les pièces de procédure et documents y afférents qui avaient été déposés confidentiellement auprès du tribunal fédéral du district sud de l’état de New York en l’affaire Deborah Peterson et al. v. Islamic Republic of Iran (ci-après l’«affaire Peterson»).
Par une seconde lettre du 30 mars 2017, les Etats-Unis ont demandé à la Cour que la date d’expiration du délai dans lequel il leur était permis de présenter des exceptions préliminaires soit repoussée jusqu’au 16 juin 2017 ou jusqu’à une date suivant d’au moins 45 jours l’obtention par eux des documents relatifs à l’affaire Peterson.
Par lettre du 12 avril 2017, l’Iran s’est opposé à ces deux demandes.
Par lettres du 19 avril 2017, le greffier a informé les Parties que, à ce stade de la procédure, la Cour avait décidé de ne pas user des pouvoirs que lui confère l’article 49 de son Statut de demander à l’Iran de produire les documents relatifs à l’affaire Peterson et que, en conséquence, elle avait également décidé de rejeter la demande de prorogation du délai prévu pour le dépôt d’exceptions préliminaires.
Par lettre du 1er mai 2017, les Etats-Unis ont informé la Cour qu’ils entendaient engager une procédure auprès du tribunal fédéral concerné en vue d’obtenir l’accès aux documents relatifs à l’affaire Peterson et qu’ils s’attacheraient à lui présenter tout autre document pertinent.
8. Le 1er mai 2017, dans le délai fixé au paragraphe 1 de l’article 79 du Règlement, les Etats-Unis ont présenté des exceptions préliminaires d’irrecevabilité de la requête et d’incompétence de la Cour. En conséquence, par ordonnance du 2 mai 2017, le président de la Cour, constatant qu’en vertu des dispositions du paragraphe 5 de l’article 79 du Règlement la
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procédure sur le fond était suspendue, a fixé au 1er septembre 2017 la date d’expiration du délai dans lequel l’Iran pouvait présenter un exposé écrit contenant ses observations et conclusions sur les exceptions préliminaires soulevées par les Etats-Unis. L’Iran a déposé un tel exposé dans le délai ainsi fixé, et l’affaire s’est alors trouvée en état pour ce qui est des exceptions préliminaires.
9. Par lettre du 24 août 2017, les Etats-Unis ont informé la Cour que le tribunal fédéral saisi de l’affaire Peterson avait enjoint les parties de soumettre des versions publiques des documents auxquels ils avaient demandé l’accès (voir paragraphe 7 ci-dessus), et ont annoncé leur intention de soumettre celles-ci à la Cour, ajoutant qu’elles constitueraient des publications «facilement accessibles» au sens du paragraphe 4 de l’article 56 du Règlement.
Par lettre du 30 août 2017, l’Iran a pris acte de la teneur de la lettre des Etats-Unis en date du 24 août 2017 et indiqué qu’il entendait réserver l’ensemble de ses droits, en particulier celui «de répondre à toute demande des Etats-Unis tendant à présenter de nouveaux éléments de preuve ou de nouvelles écritures s’y rapportant en dehors du calendrier fixé par la Cour».
Le 19 septembre 2017, les Etats-Unis ont déposé certains documents concernant l’affaire Peterson rendus publics le 31 août 2017. Dans une lettre d’accompagnement, ils ont précisé que ces documents étaient disponibles sur le site Internet du tribunal fédéral concerné et seraient également publiés sur le site Internet du département d’Etat des Etats-Unis.
Par lettre du 16 octobre 2017, l’Iran s’est opposé au dépôt des documents relatifs à l’affaire Peterson, affirmant que les Etats-Unis avaient agi en violation des paragraphes 3 à 8 de l’article 79 du Règlement de la Cour et que ces documents n’étaient pas accessibles au public.
Par lettre du 3 novembre 2017, les Etats-Unis ont confirmé qu’ils avaient placé les documents relatifs à l’affaire Peterson sur le site Internet de leur département d’Etat.
10. Par lettre du 3 octobre 2018, les Etats-Unis ont indiqué qu’ils estimaient nécessaire de verser quatre nouveaux documents au dossier de l’affaire. Compte tenu de la nature desdits documents et de l’absence d’objection de l’Iran, la Cour a décidé de faire droit à la demande des Etats-Unis.
11. Conformément au paragraphe 2 de l’article 53 du Règlement, la Cour, après s’être renseignée auprès des Parties, a décidé que des exemplaires des pièces de procédure, dont le mémoire de l’Iran, et des documents y annexés seraient rendus accessibles au public à l’ouverture de la procédure orale.
12. Des audiences publiques sur les exceptions préliminaires soulevées par les Etats-Unis se sont tenues du 8 au 12 octobre 2018, au cours desquelles ont été entendus en leurs plaidoiries et réponses :
Pour les Etats-Unis : M. Richard C. Visek,
Mme Lisa J. Grosh,
sir Daniel Bethlehem,
Mme Emily J. Kimball,
M. John D. Daley,
Mme Laurence Boisson de Chazournes,
M. Donald Earl Childress III.
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Pour l’Iran : M. Mohsen Mohebi,
M. Luke Vidal,
M. Vaughan Lowe,
Mme Philippa Webb,
M. Jean-Marc Thouvenin,
M. Samuel Wordsworth,
M. Sean Aughey,
M. Alain Pellet.
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13. Dans la requête, les demandes ci-après ont été formulées par la République islamique d’Iran :
«Sur la base de ce qui précède et tout en se réservant le droit de compléter, modifier ou reviser la présente requête au cours de la suite de la procédure en l’affaire, l’Iran prie respectueusement la Cour de dire, prescrire et juger :
a) qu’elle a compétence, en vertu du traité d’amitié, pour connaître du différend et statuer sur les demandes présentées par l’Iran ;
b) que, par leurs actes, notamment ceux exposés ci-dessus et en particulier : a) la non-reconnaissance du statut juridique distinct (notamment la personnalité juridique distincte) de toutes les sociétés iraniennes, parmi lesquelles la banque Markazi, b) le traitement injuste et discriminatoire de ces entités, ainsi que de leurs biens, lequel porte atteinte aux droits ou aux intérêts légalement acquis par celles-ci, dont l’exécution de leurs droits contractuels, c) le fait de ne pas assurer à ces entités et à leurs biens, de la manière la plus constante, une protection et une sécurité qui ne doivent en aucun cas être inférieures aux normes fixées par le droit international, d) l’expropriation des biens de ces entités, e) le fait de ne pas accorder à ces entités libre accès aux tribunaux des Etats-Unis, notamment en les privant des immunités que le droit international coutumier et les dispositions du traité d’amitié confèrent à l’Iran et aux sociétés lui appartenant, telle la banque Markazi, ainsi qu’à leurs biens, f) le non-respect du droit de ces entités d’acquérir et d’aliéner des biens, g) l’imposition à ces entités de restrictions en matière de paiements et autres transferts de fonds à destination ou en provenance des Etats-Unis, h) l’entrave à la liberté de commerce, les Etats-Unis ont manqué à leurs obligations envers l’Iran, notamment à celles que leur imposent les paragraphes 1 et 2 de l’article III, les paragraphes 1 et 2 de l’article IV, le paragraphe 1 de l’article V, le paragraphe 1 de l’article VII et le paragraphe 1 de l’article X du traité d’amitié ;
c) que les Etats-Unis doivent veiller à ce qu’aucune mesure ne soit prise sur la base des actes exécutifs et législatifs et décisions de justice (tels qu’énumérés plus haut) en cause dans la présente affaire et dont la Cour aura déterminé qu’ils sont incompatibles avec les obligations qui leur incombent envers l’Iran au titre du traité d’amitié ;
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d) que l’Iran et les sociétés propriété de l’Etat iranien jouissent de l’immunité de juridiction devant les tribunaux des Etats-Unis et à l’égard des procédures d’exécution dans ce pays, et que cette immunité doit être respectée par celui-ci (notamment ses tribunaux), dans la mesure établie par le droit international coutumier et exigée par le traité d’amitié ;
e) que les Etats-Unis (y compris leurs tribunaux) sont tenus de respecter le statut juridique (y compris la personnalité juridique distincte) de toutes les sociétés iraniennes, y compris celles qui appartiennent à l’Etat, telle la banque Markazi, et de leur accorder libre accès à leurs tribunaux, et qu’aucune mesure fondée sur les actes exécutifs et législatifs et décisions de justice (dont il a été fait état plus haut), qui emporte ou suppose la reconnaissance ou l’exécution desdits actes et décisions de justice, ne sera prise contre les actifs ou les intérêts de l’Iran, ni contre une entité ou un ressortissant iranien ;
f) que les Etats-Unis, pour avoir enfreint leurs obligations internationales, sont tenus de réparer intégralement le préjudice ainsi causé à l’Iran, selon un montant à déterminer par la Cour à un stade ultérieur de l’instance, l’Iran se réservant le droit d’introduire et de présenter à cette dernière, en temps utile, une évaluation précise des réparations dues par les Etats-Unis ;
g) toute autre mesure de réparation que la Cour jugerait appropriée.»
14. Au cours de la procédure écrite sur le fond, les conclusions ci-après ont été présentées au nom du Gouvernement de la République islamique d’Iran dans le mémoire :
«Sur la base de ce qui précède et tout en se réservant le droit de compléter ou de modifier les présentes demandes au cours de la procédure en l’affaire, l’Iran prie respectueusement la Cour de dire, prescrire et juger :
a) que la responsabilité internationale des Etats-Unis est engagée comme suit :
i) par leurs actes, notamment ceux exposés ci-dessus et en particulier la non-reconnaissance du statut juridique distinct (notamment la personnalité juridique distincte) de toutes les sociétés iraniennes, parmi lesquelles la banque Markazi, les Etats-Unis ont manqué à leurs obligations envers l’Iran, notamment à celles que leur impose le paragraphe 1 de l’article III du traité d’amitié ;
ii) par leurs actes, notamment ceux exposés ci-dessus et en particulier : a) le traitement injuste et discriminatoire de ces entités ainsi que de leurs biens, lequel porte atteinte aux droits ou aux intérêts légalement acquis par celles-ci, dont l’exécution de leurs droits contractuels, b) le fait de ne pas assurer à ces entités et à leurs biens, de la manière la plus constante, une protection et une sécurité qui ne doivent en aucun cas être inférieures aux normes fixées par le droit international, c) le fait d’exproprier ces entités de leurs biens et de ne pas leur accorder libre accès aux tribunaux des Etats-Unis, notamment en les privant des immunités que le droit international coutumier et les dispositions du traité d’amitié de 1955 confèrent à l’Iran et aux sociétés lui appartenant, parmi lesquelles la banque Markazi, ainsi qu’à leurs biens, d) le non-respect du droit de ces entités d’acquérir et d’aliéner des biens, les Etats-Unis ont
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manqué à leurs obligations envers l’Iran, notamment à celles que leur imposent le paragraphe 2 de l’article III, les paragraphes 1 et 2 de l’article IV, le paragraphe 1 de l’article V et le paragraphe 4 de l’article XI du traité d’amitié ;
iii) par leurs actes, notamment ceux exposés ci-dessus et en particulier : a) l’imposition à ces entités de restrictions en matière de paiements et autres transferts de fonds à destination ou en provenance des Etats-Unis, b) l’entrave à la liberté de commerce, les Etats-Unis ont manqué à leurs obligations envers l’Iran, notamment à celles que leur imposent le paragraphe 1 de l’article VII et le paragraphe 1 de l’article X du traité d’amitié ;
b) que les Etats-Unis doivent mettre fin à un tel comportement et donner à l’Iran l’assurance qu’ils ne répéteront pas leurs actes illicites ;
c) que les Etats-Unis doivent veiller à ce qu’aucune mesure ne soit prise sur la base des actes exécutifs et législatifs et décisions de justice (tels qu’énumérés plus haut) en cause dans la présente affaire et dont la Cour aura déterminé qu’ils sont incompatibles avec les obligations qui leur incombent envers l’Iran au titre du traité d’amitié de 1955 ;
d) que les Etats-Unis doivent, en adoptant la législation appropriée ou en recourant à tout autre moyen de leur choix, veiller à ce que cessent de produire effet les décisions de leurs tribunaux ou d’autres autorités qui sont contraires, notamment, au droit des sociétés iraniennes au respect de leur statut juridique et au droit à l’immunité dont jouissent en vertu du traité d’amitié de 1955 et du droit international l’Iran et les sociétés lui appartenant, parmi lesquelles la banque Markazi ;
e) que l’Iran et les sociétés lui appartenant jouissent de l’immunité de juridiction devant les tribunaux des Etats-Unis et à l’égard des procédures d’exécution dans ce pays, et que cette immunité doit être respectée par les Etats-Unis (y compris leurs tribunaux), dans la mesure exigée par le traité d’amitié de 1955 et le droit international ;
f) que les Etats-Unis (y compris leurs tribunaux) sont tenus de respecter le statut juridique (notamment la personnalité juridique distincte) de toutes les sociétés iraniennes, dont celles appartenant à l’Etat iranien, telle la banque Markazi, et de leur accorder libre accès à leurs tribunaux, et qu’aucune mesure fondée sur les actes exécutifs et législatifs et décisions de justice (dont il a été fait état plus haut), qui emporte ou suppose la reconnaissance ou l’exécution desdits actes et décisions de justice, ne sera prise contre les actifs ou les intérêts de l’Iran ou de toute société iranienne ;
g) que les Etats-Unis, pour avoir enfreint leurs obligations internationales, sont tenus de réparer intégralement le préjudice ainsi causé à l’Iran, sous une forme et selon un montant à déterminer par la Cour à un stade ultérieur de l’instance, l’Iran se réservant le droit d’introduire et de présenter à cette dernière, en temps utile, une évaluation précise des réparations dues par les Etats-Unis ;
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h) toute autre mesure de réparation que la Cour jugerait appropriée.»
15. Les conclusions ci-après ont été présentées au nom du Gouvernement des Etats-Unis d’Amérique dans les exceptions préliminaires :
«A la lumière de ce qui précède, les Etats-Unis d’Amérique prient la Cour d’accueillir les exceptions soulevées ci-dessus quant à la recevabilité des demandes de l’Iran et à la compétence de la Cour, et de décliner sa compétence. Les Etats-Unis demandent spécifiquement que la Cour :
a) rejette dans leur intégralité les demandes de l’Iran comme étant irrecevables ;
b) rejette comme échappant à la compétence de la Cour toutes les demandes alléguant que les mesures adoptées par les Etats-Unis avec pour effet de bloquer ou geler les actifs de l’Etat iranien ou des institutions financières iraniennes (telles que définies dans le décret présidentiel no 13599) contreviennent aux dispositions du traité ;
c) rejette comme échappant à la compétence de la Cour toutes les demandes, quelle que soit la disposition du traité d’amitié sur laquelle elles sont fondées, reposant sur le refus supposé des Etats-Unis d’accorder à l’Etat iranien, à la banque Markazi ou à des entités propriété de l’Etat iranien, une immunité étatique et/ou d’exécution ;
d) rejette comme échappant à sa compétence toute demande se rapportant à des violations supposées des articles III, IV et V du traité reposant sur le traitement accordé à l’Etat iranien ou à la banque Markazi.»
16. Les conclusions ci-après ont été présentées au nom du Gouvernement de la République islamique d’Iran dans ses observations et conclusions sur les exceptions préliminaires :
«Pour les raisons exposées ci-dessus, la République islamique d’Iran prie la Cour :
a) de rejeter les exceptions préliminaires soulevées par les Etats-Unis dans leurs conclusions en date du 1er mai 2017 ; et
b) de déclarer qu’elle a compétence pour connaître des demandes présentées par la République islamique d’Iran dans sa requête du 14 juin 2016, et de procéder à l’examen de celles-ci.»
17. Lors de la procédure orale sur les exceptions préliminaires, les conclusions ci-après ont été présentées par les Parties :
Au nom du Gouvernement des Etats-Unis d’Amérique,
à l’audience du 11 octobre 2018 :
«Pour les motifs exposés à l’audience et pour tous autres motifs que la Cour pourrait retenir, les Etats-Unis d’Amérique prient la Cour d’accueillir les exceptions
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soulevées dans leurs écritures et plaidoiries quant à la recevabilité des demandes de l’Iran et à la compétence de la Cour, et de se refuser à connaître de l’affaire. Les Etats-Unis demandent spécifiquement que la Cour :
a) rejette dans leur intégralité les demandes de l’Iran comme étant irrecevables ;
b) rejette comme échappant à sa compétence toutes les demandes alléguant que les mesures adoptées par les Etats-Unis avec pour effet de bloquer les biens et les droits et intérêts afférents à des biens de l’Etat iranien ou des institutions financières iraniennes (telles que définies dans le décret présidentiel no 13599 et les dispositions réglementaires portant application de celui-ci) contreviennent aux dispositions du traité ;
c) rejette comme échappant à sa compétence toutes les demandes, quelle que soit la disposition du traité d’amitié sur laquelle elles sont fondées, reposant sur le refus allégué des Etats-Unis d’accorder à l’Etat iranien, à la banque Markazi ou à des entités propriété de l’Etat iranien, une immunité souveraine ou d’exécution ;
d) rejette comme échappant à sa compétence toute demande se rapportant à des violations alléguées des articles III, IV et V du traité d’amitié reposant sur le traitement réservé à l’Etat iranien ou à la banque Markazi.»
Au nom du Gouvernement de la République islamique d’Iran,
à l’audience du 12 octobre 2018 :
«La République islamique d’Iran prie la Cour de dire et juger
a) que les exceptions préliminaires soulevées par les Etats-Unis sont rejetées dans leur intégralité ; et
b) qu’elle a compétence pour connaître des demandes présentées par la République islamique d’Iran dans sa requête du 14 juin 2016 et procéder à leur examen.»
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* *
I. CONTEXTE FACTUEL
18. La Cour rappelle que les Parties ont, le 15 août 1955, signé un «traité d’amitié, de commerce et de droits consulaires», qui est entré en vigueur le 16 juin 1957 (voir paragraphe 1 ci-dessus).
19. L’Iran et les Etats-Unis ont cessé d’entretenir des relations diplomatiques en 1980, à la suite de la révolution iranienne du début 1979 et de la prise de l’ambassade américaine à Téhéran le 4 novembre de la même année.
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20. En octobre 1983, le casernement des fusiliers marins américains («Marines») à Beyrouth (Liban) a été la cible d’un attentat à la bombe qui a tué 241 militaires américains faisant partie d’une force multinationale de maintien de la paix. Les Etats-Unis soutiennent que l’Iran est responsable de cet attentat, ainsi que d’actes de terrorisme et de violations du droit international commis par la suite ; l’Iran rejette ces allégations.
21. En 1984, les Etats-Unis ont désigné l’Iran en tant qu’«Etat soutenant le terrorisme», désignation qui a été maintenue jusqu’à ce jour.
22. En 1996, les Etats-Unis ont modifié leur loi sur l’immunité des Etats étrangers (Foreign Sovereign Immunities Act, ci-après la «FSIA») afin de priver les Etats désignés en tant qu’«Etats soutenant le terrorisme» d’immunité devant les juridictions américaines dans certaines affaires concernant des allégations de torture, d’exécution extrajudiciaire, de sabotage d’aéronef, de prise d’otages ou d’appui matériel en vue de la commission de tels actes (art. 1605, par. a), al. 7) de la FSIA) ; la nouvelle loi créait en outre des exceptions à l’immunité d’exécution applicables dans ces situations (art. 1610, par. a), al. 7), et art. 1610, par. b), al. 2), de la FSIA). Plusieurs actions ont alors été engagées contre l’Iran devant des juridictions américaines en relation avec des dommages découlant de décès et de préjudices corporels causés par des actes auxquels cet Etat aurait apporté son soutien, y compris financier. Elles ont notamment donné lieu à l’affaire Peterson, qui concernait l’attentat susmentionné contre le casernement américain à Beyrouth (voir paragraphe 20 ci-dessus). L’Iran a refusé de comparaître dans ces procès, au motif que la loi américaine constituait une violation du droit international sur les immunités de l’Etat.
23. En 2002, les Etats-Unis ont adopté la loi sur l’assurance contre les risques associés au terrorisme (Terrorism Risk Insurance Act, ci-après la «TRIA»), qui a établi certaines mesures d’exécution des décisions de justice rendues à la suite de la modification de la FSIA intervenue en 1996. En particulier, l’article 201 de la TRIA dispose, à titre de règle générale, que tout demandeur ayant obtenu gain de cause dans une affaire concernant un acte de terrorisme ou relevant du champ d’application de l’alinéa 7) du paragraphe a) de l’article 1605 de la FSIA peut obtenir des mesures d’exécution sur les actifs de la «partie terroriste» (dont la définition englobe notamment les Etats désignés en tant qu’«Etats soutenant le terrorisme») qui ont été bloqués par le Gouvernement américain — «y compris ceux de tout établissement ou organisme de [cette partie]» , ou procéder à leur saisie en vue de garantir l’exécution de telles décisions («attachment in aid of execution»).
24. En 2008, les Etats-Unis ont de nouveau modifié la FSIA, en élargissant entre autres les catégories d’actifs disponibles pour désintéresser les créanciers ayant obtenu gain de cause par voie judiciaire ; y ont notamment été inclus tous les biens des entités propriété de l’Etat iranien, qu’ils aient ou non été «bloqués» par le Gouvernement américain, et quel que fût le degré de contrôle exercé par l’Iran sur celles-ci (art. 1610, par. g) de la FSIA).
25. En 2012, le président des Etats-Unis a promulgué le décret présidentiel no 13599, qui a bloqué tous les actifs («property and interests in property») de l’Etat iranien, y compris ceux de la banque centrale iranienne (la banque Markazi) et des institutions financières appartenant à l’Iran ou contrôlées par celui-ci, dès lors que ces actifs se trouvent sur le territoire des Etats-Unis ou «en la possession ou sous le contrôle de toute personne des Etats-Unis, y compris toute succursale étrangère».
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26. En 2012 également, les Etats-Unis ont adopté la loi sur la réduction de la menace iranienne et les droits de l’homme en Syrie (Iran Threat Reduction and Syria Human Rights Act), dont l’article 502 a notamment assujetti les actifs de la banque Markazi aux mesures d’exécution ordonnées en application de décisions prononcées par défaut contre l’Iran en l’affaire Peterson. La banque Markazi a contesté la validité de cette disposition devant les juridictions américaines ; la Cour suprême des Etats-Unis en a finalement confirmé la constitutionnalité (Bank Markazi v. Peterson et al., U.S. Supreme Court, 20 April 2016, Supreme Court Reporter, vol. 136, p. 1310 (2016)).
27. A la suite des mesures prises par les Etats-Unis, les juridictions américaines ont prononcé de nombreux jugements par défaut condamnant l’Etat iranien et, dans certains cas, des entités détenues par lui, à d’importants dommages-intérêts. En outre, les actifs de l’Iran et d’entités propriété de l’Etat iranien, notamment la banque Markazi, font actuellement l’objet de procédures d’exécution dans diverses affaires, aux Etats-Unis ou ailleurs, ou ont d’ores et déjà été alloués à des créanciers ayant obtenu gain de cause par la voie judiciaire.
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28. Les Etats-Unis ont soulevé plusieurs exceptions préliminaires ayant trait à la compétence de la Cour et à la recevabilité de la requête. La Cour commencera par examiner les questions relatives à sa compétence.
II. COMPÉTENCE
29. L’Iran invoque comme base de compétence en la présente espèce le paragraphe 2 de l’article XXI du traité d’amitié, qui dispose que :
«Tout différend qui pourrait s’élever entre les Hautes Parties contractantes quant à l’interprétation ou à l’application du présent Traité et qui ne pourrait pas être réglé d’une manière satisfaisante par la voie diplomatique sera porté devant la Cour internationale de Justice, à moins que les Hautes Parties contractantes ne conviennent de le régler par d’autres moyens pacifiques.»
30. La Cour commencera par observer qu’il n’est pas contesté que le traité d’amitié était en vigueur à la date de l’introduction de la requête de l’Iran, soit le 14 juin 2016, et que la dénonciation du traité annoncée par les Etats-Unis le 3 octobre 2018 est sans effet sur la compétence de la Cour en la présente affaire. Il n’est pas non plus contesté que plusieurs conditions fixées par le paragraphe 2 de l’article XXI du traité sont remplies : un différend s’est élevé entre l’Iran et les Etats-Unis ; ce différend n’a pu être réglé par la voie diplomatique ; les deux Etats ne sont pas convenus de le régler par d’autres moyens pacifiques.
31. Les Parties s’opposent en revanche sur la question de savoir si le différend concernant les mesures américaines dont l’Iran tire grief est un différend «quant à l’interprétation ou à l’application» du traité d’amitié.
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32. La Cour rappelle que, dans sa requête déposée le 14 juin 2016, l’Iran indique que le différend entre les Parties concerne l’adoption par les Etats-Unis d’un ensemble de mesures qui ont eu de graves conséquences sur la capacité de l’Iran et de certaines sociétés iraniennes à exercer leur droit de disposer et de jouir de leurs biens, y compris ceux situés en dehors du territoire iranien et, en particulier, sur le territoire des Etats-Unis.
33. Dans ses écritures, l’Iran allègue en effet que, en ne reconnaissant pas le statut juridique distinct de la banque Markazi et d’autres sociétés iraniennes, les Etats-Unis ont violé le paragraphe 1 de l’article III du traité ; que, en refusant d’accorder à ces diverses sociétés l’immunité dont elles pourraient normalement se prévaloir, ils ont violé le paragraphe 2 de l’article III ainsi que le paragraphe 4 de l’article XI du traité ; que le traitement injuste et inéquitable appliqué par les Etats-Unis à ces diverses sociétés a emporté manquement aux obligations découlant du paragraphe 1 de l’article IV du traité ; qu’en n’assurant pas à ces sociétés et à leurs biens une protection et une sécurité de la manière la plus constante, les Etats-Unis ont également manqué à leurs obligations au titre du paragraphe 2 de l’article IV du traité ; qu’en ne respectant pas le droit de ces sociétés d’acquérir et d’aliéner des biens, les Etats-Unis ont violé le paragraphe 1 de l’article V du traité ; et que les restrictions imposées par les Etats-Unis aux transferts financiers ont interféré avec la liberté de commerce entre les territoires des parties au traité, en violation du paragraphe 1 de l’article VII et du paragraphe 1 de l’article X du traité.
34. Les Etats-Unis soutiennent que l’Iran ne recherche pas le règlement d’un différend juridique relatif aux dispositions de ce traité, mais qu’il tente d’impliquer la Cour dans «un affrontement stratégique de plus grande ampleur». Ils notent également que leurs actions dont l’Iran tire grief ne pourraient être séparées de leur contexte, à savoir des violations de longue date du droit international à l’égard des Etats-Unis et de leurs ressortissants et, en conséquence, la dégradation des rapports américano-iraniens.
35. Selon l’Iran, les Etats-Unis présentent le différend sous «un faux jour» en soutenant qu’il engloberait l’ensemble des rapports irano-américains depuis 1979. Dans ses plaidoiries, l’Iran a toutefois reconnu l’existence d’une histoire et de relations complexes entre les deux Parties, mais a soutenu que cela ne saurait empêcher les deux pays de rechercher le règlement pacifique de leurs différends par des moyens judiciaires.
36. Ainsi que la Cour l’a noté, les requêtes qui lui sont soumises portent souvent sur un différend particulier qui s’est fait jour dans le cadre d’un désaccord plus large entre les parties (Obligation de négocier un accès à l’océan Pacifique (Bolivie c. Chili), exception préliminaire, arrêt, C.I.J. Recueil 2015 (II), p. 604, par. 32 ; Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 85-86, par. 32 ; Actions armées frontalières et transfrontalières (Nicaragua c. Honduras), compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 1988, p. 91-92, par. 54 ; Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran (Etats-Unis d’Amérique c. Iran), arrêt, C.I.J. Recueil 1980, p. 19-20, par. 36-37). En l’espèce, elle doit rechercher si les actes dont l’Iran tire grief entrent dans les prévisions du traité d’amitié et si, par suite, le différend est de ceux dont elle est compétente pour connaître ratione materiae par application du paragraphe 2 de son article XXI (Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), exception préliminaire, arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 809-810, par. 16).
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37. La Cour examinera successivement les trois exceptions d’incompétence soulevées par les Etats-Unis.
A. Première exception d’incompétence
38. Selon la première exception d’incompétence, les Etats-Unis demandent que la Cour «rejette comme échappant à [l]a compétence [de la Cour] toutes les demandes alléguant que les mesures adoptées par les Etats-Unis avec pour effet de bloquer les biens et les droits et intérêts afférents à des biens de l’Etat iranien ou des institutions financières iraniennes (telles que définies dans le décret présidentiel no 13599 et les dispositions réglementaires portant application de celui-ci) contreviennent aux dispositions du traité». D’après eux, ces demandes échappent au champ d’application du traité en vertu des alinéas c) et d) du paragraphe 1 de son article XX.
39. Ces dispositions se lisent comme suit :
«1. Le présent traité ne fera pas obstacle à l’application de mesures :
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
c) [r]églementant la production ou le commerce des armes, des munitions et du matériel de guerre, ou le commerce d’autres produits lorsqu’il a pour but direct ou indirect d’approvisionner des unités militaires ;
d) [o]u nécessaires à l’exécution des obligations de l’une ou l’autre des Hautes Parties contractantes relatives au maintien ou au rétablissement de la paix et de la sécurité internationales ou à la protection des intérêts vitaux de cette Haute Partie contractante sur le plan de la sécurité.»
40. Les Etats-Unis affirment que, lorsque le paragraphe 1 de l’article XX du traité est invoqué, «la Cour n’est compétente que pour déterminer, à titre préalable, si les exclusions prévues par cette disposition s’appliquent à la mesure contestée». Si tel est le cas, la Cour n’a pas compétence à l’égard de toute demande fondée sur la mesure en cause. Les Etats-Unis ajoutent qu’il s’agit d’une exception d’incompétence qui est exclusivement préliminaire. Ils avancent à cet effet qu’il n’est point besoin que la Cour conclue sur le fond des demandes de l’Iran, en particulier en ce qui concerne l’alinéa c) du paragraphe 1 de l’article XX du traité, dont ils soulignent qu’il n’a pas été invoqué dans l’affaire des Plates-formes pétrolières, pour juger que le décret présidentiel no 13599 est exclu de la compétence de la Cour en vertu du paragraphe 1 de l’article XX du traité. Selon eux, la Cour doit se contenter d’observer que le décret présidentiel n° 13599 constitue une mesure qui réglemente le commerce des produits listés à l’alinéa c) du paragraphe 1 de l’article XX du traité.
41. En outre, selon les Etats-Unis, même si la Cour venait à considérer que le paragraphe 1 de l’article XX du traité ne saurait servir de base à une exception d’incompétence, il ne lui serait pas pour autant interdit d’examiner à titre préliminaire toute autre exception fondée sur cet article et cela sans traiter du fond. Les Etats-Unis soutiennent ainsi que la première exception qu’ils ont soulevée est une exception sur laquelle la Cour devrait rendre une décision avant que la procédure sur le fond se poursuive, conformément au paragraphe 1 de l’article 79 du Règlement de la Cour.
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42. Selon l’Iran, le paragraphe 1 de l’article XX du traité offre un moyen de défense potentiel sur le fond. Il soutient qu’une conduite qui pourrait constituer une violation du traité pourrait ainsi être excusée, et ajoute que l’interprétation de la disposition faite par les Etats-Unis est à la fois dépourvue de fondement textuel et contredite par la jurisprudence de la Cour. A l’appui de son argumentation, l’Iran cite, outre les arrêts rendus dans les affaires des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique) (fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 116, par. 222 et p. 136, par. 271) et des Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique) (exception préliminaire, arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 811, par. 20), l’ordonnance en indication de mesures conservatoires en date du 3 octobre 2018 en l’affaire des Violations alléguées du traité d’amitié, de commerce et de droits consulaires de 1955 (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique) (mesures conservatoires, ordonnance du 3 octobre 2018, par. 40-42).
43. Répondant à l’argument des Etats-Unis selon lequel la Cour n’a pas été appelée à considérer l’alinéa c) du paragraphe 1 de l’article XX du traité dans l’affaire des Plates-formes pétrolières, l’Iran affirme qu’il importe peu que les Etats-Unis invoquent un autre alinéa du même article dans la présente espèce.
44. L’Iran soutient également qu’en tout état de cause, l’exception soulevée par les Etats-Unis ne peut être considérée comme étant exclusivement préliminaire, mais qu’elle est intrinsèquement liée au fond dans la mesure où elle nécessite d’établir des allégations factuelles d’une extrême gravité que la Cour n’est pas à même de trancher à ce stade préliminaire de la procédure.
* *
45. La Cour rappelle qu’elle a déjà eu l’occasion d’observer dans son arrêt sur l’exception préliminaire en l’affaire des Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique) (exception préliminaire, arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 811, par. 20) et plus récemment dans son ordonnance en indication de mesures conservatoires en l’affaire des Violations alléguées du traité d’amitié, de commerce et de droits consulaires de 1955 (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique) (mesures conservatoires, ordonnance du 3 octobre 2018, par. 41) que le traité d’amitié ne contient aucune disposition excluant expressément certaines matières de sa compétence. Se référant à sa décision en l’affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique) (fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 116, par. 222 et p. 136, par. 271), la Cour a estimé que l’alinéa d) du paragraphe 1 de l’article XX «ne restrei[gnait] pas sa compétence» dans cette affaire «mais offr[ait] seulement aux Parties une défense au fond qu’il leur appartiendra[it], le cas échéant, de faire valoir le moment venu» (Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), exception préliminaire, arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 811, par. 20). La Cour ne voit aucune raison en l’espèce de s’écarter de ses conclusions antérieures.
46. De l’avis de la Cour, cette même interprétation s’applique également à l’alinéa c) du paragraphe 1 de l’article XX du traité dès lors qu’il n’existe, à cet égard, aucune raison pertinente pour le distinguer de l’alinéa d) du paragraphe 1 de l’article XX.
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47. La Cour conclut de ce qui précède que les alinéas c) et d) du paragraphe 1 de l’article XX ne restreignent pas sa compétence mais offrent seulement aux Parties une défense au fond.
La première exception d’incompétence soulevée par les Etats-Unis doit en conséquence être rejetée.
B. Deuxième exception d’incompétence
48. Par leur deuxième exception d’incompétence, les Etats-Unis demandent à la Cour de rejeter
«comme échappant à sa compétence toutes les demandes, quelle que soit la disposition du traité d’amitié sur laquelle elles sont fondées, reposant sur le refus allégué des Etats-Unis d’accorder à l’Etat iranien, à la banque Markazi ou à des entités propriété de l’Etat iranien, une immunité souveraine ou d’exécution».
49. En substance, les Etats-Unis soutiennent qu’il ressort du texte du traité d’amitié et de son contexte que ledit traité ne confère pas d’immunité aux Etats parties eux-mêmes ou à l’une quelconque de leurs entités étatiques. Les Etats-Unis relèvent qu’aucun des articles dont l’Iran invoque la violation au soutien de ses demandes ne fait mention de quelque protection en matière d’immunité de juridiction ou d’exécution. Ils soulignent que l’objet et le but du traité indiquent que celui-ci n’a pas vocation à régir de telles questions, mais concerne plutôt les rapports commerciaux et consulaires entre les deux pays. Selon le défendeur, ceci serait confirmé par les circonstances historiques dans lesquelles le traité a été adopté et l’absence de toute référence, dans les travaux préparatoires, aux questions liées aux immunités souveraines. Enfin, les Etats-Unis affirment que leur conclusion est étayée par la pratique ultérieure des parties au traité et plus particulièrement par le fait que, dans les affaires soumises aux juridictions américaines durant les décennies qui ont suivi l’entrée en vigueur du traité, l’Iran n’a invoqué aucune violation d’un droit à l’immunité souveraine qui serait protégé par le traité.
50. L’Iran ne conteste pas que le traité d’amitié ne comporte aucune clause qui conférerait directement et expressément une immunité de juridiction ou d’exécution aux Etats parties ou à leurs entités étatiques. Il soutient cependant que la prise en compte des immunités que le droit international général confère aux Etats et à certaines de leurs entités est une condition nécessaire pour que la Cour se prononce pleinement sur ses demandes relatives à la violation de diverses dispositions du traité d’amitié. En conséquence, d’après l’Iran, la compétence que lui confère le paragraphe 2 de l’article XXI du traité englobe celle de déterminer et d’appliquer les immunités en cause dans toute la mesure requise aux fins de décider si les dispositions invoquées par l’Iran ont été méconnues par les Etats-Unis.
51. Plus précisément, l’Iran s’appuie, au soutien de sa demande tendant au rejet de la deuxième exception d’incompétence, sur deux catégories de dispositions du traité d’amitié. Les unes se réfèrent au droit international en général ou au droit des immunités en particulier, et doivent être interprétées selon l’Iran comme incorporant au traité, au moins dans une certaine mesure, l’obligation de respecter les immunités souveraines garanties par le droit international : il s’agit du paragraphe 2 de l’article IV et du paragraphe 4 de l’article XI du traité. Les autres, bien que ne comportant aucun renvoi explicite au droit des immunités ou au droit international coutumier en général, impliquent nécessairement, selon l’Iran, afin d’être interprétées et appliquées pleinement, la prise en compte des immunités que le droit international confère aux Etats et à leurs entités : il s’agit du paragraphe 2 de l’article III, du paragraphe 1 de l’article IV et du paragraphe 1 de l’article X du traité.
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52. La Cour examinera ci-après chacune des dispositions ainsi invoquées par l’Iran, afin de déterminer si elle permet de considérer que la question des immunités souveraines entre dans le champ d’application ratione materiae du traité d’amitié.
1. Le paragraphe 2 de l’article IV du traité
53. Aux termes du paragraphe 2 de l’article IV du traité d’amitié :
«La protection et la sécurité des biens appartenant aux ressortissants et aux sociétés de l’une des Hautes Parties contractantes, y compris les participations dans des biens, seront assurées de la manière la plus constante dans les territoires de l’autre Haute Partie contractante, et ne seront inférieures en aucun cas aux normes fixées par le droit international. Lesdits biens ne pourront être expropriés que pour cause d’utilité publique et moyennant le paiement rapide d’une juste indemnité. Cette indemnité devra être fournie sous une forme aisément convertible en espèces et correspondre à la valeur intégrale des biens expropriés. Des dispositions adéquates devront être prises, au moment de la dépossession ou avant cette date, en vue de la fixation et du règlement de l’indemnité.»
54. L’Iran tire argument de la mention explicite que contient la première phrase du paragraphe précité aux «normes fixées par le droit international» pour prétendre que cette disposition incorpore par référence les normes du droit international coutumier relatives aux immunités souveraines à l’obligation qu’elle définit. Selon l’Iran, si les immunités dont jouissent l’Etat iranien et les entités qui en sont la propriété en vertu du droit international coutumier ont été méconnues par les Etats-Unis, ce qu’il soutient au fond, il en résulte que «[l]a protection et la sécurité des biens appartenant aux ressortissants et aux sociétés de l’une des Hautes Parties contractantes» n’ont pas été «assurées de la manière la plus constante» et n’ont pas été conformes à l’obligation de ne pas être «inférieures … aux normes fixées par le droit international» ; que, par suite, le paragraphe 2 de l’article IV a été méconnu par les Etats-Unis. La Cour étant compétente pour statuer sur la méconnaissance alléguée de toute disposition du traité, elle l’est donc aussi, selon l’Iran, pour appliquer le droit des immunités dans le contexte du paragraphe 2 de l’article IV.
55. Les Etats-Unis contestent cette interprétation. Selon eux, les «normes fixées par le droit international» auxquelles se réfère le paragraphe 2 de l’article IV concernent le standard minimum de traitement des biens étrangers dans l’Etat hôte, qui est une notion bien connue dans le domaine de la protection des investissements, et non de quelconques protections en matière d’immunités. Au surplus, le fait que ces garanties s’appliquent indifféremment aux sociétés privées (qui ne sauraient bénéficier d’immunités) et aux entités publiques confirmerait que la disposition en cause ne saurait être interprétée comme incluant des protections afférentes à la matière des immunités souveraines.
* *
56. Pour les besoins de la présente discussion, la Cour fera abstraction de la question de savoir si la banque Markazi constitue une «société» au sens du paragraphe 2 de l’article IV précité. Ce point sera abordé plus loin, dans le cadre de l’examen de la troisième exception
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d’incompétence. La question à laquelle la Cour doit répondre à présent est celle de savoir si, à supposer que cette entité constitue une «société» au sens du traité ce que contestent les Etats-Unis le paragraphe 2 de l’article IV fait obligation au défendeur de respecter l’immunité souveraine dont la banque Markazi ou les autres entités qui sont la propriété de l’Etat iranien, en cause dans la présente affaire, bénéficieraient en vertu du droit international coutumier.
57. La Cour constate, à cet égard, que l’interprétation proposée par l’Iran du membre de phrase qui se réfère, dans la disposition précitée, aux «normes fixées par le droit international», ne cadre pas avec l’objet et le but du traité d’amitié. Ainsi que cela ressort du préambule de ce traité, les parties ont entendu «encourager les échanges et les investissements mutuellement profitables et l’établissement de relations économiques plus étroites entre leurs peuples et … régler leurs relations consulaires». En outre, l’intitulé du traité ne suggère pas que les immunités souveraines entreraient dans l’objet et le but de l’instrument en cause. Ces immunités ne sauraient, par suite, être considérées comme incluses dans le paragraphe 2 de l’article IV (voir, par analogie, Immunités et procédures pénales (Guinée équatoriale c. France), exceptions préliminaires, arrêt du 6 juin 2018, par. 95). Le «droit international» dont il est question dans cette disposition est celui qui définit le standard minimum de protection des biens qui appartiennent aux «ressortissants» et aux «sociétés» de l’une des parties exerçant des activités économiques sur le territoire de l’autre, et non celui qui régit les protections dont bénéficient les entités étatiques en vertu du principe de l’égalité souveraine des Etats.
58. En outre, la disposition invoquée par l’Iran figurant au paragraphe 2 de l’article IV doit être replacée dans le contexte de l’article IV dans son ensemble. Le paragraphe 1 de cet article vise le «traitement juste et équitable» qui doit être accordé aux ressortissants et sociétés d’une partie par l’autre partie, ainsi que l’interdiction de toute «mesure arbitraire ou discriminatoire» susceptible de porter atteinte à leurs «droits ou … intérêts légalement acquis». La deuxième phrase du paragraphe 2 prévoit que les biens mentionnés dans la phrase précédente (ceux qui doivent être protégés dans des conditions qui ne soient pas inférieures aux normes fixées par le droit international) «ne pourront être expropriés que pour cause d’utilité publique et moyennant le paiement rapide d’une juste indemnité». Le paragraphe 4 concerne «[l]es entreprises que les ressortissants ou les sociétés de l’une des Hautes Parties contractantes sont autorisés à créer ou à acquérir dans les territoires de l’autre Haute Partie contractante». L’ensemble de ces dispositions indique nettement que l’article IV vise à garantir certains droits et protections minimales au bénéfice des personnes physiques ou morales qui se livrent à des activités de nature commerciale. On ne saurait donc l’interpréter comme incorporant par référence les règles coutumières relatives aux immunités souveraines.
2. Le paragraphe 4 de l’article XI du traité
59. Aux termes du paragraphe 4 de l’article XI du traité d’amitié :
«Aucune entreprise de l’une ou l’autre des Hautes Parties contractantes, qu’il s’agisse de sociétés, d’associations, d’administrations et d’agences publiques, qui est propriété publique ou sous contrôle public, ne pourra, si elle exerce dans les territoires de l’autre Haute Partie contractante une activité commerciale ou industrielle de
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quelque nature que ce soit, y compris le transport des marchandises, bénéficier ni prétendre bénéficier, dans lesdits territoires, pour elle-même ou pour ses biens, d’une exemption en matière d’impôts, de poursuites judiciaires, d’exécution des jugements ou d’obligations d’un autre ordre applicables aux entreprises qui sont propriété privée ou sous contrôle privé.»
60. L’Iran relève que cette disposition n’écarte toute «exemption» («immunity» dans le texte original anglais) que dans le cas des entreprises d’une partie contractante qui sont «propriété publique» ou «sous contrôle public» exerçant sur le territoire de l’autre partie «une activité commerciale ou industrielle». Il en déduit que la disposition en cause n’affecte pas l’immunité dont bénéficient, en vertu du droit international coutumier, les entités publiques qui exercent des activités de puissance publique, et qu’elle «implique clairement l’existence d’une obligation conventionnelle de respecter cette immunité».
61. Les Etats-Unis rejettent cette interprétation. Selon eux, le paragraphe 4 de l’article XI vise seulement à prévenir une concurrence déloyale de la part d’entreprises dont la propriété serait publique, en s’assurant qu’elles ne puissent se soustraire aux responsabilités auxquelles sont assujetties les entreprises privées avec lesquelles elles se trouvent en concurrence. Il est sans rapport avec la question des immunités dont bénéficient des entités publiques exerçant des activités jure imperii.
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62. La Cour constate, en accord sur ce point avec l’argument de l’Iran, que le paragraphe 4 de l’article XI, qui se borne à exclure toute «exemption» («immunity») pour les entreprises publiques se livrant à des activités de nature commerciale ou industrielle, n’affecte pas les immunités dont bénéficient en vertu du droit international coutumier les entités publiques qui exercent des activités jure imperii.
63. Cependant, l’Iran va plus loin en soutenant que cette disposition impose l’obligation implicite de respecter de telles immunités. Le demandeur se livre, à cet égard, à une lecture a contrario du paragraphe 4 de l’article XI, selon laquelle en n’excluant l’immunité que pour les entreprises publiques exerçant des activités commerciales ou industrielles, cette disposition viserait implicitement à garantir l’immunité souveraine des entités publiques lorsqu’elles exercent des activités jure imperii.
64. Ainsi que la Cour l’a dit précédemment,
«[l]’interprétation a contrario d’une disposition conventionnelle … a été employée tant par la Cour (voir, par exemple, Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), requête du Honduras à fin d’intervention, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (II), p. 432, par. 29) que par sa devancière, la Cour permanente de Justice internationale (Vapeur Wimbledon, arrêts, 1923, C.P.J.I. série A no 1, p. 23-24). Une telle interprétation ne peut toutefois être retenue que si elle se justifie à la lumière du libellé
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de l’ensemble des dispositions pertinentes, de leur contexte ainsi que de l’objet et du but du traité.» (Violations alléguées de droits souverains et d’espaces maritimes dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Colombie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2016 (I), p. 19, par. 37 ; Question de la délimitation du plateau continental entre le Nicaragua et la Colombie au-delà de 200 milles marins de la côte nicaraguayenne (Nicaragua c. Colombie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2016 (I), p. 116, par. 35.)
65. En l’espèce, la Cour ne saurait suivre l’interprétation soutenue par l’Iran. Que le paragraphe 4 de l’article XI laisse intégralement subsister, en ne les excluant pas, les immunités dont bénéficient, en vertu du droit coutumier, les entités étatiques quand elles exercent des activités jure imperii, est une chose. Qu’il ait pour effet de transformer le respect de telles immunités en une obligation conventionnelle, comme le prétend l’Iran, est une tout autre idée, que ni le texte ni le contexte de cette disposition ne vient corroborer.
Si le paragraphe 4 de l’article XI ne mentionne que les entreprises publiques qui exercent «une activité commerciale ou industrielle de quelque nature que ce soit, y compris le transport des marchandises», c’est parce que, conformément à l’objet et au but du traité, il ne s’intéresse qu’aux activités économiques, et cherche à préserver une concurrence équitable entre des agents économiques qui interviennent sur le même marché. La question des activités jure imperii est tout simplement étrangère aux préoccupations sous-jacentes à la rédaction du paragraphe 4 de l’article XI. Il n’est donc pas possible d’accueillir la thèse selon laquelle cette disposition incorpore les immunités souveraines au traité.
3. Le paragraphe 2 de l’article III du traité
66. Aux termes du paragraphe 2 de l’article III du traité d’amitié :
«En vue d’assurer une administration rapide et impartiale de la justice, chacune des Hautes Parties contractantes accordera, dans ses territoires, aux ressortissants et aux sociétés de l’autre Haute Partie contractante, libre accès aux tribunaux judiciaires et aux organismes administratifs, à tous les degrés de la juridiction, tant pour faire valoir que pour défendre leurs droits. En toute circonstance, elle leur assurera cet accès dans des conditions non moins favorables que celles qui sont applicables à ses propres ressortissants et sociétés ou ceux de tout pays tiers. Il est entendu que la même latitude sera donnée aux sociétés n’exerçant aucune activité dans le pays, sans qu’elles aient à se faire immatriculer ou à accomplir des formalités ayant pour objet de les assimiler aux sociétés nationales.»
67. Selon l’Iran, les immunités souveraines entrent en jeu de plusieurs manières lorsqu’il s’agit de déterminer ce qui relève du fond si les Etats-Unis ont respecté le «libre accès aux tribunaux judiciaires et aux organismes administratifs … tant pour faire valoir que pour défendre leurs droits» que garantit la disposition précitée «aux ressortissants et aux sociétés» de l’Iran.
La Cour devrait, selon l’Iran, déterminer si la suppression, par la législation américaine, du droit des entités iraniennes concernées d’invoquer en justice une défense fondée sur les immunités souveraines est conforme au droit international coutumier.
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Elle devrait, toujours selon l’Iran, tenir compte de toutes les règles pertinentes du droit international, parmi lesquelles le droit d’invoquer une immunité de juridiction dans le cadre d’une procédure judiciaire, afin d’apprécier ce que requiert un «libre accès» aux tribunaux au sens du paragraphe 2 de l’article III. L’Iran soutient qu’il a été porté atteinte au droit que lui confère cette disposition de se voir accorder un libre accès aux tribunaux américains dans des conditions non moins favorables que celles qui sont applicables aux ressortissants et sociétés d’Etats tiers. En effet, selon l’Iran, les entités de ces Etats exerçant des fonctions souveraines, et en particulier des banques centrales, ont la possibilité de faire valoir leur immunité devant lesdits tribunaux.
68. Les Etats-Unis contestent une telle interprétation, et soutiennent que le paragraphe 2 de l’article III n’a pas pour objet d’accorder des droits particuliers sur le fond ou des garanties substantielles quant aux moyens de défense qui pourraient être invoqués devant les tribunaux de l’autre partie par les «ressortissants» ou les «sociétés» d’une partie, mais seulement de permettre l’accès auxdits tribunaux. De même, la liberté d’accès aux tribunaux n’implique aucune garantie que certaines entités ne puissent être poursuivies en justice ou que leurs biens soient insaisissables.
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69. En supposant pour les besoins du raisonnement, comme précédemment (voir paragraphe 56 ci-dessus), que la banque Markazi constitue une «société» question qui sera examinée plus loin la Cour doit rechercher à présent si la violation alléguée des immunités dont cette banque et les autres entités publiques iraniennes en cause bénéficieraient en vertu du droit international coutumier emporterait, si elle était établie, violation du droit au «libre accès aux tribunaux» garanti par cette disposition. C’est seulement si cette question devait recevoir une réponse affirmative qu’il pourrait être conclu que l’application du paragraphe 2 de l’article III implique un examen par la Cour de la question des immunités souveraines, et qu’un tel examen relève donc, dans cette mesure, de sa compétence telle que définie par la clause compromissoire du traité d’amitié.
70. La Cour n’est pas convaincue qu’il existe entre la question des immunités souveraines et le droit garanti par le paragraphe 2 de l’article III un lien de la nature de celui qu’allègue l’Iran.
Il est vrai que le simple fait que le paragraphe 2 de l’article III ne mentionne pas les immunités souveraines, et qu’il ne comporte pas non plus de renvoi aux règles du droit international général, ne suffit pas à exclure la question des immunités du champ d’application ratione materiae de la disposition en cause. Mais encore faudrait-il, pour que la question soit pertinente, que la méconnaissance du droit international en matière d’immunités soit susceptible d’avoir quelque incidence sur le respect du droit garanti par le paragraphe 2 de l’article III.
Tel n’est pas le cas. La disposition en cause ne vise pas à garantir des droits substantiels, ni même des droits procéduraux qu’une société d’une partie contractante entendrait faire valoir devant les tribunaux et autorités de l’autre partie, mais seulement à protéger la possibilité pour une telle société d’accéder à ces tribunaux ou autorités en vue de faire valoir les droits (substantiels ou procéduraux) qu’elle prétend posséder. Le libellé du paragraphe 2 de l’article III n’oriente pas vers
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l’interprétation extensive suggérée par l’Iran. Les droits qui y sont garantis le sont «[e]n vue d’assurer une administration rapide et impartiale de la justice». L’accès aux tribunaux d’une partie contractante doit être assuré «dans des conditions non moins favorables» que celles qui sont applicables aux ressortissants et sociétés de cette partie elle-même, «ou à ceux de tout pays tiers». Rien dans les termes du paragraphe 2 de l’article III, suivant leur sens ordinaire dans leur contexte et à la lumière de l’objet et du but du traité d’amitié, ne suggère ni n’indique que l’obligation de garantir aux «sociétés» iraniennes le libre accès aux tribunaux américains impliquerait celle de respecter les immunités que le droit international coutumier accorderait si tel était le cas à certaines de ces entités. Les deux questions sont nettement distinctes.
4. Le paragraphe 1 de l’article IV du traité
71. L’Iran invoque également le paragraphe 1 de l’article IV du traité d’amitié, qui dispose que :
«Chacune des Hautes Parties contractantes accordera en tout temps un traitement juste et équitable aux ressortissants et aux sociétés de l’autre Haute Partie contractante, ainsi qu’à leurs biens et à leurs entreprises; elle ne prendra aucune mesure arbitraire ou discriminatoire pouvant porter atteinte à leurs droits ou à leurs intérêts légalement acquis et, en conformité des lois applicables en la matière, elle assurera des voies d’exécution efficaces à leurs droits contractuels légitimement nés.»
72. Selon l’Iran, la suppression par les Etats-Unis des immunités souveraines dont bénéficient en vertu du droit international coutumier les entités étatiques iraniennes en cause est susceptible de constituer une violation de l’obligation d’accorder un «traitement juste et équitable» et de s’abstenir de toute «mesure arbitraire ou discriminatoire» au sens du paragraphe 1 de l’article IV. La Cour serait donc compétente pour rechercher si le droit international des immunités a été respecté, en vue de déterminer si les Etats-Unis se sont conformés aux exigences du paragraphe 1 de l’article IV.
73. Les Etats-Unis contestent ce point de vue. Selon eux, le paragraphe 1 de l’article IV, qui est une disposition classique dans les traités «d’amitié, de commerce et de navigation», vise à accorder certaines protections aux ressortissants et sociétés d’un Etat dans l’exercice d’activités privées ou professionnelles, de nature commerciale, sur le territoire de l’autre. Il ne concerne pas les entités exerçant des activités souveraines.
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74. Pour des raisons analogues à celles qu’elle a exposées plus haut à propos de l’invocation par l’Iran du paragraphe 2 de l’article IV du traité d’amitié (voir paragraphe 58 ci-dessus), la Cour ne considère pas que les exigences du paragraphe 1 de l’article IV englobent une obligation de respecter les immunités souveraines de l’Etat et de celles de ses entités qui peuvent prétendre à de telles immunités en vertu du droit international coutumier. Elle ne saurait donc accueillir sur ce point l’argumentation de l’Iran selon laquelle la question des immunités souveraines relève du champ d’application ratione materiae de cette disposition, et par suite de la compétence de la Cour en vertu de la clause compromissoire du traité d’amitié.
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5. Le paragraphe 1 de l’article X du traité
75. Le paragraphe 1 de l’article X du traité d’amitié, dispose qu’«[i]l y aura liberté de commerce et de navigation entre les territoires des deux Hautes Parties contractantes».
76. Selon l’Iran, la compétence de la Cour pour se prononcer sur la question de savoir si les Etats-Unis ont respecté la «liberté de commerce» garantie par le paragraphe 1 de l’article X implique celle de déterminer si les immunités souveraines garanties par le droit international coutumier ont été respectées et, dans la négative, si et dans quelle mesure la liberté de commerce a pu s’en trouver entravée.
77. Les Etats-Unis relèvent que la «liberté de commerce» mentionnée au paragraphe 1 de l’article X s’inscrit dans un article consacré aux questions relatives au traitement des navires, de leur cargaison et de leurs produits. Le défendeur en déduit que cette notion se réfère au commerce proprement dit ainsi qu’aux activités accessoires qui lui seraient directement liées, mais qu’elle ne saurait couvrir la protection des immunités souveraines.
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78. La Cour rappelle que, dans son arrêt sur l’exception préliminaire en l’affaire des Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique) (exception préliminaire, arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 803), elle a eu à se prononcer sur la portée de la notion de «liberté de commerce» au sens du paragraphe 1 de l’article X du traité d’amitié, en vue de déterminer si le différend opposant les parties entrait dans le champ de cette disposition.
Elle a indiqué à cette occasion que le mot «commerce» au sens de la disposition en cause ne vise pas seulement le commerce maritime, mais les échanges commerciaux en général ; qu’au surplus, le mot «commerce», tant dans son acception usuelle que dans son sens juridique, ne se limite pas aux seules activités d’achat et de vente ; que les traités de commerce règlent une grande variété de questions accessoires liées au commerce, telles que le droit de fonder et d’exploiter des entreprises, la protection contre les voies de fait, l’acquisition et la jouissance des biens, etc. (ibid., p. 818-819, par. 45-46). La Cour a conclu qu’«il serait naturel d’interpréter le mot «commerce» au paragraphe 1 de l’article X du traité de 1955 comme incluant des activités commerciales en général non seulement les activités mêmes d’achat et de vente, mais également les activités accessoires qui sont intrinsèquement liées au commerce» (ibid., p. 819, par. 49).
79. La Cour ne voit aucune raison de s’écarter à présent de l’interprétation de la notion de «liberté de commerce» qu’elle avait retenue dans l’affaire précitée. Néanmoins, même ainsi comprise, la liberté de commerce ne saurait couvrir des questions qui ne présentent aucun lien, ou qui présentent un lien trop ténu, avec les relations commerciales entre les Etats parties au traité. A cet égard, la Cour n’est pas convaincue que la violation des immunités souveraines dont certaines entités publiques bénéficieraient en vertu du droit international dans l’exercice de leurs activités
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jure imperii soit susceptible d’entraver la liberté de commerce, qui concerne par définition des activités d’une nature différente. Par suite, les violations des immunités souveraines alléguées par l’Iran n’entrent pas dans le champ du paragraphe 1 de l’article X du traité.
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80. La Cour conclut de tout ce qui précède qu’aucune des dispositions dont l’Iran invoque la violation et qui permettraient selon lui de faire entrer dans le champ de la compétence de la Cour la question du respect par les Etats-Unis des immunités dont bénéficieraient certaines entités publiques iraniennes, n’est de nature à fonder une telle conclusion.
Par suite, elle constate que les demandes de l’Iran qui sont fondées sur la violation alléguée des immunités souveraines garanties par le droit international coutumier ne se rapportent pas à l’interprétation ou à l’application du traité d’amitié et, en conséquence, ne se trouvent pas dans le champ de la clause compromissoire du paragraphe 2 de l’article XXI. Il en résulte que la Cour n’a pas compétence pour examiner les demandes de l’Iran en ce qu’elles concernent la prétendue violation des règles de droit international en matière d’immunités souveraines.
Il y a donc lieu d’accueillir la deuxième exception d’incompétence soulevée par les Etats˗Unis.
C. Troisième exception d’incompétence
81. Par leur troisième exception d’incompétence, les Etats-Unis demandent à la Cour de rejeter «comme échappant à sa compétence toute demande se rapportant à des violations alléguées des articles III, IV et V du traité d’amitié reposant sur le traitement réservé à l’Etat iranien ou à la banque Markazi».
82. Les Etats-Unis soutiennent que la banque Markazi n’est pas une «société» aux fins des articles III, IV et V du traité d’amitié, au motif que, en tant que banque centrale de l’Iran, elle accomplit exclusivement des missions de nature régalienne et ne se livre pas à des activités de nature commerciale. Selon les Etats-Unis, les protections que les articles III, IV et V confèrent aux «sociétés» ne s’appliquent qu’aux entités dont l’activité est de nature commerciale et se déploie sur un marché concurrentiel. Les Etats-Unis admettent que le terme «société» peut aussi s’appliquer à une entreprise publique, mais c’est seulement si l’entreprise en question agit dans des conditions similaires à celles d’une entreprise privée. En revanche, selon les Etats-Unis, une banque centrale dont les fonctions sont de nature exclusivement souveraine n’entre pas dans le champ des articles III, IV et V du traité. Tel est le cas, selon les Etats-Unis, de la banque Markazi. Le défendeur se réfère aux statuts de cette banque résultant de la loi monétaire et bancaire iranienne de 1960, telle qu’elle a été amendée, qui placent selon lui cette entité sous le contrôle complet du gouvernement iranien et lui confient exclusivement des fonctions souveraines, comme c’est le cas généralement pour une banque centrale. Les Etats˗Unis concluent de ce qui précède que les demandes de l’Iran concernant le traitement réservé à la banque Markazi n’entrent pas dans le champ d’application des articles III, IV et V du traité, et que, par suite, la Cour n’est pas compétente pour connaître des demandes fondées sur la prétendue violation de ces dispositions.
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83. L’Iran soutient au contraire que la banque Markazi constitue une «société» aux fins des articles III, IV et V du traité d’amitié. L’Iran relève que la définition de la «société» donnée au paragraphe 1 de l’article III est volontairement large. Elle englobe, selon le demandeur, toutes les entités qui disposent d’une personnalité juridique propre dans l’ordre juridique dans lequel elles ont été créées, sans égard à leur activité ou à la composition de leur capital, qu’elles aient ou non un but lucratif. L’Iran fait valoir que, puisque la banque Markazi dispose, en vertu de l’article 10 de la loi monétaire et bancaire, de la personnalité morale, et qu’elle est généralement soumise, en vertu de cette même disposition, au droit applicable aux sociétés par actions et non au droit applicable aux entités publiques, sauf exception expressément posée par la loi , elle constitue une «société» au sens du traité.
L’Iran ajoute que la banque Markazi est dotée d’un capital afin de pouvoir conduire ses opérations professionnelles, que ces dernières peuvent générer des profits sur lesquels elle doit payer des impôts à l’Etat iranien, et que, comme toute personne morale, elle peut conclure des contrats de toute nature, acquérir et vendre des biens et des services, posséder des actifs et autres biens meubles et immeubles, ainsi qu’agir en justice.
Enfin, l’Iran soutient subsidiairement que la troisième exception d’incompétence ne présente pas un caractère préliminaire, car pour y statuer la Cour devrait examiner des questions qui relèvent du fond. En effet, selon l’Iran, à supposer que, comme le prétendent les Etats-Unis, le traité ne protège les sociétés que dans la mesure où elles exercent une activité privée, commerciale ou d’affaires, il faudrait que la Cour détermine quelles sont les activités de la banque Markazi auxquelles se rapportent les traitements dont se plaint le demandeur. Cela ne pourrait se faire, selon lui, qu’après que les Parties auront plaidé sur le fond.
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84. La Cour relève d’abord que, bien que le libellé de la troisième exception préliminaire mentionne «le traitement réservé à l’Etat iranien ou à la banque Markazi», la question qui lui est soumise porte seulement sur le point de savoir si la banque Markazi constitue une «société» au sens du traité d’amitié, fondée à ce titre à revendiquer les droits et les protections que confèrent aux «sociétés» les articles III, IV et V. C’est parce que la banque Markazi est dotée, selon le droit iranien, d’une personnalité juridique distincte de l’Etat, qu’elle constitue selon l’Iran une «société» au sens du traité. Dans le dernier état de l’argumentation qu’il soumet à la Cour, l’Iran ne soutient pas que cette qualification puisse s’appliquer à l’Etat lui-même. En conséquence, la Cour s’attachera seulement à rechercher, dans les paragraphes suivants, si la qualification de «société» au sens du traité d’amitié peut s’appliquer à la banque Markazi. Telle est, en réalité, l’unique question que soulève la troisième exception d’incompétence.
85. Les articles III, IV et V du traité d’amitié garantissent certains droits et protections aux «ressortissants» et «sociétés» d’une partie contractante, qui doivent être respectés par l’autre partie.
Il s’agit notamment du droit d’avoir «libre accès aux tribunaux judiciaires et aux organismes administratifs … tant pour faire valoir que pour défendre leurs droits» (art. III, par. 2) ; du droit de bénéficier d’un «traitement juste et équitable» et de ne faire l’objet d’«aucune mesure arbitraire ou discriminatoire» (art. IV, par. 1) ; de la protection de leurs biens «de la manière la plus constante»
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et dans des conditions qui ne soient «inférieures en aucun cas aux normes fixées par le droit international», ainsi que du droit de ne faire l’objet d’une mesure d’expropriation «que pour cause d’utilité publique et moyennant le paiement rapide d’une juste indemnité» (art. IV, par. 2) ; de la protection des locaux utilisés par eux contre toute violation ou trouble de jouissance sans motif valable et autrement que dans les conditions prévues par la loi (art. IV, par. 3) ; du droit pour les entreprises créées par les «ressortissants» et «sociétés» d’une partie sur le territoire de l’autre d’exercer leurs activités dans des conditions qui ne soient pas moins favorables que pour les autres entreprises, de n’importe quelle nationalité, se livrant à des activités du même genre (art. IV, par. 4) ; du droit de bénéficier, en matière de location ou d’acquisition de biens meubles ou immeubles, d’un traitement qui ne soit pas moins favorable que celui qui est accordé aux ressortissants et aux sociétés de tout pays tiers (art. V).
86. Toutes ces dispositions se réfèrent aux «ressortissants» et aux «sociétés» d’une partie contractante. Le terme «ressortissant» se rapporte aux personnes physiques, dont le statut n’est pas en cause dans la controverse qui oppose les Parties à propos de la troisième exception préliminaire. Le terme «société» est ainsi défini au paragraphe 1 de l’article III : «Au sens du présent [t]raité, le terme «sociétés» doit s’entendre des sociétés de capitaux ou de personnes, des compagnies et de toutes associations, qu’elles soient ou non à responsabilité limitée et à but lucratif.»
87. Sur la base de cette définition, deux points ne sont pas douteux, et ne donnent d’ailleurs pas lieu à divergence entre les Parties.
D’une part, une entité ne peut être qualifiée de «société» au sens du traité que si elle possède une personnalité juridique propre que lui confère le droit de l’Etat où elle a été créée, lequel détermine son statut juridique. A cet égard, le paragraphe 1 de l’article III précise à son début que «[l]e statut juridique des sociétés constituées sous le régime des lois et règlements de l’une des Hautes Parties contractantes applicables en la matière sera reconnu dans les territoires de l’autre Haute Partie contractante».
D’autre part, une entité qui est en tout ou en partie la propriété d’un Etat peut constituer une «société» au sens du traité. La définition de la «société» que donne le paragraphe 1 de l’article III ne fait aucune différence entre entreprises privées et entreprises publiques. La possibilité pour une entreprise publique de constituer une «société» au sens du traité est confirmée par le paragraphe 4 de l’article XI, qui exclut toute immunité pour une entreprise de l’une des parties contractantes «qui est propriété publique ou sous contrôle public» lorsqu’elle exerce sur le territoire de l’autre partie une activité commerciale ou industrielle, et ce afin d’éviter de placer une telle entreprise en position avantageuse par rapport aux entreprises privées avec lesquelles elle peut se trouver en concurrence (voir paragraphe 65 ci-dessus).
88. Deux conclusions peuvent être tirées de ce qui précède.
En premier lieu, les Etats-Unis ne sauraient contester la personnalité juridique propre que confère à la banque Markazi l’alinéa c) de l’article 10 de la loi monétaire et bancaire iranienne de 1960, telle qu’elle a été amendée ils ne le font d’ailleurs pas.
En second lieu, le fait que la banque Markazi soit intégralement la propriété de l’Etat iranien, et que l’Etat exerce un pouvoir de direction et un contrôle étroit sur les activités de la banque ce que relèvent les Etats-Unis et que l’Iran ne conteste pas ne permet pas, à lui seul, d’exclure cette entité de la catégorie des «sociétés» au sens du traité.
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89. Il reste à déterminer si par la nature de ses activités la banque Markazi peut être qualifiée de «société» selon la définition que donne le paragraphe 1 de l’article III lue dans le contexte de cette disposition et à la lumière de l’objet et du but du traité d’amitié.
90. A cet égard, la Cour ne saurait suivre l’interprétation que soutient l’Iran dans la branche principale de son argumentation, selon laquelle la nature des activités exercées par une entité déterminée est indifférente en vue de la qualification de ladite entité comme une «société». Selon l’Iran, qu’une entité exerce des fonctions de caractère régalien, c’est-à-dire de souveraineté ou de puissance publique, ou qu’elle exerce des activités de nature commerciale ou industrielle, ou encore une combinaison des deux types d’activités, est sans pertinence quant à sa qualification de «société». Il en résulterait que la possession d’une personnalité juridique propre selon le droit interne d’une partie contractante serait une condition suffisante pour qualifier une entité donnée de «société» au sens du traité d’amitié.
91. De l’avis de la Cour, une telle interprétation manquerait de prendre en compte le contexte de la définition donnée au paragraphe 1 de l’article III, ainsi que l’objet et le but du traité d’amitié. Comme il a été dit plus haut à propos de la deuxième exception d’incompétence soulevée par les Etats-Unis, l’analyse de l’ensemble des dispositions du traité qui constituent le contexte du paragraphe 1 de l’article III oriente nettement vers la conclusion que le traité vise à garantir des droits et à accorder des protections aux personnes physiques et morales qui exercent des activités de nature commerciale, même si ce dernier terme doit être compris dans un sens large. Il en va de même de l’objet et du but du traité, tels qu’ils ressortent du préambule (cité plus haut au paragraphe 57), et dont on peut aussi trouver une indication dans l’intitulé du traité (traité d’amitié, de commerce et de droits consulaires).
La Cour en déduit qu’une entité qui exercerait exclusivement des activités de souveraineté, liées aux fonctions régaliennes de l’Etat, ne saurait se voir attribuer la qualification de «société» au sens du traité, et ne saurait par suite prétendre au bénéfice des droits et protections prévus aux articles III, IV et V.
92. Cependant rien ne permet d’exclure a priori qu’une même entité exerce à la fois des activités de nature commerciale (ou plus largement, des activités d’affaires), et des activités souveraines.
En pareil cas, puisque c’est la nature de l’activité effectivement exercée qui détermine la qualification de l’entité qui l’exerce, la personne morale dont il s’agit devrait être regardée comme une «société» au sens du traité dans la mesure où elle exerce des activités de nature commerciale, même si ce n’est pas à titre principal.
93. La Cour doit donc se pencher à présent sur la question de la nature des activités qu’exerce la banque Markazi. Plus précisément, elle doit examiner les activités que cette dernière exerçait sur le territoire des Etats-Unis lorsqu’ont été prises les mesures dont l’Iran allègue qu’elles ont violé les droits dont, selon lui, la banque Markazi bénéficierait en vertu des articles III, IV et V du traité.
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94. Etant donné que l’Iran a soutenu à titre principal que la nature des activités exercées est sans pertinence quant à la qualification d’une entité en tant que «société» au sens du traité (voir paragraphe 83 ci-dessus), le demandeur ne s’est guère employé à démontrer que la banque Markazi exerce, à côté de fonctions souveraines qu’il admet, des activités de nature commerciale. Il a cependant affirmé, dans ses observations écrites, que «[c]ertaines des activités de la banque Markazi sont également conduites par des sociétés privées (par exemple, la conclusion de contrats, la possession de biens, l’achat de valeurs mobilières) et relèvent du commerce». Le demandeur a ajouté lors des audiences que la banque Markazi «a été dotée d’un capital afin de pouvoir conduire ses opérations, lesquelles peuvent générer des profits sur lesquels elle doit payer des impôts à l’Etat iranien» et qu’elle «peut … conclure des contrats de toute nature, acquérir et vendre des biens et des services» (voir paragraphe 83 ci-dessus). Les Etats-Unis, de leur côté, ont affirmé au contraire que comme toute banque centrale la banque Markazi exerce des fonctions souveraines, et ont insisté sur le fait que devant les juridictions américaines la banque Markazi s’est toujours présentée comme une banque centrale au sens traditionnel et non comme une entreprise commerciale.
95. La Cour relève que la loi monétaire et bancaire de 1960, telle qu’elle a été amendée, contenant les statuts de la banque Markazi, a été versée au dossier de l’instance par l’Iran dans une traduction anglaise que les Etats-Unis n’ont pas contestée pour l’essentiel. Cette loi comporte diverses dispositions définissant les types d’activités auxquelles la banque Markazi a le droit de se livrer, et dont la portée n’a pas été discutée en détail par les Parties devant la Cour.
96. Aux termes du paragraphe 9 de l’article 79 du Règlement de la Cour, lorsqu’elle est saisie d’une exception préliminaire, la Cour doit statuer «dans un arrêt par lequel elle retient l’exception, la rejette ou déclare que cette exception n’a pas dans les circonstances de l’espèce un caractère exclusivement préliminaire».
Ainsi que la Cour l’a indiqué dans son arrêt sur les exceptions préliminaires rendu en l’affaire du Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie) (exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 852, par. 51) :
«En principe, une partie qui soulève des exceptions préliminaires a droit à ce qu’il y soit répondu au stade préliminaire de la procédure, sauf si la Cour ne dispose pas de tous les éléments nécessaires pour se prononcer sur les questions soulevées ou si le fait de répondre à l’exception préliminaire équivaudrait à trancher le différend, ou certains de ses éléments, au fond.»
97. En l’espèce, la Cour estime qu’elle ne dispose pas de tous les éléments nécessaires pour déterminer si la banque Markazi exerçait, à l’époque pertinente, des activités de la nature de celles qui permettent de caractériser une «société» au sens du traité d’amitié, lesquelles auraient été susceptibles d’être affectées par les mesures dont l’Iran tire grief au regard des articles III, IV et V du traité. Ces éléments étant en grande partie de nature factuelle et étant par ailleurs étroitement liés au fond de l’affaire, la Cour estime qu’il ne pourra être statué sur la troisième exception qu’après que les Parties auront présenté leurs arguments dans la phase suivante de la procédure, dans le cas où elle déclarerait la requête recevable.
Il y a donc lieu de conclure que la troisième exception d’incompétence ne présente pas, dans les circonstances de l’espèce, un caractère exclusivement préliminaire.
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D. Conclusion générale sur la compétence de la Cour
98. Il résulte de ce qui précède que la première exception d’incompétence doit être rejetée, que la deuxième doit être accueillie, et que la troisième exception ne présente pas dans les circonstances de l’espèce un caractère exclusivement préliminaire.
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99. Etant donné que la Cour est compétente pour connaître d’une partie des demandes de l’Iran, lesquelles, d’ailleurs, n’étaient pas dans leur intégralité visées par les trois exceptions d’incompétence soulevées par les Etats-Unis, il y a lieu à présent pour la Cour d’examiner les exceptions d’irrecevabilité soulevées par le défendeur et qui visent à obtenir le rejet de la requête dans son ensemble.
III. RECEVABILITÉ
100. La Cour note que les Etats-Unis ont initialement soulevé deux exceptions d’irrecevabilité de la requête, à savoir premièrement qu’en s’appuyant sur le traité pour fonder la compétence de la Cour en cette affaire, l’Iran aurait commis un abus de droit et deuxièmement, que l’Iran n’ayant pas les «mains propres», la Cour ne saurait poursuivre la procédure. Elle observe toutefois qu’à l’audience, les Etats-Unis ont précisé que leur première exception d’irrecevabilité était une exception fondée sur l’«abus de procédure» et non sur l’«abus de droit», tout en ajoutant que le demandeur qui vient en n’ayant pas les «mains propres» commet un abus de procédure.
101. Les Etats-Unis reconnaissent qu’ils ont utilisé le terme «abus de droit» dans leurs écritures mais soulignent que la clarification apportée par la Cour sur la nature de l’abus de droit et de l’abus de procédure dans l’affaire des Immunités et procédures pénales (Guinée équatoriale c. France) a rendu plus approprié de considérer l’exception soulevée par ceux-ci comme une exception fondée sur l’abus de procédure.
102. Selon l’Iran, cette nouvelle exception a été soulevée trop tard. A l’appui de ses vues, il invoque le paragraphe 1 de l’article 79 du Règlement de la Cour selon lequel
«[t]oute exception à la compétence de la Cour ou à la recevabilité de la requête ou toute autre exception sur laquelle le défendeur demande une décision avant que la procédure sur le fond se poursuive doit être présentée par écrit dès que possible, et au plus tard trois mois après le dépôt du mémoire».
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103. La Cour commencera par rappeler que, dans l’affaire des Immunités et procédures pénales (Guinée équatoriale c. France), elle a estimé que «[s]i la notion fondamentale d’abus est peut-être la même, les conséquences qu’emportent, d’une part, l’abus de droit, et de l’autre, l’abus de procédure, peuvent varier» (exceptions préliminaires, arrêt du 6 juin 2018, par. 146). Elle y a précisé qu’«[u]n abus de procédure se rapporte à la procédure engagée devant une cour ou un tribunal et peut être examiné au stade préliminaire de ladite procédure» (ibid., par. 150) et que «l’abus de droit ne peut être invoqué comme cause d’irrecevabilité alors que l’établissement du droit en question relève du fond de l’affaire» (ibid., par. 151).
104. La Cour relève que, dans leurs plaidoiries, les Etats-Unis ont soutenu que le différend ne relevait pas du traité d’amitié et que l’Iran ne pouvait dès lors pas entendre fonder la compétence de la Cour sur cet instrument, une tentative qu’ils qualifient dans leurs exceptions préliminaires comme «n’[étant] pas sincère». De son avis, l’exception fondée sur l’abus de procédure ne constitue pas une nouvelle exception mais une simple requalification d’une position déjà défendue par les Etats-Unis dans leurs exceptions préliminaires.
105. La Cour note également qu’à l’audience, les Etats-Unis ont soutenu que la doctrine des «mains propres» était un sous-ensemble du principe de l’abus de procédure. Ils ont ajouté que, si la Cour venait toutefois à faire une distinction entre abus de procédure et doctrine des «mains propres», cette dernière avait un fondement suffisant en droit international.
106. La Cour observe que, même si les exceptions fondées sur l’abus de procédure et sur la doctrine des «mains propres» pourraient être liées, elles demeurent en l’espèce distinctes au regard de leur champ d’application ainsi que des actes qui sont invoqués à leur appui. La Cour examinera d’abord l’exception fondée sur l’abus de procédure soulevée par les Etats-Unis, puis celle fondée sur la doctrine des «mains propres».
A. Abus de procédure
107. Les Etats-Unis allèguent qu’au regard des circonstances «exceptionnelles» de l’espèce, la Cour devrait refuser de se reconnaître compétente sur la base du traité d’amitié. Ils font en particulier valoir que les conditions fondamentales sous-jacentes au traité d’amitié n’existent plus entre les Parties, notamment les relations amicales, commerciales et consulaires envisagées dans le traité. Ils ajoutent que la tentative de l’Iran consistant à fonder la compétence de la Cour sur le traité ne vise pas à protéger des droits sanctionnés par le traité, mais plutôt à impliquer la Cour dans un différend stratégique plus large.
108. En outre, les Etats-Unis soutiennent que les demandes de l’Iran sont abusives parce qu’elles «détournent» l’objet du traité. En mettant l’accent sur les demandes de l’Iran concernant l’immunité souveraine, ils considèrent qu’il s’agit d’une tentative de réécriture du traité qui va à l’encontre des principes fondamentaux de la bonne foi en manipulant le traité au détriment de son objet et de son but.
109. Enfin, les Etats-Unis invoquent l’affaire du Cameroun septentrional pour avancer que les demandes de l’Iran sont également incompatibles avec la fonction judiciaire de la Cour car un arrêt de la Cour sur le fond, selon eux, reposerait en l’espèce sur «une fiction».
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110. Pour sa part, l’Iran souligne qu’en l’espèce, les Etats-Unis n’ont invoqué aucune «circonstance exceptionnelle» liée à la procédure devant la Cour. Il soutient que le «différend stratégique plus large» évoqué par les Etats-Unis est dépourvu de pertinence dans la présente affaire. Il rejette également l’allégation du défendeur selon laquelle les conditions fondamentales sous-jacentes au traité n’existent plus entre les Parties.
111. Répondant à l’allégation américaine sur les demandes de l’Iran au sujet des immunités souveraines, ce dernier réitère que le traité renvoie expressément au droit international qui inclut le droit relatif à l’immunité souveraine.
112. Enfin, l’Iran estime que l’affaire du Cameroun septentrional citée par les Etats-Unis n’est, en l’espèce, d’aucun secours pour ceux-ci car, dans cette affaire, la question portait sur l’interprétation d’un traité qui n’était plus en vigueur. Selon lui, le fait de saisir la Cour, en vertu d’une base de compétence en vigueur et dans une affaire dans laquelle les demandes se rapportent à la violation du traité, ne peut être considéré comme un abus de procédure. Dans ses plaidoiries, l’Iran a ajouté que la véritable question était celle de savoir si le traité d’amitié était en vigueur et a souligné que, comme il l’était, il doit s’appliquer.
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113. La Cour rappelle qu’elle a énoncé dans l’affaire des Immunités et procédures pénales (Guinée équatoriale c. France) que seules des circonstances exceptionnelles peuvent justifier qu’elle rejette pour abus de procédure une demande fondée sur une base de compétence valable. Il doit exister, à cet égard, des éléments attestant clairement que le comportement du demandeur procède d’un abus de procédure (exceptions préliminaires, arrêt du 6 juin 2018, par. 150) (voir aussi Certaines terres à phosphates à Nauru (Nauru c. Australie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1992, p. 255, par. 38).
114. La Cour a déjà relevé que le traité d’amitié était en vigueur entre les Parties à la date de l’introduction de la requête iranienne, soit le 14 juin 2016 (voir paragraphe 30 ci-dessus), et qu’il contient en son article XXI une clause compromissoire visant sa compétence. La Cour n’estime pas qu’il existe, en l’espèce, des circonstances exceptionnelles qui justifieraient qu’elle rejette la demande de l’Iran pour abus de procédure.
115. A la lumière de ce qui précède, la Cour conclut que la première exception d’irrecevabilité soulevée par les Etats-Unis doit être rejetée.
B. Absence de «mains propres»
116. Selon la seconde exception d’irrecevabilité soulevée par les Etats-Unis, la Cour ne saurait poursuivre la procédure parce que l’Iran se présente devant elle en n’ayant pas les «mains propres». Les Etats-Unis allèguent en particulier que «l’Iran a parrainé et soutenu le terrorisme
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international, et s’est livré à des actions de déstabilisation en violation de ses obligations en matière de non-prolifération nucléaire, de missiles balistiques, de trafic d’armes et de lutte contre le terrorisme». Ils soulignent que l’Iran cherche à obtenir réparation du fait de l’issue de l’affaire Peterson qui découle, selon eux, du soutien de l’Iran au terrorisme.
117. Les Etats-Unis reconnaissent que la Cour n’a pas, par le passé, accueilli d’exception fondée sur la doctrine des «mains propres», mais avancent qu’elle ne l’a pas davantage rejetée et qu’en tout état de cause, le moment serait venu pour la Cour de la reconnaître et de l’appliquer. Selon eux, la Cour n’a pas besoin d’examiner le fond de l’affaire pour apprécier les conséquences juridiques de la conduite de l’Iran.
118. De son côté, l’Iran rejette les allégations des Etats-Unis selon lesquelles il aurait violé ses obligations en matière de lutte contre le terrorisme, de non-prolifération nucléaire et de trafic d’armes. Selon lui, ces allégations sont dépourvues de fondement et de pertinence pour la résolution de la présente affaire et ne sauraient donc faire obstacle à la recevabilité de la requête.
119. L’Iran relève également qu’il existe des doutes sur la consistance et le caractère obligatoire de la doctrine des «mains propres» et que la Cour n’a jamais reconnu son applicabilité.
120. Pour l’Iran, il n’existe par contre aucun doute sur le fait que la doctrine des «mains propres» ne saurait trouver application au stade des exceptions préliminaires et qu’elle ne peut servir de base à l’irrecevabilité d’une demande.
121. L’Iran avance enfin que, selon les tenants de la doctrine des «mains propres», celle-ci ne s’applique que lorsque le demandeur accomplit un «acte qui est précisément semblable, en droit et en fait» à celui dont il se plaint. Il estime que l’exception des Etats-Unis ne remplit pas cette condition dans la mesure où ceux-ci n’ont même pas soutenu que les accusations sur la base desquelles ils allèguent que l’Iran n’aurait pas les «mains propres» constituent des violations du traité d’amitié.
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122. La Cour commence par relever que les Etats-Unis n’ont pas soutenu que, par son comportement, l’Iran aurait violé le traité d’amitié sur lequel il fonde sa requête. Sans avoir à prendre position sur la doctrine des «mains propres», la Cour considère que, même s’il était démontré que le comportement du demandeur n’était pas exempt de critique, cela ne suffirait pas pour accueillir l’exception d’irrecevabilité soulevée par le défendeur sur le fondement de la doctrine des «mains propres» (Avena et autres ressortissants mexicains (Mexique c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 38, par. 47 ; Délimitation maritime dans l’océan Indien (Somalie c. Kenya), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2017, p. 52, par. 142).
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123. Une telle conclusion ne préjuge toutefois pas la question de savoir si les allégations des Etats-Unis, concernant notamment le parrainage et le soutien que l’Iran apporterait au terrorisme international ainsi que ses activités présumées en matière de non-prolifération nucléaire et de trafic d’armes, pourraient servir, le cas échéant, de défense au fond.
124. La Cour conclut que la deuxième exception d’irrecevabilité soulevée par les Etats-Unis ne saurait être accueillie.
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125. Compte tenu de ce qui précède, les deux exceptions d’irrecevabilité de la requête soulevées par les Etats-Unis doivent être rejetées.
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126. Par ces motifs,
LA COUR,
1) A l’unanimité,
Rejette la première exception préliminaire d’incompétence soulevée par les Etats-Unis d’Amérique ;
2) Par onze voix contre quatre,
Retient la deuxième exception préliminaire d’incompétence soulevée par les Etats-Unis d’Amérique ;
POUR : M. Yusuf, président ; Mme Xue, vice-présidente ; MM. Tomka, Abraham, Bennouna, Cançado Trindade, Gaja, Crawford, Salam, Iwasawa, juges ; M. Brower, juge ad hoc ;
CONTRE : MM. Bhandari, Robinson, Gevorgian, juges ; M. Momtaz, juge ad hoc ;
3) Par onze voix contre quatre,
Déclare que la troisième exception préliminaire d’incompétence soulevée par les Etats-Unis d’Amérique n’a pas dans les circonstances de l’espèce un caractère exclusivement préliminaire ;
POUR : M. Yusuf, président ; Mme Xue, vice-présidente ; MM. Abraham, Bennouna, Cançado Trindade, Bhandari, Robinson, Gevorgian, Salam, Iwasawa, juges ; M. Momtaz, juge ad hoc ;
CONTRE : MM. Tomka, Gaja, Crawford, juges ; M. Brower, juge ad hoc ;
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4) A l’unanimité,
Rejette les exceptions préliminaires d’irrecevabilité soulevées par les Etats-Unis d’Amérique ;
5) A l’unanimité,
Dit qu’elle a compétence, sous réserve des points 2) et 3) du présent dispositif, pour se prononcer sur la requête déposée par la République islamique d’Iran le 14 juin 2016, et que ladite requête est recevable.
Fait en anglais et en français, le texte anglais faisant foi, au Palais de la Paix, à La Haye, le treize février deux mille dix-neuf, en trois exemplaires, dont l’un restera déposé aux archives de la Cour et les autres seront transmis respectivement au Gouvernement de la République islamique d’Iran et au Gouvernement des Etats-Unis d’Amérique.
Le président,
(Signé) Abdulqawi Ahmed YUSUF.
Le greffier,
(Signé) Philippe COUVREUR.
MM. les juges TOMKA et CRAWFORD joignent à l’arrêt l’exposé de leur opinion individuelle commune ; M. le juge GAJA joint une déclaration à l’arrêt ; MM. les juges ROBINSON et GEVORGIAN joignent à l’arrêt les exposés de leur opinion individuelle ; MM. les juges ad hoc BROWER et MOMTAZ joignent à l’arrêt les exposés de leur opinion individuelle.
(Paraphé) A.A.Y.
(Paraphé) Ph.C.
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Exceptions préliminaires
Arrêt du 13 février 2019