Réponse de Singapour sur les observations de la Malaisie

Document Number
170-20180423-WRI-01-00-EN
Document Type
Date of the Document
Document File

15050
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
DEMANDE EN INTERPRÉTATION DE L’ARRÊT DU 23 MAI 2008 EN L’AFFAIRE
RELATIVE À LA SOUVERAINETÉ SUR PEDRA BRANCA/PULAU BATU PUTEH,
MIDDLE ROCKS ET SOUTH LEDGE (MALAISIE/SINGAPOUR)
(MALAISIE c. SINGAPOUR)
RÉPONSE DE LA RÉPUBLIQUE DE SINGAPOUR SUR
LES OBSERVATIONS DE LA MALAISIE
DATÉES DU 15 FÉVRIER 2018
23 avril 2018
[Traduction du Greffe]
TABLE DES MATIÈRES
Page
CHAPITRE I. INTRODUCTION .............................................................................................................. 1
A. Les observations écrites de la Malaisie .................................................................................... 1
B. Les lacunes fondamentales de la thèse de la Malaisie .............................................................. 4
C. Structure de la réponse de Singapour ....................................................................................... 5
CHAPITRE II. LA COUR S’EST ACQUITTÉE DE LA TÂCHE ASSIGNÉE EN RENDANT UN ARRÊT
CLAIR, DÉFINITIF ET CONTRAIGNANT ............................................................................................ 6
A. Portée de l’affaire initiale : le compromis et les limites de la compétence de la Cour............. 6
B. La Cour a clairement réglé l’affaire dans le cadre de son mandat juridictionnel ..................... 9
C. Conclusions ............................................................................................................................ 11
CHAPITRE III. LA DEMANDE EN INTERPRÉTATION DE LA MALAISIE NE REMPLIT PAS LES
CONDITIONS REQUISES ................................................................................................................ 12
A. Absence de toute contestation sur le sens ou la portée de l’arrêt ........................................... 12
B. Les conclusions de la Malaisie relatives à Pedra Branca et South Ledge portent sur des
questions ne relevant pas de l’arrêt et sont erronées .............................................................. 18
1. La demande de la Malaisie concernant Pedra Branca est irrecevable ................................ 18
2. La demande de la Malaisie concernant South Ledge est irrecevable ................................. 22
C. Conclusions ............................................................................................................................ 25
RÉSUMÉ DE L’ARGUMENTATION DE SINGAPOUR ............................................................................. 26
CONCLUSION ................................................................................................................................... 28
CERTIFICATION ................................................................................................................................ 29
LISTE DES ANNEXES ......................................................................................................................... 30
___________
CHAPITRE I
INTRODUCTION
1.1. Le 30 juin 2017, la Malaisie a formé une demande en interprétation (ci-après la
«demande en interprétation ») de l’arrêt rendu par la Cour le 23 mai 2008 en l’affaire relative à la
Souveraineté sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, Middle Rocks et South Ledge
(Malaisie/Singapour) (ci-après l’«arrêt»)1. Le 30 octobre 2017, Singapour a présenté ses
observations écrites sur la demande en interprétation (ci-après les «observations écrites de
Singapour»).
1.2. Le 15 novembre 2017, la Malaisie a sollicité l’autorisation de soumettre des
observations écrites sur la compétence et la recevabilité, en réponse à celles de Singapour. Le
8 décembre 2017, la Cour a fait droit à cette demande et a fixé au 8 février 2018 la date limite pour
le dépôt par la Malaisie de ses observations, et au 9 avril 2018 la date limite pour le dépôt par
Singapour de sa réponse éventuelle auxdites observations.
1.3. Le 29 janvier 2018, la Malaisie a demandé que la date d’expiration pour le dépôt de ses
observations écrites soit reportée au 28 février 2018. Le 1er février 2018, le président de la Cour a
décidé de reporter au 15 février 2018 la date limite pour la présentation des observations écrites de
la Malaisie, et au 23 avril 2018 la date limite pour la présentation de la réponse de Singapour
auxdites observations. La Malaisie a déposé ses observations écrites le 15 février 2018 (ci-après les
«observations écrites de la Malaisie»). Conformément à la décision du président en date du
1er février 2018, Singapour soumet aujourd’hui sa réponse sur les observations écrites de la
Malaisie (ci-après la «réponse de Singapour»).
A. LES OBSERVATIONS ÉCRITES DE LA MALAISIE
1.4. Singapour rappelle pour commencer que, dans son arrêt, la Cour a dit que :
1) la souveraineté sur Pedra Branca appartient à Singapour ;
2) la souveraineté sur Middle Rocks appartient à la Malaisie ; et
3) la souveraineté sur South Ledge appartient à l’Etat dans les eaux territoriales duquel il est
situé2.
1.5. La Malaisie fait maintenant valoir qu’il existe une divergence entre les Parties
concernant les décisions contenues dans l’arrêt. Elle affirme que celles énoncées aux premier et
troisième points du dispositif doivent être clarifiées et interprétées comme signifiant que :
«a) les eaux entourant Pedra Branca/Pulau Batu Puteh continuent de faire partie des
eaux territoriales de la Malaisie » et
1 Souveraineté sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, Middle Rocks et South Ledge (Malaisie/Singapour), arrêt,
C.I.J. Recueil 2008, p. 12. De même que dans les observations écrites de Singapour, l’affaire relative à la Souveraineté
sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, Middle Rocks et South Ledge (Malaisie/Singapour) est désignée ici comme
l’«affaire initiale».
2 Arrêt, p. 101 et 102, par. 300.
1
2
- 2 -
«b) South Ledge est situé dans les eaux territoriales de la Malaisie, ce dont il découle
que la souveraineté sur South Ledge appartient à la Malaisie.»3
1.6. Les arguments de la Malaisie sont infondés. L’arrêt est clair et n’appelle aucune
interprétation4. La demande en interprétation n’est pas une véritable demande conforme aux
exigences de l’article 60 du Statut de la Cour. La Malaisie demande en fait à la Cour, sous couvert
d’interprétation, d’aller au-delà des décisions rendues dans l’arrêt et de statuer sur des questions
relatives à l’étendue et à la délimitation des espaces maritimes revenant à chacune des Parties,
questions dont la Cour n’a jamais été saisie en vertu du compromis signé par les Parties le 6 février
2003 et sur lesquelles elle ne s’est pas prononcée.
1.7. A cette fin, dans sa demande en interprétation et ses observations écrites, la Malaisie
cherche à créer une contestation en se basant sur le fait que les Parties ont des vues divergentes en
ce qui concerne l’étendue des espaces maritimes leur revenant dans la zone en question et la
délimitation de ces espaces qui se chevauchent. Il ne s’agit cependant pas d’une contestation sur le
sens ou la portée de l’arrêt, lequel ne saurait être plus clair.
1.8. La Malaisie n’a jamais remis en cause la décision de la Cour attribuant la souveraineté
sur Pedra Branca à Singapour. De même, le sens ou la portée de la décision attribuant la
souveraineté sur South Ledge, en tant que haut-fond découvrant, à l’Etat dans les eaux territoriales
duquel il est situé ne sauraient faire l’objet d’aucune contestation. Le comportement et les
déclarations de la Malaisie depuis le prononcé de l’arrêt démontrent l’absence d’un véritable
différend au sujet de ces décisions. Il s’ensuit que la Cour n’est pas compétente pour connaître de la
demande en interprétation.
1.9. De plus, la demande en interprétation est irrecevable dans la mesure où elle vise à
obtenir des décisions sur des questions dont la Cour n’a jamais été saisie dans l’affaire initiale et
sur lesquelles elle ne s’est donc pas prononcée. En vertu de l’article 2 du compromis, la Cour était
appelée à statuer sur la souveraineté sur Pedra Branca, Middle Rocks et South Ledge. C’est
précisément ce qu’elle a fait. Elle n’a pas été priée de se prononcer sur l’existence ou l’étendue des
espaces maritimes revenant à chaque Partie, et s’est donc abstenue de le faire. Elle n’a pas
davantage été priée de délimiter les eaux territoriales de la Malaisie et de Singapour dans la zone en
question, et s’est donc abstenue de le faire5.
1.10. En ce qui concerne Pedra Branca, le nouvel argument de la Malaisie  tel qu’il est
avancé pour la première fois dans ses observations écrites  consiste à dire que l’île ne génère pas
d’eaux territoriales. Or, un tel argument est totalement dépourvu de fondement au regard du droit
international6. En tout état de cause, cette question n’a jamais été soumise à la Cour, ni soulevée
par les Parties dans l’affaire initiale, et n’a donc fait l’objet d’aucune décision dans l’arrêt.
3 Demande en interprétation, par. 56 ; observations écrites de la Malaisie, par. 122.
4 Comme souligné par Singapour au paragraphe 3.21 de ses observations écrites, la formule utilisée au point du
dispositif de l’arrêt consacré à Pedra Branca est reprise mot pour mot dans le point consacré à Middle Rocks. Pourtant, la
Malaisie n’a jamais fait valoir que la conclusion de la Cour relative à Middle Rocks avait besoin d’être interprétée. En
réalité, les deux décisions sont parfaitement claires.
5 Arrêt, p. 101, par. 298.
6 Voir, plus loin, par. 3.29.
3
4
- 3 -
1.11. South Ledge étant un haut-fond découvrant, la Cour a pris une décision en
conséquence, considérant que la souveraineté sur cette formation appartenait à l’Etat dans les eaux
territoriales duquel il est situé. Elle s’est expressément refusée à trancher la question de savoir si
South Ledge relevait des eaux territoriales de Singapour ou de celles de la Malaisie, car une telle
décision supposait de procéder à une délimitation maritime préalable, tâche qui échappait en
l’espèce à sa compétence.
1.12. La demande en interprétation s’analyse en réalité comme un examen en appel de l’arrêt
et une tentative d’amener la Cour à trancher des questions qui, hier comme aujourd’hui, échappent
à sa compétence. Comme Singapour ne cesse de le souligner depuis le début, les décisions
énoncées dans l’arrêt sont parfaitement claires et n’appellent aucune interprétation. La demande en
interprétation constitue un abus de procédure et, à ce titre, doit être rejetée.
1.13. Loin de combler les lacunes de la demande en interprétation, les observations écrites de
la Malaisie les aggravent et ne font qu’ajouter à la confusion. La Malaisie a modifié son
raisonnement et soulevé dans ses observations écrites des arguments qui contredisent ladite
demande. Alors qu’elle affirmait auparavant que la Cour s’était «dûment acquittée du rôle que lui
assignait le compromis»7, elle dénonce aujourd’hui le caractère «incomplet»8 de l’arrêt, affirmant
que «[l]e raisonnement de la Cour sur la question de la souveraineté à l’égard de South Ledge est
loin d’être dépourvu d’ambiguïté»9 et qu’il «a introduit un fort élément d’incertitude»10. La
Malaisie semble avoir jugé commode d’abandonner une partie de ses propres arguments pour
dépeindre artificiellement l’arrêt comme nécessitant une interprétation.
1.14. En outre, dans divers passages de ses observations écrites, la Malaisie, pour tenter
d’étayer son argumentation, déforme l’arrêt et donne une image fausse du raisonnement de la
Cour11, ainsi que de la thèse de Singapour. Dans la présente réponse, Singapour se contentera de
démentir brièvement quelques-unes des altérations de la Malaisie, car, d’une manière générale, les
arguments que celle-ci soulève dans ses observations écrites sont tous dépourvus de la moindre
pertinence pour une demande en interprétation et visent uniquement à masquer la vacuité de sa
thèse.
1.15. Cependant, il convient de rectifier d’emblée deux présentations erronées des faits, qui
donnent une image complètement fausse de la nature de la présente procédure et des questions sur
lesquelles la Cour est invitée à se prononcer. La première de ces altérations est la stupéfiante
affirmation suivante, que fait la Malaisie dans ses observations écrites :
«Singapour récuse en doute la compétence de la Cour et la recevabilité de la
demande en interprétation. Elle aurait pu procéder autrement. Elle aurait pu affirmer
que l’arrêt de la Cour est clair et que, s’agissant des questions intéressant sa portée et
son sens soulevées par la Malaisie, il ne souffre aucune contestation raisonnable et
valable. Elle s’en est bien gardée, toutefois, pour la bonne et simple raison que,
compte tenu de la conclusion à laquelle la Cour est parvenue dans son arrêt de 2008,
pareille allégation est indéfendable. Le fait que Singapour mette en cause la
compétence et la recevabilité, plutôt que de se placer sur le terrain du sens et de la
7 Demande en interprétation, par. 46.
8 Observations écrites de la Malaisie, par. 11.
9 Ibid., par. 40.
10 Ibid., par. 44.
11 Voir plus loin, par. 2.15, 2.19, 3.22-3.30 et 3.36-3.39, des exemples d’altérations de l’arrêt par la Malaisie.
5
6
- 4 -
portée de l’arrêt de 2008, tend à indiquer qu’il existe entre les Parties une contestation,
telle que prévue à l’article 60 du Statut de la Cour et à l’article 98 du Règlement, quant
au sens et la portée de certains aspects précis du dispositif de cet arrêt.»12
Cette allégation n’a aucun sens et n’est rien d’autre qu’un argument fallacieux de la Malaisie13.
Cette dernière a délibérément choisi de faire abstraction du fait que Singapour, dans ses
observations écrites, énonce explicitement et à plusieurs reprises sa position sur le sens et la portée
de l’arrêt, à savoir que celui-ci est clair et n’appelle aucune interprétation14.
1.16. La deuxième présentation erronée des faits par la Malaisie consiste à affirmer que
«pour des raisons tactiques, en l’espèce, [Singapour a] hésité à cristalliser sa position quant à la
souveraineté sur les eaux entourant Pedra Branca/Pulau Batu Puteh et l’espace aérien
surjacent …»15. Il s’agit d’une pure diversion. Indépendamment de l’emploi que fait la Malaisie de
termes délibérément erronés, la question des droits relatifs à l’espace maritime et aérien n’a rien à
voir avec celle de la souveraineté que la Cour était appelée à trancher dans l’affaire initiale. La
détermination de l’étendue des droits maritimes autour de Pedra Branca ne relevait pas du mandat
de la Cour et n’a donc rien à voir avec le sens ou la portée de l’arrêt.
1.17. De plus, la demande exprimée par la Malaisie au paragraphe 4 de la lettre qu’elle a
adressée à la Cour le 15 février 2018, par laquelle elle souhaite se voir donner «la possibilité … de
traiter toute question de fond pertinente» au cas où la Cour se déclarerait compétente et jugerait la
demande en interprétation recevable, est malencontreuse. L’article 60 du Statut de la Cour ne
distingue pas entre la compétence et la recevabilité d’une part, et «le fond» d’autre part. Les deux
Parties ont eu toute liberté de présenter leurs positions respectives sur la demande en interprétation.
La Malaisie espère avoir encore une nouvelle occasion de débattre de questions à l’égard
desquelles la Cour n’était pas compétente aux termes du compromis et qu’elle s’est abstenue de
trancher jusqu’à présent.
B. LES LACUNES FONDAMENTALES DE LA THÈSE DE LA MALAISIE
1.18. Ce que la Malaisie essaie de faire prospérer n’est pas une véritable demande en
interprétation formée en application de l’article 60 du Statut de la Cour. En présentant une
argumentation entièrement nouvelle à propos des droits respectifs des Parties sur les espaces
maritimes et en cherchant à convaincre la Cour d’aller au-delà des limites de son mandat, la
Malaisie répète les mêmes erreurs que celles commises par la Colombie en l’affaire du Droit
d’asile. Comme la Cour l’a expliqué dans ladite affaire à propos d’une question exigeant une
interprétation selon la demanderesse,
«[l]a Cour ne peut que se référer à ce qu’elle a déclaré en termes absolument précis
dans son arrêt : cette question est restée entièrement en dehors des demandes des
Parties. L’arrêt n’a aucunement statué sur elle et ne pouvait le faire. C’est aux Parties
qu’il appartenait de formuler à cet égard leurs prétentions respectives. La Cour
constate qu’elles s’en sont complètement abstenues.
12 Observations écrites de la Malaisie, par. 5.
13 C’est également évident dans d’autres tentatives de la Malaisie, qui essaie — dans ses lettres adressées à la
Cour le 15 novembre 2017 et le 15 février 2018, ainsi que dans l’intitulé de ses observations écrites — de ramener
fallacieusement les observations écrites de Singapour à une «[contestation de] la compétence et [de] la recevabilité».
14 Voir, par exemple, observations écrites de Singapour, par. 1.7, 1.13, 3.2 et 4.3, ainsi que par. 6 du résumé de
l’argumentation (p. 64).
15 Observations écrites de la Malaisie, par. 10.
7
8
- 5 -
Les «lacunes» que le Gouvernement de la Colombie croit apercevoir dans
l’arrêt de la Cour sont en réalité des points nouveaux sur lesquels il ne peut être statué
par voie d’interprétation. L’interprétation ne saurait en aucun cas dépasser les limites
de l’arrêt telles que les ont tracées d’avance les conclusions des Parties.
En réalité, les questions posées par le Gouvernement de la Colombie tendent à
obtenir, par la voie indirecte d’un arrêt interprétatif, la solution de questions dont la
Cour n’a pas été saisie par les Parties en cause.
L’article 60 du Statut dispose en outre qu’il n’y a lieu à interprétation que s’il y
a «contestation sur le sens et la portée de l’arrêt». Il va de soi qu’on ne peut considérer
comme une contestation aux termes de cet article le seul fait que l’une des Parties
déclare l’arrêt obscur, tandis que l’autre le déclare parfaitement clair. La contestation
exige une divergence de vues entre parties sur des points définis ; l’article 79,
paragraphe 2, du Règlement de la Cour confirme cette exigence en spécifiant que la
requête aux fins d’interprétation doit comprendre «l’indication précise du ou des
points contestés».»16
1.19. La citation qui précède résume parfaitement les lacunes fondamentales de
l’argumentation de la Malaisie. Il convient de constater, premièrement, l’absence de toute
contestation au sens de l’article 60 du Statut de la Cour. On ne saurait considérer comme un
différend le simple fait que la Malaisie allègue aujourd’hui le caractère obscur de l’arrêt, alors que
celui-ci est parfaitement clair pour Singapour. De même, un désaccord sur des questions que la
Cour n’avait pas pour mandat de trancher ne saurait passer pour une contestation sur le sens et la
portée de l’arrêt. Aucune divergence de vues n’oppose en réalité les Parties sur le sens ou la portée
de l’arrêt. Deuxièmement, la Malaisie s’efforce d’obtenir, par le biais indirect d’une interprétation,
une décision visant des questions que la Cour n’était pas invitée à trancher et auxquelles elle s’est
abstenue de répondre. Singapour revient en détail sur ces lacunes dans les chapitres qui suivent.
C. STRUCTURE DE LA RÉPONSE DE SINGAPOUR
1.20. La réponse de Singapour se compose de trois chapitres, dont la présente introduction.
Les chapitres restants s’organisent comme suit :
a) Le chapitre II réaffirme que, contrairement aux nouvelles assertions de la Malaisie visant à
contester l’arrêt, la Cour a pleinement exécuté la tâche qui lui avait été assignée par le
compromis, dans un arrêt clair, définitif et contraignant, et que, ce faisant, elle a tranché — dans
les limites de son mandat — le différend soumis par les Parties.
b) Le chapitre III explique pourquoi les observations écrites de la Malaisie, à l’instar de sa
demande en interprétation, ne parviennent pas à établir que les conditions d’introduction d’une
demande en interprétation en vertu de l’article 60 du Statut de la Cour sont réunies. Comme
Singapour aura de nouveau l’occasion de le démontrer, aucune contestation n’oppose les Parties
sur le sens ou la portée de l’arrêt. De plus, la Malaisie cherche à amener la Cour à statuer sur
des questions, relatives à Pedra Branca et South Ledge, qui ne lui avaient pas été soumises dans
l’affaire initiale. Il s’agit d’un abus de procédure.
1.21. La présente réponse de Singapour se termine par un résumé de l’argumentation et
comprend également deux annexes documentaires.
9
10
- 6 -
CHAPITRE II
LA COUR S’EST ACQUITTÉE DE LA TÂCHE ASSIGNÉE EN RENDANT
UN ARRÊT CLAIR, DÉFINITIF ET CONTRAIGNANT
2.1. Dans l’affaire initiale, la Cour fondait sa compétence sur le compromis : un instrument
dans lequel les Parties la priaient de déterminer si la souveraineté sur Pedra Branca/Pulau Batu
Puteh, Middle Rocks et South Ledge appartenait à la Malaisie ou à Singapour. Ce compromis ne
demandait pas à la Cour de déterminer l’existence ou l’étendue des eaux territoriales générées par
l’une quelconque des trois formations nommées, ni de procéder à une délimitation maritime. Les
Parties n’ont jamais contesté ce point ni présenté des conclusions sur lesdites questions, lesquelles
ont été légitimement ignorées par la Cour.
2.2. Dans le présent chapitre, Singapour montrera que la Cour, en rendant son arrêt, a
respecté les limites de son mandat juridictionnel et s’est pleinement acquittée de la tâche qui lui
avait été assignée dans le compromis. La Cour a tranché sur le différend précis qui lui avait été
soumis, ni plus ni moins. Elle a décidé que la souveraineté sur Pedra Branca appartenait à
Singapour, que la souveraineté sur Middle Rocks appartenait à la Malaisie et que la souveraineté
sur South Ledge, en tant que haut-fond découvrant, appartenait à l’Etat dans les eaux territoriales
duquel il est situé. Sur ces trois questions, l’arrêt est parfaitement clair et ne requiert pas la moindre
interprétation.
A. PORTÉE DE L’AFFAIRE INITIALE : LE COMPROMIS ET LES LIMITES
DE LA COMPÉTENCE DE LA COUR
2.3. La Cour a fréquemment souligné l’existence d’«un principe de droit international bien
établi et incorporé dans le Statut, à savoir [qu’elle] ne peut exercer sa juridiction à l’égard d’un Etat
si ce n’est avec le consentement de ce dernier»17. Ce principe est également pertinent dans les
affaires d’interprétation, comme la Cour l’a relevé dans son arrêt de 1985 relatif à la demande en
révision et en interprétation de son arrêt Tunisie c. Libye : «Certes, un principe fondamental veut
que le consentement des Etats parties à un différend [soit] le fondement de la juridiction de la Cour
en matière contentieuse.»18 Comme indiqué précédemment, Singapour et la Malaisie ont accepté la
compétence de la Cour dans le compromis. Toutefois, ce consentement — et, par conséquent, la
portée de la compétence de la Cour — visait uniquement la détermination de la question de la
souveraineté sur Pedra Branca, Middle Rocks et South Ledge. La Cour n’était pas compétente pour
statuer sur d’autres questions, y compris l’existence et l’étendue des eaux territoriales générées par
ces formations maritimes. Pour reprendre les termes de son arrêt Libye/Malte :
16 Demande d’interprétation de l’arrêt du 20 novembre 1950 en l’affaire du Droit d’asile (Colombie/Pérou)
(Colombie c. Pérou), arrêt, C.I.J. Recueil 1950, p. 403.
17 Affaire de l’Or monétaire pris à Rome en 1943, question préliminaire, arrêt, C.I.J. Recueil 1954, p. 32 ; affaire
relative à l’Incident aérien du 27 juillet 1955 (Israël c. Bulgarie), ordonnance du 17 décembre 1958, C.I.J. Recueil 1958,
p. 142 ; et Timor oriental (Portugal c. Australie), arrêt, C.I.J. Recueil 1995, p. 105, par. 34. Voir aussi Interprétation des
traités de paix, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1950, p. 71 ; Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le
Nigéria, exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 312, par. 79 ; et Activités armées sur le territoire du
Congo (nouvelle requête : 2002) (République démocratique du Congo c. Rwanda), compétence et recevabilité, arrêt,
C.I.J. Recueil 2006, p. 32, par. 64.
18 Demande en revision et en interprétation de l’arrêt du 24 février 1982 en l’affaire du Plateau continental
(Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne) (Tunisie c. Jamahiriya arabe libyenne), arrêt, C.I.J. Recueil 1985, p. 216, par. 43,
citant Demande d’interprétation de l’arrêt du 20 novembre 1950 en l’affaire du Droit d’asile (Colombie/Pérou)
(Colombie c. Pérou), arrêt, C.I.J. Recueil 1950, p. 71.
11
12
- 7 -
« La Cour tenant sa compétence du compromis entre les Parties, la définition de
la tâche qui lui est ainsi confiée consiste avant tout à rechercher quelle a été l’intention
des Parties par interprétation de cet instrument. La Cour ne doit pas excéder la
compétence que lui ont reconnue les Parties, mais elle doit exercer toute cette
compétence.»19
2.4. La Malaisie affirme aujourd’hui que «[l]e compromis était parfaitement clair»20. Il l’était
en effet. Cet instrument priait la Cour de déterminer la souveraineté sur certaines formations et rien
d’autre. La Malaisie était pleinement consciente que la seule question dont la Cour était saisie était
celle de la souveraineté territoriale sur Pedra Branca, Middle Rocks et South Ledge. Les pièces de
procédure qu’elle a soumises dans l’affaire initiale, de même que celles de Singapour, portaient sur
cette question et elle n’y exposait pas les nouveaux arguments qu’elle soulève aujourd’hui en
affirmant, dans ses observations écrites, que la notion de «souveraineté» «emporte habituellement
souveraineté [aussi] à l’égard des eaux adjacentes»21, et que l’arrêt n’est pas clair sur la question de
savoir si Pedra Branca génère des eaux territoriales22 et, le cas échéant, quelle en est l’étendue23.
Comme Singapour aura l’occasion de le démontrer au chapitre III, la Malaisie, par cette
argumentation alambiquée, tente d’amener la Cour à répondre à des questions échappant à son
mandat tel qu’il est défini dans le compromis. Une telle approche ne saurait constituer une base
appropriée ou valide de demande en interprétation de l’arrêt.
2.5. Dans ses observations écrites, Singapour mentionne un certain nombre de déclarations
spécifiques datant de l’affaire initiale, dans lesquelles la Malaisie souligne la portée limitée du
différend soumis à la Cour, à savoir uniquement la détermination de la souveraineté sur les
formations susmentionnées24. Les observations écrites de la Malaisie étant parfaitement
silencieuses sur ce point, il est pertinent de rappeler ici l’une desdites déclarations :
« Afin d’éviter tout risque de confusion due à ces déclarations, il convient de
souligner ce dont il s’agit dans la présente affaire, et ce dont il ne s’agit pas. Il s’agit
ici de souveraineté sur PBP [Pulau Batu Puteh/Pedra Branca], Middle Rocks et South
Ledge et de rien d’autre.»25
2.6. Singapour a également relevé que les conclusions finales des Parties dans l’affaire
initiale attestent leur volonté de prier uniquement la Cour de statuer sur la question de la
souveraineté et non sur celle de leurs droits maritimes respectifs26. La Malaisie n’a pas non plus
répondu sur ce point, alors qu’il constitue un facteur crucial à prendre en considération pour
décider de la recevabilité de la demande en interprétation. Citons à ce propos un extrait de l’arrêt
rendu par la Cour dans l’affaire du Droit d’asile :
«Pour décider si la première condition énoncée ci-dessus se trouve remplie, il y
a lieu de rappeler le principe que la Cour a le devoir de répondre aux demandes des
19 Plateau continental (Jamahiriya arabe libyenne/Malte), arrêt, C.I.J. Recueil 1985, p. 23, par. 19, confirmé
dans Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), arrêt, C.I.J. Recueil 2012, p. 671, par. 136.
20 Observations écrites de la Malaisie, par. 19.
21 Ibid., par. 24.
22 Ibid., par. 27.
23 Ibid., par. 33.
24 Voir les observations écrites de Singapour, par. 3.26-3.28.
25 Contre-mémoire de la Malaisie, par. 183.
26 Observations écrites de Singapour, par. 3.28-3.29.
13
14
- 8 -
parties telles qu’elles s’expriment dans leurs conclusions finales, mais aussi celui de
s’abstenir de statuer sur des points non compris dans lesdites demandes ainsi
exprimées.»27
2.7. Indépendamment de ces déclarations qui mettent en évidence le caractère artificiel de la
demande en interprétation, la Malaisie savait d’autant plus que l’affaire initiale portait uniquement
sur la question de souveraineté territoriale qu’elle avait déjà été partie, quelques années auparavant,
à un autre différend relatif à la souveraineté sur des îles. Il s’agissait de l’affaire entre l’Indonésie et
la Malaisie relative à la Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan28, soumise à la Cour en
vertu d’un compromis signé par ces deux Etats29.
2.8. Le compromis Indonésie/Malaisie est rédigé en des termes quasiment identiques à ceux
du compromis Singapour/Malaisie. L’article 2 du premier porte sur l’«objet du litige» et se lit
comme suit : «La Cour est priée de déterminer, sur la base des traités, accords et de tout autre
élément de preuve produit par les Parties, si la souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan
appartient à la République d’Indonésie ou à la Malaisie.»30 La disposition correspondante du
compromis Singapour/Malaisie est également l’article 2, lui aussi intitulé «Objet du litige», qui se
lit comme suit :
«La Cour est priée de déterminer si la souveraineté sur :
a) Pedra Branca/Pulau Batu Puteh ;
b) Middle Rocks ;
c) South Ledge ;
appartient à la Malaisie ou à la République de Singapour.»31
2.9. En l’affaire Indonésie/Malaisie, comme c’est le cas en l’espèce, les Parties avaient
uniquement abordé la question de la souveraineté sur les îles en cause dans leurs arguments et leurs
conclusions. Elles n’avaient pas cherché à introduire dans le différend la moindre question
concernant les eaux territoriales de ces îles et le compromis n’incluait aucune disposition en ce
sens, de sorte que la Cour n’était pas compétente pour statuer sur ce point.
2.10. Pour sa part, la Cour a tranché le différend qui lui était soumis par les Parties en
l’instance, c’est-à-dire la question de savoir si la souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan
appartenait à l’Indonésie ou à la Malaisie, sans s’aventurer sur la question des espaces maritimes de
ces îles. Comme il fallait s’y attendre, le dispositif de l’arrêt de la Cour dans cette affaire reprend la
même formulation que celui de l’arrêt rendu en l’espèce (compte tenu du fait que, à la différence de
South Ledge, ni Pulau Ligitan ni Pulau Sipadan ne sont des hauts-fonds découvrants). La Cour
27 Demande d’interprétation de l’arrêt du 20 novembre 1950 en l’affaire du Droit d’asile (Colombie/Pérou)
(Colombie c. Pérou), arrêt, C.I.J. Recueil 1950, p. 402.
28 Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan (Indonésie/Malaisie), arrêt, C.I.J. Recueil 2002, p. 625.
29 Dans l’affaire initiale, l’Attorney General de la Malaisie alors en poste avait noté que les Parties acceptaient de
reporter l’affaire Singapour/Malaisie jusqu’à la conclusion de l’affaire Indonésie/Malaisie (CR 2007/24, p. 28, par. 3).
30 Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan (Indonésie/Malaisie), arrêt, C.I.J. Recueil 2002, p. 630,
par. 2.
31 Arrêt, p. 18, par. 2. Les dispositions des deux compromis relatives au droit applicable, à la procédure, à l’arrêt
de la Cour, à l’entrée en vigueur et aux notifications sont, elles aussi, identiques à tous égards.
15
16
- 9 -
s’est contentée de dire que la souveraineté sur les îles appartenait à l’une ou l’autre des Parties.
Dans une affaire comme dans l’autre, elle n’était pas appelée à statuer sur d’autres questions et elle
s’est de fait abstenue de le faire32.
2.11. Pour en revenir à l’affaire initiale, la Cour a également clairement indiqué dans son
arrêt qu’elle statuait uniquement sur une question de souveraineté territoriale. Au paragraphe 32,
elle dit que l’affaire concerne «un différend relatif à la souveraineté sur un territoire»33. En d’autres
termes, conformément à la tâche qui lui a été assignée, la Cour s’est refusée à se pencher sur
l’existence ou l’étendue des espaces maritimes revenant éventuellement à chaque Partie.
2.12. Dans le cas contraire, la Cour aurait statué ultra petita. A cet égard, il convient de
rappeler les observations qu’elle a formulées dans son arrêt de 2013 relatif à la demande en
interprétation de l’arrêt rendu en l’affaire du Temple de Préah Vihéar, puisque les mêmes principes
s’appliquent en l’espèce :
«Le principe non ultra petita est bien établi dans la jurisprudence de la Cour
(Demande en interprétation de l’arrêt du 20 novembre 1950 en l’affaire du droit
d’asile (Colombie c. Pérou), arrêt, C.I.J. Recueil 1950, p. 402 ; Mandat d’arrêt du
11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique), arrêt,
C.I.J. Recueil 2002, p. 18-19, par. 43). Il est l’une des raisons pour lesquelles les
demandes contenues dans les conclusions finales présentées par les Parties dans la
procédure initiale sont pertinentes aux fins d’interpréter l’arrêt de 1962. Néanmoins,
ce principe ne saurait justifier une interprétation allant à l’encontre des termes de cet
arrêt. La Cour a, en 1962, nécessairement établi la portée du petitum dont elle était
saisie, et l’article 60 du Statut ne lui donne pas la faculté de substituer aujourd’hui une
nouvelle détermination à celle faite à l’époque.»34
B. LA COUR A CLAIREMENT RÉGLÉ L’AFFAIRE DANS LE CADRE
DE SON MANDAT JURIDICTIONNEL
2.13. L’arrêt étant parfaitement clair, toute interprétation est superfétatoire. En ce qui
concerne Pedra Branca, la Cour était priée de désigner la Partie ayant la souveraineté sur ce rocher.
Elle a répondu à la question en ces termes dans le dispositif : «la souveraineté sur
Pedra Branca/Pulau Batu Puteh appartient à la République de Singapour»35. Il s’agit clairement
d’une conclusion relative à la souveraineté territoriale36.
32 Même dans les affaires où elle était compétente pour statuer à la fois sur la souveraineté à l’égard des îles et sur
la délimitation maritime, la Cour a toujours traité séparément la question des droits maritimes générés par les îles. Par
exemple, dans l’affaire du Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), la Cour a d’abord statué sur la
question de souveraineté sur les îles dans la partie II de l’arrêt intitulée «Souveraineté» (C.I.J. Recueil 2012, p. 662,
par. 103). La question des droits générés par les formations maritimes est traitée dans la partie V intitulée «La frontière
maritime» (C.I.J. Recueil 2012, p. 686 à 693, par. 167-183).
33 Arrêt, p. 27, par. 32. De même, au paragraphe 122 de l’arrêt (p. 51), la Cour a tenu à préciser que son
appréciation du comportement des Parties tient à «l’importance de premier plan que revêtent, en droit international et
dans les relations internationales, la souveraineté étatique sur un territoire ainsi que le caractère stable et certain de cette
souveraineté» (les italiques sont de nous).
34 Demande en interprétation de l’arrêt du 15 juin 1962 en l’affaire du Temple de Préah Vihéar (Cambodge
c. Thaïlande) (Cambodge c. Thaïlande), arrêt, C.I.J. Recueil 2013, p. 307, par. 71.
35 Arrêt, p. 101, par. 300, point 1).
36 En réalité, la Malaisie admet cela lorsqu’elle déclare, au paragraphe 19 de ses observations écrites, qu’il «était
demandé [à la Cour] d’attribuer la souveraineté et [que la Cour] a d’ailleurs elle-même reconnu que le différend était
«relatif à la souveraineté sur un territoire» ».
17
18
- 10 -
2.14. Il est impossible de voir en quoi la décision de la Cour relative à la souveraineté sur
Pedra Branca appellerait la moindre interprétation. En fait, la Malaisie elle-même reconnaît cette
réalité. Dans ses observations écrites, elle admet très clairement que : «[l]a décision relative à
l’attribution de la souveraineté sur le territoire de Pedra Branca/Pulau Batu Puteh est dépourvue
d’ambiguïté en tant que telle»37. Cette remarque pertinente suffit à écarter définitivement le premier
volet de la demande de la Malaisie. Pourtant, malgré la décision tout aussi claire de la Cour
concernant la souveraineté sur Middle Rocks, la Malaisie persiste — dans ses observations
écrites — à prétendre que «ce que [ladite décision] recouvre ou signifie exactement n’est pas
évident »38.
2.15. Cette affirmation erronée soulève une autre question. La Malaisie tente d’amalgamer la
question de la souveraineté sur Pedra Branca, soumise à la Cour dans le cadre du compromis et
tranchée par elle, à la question de savoir si une île comme Pedra Branca génère une mer territoriale
et, le cas échéant, quelle en est l’étendue39, une question qui n’a jamais été posée à la Cour. Comme
indiqué plus haut, les Parties, dans l’affaire initiale, n’ont jamais demandé à la Cour — aux termes
de leur compromis — d’aborder ce point ; elles ne l’ont d’ailleurs pas soulevé dans leurs écritures
et plaidoiries et la Cour ne l’a donc pas tranché. Comme il sera démontré dans le chapitre qui suit,
la Cour — malgré la tentative de la Malaisie de modifier la portée de l’affaire initiale sous couvert
d’une demande en interprétation — n’est pas compétente pour connaître d’une telle demande,
puisque sa conclusion relative à la souveraineté sur Pedra Branca ne fait l’objet d’aucune
contestation. En outre, la demande est irrecevable, puisqu’elle vise à obtenir de la Cour qu’elle
réponde à des questions dont elle n’avait pas été saisie dans l’affaire initiale et sur lesquelles elle ne
s’est donc pas prononcée.
2.16. L’arrêt est également clair en ce qui concerne South Ledge. Comme la Cour l’a
expliqué, South Ledge posait «certains problèmes particuliers» devant être pris en considération
«dans la mesure où cette formation, à la différence de Middle Rocks, présente une caractéristique
géographique particulière, à savoir qu’il s’agit d’un haut-fond découvrant»40. Dans ce contexte, la
Cour a relevé que la question de savoir si un haut-fond découvrant est susceptible ou non
d’appropriation avait déjà été examinée dans sa jurisprudence41. S’inspirant du traitement qu’elle
avait réservé à des hauts-fonds découvrants situés dans la mer territoriale d’un Etat côtier — dans
l’affaire Qatar c. Bahreïn42 —, elle a retenu le principe selon lequel :
«il faut établir si South Ledge se trouve dans les eaux territoriales générées par
Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, qui appartient à Singapour, ou dans celles générées
par Middle Rocks, qui appartient à la Malaisie. La Cour observe à cet égard que
South Ledge relève des eaux territoriales générées par la Malaisie continentale, par
Pedra Branca/Pulau Batu Puteh et par Middle Rocks.»43
2.17. En adoptant cette approche, la Cour avait parfaitement conscience d’avoir été priée,
aussi bien dans le compromis que dans les conclusions finales des Parties en l’affaire initiale,
37 Observations écrites de la Malaisie, par. 23.
38 Ibid..
39 Ibid., par. 27 et 33.
40 Arrêt, p. 99, par. 291.
41 Ibid., p. 100, par. 295.
42 Délimitation maritime et questions territoriales entre Qatar et Bahreïn (Qatar c. Bahreïn), fond, arrêt,
C.I.J. Recueil 2001, p. 101 et 102, par. 204 à 206.
43 Arrêt, p. 101, par. 297.
19
20
- 11 -
«de se prononcer sur la question de la souveraineté sur chacune des trois formations maritimes
prises séparément»44. Parallèlement, elle était également consciente de ne pas avoir reçu pour
mandat «de tracer la ligne de délimitation des eaux territoriales de la Malaisie et de Singapour dans
la zone en question»45. De même, la Cour n’était pas mandatée pour statuer sur l’étendue des droits
maritimes respectifs des Parties dans la zone, ni sur la question de savoir si South Ledge se trouve
dans la mer territoriale de l’une ou de l’autre, car cela aurait empiété sur des questions de
délimitation pour lesquelles elle n’avait pas compétence.
2.18. Ce sont ces facteurs qui sous-tendent la décision soigneusement formulée de la Cour
concernant la souveraineté sur South Ledge. Le dispositif de son arrêt est adapté aux considérations
juridiques applicables au cas de cette formation. Comme elle l’a déclaré : «Dans ces conditions, la
Cour conclut que, pour les raisons exposées ci-dessus, la souveraineté sur South Ledge, en tant que
haut-fond découvrant, appartient à l’Etat dans les eaux territoriales duquel il est situé.»46
2.19. Cette décision est claire. Contrairement aux allégations de la Malaisie, le raisonnement
de la Cour à propos de South Ledge n’est nullement «loin d’être dépourvu d’ambiguïté»47. De
même, c’est sans aucun fondement que la Malaisie qualifie d’«incomplet» le dispositif de l’arrêt48.
La Cour a reconnu l’existence « de problèmes particuliers»49 concernant South Ledge dans la
mesure où, à la différence de Pedra Branca et de Middle Rocks, cette formation est un haut-fond
découvrant. Son raisonnement sous-tendant sa décision sur South Ledge est logique et clairement
exposé aux paragraphes 291 à 299 de l’arrêt. En résumé, de même que le premier point du
dispositif (relatif à Pedra Branca) n’a nullement besoin d’être interprété, le troisième (relatif à
South Ledge) est lui aussi parfaitement clair et n’appelle aucune interprétation.
C. CONCLUSIONS
2.20. Il ressort clairement de ce qui précède que, dans le compromis, les Parties ont limité
leur demande à la Cour à la détermination de la souveraineté sur les trois formations nommées,
sans la prier de statuer sur d’autres questions telles que l’existence ou l’étendue des eaux
territoriales générées par celles-ci. La Cour a respecté les limites de sa compétence en statuant
uniquement sur la question de la souveraineté. Les conclusions auxquelles elle est parvenue dans le
cadre de l’exercice de son mandat juridictionnel sont parfaitement claires et n’exigent pas
d’interprétation.
44 Arrêt, p. 101, par. 298.
45 Ibid.
46 Ibid., par. 299. Voir aussi l’arrêt, p. 102, par. 300, point 3).
47 Observations écrites de la Malaisie, par. 40.
48 Ibid., par. 11.
49 Arrêt, p. 99, par. 291.
21
- 12 -
CHAPITRE III
LA DEMANDE EN INTERPRÉTATION DE LA MALAISIE NE REMPLIT PAS
LES CONDITIONS REQUISES
3.1. Dans sa demande en interprétation, la Malaisie omet de démontrer que les conditions du
dépôt d’une telle demande, telles qu’elles sont énoncées à l’article 60 du Statut de la Cour, sont
remplies et rien dans ses observations écrites ne vient combler cette lacune.
3.2. Il n’existe pas de contestation entre les Parties au sens de l’article 60 du Statut de la
Cour. A supposer qu’un désaccord les oppose, ce serait au sujet de l’existence et de l’étendue des
espaces maritimes leur revenant, une question qui ne pouvait pas être et n’a pas été traitée par la
Cour. Cette absence est une lacune fondamentale qui ne saurait être comblée par la tentative de la
Malaisie, dans ses observations écrites, de créer une contestation ex post facto.
3.3. De plus, la demande en interprétation de la Malaisie est irrecevable. Elle ne vise pas
uniquement «à faire éclaircir le sens et la portée de ce qui a été décidé avec force obligatoire par
l’arrêt»50. Comme le confirme la lecture des conclusions de la Malaisie, cette demande vise à
obtenir une décision de la Cour près de 10 ans après que l’arrêt a été rendu dans l’affaire initiale,
sur des questions que la Cour ne pouvait pas trancher, et n’a de fait pas tranchées, dans l’arrêt.
A. ABSENCE DE TOUTE CONTESTATION SUR LE SENS OU
LA PORTÉE DE L’ARRÊT
3.4. Rien dans la demande en interprétation ou dans les observations écrites de la Malaisie ne
révèle l’existence d’une contestation entre les Parties sur le sens ou la portée de l’arrêt. Même si,
comme la Malaisie le fait remarquer, la portée du terme «contestation» employé dans la version
française de l’article 60 est considérée comme «moins restrictive» que celle du terme «différend»
utilisé à l’article 36 («dispute» dans les deux cas en anglais), et «les exigences en matière
d’établissement d’une contestation, moins strictes»51, la condition de l’existence d’une contestation
portant sur le sens ou la portée de l’arrêt subsiste. Pour qu’il y ait contestation au sens de
l’article 60, il ne suffit pas que la Malaisie affirme être en désaccord avec Singapour sur l’existence
ou l’étendue de la mer territoriale de Pedra Branca et la question de savoir si South Ledge est situé
dans les eaux territoriales de la Malaisie ou de Singapour. Il ne suffit pas non plus à la Malaisie de
rejeter l’opinion de Singapour selon laquelle l’arrêt est clair52. Comme la Cour l’a expliqué dans
son arrêt en l’affaire du Droit d’asile :
«on ne peut considérer comme une contestation aux termes de cet article le seul fait
que l’une des Parties déclare l’arrêt obscur, tandis que l’autre le déclare parfaitement
clair. La contestation exige une divergence de vues entre parties sur des points
définis ; l’article 79, paragraphe 2, du Règlement de la Cour confirme cette exigence
50 Demande d’interprétation de l’arrêt du 20 novembre 1950 en l’affaire du Droit d’asile (Colombie/Pérou)
(Colombie c. Pérou), arrêt, C.I.J. Recueil 1950, p. 402. Voir aussi, Demande en interprétation de l’arrêt du 15 juin 1962
en l’affaire du Temple de Préah Vihéar (Cambodge c. Thaïlande) (Cambodge c. Thaïlande), arrêt, C.I.J. Recueil 2013,
p. 303, par. 55.
51 Observations écrites de la Malaisie, par. 77, citant Demande en interprétation de l’arrêt du 31 mars 2004 en
l’affaire Avena et autres ressortissants mexicains (Mexique c. Etats-Unis d’Amérique) (Mexique c. Etats-Unis
d’Amérique), mesures conservatoires, ordonnance du 16 juillet 2008, C.I.J. Recueil 2008, p. 325, par. 53.
52 Ibid., par. 72.
23
24
- 13 -
en spécifiant que la requête aux fins d’interprétation doit comprendre «l’indication
précise du ou des points contestés».»53
Il incombe à la Malaisie d’apporter la preuve d’une divergence de vues entre les Parties à propos de
points spécifiques concernant le sens ou la portée de l’arrêt54. En d’autres termes, elle doit
démontrer que ses allégations quant au sens ou à la portée de l’arrêt «sont de caractère
suffisamment plausible pour permettre la conclusion» selon laquelle la contestation relève de
l’article 60 du Statut55.
3.5. En l’espèce, force est de constater que rien ne fonde une demande en interprétation en
vertu de l’article 60. Les paragraphes constituant le dispositif de l’arrêt sont clairs et parfaitement
explicites. L’argument de la Malaisie selon lequel ce facteur n’entre pas en ligne de compte 56 est
aberrant. C’est précisément en raison de la clarté de son arrêt sur les exceptions préliminaires en
l’affaire de la Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria que la Cour a déclaré
irrecevable la demande en interprétation dudit arrêt formée par le Nigéria57. Elle a fait observer
que, dans ces conditions, faire suite à la demande en interprétation reviendrait à «remettre en cause
l’autorité de la chose jugée qui s’attache audit arrêt»58. Or, c’est exactement ce que la Malaisie
tente de faire en la présente instance.
3.6. En outre, il n’existe aucune véritable contestation entre les Parties quant au sens ou à la
portée de l’arrêt et la demande en interprétation n’est pas non plus susceptible d’en générer une
nouvelle.
3.7. Dans ses observations écrites, la Malaisie tente de faire abstraction du compte rendu que
fait Singapour des déclarations du Gouvernement malaisien, ainsi que des travaux de la
commission technique mixte Malaisie-Singapour pour l’exécution de l’arrêt (ci-après la
«commission technique mixte» ou «CTM») en ce qui concerne Pedra Branca, Middle Rocks et
South Ledge, et de minimiser le fait que toutes ces circonstances concourent à démontrer l’absence
d’une contestation au sens de l’article 60 du Statut de la Cour.
3.8. La Malaisie concède que les déclarations de ses représentants «montrent clairement
[qu’elle] était disposée à oeuvrer de concert avec Singapour en vue d’une délimitation bilatérale des
53 Demande d’interprétation de l’arrêt du 20 novembre 1950 en l’affaire du Droit d’asile (Colombie/Pérou)
(Colombie c. Pérou), arrêt, C.I.J. Recueil 1950, p. 403.
54 Ibid. Voir aussi les paragraphes 3.20 et 4.30 des observations écrites de Singapour, dans lesquelles il est fait
remarquer que la Malaisie ne respecte pas les exigences de l’article 60 du Statut de la Cour ni celles du paragraphe 2 de
l’article 98 du Règlement, selon lequel toute partie présentant une demande en interprétation doit indiquer «avec
précision le point ou les points contestés quant au sens ou à la portée de l’arrêt».
55 Affaire Ambatielos (Grèce c. Royaume-Uni), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1953, p. 18. Voir aussi Plates-formes
pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), exception préliminaire, arrêt,
C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 810, par. 16, ainsi que l’opinion individuelle de Mme le juge Higgins, ibid., p. 856 et 857,
par. 32 à 35 ; et Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), mesures conservatoires,
ordonnance du 13 juillet 2006, opinion individuelle de M. le juge Abraham, C.I.J. Recueil 2006, p. 140 et 141, par. 10
et 11.
56 Observations écrites de la Malaisie, par. 103.
57 Demande en interprétation de l’arrêt du 11 juin 1998 en l’affaire de la Frontière terrestre et maritime entre le
Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria), exceptions préliminaires (Nigéria c. Cameroun), arrêt,
C.I.J. Recueil 1999 (I), p. 38 et 39, par. 16.
58 Ibid., p. 39, par. 16.
25
26
- 14 -
espaces maritimes revenant à chacune des Parties»59. Pourtant, elle tente maintenant, très
tardivement, d’expliquer son comportement en invoquant un argument défiant toute logique ; en
effet, dans ses observations écrites, elle affirme qu’on ne saurait conclure desdits actes et
déclarations «que si les Parties avaient l’une comme l’autre l’intention d’entamer un processus de
délimitation maritime, c’est parce qu’elles avaient la même compréhension de la teneur précise de
ce que la Cour avait décidé avec effet obligatoire»60. L’affirmation de la Malaisie est absurde et
contredite par les preuves solides présentées à la Cour. La Malaisie ne peut pas ignorer le fait que
les déclarations de ses représentants et les travaux de la CTM attestent de la parfaite
compréhension par les deux Parties du sens et de la portée de l’arrêt, ainsi que de la nécessité pour
elles, à l’issue du prononcé, de passer à la deuxième étape, à savoir la délimitation de leurs espaces
maritimes respectifs qui se chevauchent. Ce ne sont pas là de simples marques et indices «d’un
esprit de bonne volonté et de coopération» avec Singapour61, comme la Malaisie le prétend
aujourd’hui de manière fallacieuse.
3.9. Comme la Malaisie elle-même le reconnaît62, son ministre des affaires étrangères avait
accepté en 2008 qu’une fois les travaux de la CTM achevés,
«[l]a question des eaux territoriales de Batu Puteh [Pedra Branca], de même que [celle
des eaux de] Middle Rocks et de South Ledge, sera[it] donc tranchée après [la fin des
travaux de la commission] — la question de savoir s’il y a chevauchement avec les
eaux de Middle Rocks sera[it] tranchée»63.
En d’autres termes, les autorités malaisiennes sont parfaitement conscientes que la Cour n’a pas
 et n’aurait pas pu -- statuer sur la question des espaces maritimes et aériens respectifs des Parties
ou sur la délimitation des eaux entourant de Pedra Branca dans le cadre de l’affaire initiale. Il
s’agissait de questions sur lesquelles les Parties devaient s’entendre. La déclaration faite par le
Premier ministre malaisien de l’époque au sujet de South Ledge va dans le même sens. Loin de
prétendre que la Cour avait situé South Ledge dans les eaux malaisiennes, l’intéressé avait déclaré
ce qui suit : «Nous devons fixer la ligne de délimitation afin de montrer que [South Ledge] est
situ[é] dans nos eaux territoriales.»64 Si, comme la Malaisie le prétend aujourd’hui, l’arrêt pouvait
s’interpréter comme lui attribuant South Ledge, il aurait été parfaitement superflu pour les Parties
de tracer la «ligne de délimitation». Or, le fait que la Malaisie a reconnu à plusieurs reprises la
nécessité d’une délimitation maritime65 atteste clairement que, au vu de l’arrêt, elle considère que
South Ledge est situé dans une zone où les droits maritimes des Parties se chevauchent.
3.10. Dans ses observations écrites, la Malaisie tente également de minimiser l’importance
de la carte marine publiée le 21 août 2017 sur les réseaux sociaux par le commandant en chef de
ses forces navales, comme l’a indiqué Singapour dans ses propres observations écrites. La Malaisie
décrit ce document comme visant uniquement à montrer «jusqu’où s’étendent les visées de
59 Observations écrites de la Malaisie, par. 85 ; voir aussi ibid., par. 92.
60 Observations écrites de la Malaisie, par. 85 ; voir aussi ibid., par. 92.
61 Ibid., par. 85.
62 Ibid., par. 86.
63 Observations écrites de Singapour, par. 1.16, et annexe 16.
64 Voir les observations écrites de la Malaisie, par. 87, ainsi que les observations écrites de Singapour, par. 4.11 et
annexe 7.
65 Par exemple, au paragraphe 85 de ses observations écrites, la Malaisie se déclare «disposée à oeuvrer de concert
avec Singapour en vue d’une délimitation bilatérale des espaces maritimes revenant à chacune des Parties» ; au
paragraphe 86 du même document, elle note qu’«[i]l n’y a donc pas lieu de s’étonner que la Malaisie ait jugé nécessaire
de procéder à une délimitation dans les meilleurs délais».
27
28
- 15 -
Singapour en matière d’espaces maritimes»66. Cette description post-hoc n’est guère convaincante
au vu des commentaires accompagnant la carte et du contexte dans lequel elle a été publiée. Il
serait illogique que la Malaisie prétende, d’un côté, avoir toujours divergé avec Singapour sur la
question de savoir si l’arrêt a reconnu des eaux territoriales à Pedra Branca, tout en publiant, de
l’autre côté, une carte marine montrant «la mer territoriale susceptible» d’être générée par cette
formation maritime. Dans ses observations écrites, elle ne dément pas que la carte témoigne de
l’absence de toute contestation quant au sens ou à la portée de l’arrêt en ce qui concerne la
souveraineté sur Pedra Branca67.
3.11. L’établissement de la CTM et les travaux de cette dernière témoignent en outre de la
compréhension commune qu’avaient les Parties du sens et de la portée de l’arrêt. La commission a
toujours eu pour mission d’oeuvrer en faveur de la délimitation des espaces maritimes revenant à
chaque Partie autour de Pedra Branca et de Middle Rocks à la lumière des décisions de la Cour.
Les Parties considéraient en effet qu’il leur appartenait de trouver un accord sur ces questions. Loin
d’être le simple reflet d’«un esprit de bonne volonté et de coopération», le mandat et les travaux de
la CTM constituent la preuve tangible que, selon elles, l’arrêt n’avait ni délimité les eaux
territoriales de Pedra Branca ou de Middle Rocks, ni établi que les eaux entourant Pedra Branca
appartenaient exclusivement à la Malaisie, ni conclu que South Ledge se situait dans la mer
territoriale de la Malaisie. Dans le cas contraire, l’ensemble de l’exercice aurait été une perte de
temps et de ressources pour les deux Parties68. Il serait illogique pour la Malaisie de s’être engagée
dans un processus aussi long en vue de procéder à la délimitation maritime si elle estimait, comme
elle le prétend aujourd’hui, que toutes les eaux situées dans cette zone lui appartenaient.
3.12. Cette analyse est confirmée par le fait que rien, dans les minutes des nombreuses
réunions de la CTM et de ses sous-commissions (soit des centaines de pages), ne prête à penser que
la Malaisie donnait de l’arrêt l’interprétation qu’elle tente d’imposer aujourd’hui.
3.13. La Malaisie, pour seule réponse, soutient de manière peu convaincante que les
représentants des deux Parties ont participé aux travaux de la CTM «étant expressément entendu
que toutes les discussions qu’ils auraient, et toutes les mesures qu’ils prendraient, seraient «sans
préjudice de la question de la souveraineté et de la délimitation ultérieure des frontières
maritimes»»69. Cependant, contrairement à ce que la Malaisie tente de faire valoir au prix d’une
palinodie, cela démontre précisément que les Parties s’accordaient sur la nécessité d’une
délimitation et qu’elles prévoyaient d’entreprendre celle-ci même si chacune entendait réserver sa
position quant à la manière dont il convenait de procéder.
3.14. De plus, la thèse que défend la Malaisie dans ses observations écrites contraste
fortement avec les déclarations explicites de celui qui était son agent dans l’affaire initiale,
Tan Sri Kadir Mohamad. Dans un livre publié par le ministère malaisien des affaires étrangères en
2009, l’intéressé écrit ce qui suit :
« La Cour a ensuite tranché en faveur de la Malaisie concernant le statut de
Middle Rocks. Pourtant, elle s’est abstenue de prendre position concernant le statut
de SL [South Ledge] — considéré comme relevant des eaux territoriales générées par
la Malaisie continentale, par Pedra Branca et par Middle Rocks, eaux territoriales
66 Observations écrites de la Malaisie, par. 117.
67 Observations écrites de Singapour, par. 3.17.
68 Ibid., par. 3.11.
69 Observations écrites de la Malaisie, par. 93.
29
30
- 16 -
qui semblent se chevaucher — et a donc laissé le soin à la Malaisie et à Singapour de
fixer subséquemment ledit statut dans le cadre de négociations.»
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
«En ce qui concerne South Ledge, la Cour a conclu que la souveraineté sur
ladite formation appartient à l’Etat dans les eaux territoriales duquel elle est située, du
fait que ce haut-fond découvrant relève des eaux territoriales générées par la Malaisie
continentale, Pedra Branca/BP et MR [Middle Rocks], et que les Parties n’ont pas
demandé à la Cour de tracer la ligne de délimitation de leurs eaux territoriales
respectives dans la zone en question.
La décision de la Cour signifie que la question en suspens de l’établissement de
la propriété souveraine sur South Ledge ne porte pas sur le problème de la preuve du
titre, mais uniquement sur l’emplacement géographique de cette formation par
rapport aux frontières maritimes … »
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
«Dès lors, on peut considérer que la Cour a attribué à Singapour, en plus de la
«pierre blanche», une certaine étendue d’eaux territoriales autour de Pedra Branca.»
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
«Les trois formations — Middle Rocks, South Ledge, ainsi que Pedra Branca —
généreront chacune leur propre zone maritime.»
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
«Les trois formations maritimes ont donc droit uniquement chacune à une mer
territoriale de 12 miles nautiques …»70 [Les italiques sont de nous ; les notes de bas
de page figurant dans le document original ont été omises.]
3.15. Les déclarations qui précèdent datent de 2009. L’ancien agent de la Malaisie a
réaffirmé sa position dans un autre ouvrage publié en 2015 :
«En vertu du droit de la mer, Middle Rocks a également droit désormais à une
ceinture d’eau territoriale. Pedra Branca est encerclée à la fois par la côte du Johor et
par Middle Rocks. Par conséquent, cette décision signifie également que cette ceinture
 à l’ouest, au nord et au sud de la formation  n’atteindra pas 12 miles nautiques
de largeur …»
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
«La propriété de South Ledge ne pourra être déterminée qu’après délimitation
de la mer territoriale dans la zone entourant Batu Puteh, Middle Rocks et South
Ledge. La tâche d’établir les frontières maritimes dans cette zone incombe à la
Malaisie et à Singapour et devra revêtir la forme d’une action conjointe.»
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
70 Kadir Mohamad, “Malaysia’s Territorial Disputes – Two Cases at the ICJ”, Institute of Diplomacy and
Foreign Relations, ministère des affaires étrangères de la Malaisie, 2009, p. 18-19, 21-22 et 24. Les extraits pertinents de
cet ouvrage sont joints sous l’annexe 1 à la présente réponse.
31
- 17 -
«La décision de la Cour signifie également que la question en suspens de la
souveraineté sur South Ledge n’exige plus qu’un titre soit démontré. Pour trancher ce
point, il ne reste qu’à établir l’emplacement géographique de cette formation par
rapport aux frontières maritimes.»
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
«Il a été convenu d’un commun accord [au sein de la CMT] de procéder étape
par étape, la première consistant à faire un levé conjoint de la zone située entre Pedra
Branca et Middle Rocks dans le but de réunir des données aux fins du processus de
délimitation … »
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
«Alors que le présent ouvrage était sous presse, la commission technique mixte
a décidé d’entamer le processus de délimitation. Cet exercice devrait également
permettre de déterminer le propriétaire de South Ledge, une responsabilité qui
incombera donc à cet organe.
La délimitation des frontières maritimes autour de Pedra Branca, Middle Rocks
et South Ledge revêt un caractère urgent. Cette délimitation s’impose non seulement
pour déterminer le statut souverain de South Ledge, mais également pour régler les
revendications concurrentes en suspens sur l’espace aérien au-dessus de la zone en
question. »71 [Les italiques sont de nous ; les notes de bas de page figurant dans le
document original ont été omises.]
3.16. Ces déclarations sans équivoque ont été faites sur une période de six ans, et leur auteur
n’est autre que le propre agent de la Malaisie dans l’affaire initiale ; elles contredisent
complètement la description déformée que donne la Malaisie du comportement des Parties après le
prononcé de l’arrêt. Elles démontrent à quel point ses allégations  quant à une prétendue
contestation entre les Parties sur le sens ou la portée de l’arrêt  sonnent creux.
3.17. Dans ses observations écrites, la Malaisie prétend que les «multiples et vifs échanges
diplomatiques» entre les Parties72 constituent la «principale preuve de [leur] divergence [de vues]
manifeste quant au sens et à la portée de l’arrêt»73. Pourtant, les protestations diplomatiques
qu’elles se sont adressées mutuellement à propos du statut des eaux entourant Pedra Branca et
South Ledge n’attestent pas une contestation sur le sens ou la portée de l’arrêt.
3.18. Ces protestations témoignent d’une réalité bien différente : il existait une divergence de
vues concernant l’étendue des mers territoriales générées par Pedra Branca et Middle Rocks, ainsi
que par la Malaisie continentale. La divergence n’est pas due au caractère obscur de l’arrêt ; bien au
contraire, elle découle du seul fait que la Cour a explicitement dit ne pas pouvoir trancher ces
questions, celles-ci étant laissées aux Parties. La question de l’étendue des espaces maritimes
revenant à l’une ou l’autre Partie dans la zone entourant Pedra Branca et Middle Rocks n’a
évidemment pas été tranchée par la Cour et n’aurait pas pu l’être74. En bref, le fait que les Parties
71 Kadir Mohamad, “Malaysia / Singapore – Fifty Years of Contentions”, The Other Press Sdn. Bhd., 2015,
p. 123-127 ; les extraits pertinents de cet ouvrage sont joints sous l’annexe 2 à la présente réponse.
72 Observations écrites de la Malaisie, par. 89.
73 Ibid., par. 80.
74 Voir plus haut, par. 2.3-2.6, 2.11-2.12 et 2.15-2.19.
32
33
- 18 -
aient des vues divergentes sur des questions échappant à la compétence conférée à la Cour ne suffit
pas à transformer cette divergence en une contestation sur le sens et la portée de l’arrêt. Par
conséquent, la question de savoir si Pedra Branca génère des eaux territoriales et si South Ledge est
situé dans les eaux territoriales de la Malaisie ou dans celles de Singapour «ne peut dès lors … être
soumise [à la Cour] dans le cadre d’une demande en interprétation en vertu de l’article 60 du
Statut»75.
3.19. Pour toutes les raisons qui précèdent, la demande en interprétation de la Malaisie
n’entre pas dans le champ d’application de l’article 60 du Statut, car elle ne concerne pas une
contestation sur le sens ou la portée des décisions contraignantes rendues par la Cour dans son
arrêt76.
B. LES CONCLUSIONS DE LA MALAISIE RELATIVES À PEDRA BRANCA ET
SOUTH LEDGE PORTENT SUR DES QUESTIONS NE RELEVANT
PAS DE L’ARRÊT ET SONT ERRONÉES
3.20. Dans ses observations écrites, la Malaisie ne ménage pas ses efforts pour asseoir une
position qu’elle élabore de manière à la faire paraître contraire à l’analyse de l’arrêt par Singapour.
En fait la Malaisie invente une divergence  qu’elle qualifie de contestation sur le sens ou la
portée de l’arrêt  à partir des observations écrites de Singapour. Cette contestation artificielle ne
saurait relever du champ d’application de l’article 60 du Statut.
3.21. La «contestation» invoquée par la Malaisie dépasse la portée de l’arrêt et, de plus, elle
est erronée. La Cour n’avait été saisie d’aucune des questions soulevées par la Malaisie. La
demande en interprétation ne vise pas à obtenir une véritable interprétation de l’arrêt (et des
décisions) de la Cour, mais à obtenir de celle-ci une décision sur des questions nouvelles qui,
aujourd’hui comme hier, ne relèvent pas de sa compétence.
1. La demande de la Malaisie concernant Pedra Branca est irrecevable
3.22. Comme indiqué précédemment au chapitre II, la Malaisie a reconnu que la décision de
la Cour attribuant à Singapour la souveraineté sur le territoire de Pedra Branca est «dépourvue
d’ambiguïté»77. Pourtant, elle prétend aujourd’hui que la notion de «souveraineté» exige des
éclaircissements dans la mesure où «ce qu’elle recouvre ou signifie exactement n’est pas
évident»78.
3.23. Plus particulièrement, la Malaisie fait valoir que «[c]ette souveraineté sur la mer
territoriale n’est toutefois pas absolue»79 et qu’«au vu des circonstances propres à l’espèce», l’île de
75 Demande en interprétation de l’arrêt du 31 mars 2004 en l’affaire Avena et autres ressortissants mexicains
(Mexique c. Etats-Unis d’Amérique) (Mexique c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2009, p. 17, par. 44 et 45,
confirmant ainsi une jurisprudence remontant à la Demande d’interprétation de l’arrêt du 20 novembre 1950 en l’affaire
du Droit d’asile (Colombie/Pérou) (Colombie c. Pérou), arrêt, C.I.J. Recueil 1950, p. 402.
76 Demande d’interprétation de l’arrêt du 20 novembre 1950 en l’affaire du Droit d’asile (Colombie/Pérou)
(Colombie c. Pérou), arrêt, C.I.J. Recueil 1950, p. 402.
77 Observations écrites de la Malaisie, par. 23.
78 Ibid.
79 Ibid., par. 24.
34
35
- 19 -
Pedra Branca ne génère aucune mer territoriale80. Avant de déclarer  en parfaite contradiction
avec sa propre conclusion  que la Cour, même si elle a reconnu que la souveraineté territoriale de
Singapour sur Pedra Branca s’étendait en mer, ne l’a fait que «jusqu’à une distance
indéterminée»81. La Malaisie se fonde sur cet argument pour avancer que :
«la question de la souveraineté sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh doit inclure des
problématiques telles que celle de l’existence d’une mer territoriale générée par
celle-ci et, le cas échéant, celle de savoir jusqu’où elle s’étend. Il est donc nécessaire
que la Cour clarifie ce qu’elle avait en tête afin que les Parties puissent s’atteler à la
recherche d’un règlement effectif.»82
3.24. Cette thèse est totalement indéfendable.
a) Premièrement, comme il a été démontré au chapitre II, la détermination de la souveraineté par
la Cour était parfaitement claire et ne requiert aucune interprétation. Dans le compromis, les
Parties n’ont jamais demandé à la Cour de statuer sur l’existence ou l’étendue des espaces
maritimes générés par Pedra Branca (ou Middle Rocks ou South Ledge) ; dans l’affaire initiale,
elles n’ont jamais soulevé ces questions dans leurs écritures et conclusions ; et la Cour ne les a
donc pas tranchées dans son arrêt. Comme la Cour permanente de Justice internationale l’avait
clairement dit, l’interprétation d’un arrêt au sens de l’article 60 du Statut «ne peut dépasser les
limites de cet arrêt même, lesquelles sont tracées par le compromis»83.
b) Deuxièmement, comme il a été expliqué à la section précédente, la divergence entre les Parties
concernant l’étendue de leurs espaces maritimes dans la zone en question ne saurait équivaloir à
un désaccord découlant de la formulation de l’arrêt et, par conséquent, ne constitue pas une
contestation sur le sens ou la portée de celui-ci. En l’absence de contestation véritable sur la
teneur des décisions de la Cour, la requête en interprétation n’est pas juridiquement fondée.
c) Troisièmement, du fait qu’elle vise à obtenir des réponses à des questions dont la Cour n’était
pas saisie dans l’affaire initiale et sur lesquelles elle ne s’est pas prononcée dans son arrêt, la
demande en interprétation dépasse les limites du cadre fixé par l’article 60 du Statut et doit
donc être considérée comme irrecevable.
3.25. La présente sous-section porte précisément sur ce troisième point : l’irrecevabilité de la
première demande de la Malaisie, à savoir que la Cour devrait dire et juger, au moyen d’une
interprétation, que «les eaux entourant Pedra Branca/Pulau Batu Puteh continuent de faire partie
des eaux territoriales de la Malaisie»84. La simple juxtaposition des termes de cette demande avec
ceux du dispositif de la Cour  «la souveraineté sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh appartient à la
République de Singapour»  fait apparaître que la Malaisie cherche à obtenir de la Cour qu’elle
réécrive son arrêt en rendant aujourd’hui une décision qu’elle n’était pas appelée à rendre et n’a pas
rendue.
3.26. Avant d’examiner plus attentivement cette faille dans la demande de la Malaisie, il
apparaît nécessaire de formuler quelques brèves remarques sur la nouvelle thèse - jamais avancée
80 Observations écrites de la Malaisie, par. 27.
81 Ibid., par. 33.
82 Ibid., par. 36.
83 Traité de Neuilly, article 179, annexe, paragraphe 4 (interprétation), arrêt no 3, 1924, C.P.J.I. série A no 4,
p. 7.
84 Observations écrites de la Malaisie, par. 122, citant le paragraphe 56 a) de la demande en interprétation.
36
37
- 20 -
au cours de longues années écoulées depuis le prononcé de l’arrêt - qui est exposée dans ses
observations écrites, à savoir que Pedra Branca est dépourvue d’eaux territoriales85. Cette thèse est
en complète contradiction avec les principes fondamentaux du droit de la mer, la jurisprudence de
la Cour et les conclusions formulées par celle-ci dans son arrêt.
3.27. La Malaisie tente de faire dire à l’arrêt ce qu’il ne dit pas, affirmant, dans ses
observations écrites, que les conclusions qui y sont formulées par la Cour revenaient «à soustraire
le territoire terrestre de Pedra Branca/Pulau Batu Puteh à la souveraineté malaisienne, le reste de la
zone en question demeurant donc, par implication logique, soumis à cette souveraineté»86. Elle
poursuit avec, en appendice, une note sur le statut constitutionnel de la zone en question, qui vise à
étayer l’argument selon lequel toutes les zones maritimes autour de Pedra Branca lui
appartiennent87.
3.28. Cette note qui figure dans les observations écrites de la Malaisie est totalement hors de
propos. Les documents qui y sont cités avaient tous été examinés dans le cadre de l’affaire initiale
et n’ont eu aucune incidence sur la décision de la Cour d’attribuer la souveraineté sur Pedra Branca
à Singapour. De plus, en prétendant que la Cour se serait limitée à «soustraire» Pedra Branca de
zones par ailleurs malaisiennes, la Malaisie dénature l’arrêt. La partie pertinente du raisonnement
ayant conduit la Cour à attribuer la souveraineté sur Pedra Branca à Singapour se lit en effet
comme suit :
«La Cour est d’avis que les faits pertinents, dont le comportement des Parties,
examinés plus haut et résumés aux deux paragraphes précédents témoignent d’une
évolution convergente des positions de celles-ci concernant le titre sur
Pedra Branca/Pulau Batu Puteh. La Cour conclut, au vu, notamment, du
comportement à titre de souverain de Singapour et de ses prédécesseurs, considéré
conjointement avec celui de la Malaisie et de ses prédécesseurs, et notamment avec le
fait que celle-ci soit demeurée sans réaction face au comportement de Singapour et de
ses prédécesseurs, que, en 1980, la souveraineté sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh
était désormais détenue par Singapour.»88
3.29. Rien, à la lecture de cette conclusion et du dispositif de l’arrêt, ne prête à penser que
« le reste » de la zone maritime autour de Pedra Branca relève de la souveraineté de la Malaisie. Au
contraire, en vertu des principes fondamentaux du droit international, l’île génère ses propres eaux
territoriales. Cela ressort très clairement de l’article 121 de la convention des Nations Unies sur le
droit de la mer (CNUDM)  à laquelle Singapour et la Malaisie sont parties , qui dispose que
les îles, quelles que soient leur taille ou leurs caractéristiques, ont droit, entre autres, à une mer
territoriale. Ce principe est également bien établi dans la jurisprudence de la Cour89. L’argument de
85 Voir, par exemple, les paragraphes 27 et 39 des observations écrites de la Malaisie, où cette dernière avance cet
argument pour la première fois en l’espèce.
86 Observations écrites de la Malaisie, par. 27.
87 Ibid., par. 61 à 70.
88 Arrêt, p. 96, par. 276.
89 Comme la Cour l’a relevé dans son arrêt en l’affaire du Différend territorial et maritime (Nicaragua
c. Colombie), «[p]ar ailleurs, même une île tombant sous le coup de l’exception prévue au paragraphe 3 de l’article 121
de la CNUDM ouvre droit à une mer territoriale». La Cour a ajouté que «ce droit à une mer territoriale est le même que
pour tout autre territoire terrestre. Quelle qu’ait pu être la règle dans le passé, le droit international fixe de nos jours à
12 miles marins la largeur de la mer territoriale dont peut se prévaloir l’Etat côtier», C.I.J. Recueil 2012, p. 690, par. 176
et 177. Le même principe a été confirmé par un tribunal arbitral qui a déclaré, dans la sentence Dubai-Sharjah Border
Arbitration (p. 673), que «chaque île, aussi petite soit-elle, a sa ceinture de mer territoriale», I.L.R., vol. 91, p. 543
[traduction du Greffe].
38
- 21 -
la Malaisie est en outre incompatible avec plusieurs constatations faites par la Cour dans son arrêt,
qui supposent toutes l’existence d’une mer territoriale générée par Pedra Branca90. Il est de même
inconciliable avec l’établissement de la CTM par les Parties, après le prononcé de l’arrêt. Cette
commission a mené d’importants travaux préparatoires en vue de délimiter les frontières maritimes
dans la zone en question, avant de s’atteler à la délimitation proprement dite91. Elle a également
convenu de dispositions pratiques, notamment sur la poursuite des activités de pêche traditionnelle
par les pêcheurs des deux pays et sur l’assistance en cas d’incident en mer92. De toute évidence, ces
travaux reposaient sur l’hypothèse que Pedra Branca, comme Middle Rocks, génère un espace
maritime propre dont les limites doivent être fixées par les Parties.
3.30. Bien qu’elle tente de faire croire qu’il est possible qu’une île soit réputée n’avoir pas de
mer territoriale, la Malaisie ne cite pas un seul exemple d’une telle situation dans ses observations
écrites. L’étendue des droits maritimes d’un Etat côtier peut certes faire l’objet d’une délimitation
avec un Etat voisin. Mais ce n’est pas la question en l’espèce, pas plus que cela ne l’était dans
l’affaire initiale. La Cour a clairement indiqué dans son arrêt qu’elle n’avait pas «reçu pour mandat
de tracer la ligne de délimitation des eaux territoriales de la Malaisie et de Singapour dans la zone
en question»93.
3.31. Singapour mentionne ces points non pas pour se rallier à la position que défend la
Malaisie en ce qui concerne le droit d’une île à des eaux territoriales, mais pour montrer que, ce
faisant, la Malaisie débat une question dont la Cour n’était pas saisie dans l’affaire initiale et qui,
en tout état de cause, échappait à sa compétence. Autrement dit, elle tente, au moyen d’une
demande en interprétation, d’amener la Cour à répondre à des questions qui n’ont jamais été
soulevées par les Parties ni tranchées dans l’arrêt.
3.32. Dans ses observations écrites, Singapour a rappelé que, selon sa jurisprudence
constante, «la Cour doit respecter strictement les limites de l’arrêt initial et ne saurait remettre en
90 Ainsi, la Cour a estimé pertinent  pour sa décision relative à la souveraineté sur Pedra Branca  le fait que
Singapour et ses prédécesseurs aient à plusieurs occasions mené des enquêtes «sur les naufrages survenus dans les eaux
entourant Pedra Branca/Pulau Batu Puteh», comportement qui, selon elle, «vient étayer de manière appréciable la thèse
de Singapour» (arrêt, p. 82-83, section 5.4.6. a) et par. 234). De même, elle a jugé pertinent, au regard de la souveraineté,
le fait que, dans les années 1970, les fonctionnaires malaisiens devaient obtenir l’autorisation de Singapour pour procéder
à des levés «dans les eaux environnantes», soit autour de Pedra Branca, autre exemple de comportement venant étayer la
thèse de Singapour (arrêt, p. 84-85, par. 238-239).
La Cour s’est référée également à la lettre du 12 juin 1953 par laquelle le secrétaire colonial de Singapour
demandait des renseignements «d’importance pour la délimitation des eaux territoriales de la colonie» au Johor, lequel
avait répondu que «le gouvernement du Johore ne revendiqu[ait] pas la propriété de Pedra Branca» (arrêt, par. 192, p. 73,
et par. 294, p.75). La Cour a relevé que la réponse du Johor «ne contest[ait] en aucune manière les mesures que la colonie
pouvait envisager de proposer relativement à la détermination de ses eaux territoriales autour de Pedra Branca/Pulau Batu
Puteh» (arrêt, p. 79, par. 221).
Enfin, la décision de la Cour relative à South Ledge répondait à la question de savoir «si South Ledge se trouve
dans les eaux territoriales générées par Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, qui appartient à Singapour, ou dans celles
générées par Middle Rocks, qui appartient à la Malaisie» (arrêt, p. 101, par. 297). La Cour a fait observer en outre que
South Ledge «relève des eaux territoriales générées par la Malaisie continentale, par Pedra Branca/Pulau Batu Puteh et
par Middle Rocks, eaux territoriales qui semblent se chevaucher». Voir aussi, plus loin, par. 3.35-3.44.
91 Voir les observations écrites de Singapour, par. 1.19-1.26.
92 Ibid., par. 1.23 et 1.24.
93 Arrêt, p. 101, par. 298.
39
40
- 22 -
cause ce qui a été réglé avec force obligatoire, ni trancher des questions sur lesquelles elle ne s’est
pas prononcée dans l’arrêt initial»94.
3.33. La Malaisie prétend d’abord souscrire à ces principes. Elle déclare que «[l]a Cour a
maintes fois réaffirmé ces conditions, et s’est refusée à examiner toute partie d’une demande en
interprétation ne visant pas à faire éclaircir le sens et la portée de ce qui avait été décidé par
l’arrêt»95. Cependant, il devient vite évident que ce n’est là qu’un simple effet d’annonce. La
Malaisie fait fi des règles régissant la recevabilité en priant la Cour de dire que l’arrêt, en ce qu’il
attribuant la souveraineté sur Pedra Branca à Singapour, doit être interprété comme signifiant que
cette formation ne génère aucun espace maritime96 et que, par conséquent, «les eaux entourant
Pedra Branca/Pulau Batu Puteh continuent de faire partie des eaux territoriales de la Malaisie»97. A
titre subsidiaire, elle avance que, à supposer qu’il existe un quelconque espace maritime, l’étendue
de celui-ci indéterminée98. Il est pourtant évident qu’il s’agit là de questions sur lesquelles la Cour
n’a pas statué dans son arrêt parce qu’elle n’avait pas compétence pour le faire. Par ses allégations,
la Malaisie révèle que son intention, dans la présente procédure, n’est pas tant de demander une
interprétation de l’arrêt que d’obtenir la possibilité de soulever des questions qui n’entraient pas
dans le cadre de l’affaire initiale, et d’amener la Cour à se prononcer à leur sujet.
3.34. En bref, la Malaisie cherche à tirer parti d’une procédure en interprétation pour greffer
à l’affaire initiale un différend nouveau, portant sur un objet nouveau qu’elle n’avait jamais
invoqué avant de former sa demande en interprétation et de présenter ses observations écrites. La
demande de la Malaisie concernant Pedra Branca est par conséquent irrecevable et doit être rejetée.
2. La demande de la Malaisie concernant South Ledge est irrecevable
3.35. Au troisième paragraphe du dispositif de son arrêt, la Cour dit «que la souveraineté sur
South Ledge appartient à l’Etat dans les eaux territoriales duquel il est situé»99. C’est ce que la
Cour a décidé. Rien de plus, et rien de moins. De fait, sachant que la souveraineté sur ce haut-fond
découvrant100 dépend de la mer territoriale dans laquelle il est situé101, et que la Cour «n’a[vait] pas
reçu pour mandat de tracer la ligne de délimitation des eaux territoriales de la Malaisie et de
Singapour dans la zone en question»102, c’était la seule décision possible103. En particulier, la Cour
ne pouvait pas trancher la question de savoir si South Ledge est situé dans les eaux territoriales de
la Malaisie ou dans celles de Singapour, et elle ne l’a donc pas fait. Elle s’est bornée à constater
que «South Ledge relève des eaux territoriales générées par la Malaisie continentale, par
94 Demande en interprétation de l’arrêt du 15 juin 1962 en l’affaire du Temple de Préah Vihéar (Cambodge
c. Thaïlande) (Cambodge c. Thaïlande), arrêt, C.I.J. Recueil 2013, p. 306, par. 66. Voir aussi Demande d’interprétation
de l’arrêt du 20 novembre 1950 en l’affaire du Droit d’asile (Colombie/Pérou) (Colombie c. Pérou), arrêt,
C.I.J. Recueil 1950, p. 402 ; Demande en revision et en interprétation de l’arrêt du 24 février 1982 en l’affaire du
Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne) (Tunisie c. Jamahiriya arabe libyenne), arrêt,
C.I.J. Recueil 1985, p. 223, par. 56.
95 Observations écrites de la Malaisie, par. 112.
96 Ibid., par. 120 d).
97 Ibid., par. 122, citant le paragraphe 56 a) de la demande en interprétation.
98 Ibid., par. 33.
99 Arrêt, p. 102, par. 300, point 3).
100 Ibid., p. 99, par. 291.
101 Ibid., p. 100 et 101, par. 295 à 297.
102 Ibid., p. 101, par. 298.
103 Voir, plus haut, par. 2.16 à 2.19.
41
42
- 23 -
Pedra Branca/Pulau Batu Puteh et par Middle Rocks, eaux territoriales qui semblent se
chevaucher»104 et s’est, à juste titre, abstenue de traiter plus avant la question.
3.36. Dans ses observations écrites, la Malaisie a sensiblement modifié sa position en ce qui
concerne le désaccord qui l’opposerait à Singapour au sujet de South Ledge. Dans sa demande en
interprétation, elle affirmait que, si Singapour était d’avis que la Cour n’avait pas tranché la
question de la souveraineté sur South Ledge105, elle-même considérait que la Cour s’était dûment
acquittée du rôle que lui assignait le compromis» et lui avait attribué la souveraineté sur cette
formation106.
3.37. Après avoir pu lire que Singapour démentait catégoriquement ces allégations infondées
dans ses observations écrites107, la Malaisie a fait volte-face et prétend désormais que l’arrêt « est
loin d’être dépourvu d’ambiguïté»108, «incomplet», que, «partant, des incertitudes demeurent quant
à son sens et à sa portée »109 et qu’il «a introduit un fort élément d’incertitude»110. Elle va même
jusqu’à laisser entendre que l’arrêt n’a pas réglé la question de la souveraineté, affirmant que «des
incertitudes demeurent quant aux facteurs à prendre en compte aux fins de déterminer à quel Etat
revient la souveraineté [alors que] telle était précisément la question dont la Cour était saisie»111.
3.38. Cette critique à l’emporte-pièce de l’arrêt est dénuée de fondement, mal inspirée et
dessert la thèse de la Malaisie. A supposer même que ces accusations soient fondées (quod non), la
Cour ne pourrait pas remédier à une décision infra petita par une interprétation. Comme il a été
rappelé plus haut112, et comme la Malaisie elle-même le reconnaît, la Cour, en vertu de l’article 60
de son Statut, est habilitée exclusivement à connaître des demandes en interprétation, à l’exclusion
des demandes visant à obtenir des réponses à des questions sur lesquelles elle ne s’est pas (à tort ou
à raison) prononcée. L’obligation de la Cour consiste à interpréter l’arrêt et non à le réviser113.
3.39. Tout en affirmant que la Cour n’a pas tranché la question de la souveraineté sur
South Ledge, la Malaisie soutient que l’arrêt lui accorde «implicitement» ladite souveraineté114.
Elle ne saurait pourtant gagner sur les deux tableaux : la Cour ne peut avoir omis d’attribuer la
souveraineté sur South Ledge et, en même temps, avoir rendu à ce sujet une décision revêtue de
l’autorité de la chose jugée (res judicata) et contraignante pour les Parties.
104 Arrêt, p. 101, par. 297. La version anglaise se lit comme suit : «South Ledge falls within the apparently
overlapping territorial waters generated by the mainland of Malaysia, Pedra Branca/Pulau Batu Puteh and Middle
Rocks.»
105 Demande en interprétation, par. 45.
106 Ibid., par. 46.
107 Observations écrites de Singapour, par. 4.2 et 4.3.
108 Observations écrites de la Malaisie, par. 40.
109 Ibid., par. 11 et 44.
110 Ibid., par. 44.
111 Ibid., par. 44. Voir aussi le paragraphe 45.
112 Voir, plus haut, par. 3.32.
113 Interprétation des traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, deuxième phase, avis
consultatif, C.I.J. Recueil 1950, p. 229.
114 Observations écrites de la Malaisie, par. 12 et 56.
43
44
- 24 -
3.40. Comme il a été expliqué plus haut au chapitre II, la Cour s’est pleinement acquittée de
sa tâche au titre du compromis, sans dépasser les limites fixées par les Parties dans cet instrument.
Sa décision concernant la souveraineté sur South Ledge est parfaitement claire. La Cour n’a pas dit
(et n’aurait pu dire) que cette formation était située dans les eaux territoriales de la Malaisie, ni
qu’elle était située dans celles de Singapour. La Malaisie déforme la décision de la Cour et
introduit des questions qui n’y sont pas traitées, pour servir ses propres intérêts et obtenir en fin de
compte un examen en appel de l’arrêt.
3.41. La Malaisie prétend également que South Ledge, en raison de sa proximité avec
Middle Rocks et de la configuration géographique de la zone, relève de sa souveraineté115. Ce n’est
tout simplement pas ce que la Cour a décidé. Comme celle-ci l’a rappelé dans son arrêt, «un Etat
côtier exerce sa souveraineté sur les hauts-fonds découvrants situés dans sa mer territoriale,
puisqu’il exerce sa souveraineté sur la mer territoriale elle-même»116. Par conséquent, la seule
question qui se pose est celle de savoir si les haut-fonds découvrants sont situés dans les eaux
territoriales de l’Etat en question. Cette question ne peut être tranchée uniquement sur la base d’une
proximité géographique. Au contraire, elle exige de faire appel à une délimitation, pour laquelle la
proximité peut être l’un des éléments à prendre en considération, mais en aucun cas le seul.
Toutefois, en l’espèce, le point fondamental est qu’il s’agit d’une question à l’égard de laquelle la
Cour n’était pas compétente en vertu du compromis117 et dont elle ne peut connaître aujourd’hui en
vertu de l’article 60.
3.42. En tout état de cause, la Malaisie avait déjà invoqué le même argument de proximité
dans l’affaire initiale118. La Cour le savait et l’a rappelé dans son arrêt119. Or, elle n’est pas
parvenue à la conclusion que South Ledge, en raison de sa proximité de Middle Rocks, relevait de
la souveraineté de la Malaisie. Cela clôt le sujet.
3.43. La Malaisie prétend maintenant dans ses observations écrites que South Ledge lui
appartient puisque que, Pedra Branca n’ayant pas de mer territoriale, les eaux territoriales dans
lesquelles il est situé sont celles de la Malaisie120. Comme il a été indiqué dans la sous-section
précédente121, il s’agit là d’un un argument entièrement nouveau qui n’a jamais été plaidé par les
Parties ni examiné par la Cour dans l’affaire initiale, ni même exposé dans la demande en
interprétation. De plus, lors de la procédure orale en l’affaire initiale, en novembre 2007, la
Malaisie avait adopté un point de vue différent. Elle avait expliqué que
«la souveraineté sur PBP [Pulau Batu Puteh/Pedra Branca], Middle Rocks et South
Ledge est «manifestement litigieuse». Aussi Singapour ne peut-elle prétendre mesurer
ses eaux territoriales à partir de PBP si sa souveraineté à l’égard de cette dernière n’est
pas établie.»122
115 Observations écrites de la Malaisie, par. 46, 56 et 60.
116 Arrêt, p. 100, par. 295, citant Délimitation maritime et questions territoriales entre Qatar et Bahreïn (Qatar
c. Bahreïn), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 2001, p. 101, par. 204.
117 Ibid., p. 101, par. 298.
118 Contre-mémoire de la Malaisie, par. 162 ; réplique de la Malaisie, par. 418 ; CR 2007/26, p. 33 et 34, par. 38
(Schrijver).
119 Arrêt, p. 99 et 100, par. 293.
120 Observations écrites de la Malaisie, par. 60.
121 Voir, plus haut, par. 3.24 a) et 3.26.
122 CR 2007/31, p. 27, par. 22 (Schrijver).
45
46
- 25 -
Ainsi, la Malaisie elle-même avait suggéré dans l’affaire initiale que Pedra Branca génère des eaux
territoriales.
3.44. L’étendue des espaces maritimes revenant à chacune des Parties au vu des conclusions
de l’arrêt est une question qui a été laissée aux intéressées. Lors des échanges que celles-ci ont eus
après le prononcé de l’arrêt, y compris dans le cadre de leurs discussions au sein de la CTM123, la
Malaisie a accepté l’idée qu’il leur incombait, compte tenu du chevauchement de leurs droits dans
la zone concernée, d’entamer un processus de délimitation maritime. Plusieurs hauts représentants
du Gouvernement malaisien, dont l’agent de la Malaisie dans l’affaire initiale124, ont reconnu que
l’étape suivante, une fois l’arrêt rendu, consistait à délimiter les espaces maritimes et aériens
respectifs des Parties. Or, de telles négociations sur la délimitation ne seraient pas nécessaires si
l’arrêt pouvait être interprété comme excluant l’existence de droits maritimes générés par
Pedra Branca.
C. CONCLUSIONS
3.45. La Malaisie n’a pas satisfait aux conditions fixées par l’article 60 du Statut de la Cour
pour l’introduction d’une demande en interprétation. Il n’existe aucune contestation entre les
Parties sur le sens et la portée de l’arrêt. Au contraire, il est devenu encore plus évident, à la lecture
des observations écrites de la Malaisie, que celle-ci cherche à fabriquer une «contestation» de
toutes pièces. Elle ne réussit pas pour autant à combler les lacunes fondamentales de sa thèse et de
sa demande. Tous les points que la Malaisie prie aujourd’hui la Cour de trancher par une
interprétation concernent des «questions dont la Cour n’a pas été saisie par les Parties en cause»125
dans l’affaire initiale. La Malaisie ne cherche pas à obtenir une véritable interprétation, mais une
décision nouvelle sur des questions nouvelles. Pour ces raisons, la Cour n’est pas compétente pour
connaître de la demande en interprétation, laquelle est, en tout état de cause, irrecevable.
123 Voir, plus haut, par. 3.7 à 3.8, 3.11 à 3.13 et 3.29.
124 Voir, plus haut, par. 3.14 à 3.16. Voir aussi observations écrites de Singapour, par. 1.15 à 1.17, 3.10, 4.11-4.18
et annexe 2.
125 Demande d’interprétation de l’arrêt du 20 novembre 1950 en l’affaire du Droit d’asile (Colombie/Pérou)
(Colombie c. Pérou), arrêt, C.I.J. Recueil 1950, p. 403.
47
- 26 -
RÉSUMÉ DE L’ARGUMENTATION DE SINGAPOUR
1. Conformément à l’instruction de procédure II de la Cour, Singapour présente un bref
résumé du raisonnement développé dans la présente réponse.
2. Il ressort des arguments avancés par la Malaisie que celle-ci n’a pas formé une véritable
demande en interprétation telle que prévue à l’article 60 du Statut de la Cour. La Malaisie attend en
effet de la Cour, sous le couvert d’une interprétation, qu’elle aille au-delà de ce qu’elle avait décidé
dans son arrêt et qu’elle statue sur des questions de délimitation ou de droits maritimes, questions
qui ne relevaient pas de son mandat tel que défini dans le compromis et sur lesquelles, par
conséquent, elle ne s’est pas prononcée. La demande en interprétation constitue un abus de
procédure et doit être rejetée.
3. La Cour s’est pleinement acquittée de la tâche qui lui avait été assignée par le compromis
et a tranché l’affaire clairement dans le cadre de son mandat juridictionnel :
a) La décision de la Cour attribuant la souveraineté sur Pedra Branca à Singapour est claire. Les
efforts de la Malaisie pour confondre les questions de la souveraineté sur cette formation et des
espaces maritimes que celle-ci génère sont à la fois malavisés et vains.
b) La décision de la Cour relative à la souveraineté sur South Ledge est également claire, compte
tenu du fait que cette formation est un haut-fond découvrant et que la Cour n’avait pas pour
mandat de délimiter les eaux territoriales respectives de la Malaisie et de Singapour dans la
zone en question.
4. La Malaisie est loin de satisfaire aux conditions de compétence et de recevabilité de toute
demande en interprétation d’un arrêt, telles qu’elles sont fixées par l’article 60 du Statut de la Cour
et par le paragraphe 2 de l’article 98 de son Règlement.
5. En l’absence d’une véritable contestation sur le sens ou la portée de l’arrêt, la demande en
interprétation ne repose sur aucun titre de compétence :
a) Il n’existait aucune contestation entre les Parties avant le dépôt de la demande en interprétation.
Le simple fait que la Malaisie prétende, dans ses observations écrites, être en désaccord avec
Singapour ne suffit pas. Il lui faut démontrer que la contestation porte sur le sens ou la portée de
l’arrêt, ce qu’elle n’a pas fait.
b) Au contraire, les affirmations de la Malaisie sont contredites par les nombreuses déclarations de
membres de son gouvernement, ainsi que par les importants travaux et les nombreuses réunions
de la CMT. Autant de preuves que les Parties avaient une compréhension commune du sens et
de la portée de l’arrêt et qu’elles s’accordaient sur le fait que l’étape suivante consistait à
déterminer l’étendue de leurs espaces maritimes et aériens respectifs.
c) L’échange, entre les Parties, de protestations diplomatiques au sujet i) du statut des eaux
entourant Pedra Branca et ii) de South Ledge reflète simplement une divergence de vues sur une
question distincte, celle des espaces maritimes et aériens leur revenant respectivement, et non
un désaccord sur le sens ou la portée de l’arrêt.
49
50
- 27 -
6. La demande en interprétation est également irrecevable dans la mesure où les demandes
de la Malaisie relatives à Pedra Branca et à South Ledge dépassent la portée de l’arrêt, en plus
d’être injustifiées :
a) Le nouvel argument de la Malaisie selon lequel Pedra Branca n’aurait pas de mer territoriale
est, à l’évidence, erroné au regard du droit international et revient à faire dire à l’arrêt ce qu’il
n’a pas dit. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas ce qui importe en l’espèce. L’important ici est que la
Cour n’était pas mandatée par le compromis pour statuer sur les droits maritimes générés par les
formations en question et s’est donc abstenue, à juste titre, de le faire.
b) En ce qui concerne la souveraineté sur South Ledge, les critiques que formule la Malaisie à
l’égard de l’arrêt et du raisonnement de la Cour sont infondées et trahissent sa véritable
motivation, à savoir obtenir un examen en appel de l’arrêt. La thèse de la Malaisie selon
laquelle la Cour lui aurait attribué la souveraineté sur South Ledge en raison de la proximité et
de la configuration de cette formation est indéfendable. Elle touche en effet aux modalités de la
délimitation, or c’est là une question dont la Cour a expressément reconnue qu’elle échappait à
sa compétence. Quant à l’argument présenté à titre subsidiaire par la Malaisie, à savoir que
South Ledge est situé dans ses eaux territoriales puisque Pedra Branca n’en a pas, est non
seulement erroné au regard du droit, mais revient, là encore, à demander à la Cour d’examiner
une question qu’elle ne pouvait pas trancher, et n’a pas tranchée.
7. En bref, l’arrêt est parfaitement clair et n’appelle aucune interprétation.
51
- 28 -
CONCLUSION
Pour les motifs exposés dans ses observations écrites et dans la présente réponse, et tout en
se réservant le droit de modifier ou de compléter ses conclusions, la République de Singapour prie
la Cour de dire et juger que les conclusions de la Malaisie ainsi que sa demande en interprétation
sont rejetées.
L’agent du Gouvernement de la République de Singapour,
Attorney-General,
(Signé) Lucien WONG.
___________
53
- 29 -
CERTIFICATION
J’ai l’honneur de certifier que les documents annexés à la présente réponse sont des copies
authentiques et conformes des originaux.
L’agent du Gouvernement de la République de Singapour,
Attorney-General,
(Signé) Lucien WONG.
___________
55
- 30 -
LISTE DES ANNEXES
Annexe No Description Page
1 Extraits de l’ouvrage de Kadir Mohamad intitulé
« Malaysia’s Territorial Disputes, Two Cases at the ICJ »,
ministère des affaires étrangères, Malaisie, 2009
31
2 Extraits de l’ouvrage de Kadir Mohamad intitulé
«Malaysia/Singapore—years of Contentions », The Other
Press Sdn. Bhd., 2015
41
___________
- 31 -
ANNEXE 1
EXTRAITS DE L’OUVRAGE DE KADIR MOHAMAD INTITULÉ « MALAYSIA’S TERRITORIAL
DISPUTES, TWO CASES AT THE ICJ », MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
MALAISIE, 20091
- Page A1 -
1 Pour obtenir un lien vers un exemplaire électronique de la publication susmentionnée, il suffit de se rendre sur le
site Web officiel de l’Institute of Diplomacy and Foreign Relations, ministère des affaires étrangères, Malaisie, à
l’adresse https://www.idfr.gov.my/index.php/publication-2009 (consulté pour la dernière fois le 10 avril 2018). Pour un
historique et une présentation de l’Institut, prière de se rendre sur la page https://ww.idfr.gov.my/index.php/aboutus/
corporate-information/background (consulté pour la dernière fois le 10 avril 2018).
- 32 -
Cette page a été laissée intentionnellement en blanc
- Page A2 -
- 33 -
Première page
(non numérotée)
[reproduction de la page de couverture]
DIFFÉRENDS TERRITORIAUX
AUXQUELS LA MALAISIE EST PARTIE : DEUX AFFAIRES SOUMISES À LA CIJ
Batu Puteh, Middle Rocks et South Ledge
(Malaisie/Singapour) et Ligitan et Sipadan
[et la revendication sur Sabah] (Malaisie/Indonésie/Philippines)
Institute of Diplomacy and Foreign Relations (IDFR)
Ministère des affaires étrangères, Malaisie
- Page A3 -
- 34 -
Deuxième page
(non numérotée)
[…]
Publié par
Institute of Diplomacy and Foreign Relations (IDFR)
Ministère des Affaires étrangères
Jalan Wisma Putra
50460 Kuala Lumpur
Malaisie
Site Web : /www.idfr.gov.my
Adresse électronique : [email protected]
- Page A4 -
- 35 -
Page 18
La Cour a ainsi conclu – en raison entre autres de la conduite adoptée par Singapour et ses
prédécesseurs à titre de souverain, ainsi que de la conduite de la Malaisie et de ses prédécesseurs
(et notamment de l’absence de réaction d’iceux à la conduite de Singapour et de ses
prédécesseurs) –que la souveraineté sur Pedra Branca/BP est détenue par Singapour17.
L’année 1980 est en effet celle au cours de laquelle le différend s’est cristallisé en raison des
protestations de Singapour suscitées par la publication de la carte malaisienne de 1979.
Il s’avère par conséquent que la raison ayant empêché la Malaisie de conserver la souveraineté sur
BP tient non pas à la faiblesse de ses arguments ou à l’insuffisance des preuves étayant sa thèse,
mais à l’avis de la Cour pour qui certains faits historiques indélébiles – notamment les événements
survenus entre 1953 et 1980 – ont mis fin à la position souveraine de la Malaisie sur ces
formations, malgré la détention par Johor du titre originaire sur BP.
En ce qui concerne MR [Middle Rocks] et SL [South Ledge], la Cour a accepté l’argument
de la Malaisie faisant valoir que MR, SL et BP ne composent pas un groupe identifiable d’îles sur
le plan historique ou géomorphologique18, même si Singapour prétend que les trois formations
constituent un seul et même groupe. Pas plus que la Cour ne retient l’argument de la Malaisie selon
lequel MR et SL ayant toujours été considérés comme faisant partie de Johor appartiennent par
conséquent aujourd’hui à la Malaisie19.
La Cour a ensuite tranché en faveur de la Malaisie concernant le statut de Middle Rocks.
Pourtant, elle s’est abstenue de prendre position concernant le statut de SL – considéré comme
relevant des eaux territoriales générées par la Malaisie continentale, par Pedra Branca et par
Middle Rocks20, eaux territoriales qui semblent se chevaucher – et a donc laissé le soin à la
Malaisie et à Singapour de fixer subséquemment ledit statut dans le cadre de négociations.
__________________________________________
17 Communiqué de presse de la C.I.J., 23 mai 2008, par. 11.
18 Mémoire de la Malaisie, vol. 1, par. 287.
19 Mémoire de la Malaisie, vol. 1, par. 300.
20 Arrêt, par. 297.
- Page A5 –
- 36 -
Page 19
RÉSERVES CONCERNANT LE RAISONNEMENT DE LA COUR
Certes, la Malaisie avait consenti, en vertu de l’article 6 du compromis, d’accepter l’arrêt de
la Cour comme définitif et contraignant21. Pourtant, certaines questions ont été soulevées
concernant le raisonnement sur lequel s’appuient les décisions de la Cour.
Quatre Juges ayant voté contre l’arrêt ont tenu à exprimer leurs réserves séparément :
Dans son opinion dissidente, le Juge ad hoc Dugard a exprimé l’opinion selon laquelle la Cour
« n’explique pas comment la souveraineté sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh est passée du
Johor/de la Malaisie à Singapour au regard des règles traditionnelles ou admises régissant
l’acquisition d’un titre territorial »22.
Fait sans précédent, la Cour s’est abstenue d’indiquer le mode exact par lequel Johor a
perdu la souveraineté sur BP et la date exacte à laquelle Singapour a acquis la souveraineté sur
cette formation. L’arrêt se contente d’indiquer que, en 1980, la souveraineté sur Pedra Branca était
détenue par Singapour. Dans les affaires passées, la Cour avait toujours précisé comment et quand
un État avait perdu ou acquis la souveraineté sur un territoire.
Dans son opinion individuelle, le Juge Parra-Aranguren explique que les effectivités citées par la
Cour en faveur de la thèse de Singapour « couvrent une période bien trop brève et, pour cette
raison, ne suffisent pas à compromettre le titre historique de Johor sur Pedra Branca/Pulau Batu
Puteh ».23
__________________________________________
21 Special Agreement for Submission to the ICJ of the Dispute between Malaysia and Singapore concerning sovereignty
over Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, Middle Rocks and South Ledge.
22 Opinion dissidente du Juge ad hoc Dugard, p. 9, par. 30.
23 Opinion individuelle du Juge Parra-Aranguren, p. 6, par. 25.
-Page A6 -
- 37 -
Page 21
[…] par écrit, lequel était définitif, contraignant et non susceptible d’appel, la Cour a estimé26 :
 par douze voix contre quatre que la souveraineté sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh appartient
à la République de Singapour ;
 par quinze voix contre une que la souveraineté sur Middle Rocks appartient à la Malaisie ;
 par quinze voix contre une que la souveraineté sur South Ledge appartient à l’État dans les eaux
territoriales duquel il est situé.
LA QUESTION DE MIDDLE ROCKS
La Malaisie a toujours soutenu que Middle Rocks et South Ledge, de même que Batu Puteh,
sont des formations maritimes n’ayant jamais subi la moindre perturbation sous la souveraineté de
Johor, puis de la Malaisie.
En ce qui concerne Middle Rocks, la Cour a observé que les circonstances particulières
l’ayant amené à conclure que la souveraineté sur Pedra Branca/BP revient à Singapour ne
s’appliquent manifestement pas à cette formation. Elle a par conséquent estimé que la Malaisie, en
sa qualité de successeur du sultan de Johor, doit être considérée comme ayant conservé le titre
originaire sur Middle Rocks27.
L’AVENIR DE SOUTH LEDGE
En ce qui concerne South Ledge, la Cour a conclu que la souveraineté sur ladite formation
appartient à l’État dans les eaux territoriales duquel elle est située, dans la mesure où ce haut-fond
découvrant relève des eaux territoriales générées par la Malaisie continentale, Pedra Branca/BP et
MR, lesquelles semblent se chevaucher, et où les parties n’ont pas demandé à la Cour de tracer la
ligne de délimitation de leurs eaux territoriales respectives dans la zone en question28.
__________________________________________
26 Communiqué de presse de la C.I.J., 23 mai 2008, par. 1.
27 Communiqué de presse de la C.I.J., 23 mai 2008, par. 13.
28 Communiqué de presse de la C.I.J., 23 mai 2008, par. 14.
- Page A7 -
- 38 -
Page 22
La décision de la Cour signifie que la question en suspens de l’établissement de la
propriété souveraine sur South Ledge ne porte pas sur le problème de la preuve du titre, mais
uniquement sur l’emplacement géographique de cette formation par rapport aux frontières
maritimes. À cet égard, certains faits géographiques devraient prévaloir, notamment le fait que SL
est plus proche de MR que de BP. En outre, SL n’est qu’à 7,9 miles nautiques de la Malaisie
continentale, alors que la côte singapourienne la plus proche est distante de 25 miles nautiques29.
BP CONSTITUAIT LA QUESTION ESSENTIELLE, MAIS PAS LA SEULE
On a beaucoup déploré en termes chargés d’émotions que la Malaisie ait obtenu uniquement
des rochers, tandis que le grand prix, à savoir l’île, est revenu à Singapour. Cette perception
partielle des faits tient à ce que la plupart des Malaisiens connaissaient peu ou pas Middle Rocks et
South Ledge jusqu’à ce que les médias accordent une large place à la procédure en cours à La
Haye, y compris la retransmission en direct par Television Malaysia du prononcé de l’arrêt de la
Cour le 23 mai 2008. Il serait cependant erroné de lire l’arrêt en se concentrant uniquement sur BP,
dans la mesure où la Cour a également conféré des avantages à la Malaisie. Après tout, l’affaire
portait non pas sur une, mais sur trois formations maritimes distinctes.
En réalité, Pedra Branca n’est pas une île, mais simplement une autre formation rocheuse
marine, même si son nom en malais est Pulau Batu Puteh (l’île de la pierre blanche). Dès lors, on
peut considérer que la Cour a attribué à Singapour, en plus de la « pierre blanche », une certaine
étendue d’eaux territoriales autour de Pedra Branca. De même, la Malaisie peut désormais
prétendre à des eaux territoriales autour de Middle Rocks et nourrit d’excellentes perspectives
d’acquisition d’une étendue supplémentaire d’eaux territoriales autour de South Ledge. Cet
optimisme se fonde sur la possibilité de prouver que South Ledge relève des eaux territoriales
malaisiennes et devrait par conséquent revenir à la Malaisie.
__________________________________________
29 Mémoire de la Malaisie, vol. 1, par. 288.
- Page A8 -
- 39 -
Page 24
Les trois formations – Middle Rocks, South Ledge, ainsi que Pedra Branca – généreront
chacune leur propre zone maritime. Pourtant, aucune ne saurait être qualifiée d’île et, à ce titre,
générer une zone économique exclusive (ZEE) de 200 miles nautiques. C’est pourquoi toute
déclaration unilatérale de Singapour visant à établir une ZEE autour de Pedra Branca est
inacceptable compte tenu des dispositions du paragraphe 121 (3) de la Convention des Nations
Unies sur le droit de la mer, en vertu duquel les rochers qui ne se prêtent pas à l’habitation humaine
ou à une vie économique propre n’ont pas de zone économique exclusive ni de plateau continental.
La Cour internationale de Justice a en fait qualifié Pedra Branca d’« île granitique »30 et l’a décrite
aussi comme « une île minuscule inhabitée et inhabitable »31.
Les trois formations maritimes ont donc droit uniquement chacune à une mer territoriale de
12 miles nautiques. De plus, dans la mesure où Pedra Branca est située à la fois près de la côte du
Johor et de Middle Rocks, ses eaux territoriales à l’ouest, au nord et au sud sont loin d’atteindre
cette largeur.
D’aucuns ont également prétendu que Singapour était extrêmement désireuse d’obtenir la
propriété non seulement de Pedra Branca, mais également de Middle Rocks et de South Ledge, en
vue de récupérer des territoires et de joindre les trois formations de manière à créer un domaine
maritime dans cette zone. Dans la mesure où Middle Rocks appartient à la Malaisie et se situe entre
BP et South Ledge, il est clair que Singapour doit désormais renoncer à ce plan ambitieux si tant
est qu’elle l’ait jamais nourri.
__________________________________________
30 Arrêt, par. 16.
31 Arrêt, par. 66.
- Page A9 -
- 40 -
Capture d’écran de la page Web https://www.idfr.gov.my/index.php/publication-2009 (consultée
pour la dernière fois le 10 avril 2018)
Institute of Diplomacy and Foreign Relations
ouvrages publié en 2009
Malaysia’s Territorial Disputes – Two Cases at the ICJ/Pertikaian Wilayah Malaysia – Dua
Kes di ICJ
Cet ouvrage est le deuxième publié par l’IDFR sur ce sujet, à savoir l’affaire de Batuh Puteh,
Middle Rocks et South Ledge et l’affaire de Pulau Ligatan et Pulau Sipadan (et la revendication sur
Sabah). Le premier a été publié en anglais sous la forme d’un article occasionnel. La présente
édition est au format bilingue.
Diplomatic Profile Series, Profiles of Malaysia’s Foreign Ministers - Abdullah Ahmad
Badawi
[…]
Diplomatic Profile Series, Profiles of Malaysia’s Foreign Ministers – Dr Ismail Abdul
Rahman
[…]
IDFR Training Programmes 2010
[…]
IDFR Annual Report 2008
[…]
- Page A10 -
- 41 -
ANNEXE 2
EXTRAITS DE L’OUVRAGE DE KADIR MOHAMAD INTITULÉ « MALAYSIA/SINGAPORE – YEARS
OF CONTENTIONS »,
THE OTHER PRESS SDN. BHD., 2015
- Page A11 -
- 42 -
Cette page a été laissée intentionnellement en blanc
- Page A12 -
- 43 -
Page de garde
[reproduction de la page de garde]
- Page A13 -
- 44 -
Rabat de la jaquette
[reproduction du rabat de la jaquette]
À propos de l’auteur
Tan Sri Ab. Kadir Mohamad est né à Kamoung Pagar le 3 juillet 1943. Il a fréquenté
successivement la Malay School Penjom (1950-1952), la Clifford School Kuala Lipis (1953-1960),
le Malay College Kuala Kangsar (1961-1962) et l’University of New South Wales, Sydney
Australie (1964-1967). Il a obtenu une licence en sciences politiques avec mention de cette
université en 1968 et, plus tard s’est vu décerner – toujours par la même université – le titre de
docteur honoris causa en 1999.
Il a embrassé la carrière diplomatique en 1968 et rempli diverses fonctions à l’étranger au
sein des missions diplomatiques de la Malaisie à New York, Saïgon, Bruxelles, Washington et
Islamabad, ainsi qu’au sein du ministère des affaires étrangères. Il a ensuite occupé successivement
les postes de secrétaire général du ministère (1996-2001), d’ambassadeur extraordinaire (2001-
2003), de conseiller principal du ministère des affaires étrangères pour la question du Timor
oriental (2001-2003), de conseiller diplomatique auprès du Premier ministre malaisien (2003-2009)
et, enfin, de conseiller au sein du Conseil national de sécurité rattaché au Bureau du Premier
ministre (2010-2013).
Il a également dirigé l’équipe malaisienne et occupé les fonctions d’agent de la Malaisie
auprès de la Cour internationale de Justice dans l’affaire relative à la Souveraineté sur Pulau
Ligitan et Pulau Sipadan (Indonésie/Malaisie) (2001) et dans l’affaire relative à la Souveraineté
sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, Middle Rocks et South Ledge (Malaisie/Singapour) (2008).
Il a rédigé un ouvrage intitulé « Two Cases at the ICJ », lequel a été publié en 2009 par l’Institute
of Diplomacy and Foreign Relations, Malaisie.
- Page A14 -
- 45 -
Troisième page (non numérotée)
MALAYSIA
SINGAPORE
FIFTY YEARS OF CENTENTIONS
1965 - 2015
KADIR MOHAMAD
TOP
The Other Press
Kuala Lumpur
- Page A15 -
- 46 -
Quatrième page (non numérotée)
©Kadir Mohamad 2015
Tous droits réservés. Aucune partie du présent ouvrage ne peut être reproduite ni transmise sous quelque forme ou par
quelque moyen que ce soit, électronique ou mécanique, y compris la photocopie ou l’enregistrement, ni selon tout autre
système informatisé de mise en mémoire ou de recherche des données, sans l’autorisation préalable de l’éditeur.
Publié par :
The Other Press Sdn. Bhd.
607 Mutiara Majestic
Jalan Othman
46000 Petaling Jaya
Selangor, Malaisie
www.itbooks.com
The Other Press est affilié à l’Islamic Book Trust.
Perpustakaan Negara Malaysia Cataloguing-in-Publication Data
Kadir Mohamad
Malaysia Singapore fifty years of contentions 1965 – 2015/ Kadir Mohamad
Includes index
Bibliography: page 313
ISBN 978-983-9541-89-2
ISBN 978-983-9541-95-3 (pbk.)
1. Malaysia — Foreign relations -- Singapore
2. Singapore — Foreign relations -- Malaysia
3. Malaysia — Politics and government
4. Singapore — Politics and government I. Title.
327.59505957
Imprimé par
Academe Art & Printing Services Sdn. Bhd.
No. 7 Jalan Rajawali !A
Bandar Puchong Jaya
Batu 8, Jalan Püchong
47100 Selangor
- Page A16 -
- 47 -
Page 123
L’HISTOIRE SANS FIN DE LA PIERRE BLANCHE
[…] pour les mêmes raisons que Batu Puteh faisait partie du territoire de Johor depuis des
temps anciens.
Pour Singapour, quiconque possède Batu Puteh posséderait également Middle Rocks et
South Ledge, dans la mesure où ces trois formations sont très proches l’une de l’autre et constituent
un groupe.
En ce qui concerne Middle Rocks, la Cour a fait observer que les conditions particulières
l’ayant amenée à conclure que la souveraineté sur Pedra Branca revient à Singapour ne
s’appliquent manifestement pas à Middle Rocks, dont la souveraineté revient à la Malaisie en sa
qualité de successeur du sultan de Johor26. La Cour a dit, par quinze voix contre une, que la
souveraineté sur Middle Rocks appartient à la Malaisie26.
La décision de la Cour relative à Middle Rocks est importante, parce que la confirmation du
titre de la Malaisie sur Middle Rocks confère à ce pays un statut égal à celui de Singapour dans
cette partie du détroit de Singapour à proximité de Pedra Branca. Les décisions de la Cour
confèrent également certains avantages à la Malaisie et non pas exclusivement à Singapour.
En vertu du droit de la mer, Middle Rocks a également droit désormais à une ceinture d’eau
territoriale. Pedra Branca est encerclée à la fois par la côte de Johor et par Middle Rocks. Par
conséquent, cette décision signifie également que cette ceinture – à l’ouest, au nord et au sud de la
formation – n’atteindra pas 12 miles nautiques de largeur. En fait, les navires singapouriens
désirant rallier Pedra Branca au départ de l’île principale devront traverser les eaux territoriales
malaisiennes.
- Page A17 -
- 48 -
Page 124
La décision de la Cour signifie également que Singapour doit lever le blocus naval qu’il
impose dans la zone en question depuis 1986. En fait, ce blocus a été levé et les pêcheurs de Johor
peuvent désormais revenir sur leurs lieux de pêche traditionnels.
Middle Rocks se compose de deux formations rocheuses distinctes situées en mer à environ
300 m l’une de l’autre à quelque 0,6 mile nautique au sud de Pedra Branca. Afin de symboliser
l’égalité de statut entre Middle Rocks et Pedra Branca, ainsi que de manifester sa présence continue
sur le rocher à l’avenir, la Malaisie a pris des mesures pour ériger une structure permanente sur
Middle Rocks. Ce rocher abritera notamment une station de surveillance et de recherche
environnementale. Le drapeau national malaisien flottera en permanence sur la structure (comme
indiqué sur l’illustration de la page suivante)27.
En ce qui concerne South Ledge, la Cour a dit à quinze voix contre une que la souveraineté
sur cette formation appartient à l’État dans les eaux territoriales duquel elle est située. South Ledge
étant un haut-fond découvrant constitue par conséquent une formation maritime visible à la surface
de la mer uniquement à marée basse et totalement immergée à marée haute.
La propriété de South Ledge ne pourra être déterminée qu’après délimitation de la mer territoriale
dans la zone entourant Batu Puteh, Middle Rocks et South Ledge.
- Page A18 -
- 49 -
Page 125
L’histoire sans fin de la Pierre blanche
[illustration figurant à la page 125 de la version anglaise]
Légende : Illustration graphique représentant Middle Rocks dans le futur28
- Page A19 -
- 50 -
Page 126
La tâche d’établir les frontières maritimes dans cette zone incombe à la Malaisie et à
Singapour et devra revêtir la forme d’une action conjointe.
En vertu du droit de la mer, les haut-fonds découvrants ne jouissent pas d’un statut
autonome. Lorsqu’un tel fond est situé dans les limites des eaux territoriales de l’État hôte, il peut
servir de ligne de base pour mesurer la largeur de la mer territoriale dudit État. Lorsqu’il est situé
hors des limites des eaux territoriales de l’État hôte, il n’a pas de mer territoriale qui lui est propre.
La décision de la Cour signifie également que la question en suspens de la souveraineté sur
South Ledge n’exige plus qu’un titre soit démontré. Pour trancher ce point, il ne reste qu’à établir
l’emplacement géographique de cette formation par rapport aux frontières maritimes.
À propos de cette question, certaines caractéristiques géographiques devraient prévaloir,
notamment le fait que South Ledge est plus proche de Middle Rocks que de Pedra Branca. South
Ledge n’est également distant que de 7,9 miles nautiques de la Malaisie continentale, alors qu’il se
trouve à 25 miles nautiques de la côte singapourienne la plus proche. South Ledge se trouve dans la
mer territoriale de Middle Rocks, ainsi qu’à l’intérieur des eaux territoriales de la Malaisie
continentale. De ce point de vue, la souveraineté sur South Ledge devrait manifestement revenir à
la Malaisie.
- Page A20 -
- 51 -
Page 127
L’histoire sans fin de la Pierre blanche
Le Gouvernement de la Malaisie et le Gouvernement de la République de Singapour sont
convenus, début 2008, d’établir une commission technique mixte chargée de mettre en oeuvre les
décisions de la Cour internationale de Justice relatives à Pedra Branca, Middle Rocks et South
Ledge. La première réunion de la commission s’est tenue le 3 juin 2008, soit moins d’une semaine
après le prononcé par la Cour de ses décisions.
Toutefois, les progrès de la commission technique mixte sont extrêmement longs. Il a été
convenu d’un commun accord de procéder étape par étape, la première consistant à faire un levé
conjoint de la zone située entre Pedra Branca et Middle Rocks dans le but de réunir des données
aux fins du processus de délimitation. Il a fallu presque quatre ans et quatorze réunions pour venir à
bout de cette tâche qui a été achevée seulement en février 2012.
Alors que le présent ouvrage était sous presse, la commission technique mixte a décidé
d’entamer le processus de délimitation. Cet exercice devrait également permettre de déterminer le
propriétaire de South Ledge, une responsabilité qui incombera donc à cet organe.
La délimitation des frontières maritimes autour de Pedra Branca, Middle Rocks et South
Ledge revêt un caractère urgent. Cette délimitation s’impose non seulement pour déterminer le
statut souverain de South Ledge, mais également pour régler les revendications concurrentes en
suspens depuis longtemps sur l’espace aérien au-dessus de la zone en question.
- Page A21 -
- 52 -
Cette page a été laissée intentionnellement en blanc
___________
- Page A22 -

Document file FR
Document Long Title

Réponse de Singapour sur les observations de la Malaisie

Links