Obligations relatives à des négociations concernant la cessation de la course aux armes nucléaires et le désarmement nucléaire (Iles Marshall c. Pakistan) - La Cour retient l'exception d'incompétence

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19130
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2016/30
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COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
Palais de la Paix, Carnegieplein 2, 2517 KJ La Haye, Pays-Bas
Tél : +31 (0)70 302 2323 Télécopie : +31 (0)70 364 9928
Site Internet : www.icj-cij.org Compte Twitter : @CIJ_ICJ

Communiqué de presse
Non officiel

N 2016/30
Le 5 octobre 2016

Obligations relatives à des négociations concernant la cessation de la course aux
armes nucléaires et le désarmement nucléaire (Iles Marshall c. Pakistan)

La Cour retient l’exception d’incompétence soulevée par le Pakistan et fondée sur l’absence
de différend entre les Parties, et dit qu’elle ne peut procéder à l’examen
de l’affaire au fond

LA HAYE, le 5 octobre 2016. La Cour internationale de Justice (CIJ), organe judiciaire
principal de l’Organisation des Nations Unies, a rendu aujourd’hui son arrêt sur les exceptions à la
compétence de la Cour et à la recevabilité de la requête soulevées par le Pakistan en l’affaire des
Obligations relatives à des négociations concernant la cessation de la course aux armes nucléaires

et le désarmement nucléaire (Iles Marshall c. Pakistan).

Dans son arrêt, qui est définitif et sans recours, la Cour

1) Retient, par neuf voix contre sept, l’exception d’incompétence soulevée par le Pakistan et
fondée sur l’absence de différend entre les Parties ;

2) Dit, par dix voix contre six, qu’elle ne peut procéder à l’examen de l’affaire au fond.

Raisonnement de la Cour

La Cour rappelle que les Iles Marshall ont déposé une requête contre le Pakistan, dans
laquelle elles reprochent à celui-ci de manquer à ses obligations relatives aux négociations
concernant la cessation de la course aux armements nucléaires et le désarmement nucléaire. Le
Pakistan a soulevé plusieurs exceptions à la compétence de la Cour et à la recevabilité de la
requête, et les Iles Marshall ont prié la Cour de rejeter ces exceptions. Celle-ci se penche tout
d’abord sur l’exception du Pakistan fondée sur l’absence de différend entre les Parties au moment
du dépôt de la requête.

La Cour précise que l’existence d’un différend entre les Parties est une condition à sa
compétence et rappelle que, pour qu’un différend existe, les points de vue de celles-ci, quant à

l’exécution ou à la non-exécution de certaines obligations internationales, doivent être nettement
opposés. Elle ajoute qu’un différend existe lorsque les éléments de preuve montrent que le
défendeur avait connaissance, ou ne pouvait pas ne pas avoir connaissance, de ce que ses vues se
heurtaient à l’opposition manifeste du demandeur. Enfin, elle souligne que l’existence d’un
différend doit en principe être appréciée à la date du dépôt de la requête.

La Cour s’intéresse ensuite à l’affirmation des Iles Marshall selon laquelle certaines
déclarations qu’elles ont faites dans des enceintes multilatérales montrent qu’un différend les
opposait au Pakistan. Elle observe que les Iles Marshall se réfèrent à deux déclarations de ce type : - 2 -

l’une faite le 26 septembre 2013 par leur ministre des affaires étrangères lors de la réunion de haut
niveau de l’Assemblée générale sur le désarmement nucléaire, «appel[ant] instamment tous les

Etats dotés d’armes nucléaires à intensifier leurs efforts pour assumer leurs responsabilités en vue
d’un désarmement effectif réalisé en toute sécurité» ; et l’autre faite le 13 février 2014 par leur
représentant à Nayarit, au Mexique, dans le cadre de la deuxième conférence sur l’impact
humanitaire des armes nucléaires, et qui se lit comme suit :

«[L]es Iles Marshall sont convaincues que des négociations multilatérales visant
à créer et à maintenir un monde dépourvu d’armes nucléaires auraient dû être

engagées depuis longtemps. Nous estimons en effet que les Etats possédant un arsenal
nucléaire ne respectent pas leurs obligations à cet égard. L’obligation d’œuvrer au
désarmement nucléaire qui incombe à chaque Etat en vertu de l’article VI du traité de
non-prolifération nucléaire et du droit international coutumier impose l’ouverture
immédiate de telles négociations et leur aboutissement.»

La Cour estime que la première déclaration revêt un caractère d’exhortation et ne saurait être
considérée comme une allégation selon laquelle le Pakistan manquait à l’une quelconque de ses

obligations juridiques. S’agissant de la seconde, la Cour relève qu’elle a été faite lors d’une
conférence qui ne portait pas spécifiquement sur la question de négociations en vue du
désarmement nucléaire, mais sur celle, plus large, de l’impact humanitaire des armes nucléaires.
En outre, cette déclaration dénonce, d’une manière générale, le comportement de l’ensemble des
Etats possédant un arsenal nucléaire et ne précise pas le comportement du Pakistan qui serait à
l’origine du manquement allégué. La Cour considère que, étant donné son contenu très général et
le contexte dans lequel elle a été faite, ladite déclaration n’appelait pas de réaction particulière de la

part du Pakistan et que, partant, aucune divergence de vues ne peut être déduite de cette absence de
réaction. Elle conclut que l’on ne saurait affirmer, sur la base de ces deux déclarations — prises
individuellement ou ensemble —, que le Pakistan avait connaissance, ou ne pouvait pas ne pas
avoir connaissance, de ce que les Iles Marshall alléguaient qu’il manquait à ses obligations. Ces
déclarations ne suffisaient donc pas à faire naître un différend d’ordre juridique entre les Parties.

La Cour examine ensuite l’argument des Iles Marshall selon lequel le dépôt de la requête et

les positions qu’ont exposées les Parties au cours de l’instance attestent l’existence d’un différend
entre ces dernières. Elle précise que, bien que des déclarations ou réclamations formulées dans la
requête, voire après le dépôt de celle-ci, puissent être pertinentes à diverses fins — et, en
particulier, pour préciser la portée du différend qui lui est soumis —, elles ne sauraient créer un
différend de novo, c’est-à-dire un différend qui n’existe pas déjà.

Enfin, la Cour en arrive à l’argument des Iles Marshall selon lequel l’existence d’un
différend opposant les Parties peut être déduite du comportement du Pakistan. Elle rappelle

qu’aucune des deux déclarations faites par les Iles Marshall dans un cadre multilatéral ne
concernait spécifiquement ce comportement. Dès lors, elle considère que celui-ci ne saurait
démontrer de divergence de vues et ne permet pas de conclure à l’existence d’un différend entre les
deux Etats.

Au vu de ce qui précède, la Cour conclut que l’exception d’incompétence soulevée par le
Pakistan et fondée sur l’absence de différend entre les Parties doit être retenue. Elle conclut en

outre que, n’ayant pas compétence au titre du paragraphe 2 de l’article 36 de son Statut, elle ne peut
procéder à l’examen de l’affaire au fond. En conséquence, elle estime qu’il n’est pas nécessaire
pour elle de se pencher sur les autres exceptions soulevées par le Pakistan.

* - 3 -

Composition de la Cour

La Cour était composée comme suit : M. Abraham, président ; M. Yusuf, vice-président ;
MM. Owada, Tomka, Bennouna, Cançado Trindade, Greenwood, Mmes Xue, Donoghue, M. Gaja,
Mme Sebutinde, MM. Bhandari, Robinson, Crawford, Gevorgian, juges ; M. Bedjaoui, juge
ad hoc ; M. Couvreur, greffier.

M. le juge A BRAHAM , président, et M. le juge Y USUF , vice-président, joignent des
déclarations à l’arrêt ; MM. les juges WADA et TOMKA joignent à l’arrêt les exposés de leur
opinion individuelle ; MM. les juges BENNOUNA et C ANÇADO T RINDADE joignent à l’arrêt les
exposés de leur opinion dissidente ; Mmes les jugeUEX et DONOGHUE , ainsi que M. le jugeAJA

joignent des déclarations à l’arrêt ; Mme la jugEBUTINDE et M. le juge BHANDARI joignent à
l’arrêt les exposés de leur opinion individuelle ; MM. les jOBINSON et CRAWFORD joignent à
l’arrêt les exposés de leur opinion dissidente ; M. le juge ad EDJAOUI joint à l’arrêt l’exposé
de son opinion dissidente.

*

Un résumé de l’arrêt figure dans le document intitulé «Résumé 2016/4». Le présent
communiqué de presse, le résumé de l’arrêt, ainsi que le texte intégral de celui-ci sont disponibles

sur le site Internet de la Cour (www.icj-cij.org) sous la rubrique «Affaires».

___________

Note : Les communiqués de presse de la Cour ne constituent pas des documents officiels.

___________

La Cour internationale de Justice (CIJ) est l’organe judiciaire principal de l’Organisation des

Nations Unies (ONU). Elle a été instituée en juin 1945 par la Charte des Nations Unies et a entamé
ses activités en avril 1946. La Cour a son siège au Palais de la Paix, à La Haye (Pays-Bas). C’est
le seul des six organes principaux de l’ONU dont le siège ne soit pas à New York. La Cour a une
double mission, consistant, d’une part, à régler conformément au droit international les différends
d’ordre juridique qui lui sont soumis par les Etats (par des arrêts qui ont force obligatoire et sont
sans appel pour les parties concernées) et, d’autre part, à donner des avis consultatifs sur les

questions juridiques qui peuvent lui être soumises par les organes de l’ONU et les institutions du
système dûment autorisées à le faire. La Cour est composée de quinze juges, élus pour un mandat
de neuf ans par l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité des Nations Unies. Indépendante du
Secrétariat de l’Organisation des Nations Unies, elle est assistée par un Greffe, son propre
secrétariat international, dont l’activité revêt un aspect judiciaire et diplomatique et un aspect

administratif. Les langues officielles de la Cour sont le français et l’anglais. Aussi appelée «Cour
mondiale», elle est la seule juridiction universelle à compétence générale.

Il convient de ne pas confondre la CIJ, juridiction uniquement ouverte aux Etats (pour la
procédure contentieuse) et à certains organes et institutions du système des Nations Unies (pour la

procédure consultative), avec les autres institutions judiciaires, pénales pour la plupart, établies à
La Haye et dans sa proche banlieue, comme par exemple le Tribunal pénal international pour
l’ex-Yougoslavie (ou TPIY, juridiction ad hoc créée par le Conseil de sécurité), la Cour pénale
internationale (ou CPI, première juridiction pénale internationale permanente, créée par traité, qui - 4 -

n’appartient pas au système des Nations Unies), le Tribunal spécial pour le Liban (ou TSL, organe
judiciaire international doté d’une personnalité juridique indépendante, établi par le Conseil de

sécurité de l’Organisation des Nations Unies à la demande du Gouvernement libanais et composé
de juges libanais et internationaux), ou encore la Cour permanente d’arbitrage (ou CPA, institution
indépendante permettant de constituer des tribunaux arbitraux et facilitant leur fonctionnement,
conformément à la Convention de La Haye de 1899).

___________

Département de l’information :

M. Andreï Poskakoukhine, premier secrétaire de la Cour, chef du département (+31 (0)70 302 2336)
M. Boris Heim, attaché d’information (+31 (0)70 302 2337)
Mme Joanne Moore, attachée d’information (+31 (0)70 302 2337)

M. Avo Sebag Garabet, attaché d’information adjoint (+31 (0)70 302 2394)
Mme Genoveva Madurga, assistante administrative (+31 (0)70 302 2396)

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