Mémoire des Iles Marshall

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158-20141216-WRI-01-00-EN
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13982

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

OBLIGATIONS RELATIVES À DES NÉGOCIATIONS CONCERNANT LA CESSATION

DE LA COURSE AUX ARMES NUCLÉAIRES ET LE DÉSARMEMENT NUCLÉAIRE

(ÎLES MARSHALL c. INDE)

MÉMOIRE DES ÎLES MARSHALL

16DÉCEMBRE 2014

[Traduction du Greffe] T ABLE DES MATIÈRES

Page

PREMIERE PARTIE. INTRODUCTION........................................................................................ 1

Observations d’ordre général........................................................................................................ 1

Les armes nucléaires, une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes........................................... 2

La lettre adressée à la Cour par l’Inde .......................................................................................... 3

DEUXIEME PARTIE. L’EXISTENCE D’UN DIFFEREND.......................................................... 5

TROISIEME PARTIE. INTERPRETATION DES DECLARATIONS D’ACCEPTATION
DE LA JURIDICTION DE LA COUR ...................................................................................... 10

Observations générales ............................................................................................................... 10

La réserve de l’Inde relative à l’interprétation de traités multilatéraux...................................... 11

La réserve de l’Inde concernant la légitime défense................................................................... 13

QUATRIEME PARTIE. CONCLUSION....................................................................................... 16

___________ - ii -

L ISTE DES ANNEXES

Annexe 1 Rapport 2014 sur les effets d’un conflit nucléaire régional entre l’Inde et le

Pakistan. rapport établi par Michael J. Mills, Owen B. Toon, Julia Lee-Taylor
et Alan Robock, intitulé «un conflit nucléaire régional provoquerait un
Refroidissement planétaire pluridécennal et une perte d’ozone sans précédent»

Annexe 2 Série de cartes représentant la propagation à travers le monde de la fumée

produite par un conflit nucléaire régional entre l’Inde et le Pakistan, et
sélection de cartes tirées du rapport de 2014 soumis en tant qu’annexe 1

Annexe 3 Lettre en date du 6 juin 2014 adressée au greffier par l’ambassadeur de l’Inde

Annexe 4 Lettre en date du 10 juin 2014 adressée au greffier par l’ambassadeur de l’Inde

Annexe 5 Déclaration faite par la République de l’Inde au titre de l’article 36 du Statut de

la Cour

Annexe 6 Déclaration faite par la République des Iles Marshall au titre de l’article 36 du
Statut de la Cour

___________ PREMIERE PARTIE

INTRODUCTION

O BSERVATIONS D ’ORDRE GÉNÉRAL

1. Conformément à l’ordonnance rendue par la Cour le 16 juin 2014, la République des

Iles Marshall traitera exclusivement dans le présent mémoire de la compétence de la Cour à l’égard
des questions soumises à celle-ci et de la recevabilité de la requête.

2. Le présent différend porté devant la Cour par la République des Iles Marshall (également
appelée ci-après les «Iles Marshall» ou le «demandeur») a pour objet le manquement de la
République de l’Inde (également appelée ci-après l’«Inde» ou le «défendeur») à l’obligation qui lui

incombe à l’égard du demandeur (ainsi qu’à l’égard d’autres Etats) de poursuivre de bonne foi et de
mener à terme des négociations devant conduire au désarmement nucléaire dans tous ses aspects,
sous un contrôle international strict et efficace. Cette obligation de négocier le désarmement
nucléaire inclut, au premier chef, l’obligation, pour chaque Etat possédant des armes nucléaires, de
négocier de bonne foi pour mettre fin à la course aux armements nucléaires.

3. Le 24 avril 2014, les Iles Marshall ont soumis neuf requêtes à la Cour. Chacune d’entre
elles, déposée contre un Etat défendeur différent, s’inscrit dans un contexte général particulier et
repose sur des faits distincts. Pour l’ensemble des requêtes, l’objet du différend avait trait à un
manquement similaire, de la part de chacun de ces neuf Etats, à l’obligation qui leur incombait de
poursuivre de bonne foi et de mener à terme des négociations conduisant au désarmement nucléaire
dans tous ses aspects, sous un contrôle international strict et efficace.

4. Actuellement, seuls trois des neuf Etats concernés reconnaissent, par déclaration faite en
vertu du paragraphe 2 de l’article 36 du Statut de la Cour internationale de Justice, comme
obligatoire et sans convention spéciale la juridiction de celle-ci : l’Inde, le Pakistan et le
Royaume-Uni. Chacun d’eux reconnaît la juridiction de la Cour à ses propres conditions. Les
requêtes visant les six autres Etats incluent quant à elles une demande de consentement au sens du
paragraphe 5 de l’article 38 du Règlement de la Cour.

5. A ce jour, seule la République populaire de Chine a officiellement informé la Cour qu’elle
n’acceptait pas sa juridiction. Les cinq autres Etats (les Etats-Unis d’Amérique, la République
française, la Fédération de Russie, l’Etat d’Israël et la République populaire démocratique de
Corée) n’ont pas répondu officiellement aux requêtes présentées par le demandeur.

6. Le fait que certains seulement des neuf Etats acceptent de se présenter devant la Cour dans
ces instances respectives ne saurait être considéré par celle-ci comme un obstacle à ce qu’elle
puisse connaître des trois affaires effectivement inscrites au rôle (à savoir, la présente instance
contre l’Inde ainsi que les instances introduites contre le Pakistan et le Royaume-Uni). Chacun des
six autres Etats peut, en ne se présentant pas devant la Cour, faire obstacle au déroulement de
l’instance introduite contre lui. Il ne serait toutefois pas acceptable que le fait que ces Etats ne se

présentent pas devant la Cour compromette le droit du demandeur (que celui-ci fait valoir en
introduisant une instance) à ce que soient respectées les obligations en cause. - 2 -

LES ARMES NUCLÉAIRES ,UNE ÉPÉE DE D AMOCLÈS AU -DESSUS DE NOS TÊTES

7. La présente instance porte sur des obligations opposables erga omnes, qui lient la
République des Iles Marshall en tant que membre de la communauté internationale. Les intérêts du

demandeur  qui vont jusqu’à toucher son existence même  sont également concernés du fait
des questions qui sont en jeu en l’espèce. Il s’agit notamment de la menace potentielle du
cataclysme que pourraient causer les forces nucléaires indiennes, qui provoquerait une forte baisse

de la température et un appauvrissement de la couche d’ozone dans le monde entier. Une ou
plusieurs explosions nucléaires, où que ce soit sur le globe, surtout en zone urbaine, auraient des
effets désastreux sur le plan humanitaire , que les Marshallais, forts de leur expérience en matière

de conséquences sanitaires et environnementales des essais nucléaires, souhaitent naturellement
éviter, ainsi que le demandeur l’a souligné dans l’exposé écrit qu’il a présenté dans le cadre de la
procédure consultative sur la question de la Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes
2
nucléaires . Une explosion de ce type aurait également des répercussions né3atives sur l’économie
globale et, probablement, sur l’ordre politique et juridique mondial , et donc sur les Iles Marshall.
Par ailleurs, des hostilités nucléaires causant des explosions dans une dizaine de villes auraient de

graves conséquences sur le climat et, partant, une incidence directe et significative sur les
Iles Marshall. Ce risque illustre de manière frappante la conclusion de la Cour citée au premier
paragraphe de la requête, selon laquelle ««[l]e pouvoir destructeur des armes nucléaires ne peut
4
être endigué ni dans l’espace ni dans le temps» . L’ampleur de cette menace a été mise en évidence
par une étude relativement récente dans laquelle les répercussions d’un conflit nucléaire (entre
l’Inde et le Pakistan) sont évaluées (annexe 1) . Il y est démontré que les effets d’une telle guerre,

dans laquelle ne serait utilisé que 0,03 % de l’arsenal nucléaire mondial, seraient dévastateurs pour
toute la planète. Si chaque camp faisait exploser 50 armes de 15 kilotonnes (kt), cela produirait des
quantités considérables de fumée qui s’élèveraient dans l’atmosphère, se répandraient dans le

monde entier et ferait chuter la température de la surface du globe, tout en réchauffant la
stratosphère.

8. Non seulement les grandes villes de l’Inde et du Pakistan concentrent des millions
d’habitants, mais elles fournissent aussi les matières combustibles qui alimenteraient les incendies
postérieurs aux détonations. Par conséquent, une guerre nucléaire entre ces deux Etats non

seulement tuerait directement des millions de personnes, mais engendrerait également d’énormes
quantités de fumée noire s’élevant dans l’atmosphère, signant ainsi indirectement l’arrêt de mort du

1
Voir Tilman Ruff, «The health consequences of nuclear explosions», in Beatrice Fihn, éd., Unspeakable
suffering  the humanitarian impact of nuclear weapons (Reaching Critical Will, 2013),
http://www.reachingcriticalwill.org/images/documents/Publications/Unspe… [consulté le
11 décembre 2014]. Tilman Ruff est professeur associé au Nossal Institute for Global Health, Université de Melbourne,
et coprésident de l’Association internationale des médecins pour la prévention de la guerre nucléaire (International
Physicians for the Prevention of Nuclear War).

2Lettre du 22 juin 1995 du représentant permanent des Iles Marshall auprès de l’Organisation des Nations Unies,
accompagnée de l’exposé écrit du Gouvernement des Iles Marshall, http://www.icj-cij.org/docket/files/95/8720.pdf
[consulté le 11 décembre 2014].
3
Cf. président Barack Obama, discours de Prague, 5 avril 2009 :

«Une arme nucléaire qui exploserait dans une grande ville  qu’il s’agisse de New York ou de
Moscou, d’Islamabad ou de Bombay, de Tokyo ou de Tel-Aviv, de Paris ou de Prague  pourrait causer
la mort de centaines de milliers de personnes. Et quel que soit le lieu, les conséquences seraient
extrêmement lourdes, que ce soit pour notre sécurité au niveau mondial, notre société, notre économie et,
en fin de compte, pour notre survie même.»

Http://www.whitehouse.gov/the_press_office/Remarks-By-President-Barack-Obama-I…
[consulté le 11 décembre 2014].
4
Avis consultatif sur la question de la Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, par. 35.
5M. J. Mills et al., «Multi-decadal Global Cooling and Unprecedented Ozone Loss Following a Regional Nuclear
Conflict», Earth’s Future Research Paper 2014, à la p. 161. - 3 -

reste des habitants de la planète. La fumée dégagée par les incendies absorbant la lumière du
soleil, la température à la surface de la terre baisserait considérablement. En absorbant les rayons
du soleil, la fumée se réchaufferait et détruirait la couche d’ozone, et des rayons UV nuisibles
atteindraient ainsi la surface du globe. Le préjudice causé à la santé humaine, à l’agriculture et à la
vie marine serait immense. Dans cette étude sont évoquées un certain nombre de conséquences

préjudiciables, notamment la menace qui pèserait sur l’approvisionnement alimentaire à l’échelle
mondiale.

9. Pour leur approvisionnement en nourriture, les Iles Marshall comptent d’autant plus sur
6
les ressources de l’océan qu’elles manquent de terres cultivables adaptées . Elles importent une 7
grande partie des produits alimentaires dont elles ont besoin, notamment ceux d’origine animale .
Toute modification de l’atmosphère affectant l’agriculture des pays fournissant de la nourriture à la
République des Iles Marshall, comme les Etats-Unis, provoquerait une grave pénurie alimentaire.
Même de légers dommages à l’écosystème aquatique résultant de la dégradation de la couche

d’ozone pourraient faire disparaître la seule ressource alimentaire réellement accessible au
demandeur. Les Iles Marshall ne produisent qu’une quantité limitée de nourriture, et toute
modification de la température et du niveau des précipitations aurait une incidence directe sur cette
production. Ne disposant pas de ressources alimentaires durables, elles pourraient être conduites à
la famine, très probablement avant le reste du monde. L’étude susmentionnée fournit, nous l’avons

dit, une analyse approfondie des effets dévastateurs qu’auraient, au niveau mondial, les retombées
résultant d’explosions nucléaires. Les cartes géographiques  sur lesquelles figurent, en italiques,
les commentaires du demandeur  extraites de cette étude et du site Internet connexe montrent la
vitesse à laquelle la fumée dégagée se répandrait à travers le monde et s’élèverait dans

l’atmosphère, ainsi que les modifications de la température de l’air à la surface et des saisons de
croissance par suite de telles retombées (annexe 2).

10. Le fait que cette menace persiste et s’amplifie, et ce, alors que n’est pas respectée
l’obligation essentielle de poursuivre de bonne foi et de mener à terme des négociations conduisant

au désarmement nucléaire dans tous ses aspects, sous un contrôle international strict et efficace,
démontre en soi clairement l’importance et la nature du différend opposant les deux Parties en la
présente instance.

L A LETTRE ADRESSÉE À LA C OUR PAR L ’INDE

11. Dans une lettre en date du 28 avril 2014, le greffier a invité le demandeur et le défendeur
à rencontrer le président de la Cour aux fins spécifiées à l’article 31 du Règlement de celle-ci. Par
lettre datée du 6 juin 2014, l’Inde a fait connaître à la Cour sa position concernant la requête
présentée par les Iles Marshall (annexe 3). Par lettre datée du 10 juin 2014, la partie indienne a fait

savoir qu’elle ne pourrait assister à la rencontre avec le président de la Cour prévue pour le
11 juin 2014 (annexe 4).

12. Dans sa première lettre, l’Inde soulevait plusieurs points qui l’amenaient à conclure que

la Cour «n’a[vait] pas compétence pour connaître du différend allégué» (par. 4). Sur la base de
cette affirmation, la Cour a décidé, dans son ordonnance du 16 juin 2014, que «les pièces de la
procédure écrite porteront d’abord sur la question de [s]a compétence», ordonnance que le
demandeur respecte. Par conséquent, il ne présentera pas pour l’instant de mémoire répondant au
critère énoncé au paragraphe 1 de l’article 49 du Règlement de la Cour, mais un mémoire portant

exclusivement sur les questions de compétence soulevées par l’Inde dans sa lettre du 6 juin 2014.

6
Http://www.fao.org/ag/AGP/AGPC/doc/Counprof/southpacific/marschall.htm [consulté le 11 décembre 2014].
7 Http://atlas.media.mit.edu/profile/country/mhl/ [consulté le 11 décembre 2014]. - 4 -

Le demandeur tient à souligner qu’il a bien restreint ses observations aux questions expressément

soulevées par l’Inde  il ne saurait en effet aller au-delà des points évoqués par le défendeur dans
sa lettre. C’est à la Partie soulevant des objections qu’il incombe de les exposer de façon précise et
exhaustive, et non au demandeur de deviner en quoi elles pourraient consister. Tenir un
raisonnement différent serait contraire aux règles d’une bonne administration de la justice. En tout
état de cause, les Iles Marshall se réservent le droit de compléter le présent mémoire par écrit ou
lors de la procédure orale, lorsqu’elles auront eu l’occasion d’étudier le contre-mémoire de l’Inde
dans la présente phase de l’espèce. - 5 -

DEUXIEME PARTIE

L’EXISTENCE D’UN DIFFEREND

13. Dans la présente section, le demandeur répondra à l’allégation de l’Inde selon laquelle
«[l]a requête que les Iles Marshall ont introduite contre [elle] ne prouve pas l’existence d’un

quelconque différend entre ces deux pays en ce qui concerne le non-respect d’obligations découlant
d’un traité ou du droit international coutumier» . Cette objection ne repose sur aucun fondement.
Il existe bien, entre la République des Iles Marshall et l’Inde, un différend d’ordre juridique au sens

du paragraphe 2 de l’article 36 du Statut, différend qui concerne la question de savoir si l’Inde
respecte ou non l’obligation que lui impose le droit international coutumier de poursuivre de bonne
foi et de mener à terme des négociations conduisant au désarmement nucléaire dans tous ses

aspects, sous un contrôle international strict et efficace.

14. La Cour a établi des paramètres clairs pour déterminer l’existence d’un différend. Selon
sa jurisprudence constante, «[u]n différend est un désaccord sur un point de droit ou de fait, une
contradiction, une opposition de thèses juridiques ou d’intérêts entre deux personnes» . De plus, 9

«l’exis10nce d’un différend [dans une affaire donnée] demande à être établie objectivement par la
Cour» et «[celle-ci], pour se prononcer, doit s’attacher aux faits. Il s’agit d’une question de fond,
et non de forme» . Il convient en particulier de «démontrer que la réclamation de l’une des parties
12
se heurte à l’opposition manifeste de l’autre» , cette opposition pouvant toutefois être déduite de
l’attitude adoptée par la partie concernée à l’égard de la réclamation. Ainsi que la Cour l’a déclaré,

«un désaccord sur un point de droit ou de fait, un conflit, une opposition de thèses
juridiques ou d’intérêts ou le fait que la réclamation de l’une des parties se heurte à
l’opposition manifeste de l’autre ne doivent pas nécessairement être énoncés

expressis verbis. Pour déterminer l’existence d’un différend, il est possible, comme en
d’autres domaines, d’établir par inférence quelle est en réalité la position ou l’attitude
d’une partie.» 13

15. Il est en l’espèce satisfait à ces critères. Il ressort des déclarations et de l’attitude des

Parties qu’il existe entre elles un différend d’ordre juridique sur la question de savoir si l’Inde
respecte son obligation de poursuivre de bonne foi et de mener à terme des négociations conduisant
au désarmement nucléaire dans tous ses aspects, sous un contrôle international strict et efficace.

16. Comme elle l’a exposé dans sa requête et dans l’introduction du présent mémoire, la
République des Iles Marshall est particulièrement consciente des effets potentiellement désastreux

8 Lettre du 8 juin 2014.
9 o
Affaire des Concessions Mavrommatis en Palestine, arrêt n° 2, 1924, C.P.J.I., série A, n 2, p. 11 et, plus
récemment, Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale
(Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 84, par. 30.
10
Interprétation des traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, première phase, avis
consultatif, C.I.J. Recueil 1950, p. 74.
11 Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

(Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 84, par. 30.
12 Sud-Ouest africain (Ethiopie c. Afrique du Sud ; Libéria c. Afrique du Sud), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 1962, p. 328 et, plus récemment, Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique
c. Sénégal), arrêt, C.I.J. Recueil 2012, p. 442, par. 46.

13 Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 315, par. 89 ff. - 6 -

des armes nucléaires et, ces dernières années, elle a accentué son engagement en faveur d’une
intensification du désarmement nucléaire dans le monde. A plusieurs reprises, et dans différentes
instances, elle a demandé aux Etats possédant des armes nucléaires de se conformer à leur
obligation de prendre des mesures en vue du désarmement nucléaire. C’est ainsi que, le
26 septembre 2013, à l’occasion de la réunion de haut niveau de l’Assemblée générale des

Nations Unies sur le désarmement nucléaire, le ministre des affaires étrangères de la République
des Iles Marshall a instamment prié «toutes les puissances nucléaires d’intensifier leurs efforts pour
faire face à leurs responsabilités à l’égard d’un désarmement effectif et sûr» . Le 13 février 2014,
à l’occasion de la deuxième conférence sur l’impact humanitaire des armes nucléaires, la

République des Iles Marshall a réitéré sa position, affirmant expressément que tout Etat possédant
des armes nucléaires qui ne s’engageait pas dans des négociations conduisant au désarmement
nucléaire manquait à ses obligations internationales. Elle s’est exprimée en ces termes :

«les Iles Marshall sont convaincues que des négociations multilatérales visant à créer
un monde à jamais dépourvu d’armes nucléaires auraient dû être engagées depuis

longtemps. Nous estimons en effet que les Etats possédant un arsenal nucléaire ne
respectent pas leurs obligations à cet égard. L’obligation d’œuvrer au désarmement
nucléaire qui incombe à chaque Etat en vertu de l’article VI du traité de
non-prolifération nucléaire et du droit international coutumier impose l’ouverture
immédiate et l’aboutissement de telles négociations.» 15

17. Cette déclaration illustre de façon parfaitement claire la teneur du grief sans équivoque
formulé par la République des Iles Marshall à l’encontre de tous les Etats détenteurs d’un arsenal
nucléaire, dont l’Inde. Le comportement visé y est clairement énoncé, à savoir le fait que ces Etats

ne se sont pas sérieusement engagés dans des négociations multilatérales conduisant à un
désarmement nucléaire. Le fondement juridique du grief formulé à leur égard y est tout aussi
clairement indiqué, à savoir l’obligation juridique qui incombe à chaque Etat en vertu du droit
coutumier international.

18. Par cette déclaration sans équivoque, faite dans le cadre d’une conférence internationale
à laquelle l’Inde participait, cette dernière a été informée que la République des Iles Marshall
estimait que, en ne s’engageant pas sérieusement dans des négociations multilatérales, elle violait
ses obligations internationales découlant du droit international coutumier. Cette déclaration
publique, ainsi que, plus généralement, la position adoptée par la République des Iles Marshall sur

cette question depuis quelques années, constituent une preuve manifeste de l’existence d’un
différend entre elle et chacun des Etats possédant des armes nucléaires, dont l’Inde. Par son objet,
ce différend est identique à celui que la République des Iles Marshall a par la suite soumis à la
Cour par sa requête. Dans l’arrêt qu’elle a rendu en l’affaire relative à l’Application de la
convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie

c. Fédération de Russie), la Cour a reconnu que

«[s]’il n’est pas nécessaire qu’un Etat mentionne expressément, dans ses échanges
avec l’autre Etat, un traité particulier pour être ensuite admis à invoquer ledit traité
devant la Cour (Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci

(Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), compétence et recevabilité, arrêt,
C.I.J. Recueil 1984, p. 428-429, par. 83), il doit néanmoins s’être référé assez

14
Déclaration du ministre des affaires étrangères de la République des Iles Marshall en date du
26 septembre 2013 (disponible, en anglais, à l’adresse suivante :
http ://www.un.org/en/ga/68/meetings/nucleardisarmament/pdf/MH_en.pdf).
15Déclaration des Iles Marshall, deuxième conférence sur l’impact humanitaire des armes nucléaires, Nayarit,
Mexique, 13-14 février 2014 (disponible, en anglais, à l’adresse suivante : http ://www.reachingcriticalwill.org/images/
documents/Disarmament-fora/nayarit-2014/statements/MarshallIslands.pdf). - 7 -

clairement à l’objet du traité pour que l’Etat contre lequel il formule un grief puisse
savoir qu’un différend existe ou peut exister à cet égard» . 16

Si ce dictum concerne un différend ayant trait à l’application d’un traité, il en va de même des
différends ayant trait au droit international coutumier. En l’espèce, il ne fait aucun doute que la
République des Iles Marshall a fait plusieurs fois suffisamment clairement état de ses griefs à

l’égard de l’Inde pour que celle-ci «puisse savoir qu’un différend exist[ait] ou p[ouvait] exister à
cet égard». Aussi l’Inde ne saurait-elle à présent soutenir sérieusement que la République des Iles
Marshall n’a pas démontré l’existence d’un différend entre les deux pays au sujet du non-respect
par l’Inde de l’obligation que lui impose le droit international coutumier d’engager des

négociations conduisant au désarmement nucléaire.

19. On ne saurait contester que les griefs formulés par la République des Iles Marshall se

soient heurtés à l’opposition manifeste de l’Inde. On peut, en premier lieu, déduire cette opposition
du comportement adopté par celle-ci. Alors que, dans ses déclarations publiques, l’Inde a
fréquemment réaffirmé son attachement à l’objectif consistant à débarrasser le monde des armes
nucléaires , il ressort de son comportement, qui est demeuré inchangé malgré les griefs et les

demandes formulés par la République des Iles Marshall, qu’elle ne respecte pas l’obligation que lui
impose le droit international coutumier de poursuivre de bonne foi et de mener à terme des
négociations conduisant au désarmement nucléaire dans tous ses aspects. Au lieu de cela, elle
maintient une ligne de conduite qui consiste à accroître et à améliorer ses forces nucléaires et qui

est contraire à l’objectif du désarmement nucléaire. Dans sa requête, la République des Iles
Marshall a déjà exposé les projets actuels de l’Inde tendant à étendre, améliorer et diversifier son
arsenal nucléaire . Il n’est pas nécessaire de revenir ici sur ce point. Ce qu’il convient de
souligner à ce stade, c’est que, par son comportement, l’Inde a clairement démontré son opposition

aux griefs formulés par la République des Iles Marshall. Ainsi que la Cou19l’a déclaré, déterminer
s’il existe un différend est «une question de fond, et non de forme» . Or le fond de l’affaire réside
dans le fait que l’Inde maintient un comportement contraire à l’obligation que lui impose le droit
international coutumier de poursuivre de bonne foi et de mener à terme des négociations conduisant

au désarmement nucléaire dans tous ses aspects, sous un contrôle international strict et efficace.

20. Non seulement l’opposition de l’Inde aux griefs formulés par la République des

Iles Marshall peut être déduite de son comportement, mais l’Inde a également explicitement
contesté le bien-fondé de ces griefs. Dans la lettre qu’elle a adressée le 6 juin 2014 à la Cour,
l’Inde a nié l’existence «d’un quelconque différend entre [elle-même et les Iles Marshall] en ce qui
concerne le non-respect d’obligations découlant d’un traité ou du droit international coutumier»,

justifiant son point de vue sur cette question par l’argument suivant :

«L’Inde n’a ni accepté ni ratifié le TNP, pas plus qu’elle n’y a adhéré. La
convention de Vienne sur le droit des traités de 1969, qui codifie le droit international

coutumier en vigueur, dispose que les Etats sont liés par un traité sur la base du
principe du libre consentement. L’Inde s’étant toujours opposée au TNP, les
obligations qui découlent de celui-ci ne sauraient s’appliquer sélectivement à elle du

16
Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale
(Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 84, par. 30.
17Pour les références, voir la requête de la République des Iles Marshall, par. 36-37.

18Ibid., par. 29-34.
19 o
Voir supra, note de bas de page n 18. - 8 -

point de vue du droit international coutumier. De par la nature de son objet, à savoir
le désarmement nucléaire, la requête impose nécessairement d’adopter une approche
mondiale, et les Iles Marshall ne sauraient formuler de manière sélective des
réclamations à l’encontre d’un ou plusieurs Etats en particulier.» 20

21. L’argument de l’Inde s’appuie sur deux propositions : a) que les obligations découlant du
TNP ne s’appliquent pas à elle puisqu’elle n’est pas partie à ce traité ; et b) que, quand bien même
une obligation serait à sa charge en vertu du droit international coutumier  un point qu’elle ne

concède pas, du moins expressément , celle-ci ne saurait être invoquée de façon sélective à son
encontre, puisque, «[d]e par la nature de son objet, … la requête impose nécessairement d’adopter
une approche mondiale». S’agissant de la première proposition, il ressort clairement de la requête
que les griefs formulés par la République des Iles Marshall à l’encontre de l’Inde sont fondés sur le

droit international coutumier. Quant à la seconde proposition, l’avis exprimé par l’Inde sur ce
point est manifestement erroné. Le droit international coutumier impose à chaque Etat une
obligation erga omnes de poursuivre de bonne foi des négociations conduisant au désarmement
nucléaire. Cette obligation s’applique à l’Inde, tout comme elle s’applique à chaque Etat, quel que

soit par ailleurs le comportement des autres Etats à l’égard de cette même obligation. En d’autres
termes, le fait que d’autres Etats puissent avoir violé l’obligation de négocier n’exclut pas et ne
saurait exclure la possibilité pour la Cour de rechercher indépendamment si l’Inde respecte cette
obligation. Rien ne permet de penser que celle-ci soit d’une nature telle qu’elle ne puisse être
invoquée à l’encontre de certains Etats en particulier, voire d’un seul. Le simple fait que d’autres

Etats aient également l’obligation de négocier en vue de parvenir au désarmement nucléaire
n’exclut pas la possibilité de formuler des réclamations à l’encontre d’un Etat en particulier, ou de
porter devant une juridiction internationale la question du respect de cette obligation par cet Etat.
Comme cela a été observé, «si la présence de tous les Etats responsables était exigée, la nécessité
qu’il existe un lien juridictionnel entre l’Etat demandeur et tous les Etats défendeurs aurait
21
probablement pour conséquence de conférer à tous ces derniers l’immunité de juridiction».

22. S’il convient de laisser à la phase de l’examen de l’affaire au fond toute question relative
à la teneur de l’obligation de négocier invoquée à l’encontre de l’Inde, il faut, au présent stade de

l’affaire, souligner que ce qu’a déclaré l’Inde ne fait que confirmer l’existence d’un différend entre
elle-même et la République des Iles Marshall. En exprimant son désaccord à l’égard des positions
de la République des Iles Marshall quant à l’existence d’une obligation internationale pouvant être
invoquée contre elle, l’Inde montre elle-même qu’il existe un différend entre les Parties. La Cour a

l’obligation de connaître du différend et de dire ce qu’impose le droit international coutumier, et
elle a compétence pour ce faire. Dans l’arrêt qu’elle a rendu en l’affaire relative à Certains biens
(Liechtenstein c. Allemagne), la Cour a relevé que :

«dans la présente affaire, les griefs formulés en fait et en droit par le Liechtenstein

contre l’Allemagne sont rejetés par cette dernière. Conformément à sa jurisprudence
bien établie … , la Cour conclut que «[d]u fait de ce rejet, 22 existe un différend
d’ordre juridique» entre le Liechtenstein et l’Allemagne» .

De la même manière, on peut en l’espèce affirmer que les griefs formulés en droit par la

République des Iles Marshall sont rejetés par l’Inde et que, par conséquent, du fait de ce rejet, il
existe un différend d’ordre juridique entre ces deux Etats.

20
Lettre en date du 6 juin 2014.
21G. Gaja, «The Protection of the General Interests in the International Community. General Course on Public
International Law», Recueil des cours, vol. 364 (2014), p. 118.

22Certains biens (Liechtenstein c. Allemagne), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 19, par. 25. - 9 -

23. Le fait que ces éléments soient suffisants pour prouver l’existence d’un différend est
confirmé par la jurisprudence bien établie de la Cour, aux termes de laquelle :

«[il n’est pas nécessaire] que l’existence de la contestation se soit manifestée d’une
certaine manière, par exemple par des négociations diplomatiques. Il paraît bien
désirable qu’un Etat ne procède pas à une démarche aussi sérieuse que l’assignation

d’un autre Etat devant la Cour, sans avoir auparavant, dans une mesure raisonnable,
tâché d’établir clairement qu’il s’agit d’une différence de vues qui ne peut être
dissipée autrement. Mais, vu la teneur du texte, la Cour estime ne pas pouvoir exiger

que la contestation se soit formellement manifestée ; à son avis, il doit suffire que les
deux Gouvernements aient en fait manifesté des opinions opposées quant au sens et à
la portée d’un arrêt de la Cour.» 23

24. A propos de cette conclusion, il a été déclaré que «[c]ela rev[enait] à dire qu’établir

l’existence d’un différend suppos[ait] qu’un grief ait été formulé par une partie et rejeté par une
autre, mais que ce rejet n’a[vait] pas à être le résultat de négociations ou de contacts antérieurs
entre les Etats en litige» . Le même auteur a également relevé que, pour qu’un conflit donne lieu à

un différend, «il est nécessaire que l’un des Etats concernés l’«active» en formulant des griefs
auxquels l’autre devra s’opposer. Cela peut se produire par voie de négociations diplomatiques ou
de déclarations faites à la Cour elle-même» . De surcroît, si, bien entendu, ainsi que l’a déclaré la
26
Cour, «[e]n principe, le différend doit exister au moment où la requête [lui] est soumise» ,
l’existence de celui-ci tel qu’il est défini dans la requête peut également être prouvée par les

positions adoptées par les Parties devant la Cour. De fait, aux fins de déterminer l’existence d’un
différend, la Cour a, dans plusieurs affaires, attribué une valeur probante aux déclarations faites
devant elle par les Parties . 27

25. En conclusion, par leurs déclarations et comportements antinomiques tant avant qu’après

le dépôt de la requête, la République des Iles Marshall et l’Inde ont manifesté l’existence d’un
différend quant au non-respect par cette dernière de son obligation de poursuivre de bonne foi et de
mener à terme des négociations conduisant au désarmement nucléaire dans tous ses aspects, sous

un contrôle international strict et efficace. Dès lors, l’exception soulevée par l’Inde à cet égard doit
être rejetée.

23Interprétation des arrêts n 7 et 8 (usine de Chorzów), arrêt n 11, 1927, C.P.J.I. série A n 13, p. 10-11 ;
également Demande en revision et en interprétation de l’arrêt du 24 février 1982 en l’affaire du Plateau continental
(Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne) (Tunisie c. Jamahiriya arabe libyenne), arrêt du 10 décembre 1985,
C.I.J. Recueil 1985, p. 218, par. 46. La présente affaire satisfait même à cette condition, qui est celle que doit remplir un

différend soumis à la Cour en vertu de l’article 60 du Statut, or la gamme des différends en fait et en droit pouvant être
soumis à celle-ci en vertu de l’article 36 est bien plus vaste.
24R. Kolb, The International Court of Justice, Hart Publishing, 2013, p. 314.

25Ibid., p. 306.
26
Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale
(Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 85, par. 30 ; Questions
concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), arrêt, C.I.J. Recueil 2012, p. 442, par. 46.
27
Voir, notamment, Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria ;
Guinée équatoriale (intervenant)), C.I.J. Recueil 1998, p. 315, par. 93 ; Application de la convention pour la prévention
et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), C.I.J. Recueil 1996 (II),
p. 614-615, par. 29 ; Certains biens (Liechtenstein c. Allemagne), C.I.J. Recueil 2005, p. 19, par. 25. - 10 -

TROISIEME PARTIE

INTERPRETATION DES DECLARATIONS D’ACCEPTATION
DE LA JURIDICTION DE LA COUR

O BSERVATIONS GÉNÉRALES

26. La Cour a compétence pour connaître du présent différend par l’effet des déclarations
faites respectivement par l’Inde et la République des Iles Marshall en vertu du paragraphe 2 de
l’article 36 du Statut de la Cour. La déclaration de l’Inde a été signée le 15 septembre 1974 et
déposée le 18 septembre 1974 (annexe 5) ; celle de la République des Iles Marshall a été déposée le

24 avril 2013 (annexe 6). Toutes deux étaient en vigueur lorsque la République des Iles Marshall a
présenté sa requête à la Cour.

27. Ainsi que la Cour l’a précisé, «[i]l appartient à chaque Etat, lorsqu’il formule sa
28
déclaration, de décider des limites qu’il assigne à son acceptation de la juridiction de la Cour» .
Lorsqu’une partie fixe de telles limites, «l’interprétation des déclarations faites en vertu du
paragraphe 2 de l’article 36 du Statut et des réserves qu’elles contiennent a pour but d’établir si un
consentement mutuel a été donné à [l]a compétence [de la Cour]» . Bien qu’elles aient assorti de

réserves leurs déclarations faites en vertu du paragraphe 2 de l’article 36, il apparaît clairement, à la
simple lecture de ces deux textes, que les Parties ont mutuellement consenti à ce que la Cour ait
compétence à l’égard du différend soumis par la République des Iles Marshall, puisqu’aucune de
ces déclarations n’assigne de limites à la juridiction de la Cour en l’espèce ; les réserves qui y

figurent ne sont tout simplement pas applicables.

28. Dans sa lettre en date du 6 juin 2014, l’Inde n’a pas mentionné la déclaration
d’acceptation de la juridiction de la Cour que la République des Iles Marshall a faite le

24 avril 2013. Il n’y a là rien d’étonnant, car les rares limitations à la compétence de la Cour qui y
sont contenues ne portent manifestement pas sur le différend introduit contre elle par la République
des Iles Marshall.

29. Dans cette même lettre, l’Inde affirme que30la Cour internationale de Justice n’a pas
compétence pour connaître du différend allégué» . A l’appui de cet argument, elle invoque
deux réserves formulées dans sa déclaration d’acceptation de la juridiction de la Cour, à savoir les
réserves 4) et 7). Aucune des autres réserves dont cette déclaration est assortie n’est évoquée dans

la lettre datée du 6 juin 2014. Il n’y a donc pas lieu de les examiner puisqu’il apparaît d’emblée
que ces autres réserves ne limitent pas non plus la compétence de la Cour à l’égard du présent
différend.

30. Dans les sections suivantes du présent mémoire, il sera démontré qu’aucune des deux
réserves invoquées par l’Inde ne fait obstacle à la juridiction de la Cour. L’interprétation de ces
réserves ne laisse aucun doute quant au fait que les Parties ont mutuellement consenti à la
compétence de la Cour. Avant d’examiner lesdites réserves, il est utile de rappeler les règles de

28
Compétence en matière de pêcheries (Espagne c. Canada), compétence de la Cour, arrêt, C.I.J. Recueil 1998,
p. 452-453, par. 44.
2Ibid.

3Lettre en date du 6 juin 2014, par. 4. - 11 -

droit international qui s’appliquent à l’interprétation des déclarations unilatérales faites en vertu du
paragraphe 2 de l’article 36 du Statut, et des réserves dont celles-ci sont assorties.

31. Conformément à la jurisprudence bien établie de la Cour, une déclaration «doit être
interprétée telle qu’elle se présente, en tenant compte des mots effectivement employés» . En 31

outre, «la Cour ne saurait se fonder sur une interprétation purement grammaticale du texte. Elle
doit rechercher l’interprétation qui est en harmonie avec la manière naturelle et raisonnable de lire
le texte» . Lorsqu’elle interprète une déclaration, la Cour tient dûment compte de l’intention de
l’Etat l’ayant déposée à l’époque où il l’a fait.

«La Cour interprète donc les termes pertinents d’une déclaration, y compris les
réserves qui y figurent, d’une manière naturelle et raisonnable, en tenant dûment
compte de l’intention de 1’Etat concerné à l’époque où ce dernier a accepté la
33
juridiction obligatoire de la Cour.»

Elle a également observé que «quand une déclaration existante a été remplacée par une nouvelle
déclaration qui contient une réserve, comme dans la présente affaire, on peut aussi établir les
34
intentions du gouvernement intéressé en comparant les termes des deux instruments» .

LA RÉSERVE DE L ’INDE RELATIVE À L ’INTERPRÉTATION
DE TRAITÉS MULTILATÉRAUX

32. La réserve 7) exclut du consentement que l’Inde a donné à la compétence de la Cour
«[l]es différends relatifs à l’interprétation ou à l’application d’un traité multilatéral, à moins que
toutes les parties au traité ne soient également parties à l’affaire dont la Cour est saisie ou que le

Gouvernement indien n’accepte spécialement la juridiction de la Cour».

33. Il ressort des mots employés dans cette réserve que celle-ci est soumise à deux

conditions. La première concerne l’objet du différend, ladite réserve s’appliquant aux différends
relatifs à l’interprétation ou à l’application d’un traité multilatéral. Autrement dit, l’existence d’un
différend à ce sujet présuppose que les affirmations du demandeur soient fondées sur un traité
multilatéral applicable à la relation que celui-ci entretient avec le défendeur. La seconde condition

est que toutes les parties au traité soient parties à l’affaire dont la Cour est saisie ou, à défaut, que
l’Inde ait spécifiquement accepté la juridiction de la Cour. L’intention qui sous-tend ce texte est
d’exclure la possibilité qu’un différend relatif à un traité multilatéral auquel l’Inde est partie soit
introduit contre elle seule, sans que les autres parties à cet instrument ne soient également parties à

l’affaire et, partant, également liées par l’interprétation que la Cour fera de celui-ci.

34. Cette réserve ne saurait servir à exclure la compétence de la Cour à l’égard du différend

soumis par la République des Iles Marshall, et ce, pour la raison évidente qu’il n’existe pas de
différend entre celle-ci et l’Inde au sujet de l’interprétation et de l’application d’un traité
multilatéral. Si l’obligation d’engager de bonne foi des négociations conduisant au désarmement
nucléaire est également énoncée à l’article VI du TNP, le différend entre la République des Iles

Marshall et l’Inde ne saurait porter sur l’interprétation ou l’application de cet instrument, puisque

31
Anglo-Iranian Oil Co. (Royaume-Uni c. Iran), exception préliminaire, arrêt, C.I.J. Recueil 1952, p. 105.
32Ibid, p. 104.

33Compétence en matière de pêcheries (Espagne c. Canada), compétence de la Cour, arrêt, C.I.J. Recueil 1998,
p. 454, par. 49.
34
Ibid, par. 50. - 12 -

l’Inde n’y est pas partie. La Cour a donc à connaître en l’espèce d’un différend ayant
exclusivement trait au respect, par l’Inde, de l’obligation que lui impose le droit international
coutumier de poursuivre de bonne foi et de mener à leur terme des négociations conduisant au
désarmement nucléaire dans tous ses aspects, sous un contrôle international strict et efficace. Le
fait que la règle inscrite à l’article VI du TNP ait le même contenu que la règle de droit

international coutumier sur laquelle la République des Iles Marshall fonde sa demande ne
transforme pas  et ne saurait transformer  le présent différend en un différend sur
l’interprétation et l’application du TNP.

35. L’objection de l’Inde est tout à fait contraire à la position adoptée par la Cour dans l’arrêt
qu’elle a rendu en l’affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci
(Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique). Bien que la réserve des Etats-Unis fût formulée en des
termes légèrement différents de ceux utilisés par l’Inde, ce qu’a dit la Cour dans cette affaire
s’applique aussi en la présente espèce. Les Etats-Unis avaient à l’époque soutenu que, si les

prétentions du demandeur ne faisaient que reprendre ses demandes expressément fondées sur
certains traités multilatéraux, la réserve s’appliquait aussi aux différends formulés en vertu du droit
international coutumier. La Cour a écarté cet argument dans les termes suivants :

«La Cour ne peut rejeter les demandes nicaraguayennes fondées sur les

principes du droit international général et coutumier au seul motif que ces principes
sont repris dans les textes des conventions invoquées par le Nicaragua. Le fait que les
principes susmentionnés, et reconnus comme tels, sont codifiés ou incorporés dans des
conventions multilatérales ne veut pas dire qu’ils cessent d’exister et de s’appliquer en
tant que principes de droit coutumier, même à l’égard de pays qui sont parties auxdites
35
conventions.»

La Cour a également formulé l’observation suivante :

«l’effet de la réserve est uniquement d’exclure l’applicabilité de la Charte des

Nations Unies et celle de l’Organisation des Etats américains en tant que droit
conventionnel multilatéral et n’a pas d’autre incidence sur les sources 36 droit
international que l’article 38 du Statut prescrit à la Cour d’appliquer» .

36. Il convient de relever que, si la réserve relative aux traités multilatéraux avait été

invoquée en l’affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci
(Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), c’est parce que le différend soumis par le Nicaragua était en
réalité un différend tant au regard du droit conventionnel multilatéral que du droit international
coutumier. En la présente espèce, en revanche, le différend qui oppose la République des
Iles Marshall et l’Inde est  et ne peut qu’être  un différend relevant exclusivement du droit

international coutumier, l’Inde n’étant pas partie au TNP. L’invocation de cette réserve par l’Inde
n’en est que d’autant moins fondée, si tant est que cela soit possible.

37. Pour toutes les raisons exposées ci-dessus, l’objection que l’Inde a soulevée en invoquant

la réserve relative aux traités multilatéraux doit être rejetée.

35
Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique),
compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 1984, p. 424, par. 73.
36Ibid., fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 38, par. 56. - 13 -

L A RÉSERVE DE L ’INDE CONCERNANT LA LÉGITIME DÉFENSE

38. La réserve 4) exclut la juridiction de la Cour à l’égard des différends relatifs ou ayant
trait «à des faits ou à des situations» d’hostilités concernant l’Inde. La première partie de la réserve
fait référence aux «différends relatifs ou ayant trait à des faits ou à des situations d’hostilités, à des

conflits armés, à des actes individuels ou collectifs accomplis en légitime défense, à la résistance à
l’agression, à l’exécution d’obligations imposées par des organes internationaux» ; la seconde
partie, introduite par la conjonction «et», exclut les «autres faits, mesures ou situations connexes ou
de même nature qui concernent ou ont concerné l’Inde ou peuvent la concerner dans l’avenir». Il
est évident que ces deux parties sont étroitement liées. Ainsi que la Cour l’a relevé dans une affaire

récente, «[l]e libellé de [l]a deuxième partie [de la réserve] [étant] en ét37ite relation avec celui de
la première partie», «[l]a réserve doit … être lue comme formant un tout» . Il en va de même pour
l’interprétation de la présente réserve.

39. Tout d’abord, la réserve «38it être interprétée telle qu’elle se présente, en tenant compte
des mots effectivement employés» . En l’occurrence, la référence à «l’exécution d’obligations
imposées par des organes internationaux», qui est clairement dépourvue de pertinence aux fins de
la présente espèce, peut être laissée de côté. L’on peut raisonnablement penser que, considérés
dans leur ensemble et suivant leur sens naturel, les termes «faits ou … situations

d’hostilités, … conflits armés, … actes individuels ou collectifs accomplis en légitime
défense, … résistance à l’agression» renvoient à des emplois particuliers de la force, c’est-à-dire
des situations précises concernant l’Inde dans le cadre desquelles la force est utilisée. La mention
d’«actes individuels ou collectifs accomplis en légitime défense» parmi les «faits ou … situations»
signifie que la juridiction de la Cour est exclue si le différend a trait à des «actes accomplis» en

légitime défense. Le terme «accomplis» renforce l’interprétation selon laquelle la première partie
de la réserve s’applique si le différend entre l’Inde et un autre Etat concerne une situation
particulière d’emploi de la force, y compris les cas de légitime défense.

40. La seconde partie de la réserve doit être lue à la lumière de la première. Si l’on interprète

l’exception énoncée dans la réserve 4) «comme formant un tout», il apparaît clairement que la
seconde partie renvoie elle aussi à des situations particulières d’emploi de la force, ce que
confirment les termes «faits, mesures ou situations connexes ou de même nature» (les italiques sont
de nous). Les situations particulières auxquelles il est fait référence peuvent également être des
situations qui ne concernent pas actuellement l’Inde, mais qui «peuvent la concerner dans

l’avenir». Il n’en demeure pas moins que l’application de la réserve exige clairement le respect de
deux conditions, à savoir l’existence d’une situation particulière d’emploi de la force (ou de faits et
mesures connexes) qui concerne ou a concerné l’Inde ou peut la concerner dans l’avenir, et le fait
que le différend entre les parties soit relatif ou ait trait à cette situation particulière.

41. La déclaration de l’Inde du 14 septembre 1959, remplacée le 18 septembre 1974 par celle
qui est actuellement en vigueur, contenait une réserve analogue. Elle se lisait comme suit :

«Les différends concernant une question née d’une occupation de guerre ou
d’une occupation militaire ou de l’exercice de fonctions résultant d’une

recommandation ou d’une décision d’un organe de l’Organisation des Nations Unies,

37
Chasse à la baleine dans l’Antarctique (Australie c. Japon ; Nouvelle-Zélande (intervenant)), arrêt, par. 37.
38Anglo-Iranian Oil Co. (Royaume-Uni c. Iran), exception préliminaire, arrêt, C.I.J. Recueil 1952, p. 105. - 14 -

en vertu de laquelle le Gouvernement indien a assumé des obligations, ou s’y
rapportant.» 39

La comparaison des termes employés dans ces deux réserves permet de constater que la nouvelle
diffère de la précédente, en ce qu’elle est à la fois plus large et plus précise. Elle est plus large, car
elle englobe d’autres situations que celle «d’une occupation de guerre ou d’une occupation

militaire ou de l’exercice de fonctions résultant d’une recommandation ou d’une décision d’un
organe de l’Organisation des Nations Unies» ; elle est aussi plus précise, puisqu’elle renvoie «à des
faits ou à des situations», expression utilisée à la place du terme générique «question».

42. S’agissant des objectifs poursuivis par la nouvelle réserve, on observera que la
déclaration de 1974 a été déposée quelques mois après l’introduction par le Pakistan de l’affaire

relative au Procès de prisonniers de guerre pakistanais (Pakistan c. Inde). Il convient de relever
que, dans cette affaire, le Pakistan avait également cherché à fonder la compétence de la Cour sur
les déclarations faites par les parties en vertu du paragraphe 2 de l’article 36 du Statut . Cela 40
donne à penser que l’objectif de la nouvelle déclaration était d’empêcher la Cour d’exercer sa

compétence à l’égard de situations particulières d’emploi de la force concernant l’Inde ou de faits
et mesures connexes, y compris, de toute évidence, le traitement des prisonniers de guerre.
Autrement dit, le lien temporel étroit entre la requête du Pakistan et la modification de la

déclaration de l’Inde vient étayer l’idée que la nouvelle réserve était destinée à s’appliquer aux
différends relatifs ou ayant trait à des situations particulières d’emploi de la force, tels que celui
soumis à la Cour par le Pakistan. Le contexte historique de cette modification semble donc révéler
l’intention de l’Inde «à l’époque où [cette dernière] a accepté la juridiction obligatoire de la
41
Cour» .

43. Il apparaît clairement que le différend entre la République des Iles Marshall et l’Inde ne

tombe pas sous le coup de la réserve 4), contenue dans la déclaration faite par l’Inde en vertu du
paragraphe 2 de l’article 36 du Statut telle qu’actuellement en vigueur. Cette réserve ne s’applique
qu’aux emplois particuliers de la force concernant l’Inde ou aux faits, mesures ou situations
connexes ou de même nature. Or le présent différend est sans rapport aucun avec pareils faits,

mesures ou situations.

44. Dans sa lettre en date du 6 juin 2014, l’Inde a fait allusion à l’existence d’un lien entre la

possession d’armements nucléaires et son droit de légitime défense. Elle a ainsi déclaré que, «dans
l’attente [d’un] désarmement nucléaire international ainsi que pour des raisons de sécurité et de
défense nationales, [elle] s’attach[ait] à constituer et à maintenir un système de dissuasion nucléaire
42
minimale crédible» . A ce propos, la République des Iles Marshall souligne au passage qu’elle est
vivement opposée à la position selon laquelle le droit de légitime défense pourrait en soi justifier la
possession ou l’emploi d’armements nucléaires. A ce stade, elle se contentera toutefois d’observer

39
Procès de prisonniers de guerre pakistanais (Pakistan c. Inde), correspondance, p. 142.
40Ibid., procès-verbaux des séances publiques tenues au Palais de la Paix, La Haye, 4 juin 1973 (Demande en
indication de mesures conservatoires), plaidoirie de M. Bakhtiar, CR 1973, p. 54.

41Compétence en matière de pêcheries (Espagne c. Canada), compétence de la Cour, arrêt, C.I.J. Recueil 1998,
p. 454, par. 49. Dans le même arrêt, il est précisé ce qui suit :

«La Cour interprète donc les termes pertinents d’une déclaration, y compris les réserves qui y
figurent, d’une manière naturelle et raisonnable, en tenant dûment compte de l’intention de 1’Etat
concerné à l’époque où ce dernier a accepté la juridiction obligatoire de la Cour. L’intention d’un Etat
qui a formulé une réserve peut être déduite non seulement du texte même de la clause pertinente, mais
aussi du contexte dans lequel celle-ci doit être lue et d’un examen des éléments de preuve relatifs aux
circonstances de son élaboration et aux buts recherchés.» (Ibid.)
42
Lettre en date du 6 juin 2014, par. 2. - 15 -

que cette affirmation n’établit aucun lien entre la possession de pareils armements et l’application
de la réserve 4) au présent différend, ce qui n’est guère étonnant. Ainsi que cela a été montré, seule
l’existence d’une situation particulière de conflit armé peut en effet entraîner l’application de cette
réserve, et le présent différend est sans rapport aucun avec une telle situation. Cependant, même à

supposer, aux fins de l’argumentation, qu’un différend sur la possession d’un arsenal nucléaire par
l’Inde puisse être considéré comme relevant de cette réserve, cela n’exclurait pas la compétence de
la Cour à l’égard du présent différend.

45. La requête de la République des Iles Marshall ne porte pas sur la question de savoir si
l’Inde a le droit de posséder un armement nucléaire. La République des Iles Marshall ne prétend
pas non plus que l’Inde a l’obligation de démanteler son arsenal nucléaire de manière unilatérale ;
elle soutient que, en s’engageant en particulier dans un programme visant à accroître et à améliorer
ses forces nucléaires, l’Inde ne respecte pas l’obligation qui lui incombe de poursuivre de bonne foi

des négociations conduisant au désarmement nucléaire dans tous ses aspects. Cela ne signifie
cependant pas qu’un différend portant sur l’obligation de négocier de bonne foi un désarmement
nucléaire, y compris la cessation de la course aux armements nucléaires, constitue un différend
quant à la possession d’un armement nucléaire. Le différend soumis à la Cour par la République

des Iles Marshall a pour objet l’obligation de négocier, et non la possession d’un arsenal nucléaire.
Par conséquent, aucune décision que la Cour pourrait prendre à cet égard n’aurait d’incidence
directe sur la possession, par l’Inde, d’un arsenal nucléaire, quelles qu’en soient les raisons. En
l’espèce, la Cour est en réalité appelée à vérifier si l’Inde a respecté et continue de respecter son
obligation de poursuivre de bonne foi et de mener à leur terme des négociations conduisant au

désarmement nucléaire dans tous ses aspects, sous un contrôle international strict et efficace.

46. Le caractère licite ou illicite de la possession et de la menace ou de l’emploi d’armes
nucléaires, d’une part, et le respect, ou non, par des Etats de l’obligation de poursuivre de bonne foi

des négociations conduisant au désarmement nucléaire, d’autre part, sont deux aspects distincts de 43
la question complexe du «statut juridique d’une arme aussi meurtrière que l’arme nucléaire» . La
Cour a expressément reconnu la différence entre ces aspects dans son avis consultatif sur la
question de la Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires. Elle a établi une distinction
claire entre les «questions éminemment difficiles que soulève l’application à l’arme nucléaire du

droit relatif à l’emploi de la force, et surtout du droit applicable dans 44s conflits armés» et «un
autre aspect de la question posée, dans un contexte plus large» , à savoir l’existence d’une
obligation de négocier de bonne foi un désarmement nucléaire. Cette distinction trouve également
son expression dans le dispositif de l’avis de la Cour . 45

47. Le différend entre l’Inde et la République des Iles Marshall est sans rapport aucun avec
une situation particulière d’emploi de la force, ce qui suffit à écarter l’applicabilité de la réserve 4).
Ex abundanti cautela, l’on ajoutera que, plus largement, le présent différend ne porte pas sur la

question du droit de l’Inde de posséder un arsenal nucléaire ou d’utiliser des armes nucléaires au
titre de la légitime défense. Tel que défini dans la requête de la République des Iles Marshall, il a
trait à la question de savoir si l’Inde a respecté et continue de respecter son obligation de
poursuivre de bonne foi et de mener à leur terme des négociations conduisant au désarmement
nucléaire dans tous ses aspects, sous un contrôle international strict et efficace. Dès lors, ce

différend est sans rapport aucun avec ceux qui sont visés par la réserve 4).

43
Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 263,
par. 98.
44Ibid.

45Ibid, p. 265 et suiv., par. 105. - 16 -

QUATRIEME PARTIE

CONCLUSION

48. Conformément à l’ordonnance rendue par la Cour le 16 juin 2014, le présent mémoire est
limité aux questions de compétence soulevées par l’Inde. En ce qui concerne le fond de l’affaire, le
demandeur maintient ses conclusions, y compris la décision sollicitée, telles qu’exposées dans la

requête en date du 24 avril 2014. Il se réserve le droit de préciser ou modifier ces conclusions à un
stade ultérieur de la procédure.

49. Sur la base de l’exposé des faits et des moyens juridiques qui précède, la République des
Iles Marshall prie la Cour de dire et juger qu’elle a compétence pour connaître de la présente

affaire.

Fait le 16 décembre 2014

Le coagent de la République des Iles Marshall
devant la Cour internationale de Justice,

(Signé) M. Tony A. DE BRUM .

Le coagent de la République des Iles Marshall
devant la Cour internationale de Justice,

(Signé) M. Phon VAN DEN BIESEN .

___________

Document file FR
Document Long Title

Mémoire des Iles Marshall

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