Observations écrites de la Colombie sur la réponse écrite du Nicaragua
à la question posée par M. le juge Bennouna
le 4 mai 2012 (après-midi)
1. La Colombie souhaite tout d’abord réaffirmer sa position, telle qu’elle l’a déjà exprimée dans sa
réponse écrite à la question posée par M. le juge Bennouna qui vous a été communiquée sous le
couvert d’une lettre datée du 10mai2012 ainsi que lors des audiences sur le fond qui se sont
1
tenues du 23 avril au 4 mai 2012, en particulier lors de la seizième séance organisée le 4 mai .
2. Il convient de lire la réponse écrite du Nicaragua dans le contexte de la présente affaire, dans
laquelle aucune zone du plateau conti2ental ne se trouve à plus de 200milles marins du
territoire terrestre le plus proche . En tout état de cause, la demande du Nicaragua ne tient pas
compte du fait que l’archipel génère des droits à un plateau continental qui lui sont propres 3,
raison pour laquelle la délimitation proposée par la Colombie se situe dans une zone où les
droits respectifs des Parties commencent à se rencontrer et à se chevaucher . 4
3. En outre, contrairement à ce que suggèrent les arguments que fait valoir le Nicaragua à l’appui
de sa revendication, il n’existe —pour dire le moins— aucune règle de droit international
coutumier selon laquelle, pour déterminer l’éten due du plateau continental, priorité serait
donnée aux caractéristiques géomorphologiques plutôt qu’au droit d’un Etat côtier à un plateau
continental et à une ZEE de 200 milles marins à pa rtir de ses côtes en vertu du paragraphe 1 de
5
l’article 76 de la convention sur le droit de la mer .
4. C’est même le contraire puisqu’il ressort de la pratique des Etats (et ce, quasiment sans
6
exception — et même sans aucune exception dans la région en cause) qu’un Etat côtier ne peut
prétendre à un plateau continental étendu sur la base de critères géomorphologiques dans une
zone située à moins de 200milles marins d’une autre côte éligible. C’est ce que reflète le
célèbre dictum formulé par la Cour en l’affaire Libye/Malte :
«Selon la Cour cependant, du moment que l’évolution du droit permet à un Etat
de prétendre que le plateau continental relevant de lui s’étend jusqu’à 200milles
de ses côtes, quelles que soient les caractéristiques géologiques du sol et du
sous-sol correspondants, il n’existe aucune raison de faire jouer un rôle aux
facteurs géologiques ou géophysiques jusqu’à cette distance, que ce soit au stade
de la vérification du titre juridique des Etats intéressés ou à celui de la
délimitation de leurs prétentions . Cela est d’une particulière évidence en ce qui
concerne la vérification de la validité du titre, puisque celle-ci ne dépend que de la
distance à laquelle les fonds marins revendiqués comme plateau continental se
trouvent par rapport aux côtes des Etats qui les revendiquent, sans que les
1 CR2012/16, p.42-43, par.38-39 et p.43-45, par.40-50 (Bundy). Voir aussi CR2012/17, p.35, par.16
(Crawford).
2 CR 2012/11, p. 24, par. 21 (Crawford) ; CR 2012/16, p. 52, par. 83 (Bundy).
3 CR 2012/11, p. 24, par. 21 (Crawford) ; CR 2012/12, p. 14, par. 24 ; p. 15, par. 27 ; p. 18, par. 42 ; p. 25,
par. 74 ; p. 48, par. 23 ; p. 60, par.76; p.63, par.89 (Bundy). Voir assi CR 2012/13, p. 50, par. 49 ; p. 53, par. 60
(Crawford) ; CR 2012/16, p. 15, par. 28 (Londoño) ; p. 49, par.68 (Bundy); et CR2012/17, p. 22 et suiv. (Bundy); et
p. 38, par. 28.4 (Crawford).
4 CR 2012/12, p. 12, par. 13 ; p. 24, par. 70 ; p. 24-25, par. 73 ; p. 25, par. 75 ; p. 63, par. 92 (Bundy). Voir aussi
CR2012/13, p.47, par.43; p.49, par.48 (Crawford); et CR2012/17, p.30, par.32 (Bundy); p.38, par.28.5
(Crawford).
5 CR2012/11, p.25, par.23et p.27-28, par. 34 (Crawford) ; CR 2012/17, p. 32-34, par.6-14 et p.38, par.28.2
(Crawford).
6 CR 2012/11, p. 24, par. 21 (Crawford) ; CR 2012/12, p. 60-61, par. 78 (Bundy). CR 2012/13, p. 53, par. 60
(Crawford) ; CR 2012/16, p. 52, par. 83, 85 (Bundy) ; CR 2012/17, p. 34, par. 14 (Crawford). - 2 -
caractéristiques géologiques ou géomorphologiques de ces fonds jouent le moindre
rôle, du moins tant que ces fonds sont situés à moins de 200milles des côtes en
7
cause.»
5. La pratique étatique pertinente à cet égard a été décrite pendant les audiences par M.Bundy 8,
9
puis par M.Crawford dans les considérations logiques qu’il en a déduites. Il y a lieu de
souligner que, à aucun moment, le Nicaragua n’a cherché à réfuter les propos de M.Bundy et
que sa réponse au professeur Crawford lors du second tour de plaidoiries était inexacte et peu
10
convaincante .
6. Quant au fond de la réponse écrite, il convi ent de relever que, si M.le jugeBennouna
s’interrogeait uniquement sur la question de savoir si les règles relatives à la détermination de la
limite extérieure du plateau continenta l au-delà des 200 milles marins, posées aux
paragraphes4 à9 de l’article76 de la convention sur le droit de la mer, pouvaient être
considérées comme étant de nature coutumière, la réponse écrite du Nicaragua et la pratique
étatique à laquelle il se réfère sont davantage cen trées sur «la définition du plateau continental»
que sur la détermination de sa limite extérieure.
7. Bien que, dans sa réponse écrite, le Nicaragua accepte la distinction entre les obligations de
nature conventionnelle et le s obligations découlant du dr oit international coutumier
⎯distinction fondamentale aux yeux de la Co lombie—, il commence par affirmer que «la
définition du plateau continental donnée aux paragr aphes 1 à 7 de l’article 76 de la convention
des NationsUnies de1982 sur le droit de la mer a le caractère de règle de droit international
11
coutumier, et pas seulement de règle de droit conventionnel» .
8. Pour tenter de justifier son hypothèse de base, le Nicaragua soutient que la définition consacrée
selon 12i par les paragraphes 4 à 7 de l’article 76 est communément admise par la pratique des
Etats . Cependant, pour les raisons expliquées ci-après, la description du Nicaragua, destinée à
servir ses propres intérêts et presque exclusivement centrée sur la pratique des Etats parties à la
convention, est non seulement très imprécise et approximative, mais aussi contradictoire, à tel
point qu’il ne parvient pas à démontrer le bien-fondé de son affirmation.
9. Le Nicaragua, sans jamais affirmer que la Colo mbie n’est pas partie à la convention, relève
qu’elle en est l’un des 119 pays signataires 13. Or, de toute évidence, le fait que la Colombie ait
signé cet instrument en1982, au terme de la conférence de MontegoBay, ne suffit pas à en
faire un Etat partie à la convention. Oublieux de ce principe fondamental du droit des traités, le
Nicaragua n’a de cesse, tout au long de sa réponse écrite, d’assimiler la signature à la
14
ratification, afin d’apporter de l’eau à son moulin dans sa description de la pratique des Etats .
10.Il n’est pas inutile tout d’abord de relire le commentaire de la Cour sur la transformation d’une
règle conventionnelle en règle de droit internati onal coutumier. La Cour a formulé plusieurs
prononcés, qu’il importe de ra ppeler, dans les affaires du Plateau continental de la mer du
7 Plateau continental (Jamahiriya arabe libyen ne/Malte, Arrêt, C.I.J. Recueil 1985, p.33, par.39 (les italiques
sont de nous).
8 CR 2012/12, p. 60-61, par. 77-78 (Bundy).
9 CR 2012/13, p. 27-28, par. 34 ; CR 2012/17, p. 32-34, par. 6-14 (Crawford).
10
CR 2012/9, p. 30, par. 46-48 ; CR 2012/15, p. 23-25, par. 36-44 (Lowe).
11
Réponse écrite du Nicaragua (NICOL 2012/24), par. 1.
12Ibid., par. 10.
13Ibid., par. 7.
14Voir, par exemple, ibid., par. 11, 12 et 13. - 3 -
15
Nord , montrant la difficulté d’une telle transformation sur la base de la pratique étatique et de
l’opinio juris. En premier lieu, la Cour a déclaré que cette situation était du domaine des
possibilités, «[m]ais on ne considère pas facilement ce résultat comme atteint» . 16
11.En second lieu, la Cour a clairement indiqué que le simple fait qu’un Etat refuse de ratifier une
convention pour des raisons autres qu’une désapprobation active des règles qui y sont énoncées
ne signifie pas pour autant que l’Etat en question approuve ces règles. C’est ainsi qu’elle a
déclaré :
«On ne saurait s’appuyer sur le fa it que la non-ratification puisse être due
parfois à des facteurs autres qu’une d ésapprobation active de la convention en
cause pour en déduire l’acceptation positive de [s]es principes: les raisons sont
17
conjecturales mais les faits demeurent.»
La Cour a poursuivi en confirmant sa position : «Pour les Etats qui n’étaient pas et ne sont pas
devenus depuis lors parties à la Convention, l es raisons de leur action ne peuvent être que
problématiques et restent entièrement du domaine de la conjecture.» 18
12.Après avoir établi que la non-ratification p our quelque raison que ce soit, autre que la
désapprobation active d’une convention, ne peut, en tant que telle, être considérée comme une
approbation tacite d’une règle conventionnelle, la Cour s’est engagée dans un commentaire plus
large sur ce qui constitue l’ opinio juris , la conviction qu’une règle présente un caractère
coutumier, corroborée par la pratique des Etats, qui suffit à transformer une norme
conventionnelle en règle de droit international général. Les actes considérés doivent représenter
plus qu’une «pratique constante». La Cour a ainsi déclaré :
«[Les actes considérés] doivent témoigner, par leur nature ou la manière dont ils
sont accomplis, de la conviction que ce tte pratique est rendue obligatoire par
l’existence d’une règle de droit. La né cessité de pareille conviction, c’est-à-dire
l’existence d’un élément subjectif, est implicite dans la notion même d’opinio juris
sive necessitatis. Les Etats intéressés doivent donc avoir le sentiment de se
conformer à ce qui équivaut à une obligation juridique.» 19
13.En l’espèce, il ne fait aucun doute que :
a) La transformation d’une norme conventionnelle en règle de droit international coutumier
n’est pas chose courante et ne devrait pas êt re proclamée à la légè re. Par conséquent, il
était très difficile au Nicaragua d’établir que l’article76 de la convention des
Nations Unies sur le droit de la mer codifie une règle coutumière de droit international et
il n’y est effectivement pas parvenu, comme nous allons le démontrer ci-après.
b) La non-ratification par la Colombie de la convention des Nations Unies sur le droit de la
mer pour des raisons étrangères à son opinion sur les principes contenus dans cet
instrument ne peut être considérée comme une approbation tacite de ceux-ci. De fait, cela
fait trente ans que la Colombie a choisi de ne pas ratifier la convention, manifestant ainsi
sa volonté de ne pas être liée par certaines règles conventionnelles telles que celles
figurant aux paragraphes 4 à 9 de l’article 76.
15Affaires du Plateau continental de la mer du Nord (Répub lique fédérale d’Allemagne/Danemark)(République
fédérale d’Allemagne/Pays-Bas), arrêt, C.I.J. Recueil 1969, p. 3.
16Ibid., p. 41, par. 71.
17
Ibid., p. 42, par. 73.
18Ibid., p. 43-44, par. 76.
19Ibid., p. 44, par. 77. - 4 -
c) L’existenced’une opinio juris suppose qu’ait été démontrée la conviction des Etats que la
norme en question est une règle de droit. Comme il est expliqué ci-après, les informations
sur lesquelles s’appuie le Nicaragua dans sa réponse écrite n’apportent pas la preuve que
les règles contenues aux paragraphes4 à9 de l’article76 de la convention reflètent
l’opinio juris des Etats, en particulier des Etats non signataires de la convention.
14.Les données chiffrées fournies par le Nicaragua dans sa réponse écrite, censées rendre compte
de la pratique des Etats, sont imprécises et trompeuses: les Etats concernés ne sont pas
nommément désignés, pas plus que ne sont citées les dispositions de droit interne que le
Nicaragua estime juridiquement pertinentes. A cet égard, les termes utilisés par le Nicaragua
sont particulièrement révélateurs. Ce dernier commence sa démonstr20ion en faisant référence à
un site de l’ONU qui répertorie la législation de 151Etats , sans faire la distinction entre les
Etats parties et les Etats non parties à la conve ntion. Il réduit ce nombre initial à «environ 90»
Etats qui auraient adopté une législation pertinen te en la matière. Pour reprendre les termes du
Nicaragua «cette formulation volontairement vague» s’explique par le fait que «certains renvois
au plateau continental sont indirects et [que ] quelques-uns de ces textes de loi ne sont pas
21
facilement accessibles» . Le Nicaragua poursuit en employant des expressions telles que «ces22
quelque 90Etats», «il semble qu’une cinquantaine d’Etats», «environ sixEtats» . Dans la
même veine, aux paragraphes12 et13 de sa ré ponse écrite, le Nicaragua réitère sa conclusion
selon laquelle «certains [de ces Etats], si ce n’est tous, ont adopté une législation nationale en
vue de donner effet à la convention ou sont dotés d’un système juridique qui donne directement
effet aux traités».
15.A la suite d’une démonstration reposant essentiellement sur des hypothèses, le Nicaragua
conclut que
«sur les 90 Etats qui se sont dotés d’une lé gislation relative au plateau continental,
plus de 80 semblent avoir accepté la définition qui figure aux paragraphes 4 à 7 de
l’article76 de la convention, soit en en reprenant expressément les termes dans
leur législati23 nationale, soit en acceptant implicitement les dispositions de la
convention» .
La conclusion du Nicaragua est néanmoins contredi te par sa propre analyse. Nulle part dans sa
démonstration, le Nicaragua ne mentionne un Et at dont la législation ferait spécifiquement
référence à ces quatreparagraphes, considérés comme constituant, ensemble, la «définition du
plateau continental».
16.Suivant le paragraphe 11 de la réponse écrite du Nicaragua :
⎯ «six [Etats] environ se contentent d’une délimit ation … sur la base d’accords conclus avec des
Etats voisins» ;
⎯ «il semble qu’une cinquantaine d’[Etats] ont adopté dans leur législation nationale une
définition … conforme au paragraphe 1 de l’article 76 de la convention» ;
⎯ «d’autres [Etats] vont plus loin en donnant une définition de la marge continentale inspirée de
celle du paragraphe 3 de l’article 76 de la convention» ;
⎯ «d’autres [Etats] renvoient aux dispositions de l’article 76 en termes généraux».
20NICOL 2012/24, par. 10.
21Ibid.
22
Ibid., par. 11.
23Ibid., par. 14. - 5 -
Et d’ajouter :
⎯ «Dix-neuf autres Etats appliquent le critère «isobathe des 200 mètres + exploitabilité», énoncé
à l’article premier de la convention de 1958 sur le plateau continental, ou ne retiennent que le
seul critère de l’exploitabilité» 24 ;
⎯ «Seize autres Etats limitent leur déclaration de juridiction sur le plateau continental à une
25
distance de 200 milles marins» .
17.Si on soustrait le nombre d’Etats que le Nicara gua exclut lui-même de la liste de ceux ayant
expressément accepté la «définition» du plateau continental figurant aux paragraphes 4 à 7 de
l’article 76, on est bien en deçà du total de «plu s de 80 Etats» auquel il arrive au paragraphe 14
de sa réponse écrite.
18.Le Nicaragua renvoie aussi à la pratique de deux Etats nommément désignés, l’Equateur et les
Etats-Unis, qui ne sont pas parties à la convention. Cependant, s’agissant de l’Equateur, le
Nicaragua se contente d’affirmer, sans étayer ses dires, que ce pays utilise les «critères
détaillés» prévus par les dispositions d es paragraphes5 et6 de l’article76 26. S’agissant des
Etats-Unis, il cite une déclaration de1987 éman ant de27e pays, qui atteste selon lui que les
Etats-Unis ont «expressément accepté cette définition» . Le Nicaragua passe néanmoins sous
silence le fait que, dans cette déclaration, les Etats-Unis font clairement la différence entre «la
définition appropriée…telle que reflétée par les pa ragraphes1, 2 et3 de l’article76» et «les
modes de délimitation», délimitation qui doit être effectuée «conformément aux paragraphes 4,
28
5, 6 et 7» .
19.Le United States State Department Bureau of Oceans and International and Scientific Affairs
déclare en effet que «ce n’est qu’en tant que pa rtie à la Convention que les Etats-Unis peuvent
se voir reconnaître leurs droits souverains sur les vastes ressources de leur plateau continental
au-delà de 200 milles marins des côtes» . 29
20.Au paragraphe 18 de sa réponse écrite, le Nicaragua appelle l’attention sur la possibilité donnée
aux Etats qui n’ont pas signé la convention de soumettre à la Commission des limites du plateau
continental leurs observations relatives aux dema ndes formulées par les Etats parties. Cette
possibilité qui leur est donnée ne signifie pas que les Etats non signataires considèrent que les
paragraphes4 à7 de l’article76 reflètent le dr oit international coutumie r; la seule chose qui
puisse ressortir de leurs observations, c’est que l’Etat qui soumet une demande n’a pas respecté
les obligations conventionnelles prévues par ces paragraphes.
21.Au paragraphe19 de sa réponse écrite, le Ni caragua invoque un passage de l’arrêt rendu en
l’affaire Nicaragua c. Etats-Unis 30. En premier lieu, la citati on fournie par le Nicaragua est
24
NICOL 2012/24, par. 12.
25
Ibid., par. 13.
26 Ibid., par. 11.
27 Ibid., par. 16.
28 Ibid.
29
United States State Department Bureau of Oceans and International and Scientific Affairs, Fact Sheet: Why
the United States Needs to Join the Law of the Sea Convention Now, 2m 1ars012,
http://www.State.gov/e/oes/lawofthesea/factsheets/186605.htm [visité le 14 mai 2012].
30
Activités militaires et param ilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c.Etats-Unis d’Amérique),
compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 1984, p. 392. - 6 -
31
incorrecte . En second lieu, elle n’est pas pertinente en ce qu’elle fait référence à des règles
qui relevaient alors du droit international coutum ier et qui ont ultérieurement été codifiées sous
la forme d’une convention. Elle ne s’applique pas à des situations dans lesquelles la disposition
d’un traité cristallise une règle coutumière qui n’existait pas avant la conclusion de ladite
convention, comme le prétend le Nicaragua au sujet de l’article 76 de la convention sur le droit
de la mer. Il n’est nullement question ici de principes préexistants de droit international
coutumier qui cesseraient de s’appliquer en vertu de la convention.
22.La réponse écrite du Nicaragua est une nouvelle preuve de la propension à déformer les faits
dont il a fait preuve tout au long de la présente pr océdure, aussi bien dans ses pièces écrites que
dans ses plaidoiries. Or, comme l’a souligné la Colombie dans sa réponse écrite à
M.lejugeBennouna, la pratique des Etats, li mitée aux seules parties à la convention, quelle
que soit la manière dont on cherche à la présente r, atteste uniquement l’application de règles
conventionnelles et non de règles de droit international coutumier. Comme l’un des conseils du
Nicaragua en la présente procédure l’a déclaré récemment à un colloque :
«Un Etat non partie à la convention [de1982] pourrait-il appliquer la formule
de l’article 76 en tant que règle de droit international coutumier sans soumettre une
demande à [la Commission des limites]? Ce serait là un résultat pour le moins
fâcheux…mais les dispositions détaillées que contient l’article76 peuvent-elles
être considérées comme étant des règles de droit international coutumier?
32
Probablement pas.»
23.En résumé, dans sa réponse écrite, le Nicaragua n’est pas parvenu à établir que les
paragraphes 4 à 9 de l’article 76 consacrent des règles de droit international coutumier.
___________
31
La citation correcte est Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua
c.Etats-Unis d’Amérique), compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J.Recueil1984, p.424, par.73: «[Le fait qu’une
convention ait été ratifiée par un grand nom bre d’Etats] «ne veut pas dire que [principes] cessent d’exister et de
s’appliquer en tant que principes de droit international coutumier, même à l’éd de pays qui sont parties [à ladite
convention]».
32A. G. Oude Elferink, The outer limits of the continental shelf beyond 200 nautical miles under the framework
of Article 76 of the UnitedNations Convention on the Law of the Sea (LOSC), p.10. Exposé lors du colloque intitulé
«Seminar on the Establishment of the Outer Limits of the Continental Shelf beyond 200 nautical miles under UNCLOS»,
Tokyo, 27 février 2008. http://www.sof.or.jp/en/topics/pdf/aba.pdf [visité le 17 mai 2012]
Observations écrites de la République de Colombie sur la réponse écrite de la République du Nicaragua à la question posée par M. le juge Bennouna à l'audience publique tenue le 4 mai 2012 (après-midi) (traduction)