Contre-mémoire de la Tunisie

Document Number
9521
Document Type
Date of the Document

ISTERNIZTIOCOURT OF JUSTICE

PLEADINGORAL ARGUMENTS. DOCUMENTS

CASE CONCERNING THE

CONTINENTAL SHELF

VOLUME II

COUR INTERKATIOKALEDE JUSTICE

MÉMOIRES. PLAIDOIET DOCUMENTS

AFFAIRE
DU PLATEAU CONTINENTAL

(TUNlSIE/JAhlAHIRtYA LIBYENNE)

VOLUMEII The case concerning the Coririiieii/ulSliclf (Ttrr?i.sia/Libj~u~rrab Ju~nul~i-
riyu), entered on the Court's General List on IDecember 1978 under number
63. was the subject olJudgments delivered on 14 April 198 1 (Cnnii~~~~~ Siill/'
(T~ir~i.siulLih.i~urriuh Jui~iulririyu, ppliccrliuri/o /ri~err>eiieJ,trd,yiiI.C.J.
Rcyor1.s1981. p. 3)and 24 February 1982(Coniir~c~~i flelf(Ttriii.~iu/Libj~uii

Aruh Jui~iuliir~i~~ Jir)d,,yriie~iiI,.C.J.Rqor1982, p. 18).
The pleadings and oral arguments in the case are being published in the
following order:
Volume 1. Special Agreement ; Memorials of Tunisia and the Libyan Arab
Jamahiriya.

Volume II. Counter-Memorials of Tunisia and the Libyan Arab Jamahiriya.
Volume IIIAnnexes to the Counter-Memorial ofthe Libyan Arab Jamahiriya
(concluded); Application by hlalta for Permission to Intervene, and
consequent proceedings.
Volume IV. Repliesof Tunisia and the Libyan Arab Jamahiriya :commence-
ment of Oral Arguments.
Volume V. Conclusion of Oral Arguments ; Documents submitted to the
Court after closure of the written proceedings ;Correspondence.
Volume VI. Maps. charts and illustrations.

Certain pleadings and documents are reproduced photographically from the
original printed text.
In addition to the normalcontinuous pagination, this edition features on the
inner margin of pages a bracketed indication of the original pagination of the
Memorials. the Counter-Memorials, the Repliesand certain Annexes.
ln interna1 references, bold Roman numerals (in the text or in the margin)
are used to refer to Volumes of this edition ;if they are immediately followed
by a page reference, this relates to the neal pagination of the Volume in
question. On the other hand, the page numbers which are preceded by a

reference to one of the pleadings, relate to the original pagination of that
document and accordingly refer, in the present edition, to the bracketed
pagination of the document in question.
The main maps and charts will be reproduced in a separate volume
(Vol. VI). with a renumbering. indicated by ringed numerals, that will also be
added in the margin in Volumes 1-V wherever corresponding references
appear ; the absence of such marginal reference rneans that the map or
illustration is not reproduced in the present publication.
Neither the typographical presentation nor the spelling of proper names
may be used for the purpose of interpreting the texts reproduced.

L'affairedu Plu/cuu L.OIJI~IIL>~U/Ttlr~i.si~~/Jaut ru~euli~yiti~~~c.,crite
au rôle généralde la Cour sous le numéro63 le ICrdécembre 1978, a fait l'objet
d'arrêtsrendus le 14avril 1981 (P/uIL~u~~[~~~~i~i~tr/~/~T~~r~i. usrabc~'/Jutnul~iri~
lih~jeriric,cqttcrccijiiir('iiiicri~eii~ii,rt-?<.C.1.J. Rectiei1981, p. 31 et le
24 février 1982 (PIU~L'L~ IIoIriii~i~~(ITiriii.sie/J~~~u ~raheirlhjj~~~iricl,
urrd. C.I.J. Rc.ctici//9R2. p. 18).Vlll CONTINENTAL SHELF - PLATEAU CONTINENTAL

Les piècesde procédureécriteet les plaidoiries relatives a cette affaire sont

publiéesdans l'ordre suivant :
Volume 1. Compromis : mémoires de la Tunisie et de la Jamahiriya arabe
libyenne.
Volume II. Contre-mémoiresde la Tunisie et de la Jamahiriya arabe libyenne.

Volume III. Annexesau contre-mémoirede laJamahiriya arabe libyenne (suite
et fin);requêtede Malte a fin d'intervention et procédurey relative.
Volume IV. Répliques dela Tunisie et de la Jamahiriya arabe libyenne ; début
de la procédureorale.
Volume V. Suite et lin de la procédure orale ;documents présentés a la Cour
après la fin de la procédure écrite ;correspondance.
Volume VI. Cartes et illustrations.

Certaines piècessont photographiées d'après leur texteimprimé original.
Outre leur pagination continue habituelle, les volumes de la présente édition
comportent. entre crochets sur le bord intérieur des pages, I'indication de la
pagination originale des mémoires, des contre-mémoires, des répliquesel de
certaines de leursannexes.
S'agissant des renvois, les chiffres romains gras (dans le texte ou dans la
marge) indiquent le volume de la présente édition ;s'ilssont immédiatement

suivis par une reférencede page, cette référencerenvoie a la nouvelle pagina-
tion du volume concerné. En revanche, les numéros depage qui sont précédés
de l'indication d'une piècede procédure visent la pagination originale de ladite
pièceet renvoient donc, dans la présentekdition, a la pagination entre crochets
de la piècementionnée.
Lesprincipales cartesseront reproduites dansun volume sépare(VI)ou elles
recevront un numérotage nouveau indique par un chiffre cerclé. Dans les
volumes I a V. les renvois aux cartes du volume VI sont portésen marge selon
ce nouveau numérotage,et l'absencede tout renvoi a la présente éditiondénote
une carte ou illustration non reproduite.

Ni la présentation typographique ni l'orthographe des noms propres ne
sauraient êtreutiliséesaux fins de l'interprétation destextes reproduits. CONTENTS . TABLE DES MATIÈRES

Page
Contre-mémoire de laTunisie

Chapitre premier. Contexte et donnéesgénéraled se laprésente affaire
selon le mémoire Libyen ..................
Section I. L'arriére-plan historiqueet juridique ........
5 i.L'histoire des frontièresentre les deux pays .......
f 2.Frontières maritimes et lignes de base de la Tunisie ...
........
AB.LLes lignes de base tunisiennesim...........

1) Les lignesde base droites enserrant les Kerkennah .
2) La fermeture du golfe de Gabés ........
Section II L'histoireet la nature des(idiscussions nentre les Par-
ties ..........................
Section II. Le rôle de la Cour selon lecompromis ......
Chapitre II. Principeset réglesdedroit applicableà laprésenteaffaire
selon le mémoire libyen ..................
Section . .Les convergences ................
Section II. Les.divergences .................

Chapitre III. Le systémede démonstration dumémoire libyen ...
Section . Projection versle nord (Norihword thnrrt) ......
Section II. Le caractére prétendument équitabld ee la délimitation
proposée parta Libye ..................
DEUXIBM PARTIE . LE MÉMOIRE LIBYEN TRAHIT LE PRINCIPE DU PRO-
LONGEMENTNATUREL ....................

Chapitre IV . Une utilisation abusive et erronée des donnéesgéole
giques ..........................
Section . Le changement d'échelle: la macro-géologie ....
SectionII. Lebassin de Syrteou leprolongement naturel par subs-
titut .........................
Section II. Le bloc pélagien: simplifications et omissions ...
3 1.Lesrelations entre la Tripolitaine occidentale etle bloc péla-
gien .......................
8 2. Les parties émergéesdu bloc pélagien .........
1 3. La morphologie du bloc pélagien ...........

Chapitre V . Une utilisation déformantedes données géographiques
Section 1. Macro-géographie etignorance systématiquedes côtes
concernées ......................
6 1. La direction généralede la côte nord-africaine .....X CONTINENTALSHELF. PLATEAUCONTINENTAL
Page

1 2. L'assimilation de la régionconcernéeAune indentationi)
négligeable ....................
Section I. Le remodelage des côtes concernées ........
5 1. L'ensemblecôte du Sahel/Kerkennah .........
A . La côte du Sahel et sa situation par rapport aux Kerken-
nah ......................
B. Les Kerkennah .................
f 2. L'ensemblegolfe de Gabés/île de Jerba ........

A. L'îlede Jerba ...................
B. Le golfe de Gabès ................
TROISIÈM PARTIE .LEMBMOI RIEYEN EST CONTRAIREÀ L'BQUITÉ .
Chapitre VI. La conception libyenne de l'équité et des circonstances
pertinentes .......................

Section I. L'élimination des circonstances pertinentes propres h la
régionconcernée ....................

Chapitre VI1. La conception libyenne de la proportionnalité ...
Section . La méthode utiliséepour la déterminationde la surface
totale .........................
Section I. Ligne d'équidistanceet rapport de proportionnalité .
Chapitre VI11 . La méthodede délimitationdu plateau continental .
Section . Les incertitudes de la méthode ...........

§ 1. La réflexiondu prolongement vers le nord de la masseconti-
nentale nord-africaine ................
3 2. La projection vers le nord du point terminal de la frontière
Section 1. L'iniquitéde la délimitation ...........

Annexes au contre-mémoir de la Tunisie
Annexe I. Etude scientifique du mémoire libyen etde son annexe II

1.Introduction .....................
II. Critique générale ...................
A. Présentation ...................
B . La méthodede raisonnement dans le mémoire libyen . .
a) Juxtaposition et non déduction ..........
6) Raisonnements déviés I) ............
C. Les contradictions du mémoire libyen .......
a) Les contradictions générales ...........
6) Les contradictions particulières ..........

D .e recours à des faits lointains ...........
E . Les inexactitudes .................
F . Les réductionset omissions .............
II. Examen critique des arguments géologiques .......
A . Référencea la tectonique des plaques ........ Page
B . Unitégéologiquedu bloc pélagien .......... 97
C . Comparaison entre le plateau continental sous la mer péla-
gienne et la plate-forme saharienn...........
D . Comparaison entre le plateau continental sous la mer Péla-
gienne et le bassin de Syrte.............
E . Lacune du mémoire libyendans le domaine géologique:
l'absencedecomparaison entre leplateau continental sousla
mer Pélagienne etla Tunisie orientale.........
F . Les autres lacunes du mémoire libyen .........
IV. Examen critique des arguments géographiques ......

A . malievag......................le présenté commune ano-
B . La méconnaissancede la signification géographiqueréelle
de la façade orientale de la Tunis..........
C. L'opposition du bloc pélagien Ala Tunisie atlasique...

V . Examen critique des arguments morphologiques ......
A . La morphologie ..................
B. La physiographie .................
Conclusions .......................
Annexe II

AnnexeR.1 . Exercicede la souveraineté tunisienne sur la partie sud-
est du territoire tunisien avant le protecto.........
Annexe11-2 . Traitéd'amitié etde bon voisinage entre la République
franqaise et le Royaume-Uni de Libye ............
Annexe11.3. Echangede lettresdu 14juin 1961entre leGouvemement
dela RépubliquetunisienneetleGouvemement du Royaume-Uni de
Annexe8.4 ...La législationpétrolièrelib$nne
.........
Annexe11.6. Définition géographiquedu golfe de Gabès. .....
AnnexeI1.7 . Note verbale libyenne du 1Ojuillet 1980 ......
Note verbale tunisienne du 23juillet 1980 ..........

Counter-Mernorial of theLibyanArabJamahiriya

Section 1. General assessment of the Tunisian case as now pre-
sented ..........................
Section 2. Irrelevant aspects of the Tunisian Mernorial ......
Section 3. General statement of the Libyan case ........

PART 1. THE HISTORICA BACKGROUN D............
Chapter 1. The nature and origins of the disput.........
Section 1. The 1955Libyan Petroleum Law and Regulation No. 1
and Map No .1 .....................
Section 2. History of the concession.............
Section 3. History of oil exploration and exploitation ......
Section 4.Relevance of the diplornatic histor.........XII CONTINENTAL SHELF . PLATEAU CONTINENTAL
Page

Chapter II. Boundary history ................. 171
Section . Historical background .............. 171
Section2. History of land boundaries ............ 173
Section3. Growth of the Tunisian fisheriesclaim ....... 176
Section4 .The Tunisian expansion of the Gulf of Gabes .... 177
Section5 . Growth of the Tunisian continental shelf claims ... 180
Chapter II. Tunisia's alleged historic righ........... 182
Section 1.The alleged factual basis for Tunisian claims ..... 182

(a) Fisheriesdepending on installations fixed on thsea-bed . 183
(b) Fisheries of "sedentary" species ............ 183
(c) The nature of the "historie rights"........... 187
(d) The factual evidencefor Libyan (Tripolitanian) fishing rights
in the area .....................
(e) The contemporary reality, and econornic significance.of the
asserted "historie rights"...............
Section2. "Historie fishingrights" and thedelimitation of maritime
boundanes .......................
(a) The relevanceof "historic rights" to the delimitation of mari-
time boundaries as reflected in the practice of States..
(b) The relevance of "historic rights" in the context of the con-
temporary application of equitable principles and the new
accepted trends in the Third Conference on the Law of the
Sea ........................

Introduction ........................
Chapter 1. The importanceand evolutionof scientificfactorsin delirni-
ting the continental shel..................
Chapter II.The Libyan scientific case- the scientificcontentions of
Tunisia .........................
Section 1.Summary ....................
Section2. Coastal geography ................
Section3. Coastal evolution ................
Section4. Offshore physiography ..............
Section5 .Continuity between the Libyan and Tunisian Jeffara
Plainand thearea ofcontinental shelfto thenorth (geographicand
socio-econornicfactors) .................
Section6 .Continuity between the continental shelf and the North
African landmass to the south (geologicfactors) .......
Chapter III.Conclusions ...................

PART III. THEPRINCIPLE SND RULES OF INTERNATION LALW ...

Introduction ........................
Chapter 1. Natural prolongation ................
Section 1.The meaning of the concept of natural prolongation . .
A . The outer lirnits of the she..............
B. Boundaries between States adjoining the same shelf .... CONTENTS . TABLE DES MATIÈRES

Page
Section 2.Tunisia'sapplication of the concept of natural prolonga-
tion ..........................

A. The definition of the shelf...............
B . The limits of the shel.................
C . The coasts abutting on the shelf ............
D . The direction of the shelf as the natural prolongation of the
landmass ......................
Section3. Libya's application of the concept of natural prolonga-
tion ..........................
A .The definition of the shelf...............
B. The limits of the shelf.................
C. The coasts abutting on the shelf ............
Chapter 11.The role of equitable principles, relevant circumstances
and the new accepted trends in the Third Conference on the Lawof '
the Sea..........................
Section . The role of equitable principles ..........
Section2. The relevant circumstances ............

A .The physical and geologicalstructure of the shelf ....
B. The geographic configuration of the coasts ........
Seof the Seaw .......................Third Conference on the Law

PART IV. THEPRACTICA MLETHOD FOR THE APPLICATIO OF THE PRIN-
CIPLES AND RULES ......................

Chapter 1 .The Special Agreement ...............
Section 1. The terms of the Special Agreement ........
Section 2. The structure and limits of the Special Agreement...
Section3 . The Tunisian interpretation ofthe Special Agreement .
Chapter II. The Tunisian "methods" and their inappropriateness . .
Introduction ...................... . .
The Tunisian "methods" ..................
Section 1. Equidistance ..................
Section 2. The "line of crests................
Section3 . The "abyssal plain" line..............
Section4. The geometric "rnethods" .............
(1) The first geometric "method" - the "anti-amputation" Line
(2) The second geornetric"rnethod" - the "angula arerture" line

Chapter III. The practical rnethod respecting the principle of natural
prolongation .......................
Introduction .......................
Section 1. The area within which the delimitation must be ef-
fected .........................
(1) Theextremeclaims of a party arenot necessarilydeterminative
of the continental shelf to be delirnite.........
(2) The Court should not contemplate the division of an area
which would in no event fall to be delirnited between the
parties .......................XIV CONTINENTAL SHELF- PLATEAU CONTINENTAL

Page
Section2. Determination of the natural prolongation . . . . . . 331
Section 3.Reflection of relevant geographical circumstances ... . 332
Section4. Proporfionality . . . . . . . . . . . . . . . . . . 337
Section5. Verificationof thegeneralpropriety ofsucha method and
the equitableness of the resultroduced by its application . . .
SUEMISSION S . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Introductory note . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Submissions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Documentaqannexes to theCounrer-Mernoriaolf theLibyanArab Jarnu-
hiriya
Annex1. Tunisian Prime Minister's declaration of 29 December
1980 ...........................
Annex 2. Page 39of MediterraneanPilot :6th edition.Hydrographer of
theNavy, Taunton, England, 1976, Vol.V. . . . . . . . . . .
Pagesi74,175 and 360ofMediterraneanPilor :9th edition,Taunton,
Page 169of Mediterranean Piloe Nt 10th edition, Taunton, England,
Hydrographer of the Navy, 1978, Vol.1 . . . . . . . . . .
Annex3. Paragraph 7 of the explanatory memorandum of the Presi-
dent of the United Nations Third Conference on the Law of the
Sea ...........................
Articles 14, 15,16,71,72, 73,74,75, 76, 77,78,83, 84 and 85of the
draft convention of the Law of the Sea (informal text) . . . .
Annex4. Accord entre le Gouvernement de la République tunisienne
et le Gouvernement de la République italiennerelatifà la délirnita-
tion du plateau continental entre les deux pays . . . . . . . .
Annex5. Djerba declaration of unity of 12January 1974 . . . . .
Annex 6.Pages 74 and 75 of Oiland GGX Journa[ 20 Decernber 1954
Pages 136and 137of Oil and GasJournal,16 May 1955 . . . .
Page 143of OiI and Ga Journal,25 July 1955 . . . . . . . . .
Annex7. Reproduction of the official map of Concession No. 137 .
Reproduction of the map of Concession No.9 Mobil OilLimited of
Canada . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Annex8. Pages7 through 16of 1961 Libyan Petroleum Commission
booklet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Anntryof Oil regarding the use of Sfax for petroleum operatjons . .
Correspondence of Aquitaine Libye regarding the use of Sfax for
petroleum operations . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Annex10. Page 201 of Insrrucrionsnautiques.Afrique (côte nord)
Levant, 1968 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
AnnexII. List of bilateral agreementsentered into between Libyaand
Tunisia . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Annex12. Lettre du ministérede 1'~conornienationale tunisien au
directeur généradlu groupe Elf-Acquiiaine,en date du 27 avril 1976
~nnex 13. List of Tunisian and Italian warships visiting the site of
ScarabeoIV . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Annex 14. Pages 563 and 564 of Howard R. Williams and Charles J. xv

Page
Meyers, Oil and Gas Ternu, 4th ed., New York, Matthey Bender,
1976 ...........................
Annex 15, Warningfrom theTunisian Ministryof Defenceto the J. W.
. Butes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Telex regarding threat to the owners of the J. W. Bates from the
Annex 16. Map shownon Libyan television inconnection witha state-. . .
ment by Mr. Atteiga . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Annex 17. Statement by Colonel Ghadaffi on 2 June 1977 . . . . .
Annex 18. Reproduction of a French map entitled Carte des cLtesde
Barbarieau les royaumesde Maroc, de Fez, d'Alger,de Tunis et de
Tripoliavec lespays circonvoisins,M. Bonne, Paris . . . . . . .
Annex 19. Pages 372, 373, 375and 377of AndréMartel, Les confins
saharo-tripolitainsde la Tunisie,tome premier, Paris, Presses univer-
sitaires de France, 1965 . . . . : . . . . . . . . . . . . .
Annex 20. Extracts frornpages 190and 191,242and 243,275,282,316,
325,333, 351,372 and 378through 380of the Documentidiplornotici
italiani, 2nd series, Vol. XXI . . . . . . . . . . . . . . . .
Annex 21. Pages532through 534,538,539and 540ofJean Despois, Lu
Lettres", 1940a,e. . .he. e. .a.se.s.e.pe. . .s,. . .ét.". . . . .s
Annex 22. Pages 62, 63, 104and 105of Alexandre Papandréou,"La
situation juridique des pêcheriessédentairesen haute mer", Revue
helléniquede droit international,Athens, 1958 . . . . . . . . .
Annex 23. Page97of Il mare - GrandeEnciclopediaillustrata,Istituto
geografico de Agostini, Novara . . . . . . . . . . . . . . .
Annex 24. Section 287of Emmericfide Vattel, Droit des gens, Vol. 1,
London, 1958,Chap. 23 . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Annex 25. Page259of SirArnold D. McNair, InternarionalLaw Opin-
ions, Vol.1,1956 . . . . , . . . . . . . . . . . . . . . .
Annex 26. Page 334 of Sir Francis A. Vallat, "The Continental Shelf",
The British Year Book of Internaiionol Law, 1946. . . . . . . .
Annex 27. Page 446 of Paul Guggenheim, Truitédedroit inlernational
public, Vol. 1,France, ministère des affaires étrangéres,1953. . .
Annex 28. Page 49 of UN doc. A/CN.4/60 . . . . . . . . . . .
Annmaritimesgde1la Tunisie, Tunis, Bouslema, 1908on. .e. . . . p.c.es.
Pages 134through 136of E. De Fages and C. Ponzevera,Lespêches
maritimes de la Tunisie,Tunis, Bouslema, 1908 . . . . . . . .
Annex 30. Page 28 of Atallah, La Tunisie et le droit de lamer . . .
Annex 31. Pages 639 and 640ofRelazioniinternazionali,Vol. 1,No. 21,
25 May 1963,"Le relazioni tra Italia e Tunisia" . . . . . . . .
Annex 32. Pages540through 546of de Clercq, Recueildestraitésde la
France, Vol. 15 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Annex33. Paragraph 131of Pliny, Naturu! Hisros: Book XXXl . .
Paragraph 41 of Pliny, Naturai Histoty, BookV . . . . . . . .
Annex 34. Page 24of C. D. Serbetis, Reportto the Governmentof Libya
on the Fisheriesof Libya, F.A.O., Report No. 18, Rome, 1952. . .
Annex 35. Page 165 of Kingdom of Libya, Statisrical Absiract 1963
Tripoli,Ministry of National Economy, 1974 . . . . . . ... . .XVI CONTINENTAL SHELF- PLATEAU CONTINENTAL

Page
Annex 36. Page 25 of Sogreah,Studyfor a GeneralMaster Planfor the
Developmentof the FishingPortsin the LibyanArab Republic,Part 1,
Grenoble, 1973 . . . . . . . . . . . . . . . . , . . . . .
Ann19127. ..........................sta di diritto internazionale,
Annex 38. ltalian Royal Decree of 4 February 1913,No. 85 . . . .
Annex 39. ltalian Royal Decree of 18 March 1915,No. 402 . . . .
Annex 40. ltalian Royal Decree of 6 June 1940,No. 595. . . . . .
Annex 41. ltalian Royal Decree of 27 March 1913,No. 312 . . . .
Annex 42. ItalianRoyal Decree of 22 November 1925,No. 2273 . .
Annex 43. Italian Instruction for the Surveillanceof Maritime Fishing
in the Waters of Tripolitania and Cyrenaica dated 16Apnl 1919 .
Annex 44. Zuara Judgment . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Annex 45. Italian Instruction o25 June 1931 . . . . . . . . . .
Annex 46. Italian Decree of 24 September 1979 . . . . . . . . .
Italian Decree of 25 September 1979 . . . . . . . . . . . . .
Annex 47. Libyan Law No. 12of 1959 . . . . . . . . . . . . .
Decision No. 1of 1960 . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Decision No. l of 1961 . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Antechnique d'océanogruphieuet despêchesst,alammbô. 1971, Vol. 2,et
No.1 ..........................
Annex 49. Page 2 of Libyan workingpaper on agenda item 6 for the
forthcoming AFI Regional Air Navigation Meeting in Tanzania
from 20 November through 13 December 1979 . . . . . . . .
Annex 50. Pages 73, 79, 123, 137and 140of Mahmoud Seklani, Eco-
nomieetpopulationduSud tunisien,Paris,éditionsdu Centrenational
de la recherche scientifiqu1976 . . . . . .. . . . . . . .
Annex 51. Pages 99and 156 of Tunisian Secretariat of State for Infor-
mation, Tunisia'sFishing Productionand Value Added 1971-1975 .
Annex 52. Page 250 of Annuaire statistique de la Tunisie, 1974-1975.
Service tunisien des statistiques, Tunis, 197. . . . . . . . .
Annex 53. Annex VllI of Ministèreduplan 1972-1976,Tunis, 1976 .
Annex 54. Truman Proclamation . . . . . . . . . . . . . . .
Annex 55. Pages 151and 152of InternationalLawReports,1951,"Abu
Annex 56. Pages 77 through 79 of Yearbook of the InternationalLaw
Commission 1953,Vol. II, UN document A/CN.4/61 . . .. . .
Annex 57. Page 6 of Yearbook of the International Law Commission
1954.Vol. II, UN document A/CN.4/77 . . . . . . . . . . .
Annex 58. Pages 7 and 8 of Yearbwk of the International Low Com-
mission 1956,Vol. 1,UN document A/CN.4/97 . . . . . . . .
Annex 59. Page 103of Yearbookojthe International Lrrw Commission
6956.Vol. 1,UN document A/CN.4/Ser.A/ 1954 . . . . . . . .
Annex 60. Pages257,258 and 300of Yearbookojthe InternationalLaw
Commission1956,Vol. II, UN document A/3159. . . . . . . .
Annex 61. Page 93 of Yearbookof the International Law Commission
1958.UN document AICONF. 13/42 . . . . . . . . . . . . .
Annex 62. Page 558 of Indian Low Reports, MadrasSeries, 1903, Vol.
XXVII . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . CONTENTS - TABLE DES MAT~&RES XVll
Page
Annex 63. Columns 1417and 1418ofParliamentav Debares, H.C. 5th
Ser., Vol. 163 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 489
Annex 64. Pages 536 and 537 of Goldie, Au~rralia's Continental
Shev ......................... 489
Annex 65. Pages7 and 9of LimitsintheSeas,No. 87,20 August 1979 ;
Territorial Sea and Continental Shelf Boundaries : Australia and
Papua New Guinea-Indonesia . . . . . . . . . . . . . . . .
Ann18 ............................fInternorionalLegalMaterials,Vol.
Annex 67. Extract €rompage 185and page 186of theAmericanJournal
of Internationnl Lw, Vol. 43, supp. . . . . . . . . . . . . .
Annex 68. Pages 313 and 314 of the Statutes al Large of the United
Stores, Vol. XXXIV . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Pages 692 and 693 of the Statutes at Large of the UnitedStates, Vol.
XXXVIII . . . . . . . . . . . . , . . . . . . . . . . .
Annex 69. Extract frorn page 166and pages 175 through 177of the
Pages 672 through 675 of Hackworth, Digest of International .Law,.
Vol. II . . . . . , . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Annex 70. Pages 1073through 1075 of InternationalLegal Materials,
Vol. 17,1978 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Annex 71. Pages 1 1and 12of PeterJ. Wyllie,TheDynamic Earth,New
York, John Widey, 1971 . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Annex 72. Pages260through 262of the QuarrerlyJournal, 120s, 1964
(published by the Geological Society of London) . . . . . . .
AnnGeography,London, Nelson, 1965hur H.lm.s. .ri.c.p. . . P.y. .al. .
Annex 74. Pages 72, 73 and 131 ofWilfred G. Moore, A Dictionuryof
Geography, London, Nelson, 1965 . . . . . . . . . . . . . .
Annex 75. Pages 211, 227, 228 and 252 of Jean Despois and René
Raynal, Géographie de l'Afriquedu Nord-Ouest, Paris, Payot, 1967
Annex 76. Pages 236, 17 and 24 of Geographical Handbook Series,
Ttmisia,London, Naval Intelligence Division, 1945 . . . . . . .
Annex 77. Page 152of Francis P. Shepard, Submarine Geologli,2nd
Annex 78. Page 497 of Jean-Marie Pérés, 19'The. Mediterranean Ben- .
thos" (in Harold Barnes, OceanographyundMarineBiology, Vol. 5,
London, Allen and Unwin, 1965) . . . . . . . . . . . . . .
Annex 79. Pages 101 and 12 of Handbook of Libya, London, Naval
Intelligence Division, 1920 . . . . . . . . . . . - . . . . .
Annex 80. Pages 9 and 10 of Renato Bartoccini, Il porto romano di
Wtis Magna (Bull. Centro Studi Storia Arch., Vol. 13, 1958,
supp.) . . . . . . . . . . . . . . . . , . . . . . . . . .
Anrichesses,Paris,P.SRoger etrCie,n1921p. L. .u.is. . . s.s. . . . .
Annex 82. Page 38 of Carnillo Crema, C. F. Pardna and Secondo
Franchi, "Descrizione fisica egeologjcadella regione", iLo Tripu-
litaniasettenrrionole,Vol. 1,Rome, 1913. . . . . . . . . . . .
Annex 83. Pages 246 and 232 of Roger Coque and A. Jauzein, 'The
Geomorphology and Quaternary Geologyof Tunisia", in Guidebook CONTINENTAL SHELF- PLATEAU CONTINENTAL
XVllI
Page

tothe Geologyand Historyof Tunisin,Tripoli, Petroleum Exploration
Society of Libya, 1967 ................... 510
Annex 84. Page 283 of P. F. Burollet, "Contribution a l'étudestrati-
graphique de la Tunisie centrale", Ann. mines et géol.,Tunis, 1956 510
Annex 85. Plate 1 of Flemming, ArchaeologicalEvidencefor Ewtatic
Changeof Sea-Level and Earth Movements in the WesternMediter-
ranean during the last 2000 years, Geological Societyof America
Special Paper 109 .....................
Annex 86. Page 14 of R. Yorke, CambridgeExpedi~ionto Sabratha,
typescript, 1966......................
Annex 87. Page82of Louis Foucher, Hadrumetum, Pans, Presses uni-
versitaires de France, 1964.................
Annex 88. Pages 1133 tbrough 1135of Pierre Félix Burollet,Mouve-
ments qucriernaireset récenta,m îks Kerkennah-Tunisie orientale,
comptes rendus, Académiedes sciences, Paris, 1978. ......
Annex 89. Page 43 of Jean Despois, "Les îles Kerkennah et leurs
bancs",Erudegéographique,Revue tunisienne, 1937 .......
Annex 90. Paragraph 195of Herodotus,Book IV, Cambridge, Massa-
chusetts, Harvard University Press, 1943...........
Annex 91. Page 87 of Karl Müller, Geographi GraeciMinores ...
Annex 92. Page 129of Diodorus ofSictly,Book V. Cambridge, Massa-
chusetts, Harvard University Press,1942 ...........
Annex 93. Page 114of Claudio Vita-Finzi, TheMediterranean Valleys:
GeologicalChangesinHistorical Times,London, Cambridge Univer-
sity Press, 1969......................
Annex 94. Page 1091 of J.-P.Perthuisot, Le 'lombeau de Tler" et la
structurenéoiectoniqude l'îldeJerba (Tunisie),comptes rendus de
l'Académiedes sciences, Paris,1977 .............
Annex 95, Page 264 of G. Castany,La Tyrrhéniende la Tunisie,Paris,
Dunod, 1962 .......................

Annex96. Pages 321 and 326 of Richard Foster Flint, Glacialand
Quarternav Geology, New York, Wiley, 1971 .........
Annex 97. Page757 of Frank H. Fabricius, Dietrich Berdauand Karl
Otto Munnich, "Early Holocene Ooids in Modern Littoral Sands.
Reworkedfi-oma Coastal Terrace, Southern Tunisia", Science, Vol.
69,1970 .........................
Annex 98. Page 307of G. Bellaicheand C. Blanpied, "Evolution sédi-
mentaire quaternaire de la plate-forme pélagienne",in Pierre Félix
Burolletetal.L.umer Pélagienne. Géologm ieéditerranéenneV.ol.VI,
No. 1, Paris, éditionsde l'Universitéde Provence, 1979.....
Annex 99. C.Blanpied,P.F. Burollet, P.ClairefondandMd Shimi."11.
Cadre géographiqueet géologique.A. Morphologie", inBurollet et
al., La mer Pélagienne. Géologm ieéditerranéenneV, ol. VINo. 1,
Paris, éditionsde l'université deProvence, 1979........
Annex 100. Page491 of W. B. F. Ryan and E. OIausson, "Mediterra-
nean Sea", in Rhodes Whitmore Fairbndge (ed.), Encyclopediaof
Geomo~hology,New York, Reinhold, 1968 ..........
Annex 101. Pages 450,280,221, 258, 330 and 615 of Robert L.Bates
and Julia A. Jackson, Glossav of Geologv,2nd edition, Falls Church,
Virginia,American Geological Institure, 1980 ......... XIX
Page

Annex102. Pages 1 through 23 of TerenceG. Carter et ai., "A New
BathymetricChart and Physiographyof the Mediterranean Sea", in
D.J.Stanley (ed.), The MediterraneSea:a NaturalSedimentution
hburarory, Stroudsbury, Pennsylvania, Dowden, Hutchinson and
Ross, Inc., 197......................
Annex103. Page 58 of Pierre Félix Burollet,"General Geology of
Tunisia", inGuideboototheGeologyandHistoty ojTunisia,Trjpoli,
Petroleum and Exploration Societyof Libya, 1967.......
Annex104. Pages53 and 57of G. Bellaicheand C. Blanpied, "Aperçu
nwtectonique", in P. B. Burroleet alLa mer Pélagienne. Géologie
méditerranéenne,Vol. VI, No. 1, Paris, éditionsde l'universitéde
Provence,l979 ......................
Annex 10.5Page 20 of E. F. K. Zamdzki, "The Strait of Sicil- a
Geographical Study", Revuede géographie physique e dte géologie
dynamique, Vol. XIV, 1972 .................
Annex 106.Page 175of Lort,"Geophysics of the Mediterranean Sea
Basins", in The OceanBains and Murgins:the EasternMediterra-
nean,Vol. 4A, New York, Plenum, 1977. ...........
Annex 107. Page 36 of Winnock and Bea, "Struciure.de la mer Péla-
gienne", in P. F. Burollet et al., Lu mer Pdagienne. Géomédi-
terranéenne,Vol.1,No. 1,Paris,éditionsdel'université deProvence,
1974...........................
Annex 108.Page 51 of Goudarzi, Geolagyand MineralResources,of
Libya - a ReconnaissanceU, nited States Geological Survey Paper

660,1970. ........................
Annex109. Page96of P. F.Burolletand R.S. Byrarnjee,"Réflexions
sur la tectonique globale (Exemples africains et méditerranéens)",
Notes men.cornp.,Vol. 1974 .................
Annex1 IO. Textpresented by theChairman of the SecondCommittee,
UN document A/CONF.62/WP.8/Rev.I /IP(ar76), Article
64 ............................
Text presented by the Chairman of the Second Cornmittee, UN
document A/CONF.62/WP.8/Part II (1975),Article 62....
Working paper of the Second Committee: Main Trends, UN docu-
ment A/CONF.62/L.8/Rev.l /App. 1(1974), Provision 68 ...
Japan revised draft article on the Continental Shelf, UN document
A/CONF.62/C.2/L.31/ R19v4)l............
Compromise suggestionsby the Chairman of NegotiatingGroup 6,
UN document A/CONF.62/L.37 (1979),Article 76. .....
USSR: informa1proposal, UN document NG.6/8 (1979) ....
Informa1suggestionby Ireland, UN document NG.6/ 1(1978) . .
Informal suggestion by the Arab Group, UN document NG.6/2
(1978) .........................
Informa1 suggestion by the USSR, UN document C.Z/Informal
Meeting/ 14(1978) ....................
Annex iIl. Report of theChairman on thework ofNegotiating Group
7, UN document NG.7/39 (1979) ..............
Statement by the Chairman made at the 28th meeting on NG.7
prepared for the Iast series of negotiations of the Group, UN
document NG.7/26 (1979) ................XX CONTINENTAL SHELF- PLATEAU CONTINENTAL

Page
Mexico, informa1proposal, UN document NG.7/29 (1979) . . . 537
Ivory Coast, informal proposal, UN document NG.7/35 (1979)
(withdrawn by UN document NG.7/35/Corr. 1 (1979)) . . . .
Ann19692...........................ternationalkgai Materials,Vol. 8,
Annex113. Extract from page 371 and page 372 of AnnualDigest of
PublicInternationalLaw Cnîes, 1919-1922 . . . . . . . . . . .
Annex 114. Certification . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Maps and Illustrations inthis volume- Cartes et illustrationscontenues
dans le présent volume
Surfaceforméeparla latitude de Ras Kapoudia etpar lalongituded'un
point sur la wte libyenne a égaledistance du point frontiére (ML,
par. 147) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Lignesd'équidistance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
SurfacesrevenantAlaTunisieet Ala Libyecalculées a partir dela limite
extérieurede la mer territoriale . . . . . . . . . . . . . . .
Calcul des surfaces A partir des côtes des deux Etats . . . . . . .
Espacesmaritimes revenant à la Tunisie et à la Libye . . . . . .
Surfaces de plateau continental revenant iila Tunisie et àlaLibye
Reproduction of two maps from Sewonnet and Lafitte:
Carte des fonds spongféresde la Régence . . . . . . . . . .
Carte d'ensembledu.golfe de Gabés . . . . . . . . . . . .
Relative duration of major subdivisionsof geologic time . . . . .
Maritime boundary between Senegaland Guinea Bissau inrelation to
Maritimeboundary betweenIndia and SriLanka in relation to abyssal. .
plains . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Reproduction of map showingMessina abyssal plain and Sirt abyssal
plain . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Reproduction (reduced)of "Map 3" from NorthSea Continental Shelf
cases,Judgment . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Reproduction (reduced)of Tunisian Figure 9.14 . . . . . . . .
Diagrams appearing at pages 327, 329,330,334, 335, 336and 344COUNTER-MEMORIAL OF TUNISIA

CONTRE-MÉMOIRE DE LATUNISIE INTRODUCTION

1. Le présent Contre-Memoire est soumis par le Gouvernement tunisien en appli-
cation de l'article 4, b, 2) du Compromis du 10 juin 1977 et de l'ordonnance du 3

juin 1980 de la Cour Internationale de Justice.

2. Conformément l'article49 du Reglement de la Cour, il aura pour objet de
presenter les observations de la Tunisie à propos des faits mentionnés dans le

Mémoire libyen et de l'exposéde droit contenu dans ce document. Pour le maintenir
dans des dimensions raisonnables et ne pas lasser la Cour. ne seront retenus que les
points de substance les plus importants, sur lesquels Ie Gouvernement tunisien
estime nécessaire d'apporter une refutation ou, eventuelIement, de marquer son
accord ou son desaccord. Le fait qu'une allégation figurant dans le Mémoire libyen

n'a pas étt?discutée dans le present Contre-Memoire ne saurait donc etre interprétb
comme l'admission par la Tunisie que cette allégation est correcte ou pertinente,ou
que les faits sur lesquels elle s'appuie sont exacts et bien interprétés.

Une lecture comparbe du Mémoire tunisien et du Mémoirelibyen fait apparaftre
3.
tres rapidement que l'opposition entre les deux Parties porte avant tout sur la ma-
niere dont Ie droit est applique aux faits. Cettquestion est examinée par le Mé-
moire libyen dans sa troisieme partie, en deux chapitres consacres respectivement
B l'application du concept de prolongement naturel et à l'application des principes

équitables.

4. En conséquence, le présent Contre-Mémoire sera divis6 comme suit :

Dans une première partie, sera développée une analyse critique d'ensemble, où

seront successivement discutés la prksentation par la Partie adverse du contexte de
l'affaire et dses données générales, son expose de droit et son système généralde
démonstration.

La deuxiérne partie se& consacrée ZIl'examen de la thèse centrale du MCmoire

libyen, dont toute l'argumentation repose sur le concept de prolongement naturel,
mais qui en trahit, dans l'application qu'elle efait,la véritable signification, tant
sur le plan de la géologie que sur celui de la géographie.4 PLATEAU CONTlNENTAL f8J

La troisieme partie aurapour objet de mettre en lumièrele caractèrein6qui-
table de la délimitation proposé ear la Partieadverse,apresqu'aientet6 exposees
les critiques auxquellesse heurtentsa conception des principCquitableset I'utili-
sationqu'elleen faitn,otamment du point de vue de la déterminationdes Çircons-

tances pertinentesetdu facteur deproportionnaIité.

L'exposé s'achèverapar la prhsentationdes conclusions que le Gouvernement
tunisien soumet respectueusement illa Cour. PREMIERE PARTIE

ANALYSECRITIQZJE D'ENSEMBLE

CHAPITRE PREMIER

CONTEXTE ET DONNEES GENERALES DE LA PRESENTEAFFAiRE

SELONLEMEMOIRELIBYEN

1.01 Trois domaines sont principalement concernés, pour lesquelil convient
de rétablir la vérité, en raison du r6le parfois sous-jacent,toujours important
que leurs données respectives jouent dans la totalitt? de la présente affaire.

II s'agit de I'arriere-plan historico-juridique, de l'histoire et de la nature:des
discussions entre les Parties et du rble dévolla Cour par le Compromis du 10

juin 1977,

5 1.- L'histoiredes frontieres entrles deux pays

1.02 Le chapitre second de la prerniere partie du Mémoire libye(1) (5s22 &29),

consacré iacette question, cherc&eaccréditer l'idéeselon laquelle la frontiere ter-
restre a fait l'obj«td l'époquemoderne » (..« in modern times»), d'un cwnstant
deplacement vers l'es«,at the handsof coloniapowers » (#23).

Le but poursuivi par cette entreprisapparaît avec une singulière clarté au
paragraphe 120 du Mémoire,oh le Gouvernement libyen évoque « les injustices histo-
riques inherentes& la limite terrestre actue»,en laissant entendre qula délimi-
tation des zones de plateau continental pourraietre une occasion deIes réparer.

1.03 Le Gouvernement tunisien ne saurait laisser accréditer une these aussi con-
traireB la vérité historique. ne saurait pas davantage accepterque puisse etre
contestée, de cette façon inopinée et indirectune frontierebien établie par
l'histoire, délimitée avec precision depuis soixante-dix ans et reconnue sans arnbi-

(1)Pour les renvois Bce Mémonutilisera ci-apres:M.L.gle6 PLATEAUCONTINENTAL 1121

guïté aucune par les Gouvernements successifs de la Libye independante. 11se voit
contraint de protester contre l'iitilisation d'un procédéaussi inadmissible (2).

1.04 Pour autant, le Gouvernement tunisien ne croit pas utile d'encombrer le pre-

sent Contre-Memoire par l'exposé des preuves historiques qui montrent combien
les insinuations de la Partie adverse sont dépourvues de tout fondement. Cet exposé
trouvera place, plus convenablement, dans une annexe (voir Annexe 11-1).

On s'en tiendra ici a quelques remarques simples, mais déterminantes :

1. La frontiere entre les deux Etats a et6 finalement delimitée par la Conven-
tion du 19 mai 1910 (Mémoire du Gouvernement de la République Tunisienne (3),

Annexe 94, p. 291). Cette Convention est régulièrement entrée en vigueur. EUen'a
jamais étédénoncée.

2. La frontiere ainsi delimitéea Btéconfirmée par les Gouvernements successifs
de la Libye indépendante :

- Explicitement, dans le Traite d'amitié et de bon voisinage conclu le 10 aoQt
1955 entre la Republique Française et le Royaume-Uni de Libye (voir l'article 3 de
ce traité complétépar un Echange de lettres de la m&me date : Annexe II-Z), con-

firmé expressement par un Echange de lettres entre la République Tunisienne et le
Royaume-Uni de Libye (voir Annexe II-3), intervenu lors de Ia signature de Ia Con-
vention d'établissementdu 14 juin 1961.

- Implicitement, par le Traite de fraternité et de bon voisinage conclu Ie 7
janvier 1957 entre le Royaume de Tunisie et le Royaume-Uni de Libye (voir MT,
Annexe 92, p. 285), complbté par la Conventiodn 'établissement du 14 juin 1961,
notamment ses dispositions concernant les possibilites de circulation et didtab1is-

sement de chaque cote de la frontiere des populations domiciliées dans les confins
tuniso-tripolitains (4).

9 2,- Frontieres maritimes et lignes de base de la Tunisie

1.05 Les questions connexes des frontières maritimes de la Tunisie et de la légalité
du tracé de ses lignes de base sont abordées principalement en deux endroits du
Mémoire libyen : au chapitre IV de la première partie, intitulé précisement « Ques-
tion of maritime limits n ($5 47 à 57); ensuite, dans la partie III consacréeAI'appli-

cation du droit aux faits, en relation avec la critique de la méthode de l'équidistance,
que le Mémoire libyen considkre, a tort, comme défendue par la Tunisie (chapitre
II, section I95 128 & 142).

de tels abus.L'article 291,a) i) dispose que ne peut &tre soumis Q unet deprocédure de prévenir
règlement obljgatojr<( aucun diff6rend impliquant ndcessairemernt l'examen simultand'un
differend non reg18 relaà lasouverainetéou fid'outres droitssur un territoire continental ou
insulaire.» En I'espece, il n'existe cependant aucundifferendterritorial.
(3) Pourles renvois B ce Memoire, on utilisera ci-aprésle :M.T.
(4) Voir les articl9A 13 de cette Convention: MT, vol. II, Annexe93, pp. 289-290.1.06 Aux termes du Compromis conclu par les deux Parties, la question des fron-
tieres maritimes ne fait pas partie de celles sur lesquelles la Cour est invitee A
se prononcer. On sait que le Compromis concerne uniquement « la ddlimitation de
la zone du plateau continental » appartenant à chacun des deux Etats.

On n'examinera donc ces questions que dans la mesure où elles pourraient
avoir une incidence sur la délimitation du plateau continentaI. II y a lieu de relever,

à cet égard, que dans le traitement que la Libye leur a réservé, ellea gravement
méconnu l'une des données majeures de l'espece, & savoir l'existence des titres
historiques de la Tunisie. Se relie a cette lacune fondamentale une séried'inexac-

titudes, de déformations ou de confusions diverses que l'on indiquera en temps
utile.

A - LA QUESTTONDES FRONTERES MARITIMES

1.07 Selon la Libye, les frontieres maritimes n'auraient jamais fait l'objet d'accord
entre elle et la Tunisie, mais seulement de fixations arbitraires de la part de la
seule Tunisie, sans aucune logique, ni continuité. Le Mémoire libyen ne retient

d'ailleurs que les manifestations les plus récentes du Iegislateur tunisien, toutes
posterieures Zi la période du Protectorat (5). Le point d'aboutissement de cette
demonstration hative consiste Ziprésenter la loi tunisienne de 1973 comme étant
en opposition flagrante avec la législation antérieure. On le voit, il y a lieu de

rétablir la réalitédes faits comme celIe du droit.

1.08 En &alite s'il est exact que Ia fixation de la frontiPre maritime entre les
deux Etats n'a jamais fait l'objet de négociations entre la Libye et la Tunisie (6),
il y a bien eu consentement à son trace. Mais ce consentement ne résulte pas d'une
sollicitation abusive de la Convention précitée, qui n'a jamais eu trait qu'à la fron-

tière terrestre. Il découle, très directement et très classiquement, de l'absence
d'opposition de la Libye à l'égard des manifestations successives du législateur
tunisien, en vue de preciser les limites et le statut des eaux maritimes placees
sous sa juridiction.

1.09 I1 s'agit 18 de l'application d'une regle bien établie du droit international,

que la Cour Internationale de Justice, dans un contexte voisin, a eu l'occasion de
rappeler, lors de l'affaire anglo-norvkgienne des pecheries (7). L'absence d'oppo-
sition, à un ou - a fortiori- à pIusieurs actes unilatéraux conformes au droit
international, vaut consentement ii leur validite et A leur opposabilité a 'l'égard

(5) On sait pourtant que le protectorat international reposait sur deux principes:
1)le maintien de la qualitéd'Etat protégee2) le rattachement h 1'Etat protégé des actes
juridiques accomplis en son nomparles agents de 1'Etatprotecteur. Voir Chsousseau, Traitéde
droit international public, T1974,pp.276 et 284-285.
(6) Cette constatation mine d'ailleurs la these libyenne exposde en particulier au 1 29 de son
Mtmoire, d'apres laquelle la Convention conclue par le Bey de Tunis avec l'Empire Ottoman,
le 19 mai 1910, concernerait implicitement cetmeme frontiere maritime.

(7) C.I.J.,Rec1951, p. 1et s.8 PLATEAU CONTINENTAL [141

des Etats s'abstenant de les mettre en cause. La situation ainsi creée peut alors
s'analyser en termes contractuels, puisqu'h la manifestation de volonté de l'auteur
de l'acte, correspond celle de 1'Etat concernén'emettant aucun refus.

1.10 Dans la presente affaire, la Libye, pendant et après l'occupation ottomane,
directement concernée par les actes unilatéraux de délimitation et de réglemen-
tation des eaux tunisiennes, avait le droit et 1a.possibilitéconcrete de faire connaftre

& la Tunisie son desaccord éventuel avec tel ou tel de ces actes.

1.11 Or, le Mémoire libyen n'est en etat de faire mention que d'une opposition :
celle o#r& par la note libyenne du 20 janvier 1979, l'égard de la ltgislation
tunisienne, relative aux eaux territoriales, remontant B 1973. On constatera que
cette Iegislation, regulierement notifiee hla Libye dès sa publication, n'a jamais fait

l'objet d'une protestation de la part de ce pays, jusqu'à la date du 20 janvier 1979.
11est inutile d'ajouter que cette manifestation est intervenue postérieurement ii la
u date critique io de la signature du Compromis tuniso-libyen en vertu duquel la
Cour se trouve saisie du présent litige. La Libye ne peut revenir aujourd'hui sur un

assentiment dont tout son comportement anterieur avere l'existence.
1.12 Il convient, d'autre part, de replacer les actes législatifs tunisiens, cités par

la Libye aux paragraphes 49 à 55 de son Memoire, au sein de l'ensemble dont ils
font partie et dans la logique duquel ils s'inscrivent(8). La continuite entre l'@poque
antérieure au Protectorat français, celle du Protectorat lui-m&me et celle qui lui
est postérieure, phases durant lesquelles s'est toujours maintenue l'autorité tuni-

sienne en tant que telle, est manifeste, en particulier dans le domaine de la fixation
des frontieres maritimes.

1.13 Le texte qui constitue l'articulation principale entre la periode preprotecto-
raie et les périodes suivantes, et qui fixe notamment la délimitation actuelle de la
frontiere maritime avec la Libye, n'est, assez curieusement, jamais mentionné dans
le Mémoireprésenté iila Cour par la Libye : Il s'agit de 1'Instnicffon du Directeur

des Travaux Publics du 31 decembre 1904 sur le service de la navigation et des
péches maritimes. La Libye n'ignore evidemment pas l'existence de ce texte qui a
éte regulierement publié et frequemment mentionnédans la doctrine (9).

Elle prksente d'ailleurs, en annexe 2 son propre Mémoire, l'extrait du rapport
du Professeur François. devant la Commission du droit international, qui en fait la

mention et en donne les références(10).
1.14 Il n'est pas nécessaire de revenir sur cet instrument capital, analysé notam-

ment aux paragraphes 4.77 et 4.78 du Mémoiretunisien, qui opére une délimitation
rigoureuse de l'aire d'exercice des titres historiques de la Tunisie : Vers le large,
par l'isobathe de 50 metres. et, latéralement, « par une ligne partant de Rus Ashdir
(Ajdir) et se dirigeant vers le nord-est jusqu'àla rencontre des fonds de 50 mètres ».

(8) Cette présentationa dbjaétC effectuge, en partie, aux paragraphesB.4.82 du M.T.
(9) Voirtexte intCgddeI'Inetructi:M.T.,Annexe 77, pp.162-211.
(10) VoirAnnexe1.26au M.L. [151 CONTRE-MÉMOIREDE LA TUNISIE 9

Cette ligne, qui sera designée par le décret beylical du 26 juillet 1951 comme

la « ligne partant de RasAghadir(Ajdir) en direction du Nord-Est, ZV = 45O » (111,
n'apparaft donc nullement, pour la premiere fois, dans la loi no 63-49 du 30 décem-
bre 1963, comme voudrait le laisser supposer le Mémoire libyen (1 51). Définie
partir de l'assise immémoriale des pecheries tunisiennes, elle conserve aujourd'hui

toute sa pertinence (12),ce qui explique qu'aucune des lois ulterieures, ni celle de
1963 (13) ni celle de 1973 (14) ne la remettent en cause. A chacune de ces reitera-
tions, le silence libyen consolidait son acquiescement (15).

1.15 Dans cette perspective, on notera que la loi du 2 août 1973, présentee par

la Libye comme l'adoption « soudaine » d'une « optique complètement diffërente »
de celle qui avait inspiré les lois et décrets antérieurs (M.L. $ 54), n'est que la
dernière en date des etapes initiées par l'Instruction de 1904 et tendant B adapter le

statut traditionnel de la zone des titres historiques aux données actuelles de son
exploitation, comme aux développements contemporains du droit international de
la mer.

1.16 Comme le Gouvernement tunisien l'a dejh exposé (16), les titres historiques

détenus par la Tunisie remontent à une époque tres largement antérieure la
formation des regles coutumières qui gouvernent le droit de la mer moderne. Comme
tels, ils ignoraient, par definition, les différentes categories d'espaces maritimes defi-

nies par ce droit : eaux intérieures, mer territoriale, zone contiguë ou zone de
peche.

3 (11) Voir I'artic3 dece décret:M.T., Annexe 84,p. 238,et Fig4.06.

(12) Contrairement ial'assertion du Memoire adverse qui parle des divers types de pêcheries
sedentaires au passé.(voir 5 49duML., texte anglais:«.. .However, Libya isaware that in the
past there have been specialized types of fixed fisheries (characteribyd theuse of nets fixed
to the seabed) off the coast of Tunisia.These have existed for example, on the banks of the
Kerkennah Islands a.
(13) Voir M.T.,Annexe 85, pp. 256 etS.

(14) Idem, Annexe86, pp.258 etS.

(15) On relévera. à cet egard, la tentative faite aux paragraphes31 h 36 du M.L., ainsi
qu'au paragraphe 48, pour dresser un parallele entre la législation tunisienne qui indiquait
trbs expressement et clairement, dbs l'Instruction 1904,quelle etait la frontiere maritime
orientale de la Tunisie et la legislation libyenne, datant de 1955. If faut savoir que cette assimi-
lation est totalement impossible, pour les raisons suivantes
1") La loi pltroliérno 25 de 1955. publiée au Journal Officiel libyno 4 du 19 juin 1955
(voir M.L., Annexe1-9A et 9B,ne fait aucune réferenca une ligne quelconque de délimitation des
eaux territorialesentre les deux pays. Elle détermine seulement, mais ceci n'a rien% voir
avec cela, les quatre a zones pétrolières libye»ne(apetroleum zones »).(voir Art.3 de la loi
pétroliére).
2") La reglementation pétrolier@na 1, prise en application de la loi precitCe et publiee au
J.O.libyen no7 du 30 aotît 1955(Voir M.L., Annexe 1-9C et 9D) n'est pas plus pertinente. La
presentationqui en est faite au MBmoire libyen repose sur une traduction anglaise erronee du
texte arabe, qui enausse complètement la signification. Sur ce point, voir Annexe4,au présent
Contre-MCmoire.

(16) Voir M.T.O,54.04 et 4.102.10 PLATEAU CONTlNENTAL il6]

Toutefois, afin de mieux assurer la protection des droits de ses ressortissants,

sans porter d'entrave à la navigation étrangere, dans une région traditionnellement
fréquentéepar les navires de nombreux pays - ce furent toujours ses deux préoc-
cupations dominantes - la Tunisie a progressivement éprouve le besoin de super-
poser & ses droits historiques ceux que le droit plus récent définissait sur ces

diverses zones. Ce qui explique l'évolution de sa legislation ii partir de 1904 (17).

La loi du 30 décembre 1963, en particulier, en réservant la peche aux seuls
ressortissants tunisiens, se situe dans la ligne de l'évolution qui conduit aujourd'hui
la IIIeme Conférence des Nations Unies sur le droit de la mer à prôner la consti-
tution de « zones Bconomiques exclusives » en bordure du Iittoral des puissances

cbtières.
I.17 11n'en résulte pas que, comme tend à liaccr6diter le Mémoireadverse (notam-
ment dans ses paragraphes 49, 50, 53 et 128), la Tunisie n'établirait aucune distinc-

tion entre le regime juridique des eaux territoriales et celui d'une zone de peche
exclusive ou d'autres rones de juridiction.

C'est au contraire, parce qu'il est parfaitement conscient de ces différences de
regime que le Gouvernement tunisien a, à plusieurs reprises, juge utile de modifier
la qualification juridique des espaces compris A l'intérieur de la zone des titres histo-
riques, du fait notamment de la présence en son sein des pecheries sédentaires, tant

en raison des installations fixes que des espèces capturées.

La possession de titres historiques, dont la validité subsiste comme telle,
donne à la Tunisie le droit de modifier la qualification juridique des eaux sur Ies-
quelles ils portent. Ceci ne veut pas dire qu'une fois ces différentes qualifications
établies, elle confonde leurs régimes juridiques respectifs ! Ainsi, par exemple, c'est

bien parce qu'il y a différence de régime entre les eaux interieures et la mer territo-
riale que les lignes de base droites ont ététracées par la loi de 1973 et son décret
d'application.

B. - Les lignes de base tunisiennes
1.18 D'apres la onzieme conclusion du Mémoire libyen :« the baselines pro-

mulgated by Tunisia in 1973 are not opposable to Libya for the purpose of the
delimitation...».
Ainsi qu'il a étéexpliqué dans le paragraphe 1.11 ci-dessus, cette affirmation

n'est certainement pas recevable de la part d'un Etat qui, jusqu'à la date du 20 janvier
1979, a acquiescé par son silence des lignes de base dont l'établissement a bénéficié
d'une tolérance gbnérale de la part de la cornmunaut& internationale.

1.19 Le Gouvernement tunisien pourrait s'en tenir h cette constatation. La Libye
ayant, cependant, cru devoir consacrer de longs developpements tenter de démon-

trer que la législation tunisienne de 1973 serait «très extraordinaire » et illicite, il est
néwssaire de relever brièvement les erreurs de droit et de fait par lesquelles elle

(17) Ceci expliququedes étapes successivel'aienconduite h désignela zone de sesdroits
historiquestour A tour, comme «zonede surveillance» (Instruction de1904) puis =one de
Nche réservée))(décretbeylical de1951),pour conduire enfin la loidu 30 décembre 1963. CONTRE-MEM OEIRAETUNISIE 11

tente de justifier ces appréciations. On le fera en examinant les deux sections des
lignes de base droites auxquelles le Memoire libyen adresse des reproches différents.

1) Les lignes de base droites enserrant les Kerkennah :

1.20 Les lignes considéréesici (visées par le Mémoirelibyen aux paragraphes 131
à 135) vont de RasKapoudia, sur lacôte continentale tunisienne, à Ras Es-Semoun,
3 situé à la pointe meridionale de l'ile Gharbi (voir figure no 1.01 ci-contre).

D'après la Libye, ces lignes ne seraient pas conformes au droit international

parce que, gour reprendre Ies termes de l'article 4 de la Convention de Geneve de
1958 sur la mer territoriale (à laquelle la Tunisie n'est pas partie) (18), la ligne
cotiere de la Tunisie ne présente pas de « profondes échancrures et indentations » et
les Kerkennah ne constituent pas un « chapelet d'iles2.

1.21 Le Gouvernement tunisien a d8jà eu l'occasion, dans son Memoire, d'exposer
la tres grande specificité de la région considérGe,marquée par l'exceptionnelle inter-
penétration de la terre et de la mer dans ces eaux trés peu profondes, du fait
notamment de la presence dés Kerkennah avec les hauts-fonds qui les entourent, de

leur proximité de la cbte (Il milles:voir infra9 5.25),de la densité de leur population
(120 habitants au km2), due en tout premier lieu ill'importance des pecherieç fixes
detenues collec~ivement ou individuellement par la population de ces iles toutes
« environn6es de pieux et de palmes »,depuis la plus haute Antiquité (19). (Voir

figure 1.02 ci-contre).

II ne parait pas nécessaire de revenir' sur tous ces points et le Gouvernement
tunisien prie respectueusement la Cour de se reporter aux passages perti-
nents de son Mémoire (20) (voir également infra 855.25 à 5.27).

1.22 C'est en tout cas en ayant cette situation ?I l'esprit, qu'il convient de relire

ce que dit la Cour Internationale de 'Justice du tracé des lignes de base, en l'affaire
anglo-norvégienne des pecheries :

« Une autre consideration fondamentale, particuliérementimportante en la
présente affaire,est celle du rapport plus ou moins intime qui existe entre

(18) Ce passage du Mémoire libyen,(du 8128 au # 142)adopte une construction contestable
puisque toute organisee autour de l'examen de la conformité des lignes de basetunisiennes
aux articles 4 et7 de la Convention de Genévede 1958 sur la mer territoriale, laquelle la
Tunisie n'est pas part!eMeme si l'article 4 est, dans une certaimesure, I'expression de la
coutume, celle-ci (comme le reconnaft le Memoire adverse au131) a été, d'abordet avant tout
formulée par la Cour Internationalde Justice elle-m&me,dans l'affaire angl~norvégienne des
pkhenes. C'est donc I'arret de la Cqui seul permet, aujourd'hui encore, d'identifier dans ces
dispositions conventionwlles ou dans les tendances récentes, ce qui participe de la codification,
ou, au contrairedu développement progressif du droit intemational.

(19)Voir Annexe 11-6aupresentContre-Mémoire.
(20)Voir M.T. $83.12 A 3.14(et figis 3-03et r3.06)..171 2.30, 4.141 4.31, 5.1 1 525
9 (etfigures5.01à 5.06). PLATEAU CONTINENTAL [181

certaines étenduesde mer et les formations terrestres qui les séparent ou
qui les entourent. La vraie'question que pose le choix du tracé des lignes
de base est en effet, de savoir si certaines étenduesde mer situéesen deçà

de ces lignes sont suffisamment liéesau domaine terrestre pour étre sou-
mises au régimedes eaux intérieures » (21).

Ce sont ces derniers termes que reprend l'alinéa 2 de l'article 4 de la Convention
de Genève sur la mer territoriale, non cite par le Mémoire libyen (22). Peut-on
raisonnablement remettre en cause, & propos des Kerkennah et de leurs bancs, dotes

d'un régime d'appropriation foncière pratiquement identique celui des terres con-
tinentales, « l'intimitb» du rapport qui existe entre eux et les formations terrestres
avoisinantes ?

1.23 Si l'on examine le trace des lignes de base tunisiennes entre Ras Kapoudia et
Ras Es-Semoun, on constatera qu'il a précisement pour objet, dans la ligne de l'évo-

lution normative retracCe plus haut, de rattacher expressément cette partie des iles
et des hauts-fonds aux eaux interieures.

1.24 Au-dela de la m6connaissance des originalités toutes particulieres propres t~
la région enserrée par les Iignes de base tunisiennes, le Mémoire libyen fait une
nouvelle fois abstraction de l'existence des titres historiques de la Tunisie, jusqu'h

l'isobathe de 50 metres. Par voie de conséquence, il méconnaît les possibiiites de
modifications normatives du régime des eaux concernées, offertes B la puissance
riverainedu fait de I'existence de ces titres (vosupra 8 1.17)(23).

2) La fermeture du Golfe de Gabès :

1.25 L'argumentation libyenne sur ce point, se rapporte pour l'essentiel 3 la ligne
de fermeture du Golfe de Gabes, tracee entre I'CIeGharbi (Ras Es-Semoun) et l'ile
@ de Jerba (Ras Tourgueness) (ML.$3 136 142) (voir figurno 1.01).

1.26 Les considerations initiales du Mdmoire libyen, mises en valeur par un B,
intitule: « The Straight closing lines for Bays :Article 7 » (83 136 et 137) ne sont

d'aucune pertinence en la présente affaire, précisement aux termes memes de
l'articl7 sur lequel elles pretendent s'appuyer ! intervenant apres L'énoncé détaillé
des techniques et longueurs de fermeture des baies admissibles, son alinéa6 précise,

en codifiant ainsi la coutume :

(21)C.I.J., Rec1951, p.133, souligné par nous.
(22) Ou de la meme maniére,l'article7 (3) du projet de Convention sur le droit de la mer.

(23) C'est une omission d'autant plus regrettableque la Libye prétend fonderson argumen-
mer territoriale. Celui-ci comporte pourtantun alinéa4 reprenant sous une forme simplifiée,la
régleénoncLepar la Cour en 1951 : cc..ilpeut etre tenu compte, pour la determination de
certaines lignes dhise, des interets éconamiquespropres t3larégionconaideree et dont la
realit6 ef'importancesont clairement attestees parun long usage». Cette disposition est
integrafement reproduite, aujourd'hui,A l'alinéa5 de l'7du projet de Convention sur le droit
de la mer du 27 août 1980, DOC.A/CONF. 62fWP. 10/Rev. 3. « Les dispositions,prt?c~dentes ne s'appliquent pas aux baies dites histo-

riques, ni dans les ctisoù le système des ligne dse base droites,prévupar
l'articl4, est appliqut?».

Or,on a pu constat elus haut que ces deux conditions se trouvent ici reunies.

Par conséquent, le fait que la ligne de fermeture du Golfe de Gabes ait une largeur
de plus de 24 milles est sans aucune influence sur' sa Iégalite. Une attaque sur ce
point est d'ailleurs singulière, et difficilement recevable, de la pard'un Etat qui a
ferme le Golfe de Syrte par une ligne de base droite longue de 465 km environ, en

l'absence de toute justification historique.

1.27 Aux paragraphes suivants, pr6cédes d'un C intitule « Historie Bays ». le
Mémoire libyen cherche appui auprès des plus importants auteurs ayant écrit sur

cette question, pour démontrer que le Golfe de Gabes n'aurait pas ététraditionnel-
lement considéré comme une baie historique. Cette tentative ne mente pas une
longue refutation. Les trois auteurs cités (après une tentative hative et malencon-

treuse de trouver des « confusions » dans I1expos@du Professeur François devant
la Commission du droit international), ont, en effet, reconnu les uns et les autres le
caractère historique du Golfe de Gabés. Il suffit, pour s'en convaincre, de lire
attentivement les extraits de leurs Œuvres reproduits en annexe au Mémoire

libyen (24). Tous, reprenant les analyses trés détailléesde Gilbert Gide1 abondam-
ment citées dans le Mémoire tunisien (25), ont pris l'exemple du Golfe de Gabes
comme le type meme de la baie historique (26). On peut d'ailleurs s'interroger,
A cet egard, sur la loyauté, envers la Cour comme envers ces auteurs, du procédé

employe par le Memoire libyen, tentant de les présenter comme affirmant le con-
traire de ce qu'ils disent

1.28 Il convient, d'autre part, d'éviter la confusion établie par le Mémoire libyen

entre les notions d'eaux intérieures, de baies historiques et de zones sur lesquelles
s'exercent des titres historiques.

Du fait que ces derniers se sont souvent constitues, comme dans le cas tuni-
la création des catégories modernes d''espacesmaritimes,
sien, très anterieurement
ils peuvent porter aussi bien sur des eaux intérieures, qualifiées dans cetteypothese
«d'eaux historiques»,que sur des zones dénomméesaujourd'hui « mer territorialeD,
« zone de pêche » ou « plateau continental m.,

(24)Strohl, Mitcheii P. &TheInternationul ofBaysn, TheHague, theNetherlands. Martinus
Nijhoff, 1963, reproduen annexe au M.L:Annexe 1-24Bouchez, Leo J.:TheRegime of Baya in
Internatiowl Lawn, Leyden, 1964p. 221Annexe 1-25.
(25)Voir M.T.004.10 ,.47note 2,4.704.88,4.964,.98.eGolfe de Tunis et leGolde Ga&
sont citC parG, Gide1 commea exception auxrnDdeshabitueide tracé dela lfgnedebaae &
la mer terrttoria»: Voiru Droit Vlter~Flonulpublic de lmer a, Paris,Sirey, 1934vol. ln,
livre Ichap.VI, pp. 621-663.

(26) Il convientce propos de soulignerque le Golfe s'ttend trèsau-delzonelklaquelle
le M€moire libyen voudrait le Mui:voir infra4539, note (44et AnnexeII-6.14 PLATEAU CONTINENTAL IzOl

1.29 Cette absence de coïncidence nécessaire entre les droits historiques et une zone
déterminee a étéd'abord soulignée & propos des baies. La doctrine avait d'abord

consideré que seules les baies historiques avaient le caractke d'eaux interieures.
Puis comme le remarquait G. Gidel :

<<On est de plus en plus disposé à admettre que les baies historiques ne
sont pas les seuls espaces maritimes dont le statut puisse, dans certaines
conditions, deroger aux règles admises en principe pour les baies » (27).

L'arret de la Cour Internationale de Justice dans l'affaire anglo-norvégienne des
pecheries devait confirmer cette conception.

1.30 De merne, l'article 12 de la Convention de Geneve sur la mer territoriale
prevoit que les dispositions énoncées en matiere de delimitation de la mer territo-

riale entre Etats se faisant face ou entre Etats limitrophes :

« ..ne s'appliquent cependant pas dans le cas où, à raison de titres histo-
riques ou d'autres circonstances spéciales, ifest nécessairede delimiter fa
mer territoriale des deux Etats autrement qu'il est prévu dansces disposi-
tions P.

Ces dispositions se retrouvent aujourd'hui presque mot Ztmot à l'article 15 du
projet de Convention sur le droit de la mer (28).

L'article 13 de la Convention sur la peche et la conservation des ressources

biologiques de la haute mer fait également référence 31I'existence éventuelle de
titres historiques sur une zone de pecheries fixes en haute mer.

1.31 C'est ici, précisément, que l'on perçoit l'objet principal delaloi et du décret
tunisiens de 1973 : par le trace de lignesde base droites, ces textes achevaient
l'évolution tendant &aménager le statut juridique de l'ensemble de la zone des

titres historiques, pour l'adapter aux circonstances maritimes contemporaines. En
s'appuyant sur la coutume évoquéepar la Cour en 1951, ils bablissaient clairement
et précisément ce qui, à l'intérieur de cette zone, rel8ve des eaux intérieures, de la
mer territoriale et de la zone de p&cheexclusive.

SECTIO N1- L'HISTOIRE ET LA NATURE DES « DISCUSSIONS »
ENTRE LES PARTIES

1.32 Dans son Mémoire, le Gouvernement libyen s'efforce, Zi plusieurs reprises
(5 10, $330 46), de minimiser les multiples echanges qui ont eu lieu entre les Par-
ties .avant la soumissiona la Cour du différend qui les oppose. Il ne veut pas leur

reconnaitre le oaractère de négociations et parleà leur propos seulement de « discus-

(27).GilberGidel,(Le Droitinternational public demer »,pecitb 1934, vol, III, p. 623.
(28) A/CONF. ô2lW.P. 10/Rev. 3,p. 5.sions » ( titre du chapitre IIIp. 15) (29). Il s'appliqut~affirmer qu'il n'existait pas

d'espoir de mener des (ifruitful or "meaningful" negotiations)) (Cj 30;. Ii prétend
que les Parties n'ont pas eu l'occasion, avant la presente instance, de définir les prin-
cipales questions de fait et de droi« which must form the predicate of any dispute
and provide a necessary focus for resolutioiz » (510) (30).

1.33 7es raisons de cette attitude sont obscures.

La question n'a pas d'incidence sur la compétence de la Cour. te préalable des
negociations peut rev&tir de l'importance lorsque la Cour est saisie par voie de
requgte unilatérale, pour revéler l'existence d'un differend entre les Parties et pour
circonscrire son objet. Au contraire, le Compromis constitue, en soi, une admission

irréfutable par les Parties de l'existence d'un différend entre elles, et en définit
l'objet. Toutefois, les échanges intervenus entre les Parties et l'attitude prise par
chacune d'elles Zicette occasion sont importants pour dessiner le « climat » de
l'affaire.

1.34 En matière de délimitation, la question revet encore un autre aspect. Comme

l'on sait, la Cour estiméque la premiere « règle obligatoire» pour toute délimita-
tion du plateau continental est que « les parties sont tenues d'engager une négo-
ciation en vue de réaliserun accord ». eii se comportant de telle sort« que la négo.
ciation ait un sens» (Rec. 1969,3 85).

Dans la mesure oii une Partie (la Tunisie) a effectivement réclamé une telle

négociation, il apparaît que l'autrePartie, en s'y refusant, a manquéB une obligation
bien établie du droit international. Pour masquer ce manquement, la Libye a essaye
de montrer qu'il n'y avait jamais eu de véritabIes tentatives de négociation, voire
m&meque la Tunisie avait empêché qu'une telle tentative ait lieu.

1.35 En réalité,le Mémoire libyen omet de dire que c'est parce que la Partie libyen-

ne a toujours insisté « sur sa propre position sansenvisager aucune modification »,
pour reprendre les mots de la Cour (Rec. 1969, 3 85), que la negociation s'est trou-
véebloquée. II a pourtant admis (§§ 30, 39 et 40) qu'au debut de la négociation, la
Libye était exclusivement préoccupee de faire adopter une formule d'exploitation

cornmufie, laquelle elle voulait conférer la plus large application possible, ce qui l'a
amenee A refuser tout examen de la demande de délimitationformuMe par la Tunisie.

Par la suite, le Gouvernement libyen s'est oppose à cette mêmedemande en se
bornant h affirmer, au mépris de toute évidence,qu'il n'existait aucun differend entre

les Parties sur le problème de délimitation (cf. Note verbale libyenne du 30 mars
1976, M.T. A,nnexe 26, p. 59 et les notes subséquentes).

(29)Le terme denégociationsapparaît une seule fois au paragraphe30 et il est alors entoure
de guillemets, montrantqu'il ne doit paprisau sérieux.

(30)<c Qui doiventconstit~ier le prédide tout litigeet donner l'orientation nécessaire
Ù farecherche d'une soluti». (Traduction du Greffe).16 PLATEAU CONTINENTAL Pl

En raison decette attitude persistante, 1e dit Gouvernement pouvait redouter de

se voir reprocher par la Cour que, par sa faute,« les négociations menéesjusqu'à
present n'ont donc pas satisfaiaux conditions'énoncOes» par elle dans son arret de
1969 (Rec. 1969, 987). Il valait mieux prétendre qu'il n'y en avait pas eu.

1.36 Quoi qu'il en soit de ces motivations, leMémoire libyen n'a pu donner de la
vraisemblance à sa these qu'en passant totalement sous silence les multiplenotes

diplomatiques echangées entre les deux capitales, pendant toute la périodedes nego-
ciations et qui font partie intégrante de celles-ci. Une pareille omission lui permettait,
du même coup,de ne rien dire des incidents qui ont marqué les rapports entre les
deux Etats dans le même temps, incidents qui visaient à mettre la Tunisie devant
des faits accomplis et qui expliquent l'évolution de ces rapportsainsi que le rBle

imparti au Secrétaire Généralde la Ligue des Etats arabes pour que soit enfin signé
le Compromis qui allait porter l'affaire devala Cour.

1.37 Le même procédé a conduitle Mémoire libyen àréserver une place exception-
nelle au « mémoiretunisien du 18 mai 1976 »,(31), qui ne fait pas partie des échan-
ges entre les Parties, et dont il reproduit presque intégralement le tex(§ 41),en

affectant de le considérer« ...aasn official statementof the position of Tunisia)>
(M.E. 5 42) (32), cependant qu'il s'abstient de produire la Note verbale libyenne
du 30 mars 1976 (M.T. A,nnexe 26, p. 59),qui expose de façon detaillée la
position de la Libye. C'est pourtant, manifestement, la substance de cette Note qui
a étéreprise Qns l'exposéde cette position tel qu'il figure dans le «mémoiretunisien)),

mais que le Gouvernement libyen déclare, sans autre -commentaire, ne pas recoii-
naltre comme exact (M.L. 542).

1.38 En dissimulant ainsi des aspects aussi importants des Bchanges entre les deux
Parties, le Mernoire libyen a manque de s'acquitter completement de son devoir
d'informer la Cour sur des points qui ne sont pas sans importanoe pour une exacte
et complete interpretation du Compromis du 10 juin 1977, comme l'a montré Ie

Memoire tunisien ($5 1.07?i1.41).

SECTION III.- LE ROLE DE LA COUR SELON LE COMPROMIS

1-39 Sur ce point, qu'il aborde en plusieurs endroits (SI6 à 8, 82, 176 et p. 70,
deuxieme considerant des conclusions), le Mémoire libyen adopte une position

équivoque.
11 reconnaît, en ce qui concerne le deuxieme paragraphe de l'article 1 du Com-

promis, que « The express purpose of the request made to the Court in that
Paragraph is to obtain sufficierit clarification of the practical method for the appli-
cation of these principles and rules to enable the experts of the two countries to

(31)En réalites'agid'unmbmoiredaté du3 mai 1976 (M.T. ,nnexe 34, p. 73).

(32)<rComme une déclaration officielle de la ptunisienn» (ML. 8 42) (Traduction
du Greffe).1231 CONTRE-M~MOIREDE LA TUNISIE 17

delimit the areas without any difficulties » (1 7) (33). Tout.efois, dans le m&me
temps, il critique la traduction françaisede cet alinéa en ce qu'elle utilise les mots
« avec précision » apres le verbe « clarifier»,alors que cette mention ne fait que

traduire la mëme idéesans rien y ajouter (34). L'intéretet la portée de cette querelle
sont des plus problématiques, alors que l'accent de la proposition consideree lui est
conféré beaucoup moins par l'insertion ou la non-insertion des mots en discussion,

que par les derniers mots (« mettre les experts des deux pays en mesure de delimiter
les dites zones sans difficultés aucunes »), que le Gouvernement .libyen ne peut
évidemment contester.

1.40 Le Gouvernement tunisien se gardera de tout procès d'intention. 11doit, cepen-

dant, constater que cette discussion de vocabulaire, ainsi que l'insistance mise sur
I'idee que le Compromis « does not transfer the task of delimitation from the Parties
to the Court » (M.L. 7;add. 8 82),semtil~nt tendre A minimiser indûment le sens et
la portéede la deuxièm euestion posée ttlaCour. La Tunisie s'est employée à les déga-

ger aussi clairement que possible dans son Mémoire (@ 2.25 & 2.27) et ne peut, sur
ce point, que demander respectueusement à la Cour de se reporter à ses précédentes
explications.

Il suffira de rappelerà ce stade, que si les Parties se sont réservéde déterminer

la Ugne de delimitation, la Cour est invitée h indiquer la methode selon laquelle cette
ligne sera tracée pour que l'opération neprésente plus aucune difficulte pour les
experts.

1.41 Pour la même raison,le Gouvernemement tunisien ne peut accepter l'idée,emise

au paragraphe 8 du Mémoire libyen,que les pouvoirs conférés à la Cour par l'article 3
du compromis, dans l'hypothèse oh des éclaircissements ou explications lui seraient
demandés apres qu'elle ait rendu son arret, «ne sont pas limites à la simple interpré-

tation » de ce dernier.
Le Gouvernement libyen n'apporte aucun argument a l'appui de cette opinion.

Il est bien vrai que les éclaircissements et explications donnés par la Cour

seraient obligatoirespour les Parties (M.L.$ 8). Cette constatationne suffitpas & con-
férer & la Cour des pouvoirs qui ne trouvent aucune base dans Ie texte de l'article

M Le but express de-la demande adresséd la Cour dans ce paragraphe est d'obtenir
des Pclaircissements suffisants sur la methode pratique ttsuivre pour appliquer les principes et
règles de manièrque les experts des deux Etats puissent délimiter lesdites zones sans difficultks
aucunes))(1 7) (notretraduction).

(34) L'adjonctiondes termes a avec precision » apres le verbe « clarifier » dans cet alinéaest
pleinementjustifiéD'unepart, parce que le verbe arabe utiliséest plus fort et va plus loin vers
Ie concret queficlarifi»ren français. D'autre part,le verbe « clarifier » doit etre mis en rapport
avec les mots cmciaux qui terminentaphrase :« Sans difficultks aucu».Eneifet, auxtermes
de I'artic1,P 2, la Cour doit « clarifier la maniére pratique par laquelle les principes et regles
dégag& selonle premier paragraphe s'appliquent dans cette situation prgcke, deàmmettree
les experts des deux parties en mesure delimtter lesditzones sans difficultés aucuneB.
Quelle que soit 1'expression'utila ccmanière» dont il est question ne peut signifier que
clarifier avec précision, ou plutbt avec le plus de précision possible.18 PLATEAU CONTINENTAL [Y

3 et dont Ia reconnaissance aboutirait à transformer la Cour, statuant sur la base
de l'article 3, en instance de revision, malgré l'absence d'éléments nouveaux;ce
qui aurait pour effet d'enlever au premier arr&t son caractere definitif, en violation
du Statut de la Cour.

Il n'est pas exact d'affirmer, en effet, comme le fait le Mémoire libyen (3 8),

qu'ilne s'agit pas là exclusivement de I'interpretation du premier arr&t, c'est-&-dire
d'un simple recours en interprktation; si le premier arr&t décrit les principes et les
regles de droit dans leur application aux données concretes de l'espece, comme
l'imposent les termes de l'article 1,alinea 2 du Compromis, toute explication ou
clarification additionnelle, fouriiie par la Cour dans une deuxieme procedure éven-

tuelle, ne saurait etre logiquement qu'une interprétation du premier arr&t. CHAPITRE II

PRlNClPES ET REGLESDE DROIT APPLICABLES
A LA PRESENTE AFFAlRE SELON LE MEMOIRE LIBYEN

2.01 Si l'on s'en tient aux apparences, il existe entre les deux Parties une remar-
quable convergence sur le plan de la définition des principes et regles de droit inter-
national applicablesà Ia delimitation des zones de plateau continental leappar-

tenant respectivement.
Cette convergence bien visible dissimule des diffbrencesimportantes sur la

signification et la portaedonner & ces principes et règles et sur les relations exis-
tantes entre elles. Elle exprime néanmoins un accord sur un certain nombre de points
fondamentaux, qu'il importe tout d'abord de relever.

SECTION 1.- LES CONVERGENCES

2.02 En premier lieu, les deux Mémoires insistent, dans des termes tres voisins
et en se référantauxrnémespassages de lYarr0tde la Cour de 1969 etde la décision
du Tribunal arbitral franco-britannique d1977, sur le principe du prolongement

naturel, qu'ils considérent letnl'autre comme fondamental (M.L.$5 85 A88). Pour
lesdeux Gouvernements, une délimitation équitable doit se faeneconformit6 avec
ce principe, de façonZilaisserA chaque Partie toutes les zones qui constituent le
prolongement naturel de son territoire émergésans empiéter sur le prolongement
naturel du territoire de l'aut(ML. 86; M.T. $57.08 e!8.06 h8.08).

2.03 Pour le Gouvernement libyen comme pour le Gouvernement tunisien, le
principe du prolongement naturel ne doit pas s'appliquer de façon abstraite, mais

en tenant compte des circonstances géographiques, géologiques et autres, pertinentes
pour la région considérée, ce quia pour conséquence de conférer une importance
décisive aux questions de 'géographie et de géologi(M.L. 89;M.T. $8 7.16a 7.18
et8.10 à 8.20).

2.04 Le Mémoire libyen pose également en regie que la délimitation A intervenir
doit êtreequitable, ce qui ne signifie pas appliquer simplement l'&quit&(et encore 20 PLATEAU CONTINENTAL [261

moins statuer ex aequo et bono), mais se conformer a une regle de droit qui
impose t'application de principes équitables (M.L. 3 96).

, Il tire de cette regle deux series de consequences sur lesquelles le Gouverne-
ment tunisien peut encore marquer son accord, mais non sans des réserves plus ou
moins importantes.

2.05 Ils'agit, tout d'abord, du rejet de la méthode .de l'équidistance dans les cir:
constances de I'espgce. Le Mémoire libyen insiste longuement sur ce point, auquel il
revient B plusieurs reprises, et s'efforce de transformer sa condamnation de la
methodede l'équidistance en un proces de la position de la Tunisie (M.L. $5 121 A

174).
Le Gouvernement tunisien n'a pas de difficultéa reconnaître qu'h une certaine
etape des pourparlers entre les Parties età un moment oii Ieprincipe d'une exploi-
tation commune de certaines zones du plateau continental avait et6 retenu, il avait

songé à une ligne d'equidistance dans un esprit de conciliation et dans la perspec-
tive de la négociation en cours, avec l'espoir de faciliterun accord avec la Partie
libyenne : en quoi il s'est trompé. Aprhs l'échec de ces négociations, il ne saurait
revenir à une telle méthode qui aboutit des résultats ne répondant pas aux exi-

sences de l'équité(35), non pas pour les raisons d4veloppées dans le Mémoire
libyen (3% 121 à 174), mais parce qu'ils seraient contraires la regle imposant que
chaque Etat se voit reconnaître ses droits souverains sur toutes les zones du pla-
teau continental constituant le prolongement naturel de son territoire, sans empiéter

sur le prolongement naturel du territoire d'un autre Etat..
Or, une ligne d'équidistance, quels que soient les points B partir desquels elle
serait construite, priverait IaTunisie d'une partide son prolongement naturel 'et

entraînerait,du mtme coup, un empietement des zones attribuees à la Libye sur
une partie du plateau continental qui appartient ipso facto et ab initio la Tunisie.

Pour cette raison, le Gouvernement tunisien a lui-m&me écartéla méthode de
l'équidistance dans son propre Mémoire. Il y a donc, sur ce point également, accord
entre les Parties, m&me si c'est pour des raisons opposées. Le sommaire de l'affaire,
tel qu'il est présenté la page 69 du Mémoire libyen ($8 176 à 180), est donc tota-

lement erronéet tendancieux.
2.06 Une autre consequence - ou un corollaire- de la règle selon laquelle la deli-
mitation doit se conformer aux principes équitables, développée par le Mémoire

libyen est que « There can therejore be no possible inequity in a delimitation which
isconsistent with the physical facts of natural prolongation » (M.L.,8 90) (36).
Le Gouvernement tunisien n'a pas d'objection à l'encontre de cette formule, qu'il

pourrait reprendre & son compte si elle est bien comprise. Mais, sur ce point, Ies
divergences commencent à apparaître.

(35)Est-il necessaide rappelerL ce propos, que les propositions oconcessionsfaites
au coursd'une négociatione peuventetre consideréescomme une admissionopposableh leur
auteur devant un tribunal (voir Sir Gerald Fitzmaurice, The Law and Procedure of the International
CourtofJustice. 1951-1954: Generd Principles and Sources B.Y.B.I. 19.,, pp. 4B 47).
(36) a Une delimitation qui s'accorrle aInrhIit8 physiquedu prolongement naturene
saura...être inéquitable » (M.L.90) (Traductiodu Greffe). SECT~OIN I.- LES DlVERGENCES

2.07 Le Memoire libyen semble admettre que les principes équitables n'entrent en
ligne de compte ((<corne into operation ») que dans l'hypothese où « ..he physical
facts ofnatural prolongation no longer assist in defining the respective limits of the

two shelf areas,...» (M.L. 3 97) (37). Par iàmeme, il introduit au niveau de l'appli-
cation une dissociation entre les deux notions de principes équitables et de prolon-
gement naturel (et entre les situations où ils auraient alternativement 3 jouer), que
le Gouvernement tunisien ne saurait admettre, car elle est certainement contraire
au droit international, tel que la Cour l'a définidans son arret de 1969.

La question présente une importance capitale. Elle sera, en consequence, reprise
de façon détaillée au chapitre VI, en relation avec Ia notion de circonstances perti-
nentes (voir infra,§fi6.14 6.28). En effet, la position ainsi adoptée par le Memoire
libyen sur le plan du droit, l'a a~liené à s'évader de la necessaire consideration

des circonstances pertinentes propres A la rdgion, sous le fallacieux prétexte que la
delimitation CIopérer devrait &tre effectuée sur la base du prolongement naturel. Les
chapitres qui suivent montreront d'ailleurs jusqu'où est alléle Mernoire libyen dans
le mépris et l'ignorance volontaire des données géologiques et géographiques
propres à la zone de delimitation et merne aux territoires des deux Etats.

2.08 Les divergences entre les Parties ne se limitent pas, cependant, aux rapports
entre prolongement naturel et principes équitables, tant au plan des principes qii'h
celui de leur application.Elles concernent aussi la notion mêmede plateau continen-

tal.

2.09 Un aspect frappant du traitement que le Mémoire libyen réserveau droit du
plateau continental est la façon dont son argumentation, apres la citation de deux

courts passages de l'arret de 1969 qui montrent la connexion entre la notion
juridique de plateau continental et celle de prolongement naturel (M.L. 8 58),se
tourne immédiatement vers l'examen des « particularités géologique etsconnexes ».
La question de la definition du plateau mntinental, au sens juridique de l'expression,

est presque completement éludée.

Ainsi, alors que le Compromis lui-meme demande tila Cour de prendre en consi-
deration les récentes tendances du droit de la mer, la definition du plateau conti-
nental de l'article 76 du TNCO (aujourd'hui du projet de Convention sur le droit
de la mer :A/CONF. 62/W.P.lO/Rev. 3). qui est le resultat d'un consensus gBn6ral

entre les Etats, n'est mentionnee que dans une note de bas de page (p. 35). Encore
cette mention n'a-t-elle pour premier objet que d'attirer l'attention sur le para-
graphe 10 de cet article, aux termes duquel : « Le présent article est sans préju-

(37)K...laréalit éhysique du prolongement naturel n'est plusd'aucun secours pour dlfinir
les limites respectivdes deux xones du plateau continental» (M.L. 9 97). (Traductiondu
Greffe). PLATEAU CONTINENTAL [28]

dice de la question de la délimitation du plateau contiirerzta! entre des Etats dont

les cbtes sont adjacentes ou se font face » (38).

2.10 La rrférence au paragraphe 10 du m@me article paraît dépourvue de perti-

nence. « Sans préjudice de » ne signifie pas « sans relation avec ». Cette expression
ne signifie pas que les dispositions de l'article 76, qui concernent la définition du
plateau continental, devraient: &tre considerees comme diminuées ou ecartées par

l'article 83 qui concerne la délimitation entre Etats dont les cBtes sont adjacentes
ou se font face (39). Les deux articles sont complémentaires. Il est bien Cvident que la

définition juridique du plateau continental ne peut etre compIBtement ignorée lors-
qu'il s'agit de procéder à 'une delimitation entre Etats limitrophes ou se faisant

face.

2.11 L'omission de toute definition juridique du plateau continental dans le Mé-
moire libyen n'est pas accidentelle. Des élén~entscruciaux de l'argumentation li-

byenne dépendent de l'incertitude maintenue sur ce point. Quelques exemples suf-
firont 2 le montrer.

2.12 (i) Toute definition du plateau continental, depuis la Proclamation Truman (40)
jusqu'à l'article 76 du projet de Convention rrir le droit de la mer « dans sa partie

acceptée par la Libye », est donnée en termes de prolongement naturel du territoire
d'un Etat determiné. Ceci est reconnu ailleurs dans le Memoire libyen (g 87) qui

(38) Dans cette meme note. le Mémoire libyen faitétat des réserves exprimées par la Libye
(comme par la Tunisie) en tant qoe membre du groupe des Etats arabes. à l'égard du texte du
paragraphe 1 de l'articte 76, sauf pour les mots <i Le plateau continental d'un Etat c6tier coin-
prend les fonds marins et le sous-sol des zones sous-marines qui s'étendent au-deld de su nier
territorialesur toute l'@tendue du prolongement naturel du territoirterrestre de cet Etat...ii.

Ces reserves visent exclusivement la définition de lz limite extérieure du plateau continental,
telle qu'elle figure B I'articIe 76, La question n'entre pas en consideration ici et les réserves en
question sont donc sans interét dans le présent contexte.
(39) Le ,Memoire libyen rappelle qu'il a réservéégalement sa position ill'égard de la formu-

lation de i'article83 (p. 35, note 2) et indique, pliis géneraleinent.que « toute rejérence aux
travaux de la ConfSrence figurant dans le Compromis ou dcns le présent Mémoire. ou, d'une
manière gén&rale, faiteau cours de la prbsente instance, s'entendsanspréjudice de toute positioii
qui a 6th ou sera prise par la Libye ci ce sujet>> (note 1, p. 4). (Trad. Greffe).
En ce qui concerne les positions de laLibye dans le cadre de la procedure devant la Cour, le
Gouvernement libyen est évidemment libre de faire toutes les reserves qu'il estime utiles. Son atti-
tude manifeste seulement ses réticences à l'égard des tendances récentes admises iih la Confé-
rence et son ddsir de les minimiser, ce qui est peu conforme aux termes du Compromis.

En ce qui concerne le Compromis lui-meme, au contraire, leGouvernement tunisien ne saurait
accepter une tellereserve. A supposer meme qu'il soit possible d'exprimer une réserve à l'égard
d'une convention bilatérale (ce qui est exclu tant par la doctrine que par la coutume et par la
Convention de Vienne), une telle reserve n'aurait pu Btre exprimée qu'au plus tard au moment
de la ratificationdu Compromis. La réserve exprimée par la Libye est donc irrecevable. Elle lie
saurait, en aucune façon, supprimer l'obligation qui est faiAela Cour de se prononcer en tenant
compte des tendances récentes admises B la Conférence, quelle qu'aitBté la position adoptee par
la Libye leuregard.

(40) « ...The continental shelf may be regarded as cn extension of the landmass of the coastal
nation and thm naturally appurtenant to if ii.[29-301 CONTRE-MÉMOIR EE LA TUNISIE 23

parle du <rconcept of the continental shelf'as the natural prolongation of the State's
land territoryP. (Souligne par nous) (41).

Néanmoins, Ies conséquences de cet aspect universellement admis de la défi-
nition du plateau continental sont immédiatement éludéesen substituant 3 cette

question celle, entièrement différente, des cotes de tout le continent nord-africain.
La façcin dont cette substitution est opéréesera examinée plus loin (voir infra
$1 3.04 et 5.08). Il suffit, pour le moment, de souligner qu'elle n'est rendue possible
qu'a la condition d'ignorer cet élémentfondamental de la definition juridique du

plateau continental.

2.13 '(ii)Un autre élémentde la definition du plateau continental, accepte égale-
ment par la Libye, mais que son Mémoire cherche très manifestement A éviter, est
la disposition d'apres laquelle le plateau continental d'un Etat « comprend les fonds
marins et leur sous-sol » (42).

C'est un trait remarquable du Mémoire libyen qu'iI ne comporte presque rien

sur le relief du fond des mers au large des cbtes concernées par le différend. Son
argumentation ne se réfère pratiquement qu'à .la géologie du sous-sol. 11 est vrai
qu'il existe un titre « GSomorphologie et bathymétrie » (p. 29). Mais il concerne
les mouvements tectoniques et est rédigé entermes très généraux(voir par exemple

$67). Quant aux cartes du Mémoire «spécialement prépcréespour la prbsentation » &
la Cour, elles ne montrent aucun détail en dessous de la surface des eaux et n'indi-
quent aucun contour des fonds, ce qui est extrernement remarquable dans une affaire

relative au plateau continental.
(iii) Dans son traitement du plateau continental, le Memoire libyen cherche
2.14
encore, de la facon la plus patente et la plus expresse. à ignorer l1é16rnentde la
definition de l'article 76 (également «acceptP» par la Libye) d'après lequel le plateau
continental d'un Etat commence « au-delà de sa mer territoriale ».

Ainsi, comme on le verra plus en détail au chapitre VI1 (infra 8 7.22), lorsqu'il
prétend faire usage du facteur de proportionnalité définipar la Cour dans son arre

de 1969. le Memoire libyen inciut dans ses calculs de surface, non seulement les
zones de mer territoriale, mais encore, pour la Tunisie, ses eaux intérieures.

2.15 (iv) Le Mémoire libyen esquive aussi les conséquences qui decoulent du para-
graphe 3 de l'article 76, d'aprPs lequel « la marge continentale est le prolongement
immergé de la masse terrestre de I'Etat côtier... constitué par les fonds marins cor-
respondant au plateau, au talus et au glacis ainsi que leur sous-sol ». II fait ainsi

dispêraitre un clément capital pour l'identification du prolongement naturel d'un
Etat et de la direction de ce proIongement (voir infra, 83.11).

(41) Voir&si le 891, où il est qu'il ya lieu de tenir compte de«lpolitical geogroip))
dans larinotion juridiqudu plateau continenta»,et le 1 92, où il est reconnu:q«...Itisthe
actualCoast - or for the purposes of delimitation the relationship betttvoactuat coast-
to rijhich the legal principles governing delimitmustbe applied ».

(42) Voir aussi l'artic1 de la Conventiod ne Geneve de 1958. redige dans des termes
similaires. CHAPITRE Il1

LE SYSTEME DE DEMONSTRATION DU MEMOIREUBYEN

3.01 Le chapitre precédent a fait apparaître l'existence d'un accord substantiel entre
les positions de la Tunisie et celles de la Libye, telles qu'elles ressortent de leurs
Mémoires respectifs, sur les principes et regles de droit international applicables.
Comme on l'a vu, les différences importantes, qui les séparent sur la signification de
certains principes ou sur les relatioAsétablir entre eux. ne remettent pas en cause

cet aacordgéneral.
Paradoxalement, partirde cette base commune, les deux Parties aboutissent

des conclusions totalement divergentes au sujet de la ligne de delimitation. Le
Mémoire tunisien, s'appuyant sur une analyse poussée et minutieuse des donnees
géologiques et géographiques propres à la region, est amenéà proposer un éventail
de lignes construites d'aprgs des méthodes différentes, mais toutes orientées, est-
nord-est, suivant un angle d'environ 630. Pour le Memoire Bbyen, au contraire, la

délimitation doit etre la projection vers le nord du point terminal de la frontiere
terrestre sur la cBt(M.L. §116).

Cette opposition est d'autant plus étonnante que le Mémoire libyen et son
Annexe II s'appuient parfois sur lesmemes sources scientifiques que le Mé-
moire tunisien pour établir la réalite des données géographiques et géologiques

qu'ils utilisent (43). La divergence des theses des deux Parties ne tient donc d~esi!
querelles d'écoles,entre scientifiquou A des controverses sur la valeur des inforrna-
tions scientifiques invoquees depart et d'autre.

3.02 Cette derniere remarque ne signifie pas qu'il y aurait accord complet entre les
Parties, quant aux données de fait- aux circonstances pertinentes - propres la

région et devant, par conséquent, êtreprises en considération d'après le Compromis.
Comme on le verra plus loin, il y a desaccord, au contraire, sur la pertinence ou
l'interprétation de certains des faits. En outre, l'Annexe II du Mémoire libyen, qui

(43) Voiraussi1'Etude sci6ntifjointqau présenContre:Mémoire : Annexe 1.i321 CONTRE-M~MOIREDE LA TUNISIE 25

'expose les données géologiques de façon détaillée, comporte un certain nombre

d'erreurs, d'omissions, de contradictions et d'incoherence qui méritent d'dtre rele-
vées. Malgre leur nombre et leur gravite, ces faiblesses ne méritent pas d'etre
discutées dans le présent Contre-Mémoire. Pour la commodité de la Cour, l'expos8
des critiques& adresser 3 l'étude géologiquelibyenne fait i'objed'une &tudescienti-
fique signée par plusieurs des auteurs auxquels se réfere le MPmoire libyen lui-même

(Annexe 1jointe au présent Contre-Mémoire). Seules seront reprises dans 1e Contre-
Mémoirelui-mêmecelles d'entre elles qui ont une incidence directe sur l'argurnenta-
tion juridique et la détermination de ia délimitation.

Il reste, cependant, que les divergences entre les Parties sur les données
géologiques et géographiques, ou sur leur interpretation, ne suffisent pas expliquer
entièrement l'opposition des conclusions auxquelles celles-ci parviennent respective-

ment à propos de la délimitation.

3.03 Une lecture attentive du Mémoire Iibyenmontre assez vite que celui-ci n'a pu
parvenir à la delimitation qu'il propose, h partir des donnees physiques su ies-
quelles il s'appuie, qu'au prix d'un certain nombre d'artifices.

Le systerne généralde démonstration adopté par le Mkmoire libyen est marqué
par un parti pris de simplifiqation. Malheureusement, ce n'est pas une simplification
destinée à apporter de la clartd en separant l'essentiel du secondaire, ce qui serait

à la fois légitime et utile. Force est de constater qu'il s'agit ici d'une simplification
déformante, qui procéde par petitions de principe, approximations, omissions, défor-
mations pures et simples, et qui aboutit, en fin de compte, sous couvert de descrip-
tion de la réalité,à «refaire complètement lunature», au méprisde la règleimpdrative

parfaitement énoncée par la Cour (44) et opportunément rappelée par le Mémoire
libyen lui-même (5 95).

Ces simplifications abusives (ou tout au moins, les principales d'entre elles)
seront dénoncées dans les chapitres suivants, au fur et ZImesure qu'elles seront
rencontrées. Trois procédés,cependant, ont pris une telle place dans l'argumentation
de la Partie adverse quTila paru nécessaire de les mettre spécialement en lumiere
dans le present chapitre, afin de mieux faire apparaître les traits saillants du sys-

teme de démonstration du Mémoirelibyen.

3.04 Le premier de ces procedés est celui du changement d'e~helle. Son mécanisme
est très simple. II se trouve que les donnees géologiqueset géographiques propres Ia
région sont tout à fait défavorables (en réalité contraires)a la délimitation sou-
haitée par la Libye. Celle-ciadonc resolu de leur substituer d'autres données, sus-

ceptibles de fournir une base plus favorable - ou mëme simplement moins defa-
vorable - A la conclusion h laquelle elle voulait aboutir.

Le changement d'echelle permet de parvenir A ce résultat. Il consisteà utiliser
la géologieet la géographie coinine s'il s'agissad'une délimitation entre continents,

(44) C.I.Rec. 1969,91.26 PLATEAUCONTINENTAL i331

au lieu d'une délimitation entre deux Etats limitrophes appartenant au mêmeconti-

nent, en I'espece l'Afrique, puis & affirmer que ce qui serait pertinent dans une
délimitation intercontinentale s'applique automatiquement à la délimitation entre
les deux Parties.

Ce changement d'échelle a conduit le Mémoire libyen, spécialement dans son
Annexe II, à donner une place essentielle fi la macro-géologie. II a ainsi invoqué, fi
l'appui de la délimitation proposée, des faits qui se sont produits quelques centaines

de millions d'années avant l'apparition de la Tunisie et de la Libye actuelles en tant
que territoires identifiables et avant la fixation de leurs cbtes, et, par conséquent, du
plateau qui les borde. Le mCme procédé permet d'utiliser des élémentsgeologiques
si profonds qu'ils servent de soubassement aussi bien 1ila plate-forme continentale

qu'aux masses continentales et.à la fosse abyssale. Des conséquences ont ététirées
de cette étude qu'il est difficile de concilier avec les particularités propres au pla-
teau continental de qette région, qui,en tant que tel. est constitué par des couches
beaucoup moins profondes.

3.06 La meme méthode a étéutilisée pour la géographie, le Mémoirelibyen s'étant
placé sur ce plan également l'échelledu continent et, par conséquent, de la macro-

géographie. Ceci lui a permis de considérer que l'ensemble des cotes concernées par
la délimitation du plateau continental entre la Tunisie et la Libye forment a « classi-
cal exemple (sic) of ...an incidental special featurefrom which an unjustifiablediffe-
rence of treatment could result ))(M.L. 8 114,soulignédans le texte).

3.07 L'importance que revet ce changement d'échelle dans l'argumentation libyenne,
en matiere de géologie et de géographie. est telle qu'il n'a pas paru possible d'en

dissocier l'analyse de l'étude critique de cetteargumentation, developpée dans la
deuxieme partie du prdsent Contre-Mémoire (cf. Infra ch. IV et V). En revanche, il
convient de s'arreter ici un peu plus longuement sur les autres procédésdont l'uti-
lisation est systématique dans le Mémoire libyen.

3.08 Le deuxième procédé consiste en une séried'affirmations sans preuve, ne tirant

leur force persuasive que de leur caractere catégorique, de la formulation particu-
lièrement assurée qu'elles reçoivent, de leur répetition et du systerne de renvois
dont elles sont accompagnees. On peut parler, à leur propos, de démonstration par
renvois successifs, puisque celle-ci résulte seulement de la multiplication des memes

affirmations que ne soutient aucune demonstration directe, mais qui sont presentées
comme ayant déjhétéprouvées ailleurs. Lorsqu'on se réfereaux paragraphes supposés
apporter Ladémonstration attendue, on s'aperçoit qu'ils sont consacrés B d'autres
probl&mes, ou renvoient ailleurs encore, en évitant toute précision qui permettrait
d'identifier le passage oû serait enfin rencontrée la preuve annoncée et en fait in-

trouvable.
Ce procédé a été particulièrement utilisé dans un cas d'importance majeure,

qui concerne l'argument central, sinon unique, justifiant d'aprgs le Mémoirelibyen le
systeme de délimitation qu'il propose :la « projection vers le nord D (northward
thrust) du désert du Sahara et du ((grand plateau Nord-Africain ))($ 74). La façon
dont il est mis en Œuvre mérite qu'on s'y arrete quelque peu (Section 1). 341 CONTRE-MÉMOIRE DE LA TUNISIE 27

3.09 Un troisième procedé,encore plus remarquable, consiste à appliquer aux théçes
attaquees des criteres soigneusement élaborés pour les discréditer et à éviter de faire

usage de ces mbmes criteres lorsqu'il s'agit d'apprécier les thèses que l'on defend.
Cette méthode discriminatoire (ou par omission) a étéd'un particulier secours à la
Partie adverse lorsqu'il s'est agi pour elle d'établir (ou plutôt, d'eviter d'avoir à

démontrer) Ie caractPre equitable qu'elle se plait à découvrir dans la delimitation
retenue dans ses conclusions (M.L. p. 70 S 5) (Section II) (45).

SECTION 1. - PROJECTION VERS LE NORD (Northward thrust)

3.10 Pour le Mémoirelibyen, <{scientific findings based an the geology of the area
lead to the inescapable conclusion that the continental shelf in question constitutes

the natural prolongation northward of the North African landmass » (45 bis)
(8 113). Ilen resulterait, toujours selon ce Mémoire, que la ddlimitation a opérer
« would represent a projection northward of the terminal point of the territorial

land boundary n (45 ter) (3 116). Reste à savoir oc trouve place la demonstration
qui conduit à cette a inévitable n conclusion.

a argumen tibyen souIéve, en réalité, deux problèmes successifs.Le premier est
d'ordre géneral : existe-t-il dans la nature une « directiort ))du prolongement natu-

rel et cette direction permet-elle de déterminer le tracé d'une ligne de delimitation ?
Le second est un problPme de fait : quelle est la direction du prolongement naturel

dans le cas dYesp&ce ?

(45) A ces trois procédés d'utilisation générale dans le Mémoire libyen pourraietre ajouté
un quatrilme : l'utilisatid'un systeme de cartes choisies aveun soin remarquable afin de
detourner l'attention de celui qui les etudie de faits d'importance souvent decisive. Un premier exemple
en est donné avec la carte no 1 du Mémoire libyen (face a la page 8), dant l'échelle permet de
simplifier les contourde la cote méditerranéenne de l'Afrique (comparer avec la figure 1 de
l'Annexe II, face la page 2) et plus encore ceux de la cdte tunisienne, tandis que la couleur
choisie pour la Tunisie et la Libye réduit l'impression visuellede ce que le Mémoire libyen
nomme « l'indentatio>> de cette ci3te etqui englobe la totalité des cotes concernées par la
délimitation.

La principale illustration dce pracédh - la plus systematique- apparaît cependant lors-
qu'on constate que le systPme de cartes du Mémoire libyen et de son Annexe 11 minimise,
autant que faire se peut, l'importance dlignes isobathesalors que lesdifferences de profondeur
constituent pourtant la premiere caractéristi-ueet la plus apparente- de tout plateau conti-
nental (et de la plate-forme continentaledans son ensemble).
Toutes les cartes du Mémoire représentent les surfacesau large des cotes libyennes et tu-
nisiennes uniquement comme des &tendues d'eaux, bienque la délimitation ne concerne pas les
eaux. mriis uniquement le soletle sous-sol. Les seules illustrations graphiqueslignes isobathes
46 apparaissentsur la carte na 13 et sur la planche no6 de l'Annexe II. L'indication de ces lignes
ne figure d'ailleurs pas sur la carte na 13 elle-mBme, mais sur le transparentamovible qui Ii
couvre.

(45 bis) Les conclusions scientifiques repossur la gkologiede larégion aménent inélucta-
blement d conclureque le plateau continentaen question constitule prolongement naturel versle
nord de la masse terrestrenord-africainn (Trad. du Greffe).

(45 ter) v Consisterait en une projection vers le ndudpoint terminalde la frontiare terres-
tre>)(Trad.du Greffe).28 PLATEAU CONTINENTAL i351

3.11 Sur le premier probleme, il existe un assez large accord entre la position de la
Libye et celle de la Tunisie, accord qu'il importe de relever. Comme Ie Memoire
libyen, le Mémoire tunisien reconnaît l'existence d'une direction du prolongement

naturel et il estime que cette direction peut etre utilisee en vue de déterminer l'orien-
tation dela ligne de délimitation Btracer (voM.T., chapitre IX, ## 9.09-9.10 etM.L.
$ 92). Toutefoi se,lonle Gouvernementt unisien, cette direction ne peut être
découverte que par l'observation des données propres au plateau continental, ou
plus largement, à la formation géologique dont fait partie le plateau continental

stricto sensu, soit la marge continenta(M.T. $ 5.73). C'est la physiographie de Ia
marge continentale qui peut seule déterminer l'orientation du prolongement naturel,
par la succession des formations du plateau, du talus et du glacis vers la plaine
abyssale. Dans le cas d'espèce, ces BIéments font apparaître une direction du
prolongement naturel dans la zone 2 delimiter vers l'est-nord-est suivant un angle

d'environ 630 (M.T. 84 5.79 et 9.09-9.10).

Le Mémoire libyen n'a nulle part posécette question, ni ne l'a abordée de façon
explicite, comme si l'idéed'une direction du prolongement naturel allait de soi. C'est
un exemple des approximations dont il est familier.

Cette carence en explique une autre :on ne trouve aucune démonstration de
3.12
la projectionn vers le nord du plateau continental dans la région délimiter.
Comment l'apporter d'ailleurs, sans avoir identifie les facteurs physiques qui pour-
raient la déterminer ? Tous les passages du Mémoire libyen qui mentionnent le
northward thrust procédent par affirmation pure et simple, sans que soit jamais

esquissée une démonstration :ils s'expriment toujours comme s'il s'agissait d'une
&alité déjh établie et se renvoient les uns aux autres (voirM.L. $374, 89, 116, 120,
150,158, 175, 178).

La seule explication - si ce terme convient - donnée de ce phénornene n'est
pas d'ordre géologique, mais géographique : la prétendue direction génerale est-ouest

des cbtes nord-africaines(ML. $ 114; voir kgalement $5 69, 74, 75, 77, 158). Dans les
deux cas, la répétitionsembIe avoir valeur de demonstration, ou plus exactement, la
remplace (on verra ailleurs que Cette(c direction généyle )>ne correspond en rien
la réalitédes faits:(voirinfra3 $ 5.07 5.11),Au surplus il ne s'agit pas d'une explica-

tion, mais d'une autre façon de dire la meme chose. En effet, c'est parce que la
c6te nord-africaine, du fait de sa prétendue orientation est-ouest, regarderaitvers
le nord (north-facing : 5 69), que sonprolongement naturel serait tnorthward %.
Le raisonnement sous-jacent (mais jamais explicité) est que le prolangement naturel
suit toujours et nécessairement une direction perpendiculaire & la direction générale

de la ligne des cbtes, parce que ces cbtes rrregardent))dans cette direction et que
le plateau continental strouve devant elles («in fronof 1:M.L. 3 112). Là encore, il
s'agit d'une simple pétition de principe, jamais démontréeet dont la démonstration
serait extremement difficile, aussi bien du point de vue scientifique que du point
de vue juridique. Il serait aisé de multiplierles exemples qui la contredisent (à

commencer par les delimitations opéréesdans la Mer du nord dans les affaires dont
la Cour a euB s'occuper en 1969).3.13 Le Mémoire libyen n'omet pas, cependant, de donner l'impression que la

demonstration manquante a bien et6 fournie. Le passage cité plus haut au
paragraphe 3.10se réfPreaux «Scientific findings» d'ordre geologique qui condui-
raient àcette «inescapable »conclusion du prolongement nature1 vers le nord. Aucune
reference, cependant, n'est donnée l'endroit précis duMémoireou de son Annexe II
où ces « findings» seraient exposés.Les paragraphes du Mémoire qui précèdent

ceite affirmation($3Il IA 113) ne comportent que des développements relatifs au
Bloc pélagien et ses relations avec'le Bassin de Syrte(a l'est) et ne contiennent
aucunement la démonstration d'une projection vers le nord.

Réfercnce est faite, il est vi~l'étude geologique figurant en Annexe II, qui

démontrerait «thut the areas of continental shelf "infront of" the Libyan coastline
appertain to Libya as a matter of fact » (8 112). Malheureusement, ici encore, la
référenceest dannéesans plus de précision. II est donc nécessaire de lire toute
l'Annexe II pour tenter de découvrir oh se trouve cette démonstration. Or, une lecture
appliquée et complete des 24 pages de cette Annexe et des planches et figures qui
l'accompagnent ne permet pas de faire une telle découverte. L'Annexe s'efforce bien

de démontrer qu'il existe certains ligns entre le Bloc pélagienet le territoire libyen,
mais cette demonstratim, qui n'échappe pas B la critique (voir Etude scientifique,
Annexe 1).ne fait nullement apparaître l'existence d'u«northward thrust » au-del8
de la constatation banale que la zone Bdélimiterse trouveau nord des chtes libyennes
(de meme qu'elle se trouve a l'est des cBtes tunisiennes). Le seul developpement qui

iraitpeut-&tre dans le sens prétendu par le Memoire libyen serait celui consacre
la théorie des plaques, dont il sera question au chapitre suiva($s 4.05à 4.07).

3.14 Se plaçant cette fois expressi5ment au plan de géographie, le paragraphe 115
fait rbf&ence, de son côté, aux preuves déjà fournies: «the evidence adduced in
paragrciph Clthrough 68 and 74 above ».La surpriy est de constater que les paragra-
phes 61 68 ne s'occupent que de géologieet, i4nouveau, sont consacres exclusive-
ment au BIoc pélagien et & ses relations avec le Bassin de Syrte. Quant au
paragraphes suivants (69 à al), s'ils s'occupent de géographie, ils se bornent, apres

une présentation sommaire de la Tunisie et de la Libyà,affirmer que« the geography
of southern Tunisia and northwestern Libya demonstrates thot the predominant
comrngn feature of thesé areas is the northward thrust of the Sahara desert and
the great North Africun plateau))(8 74), La démonstration sous forme d'affirmation
est complétee par une nduvelle référence aux paragraphes 61 68, supposés encore

une fois apporter la mêmedémonstration sur le plan de la géologie, mais ne fournis-
sant rien de teon l'a vu.

L'affirmation du paragraphe 60, selon laquelle «etechnical finding» de l'etude
geologique de l'Annexe II«support the conclusion that this area of the continental
shelf is the natural prolongation northward ofthe North African landmass to the

south », n'est pas davantage fundee, pour les raisons déjPindiquees, et l'endroit 00
cette démonstration prendrait place dans 1'~nnéxeII n'est pas davantage précisé.Le
procede est systématique. 30 PLATEAU CONTINENTAL

SECTION II.- LE CARACTERE PRETENDUMENTEQUITABLE
DE LA DELIMlTATlON PROPOSEEPAR LA LIBYE

3-15 Les ambiguïtés de la conception libyenne de l'équité seront examinées ailleurs
(voir infra,$1 6.03à 6.13). On s'en tiendra icàun point précis : le caractgre équitable
attribue par leMemoire libyen à la de!imitation qu'il propose. Dans ce cas, la forme
de l'affirmation sans preuve est moins recherchée dans la repetition, comme dans

le cas precédent, que dans sonenormite, qui ne peut manquer de frapper I'imagina-
tion tant elle est contrairà I'Bvidence.

3.16 L'iniquiti;.de la délimitation proposGepar la Libye est manifest:la projection
vers le nord du point terminal de la frontière terrestre Ras Ajdir, a pour effet,
compte tenu de la direction gt5nerale nord-sud des cbtes tunisiennes, de couper
totalement la Tunisie du large et de la priver presque complèten~ent de plateau

continental. Si cette ligne était retenue, la Tunisie constituerait un c2s unique d'Etat
géogra~hiquement désavantagé : leseul Etat au monde 3 posseder une cote bordee
part un important plateau continental de faible profondeur et ne se voir recon-
nrtitre aucun droit sur ce plateau. L'iniquité est si grossière que le Mémoire libyen,

pourtant riche d'illustrations suggestives, n'a pas osé visualiser sur une carte le
résultat auquel conduit la méthade qu'il préconise. La ligne tracée vers le nord à
@ partir de Ras Ajdir (voir figure ci-contre, no 3.01) va jusqu'à couper les lignes de
base droites tunisiennes, attribuant ainsi & la Libye, au titre du plateau continental,
une partie des eaux intérieures de la Tunisie, de sa mer territoriale et de la zone où

elle possede des droits historiques. Cette ligne passe, en outre, entre les cotes tuni-
siennes et la ligne de delimitation convenue avec l'Italie dans l'accord tunisaritalien
(voir infra, §8.21-8.25).

Dans cette circonstance, le Mémoire libyen n'hésitepas B affirmer : c It would
be difficult to find a more equituble process than such a doubly--based method of
delimitation9 (5 120). L'excBs de L'affirmation est sans nul doute destiné h desar-

çonner Ia critique.
3.17 Selon cette formule, le caractere K équitable » de la délimitation proposée

résulterait de la doubly-based ))méthode par laquelle elle a étéetablie, et non pas
de ses caractères propres, ce qui est renverser L'ordredes choses.

D'après la Cour, les méthodes utilisées pour parvenir Siune délimitation peuveiit
etre choisies librement« pourvu qu'onaboutisse par application de principes &qui-
tablesd un resultat raisonnable ))(Rec. 1969, §90). C'est donc Ie résultat qui compte.
L'idéememe d'un- « equitable process1)n'a pas de sens si on n'etablit pas que le
resultat atteint est équitableou raisonnable en lui-méme. m ci ,ncore, la méthode

de raisonnement du Mernoire libyen dissimule une fuite devant la'demonstration.
Mais qu'en est-il de ce« doubly-based process >)?

3.18 D'apres le Mgmoire libyen (1 120), l'une de ses deux ((bases ))resulte de ce
que la delimitation proposée reflète c the northward prolongation of the North

African landmass P. Ce n'est évidemment pas la un élément nouveau, mais seulement l'application
de la fimethode » du c(northward thrust », critiquée plus haut. 11s'agit 18 d'un
bel exemple de pétition de principe : la méthode dont il fallait demontrer le carac-
tére équitable devient elle-meme la preuve de l'équitéde la délimitation qu'elleopere.

Cette pseudo-demonstration illustre l'erreur commise par le Mémoirelibyen sur
les relations entre prolongement naturel et équité,erreur qui sera analysée plus en

détail au chapitre VI (55.6.03 à 6.13). 11ne suffit pas d'invoquer le concept de pro-
longement naturel pour parvenir B un resultat équitable, ou raisonnable. Encore
faut-il s'assurer qu'on a fait une application correcte de ce concept. C'est & cette
seule condition que lerésultat obtenu sera conforme auxexigences de l'&quit&.

Or, la vérification n'a pasétB faite, ni m&metentée, par le Mernoire libyen.

3.19 Selon la Partie adverse - et c'est18 la seconde «base» de sa cidémonstration»
du caractèreéquitable de la délimitation qu'elle propose, «it is furfrom unreasonable
to imply, on historical grounds, the consent of the Parties to the prolongation

seaward of the terininal point demarking their boundary. Such a prolongation
northward corresponds directly to the result of applying the rnethod ..of reflecting
the ncrthward prolongation ...)) (8 120) (46).

3.20 On appréciera à sa valeur le subtil passage de l'expression c the prolongation
seaward » ?Icette autre N sucha prolongation northwaid»,ce qu'on pourrait presque
denommer démonstration par allitération.

Cet artifice souligne le peu de sérieux de l'argument. Le consentement conjecture
a partir d'hypothetiques c historical grounds », n'existe pas et n'a jamais existé,

comme on le montrera plus loin (cf. chapitre VIII, $8.18),Fût-il rnerne &el, il n'eût
aucunement démontré l'équitéde la délimitation sur laquelle il est supposé porter.
La validite de la délimitation efit résulte de l'accord de volante des Parties fondé
sur la norme pacta sunt servanda (47), mais ne garantissant aucunement i'équitede

la solution convenue.
Le Mémoire libyen se charge lui-même d'en faire la démonstration dans le
meme paragraphe, en affirmant que la froatiere terrestre établie par voie de traité

entre les Parties consacre une ccinjustice historique 1)(an <<historical injustice inhe-
rcnt in the present land boundary ») ! (47 bis).
En se réfutant ainsi lui-meme, le Mémoire libyen montre avec éclat qu'il n'a pas

apporté la démonstration de l'équitéde la ligne tirée vers le nord, affirmée pourtant
avec une parfaite assurance.

(46)« En I'espèce,il est loin d'être déraisonlee comiddrer que, pour des raisons histo-
riques, les Parties ont tacitementquiesc6 au prolongement vers la mer du point terminadé-
marquant leursfrontieres. Ce prolongement vers le noraboutitau meme rlsultat que l'applica-
tion(...de lamathodeconsistant àobserver le prolongementvers le norn(Traductiondu Greffe).
(47) Le Gouvernementlibyen n'ose cependanpas aller au bout deson argument :si les deux
Partiesavaient effectivement donnéleur consentement a une delimitation déterminéel,a demar-
che normale eut etéde demander la Cour de constater i'existence de I'accordet d'ordonneraux
Parties des'y conformer.
(47bis)Ilsera fait justiun peu plus loinde cette insinuation totalementdépoume de fonde
ment (voir infr98.18).32 PLATEAU CONTINENTAL 1391

3.21 Cette carence est d'autant plus regrettable que le Gouvernement libyen four-
nit lui-meme l'indication des divers facteurs à employer pour etablir le caractére
equitabte d'une délimitatioi~ et les decrit dans le détail, tant dans son expose de
droit (M.E. Partie II, chapitre II) que dans Le deuxieme chapitre de la Partie III

qu'il consacre à l'application du droit aux faits.

3.22 Dans le chapitre intitulé ((Significonce of physical features »,le Mémoire libyen
expose que u The legal concept of the continental shelf necessarily takes into account
both the geology and the physical and poIitical geography of the area in question »
(M.L. 3 91) (48). Il ajoute: It isthe actual Coast- or for the purpose of delimitation
the relationship between two actual coasts - to which the legaf principles

governing delimitation must be applied » (M.L. 5 92, souligné par nous) (49).
11résulte clairement de ces passages (50) qu'une delimitation ne peut Btre

considérée comme conforme au droit international - et donc conforme aussi aux
principes équitables qui, d'apres la Cour, font partie du droit (Rec. 1969,§ 85) -que
dans la mesure où elle tient compte des facteurs physiques, géologiques et geogra-
phiques, propres la région et aux Etats considQ6s. C'est d'ailIeurs ceque le Memoire
iibyen reconnaît lui-rneme : « there can therefore be no possible inequity in a

delimitation which is consistent with the physical facts of natural prolongation »
(M.L. 590).
Pour le Gouvernement tunisien, ces diverses affirmations ne peuvent ètre

isolées les unes des autres, puisqu'elles figurent dans le meme document. Il résulte
de leur rapprochernent que le prolongement naturel doit etre détermine en tenant
compte de toutes les données de la gkdogie et de la g6ographie propres & la région
et aux Etats concernés et que la delimitation opéree en fonction du prolongement

naturel ainsi déterminé est aussi conforme aux principes équitables. Le Gouveme-
ment tunisien souscrit entiérement à une telle formule. LIva sans dire,au cointraire,
que si le prolongement naturel est défini sans tenir compte de toutes ces donnees
- comme c'est le cas en l1esp&ce dans le Mémoire libyen - il ne s'agit pas du

veritable prolongement naturel du territaire des Etats considérés.La délimitation
qui l'utiliseraitne serait évidemment pas conforme aux principes équitables.

(48) a la.notion juridique du plateau continental tient nécessairement compte ct la fois de
lageofogie et de la géographiephysiqueet politiquede lazone dont il s'agit (Traduction du
Greffe).
(49) a C'està lacdte reell-ou, en matiere dedelimitatioauxrelations entrles deux c4tes
réelles- qu'il convient d'appliquer les principes juridiques régissant la ddlimitation » (Traduction
du Greffe).
(50) Un autre passage complete ceux-:r offar more fundamental importanceisthe concept
that the geographical features and general direction of a State's coastline determine the extent of
the landmass and the direction of ita natural prolongation s (M92).Cette phrase mele insx-
tricablement l'incontestabetle discutable. Elle semble, en effet, rappexclusivement h des
caractéristiques g4ographiques la ddtennination de I'importance de la masse continentale. alors que
le Mémoire libyen insiste lui-même, end'autres passages. sur l'importance des facteursogi-
ques. Cesont cesfacteurs- et non la configuration des cdt-squi determinent li<direction n
du prolongement naturel (voir suprP,3.11)La place donnéeà la direction géndrale des c@hes,
cbte des autres caractères geographiques, eparalttout Bfaitexcessive et n'est justparela
référence aucune règle ou ti aucun dictum de la Cour.3.23 Le Memoire libyen a rappelé égalementl'importance, pourapprécier lecarac-

tère équitable d'une délimitation, du facteur de proportionnalité énonce par la
Cour dans son arret de 1969, d'après lequel il doit exister un rapport raisonnable
entre l'étendue des zones de plateau continental relevantde chaque Etat riverain
et la longueur de son littoralM.L. 5 145). procède & des opérations complexes (et
hautement critiquables, comme on le verraailleurs : voir infr08 7.12 B7.18) en vue
de démontrer l'iniquite de toute ligne d'eguidistance en l'espèce.

Les mêmescalculs n'ont pas étéfaits par la Partie adverse, afin de tester la
pdtendue bquité de la délimitation qu'elle revendique. La raison simple de cette

omission. tientB ce qu'il eût Cte absolument impassible de maintenir cette revendi-
cation, sia Libye avaitda produire les résultats de ces calculs qui auraient constitue
une démonstration éclatante du caractère inéquitable de la délimitation proposée
(voir infra8 8.24).

3.24 Compte tenu des artifices utilisés dans le Mémoirelibyen, tels qu'ils viennent
d'dtre exposés,aussi bien & propos du « northward thrust » que de l'appreciation

de I'équitéde la délimitation propos&e, ilest indispensable de reprendre plus en
détail I'argurnentatian de la Partie adverse au sujet des deux themes capitaux du
prolongement naturel et de I'equit6. C'est ce qui sera fait dans les deux parties
suivantes. DEUXIEMEPARTIE

LE MEMOIRELIBYENTRAHIT LE PRINCIPE

DIUPROLONGEMENT NATUREL

CHAPITRE IV

UNE UTlLISATION ABUSIVE ET ERRONEEDES DONNEES GEOLOGIQUES

4.01 Les chapitres precédents ont montré qu'en depit des divergences qui les oppo-
sent, il existe une certaimesure d'accord entre les deux Parties sur le r81e que
doit jouer le principe du prolongement naturel dans la présente affaire. Quant
aux faits, cet accord se manifeste sur un point important, en matiére de géologie.

Les deux Parties admettent que les zones de plateau continental delimiter
appartiennent tune entité géologique assez bien définie, le Bloc pélagien (dénommé

Bassin pélagien dans le Mémoire libyen; sur cette diffërence de vocabulaire, voir
Etude scientifique, Annexe1,III-Bp. 23, note 9). EIles sont également d'accord
pour l'essentiel sur les limites de ce Bloc qui s'étend en l'est, jusqu'à l'escar-
pement de Misratah-Malte et au nord jusqu'à la Sicile (ou, d'apres la Libye, jus-

qu'aux fosses de Pantelleria) et qui englobe sur le continent, au sud, la Jeffara
tripolitaine jusqu'à la FIexure de Jeffara (ctpermian hinge linen et faille de Homs-
Gafsa) et& l'ouest, la Jeffara tunisienne et la Tunisie orientale, jusqu'a Ia zone faillée
(Axe nord-sud)Gabes-Tunis(1).

En revanche, comme on leverra plus bas, de profondes divèrgences séparent
les Parties au sujet de l'interprétation de la structurBloc pélagien et de ses

relations avec les unités géologiques voisines.

4.02 Ce sont évidemment ces divergences qui expliquent les conclusions opposees
auxquelles sont parvenus les deux Gouvernements & propos de la définition et
de la direction du prolongement naturel de leurs territoires respectifs.

Le Gouvernement tunisien a exposé de façon détaillée, dans son Mémoire
(chapitre et chapitre VIII,68 8.06 i8.25) ,es données g6ologiques sur lesquelles
il fonde les méthodes de délimitation qu'il a proposées au chapitre IX. Ia pas

lieu d'y revenià ce stade de la procédure.
Le Gouvernement libyen, de son cBté,pretend justifier la méthode de délimi-

tation qu'il propose par l'existence supposée d'une projection vers le nord (north-

@ (1)ML, 8 61 et Annexe pp. 5.6, 8 et 1planch5 etfigur6;MT,8 3.05Etude scienti-
fique,Annex1III-Bpp. 23-24.ward thnist) du désert du Sahara et du plateau nord-africain, qu'il conviendrait
selon lui de refléter en prolongeant vers le nord le point terminal de la frontiére
terrestre (M.L. 3 74 et p. 70, conclusion 5).

4.03 Comme l'a reIev6 le chapitre precédent (88 3.12 3.14), cette these ne
s'accompagne d'aucune démonstration, mais seulement d'un systeme .de renvois
successifs h une démonstration introuvable.

On peut donc s'interroger sur l'utilisation faite dans le Mémoire libyen des
importants exposes qu'il a consacrés B la géologie, objet d'une volumineuse annexe

(l'Annexe II) et de plusieurs développements dans le corps meme du Mémoire (5560
ZI68 et 111 3 113).

II apparaîti~l'évidence,que la Partie adverse a entendu accumuler les données
géologiques les plus diverses et souvent les plus éloignées des questions soumises
la Cour (et les moins utilisables pour &pondre SIces questions) dans le seul but
de brouiller la perception des éléments les plus visibles et les plus .certains- les
données topographiques et bathymétriques - qui sont tous favorables ZIla these

tunisienne et en contradiction avec les conclusions presentées par la Libye. En invo-
quant des faits géologiques nombreux et sans pertinence, le Mémoirelibyen cherche
& masquer une realite trop apparente, qui détruit les bases memes de sa construc-
tion.

4.04 Les exposes du Mémoire libyen illustrent, en fait, les procédés de démons-
tration analysés au chapitre precedent. Le Mémoire libyen a, en effet, déplacéle

probleme dont il avait à traiter, soit en operant un chaqgement d'echelle, soit en
tentant de démontrer l'existence de ce qu'on pourrait nommer un prolongement
naturel indirect, ou par substitut, soit en minimisant, ,en déformant ou meme en
oubliant completement les données géologiquescontraires aux conclusions auxquelles
il entendait aboutir.

Ce sont ces trois aspects du traitement de la géologie par la Partie adverse

qui seront successivement examines ci-après,

SECTIO N.- LE CHANGEMENTD'ECHELLE : LA MACRO-GEOLOGIE

4.05 Apres quelques géneralitésinitiales, l'étude géologiqueque constitue L'Annexe
II du Memoire libyen s'ouvre, sous le titre « Evolution tectonique », par un exposé
de la théorie de la tectonique des plaques, illustré de plusieurs figures (fig. 4A, B

et C, precédant la p. 7).
D'apres cet expose,« .At is recognized that it is the dualism between the African
plate and the European plate, each having its own movement andinterjering with

the other, that causes the very complicated situation in the Mediterranean area ».
(Annexe II, p. 3) (2).La pression exercée sur les zones adjacentes par le rapproche-

(2) n II esadmiaque c'estiaduolit&entre lplaque africaine et plaqueeuropeenne,dont
chacune possède sonmouvement propre etinfluesurl'autre,qua créBla situation très complexe
que l'on constate danzone mdditemnéenne w.(Annexe IIp. 3)(Traduction dGreffe).36 PLATEAU CONTINENTAL [45]

ment de ces deux plaques aurait conduità l'apparition de deux formations géologi-
que; entiérement differentes : la Plate-forme africaistable et peu« tectoiiisl»

et la chafne atlasique (ou chaînemobile alpine, d'apres la fig. 4 C).
4.06 Cette description fait naître l'impressian d'une projection vers le ndedla

Plate-forme africaineau cours des millénaires. L'idée n'en est pas exprirnee dans
l'Annexe elle-meme,mais elle est exploitée dans le corps du Mémoire, qui ne fait pas
preuve de la meme prudence et proclame sans nuance que « les résultatstechnique»
(technical findings)de cette étude soutiennent (support) la conclusion que la zone
de plateau continental à délimiter est« le prolongement naturel vers Znord de la

masse continentale africaine situ& au sud » (M.L. 5 74; add. $5 61, 112, 113).
Bien qu'aucune référence précisenesoit jamais donnee, il semble difficile ne pas
inclure les développements de l'Annexe II sur la théorie des plaques parmi les
« technicalfindings))invoques dans ces divers passages.

4.07 Il suffira de peu de remarques pour montrer ,que Ia theone des plaques n'a
pas sa place dans une etude sur le plateau continental, et Encore moins s'il s'agit de

delimitation.
La théorie des plaques concerne des couchestrès vasteset très profondes (de

100B 150 km) de la lithosphère, et les plaques elles-memes englobent ausbien les
masses continentales que les fonds sous-marins. Le plateau continental, au con-
traire, correspond. en tant que réalitéologique et que notion juridique, & des
couches beaucoup moins profondes, se distinguanà la fois des terres éinergéeset des
fasses abyssales.

Dans le cas présent, on admet que les déplacements de la plaque africaine se
sont effectu ésns les directio les plus diverses(et nonpas de facon exclusive,
oukmernedominante, vers Ie nord). Ilsn'ontjamais pu affecter les relations entre la

Tunisie et laLibye;pas plus qu'entre leurs rivages, puisque toutes deux sont portées
par la meme plaque (sur tous es points, voir Etude scientifique, Annexe 1,III-A,
pp. 22-23).

SECTIO NI.- LE BASSIN DE SYATE OU LE PROLONGEMENT NATUREL

PAR SUBSTITUT

4.08 Le lecteur du Mémoire libyen ne peut qu'etre frappé par l'insistance mise par
la Partie adverse' souligner l'étroitesse des liensi uniraient le Bassin de Syrte

au Bloc pélagien.
D'apres le Mémoire libyen, le Bloc pélagien appartient aumême ensemble, de

fossés d'effondrement que le Bassin de Syrte, ce qui démontrerait l'existence d'une
« continuitéessentiell» entre eux (M.L. $863-64); I'examen du relief topographique
et de la lithologie conduiraiaux memes conclusions (M.L. $8 67-68).

Les memes affirmations sont reprises sous forme r6surneeau paragraphe 113@)
et secontinuent par la conclusio: In sum, scientififindingsbused on the geology [&] CONTRE-M~MOIRE DE LA TUNISIE 37

of the area lead to the inescapable conclusion that the continental shelf in question
constitutes the notural prolongation northward of the North African landmass » (3).

4.09 Cette insistance est déconcertante.

D'une part, le Bassin de Syrîe est en dehors de lazone quele Mémoirelibyen
reconnaît lui-meme etre celle de la délimitation :le Bloc pélagien.Il se trouve & une
distance appréciable, au sud-est de ce Bloc. Les cotes libyennes qui le bordent,

orientées vers l'est ou le nord-est sont étrangeres à la zone ZI delimiter, c'est-à-dire
le Bloc pelagien, et ne peuvent en aucune façon influer sur la delimitation.

D'autre part, le Bassin de Syrte se prolonge dans une toute autre direction. Les
données physiographiques, bathymetriques et tectoniques, fournies par le Gouver-
nement libyen lui-meme, montrent d'une maniére évidente que ce prolongement
s'effectue naturellement, non pas vers l'ouest, mais vers le nord-est, en direction de

la plaine abyssale ionienne, A travers le « Libyan trough » qui represente la conti-
nuation naturelle du Golfe de Syrte (voir planche na 5 de l'Annexe II du M.L. et
carte en relief de la Mediterranee centrale jointe & I'Etude scientifique :Annexe 1,
carte ES-10).

Enfin, en insistant sur les relations entre ces deux formations geologiques alignées
suivant une orientation sud-est/nord-ouest et sur les accidents tectoniques qui ont

la meme orientation, le Memoire libyen semble détruire, par ses propres soins, l'iliusion
d'une « projection vers le nord » qu'ila lui-rneme cré8e et qui constitue la seule
justification de la délimitation qu'il propose.

4.10 La conscience qu'il a de cette contradiction I'améne d'ailleurs à affirmer que

« .the direction of the natural prolongation isdetermined by the general geological
and geographical relationship of the continental shelf to theNorth African Iwdmass,
and not by the incidental or accidental direction of any particular part of the coast ))
(1 115) (4).

Comme on ne peut avoir Bla fois une chose et son contraire, cette affirmation
(qui ne s'appuie, cette fois encore, sur aucune preuve ou ddmonstration) a toutefois

pour effet de faire perdre toute importance aux relations « occasionnelles ou acci-
dentelles » qu'il prend tant de peine à établir dans cette région particuliere entre le
Bloc pelagien et le Bassin de Syrte.

4.11 Le Gouvernement libyen était certainement poussé par des raisons tres impe-
rieuses pour se lancer dans une entreprise aussi risquée.

(3) rEn un mot, lesconclusionrscientifiquesreposant sulag8ologiede la rBgionrimenent
ineluctablemend conclureque le plateau continentalen questionconstitue le prolongementnaturel
vers lenord dela masse terrestre nord-africain(Traductiondu Greffe).

gique et geographiquequiexiste entre le plateau etmassedeterrestre nord-africaine,et pasl+
par la direction occasionnelleou accidentelled'section particulière lacbte D (5115) (Tra-
ductionduGreffe). 38 PLATEAU CONTINENTAL i471

ILest bien évidentque s'il avait pu etablir,par des facteurs géologiques probants
et indiscutables, une continuité r2elle entre le Bloc pélagienet la masse continentale

libyenne située immédiatement au sud de ce Bloc, il n'aurait pas eu besoin de recou-
rirà cette voie detournde et eût établisans peine la realité du fameux « northward
thrust » dans la region. Or, une telle démonstration était exclue par un fait qu'il

avait lui-m&medQ reconnaître :l'existence de la Flexure de Jeffara (Permian Hinge
line et faille de Noms-Gafsa) limitant au sud l'extension du Bassin pélagien (5),
dont il devait admettre également qu'il constitue « ... distinct geologicai unit...
(which) lies between two entirely different structural realms : to the north, the

mobile Alpine belt; to the south, the stable Africcmplatform » (1 61) (6) (7).

Une telle entreprise ne pouvait néanmoin qu'être vouée l'éche c,la fois sur
le plan des faits et sur celui du droit.

4.12 Sur le plan des faits, on pourra s'en tenir h quelques breves indications qui
reprennent les observations détaillees figurant dans 1'Etude scientifique (Annexe 1,

III-D, pp. 27-32).

On relévera, taut d'abord, que le Mémoirelibyen apris soin lui-meme de marquer
la séparation qui existe entre le Bassin de Syrte et le Bloc pélagien borné (cut off)
Ztl'est « by a north/south fault zoneat the eastern edge of the Medina Bank,

known as the Misratah-Malta Escarpment » (4 02) (8). La cartographie libyenne est
@@ d'ailleurstrés claire sur cette importante separation (voir les figures G, 11, 12 et 13et
la planche 5 jointes A l'Annexe II; Etude scientifique, Annexe 1, III-D, pp. 27-28).

(5)Voir Etude scientifique. Annexe 1, II-C-a, p. 16 etpp. 2527.

(6)« Un ensemble géologique distinct et situé edeux domaines structuraux toua fait dif-
férents: au nord, la ceinture mobile des Alp;au sud, le bouclier rigide africn (861). (Tra-
duction du Greffe).
(7)11est vrai que, dans la phrase suivante, et par un glissedenvocabulaire fréquent dans
le Memoire libyen (voir sup8 3.20)celui-ci affinne aussi, sans reculer devant la contradic:ion
n:The Pelagian Basin ispart of the African platforn.

A ce propos, il n'est pas sans interet de relever les glissements de vocabulaire qui se consta-
tent dans les differentes formules utilisees pour decrire les relations entre le Bloc pélagien et le
Bassin de Syrte et qui apparaissent dans les663 a 68 du ML. Comme on le constate par une
lecture attentiveon passe progressivement d'una lien Bune a avancke n,puisa une « continuite
essentielle » pour parvenir finalemenune a identificatiidu plateau continental (Bloc pélagien)
et de « la masse continentdle au sud, spécialement danla région du Bassin de Syrtn (en tait
h l'est). De la même façon sont invoqués les fosses d'effondrement qui, dans un premier temps.
s'etendentccdepuisle Bassinde Syrte » et dans un seconda dpartir de la Libi).
L'Annexe II.ilestvrai, s'est efforcBe de montrer l'existence d'une continuitt! gblogique entre
le Bassin pelagien et le territoire libqui le borde(v. par ex. pp. 9 et Il).Cette tentative,
cependant.est réduite B nCant par les très importantes planc1eet2 jointeshcette Annexe, qui
@@ montrent. de façon decisive, que les deux domaines se trouvant de pet d'autre de la x Permian
Hinge line» sont radicalement différents du point vue géologique (sur ce point, voir 12tude
scientifique jointe, Anne1,III-C, pp. 25-27 add. II-p.a16).

(8) a Par une fkxure orientée nord-sud le long du bord orientaldu banc Medina. connue
sous le nom d'escarpement de Misratah-Malte » (1 62). (Traduction du Greffe). 4.13 D'un point de vue geographique, il n'est pas inutile de souligner que le Bassin
de Syrte est situé au sud-est du Bloc pélagien, dans cette espèce de décrochement
de la cbte que constitue le Golfe de Syrte. Les cartes produites par Ie Gouvernement
3 libyen (voir notamment la planche 5 et la figure 13 de l'Annexe II) montrent B
l'évidence qu'aucun tronçon des cbtes du Bassin de Syrte ne bordent le Bloc pela-

gien et qu'il n'existe, du c4té de la terre, aucun contact entre ces deux formations.
4.14 Contrairement 3 ce qu'affirme le Memoire libyen, les foss6s d'effondrement

du Bassin de Syrte ne prennent pas origine dans ce Bassin. Ils font partie d'un
systeme qui s'étend à l'échelle intercontinentale, depuis l'Afrique de l'est jusqu'en
Europe nordique. Ils ne peuvent donc établir une relation de continuité ou de rat-
tachement, pas plus que l'extension d'une meme chaîne de montagnes sur le tem-

toire de deux Etats voisins ne peut faire considérer l'un d'entre eux comme le pro-
longement de l'autre. II s'agit d'une ressemblance, mais non d'une continuité (voir
Etude scientifique, Annexe 1,III-D, p. 27).

Bien plus, les «graben » du Bloc pblagien, coinme ceux de la Tunisie, sont rela-
tivement récents (postérieurs aux mouvements alpins : Annexe TI,p. 14), puisqu'ils
ont affecté les terrains les plus jeunes, du Piiocene et du Quaternaire, forméspen-
dant les sept derniers millions d'années, alors que ceux de la Syrte ont commen-

ce Iise former il y a 60 h 80 millions diannees.

Enfin, les directions dominantes des deux séries de fosses ne sont pas iden-
tiques : celles qui sont visibles dans le Bloc pélagien sont nord-ouest/sud-est,
tandis que celles observées en Syrte se rapprochent de la direction nord-sud.

Ces «graben» et les «horsts» qui les séparent sont différents dans le Bloc pélagien
et dans le Bassin de Syrte, par leur âge et par leur direction; la continuité entre eux
dans la nature n'est pas prouvée, en dépit des colorations suggestives de la planche
n" de l'Annexe II, qui font d'ailleurs apparaître une discontinuité depart et d'autre

du « Misratah-Malta Escarpment »; ilsne peuvent ni etre considérés comme un
@lementsgrieux de continuité entre Ies deux régions, niCtre utilisés pour leur rappro-
chement (9).

4.15 Si les zones d'effondrement peuvent mettre en évidence une continuite, ce
n'est pas dans le sens indiqué par la Partie adverse. Leur examen montre, en effet,
que les zones d'effondrement invoquées par elle sont, en réalité, communes 3 la

zone de plateau continentat a délimiter et31 la Tunisie orientale (qui font toutes
deux partie du Bloc pélagien). Ceci est visible sur la planche 5 de l'Annexe II et est
3 mis en relief de façon plus claire encore sur les cartes ES-1, ES-6 et ES-8, jointes
à,1'Etudescientifique figurant en Annexe 1 au présent Contre-Mémoire.Par leur forme
et par leur tige, les fossés d'effondrement du territoire tunisien sont donc analogues

2 ceux du plateau continental et rapprochent: ce dernier beaucoup plus du territoire
tunisien que du Bassin de Syrte (10).

(9) Voir EtudescientifiquAnnexe1,III-D,p.27.

(10)Voir Etude scientifique,Anne1.III-Dp. 29.40 PLATEAUCONT~NENTAL (491

la stratigraphie du Bassin
4.16 Le Gouvernement libyen a, par ailleurs, fait appel
de Syrte, qu'il a comparée B celle clu,Bloc pelagien, en vue d'établir l'existence d'un
prolongement naturel de son territoire. Cette démarche est dépourvue de pertinence :
la réalitéest que le facies des étages géologiques mentionnes dans l'Annexe II du
M.L. n'est pas spécifique &ces deux unités geologiques; au contraire, il se trouve

aussi bien en Tunisie qu'en Algérie (11). Si cet argument a un sens, il établit une
parente plus étroite entre les zones submergées du Bloc pélagienet la Tunisie orien-
tale, partie de ce Bloc, qu'avec le Bassin de Syrte, zone étrangère(voir Etude scien-
tifique jointe au présent Contre-Mémoire, Annexe 1,III-D, pp. 27-32).

4.17 De facon plus générale, il convient de remarquer que les tentatives de
rapprochement entre le Bloc pélagienet le Bassin de Syrte se heurtent & une série
d'obstacles majeurs :ces deux entites géologiques ont eu des évolutions différentes

pendant presque toutes les périodes. te n'est guere qu'aux temps Eocene (il y a envi-
ron 60 millions d'années : voir Annexe 1, III-D, p. 29) que l'on peut signaler des
analogies entre elles.A toutes les autres epoques, les differences dominent. Il s'agit
bien de deux entités géologiquesdistinctes.

4.18 Si on abandonne maintenant pour un instant l'examen des faits, afin de se
tourner vers le droit, on constatera que, m&me si le Gouvernement libyen avait
rCussi - ce qui n'est pas le cas- & démontrer la continuite du Bassin de Syrte et

du BIoc pélagien, cette démonstration eût étédépourvue de portée d'un point de
vue juridique.
Le Gouvernement libyen s'est chargé lui-même de le démontrer en rappeIant le
dictum de la Cour selon lequel il est nécessaire« de regarder de prbs la configuration

géographique des cdtes des pays dont on doit délimiter le plateau continental fi
(Rec. 1969 9 96, M.L. fi,91)et ce, parce qu'on « applique le principe que la terre
domine la mer »,comme le souligne la Cour. Le MCmoire libyen précise encore :
« C'est à lacôte réelle - ou, en mati&rede délimitation, au relations entre les
deux cdtes réelles - qu'il convient d'appliquer les principes juridiques régissant la

délimitation » (5 92).
4.19 Il résulte clairement de ces textes qu'il convient de prendre en considbration,

pour la délimitation d'une zone de plateau continental, le territoire et les cbtes qui
le bordent (voir supra, 8 2.12),c'est-&-dire, en l'espèce, les cotes de la Tunisie
orientale et méridionale et celles de la Tripolitaine en Libye. La Partie adverse,
pour donner de la crédibilité sa thèse, se devait donc d'gtablir l'existence d'une
continuite entre le territoire libyen dans la région de la délimitation (la Tripoli-

taine occidentale) et les zones de plateau continental Zidélimiter (le Bloc pelagien),
ainsi que l'existence d'une projection de la Tripolitaine vers le nord. Ella substitué
ti cette demonstration attendue une tentative d'etablir une projection vers le nord
de la masse continentale de l'Afrique du Norddanssonensembie. et une relation
de continuite entre le Bassin de Syrte et le Bloc pélagien. Une telle tentative, du

point de vue juridique, est depourvue de toute pertinence.

(11) Voircarte ES-2n Etude scientifiqAnnexe 1. 4.20 En outre, pour etre complète, la démonstration libyenne devait présenter

aussi un versant négatif : il fallait encore Ctablir que le territoire tunisien ne se
prolongeait pas lui-memedans le Bloc pélagien. Dans le cas contraire, l'idée de la
projection vers le ncrd se heurtait, en effetà un obstacle insurmontable.
Cet aspect de la demonstration soulevait sur le plan des realités geologiques,

des difficultes encore plus insurmontables.II a donc fallu avoir recours h d'autres
procédés, mais sans plus de réussite.

SECTIONIII. - LE BLOC PELAGIEN :SIMPLIFICATIONS ET OMISSIONS

4.21 Lorsque le Mémoire libyen s'occupe enfin de la region dans laquelle se trou-

vent les zones de plateau continental & délimiter, soit le Bloc pélagien,il ne cherche
nullement B faire apparaître une « projection vers lenord » du territoire libyen dans
ces zones, comme on pourrait s'y attendre, pour la raison évidente qu'une telle
projection y est indiscernable. Ses prdoccupations principales, semble-t-il, sont
triples :

- d'abord, accréditer l'idée de continuitéentre la Tripolitaine occidentale et le
Bloc pélagien sans en apporter la démonstration.

- ensuite, creer l'illusion que la Tunisie orientaleserait étrangére aux zones
du plateau continental en cause (comment soutenir autrement qu'aaucune des parties
du plateau continental ne se rattache 6 ces segments de la cote tunisienne » orientés
vers l'est? M.L. 574).

- enfin, laisser supposer que le Bassin pélagien serait une formation uniforme
et indifférenciee, dont les caractéristiques essentielles, notamment d'ordre morpho-
logique, n'opposeraient aucune résistance à la mythique « projection vers le nord »

de la masse continentale nord-africaine.
Ces trois aspects du traitement du Bloc pélagiendans le Mémoirelibyen seront

successivement repris ci-apres.

$ 1 .- Lesrelations entre la Tripolitaine occidentale et le Bloc petagien

4.22 Le Gouvernement libyen a affirme - nan sans contradiction (12) - la,these
de l'uniformitk du Bloc pélagien (13); sur cette base, il a prétendu que cette zone
constitue son prolongement naturel (M.L. 74).

Une telle these n'a pu cependant etre soutenue qu'au prix d'une meconnais-
sance grave des realités bathymétriques et hydrographiques, pourtant fondamentales

dans la definition de la notion de plateau continental et particuliérement significa-
tives, dans le present cas d'espece.

3 (12) VoiM.L. 566 et Annexe II: pp. 13-14 et fig13,ainsi que la planchejointe cette
Annexe.
(13) VoiEtude scientifique, Anne1,V-A.pp. 42-47. 42 PLATEAUCONTINENTAL

Le Gouvernement Libyen a tente de compenser sa m6connaissance de la bathy-
métrie et de la morphologie - qui lui sont defavorables - en faisant appel 2
la geologie profonde, pour étayer ses thèses. (voir 74). Cependant, l'appel cet

argument n'est en fait - ainsi que le montrent les documents libyens eux-me-
mes - que d'un secours très limitéet m@mevient démentir dans une large mesure
les prétentions libyennes.

@@ En effet, l'examen des importantes coupes nos 1 et 2 de l'Annexe II du Mé-
moire libyen montrent deux realites evidentes :
- D'un cBté,iln'existe de continuite geologique entre la Tripolitaine occiden-

tale et le sous-sol marin adjacent qu'au niveau des couches tres profondes. Or,
ces dernieres - ainsi que l'admet expressément le Memoire libyen (Annexe II, p.
9) - sont géologiquement, antérieures 3i la formation m&me du Bloc pélagien.
D'autre part, les couches geologiques plus récentes, qui ont constitué le Bloc pélagien,
ne s'etendent nullement du coté libyen, ni sur la Jeffara tripolitaine ni - encore
moins - sur la Plate-forme saharienne. (voir coupe no1 de l'Annexe II du Mémoire

libyen et coupe no 2 extraite du m&me document et ci-jointe en copie au présent
Contre-Memoire, ainsi que les commentaires sur le schéma transparent qui l'ac-
compagne) (14).

- D'un autre cBté,Lescoupes 1 et 2 citées montrent qu'il existe une grande con-
tinuité entre le plateau continental de la Mer pelagienne et le territoire terrestre
tunisien. (Voir encore Etude scientifique,Annexe 1, III-D, pp. 27-32; add. III-F, pp.
35-37).

3 2. - Lesparties émergées du Bloc pblagien

4.23 Un des moyens utilises pour ecarter la Tunisie de la zone A délimiter nous
ramene à la rnacro-g6ologie :c'est la distinction etablie entre la région atlasique
et la Plate-forme stable africaine. Il s'agira de montrer que le Bloc pélagien appartient

à la seconde, comme le territoire libyen, alors que le territoire tunisien appartien-
drait à la premiere. La démonstration exige, cependant, un certain nombre d'oublis
et de glissements de pensée qui méritent d'etre relevés(15).

4.24 On a déjà noté (supra, 4 4.11, note 7) le glissement de vocabulaire qui fait
qu'on passe, au paragraphe 61, de la constatation que le Bloc pélagien est situe
entre la ceinture mobile des Alpes et la Plate-forme stable africaine a l'affirmation
que « le Bassin pklagien fait partie de la Plate-forme africaine»(soulignépar nous).
Au paragraphe 113 (a),l'évolution est achevée et on parle du « Bassin pélagien qui

est un élémend te la Plate-forme stable africaines'etendant versle sud» (soulignépar
nous).
Pourtant, comme le montre 1'Etude scientifique, jointe au prbsant Contre-
Memoire. il s'agit, en rkalité, de deux domaines fondamentalement différents (16).

(14) Voir Etude scientifique, Annexe 1, III-C, pp.25-27.
(16) Voir Etude scientifique, AnnII-C-bp. 16;III-, p23-25; et IIpp.25-27. 4.25 Quoi qu'il en soitde la nature du Blocpélagien, le point important est que

la Tunisie orientale en fait partie integrante jusqu'h l'Axe nord-sud, qui va de Gabes
Ii Tunis, ainsi que le reconnaît expressement le Memoire libyen (562; voir egalement
9 la trés claire illustration de ce point sur la figure 6 et la planche 5 de l'Annexe II).

Le mêmeMemoire revient sur cette constatation un peu plus loin dans des
termes qui méritent d'etre intégralement reproduits :« Thus, the entire landmass

of Tunisia West of the Pelagian Basin is, i,ntectonic terms, part of,a totally different
geoiogical domain from the continental shelf off the Tunisian and Libyan coasts »
(1 64) (17).

4.26 A premiere lecture, cette phrase semble signifier que le territoire tunisien
appartient A un domaine géologique différent de celui du plateau continental. Si on

se souvient, cependant, que le Bloc pélagien englobe toute la partie orientale et
méridionale de ce territoire, jusqu'Ii la ligne Gabès-Tunis, on comprend que « la
masse continentale tunisienne à l'ouest du Bassin pélagien )>ne désigne que lapartie
occidentale d_uterritoire tunisien, SIl'ouest de cette ligne,ce qui change radicalement

la situation (18).
Ii en resulte, en effet, a contrario, que I'entiere masse continentale de la Tunisie

i3l'estde la ligne GabBs-Tunis fait partie du Bassin pglagien' (voir Etude scienti-
fique, Annexe 1, III-E et F,pp. 32-37).

4.27 La pertinence de l'argument présenté.par la Libye est, du mêmecoup, totale-
ment effacée.

Les droits de la Tunisie seraient en effet exactement les mêmes,si sa frontiere
occidentale était constituée par la ligne Gabès-Tunis.

4.28' Au surplus, si l'argument etait pertinent, il se retournerait contre son auteur.
La Libye, en effet, n'appartient *u Bloc pélagien que par l'étroite bande cbtiere de

la Jeffara, au nord de la ~Permian hinge line b. Cette frange «d'une superficie
relativement faible» (M.L. $ 71) ne mesure en fait que 8.000 km2 (19),c'est-à-dire
à peine le quart de la superficie de la Tunisie orientale appartenant au Bloc pélagien
(30.000 km2 environ).

D'autre part, alors que la cPerrnian hinge liner sépare bien deux domaines
9 g4ologiques differents (ce que démontrent les planches 1 et 2 de L'AnnexeII : cf.

(17) « par comu3équentl.a masse continentale tunisiendil'ouest du Bassin pélagienappar-
tient,du point de vue tectonique.a un domaine géologique entierentent different du plateau
continental situau large des cotes de Tunisietde Libye ».(S 64). (Traduction du Greffe).
(18) Le caractere tendancieux de cette prdsentation se trouve aggravé par une omission
systematique: il n'est absolument rien dit dans le Memoire libyen de la morphologie de la Tunisie
orientale alors, cependant, qu'elle fait apparaître une continuitd très remarquable entre les reliefs
émerges, qui s'abaissent progressivement vers l'est et se prolongent sans rupture au niveau des
cbtes pour constituer le plateau continental et ceux de ce plateau lui-meme (voir Etude scientifique.
Annexe 1,V-A, pp. 42-47.
(19) Une erreur semble s'etre opportunément giisséedale .O71 du Memoire libyen,quicite
le chiffre d18.000 km2,qu'aucun calcul ne permet de retrouver.44 PLATEAU CONTINENTAL 1531

supra 5 4.11, note(7),3e al.), l'Axe Gabès-Tunis n'interrompt pas la continuité gColo-

gique et morphologique qui se remarque entre la Tunisie orientale et les formations
situees B l'ouest de cet Axe (voir Etude scientifique, Annexe 1,III-E, pp. 32 à 35 et
IV-C, p. 40).

1 3. - La morphologie du BIOCpélagien

4.29 Les omissions ou « erreurs » de presentation ou de raisonnement qui viennent
d'Btre signalées ne sont pas les seules qui apparaissent dans la description du Bloc
pdlagien par le Mémoire libyen. On constate encore un autre trait dominantq ,ui
consiste à minimiser systématiquement les caractéristiques géomorphologiques et

bathymétriques de cette entite - caractéristiques pourtant bien apparentes - afin
de la prdsenter comme une région totalement uniforme, dans l'espoir de dissimuler
les obstacles qui s'opposent & l'affirmation de droits de la Libye sur toute l'etendue
du Bloc pélagien(20).

Ceci ne se remarque nulle part mieux que dans les dernières lignesde conclusion
du chapitre II de l'Annexe II. Aprèsavoir résumé certaines desdonnéesbathymétnques

fort accidentéesdu Bloc pélagien (mais certaines d'entre elles seulement)., qu'elle relie
a la tectonique, l'étudequi constitue cette Annexe s'achèvepar une affirmation tout
A fait caractéristique de cette orientation minimisant:u(...)However, the areoremains
essentially a geologic unity, and the PelugianBasin forms a single, uniform shelf area,

stratigraphically, physiographically, geomorphologically and structur811y1).(Annexe II,
p. 17, soulignépar nous)(21).

4.30 Le procédéest çystematique. Par exemple, p. 8, toujours à propos du Bloc
pelagien : r<Its surface topography, reflected in the bathymetric maps, is quite inci-
dental » (22). Sur la meme page, après avoir reconnu que l'on trouve «des eaux peu

profondes 6 l'ouest, à proximité de la cdte tunisienne, et des eaux plus profondes
vers les confins orientaux du bassin » I'etude ajoute : « (...)However, these are
superficial topographic features of little consequence » (23).

C'est seulement dans le nord du Bloc pélagien,c'est-&-diredans la partie la plus
eloignée des cbtes libyennes, que I'etude consent 2i concéder de l'importance à la
bathymétrie. Dans cette zone (dans le Golfe d'Hammamet au nord et à l'ouest des

Kerkennah): tThe form of the bobath (...) sepms to indicote the existence of

(20) Voir Etude scientifique, Ann1, V-A, pp. 42-47II-F,pp.20-22.

(21) « Cette zone n'en presenpas moins une unitd g&ologique fondamentale et l'ensemble
et structural, un 'plateau continental distinct et u»i(Annexee,II,p.i17) (Traductionmduphologique
Greffe).

(2) a Sa topographie de surface. telle qu'elle se reflete sur les cartes bathymétriques, est
purement adventice (quitte incidental) ». (Traduction duGreffe).
(23) <iToutefois, il s'agit Id de particularitls topographiques superficielles de peu d'importan-
ceii(Traduction du Greffe). an extension of subterranean Tunisian Atlas structures, running roughly NNE-
SSW ))(24). C'est 18une admission qui detruit, & eIle seule, tous les efforts déployés
dans le Memoire libyen, pour tenter de démontrer que la Tunisie « atlasique », 8
l'ouest de l'Axe nord-sud, est(a totally different geologicaldomain from the conti-

nental shelf» (M.L. 3 64).

11est difficile de comprendre d'autre part, pourquoi les isobathes seraient signi-
fiantes et démonstratives d'une continuité au nord et perdraient toute importance
et toute signification au centre et au sud.

4.31 De façon plus générale, la géomorphologie n'est présentée, dans l'etude de
l'Annexe II, comme dans le corps merne du Memoire libyen, que comme un simple
corolIaire de la tectonique et en mettant l'accent de façon presque excIusive sur
les accidents tectoniques (rifts, horstset, graben) orientés d'est en ouest, dans

les conditions analysees à la section précédente (voir Annexe II, pp. 8, 13, 14,17et
19;M.L. $5 63-64et 66-67).

On asouligné ailleurs(supra, J2.13 et note(45) du 1 3.09), d'autre part, llextr@me
discretion de la cartographie du Mémoire libyen et de son Annexe II sur cet aspect
essentiel des fonds marins que constitue la bathymetrie.

4.32 Cette attitude est difficilement justifiable dans une affaire de délimitation de
plateau continental. Comme on l'a rappelé déj8 (voir supra $ 2-13), l'étude de la
morphologie a toujours été une discipline fondamentale pour la definition du prolon-

gement naturel des Etats, et ce, pour trois raisons evidentes.

D'une part, la morphologie fournit les donnees Ies plus faciles a connaître et
les plus certaines, donc les plus fiables. D'autre part, elle est le reflet extérieur
et a géographique » de la geologie sous-jacente. Les cartes ES-10, ES-11, ES-12
jointes à l'Annexe 1,montrent ainsi l'étroite corrélation entre la bathymetrie actuel-
le et la structure geologique profonde de la region. Enfin, les courbes de niveau

peuvent mettre en lumiere la continuite existant entreles cBtes et les espaces sous-
marins adjacents. C'est precisement le cas en l'espèce oû l'on remarque une parente
morphologique très manifeste entre le relief de la Tunisie orientale et méridionale
et les zones sous-marines qui les bordent (voir M.T. is5.40 & 5.42a;dd. Etude scien-

tifique Annexe 1,V-A, pp. 42 a 47) et oh les formes des reliefs terrestre et sous-marin
et celles des cbtes presentent une similitude évidente (voir M.T. 8s 5.43 8 5.50).

4.33 Ces dernieres remarques expliquent aussi pourquoi le Memoire libyen a préféré
ignorer cet aspect des choses et, notamment, ne pas dire un mot de l'alignement
structural caracteristique du Bloc pélagien, constitué de trois unités qui le traver-
sent d'ouest en est. Les caractéristiques de cet alignement ont été décrites en

détail dans le Mémoire tunisien, auquel la Cour est respectueusement priée de se
reporter ($8 5.51 5.58). Elles sont reprises de façon synthetique dans 1'Etude
scientifique jointeau présent Contre-Memoire (Annexe, 1,V-A, pp. 42 47).

(24)a l'allure des isoba...sembleindiquer l'existence d'un prolongement souterrain des
structures de l'Atlas tunisien, en diregénbraleNNE-SSOm. (p. 17)(Trad.du Greffe). 46 PLATEAU CONTINENTAL . [55-561

Cet alignement, qui est commun à la Tunisie et aux zones de plateau conti-
nental au large de ses cbtes, met en évidence la continuité qui existe, d'ouest en

est, entre la Tunisieeridionale et le Golfe de Gabes avec le Sillon tripolitain, d'une
part, et entre la Tunisie centrale et orientale et le Plateau tunisien, d'autre part (voir
Etude scientifique précitee, V-A, pp. 42-47). Il montreaussi qu'une continuité du
mëme ordre ne se constate, entre le territoire de la Libye tripolitaine et les espaces
sous-marins adjacents, que jusqu'au Sillontripolitain (ibp.29).

4.34 Pour les mêmes raisons, sans doute, le Mémoire libyen a conservé le silence
sur une donnée pourtant bien apparente. 11s'agit de la presence. très visible sur

@ la carte no 13 de l'Annexe II du Mémoire libyen, au voisinage des cbtes tunisiennes
et libyennes et B faible distance de Ras Ajdir, d'une zone de percements salif8res
(«salt walls » sur la carte no 13 de l'Annexe II du M.L.; t{ rides de Zira et de
Zouara » dans le M.T.) ,ui sépare deux domaines distincts à l'interieur du Bloc
pélagien. Cette zone revêt un interet evident pour la solution du problerne de déli-

mitation, du fait de sa proximité avecIe point d'aboutissement sur la côte de la
frontiere qui sépare le territoire des deux Parties. C'est, de fàipartir des rides
de Zira et de Zouara, que le Mémoire tunisien a pu tracer ce qu'il a nomme la
« lignedes crétesN (M.T. $4 9.07-9.08).

4.35 Comme on l'a releve ailleurs (supra $,52.15 et 3.11)l,e Mémoire libyen a
enfin compIi?tement ignore les elements physiographiques (succession des forma-
tions du plateau, du talus et du glacis), pourtant bien présents dans le Bloc péla-

gien,qui permettent seuls de determiner la « direction» du prolongement naturel
des territoires limitrophes. II est vrai que, dans ce cas, la physiographie indique
clairement une direction est (voAnnexe 1,V-B, pp. 47-48)) qui n'a rien en commun
avec la prétendue « projection versle nord » que la délimitation devrait .xrefle-
ter1)selon le Gouvernement libyen.

4.36 Il apparaît ainsi, après un examen attentif de l'ensemble des données géolo-
giques invoquées par la Partieadverse, que la démonstration de l'existence dans

la régiondu plateau continentaZtdélimiter de cette mythique « projection vers le
nord »,qui a fait l'objet de tant d'affirmations dans le Mémoire libyen, n'a pas et6
apportée. La m&me constatation s'imposera lorsqu'on se tournera vers les donnees
geographiques exposées dans le chapitre suivant. CHAPITRE V

UNE UTILISATION DEFORMANTE DES DONNEES GEOGRAPHIQUES

5.01 Rappelant que « la terre domine la mer », la Cour Internationale de Justice
a pris soin de préciser, au paragraphe 96 de son arr&t de 1969 «il est donc neces-
saire de regarder de prPsla configrrration géographique des côtes des paysdont on
doit délimiter le plateau continental »,definissant ainsi les c6tesA prendre en

considération.

5.02 Le Memoire libyen reconnaît théoriquement ce principe, de m&me que celui
dlapr&s lequel le prolongement naturel sous la mer d'un Etat s'identifaela fois
en prenant en considération « la structure physique et géologique» de la région
concernée et « la configuration généraledes cdtes des Partios » (M.5.91 etC.I.J.,
Rec. 1969, 596).

5.03 On a vu comment il traitait la géologie. On étudiera ci-après comment il s'en
prend à la géographie en utilisant aussila tactique du changement d'echelle, ce

qui lui permet d'ignorer purement et simplement, en violation totale des principes
qu'il invoque, la configuration générdes côtes concernees.

5.04 Dans les quelques endroits (principalement aux paragraphes 158 167) où
il se résigne tardivementexaminer les caractéristiques géographiques de la Tunisie,
ce sera, non sans paradoxe apparent, non plus pour ignorer, mais pour remodeler
la région littorale ainsi abordée. Envisageons successivemences deux utilisations
également inappropriées de la géographie.

SECTION 1.- MACRO-GEOGRAPHIE ET IGNORANCE SYSTEMATIQUE

DES COTES CONCERNEES

5.05 On en trouvera l'expression aux paragraphes 60, 69, 113, 114,115, 116, 120,
175 du Mémoirelibyen. Elle consiste substituer une approche macro-géographique
et continentale, d'ailleurs erroneà,l'examen des seules cBtes effectivement con-

cernées,c'est-à-dire celles dont le prolongement naturel est en cause et qui vont de
la pointe extr&rc du Cap Bon (Ras Mustapha), en Tunisie, à Ras Zarrouk, en Libye.48 PLATEAU CONTINENTAL ~581

5.06 La description geographique presentée par le Memoire libyen débute par
quelques affirmations massives (dont il est aiséde vérifier l'inexactitude en exami-
nant la carte no1 Blaquelle il est fait expressement référence:

- La direction génerale (the whole trend) des cotes nord-africaines du Canal
de Suez au détroit de Gibraltar est : est-ouest(M.L .69).

- Cette direction gdnérale n'estpas aItéréepar « l'indentation» (sic) rectan-
gulaire qui va du Cap Bon B Benghazi (ibid).
- 11en resulteque la carectéristiqucuminune essentielle (the predominant
common feature) de la Tunisie méridionale et de la Libye 'du nord-ouest est la pro-

jection vers le nord (the northward thrust) du désert saharien et du grand Plateau
nord-africain(M.L5 .74).

3 1, - La direction g6nhralede la côte nord-africaine

5.07 Selon le paragraphe 69 du Mémoire libyen : « It iapparent ..that the whole
trend of the North African cotist(some 3,200 mutical miles) from the Suez Canal
to the Stmitof Gibraltariseast/westS.

Il suffira, pour constater l'inanité de cette affirmation libyenne, de're rkférer
aux cartes produites par son propre Memoire, ou par ses annexes (25).

5.08 Si l'on examine en particulier la carte no1présentéeB la page 9 du Mémoire,
il suffit de porter attentiau parallele 300nord, reporté sur cette carte (voir figure

5.01 ci-contre) et qui repreçente tres exactement la direction est-ouesten passant
très légèrementau md du Golfe de Syrte, pour constater à quel point la description
libyenne s'éloigne de la réalité.Les cotes de l'Afrique du Nord (qui ne bordent pas,
toutes, la Méditerranée) ne.suivent pas, m&me grossièrement, une direction 'est-
ouest. Elles n'ont rien qui puisse suggérer une idéeaussi extravagante.

Si mêmeon s'en tient iila Méditerranee, il apparaît qu'une ligne droite allant
du Canal de Suez au détroit de Gibraltar traverse de part en part les territoires
algérien et tunisien; en outre. une telle ligne n'est pas orientée est-ouest. On doit

donc une fois de plus constater l'interprétationtrés libre que la Libye fait de la
geographie, même quand elle se trompe d'échelle, et raisonne ZIl'echelon conti-
nental.

5.09 En réalite, loin d'avoir une direction générale unique est-ouest, la cote medi-
terranéenne de l'Afrique presente différentes directions dont aucune n'est orient&
est-ouest. Cette cbte est marquée en particulier- et c'estIB une de ses caracté-

ristiques majeures - par un Changementtotal de direction après le Cap Bon,du
cote est, puisqu'ellesuit alors une direction générale nord-sud. Au fond du Golfe
de Gabès, elle reprend une direction sud-est, beaucoup plus accentuée, au-del8 du
Ras Zarrouk, lorsqu'on aborde l'échancrure du Golfe de Syrte. Puis, au fond de ce

(25)Voir aussi Figur1 et de l'Annexe IauM.L. Golfe, la côte remonte brusquement vers le nord, pour rejoindre la région de Ben-
ghazi et continuer vers Ie nord-est jusqu'g Susah en Libye. C'est seulement apres
Susah qu'elle prend une orientation beaucoup plus douce vers le sud-est. On cons-

tate donc que l'assertion libyenne quant & la direction genérale de la cote nord-
africaine est Zila fois inappropriée et fausse (26).

$2, - L'assimilation deIa régionconceruGeAune « indentation Bn4gligeable

5.10 Le Mémoire libyen croit pouvoir, par l'appel à la macro-géographie, consi-
dérer les cdtes concernees par I'opt5ration de délimitation, comme une « indenta-
tion » negligeable, sans incidence sur la« direction générale » de la cBte mediterra-
néennede l'Afrique (M.L. $69).

Il faut pourtant insister sur le fait que cett« indentation » englobe en realité

la totalité des cbtes concernées par la délimitation, c'est-&-direcelles dont les zones
de plateau continental délimiter constituent le prolongement naturel. Autrement
dit, elle s'étendà toute la partie orientale des côtes tunisiennes et Zt la majeure
partie des cdtes libyennes.

5.11 Le Mémoire libyen n'hésite meme pas à considdrer que l'orientation des cotes
tunisiennes nord-sud est une « anomalie » qui ne saurait avoir aucune incidence
sur la délimitation :« an anomalous variance in the general east-west trend of the
North African coast isthe turning northward of the Tunisian coastline. forming

classicaIexample (sic) of..."anincidentalspecial feature from whichan unjustifiable
difference of treatment could result" » (27). Ceci revientà dire que la totalité de
la cbte de l'une des Parties au présent litige doit etre ignorée. Faudrait-il faire

abstraction de la Tunisie pour déterminer le seul plateau continental libyen ?

5.12 Cette affirmation siirprenante occupe une place centrale dans l'argumentation
libyenne qui y revient à deux reprises, avec la plus grande insistance. Ainsi, au
paragraphe 158 :« That portion of the Tunisiancoast which faces east is an anomafy

and runs counter both to these general geographical and geological trends and to
the generally north-facing direction of the extensive southern sector of the Tunisian
cwst itself » (28).

5.13 Les mots sont révélateurs :on ne peut parler d'anomalie que par référence à

un modèle qui est ou'doit etre normalement suivi, et présente un certain degr6 de

(26)Sur les origines de l'orientationdcdte tunisienne, voir Etude scientifAnnexe 1,
IV-A,pp.37-39.
(27)M.L., O114,souligneparnous.

(28) Soulignpar nous. Voiraussile titre de la sectaolaquelle appartient ce paragra:he
u AnomaIy of the Emt-Facing Tunisian cwst Vi relation to the Predominantly North-Facing North
African CoasB. (M.L.p. 62) A propos de cet acxtenaive southern aector of the Tuncomtn,
notons qu'ilne représenteque 230 km de RasAj&iCabés,soitletierenviron de façadeorientale
de la Tunisie.50 PLATEAU CONTINENTAL L6O1

force normative. En géographie (et dans les sciences physiques en général),il n'y
a pas d'anomalies (29).

5.14 Ces observations montrent l'importance de l'artifice de la macro-geographie
pour la justification de la thèse libyenne.

Celle-ci ne peut êtresoutenue, en effet, qu'en« gommant » ce qui constitue les
caractéristiques majeures des cBtes tunisiennes et libyennes dans la région de la

délimitation :d'une part le fait que les cbtes tunisiennes concernées par Ia delimi-
tation suivent, pour leur plus grande partie, une direction nord-sud et, d'autre part,
le fait que lescBtes libyennes dans la région de délimitation suivent une orienta-
tion sud-est trèsmwquée (30) ,comme on sait, après Al Aqaylah, la côte remonte

vers Ienord).A aucun point, par conséquent, les cdtes en question ne suivent « la
direction géneraleest-ouest», sans laquelle la projection vers le nord du point-
frontière sur la cdte, en vue de tracer la ligne de délimitation & intervenir, perd
toute justificationet meme toute signification.

5.15 Il était donc necessaire de transformer ces faits physiques majeurs en simples

« particu!arités non essentielle» (Rec. 1969, $ 91), ou « moindres déformations
d'une côte » (ibid.,589).

Cette transformation n'était evidemment possible que par un changement
d'échelle, c'est-&-direen substituant& l'examen des relations entre les deux pays
concernés par la délimitation la prise en consideration du continent africain. Encore

était-il nëcessaire, nousravcms vu, mème à cette échelle,de recourir des approxi-
mations audacieuses et meme B de véritables corrections, aboutissant 2i refaire la
nature, en violation de la règle rappelée par le Mémoirelibyen lui-même (495).

5.16 Pourtant, après avoir ignoré les côtes concernées, le Mémoire libyense décide

vers la fin de ses développements, pour des raisons substantielles évoquées plus
loin (311, Ziexaminer les caracteristiques géographiques de la region littorale tuni-
sieiine. dont aucune ne lui paraît comme essentielle. Ainsi, aprh avoir donne à
penser, en les qualifiant d'«ancrnalies »,que le premier défaut des cates tunisiennes

était d'exister, il s'attach& démontrer que leur second tort est d'etre décidément
trop complexes, puisqu'a la fois accidentées, convexes puis concaves et bordees
d'îles.

SECTION II.- LE REMODELAGE DES COTES CONCERNEES

5.17 Quatre caracteristiques géographiques constitutives des cbtes tunisiennes
deplaisent particulièrement à la Partie libyennequi entend selon le cas, soit les élirni-

(29)Voir Etude scientifique, Ann1,IV-A, p. 37.

(30)Ce que doitremnnaltrela Libyavec regret. et en considbrant que cela jou& son
desavantag (eML.8 162).
(31) Voiinfra, 16.1536.18. Fi] CONTRE-MEMOIRE DE LA TUNISIE 51

ner, soit Ies corriger. Il s'agit en fait de deux couples constitués l'un comme l'autre

d'un élément propre à la cote continentale et d'un elérnent insulaire qui lui est
intimement lié. 11s'agit successivement de l'ensemble cBte du Sahel-Iles Kerkennah,
et de l'ensemble Golfe de Gabès-lle de Jerba.

8 1.- L'ensembl côete du Sahel-Kerkennah

A. - LA COTE DU SAHEL ET SA SITUATION PAR RAPPORTAUX KERKENNAH

5.18 Pour mesurer l'importance de la c6te du Sahel, la consultation de la figure
3.03 jointe au MPmoire tunisien (32) suffira pour constater qu'elle constitue l'eiernent
majeur de la géographie littorale entre le Golfe de Hammamet et le Golfe de
Gabes. Elle est désignée par la Libye comme le « promontory of Ras Kaboudia » (33).

Cette expression parait peu appropriée, en anglais comme en français, pour désigner
un arc de cbte convexe de 160 km de longueur et d'apeu pres 70 km de profondeur
dont le relief est plat (34).

Mais si, d'après le Mernoire libyen, le tort du Golfe de Gabès est d'etre concave,
celui du « promontory of Ras Kaboudia » est d'&treconvexe ! C'est ce qu'on pourra

constater ?i la lecture de ses paragraphes 149, 167, 169 et 173 (35).

La prise en considération de cette protubérance dans l'opérationde délimitation,
comme celle des Kerkennah, serait inéquitable.

5.19 Il est d'ailleurs procede, sous le F.« Legal Principles Relating to Special
Geographical Features » (M.L. p. 65),au paragraphe 169, a un rapprochement

direct entre le (<promontoire de Ras Kaboudia »et les Kerkennah, dans un sens qui
merite la plus grande attention.

5.20 Le Mémoire libyen procede à une comparaison avec l'avancke de la péninsule
de Cornouailles et des îles Scilly qui, dans la sentence arbitrale de 1977, ont vu
leur effet corrigé parce qu'elles produisaient « an inequitable result in the equi-

distance line B.Le Memoire poursuit :

« The analogy with the promontory of Ras Kaboudia and the Kerkennah
Islands is so striking that speci~l attention of the Court is respectfully
directed to pamgraph 244 at page 114 of the Anglo-French Arbitrationn.

(32)M.T., p.56 et reproduite ci-j(fig1.02).
(33) M.L.,0%149,167, 169.
(34) En realite, le Mémoirelibyedtablit uneconfusionentre lcote du Sahel elle-meme et
son avancée extrêmevers l'est, constitpar 1e petiupromontory of Ras Kaboudia s.Sur cette
question, voirtudescientifique, AnnexeIV-B .. 40.
(35) En particuli3r149 :M. ..In the next Section we shall examine in detail thegeogmphical
featuree which produce th& inequity, such asthe sloping away of the Libyan coast to the east, the
concavityof the Gulf of Gabes and the conuexity of the Tunisian mainiand in the Ros Kaboudia
areaa.8 167 :Thus, euen Ra8Kaboudia canbe described as a special feature, capable of influencing
the equidiutance line in an inequitable rB.nner.. 52 PLATEAUCONTINENTAL [62]

5.21 On reviendra ail chapitre suivant sur la réfutation juridique de cette sollici-
tation injustifiable de la sentence de 1977 (36). Pour l'instant, en s'en tenant B
l'observation pure et simple de la géographie, facilitée par la consultation de la
carte ci-ccntre, on se contentera de constater que les situations respectives de la

presqu'île de Cornouailles et des îles Scilly d'une part, de la cBte du Sahel et des
îles Kerkennah d'autre part, ne sont susaeptibles d'aucune assimilation (voir .figure
no5.02 ci-contre).

5.22' La péninsule de Cornouailles apparaît comme une presqu'ile oblongue, excep-
tionnellement étiréeet pointee vers l'ouest. Les îles Scilly se situent clairement dans

son prolongement, à peu pres sur la latitude 500 Nord, et A une distance assez
importante (21 milles) de la presqu'ile de Cornouailles.

5.23 Les îles Kerkennah, a l'inverse, ne se situent nullement dans le prolongement
de Ras Kapoudia, pointe extréme de la cote du Sahel. Elles sont au contraire situées
beaucoup plus au sud, face à la ville de Sfax, et dejh clairemenà l'intérieur de la
concavité de plus en plus prononcée du Golfe de Gabes. Elles ne sont pas proémi-
nentes, car tres proches des &tes (Il milles); elles n'accentuent que tres

faiblement, CIl'inverse des îles Scilly, l'avancée de la cdte continentale, puisque
leur direction nord-est/sud-ouest ne s'ecarte pas de celle de la cbte continentale.

5.24 L'ampleur de cette avancée, présentéepar la Libye, comme une protubérance
agressiver::ent pointée vers l'est, demeure trés limitée:le Ras Kapoudla se trouve
peu pres à la même longitudeque le Cap Bon, la pointe est de l'ile de Jerba et la

presqu'ile de Zarzis. Sous cet angle encore, toute analogie avec la position de la
presqu'ile de Cornouailles est pour le moins aventureuse.

B - LES KERKENNAH

5.25 Si l'on en croit les paragraphes 80, 149,161,166et 169du Memoire libyen,

elles sont insignifiantes. Rien n'est rapporte de l'importance et de la densité de leur
population (15.00p 0ersonnes, soit plus de 120 habitants au km2), ni de leur impor-
tance econon~ique pour la peche tunisienne depuis des temps immémoriaux.
Si la superficie des deux îles principdes est correctement indiquee (180km2), leur

distance a la cote est exagérée(elle est de 11milles et non de 15 milles comme il est
dit au $ 166 du Mémoirelibyen qui se refere à une distance moyenne dépourvue de
toute signification). Les îles environnantes sont à'peine mentionnées, de m&me que
les hauts-fonds qui les entourent jusque loin vers le large.

5.26 Ces points ont &tédéjà abondamment traités dans le Mernoire tunisien etrap-
peles dans le présent Contre-Mémoire (37). On n'insistera jamais assez sur l'intimité

profonde qui unit les Kerkennah et la formation terrestre immediatement adjacente,
@ doiit elles constituent l'émergence presque immediate (voir figureno 5.03 ci-contre).

(36)Voir infra,6.27.

(37) M.T. 03.18 & 3.2$5 4.40 eS.Contre-MBmoirteunisien,supra1.21. Ib3] CONTRE-M~MOIREDE LA TUNISIE 53

5.27 Faut-il aussi rappeler que ces formations insulaires sont entourees d'une cein-
ture de bancs d'une largeur de 5 ii 21 milles, sur. lesquels sont installées les pêche-

ries fixes? En fait, elks ne sont sPparees du continent que par des eaux très peu
profondes, Zila seule exception relative (4 m) des chenaux de Louza et de Sfax,
qui s'allongent entre la Chebba et Mahares. Sur une carte bathymétrique (38),on
observe aisément qu'entre les îles et le continent, la profondeur .nlexc&de pas 4

mgtres (39). Ces eaux peu profondes sont peu propices & la navigation (40), en
dehors des chenaux où peuvent passer des bateaux tirant moins de 3 metres
d'eau. Cela est si vrai que pour relier les îles Sfax par un service de bac moderne,

il a fallu utiliser la dynamite pour aménager un chenal de passage travers les
hauts-fonds. Si le niveau marin baissait de quelques mètres, l'Archipel -ne serait
plus qu'une presqu'île (41).

8 2. - L'ensembleGolfe de Gabès-Uede Jerba

A - L'ILE DE JERBA

5.28 Elle atteint 125 km de périmetre. Sa superficie est de 514 km2. Sa longueur
maximale est de 29 km et sa plus grande largeur de 29,5 km. Elle est .dotée d'une
population importante et constitue une presqu'lle, puisqu'a, maree basse, elle n'est

3 separee du continent que par un infime detroit (42) (voir fig. 5.04 ci-contre). Elle
estentouree d'importants hauts-fonds. Tous ces éléments figurentau paragraphe 3.27
du Mémoire tunisien. Ils sont en revanche absents du Memoire libyen (43).
Pour lui, l'îl« (does not) affect the generally westward direction of the coastline

from Ras Ajdir to the town of Gabés »(5 77). Elle constitue une « protuberance
abrupte » (sic) (a abrupt protuberance », 5 164) et aurait ainsi le grand tort d'influer
sur l'éventuel tracé d'une ligne d'équidistance (5g161 et 164).Il faut danc l'éliminer.

(38) On constaterak cepropoaque sur les deux seules cartes de l'Annexe Il 00 figure la
bathymétrie, la représentation des lignes isobatest interrompue autour des Kerkennah I
9 Defaillance technique du senrice cartographi?u(transparent accompagnant la figure 13 et
laplanche 6).
(39) J.DESPOIS, a Lesîles Kerkena et leum bar,sRevue tunisiennno 39, let trimest1937,
pp. 6 eJ6.
(40) #Dam 10mer miaine de Sfm, remarquaitlegdographe arabe El Bekri(XIP siècle)est
une Ile nommee Karkina quioccupe le centred'ElKasir. Elle est situà 10milles de Sfax dons
cette mer morte et peu profonde dont la surface n'jamaisagité...u.Description de l'Afrique
Septentrionale, traductiM.G.De Slane. Paris, Adrien Maisonneuv1965, p. 47.

(41) Sur cette question, voir Annex11-5,«Lesffesdu Golfe de Gabh » pp. 27 et 28.
(42) L'llede Jerba est si peu é~oi&&ede la cote qu'ai&tédejà relile au contine8 1%~-
que romaine par une chaussle de 6 kilometresqui est encore utiIde6nos jours. L'on sait meme
que I'ile a &taprimitivementunie au confinentd l'est &tl'ouest» et qu'elle n'en a et4 separée
que par u im mouvement positif de la merqui « a eu poUr effet d'ouvrle canal-d'Adjim », ii
peine large de 2 km. Voir L. Seurat, Observations sur les limites, les facies et les associations
animales de l'etage intercotidal la petite Syrte. Bulletin de la ,station ochnographiqda
Salammbd, no3. Juin1929, pp. 13-18Voirencore, Annexe.11-5i, La Lealedsu Golfe de Gabksn
jointe au présent Contre-Memoire, p. 28.
(43) Paragraphes77. 149,161 et164 du M.L. PLATEAU CONTINENTAL

B - LE GOLFEDE GABES

5.29 Le Golfe de Gabes est l'objet, dans le Mémoire libyen, d'inexactitudes graves
qui méritent d'Btre relevées (44).On s'arretera plus longuement sur les effets éven-
tuels de ce Golfe sur une délimitation pour constater qu'au paragraphe 165, le
Mémoirelibyen tente de démontrer que la concavité très marquée du Golfe constitue

un ayantage pour la Tunisie. Cette affirmation surprenante n'est pas trks claire-
ment expliquée. On pourrait d'ailleurs se demander comment elle pourrait l'être.
Ainsi qu'on avait déjBpu le constater dan?.les affaires du plateau continental de la

mer du Nord, la concavité de la cbte constitue evidemment un inconvénient, en ter-
mes de délimitation du plateau continental, pour 1'Etat qu'elle affecte, si an utilise la
méthode de l'équidistance.

5.30 Comme l'a d'ailleurs explique le Memoire de Ia Tunisie aux paragraphes 3.09
à 3.11, cette constatation génerale est particulierement vérifiéedans le cas du Golfe

de Gabès, dont la tres forte angulation, amplifiée encore par la présence de l'île
de Jerba, a pour effet de refermer les cbtes de la Tunisie sur elle-meme. II y a certes
lieu d'en tenir compte. Cependant, comme la Tunisie l'a indiqué, d'une façon géné-
rale, au paragraphe 3.51 du meme Mémoire,il s'agit dans la prgsente affaire non de

refaire la nature, mais simplement d'éviterd'accroître les disparités qu'elle engendre
en taut etat de cause.

5.31 Ce respect de la nature est également invoqué, en termes emphatiques, par le
Mémoirelibyen ($8 89 et 95). Est-ce pour autant s'y conformer que d'inviter la Cour

8 efface lrs îles, A combler les golfes et B raboter les peninsules ?
C'est ici que l'on saisit à quel point le Mémoire libyen, non content de trahir

le principe du prolongement ,naturel, ne respecte pas davantage l'équité.

(44) La definition du Golfe de Gabès,donnee au 8 78 du M.L.,appelle les commenta:res
suivants :
1) La definition dom&, d'apes laquelle u The Gulfof Gabes isentered between RasYonga
and île de Jerb..37 milea SE», est empruntée au « Mediterranean Pilot ». C'est dire qu'il s'agit
d'une definition ZIcaractere pratique, destinfaciliter la navigation maritimCe n'est en rien
une définition scientifique, telle que celle retenue par les géographes. On ne sera pas surpris
d'apprendre que lesmarins ne sont interesses que par cette partie centrale du Golfe, des lors que
toute la partie nord du Golfe, autour des Kerkennah, comme la partie sud. autour de l'ile de
Jerba. sonttrPs peu propices h la navigation, en raison de la faible profondeudes eaux et
de l'existence de vastes zones de hauts-fonds découvrantqui s'etendent jusqu'8 21 milles au
nord-est des fles Kerkennah et jusqu'10milles d'El Biban.
2) L'autorite d'instmctions nautiques pour la definition juridique d'unestagenéralement
considerée comme nulle. On pourra notamment se reférer ZIcet égard B la jurisprudence des
cccourts» britanniques, notamment dans l'affaire Post OffY.Estuary Radio Ltd. (1976) 3 All.
E.R. ,63.
(3) On trouvera en annexe les citations de nombreux auteurs- depuis le géographe grec
Strabon (ler sibcle avant J.C.)jusqu'au professeur Despois - qui montrent que i'expression
*PetiteSyrte* d'hier, comme cellede #Golfe deGabès * d'aujourd'hui, désignele rnëme ensemble
géographiquesituéentreRasKapoudia et les Bibans: voir Annex11-et figure 1.02. TROSIEME PARTIE

LE MEMOIRE LIBYEN EST CONTRAIRE A L'EQUITE

CHAPITRE VI

LA CONCEPVON LIBYENNEDE L'EQUIXE
ET DES CIRCONSTANCES PERTINENTES

6.01 On sait que les deux Parties s'accordent pour reconnaître un rBle essentiel au
principe du prolongement naturel dans la détermination, en I1espi?ce,des zones de

plateau continental appartenant a chacune d'entre elle(1).
Il existeau contraire. un desaccord profond entre la Tunisie et la Libye quant

au rbie que les principes équitables jouent dans l'application du principe du prolon-
gement naturel.

6.02 La jurisprudence de la Cour marque très clairement, entre l'&quilaprise en
compte des circonstances pertinenteet le principe du prolongement naturelI'exis-
tence d'un tienintime(2),que le Mémoire libyen, apres avoir entretenu une cer-

taine équivoque sur ce point(voirsupra $3-22), s'attache, on le verra dans ce cha-
pitre,a nier sur le plan des principes et h ecarter systématiquemensur le plan
des faits (c'est-&-dire de la prise en considératdes circonstances pertinentes
dont les principes equitables constituent le critére d'evaluat:M.L. 5 97).

SECTION 1.- LA DISSOCIATION ENTRE PROLONGEMENT NATUREL ET EQUITE

6.03 A l'inverse du Mémoiretunisien (3), et malgun tribut formel payà plusieurs
reprises enversl'équité,il apparaft bien que le Memoire libyen lui accorde une
place subsidiaire parrapport & celle du prolongement naturel. Sa thèse consistA
soutenir qu'en l'absence de zones de chevauchement, l'identification physiquedu
prolongement naturel de chaque Etat se suffit& elle-meme pour les besoins de

l'operation de delimitation, et ne necessite pas le recours aux principes equitables.

(1)Voir supra, 2.02 einfra 97.09M.L. g85.
(2)Etudike par le M.T.aux paragra7.13etS.

(3)Voir M.T.chapitre VID87.01 es.56 PLATEAUCONTINENTAL 1681

6.04 Ceci ressort particulièrement des paragraphes 89 et 97. Dans le premier, le

Gouvernement libyen affirme : « ...nce the natural prolongation ofa State is deter-
mined, delimitation becornes a simple matter of complying with the dictates of na-
ture » (4).

Au paragraphe 97, il précise :(<Where - unlike the present case- areas ofconti-
nental shelf may physicafly be consideretd he common natural proIongation of two
states, so thatthe physical facts of natural prolongation no longer assist in defining
the respective Iimits of the two shelf areas, equitable prindples ...corne into opera-

tion »(souligne par nous) (5).

6.05 Comme on vient de le lire, selon le Gouvernement libyen, les principes équi-
tables n'entrent en jeu que dans une hypothese différente de la presente espece :
dans le cas oh se constate l'existence d'une zone de chevauchement des prolonge-
ments naturels de deux ou plusieurs Etats. Or; pour la Partie adverse, la fameuse

« projection vers le nord » exclut toute possibilité de chevauchement (M.L. 5 89).
En d'autres termes, les principes equitables n'ont aucun rble h jouer dans la

présente affaire.

6.06 Cette conclusion est confirmee par la conclusion 3 du Mémoire libyen :
« A delimitation which gives effect to the principle of natural prolongation is one
which respects the inherent ipso jure rights of each State,and the assertion of such
rights isthereforein accordance with equitable principles » (6). (p. 70, souligné par
110us).

Autrement dit, pour le Gouvernement libyen, l'équitéest satisfaite des lors que
la delimitation est opéréed'apres le principe du prolongement naturel (voir M.L.

$8 90 et 97), ce qui signifie qu'une telle délimitation est ipso facto et automati-
quement conforme aux principes équitables, sans que ceux-ci aient eu jouer un
rôle quelconque dans I'opkratlon de deiimitation.

6.07 C'est 18 une position paradoxale, qui est en contradiction flagrante avec
la jurisprudence de la Cour. ,

6.08 La difficulté- devant laquelle la Libye ne recule pas, on l'a vu - vient

d'abord de ce que, dans cette théorie, les principes équitables n'entreraient en jeu

(4)« ...une fois que t'on a détermin4le prolongement n<iturerd'un Ehatdélimitation ne
consiste plus qu'a se conformer aux exigences de la nature ».(TraduGreffe)
(5) « .s'il advient, ce ,qui n'est pasle cas en l'espèce, quedes zones de plateau continental
puissent physiquement étre considéréescomme le prolongement commun naturel deux Etats, si
bien que la réalite physique du probngement naturel n'est plus d'aucun secours pour ddflnlr les
limites respectives &UV wnes du plateau continental, les principes éq...entrent alors en
jeu ».(Traductiondu Greffe).
(6) u Une dQIimitationmettant en pratique le prindupprolongement naturelest une détirni-
tation qui respecte ldroiteinhérentipso jurede chaque Etat, eI'affhzuCion dces droitsest,
par consdquent, conforme des principes équitables(p. 70)(Traductiondu Greffe). CONTRE-M~~MOIR EE LA TUNISIE 57

que si l'application du principe du prolongement naturel faisait apparaître l'exis-

tence de zones de chevauchement (M.L. 10 89 et97).
II est bien clair, pourtant, que dans le dispositif de son arrêt de 1969, la Cour
a considkré cette situation comme un cas particulier ($ 101, A, 2), alors que les

principesQuitables doivent, selon elle, intervenir dans toute délimitation (3 101,
A,1).Premihre contradiction.

6.09 D'autre part, la theorie du Mémoire libyen renverse totalement les données
du problème. II convient donc de rétablir l'ordre des choses.
Comme le remarque la Cour. après avoir rappelé que la doctrine du plateau

continental applique le principeque « la terre domine la mer », « puisque la terre
est la source juridique du pouvoir qu'un Etat peut exercer dans les prolongements
maritimes, encore faut-ilétablir en quoi consistent en fait es prolongements »
(souligné par nous). (Rec. 1969, 8 96).

S'il est bien vraqu'un eélimitation opérkepar application du principe du pro-
longement naturel est équitable, encore faut-il déterminer quel est ce prolonge-
ment. Affrontee B ce probleme dans les affaires du plateau continental de la Mer
du nord, la Cour a montré, dans les paragraphes 90 fi99 de son arrêt,que le pro-

longement naturel d'un Etat ne pouvait &tre déterminé qu'en prenant en considéra-
tion tous les facteurs pertinentset en etablissant entre eux «la balance» qui «créera
l'équitable» (3 93).

6.10 Le raisonnement de la Cour est parfaitement resurné dans le dispositif de
l'arrêtoù il est ditqu:

« La délimitation doit s'oplsr...conformément d des principes équitables
et compte tenu de toutes les circonstances pertinentes, de maniére à attri-
buer, dans toute la mesure du possible, d chaque Partie la totalité des zones
du plateau continental qui constituent le prolongement naturel de son

territoire souslamer et n'empiétent pas sur le prolongement naturel du
territoire de t'autr». (Rec. 1969 5 101, A, 1).

II apparalt clairement dans ce passage, que l'attribution à chaque Etat des
zones qui constituent le prolongement naturel de son territoire est le but attein-
dre. Les moyens à utiliser pour y parvenir consistentà tenir compte de toutes les
circonstances pertinentes conformement i~des principes equitables.

6.11 Cette conception a ététres fidelement reprise par la sentence de 1977.
A propos de la zone des Iles Anglo-Normandes dans laquelle il avait décidéque la
délimitation devait s'opérer en application du droit coutumier, le Tribunaldeclare :

« la véritéest que le principe du prolongement naturel du territoire ne doit être
ni écarté,ni tenu pour un principe absolu, lorsque des îles appartenant.à un Etat
sont situées sur un plateau continental qui, en leur absence, constitueraile prolon-
gement naturel du territoire d'un autre Etat ».Et il conclut: « L'application de ce
principe, en pareil cas, comme dans d'autres cas concernant la délimitation d'un

plateau continental, doit 2tre appréciéecompte tenu de toutes les circonstances
pertinentes, geographiques et autres ». (5 194).58 PLATEAU CONTINENTAL 1701

6,12 A l'oppose de ce que soutient le Mémoire libyen - deuxieme contradiction -
il resulte de ces principes bien établis que c'est par la prise en considération de
toutes les circonstances pertinentes conformément ?Ades principes équitables que
sera déterminé, dans un cas particulier, le prolongement naturel d'un Etat. Il peut
arriver que ce prolongement naturel soit identifié par des donnees géoIogiques

sQres (voir sentence du Tribunal franco-britannique, 3 194,-add. C.I.J.Rec. 1969,
5 95) - ce qui est partiellement lecas dans fa presente espece (voir M.T. §$ 8.10&
8.25). Plus souvent, il faudra prendre en consideration un grand nombre de données
géographiques, geologiques ou autres.

6,13 En aucun cas, il n'est permis de partir d'une définitiona priori du prolongement
naturel, ne s'appuyant sur aucune des circonstances pertinentes propres h la

région (pas m&me la geologie de la zone de plateau continental & délimiter, ni la
configuration des cbtes des ~tats intéressés)et ne prenant en considération aucun
des principes équitables definis par la Cour, pour proclamer que la delimitation qui
s'opererait suivant ce pseudo-prolongement naturel serait forcement équitable.

C'est pourtant bien ainsi qu'a procéde le Mémoire libyen qui a, certes, évoque
une série de circonstances pertinentes, mais exclusivement en relation avec la

mbthade de l'équidistance, (qu'il rejette de meme que le Gouvernement tunisien)
et dans le seul but de les elimlner.

SECTIO NI.- L'ELIMINATION DES CIRCONSTANCES PERTINENTES PROPRES
A LA REGION CONCERNEE

6.14 On a deja examiné comment, en pratique, le MBmoire libyen incite au remo-
delage des cotes concernées par la delimitation (7). Al'en croire, il faudrait non
seulement effacer l'Archipel des Kerkennah et l'île de Jerba, mais rendre la cote
tunisienne aussi rectiligne que le littoral tripolitain. Cela simplifierait les choses.

Il est évident qu'il y a là une invitatioZi refaire entiérement la nature, incompa-
tible avec les principes jurisprudentiels contraires, invoques ailleurs parle m&me
Mémoire.

6.15 Il ne s'agit pas de revenir, ici, sur la façon concrète dont le Memoire libyen
déforme la géographie, mais, de demonter la tactique par laquelle il entend, en droit,
ecarter la prise en considération des circonstances pertinentes.

6.16 Le Mémoirelibyen revient plusieurs reprises sur les circonstances pertinen-

tes (8869 à 81, 114 il 120, 1542 167)qu'en fait, en dépitde précautions stylistiques, il
reduit aux données physiques (et plus specialement géographiques) (8). Mais il
ne les examine de façon détaillee, et en tant que circonstances pertinentes, qu'au

0) Voirsupra 95.18&5.31.
(8) Voir en particulier 97,oir il parle de a geographical and other relevant circurnstan-
ces..P.En fait, il n'envisagejamais d'autreséldmentsque ghgraphiques (voir egaleme89,39
157, 158 et 175). 11ignore totalement lescirconstances économiqueset humaines expliquant I'exis-
tence des.titres historiques de la T'su1serdgiondu GolfedeGabes.chapitre 11 de sa troisieme partie, exclusivement consacré, .on le sait, à démontrer
que la méthode de l'équidistance est inéquitableet inappropriée.

6.17 Il y a donc lieu de remarquer que ces analyses n'apparaissent véritablement
que dans lecontexte de la critique adressé e la mgthode de l'équidistance dans le

caswnsider6. (Titre du chapitre :« Application of the Equidistance Method would
be Inequitable and Inappropriate n).

On constatera, à la lecture des paragraphes concernés, qu'au dela des inexac-
titudes de fait ou des interprétations erronées déjà relevées au chapitre précédent

du présent Contre-Mémoire, l'essentiel des critiques adressées aux caractéristiques
géographiques et circonstances pertinentes de la région littorale tunisienne consiste
à affirmer que leur prise en considération pour le tracé d'une ligne d'équidistance
aboutirait à des deviations inéquitables pour la Libye.

6.18 Ii est ainsi indiqué que la prise en compte de ces caractéristiques ne saurait
.éventuellement avoir lieu que si les Parties adoptent au préalabie la méthode de
l'équidistance.

Ceci revient 9:dire qu'au cas où la délimitation entre plateaux continentaux
serait effectue par référenceau principe du proiongement naturel, pris ici comme

méthode de délimitation, on devrait alors ignorer ces memes caractéristiques géo-
graphiques. C'est d'ailleurs la raison d'etre de la méthode dite de la « projection 1)
d'une ligne droite (ML. $$ 116 et 120).

6.19 La tactique du Mémoire libyen apparaft ainsi finalement assez simple, meme
si elle n'est pas dépourvue d'une certaine subtilité. Elle consiste à associer excIusi-

vement la prise en considération des circonstances geographiques pertinentes A la
méthode de l'équidistance, afin de se débarrasser du mëme coup des premieres, en
critiquant la seconde (9).

6.20 On sait pourtant qu'en droit, Ie respect des circonstances pertinentes, à l'in-

verse de lanotion de « circonstances spéciales », etroitement associée à l'article 6'de
la Convention de Geneve de 1958 sur le plateau continental (IO) ,st parfaitement
indépendant du recours à la méthode de l'equidistance.

6.21 C'est en particulier ce qu'a bien marqué le dispositif, déjh cite (11). de

l'arret de la Cour de 1969, qui exige la prise en consideration des circonstances

(9) Au demeurant, L'incitation négliger lescirconstances pertinentes caractérisant la region
littorale tunisienne. sidemeure irréconciliable avec les principes et regles de droit invoques,
s'inscrit cependant bien dans lae ligne que la volonte, affirmée ailleurs. de ne consiqueer
« lndirectionghnbr~fede la ligne de cdte nord-africa»n(voirsupra 4 5.04 Zi5.19). Ils'agit
finalement, dans l'un et i'autre cas, de négliger les cdtes concernées..On retrouve donc ici encore.
la contradiction entre la reconnaissance que le prolongement naturel se définit h partir des cbtes
concemees et le desir de se débarrasser des caractbristiques de ces mernes cbtes, en liant leur
sort au rejet de l'equidistance. Én d'autres. tele Mdrnoire libyen est contradictoire avec le
droit, mais ilst cohérent dans sa méconnaissance decdroit.
(10) A laquelle ne sont parties ni la Libye ni la Tunisie.
(II)Voir supra % 6.10 eCIJ,Rec. 1969, O1.01-D. 60 PLATEAU CONTINENTAL [721

pertinentes après avoir écarte,dans lecas d'espéce,et la Convention de 1958 et la
méthodede l'équidistance.

Celles-d doivent Ctreévaluéep sour elles-mêmes, en fonction des principes

équitables dont ellesassurent la mise en Œuvre, et non plus par référence laso-
lution qu'eût apporté le recours la methode de I'bquidistance.
6.22 La derniere rédaction de l'article 83, al. ler du projet de Convention sur

le droit de la mer du 27 août 1980 le confirme. Elle substitue iiI'expressionde
circonstances pertinentes une formule plus vaste encore, en indiquant que la déli-
mitation doitetre effectuée selondes principes équitablesa et compte tenu de tous
les aspects de Iosituation dans la zoneconsiddrhe)) (12). Comme les circonstances
pertinentes. ces(<aspects de ta situation sont évidement susceptiblesde compren-
dre des élernentstrès divers. c'est-à-dire les particulantes de nature Bconomique

et historique, aussi bien que les facteurs g&ofogiqueset geographiques.
6.23 Les a circonstances pertinentes B (et «tous les aspects delasituation n) ont
d'abord pour fonction de contribuer positivement & la définitionde la ligne de d8li-

mitation, notamment, en permettant de déterminerce qui constitue le prolongement
naturel du territoire de chaque Etat.

Elles doivent lre prises en considération de façon équitable, c'est-&-direen
donnant chacune d'elles le poids qui lui revient, compte tenu de son importance
propre. afin d'établirentre ellescla balancen qui créera l'équitable(Rec. 1969593).

6.24 Cette préoccupationa amen4 la Cour B preciser qu'il fallait éviterde faire
produire <{une injustifiable difference de traitement » & une particularit& non
essentielle))(ibid.5 91). Mais ce danger n'apparait que dans une hypothèse tres
particulière, bien analysée par la Cour :lorsque, d'une part, les Etats en présence
ont étetraités& peu pr?!ségalementpar la nature et que, d'autre part, un Etat aurait
ccdes droits considérablementdifferents » de son voisin, du seul fait du plein effet

'donné h une N particularite non essentiellw par l'utilisation d'une certaine méthode
de délimitation(qui, pour la Cour, est la méthodede l'équidistance).
6.25 Le parti pris du Mémoirelibyen, de n'examiner les circonstances pertinentes

qu'en liaison avec la methode de l'équidistance,l'amèneB les envisager exclusivement
sous cet aspect négatif,pourtant secondaire, ou subsidiaire, dans la pensée de la
Cour, et, par conséquent,h les confondre pratiquement aveq les c circonstances spé-
ciales))visdes B l'article6 de la Convention de Gen&vede 1958. bien que celle-ci
ne soit pas applicable entre la Tunisie et la Libye, qui n'y sont parties.La confu-
sion est de taille.

6.26 Meme dans cette perspective restrictive, le Mémoirelibyen méconnaît tota-

lement la pensée de la Cour. Aucun des élémentsde I'hypothkse envisagee par
cette dernière ne se retrouve,en effet, dans le cas d'espèce.

(12)Rofet de Convention sut10 droit de lmer.A/Conf. 62/WP. 10/Rev.3.p. 34. [731 CONTRE-MEMOIREDE LA TUNISIE 61

La Partie libyenne rewnnait elle-m&me que la première des conditions definies
par la Cour - la quasi-égalitéde situation des Etats en présence-n'est pas réalisee

(13). Quant h la « particulariténon essentielle ». comment qualifier ainsi ce qui
constitue la réalité dela cdte tunisienne, telle que la nature l'a faite: le galbe de la
cote du Sahel, la concavité du Golfe de Gabès, ou les complexes insulaires qui leur
sont consubstantiels?

Prétendre ignorer ces réalités,conduirait incontestablement iir refairetotalement
lagéogmphie N,ce que laCour exclut catégoriquement.

6.27 La sentence du Tribunal arbitral franco-britannique, auprès de laquelle le Me-
moire libyen cherche un secours, au point de demander avec insistance B la Cour
d'en lire un paragraphe essentiel (ML 5 169), ne lui fournit pas davantage d'appui,

Il suffit, pour s'en rendre compte, de se reporter au paragraphe en question
($ 244). Surle plan des faits, la desqiption de la situation des îles Sorlinguesdans ce
paragraphe, corrobore ce qui a étédéjhétabliailleurs (supra 45: 5.20 ii 5.23)&savoir
qu'aucun parallèle n'est possible entrecette situation et celle qui existe en I'espèce(l4).

Sur le plan du droit, le Tribunal arbitral reprend expressv iesrbis la doctrine de la
Cour selon laquelle il ne peut Btre question, au nom de l'équité,de « refairela nature
entièrement » et s'occupe uniquement des effets de déviation sur une ligne d'équi-
distance d'une « circonstance spéciale » (15). On se trauve donc dans une perspec-

tive entièrement diffhrente de @le dans laquelle se pose la présente affaire.

6.28 Le Gouvernement tunisien n'estime pas nécessaire de revenir sur les raisons
véritables qui lui paraissent rendre inéquitable et inappropriée une ligne d'équidis-
tance dans la présente espece (voir M.T. $88.30, 9.21 et supra 2.05) puisqu'il y a
accord entre les Parties sur l'inadéquation de cette méthode. Cette position com-

mune de rejet rend inévitable le recours & toutes les circonstances .pertinentes,
cansidérées A la Iumiere des principes équitables (comme l'exige d'ailleurs le Com-
promis). La jurisprudence internationale la mieux établie, aussi bienqueles travaux
de ia Conférence des Nations Unies sur le droit de Ia mer, ne laissent aucun doute

(13) Voiren particulier M.L.5 72 et tout le8 76: *The portion of the Libyan cwst from
Ros Aldir to the western limit of the Gulf of Sisvirtually cuithout mrked irregularities.There
are no klands, bays or peninrub of any rignificance. The only tum ml horbor for reave6sefs
on thir stretch of the comM utTripoli. In contraTunisio'ecwst iairregubr and contains gulfu,
promontories and offshore islan;for-ple, the Dland of Djerba. Gulf of Gabes, Kerkennah
Islandsand the Ras Kaboudia promontory n.
(14)Pourle Tribunal a,la projection de péninsulede Cornouailles et des Sorlinguespb
amnt dansl'Atlantique quela p8nhule bretonneet i'lle d'Oue-t e8tun fait géowaphique,un
fait naturel », mais, en meme tempa, la projection partfculides SorIingues dans la region
Atlantiqueconstituecertainement un 118mentde dévirttiassezimportant pour justifier uneligne
de délimitationautre que la ligne médianestricte visee d l'article 6,1,de la Convention1)
(de 1958) (1244). Rien, dans cette de.-cyiption,ne rappelle.de ouèsde loin, la situationdcs
c6tes tunisiennesetlibyennes.

(15) D'apresle Tribunal,la a projection d'un promontoire exceptionnellement a,nB quoi
peuvent etreassimiléesIa projection des Sorlinguetcelle dela masse terrestdreela péninsule
spécialesn (244).s, qu'elle prolonge,constitua une des formes possible» de a circomtancea62 PLATEAU CONTINENTAL [74]

h cet egard. La position adoptée par le Mernoire libyen, qui a lie circonstances

pertinenteset Quidistance pour se débarrasserdesunes comme de l'autre dans le
m&memouvement, parait donc aussi insoutenablejuridiquementqu'elleest infondée
surle plandes faits. CHAPITREVI1

LA CONCEPTIONLIBYENNE DE LA PROPORTIONNALITE

7.01 Lorsqu'il examine les principes &quitables énuméréspar la Cour dans son
arret de 1969, le Mémoire libyen accorde une importance toute particulière aucon-
cept de proportionnalité, qui est le seul auquel il consacre une analyse detaillée dans
ce contexte (5 58 à 101).

Le Gouvernement tunisien qui, de son coté,a reconnu la pertinence du facteur
de proportionnalite dans son Memoire (9 7.17), peut marquer son accord sur
certains des points développés par la Partie adverse, sur le plan des principes.

7.02 C'est ainsi que la Tunisie ne peut qu'approuver le Mémoire libyen, Icirsqu'il
affirme que le facteur de proportionnalité est sans rapport avec l'idée de justice
distributive oude répartition de parts de plateau continenta($99).

7.03 Comme la Partie adverse, le Gouvernement tunisien estime également que
doivent etre distingués deux aspects du concept de proportionnaIité.

Ce concept signifie d'une part, ainsi que l'a dit la Cour dans le dispositif
de son arret de 1969, qu'un facteur h prendre en considération pour parvenirà une

délimitationequitable est « lerapport raisonnable »que cette délimitation« devrait
faire apparaître entre l'&tenduedes zones de plateau continental relevant de1'Etat
riverain et la longueurde son littoral mesurée selladirection génlraIede celui-c»
(Rec. 1969,5 101, D-3; M.L.§ 100).

D'autre part, il convient d'éviter qu« la moindre dLformation d'unec6te (soit)
automatiquement amplifiee par la ligne d'équidistancedans ses conséquencespour la
délimitationdu plateau continental>)mec. 1969, 3 89; M.L. $ 101).

7.04 En revanche, la Tunisie ne peut accepter l'idée,émise par le Memoire libyen,

selon laquelle, d'aprgs la Cour, la prise en considération du facteur de proportion-
nalité serait liàel'application d« la methode de l'lquidistance pour dllimiter les
zones du plateau continental»(M.L 5.98).

Cette affirmation esten contradiction flag;ante avec I'arret de la Cour de 1969.64 PLATEAU CONTINENTAL

7.05 Dans cet arret, la Cour a estime iI est vrai, que l'application de la

méthode de l'équidistance pouvait aboutir un résultat inequitable « àans
certaines conditions géogmphiquesassez frPquentes », parce que la methode de l'équi-
distance a un effet d'exagération par lequel « la moindre deformotion d'unecdte est
automatiquement amplifiée » (5 89-a).

Sur ce point, la Libye a raison : cette application particulière du facteur de
proportionnalite est liée!Al'utilisatim de la méthode de l'equidistance. Dans ce cas,
l'intéret du facteur de proportionndité est de mettre en lumibre le caractare inéqui-

table des résultats auxquels conduit tres fréquemment cette methode.

7.06 En revanche, il n'en va pas du tout de meme de l'autre utilisation du concept
de proportionnalité, qui concerne le« rapport raisonnable »hetablir entre la longueur
des cbtes et l'@tenduedu plateau continental relevant des Etats inttressés. La Cour
a retenu ce facteur parmi ceux que les Parties aux affaires du plateau continental
de la Mer du nord devaient prendre en considération au cours des négociations

qu'elles avaient mener pour procéder à une délimitation entre elles. Or, comme
l'on sait, la Cour avait précedemment indiqué que « l'application de la methode de
délimitationfondge sur 1'8quidistmce n'(était) pas obligatoire entre les Parties »
(Rec. 1969, 5 101-A) et, dans le corps meme de l'arrêt, elle avait montré que la

méthode de l'équidistance aboutissait. en l'espèce, & des résultats inéquitables.
Il est donc tout & fait inexact d'affirmer que Ie concept de proportionnalite n'a
A etre utilisé, dans le sens oh il est pris ici, que si la méthode de I'équidistanoe

est utilisee. La Cour dit exactement le contraire.
7.07 Sans doute n'est-ilpas certain que le critbre du « rapport raisonnabie » soit

applicable dans tous les cas. Le Tribunal arbitral dans l'affaire franco-britannique
l'a expressément mis en doute (sentence du 30 juin 1977, 599). Toutefois, le meme
Tribunal a admis que l'adoption de ce critere dans les affaires du plateau conti-
nental de la Mer du noikd était due à la situation géographique particuliEre de

trois Etats dont les territoires se touchent et qui sont situes sur une côte concavfi
(ibid.)(16).
Bien que le différend porté devant la Cour dans la présente instance n'oppose

que deux Etats, les ressemblances entre la situation pr6vaIant dans les affaires du
plateau continental de la Mer du nord et la présente affaire sont tout h fait remar-
quables. On se trouve, en effet, dans la situation particulière de deux Etats dont les
territoires se touchent et qui sont situés sur une cdte concave. On ajoutera que les
zones de plateau continental h délimiter ne sont pas largement ouvertes vers le large,

mais sont, au contraire, encloses dans des espaces maritimes relativement fermés.
On se trouve donc bien dans une situation oh le critere du «rapport raisonnable))
revet une importance décisive pour apprécier 1'6quitéou l'iniquité d'une délimi-

tation.

(16) LeTribuna arbitraadmet egalementque l'autrapplication du factede proportionna-
litéen relatioavec lescaracthristiquesgeographiqudescbtes,s'effectuen relatioavec une
Iigned'équidistane8189et 100). i771 CONTRE-M~MOIRE DE LA TUNISIE 65

7.08 Ceci étant observé. on nepeut qu'etre frappépar le fait que le Mémoirelibyen
n'examine l'application du concept de proportionnalité qu'enrelation -avec la

methde de1'Bquidistance (M.L. 90.145 & 1531,suivant un procédédont le caractere
systbmatique a dejh &téreleve au chapitre précédent.

Pour les raisons exposees plus haut, cette attitude est justifiée lorsgu'il s'agit
uniquement d'apprécier l'amplification deseffets de certaines particularites cbtieres
par la méthode d'equidistance. Dans ces conditions. le Gouvernement tunisien
estime inutile de relever les erreurs ou contre-ventés, pourtant nombreuses, que
comporte le traitement de cet aspect du concept de proportionnalite dans le

Memoire libyen.
D'une part, en effet, comme Ie sait <laCour, la Tunisie estime, comme la Libye,

que la methode de l'équidistanceest inappropriee dans le présent cas. Puisque les
deux Parties sont d'accord pour la rejeter, il n'y a pas lieu pour elles de s'étendre
sur les consequences infiquitables de l'utilisation de cette méthode,meme si elles
sont en désaccord sur la nature de ces conséquences.

D'autre part, le Gouvernement tunisien a eu l'accasion deja, au chapitre pré-
cédent, de montrer quelles étaient les erreurs et les. contre-ventes commises par
la Partie adverse dans le traitement qu'elle réserve aux circonstances pertinentes
propres à la region. Il n'est doncpas necessaire d'y revenir.

7.09 En revanche, iln'est pas possible de laisser passer.sans reponse les impor-
tants developpements que le ~érnoire libyen qonsacre a tenter de demontrer qu'il
serait difficile de concevoir un espace d6fini « (...)which, ifdelirnited by the equi-
distace rnethod, would not allocate to Tunisia a disproportionately large area of
the single shelf characterizing this area and which, accordingiy, would not encroach

upon areas appertaining to Libya upon the basis of settled principles and rules of
international law » (17) (M.L. 8 146).

7.10 Le Gouvernement tunisien ne reviendra pas sur la formule « unique plateau
continental » (single shelf) :s'il est vrai que toutes les zones s'etendant des cbtes
tunisiennes et libyennes jusqu'h la plaine abyssale fant partie du plateau conti-
nental au sens du droit international contemporain, ces zones se distinguent très
nettement les unes des autres, au point de nie du prolongement naturel des Etats

qui les bordent. Ce point, qui est evidemment fondamental, n'a cependant qu'un
interet marginal dans le présent contexte, où il est question du concept de pra-
portionnalité.

L'idée,selon laquelle l'utilisation de la methode de IICquidistan~ aurait pour
effet d'attribuerB la Tunisie « une étenduedisproportionnée »de plateau continental,
mérite, au contraire, quelques commentaires.

(17)a dans lequel une ddlimitation o@r& selon la méthode del'équidistancn'aurait pas
pour effet d'attribuàrla Tunisieune,&tendue disproportionnéede mique plateau continental
propre& cette régionetpar consdquent, d'empi6ter sur les wnee reievade la Libyeon vertu
des principes et règles bien etublb du droit internationalt»146).(TraductionduGreffe)66 PLATEAU CONTINENTAL [781

7.11 La formule utilisee n'est pas sans rappeler la theorie de la part juste et

equitable, opportunement condamnée par la Cour. Mais, ce n'est pas 18 le moindre
de ses défauts. Elle conduit, en effet,ila définition d'une methode d'évaluation des
surfaces et de leur rapport avec la longueur des c6tes qui, exposee Zt propos de
lignes d'equidistance, pourrait etre appliquée à n'importe quelle ligne, établie par
tout autre moyen.

Sans m&meexaminer le probleme général desbases suivant lesquelles devraient
Ctre effectués les calculs de proportionnalité, on doit relever que la méthoded'ha-

luation proposée par la Libye camporte un tel abus des simplifications, des choix
arbitraires et contraires aux exigences du droit international et d'autres artifices,
qu'elle ne peut conduire, dans tous les cas, qu'h des resultats compl8tement faus-
ses. Il est donc d'une particuliere importance d'en montrer Ies vices qui apparaissent
surtout sur deux plans : celui de la méthode utilisée pour circonscrire une zone

susceptible de faire l'objet de mesures de surface; celui du calcul des surfaces
revenant respectivement & chaque Etat par l'effet de la ligne de delimitation.

SECTION 1.- LA METHODE UTlLISEE POUR LA DETERMINATION
DE LA SURFACE TOTALE

7.12 Le Memoire libyen a choisi de fermer les surfaces A mesurer en traçant « ...
line of latitude from a point on the east-facing portion of the Tunisian coast..and
a line of longitude from any point on the Libyan coast of roughly equal distance
from the terminal point of the land boundary between Tunisia and Libya ...» (18)
(M.L. 5 147) (voir fig. 7.01).

7.13 D'apres les termes employks, la méthode a une portée très generale, puisqu'elle
s'applique $Ipartir d'un point quelconque de la cBte orientale de la Tunisie, Pourtant,

dans le, meme paragraphe 147, la surface enclose dans les deux lignes de longitude
et ae latitude (et les c6tes correspondantes) serait de 62.000 km2 (42.000 +
20.000). Or, suivant lepoint choisi sur la cbte tunisienne, les cc6tés,de la figure
seront plus ou moins longs et la surface enclose plus ou moins importante. La
superficie de 62.000 km2 correspond donc A un point determiné, et non pas $Iun

point quelconque. La méthode utiliséepour parvenir à ce résultat n'est donc pas
générale.Elle ne correspond pas à celle qui est decrite.

7.14 Le Mémoire libyen, il est vrai, mentionne un point de la cbte tunisienne :Ras
Kapoudia. Mais il précise que ce point est pris « solely for illustrutive purposD,
ce qui ne modifie pas les observations précédentes.

De plus, aucune construction effectuée suivant Ies indications données partir
de Ras Kapoudia ne permet de parvenir h une surface de 62.000 km2, meme defaçon
approximative.

(18)n Une ligne de latitude depuispoint situsur la partie de la cbte tunisiennetournke
vers l'e..et une ligne de longitude depuis tout point de la cbteseitrouvant distance
opproximcitivement égaledu point terminalde la frontiere terrestre entre la Tunisient fa Libye
(TraductionduGreffe). 0
35- ...

Surfaceferméepar La Latitude

de Ras-Kaboud.et par la 1-ig
tuded'un point sur La côte Li-
byenne6 égaledistancedu . -

point-frontière( ML.para.117) L i1 B ~ Y E

1 \ lqne;;;ba1e t1n,st;;n;; ,
FigZ02 1 I
10° 11' 12O 13" 14O 15'. 1 68 PLATEAUCONTINENTAL [791

7.15 D'autres incertitudes encore affectent la description de la méthode de cons-

truction utilisée dans le Mémoire libyen, notamment quant & la determination du
point sur la cote libyenne. Mais, il y a plus grave.
II apparaît, en effet, que cette méthode, qui pretend faire application d'un

facteur retenu par la Cour dans son arr&t de 1969 pour apprecier le caractère équi-
table ou raisonnable d'une delimitation, ne respecte pas les indications données
par la Courk cesujet.

7.16 C'est ainsi que la Cour a préciséqu'il faIIait tenir compte de « la longueur
du littoraln(de 1'Etat riverain)« mesurée suivant ln direction généralede celui-ci»
(Rec. 1969, § 101,D-3). Ce n'est évidemment pas le cas d'une méthode qui pretend

s'appuyer sur une construction effectut5e à partir d'un point quelconque de la côte
des Etats en cause.
Ce ne l'est pas davantage,sion part de Ras Kapoudia dont le choix paraît parti-

culièrement arbitraire.
7.17 La Cour aégalement precise que le calcul de proportionnalite doit êtreeffectué

« compte tenu ..des effets actuels et éventuels de toute autre délimitation...entre
Etats limitrophes de la mame region » (Ibid.). Dans le cas présent, une ligne de
latitude tire& partir d'un point situe legerementau nord de Ras Kapoudia rencon-
trerait très vite la ligne de délimitation etablie par accord entrela Tuniset l'Italie

dans la région de Pantelleria (19). Sans m&me tenir compte des effets éventuels
d'une délimitation& intervenir avec Malte, les lignes de longitude et de latitude
proposées par la Libye se croiseraient, si on choisit le point déterminant sur la cote
tunisienne au nord de Ras Kapoudia, $Iun point se trouvant sur le plateau conti-
nental de l'Italie. Une partie de la surface théoriquement attribuée ZIla Tunisie

(et entrant dans les calculs de proportionnalite effectués par la Libye) appartien-
drait donc, en realite& un Etat tiers.

7-18 Tout ceci montre que la méthode choisie par la Libye ne peche pas seulement
par le fait qu'une partie de ses donnée!: n'a pas étéexposée et reste donc indé-
terminée; elle est aussi contraire g la situation qui existe dans la région et en
contradiction avec les indications données par la Cour.

SECTION II.- LIGNE D'EQUIDISTANCEET RAPPORTDE PROPORTIONNALITE

7.19 Comment le Mémoire libyen a-t-il procéde au calcul des surfaqes délimitées
par l'équidistance et revenant & chaque Etat par l'effet de la ligne d'équidistanc?
A ce stade encore, nombre d'inexactitudes et de confusions ont et& commises.

7.20 Au paragraphe 148 de son Mémoire, le Gouvernement libyen précise que la
ligne d'équidistance est mesurée partir des lignedse base tunisiennes de 1973.

(19) On peut imaginer qucette circonstan n'estpas ttrangéreau choix de Ras Kapoudia
par le MCmoirelibyenu dtitre de simple ilIustration» d'une methode prdsenteecomme valable B
partir de n'importe quel pointde la cbte orientalede la Tunisie, maisen fait utilisde
seulpointet pour aboutir iademonstrationque ce seul point autorise (et eauoprixon I'a
vu et le verra encore pBula section suivante,de deformatserieuses). Son tracé exact reste cependant imprécis. La ligne figurantsur lacarte no 8 du
3
MBmoire libyen et censéereprésenter l'équidistance 1 partir des lignes de base 1973
est erronée (voir fi. 7.02). Ellea étémesurée semblet-il, àpartir des Kerkennah et
non pas des lignes de base.La carte rectificative dbposéepar le Gouvernement libyen
auprésde la Cour n'a pascorrigécette erreur.

@ 7.21 Il existe un autre motif de perplexité :la carte no 8 du Mémoire libyen
reproduit la ligne d'équidistance & partir de l'isobathe 50 m. Or, au paragraphe 147,

il est question d'une ligne d'equidistanc& partir de Ras-Ajdir. Dans ce domaine
encore, règne l'incertitude.

7.22 Enfin, pour proceder au calcul des surfaces revenant B chaque Partie, le
Mémoire libyen ne les a pas prises en compte, comme il se devait, h partir de Irt
limite extérieure de la mer territoriale,mais y a inçlu la totalité des zones mari-
times au-del8 de la laisse de basse mer. Cela ressort clairement du paragraphe 151

du Mémoire libyen, d'apres lequel :
« It will also be apparent that in dernonçtrating any such hypothesis com-
paring the areas of continental shelf attributable to the two adjacent States,

the entire 'cirofseabed and subsoil beyond the low-water mark must be
token into account » (19 bis).

Ii est évident que l'inclusion de la mer territorialet des eaux intérieures a
pour effet de fausserentierement les résultats.

7.23 D'après le Mémoire libyen, cette façon de proceder est imposéepar le concept
de plateau continental adopte par la Cour, comme le « ...prolongement naturel du
territoire sous la me» (M.L. 151).

La Partie adverse n'explique pas en quoi le concept de prolongement naturel
imposerait cette extraordinaire solution.e passage de l'arret de la Cour auquel est
empruntée cette citation doit &tre reconstitué dans sa totalité pour mieux le com-

prendre. Dans cette partie de son dispositif, la Cour indique que Ia delimitation &
intervenir doit s'opére((de manière L attribuer, dans toute la mesure du possible, iî
chaque Partie, la totalité des zones du plateau continentaqui constituent le prolon-
gement naturel de son territoire sous la mer »,..(Rec. 1969, 8 101, souligne par
nous).

Les mots soulignés montrent bien que la Cour parle ici du plateau continental
au sens juridique du terme. Toute autre interprétation conduirait h penser que la
Cour s'est prononcée aussi sur la delimitatian de la mer territoriale et même,éven-
tuellement, des eaux intérieures. ce qui était manifestement hors de sa compétence

dans les affaires du plateau continentalde la Mer du nord.
7.24 Tndependamment de cet argument de droit, qui se suffit h lui-meme, la simple

logique conduit la mdme conclusion :comment apprécier la valeur d'une délimita-

(18 bis) u Overraaussique pourddmontrertoute hypathésede ce genre etcornver les
rom de phteau continental attribuubaux deux Etats limitrophilconvient de tenir compte
de toute i'étenddu fond et du sous-sol lamer au-delà& lalaisade base mern (Traduc-
tiodu Greffe). IV II IL 14- 15-

Lampedusa

0
35---. . .

- + -. .. .. . + . - -1 . .
. -+ 33'

LIGNESD'EQUIDISTANCE:

(1)Telle que figurant sur la arte

n* 8 du ML. .

L I B Y E

~iqnes de base tun;sicnnes

Fiq. ZO2 fsll CONTRE-MÉMOIR EE LA TUNISIE 73

tion du plateau continental, au point de vue de l'équite, en établissant un rapport

de proportionnafite entre des zones qui ne font pas l'objet de cette délimitation ?
Les N cogent, practical considerations»,invoquées encore par le Memoire libyen à
l'appui de son étrange théorie, n'apportent aucune r4ponse& ette question (voir
supra 52.14).

En montrant la necessite où il se trouve, pour faire aboutir sdfimonstration
dans le sens qu'il souhaite, de recour&rdes artifices aussi grossiers,le Mémoire
libyen en souligne lui-meme les faiblesses.

7.25 Si nous excluons donc les dites zones, en ne considérant les surfaces qu'h
partir de la limite exterieure de Ia mer territor-altout en admettant l'hypothese

libyenne de fermeture des surfaces par la latitude de Ras Kapoudia (20) (voir figure
@ 7.01)- et en utilisant la ligne d'equidistance figurant sur la carteno 8 du Mémoire
libyen, les résultats obtenus sont trgs loin de confirmer ceux du Memoire libyen et
montrent au contraire que la Tunisie se trouve défavorisée. Elle se verrait en

effet attribuer24.622 km2 (soit 46,7%), alors que la Libye aurait 28.091 km2
(soit 53,%) (voir fig. 7.03 ci-contre).

7.26 Bien plus, meme en suivant la démonstration libyenne jusqu'au bout, en dépit
de toutes ses erreurs et.de tous ses exces, il s'avere que les chiffres produits dans le
Mémoire libyen demeurent encore erronés.

Si on ajoute, en effet, aux surfaces considérées dans le paragraphe précédent.
celles qui se trouvent entre la limite exterieurde la mer territoriale et le conti-
nent, comme le voudrait le, Memoire libyen, on obtiendrait des résultats qui sont
encore loin des pourcentages proclames par la Libye, Dans ce cas, en effet, les

divers espaces maritimes tunisiens recouvrent 41.135 km2 (soit 55,8q/,de la
surface totale de la zone considérée au lieu de 7%) contre 32.540 km2 àla Libye
(soit44,2 % au lieu de 30%) (voir fig7.04). La difference des chiffres est assez
eloquente pour montrer encore une fois le peu de rigueur du procédé libyen et la
nécessite où la Libye s'est trouvée h la fois d'ajouter les eaux intérieet la mer

territoriale au plateau continentaet de fausser les chiffres pour donner un sem-
blant de vraisemblancea la démonstration, et ce, malgr6 l'arbitraire, dénoncéplus
haut, de la construction de la zone servant h ces calculs de surface.

7.27 Le manque de rigueur de la methode et l'absence de valeur des résultats
auxquels elle conduit sont illustrés par un autre exemple. Si, en appliquant cette
methode telle qu'elle est presentée, on choisit un point immédiatementau nord de

la ville de Gabes A la place de Ras Kapoudia,les résultats sont entigrement inversés.
La délimitation opéréeen reprenant la ligne d'équidistance figurant sur la carte
a no 8 du Memoire libyen, tirée partir deRas Ajdir, comme le veut le Mémoire

(20) Et en dhterminanlepoint correspondant sla cotelibyennpea,r l'intersection avec
cette cbtd'uncercleayantRas Ajdu comme centre et la distanRas Ajdir- Ras Kapoudia
comme rayon, afiqu'ilse trouvela meme distance du point-fronsurla cotece quidonne
une ligne de longitude situb leg&àel'est du mérid1C. 1O" 13O 14O 15'

ESPACES MARITIMES REVENANTA

LATUNISIEETA LA LIBYE

de Ras-Ajdir)

Liqnes de base Funisienncs76 PLATEAUCONTINENTAL [821

libyen dans son paragraphe147 (voi rie 7.05 ci-dessus), attribueraàtlaLibye

une surfaced'espacesmaritimesde 14.405 km2 (soit 69,2%) ,ontre 6.409 km2 (soit
30,8%) àlaTunisie.En surfacede plateaucontinental, les chiffresseraientles suivants:
11.201 km2 $Ila Libye (soit 81,2%), contre 2.585 kmà la Tunisie(soi18,870 ()oir
figure7.06 ci-dessus(21).

(21)Ces chiffres mettent enelumiere i'effet d'amputationrQsultantde la position de la
frontierparrapportà i'angulation de la cdte tuniso-libyenne,qui a dte signale dans le Mémoire
tunisien (O8.03). CHAPITRE VI11

LA METHODE DE DELIMITATION DU PLATEAUCONTINENTAL

8.01 Comme le sait la Cour, le Compromis du 10 juin 1977 pose deux questions :
il demande a la Cour, tout d'abord, de dire quels sont les principes et regles du

droit international applicablesh la delimitation du plateau continental entre les
Parties, en tenant compte des principes équitables et des circonstances pertinentes
propres à la région(ainsi que des tendances récentes admises à la Conférence sur le
droit de la mer); il lui demande ensuite de préciser la manière pratique d'appliquer

ces principes etregles à la situation précise, de maniere2i mettre les experts des
deux pays en mesure de délimiter les zones appartenant à chacune des deux Parties
«sans difficultéaucunes » (Art.1 du Compromis :M.T. 32.01; add. $5 2.03h 2.27).

Il résulte ainsi trés ciairement du Compromis que la méthode de délimitation
B appliquer doit êtredecrite par la Cour avec toute la précision souhaitable,pour
etre mise en Œuvre sans aucune difficulte par les Parties. 11en résulte egalernent
que la méthode proposée doit permettre d'effectuer une deIimitation conforme aux
principes equitables, tenant compte des circonstances pertinentes propres la re-

gion et appliquant les principes et regles de droit international indiqués par la Cour.
8.02 Le Gouvernement tunisien a consacré le chapitre IX de son Mémoireà definir

des methodes satisfaisant aux criteres rappelés ci-dessus, qu'il a soumis&sl'appré-
ciation de la Cour. Il estime que les conclusions du Mémoire libyen, au contraire,
n'y satisfont pas. Comme il a eté montré aux chapitres précédents, les propositions
du Gouvernement libyen ne constituent pas une application correcte des principes

et regles de droit international qu'il a pourtant admis et reconnus, et elles ne tiennent
aucun compte des circonstances pertinentes propres i?la région.
En cela, le Gouvernement libyen ne s'est pas conformé aux termes du Com-

promis qui constitue pourtant un accord international ayant pour lui force obli-
gatoire.
La délimitation proposée, d'autre part, estofondement inéquitable et, par là
meme, inacceptable et contraire au droit international, tel que l'a deja dégagéla

Cour Internationale de Justice (Rec. 1969,$5 87 et 92), pour qui c'est« une varité
première )) qu'une delimitation conforme au droit international doit être Quitable. 78 PLATEAU CONTINENTAL 1841

De plus, sous des apparences de simplicite et de netteté, la méthode de delimi-
tation proposée comporte de graves incertitudes. Elle n'est certainement pas de
nature tt« mettre les experts des deux pays en mesure de délimiter les zones (de

plateau continental) sans difficultés aucunes », comme le requiert le Compromis
du 10 juin 1977.

Ce sont ces deux derniers points qui n'ont eté abordes que brièvement dans les
chapitres précédents, qui seront plus particulierement mis en lumière dans le pre-
sent chapitre.

SECTION 1.- LES INCERTlTUDESDE LA METHODE

8.03 D'après le Mémoire libyen, « In the present case the continental sheIf off the
coastof North Africa is u prolongation to the north of the continental landmass, and
therefore the appropriate rnethod of delimitation of the areas of continental shelf
appertaining to each Party ...is to reflect the direction of this prolongation north-
ward of the terminal point of the land boundary » (22) (ML, p. 70, conclusion no5).

Cette conclusion combine deux façons de presenter la délimitation souhaitee
par le Gouvernement libyen, qui ne se confondent pas dans le corps de son MB-

moire. La Partie adverse indique que la méthode de delimitation qu'elle propose
« reflects the natural prolongation northward of the North African landmass x
(M.L. $8 116 et 120). En meme temps, elle prétend trouver un appui à cette mé-
thode dans le fait qu'une telle délimitation« consisterait en une projection vers le
nord du point terminal de la frontière terrestre))'entre les deux Parties (ibid.). Il s'agit

donc bien de deux méthodes, l'une fondée sur la géologie, l'autre sur la géographie
politique, reposant surdes considérations tout à fait diffbrentes(M.L. 5 120), et
supposées se renforcer l'une l'autre parce qu'elles parviendraient au mêmerésultat.
Elles méritent donc d'êtrexaminéesséparément.

5 1,- La reflexion du prolongement vers le nord de la masse continentale
nord-africaine

8.04 Ila été montré ailleurs (v. suprac ,hap. III,N et V), que l'idée d'unprolon-
gement naturel vers le nord de la masse continentale nord-africaine est une simpli-
fication fallacieuse, une« refonte de la nature », et qu'au surplus le prolonge-

ment naturel Ztconsidérer est celui de la Tunisie et celui de la Libye et non celui
du continent africain. On ne reviendra pas sur ces points.

La question poser ici est de savoir si la direction que suit le prolongement
naturel d'un pays est définie par la geo1ogie avec un degré de precision suffisant
pour être représentee par une ligne unique. Le Gouvernement tunisien éprouve sur

(22)wEn léspècele plateau continental au large de la côte de I'Afiique du Nord est unprolon-
appropriéededélimitation des zones de plateau continental relevant de chaque partie consiste doncmkthode
6 suivreledirectiode ce prolongement vers le nord du point terrninla.frontière terreBtre
(TraductionduGreffe). ce point quelques doutes qu'il a d'ailleurs exprimés dans son Memoire (M.T.
$9.15).Cette difficulté n'est absolument pas abordée par le Mémoirelibyen, mais on

peut se demander si le choix d'un terme aussi imprecis et malleabIe qu« to reflec»
n'est pas da B une certaine conscience de l'existence de cette difficulté, bien que le
Gouvernement libyen ait certainement de nombreuses autres raisons d'éviter Ies
termes trop précis.

8.05 Apparemment, la ligne « reflétant» la prétendue direction du plateau nord-
africain vers le nord est une ligne droite.

Indépendamment de l'indication « northward »,qui va dans ce sens, la mention
de la pratiqueBtatique invoquee par le Memoire libyen à l'appui de son exposé de
droit (M.L. 8 108) conduit à cette conclusion.

En effet, cette pratique étatique- d'ailleurs tres pauvre, puisqu'elle ne com-
porte que six cas dans une matiere où les accords de delimitation sont légion -
est présentée comme une serie d'exemples (le Memoire libyen parle de « nom-

breux » (!)exemples de « projection d'une ligneD) (ibid.).

8.06 Le point important et remarquable est que, dans aucun des cas cités par
la Partie adverse, laligne droite choisie pour délimiter deux zones de plateau conti-

nental n'est supposée « refléter la direction duprolongement naturel» du territoire
des Etats interessés (ou du continent auquel ils appartiennent). Aucune indication
dans les accords cités ou dans les circonstances de leur conclusion ne 'permet de
supposer que ce facteur a 6te prisen consideration. On peut tout tu plus observer
que, dans ces accords, la « projection d'une ligne » a étéchoisie « de manière h

obtenir une délimitation équitable », comme l'indique le Mémoire libyen lui-méme
(55 108 et 109).

De fait, il existe beaucoup de raisons qui peuvent conduire deux Etats & con-
venir d'adopter une ligne droite pour la delimitation de zones de plateau conti-
nental (23). C'est une méthode possible de délimitation parmi d'autres, susceptible
d'dtre utilisée lorsque les circonstances s'y pretent et quand les Etats intéressésse

mettent d'accord pour la retenir (24). Mais la grande question qui reste posée et qui
est resolue de façon tres diverse, on l'a vu, suivant les circonstancesproàrchaque
espece, est celle de l'orientatiZIdonner à la ligne en question.

Comme leMémoire libyen l'a bien relevé lui-meme, cette question appelle l'ap-
plication de principes equitables, en fonction des circonstances.

(23) Elles sont d'autant plus variées que,dans les exemples retenus pes Etats enl,
causese trouvent dans les situations les plus diverses les uns vis-&vis des autres. Dans certains
cas, ils sont limitrophes, dans d'autres, ils ne sont meme pas voisins, la daiopéréeon étant
entre un Etat et uou plusieurs îles appartenant B un autre Etat, maisde sonterritoire
principal (ColombieJCosta-RPays;-Bas/Venezuela).

que deux des mdthodes qu'il a lui-meme proposéesaboutissent au trace d'une lign(M.T.ite
Pa9.10et9.28).80 PLATEAU CONTINENTAL 1861

8.07 Malgre cette admission, le Mémoire libyen 2iaffirmer que, dans le cas

présent, la ligneà tracer doit((refléterla direction vers le nord du prolongement
naturel de lu masse continentale nord-africaine »,c'est-à-dire, apparemment, doit se
confondre avec le méridien passant par Ras Ajdir, bien qu'il ne le dise expres-
sément nulle part.

Ici encore, cette supposition se trouve confirmée par les cas de pratique éta-

tique appelés par le Gouvernement libyen au secours de ses theses et qui, selon
lui, montreraient que: K... The use.of Q line of longitude (or latitude) drawn from
the terminal point of the' land boundary of adjacent cmstal States. and projected
seawards as a maritime boundary, is well established, by State practice n (M.L.

5 116). (25).

8.08 Cette pratique ccbien etablier,résuIte, en fait, de trois accords (dont deux
figurent sur la liste des six précédemment utilisés),ce qui est plutdt maigre et peu
demonstratif (M.L. $8 117 à 119).

L'objet de la démonstration recherchée est incertain. Le Gouvernement libyen
y attache cependant de l'importance, puisqu'il ne se contente pas de consacrer un
paragraphe 2ichaque accord, mais produit encore des cartes til'appui de son expose.

Des cas cites, on peut certes déduire que l'utilisation d'une ligne de longitude (ou
de latitude) est possible, lorsqu'on a choisi la méthode de la ligne droite et qu'elle
se rencontre - bien que tres rarement - dans la pratique conventionnelle. Etait-
ce bien utile?

Dans les exemples cites, il n'est toujours pas question de lignes qui seraient

le « reflet)de la direction du prolongement naturel. Etant donnéla nature des lignes
de longitude et de latitude, il faudrait d'ailleurs une coïncidence extraordinaire
pour que cette direction, qui depend de circonstances géologiques et géographiques
contingentes, fOt exactement onentee vers le nord, le sud, l'est ou l'ouest, sans en

varier d'un seul degré. Il est vrai que, selon le Gouvernement Libyen, cette coïnci-
dence extraordinaire et, en termes mathématiques, extremement peu probable, se
rencontre dans le cas de la délimitation tuniso-libyenne.

8.09 Malgré ces divers indices qui tendent & faire croire que le Gouvernement
libyen a dans l'esprit une Lignesud-nord, il existe des raisons d'entretenir les doutes

Ies plus serieux à l'egard de sa véritable pensée. L'imprécision, leflou qui marquent
son exposé conduisent B s'interroger sur Ia raison d'&tre de tel ou tel argument et
sur sa signification exacte. Ils peuvent avoir Btémaintenus tr&s délibérement, afin
de permettre à ce Gouvernement de modifier ses propositions dans la suite de la

procedure.

8.10 Une des principales raisons qui alimentent ces doutes est la note diplomati-
que adressée par la Libye au Gouvernement tunisien, le 10 juillet 1980, pour expri-

(26) rLe recoursàune ligne de longitude (delatitudetracded purtidupoint terminaldela
frontière terresire d%tats cotiers limitrophes et se proloInmer en tant que limite maritime
est bientabli dans h pratique des Em(M.L. 8 116). (TraductioduGreffe). 1871 CONTRE-M~MOIREDE LA TUNISIE 81

mer ses plus completes réserves « d I'egardde tous agissements de nature à léser

ses droits« stîrs dansle plateau continental», àpropos d'un forage effectué pour le
compte du Gouvernement tunisien dans le Golfe de Hammamet, sur un site défini
par les coordonnées 360 13' 2" nord et 11020'6.. est (26).

3 Ainsi qu'il apparaft a la lecture de la carte ci-contre (figure n8-01), ce site
se trouve très nettement & l'ouest du méridien de Ras Ajdir (qui est approximati-
vement B 11" 33' est), donc B l'ouest de la Iigne qu'on pouvait supposer Btre celle

revendiquee par la Libye, B la lecture de son Mernoire.

8.11 Une ligne droite, traceeZipartir de Ras Ajdir et passant par le site foré,
ferait un angle d'environ trois degrés par rapport au méridien. Elle separerait les
Kerkennah des hauts-fonds découvrants qui les entourent et passerait B environ

9 milles de Ras Mustapha.

Une telle ligne n'aurait plus rien tavoir avec le prétendu« northward thrust »
de la masse continentale nord-africaine, qu'elle est supposee devoir« refllter))
d'apres le Memoire libyyn. On est ici amené h nouveau s'interroger sur la signi-
fication exacte du verbercrefléter>>dansle vocabulaire de la Libye, voire mme

sur la véritable orientation donnée par le Gouvernement libyen au « northward
thrust», simple instrument d'une volonté d'obtenir une ligne de delimitation rasant
du plus près possible Ies cBtes tunisiennes.

'
(2. - La projection vers le nord du pointtenninal de la frontiere

8.12 En apparence, la seconde methode proposée par le Gouvernement libyen, en
vuede renforcer la précédentepar « unautre argument » (M.L. $ 116), n'autorise pas
de telles variations.

Un examen attentif révele qu'il n'en est rien et qu'ici encore les approximations
et imprecisions daris lesquelles se complait le Memoire libyen excluent toute

conclusion nette.

8.13 La methode proposee est celle de « la projection vers le nord du point ter-
minal de la frontière terrestre» (M.L. § 116; add. J120).

La formule est malheureuse. La projection d'un point est un point, et non
une ligne.La présentation de la pratique déjh evoquée (supra 3 8.05) parlait de
la « projection d'une ligne» (ML. $108), ce qui n'&tait peut-etre pas plus juste,

eu égard aux exemples cites. La question n'est pas seulement de vocabulaire. La pro-
jection d'une ligne suppose qu'il existe une lignà projeter. Dans le cas d'une ligne
de délimitation du plateau continental, il ne peut s'agir que de la ligne de la fron-
tière terrestre, et c'est bien, semble-t-il, l'hypothèse envisagée dansIe Memoire

(26)CetteNote a déj8et4communiqu4e BlaCour parlettren datdu 25aolit1980, emême
en Annexe 11-7auprésent Contre-Mémoire.qui rejette lapréc. esdeux Notes sont reproduites 82 PLATEAU CONTINENTAL [88]

libyen. Mais dans les six exemples cités par ce dernier, aucun ne met en presence

d'une delimitation du plateau continental constituée par une ligne droite continuant
la frontièreterrestre.

8.14 La mêmeremarque peut etre faite pour la pratique relative A l'utilisation des
lignes de longitude ou de latitude, mentionnée dans le contexte de la méthode
présentement discutée (aux $8 117 à 119 dq M.L.) D.es trois exemples isoles cités,

un seul fait apparaître une frontiere maritime dans le prolongement de la frontière
terrestre : l'accord Gambie-Senégal (M.L. § 117). Encore, n'est-ce que pour une
partie de la délimitation.

Cet accord définit, en effet,deux lignes de delimitation, dont une seule, la ligne
nord, pourrait apporter un appui aux theses libyennes (27),

8.15 Dans les deux autres exemples cités, un simple coup d'Œil sur les cartes
reproduites dans le Memoire libyen (§$ 118 à 119) suffitZi montrer que la ligne

retenue n'est pas dans le prolongement de Ia frontiere terrestre.

, Les termes de l'hypothese définiepar le Mémoire libyen expliquent, d'ailleurs,
la rareté de la pratique : pour qu'une ligne de latitude ou de longitude puisse etre
le prolongement de la frontiere terrestre, il faut que cette frontiere soit elle-m&me
constituée par une ligne de longitude ou de latitude jusqu'à la cbte, ce qui est

assez exceptionnel.
Encore une fois, la pratique citée par le Mernoire libyen confirme si peu les

thèses libyennes qu'il devient extrêmement difficile de comprendre ii quelles fins
elle aéteinvoquée.

On ne doit pas oublier, d'ailleurs, que la méthode de délimitation par le prolon-
gement de la frontière terrestre avait déjàétecondamnée àia première Conférence
des Nations Unies sur le droit de la mer, à Geneve, en 1958 (28). Comment donc
l'invoquer « pour des raisons historiques » ?(M.L. § 120).

8.16 En fait, comme on l'a déj2vu (v. infra, $03.19 et S.), le Mémoire libyen vise
par là l'accord de délimitation de 1910. La formule de la « projection d'un
point » facilite le glissement de pensée déjà mentionne, permettant d'affirmer qu'il

n'est pas « déraisonnable » de penser que les auteurs du traite ont tacitement
acquiescé au probngement vers la mer du point terminal » de la frontiere, et
dans la proposition suivante que u ce prolongement vers lenord o aboutit au m&me
résultat que l'application de la méthode du « northward thrust » (ML. 5 120).

(27)La iigne nord est la continuation de la frontiére nord de la Gambie, elle-mdme constituee
par un paralléle. La nature meme de cette frontieterrestret la configuration de la cote
expliquent assez bien la soIution retenue.
La frontiere sud de la Gambie est Cgalement constitude par unlele sur une assez longue
distance, mais elle se continue vers la cote par une ligne leicours d'un petit fleuve. La
lignede delimitation est definie, de son cdtê,par deux points anàuenviron un mille de la
c6te et suit la ligne de latipartir du secondpoint. Elle est ainsi parla delimitation nord
mais n'est nullement dans le prolong-ede la frontitre terrestre plusqu'elle n'en constitue
la« projectio»).
(28) Voir, B ce sujet, les commentaires de la Cour, C.I1969 (8851 53). Le Gouvernement libyen tient-il, avec cet accord de 1910, la justification de sa
méthode de la « projection du point frontiérevers le nord » que la pratique étatique

ne lui apportait pas ?La nécessitéde recourir.& i'artifice rappele 21i'instant montre
déjàqu'il n'en est rien. L'analyse de la Convention du 19 mai 1910 confirme entiè-
rement et de manière indiscutable le bien-fonde de cette premiere impression.

8.17 Il convient,iacet égard, de rappeler tout d'abord que l'objet de la Convention
de 1910 n'était pas de déterminer une nouvelle frontière entre la Tunisie et la

Libye (Tripolitaine). Comme l'indique clairement son titre et son préambule, il
s'agit uniquement d'une convention de delimitation des frontières entre les deux
territoires u entretaMediterranee et le territoire- dépendant de la villeGhadamès n
(voirle text dee la Convention dansl'Annexe 94 au Mémoire tunisien, p. 291).

D'apres l'article ler de la Convention, la frontiere u part dpoint de Ras Ajdir
sur la Méditerranee, dansla direction genérale nord-sud »,pour remonter une sériede
thalwegs (art. 1). Ceci suffit au Mémoire libyen pour affirmer :

« Il may be assurned, absent of an agreement to the contrary, thatthe boundary
on the seaward side of Ras Ajdir would coitinue, or could be expected to continue,

in thesame, thatisa northerly, direction »(M.L.8 29).

8.18. cette affirmation peut-elle &tre considerée comme une démonstration ? Il
suffit pour en decider, de dernonter les operations mentales qui ont éténecessaires
pour la formuIer. Il a fallu, pour le MCmoirelibyen, apres lecture du texte de l'arti-
cle ler de la convention :

a) ignorer 'que la Convention est une convention de délimitation de la frontiere
terrestre « entre la Méditerraneeet le territoire dépendantde laville de Ghadamès)),
comme le dit expressément son préambule;

b) inverser le sens de la frontiere, tel qu'il figure danle traité, et supposer
qu'elle se termineA la cBte, alors que le traité indique expressement qu'elle part de
Ras Ajdir : en d'autres termes, transformer un vecteur nord-sud en un vecteur sud-
nord ;

c) ignorer que la frontierepart dans une direction générale nord-sud et en sui-
vant une ligne de thalwegs successifs, pour la transformer en une ligne droite sus-
ceptible d'Ctre prolongée, ou« projetke » sous la forme d'une autre ligne droite ;

d) gràce à ces subterfuges, supposer (to assume) que les auteurs de la Conven-
tion ont entendu fixer lafrontiere maritime entre les deux pays en mêmetemps que
la frontièreterrestre, alorsque, manifestement, la Convention ne concerne que cette

derniere, ainsi que le dit expressCrnent son preambule (et alors que les autorités
tunisiennes ont définitrès clairement et très diffëremment, six ans auparavant, la
limite orientale de la zone des droits historiques tunisienne)

e) créer une présomption selon laquelle, en l'absence d'un accord contraire, un
traité de délimitation des frontieres terrestres opere délimitation des frontieres
maritimes, y compris. cellës du plateau continental, meme si ceci est exclu par le
texte clair du trait; 84 PLATEAU CONTINENTAL 1901

f) oublier que l'institution du plateau continental était totalement inconnue en

1910 et qu'un traité de délimitation de cette Ppoquene peut certainement pas avoir
spécifiquement définiles linlites séparant des zones de plateau continental.

8.19 L'exposé de ces diverses opérations, ou manipulations, suffit sans doute à
expliquer pourquoi elles n'ont pas et6 expliquéesdans le Mémoirelibyen, mais seule-
ment « impliquées » dans l'affirmation généralereproduite plus haut.

L'Accord de 1910 ne peut donc fournir aucune base la théorie de la(<projec-
tion vers lenord du point terminal de la frontiére» et ceci d'autant moins que la
frontiere ne suit une direction générale nord-sud, que sur une fraction assez courte
de son parcours (29) et que sa direction générale n'est donc pas constituée par une

droite, encore moins par une ligne de longitude, et ne peut donc pas être
« projetée »- ni m&meproiongée - par une ligne droite sud-nord.

La seoonde méthode proposée par le Memoire libyen, dont les bases juridi-
ques s'étaient révélées d'uneextreme faiblesse, puisqu'elle n'était pas jutifiée par
la pratique invoquée à son appui. manque donc aussi totalement, d'une base de fait,
que la premiére, à Iaquelle elle était pourtant supposée apporter un soutien.

II n'y a pas lieu d'btresurpris que la délimitation, résultade méthodes cons-
truites sans tenir compte des réalités physiques de la région,aboutissà in resultat

totalement inéquitable. On a, d'ailleurs. pu d6jBconstater que la Convention de 1910,
non susceptible de justifieIadélimitation proposée en fait et en droit, ne pouvait
pas davantage lui conférer le caractère équitable qui lui manque (v. supra $ 3.20).

SECTION II.- L'INIQUITE DE LA DELIMITATION

8.20 L'iniquite de la délimitation obtenue par application de ia ou des méthodes
définies dans le Mémoire libyen et son caractère spoliateur n'ont pas à &tre
démontrés.Ils sautent aux yeux à la seule vue d'une carte sur laquelle cette déli-
mitation a étéreportée. Pour la commodité de la Cour, la carte déjà produite au

@) chapitre III (fig.3.01) est reprise ci-contre. II suffit de reprendre les remarques
déjà faites au mêmechapitre (5 3.16).

La délimitation proposée prive presque completement la Tunisie des zones de
plateau continental qui lui appartiennent à l'est. Elle attribuà la Libye, au titre
du plateau continental, des surfaces importantes de la zone sur laquelle la Tunisie
possede des droits historiques, de sa mer territoriale et meme de ses eaux intérieures;
ce qui est un résultat absolument extraordinaire.

Les surfaces ainsi enlevées à la Tunisie - et qui sont totalement indepen-
dantes de son plateau continental - s'évaluent de la façon suivante : 7.328 km2

de la zone des droits historiques, dont : 1.909 km2 de mer territoriale et 129 km2
d'eaux intérieures.

@ (29)Cette fraction constitu1/9eenviron du trace todela frontibe:voir figu8.02ci-
contre. CONTRE-M~MOIREDE LA TUNISIE 85

8.21 Le Mémoiretunisien (g# 4.103 -4.104 et 8.03 tt8.05) a exposé les raisons de

droit pour lesquelles la zone de droits historiques est, en tout etat de cause, tuni-
sienne et ne peut faire l'objet d'aucune sorte d'empiétement dans I'opération de
délimitation des zones de plateau continental. 11 n'est pas nécessaire de revenir
sur ce point que le Gouvernement tunisien maintient tr&sfermement.

Il n'est pas utile, non plus, d'insister sur le fait que toute opératian de délimi-
tation de plateau continental doit respecter l'intégralité de la mer territoriale et

des eaux interieures de chacun des Etats intéressés, puisque l'article ler de la
Convention de Genève, repris intégralement, sur ce point, par l'article 76 du projet
de Convention sur le droit de la mer (texte officieux) de la troisième Conférence
des Nations Unies, dispose que « le plateau continental d'un Etat cotier comprend les
fonds marins et leur sous-sol au-delà de sa mer territorial..» (on sait que, selon

la Cour, l'article ler de la Convention de Geneve est declaratif d'une regle coutu-
rniere) (voisupra. 5 2.13).

La ligne proposée par la Libye modifierait donc les limites de la mer territoriale
et des eaux interieures tunisiennes. En l'espèce, indépendamment de toutes autres
considérations, une telie décision excéderait la compétence de la Cour qui n'a été
chargée, par le Compromis du 10 juin 1977, que de se prononcer sur la délimitation

de zones de plateau continental.

8.22 Pour parvenir à une proposition aussi extraordinaire, Ia Libye a dQ prendre
aussi des positions tout à fait étonnantes sur le plan du droit. Elle n'apas hésité
B le,faire, mais a procédk ici comme trés souvent ailleurs, par voie d'affirmations
catégoriques et non assorties de preuves. C'est ainsi qu'elIe n'a pas reculé devant

l'assertion que « l'archipel des Kerkennah n'a pas de plateau continental propre »
(M.L. 5 81), sans s'embarrasser d'accompagner cette affirmation stupéfiante d'aucu-
ne espèce de justification, alors pourtant qu'elle contredit totalement l'articIe 121
du projet de convention sur le droit de Ia mer, qui fait partie des « tendances

récentes admises d la troisiéme conférence sur le droit de la me».
De façon plus etonnante encore, le Mémoire libyen proclame : « Although

large segments of the Tunisian coast(30) face southeastward and eastward, no areas
of continental shelf appertain to these segments of the Tunisian coastline >»(M.L.
3 74, souligné par' nous). C'est créer une nouvelle categorie juridique, jusqu'alors
inconnue en droit international, celle des côtes maritimes dépourvues de tout droit
sur le plateaucontinentaI qui les borde.

On rechercherait vainement dans les travaux des trois conferences sur le droit

de la mer, dans la jurisprudence internationale et dans la pratique des Etats, le
moindre élément qui pourrait alIer dans le sens d'une théorie aussi fantastique.

8.23 Enfin, comme il a Btérelevé ailleurs (supra, §§3.22 et 7.03),le Gouvernement
libyen se garde bien de faire application du facteur de proportionnalité pour apprecier,

(30) En fait ii s'destdeuxtiers de la longueotale decotestunisiennes.86 PLA'TEAUCONTINENTAL - P2]

au point de vue de l'équité,la ligne de délimitation qu'il propose, alors qu'il utilise

abondamment ce meme facteur pour démontrer l'iniquité d'une ligne d'equidistance.
On a montré déja que la methode imaginée par le Mémoire libyen pour mettre

en Œuvre le facteur de proportionnalité etait fausse et inacceptable, parce que tota-
lement tendancieuse (supra, §§ -7,ll à 7.27.) Malgré les vices de cette mé-
thode, il n'est pas sans intéret de voir les resultats qu'elle produit, si elle est appli-
quee la delimitation proposée par la Partie adverse.

8.24 Dans une zone définie comme il est dit au paragraphe 147 du Mémoire libyen,
c'est-&-dire par une ligne de latitude tiree partir de Ras Kapoudia et par une ligne

de longitude tiree d'un point'sur la c8te libyenne, une distance égale de Ras Ajdir,
et définissant une surface de 73.675 km2 (et non 62.000, comme l'affirme le Memoire
libyen), la ligne de delimitation tirée de Ras Ajdir vers le nord, reclarnée par la
Libye attribue 55.160 km2 'à la Libye, soit 75Rde la surface totale et 18.515 km2

& la Tunisie, soit 25%.
Si pour Ctre pIus fidèle à la pensée de la Cour, dans son arret de 1969

($ 1.01-D3), on recherche le rapport existant entre l'étendue de plateau continental
relevant de chaque Etat et la longueur de ses cotes, rnesuree suivant leur direction
gknérale, les chiffres sont les suivants : il est attribàéla Libye 245 km2 de plateau
continental par km de cbte et la Tunisie 82 km2 de plateau continental par km

de cote.
8.25 Ces chiffres se passent de commentaires. Ils seraient encore beaucoup plus

excessifs si on prenait en considération la totalité des &tes tunisiennes et la tota-
lité des cbtes libyennes, comme l'avait prescrit la Cour, et si on prenait en consi-
dération les effets des délimitations actuelles ou potentielles avec l'Italie et Malte.

Ajoutees aux remarques précédentessur les incertitudes et la totale iniquite de
la methode, cei quelques indications chiffrées demontrent surabondamment que la
methode de déIimitation proposfie par la Libye ne peut qu'être catégoriquement

rejetee-par la Cour. CONCLUSIONS

Sur la base des considérations de fait et de droit exposées dans le Contre-
Mémoire présenté par la République Tunisienne, plaise & la Cour de dire et juger :

1.- En réponse B la premiére question posée & l'article 1 du Compromis du
10juin 1977 :

1. La delimitation visee au dit article (ci-apr8s designee: la délimitation) doit
s'opérer de maniere que, compte tenu des données physiques et naturelles propres

& la région, il soit attribu& chaque Partie la totalité des zones du plateau conti-
nental qui constituent le prolongement naturel de son territoire sous Ia mer et
n'empiètent pas sur le prolongement naturel du territoire de l'autre Partie;

2. La délimitation ne doit, en aucun point, empiéter sur la zone l'interieur
de laquelle la Tunisie possede des droits historiques bien établis et qui est definie

lateralement, du cbté libyen, par la ligne ZV = 450et vers le large, par l'isobathe
50 mgtres;

3. La delimitation doit aussi s'opérer conformement des principes équitables
et compte tenu de toutes les circonstances pertinentes propres B l'espèce, etant
entendu qu'un équilibre doit etre établi entre les diverses circonstances pertinentes,
afin de parvenir à un resultat équitable, sans refaire la nature;

4.La règle définieaux paragraphes I et 3 précCdentsdoit Btre appliquCe, en tenant
compte de ce que les données géomorphologiques propres à la région ont permis
d'établir que le prolongement naturel de Ia Tunisie s'étendde façon certaine. vers

l'est, jusqu'aux zones comprises entre les isobathes de 250 et 300 mètres et, vers le
sudest, jusqu'd la zoneconstituéepar les rides de Zira et de Zouara;

5. Dans les zones situées tt l'est et au sud-est de la région ci-dessus definie,
la délimitation doit tenir compte de toutes les autres circonstances Pertinentes pro-
pres à la region, notamment :

a) Du fait que la façade orientale tunisienne est marquée par la presence d'un
ensemble d'îles, flots et hauts-fonds découvrants qui sont une partie constitutive du
littoral tunisien;

b) Du fait que la configuration générale des cotes des deux Etats se trouve
reflétceavec une fidelit6 remarquable par les courbe sathymetriques dansla zone88 PLATEAUCONTINENTAL
i941

de délimitation et que ce fait n'est que la traduction de la structure physique et
géologique de la region; qu'il en esulte que ieprolongement naturel de la Tunisie
est oriente suivant une direction ouest-est et celui de la Libye suivant une direction
sud-ouest/nord-est;

c) De l'effet d'amputation qui pourrait résulter pour la Tunisie de lPanguIation
particuliere du littoral tuniso-libyen, combinéeavec la situation sur la cBte du point-
frontiére entre les deux Etats;

d) Des irrégularités caracterisant les cBtes tunisiennes et résultant d'une suc-
cession de concavités et de convexités, comparées & la régularitégénerale des cotes
libyennes dans la zone de délimitation;

e) De la situation de la Tunisie face des Etats dont les côtes sont peu éloi-
gnées des siennes et des effets rksultant de toute délimitation actuelle ou &en-

tuelle effectuéeavec cesEtats.
II,- En rdponse la deuxième question posée $Il'article I du Compromis du

10 juin 1977 :

1. La délimitation devrait conduire au tracé d'une ligne ne s'écartant pas sensi-
blement de celles qui résultent de la prise en considération des facteurs géomorpho-
logiques propres h la région, notamment l'existence d'une ligne des cr&tes cons-
tituee par les rides de Zira et de Zuara et de l'orientation genéraie des prolonge-
ments naturels des territoires des deux pays vers la plaine abyssale de la Mer

ionienne;

2. La ligne de délimitation pourrait alternativement :
a) Soit etre constituée par une ligne tracee la hauteur de la frontière tuniso-
libyenne parallèlement A la bissectrice de l'angle formé par le littoral tuiso-libyen

dans le Golfe de Gabès (voir paragraphe 9.25 du Mémoiretunisien).
b) Soit &tre déterminée d'après l'angle d'ouverture du littoral, la hauteur

de la frontière tuniso-libyenne, en proportion de la longueur des cotes concernées
des deux Etats (voir paragraphes 9.30 A 9.34 du Memoire tunisien).

Slim BENGHAZI, Sadok BELAID,

Agent du Gouvernement . Co-Agent du Gouvernement
de la RépubliqueTunisienne de la Republique Tunisienne ANNEXES AU CONTRE-MÉMOIRE DE LA TUNISIE

Annexe I

Ltnde scieaîiüque du mémrii sibyen d de son wxe iï *

1.- INTRODUCTION
La présenteétudea étéétabliepar le groupe d'experts soussignésB la demande

du Gouvernement tunisien. Son but est d'apprécier la réalitédes données d'ordre
physique (géologique et geographique) exposees dans le Mémoire libyen et ses
annexes, et lavaleur des arguments qu'il en tire.
Le Memoire soumis i~ la Cour par le Gouvernement libyen. n'a pas fait
appel seulement des donnees géographiques apparentes. mais B d'autres données
physiques, principalement géologiques,concernant la région.
Or, la géologieportant sur l'dtude des changements de l'écorceterrestre sur-

venus depuis plusieurs milliards d'années, nous met en possessiond'un très grand
nombre de données différentes, relativesaux étapes successives, parfois de courte
durée,de l'évoiutiond'une.régiondonnée. Ces données sont synthétisées. par Ies
géologues enune longue suite de « géographies » successives d'un pays considéré.
Dansle cas àe laTunisie, de la Libyeet des zonessous-maripes adjacentes,
ces donnéessont Ws nombreuses. du fait que la recherche de ressources minérales

dans le sous-sol terrestre et maritime, a conduBune etude intensive dela géologie
de surface et & la réalisation d'un grand nombre d'études géophysiqueset de fo-
rages ,ui ont conduit& une bonne connaissance du sol et du sous-sol.
Devant la multitude de ces données,les expertsussignes pensent qu'une hiérar-
chie doit etre établieentre eliés,quaBtleur valeur probante, de sorque l'ondoit

prendre en considération,avant tout, celles etablies avec certitude, et celles ayant
une relation directe et etroite avec le probleme consid&r&
1"'En ce qui concerne le degré de certitude: On peut considdrer comme cer-
taines etfiablq les données quisont visibles et concr&tes,.ne pouvant preter .&
discussion, telles qu: le relief terrestle,tracédes cbtes, la ghlogie de surface

concrétisée pardes cartes publiéeset les donnees geologiques observéesdans des
forageD s.ans cette catégoriede donnees sûres, on citera aussi 1es:doméeçbathy-
métriques.puisque la régiona étkBtudiéeen détail, Sibien que l'on peut dire qu'il
existe déj8,Ace sujet, entre les specialunteaccord general qui apparait dans la
très grande similitude des cartes du relief sous-marin jointes au Mémoire'tuiiisienet
au Mémoire libyen.

*Cette étudeétépdparée parP. F. Burouet, géologue,doèssciences, inenieut ENSPM;
R.iaffitte, géologue.doc&ssciences, professeur honoraireauMuseumnational d'histoirenaturelle.
hrmiences;C. Moreni, geophysicien, dèstsciences. directeur de l'institut degéwines et de
physiqueappliquée & l'Universitéde Trprolesaeu* de géophysique appliquée& I'Univenritéde
'Riest:D. J. Staiiley, océauolpaphe.docteurassicences.
Iaprésenteétudscientifiétablietitre personpalessignatain'engagai responslbiiit.6
deorganismes aseidequelailtravaillent ni celles de leurs gouvememenb.90 PLATEAUCONT~NENTAL 141

Par contre, les données géologiques déduitesde mesures physiques effectuees
en surface, c'est-&-direles donneesgéophysiques,ne peuvent Btre considerees com-
me tres proches de la réaliteque dans la mesure oii elles ont Bté verifiéeslocale-
ment par des sondages ou établies sur la base de donnees de sondages.

20) En ce qui concerne ensuite la pertinence : Les données peuvent etre consi-
déréescomme plus ou moins pertinentes, selon leur rapport - proche ou éloigné -

dans le temps et dans l'espace avec le problème pose, & savoir la délimitationd'un
plateau continental.
Les arguments ayant uneplus grande valeur sont ceux qui concernent la cote

et ses abords immédiats, aussi bien cotéterre que cotémer, et ceux qui cancernent
la constitutiondu plateau continental lui-même,c'est-&-direla partie du sous-sol
comprise entre le fond de la mer et une profondeur de quelques centaines de
metres. Par contre, les arguments concernant des zones eloignées des rivages, ou
tr&s profondes sous les mers, peuvent etre considerés comme ayant une valeur
moindre que les précédents.

En ce qui concerne la notion de temps, il convient aussi d'accorder une valeur
plus grande aux données géologiques relatives auxperiodes récentesoutrésrecentes
- c'est-&-direapproximativement aux 7 derniers miIIions d'années - qu'h celles
concernant les périodesanciennes ou très anciennes, remontant B 400 ou 500 mit

lions d'annéeset qui n'ont que des rapports très lointains avec la nature actuelle.
en raison des modifications profondes survenues depuis lors.

Il convientB présent. apres .une critique genérale, d'examiner une h une les
catégories d'arguments présentésdans le Mémoirelibyen et son Annexe II.

II- CRITIQUEGENERALE

A. - Présentation
On doit d'abord remarquer que le Mémoirelibyen (1) est matdriellement bien
présentégrilce h une excellente typographie, et que l'illustration par des planches

et des figures claires donne l'impression de pouvoir apprehender son contenu assez
rapidement.
A queIques exceptions près, le style est direct, mais il y a quelques cas 00

l'on hésite sur le sens & dnnner & certaines expressions, telle le « Nortbward
thrust » (2).
Les faits géologiques relatés eux-memes sont, dans beaucoup de cas, reels,

empruntes des auteurs ayant publie leurs observations ainsi livrées& la critique
internationale. Mais l'interprétation qui en est faite est souvent critiquable.

(1) Pour les renvoice Memoiresera ddsigneci-apr&parle sigle :M.L.
(2)#Le Dictionnairde8 Termes Géologiques* (Dolphin BookNew York, 1962)définit le
mot aThnrrfwcomme étantrafnuloccurrininplaceof the ouerturnedlimb of a fold v. ANNEXES AU CONTRE-MEMOIRE

B. - La méthode de raisonnement dans le Memoire libyen

a) Juxtaposition et non-déduction :
Il est tres souvent difficile de suivre les développements du Mémoire libyen

dans la présentation de son argumentation.
On notera une apparence de logique qui fait succéder l'affirmation d'une idée

la citation d'un fait, comme si un lien logique existait entre le fait et l'idée. Or
souvent, on observe qu'il s'agit, en réalité,d'une juxtaposition et non d'une déduc-
tion. Un exemple :dans le paragraphe 74 du Mémoire libyen on lit :« The geography
of southern Tunisiaand north-western Libya demonstmtes tht the predomimnt corn--
mon feature of these areus is the northward thrust of the Sahara desert and

the great North African plateau ».Or, si I'on se reporte aux paragraphes qui le pré-
cèdent, on ne trouve nulle part la preuve ni la démonstration d'un tel « northward
thrust » du Plateau africain.

Le mêmeparagraphe 74 continue en disant : « The predominant geological fea-
tures (discussed in paragraphs 61 through 68 above) demonstrate thut the continental
shelf is the natural prolongation northward of this portion of the North African
landmass ».Or, le geologue qui lit les paragraphes 6168 n'y trouve pas les éléments

d'une démonstration.

b) Raisonnements « dkviés »

Les affirmations en cascade, les variationde vocabulaire, les termes employes
improprement conduisent parfois assez rapidement & des deviations qui aboutissent
avec une logique apparente des conclusions contestables :Ainsi, on lit au 8 64
(page 28 du M.L.) ,pr&s un paragraphe consacré entièrement au Bloc pélagien :
« Thus, the entire iandmass of Tunisia, west of the Pelagian Basin is, in tectonic

terms, part of a totally different geological domain from the continental shelf off
the Tunisianand Libyan coasts... ».
Le lecteur pourrait etre ainsi ameneh penser qu'en dehors de la Tunisie occi-

dentale (à i'ouest de l'Axe nord-sud), il n'existe pas d'autres territoiretunisiens.
Or, en réalitéentre l'Axe nord-sud et la Mer pélagienne, ilaytoute la Tunisie orien-
tale et une grande partie dela Tunisie méridionale (la Jeffara tunisienne); par conse-
quent, la phrase citee ci-dessus est tendancieuse et introduit la confusion dans l'esprit
du lecteur. De tels exemples de raisonnement dévié,pouvant conduire à des appré-

ciations erronées, sont nombreux tout au long du Mémoire-Iibyenet de son Annexe II.

C. - Les contradictions du Mémoire iibyen

La crédibilité du Memoire libyen est fortement affectée par l'existence de
contradictions entre diverses parties du Mémoire, de son Annexe II et entre letexte
et les planches. On trouvera ci-apres des exemples de ces contradictions qui abon-
dent aussi bien dans le Memoire que dans l'Annexe et meme i4l'intérieurd'un meme
paragraphe. 92 PLATEAU CONTINENTAL [16-171

a) Lescontradictions glnérules :
Les theses gkologiques libyennes s'appuient sur quatre catégories d'arguments :

1) Référence a la tectonique des plaques pour invoquer la prédominance d'une
direction sud-nord.

2) Unité géologique, morphologique et physiographique du Bloc pelagien, en y
incluantla plaine de la Jeffara libyenne et tunisienne, au node la aPermian hinge
lin», et la Tunisie orientale.
3) Continuité fondamentale du Bloc pélagien avec le craton saharien jusqu'au

Crétace supérieur. (80 M.A. environ) (3).
4) Analogie de ce meme Bloc avec le Bassin de Syrte, partirdu Crétacé supé-
rieur, basée sur les facies géologiques et sur l'orientation des failles.

-L'examen attentif de ces quatre points principaux montre qu'ilssont en contra-
diction entre eux. En effet

- Le 2ème.point - unitégéologique - est en contradiction avec 38me - con-
tinuit avec lecrato naharien - car, laprésenced'une flexure (aPennian hinge lin#)
qui est un argupent pour justifier l'individualité du Bloc pélagien (poinno 2) est
tout ?icoup ignorée pour invoquer au point 3 une continuité« fondarnentole » entre
le Bloc pélagien d'une part et le craton saharien d'autre part, h travers cette

tPermian hingelinen.
- De meme,les points 1 et 4 sont en opposition, puisque les directionsaux-
quelles le Mémoirelibyen est arrivé, sont nord-sud, alors que celles qu'il invoque
dans le Mme point sont nord-ouest/sud-est.

b) Les contradictions particulière:

Les èxemples de contradictions entre le texte et les planches (ou les figures)
sont les plus nets. En effet, les figures semblent souvent &tre une image proche de
la réalitequ'elles représentent. alors que le texte n'est pas conséquent.in sidans
le g 67 du M.L. (page 29), on litune description du plateau continental dans laquelle
est soulignée, comme d'ailleurs dans bien d'autres parties du Mémoire,l'importance
des « main tectonictrends » qui sont refletes dans la bathymétrie, tandis qu:«no

equiwknt topogmphic relief isfound anywhere in the present Tunisian landrnassfi.
Or, si l'on se reporte B la planche 5 de l'Annexe IIdu meme Mémoire,on voitfigurer,
sur une t&s grande partie du territoire tunisien, des fossés tectoniquestout B fait
analogue &sceux du Bloc pélagien, non seulement par leur forme,mais aussi par leur
age t&s récent (moins de 7 miiiions d'annees). Ces fosses tunisiens se rapprochent
de ceux du Bloc pélagien beaucoup plus que ces derniers ne se rapprochent des

fossés d'effondrement du Bassin de Syrte. (Voir cartES-1).
De mhe. le texte essaie d'établir une analogie étroite entrle Bloc pelagien

et-La Plate-formesaharienn (effara méridionale et Hamada El Hamra) :M.L.1 61.

(3) Le siglMA. désigne:Millions d'annk@ p. 27 et Annexe II, chap. II et gnclusionspp. 19-20. Or, l'examen des planches 1 et
2 de l'Annexe II du Mémoire,comme on le verra (4),contredit immédiatement cette
@ affirmation. En effet, on voit clairement sur ces planches que la Plate-forme saha-
rienne (« Saharian platform ») qui est la Masse terrestre africaine(a African land-
mass ») est nettement séparéedu sous-sol du Bloc pélagien vers le nord par une

ligne charnière importante (~Permirrnhiwe linen). Cette demarcation est d'ailleurs
confirméepar les notes explicatives du bas des planches qui, dans les deux cas, indi-
quent que l'on a observé,du sud au nord, des unités geologiques différentes: le sud
(A gauche de la «Permian hinge linen) correspond B l'«Afrimn landrnass,,.tabu-

laire avec une couverture de couches géologiques peu épaisses et s'oppose au nord
(à droite de la cPemian hinge linew) plusOU moins plissk, avec des couches géolo-
giques beaucoup plus épaisses. Non seulement iln'ya pas de démonstration du
fait annoncé, mais plus clairement encore que le texte, les planches fournissent la
preuve que l'appartenance pretendurnent démontree est en realitéinexistante et qu'il

y a, au contraire, une discontinuité évidente.

D. - Le recours & des faits lointains

Le Mémoire libyen et son Annexe II font appel très fréquemment des faits qui
ont peu de rapport avec le problérne du plateau continental, tel qu'il se pose actuel-

lement, en faisant référence& des faits lointains dans l'espace et dans le temps et
qui, ainsi que cela aeja éteindiqué,n'ont qu'une valeur secondaire.

Nous citerons d'abord un exemple de faits lointains dans l'espace : Alors que
la demarcation du plateau continental doit se situer au voisinage du point-frontiere
de Ras Ajdir, on trouve très peu d'arguments conduisant A une comparaison entre le
Blocpélagien et les zones terrestres immédiatement adjacentes, Au contraire, les

comparaisons sont faites par le M.L. essentiellement entre le Bloc pelagien et la
zone située au sud de la Syrie, qui en est tres éloignéeet nettement séparee.

Autres exemples de faits lointains dans le temps : Pour prouver des analogies
entre le Bloc pélagien et la Libye, le Mémoire libyen se r8féreà des analogies de
faciès de dépbts datant de l'ére secondaire et du débutde l'ere tertiaire (Annexe II,
pages JO et 11, planches 1,2, 3 et fig.7),c'est-&-diredes époquesremontant jusqu'à
environ 200 millions d'annees avant l'époqueactuelle. L'importance accordée & cer-

tains dépôts de ces &poques lointaines (par exemple llEoc&ne,35 à 55 M.A.) paraît
d'autant plus contestable que l'examen de la carteES-2 montre que les terrains sous
la Mer pélagienne ont plus d'analogie avec ceux existant en Tunisie qu'avec ceux
existant en Libye.

E.- Les inexactitudes

Les inexactitudes ne sont pas absentes du Mémoire libyenet de son Annexe II.
Certaines sont relatives3 des faits matériels localises et précis,facilàsverifier et
qui ne peuvent donc pas &tre contestés.

(4)CfInfra, III,Cp. 25. 94 PLATEAU CONTINENTAL
1201

Exemple : Page 1i de l'Annexe II, 4e alinéa, sous le titre « Middle Eocene to
Holocene (Recent) » on lit :« These rocks thin out gradually eastward from Al-137
and areubsent in the Jarrafu-1well...».

Or. la coupe authentique et originale de ce puits situe en zone tunisienne, a
rencontré ces terrains, pretendurnent absents, de 2.330metres h 2.443metres de

profondeur (5). Quoique ces faits aient peu de rapport avec la question de delimi-
tation, ils montrent que malheureusement, il faut faire attention a certaines affirma-
tions dont l'exactitude n'est pas toujours slire.

Ceci est encore plus grave lorsqu'on cite des auteurs et que ces citations sont
inexactes ou entachées d'erreurs - matérielles peut-&tre - mais qui en modifient

parfois profondément le sens,

Ainsi, l'Annexe II du Mémoire libyen cite aux pages 15 et 16 un article de
Burollet et al. (6) d'oh est reprise la phrase suivante: « As opposed to the other
Mediterranean basins, the continental shelf here is very wide arid the continental
slope descends gradually away from the Libyan coast to a depth of 400 m...»(sou-

lignépar nous).

Or, le texte original indique 4.000 et non 400 m et la signification de la citation
est complètement déformée.

De même un peu plus loin, à la page 16 de l'Annexe II, dans une autre citation
du mêmearticle on lit: ~Between the Pelugian Islands, Maita and SiciS. the plat-
form is broken by a graben, the throw of which could be greoter than 100 m ».Fr,

ici aussi, la citation est inexacte, le texte original porta1.000 m et non 100 m. Le
sens est, sinon totalement modifié,du moins anormalement atténué. .

F.- Les r4ductions et omissions

On doit enfin signaler que le Memoire libyen réduit considerablement la place
accordée A .certaines données de base, cependant fort importantes pour le sujet

examine.
Nous citerons titre d'exemple de réduction de faits de base importants &

connaître mais minimises dans le Mémoire libyen, les données bathymétriques. Ces
données sont essentielles en ce qui concerne le plateau continental, dont les défini-
tions successives ont toujours eu pour base principale les questions de profondeur

de la mer autour des terres émergees. Historiquement, c'est meme par la bathymetrie
seule que s'estintroduite dans la science la notion de plateaucontinental.

(5) De 2.330 h 2.388m: marnes de I'Eocènesupérieur;de 2.388 A 2.443m: marnes ct
calcairede IJEocéne oyen.

(6) *The Geology of the Pehgiun Bloc: theMargim and Busino offSouthern Tunisiaand
Re=. New York and London, 1978.etF.G.Stehli#The Ocean B06irUand Murgins*Vol.4B,Plenum Ainsi, dans le Mémoire libyen, la géologie.proprement dite et la lithologie (qui
n'en est qu'une partie) sont traitées en 68 lignes tandis que la bathymétrie, jointe
B la géomorphologie, n'occupe qu'une partie de 25 iignes du meme ~émoire (cf.
p. 27 il30, paragraphes 60 h 69). De meme dans l'Annexe II, la geologie occupe

près de cinq pages, tandis que la bathymétrie n'occupe meme pas une page (bas
de la page 16 et haut de la page 17). Elle n'est d'ailleurs pas individualisée d'une
maniere nette, partageant une section avecla physiographie.

Non seulement les données touchant A la bathymétrie ont ététraitées brievement,
mais deux citations prises dans un texte relatif à des généralitéssur le « Pelagian
Basin »,extraites de l'Annexe II du Mémoire (page 8) montrent que cet aspect du

plateau continental a été systématiquement minimise :
- ...aThe PelagianBasin ...Its surface topography, reflected in the bathyrnetric
maps, isquite incidentaf » et plus Ioin dans le même alinéa: « And the PelagianBasin

tilts to the east, thus giving shallow waters to the West, near the Tunisian Coast,
and deeper waterts owurds the eastern limit of the basin. Howeuer. these aresuperficiai
topographie featuresof little consequence (soulignépar nous).

Ainsi, les données topographiques et bathymétriques ont étéminimisées quan-
titativement, par la reduction donnée à leur expose et qualitativement, par les
commentaires qui tendent à dissimuler leur valeur d'argument essentiel.

A &té de cet exemple de réduction,on doit citer unexemple d'omission à peu
près totale : Celui concernant la Tunisie orientale, entre le Cap Bon au nord et

leGoIfe de Gabes au sud, auquel il n'est fait que des 'allusions. En effet,cette impor-
tante partie de la Tunisie (l1/4 du pays environ), qui, depuis les regions élevéesde
l'ouest du pays, s'abaisse vers l'est et, par-delà le rivage, se prolonge réguliérement
pour constituer, sans rupture, le plateau continental sous la Mer pélagienne, figure

bien sur les cartes du Mémoire libyen,mais n'est jamais décrite. Cette omission rev&t
de l'importance, du fait que, comme le reconnaissent le Mémoire libyen et son
Annexe II,le Bloc pelagien s'étend sur le territoire tunisien jusqu'h l'Axe nord-sud,
et inclut donc la Tunisie orientale.

Cette omission est d'autant plus regrettabIe qu'une description morphologique
de la Tunisie orientale ferait rapidement et clairement apparaître la très grande
'
parenté qui existe entre elle et le plateau continental à délimiter; ce qui n'est pas
étonnant puisqu'il s'agit du mêmeBloc pélagien(voir Mémoiretunisien (7), pp. 147-
154).

En rksumé, on peut raisonnablement. affirmer que l'exposédes faits présentés
dans le Mémoire libyen et son Annexe II ne conduit pas aux conclusions auxquelles
ce Mémoire est arrivé et ne constitue pas une demanstration; et ceci maIgré

l'emploi d'expressions teIIes que « demonstrate », ou des affirmations telles que
« appertain to Libya as a matter of fact n, ou encore « leads to the inescapable
conclusion 1).Il ne s'agit 12 que d'affirmations contredites parles faits.

(7) Ce Mémoiresera désignéci-aprb par le sig:M.T. 96 PLATEAU CONTINENTAL [221

De meme, les contradictions internesentre les diverses parties du Mémoire
libyen et surtout entre le texte et les illustrations, témoignent de laliberte que

ce Memoire prend avec la realite des faits.

Les raisonnements dont le Memoire libyen fait état, s'ecartent souvent de la
logique. Les faits evoquds, trop lointains dans le tempsou dans l'espace, n'ont que

peu de rapports avec la zone m&me 09 se pose le probléme et comportent parfois
des inexactitudes.

Enfin, les réductions et les omissions affectant l'exposédes données essentielles
concernent toujours les données peu favorables aux thèses libyennes.

III- EXAMENCRITIQUEDES ARGUMENTSGEOLOGIQUES

A. - Reference & la tectonique des plaques

Le Mémoire libyen semble, sans le dire explicitement, établir une relation
entre l'extension vers le nord de la plaque africaine et le choix d'une direction
priviiégiee sud-nord pour la délimitation du plateau continental,

A ce sujet, il convient de remarquer que si les experts soussignés sont d'accord
.avec la communauté géologique internationale sur les principes de base de la tec-
tonique des plaques, ils estiment devoir souligner que cette théofie n'a pas de
rapport avec le problème posépar la delimitation du plateau continental entrela

Tunisie et la Libye. En effet, la majeure partie de la Tunis(sud,centre, est et une
grande partie du nord), la Mer pélagienne et La Libye, sont situées sur la meme
@ plaque africaine, comme cela est montre dans le Mémoire libyen (fig. 4C). En
d'autres termes, sur un plan de tectonique de plaques, les deux cbtes concernées,

celle de la Tunisie orientaleet celle de la Libye tripolitaine, sont et ont toujours
été, meme auxépoques géologiques anciennes, completement solidaires : tout depla-
cernent de l'ensemble de la zone où se trouve le litige, dans quelque direction
que ce soit, ne modifie donc pas les données du probletne, ni par consequent la

solution qu'il convient de lui donner.

Notons en outre que les « plaques » sont des elérnents de l« lithosphere» h
la fois épais (10à 150 km) et tres vastes, Leur épaisseur et leur structure sont
deduites de travaux de géophysique profonde. Leur intervention dans le ~as.~résent

n'apporte aucune aide à l'dtude de la configuration superficielledterrains, suscep-
tible d'etre utilisée pour aideSIla définition des criteres de delimitation du plateau
continental. Les rivages se deplacent dans tous les sens à la surface des plaques
et sans relation directe avec les déplacements de celles-ci. On doit souligner, en outre, que les déplacements de la plaque africaine par

rapport B l'Europe se sont effectués dans des directions diverses, à savoir vers le
nord-ouest, vers l'ouest et vers le nord-est (8).

Par ailleurs, si les limites du plateau continental devaient etre tracées paral-
lelement ti la direction du mouvement supposé de la plaque africaine, c'est-&-dire
vers le nord, on se demande ce qu'il adviendrait des limites des plateaux conti-
.
nentaw de certains pays de l'Afrique dont les cbtes sont orientées nord-sud, ca-
me celles de la Tunisie orientale. En fait, des limites comme celles de la Gambie
et du Sénégal ont. comme l'indique le Mémoirelibyen lui-meme, ét@ tracées d'est

en ouest, c'est-8-dke perpendiculairement au mouvement supposé de la plaque
africaine (ML 5117).

De plus, rappelons que le Mémoire libyen lui-meme (Annexe II, p. 3, alinéa 1)
admet que les mouvements et directions des plaques « causes the very complicated
situation in the "Meditemnean area"~. En fait, il est impossible de tirer de leur

étude des conclusions valables dans le cas qui nous intéresse.

En conclusion, la reférence & la tectonique des plaques ne paraît pas pertinente
et, en tout cas, ne peut en aucune manière semir de fondementvalable B la définition
d'une direction privilégiéeen surface.

B. - Unit6 geologique du Bloc phladen

D'une façon générale et en premiere approximation, on.peut &tred'accord avec

la delimitation du Bloc pélagien (« Pelagian &sin ») (9) donnée par le Mgmoire
libyen, en particulier telle qu'elle est representée sur la planche 5 eb la figure 6
de l'Annexe'II'(h l'exception de la limite nord qui est tres discutable).

On doit, par contre, émettre des réserves sur le degré d'importance (10) donnd
aux lignes structurales qui bordent l'ensemble ainsi defini, en particulier celui

donne & l'Axe nord-sud separant la Tunisie orientale de la Tunisie centrale, Celui-
ci, en effet, ne séparepas deux domaines fondamentalement différents et nous

(8) J. Letouzey, P. Tremoliéres, uF'aleo-Stress Around the MeditemneanSince theMesozoic
Derived from Microtectonicr: Cornpurison with Plate Tectonic DP,a1980, Colloque CS;26eCong.
geol. Inter, Paris, pp. 261-273.
B. Biju-Duval et aianoni the Tethyr Oceon to the Meditemnean Sea: a Pkifs Tectonic Mode1
of the Eudiution of the Western Alpine Syatern,. Symposium international,Split, Yougoslavie,
édition Technip, Pari1976, pp. 143-163.

(9) Nom utiliserom tout au.long de cette note pour désignerce que le MEmoirelibyen nomme
NPehgian Basin r l'expression *BloPéhgitrnW.carcette rdgionn'apas les caractèrdeun bassin.ni
donnent les g6ographes.tologistes lesstratigraphes donnent Bce terme, ni a fortiori au seluique

(10) Le M.L. délimite le Bloc pélagiea l'est par l*Mismiah-Malta eacarpment*, au sudpar
la uPerrnian hinge li*oetà i'ouestpar l'Axe nordsud de Tunisitr,is lignes structurales majeures.
11en singularise l'Axe nord-sud auquel il accorde une importance exagérée,'maispwsoussilence
lesdeux autrealignes structuraies pourtant plun importantea. 98 PLATEAU CONTINENTAL 1241

montrerons ci-dessous les parentés nettement visibles de part et d'autre de cet Axe :
Structures atlasiques, extrusions saliferes. fossés récents, et...(cf. Infra, p. 32).
On doit d'ailleurs noter une contradiction sur ce point. En effet, le Mémoirelibyen

affirme que la Tunisie atlasique est uniquement situee A l'ouest de l'Axe nord-sud
en question (par exemple en page 7 de l'Annexe II, 3eme alinea où on lit : « This
north-south mis is an important boundary since it marks the division between the
stable African platform and .the active Atlas fold belt »).Le m@me Mémoirerecon-
naît pourtant que les plis atlasiques semblent se prolonger &I'est de cetAxe, dans

le BIoc pélagien. En effet, on lit dans l'Annexe II (page 17, 4&me alinéa) : « The
form of the isobaths in thiszone seems to indicate the existence of an extension of
subterranean Tunisian Atlas structures, running roughly NNE-SSW ».

Le Mémoire libyen méconnaft la nature structurale reelle de la Mer péla-
gienne. En effet, la bordure septentrionale du craton (zone stable) africain ne
heurte pas de plein fouet les ceintures mobiles de type alpin (ou atlasique ou
@ hellenique) telles que Ies définissent les g6cilogues (voir aussi fig. 2, 3 et 4 de

l'Annexe II du M.L.). Ii se développe au nord du craton une zone plus ou moins
large oh la croûte continentale est vraisemblablement moins épaisse que plus au
sud et presente donc plus de souplesse, permettant des déformations (subsidence
ou épirogénie)au cours de l'histoire geologique. Ce type de zone correspond B ce

que les géologues appellent les chaines intermédiaires ». Des chaines de ce type
existent aussi au nord du systeme alpin : Espagne orientale, Provence, Jura, Crimée,
etc. Au sud du système alpin, il s'agit essentielIement de l'Atlas saharien d'Algérie
et de l'Atlas tunisien; la tectoniquey est accusee par des décollements sur le Trias

salifgre. PIusà I'est, le nord de la Cyrénaïque (DjebeI Akhdar), le nord du désert
occidental egyptien et I'Arc syrien, les Palmyridesen Syrie, les zones externes du
Zagros irakien ou iranien appartiennent aussi a ce domaine intermédiaire (11). 11
ne peut donc s'agir d'un passage brutaI Zttravers I'Axe nord-sud, d'un domaine

atlasique mobile B l'ouest,"&un autre complètement different et stable I'est.
Précisement, le Bloc pélagien fait structuralement partie du domaine intermè-
diaire, comme le reconnaft le M.L. lui-même ($ 61) : il prolonge l'Atlas vers l'est.

11est limité :au nord par les grands chevauchements telliens ou siciliens?Il'ouest
par l'Axe nord-sud, englobant ainsi toute la Tunisie orientaleau sud par la Flexure
de la Jeffara, constituée d'une part par la cPermian hinge line )>,d'autre part
par la faille Homs-El-Uatia-Sidi Toui-Médenine-Gafsa, communémentappeléefaillede

Gafsa, incluant ainsi une grande partie de la Tunisie méridionale (la Jeffara tuni-
sienne) (la).. Enfin,à l'est, le BI& pélagien est bordé par l'escarpement majeur
qui tombe sur la Mer ionienne et qui est parfois nomme Flexure ionienne.

(11)P.F. BuroIIet etR.S. Byramjee, gReflerions sur la tectonique globale; exemples
africains et méditerran&en, otes et Mdmoireno II,Compagnie Française des PetroIes, Pa&,
1974.
(12)Le M.L., fait la confusion entre la faille de Gafsa et la hinge linerIl faudrait
signaleque ces deux élémentsstructuraux ne sont pas exactement superposables,leurs rôles étant
différents et leur activité étantnettement décalbedans le temps. La ~Perrnianeeôt unen
flexuretrèaancienne, contemporaine de la sédimentaton30million ddann6esenviron) .ndis
que la faille est beaucoup plus recente (100millions d1ann8es). En conclusion, on peut affirmer que, du fait de son appartenance & un domaine
intermediaire, le Bloc pélagien diffère substantiellement de la. Plate-forme stable

africaine par l'ensemble de ses caracteres géologiques. En revanche, il est étroite-
ment apparenté & l'Atlas tunisien qui appartient lui aussi au domaine « inteme-
diaire », situe au sud de la zone alpine plissée. Le Bloc pélagien constitue donc
Ie prolongement de ces zones intermédiaires qui s'interrompent vers l'est, t~ la
hauteur de la Flexure ionienne, séparant le Bloc pélagiendes zones plus profondes

de la Mer ionienne.

C. - Comparaison entre le plateau continental sous la Mer petagienne
et la Plate-forme saharienne

Le Mernoire libyen a insisté sur la parenté qui existe entre le Bloc pélagien et la
Plate-forme saharienne, pour en deduire un droit au prolongement de la Libye vers

le nord (Annexe II, chap. II et conclusions pp. 19-20).
Or ici, les comparaisons sont en fait difficiles,our ne pas dire dans certains

cas impossibles, pour les raisons suivantes :
1 -'Les terrains formés h l'epoque triasique (de 180 B 225 millions d'années)

s'dpaississent fortement. au nord de la Flexure de la Jeffara (Permian hinge line),
donc au nord de la Plate-forme saharienne, ainsi que les divers terrains jurassiques
et crétacés (c'est-&-direformé6 de 70 -&80 M.A.), l'ensemble atteignant plusieurs
kilometres d'épaisseur. On se trouve 'donc dans un domaine subsident et instable,
qui n'a que peu d'analogies structurales avec le craton africain stable du Sahara.

Ces différences sont .d'ailleurs parfaitement visibles et bien exprimées, à quelques
details près, sur Ies planchés 1 et 2 de l'Annexe Ik du Mémoire libyen. On
remarque en effet sur ces planches que, cBté sud, les terrains horizontaux peu
épais de la Plate-form seharienne («Sakm Platformr), sont suivis vers le nord,
audelà d'une zone de transition - la uJefara arch)} - par des terrains plissés,

accidentés de murs de terrains salirères((tsalt walls»), qui sont pratiquement le dé-
but du Bloc pélagien. De telles structures de tectonique salifère sont inconnues sur
la Plate-forme saharienne, mais se rencontrent fréquemment dansles zones atlasi-
ques; la IPgende des pIanches confirme cette différenciation.

2 - Les facies marins des sédiments du Jurassique et du Crétace inferieur se
trouvant au nord de la ~Perrnian hingelinen, c'est-à-dire dans le BIOC' pélagien,
appartiennent au type de facies de la Tunisie centrale. Ils n'ont que peu de parenté
avec ceux de la Jeffara et de la Hamada libvenne (Plate-forme saharienne), plus

minces et de type lagunaire ou transitionnel.
La présence indiscutable dans le Bloc pélagiende plissements de type atlasique

atténué (voir carte ES-3) ou de type salifere (voir planche 5 de l'Annexe II du ML)
contraste avec l'existence, ausud de la Jeffara, ,de couches sédimentaires pratique-
ment non deformées couvrant la Plate-forme saharienne.

Ainsi,ces deux cartes et les deux planches citées plus haut contredisent de
toute évidence le texte du Mt, lorsqu'il affirme, en de nombreux points (entre autres 100 PLATEAUCONTINENTAL [27-281

au § 61, page 27 du Mémoire). que le Bloc pélagien fait partie de la Plate-forme
stable africain(« The Pelagian Basin isport ofthe African platform »).

Il s'agit donc de deux domaines fondamentalement différents, séparés par une
flexure (Permianhinge line) majeure, active depuis le Carbonifère supérieur (environ

280 miilions d'années). Lee différencesentre ces deux domaines se sont d'ailleurs
maintenues, d'une manière à peu près constante, depuis cette derni& époque, la
limite ne se déplaçant que peu du sud au nord, pour occuperk position d'une fiexure
@ plus récente, la«Lowercretaceous hinge line* (cf.fig. 6de L'Annexe IIdu M.L.) à,
proximité de Iaqueile se trouve encore Ie rivage actuel.

D. - Comparaiso entre le plateaucontinental sous la Mer pblagienneet le

Bassinde Syrte

Le Mémoirelibyen a tenté d'établir une liaison entre le Bloc petagien et le Bassin
de Syrte. En fait. des ressemblances plus apparentes que réelles existent :

1 -En effet, il y a dans les deux zones des failles et des fosses orientés approxi-
mativement dans une direction nord-ouest/sud-est. Nous devons cependant souligner
que les failles qui ont provoqud ljeu en « horst etgraben »,c'est-&-direen zones

surélevéeset effondrées, appartiennent a des âges géologiquesnettement differents.
En Mer pélagienne, tout comme en Tunisie centrale d'ailleurs, ces « graben >>sont
récents et datent du Miocène (c'est-&-dire remontantaux 20 h 25 derniers millions
d'années). Ils se sont accentués au cours des pdriodes rkcentes (6 derniers millions
d'années). Au contraire, en Syrteces rrhorst etgraben »ont commencé àse former

dés leCrétacésupdrieur (il y aenviron 100 millions d'annees) et leur formation s'est
ralentie au lieu de s'accuser au cours desriodes récentes.

D'autre part, ces structures existent non seulement en Mer pélagienne et en
Syrte, mais aussi en Tunisie centrale et orientale, en Algérieorientale, en Sardaigne,
voire en Egypte, en Espagne (13) et dans bien d'autres zones en dehors de la Médi-
terranée, comme en Afrique de t'esten France, en Allemagne et en No~ege (14).

De plus, il a lieu de signaler qu'il n'y a pas de continuité entre les failles et les
fossés de la Mer pélagienne et ceux de la Syrte, au niveau de l'Axe haut Jeffara-
Malte; en effet dans ce secteur, les failles principales sont plutbt est-ouest et meme
@ est-nord-est/ouest-su sd-otrees(cf. fig. 6 et 13 et pl. 5 de l'Annexe IM.L.

@ et carte ES-4).
2 -Un autre élémentde comparaison, présentépar le M.L., concerne les facies

des terrains des séries posterieures au Crétace inférieuenparticulier les formations
récifales d'âge Cénomanien-Turonien. Or, ilest faciic de trouver dans la litterature
sp&cialiséeque le Crétacé a eu une grande homogénéitede faciès dans toutes les

(13)P. F. BurolletR.S. Byramjeeop. cit.
(14)J.H. mies, 1970rGmben Tectonics aaRelatetoCnrat-MantleInteractB,inJ.H. Illies
andSt. Mueller(Ed.),Grabenproblema.Internat. Up MantleF'roject,eeport 27pp. 4-27. régions m8sogéennes (c'est-&-direméditerranéennes) et les farmations recifales en
question se rencontrent non seulement en Syrte mais aussi en Tunisie centrale et
septentrionale (comme B Potinville pres de Tunis), en AlgBrie, ainsi qu'en
Italie et enFrance ,u Moyen-Orient, et même é Cuba et au Mexique, etc. On ne

peut donc deduire du simple fait de l'existence de ces formations récifales dans les
deux domaines qui nous intéressent ici (le Bloc pélagien et le Bassin de Syrte) l'ex-
pression d'une parenté ou d'une continuite géologique.

Une attention spéciale a Btéaccordée par le M.L. au faciès des terrains déposés
pendant l'Eoc6ne (40 B 70 millions d'années) et en particulier 1'Eocène inferieur

(Annexe II, pl. 3 et page 1l), pour essayer d'établiune parenté entre le Bassin de
Syrte et le Bloc pélagien. Or, il canvient de noter que la frange de contact entre les
facièsà Nummulites et les faciès plus profonds à Globigérines, tous deux d'age
Eocène, traverse la Tunisie orientale (et meme une partie de la Tunisie centrale

& l'ouest de l'Axe nord-sud) etse dirige ensuite sous le plateau continental vers le
sud-est. Aprhs une légère inflexion B l'est, au nord de Zuara, elle s'incurve B nou-
veau vers le sud-est, pour longer la cote non loin de Misurata et s'enfonce enfin

sous le Bassin de Syrte.
La carte de l'Eoc8ne inférieurdu nord de l'Afrique, publiee recemment par E.

Winnock (Carte ES-2) (15) montre. tout comme pour les formations récifales du
Crétacé supérieur,la généralitéde ces facies qui s'étendent aussi bien à la Cyré-
naIque qu'a la Tunisie septentrionale et l'Algérieorientde. La seule présence d'une
bande de calcaire B Nummulites dans le bassin de Syrte. ne constitue donc pas un

argument pertinent pour tenter un rapprochement entre la Syrte et le Bloc pélagien.
On soulignera d'ailleurs qu'il y a aussi A I'Eocène inférieur des differences non
negligeables de faciès: en Syrte, les calcaires facies profonds sont très riches en
silex; ce qui ne se retrouve qu'en Tunisie septentrionale, mais non dans le Bloc

pelagien (Carte ES-2). Par ailleurs, en Tunisie orientale, la base du calcaire de
I'Eocene est riche en phosphates. Ce caractère s'atténue en mer, mais iI y reste
encore present (Ashtart par exemple), alors qu'il est inconnu en Syrte.

D'une façon générale, lorsque l'on considere I'Eocène dans son ensemble, les
comparaisons entre les facies du Bloc pélagien et ceux de la Tunisie centrale et
orientale sont plus faciles et plus naturelles qu'entre ces facies pelagiens et ceux

du Bassin de Syrte. Du reste, les farmations geologiques rencontrées dans les forages
pétroliers du Bloc pelagien ont éte décrites et définies par les g6ologues dans des
localités types de Tunisie centrale ou orientale, telles par exemple les formations
Metlaoui et Souar (16).

Cette observation demeure valable pour les formations géologiques plus rBcen-

tes, telles que celles du Miocene et du Pliocène, qui, contrairemenaux affirmations

(15)E.Winnock, uLea &ph deI'Eoeèneau nord de l'Afrique : Apwpalbg6ographiquede
l'ensemblen,Colloque internationad'Orléans,RGM. M&noiren* 24, 1980.
(16)D. Fownié, crNornenclatwe lithostratigrop dhfque&-ka du Crétacé sup5rieur au
Tertiaire de TunioieBull.Cent. Rd. Pau., 1878,pp. 88147. 102 PLATEAU CONTINENTAL [30-311

du M.L. (Annexe II, pi 11,2 6), existent sous l'ensemble de la Mer pélagienne. Les
dépots pliocenes, par exemple, a~teignent 3000 m d'gpaisseur près des iles Kuriates
en Tunisie, aux environs de Sousse et affleurentZiMahdia et t~Monastir, où ils vien-
nent s'appuyer sur d'@paissesséries deltaiques du Mioche supérieur (17).

La parenté etroite qui existe entre l'ensemble des facies stratigraphiqudu Bloc

p@Iagienet ceux de la Tunisie orientale et centrale, exprime une appartenance Bune
m&meentité géologique et à un meme domaine intermédiaire.

On doit souligner, par contre, qu'il existe des differences géologiquesfondamen-
tales entrele Bassin de Syrte et le Bloc pélagienconcernant toute la partie de lY&re
Mésozoïque antérieure au Cretacé moyen, c'est-%-dire A 100 millions d'années. A

cette époque, le Bassin de Syrte a étéun mole où rien ne se déposait et où les ter-
rains paléozoïques étaient soumis ZI l'drosion, alors que, de part et d'autre, dans le
Bassin de Ghadamès à l'ouest et en Cyrénaique centrale Zil'est, s'etalaient des sédi-
ments minces du Jurassique et surtout du Crétacéinférieur (18) (voir carte ES-5).

Dans le Bloc pélagien, par contre, le Jurassique et le Crétacé inférieurmarins orit
etécontinus et épais, avec des facies similairesà ceux qui sont connus en Tunisie
centrale et en Algérie orientale.

Au Cénomanien, la Syrte se modifie : dc môle elle devient bassin, avec un com-
portement qui rappelle ce qui se passe depuis ce m&memoment dans diverses régions
du globe; la paléogéographie du Crktacé supérieur et du Tertiaire (depuis 100 mil-

lions d'annees)va &iredominee par le mécanisme de (<horst et graben >>. l'opposé,
sous la Mer pélagienne, comme en Tunisie centralc et orientale, on restera dans des
conditions relativement stables, continuant celles du Cretacé inférieavec des zones
plus ou moins subsidentes, séparées par des transitions progressives et des flexura-

tions souples, discretes, avec une tendance généralà la formation des sédiments les
@ plus marins au nord (voir cartes no 6 et 8 du M.T.).

Les cassures et fossés n'interviennent activement dans le Bloc pélagien qu'à
partir du Miocene supérieur, il y a 15 millions d'annees, entraînant une sédimentation
très active au Pliocène (depuis 6 millions d'années); mais la sédimentation @tant

moins rapide que l'effondrement, elle n'arrivera pas combler les fossés qui ont
maintenant des profondeurs d'eau de 1400 à 1700 mètres dans la partie nord de la
Mer pélagienne, vers la Sicile.

Toujours dans le Bloc pelagien, les plissements atlasiques, eten particulier la
dernibre phase post-villafranchienne (c'est-&-dirependant les 2 derniers millions d'an-

nées) ont déformé légbrement les sediments et ont étéparfois accompagnés par une
montee diapirique du sel triasique, facilitee par la plasticite de ce mineral (ascension

(17) P.F. Burollet, #Contribuàiol'dtude stratigraphiquelaeTunisie Centralen, These
Ann. Mines Géol.,no 18,Tunis, 1956, p. 350.

(18)V.E. Klitzsch, vDie structurgeschichte der ZentralsaGwl. Rundschau, Stuttgart,
1970,pp. 459-527.
- P.F.Burollet et G. Busson, &'lote-forme saharienne et mésog8e au cdursCrétacé»
Congresgéol.TnterParis. 1980. du sel des salt walls et structures analogues). Les plissements sont d'autant plus
marques que l'on va vers I'ouest (Tunisie centrale et septentrionale, AlgBrie, Maroc),
mais its sont déj8nets au niveau du champ pétrolier d'Isis 3 l'est, en Mer pélagienne

(voir carte ES-3). Sel triasique, ondulations. atlasiques,halocinese (deformations
dfies au mouvement du sel) représentent donc un lien Bvident de parenté entre le
plateau continental sous la Mer pelagienne et la Tunisie orientale et centrale. Ils sont
fondamentalement diffkrentç du style sedimentaire ou tectonique de la Syrte et
méme de l'ensemble de la Plate-forme stable africaine.

E. - Lacune du Mémoire libyen dans le domaine géologique :l'absence
de comparaison entre le plateau continental sous la Mer Peladenne

et Ia Tunisie orientate

Ainsi que cela a étésouligne dans les Genéralités,le Mémoirelibyen a passé sous
silence les parentés qui existent entre le Bloc pélagien et la Tunisie orientale et
centrale.

Par la définitim qu'il donne du Bloc pélagien, il admet bien la continuité physique
des formations géologiques, ainsi que la continuite physique des unites structurales

entre le plateau continental et les plaines de Tunisie orientale.Mais il. essaie d'in-
troduire une séparation importante entre la Tunisie orientale et la Tunisie centraIe
consid6r6e comme zone atlasique.

En réalite, entre le plateau continental sous la Mer pélagienne et la Tunisie
orientale, de m@med'ailleurs qu'entre cette dernière et la Tunisie centrale, les corrk-
lations sont excellentes : series stratigraphiques comparables depuis le Trias, avec
en particulier vers le nord, une zonation en bandes est-ouest de plus en plus mari-
nes, au Crétacé inférieur et superieur (voir cartes 6, 8 et 9 du M.T.); prksence

d'élémentsstructuraux dominants : sillon subsident au nord (Sillon tunisien à
l'ouest, Golfe de Hammamet à l'est), zone haute transversale (Ile de Kasserine à
l'ouest, Mbles d'Agarebet de Kerkennah et Plateau tunisien àl'est); sillon subsident
au sud (Sillons des Chotts et de Gafsa h l'ouest, Golfe de Gab&setSillon tripolitain
3 l'est). (Voir cartes ES-1 ES-6).

Les différences entre le Bloc pélagien et la Tunisie centrale concernent l'inten-
sité des plis atlasiques, plus grande& l'ouest de l'Axe nord-sud, et accompagnée
d'une elévation genérale plus forte. En Tunisie orientale et sur le plateau continental,

de nombreux plis atlasiques sont connus (voir carte ES-3) ,'estompant progressive-
ment vers l'est, surtout18où l'influence du sel se réduit. En effet, le diapirisrne du
matériel salifere triasique se trouve bien developpé dans le Golfe de Gabès et en
Tunisie septentrionale, aussi bien sur terre qu'en mer. Les manifestations sont
moins fortes au droit de la transversale constituée par i'Ile de Kasserine, le
Mble d'Agareb et celui de Kerkennah. On sait cependant que la croissance de nom-

breux anticlinaux est accompagnée de pulsations salifères. De vrais dBmes sont
connus en Tunisie orientale, tels l'Halfa, le Rheouis, Menzel Chakeur, etc...et en
Mer pélagienne. tels Elyssa, Didon, Bal-137 etc ..(voir carte ES-7). 104 PLATEAUCONTINENTAL [35-361

Enfin, des fossés récents accidentent aussi bien l'ouest de la Tunisie et l'est de
1'Algerieque la Tunisie orientale et le plateau continental sous la Mer pelagienne
(voir cartES-8).

F.- Lesautres lacunedsu Mémoirelibyen

Le Mémoire'libyen accorde peu d'importance aux éléments structuraux orientés

'ouest-est quaccidentent la Mer pélagienne et, en particulila zone de dépres-
sion représentee d'ouest en est par le Sillon des Chotts en Tunisie meridionale et
@ en Algérie orientale, le Golfe de Gabès et le Sillon tripolitain, (voir carte no 1 du
@ M.- et cartes ES-1 eES-6) . es trois unités s'alignent dans une direction approxi-
mativement ouest-estElles se caractérisent par l'existence d'une grande épaisseur
de sédiments surtout récents, déposés au cours des 10 pu 15 derniers millions

d'années. Ces sédiments sont en majeure partie d'origine qontinentde dans le Sillon
des grands Chottsa ils depassent le plus souvent netteme1000 m. d'épaisseur.
Ils sont essentiellement d'origine met aussi tr&s Bpais, dans le Golfe de Gabès
et le Sillon tripolitain.

Nous insisterons sur la limite entre le Golfe de Gabès (pris au sens géologique) et
le Sillon tripolitain, puisqu'on se trouve la, immédiatement au large de Ras Ajdir dans
la zone où doit étre tracée la délimitation. Le Mémoiretunisien a déj8insisté sur le
fait que les depbts PliwBne et Quaternaire possedent des épaisseurs minimales au
voisinage des rides de Zira et de Zuara : il s'agit d'un seuil paléogéographique qui

a une explicationgeologique profonde. En effet, ces rides coïncidavec l'exis-
tence de percements salifères Triasiqudits« salt walls»,indiqués du reste sur
@ la figure 1de l'Annexe II dM.L. Elles representent A la fois une limite naturelle,
oa le sel vient en affleurement jusqu'au sol, et«ustructure» du sous-sol qui
n'a pas d'équivalent sur le territolibyen, mais qui est courante dans toute la
Tunisie continentaet dans les zones maritimes voisindu rivage (carteES-1 et
@ ES-7 ;igure13de l'AnnexeII d'uMM.L.).

En résuméet contrairement aux affirmations duM.L., l'analyse objective des
faits conduit aux conclusions suiva:tes

1 -Le Bloc pélagienne fait pas partie de la Plate-forme stable africaine. Cela
@@ est d'ailleurs Bvident au simple examen des planches 1et 2 de l'Annexe M.L.u
Celles-ci contredisenA,ce sujet, les affirmationstexte de ce Mémoireet de son
Annexe II.

2 - La Tunisie centrale,A l'ouest de l'Axe nord-sud, ne constitue pas un
«domine g&ologique totalementdifférent))du Bloc pélagien. Au contraire, les corré-
lations, tant sur le plan faciès stratigraquequsur le plan structural, restent
excellentes. Les démonstrations dM.T. le montrent clairement.

3 - Le Bloc pélagien faisant partid'un domaine dit intermédiaier ntre la
Plate-formesaharienne stableet le domaine alpin mobile, possgde plus de parente
avec la Tunisie centrale, (appartenant elle aussi au domaine intermédqu'avec
la Plate-forme saharienne. 4 - Le Bloc pélagien n'a avec le Bassin de Syrte que quelques ressemblances
apparentes qui ne sont nicaracteristiques ni determinantes, en particulier:
- Les faciès de llEocène inférieur du Bloc pélagien ont plus de parenté avec

ceux de la Tunisie orientale et centrale qu'avec ceux du Bassin de Syrte.
- Les « graben » du Bloc pélagienne sont pas du même age que ceux de Syrte.
Ils sont, par contre, contemporains de ceux de la Tunisie orientale et centrale.

- Il existe entre le Bloc. pélagien et le Bassin de Syrte des différences fonda-
mentales; ils sont en effet séparéspar des accidents tectoniques et physiographiques
majeurs.

5 - La Tunisie orientale fait partiintegrante du Bloc pélagien. Les corrélations
géologiques, morphologiques et structurales entre ces deux zones sont excellentes
et expriment l'identité et laontinuite.

IV - EXAMEN CRITIQUE,DES ARGUMENTS GEOGRAPfIlQUES

Comme dans la partie geologique, les développementsgéographiques du Mémoi-
re libyen se caractérisent par des affirmations non fondées, parfois impossibles ti

concilier avec les faits. par des omissions importantes, ou encore par des affirma-
tions peu claires et géneratrices de confusion. Nous en donnons ci-après quelques
exemples.

A. - Le rivage de la Tunisie orientale présentécomme une anode :

Le Mernoire libyen consacre, dans le Chapitre II de la Partie III, une sous-section

de la section III (comprenant les paragraphes 158 et 159) pour montrer que le rivage
de la Tunisie orientale est une anomalie. Cette sous-section s'intitule :

« Anomoly of the eut-facing Tunisicutcoast in relation to the predominantly
north-facing North African coast ».
On doit d'abord remarquer qu'un fait naturel est en lui-meme une donnée et

qu'iln'est pas logique, par conséquent, de le considérer comme une anomalie. La
nature est ce qu'eue est, U ne peut y avoir d'anomalie que par rapport aux idees
que nous nous en faisons. On pourrait considerer que Ie fait d'assimiler la cote
nord du continent africain a une ligne droite est une simplification malheureuse,
En realite, c'est pluque cela : une erreur grave, resultant d'une méconnaissance
des donnees géologiques relatives au nord de l'Afrique.

Le fait que le littoral est de la Tunisie est oriente dans une direction nord-sud
n'est pas un episode récent et éphernere. En effet, jamais on n'obsewa de
rivages orientés d'ouest en est sur la totaIit4 de la partie nord du continent africain.

Au contraire, du Marac a la Tunisie et parfois au del&, les rivages affecterent
toujours, partir de I'Oligocene (vers 35 & 40 millions d'annees), des directions
variables : nord-sud, nord-ouest, ou nord-est. qui prefigurent l'allure geographique
de la cote actuelIe de la Tunisie orientale. 11 suffira, pour s'en convaincre, de 106 PLATEAU CONTINENTAL i391

consulter la planche 4 de l'Annexe II du Mémoire Iibyen et la carte ES-9 ci-jointe.

Ces dernieres montrent que l'existence d'une portion de cbte perpendiculaire &
l'orientation g6nérale du rivage est un fait gkologique qui s'est répétéassez souvent
dans l'histoire géologique.

Cette portion de cBte a occupe des positions semblables, quant & sa configu-
ration,à la position qu'occupe aujourd'hui la façade orientale de la Tunisie. Ce fait
a d'ailleurs étéremarque depuis longtemps par les géologues et a étésignalé par

J. SAVORNIN, dès 1909 (19).
Ce phenornene s'est encore manifesté au cours des temps géologiques les plus

récents en raison, notamment, des variations dites eustatiques du niveau des mers
au cours du Quaternaire (approximativement les 2 derniers millions d'années) et
comme conséquence de la fixation de masses d'eau énormes, sous forme de calottes
glaciaires recouvrant des portions importantes des continents. Au cours de ces

temps, la cBte orientale de la Tunisie a occupé differentes positions plus B l'est
et avec une configuration très voisine de celle.que l'on observe aujourd'hui (voir
M.T., pp. 136-139).

B. - La méconnaissance de la signification géographique reelle de la
façade orientale de la Wsie:

*
Du point de vue de la géographie actuelle, la signification réelle du rivagede
la Tunisie orientale a été également méconnue par le Memoire Iibyen, La cote
orientale de la Tunisie correspond & l'abaissement général progressif des pays

atlasiques du Maghreb (point culminant du Maroc A 4165 m; point culminant de
I'Alg8rieà 2329 m; point culminant de la Tunisie à 1546 m). Cet abaissement vers
l'est se fait irrégulièrement, tantdt par saccades (marches d'escalier) comme le
long de la chaine nord-sud de Tunisie tantBt d'une façon douce et continue comme dans

le Sahel et le plateau continentall'est de la Tunisie, et enfin par un escarpement
brutal dit Flexure ionienne (MT) ou (Mismtah-MaltaEscarpment» (ML) qui fait
déboucher cet abaissement génbralsurla plaine abyssale ionienne.

Cet abaissement progressif et general du relief atlasique, en direction de l'est,
a fait que la Tunisie orientale se présente comme une zone relativement plate oh
la terre pénètrela mer par de vastes avancees continentales (Presqu'île du Cap-Bon,

arc de cBte convexe du Sahel), d'îles (Kuriates, Kerkennah, Kneiss et Jerba) et de
hauts-fdnds découvrants (hauts-fonds des Kerkennah et d'El Biban) et oii la mer
pénetre la terre par de larges golfes (Hammamet et Gabes) relayes à l'intérieur par
des sillons structurauxet par des dépressions fermees (voir: M.T. ,p. 147-149 et

@ fig. 5.12). Il en résulte une cBteA allure sinusoïdale, forrnee d'une succession de
golfes et de portions de cbtes convexes qui sont des traits geographiques importants
et caractéristiques de la configuration de cette cbte. Ndtoàscet effet que, lorsque

(19)J. SAVORNIN, aSur l'évolutionpal&ogéogrophiquedu CapBon)?, paru dans les comptes
rendus de l1Acad8miedesSciencesde Paris,Tome CXLIX,p. 1410. [a-4 1] ANNEXES AU CONTRE-MBMOIW. 107

le M.L. et son Annexe II indiquent, à diverses reprises, que la configuration genérale
de la cdte orientale delaTunisie est nord-sud, il s'agit la d'une simplification qui
tend dissimuler ces traits geographiques dominants dont l'existence est etroite-

ment liée aux grands traits géographiques et structuraux de la région.
Nous insisterons sur deux de ces traits geographiques majeurs de la Tunisie

orientale et méridionale :
1) L'avancée vers l'est de la Tunisie orientale n'a pas, comme le mentionne
leM.L., la signification d'un «promontoire>>, ais d'une avancée continentale majeure

qui se cantinue lentement sous la Mer pélagienne, comme suite normale & cet
abaissement majeur genéral. La manifestation en mer de cet enfoncement lent est
clairement representee par les Fles, les hauts-fonds découvrants, les hauts-fonds
du Plateau tunisien et ceux du Plateau de Mellita et de Medina et meme, au-del&
de la FIexure ionienne, par les Monts Medina qui prolongent la Tunisie onen-

tale vers I'est (voir carte ES-IO).
2) La large dépression du Golfe de Gabès n'est que la manifestation, dans
la zone côtiere, de la grande dépression des Chotts algériens et tunisiens se troJ&vant

l'ouest. Cette grande dépression se continue iiI'est par le Sillon tripolitain jusqu'à
la hauteur de l'escarpement de «Misratah-Malta*. Tout comme A l'ouest, où elle
représente un trait géographique majeur entre le Sahara et l'Atlas, cette depression
représente, I'est, tout au long du Sillon tripolitain,un trait physiographique
majeur, separant la bordure nord de la Jeffara de la zone transversale haute,

constituée par l'enfoncement progressif et lent de la Tunisie orientale.
Il resulte de ce qui pr6c&de, que Ie rivage tunisien ne marque pas une coupure

entre les traits geographiques terrestresi~l'ouest et les traits physiographiques
sous-marins à l'est.11ne rompt donc pas la continuité, d'ouest en est, du sous-sol
terrestre et du sous-sol marin. Au contraire, un promeneur qui se déplacerait sur
le fond marin en se dirigeant du sud au nord, depuis la cdte libyenne, descendrait
vers le fond du SilIon tripolitain, puis remonterait sur le Plateau tunisien et

ses prolongements vers l'est.

C. - L'opposition du Bloc pélaaen A laTunisieatlaslque

Comme nous l'avons vu dans la partie géologique, le ML et son Annexe II
ignorent la Tunisie orientale et opposent l« Bassin Pélagien » &la Tunisie atlasique,
comme si, géographiquement parlant, il existait d'un coté la Tunisie dite «atla-

sique» dans son ensemble et, de l'autre cbté,le «Bassin Pélagien».En rCalit6, comme
nous l'avons vu, le «Bassin Pélagien»est constitué, entre autres, de toutela Tunisie
orientale (du Golfe de Tunis au Golfe de Gabes) et d'une grande partie de la
Tunisie méridionale (la' Jeffara tunisienne).Cette manière du Mémoire libyen de
considérer les choses est, le moins qu'on puisse dire, de nature semer la confusion
et rend non objectives et erronees les Comparaisons géologiques entre le Bassin de

Syrte et le «Bassin Pélagien))d'unepart et la «Tunisie atlasique))et ce meme «Bassin
Pélagien»d'autre part. PLATEAU CONTINENTAL

V - EXAMEN CRITIQUE DES ARGUMENTSMORPHOLOGIQUES

A, - Lamorphologie

Les développements du Mémoire libyen concernant la morphologie se carac-
terisent par une brievete deconcertante. On les rencontre en page 17 de l'Annexe II

00 ils occupent au total 26 lignes, dont 12 de conclusion, C'est dire qu'il y a dans
ces développements plutôt des affiimations qu'un compte rendu objectif des faits.
Ce qui retient l'attentiZIla fin des dCveloppements techniques de l'Annexe II,

c'est i'affirmation selon laquell: «The bathyrnetry reflects and is the Produci of
the tectonic trends of the Sirt rift system. However, the area remains essentially a
geologic unity, and the Pelagian Basin forms a single, uniform shelf area, strati-
gmphically, physiogmphically, geomorphologically and structumlly. n

L'aspect géologique de cette affirmation a étéexaminé dans la Partie III de
la presente Etude et nous ne considérons ici que son aspect morphologique et
physiographique.

Notons tout d'abord la contradiction suivante : alors que le Memoire libyen
affirme i'uniformit6 structurale et physiographique du« Bassin Wlogien » en page
17 de l'Annexe II, il divise ce Bassin (aux pages 1et 14 et sur la fig. ll), en cinq
zones structurales majeures, différentes les unes des aut:«sla Plate-forme Ibleo, le
Banc Medina (Axe Jeffara-Malte), le Bassin de Gabès-Sabratha (Bassin Tripolitain),
le Plateau des Kerkennah et les fossés d'effondrement de PantelleB.a

Si sur le plan structural, cette contradiction est Bvidente,nell'est pas moins
- sur le plan physiographique; car bassin, plate-forme, plateaet fossés d'effondre-
ment ont chacun son caractere bathymétrique propre. Du reste, L'Annexe II du
Mémoire libyen reconnaît clairement ce fait, puisqu'on lit en p. 14, 2Pme alinéa :
« They (the struct~iral features) form alternating areas of shallow bas..and high
platforms. These basins and platforms ...are closety associated with the major

structural featuresof the Africun Continent fi.
Notons au passage que cette subdivision morphologique de la Mer pClagienne
se rapproche beaucoup de celle que présente le MCmoire tunisien (20).

L'existence de ces ensembles structuraux montre que, du point de vue structural
et physiographique (donc morphologique), le Bloc pélagien n'est pas uniforme et
qu'il contient des zones morphologiques qui sont étroitement liees aux domaines

(20) Subdivisfonmorphologique dM.T. Correspondantdans le M.L.
- La zonedes dbpressions de Pantelleria - Pantelleriarift zone
- LeGolfe deGaWssien -- Gabes-SabrathaBasinou Tripolitania
- ie 5.1on tripolit1in Basin
- LeBorderland - MedinaBank(Jeffara-Maltaupiift)
- LePlatenudeMalte - Iblm platfonn. structuraux terrestres adjacents, comme le souligne le Mémoirelibyen (Annexe II,
p. 14). C'est precisément cette liaison étroite entre le Plateau tunisien et la Tunisie
orientale d'une part,e Golfe de Gabés et La Tunisie méridionale d'autre part,que
traduisent toutes les cartes bathymdtriquesde la région (y compris celles fournies
j) par le Mémoirelibyen lui-même :fig. 13 et planche 6 de l'Annexe II) et que le Mé-

moire libyen tente de nier en invoquant l'uniformité.

Il est également évident que la bat:-vmétrie n'est pas, d'une façon directele
résultat du systéme de « horst etgrar 1m.Les causes réelles de la configuration
bathymétrique du Bloc pélagien demeurent de nature géologique et structurale
profonde. Grace aux recherches détaillées en geophysique (rkflection sismique) et en
géologie (sondages profonds) qui ont étéeffectuées dans le Bloc pélagien, la struc-

ture profonde de ce dernier eàtprésent assez bien connue. Les carteES-11 etES-12
montrent que la bathymétrie reflete bien cette structure.

Dans l'ensemble et pour I'essentieI, le Bloc pelagien se divise en trois zones
9 orient6es approximativement ouest-est (voiraussicartes ES-1 eES-6) :

1 - Dans sapartieseptentrionale, au nord d'une ligne allant,en gros, de Kai-

rouan-Mahdia & l'ouest, au Chenal de Medina l'est, c'est-&-dàla latitude 35"30'
environ,tl,y a unezone B reiiefassez contraste et irréguiier,situee à proximité
des orogenes alpins. On y trouve de vasteshauts-fonds : Cap Bon, Banc de i'~ven-
ture, Aateau marin de Malte. Mais, on y rencontre aussi desbassins tres subsidents
au Crétacé et au Tertiaire(c'est-A-dire tout au long des cent derniers millions
d'années) : Sillon au nord-est de Kairouan (Sebkha Kelbia), Golfe de Hammamet,

Bassin de Caltanissetta au sud de la Sicile centrale, etc.., Enfin, cette zone est coupée
de profondsfosséd se distension ouu graben », du Mio-Pliocene (dix derniers mil-
lions d'années) qui continuent encore de nos jours& s'enfoncer : ce sont les fosses
de Pantelleria,Linosa et Malte et encore plus l'cst, le Chenal de Medina, de
direction ouest-est.

2 - Au centre,c'est-&-dire entre la ligne ci-dessetune ligne (a peu presun

parallele) allant de Maknassy et Mahares Bl'ouest (lat34" 30' N), au sud des Bancs
de MellitaBl'est (la34ON), se trouveunezone transversale haute qui comprend le
Mble diAgareb B l'ouest, les Tles Kerkennah et le Plateau tunisien au centre, les
Bancs de Medina $Il'est. Cette transversale comporte généralement des dépbts
récents du Quaternaire (1 2 millions d'années), moins épais que ceux des unités

qui l'encadrent au nord etau sud. Certains niveaux plus anciens sont également
réduits, mais la paléog8ographie de ces périodes dans les limites des différentes
zones a varié sensiblement au cours des Ages. A l'ouest de l'Axe nord-sud, la
transversale se retrouve dans l'ne de Kasserine de Tunisie centrale et en Algérie
orientale. La transversale hautpélagienne Kerkennah-Medina est coupée par quel-
ques fossés récents d'orientationuest-nord-ouest/est -s ud-dosuest/sud-est,

dont les principaux sont ceux de Jerrafa et du nord-est de Mellita. A l'ouest de
l'Axe nord-sud, de semblables fossés accidentent la Tunisie centrale : Kasserine,
Rouhia, ThaIa, et... 110 PLATEAU CONTINENTAL [461

3 - Au sud, entre la transversale et la Flexure de Jeffara, s'étendune vaste
dépressionsubsidente : GoIfe de Gabes et Sillon tripolitain oh se sont déposées
d'épaisses sériesésozoïques et tertiaires. Sur Ie versant méridional, ces séries sont
essentiellement du Permien, du Trias, du Jurassique et du Tertiaire. Dans le Sillon

lui-meme. se développent de puissantes formations marines du Crétacé (inférieur
et supérieur), avec parfois des épaisseurs considérables: on est 18 en présence de
facies analogues h ceux de Tunisie centrale et d'Algérieorientale (AurBs, sud de
Tebessa) .

A l'ouest, le Golfe de Gab&s se poursuit en Tunisie centrale et au bas Sahara
algérien par ladepression des Chotts et du fosséde Gafsa. Vers l'est, il est difficile
d'identifier, au-del8 de l'escarpement ionien, l'équivalent du Sillon tripolita:en

effet ce dernier est masque A son extremité orientale par le versant bascule du
Golfe de Syrte.
Il est important de signaler que ce qui fait l'importance actuelle du Sillon tripo-

litain au point de vue géomorphoIogique, est qu'il continue Zise signaler par l'exis-
tence d'une subsidence relativement importante, attestée par des sédiments recents
(sept derniers millions d'années), plus épais vers son centre que sur ses bordures.
En mer, cette subsidence correspond Ziune profondeur d'eau supérieure & celle
des zones situées au nord et au suddu Sillon. A terre, la subsidence entraîne des

altitudestres faibles, parfois négatives, en dessous du niveau de la mer en Tunisie
occidentale età l'est de 11Alg4rie.

Le Golfe de Gabes et le Sillon tripolitain sont affectés par les percements
halocinétiques (murs et d6mes de sel), dans la partie occidentale de leur jonction
(àl'ouest du meridien 13"E). Ces percements dont il existe des exemples en Tunisie,
sont dos au fait que le sel est, d'un point de vue dynamique et quand il est soumis
$ides pressions élevées, beaucoup plus plastique que les autres roches. 11 réagit

donc différemment aux contraintes auxquelles il est soumis.

Le Sillon tripolitain est recoupé par des failles et par un fossé d'effondrement
orientés ouest-nord-ouest/est- sers-e'st. ces failles prennent la direction
ouest-est, y compris la faille bordiere du sud elle-m&me entre Tripoli et Misurata
@@ (voir cartes ES-6et ES-4).

Outre les trois unités transversales principales que nous venons de décrire, on
doit signaler que la Mer pélagienne montre, sa partie orientale, une série de
plateaux relativement peu profonds : ce sont Malte et Medina, formant un axe

élevéque de nombreux auteurs ont appelé Axe Jeffara-Malte, bien qu'il soit diffi-
cile de l'identifier dans la partie méridionale oii il est masquépar le fort creusement
du Sillon tripolitain.

De ce qui précede et notamment de la description rapide de ces trois zones
transversales, orientées d'ouest en est, on peut conclure que l'existence du Plateau
tunisien n'est pas liau systéme defailles du Bassin de Syrte, mais que ce Plateau
constitue une partie haute d'une zone transversale qui Btait,à travers les temps

géologiques et qui demeure aujourd'hui encore, une zone structuralement haute, depuis l'Algérie orientale jusqu'au Banc Medina. C'est cette réalité que traduisent

les lignes bathymgtriques sur toutes les cartes.
De meme, le Golfe de Gabès et le Sillon tripolitain correspondenA un prolon-

gement en mer du Sillon des Chotts et du Sillon de Gafsa. Seul leur flanc sud est
apparenté au nord de la Jeffara. Par contre, leur flanc nord appartient d'autres
unités morphologiques : le Plateau tunisien à l'ouest, le Plateau de Mellita et de
Medina à l'est.

En conclusion, les relations morphologiques établies par le Mémoirelibyen entre
la Mer pélagienne et le Bassin de Syrte sont très précaires et limitéasun paral-
lélisme approximatif de failles de distensiond'8ge différent et une pretendue
uniformité, contredite par les textes et les illustrations du Mémoirelibyen lui-meme,
aussi bien que par les cartes bathymétriques et les écrits des auteurs sur la région.

B. - La physiographie

Comme la morphologie, la physiographie marine (discipline qui étudie les carac-
teres topographiques d'ensemble des fonds marins) n'a éteabordée dans le M.L. que

tres brievement. Pourtant, la physiographie est un critere physique important pour
l'individualisation des zones marines et le rattachement de ces derniPres aux
ensembles continentaux adjacents. En effet, en physiographie marine, le classement
des fonds marins selon leur degre de déclivité conduiila définition de« la marge
continentale»,composee d'un plateau continental, d'un talus et d'un glacis, debou-
chant sur une plaine abyssale. Du meme coup, la direction de développement de

cette marge donne la direction naturelle seIon laquelle doivent se succeder ses
différentes composantes,
Le M.T., utilisant les travaux des chercheurs scientifiqudans ce domaine, a

présentédes cartes qui montrent la distribution des différentes provinces physio-
graphiques que l'on rencontre en Mer ionienne. 11 s'agit principalement de trois
provinces :
1 - Un glacis dit deSyrte qui descend en pente douce vers la plaine abyssale

ionienne et prolonge naturellement vers le nord le Bassin de Syrte, les deux ensem-
bles étant des parties plus ou moins basculées de la Plate-forme saharienne.
2 - Un plateau continental étendu qui se développe en face de la Tunisie
orientale,en prolongeant naturellement cette derniere vers l'est (également en
direction de la plaine abyssale ionienne), les deux ensembles étants parties plus

ou moins hautes de.la transversale ouest-esou Axe des mbles.
3 - Entre ces deux provinces, se developpe un avant-pays à relief varie
(sorte de borderland), situàl'est du Plateau tunisien, prolongeant comme lui les
zones hautes transversales(Axe des m61es) et s'étendant, dans la zone concernée,

3 sur le Plateau de Mellita de Medina (cartes ES-1 et ES-6) .n notera par ailleurs
qu'a l'est de la Flexure ionienne, l'Axe ouest-est se prolonge dans les monts profonds
9 de Medina (carte no 2 du M.T. et carte ES-IO). 112 PLATEAU CONTINENTAL 1481

Examinons maintenant les développements du M.L. consacres la physiogra-

phie, Relevons dans le Memoire libyen (A la page 17 de son Annexe II), I'affirma-
tion que le « Bassin Pelagien)rest physiographiquement uniforme. Il s'agit 19, de
nouveau, d'une affirmation que contredisent les faits. ainsique les textes du
Mémoire libyen lui-même.En effet, en page 16,donc & peine 4 paragraphes aupa-
ravant, on lit:« bathymetrically speclking, the area (Plate 6)canbe divided into three

zones al1of which are closely associated with major structurai featureof the Afri-
can Continent (Tellian and Atiasic directions) ».Selon leM.L. ,es trois zones sont
Annexe II, pp. 16 et 17) :

1 - Une zone plate. situce entre les cbtes tuniso-libyennes et les coordonnees
35030' lat. nord et 1330' long. est et dont la pente est de 0,lOjoen moyenne jusqu'h
100 nlde profondeur et 0,7 û/,en moyenne de 100 & 200 m+ Il est 9 remarquer que
cette zone correspond peu prés& la province physiographique que le M.T. decrit
comme étant un plateau continental étendu qui se développe en face de la Tunisie
orientale et méridionale.

2 - Une zone B l'est du méridien 130 30'E, qui forme l'Avant-pays tnpolitain
(Tripolitania Precontinent)etqui s'&end sur la partide la Mer pélagiennecomprise
entre Tripoli et Malte, c'est-&-dire la bordure nord du Sillon tripolitain et le Plateau

de Mellita et de Medina. Or, c'est précisCrnentcette zone que M.T. appelle Avant-
pays ou Borderland, dans la zone concernée.
3 - Une zone accidentée, situee dans le Golfe de Hammamet au nord. que le

M.T. inclut dans le Borderland et qui est situee en dehors de la zone concernée.

On voit donc que malgré l'affirmation d'uniformité physiographique du Bloc
pélagien, les faits décrits pale M.L. lui-meme concordent avec ceux décrits dans
le M.T. pour montrer qu'il existe en Mer pélagienne des provinces physiographiques
liees etroitement aux domaines structuraux majeurs du continent. 11 suffit simple-
ment de tirer de ces faits les conclusions qui s'imposent :

1 - Le Glacis de Syrte (non mentionné dans lesdevelopements libyens) pro-
longe naturellement le Bassin de Syrte vers le nord, en direction de la plaine abyssale.

2 - Le plateau continental en face de la Tunisie orientale prolonge naturel-
lement celle-ci vers l'est, en direction de cetteme plaine abyssale.

3 - Le Borderland, entre ces deux provinces, constitue une zone indéterminée.

4 - La direction naturelIe de prolongement est celle qui correspond au sens
du développement de Ia marge continentale et de sa descente vers la plaine abyssale
ionienne, c'est-&-direune directionouest-est qui est radicalement differente de la
direction sud-nord,de prolongement naturel soutenue dans le M.L. CONCLUSIONS

Le M.L.et son Annexe IIont définiun Bloc pélagien («Pelagian Basin») compre-
nant la Mer pklagienne, la Tunisie orientale k l'est de l'Axe nord-sud (Gabes-
Tunis) et la Jeffara maritime tunisienne et tripolitaine, au nord d'une Rexu(rPer-

mian hinge line})) et d'un ensemble de failles passant par Médenine, El Uatia et
Homs.
Pour Ctabljr une prolongation du teriitoirelibyen vers le plateau continental

sous la Mer pélagienne, le M.L. propose trois arguments ptincipaux qui s'averent,
apres examen, sans valeur :

a - Le Bloc pélagien serait un prolongement de la Plate-forme saharienne située
au sud.
Or, l'importance de la Flexure de la Jeffara, soulignée par les planches 1 et 2 du
3 M.L., exclut une telle continuité et ceci est dû aussi bien A une histoire géologique

qu'A des comportements tectoniques opposés : stabilité au sud. plissements, perce-
ments de sel et forte subsidence au nord.
b -Le Bloc pélagienaurait des parentes naturelles avec lBassin de Syrte.

En Mt, Ies anaiogies entre le plateau continental sous la Mer pélagienne et le
Bassin de Syrte nous paraissent tres faibles, limitde& un parallélisme des failles
de distension et ilune continuité des faciès de 1'Eoceneinférieur.

Par contre, des différences fondamentales existententre eux : paléogéographies
opposées au Trias au Jurassique et au Crétacé inférieur; comportements differents
au Cretacé supérieur; sédimentation de type nettement différent au Mioche et au
Plioene; halocinése et plissements atlasiques plus ou moins actifs en Mer péla-

gienne et en Tunisie, absents en Syrte; jeu de failles et de fossés plus ancien en
Syrte. plus jeune au contrairen Tunisie et dans Ie Bloc pélagien, avec le maintien
d'une activité neotectonique importante; basculement vers le nord du Bassin et sur-
tout du Golfe et du Glacis de Syrte, alors que la Plate-forme pelagienne s'est rnain-
tenue, avec juste une legere inclinaison vers l'est. Enfin et surtoutdeuxsdomaines
sont sépares par l'escarpement Misurata-Maltequi est une des cassures principales de

toute la Mediterranée.
c -Homogénéitédu Bloc pélagien.

Ce point de vueest soutenu essentiellement d'une maniére négative, en mini-
misant les facteurs géographiques, morphologiques et physiogrsphiques.114 PLATEAU CONTINENTAL [sol

En définitive,la simple observation des cartes bathymétriques montre I'emboi-
tement d'ensemble des isobathes du plateau et du tracé des cbtes. Deux entites
morphologiques apparaissent dans la région considerée :

1- Un plateau s'allongeant, en gros, ouest-est et prolongeant les Môles de Tuni-
sie centrale (Ile de Kasserine) et de Tunisie orientale (Mble d'Agareb). Toutes les
donnees morphologiques et structurales confirment l'analogie du Plateau tunisien
et du MBle d'Agareb : topographie, reseau hydrographique divergent. depressions
fermées, plis de type atlasique, et...

De l'ensemble des points de vue géologique, géographique et physiographique,
le Plateau tunisien apparaît donc comme un prolongement évident vers l'est de la
Tunisie orientale et centrale. Il est séparé d'une part, de la Plate-forme saharienne

par un sillon subsident et par les Flexures de la Jeffara et d'autre part, du Bassin
de Syrte par l'escarpement « Misratah-Malte » ou Flexure ionienne qui est un des
éléments topographiques et structuraux majeurs de l'ensemble méditerranéen.

2 - Une zone topographiquement basse sépare le Plateau tunisien au nord, de
la Jeffara au sud: Il s'agit du GoIfe de Gabès et du Sillon tripolitain, prolongeant en
mer le Sillon subsident des Chotts d'Algérieorientale et de Tunisie.

Une continuation physique de la Tripolitaine occidentale ne peuetre recherchée
A nos yeux, que sur le versant méridional de ce Sillon tripolitain. En effet, pour
aller des cbtes libyennes au Plateau tunisien, il faut descendre dans le SiIlon, puis
remonter sur son versant nord. Par contre, en s'dloignant des côtes de la Tunisie
orientale vers l'est, on descend progressivement et lentement le long du plateau,
vers les basseterrasses d'Isis et de Lalla Saï(cfcarte no 1 duM.T.) C.e n'est qu'au-

dela de ces terrassesque des ensellements Btroits (cols sous-marins) devraienBtte
franchis pour remonter vers les bancs de Mellita et de Medina, appartenant au
a Borderland » pélagien. Annexe II

ANNEXE 11-1

EXERCICEDE LA SOUVERAINETETUNISIENNE

SUR LA PARTIE SUD-EST DU TERRITOlRETUNISIEN

AVANT LE PROTECTORAT

Cette question est intimement liée au probleme des frontières évoqué par le
Mémoire libyen dans les$1 22 a 29 (pp. 12 14). A travers ces pages du chapitre III.
le Mémoirelibyen donne en effet une analyse orientée de l'historique de la frontière

terrestre entre les deux pays. Le but de cette analyse sembleetre tres insidieux,
puisqu'il vise apparemment Zicontester le tracé de la frontière tel auétéétabli
par la Convention du 19 mai 1910.

Au surplus, le Mémoire libyen a cherchéZiaccréditer IYid8eque la Libya dejh
subi, avec la Convention de 1910, une injustice historiquequ'il faudrait réparer
(voir8 120,p. 52).

Cette prétendue injustice se dégage d'une analyse des élements de fait, conduite
par le Mémoire libyen avec une logique tres spécieuse. Elle consisàesoutenirque
jusqu'en 1887, la frontière entre la Régence de Tunis et le Vilayet de Tripoli passait
beaucoup plus h l'ouest que la frontiere actuelle qui aurait étéimposée pratique-

ment à la Porte par la France, dans un but strategique et militaire. La Tunisie aurait
ainsi gagne indûment une partie du territoire libyen, du fait des compétitions colo-
niales.

Cette these est doublement contestable, surle plan méthodologique aussi bien
que sur le plan de la véritéhistorique.

Tout d'abord, il faut considérer comme un argument fallacieux et totalement
inoperant, la méthode utilisee par le Mémoire libyen qui consisteà remettre en
cause des frontieres conventionnelles, au nom d'anciennes frontieres historiques.

II est d'ailleurs facile de retourner cet argument contre la Libye. II est aise,
en effet, d'invoquer l'Histoire pour montrer comment au IXème siècle, au Xeme
siècle etau XIIlème siècle le domaine de la souveraineté tunisienne s'etendait beau- 116 PLATEAUCONTINENTAL 181

coup plus loin vers I'est. D'abord au IXérnesiecle, leroyaume aghlabite de Tunisie
s'étendait au-del& de Tripoli, pour aboutir à quelques kilometres de Barka (1).

Un siècle plus tard, l'«lfriqiya » des Fatimides devait se dilater aux dimen-
sions d'un empire s'étendant jusqu'au taire B I'est et à Fez à l'ouest. Cette fois,

toute la Libye etait soumise A la souverainete fatimide. Perdue sous le règne des
Zirides (XIlémesiècle), la Tripolitaine fut reconquise par les Almohades et intégrée
à.la province de Tunis (2). Au XIIIeme siècle, la Tripolitaine fut encore soumise

a la souveraineté de la dynastie hafside de Tunis. La frontiere méridionale de 1'Ifri-
qiya se dirigeait alors vers GhadamPs puis aboutissait sur le littoral de la Grande
Syrte A Taworga, au sud de Misurata (3). Ainsi pendant trois siecles, jusqu'h la

conquête turque, la Tripolitaine fit partie integrante de l'empire hafside (v. figure
no 1ci-contre).

En revanche, il apparaît tres clairement que c'est du fait de la pénetration
ottomane et de l'annexion de la Tripolitaine, puis de l'Ifriqiya que la ProntiPre entre

les deux pays fut ramenée vers l'ouest, d'abord en tant que frontiere administra-
tive (4), puis comme frontiére politique, avec l'indépendance des Beys de Tunis
et des Pachas de Tripoli. Elle fut renforcée en 1835 au moment de la réoccupation

de la Tripolitaine par la Sublime Porte.

Comme on le voit, l'utilisation de ces considérations historiques dans la même
perspective que le Mémoire libyen, aboutit une conclusion tout à fait opposée.
11 suffit de remonter un peu plus dans l'histoire coloniale de la Tunisie pour

s'apercevoir que c'est la colonisation turque qui a amputé l'Ifriqiya de sa province
la plus méridionale au profit de la Libye, en déplaçant la frontiere vers l'ouest.

Au demeurant, l'histoire de la colonisation nous permet d'aller encore plus loin
et de réfuter totalement les conclusions du Memoire libyen au sujet d'un prétendu

déplacement vers l'est de la frotitiére d'avant 1887, déplacement qui aurait 6th
imposéde factopar la France t~la Turquie, avant d'en obtenir la confirmation de jure,
dans la Convention de 1910 ($3 25-26, p. 13 du Mémoire libyen).

En fait, le Mémoire libyen pêche sur ce point par exces de simplisme, en

évitant tout d'abord de poser le probleme dans ses véritables dimensions. Celles-ci

(1) L'on sait meme que uLabda etait laderniere possession effectivedes Aghfabites, et
la plus lointaine citadelldefendant vers l'estleurroyaume» : H. Djalt et autres, Histoire de
la Tunisie, le Moyen Age. STD, Tunis ,. 110.

(2) Ibidem, p. 330. Voir aussi Ch. A. Julien, Histodee l'Afrique du Nord, Payot, Paris,
2.2ed,1964,vol. IIpp.113-114.
Voir Histoire de la Tunisie, precité p. 379.
(3)
(4) Aprbs l'intermedede la prisede Tfipolipar les Espagnols (1510), la ville fut occupCe
par Dragut (1551) qui en fit le chef-lieu d'un Vilayet ottoman s'étendantsur unepartie de la
Tripolitaine. Puis en1574, 1'Ifriqiya fut occupée 8 son tour par le Beylerbey d'Alaur nom du
Sultan de Constantinople et rattachee à la province d'Alger. Cependant en 1582, une réforme
administrative décidée par le Sultan divisa les territoires allant de la Mouloula Tripolitaine
en troisccpachaliksi) ou provinces, gouvernees par des pac: celle d'Alger, celleTunis et celle
de Tripoli.ont eté remarquablement degagées par le Professeur A. Martel dans sa thèse citée
par Ie Mémoire libyen.

L'auteur affirme avec force que le probleme des limites entre la Tunisie et la
Tripolitaine avant 19'10est un problerne de confins et non un probleme de fron-
tieres. Et il faut le resoudre en fonction de :riteres socio-économiques et non en

fonction de criteres territoriaux (5). C'est ce qui permet à l'auteur de conclure :
« C'est pourquoi entre des points dont la nationalite est précise ne passe

pas une frontiéredlfinie, mais s'étendentdes confins plus ou moins vastes.
Sur le littoral, l'îlot des Biban est tunisien. Le village de Zouara tripolitain;
dans le Djebel, les Ksour des Ouderna relèvent du Bey de Tunis et Ouezzen

de celui de Tripoli; ci l'ouest les oasis de Nefzaoua dependent du Djerid,
celles du Sorrf de Constantine. Entre ces établissements,les zones d'influence
des Ouerghamma et des 'Nouaïl, des Ouderna et des Mhamid, des Merazig
et des Chaarnbasont d'autant plus vagues que leurs fractions marabou-

tiqrres (...)se veulent étrangéres à toute considOration autre que reli-
gieuse » (6).

De fait, I'on sait que depuis la fin du XVlèrnesiecle, les rivalites tuniso-tripoli-
taines ont étél'occasion pour les tribus du sud tunisien, notamment les Ouergham-
ma installés dans la Jeffara depuis le milieu du XVeme si&cle (7) (voir figure no 2

ci-contre), d'accentuer leur poussee vers l'est et d'assurer ainsi aux Beys de Tunis
de sensibles avantages territoriaux, au détriment des Nouaïl Tripolitains. Il faut
noter surtout qu'en 1605, Othman Dey envoya une colonne à Ghadames pour y per-
cevoir un tribut que l'oasis, jadis dépendante de Tunis, ne payait plus du fait d'un

relachement de I'autorite turque (8). Le fait est trop important pour qu'il puisse
passer inaperçu. Il signifie que, contrairement A ce qu'affirme le Mémoire libyen,
l'autorite des Beys de Tunis s'étendait jusqu'h GhadamBs, depuis le début du

XVIIeme siecle.
Enfin, prés d'un sii?cIe plus tard, Hamouda Pacha reçut à Tunis le Bey de

Tripoli chassé de son trône et envoya ses troupes le rétablir. Les Ouerghamma par-
ticiperent & cette campagne comme auxiliaires et ils en profiterent pour refouler
définitivement les Nouai1 au-delà de la Moqta. Un traité fut m&mesigné, semble-
t-il, pour fixerla frontière entre les deux régences à cette limite. Mais ce traité n'a

jamais étéretrouve (9).

(5) uJusqu'oùs'étend au début duXIXe sikle la Rdgence de Tunis? Poser laquestionen
terme territorial pour le sud c'est la fausser, bienque les Turcs aient introduit une notion de
limites négligéeavant eux Daiis les steppes et les confins désertiques parcourpar les semi-
nomades, la frontière ne passe pas sur le sol mais entre des groupes humains qui paient
I'impbt, ou devraient le payer& tel ou tel souverain et combattent pour lui. La où ilsont
des établissements fixes. poss&dls privativemedttitre Melk, la souverairiede I'Etat escer-
taine. ainsi pour les vergers et les oas..» :Les confins saharo-tripolitains de la Tunisie,
Paris.PUF, 1965vol.1p. 65.
(6) Ibidem.p. G6.
(7) Ibidem, p.46.
(8) lbidem, p. 59.
(9) Ibidem, p.64. 118 PLATEAU CONTINENTAL [IO]

Apres ce refoulement définitif des Nouail, on peut affirmer que des le debut du
XIXeme siècle, l'autorite du Bey de Tunis s'exerçait jusqu'8 une frontière quelque
peu mouvante certes. mais qui correspondait à peu prPs à celle de 1881. Elle dtait

plus favorable pour la Tunisie que celle de 1910, puisqu'elle englobait dans le ter-
ritoire tunisien l'oasis de Ghadames, toute la Sebkha de la Moqta et rejoignait le
littoral non loin de Zouara.

Cependant, lesconfints uniso-tripolitains connurent de nouveau une période
d'anarchie et d'ins4cunté au lendemain de l'occupation française, En effet la rdsis-
tance & l'occupant s'organisa de plus en plus dans le sud, aux abords de la Tripo-

litaine oh elle espera toujours une aide, sinon une intervention turque. Plusieurs
tribus, notamment les Ouerghamma, se retranchèrent sur la Moqta ou dans les Djebels.
Certaines s'infiltrkrent m&me en Tripolitaine.

Jusqu'en 1887, la situation militaire de la France ne cessa de se degrader, du
fait que les confins tuniso-tripolitains étaient devenus le refuge imprenable de tous
ceux qui étaient decidés à poursuivre la lutte. Ce refuge etait d'ailleurs d'autant

plus sûr que « la France, par crainte d'incidents avec les forces turques de Tripoli-
taine et de complications internationales (Turquie et surtout Italie) donna l'ordre
à ses forces armées de ne point depasser l'Oued Fessi » (10).

En somme, c'est seulement par mesure de prudence diplomatique et militaire
que les colonnes françaises dviterent de franchir l'Oued Fessi. Au-delà et jusqu'à
la Moqta, c'était le domaine des insurges.

Mais les autorites civiles ne tardèrent pas à rdaliser qu'en s'arretant tactique-

ment sur L'Oued Fessi, les autorités militaires donnaient l'impression qu'elles consi-
déraient cette ligne comme etant la frontiere. Or, selon les prétentions des
Ouerghamma reportées sur une carte des confins, Ia frontière devait passer à la
Moqta (11). Des lors, les autorités civiles allaient s'interesser de plus en pl&scette

zone-tampon, entre l'Oued Fessi et la Moqta, au fur et à mesure de l'essoufflement
de la résistance.

Mais.en mdme temps, les autorités turques, encouragees par les Italiens, s'inte-
resserent à la zone neutre. Elles pouss&rent discretement les Nouai1 a tenter d'occu-
per du terrain, au-dei& de la Moqta.

Désormais les Italiens allaient s'employer à inserer la question des frontieres
tuniso-tripolitainesdans le jeu des grandes puissances, afin de bloquer l'avance
française et de préparer la réalisation de leurs visées sur la Tripolitaine. En ma-

nŒuvrant les Ottomans et les Anglais, en dénonçant les empiétements français sur
la Moqta, les Italiens étaient,en realité, soucieux de protéger préventivement Gha-
damés, centre névralgique du commerce trans-saharien (12).

Voir aussi A.aMartel,les confins saharo-tripolitains de la Tunisie, precite233-274p. 27.

(11) Ibidem,pp. 339-340.
(12) Ibidemp.382. 11sessayèrent meme d'entrainer le Foreign Office avec eux, en exploitant des
renseignements fournis par Ies Turcs, au sujet de la tribu des Ouerghamma (13).
Parce que celle-ci vivait en état de dissidence, en territoire tripolitain, ils en con-

clurent qu'il s'agissait d'une tribu tripolitaine. De meme, ils tenterent d'exploiter
« l'impbt » que la moitié des Ouerghamma payaient, à l'époque, à Tripoli pour faire
croire à un Liende souveraineté. En réalité,il s'agissait tout simplement d'une contri-

bution payée par les fractions émigrées, pour les labours effectues ill'est de la
Moqta, et non d'une redevance de souveraineté personnelle (14). Du reste, par Ieur

reddition aux autorités françaises, les Ouerghamma prouverent qu'ils se considé-
raient comme Tunisiens et non comme Tripolitains (15).

Sur le terrain, tout se passe comme si les autorités ottomanes cherchaient
simplement & éviter un accord frontalier, mais sans contester vraiment l'extension
de la souveraineté tunisienne jusqu'g la Moqta (16), leur but étant seulement d'évi-

ter une reconnaissance officielle du protectorat français en Tunisie.
C'est uniquement dans les semaines qui suivirent l'échec de la Conférence de

Zouara, que les troupes françaises entreprirent l'occupation de la zone revendiquée,
à l'ouest d'une ligne Ras Ajdir-Moqta-Khaoui Smeida-Dehibet. Et cela sans

aucune reaction ottomane. Peut-etre parce qu'il s'agissait au fond d'une ligne de
compromis qui (<donnait satisfaction aux Tunisiens sans trop léser les Tripoli-
tains » (17).

Finalement, au cours de la Conference de Tripoli (11 avril-9 mai 1910) les
d41Cguéstunisiens obtinrent de la délegation ottomane une reconnaissance de la

ligne Moqta-Khaoui Smeïda, au prix de concessions importantes dans les zones de
Dehibat. Ouezzen, Djenein, Nalout et GhadamBs. C'est ce qui fit écrire A un historien
tunisien :

« La France qui n'osait pas mécontenter les Italiens a qui la Tripolitaine
était promise et qui avait besoin d'alliances au moment où la .question

marocaine allait se poser, préféraétablir un compromis au detriment de
notre territoire » (18).

(13) Composde de 80.000 ames : Ibidem, p.380.
(14) Ibidem, p. 381.
(15) J. Servonnet et F, Laffitte affirmenen 1888 que cette frontiere encore indeterminée,
coïnciderait,d'aprbs les indigenesde la région,avec le bord occidentald'unlacsalé, laSebkha
EI Magta. situe o 2 Km dans I'esdu Ras Ajdir. .» : Le Golfe de Gabès en 1888, Paris, Chal-
lame1 et Cie Editeurs, 1888,p. 1.

(18) En effet en avril 1889.le Consul GBn4ral de France à Tripoli protestauprès du wali
de Tripoli contre l'envoi d'une Commission topographique turque dans la zone litigieuse et obtint
l'assurance que la Moqta seraitrespectée. Au surplus. écrit A. Martel, ales officiers turcs, pen-
dant les quinzes jours qu'ils passent dans la rCgion cbtibre, évitent de s'approcher de la Moqta
que le cheikh des Beni Meriem, si El Hadj Abdallah Ben Zerrad, convoqué à Zouara, leur affir-
me Btre la fmntiérenLe cheikh est pourtant peususpect de complaisance vis-&-vis de l'occupant
français. puisqu'il a &migréen 1881 et s'eat mis au servicedes insurges : A. Martel. op. cit..
pp.369 et 402.
(17) Ibidem, p.598.

(18) A. Kassab, op. cit.p. 38. Voir lettredu Ministre des Affaires Etrangères au Résident
Gendral en date du 27 juin 1907 :citée par A. Martel. op. cit.. II,p.8.120 PLATEAU CONTINENTAL [Ill

Il apparaît donc que c'est une contre-v6rité historique de prétendre que la Con-

vention de 1910 a consacré une extension vers l'est du territoire tunisien au détri-
ment de la Tripolitaine, du fait d'une occupation miIitaire française. Au contraire,
il paraît tout A fait incontestable qu'en raison du jeu des grandes puissances et
du fait des exigences de ia stratégie militaire et diplomatique française, la Tunisie

n'a pas récupéreavec -a Convention de 1910 Ia totalité de ses frontières histo-
riques.

Par ailleurs, A la lecture des dispositions de cette convention, on ne peut
manquer d'être frappé par le fait que, contrairement aux affirmations du Mémoire

libyen (§§ 25-26-27, pp. 13-14), l'actes aux points d'eau, puits et oueds, a Ctkassure
aux deux pays le long de la frontiere. non pas dans un but militaire, mais en fonction
des besoins vitaux des tribus tunisiennes et tripolitaines, Ouerghamma et Nouail,
vivant sur les confins (voir les articles 1 et 2 de la convention) (19).

(19) U est meme p*vu cet egard que les tribus tripolitainesont le droit d'accès aux points
d'eau situes B l'ouest de la fronti&re,tels que les pud'Mn El Ferth, Ain Nekla, Mestoura
et Oglet El Ihimeur (Art. ler). En revanche la frontipasse ensuite entre ledeux puits Zar
et laisse le puits dMechiyig aux tripolitains. ANNEXES AU CONTRE-M~MOIRE

ANNEXE 11-2

TRAITED'AMITiE ET DE BON VOISINAGE

ENTRE:LA REPUBLIQUEFRANÇAISE
ETLEROYAUME-UNIDELIBYE

Le Prbsident de la République Française;

Et Sa Majeste le Roi du Royaume Uni de Libye;

Désireux de consacrer par le présent Traité l'amitiéet l'association d'intérét qui
existent entre la RBpublique Française et le Royaume Uni de Libye,

Convaincus qu'un Traite d'amitié et de bon voisinage conclu dans un esprit de
compréhension reciproque et sur la base d'une égalité,d'une indépendance et d'une

liberte complète facilitera le réglement de toutes les questions que posent pour les
deux pays leur situation géographique et leurs intérets en Afrique et en Méditerranée,

Désireux de se preter mutuellement assistance et de coopérer étroitement entre
eux aussi bien qu'avec les autres nations pour maintenir la paix et s'opposer à
l'agression, conformkment à la Charte des Nations Unies,

Animes enfin de la volonté de resserrer les relations économiques, culturelets
de hon voisinage entre les deux pays, dans leur commun interet comme dans celui
de la prospérite génBrale,

Ont decidé de conclure un'Traité Ztcet effet et ont désigné pour leurs Plénipo-

tentiaires:
Le Président de la République Française :

Pour la RBpublique Française,
Son Excellence Monsieur Maurice DEJEAN,Ambassadeur de France.

Sa Majesté le Roi du Royaume Uni de Libye .
Pour le Royaume Uni de Libye,

San Excellence Monsieur Mustapha BEN HALIM,Premier Ministre et Ministre
des Affaires Etrangeres du Royaume Uni de Libye. 122 PLATEAU CONTINENTAL [14]

Lesquels, apres s'dtre communiqué leurs pleins pouvoirs reconnus en bonne et
due forme, sont convenus des dispositions suivantes :

ARTICLE PREMIER

Il y aura paix et amitié perpétuelles entre la République Française et le
Royaume Uni de Libye.

Les Hautes Parties Contractantes se consulteront aussi souvent que leurs inté-

rets communs l'exigeront.
Elles se conformeront dans leurs relations mutuelles aux principes formulés par

l'article2 de la Charte des Nations Unies.
Les Hautes Parties Contractantes ne prendront aucun engagement incompatible

avec les dispositions du present Traité et ne feront rien qui soit de nature à créer
des difficultesà l'autre Partie, compte tenudes dispositions de l'article7 ci-dessous.

ARTICLE 2

Chacune des Hautes Parties Contractantes sera représentee aupres de l'autre
Partie par un représentant diplomatique dament accrédite.

ARTICLE 3

Les deux Hautes Parties Contractantes reconnaissent que les frontieres sépa-
rant les territoires de la Tunisie, de I'Algerie, de l'Afrique Occidentale Française et
de 1'Afrique Equatoriale Française d'une part, du territoire de la Libye d'autre part,
sont celles qui résultent des actes internationaux en vigueur à la date de la consti-

tution du Royaume Uni de Libye, tels qu'ils sont définis dans l'échange de lettres
ci-jointes (Annexe 1).

ARTICLE 4

Les deux Hautes Parties Contractantes, considérant les obligations qui leur
incombent réciproquement du fait de leur situation geographique, s'engagent &

prendre, chacune sur son territoire, toutes les mesures nécessaires au maintien de la
paix et de la securité dans les régions avoisinant les frontieres définies a l'article
precédent, et ilmaintenir entre elles des relations de bon voisinage.

A cet effet, les deux Hautes Parties Contractantes ont conciu une Convention
particiiliére ainsi qu'une Convention de bon voisinagejointes au présent Traité.

ARTICLE 5

Au cas où I'une des Hautes Parties Contractantes se trouverait engagée dans un
conflit armé affectant les territoires du Continent Africain situés dans l'hémisphère

Nord, du fait de l'agression d'une autre Puissance ou en cas de menace imminente
d'une telle agression, les Hautes Parties Contractantes se consulteront en vue d'as-
surer la défense de leurs territoires respectifs. En ce qui concerne la France, il s'agit des territoires dont elle assume Ia défenseet qui sont limitrophes deLibye.
& savoir : la Tunisie, l'Algérie,l'Afrique Occidentale Française et l'Afrique Equato-
riale Française.En ce qui concerne la Libye, il s'agit du temtoire Libyen tel qu'il
est défini B l'article 3 du présent Traité.

ARTICLE 6

Les Hautes Parties Contractantes s'attacheront resserrer leurs relations
économiques et culturelles, dans les conditions qui font i'objet de la Convention de
coopération économique et de Ia Convention culturelle jointes au présent Traité.

ARTICLE 7
Le présent Traité ne porte aucune atteinte aux droits et obligations résultant

pour les Hautes Parties Contractantes des dispositions de la Charte des Nations
Unies et de tous autres Traites, Conventions ou Accords réguli&rement publiés, y
compris, pour le Royaume Uni de Libye, le Pacte de la Ligue des Etats Arabes.

ARTlCLE B
Les différends auxquels pourraient donner lieu l'interprétation et l'application du

présent traité et qui n'auraient pu etre regles par voie de négociations directes seront
portés devant la Cour Internationale de Justice à la demande de l'une des deux
Parties it moins que les Hautes Parties Contractantes ne conviennent d'un autre
mode de rkglement.

ARTICLE 9

Dans les Conventions et Annexes qui sont jointes au présent Traité et en font
partie integrante, le terme :a Le Gouvernement français » désigne le Gouvernement
de la Républiqu5 Française, et le terme : Le Gouvernemen t ibyen ))désigne le
Gouvernement du Royaume Uni de Libye.

ARTICLE 10

Le présent Traité sera ratifié et entrera en vigueuZila date de l'échange des
instruments de ratification qui aura lieu B Paris aussitBt que faise pourra.

ARTICLE 11

Le présent Traité est conclu pour une duree de vingt années.
Les Hautes Parties Contractantes pourront toujours se consulter en vue de sa

révision.
Cette consultation sera obligatoireil'expiration des dix années qui'suivront sa
mise en vigueur.
Il pourra &tre mis fin au présent Traite par l'une ou l'autre Partie vingt ans

aprh son entree en vigueur ou toute époque ultérieure, avec un préavisd'un an
adresse l'autre Partie.124 PLATEAU CONTINENTAL [If4

En foi de quoi, les Plénipotentiaires ci-dessus désignés ont signé le présent
Traité, les Conventions et echanges de lettres annexes et y ont appose leur cachet.
Fait
Tripoli le dixaoût 1955. en double original, enlangue françaiseet arabe,
les deux textes faisant également foi.

Pour le Gouvernement Pour le Gouvernement
de lu République Française du Royaume Uni de Libye

Maurice DUEAN Mustapha BEN HALXM

*
* *

Annexe 1

Tripoli, le 10 aoat 1955.

Excellence.

L'article 3 du Traité d'amitié et debon voisinage entre la France et la Libye
dispose que :

r<Les deux Hautes Parties Contractantes reconnaisse que les frontières sépu-
rant le territoire de la Libye d'une partdes territoires dIa Tunisie, de l'Algérie,de

l'Afrique Occidentale Française et de l'Afrique Equatoriale Française d'autre part,
sont celles qui rbsultent des actes internationauxen vigueur à la date de la consti-
tution du Royaume Uni de Libye, tels qu'ils sont définis dansl'échange de lettres
ci ointes (Annexe 1).

Il S'agit des textes suivan:s
- la convention franco-britannique du 14 juin 1898;

- la déclaration additionnelle. du 21 mars 1899, a la convention précédente;

- les accords franco-italiens du ler novembre 1902;
- Ia convention entre la République Française et la Sublime Porte du 12 mai
1910;

- la convention franco-britannique du S septembre 1919;
- l'arrangement franco-italien du 12 septembre 1919.

En ce qui concerne ce dernier arrangement et conforn~ément aux principes qui
y sont enoncés, ila étéreconnu par lesdeux delégations qu'entre Ghat et Toummo
la frontikre passe par les trois pointssuivants, h savoir :

- la Trouge de Takharkhouri, le Col d'Anai et le point coté1010 (Garet Derouet
El Djemel). ANNEXES AU CONTRE-M~MOIRE

Le Gouvernement français est pr&ta designer des experts qui pourraient faire
partie d'une commission mixte franco-libyenne chargée de procéder h L'abornement
de la frontiere partoutof^ce travail n'a pas encore éte effectué etoù l'un des deux
Gouvernements l'estimerait necessaire.

En cas de désaccord au cours des opérations d'abornement, les deux Parties
d&signeront chacune un arbitre neutre et, en cas de desaccord entre les arbitres.
ces derniers désigneront un surarbitre également neutre qui tranchera le différend.

Veuillez agréer, Excellence, les assurances de ma très haute considération.

Signé : DEJEAN

Tripoli,le 10 aoQt 1955.

Excellence,

Vous avez bien voulu m'adresser au nom de votre Gouvernement la lettre sui-
vante :
..................................... ......................................

(Suit letexte de la lettre précédente)
.......................................................................

J'ai l'honneur de vous confirmer l'accorddu Gouvernement libyen sur ces pro-
positions.

Veuillez agréer, Excellence,les assurances de ma tres haute considération.

Signé :Mustapha BEN HALIM PLATEAUCONTINENTAL

ANNEXE 11-3

ECHANGE DE LETTRES DU 14JUIN l9Gl

[Texte originalen arabe nonreprodu/t.

(Traduction.)

Excellence,

Au cours des négociations qui se sont deroulees entre nos deux Gouvernements
reIativement Bl'application du Traite de fraternide ebon voisinage conclu entre
nos deux pays B Tunis le 6 janvier 1957il est apparuque le Gouvernement du
Royaume-Uni de Libye et le Gouvernement de la Republique Tunisienne sont soucieux
de confirmer les frontieres établies entre les deux pays, telles qu'elles sont établies

par la Convention tuniso-ottomane conclue à Tripoli de Barbarie le 19mai 1910et
dans le Proces-verbal établiGhadamès le ler mars 1911. & la fin des travaux de
bornage.

En conséquence, je confirme à votre Excellence que le Gouvernement de la
République Tunisienne considere que les deux conventions sus-indiquées soencore
en vigueur- et qu'il n'y a aucune contestation enles deuxEtats au sujet des fron-
tieres Btablieentre les deux pays et aIlantde Ras Ajdir surla mer Méditerranée,

point déterminé par la borne 31 jusqu'au lieu-dit Garat EHamel, point situe au
sud de la latitudede la ville de GhadamBs, determiné par laborne 233,ainsi qu'il
est prévu à l'article 2 alinéa4 de la Convention susmentionnée edate du 10 mai
1910.

Je vous prie, Excellence, de bien vouloir me transmettl'accorddu Gouverne-
ment libyen & ce sujet.

Veuillez agréer,Exoellence, l'expression de ma haute consideratiuet de mon
profondrespect.

Fait Tripoli deBarbarie,le 14 juin 1961

Correspondant au ler Moharrem1381de l'Hégire

Docteur Sadok MOKADDEM

Secrétaired'Et4t auxAffairesEtrongeres A son Excellence le Secr6&ired'Etat aux Affaires Etrangères,

JBai l'honneur d'accuser réceptionde votre lettre datée de ce jour et dont le

contenu est le suivant

(Suitle texte de la lettre précëdente)

En reponse B cette lettrej'ail'honneur de porter & la connaissance de votre
Exceilence l'accord duGouvernement du Royaume-Uni de Libye sur ces propositions,

Je saisiscette occasion pour renouvelerB votre Excellence l'expression dema

haute consideration et de mon profond respect.

FaitB Tripoli de Barbarie, l14 juin1961

Correspondant au ler Moharrem 1381

Slimane JERBI

Ministre desAffairesEtrangères PLATEAU CONTINENTAL

ANNEXE 11-4

LA LEGISlATION PETROLIERELIBYENNE

Le Mémoire libyen commente la législation pétrolière Iibyenne au chapitre III
de sa première partie (8531 à 36),intitulé cCenerai History of Discussions between
the Parties1)(bien qu'elle ne fasse évidemment pas partie de ces« discussions »),et
non pas dans le chapitre TV de la mêmepartie, intitule a Question of Maritime

Limits » (oh cette législation fait seulement l'objet d'une rapide allusion au para-
graphe 48):Néanmoins, le Gouvernement libyen tente, cette occasion,d'accréditer
l'idéeque cette legislation aurait fixe la limite occidentale des zones maritimes cou-
vertes par elle et que cette limite serait une ligne sud-nord tracée partir de

I'extremité de la frontiere tuniso-libyenne.
Cette pr4tention ne correspond cependant pas au texte de la loi pétrolière

libyenne (loiNo 25 du 21avril 1955 :M.L. Annexe 1-9A et 9B),ni & celui du Règle-
ment no 1 (Petroleum Regulation no 1 du 16 juin 1955 : M.L.,Annexe 1-9C et 9D)'
prise en application de cette loiLa Partie adverse n'apu créerl'impression contraire
qu'au prix d'une traduction manifestement (et gravement) erronée du texte arabe

du Reglement no 1).
L'article 4 de la loi dispose que :

((This iaw shall extend to the secibedand subsoil which lie beneath the
territorial waters and the high seas contiguous thereto under the control

and jurisdictionof the United Kingdom of Libya. Any such seabed and sub-
soii adjacent to any zone shail for the purposes of this law be àeemed to
be part of that zone ».

Comme on le voit. cette disposition, qui est reproduite dans le Memoire libyen

(133), se borne à poser le principe de l'extension du champ d'application de la lil
des espaces maritimes d'àilleurs mal definis. II est difficile, en effet. de déterminer
de façon prkcise ce que dbigne l'expression a the high seas contiguous thereto
under the control and jurisdictionof Libya ». Le Memoire libyen le reconnait,
puisqu'il est obligéd'admettre que Ia carte jointau Reglement no 1 a laves the

northern boundcrry unrnarked » (8 35) et n'est en mesure de citer aucun autre texte
libyen qui confèrerait un contenu précis h cetteexpression. Y ANNEXES AU CONTRE-M~MOIRE 129

La seconde phrase de i'article se réfhreaux diverses (<zones B entre lesquelles
est partagé le territoire libyen aux fins d'exploration et d'exploitation des ressources
pétrolieres. Les espaces maritimes auxquels s'applique la loi seront egalement divi-
sés,puisque chaque partie de ces espaces, « adjacente à une zone », sera considérée

comme faisant partie de cette zone (comme le montre la cane reproduite face B la
page 15 du Mémoire libyen, il existe en fait deux zonesayant une façade maritime).

II s'agit donc uniquement d'une répartition interne. déterminant les zones entre
lesquelles est partagé le territoire libyen aux fins d'application de la loi. Une telle
&partition ne peut Cvidemment pas avoir d'effet international. Le Gouvernement
libyen le reconnaît expressement,puisque, apres avoir cité l'article 2 du Reglement
no 1 (sur lequel nous reviendronsun peu plus bas), il précise « Nevertheless, Libya

has made no uniluteral delimitation of the territorial sea boundary as such with
Tunisia » (5 48).11rappelle encore que la loi du 18 février 1959, qui a étendu t~12
milles Ia largeur de la mer territoriale libyenne, s'est bornée à procéder a cette
extension (ibid.)Elle est muette, en reva~che sur les Iimites laterales de la mer
territoriale.

Il résulte très clairement de ces constatations que lespaces maritimes soumis
à la legislation pt5trolière libyenne sont pas non plus limites latéralement, puis-
qu'ils sont constitues par la mer territoriale et the high seas contiguous thereto»

sous juridiction libyenne.
Dans ces conditions, il est difficile de comprendre l'importance conférée par le
Mémoire libyen a la carte« officiell» attachée au Reglement no 1de 1955 et I'insis-
tance avec laquelle la Partie adverse essaie de demontrer que cette carte établirait

une délimitation avec la Tunisie. D'aprBs le Memoire libyen, en effet, cette carte '
« does ...show the western boundary of the maritime area as running north from
the termination on the coast of the land boundary with Tunisiaat RasAjdir »(5 35).
Pour rendre les choses plus visibles, le MBmoire libyen a entouré d'un cadre gras la
partie de la carte montrant la cbte tuniso-libyenne de part et d'autre de Ras Ajdir.

Il est clair, cependant, que les indications données sur une carte annexée au
Reglement no 1 ne peuvent avoir d'autre signification que celle qui lui est donnée

par le texte lui-même,ou par celui de la loi qu'il applique. Or, on a vu déj8que la
loi du 2l'avril 1955 a une portee purement intérieure et ne comporte aucune déli-
mitation internationale, de l'aveu meme du Gouvernement libyen. Celui-ci se mettrait
en contradiction avec lui-meme en tentant de faire croire le contraire. C'est cepen-
dant ce qu'il n'hésite paà faire.

A cette fin, le Mémoire libyen produit une traduction en anglais de l'article 2
du Reglement nD1. Elle selit comme suit :

« The first zone consists of the province of Tripolitania bounded on the
north by the limits of territorial waters and high seas contiguous thereto
under the control and jurisdiction of the vnited Kingdom of Libya, and

on the eut by 18" 50' longitude until it intersects the coast line, thence
in a straight line running ina southeasterly direction to the point where
30"latitude intersects lgO 5' longitude, thence in a straight Iine running in PLATEAUCONTINENTAL i251

a southwesterly direction ta o point where 18" 30' longitude intersects
29" 40' latitude, thence directly south along18" 30' longitude to the inter-
section with 28" latitude, thence in a westerly direction along th28" lati-
tude to the intersectionwith 120 15' longitude, thence directly north along
12" 15' longitude to the intersection with 310latitude, thence directlWest

along 31° latitude, to the border of Tunisia, thence ina general northerly
direction along the international boundary P.

Dans le texte tel qu'il se presente ici, la ligne délimitant la zone no 1 semble
partirde la limite septentrionale(non définie) de la mer territoriale et des « high
seas contiguous thereto » sous juridiction libyenne, pour allercouper la ligne de
cote à l'est de la longitude de I8*50', puis suivre un trace terrestrequi se termine
« in a general direction cilong the international boundary», jusqu'au point-frontiere

sur la côte (Ras Ajdir),ti quoi on est tenté d'ajouter par raison de symetrie avec le
début de la description, jusqu'h la limite septentrionaledes espaces maritimes re-
vendiqués par la Libye, qu'elle joindrait par une ligne droite sud-nord. C'est ce
que fait effectivement le Mémoire libyen au paragraphe 35.

Il faut bien remarquer, cependant, que cette interprétation n'est possible qu'en
ajoutant au texte des mots qui n'y figurent pas. En effet, le texte cité s'achève par
l'indication« thence in a general northerly directio alang the international baun-

dary », qui s'inspire clairement des termes employés dans la Convention de délimi-
tation du 19 mai 1910, qui parle d'une« direction gknerale nord-sud » (puisqu'elle
décrit le trace en partant de la cbte). Il n'est pas question dans Ie texte du Reglement
d'une ligne droite sud-nord prolon'geant la frontière terrestre en mer (ce qui est
tout autre chose qu'une « direction génkrale vers le nord suivant la frontière inter-

nationale »).
Il n'est évidemment pas permis de donner A un texte une interprétation qui ne

correspond pas & sa rbdaction. Mais il ya plus grave.
En effet, la traduction en anglais du texte arabe de l'alinea relatàfla delimi-

tation de la zone pétrolière no 1 est inexacte. Tel qu'il figure au Journal Officiel
Libyen. ledit alinéa est rédige comme suit en ce qui concerne la délimitationà l'es:

k d U 50.18~ 3& L+k~i+~ L3JIZfJ ;r D - , ...
5' 19' JJJI y Yk 300 $+Lz Zk JI$9 s* ~1;l j +
, ...i$
ce qui se traduit ains:

« Elle est délimitherfl'est par une ligne quicommence d l'intersectiode la
longitude 18"50' avec la cdte et d partir de là par une ligne droite dans
une direction sud-est jusqu'apuoint d'intersection de ta latitude 30" nord
avec la longitude 19"5' est..1).

Ainsi l'alinéa en question, tel que rédigé dans sa version originale en arabe,
stipule que Ia délimitation est de la premiere zone pétrolièreest une demi-droite qui

commence en un point situé h l'intersection de la longitude de 18050' avec la cbte
et s'étend ensuite dans une direction sud-est, et non pas une droite entière formée par la longitude 180 50' jusqu'ii l'intersection de celle-ci avec lacote, puis partir
de ce point dans une direction sud-est.

Il apparaît ainsi clairement que la délimitation figurant & l'article 2 du Règle-
ment no 1 concerne exclusivement la partie terrestre de la zone, no 1, qui borde Ia
frontière tuniso-libyenne. Bien que cet article rappelle l'existence des prolongements

maritimes de chaque zone terrestre, en reprenant les termes memes de l'article.4
de la loi pétroliere libyenne, il ne les delimite pas, puisque la limite nord, vers le
large, n'est pas définieet qu'aucune indication n'est donnée sur leurs limites latérales
(il y a lieu de noter que le texte procede de la meme façon avecla zone est, 'dont

la limite orientale est constituée pa« les frontières internationales avec I'Egypte a,
sans aucune allusion a la délimitation en mer).

Le Mernoire libyen a eu raison de recourir au texte du Reglement no 1 pour
déterminer si les indications portees sur la carte qui lui est annexée avaient une

signification et laquelle. Sans support textuel,ces indications sont, en effet, depour-
vues de toute signification juridique. La démonstration proposée par la Partie
adverse et les conclusions qu'elle en tire, en revanche, s'effondrent totalement des
lors qu'elles ne reposent pas sur le texte du Reglement, mais sur une adjonction 3i

ce texte et sur un contre-sens dû a une traduction erronée. On est ainsi ramene
a une interpretation plus juste, et qui figure d'ailleurs aussi dans le Mémoire
libyen, mais B un autre endroit (3 48). selon laquelle la Libye n'a effectué par sa
legislation pétrolière aucune délimitation unilaterale de sa mer territoriale (pas
plus qu'elle ne l'a fait par la suite) (1).

(1) Dans ces conditions, on ne voit paslsens de la remarquefaite dans le Mhoire libyen
au même endroit (848.note 1).d'aprèslaquelle la Tunisie n'a jamais proteste contre la législation
pét~olierelibyenne. La Tunisie n'avait haprotester contrene législationdont la portéeBtait
purement interne et qui, de l'avmeme de la Libye, ne comportait aucune delimitation iriterna-
tionale unilaterate. PLATEAUCONTINENTAL

ANNEXE 11-5

LES ILES DU GOLFE DE GABES

En meme temps que le Ras Kapoudia, les îles Kerkennah ainsi que
l'île de Jerba font partie intégrante de la configuration des cbtes tunisiennes
dont elles ne sauraient Btre dissociées. En effet, comme on l'a montre dans Ie

Mémoire du Gouvernement tunisien, ces fles entourées de hauts-fonds jouent un
rdle fondamental dans I'gco-système qui fonctionne dans le Golfe de Gabès. Leur
presence constitue l'un des éléments favorables au fonctionnement des courants
de marée, ainsi que du cycle'nutritionnel du Golfe de Gabes. C'est ce qui a amené
le Professeur Seurat B considerer ces Iles comme l'une des particularit6sles plus

essentielles dans la configuration des cbtes tunisiennes, puisqu'il affirme :

L'undes caractères les plus saillantsde ia Petite Syrte estl'existenced
peu de distance des cgtes, de grandes Piesd faible reliesepiareesdu conti-

nent par des seuils peu profonds. Ces fles forment troi sroupes : les Iles
Kerkennah. les îlots Kneiss et i'ile Djerban (1).

1.- La premiere caracteristiqueimportante de ces Her est qu'elles se
trouvent faible distance ducontlnent

1.- Les Ues Kerkennah sonten eHet situées 11 milles (2) l'est de la ville
de Sfax et non pas ZI15 milles comme il est Bcrit dans le Mémoire libyen (g 80,
p. 32). Elles sont entourées d'une ceinture de bancs d'une largeur de 5 % 21 milles,
sur lesquels sont installées les pêcheries fixes.

(1) Observationsm. les limitesla facies et les associations animalesde l'intcrco-
tidal de iaPetite Syrte, GolfGabès),Bulletinde lStatioOctamigrahiquede Salammbb,n*3,
juin1929,p.13.
(2) Le chiffre donn6 par DESPOIS (lileKerkenaet leursbancsRevue Tunisienneno 39.
le1 trimestr1937. p. 3) est de 12 millesLOUIS donne lecbiffrde 20 km entrele port de
Sfax et le marabout deSidi Youssef, l'ouesdt I'fle de MeliitaLes Bts Kerkena. Tunis,
ImprimerieBascone etMuscat,1961,vol. 1, p. 3. Au surpIus. les îles ne sont séparees du continent que par une mer peu pro-
fonde, si l'on excepte les chenaux naturels de Lauza et de Sfax qui s'allongent

parallèlement la cbte, entre la Chebba et Mahare's. Sur une carte bathymetrique,
on observe aisément quY«entre les iles et Sfax, les courbes de 5 et de 10 métres
dessinent une large conque à pente douce qui s'allonge sur une quarantaine de kilo-

mètres ...». Sa pente ne s'accélere qu'« au large de Maharèsoù elle rejoint des fonds
de 40 mètres » (3). Aussi, ces eaux peu profondes sont-elles peu propices la navi-

gation (4), en dehors des chenaux où peuvent passer des bateaux tirant moins de
3 mètres d'eau. Cela est si vrai que pour relier les Iles Sfax par un service de bac
moderne, il a fallu utiliser la dynamite pour amenager un chenal de passage B

travers les hauts-fonds.

Si le niveau marin baissait de quelques mhtres, l'Archipel ne serait plus qu'une
presqu'île.L'Ctude de la constitution géologique des &tes de la Syrte Mineure,
réaliséepar le Professeur L.G. Seurat, montre d'ailleurs que les marnes gypseuses

qu'on retrouve aussi bien aux îles Kerkennah, qu'aux Kneiss et Zil'île de Jerba sont
d'origine continentale. Elles attestent que « les îles Kerkennahétaient unies au

continent » àl'époque quaternaire. « Cette periode est suivie d'une ingression marine
qui ouvre le Canal des Kerkennah » (5). Aussi, la faible profondeur de ce canal
est-elle aujourd'hui le ternoin de cette unité entre le continent et les îles Kerkennah.

2. - Quant B llle de Jerba, elle est si peu éloignéede la cbte qu'elle a été

d8jà reIi8e au continent & l'époque romaine par une chaussee longue de 6 kilometres.
L'on sait mCme que I'lle « étaitprimitivement unie au continent, Trl'est et d l'ouest ))

et qu'elle n'en a étéséparée que'paf « un mouvement positif de la mer » qui « a eu
pour effet d'ouvrir le Cmal d'ddjim » (6), &peine large de 2 kilometres.

C'est par un merne phénomène que les trois îlots Kneiss ont été isolés du
continent, au niveau de la péninsule de Khédime (7).

(3) J.DESPOIS,op. cit., p. 6.

(4) @Dom la mer votstie de Sfax, remarqua le géographearabe EL BEKR1 (Xle si&cle) est
une Ile nomméeKarkina quioccupe le centre d'ElKasir. Elle est sitde d 10milSfaxdanscette
mer morte et peu profonde dont la surfoce n'est jamais ag..>iDescription dé l'Afrique Sep-
tentrionale. traductionG. DE SLANE, Paris, AdrienMaisonneuve, 1965, p.47.
(5) Observations nouvelles sur les faciés et Ies associations animales de l'étage intercotidal
de la Petite Syrte (Goife de Gabès).Bulletin de la Station Octianographiquede Salammbb12,

1929,p.8 et12.
(6) Voir L.G. SEURAT, Observations sur Ieslimites. les facetles associations animales
de I'étageintercotidal de la petite Syrte, pr, . 18.

(7) ibidem,pp. 19-20. PLATEAUCONTINENTAL 1291

II.- La seconde caracteristique des iles Kerkennah et Jerba tient à leur
dimension : il s'agit d'îles assez vasteet non pas de petites îies :
(voir Mémoire libyen, p. 32, 580).

1.- L'ensemble des Kerkennah a 35 km de longueur, si l'on excepte les ilots
inhabités. Sa largeur moyenne est de 7 a 8 -km et sa masse totale représente
180 km2 de terres (S), soit plus que la superficie du Liechtenstein (158 krn2) et

trois fois celle de la République de San Marin (60,5km2).

2.- Quant à 1'Plde Jerba, encore plus massive, elle mesure 29 km de ion-
gueur et 29km 500 de largeur (9). Sa superficie >est de 514 km2 (IO), et non

pas de 500 km2 comme l'indique le Mémoire libyen (! 76, p, 31). Autrement dit,
elle est plus vaste que la Barbade (431 km2) et que la Principauté d'Andorre
(453 krn2).

III.- L'économie insulaire est tributaire des p&chedes installbes sur les
bancs entourant les lles

Pour les habitants des Kerkennah et de Jerba, leurs îles ne se limitent pas
aux quelques dizaines de kilometres de terre habitée. Elles s'étendent au-del&,vers
les îlots et les bancs avoisinants qui sont occupes et exploités, en vue de couvrir

les besoins vitaux des populations. Ainsi aux Kerkennah, les sept ilots inhabités
qui entourent les deux îles principales, sont couverts de champs d'orge appartenant
à des familles ou % des particuliers. Chermadia est la propriété d'une famille de

Chergui, alors que Sefnou est ensemencé par moitié, par plusieurs familles des
villages de la cote nord. Quant B l'îlot Gremdi, il est partage entre plusieurs fa-
milles d'El Khraïeb et d'El Attaya (11). Seul l'ilbt Er-Roumadia, le plus septen-

trional de l'Archipel, n'est utilisé que comme pfiturage pour les chameaux par les
villageois du nord. Autrefois, il appartenaitémeindivisément tout le monde (12).

Cependant toutes Ies cultures ont régressé.Le palmier a remplacé en grande

partie l'olivier, en raison de sa grandeutilite pour les pecheries. Cette évolution
démontre la dépendance croissante de l'économie de l'îleà l'égard des pecheries
sedentaires, pour leurs installations fixes faites avec des branches de palmiers.

(8) VoirKerkena, Encyclopediede l'Islam,nouvelleBdition,vol. IV,p. 677.

-A. LOUIS.Les îlesKerkenna h,écit6,p. 8.
(9) Voir Docteur Tlatli, Djeet les Djerbiens,ImprimerieAloccTunis, 1942p. 3.

(10)Ibidem.
(11) Voir A. LOUIS, op. cit.p. 303.

(12) VoirJ.DESPOIS, Lesîles Kerkenetleursbancsprécité,p. 31. Mais le kerkénien n'est pas seulement agriculteur (13), il est aussi et surtout
pecheur (14). Et pour exercer ses activites maritimes, il est allé encore plus loin dans
l'occupation des régions voisines de son Archipel. Aussi le Pere Andre Louis qui

avait beaucoup vécu dans les TIes, affirmait-il avecforce que :
« La terre du kerkénienne se borne pas aux 35 km sur lesquels s'étale son

archipel, du marabout de ~id; Youssef (île de Mellita) au bordj Infer-Rkik
ou iil'flot de Roumedia ;a terre ce sont aussi les multiples bancs qui en-
tourent l'fle et où il a plantéses pêcheries » (15).

A travers tout le Golfe de Gabès, les populations insulaires, poussées par leurs

interets vitaux, ont occupe, autour de leurs îles, toutes les zones maritimes carac-
terisées par leur faible profondeur et par leur richesse en ressources naturelles. Et
elles ont et6 souvent amenées iidefendre âprement leurs droits patrimoniaux contre
ce qu'elles appellent « les étrangers », qu'ils soient Sahéliens, Maltais ou Italiens

qui viennent piller leurs pécheries et vider leurs nasses. Le professeur Despois, spe-
cialiste de la geographie humaine de la Tunisie n'a pas manque d'etre frappé par
ce ph6nomene. Ainsi écrivait-il :

« Les kerkéniens ne se considérentpas seulement comme propriétaires de

leurs Ples : ils ont aussi « leur mer », celle quis'étend surles bancs de
moins de deux .métres et qu'ils distinguent de la « mer profonde n qui
commence au-dela. Leur conception est la'mlme que celle des gens d'El
Cheba, de Sfax, de MaharPs et de Djerba :elle est la conséquencedes très

faibles profondeurs et des plcheries qui y sont installées » (16).

(13) Selon Hérodote, Cercina etait il y a deux mill&naires et demi apleine d'olivier& (cul-
tivés) etde vignes» (Herodote, HistoireW, 195,cite et traduit par S.GSELL, Textes relatifs B
l'histoire de l'Afrique du Nord, Alger, Jourdan et Paris, Ler1916, p. 174) et l'on sait que l'lle
de MeIlita -l'ancienne Cerciniti- eut son olivette et son pressoia huile (ce qui est suggEr€
aussi bien par les mines romaines que par la toponymie (Voir A. LOUIS,les Iles Kerkena,
précite, p. 293). L'historien Salluste raconte que penla guerre d'Afrique il a trouvé aux
Kerkennah de grandes quantités de blédont il chargea un assez bon nombre de navires reunis
dans le port» (cité par A. D'AVEZAC.Iles d'Afrique, vol.de I'Univers pittoresque, Paris Fimin-
Didot 1848, p. 82. Au XIle siècle, le geographe arabe El Edrissi parlait de production de demin,
raisin et d'anis (description de I'Afrique et de l'Espagne, traduction par R. DOZY etGOUE,E
Leyde, 1866, p. 150; et Géographie d'adrissi, trad. P.A. JAUBERT, Paris, Imprimerie Royale,
1836,p. 230).
Jerba aussi fut une ufle-jardin» oii, comme i'affime le Docteur Tlatlse mêlaientaoliviers,
palmiers, figuiers,vignes. amandiersi) et bien d'autres arbres fmitierintroduits par les phé-
niciens (Djerba et lesDjerbiens, Tunis, Imprimerie Aloccio. 1942,p. 97).L'on pense d'ailleurs
que cette richesse a étéa l'origine de l'histoire fort mouvementee de I'lla étéconvoitée par
les envahisseurs et ddtnritB plusieurs reprises.
(14) de Kerkénien n'est pas, et ne peut etre faute de place. un éleveun), écrivait le
Professeur DESPOIS. Et il ajoutait : *Faute de place aussi, il nepeut are excll~sivement un
cultivateur, car sonarchipel,faible producteur degrah, ne peut absolument pas le nourrir. Fort
heureusement la @the sur les hauts-fonds qui entourent les iles et le cobotage lui procurent
un compl4rnent de ressource qui est devenu souvent l'essentiel de son existencen : fiidp. 32.

(15) Les iles Kerkena, prkitk, p.14.
(16) Les fies Ketkena et Ieum bancs, précitp. 36.136 PLATEAU CONTINENTAL [31-32]

Ilapparaît ainsi quedans taut le Golfe de Gabes, les donnees du milieu physique
et les impératifs humainsse conjuguent pour établir uneliaison intime entre le conti-
nent, les fles et les hauts-fonds qui les entourenA.tel point que dans la vie quoti-
dienne des populations continentales et insulaires et travers leur qutte de
ressources vitales, la distinction entre la terre et la mer s'est estompée etest devenue
quasiment impossible. Cela est si vrai que les propriétés englobent parfoisdans le

mêmetitre une parcelle du sol et une « portion de mer », c'est-&-direI'emplace-
ment d'une pecherie (17).Des lors, n'est-il pas aberrant de vouloir appliquer ces
régions des categories de pensée et des concepts qui leur sont tout & fait étran-
gers et par voie de consequence de chercher dissocierarbitrairement le continent,
les Elesadjacentes et les hauts-fonds qui les entourent ?

En conclusion, Ies iles du Golfe de Gabès entourées de hauts-fonds sont un
aspect essentiel de la continuité existant entre le continent et son prolongement
maritime, non seulement sur le plan physique mais aussi sur le plan economique,
tant ilest vrai que ces iles sont tributaires des ressources agricoles du continent

et que celui-ci dépend h son tour des pecheries s'ktendant autour des îles.

(17)Voir J. DESPOIS.op. fitp. 36. ANNEXES AU CONTRE-M~MOIRE

ANNEXE 11-6

DEFiMTION GEOGRAPHIQUE DU GOLFEDE GABES

Le Mémoire du Gouvernement de la Jamahirya Arabe Libyenne definit géogra-
phiquement le Golfe de Gabès en lui donnant une étendue limitee. Et cela très vrai-
semblablement dans le but de restreindre les effets juridiques de ce Golfe en tant
que circonstance pertinente.

En effet, le M4rnoirelibyen limite le Golfe de Gabes & la portion de la cBte

tunisienne s'étendant entre Ras Ungha et Bordj Djellidj aN.O. de Jerba (voir5 78).

Une telle delimitation est toutà fait arbitraire. Il suffit pour s'en convaincre
de regarder une carte de la Tunisie. On s'aperçoit alors que c'est partir de la
pointe de Ras Kapoudia (1) que s'ouvre une échancrure de la cote, tout d'abord
légère,puis de plus en plus accusée a partir de 35" nord. De sorte qu'il apparaît

dairement sur les cartes que l'ouverture naturelle du Golfe de Gabes, commence ii
se dessiner bien avant Ras Ungha qui n'est qu'un petit cap situe non loin du fond
du Golfe.

Il convient de souligner par ailleurs que la définition donnée par le Mémoire
libyen n'est pas une définition géographique. Elle est empruntée en effet B des
documents destines aux navigateu~x, tels « The MediterruneunPilot D ou les « Zns-

tructions Nautiques ». L'on ne peut méconnaître que les informations contenues
dans ces documents sont des informations a caractère pratique beaucoup plus que
des informations B caractete scientifique. Il s'agit en effet d'infarmations commu-
niquées par les différents services nationaux de la marine et destinées à aiderda

navigation maritime. Il n'est donc pas interdit de penser que seule cette partie
centrale du Golfe de Gabès-présente quelque intérêtpour la navigation, dès lors que
toute la partie nord du Golfe autour des îles Kerkennah, ainsi que la partie sud
autour de l'île de Jerba sont tr&s peu propices la navigation, en raison de la faible

profondeur des eaux et de l'existence de vastes zones de hauts-fonds découvrants

(1)Ou Ras Kaboudia : la difference entredeux orthographesn'edue qu'8unequestion
de transcription.138 PLATEAU CONTINENTAL . [341

qui s'étendent jusqu'h 21 milles au N.E. des îles Kerkennah et jusqu'a 10 milles
d'El-Biban. C'est ce qui explique d'ailleurs le balisagde ces deux zones,
1
Du cbtédu large, l'approche des bancs de Kerkennah est signaléepar une ceinture

de huit bouées lumineuses mouillées juste en dedans de l'isobathe de 20 mhtres.
Alors que le bourrelet de hauts-fonds decouvrants, situé & l'intérieur de cette zone,
est marque par une ceinture de 11 balises installks sur une ligne B peu pres con-
centrique & celle des bouées (2).

Du coté d'El-Biban, l'extrémité N.E. du banc appelé Ras Zira est également
baliséepar une tourelle et par une bouee lumineuse (3).

Au demeurant la définition donnee au Golfe de Gabes par « les Instructions
Nautiques » est loin d'etre univoque. En effet, dans un autre passage consacre à la

« route du large »,les « Instructions» semblent situer h Ras Kapoudia la limite du
Golfe de Gabès qui comprend les iles Kerkennah ainsi que l'ile de Jerba (4).

Dans ces conditions, il convient d'adopter une definition du Golfe de Gabes
conforme aux donnees géographiques les plus communément admises par les spé-
cialistes.

Dejà au ler siecle A.J..le géographe grec Strabon a décrit la Petite Syrte dans
les termes suivants :

« Deux fles bordent l'entrde de la Petite Syrte : Cercinna qui est de forme
allongée et très grande et qui renferme une uilie de même nom, et Cercinitis

qui est beaucoup moins spacieuse que l'autre. La Syrte lotophagite :c'est un
golfe qui mesure 1600 stades de circuit et dont l'ouverture a bien 600 stades
de large (5). A cha6ne"des deux pointes qui la forment correspond une
île qui touche en quelque sorte au continent, d savoir l'ile Cercinna..et l'île

Meninx, l'une et l'autre de dimensions presque égales ..» (6).

De son coté, Charles Tissot qui fut le grand spécialiste de l'Afrique Romaine,
définit la Petite Syrte en s'appuyant sur le témoignage de plusieurs géographes de
l'Antiquité tels Procope, Scylax, Agathémère, Polybe, Pline et Hérodote. Il affirme :

« LimitOe au nord par le RasKaboudia, au sud par l'île de Djerba, la Petite
Syrte porte aujourd'hui le nom de Golfe de Gabès, Les gkographes grecs
lui donnent.tant6t celui de « Syrtis Micra », traduit par l'appellation latine

Levant, ParisI.mprimerieNationale, 1968, sD,volVI,p.t170.ionsNautiques, Afrique (côte -ord)

(3)ibidem,pp. 201-202.

(4) ibidem, pp. 170-171.
(5) Le Stade mesure 180 mètres enviroPour 600 stadeson peutretenir le chiffre de 110km
environ.

(6) Géographiede Strabon, Livre XVITrad.nouvelleparA. Tardieu,TomeIII,Paris,Hachette,
1880,p.484. « Syrtis Minor », tant& ceux de Syrte Cercinitique, ou de Syrte lotophagi-
tique du nom des deux fles qui en déterminent les extrémités.Sa plus grande

profondeur mesuree entre le méridien du Cap Kaboudia et l'embouchure de
l'Oued Akarit est de 130km » (7).

On peut également se référer avec profita un autre geographe aussi averti,
qui est Armand d'Avezac, Atravers sa description des îles de l'Afrique. Apres avoir
distinguéla Grande Syrte ou Golfe de Sidra et Ia Petite Syrte ou Golfe de Gabes, cet

auteur decrit la Petite Syrte dans les termes suivants :
« Ce n'est qu'àSabratha qu'on atteignait la limite la plus orientale de la

Petite Syrte; là commençaient de nouvelles séches, se prolongeant le long
des rivages, jusque vers Ehraqlyeh, et embrassant en leur large contour
certaines îles assez considerables pour que nous ayons d leur consacrer
quelques pages : c'est d'abord Gerbeh, puis le groupe de Qerqueneh ..» (8).

Sans revenir sur d'autres auteurs déjh cités dans le Mémoire du Gouvernement
tunisien, tels le Professeur L. G. Seurat, ainsi que Servonnet et Laffitte (9),il con-

vient de rappeler que - Last but not least - le Professeur Despois a défini Ie
Golfe de Gabes dans cette mdme perspective en affirmant qu'il s'agit de ce Golfe qui
va « du Ras Kaboudio au Ras Achedir, à la frontiére tripolitain» (10).

Une telle définition géographique du Golfe de Gabès est loin de constituer une
délimitation arbitraire. Elle correspond au contraire, non seulement & des données
physiques manifestes, mais aussi à des criteres écologiques certains, déjAen grande

partie développes dans le Mernoire du Gouvernement tunisien (11).

Toutes ces données montrent que, de Ras Kapoudia A Ras Ajdir, ce Golfe cons-
titue une unité naturelle dotée de caracteristiques écologiques et econorniques quc
l'on ne retrouve nulIe part ailleurs.

Puisque, comme l'a affirme un spbcialiste des p&chesmaritimes :

« La position de Ras Kapudia correspond (...)d'une façon caractéristique,
à un changement non seulement du relief des côtes de la Régence, mais
encore du régime des marées. Elle correspond également 6 un changement

dans la nationalitd des pêcheurs,dans lesprocPdes de p&che,ainsi que dans
les principales espPces capturées » (12).

(7)Ghgraphie comparee de la province romained'Afrique, Paris, ImprimerieNationa1884-
1891,3 vol., Tom1p. 182.
(8) LesHes de l'Afrique, l'Univers Pittoresque,Paris, F-Didot,1848,p. 30.

(9) Voir Memoire du Gouvernement de la RépubliqueTunisienne, mai 1980, vol.1, p. 76,
noie 3.
(10)La Tunisie Orientale : Sahel et Basse Steppe. Etude géographique,Paris, PU1955,
p. 455.
(11) Voir Ot 4.14.45.
(12) M. Bourge, tes pkhes maritimes deIa Tunisie, Vierne Congres national despêches
maritimes, Tunis (mai1914),Tome II, Mernoireset comptes rendus, Orleans, 1919,p. 12.140 PLATEAUCONT~NENTAL 1361

C'est dire que l'indentation formée par le Cap Kapoudia est loin de constituer un

accident de la cbte, dépouilléde toute signification. Au contraire, il qnstitue une
esp8ce de frontiere naturelle entre deux domaines : celui des côtes de la Tunisie
septentrionale et celui des cbtes de la Tunisie meridionale. Cette frontiere est bien
marquée sur Ie plan climatique, topographique, écologique.

Sur le plan climatique tout d'abord, il faut rappeler que la courbe 250 mm de

pluviométrie moyenne annuelle, q'est-à-dire celle qui sépare la zone pluvieuse de
la,zone sgche, passe par Ras Kapoudia (13).

En second lieu, les cartes bathymétriques montrent que c'est à partir de ce cap
que l'isobathe de 10 m commence 3 s'éloigner de la cbte pour contourner les iles
Kerkennah et plus loin l'ile de Jerba. C'est 18 que commence à s'élargir conside-
rablement le plateau continental a tri9 faible déclivit8 de la Tunisie meridionale.

C'est 19 qu'apparaît la large ceinture de hauts-fonds couverts d'une véritable prairie
de plantes marines. C'est 15 également que commence le domaine des marées (Om,40
à Ras Kapoudia, 2m Gabes, Om,80 àRas Ajdir), celui des pecheries fixes, celui de
l'éponge, celui de la pêcheaux poulpes; en un mot Ie domaine le plus riche de la

Tunisie en ressources ichtyologiques et halieutiques.

Ce sont précisément toutes ces realites caracteristiquesde la Petite Syrte qui
ont amené le Professeur L.G. Seurat h mettre en reIief toute l'importançe de cette
frontière du Golfe de-Gabès constituee par le Ras Kapoudia,dans les termes suivants :

« Les côtes de la Tunisie méridionalequi, d partir du Ras Kapoudia limi-
tent la Petite Syrte different profondement, par leur relief à peine accus4

et par leurs plages à trés faible d&clivité,formant une large ceinture
de hauts-fonds couverts de plantes marines, de celles de la Tunisie
septentrionale » (14).

Il apparaît donc que loin de constituer une simple irregularité, ou un accident
mineur, le cap Kapoudia est une particularité geographique essentielle dans la
configuration de lacote tunisienne.

(13) Voir Memoire tunisien, figure no 4.01.
(14) Observations sur les limites, les facies et les associations animales de l'etage intercotidal
de la Petit eyrte(Golfe de Gabés),Bulletinde laStation Ocbanographiqude Salammbb,no 3,
juin 1929p.7. ANNEXE 11-7

NOTE VERBALELIBYENNE DU 10 JUILLET 1980
[Texte originenam be nonreproduit.

VoirIV, répliqdela Jarnahiriyuarabe libyenne,a1-3,A.] PLATEAU CONTINENTAL

ANNEXE 11-7

NOTE VERBALE TUNISIENNE DU 23 JUILLET 1980

[Texte original en arabnon reproduit.1

Tunis, le 23 juillet 1980

Le Ministere des Affaires Etrangeres presente ses conipliments àla respectable

Haute Representation de la Jamahiriya Arabe Libyenne Populaire et Socialiste et
lui demande de bien vouloir transmettre a son Gouvernement ce qui suit:

Le Gouvernement tunisien a reçu avec un etonnement total la note du Secré-
tariat aux Affaires Etrangeres Libyen, en date du 10 juillet 1980, comportant les
reserves du Gouvernement libyen 2 I'egard d'activites entreprises par le bateau de

forage « Douglas Caner » dans un site défini par les coordonnées ci-aprés:
36013'2" nord

110 20' 6" est
et se trouvant dans le Golfe de Hammamet dans une zone soumise aux droits

souverains tunisiens.
Sur la base de cela, le Gouvernement tunisien rejette catégoriquement l'ensem-

ble des réserves contenues dans la note libyenne precitée.
Le Ministere des Affaires Etrangeres saisit cette occasion pour exprimer

la Haute Représentation de Ia Jamahiriya Arabe Libyenne Populaire et Socialiste
l'assurance de sa haute considération. Je soussigné, certifieque les copiesdes documents figurantau présentvolume
sont conformes aux documents originaux et que la traductionen langue française

du texte arabe originade chaque document figurant dansle present volume est
exacte.

SLIM BENGHAZI

Agent du Gouvernement de laRQpublique Tunisienne

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Contre-mémoire de la Tunisie

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