Mémoire présenté au nom du Gouvernement de la République de Colombie

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8899
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Incidental Proceedings
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13

SECTION B.-EXPOSÉS ÉCRITS

SECTION B.-WRITTEN STATEMENTS

I.-~IÉR~OIRE PRÉSENTG AU 'Ioaf nu GOUVERNE~IENT

DE LA RGPUBLIQUE DE COLOMBIE

Introduction

I. Le Gouvernement de la République de Colombie a saisi la
Cour internationale de Justice d'une affaire relative à l'institution
américaine de l'asile, affaire qui a étéintroduite par une requête
transmise au Greffe de la Cour le 15 octobre 1949, conformément
aux articles 40 du Statut et 32, alinéa z, du Règlement.
2. La compétence de la Cour dans l'affaire qui fait l'objet du
présent Mémoirea étéadmise par l'ordonnance rendue à la date
du 20 octobre 1949.

1. - LES FAITS
3. Le 3 janvier 1949, vers 9 heures du soir, M. Victor Raiil
Haya de la Torre, citoyen péruvien, se présenta à l'bote1 de
l'ambassade de Colombie à Lima pour demander à l'ambassa-
deur, RI. Carlos Echeverri Cortés, de lui accorder la protection
diplomatique de l'asile, sa liberté et sa vie étant en danger.

4. RI. Victor Raiil Haya de la Torre est un homme de lettres
et un publiciste bien connu dans le continent américain, et il
est, par surcroît, chef d'un parti politique au Pérou. Son activité
politique a depuis longtemps attiré l'attention sur ses qualités
d'orateur et de conducteur des masses. Ses programmes ont fait
l'objet d'ardentespolémiques, non seulement dans son pays,
mais dans tous les milieux intellectuels de l'Amérique latine.
Il était dès lorà prévoir que sa présence en qualité de réfugié
dans une ambassade étrangère à Lima soiilèverait un problème
politique d'une importance toute particulière pour le Gouverne-
ment du Pérou, cela en dehors de la question de droit inter-
national que pose, dans chaque cas concret, l'exercice du droit
d'asile en Amérique.
5. Le Gouvernement de Colombie accorda à M. Victor Raul
Haya de la Torre le bénéficde'l'asile, sur la base tant de l'Accord
bolivarien sur l'extradition signà Caracas le 18 juillet 1911,
que de la Convention sur l'asile approuvéepar la VImc Conférence
internationale américaine, tenuà La Havane, du 16 janx''ier au
20 février 1928, dont l'arti2létablit la règle suiva:te14 ~~ÉMOIREDU GOUYERSEIIEST COLOYBIES (IO I50)

n L'agent diplomatique, chef de navire de guerre, de camp
ou d'aéronefmilitaire doit, immédiatement après avoir octroyé
l'asile, en donner avis au ministre des Relations extérieures
de I'ztat auquel ressortit le réfugié, ou bien à l'autorité
administrative de l'endroit, si le fait s'est produit hors de
la capitale.II

Se conformant à ces dispositions, l'ambassadeur de Colombie
à Lima a, dès le lendemain, 4 janvier 1949, adressé unenote à
M. le contre-amiral Federico Diaz Dulanto, ministre des Relations
extérieures et du Culte du Pérou, l'informant qu'il avait accueilli
hl. Victor Raiil Haya de la Torre à l'ambassade en qualité de
réfugiépolitique, et lui faisant la demande dont il est question
à l'article z, alinéa 3, de la Convention de La Havane, afin que
ledit réfugiépût se rendre à l'étranger. Le texte de cette note,

en date du 4 janvier 1949, numéro 211, est joint au présent
Mémoire(annexe ,I).
6. Une correspondance diplomatique suivit la notification faite
par le Gouvernement de Colombie, au cours de laquelle se précisa
la controverse qui devait opposer les points de vue des deux Gouver-
nements, touchant l'asile accordéà M. Victor Rabl Haya de la Torre.
Dans ses communications successives, le Gouvernement colom-
bien fitressortir les points ci-après :

a) Le droit d'asile, tel qu'il est établi et pratiqué en Amérique,
comporte pour l'État accordant l'asile la faculté de qualifier la
nature du délit imputable au réfugié.
b) Cette faculté, qui est la base mêmede l'institution américaine
de l'asile, deviendrait inopérante si l'État territorial ponvait faire
obstacle à son exercice, et la sécurité du réfugiéserait par là

compromise.
c) Avant d'être incorporé dans le droit' positif américain, ce
principe faisait déjàpartie du droit coutumier du continent, ainsi
que le démontre le consensus gei'tilsmdes États américains.
d) La facultédont il est question a étéadmise non senlement en

tant que coutume, mais en outre comme règle de droit positif
américain.
e) L'histoire diplomatique du Pérou a enregistréde nombreux
cas dans les uels ce pays a appliqué ou reconnu ladite règle, soit
en qualitéd%tat accordant l'asile, soit en qualitéd'État territorial.

f) Le Pérou a notamment admis la validité de cette règle dans
des cas concrets survenus entre lui-mêmeet la Colombie.
g) Il n'y a donc aucune raison pour qu'il soit dérogé à cette règle
dans le cas du réfugiépolitique KVictor Rab1Haya de laTorre.

De son côté,le Gouvernement péruvien soutenait dans sa corres-
t on dan es thèses suivantes : MÉ.\IOIRE DU GOUVERSEZIEST COLOZIBIES (IO I50) 15

a) Que la règle de la qualification de la nature du délit par
l'État accordant l'asile ne saurait en aucun cas avoir le caractère
obligatoire que lui attribuait le Gouvernement colombien.

b) Que lesprécédents invoqués par celui-ciàl'appui desa doctrine
ne constituaient que des cas d'espèce.
c) Que le principe de la qualification par l'État accordant l'asile
ne figure que dans la Convention de Montevideo de 1933, signée,
mais non ratifiée, par la République du Pérou.

d) Que, par suite, cette convention n'étant pas applicable à la
situation particulière de M. Victor Rad Haya de la Torre, le Gou-
vernement du Pérou nepouvait nullement accepter « la qualification
unilatérale impérative a préconiséepar la Colombie.

e) Que, par ailleurs, M. Victor Rad Haya de la Torre avait été
a citt>ipar une juridiction spéciale, le juge d'instruction de la
Manne, dans un procèspour «rébellionmilitaire )Imais qu'il serait
en outre coupable de « terrorisme 11.
f) Qu'en vertu de ces considérations, M. Victor Rad Haya de la
Torre ne pouvait êtremis au bénéfice desgaranties stipulées dans
l'article z de la Convention de La Havane sur l'asile.

La Cour appréciera la valeur des divers arguments ci-dessus
résuméslorsqu'elie prendra connaissance de la correspondance
diplomatique échangéeentre les Parties du 14 janvier au 28 mars
1949 (voir annexes nm z, 3, 4, 5, 6 et 7).

7. La controverse qui s'engagea au moyen de cet échange de
notes ne devait aboutir à aucun résultat. En effet, malgré les
arguments présentéspar la Colombie à l'appui de sa demande
renouvelée de garanties en faveur de M. Haya de la Torre (voir
notamment les notes des 4 et 14 janvier 1949, annexes I et z), et
afin que celui-ci pût sortir du Pérou comme réfugiépolitique, le
Gouvernement de ce pays maintint sans changement sa position
négative à travers ladite correspondance, ainsi qu'en témoigne sa

note du 19 mars 1949 (annexe 6), dans laquelle on lit les conclu-
sions suivantes :
(1" Le Pérou n'est pas obligé juridiquement d'accepter la

qualification unilatérale du réfugiéfaite par Votre Excellence.
az0 Le délit de « terrorisme » ne peut &treconsidéré comme un
délit politique et ne doit pas, par conséquent, &tre couvert par
i'asile.

« 3" Ii existe un procès qui est antkrieur à i'asile, procès dans
lequel seront examinées les activit6s terroristes de l'A. P. R. A.,
ainsi que la responsabilité de son chef, qui a étédès le premier
moment inclus dans ledit procès. u

Ce point de vue négatif du Gouvernement du Péroudevait clore
l'étape des négociations directes.16 ZI~JIOIRE DU GOUVERSE\IEST COLOJIHII:~ (IO Ijo)

8. En vue de résoudre ces divergences, le Gouvernement de
Colombie adressa au Gouvernement du Pérou, dans sa note du
28 mars 1949 (an~iexe7). une suggestion conçue en ces termes :

a ....Je dois informer Votre Excellence que le Gouvernement
colombien estime inutile de poursuivre le présent échange de
notes. Mon Gouvernement considère que le momcnt est venu
d'adopter, dans le cadre du système inter-américain, une procédure
susceptible de résoudre sans retard la controverse et de définirla
situation du 1). Haya de la Torre en sa qualitéde réfugié à l'ambas-
sade de Colombie.
IINon Gouvernement, confiant dans la justice de la cause qu'il
défend dans l'intérêtd'une institution traditionnelle du droit

américain, propose au Gouvernement de Votre Excellence de
choisir parmi les divers systèmes juridiques qui sont ouverts aux
États américains - à savoir, la conciliation, l'enqu&te,l'arbitrage,
le recours judiciaire et la réunion des ministres des Affaires étran-
gères - celui que le Gouvernement de Votre Excellence jugera
préférable.
<Quant à la Colombie, la procédure lui cst indifférente. Mon
Gouvernement possède à un tel point la conviction d'avoir dans ce
cas la raison de son côtéqu'il n'hésitepas à laisser au Gouverne-
ment de Votre Excellence le choix de la voie juridique qu'il y aura
lieu d'adopter. >I

Déférantà cette suggestion, le Gouvernement du Pérou fitsavoir
au Gouvernement colombien, par sa note no (D) 6-816,en date du
6 avril 1949 (annexe S), qu'il acceptait le recours judiciaire par-

devant la Cour internationale de Justice.
g. La réponse du Gouvernement péruvien donna lieu à de

nouveaux échanges de vues entre les Parties au sujet de la procé-
dure selon laquelle l'instance devait êtreengagéedevant la Cour
internationale de Justice. Ces échanges de vues furent confiés à
des plénipotentiaires spécialement accrédités,qui se réunirent à
Lima dans les derniers jours du mois d'août 1949et qui finalement
signèrent le procès-verbal (Acta) du 31 de ce meme mois, dont le
texte est joint à ce Mémoire(annexe II).
Nous transmettons à la Cour, à titre d'information, le texte
de la déclaration faite à la presse le 7 avril 1949 par le ministre
des Relations extérieures de Colombie (annexe g), ainsi que les
notes échangéesentre les Parties après le 6 avril 1949 et jusqu'au

septembre 1949, date à laquelle la controverse par la voie
diplomatique a pris fin. (Annexes IO, 12, 14 et 15.)

IO. Les échanges de vues par la voie diplomatique une fois
terminés, le Gouvernement de Colombie engagea la présente
instance sur la base de l'article 7 du Protocole d'amitié et de
coopération colombo-péruvien du 24 mai 1934 (voir le Recueildes Traités de la Société des Nations, Instrument no 3.786 et de
l'accord sur certaines modalités de procédure intemenii entre les
Parties et constaté dans ledit procès-verbal (Acta) du 31 août
1949 (annexe 11).

II.- LE DROIT

Fondements jzbridiqnesde ln demande sommaire

II. La Coiir internationale de Justice est appeléeà sc prononcer,
en vertu de la reqiiete qui lui a étéadressée par le Gouvernement
de Colombie le ~j octobre 1949, sur les questions suivantes :

aPrwcièreqaestioiz :Dans le cadre des obligations qui découlent,
en particulier, de l'Accord bolivarien sur l'extradition d18 juillet
1911 et de la Coriveiition sur l'asile 20 février 1928, tous deux
en vigueur entre la Colombie ct le Pérou, et, d'une façon générale,
du droit international américain, appartient-il ou non à la Colom-
bie, en tant que pays accordant l'asile, de qualifier la riaturc du
délit aux fins du susdit asile ?

«Deuxième question : Dans le cas concret matière dii litige,
le Pérou, en sa qualité d'État territorial, est-il ou non obligé
d'accorder les garanties nécessaires pour que le réfugiésorte du
pays, l'inviolabilité desa personne étant respectée ? 1)

12.Le Gouvernement de Colombie demande à la Cour de se
prononcer affirmativement sur ces deus questions en tenant
compte tant des faits énoncésdans les pages précédentes que
des fondements de droit qui seront développésdans le présent
chapitre.

13.Les fondements de droit ont étéprésentésdans la requéte
du Gouvernement colombien, laquelle se base expressément :
KA. Sur les obligations générales et spéciales qui dkcoulent
pour les Gouverncments du Pérou et de la Colombie des instruments
cités ci-après :

«a) l'Accord bolivarien sur l'extradition du II juillet 1911 ;
« b) la Convention sur l'asile, approuvée et signéà la \'lmtCon-
férence internationale américaine de 1928.
«B. Sur la nature juridique particulière de I'iiistitution amé-
ricaine de i'asile, reconnue par le droit positif américain et par

la pratique des États d'Amérique depuis le siècle dernier.
B C. En général,sur les normes du droit international positif
et coutumier américain. II

Dans les paragraphes qui suivent, ces divers fondements de
droit seront examinés l'un après l'autre. Les obligations conventionnelles entre le Psarties

14. La Colombie et le Pérou sont liés par deux conventions,
dont les dispositions concernant le droit d'asile constituent un
des fondements de la demande actuellement soumise à la Cour.
Ces conventions. sont les suivantes :
a) l'Accord bolivarien sur l'extradition, signé à Caracas, le
18 juillet 19x1, par les cinq Républiques fondéespar Bolivar au
début du XIXme siècle, à savoir : la Bolivie, la Colombie,
l'Équateur, le Pérou et le Venezuela (annexe 20);

b) la Convention sur l'asile, approuvée par' la VIme Conférence
internationale américaine,réunieà La Havane, en 1928, également
signéeet ratifiéepar les Parties (annexe 21).
15. L'article 18 de l'Accord bolivarien est ainsi rédigé :« En
dehors des stipulations du présent accord, les États signataires

reconnaissent l'institution de l'asile conformément aux principes
du droit international. o
a) L'Accord bolivarien a donc 11reconnu 1) l'existence de
« L'institz6tionde L'asil», indiquant par là qu'au moment de la
signature de l'accord il y avait déjà un ensemble de notions pré-
établieset de règlespour son application. Nous nous trouvons, de la
sorte, devant le phénomène classique de la transformation d'un
droit coutumier en une sériede normes de droit positif. En d'autres
termes, lestatzcsjurisen matière d'asile, auquel nous venonsdefaire

allusion, existait déjàen Amériquelatine en 1911 et y avait m&me
atteint, dans son évolution historique, un degré de consolidation
quipermettait de le considérercomme une institution continentale.
C'est ainsique le Traitéd'extradition signé àLima le 27 mars.1879
et le Traité de droit pénal international approuvé en 1889 à Mon-
tevideo, au Congrèsinternational sud-américain, avaient introduit
des 1)rincipesgénérauxsur la reconn;~issaiiccdr l'asilediplomatique
aux r6fiirii.s ~olitia~iesen :\inL:rioueI:ltintt. l'lus tard. le inou\.ement
en faveur del'asilé diplomatique poursuivit son progrès. En 1907,
les Républiques de l'Amérique centrale ont convenu d'accepter
certaines règles sur l'asile dans le Traité de paix et d'amitiésigné
par ces pays, et en 1911le jurisconsulte brésilieM. Epitacio Pessoa
avait inclus dans son Projet de code de droit international public

(chapitre XII, livre IV) des dispositions concernant l'asile comme
principe de la communauté juridique des États.
La Cour trouvera dans ces indications sur le droit international
américain une base suffisante pour conclure, comme nous le lui
demandons, que l'Accord bolivanen n'entraîna pas la création
ex nova d'une faculté pour l'État d'accorder l'asile aux réfugiés
politiques, mais constitua simplement la reconnaissance d'une
norme de droit coutumier établie par les précédentset expériences
connus ou fournis par les pays signataires. JIÉXIOIRE DU GOUVER~E~IEST'COLOSIBIES(IO Ijo) 19

b) Si, d'une part, les règles du droit américain sur l'asile font
l'objet d'une simple constatation de la part des auteurs de l'Accord
bolivarien, qui ne créent pas ces règles mais en reconnaissent
l'existence, cet instrument établit, d'autre part, la faciiltépolir les
États signataires qui l'auraient ratifié d'appliquer n L'institzstion

de l'asilen.
L'Accord bolivarien mérite,à lui seul, de rctcnir l'atteiitioii dc la
Cour par la façon dont il a stipuléque l'asile fait partie d'un phéno-
mènebien connu dans la science du droit, L'institution».
irL'institution » est une idée intégrante d'un acte juridique.
C'est aussi un système de normes qui, soit dans le domaine du droit
privé, soit dans celui du droit international public, dépasse la
volonté des personnes humaines ou des États, en ce sens qu'elle
possède son (1être propre ». Or, tout le long de son existence,
l'institution est sujette à un perpétuel renouvellement et donne

lieu à de nouvelles créations ou à de nouveaux rapports sociaux
et juridiques qui découlent dei'idée originale.Le rôle prédominant
de l'idée constitutive dans l'institution, ainsi qiie le caractère
objectif et statutaire des rapports institutionnels, ont étémis en
avant par la doctrine. L'acte juridique institutionnel n'est donc
pas, à la manière du contrat, une simple manifestation de volonté,
mais il tient son efficacitéde K l'idée voulue » (voir GeorgesRenard,
La théoriede L'institution, Paris, 1930, et, du mêmeauteur, La
pltilosophiede l'institution, Paris, 1939).
L'étude approfondie de ce point de droit n'est d'ailleurs pas

nécessaire. Il convient de relever, cependant, la différenceexistant
entre le contrat ou le traité, instruments qui dépendent pour tout
changement de la volonté des Parties (II Pacta snnt seri,an.ia 1,)et
l'acte juridique institutionnel, qui n'apas besoin de ce consentement
pour évoluer, puisqu'il a sa vertu propre. Pour le jiiriste, l'ri ilrsti-
tutioitI)est un reflet d'une certaine catégorie de rapports sociaux.
On doit constater également que cette conception institutionnelle
du droit r a cesséd'êtreune piècedistincte de la p:iilosophie du droit
pour se muer en une théorie généraledu droit i(cf. P. Delos, La
théoriede L'ir~stitution, Archives de philosophie du droit et de

sociologie juridique, Paris, 1931, premier fascicule, p. 97).
Par l'application de cette doctrine, la Cour pourra donc saisir
clairement ce que les auteurs de l'Accord bolivarieii ont voulu
signifier par le mot «institution >Iintroduit à l'article 18,à savoir
que l'asile n'était pasun fait isolé, mais unsystème déjàetabli et
dont les règlesd'application avaient étéprécisées au fur età mesure
de son é\~olutionhistorique.
Notons finalement que l'article en question contient une norme
dont la so.?plesseétait calculéepour adapter l'institution de l'asile
aux nouvelles modalités d'application que pourrait rendre néces-

saires à l'avenir I'évolutioii du droit international américain. La
Cour trouvera donc justifiéela conclusion selon laquelle l'article 18
de l'Accord bolivarien du 18 juillet 1911 a eu pour effet l'homolo-20 ZIÉYOIRE DU GOUVEKNEhlENT COLOhlUIEK (10 1 50)

gation d'une coutume en droit et constitue, de la part des États
signataires,l'acceptation d'un « acte-règle ))pour l'exercice du droit
d'asile.

16. La Convention sur l'asile adoptée à la VImeConférencepan-
américaine tenue à La Havane en 1928 constitue la deuxième
source d'obligations pour les Parties.
Cette convention a établi les règles que voici :

a) L'article premier, alinéa I, dit : sIl n'est pas permis aux États
de donner asile dans les légations, navires de guerre, camps ou
aéronefs militaires, aux personnes accusées pour délits communs
ni aux déserteurs de terre ou de mer. »

La forme négative et prohibitive employée dans cet article à
l'égard desdélinqua~ts de droit commun permet, a contrario sensu,
d'affirmer que les Etats qui ont ratifié cette convention ont la

facultéla plus large d'accorder l'asile aux réfugiés politiques.
Toutefois, la Cour pourra remarquer que, comme il appert de la
correspondance diplomatique échangéeentre les Parties, le Gouver-
nement du Pérou n'a jamais contesté le droit souverain et légitime
du Gouvernement de la Colombie de se prévaloir de cette faculté.
Il sera donc inutile d'approfondir dans ce Mémoirel'analyse de la
question de princ-ipeimpliquéedansladite disposition et d'examiner

de la sorte siun Etat possède ou non la faculté d'octroyer l'asile aux
réfugiéspolitiques.
b) L'article premier, alinéa z, est ainsi conçu :« Les personnes
accusées ou condamnées pour des délits communs, qui se réfugient

dans l'un des endroits mentionnés dans le paragraphe précédent,
devront êtreremises aussitôt que l'exigera le gouvernement local. D
La disposition susmentionnée comporte trois conséquences :
Primo. Elle fixe la portée de la règle contenue à l'alinéa I de
cet article, en ce sens qu'elle exclut du bénéficede l'asile toute

personne qui aurait étél'objet d'une mise en accusation ou d'une
condamnation de la part d'un tribunal de justice.
Seczi~do. Elle exclut les situations ex-fiost facto.La rédaction de
la phrase, dans laquelle les rapports de temps sontnettement indi-

qués par la corrélation entre les participes passés a accusées »et
« condamnées >iet le présent de l'indicatif a se réfugient il, fait
ressortir d'elle-meme que l'a accusation >iou la s condamnation 11,
pour qu'elles produisent l'effet déterminé dans l'article, doivent
êtreantérieures à la date où le réfugiéa sollicitéla protection de
l'asile. C'est dans ce sens que l'interprétation de cet article a été

fixéepar la pratique uniforme ct constante des Etats de l'Amérique
latine. S'il eu était autrement, il serait facile à tout gouvernement
de demander la remise d'un adversaire politique qui se serait
réfugié dans une Ilégation, navire de guerre, camp ou aéronef
militaire 11,moyennant une mise en accusation ou une condamna-
tion ex-$est facto. >IE>IOIKE DU GOUÏERSE>IEST COLOilBIES (10 1j0) 21

Terti oa. disposition dont il s'agit présente comme condition
essentielle pour la remise d'un réfugiéqui se trouverait dans la
situation juridique mentionnée précédemmentqu'une telle remise
soit demandée par le Kgouvernement local II.
Il importe de faire observer, à propos de l'application, dans le
cas concret qui nous occupe, de l'article premier, alinéa 2, de la

Convention de La Havane. qu'au moment où M. Victor Rad Haya
de la Torre a cherché asile à l'ambassade de Colombie à Lima, il
n'était pas l'objet d'une mise en accusation ou d'une condamnation
pour un délit de droit commun de la part d'lin tribunal de justice
péruvien.
La Cour ne manquera pas de constater, par la lecture de la
correspondance diplomatique échangEcentre les Parties, que le
Gouvernement du Pérou n'a jamais fait état, dans les diverses
communications qu'il a adresséesau Gouvernement de Colombie,
d'une Caccusation ou condamnation I)pour délits de droit com-

mun portée contre M. Victor Raul Haya de la Torre. Le Gouver-
nement du Pérou a simplement affirmé, sans déduire de cette
affirmation aucune conséquence pratique, que le réfugiéavait été
s inclus et cité publiquement dans un procès pour rébellion et
sédition u (voir note no (D)6-814, du 19 mars 1949, paragraphe 6,
annexe 6). Jamais, à aucun momeiit depuis le début de cette
controverse, le Gouvernement du Pérou n'a demandé la remise de
la personne de M. Victor Raûl Haya de la Torre.
La Cour pourra donc conclure, comme nous le lui demandons,

que le Gouvernement de Colombie était dans son droit lorsqu'il a
qualifiéM. Victor Ra61 Haya de la Torre comme r6fugiépolitique.
c)L'article z de la Convention de La Havane est ainsi rédigé :
a L'asile des délinquants politiques dans les légations,sur
les navires de guerre, dans les camps ou sur les aéronefsmili-

taires sera respectédansla mesure où la coutume, les conven-
tions ou les lois du pays de refuge l'admettraient comme un
droit ou par tolérance humanitaire, et conformément aux
dispositions suivantes :

I" L'asile ne pourra êtreaccordéque dans les cas d'urgence
et pour le temps strictement indispensable pour que le réfugié
se mette d'une autre manière en sùreté.
2" L'agent diplomatique, le chef de vaisseau de guerre,
de camp ou d'aéronef militaire, immédiatement après avoir
accordé l'asile, donnera avi:ç de ce fait au ministre des
Relations extérieures de 1'Etat auquel ressortit le réfugié,
ou bien à l'autorité adniinistrativede l'endroit, si le fait
s'est produit hors de la capitale.
3' Le gouvernement de l'Etat pourra exiger que le réfugié

soit mis hors du territoire national dans le plus bref délai
possible;et l'agent diplomatique de l'État qui aurait accordé
l'asile pourraà son tour exiger les garanties nécessaires pour22 >~ÉMOIREDU GOUYERXE~~EST COLOMBIEN (IOI jo)
que le réfuziésorte du pays, l'inviolabilité de sa personne
[tant respectée. -.

A" Les réfueiés ne~ourroiit êtredébarouéssuraucun oint
du'territoire Eationaf ni dans un endroit' trop rapproché de
celui-ci.
5' Pendant la durée de l'asile, il ne sera pas permis
aux réfugiésd'accomplir des actes contraires à la tranquillité
publique.
6' Les États ne sont pas tenus de payer les dépenses
encourues par celui qui accorde l'asile. >i

Malgrél'importance de ces dispositions réglementant le droit
d'asile, le Gouvernement du Pérou n'a soulevéà leur sujet aucune
contestation vis-à-vis du Gouvernement de la Colombie. Celui-ci
a accordé la protection de l'asile à M. Victor Rad Haya de la
Torre dans le local de son ambassade à Lima, et, se basant sur
la faculté que lui confère l'article2,paragraphe I,de la conven-
tion susmentionnée, il a estimé que les circonstances qui avaient
donnélieu à l'asiledu réfugiet qui mettaient sa personne endanger
n'ont pas encore dispam.
Signalons encore que le Gouvernement colombien a, en son

temps, notifiésans délai au Gou.iremement du Pérou la présence
de M. Victor Raul Haya de la Torre dans son ambassade et qu'il
a pris, dès le début de l'asile, toutes les mesures nécessaires afin
que le réfugiéne puisse accomplir aucun acte qui soit contraire
à la tranquillité publique.

L'institution américainede l'asile

17.La Cour aura certainement intérêt à connaître l'historique
de l'institution américaine de l'asile. Sans nous étendre sur les
origines du refuge territorial, dont la pratique parmi les États
civilisés remonte à la plus haute antiquité, ni sur l'évolution
subie par le droit international en matière d'asile et en vertu de
laquelle, à partir du commenkement du XIXms siècle, le droit
d'asile traditionnel a étérestreint aux seuls réfugiés politiques,
il convient tout d'abord de souligner le rapport existant entre

le droit appliqué en Europe et ce droit d'asile spécialaux agents
diplomatiques qui a prévalu dans les Républiques de l'Amérique
latine depuis les premières années de leur indépendance. Ensuite,
nous examinerons succinctement les modalités de la vie politique
des États de l'Amériquelatine au'XIXme sièclequi ont conduit
à 'la reconnaissance de ce droit d'asile spécial.
18.Dès le début du XIXmc siècle, le droit public de l'Europe
et celui du Nouveau Monde ont pris comme base, dans l'ordre

politique et civil, une notion de la libertéde l'homme et du citoyen
qui rendait celui-ci inviolable. Il y avait donc entre l'individu
et l'État des rapports sociaux permettant l'exercice du droit
d'opinion et de la liberté politique en général.Les révolutions JIÉAIOIRE DU GOUVERSE~IEKT COLO~IBIES (IO Ijo) 23

n'étaient plus dans ces conditions des soulèvements spontanés de
la masse, mais des exemples d'une évolution accélérée par des
chefs dont la violence, ou l'ambition excédait parfois l'idéalisme.
Il est à peine besoin de dire qu'au cours du XIXmo siècle les
jeunes Républiques hispano-américaines ont reçu ces influences
et suivi ce mouvement des idées politiques que M. Édouard
Hemot a appelé u le dynamisme de la liberté a(Édouard Herriot,
Aux sources de ln liberté,Paris, 1939).

19. C'est ainsi que les États adoptbrent la notion d'un statut
particulier pour les délinquants politiques afin de leur épargner les
conséquences d'une injuste sanction.

L'on sait que depuis la publication de la brochure de Provo Kluit,
De deditioizefi~ofz~gorf~en 1829, le caractère juridique spécialdes
délits politiques a étégénéralement reconnu, à la fois pour refuser
l'extradition des délinquants politiques et pour accorder à ceux-ci
le bénéficede l'asile territorial en pays étranger. Déjà en 1802,
Louis-Gabriel de Bonald s'est montréopposéà la remise des réfugiés
politiques, et, en 1815, le principe était proclamà la chambre des
Communes anglaise par sir James bfacKintosh. En 1826,le Gouver-
nement de Grande-Bretagne faisait l'application di1mème principe
en refusant de livrer au Gouvernement du Tsar un des auteurs du
soulèvement de Saint-Pétersbourg, tandis qu'en 1828 et en 1829
le Gouvernement des Pays-Bas adoptait une attitude identique

envers 1'Espagne pour l'extradition de plusieurs délinquants poli-
tiques. Les traités conclus par la France à partir de 1831 et la loi
belge du 1.1octobre 1833ont confirmél'acceptation universelle de ce
principe. « S'il est actuellement, disait Lord Palmerston, une règle
qui plus que toute autre ait étéobservée dans les temps modernes
par tous les États indépendants, grands ou petits, c'est la règle de
ne pas livrer les réfugiés politiquesà moins d'y être contraint par
les stipulations positives d'un traité. ii
11faut noter,à cepropos, queles Etats du XIXmesièclen'attachent
plus aux infractions de nature politique le mêmedegréd'immoralité
ou de criminalité qu'aux délitsde droit commun. Car, à l'encontre
des mobiles purement égoïstes qui déterminent les actions des

criminels de droit commun, des sentiments fort respectables - tel
le dévouement à une doctrine ou à un principe - sont souvent la
cause des infractions dites politiques, dont la criminalité n'est que
relative, c'est-à-dire, aussi variable que les opinions que l'on peut
porter sur la valeur mêmedes différents systèmes politiques.
zo. Tous ces principes du droit international de l'Europe sur

l'extradition et l'asile territorial étaientappeàrecevoir une appli-
cation immédiate en Amérique latine.
Les conditions politiques et sociales de ces pays au début de leur
développement comme nations indépendantes ont donnélieu à des
luttes continuelles entre les différentspartis qui s'opposaient entre
eux pour défendreune certaine conception institutionnelle de 1'Etat.24 ZIÉZIOIKE DU GOUVERSEZIEST COI.OZIHIES (IO 1 jo)
Surgissant d'une époquequi n'avait pas connu la participation du

citoyen à la conduite des affaires publiques, ces peuples ont voulu
imposer un idéal(le libertéqui, souvent, à la faveur du principe de
la volonté nationale, ainsi que de la source plébiscitaire du régime
présidentiel, était détournéde son but et transformé en dictature.
Parfois, aussi, l'anarchie justifiait la ~nanihreforte des (icaudillos 11.
De ce besoin d'équilibreentre l'ordre et la liberté ont résulté,non
seulement les grands partis politiques de l'Amériquelatine, mais
les révolutionssiiccessives,àpropos desquelles un écrivainpéruvien,
M. Francisco Garcia Calderon, a pu écrire : «Coinine dans les révo-
lutions européennes, l'anarchie amène la dictature ; et celle-ci
provoque d'immédiates contre-révolutions. Du désordre spontané,

on passe à la tutelle formidable. L'exemple français s'est répété sur
une nouvelle scène :l'anarchie de la Convention annonce l'autocratie
de Bonaparte. Les dictateurs, comme les rois clo féodalisme,abat-
tent les I<caciques s locaux, les générauxde province : ainsi firent
Porfirio Diaz, Garcia Moreno, Guzmin-Blanco ....Et les révolu-
tions succèdent aux révolutionsjusqu'à l'arrivéedu tyran attendu,
qui domine, durant vingt ou trente ans,la vienationale. II(Francisco
Garcia Calderon, iLes Démocraties latines de l'Amérique IIParis,
1912, P. 72.)
Il est évident que, clans ces conditions, le système de l'asile
territorial et de la non-extradition ces réfugiés politiques,pratiqué

et généralemeiit admis par les Etats d'Europe, répondait, en
Amériquelatine, à un besoin pressant. La légitim-défenseà l'égard
<I'iii]~iitereprésailles, le droit dc coiiscrvriiioii, la s;iii\.t,g:~rrlc(le
I3inti:crité ~rso~~~ellc..~insi~(l.~ c<:~lc des (Iroiis ess~~iiri~ild ~u
citoyen, ex;geaient dans cette partie du monde, si troublée par Ïes
révolutions, l'attribution d'un caractère juridique spécial aux
délits politiques. Toutefois, l'Amérique latiiie fit évoluer ces prin-
cipes. Le problème de la liberté politique du citoyen était insépa-
rable de celui de la protection de sa sécurité personnellecontre les
conséquences des ré\~olutions.Il fallait donc trouver le moyen

rapide et sûr de donner refuge aux personnes en butte aux persécu-
tions de la part d'un gouvernement lorsque celui-ci voulait punir
ses ennemis politiques pour des raisons du mêmeordre ;et ce moyen
ne pouvait être quel'asile traditionnel transformé en asile diploma-
tique. C'est ainsi qu'a pris naissance l'institution américaine de
l'asile.
A ces considérations s'ajoutent des circonstances d'ordre géogra-
phique, telles que les distances, souvent énormes, qui séparent
entre eux les centres principaux des Républiques hispano-améri-
caines. Les moyens nombreux de communication existant en
Europesont souvent rares sur lecontinent américain, cequi accentue

l'urgence que présente l'asile diplomatique lorsque des événements
révolutionnaires surgissent. L'asile territorial dans cette partie du
monde est, avant tout, une impossibilitégéographique.Ceciexplique
qu'en préseiicede ce genre d'événementsles légations, principale- >IÉ\IOIRE DU GOUVERSEllEST COLO3IBIEZI (10 150) 25

ment, deviennent le lieu où les personnalités politiques trouvent
la garantie de leur sécuritéindividuelle.
21. L'institution américaine de l'asile, avec les caractères parti-
culiers qu'elle revêtsur ce continent, se présente,en somme, comme

le résultat de deux phénomènescoexistants qui relèvent, l'un du
domaine du droit, l'autre du domaine des faits politiques, et qui se
sont manifestés tout au long de l'histoire de cc groupe d'États ;
d'un côté, c'est l'autorité des principes démocratiques du respect
de la personne humaine et de la liberté d'opinion et, de l'autre,
c'est l'exceptionnelle fréquence des révolutionset des luttes armées
qui ont souvent rendu précaire, après chaque conflit interne, la
sécuritéet la vie dcs personnes ayant milité dans le camp des

vaincus.
22. Pour des raisons de nature et de portée diverses, dans les
premières années de l'application de l'asile américain, plusieurs
gouvernements européens, de même que le Gouvernement des
ÉtatçUnis d'Amérique, ont, par leurs interventions dans ce

domaine, contribué à l'acccptation généraledu système. L'histoire
diplomatique de l'Amériquelatine nous offre à cet égard desesem-
ples nombreux dont nous signalerons ci-après les plus caracté-
ristiques :
a) En 1850, l'ancien Président de la République de l'Équateur,
N. Roca, seréfugiaau consulat de Colombie,(alors appeléeNouvclle-
Grenade) à Quito, puis dans celui des Etats-Unis, après avoir

abandonné le pouvoir comme conséquence d'un mouvement
révolutionnaire. (Voir Tobar y Borgono, « L'asile interne devant
le droit international 11Paris, 1911, p. 293.)
b) En 1865. le Président de la République du Pérou, général
Pezet, et sesministres, se réfugièrentàla légation deFrance à Lima.
Peu de temps après, le Gouvernement révolutionnaire exigeait
qu'ils fussent remis, mais le ministre de France rcfusa d'obtempérer
à cette sommation. a Le droit d'asile accordépar la légation de

France était, fut-il répondu, conforme en tous points aus senti-
ments d'humanité auxquels la France a toujours conformé sa
conduite. II(Voir Carlos Wiesse, rtLe droit international appliqué
aux guerres civiles »,Lausanne, 1898, p. 203.)
c)En 1874, le ministre des États-unis en Bolivie, Mr. Reynolds,
accorda l'asile à deux personnes nommées Criales et Pozo. Le
20 février 1875, dans une communication adressée à Mr. Fish,

secrétaire d'Etat des États-Unis, Afr.Reynoldsdisait notamment :
rtPour des crimesde droit commun contre lesloisdu pays, le drapeau
américain ne pourrait offrir aucune protection. Pour ce qui est des
délitssimplement politiqiies, (ila l'assurance que) le Gouvernement
(dela République de Bolivie) et l'administration du Président Frias
nc voudraient causer préjudice aux personnes impliquées. » (John
Basset Moore, A Digest of International Law, Washington, 1906.
volume II, p. 781,) ZIÉMOIRE DU GOUVERNEP~IENT COLOMBIEN (IOI jo)
26
d) En 1898, les agents diplomatiques du Brésil, des États-Unis
et de la France en Bolivie ont établi d'un commun accord cer!aines
règlespour l'octroi de l'asile. En cette occasion, le ministre des Etats-
Unis, Mr. Bridgman, écrivait à Mr. Hay, secrétaire d'État à
Washington : uIl y a en Amérique du Sud une idée profondément

enracinée, du moins dans le peuple, selon laquelle une légation
étrangère constituerait légalement un refuge. » (Moore, op. cit.,
P 784.)
e) En 1891, le conflit entre le Président du ~hili M. Balmaceda
et le Congrèsde ce pays donna lieu àl'asile de hlM. Agustin Edwards
et Eduardo Matte à la légation desEtats-Unis à Santiago.Le 21 août
de la mêmeannée, d'autres personnes se réfugièrent dans les léga-
tions de l'Espagne et des Etats-Unis, au nombre de cinq et dix-neuf,
respectivement. (Moore, op. cit., p.791.)

23. L'institution américaine de l'asile a rendu de grands services
pour la défense de la liberté politique. Telle qu'elle est établie en
Amérique latine, on peut considérer cette institution comme un
système propre à ce continent, fondésur des règlesque la coutiime
a imposées avant que celles-ci ne soient reconnues par le droit
positif américain; règles dont l'utilité doit êtreexaminéeen tenant
compte des conditions de fait et de droit qui ont prévalu sur ce
mêmecontinent: Parmi ces règles, celle de la qualification du délit
du réfugiépar 1'Etat accordant l'asile nous paraît avoir un caractère
fondamental. Mais l'espérience acquiseen 1936 au cours de la guerre
civile espagnole et les efforts déployéspar les agents diplomatiques
des nations américaines accrédités à Madrid en collaboration avec
ceux de plusieurs Puissances européennes pour sauver le pliis grand

nombre de vies, a moiitré que l'institution américaine de l'asile
peut, dans des circonstances exceptionnelles, êtreappliquée même
ailleurs comme une mesure justifiée par des motifs d'humanité.

La qz~alificationdu délitdu réfugiéaux fins de l'asile
24. La première question qui est soumise à la Cour dans la
requête du Gouvernement de Colombie a trait à la qualification de
la nature du délit du réfugiéaux fins de l'asile. Le Gouvernement

de Colombie demande à la Cour de se prononcer sur la question
dont il s'agit, en tenant compte, tout d'abord, du droit conven-
tionnel existant entre les Parties et, ensuite, de l'ensemble du droit
positif et coutumier américain, considérécomme coutume généra-
lement acceptée, et des principes reconnus par les nations de ce
continent au sens des paragraphes b) et c)de l'article 38 du Statut
de la Cour.
zj. Le Gouvernement de Colombie a soutenu, sur ce point, qu'il
existe dans le droit positif et coutumier américain une situation

juridique parfaitement nette et claire pour l'Etat accordant l'asile:
celle de pouvoir qualifier la nature du délit du réfugiéaux fins du
susdit asile. Canalyse des obligations conventionnelles entre les ~IÉ.\~OIRE DU GOUYERSE3IEST COLOZIBIEN (10 1 50)
27
Parties, ainsi que l'interprétation qui en a étédonnéepar les États

américains, aboutissent à cette conclusion.
26. L'Accord bolivarien a prescrit la règle de la qualification

unilatérale par l'État requis en matière d'extradition. En effet,
l'article 4 de cet instrument dispose que les délinquants politiques,
m&mes'il s'agit d'une infraction de droit commun connexe à un
délit politique, ne pourront étre l'objet d'aucune' mesure d'extra-
dition et que, s'il y a une controverse sur l'application dudit article,
la décisiondes autorités de l'État requis sera définitive.

Partant de cette règle, l'argument a parinous indique que la
m&me solution doit étre appliquée pour les conflits résultant de
l'asile dont il est question à l'article 18 de cet instrument, lequel est
ainsi rédigé :(1 En dehors des stipulations du présent accord, les
États signataires reconnaissent l'institution de l'asile conformément

aux principes du droit international. iiLe silence des auteurs de
l'Accord bolivarien quant à la règle susmentionnée ne pourrait
êtreinterprétécomme signifiant qu'un autre système différent de
la qualification unilatérale devrait s'appliquer à l'asile. Cette
divergence de systèmes serait inadmissible en elle-même,c'est-

à-dire, si eue devait entraîner l'application d'une méthodedifférente
pour la qualification du délit dans le fonctionnement de deux
institutions - l'extradition et l'asile - ayant une fin identique de
protection de la personne humaine.
En outre, la règle de la qualification unilatérale de la nature du
délit du réfugiépar l'Etat requis était considérée commeprincipe

du droit international 'lorsque l'Accord bolivarien fut souscrit en
1911, et son application devient par là autorisée, pour ce qui est
de l'institution de l'asile, en vertu des dispositions mêmes de
l'article 18 de cet accord. Ceci apparaît clairement dans la pratique
généralement suiviepar les États du continent américain, aussi

bien qiic dans les priiicil,;iiiriiistruiiieiits niulrilatEraus souscrits
r ~ ~ -s ~o~ ~.~ ~n~ - - ~e I':\rn~:~iaui. Iatiiie :i\.:int ra1. sur l'esrra-
dition et l'asile, à savoir, le ~rait'éd'extradition dgn& à Lima le
27 mars 1879, lors du Congrèsaméricainde jurisconsultes, le Traité
de droit pénal international approuvé par le Congrèsinternational

sud-américain de droit privé, le 23 janvier 1889,ainsi que le Traité
de paix et d'amitiéconclu en 1907par les Républiquesde l'Amérique
centrale.

27. Ainsi, les signataires de l'Accord bolivarien, y compris les
Gouvernements de Colombie et du Pérou, se sont référésaux
(1principes du droit international IIpour la mise en application de
l'asile.
En l'espèce, lesParties ont voulu que les normes du droit inter-

national généralpuissent servir d'instrument d'interprétation de
l'asile amkricain. Pour bien saisir cette référence,qui pourrait
surprendre dans un accord exclusivement latino-américain, on doit
se rappeler que le droit international américain était à l'époque

328 MÉMOIRE DU GOUVERNEhlENT COLOMBIEN (IO 1 50)

dans une période de formation non encore concrétisée par des
organismes permanents du système juridique continental. Aussi,
les États signataires de l'Accord bolivarien ont-ils voulu se servir
des normes déjà incorporées dans le droit international général
pour l'application de l'asile. Or, c'est une règle universelle d'inter-
prétation juridique qüe les obligations de toute nature, bilatérales
ou multilatérales, doivent être exécutéesd'après la volonté des
Parties et selon les termes du contrat, c'est-à-dire avec toute
l'ampleur que les Parties auraient donnée aux dispositions de la
convention.
Quelle que soit l'opinion que l'on se forme sur les éléments

constitutifs du délit politi ue, la jurisprudence internationale admet
la règle qui accorde à 1 'tat requis le droit d'appréciation de la
nature du délit dans les traités d'extradition et dans l'application
de l'asile. Ce principe, en effet, avait étéformulé dans la plupart
des traités conclus à partir de 1830. C'est ainsi que l'articl5 de la
Convention du 14août 1876, signéeentre la France et la Grande-
Bretagne, stipule ce qui suit aAucune personne accuséeoucondam-
née ne sera livréesi le délit pourlequel l'extradition est demandée
est considérépar la partie requise comme un délit politique ou
un fait connexe à un tel délit. »Le mêmeprincipe se trouve inclus
dans d'autres traités souscrits par les principaux États de l'Europe,

tels que la Convention franco-espagnole du 14 décembre 1877 et
le Traité du II mars 1890 entre l'Angleterre et Ics États-Unis.
Pour justifier cette doctrine, selon laquelle l'État requis est
compétent pour connaître et déciderde la nature du délit politique
du réfugié,la grande majorité des auteurs admet que r le pays
requérant ne présente pas, en effet, les garanties d'impartialité
nécessairespour faire sainement cette appréciation IIr Il serait à
craindre, ajoute le mêmeauteur, que, sous l'empire de la passion
politique, il ne dénature le caractère du fait reproché au fugitif et
ne demande l'extradition pour un délit politique sous la qualifica-
tion de droit commun. >i(Ludovic Beauchet, Traitéde l'extradition,

Paris, 1899, p. 205.)
L'Institut de droit international, au cours dc sa session de 1880,
tenue à Oxford, a poséparmi les règles sur l'extradition les pnn-
cipes que voici :
1XIII. - L'extradition ne peut avoir lieu pour faits politiques.

(XIV. - L'État requis apprécie souverainement d'après les
circonstances si le faità raison duquel l'extradition est réclaméea
ou non un caractère politique.
«Dans cette appréciation, il doit s'inspirer des deux idées sui-
vantes :

u(i) Les faitsqui réunissent tous les caractères de crimes de droit
commun (assassinat, incendies, vols) ne doivent pas êtreexceptés
de l'extradition à raison seulement de l'intention politique de
eurs auteurs. ZIEZIOIRE DU GOUVERNEYEXT COLOaIRIES (10 150) 29

C(ii) Pour apprécier les faits commis au cours d'une rébellion
politique, d'une insurrection ou d'une guerre civile, il faut se
demander s'ils seraient ou non excuséspar les usages de la guerre.
nXV. - En tout cas, l'extradition pour crime ayant tout à la
fois le caractère de crime politique et de crime de droit commun
ne devra @treaccordéeque si l'État requérant donne l'assurance

que l'extradé ne sera pas jugé par des. tribunaux d'exception. »
(Voir n L'Institut de droit international - Tableau général des
travaux (1873-1913) u, New-York, 1920, p. 55.)
28. Pour le Gouvernement de Colombie, le droit i la quali-
fication de la nature du délit aux fins de l'asile de la part de
l'État sous la protection duquel s'est placé le réfugié est inhérent
à cette institution, de telle sorte que l'asile, sans le droit auquel

nous faisons allusion, deviendrait inefficace pour atteindre le
but de la sécuritéjuridique du réfugié.
Les deux conclusions précédentes,à savoir que le droit à la
qualification est inhérent à l'asile et que, par ailleurs, la sécurité
juridique du réfugiéest subordonnée à l'exercice de ce droit,
nous semblent êtrefondéeségalementsur l'article z dc la Conven-
tion de La Havane, qui déclare:
CIL'asile des délinquants politiques dans les légations, sur
les navires de guerre, dans les camps ou à bord des aéronefs

militaires sera respecté dans la mesure où la coutume, les
conventions ou les lois du pays de refuge l'admettraient
comme un droit ou par tolérance humanitaire, et conformé-
ment aux dispositions suivantes: ». (Voir le texte entier de
l'article au paragraphe 16 de ce 3fémoire.)
a) Le droit à la yr~alificationest inhéreàtL'asile.Selon le droit
international américain, l'asile est une faculté souveraine de la
part d'un Etat. Calvo définit cette institution comme étant une

N manifestation de l'indépendance et de la souveraineté nationale >i
(Carlos Calvo, Le Droit international théoriqueet firaliqf~e.Paris,
1880, tome III, p. 488) :la liberté ainsi accordéeà I'État d'exercer
cette faculté à l'égard desdélinquants politiques peut bien consti-
tuer, soit un droit au sens strict du mot, soit un devoir d'hiima-
nité.
Partant de ce point de vue, il est évidemment impossible
d'accepter que l'État territorial, en l'espèce le Pérou, puisse
avoir dans ce domaine un droit égal à celui qui correspond à
l'État sous la protection duquel s'est placéle réfugié.Dire, comme
le fait l'article z de la Convention de La Havane, que l'asile

constitue un droit, c'est-à-dire une facultk. dont l'exercice consti-
tue un acte souverain de la part d'un Etat, signifie l'exclusion
de tout autre pouvoir juridique de nature à empêcherles effets
de l'octroi de l'asile. L'emploi de la forme impérative asera
resfiect>idans l'article z auquel nous nous référons permet égale-
ment de ratifier cette doctrine et d'affirmer, en outre, que selon30 JIÉ~IOIRE DU GOUVERSEJIEXT COLOMBIES (IO Ijo)
la volonté des auteurs de.la Convention de La Havane, le même
article a pour but d'éviter tout conflit pouvant surgir entre la

souveraineté de l'État accordant l'asile et celle de l'État terri-
tonal. Une exacte formule pour un tel système est le droit à la
qualification unilatérale impérative par l'État accordant' l'asile.
Telle est, nous semble-t-il, la portée de l'article z de la Convention
de La Havane.
b) Le droit à la qualification conditionne la séctwitt?juridique
du réfugié.L'étude des dispositions fondamentales de cet article,
ainsi du reste que de l'ensemble des dispositions de la Convention
de La Havane, aboutit logiquement et nécessairement à cette
conséquence: le droit pour l'État accordant l'asile de qualifier
la nature du délit est la condition mêmede la sécuritédu réfugié.
Ce n'est donc pas simplement d'un point de vue théorique, mais
sur labase du droit positif régissant les relations entre les Parties

que le Gouvernement de Colombie a prétendu dans ses diverses
notes adressées au Gouvernement du Pérou que l'institution
américaine de l'asile comporte, tout d'abord, un droit à la quali-
fication unilatérale impérative du délit. Ce droit appartient, de
toute évidence,à l'État accordant l'asile, soit, dans le cas présent,
à la République de Colombie.
En effet, il serait impossible d'interpréter la Convention de La
Havaned'une manièredifférentede celleque nous venons d'énoncer,
sans dénaturer la finalitémêmede l'institution de l'asile. La Cour
ne pourrait oublier, en effet, que cette institution a pour objet la
protection d'un individ-u envers l'injustice dont il pourrait être
l'objet de la part d'un Etat. Il serait donc contraire aux principes
de la sécurité juridiquequi està la base de cette institution d'accor-

der le droit de qualification à 1'Etat qui, précisément,se trouve dans
une situation de partialité vis-à-vis du réfugié.L'asile mêmeseraif
complètement inexistant sans le droit de qualification sous-
entendu à l'article z de la Convention de La Havane.
Ainsi, lorsque la politique d'un Etat est pour un individu la
source d'un grand danger, lorsque ce dernier voit ses droits essentiels
compromis et, surtout, lorsqu'il peut craindre de n'êtrepas en état
d'assumer sa défensedans une procédure judiciaire exceptionneHe
que cet État préparerait visiblement pour des motifs politiques, cet
individu a le droit de chercher asile, et l'État quile lui accorde a la
facultéde le défendreet le devoir d'écarter,par le droit de quaiii-
cation, le péril qui le menace.

Fondement juridiquede la qualificationfaite par la Colombie .

29. Les prkcédentes conclusions se basent encore sur des dispo-
sitions expresses contenues dans la Convention de La Havane et
qui, elles, sont applicables au cas présent de manière directe. Il
s'agit des dispositions formuléesdans le premier paragraphe in fine
de l'article z et qui prévoient qu« l'asile des délinquants politiques ~LÉ~IOIREDU GOU\'ERFE31EST COLOXIBIEX (10 Ij0) 31
dans les légations, sur les navires de guerre, dans les camps ou à

bord des aéronefs militaires sera respecté dans la meszwe 03 la
couta~mel,es conventionsou les lois du pays de refugeZ'admettraient
commeun droit 0thpar toldrancehzcmanitaire~ ,tc. Ceciimplique, par
rapport à la situation concrète matière du litige, que la coutume,
les conventions et les lois de la Colombie en ce qui concerne l'asile
constituent en l'occurrence le code devant régir obligatoirement
toutes les modalités que comportel'application des normes de l'asile
dans le cas présent.
: Le problème est de la sorte tranché d'avance en faveur de notre
thèse, car la Colombie ne réclameen la circonstance que l'exécution
des règles essentielles qui sont incorporées dans ses propres cou-
tumes, lois et obligations internationales concernant l'asilàsavoir,
notamment, la règle de la qualification du délit de l'ilasile » par
l'État de refuge.

30. Sans doute, le Gouvernement du Pérou a prétendu que la
règle de la qualification unilatérale du réfugiépar l'État accordant
l'asile ne figure d'une manière expresse que dans l'article z de la
Convention de Montevideo conclue en 1933. et que cette convention
ne serait pas applicable dans le cas de M. Victor Raiil Haya de la
Torre, le Pérou n'ayant pas ratifié cette convention. Mais cette
argumentation nous semble reposer sur une méprise: c'est un fait,

certes, que la Convention de illontevideo ne peut constituer en droit
strict une obligation pour la République du Pérou avant que le
mêmeinstrument n'ait étératifiéet la ratification déposéeselon les
règles du droit constitutionnel de ce pays. Seulement, la question
n'est pas de savoir si, dans le cas présent,le Gouvernement du Pérou
est ou non disposéà donner suite aux dispositions de la Convention
sur l'asile signéepar lui à Montevideo en 1933; la question qui se
pose et que la Cour doit juger est celle de l'application par la Répu-
blique de Colombie d'une convention internationale dûment ratifiée
par son Gouvemement, convention dont les dispositions ayant trait
à la réglementation de l'asile des délinquants politiques font partie
de son droit public interne.
A ce titre, lefait de la non-ratification de la Convention de Monte-
video par le Gouvemement du Pérou nepeut, en cette matière dont
la Cour est saisie, exercer aucune influence quant à la qualification

unilatéralefaite par le Gouvernement de Colombiesur la base même
de cette convention. Car dans le système américainde l'asile. l'État
territorial possède seulement un droit passif, à savoir celui de ne
subir aucun préjudicedu fait de la présencedu réfugié sur son tem-
toire, soit dans l'ordre public interne, soit dans ses relations avec les
autres États.
Dûment interprétée, la stipulation de l'article z de la Convention
de La Havane selon laquelle le caractère juridique de l'asile des
délinquants politiques dépend de sa conformité avec la coutume,
les conventions ou les lois du pays de refuge, entraîne - nous le32 MÉ-MOIREDU GOUVERKEIfENT COLOMBIEN (10 150)

répétons - pour le Gouvernement du Pérou l'obligation de recon-
naître le droit exclusif du Gouvernement de Colombie de qualifier
la nature du délit de M. Haya de la Torre.
La qualification de M. Victor Ra61 Haya de la Torre comme

délinquant politique a été faite par l'ambassadeur de Colombie
à Lima dans ses notes no 211, du 4 ianvier 1q4q, et na 812, du

~~- ~ ~~ C~~ .~ -~
à l'article z de la Convention de La Havane, ainsi quesur la base de
l'articlez de la Convention de Montevideo sur l'asile, ainsi rédigé:
« La qualification de la nature politique du délit incombe à l'Etat
accordant l'asile.i>L'article 2 de la Convention de Montevideo suit

le principe contenu dans l'article 7 du Traité d'extradition signé à
Lima le 27 mars 1879 ; dans l'article 16 du Traité de droit pénal
international, approuvé par le Congrès international américain
de droit privé, le 23 janvier 1889 ; dans leprojet de la Commission
internationale des jurisconsultes de Rio-de-Janeiro de 1927 ; dans
les éclaircissements introduits dans le Code de droit international
privé, approuvé à la VImeConférence internationale américaine,
tenue à La Havane en 1928, et dans le projet de Convention sur le

droit d'asile, adopté par la Conférenceinternationale des juriscon-
sultes américains, réunie à Montevideo en 1939.
31. La Cour pourra donc constater, par l'analyse de ces traités
et conventions, dans lesquels a étéreconnu d'une manière uniforme
le droit à la qualification de la nature du délit du réfugiépar

l'État accordant l'asile, que ce principe est, dans le présent cas,
une norme obligatoire pour les Parties et qu'il constitue, en outre,
dans l'esprit des paragraphes b) et c) de l'article 38 du Statut
de la Cour, «une coutume internationale, comme preuve d'une
pratique générale acceptée comme étant le droit », en m&me
temps qu'un principe général du droit international américain.

Obligation de l'État territorial d'accorder les garanties nécessaires
pour quele réfugiésorte du pays

32. Des stipulations de l'article z de la Convention de La
Havane sur l'asile, ainsi que des principes du droit international
américain, découle, outre la faculté de l'État accordant l'asile,
une obligation pour l'État territorial de respecter cette qualifi-

cation et d'accorder les garanties nécessaires pour que le réfugié
sorte du pays où il se trouve dans cette condition.
33. L'institution américaine de l'asile comporte, ainsi que nous
le démontrerons dans ce chapitre, une faculté qui conditionne
l'acomplissement d'une obligation. La première appartiend~ait

à l'Etat accordant l'asile, tandis que la seconde incombe à l'Etat
territorial. Cette faculté constitue un droit souverain, parfaite-
ment légitime, pour un pays américain d'accorder l'asile à un34 MÉMOIRE DU GOUVERNEMEP~T COLOMBIEN (IO I 50)
35. La 'Cour ne manquera certainement pas de remarquer: que

la 'jurisprudence et l'argumentation développéesdans les trois
paragraphes précédentssont tout aussi valables pour établir le
droit de qualification du délitpar l'État de refuge que pour démon-
trer l'obligation qui en découle pour 1'Etat territorial d'accorder
les ~aranties nécessairesau réfugiéen vue de sa sortie du pays. ~
36. La ihCîc,quc suuticnt le Gou\.eriicrn,~nt tleColoiiihie1101irrait
Ctre riiitus ;ii~nr;,ciics1'011c.u;~rnin.IC\liSiisc.siit;iicnrr~,l'asile
territorial et ?asile diplomatique. L'asile territorial et l'asile diplo-

matique sont deux phénomènesde mêmenature juridique et qui
tendent au mêmebut ;ce but n'est autre que de soustraire les per-
sonnes exposées dans un pays à des persécutions politiques aux
actes arbitraires dont un gouvernement ou une opinion publique
hostile.pourraient les rendre victimes.
La différenceentre ces deux phénomènes estuniquement d'ordre
pratique :dans le premier, le délinquant politique, par le fait qu'il
est placé sousla sauvegarde dlautorités étrangèresqui l'accueillent
sur leur propre territoire, se trouve hors de l'atteinte de ses persé-
cuteurs et jouit, par conséquent, de la plénitude de la sécurité;
dans l'aiile diplomatique, par contre, l'intéresséreste matérielle-

ment au milieu des dangers qui le menacent, protégépar la seule
barrière du droit des gens, et ne bénéficie,par suite, que dtune
sécurité provisoire, soumise à des contingences imprévisibles.
L'asile diplomatique peut donc êtreconsidéré commeune forme
limitée et imparfaite du refuge, comme une étape préalable à
celui-ci, imposéesimplement par l'éloignement desfrontières, mais
dont l'aboutissement naturel est le refuge territorial.
Il serait dès lors illicite, dans la pratique, de prolonger indéfini-
ment la durée de l'asile, attendu que ce régime n'offre pas aux
personnes qui y ont recours les conditions de pleine sécuritéque
les conventions ont logiquement voulu leur assurer. D'ailleurs,
la prolongation d'une situation de ce genre risquerait de provoque1

entre les gouvernements des frictions qu'il est désirable et même
indispensable d'écarter.Ainsi, les intérêtsdela paix entre les États,
non moins que la sécuritédes personnes intéresséeset le sens même
de l'institution de l'asile, exigent que ce dernier soit rapidement.
remplacé, dans chaque cas, par l'état de sécuritédont il n'est que
la préface,à savoir, par le refuge accordéau réfugiédans un terri-
toire étranger.

Le Pérouet l'institution américaine de l'asile

37. Le Gouvernement du Pérou n'est pas seulement lié avec
la Colombie par les deux conventions multilatérales dont nous
avons fait l'analyse dans un paragraphe précédent.Ce Gouverne-
ment a souscrit ou ratifié d'autres instruments qui font partie
du droit international américain et qui, d'une manière expresse

ou tacite, contiennent la règle de la qualification unilatérale ~IÉYOIRE DU GOUVERSEZIEST COLOYBIES (IO 1j~) 35

impérative du délit du réfugiéaux fins de l'asile. Voici la liste
de ces instruments, accompagnée de quelques citations :
a) Le Traité d'extradition souscrit à Lima, le 27 mars' 1879,
à l'occasion du Congrès américain des jurisconsultes, par le
Gouvernement du Pérou et les Gouvernements des pays suivants :
Argentine, Bolivie, Costa-Rica, Chili, Guatemala et Uruguay.
L'article7 de ce traité est ainsi rédigé:

«Ne sont pas inclus dans les dispositions du présent traité
les délits politiques.
Il appartient au Gouvernement de la Républiqueaccordant
l'asile de qualifier la nature de tout délit de ce genre, et ce.
Gouvernement ne pourra octroyer l'extradition même s'il
s'agit d'un délit connexe à un crime ou délit qui pourrait
justifier l'extradition.
Les réfugiésqui ont été remis pour cause de délit de
droit commun ne pourront être jugés ni sanctionnés pour

des délits politiques commis avant l'extradition. I>
b) Le Traité sur le droit pénal international souscrit à Monte-
video, le 23 janvier 1889 , ar les États ayant pris part au Congrès
international sud-américain. Ce traité, signé par les plénipo-.
tentiairesdu Pérou et approuvé par le Gouvernement de ce pays,
selon une résolution exécutive du 2j octobre de la mêmeannée,
fut également souscrit par les Gouvernements de l'Argentine, de
la Bolivie, du Paraguay et de l'Uruguay.
Le titre II de cet instrument, qui est consacréà l'asile, prescrit

à son article 18 l'obligation pour l'État territorial de respecter
la qualification qui aurait été faite par l'État accordant l'asile.
Cet article :
IL'inculpé d'un délit de droit commun qui se réfugiera
dans une légation doit êtreremis par le chef de celle-ci aux
autorités locales à la demande du ministre des Relations
extérieures, lorsque la remise n'est pas faite spontanément.

Cet asile sera respecté en ce qui concerne les persécutés
pour un délit politique; mais le chef de la légation cst obligé
d'informer immédiatement de ce fait le Gouvernement de
l'État auprès duquel il est accrédité et ce Gouvernement
pourra exiger que le persécuté soit mis hors du territoire
national dans le plus bref délai possible.
Le chef de la légationpourra exiger à son tour lesgaranties
' nécessaires pour que le réfugiépuisse sortir du territoire
national, l'inviolabilité de sa personne étant respectée.
Le même principe sera observé à l'égard des personnes
réfugiéesà bord des navires de guerre mouillésdans les eaux

temtoriales.II
Le Traité du 23 janvier 1889 contient eu outre la règle de la
qualification unilatérale impérative au titre III «Du régime de.
l'extraditionilarticle 23, dans lequel il est dit : AIEXOIIIE DU GOUVERNEAIEST COLOAIBIEN (IO I 50) 37

l'État accordant l'asile fût expressément reconnu en tant que
norme du droit international américain.
La Cour admettra certainement que le fait pour un État de
souscrire mais de ne pas ratifier une convention internationale
ne peut pas entraîner pour ce m&meÉtat une négation absolue
des principes inclus dans cet instrument.
39. Le Pérou a du reste proclamé officiellement en termes non

équivoques, notamment à l'occasion de l'asile obtenu à Lima
par diverses personnalités lors 'des événementsdu 3 octobre 1948,
la doctrine de cet État en matière d'asile, doctrine qui coïncide
en tous points avec celle de la Colombie, telle qu'elle a étéexposée
dans le présent Mémoire.
Nous insérons ci-après, à l'appui de cette affirmation, deux
déclarations qui furent publiées successivement à l'époque par
le Gouvernement péruvien dans le journal officiel de l'État. Ces
deux déclarations étaient ainsi conçues :

Il1

Communiquéoficiel (traduction)

A l'occasion de la rébellion militaire survenue au Callao à
l'instigation et avec la participation de l'Alliance populaire révo-
lutionnaire américaine ou Parti du peuple, quelques-uns de ses
dirigeants out obtenu l'asile diplomatique dans des ambassades
de pays amis.
Les chefs de mission qui ont octroyé l'asile ont communiqué
ce fait au ministère des Relations extérieures en conformité des

conventions internationales en vigueur, et ils ont, dans certains
cas, demandé que les facilités d'usage soient accordées afin que
leurs réfugiéspuissent sortir du Pérou à destination du pays de
la mission respective.
Le Gouvernement, respectant ses engagements internationaux
et les pratiques établies, a octroyé les sauf-conduits correspon-
dants : et il a en mêmetemps annoncé qu'il demandera I'extra-
dition aussitôt que les tribunaux nationaux requerront la remise
de ces réfugiéspour qu'ils répondent des charges qui pèsent
SUT eux.

Lima, le 12 octobre 1948.
(Extrait du journal officiel du Gouvernement du Pérou El
Perziano, du 13 octobre 1948.)

II
Information oficielle du ministère des Relatio~ts extérkzlres
(traduction)

L'asile diplomatique, qui n'était, il y a encore quelques années,
qu'une pratique internationale acceptée pleinement par les uns38 :\IÉ)IOIRE DU GOUVERSEJIENT COLOJIBIES (IO Ijo)

et à titre conditionnel par les autres, a acquis à notre époque les
caractéristiques d'une véritable institution du droit international
américain,qui se trouve délimitéeet régiepar des normes inscrites
dans des conventions en vigueur ayant force obligatoire pour
les pays participants.
La législationinternationale américaineconcernant cette matière
est inséréedans le Traité sur le droit pénalinternational approuvé
à Montevideo en 1889, dans l'Accord de Caracas de 1911, dans
la Convention signéeà La Havane'en 1928 et dans la Convention
sur l'asile politique conclue à Montevideo en 1933. Ces documents

ne furent pas souscrits et ratifiéspar tous les Gtats participants.
mais ils sont en vigueur pour ceux qui ont procédé à leur signature
et à leur ratification. Le Pérou ratifia le Traité sur le droit pénal
international de Montevideo et la Convention de La Havane,
instruments qui sont pour lui d'une exécution obligatoire.
L'asile diplomatique répond à un souci de protection humani-
taire dans des moments de bouleversement politique, ainsi qu'au
fait reconnu de l'inviolabilité des sièges des missions diploma-
tiques, et doit par suite être reconnu eii faveur des personnes
poursuivies pour des motifs politiques..
Les sièges des missions diplomatiques jouissent du bénéfice

de l'inviolabilité. qui est, en somme, identique à celui de l'exemp-
tion de la juridiction locale;aussi les autorités locales ne peuvent-
elles y pénétrer,m&meau cas où un accusé ou inculpé de droit
commun s'y trouverait réfugié,sans avoir obtenu l'autorisation
du chef de la mission respective. En pareil cas, le diplomate est
dans l'obligation de remettre ce réfugiéaux autorités, qu'il ait
étéou non demandé par le ministère des Relations extérieures.
Si l'asile a eu lieu en raison d'un délit politique, le chef de
mission qui l'aurait accordé est tenu de donner avis de ce fait
au ministère des Relations extérieures, et il a la faculté d'exiger
les garanties nécessaires pour que le réfugiésorte du pays, l'in-

violabilité de sa personne étant respectée.Ce droit du représentant
diplomatique ne peut être meconnu.
Conformément aux conventions internationales en vigueur dont
il s'agit, il appartient à l'État accordant l'asile de qualifier le
fait qui a donné lieu à celui-ci, soit de décider s'il s'agit d'un
délit de droit commun ou d'un délit politique. Le Pérou, pour
sa part, a déjà soutenu auparavant qu'au cas où un représentant
diplomatique ne livrerait pas un CIasiléI>par le fait qu'il ne le
considère pas comme un accusé de droit commun, il ne sera
procédé à l'octroi de l'extradition qu'une fois que le réfugiéaura
quitté le pays et en conformité des procédures établies par les

conventions internationales réglant la matière. Cette thkse est
acceptée et reconnue par tous les pays d'Amérique.
Il est entendu que si, avant le fait de l'asile, une personne a été
comprise comme accusée de droit commun dans une procédure
pénale engagée conformément à des normes légales préetablies. MÉMOIRE DU GOUVERNEMEST COL03lBIEN (10 1j0) 39

cette personne ne pourra bénéficier du droit d'asile. 1.e représentant
diplomatique tiendra compte de cette circonstance pour définirsa
ligne de conduite au cas où l'accusélui demanderait protection ou
pénétrerait sans son consentement préalable dans le siège de la
mission.
En ce qui concerne les dirigeants de l'Alliance populaire révolu-
tionnaire américaine auxquels l'asile a été accordé dans des
ambassades de pays amis, le Gouvernement, sans perdre de vue
la nécessitéde veiller à ce que les instigateurs de la rébellionmili-
taire du 3 courant ne demeurent pas impunis, a réglésa conduite

sur les conventions en vigueur ci-haut mentionnées. Il a de la sorte
respecté la parole engagée dans celles-ci, tout en faisant réserve
expresse de son droit de demander l'extradition en vertu des préro-
gatives de la juridiction nationale. » (Extrait du journal officieldu
Gouvernement du Pérou EL Peruano du 26 octobre 1948.)

40. Il faut finalement noter que le Gouvernement du Pérou a
tour à tour reconnu ou exercé, selon lessituations, le principe de la
qualification unilatérale impérativeaux fins de l'asile. Nousdonnons
ci-après à la Cour un relevé des principaux cas dans lesquels le
Pérou est intervenu, dans I'un on l'antre sens.

a) Cas dans lesquelsle Péroua exercéle droitdeqz6alificafion.
(i) Au cours de la guerre civile espagnole de 1936, le ministre.
du Pérou à Madrid, agissant conjointement et solidairement avec
tous les membres du Corps diplomatique, participa activement.
à la défense du droit d'asile, et accueillit mêmedes u asilésIIau

consulat de son pays, étendant ainsi l'asile diplomatique à la
représentation consulaire. Bien que le Gouvernement espagnol ne
fût lié à ce sujet par aiicune convention internationale, le porte-
parole du Corps diplomatique, au nom de tous ses collègues - y
compris, bien entendu, le ministre du Pérou -, soutint à cette
occasion la thèse suivante : Le droit d'asile reflète une nécessité
que les Conventionsaméricaines de La Havane de 1928et de Monte-
video de 1933se sont efforcéesde traduire par un textedont l'esprit
devrait êtrecherchédans des sentiments de protection à l'égarddes
affligéset des personnes sans défense,plutôt quedans la lettre même
de ces articles. ii(Note no 115/779-19 octobre 1936, signéepar le

doyen du Corps diplomatique.)
(ii) Le zo octobre 1944, Mhl. José B. Linares, Humberto Solis
Gallardo et Ra61 Roldhn M.. ont cherchérefuge à la légation du
Pérou à Guatemala. Par note datée du mêmejour et signée, au
nom du ministre du Pérou. par le secrétaire de la lépation, cette

dernière demanda au ~ouvernemcnt guatcmalt~ilucd'~ccorder,
<idans I<:ç:~(ircdes disr>ositionsdes (:orivcnrions de .\lonie\.ideo et
de La Havane sur le dkoit d'asile »,les garanties stipulées dans ces
instruments afin que les « asilés»pussent sortirdu paysàdestination
de Mexico.40 JIÉBIOIREDU GOUVERSE~IEST COLO>IRIES (IOI 50)

Une copie de la note en question, dûment légalisée, setrouve
parmi les annexes du présent Afémoire.(Anil-se 16.)
(iii) A la date du 27 octobre 1948, M. Luis Carlos Franceschi
demanda et obtint l'asile politiqueà l'ambassade du Pérou à
Panama. Le lendemain, 26 octobre, l'ambassadeur du Pérou au
Panama adressa au ministre des Relations extérieuresde ce dernier
pays la note no 5-20 hf/34, dans laquelle il formulait la demande
suivante : aCoiiformément aux accords internationaux, aux

Conventions de La Havane et de Montevideo, je prie Votre Excel-
lence de bien vouloir accorder à RI. Franceschi le sauf-conduit de
style pour qu'il puisse sortir du pays.n
Une copie certifiéeconforme de la susdite note figure parmi les
annexes de ce Rlémoire.(Annexe 17.)

b) Cas datis leqz~elle Péroua qi~alif?Lnaccuséde droit commun
-4 la suite du renversement du Président bolivien Villarroel,
le Corps diplomatique accrédité à La Paz, siégeant en assemblée
permanente, s'est refusé, par un acte solidaire et conjointà livrer
au nouveau Gouvernement les nombreus aasilés» qui s'étaient

placéssous la protection des légations et ambassades. L'ambassa-
deur du Pérou, qui avait accordé l'asile à quatre personnalités
boliviennes, eut alors une participation très notoire dans la défense
du droit d'asile. Ilans le mémorandum que le Corps diplomatique
présenta le 6 août 1946 au ministre des Relations extérieures de
Bolivie, il est dit que«selon l'article 23 du Traité de droit privé
international conclu à Montevideo en 1889 et ratifiépar la Bolivie,
la qualification des délits incombe à la nation requis»L'ambassa-
deur du Pérou se joignit à ce mémorandum en dépit du fait que
l'un de ces sasilésn, M. Juan Luis Gutiérrez Granier, était l'objet
d'une accusation antérieure à l'asile pour les délits d'assassinat et

d'homicide, ainsi qu'il résulte du mémorandum bolivien no 2/46.
du 9 août 1946. Grâce aux efforts'de l'ambassadeur du Perou,
M. Gutiérrez Granier et ses compagnons purent quitter le pays
avec les garanties nécessaires.

c) Personnesviséesdans le procèsintentéd M. Victor Razil Haya
de la Torre et ayant obtenu des saut-conduits du Gouvernementdzc
Pérofi.
Dans les cas citésci-après, le Pérou a reconnu l'asile et délivré
des sauf-conduits à des personne? citées «dès le premier moment »
dans le mêmeprocès dans lequel a étécompris &IIV . ictor Raul
Haya de la Torre. La citation judiciaire pertinente a étépubliée

dansle no2.355du journal officielELPeruano,du 16novembre 1948
Dans les deux premiers cas auxquels il est fait référence,le sauf-
conduit a étéaccordépar le gouvernement de l'ancien Président
Bustamante y Rivero. Pour les cinq autres, le sauf-conduit a été
délivrépar le Gouvernement actuel du Pérou présidépar le général
Odria. JIÉJIOIRE DU GOUVERSEJIENT COLOJIRIEN (101 j0) 41

l'asile dans l'ambassade du BrésilpràstLima.. M.nSeoane sortit dunt

pays le 12 octobre de la mêmeannée avec un sauf-conduit déli-
vré par le Gouvernement péruvien.
(ii) En octobre 1948, M. Luis Alberto Sinchez, chef apriste
et recteur de l'universitée San Marcos, obtint l'asile dans l'ambas-
sade du Paraguay A Lima. Sinchez obtint le sauf-conduit néces-
saire et sortit du pays le4 octobre dc l'annéeprCcitCe.
(iii) Le député apriste M. Javier Pulgar Vidal obtint l'asile
dans l'ambassade de Colombie, le 29 octobre 1948. Le z décembre

suivant, il sortit du pays avec un sauf-conduit délivrépar le Gou-
vernement du généralOdria.
(iv) Le journaliste apriste,M. Hugo Otero Latorre, directeur
d'un journal du soir de Lima, obtint l'asile dans l'ambassade du
Chili en cette viiieu mois d'octobre 1948.RI. Otero Latorre sortit
du Pérouavec un sauf-conduit délivrépar la Junte militaire actuelle
de gouvernement.
(v) M. Andrés Towsend, directeur du journal apriste ~i Tri-
btcna, obtint l'asile à l'ambassade du Venezuela, et le Gouverne-

ment actuel lui délivra un sauf-conduit le 24 décembre 1948. Sous
la garantie de ce sauf-conduit, il quitta le pays.
(vi)M. Luis Carnero obtint l'asile dans l'ambassade du Mexique,
le II novembre 1948. Le 6 décembre suivant, le Gouvernement
actuel du Pérou lui délivre un sauf-conduit avec lequel il put
quitter le pays.
(vii) Le député apriste Manuel Gutiérrez Aliaga obtint l'asile
dans l'ambassade de l'Uruguay à Lima le ICPnovembre 1948
Un sauf-conduit lui ayant étédélivrépar le Gouvernement actuel
le 17 février 1949, il sortit du Pérou.

La situation juridigtcede M. Victor Rad1 Haya de la Torre

41. L; Cour doit connaître quelle était la situation juridique de
M. Victor Rad Haya de la Torre le jour où il s'est réfugié à
l'ambassade de Colombie à Lima. Dans le présent chapitre, nous
fournirons à la Cour quelques données à ce sujet.
42. Répondant aux demandes du Gouvernement colombien ten-
dant à l'obtention de garanties Dour Dermettre la sortie du Davs
à M.Haya de la ~orr; le minisGe deS~clations extérieures ~~et

Culte du Pérou, dans sa note à l'ambassadeur de Colombie à Lima
no (D) 6-814, du 19 mars 1949 (annexe 6), a déclaréce qui suit :
K VI. Le Gouvernement du Pérou ne peut acccpter l'opinion
exprimée par Votre Excellence de limiter cette disciission, d'une si
haute importance par les questions qu'elle renferme, au point formel
de la validité d'un traité, car cettequestion a étédéfinitivement42 ~IÉAIOIRE DU GOUVEKNEMEKT COLO>IBIEN (10 150)

régléepar la preuve irréfutable'de la non-ratification. Le problème
soulevépar l'asile de Haya de la Torre est le suivant: le réfugiéest
le chef d'une organisation totalitaire qui pratique depuis quelque
temps, au Pérou, sous une forme systématique, le terrorisme ; le
réfugiéa étéinclus et citépubliquement dansun procèspour rébellion
et sédition, dans lequel se sont accumulés desfaits concomittants,
antérieurs et postérieurs, qui démontrent le caractère terroriste
du délitimputé. En un mot, une fois écartéela question de la quali-

fication unilatérale, et étant donnéle fait incontestable du procèset
son antérioritépar rapport à l'asile, la controverse entre mon Gou-
vernement et celui de Votre Excellence doit porter sur la question
juridique soulevée par le Pérou dans ma note précédente, à
savoir: Le terrorisme peut-il êtreconsidérécomme un simple délit
politique ou comme une modalité aggravée de la criminalité de
droit commun? >i

La Cour observera certainement, dans le paragraphe transcrit
ci-dessus, que le Gouvernement du Pérou voudrait ajouter de son
chef aux éléments propresà la situation juridique de M. Victor
Rahl Haya de la Torre des circonstances aggravantes qui, à son
avis, ne permettraient pas au Gouvernement de Colombie de

considérer le réfugiécomme un délinquant politique.
Il est toutefois évident que les simples opinions ayant un carac-
tère subjectif doivent êtreconsidéréesséparémentde la Situation
objective dans laquelle était le réfugile 3 janvier1949 L.e Gouver-
nement du Pérou a tout naturellement le droit d'émettre son avis
quant à la nature. des activités et des programmes'poursuivis par
M. Victor Raul Haya de la Torre. Il' s'agit, en l'espèce, d'une
simple opinion, qui ne constitue pas, en elle-même,un acte juridique
pouvant qualifier l'infraction pour laquelle M. Victor Raul Haya

de la Torre serait poursuivi par-devant une juridiction spéciale,
le juge d'instruction de la Marine, pour cause de. .«rébellion» ou
« sédition1).
Nous ne voudrions pas, par conséquent, nous arrêterà l'examen
de l'opinion du Gouvernement du Pérou à l'égard de M. Victor
Rad1 Haya de la Torre, dont l'activité politique peut évidemment
êtreconsidéréesous les points de vue les plus divers. En outre,
le Gouvernement de Colombie, fidèleà sa politique traditionnelle
de non-intervention dans les affaires intérieures des autres États,

ce qui,par ailleurs, a étéadoptécomme norme du droitinternational
américain par plusieurs conférences panaméricaines, s'abstient
délibérémentde commenter dans ce Mémoire les circonstances
politiques intérieures du Pérou, ainsi que les rapports qui ont pu,
exister entre le« Parti du peuple IIdont M. Victor Ra61 Haya de
la Torre est le chef, et les diversgouvernements qui se sont succédés
au pouvoir dans la République du Pérou. .Sur la base des considérations de fait et des motifs de droit
qui précèdent, et sous réserve de tous autres arguments à déve-
lopper dans la procédure ultérieure écriteou orale :

1. - Que la République de Colombie a le droit, en tant que
pays accordant l'asile, de qualifier la nature du délit aux fins
du susdit asile, dans le cadre des obligations qui découlent en
particulier de l'Accord bolivarien sur l'extradition du 18 juillet
1911 et de la Convention sur l'asile du 20 février 1928 et, d'une
façon générale,du droit international américain;
II. - Que la République du Pérou, en sa qualité d'État
territorial,est obligée, dans le cas concret matière du litige,
d'accorder les garanties nécessaires pour que M. Victor Raiil
Haya de la Torre sorte du pays, l'inviolabilité de sa personne
étant respectée.

Fait à La Haye, le IO janvier 1950.

L'agent du Gouvernement colombien:
(Signé ). M. YEPES,
Jurisconsulte du ministère des
Affaires étrangèresde Colombie.44 ANXEXES AU MÉMOIRE COLOMBIEN (LISTE)

LISTE DES DOCUhlENTS REMIS AU GREFFE DE LA COUR

INTERNATIONALE DE JUSTICE

1. - 1949, janvier 4. No z/r. Lettre de l'ambassadeur de Colombie à Lima au
ministre des Affaires étrangères et du Culte du Pérou.

2. - 1949, janvier 14.No 812. Lettre de l'ambassadeur de Colombie à Limaau
ministre des Affaires étrangères et du Culte du Pérou.
3. - 1949, février 12.No 2/64. Lettre de l'ambassadeur de Colombie à Lima au
ministre des Affaires étrangeres et du Culte du Pérou.

4. - 1949, février22. No (D) 6.812. Lettre du ministre des Affaires étrangeres
et du Culte du Pérou à l'ambassadeur de Colombie à Lima.
5. - 1949, mars 4. ND 4016. Lettre de l'ambassadeur de Colombie à Lima au

ministre des Affaires étrangères et du Culte du Pérou.
6. - 1949. mars 19. Na (D) 6.814.Lettre du ministre des Affairesétrangères et
du Culte du Pérou à l'ambassadeur de Colombie à Lima.
7. - 1949, mars 28. N" 7319. Lettre de l'ambassadeur de Colombie à Lima au,

ministre des Affaires étrangeres et du Culte du Pérou.
8. - 1949, avril 6. Ne (D) 6.816. Lettre du ministere des Affaires etrangères et
du Culte du Pérou à l'ambassadeur de Colombie à Lima.

9. - 1949, avril 7. Déclarations du ministre des Affaires étrangeres de Colombie
à la presse.
10. - 1949. avril 29.ND (S) 6.817.Lettre du ministre des Affaires étrangeres et
du Culte du Pérou à l'ambassadeur de Colombie à Lima.

Er. - Acte de Lima du 31 aoiit 1949.
12. - 1949, août 31.Lettre du plénipotentiaire spécial de la Colombie à Lima
an plénipotentiaire spécial du PÇrou.
13. - 1949. août 31. No (D) 6-8/i4. Lettre du plénipotentiaire spécial du Pérou

au plénipotentiaire spécial de la Colombie à Lima.
14. - 194% août 3,. ND 300136. Lettre de l'ambassadeur de Colombie au
ministre des Relations extérieures et du Culte du Pérou.

15. - 1949, septembre 101.Lettre du ministredesAffairesétrang&resetduCulte
du Pérou à l'ambassadeur de Colombie à Lima.
16. - 1944. octobre 20. Lettre de la l&ation du Pérou au Guatemala 3.la Junte
militaire du Gouvernement.

17. - 1948, octobre 28. Sm 5-90 M/34. Lettre de la légation du Pérou àPanama
au ministére des Affaires étrangères.

~nanés, CONVENTIONS ET D~CLARATIONS
18. - Extrait du Traité de droit international privé signé à la Junte de juris-
consultes américains réunie à Lima en 1879.

19. - Extrait du Traité de droit pénal international signé au Ier Congres
sud-américain de droit international privé réuni à Alontevideo en 1889.
20. - Accord balivarien sur l'extradition, signé à Caracas le 18 juillet 1911.

zr.- Convention sur l'asile, signée à la VIme Conférence panaméricaine.
22. -Convention sur l'asile politique, signéeàIaVIIme Conférencepanaméricaine.
23. - Extrait du traité sur l'asile et le refuge politique, signéau IIme Congres

sud-américain de droit international. réuni à Montevideo en 1939.
24. - Extrait de la DÇclaration américaine des droits et devoirs de l'homme,
adoptée à la IXm* Conférence panaméricaine.
25. - Extrait de la Déclaration universelle des droits .de l'homme, adoptée à

l'Assemblée généraledes N. U. le IO décembre 1948. Annexe I

L'AMBASSADEUR DE COLOMBIE AU MINISTRE
DES AFFAIRES ÉTRAKGÈRES ET DU CULTE DU PÉROU

N" 211.
[Traduction] Lima, le 4 janvier 1949.
Monsieur le Ministre,

J'ai l'honneur de porterA la connaissance de Votre Excellence que,
conformément aux termes de l'article2 de l'aliné2 de la Convention
sur l'asile signéepar nos deux pays&La Havane en 1928, M. Victor
Raul Hava de la Torre se trouve réfu- au sièee"de cette mission
depuis h(er à 21 heures.
Comme suite à ce que je viens de dire et considérant que cette
ambassade désire que hl. Haya de la Torre quitte le Pérou dans le
plus bref délai possible, je prieVotre Excellence de bien vouloir
ordonner que l'on délivrele sauf-conduit respectif, afin queHaya
de la Torre sorte du pays avec toutes les garanties prévues par le
droit de l'asile diplomatique.
Je saisis cette occasion, etc.
(Signe) CARLOS ECHEVERRC I ORTÉS,
Ambassadeur de Colombie.

Annexe 2

L'AMBASSADEUR DE COLOMBIE AU MINISTRE
DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU CULTE DU PÉROU

No 812.
[Traduclion] Lima, le 14 janvier1949.

Monsieur le Ministre,
D'accord avec des instructions de mon Gouvernement, j'ai l'honneur
de porter la connaissance de Votre Excellence que, conformément
l'article de la Convention sur l'asile politique signee par nos deux pays
le 26 décembre 1933, à hlontevideo, le Gouvernement colombien a
qualifié AI. Victor Raiil Haya de la Torre comme réfugié politique.
Je saisis l'occasion, etc.

(Signe?CARLOS ECHEVERRC I ORTÉS,
Ambassadeur de Colombie.46 ANXEXES AU JIÉXOIKE COLOILBIES (NO'3-4)

Annexe 3

L'AMBASSADEUR DE COLOMBIE AU hIINISTRE

DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU CULTE DU PÉROU
No2164.
[Traduction]
Lima, le 12 février1949.
Monsieur le Ministre,

D'après les instructions formelles que je viens de recevoir de mon
Gouvernement, j'ai'l'honneur de m'adresserà Votre Excellence afin
de réitérerla demande formuléedans ma note noz du 4 janvier écoulé
concernant l'octroi d'un sauf-conduit qui permetàeM. Victor Raiil
Haya de la Torre, réfugiédans cette ambassade, de quitter le pays
avec les garanties qui doivent lui être données conformément à la
Convention de La Havane sur l'asile.
Mon Gouvernement considèreque les raisons présentées pourretarder
l'établissement du sauf-conduit et que Votre Excellence m'a exposées
dans les différentes entrevues au cours desquelles nous avons traité
cette affaire, ont foncièrement changé et que, par conséquent, trente-
huit jours s'étant écoulésdepuis le moment où M. Haya de la Torre
permettre le départ de notre réfugié,d'autant plus que Votre Excel-
lence m'a informéàplusieurs reprises que le sauf-conduit serait octroyé
au moment opportun et que le Gouvernement du Pérou a ouvertement
déclaréqu'il donnera cours à ses obligations internationalet que
dans cette matière un retard indéfini équivaudraàtun refus.
Je saisis cette occasion, etc.

(Signé)CARLOS ECHEVERR I ORTÉS,
Ambassadeur de Colombie.

Annexe 4

LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU CULTE
DU PÉROU A L'AMBASSADEUR DE COLOMBIE
(D) 6.-812.

[Traduction]
Lima, le 22 février1949.
Monsieur l'Ambassadeur,
J'ai l'honneur de donner une réponse aux notes du4 et14 janvier
et du 12 février de l'année courante concernant l'asile accordédans
votre ambassade à Victor Raiil Haya de la Torre.
Votre Excellence sait très bien que le Gouvernement du Pérou a
donné toute sa considération aux communications mentionnées, et
qu'il a différésa réponseuniquement en vue de la nécessitéd'étudier,
de la manière la plus objective, la condition juridique effective du
réfugié. ANNEXES AU IIÉMOIKE COLO~IRIEN (NO 4) 47
Il ne pouvait y avoir d'autres motifs puisque le Gouvernement du
Pérou estbien résolu àremplir strictement les obligations internationales
en vigueur en ce qui le concerne.
Dans la note du 4 janvier, Votre Excellence fonde sa demande de
sauf-conduit sur le second paragraphe de la Convention sur l'asile,
signéepar nos deux pays à La Havane en 1928. Votre Excellence a
de cette façon fixéexactement le statz~sjzrrisen vigueur entre le Pérou
et la Colombie en matière d'asile :il s'agit du Traité de La Havane
auquel ont souscrit les deux pays et qui a étératifié par les deux
congrès. Ce traité exclut de l'asile les délinquants de droit commun
et impose l'obligation de les livrer dans le plus bref délaiaux autorités
de l'Etat temtorial, et, s'il accepte l'asile en ce qui concerne les délin-
quants politiques, il le fait en invoquant des raisons humanitaires et
en le subordonnant à des circonstances d'urgence ainsi qu'à la sécurité
du réfugié.
Considérant les dispositions du droit en vigueur entre le Pérou et
la Colombie, ilétait nécessaire, comme un devoir de stricte justice
et de respect à l'opinion publique péruvienne, profondément émue
Dar la suite de faits criminels. d'~c~es de terrorisme et d. ~~on.eande
ti>t;tlitairc comiiiis par I':\li. .Aet qiii coinproniert:iieiit directe-
ment Li r,-~l>ons:ihili<Irir~n cliçf iiiiiiliic et ;ib.olii. (1'L:tudicrdans
le &tail lé cas <luise i>rtciir;iit :.iiii d'6mhlii cl:iiI;<iunli~icrtriun
qui pouvait s'appliquer à Victor Raiil Haya de la Tork. Par cela
même,ne manqua pas de causer une pénible impressionau Gouver-
lence, agissant d'après les instructions de sa chancellerie, qualifia
d'uasilé politique n Victor Raul Haya de la Torre, dans l'exercice
du droit qui lui était octroyé par l'articlede la Convention sur l'asile
politique signée à Montevideo le 6 décembre 1933.
Votre Excellence doit se rappeler que cette convention, bien que
signée par les délégués du Pérou, n'a pas reçu l'indispensable ratifi-
cation de notre congrès et par ce fait ne fait pas partie du droit en
vigueur entre le Pérou et la Colombie.
La qualification du réfugié commedélinquant politique ou délin-
quant de droit commun est matière par elle-mêmetrès grave, et
constitue le point essentiel qu'on doit examiner afin d'octroyer ou
de refuser l'asile. Cette matière est laissée ail jugement des deux
Gouvernements, d'après les faits et les documents qui reflètent la
réalité objective,dans le cadre du régimejuridique du Traité de 1928.
Le Traité de 1933,que le Pérou n'a pas ratifié, a apporté une inno-
vation dans cette matière, livrant la décision à l'opinion unilatérale
du Gouvernement qui accorde l'asile. Cette opinion, pour respectable
qu'elle soit, ne renferme pas une obligation juridique pour le I'érou.
Pendant la discussion de ce cas, il est de mon devoir de vous com-
muniquer que la qualification de Victor Rad1 Haya de la Torre comme
simple réfugié politique,c'est-à-dire commesimple délinquant politique,
est due àdes renseignements incomplets et inexacts au sujet de l'activité
criminelle déployée, spécialementdans ces derniers temps, par le chef
de l'aprisme, et de l'Œuvreréaliséepar son parti, placésous sa direction
unique et absolue.
Il ne s'agit pas d'une organisation politique, à l'instar de celles
la propagande ou des idéespolitiques, mêmesi ces dernières aboutissent48 ASNEXES AU MÉ~IOIRE COLO~IBIEN (NO 4)

à des manifestations de force. Il s'agit, sans aucun doute, d'une orga-
nisation à caractère vertical, qui a continué à troubler profondément
non seulement la vie politique, mais aussi la vie économique, sociale
et mêmeéducative de la République au moyen de procédésqui pré-
sument un régimecoactif, mal nomméde discipline, contraire à la loi.
et qui aboutit même à l'application de peines aultimatives », telles
que la mort et la flétrissure. Le Gouvernement de Votre Excellence
ne peut pas ignorer la publication qu'on a fait du uCode de discipline
apristeo. qui prévoit ces peines et d'autres encore, et qui exige pour
ce parti un régime en dehors du régime juridique généralde 1'Etat.
Régime qui ne s'est pas borné à être théorique: il a étépoussé
jusqu'aux faits aboutissant aux extrémités qui ont donné origine aux
dénonciations du Président de la République, lui-même son ex-allié
politique, le Dr Bustamante y Rivero, contenues dans deux messages
à la nation péruvienne, messages dont les graves imputations n'ont
jamais pu êtredémenties.
L'action révolutionnaire de L'A.P. R. A., d'accord avec sa structure
totalitaire, diffère totalement de l'activité traditionnelle des partis
politiques. Cette action révolutionnaire a étéaccompagnée d'innom-
brables assassinats et d'une Œuvre de terrorisme qui n'a pas pu passer
inaperçue à votre Gouvernement.
L'A. P. R. A. a été fondée à Paris en 1924:elle est un parti iuter-

national, totalitaire et antipéruvien, idéologiquement marxiste, qui
prétend créer « l'État de 1'Indo-Amérique ilréunissant les Républiques
latino-américaines, et qui, pour atteindre ce but, essaie d'établir des
« cellules» dans tous les pays du Continent, exception faite des Ptats-
Unis et du Canada. Parmi les cina ~ostulats aui composent son ~ro-
gramme, qui préconise la lutte' Contre 1'i&~8riali<meyankee; se
détachent: l'internationalisation du canal de Panama, la nationali-
sation des terres et la lutte de classes.
Ce programme a étératifié dans la dernière Convention du parti
apriste, qui eut lieu à Lima en 1948.
L'A. P. R. A. est un groupement àstructure et procédéstotalitaires.
Son ore"nisatiou verticale et la volonté. ou le caorice. du u leader
maximo »,doivent êtreaveuglément acceptéessous peiné de punitions
effravantes, y compris la mort. Sa discipline si vantée se fonde sur la
terrëur, et dans ie parti mêmeexistênt des organisations spéciales
chargées d'exécuter les sentences prononcéespar ses conseils de disci-
pline aux termes du code susmentionné.
A l'instar du nazisme, l'A. P. R. A. organisa des troupes de choc,
les ccBiifalos o (buffles) ou c dorados » (dorés), dont de nombreux
membres sont recrutés dans les couches sociales les plus basses, troupes
utilisées, en plusieurs occasions, pour attaquer les personnes et les
propriétés.Ses forces de choc, organisées dans plusieurs villes de la
République, sur le système de la division en secteurs, étaient dressées
à l'emploi des armes et à la préparation d'explosifs pour êtreutilisées
dans une Œuvre d'effroi et de terreur organisée. Ce systeme d'action,
qui anéantissait les garanties de l'État, fut propagé sur tout le terri-
toire national, et son activité criminelle développéà multiples reprises.
Votre Excellence connaît certainement, par les informations de la
presse, de quelie façon l'action violente l'A.P. R. A. prétendit s'impo-
ser aux sentiments de la population, rendant ainsi nécessairel'interven- ANNEXES AU AIEA~OIRE COLONBIEN (NO 4) 49 '

tion énergique des autorités afin de rétablir l'équilibrejuridique dérivé
de la loi en vigueur ainsi que les garanties de la loi même.
L'A. P. R. A.. en outre, introduisit ses urocédéssectaires et dissol-
vants dans I'6coleprimaire. dans les instituts d'iristnistion sccoridaire,
nationlluv et privés.dans Ics univérsit4set dxns les instituts rpéci:ilisks.
troublarit leur régime 16gaI. poussant au mepris des loij. iiistig~innt
l'isulrriieiit ou la haine dans les ment;ilitis de, étudi:iiits. prCtendant
imposer aux autoritCs de ccs institutions une <lirtatiiri: di:iiiag---que
de-masse.
II est publique et notoire que l'A. P. R. A., d'abord clandestinement,
ouvertement ensuite, se faufila dans les syndicats ouvriers, s'emparant
Dar la fraude ou la violence des comités de direction. utilisant ces
8rganis;itiuris di: inétierAses fiiiaiitéssertaircs. IIuti~isnIrs grutilwrnerits
ouvriers. fnnatisés par 13.dbmagogie oii :ittir& Ixirles ~iri>riicss~ds'une
prouaeande partisane. Le droif dë erève. aui ëst l'instrument du tra-
;.aiÎlci;r pu; atteindre dc ]ustcs rc;;çnrlic;iiioiis, fut ~y~~;matiquemciit
eiiiployc5:ifinde frustrer II libre <I&\.elu~~li~-rieii13.vit r'conomiiluc
nafionale et d'engourdir le fonctionnement des moyens de son progiès.
On en vint à utiliser la gréve dite a politique ipour des finalités évi-
demment bien éloignées desrevendications ouvrières, créant par cela
dans le public un état d'alarme justifiée.
II est bien connu, par ailleurs, que l'action des représentants apristes
au Parlement se manifesta en transplantant mécaniquement la dictature
de leur organisation intérieure du parti à cette institution qui, selon la
volonté des citoyens et l'esprit de la Constitution et des lois, doit être
une haute fonction de liberté.
La cellule parlementaire apriste, comme on la nomma, intégrée
par des criminels qualifiés et des repris de justice, pr6tait serment
à' une fonction qui, comme la fonction parlementaire, n'admet pasticipée

de renonciation par sa nature même.Dans leurs travaux parlemen-
'avant mémequ'aux Règlements desChambresrespectives; n'atteignantA.P. R. A.
pas la majorité dans le Parlement, ils organisèrent un système de
coercition contre la majorité légitime, au moyen de «barras a qui se
dédiaient spécialement à imposer le silence aux voix contraires ou
à offenserla fonction parlementaire en la personne de ses représentants.
Dès son apparition sur la scène politique pé~vienne, l'A. P. R. A.
a perpétré uneinfinitéde crimes :ses affiliésont assassinépar mandat
des soldats, des classes, des officiers et des chefs des forces armées
et de la police : et, pour comble de barbarie, ils n'ont mêmepas
respecté les prisonniers, qu'ils massacrhrent avec une inqualifiable
férocité. Ainsi,en 1933. h Trujillo, tombérent de nombreux officiers
et soldats de notre armée et, en 1935, à Huanca-Vélica, un prêtreet
plusieurs membres de la Garde civile furent assassinés.
Le général LuisM. Sanchez Cerro, Président constitutionnel de la
République, fut attaqué et grihvement blessé, dans l'églisede Mira-
flores, au moment ou il assistait à une cérémonie religieuse,par l'affilié
apriste José Melgar, et, ensuite, le 30 avril 1933, il tomba, assassiné
par le fanatique sectateur Abelardo Mendoza Leyva. Le lieutenant-
colonel Segundo R. Morales Rermudez, commandant du rgme Bataillon,
de garnison à Trujillo, fut également la victime des criminels apristes
menés par le secrétaire généralde la région du Xord. Alfredo Tello,50 ANNEXES AU MÉMOIRE COLOMBIEN (NO 4)
aujourd'hui soumis à procès et coaccusé devant les tribunaux de la
République pour le meurtre de Francisco Grafia Garland. Le 16 février
1948, chefs et «buffles,» de Cerro de Pasco ameutèrent la populace
apriste, donnèrent l'assaut à la préfecture et massacrèrent le préfet,
Francisco Tovar Belmonte; dont le cadavre fut traîné dans les rues

de la ville.
Enfin, des membres du parti apriste furent condamnés pour des
crimes tels aue le meurtre di1 iournaliste Dr Antonio Nird Oues-do
et de sa femme, ou sont coaccuséset soumis à procès pour l'assassinat
de If. Francisco Grafia Garland et pour d'autres crimes de la même
nature, qui ont profondément ,émuLla conscience nationale.
Les apristes, enfin, ont assassinéégalement plusieurs de leurs propres
camarades, par ordre de leurs Conseils de discipline.
Les crimes perpétrés par l'A. P. R. A. dépassent donc toutes les
bornes de la lutte politique. Les chefs et leurs séides ne se sont pas
bornés à commettre des crimes en temps de lutte politique, et dans
une forme jamais égaléedans l'histoire du Pérou, mais en ont perpétré
aussi sans nulle cause durant des périodes de pleine paix intérieure,
comme entre 1945 et 1948. Ils ont perpétré des actes de criminelle
violence, systématiquement, réalisant froidement un programme de
terrorisme.

Immédiatement après l'émeute du 3 octobre de l'année passée, qui
a donné origine au procès où Victor Ratil Haya de la Torre est inclus
et publiquement cité, le Gouvernement d'alors découvrit des milliers
de bombes qui auraient dû éclater à Lima et que l'on avait distribués
en différents endroits de la ville; récemment encore, on a découvert
l'existence de milliers de poignards de fabrication spéciale que l'on
aurait dû employer à l'occasion d'un mouvement révolutionnaire.
Cette émeute a été laculmination de la criminelle campagne apriste,
ayant pour but de gagner les rangs subalternes des Forces armées au
moyen d'une propagande menée dans les casernes, où l'on incitait à
l'assassinat d'officiers et de chefs, sans distinction et sans épargner'
leurs familles.
De tout cela le Gouvernement d'alors eut des preuves documentaires
et eut connaissance des plans subversifs du commandement de

l'A. P. R. A. et eut vent de la vague de terrorisme qui allait se déchaîner
dans la capitale et dans la République entière afin d'éliminer tous
ceux que l'on considérait comme des ennemis.
Il n'y a pas lieu de rejeter, sur de simples affiliésfanatisés, toute
la terrible responsabilité de tout un système qui n'a pas pu se créer,
considérant la rigide discipline du parti et le pouvoir illimité de son
chef, sans son inspiration et approbation.
La simple différentiation entre délits de droit commun et délits
politiques a dû êtresurpassée dans l'histoire et dans le droit américain,
et mêmemondial, par la force même des faits.
En effet, d'antan, la catégorie politique couvrait les délits de droit
commun qui, incidemment, pouvaient être perpétrés sans compro-
mettre la responsabilité des chefs du mouvement. Depuis la procla-
i~~atiri~1 ttor citin~c Inrlit~., tIIr i r I I rt cniuir? Ic
iii:~rsijiic.1,ciifiii, iIc I;Ltor:jlit:iirr ou iinzi-fnîcisrt~Iircornplcur

clt!mou\.eriiciits ii<iliti<iiirsl'éIt.i(Irciitiiiti.~lit; coriiitcati-ritue
le caractère le maÎqué. Ce point de vue origina un courant dans le
sens d'étudier le délit de terrorisme en le distinguant à la fois du délitpolitique et du délitde droit commun ;et, dans les bornes de ce critère,
il est évident que l'on n'applique pas l'asile aux politiciens impliqués
dans des mouvements qui enveloppent une délinquance totalitaire ou
terroriste.
Dans le droit panaméricain la nécessitése fit sentir d'envisager des
moyens pour combattre des méthodes qui impliquent un grave ,et
sérieuxdanger pour l'organisation politique et sociale et pour la ~ivili-
sation elle-même.Ce courant ins~ira la Convention contre l'anarchisme.

communiÇtes mais aussi toute espècede totalitarisme.
Dans les mouvements révolutionnaires à nature totalitaire, la finalité
politique ne supprime ni n'affaiblit nullement la culpabilité dans les
délits de droit commun que l'on commet, mais tout au contraire, elle
l'aggrave, et par cela mêmeelle ne peut pas orig-iner une exemption
de responsabilité en faveur des chefs reconnus de ces mouvements.
Toutes ces considérations devront produire dans l'âme de Votre
Excellence et du Gouvernement colombien la conviction qu'il n'y a
pas lieu de considérer. comme réfugié politiquele chef d'une organi-
sation contre laquelle se déroulent devant les tribunailx de la Répu-
blique des procès qui impliquent une responsabilité pénale définieA . u
chef et aux meneurs qui ont fondé et organisé V.4. P. R. A., préparant
intellectuellement et moralement et matériellement leurs affiliés à la
au Pérou, on ne doit pas laisser, pour qu'elle retombe sur eux-mêmes,x
cette responsabilité, que le pays entier réclameavec séfénité mais aussi
avec fermeté ;et il n'y aurait pas de gouvernement qui, sans se heurter
à une grave et méritée réprobation publique, oserait admettre que le
droit d'asile, essentiellement créé pourprotéger les politiciens en dis-
grâce, pût s'élargirlâchement, avec une énorme lésiond'élémentaires
principes de justice, à des criminels de droit commun tels que celui
dont je traite ici: froids, dépourvus de scrupules, moulés à l'instar de
ceux qui, en Europe, ensanglantèrent foyers, usines, écoles, casernes
et temples, sous la farouche domination nazi-fasciste, et aboutirent à
ensanglanter le monde. Cela équivaudrait non seulement à porter
atteinte à la sécuritéde l'Etat péruvien, mais aussi à celle des autres
gouvernements et peuples du continent. L'A. P. R. A. est un danger
pour le Pérou, aussi bien que pour l'Amérique entière. Pour cette
raison, et donnant preuve de prévoyance, Sanchez Cerro la combattit :
pour cela la combattirent aussi Benavides et Prado ; et même sonallié
politique, Bustamante y Rivero, se vit contraint de la dénoncer comme
un danger national et essaya de l'endiguer. Pour cela, enfin, les Forces
armées de la République, par un geste unanime, se sont vues dans la
nécessitéde mettre fin à tant de crimes et de maux, afin de sauver
le Pérou.
L'actuel Gouvernement du Pérou, en portant ces faits à la connais- ,
sance du Gouvernement colombien, les dénonce, en mêmetemps, A
l'Amériqueentière, en tant que ces actes de terrorisme menacent ses
fondamentales institutions, son ordre juridique, son régime démocra-
tique et son existence et souveraineté mêmes.
Considérant ce qui a étéexposé ci-dessus,le Gouvernement du Pérou
des obligations qui découlent de laconvention en vigueur entre le Pérouce 52 ANNEXES AU ?VIÉIIOIRECOLOMBIEN (NO 5)

il considèreopportun d'éclaircirce cas au cours d'une franche et amicale
discussion,à la lumière objective des faits. Et, pour cela même, j'ai
l'honneur d'inviter VotreExcellence à considérer lesfaits que je viens

invoquer.nner, ainsi que les autres que mon Gouvernement pourrait
Je regette que la déclaration faite par ce ministère, en généralet
en principe, de faire honneur aux accords internationaux sur l'asile,
en tant qu'il se considère obligéà leur stricte exécution, ait pu être
interprétée par Votre Excellence comme une promesse d'octroi incon-
ditionnel du sauf-conduit demandé !Mon Gouvernement réaffirmeune
fois de plus sa détermination de faire honneur aux engagements en
vigueur, dans les limites et sous les conditions prévues par ceux-ci.
Je saisis l'occasion. etc.

(Signé)FEDERICO D~AZDULANTO.

Annexe 5

L'AMBASSADEUR DE COLOMBIE AU MINISTRE
DES AFFAIRES ESTRANGERES ET DU CULTE DU PZROU

N" 4,016.
[Traductioti]
Lima, le 4 mars 1949.
ifonsieur Lealinistre,
J'ai l'honneur d'accuser la réception de la note n" (D) 6-81-2du
22 février 1949. par laquelle Votre Excellence a bien voulu donner
réponse à mes notes du 4 et 14 janvier et du 12 février de l'année
courante, au moyen desquelles ou demandait le sauf-conduit en faveur
du Dr Victor Kaul Haya de la Torre, réfugiédans cette ambassade.
Dans la note mentionnée, après avoir fait plusieurs considérations
ayant trait soità la position du Pérou par rapport aux règles du droit
d'asile, prévuesen Amérique.soit concernant le cas concret du Dr Haya
de la Torre, Votre Excellence déclare, en conclusion, que le Gouverne-
ment du Péroune secroit pas obligé d'accorder lesauf-conduit demandé.
Votre Excellence ajoute que, pour cette raison, le Gouvernement
«considère du cas d'élucider eu une discussion franche et amicale le
cas présent h la lumière objective des fai»,et elle termine en invitant
le soussigné à la considération des faits mentionnés dans ladite com-
munication et d'autres que votre Gouvernement peut invoquer.
Bien qu'il y ait lieu d'observer que les considérations et la conclusion
auxquelles je viens de me référer changent le terrain où l'on avait
placé le cas d'espèce, en tant que l'octroi du sauf-conduit avait été
1 présenté par Votre Excellence comme dépendant d'une question
d'opportunité et non de principe, j'examinerai brièvement dans les
lignes suivantes les considérations et la couclusion dont il s'agit. Dans la note citée, Votre Excellence, afin d'expliquer que le Pérou
ne se considère vas oblieé d'octrover le sauf-conduit en auestion.
avance une sériedargum~ntatious, ayant comme but de démontrer:
I" Que, le Congrès péruvien n'ayant pas ratifié la Convention sur
l'asile politique, signàeMontevideo en 1g33, le Gouvernement pémvien
n'est pas, non plus, astreint par la règlejuridique explicitement consa-
créedans l'article z de ladite convention, selon laquelle la rqualifi-
cation de la délinquance » politique appartient à l'État qui accorde
------,
2" Que le Dr Victor Ra61 Haya de la Torre, chef du parti de
l'Alliance populaire révolutionnaire américaine (A. P .R A.), est un
délinquant de droit commun et non un réfugiépolitique.
Le Gouvernement de Colombie regrette de ne pas être d'accord
avec la thèse selon laquelle le Gouvernement du Pérou, n'ayant pas
ratifiéla Convention de Montevideo, n'est pas tenu, en matière d'asile,
à l'observance de la règle Dar laauelle la <aualification de la délin-
quance » appartient à l'Étai qui accorde l'asiie; et cela pour les raisons
ci-dessous exposées :
II Cette rèele iuridiaue est antérieure au Traité de Montevideo
et sa nature obligatoire ne découlepas seulement de ce dernier, mais :
a) du droit coutumier ; b) de traités et conventions autres que celui
de Montevideo de 1933 ; et c) de la nature même des choses.
En effet, mêmeavant la conclusion des conventions multilatérales
sur l'asile, le droit coutumier avait déjà créécette institution, pour
des raisons humanitaires, en faveur des délinquants politiques, naturel-
lement à la condition que la «qualification de la délinquance Bn'aurait
pu êtrefaite par I'gtat qui a intérêt à la punition du réfugiémais
par le gouvernement qui accorde l'asile, dans lequel on doit prisumer
une complète impartialité. Dans l'Amérique latine, le droit d'asile
est une institution qui s'impose de façon impérative, à tous les Etats,
par la force de la coutume, qui est l'une des sources les plus importantes
du droit international. Lorsque les Congres de Montevideo en 1889,
de La Havane en 1928 et encore de Montevideo de 1933 et 1939.
consacrèrent dans les traités respectifs l'obligation de reconnaître le
droit d'asile dans les ambassades et légations des Etats signataires,
ils ne firent que cristalliser dans les clauses d'une convention des
principes déjà existants antérieurement, avec caractère obligatoire
par la force de la coutume. Parmi ces principes, on trouve - car
sans cela l'institution manquerait de sens et d'efficacité - celui selon
lequel il appartient à l'État qui accorde l'asile de décider s'il s'agit
d'un réfugié à cause de motifs politiques ou bien réclamépour des
crimes de droit commun.
Les traités et conventions sur l'asile, antérieurs ou postérieurs à
celui de Montevideo de 1933, ont consacré, parfois de façon explicite,
parfois implicitement, ou bien ont considéré commesous-entendue,
la règle selon laquelle il appartient à i'Etat qui accorde l'asile de
qualifier la nature du délit. La Convention de La Havane de 1928,
établissant que l'ciasile des criminels politiques dans les légations,
sur les navires de guerre, dans les campements ou sur les aéronefs
militaires sera respecté dans la mesure dans laquelle i'admettraient,
comme un droit ou par tolérance humanitaire, la coutume, les conven-
de la Convention de Montevideo, tout au moins pour un cas comme'article z54 ANNEXES AU I\IÉMOIRE COLOMBIEN (NO 5)
le nôtre, où le pays qui accorde l'asile a, lui-même,soutenu et appliqué
constamment cette règle. On pourrait dire la même chosede l'article 18

de l'Accord bolivarien de 1911, qui, lorsqu'il fait explicitement allusion
aux principes du droit international pour la réglementation du droit
d'asile, inclut dans ces principes implicitement, mais avec force, ceux
établis par l'usage et par des conventions multilatérales si importantes
pour la formation du droit international américain, que ceux de La
le Deuxième Congrès sud-américain de droit international réunipar à

d'une façon encore plus explicite et précise,par àel'article 3, qpe:bcila

l'accordetP.Enfin, l'article27otde la Déclaration américaine des droitsi
et devoirs de l'homme, approuvée par la Neuvième Conférencepan-
américaine, poussa encore plus loin, lorsqu'elle a établi que : a Toute

étranger, en cas de persécution non motivéepar des délits de droittoire
commun, et d'accord avec la législation de chaque pays et avec les
traités internationaux. r Il est de toute évidence que cette clause
s'applique à l'asile qu'une légation ou ambassade accorderait aux
personnes qui se trouveraient dans ladite condition, en tant que cet
asile constitue normalement la phase initiale de la protection accordée
auxdites personnes et la condition préalable de leur passage sur un
territoire étranger.
Mais, comme on a déjàdit, ce n'est pas seulement du droit coutumier
et des traités et conyentions que découle le caractère impératif de la
règle .qui donne à l'Etat qui accorde l'asile le droit de «qualifier la
délinquance ».Il s'agit d'une r&gleimposée par la nature même des
choses : car admettre l'asile et nier au pays qui l'accorde le droit de
qualifier la nature du délit, aboutirait à nier dans la pratique ce que
l'on admet dans la théorie.
2) Le Pérou, même sous son actuel gouvernement, a reconnu et
appliqué toujours la règle codifiée dans l'article 2 du Traité de
Blontevideo, comme il est aiséde le prouver par l'énumération descas
suivants : a)asile des ex-ministres du président Pezet dans la légation
de France à Lima, en 1865. c'est-à-dire plusieurs années avant la
conclusion des premières conventions sur l'asile ; b) asile, en 1914, du
Dr Alberto Ulloa Cisneros dans la légation de Bolivie à Lima; c)asile,
en 1930, de BI. José Legnia, dans la légation du Brrsil à Lima ; dasile,
en 1930, du Dr Alberto Salomon dans la légation de Bolivie à Lima;
e) démarches de l'ambassadeur péruvien Dr Victor Maurtua, à La
Havane, concernant l'asile de l'ex-président Menocal dans la legation
du Brésil ; i) asile accordé à plusieurs personnes, pendant la guerre
civile espagnole, dans la légation et le consulat du Pérou à Madrid ;
b) asile, en 1944. deM. JoséB. Linares et d'autres ressortissants guaté-
maltèques dans la légation du Pérou à Guatemala ; /a)asile, en 1946,
de plusieurs membres du Gouvernement du généralVillaroel dans l'am-
bassade du Pérou à La Paz ; i)asile, en 1948, deM. Ricardo Franceschi
dans l'ambassade du Pérou àPanama ;j) asile du chef apriste, Dr Manuel
Sevane, dans l'ambassade du Brésil à Lima en 1948 ; k)asile, en 1948,
du Dr Luis Alberto Sanchez, autre chef reconnu apriste, dans l'ambas-
sade du Paraguay à'Lima; 1) asile, en 1948, du députéapriste Javier
Pulgar Vidal dans l'ambassade de Colombie à Lima ; m) asile, en 1948, de l'ancien président du Conseil des ministres, Di Julio César Villegas,
dans l'ambassade de Colombie à Lima.
Si le Gouvernement du Pérou, mêmen'ayant pas ratifié la Conven-
tion de Montevideo de 1933, a appliqué, soutenu ou respecté dans
tous ces cas les règles codifiéesdans l'article2, c'est parce qu'il recon-
naît que ce principe ne puise pas son caractère impératif du teste
mentionné, mais plutdt, comme on a déjà dit ci-dessus, du droit cou-
tumier. des ~rinci~es du droit international. de l'ensemble des conven-
tions internbtionâles sur l'asile et de la nature même des choses.
3) Le Gouvernement du Pérou ne s'est pas borné à mettre en pratique
cette regle dans tous les cas mentionnés, mais, en outre, il-n'a pas
hésité à en proclamer publiquement la nature obligatoire, comme il
se dégagedu communiqué officiel du ministère des Affaires étrangères
péruvien, publié dans « Le Commerce iide Lima le 26 octobre 1946
Ce communiqué officiel contient le paragraphe suivant, qui se passe
de commentaires :« Conformément aux conventions internationales en
vigueur, déjà citées,il appartient à I'État qui accorde l'asile de déter-
miner si le fait qui l'a motivé est un délitde droit commun ou bien un
délit politique, et le Pérou a soutenu auparavant que, dans le cas où
un représentant diplomatique se refuse à livrer un réfugiéparce qu'il
ne le considère pas coupable d'un délit de droit commun, seule l'extra-
dition sera applicable, après que le réfugiéaura quitté le pays et suivant
la procédure prévue par les conventions internationales réglant cette
matière, thèse, cette dernière, accueillie et reconnue ..r tous les . .s
américains. >i
4) Dans le cas du DI Victor Raul Haya de la Torre, le Gouvernement
du Pérouaccepta implicitement, mais sans possibilitéd'équivoque, que
le Gouvernement de Colombie avait la faculté de oualifier la nature
du délit. Cette acceptation, il la donna sous deux firmes différentes :
a) en s'abstenant de formuler des exceptions, réserves ou observations
au moment de la notitîcation de l'asile, faite le 4 janvi:r6)en promet-
tant soit à l'ambassadeur de Colombie, soit à plusieurs autres chefs
de mission, cela à plusieurs reprises, et particulièrement le 22 janvier
et le5 février, que I'on délivrerait le sauf-conduit pour leDr Haya de
la Torre, et sans qu'au cours de ces conversations un doute quelconque
fut exprimé au sujet de l'obligation que le Gouvernement péruvien
avait de délivrer ledit sauf-conduit.
5) Il est dans la nature m5me du droit d'asile, tel qu'il a étédéfini
par la coutume et par les conventions internationales, que son octroi
ne peut pas ètre subordonné à une discussion entre ~'Etat de refuge
et I'État duquel le réfugiéest ressortissant. L'asile est accordé ou
refusé,et cette décisionest souverainement prise par 1'Etat qui accorde
l'asile. L'autre État n'a d'autre fonction que celle d'accorder les facilités
nécessaires afin que la sécuritédu réfugiésoit respectée. S'il était
possible d'entamer un débat entre les deux États à ce sujet, les
conventions sur l'asile seraient complètement inopérantes. Or, un
principe bien connu de droit veut que I'on interprète les lois et les
traités dans le sens de les rendre opérants.
6) Si, niant la force obligatoire de la coutume, l'on admettait qu'en
matière d'asile le, seul lien juridique entre le Pérou et la Colombie
était le Traité de La Havane, il n'en serait pas moins vrai qu'il appar-
tiendrait au Gouvernement colombien, dans l'occurrence, de qualifier
la nature du délit. En effet, sans considérer que dans ce texte on ditque ol'asile sera respecté dans la mesure mémeque les usages du pays
de refuge l'admettent » - dans l'occurrence ce pays est la Colombie,
où il a étéusage invariable de reconnaître au pays qui accorde l'asile
le droit de oualifier la nature dudélit.-est hors de ouestion au'aucune
des règles 'contenues dans l'articlé z de ladite cÔnventionLn'aurait
de sens ni trouverait son application si la règle de l'artizldu Traité
texte cité, lorsqiie le représentant diplomatique accordantmes dl'asile,
parce qu'il estime qu'il s'agit d'un délinquant politique, fait la notifi-
cation de rigueur au ministère des Affaires étrangères de l'État terri-
torial, ce dernier n'aura autre choseà faire que d'exiger que le réfugié
sorte du territoire national dans le plus bref délai, sous défense de
débarquer sur un point quelconque de ce territoire ou dans un lieu
trop proche, et défense lui étant faite, pendant toute la durée de
l'asile, de commettre des actes contraires à la tranquillité publique.
La convention mentionnée ne dit nulle part qu'il appartient à l'État
territorial de qualifier la nature du délit nj que cette qualificationdoit
êtrele résultat d'un accord entre les deux Etats. II faut donc considérer
comme sous-entendue la règle imposée par la coutgme et, consacrée
par le droit international. Cette règle veut que I'Etat qui accorde
l'asile ait le droit de qualifier la délinauance.equ'ainsi a étéétabli
dans les convention; multilatéralesAse rapporta<t. explicitement à
cette matière et dans la pratique constante des Etats signataires de
ces conventions, lesquelles, mêke n'ayant pas étératifiées par l'un
ou l'autre de ces Etats, sont une source indiscutable et obligatoire
du droit international. Lorsque les Conventions de Montevideo, de
1933 et 1939, codifièrent cette règle, elles ne firent que conformer
un principe préexistant et ratifier l'interprétation que l'on avait déjà
donnée dans la pratique à la Convention de La Havane;

Passant maintenant à la séried'imoutations formuléesdans la note
de Votre Excellence contre l'A. P. R:A. pour ses activités politiques
et contre quelques-uns de ses membres, je dois me limiter à observer
que le GouverÏnement de Colombie ne peut nullement analyser ces
imputations ni entamer une discussion sur cette matière sans, par
cela m&me, s'immiscer dans la politique intérieure du Pérou. Cette
mémeconsidération, évidente par ailleurs, montre que le long exposé
vienne sur les activités de l'A. P. R. A., peut uniquement aboutirérui
mettre en évidence le fait que le caç du Dr Haya de la Torre, chef
reconnu de ce parti, est un cas typique d'asile politique.
D'un autre côté - ce qui est essentie- la note de Votre Excellence
ne mentionne aucune mesure judiciaire où le Dr Haya de la Torre
apparaisse comme personne accusée ou condamnée pour délits de
droit commun navant la date de son asile, ainsi que l'exige l'articIe
de la Convention de La Havane de 1928 nstrument qui, selon Votre
Excellence, constitue en cette matière le stattrs jurientre le Pérou
et la Colombie.
Si je ne m'attarde pas en commentaires sur cette partie de sa note,
où Votre Excellence fait un exposédes activités de l'A. P. K. A., c'est
à cause de la volonté inébranlable du Gouvernement et du peuplede Colombie d'observer strictement leur devoir de se maintenir com-
plètement en dehors de toute question de politique intérieure pém-
vienne et de considérerle cas de l'asile du Dr Haya de la Torre seulement
à la lumière des principes, toute abstraction faite des personnes qui
puissent paraître intéressées.
En effet, dans ce cas le Gouvernement de Colombie est uniquement
américain. Vu les circonstances, il se considère obligé de défendret
ce vrincive au nom de la collectivité américaine. Dans ce cas. la
Coliimhie n't:ii\.is«gpis uri intr'rct quclconqu<nin'csr-:Il<.mue par
iiiis~iitimçnr ;xoisic. El111fdirque s~~iir~iiiirl\.ec un il~jii~téresscrncnt
hors de discusiion une noble tradition iuridiaue américaine. oui. elle
pense, ne pourrait pas être rompue saus un grave préjudice
à la solidarité et au prestige du continent.
Pour toutes les considérations oui vrécèdent. mon Gouvernement
me charge d'insister, comme je le fais par la présente communication,
afin que le Gouvernement de Votre Excellence veuille délivrer promp-
tement le sauf-conduit en auestion. dans l'es~oiraue ce Gouveriement.
continuant l'honorable tradition à laquelleAje v;ens de me référerei
à laquelle mon Gouvernement a l'honneur de rendre un hommage
bien mérité, veuille bien donner son assentiment à cette demande
amicale inspirée uniquement par les principes juridiques et humani-
taires auxquels je me suis déjà référé.
Je saisis l'occasion, etc.

(Signé)CARLOS ECHEVERRC I ORTÉS,
Ambassadeur de Colombie.

Annexe 6

LE MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES ET DU CULTE
DU PEROU A L'AMBASSADEURDE COLOMBIE

D. 6-814.
[Traduction]

Lima, le 19mars 1949.
Monsieur l'Ambassadeur,
J'ai l'honneur de donnerréponse à la note de Votre Excellence, datée
du 4 courant, afin de discuter les côtés litigieux de l'asile de Victor
Raul Haya de la Torre. Le Gouvernement du Pérou déploreque Votre
Excellence se soit limitéeà étudier la règle de laa qualification de la.
délinquance », en faisant abstraction d'autres points fondamentaux
qui forment le fond de la question présentée.La note de Votre Excellence
affirme: a) que la règle de la iiqualification unilatérale et subjective
de la délinquance >est une règle de droit coutumier ; b)que le Pérou
l'a appliquéeet invoquée ;c) qu'eue est codifiéedans d'autres traité;
d) que cette règle est nécessaire, car sans elle l'institution de l'asile
serait inopérante. 11est de mon devoir de répondre brièvement à Votre
Excellence dans l'ordre indiqué :58. ANNEXESAU MÉMOIRE COLOMBIEN (NO6)

1. - L'affirmation faite par Votre Excellence qu'il existe un droit
coutumier au sujet de la qualification unilatérale est définitivement
affaiblie par les précédentsofficiels des négociations qui ont amené à
la Convention de 1933. Une a coutume » ne put pas s'établir parce
que l'on dut constater que de graves « désaccordsavaient surgi surtout
par rapport à la « qualification de la délinquance r de droit commun,
politique ou connexe, que se sont arrogée, de façon unilatérale, les
gouvernements des pays ébranléspar des mouvements politiques ou .
les légations qui ont accordé l'asile ». Cette phrase, nous la prenons
du rapport présentépar l'Institut américain de droit international,
rapport qui, avec le projet respectif, servit de base aux travaux de la
Conférence de Montevideo.
D'autre part, les « consideranda » de ladite convention confirment
la préexistence de positions contradictoires, puisque l'on y parle de la
nécessitéd'une rkgle pour les cas de violence ou perturbations ordinaires
et de la nécessité ausside conserver la cordialité et la bonne harmonie.
On adopta alors, comme un moyen expéditif, une partie du texte de
l'Institut américain de droit international, donnant à la règle un sens
trop absolu et. Dar cela même.défectueux. ce oui amena à la modifi-
ca6on introduit;, comme nous allons le voir; pria Convention de 1939.
De ces opportunes citations, cette chancellerie déduit les consé-
quences suiGantes :
I) par rapport à la« qualification de la délinquance », il n'a jamais
existé de droit coutumier ;
2) la règle adoptée par la Convention de 1933 était incomplète et,
par conséquent, se démontra insuffisante ;
3) le caractère absolu et antitechnique de la formule adoptée explique
le manque de ratification de la Convention de 1933, de la part du Pérou.
II.- Cette chancellerie a contrôlé attentivement tous les cas men-
tionnés par Votre Excellence et a vérifiéque, exception faite pour les
cas d'asile du temps du Président Bustamante y Rivero, dans tous
les autres, la règle de la qualification unilatérale, faite par le pays qui
accorde l'asile, n'a pas étéappliquée. A) L'asile accordé,aux anciens
ministres du Président Pezet dans la légation de France à Lima, en
1865, finit par étre accepté, non pas parce que le ministre de France,
M.Vion, invoquàt une règlequi ne pouvait pas exister lorsque l'institu-
tion commençait à peine à poindre en Amérique,mais par la puissante
raison que le tribunal, qui poursuivait les ministres mentionnés, s'était
constitué après la concession de l'asile. B) Dans le cas de l'asile de
M. Alberto Ulloa y Cisneros, iln'y eut pas lieu à discussion, étant donné
la personnalité du politicien péruvien. C) Au sujet du cas de M. José
Leguia, le Gouvernement du Pérou s'opposa à l'asile, invoquantle fait
que l'on procédait contre le réfugié pourdélit de droit commun, et
finit par acquiescer parce que le Gouvernement du Brésil s'engagea à
retenir le réfugié-pendant une certaine période, afin de permettre au
Péroud'introduire une instance d'extradition. D) Dans le cas de l'asile
de don Alberto Salomon dans l'ambassade de Bolivie, le Pérou acquiesça,
ayant tenu compte du fait qu'il avait donné desgaranties au tribunal
pénal qui le poursuivait pour des responsabilités de nature économique.
E) Dans le cas de l'ancien Président de Cuba, M. Bfenocal, celui-ci se
réfugiadans l'ambassade du Brésil%Cuba et non dans celle du Pérou.
F) Les asiles en Espagne eurent lieu de façon exceptionnelle, et l'on
étendit l'immunité diplomatique à plusieurs immeubles, afin de pouvoirsauver la vie d'un nombre considérable de personnes; parfois étrangères

à la politique, dans des circonstances chaotiques et d'extrêmeviolence
qui donnèrent à l'asile un contenu métajuridique. G) Le réfugié
$1. Linares abandonna la léeation du Pérou à Guatemala.

. .
fièrent postérieurement, du temps du Dr Bustamante y Rivero, bien que
l'on invoquàt la qualification unilatérale, l'application de cette règle
fut. subordonnée à l'inexisterice d'un procès préalable. Par conséquent,
il n'y a pas lieu d'affirmer que mème dans ces cas d'asile le Pérou ait
accepté la nature impérative de ce principe, comme Votre Excellence
affirme dans le troisième paragraphe de sa note.
Le communiqué même, dont Votre Excellence cite des fragments,
déclare que la qualification unilatérale n'était pas applicable lorsqu'un
procès préexistait à l'asile. En effet, ce communiqué dit, à l'endroit
pertinent, que l'on a omis :ciII est entendu que si, antérieurement au

fait de l'asile, avait étéinitiée une procédure pénale selon des règles
légales préétablieset dans laquelle serait coaccusée pour délit de droit
commun n'importe quelle personne, à celle-ci ne peut pas être accordé
le droit d'asile, et le représentant diplomatique tiendra compte de cette
circonstance pour définir saligne de conduite dans les cas où on lui
demanderait protection ou que, sans son consentement préalable, le
coupable soit entré dans l'immeuble de la mission. i,
Malgré que 1'011ait appliqué la règle unilatérale au cas des chefs
apristes et sous la réserve de la non-existence d'un procès préalable,
selon l'allusion du communiqué transcrit, l'octroi du sauf-conduit
origina d'énergiques protestations de la part de l'opinion publique
péruvienne et fut l'un des points du programme di1mouvement révolu-
tionnaire qui aboutit à la formation de l'actuel gouvernement, avec
l'appui de la nation entière. Dans le cas de hl. Villegas, celui-ci fut aussi
soumis à procès aprés l'asile. En synthèse, les cas d'asile considéréspar
Votre Excellence se sont vérifiéssans l'approbation de la qualification
unilatérale et pour d'autres puissantes raisons, ou bien, lorsque cette
réglefut invoquée, le Gouvernement le fit en prenant soin de constater

que la règle mEme ne pouvait pas s'appliquer s'il erïistait un préalable
procès pour crimes de droit commun.
III. - En ce qui concerne I'affirmatiori que le principe figure en
d'autres traités, il convient de se rappeler que la Convention de Caracas
de 1911 à laquelle Votre Excellence fait allusion, se limita, de façon
générale,à mettre l'asile en rapport avec les principes du droit inter-
national, etque la Convention de 1939 codifia une règle différentede celle
de la qualification unilatérale illimitée et discrétionnelle que Votre
Excellence soutient.
L'article z de la Convention de 1933 disait d'une façoii explicite: «la
qualification de la délinquance politique appartient à 1'Etat qui accorde
l'asileB.Le caractère absolu de cette disposition se prêtait à de dange-
reuses interprétations parce qu'il la faisaitpparaîtrêcomme une dispisi-
tion indépendante et non subordonnée à un critère objectif quelconque.
Le Gouvernement argentin, en 1937, dans son projet, proposa de modifier
la rédaction afin de préciser et limiter le principe. Ce principe prédomina
dans le Traité de 1939, grice à cette rédaction : iiL'asile ne sera pas
accorrléaux accusésde délits politiques qui, préalablemcnt. aiiraient été

5soumisàprocès ou quiauraient étécondamnéspourdélitsdedroit commun
et Dar des tribunaux ordinaires. La aualification des causes aui motivent
1'a;ile appartient à l'État qui l'acc&de. u Ainsi, le principe>ubjectif de
la qualification s'arrêtedevant la réalitéd'un procès pour délit de droit
commun, et il serait, à vrai dire, appliqué seulement aux cas douteux,
et non pas dans la forme automatique que lui confère l'interprétation
de Votre Excellence.

Devant un procèspour délit de droit commun, préalablement invoqué,
rendu notoire et public, il n'y aurait lieu qu'à la discussion sur la
nature du délit et, par conséquent, la qualification unilatérale devrait
êtremotivée et non oas discrétionnelle. Votre Excellence. en citant la
Convention dc borne à transcrire le seul paragraphe z, qui
établit le droit de qualifier les causes. bien olus aue la nature du délit
même, mai'selleomet la première partie, quiétablit la primauté du prin-

ci~e objectif de l'existence d'un rocè èsantérieur.
1.a ri.& dc I:i<~iialilic~tiuiiiiiiil.itErnl+iiitzrpr;tlc s;iiis liiiiitcil'.iiiciiiir
sortc cr sini :.cceptcr dc dis<:iissioii~aiir les f.gits~1:.;iiii riotri. preniit're
note. nous n\.i>iisdrlinis conimc ,.r<;aliti ohjccti\.t,.coii(liiit i la doctrinc
jrloii latluellc l'*sil>r [,roiluitrr SC cunsuliclc cbniin~. iin druit pcrfrc-
tionnb, i l'instant rnCn1coii l'ariil);~~~:~~.ifdit liii~,tific:iti;II C,~~iivcr-
nement. Cet asile. aue l'on ~ourrait nommer automatiaue. serait une
institütion originelle: mais abSolurnent insoutenablédansLle droit améri-
cain dans les limites d'une correcte intemrétation non seulement de la
Convention de 1939, mais aussi bien de .la Convention mrme de 1933.
IV. -Mon Gouvernement ne peut pas accueillir la théoriequi voudrait

inopérant !'asile sans la qualification subjective et discrétionnelle de la
part de l'Etat du refuge. Dans toute l'évolution juridique américaine,
tous les pays ont adopté une bonne qualification des délits qui forme la
base d'une efficace structure judiciaire. De manière que l'existence d'une
procédure antérieurement initiée déterminera le critérium de la qualifica-
tion. Si ce procèsn'existe pas et s'iln'y avait, l'une opposéeà l'autre,,que
les appréciations subjectives de 1'Etat qui accorde l'asile et de 1'Etat
territorial, il est de toute évidence que dans les cas, d'ailleursimpro-
bables, de doute, les deux Gouvernements auront l'obligation morale et
juridique d'épuiser tous procédés afin d'illuminerou d'éclaircirles faits.
Ce oui est bien loin de la forme discrétionnelle à laauelle aboutit
l'asile automatique.

V. - Votre Excellence affirme aue le Pérou dans l'occurrence.
accepta implicitement mais sans possibilité d'éqAivoque la qualifical
tion du réfugié: et elle la déduit soit de l'abstention de toute exception
soit de prétendues promesses verbales faites à l'ambassadeur de Colombie
aussi bien qu'à d'autres chefs de mission. Après ma première note,
il n'y aurait pas lieu à une telle interprétation ; toutefois, je dois
dire : 1) que le consentement ne peut jamais être sous-entendu mais
doit être explicite et catégorique s'agissant d'une matière d'une si
grande importance; z) que mou Gouvernement s'abstint de soulever
des exceptions parce qu'il choisit de les formuler au moment opportun
après une étude méditéeet après l'habituelle réunion de la commission
consultative des Relations extérieures ; et 3) que les promesses aux-
quelles Votre Excellence fait allusion sont de simples appréciations

subjectives de ma déclaration que le Pérou tiendrait ses obligations
internationales. ANNEXES AU MÉMOIRE COLOMBIEN (NO 6) 61

La règle de la qualification unilatérale comme règle de droit écrit
ne saurait êtreobligatoire pour le Pérou, qui ne ratifia pas la Conven-
tion de 1933. Seize ans se sont écoulés.Notre renonciation à la
ratification prouve notre refus qui, par ailleurs, a coïncidé avec les
modifications et limitations apportées par la Convention de 1933.
VI. - Le Gouvernement du Pérou nepeut pas accueillir le principe
exposé par Votre Excellence de limiter cette discussion, d'une si
profonde importance pour les thèmes auxquels elle touche, au point
de procédure concernant la validité d'un traité, point définitivement
résolu par la preuve incontestable de la non-ratification.
Le problème posé par l'asile de Haya de la Torre est le suivant :
le réfugiéest le chef d'une organisation à caractère totalitaire qui
pratique systématiquement le terrorisme dans le Pérou, qui a été
publiquement inclus et cité dans un procès de rébellion et sédition,
au cours duquel se sont accumulés des faits concomitants antérieurs
et postérieurs, qui prouvent la nature terroriste du crime imputé.
En un mot, la qualification unilatérale écartée,nulle contestation
étant Dossible au su-~t de l'existence du nrocès et de son antériorit~~
par rapport à l'asile, le point en contestation.entre mon Gouvernemeiit
et le Gouvernement de Votre Excellence est la auestion iuridique
posée par le Pérou dans sa précédente note, c'ect-à-dire:'Peut:on
considérer le terrorisme comme simple délit politique ou comme une
circonstance aggravante de la délinquance de droit commun ?

Lorsque l'asile surgit, d'accord avec nos traditions humanitaires,
les mouvements politiques essayaient tout simplement de changer le
personnel des gouvernements, ou bien d'introduire des formes plus
avancées de la concention démocratiaue. etA . réalisaient dans les
limites de l'éthique u~iverselle.
Le climat politique a changé dans les derniers temps, à cause de la
nro~aeande anarchiste des assassinats ~olitioues des chefs d'gtat de
!'u&ge d'explosifs et dél'intimidation titaiitaire, soviétiqueou naziste,
ce qui a crééune situation complexe que les plus éminents juriscon-
sultes ont étéobligésd'étudier à la lumière du principe de la défense
de la société,de la personnalité et de la structure de 1'Etat. Dès ce
moment se profila la figure juridique du délit contre la sécuritéde
I'Etat et contre l'organisation sociale qui est caractérisé par ces élé-
ments : le but n'est .plus une simple substitution de personnes ni les
modalités d'un programme, mais la destruction de la structure sociale
ou étatique et la création d'une nouvelle, ayant une discipline et une
éthique différentes ; ces méthodes ne reconnaissent de limites : l'im-
pulsion héroïque iicaudillesca » a étéremdacée oar l'action directe
des masses, l'intimidation collective et par l'emploi de tout moyeii
destructif, comme homicides, explosions, incendies, inondations et
cessation de tout service indispensable à l'existence.
Cette nouvelle criminalité, qui additionne la criminalité politique à
la criminalité de droit commun avec aggravation desdeux, a étéétudiée
par les juristes européens, non seulement comme une attaque à l'État
national mais à la communauté internationale elle-mème,et, par conse-
uent, entraînant des répercussions sur le droit intérieur de chaque
E tat et sur le droit des gens. Ces répercussions se manifestèrent tout
de suite en ce qui concerne l'extradition, où la règle était la qualifi-
cation subjective de la part de 1'Etat auquel on la demandait, bien
entendu sous les garanties d'un examen technique judiciaire ; afin d'empécher une abusive interprétation de cette règle, on établit daiis
quelques traités que I'on n'excluait pas de I'extradition certains délits
connexes, tels que l'assassinat du chef de l'État et les attentats comme
explosions et inondations.
Le code Bustamante établit que l'attentat contre le chef de l'État
n'ttait pas soustraità l'extradition. Déjàen 19x9le traité d'extradition
signépar le Pérou et le Brésil assujettit la règle que I'on ne procède
pas à I'extradition, dans les cas de délit politique ou d'infractions
mixtes, à une importante réserve qu'il convient de transcrire :
n A moins uu'il ne s'aeisse de faits eraves Dar ra~~ort à la morale et
au droit commun, co&e l'assassin&, l'hÔmicidé,' l'empoisonnement,
les mutilations, les blessures graves volontaires et préméditéeset les
tentatives correspondantes. I'aTtentat :Lla propriété publiqueou privée
au moyen d'incendie, d'explosion ou d'inondations, les vols, particu-
lièrement ceux qui seraient perpétrés à maiii arméeou avec violence. »
Dans ce courant juridique qui a pratiquement ses racines dans la
session de l'Institut de droit international à Genève en 1880, le point
le plus important était la définitiondu nouveau délit.CEuvre i laquelle
on mit la main au cours de plusieurs conférenceset assemblées et qui
culmina dans une commission iiommée par la Société desXations en
1g3j. qui élabora la Convention de 1937 ; cet instrument. bien que
n'ayant pas étératifié à cause de la deuxième guerre mondiale, et qui
coriserve toutefois une immeiise valeur du point de vue des définitions
juridiques, considérait comme mariifestations du terrorisme les actes
intentionnels dirigés contre la vie. l'intégritéphysique, la santé, la
liberté des chefs d'État et tout acte intentionnel qui puisse mettre
en péril des vies humaines par la création d'un danger commun,
et enfin iila fabrication, l'obtention, In provision d'armes, munitioiis,
substances explosives dans le but de mettre à exécutiondans n'importe
quel paysune infraction prbvue dans le libellé de la conveiition in.
Ce nouveau courant, de mêmequ'il modilia l'extradition en précisaiit
les limites de la qualification faite par I'Etat requis, ne pouvait pas
manquer de se refléter dans le point concernant l'asile. d'autant plus
que, eii Europe, où cette institutioii n'existe pas de façon générale,
on ne pou,vait pas accueillir sous sa protection le terrorisme, tandis
uue cela se ~ouvait bien en i\mériuue. où l'on avait accordé l'asile
~iilemeiir ai;\ ~irii]ilesdéliiir~unnts~~~ri(~ues.Siiivaii~ Ics Ii~iics (le
la 11~~11vetIelchlll~lur juri(iique, ~Iilcdiscr1in111:~1~'1III~o~~II~et cc1:i
sc o;ijs:i eefiet.:lu (;orii-erncrnciit :ir~r~iti~ii'cliiitl'honnriir (Ic i>rcndrc
l'initiative correspondante. L'article 3 de son projet de 1937'contint
cette disposition formelle : <<Les terroristes ne bénéficierontpas de
l'asile.v
Le Brésil. dont nous admirons la haute culture juridique, suivit
sur cette voie.
Dans une circulaire classée sous le numéro 1231,
de-Janeiro, -le Gouveriiement brésilien insista sur son opinion que à Rio-
l'asile, en principe, «n'est pas un droit, bien que la pratique l'ait
admis dans certaines circonstances comme un moyen raisonnable,

dicté par des motifs purement humanitaires n.II fit en outre ressortir
que l'on ne peut pas admettre l'octroi de l'asile iaux criminels de
droit commun, surtout s'ilsse trouvent déjà diirnent soumis à procédure
ou s'ils ont étécondamnés ;ni aux dbserteurs de l'arméede terre ou
de mer in.Il ajouta que l'asile, étant un acte de pure tolérance, ane doit pas être offert ibet que l'on doit se limiter à l'admettre afiii de
donner une protection temporaire à ceux qui sont menacésd'un danger
effectif et imminent pour leur vie ou d'actes évidemment illégaux
contre leur personne. II déclara, en outre, qu'il considérait cinjusti-
fiable l'octroi de l'asile aux individus counables d'actes aui. m.me~.~~~-~~~~
visant à une finalité politique, constituent 'principalement des crimes
de droit commun, ou à ceux coupables d'actes représentant de franches
manifestations d'anarchisme ou tendaiit à détruire les bases de~~'orea-
riiintioii sociale corniiiune ;lus Éttits civilisi.j, oii tiiinl,~ment ~l'nctes

de rerrttrisme, tclj (luc CCU.(1C:finlj I'nrticlc2 dc 13 (:~n\~ciitioniign2e
:ii;ent?vt,Ii:ii, iio\.r.int~19:j7 ,II. :\ccioly 'I'r.11niludrU. 1.I'., 11,
PP. 347-348).
Le Gouvernement du I'érou ne put pas demeurer étranger à ce
justifié courant juridique. Soumis le projet argentin à l'étude de
l'assesseur juridique de cette chancellerie, le Ur Alberto Ulloa, celui-ci
présenta eri 1937 un mémoire qui arrkta la position péruvienne et
duquel nous détachons les paragraphes pertinents : «La qualification
de terrorisme n'est pas suffisante pour comprendre tous les crimes
qui, dans plusieurs cas, mêmeen présentant certains aspects politiques,
ne doivent pas être couverts par l'asile ....Un pays comme le Pérou,

où de tels crimes ont étécommis avec des caractères spécifiquement
politiques, ferait une grave erreur s'il ne tirait pas un profit de sa
douleureuse expérience en ne s'opposant pas à one convention qui
n'établissait avec toute sa clarté cette exception. » M. Ulloa se référait
à la nécessitéd'excepter formellement du droit d'asile. dans la nouvelle
conception, les crimes terroristes et esigeait seulement comme condi-
tion l'existence d'une procédure judiciaire antérieure au fait de l'asile.
Dans cette importante matièie ont aussi pris nosition les Davs
européens et am'ericains mentionnés. La tradition juridique de .la
Colombie n'est pas moins brillante que celle de ces pays, et, par cela

même. nousdevons présumer oue le Gouvernement di votre Escellence
ne doutera pas que' la finalité politique de certains actes terroristes
ne peut pas leur conférer le caractère de délit politique, susceptible
d'ètre protégépar l'asile.
'iotre conviction est renforcée par la déclaration faite, le 16 février
ISS~, par le Gouvernement (le XI. Kafael Suiiez, éminente person-
nalité colombienne et américaine, déclaration qu'il convient de citer :
« Reconnu comme il l'est par de sages pyblicistes que le droit d'auto-
conservation et de suprêmedéfense de 1'Etat prime toute autre consi-
dération, et même les immunités dont jouissent les diplomates, mon
Gouvernement procédera le cas Cchéant s'inspirant de cette regle, si

l'occasion, heureusement éloignée,se présentait : mon Gouvernemeiit,
toutefois, a pleine confiance dans l'honorable corps diplomatique
accrédité dans la capitale, duquel Votre Escellence est un membre si
éminent, et croit qu'il ne donnera pas lieu à l'éventualité de réclamer
des individus réfugiésdans leurs résidenceset poursuivis pour n'importe
quelle raison par l'autorité légale. car on doit supposer que, comme
il ne s'agit pas de protéger qui que ce soit contre des rigueurs sauvages,
il ne voudra pas s'immiscer dans nos malheureuses luttes civiles. »
VII. - Ayant ainsi établi avec une si frappante évidencela doctrine
juridique qui empêche d'inclure dans l'asile le terrqrisme et les délits
contre la sécurité sociale et la personnalité de I'Etat, la discussion

je limite à savoir si 1'.asilé i,Haya de la Torre se trouve inclus dans64 ASSESES AU ~IEXOIR CEOLOZIBIES (s0 6)

un procès commencé avant i'asile. Votre Excellence sait très bien
que Victor Rahl Haya de la Torre a étécitédans le procès concernant
le mouvement du 3 octobre 1948, procès ayant pour objet des délits
d'indiscutable nature terroriste.
Ce procès se dérouledevant les tribunaux ordinaires de la juridiction
navale subordonnée, en dernière instance, à la juridiction de la Cour
suprème. Le procès commença en octobre de l'annéeécoulée,et l'asile
eut lieu en janvier de l'année courante. Les codes pénaux considèrent
comme délit contre la sécuritépublique l'incendie et le simple fait de
fabriquer ou de se procurer des bombes, punissant ces délits de peines
sévères : nos codes lé-ifèrentformellement sur cette matière :et. lorsaue
ces criiiies ct CIautres eiicore soiit perpétrc'i I'occiisiuiid'iiiie rc'belli;ri.
on les juge ct ~)iiiiiçiilescoiiji<lir;iiit iii~l?l>eii<l;<I:irihelli~iii,niais
devant les mêmestribunaux ~réalablemënt constitués.
Aux termes de la législatioi péruvienne, la finalité politique d'une
rébellion n'ôte pas son caract6re de délits de droit commun aux actes
délictueux. tels que l'emploi d'explosifs, ou à d'autres actes punis par
notre loi. En ce qui concerne la culpabilité, notre législation prévoit la
responsabilité des chefs du mouvement révolutionnaire.
Ce n'est Das la lunte militaire aui a ouvert ce ~rocès.Il fut'instauré
par le GouberneGent du Dr Bustamante y ive&, qui,à son tour, fut
le mêmequi découvrit l'énormeprovision d'explosifs que l'on aurait di1
employer-A Lima, comme il apbaraît dans lei publications du temps,
publications que Votre Excellence ne peut pas ignorer.
D'un autre côté, ce furent les Gouvernements antérieurs à celui du
Dr Bustamante 1. Kivero qui imputèrent à l'A. P. K. A. en forme
définitiveses crimes de droit commun et son action terroriste.
Le 28 décembre 1938,le général Benavides adressaun télégramme à
d'éminentes personnalités américaines, formulant contre l'A. P. R. A.
les graves accusations auxquelles nous avons fait allusion au cours de
notre première note et que personne ne réussit à infirmer. Et il ne sied
point de dire que sur ces tristes faits s'est étendu le voile de l'oubli et du
pardon, de I'indult et de l'amnistie, parce qu'ils se répétèrent,sans nulle
excuse. lorsaue le Davs donna à l'A. P. R. A. la oossibilitéde se trans-
foriiirr en \i'ritabie i>arti politique, cess3rit d'iirc. uiie secte.et ::ses
cti~fjI:ipossibilitt~d'6voluerded~iiiiigugursà de verit;il>lrshommes<I'Iitat
Transforniatioii riiiiiie se r;;ilis:i u:', I.':\R. :\.continii:i de sa iwsi-
tion, au pouvoi;, :1user les mithodes totalitaires et terroristes ju'il
avait employées setrouvant à l'opposition. Les admonitions du Président
Bustamante y Kivero ne suffirent pas. Ce dernier dut passer aux
formelles dénonciations, et, nonobstant cela, le mouvement du 3 octobre
éclata,comme ilétait privii, et la capitale du Pérou faillit être détruite.
L'accablante et tra.,o.e évidence de ces faits forca le l'résident
Liiist;iiii;iiytcl<i\.ero:irncttic I':\ 1'.1'. \ Iiurs 1;iloi par iiii<Ii.crct
<ioiitJC triltlscris i13 moiivation princil>nl? : Qiie 1% I>;irlnpristc. p:ir
I'cmi>laii>crsijtaiir(lx nictliodcs dc \.iulence. i>arIL.f:iiiatisrnc iiiculaii;.
à se; adhérents, par son organisation verticaie, sur l'obéissanceforc'ée,
sur le groupement en cellules militariséeset sur le maintien de brigades
de choc, a mis en évidenceque son fonctionnement repose surun système
de forcetypiquement antidémocratique opposé à l'esprit età la lettre de
l'articleI de la Constitution de l'État. »
VIII. - Votre Excellence affirme qu'elle ne peut analyser les faits
mis à la charge de l'A. P. R. A. dans ma première note, sans s'immiscerdans la politique intérieure du Pérou. Je réponds à Votre Excelleiice
qu'il ne s'agit pas d'immixtion quand on juge des faitsqu'un gouverne-
ment étranger soumet de sa propre volonté et en toute confiance à
l'appréciation du gouvernement d'un autre pays ami. Au contraire, je
dois observer que, accorder à Haya de la Torre le caractère de réfugié
politique, c'est qualifier les faits sans tenir compte en mêmetemps de
la valeur des documents et des preuves.
Il y a davantage :Votre Excellence formule un jugement sur les faits
exposes lorsqu 'elledit qu'ilsdonnent la preuve de leur caractère politique
et que le fait mêmed'êtreHaya de la Torre, le chef reconnu d'un parti
politique, en fait le cas typique d'asile politique.
Je dois rappeler à Votre Excellence que la finalité politique des faits
ne leur ôte nullement leur caractérede criminalité terroriste et,portant,
de droit commun : et que, reconnaissant que quelqu'un est le chef du
parti qui commet de tels actes ne conduirait pas, en vérité, à caractériser
l'asile mais simplement à fixer la responsabilitédu chef de l'organisation
totalitaire, mal définie comme parti.
IS. - De la présente discussion, cette chancellerie déduitles conclu-
sions suivantes :

1) 1.e I'Croii n'rst pas jiiridiiluement teiiu 1 1'acccpt;itioii d'une
<]ti:ilins:itioiiuiiilatirale Jii rcfugi; fapxr \'otre I'scrllelicr.
et par celaimmème neriitpeut pas-être cprotégépar I'asile.c d<:litpolitique
3) Il existe un procès, antérieur B l'asile, ayant pour but d'examiner
les activités terroristes del'A. P. 11.A. et la responsabilité de son chef
inclus dès le commencement dans cette procédure.

En ce qui concerne le procès judiciaire instauré sous la souveraineté
nationale, je dois affirmer que le tribunal est conforme à l'organisation
généraleet permanente du pouvoir judiciaire péruvien et qu'il a la
garantiede la résolution finalede la Cour suprême,comme j'ai déjàdit.
S. - Le Péroupartage avec le Gouvernement de Votre Excellence
les sentiments en faveur de I'asile, qui protège les accusésde simples
délits politiques. Le Gouvernement péruvien peut se vanter d'avoir
défendu cette institution pour des raisons humanitaires. JIais il faut
reconnaître que I'asile ne peut pas s'appliquer à certains aspects de
la réalité actuelle américaine.Et il ne faut pas dire que cette réalité,
grosse de possibilitésde violence et d'actes terroristes, existeseulement
dans le Pérou. D'autres nations américaines ont souffert des traaiques
expériences par rapport aux nouvelles modalités de la crimi'nilité
terroriste. Les raisons humanitaires qui inspirent l'asile doivent
auiourd'hui itre invoauéesafin d'em~êcherson extension aux criminels
teFroristes qui, dans leÛreuvre de sa& et de ruine, recevront c haleine n
et confiance s'ils peuvent compter sur la protection de l'asile diplo-
matique. Les victimes que fait le terrorisme et les indicibles dommages
qu'il peut apporter sont aussi dignes de pitié humanitaire. Les troubles
que ces crimes ont produits ou pourraient produire à la structure poli-
tique ou sociale de la République sont de telle ampleur et gravité qu'ils
mettent eu danger son régimedémocratique, ses institutioiis fondamen-
tales et jusqu'à son existence même commeÉtat.
Pourtant, il est du devoir indéclinable et inéluctable du Gouverne-
ment péruvien de prévenir tous ces maux et dangers, afin que le pays
ne les souHre à nouveau. 11 est certain que l'Amérique a intérêt àcoiiserver iiit;iiigibI';ISI~(,nns s;i coiitigiir;~tioiioriginaiie et cl.i;i
trn(litioii çIicv;iler~s(~ue.\lais elliiiiintird cncore plus gr;~n(ldaiis
la <IïfeiiscdeI:istructure (le1'Pr:it.de I'orltnniiatioii soiinl(Icidroits
et garanties individuels et de la'vie civrisée du continent. La soli-
darité morale qui a toujours existé entre les pays de notre Amérique
en ce qui concerne cette matière s'est changée en solidarité juridique
depuis la déclaration de Buenos-Aires sur la défensedu régime démo-
cratique. Elle s'est consolidée dans les accords .sortis de plusieurs
conférences,comme celle de La Havane sur la répressiondes activités
subversives, et a culminé dans laDéclaration de Bogota condamnant
le communisme et le totalitarisme et leurs méthodes de coaction et de
terreur. La civilisatioii est aujourd'hui, comme toujours, liéà la défense
de la personnalité et de la sécuritéde I'Etat. Quel serait l'effet pratique
des accords auxquels jc viens de me référersi l'asile pouvait couvrir
le terrorisme et si ce dernier pouvait Etre qualifiéde simple délit poli-
tique, en vertu d'une généreusemais erronée qualification unilat6rale ?
Le Gouvernement du Pérou apprécieles hautes intentions qui ont
déterminéle Gouvernement de Colombie à soutenir l'asile en invoquant
des raisons qui ne sont pas des obligations juridiques pour le Pérou,
comme je viens de le démontrer dans la présente note. Les cas dans
lesquels s'inspire le Gouvernement de Colombie se réfèrent à des délin-
quants politiques et nullement à des terroristes aussi dangereux que
les adhérents à la secte apriste dans le Pérou.
11s'agit, en effet, d'une question nouvelle et difiérente qui implique
pour le Pérou la question vitale de la défensede sa structure politique
et sociale. Le Gouvernement du Pérou déclare que, dans ce moment,
il n'est pas inspiré par un petit intéri3 ou par une passion mesquine
de haine ou de vengeance politique. II est uniquement inspirépar un
sentiment de justice, et il ne se propose que de défendre les intérets
les plus sacrésde la patrie en particulier, et de l'Amériqueen général.
,T'espèreque, dans ce débat. Votre Escellence et le Gouvernement
colombien prendront en due considération lesarguments présentésdans
cette note.
Je saisis l'opportunité, etc.

(Sig~id)I~EDERICO Diaz DUL~STO.

L'.IJIB.ISSADEUK DE COLO3IBIE AU 3IIXISTKE
DES RELATIONS ESTERIEURES ET DU CULTE DU PÉROU

No 7319.
[i'rn~ircction]
Lima, le 2S mars 1q4q.
Monsieur le Ninistre,
J'ai l'honneur d'accuser la réception dela note de Votre Excelleiice,
11"G-SI4 du rg courant, qui a pour but de doiiner réponse à ma note
du .fmars, au moyen de laquelle j'ai insisté :idemander du Gouverne-
ment de Votre Excellence la prompte expédition du sauf-conduit AXSEXES AU AIÉYOIKIJCOI.OAIBIES (x0 7) 67

pour le 111Victor Ra61 Haya de la Torre, réfugié dans l'ambassade
de Colombie.
Ilans la note mentionnée, Votre Excellence débute par des consi-
dérations, tendant à démontrer que u la règle de la qualification
unilatérale, en tant que prescription de droit écrit, n'est pas obligatoire
pour le I'érou, qui ne ratifia pas la Convention de 1933 ».

.A ce sujet, je me perrnets de faire 'observer Votre Excellence ce
qi~i suit :
Il y a exactement 70 ans que le Gouveriiement du I'érou souscrit
:lux coiiventions internationales sur l'asile et l'extradition dans les-
quelles est stipulé le principe que In qualification de la délinquance
appartient i l'État qui accorde l'asile ou qui est requis.
En 1879, il signa le Traité multilntérnl d'extradition conclu à Lima
le 27 mars dans le Congrès américain des jurisconsultes, traité dont
l'article7, en parlant des délits politiques, dit, dans sa partie perti-
nente : cII appartient au Gouvernement de la République qui accorde
l'asile de qualifier la nature de tout délitde cette espèce,et il n'accordera

pas l'extradition, m6me si ce délit a étécommis en connexion avec
quelque autre crime ou délit pouvant la motiver. ,,
En 1889. le Gouvernement du Pérou, par une résolution de l'Exécutif
du 25 octobre, approuva le Traité de droit pénal international issu
du Congrès de Alontevideo, qui, B l'article 27, titre III,établit : «La
classificatio~i de ces délits politiques sera faite par la nation requise
en tenant compte de la loi qui soit la plus favorable pour la personne
réclamée. n
En 1899, le Gouveriiement di1 Pérou conclut avec le Gouvernemeril
<les Etats-unis d'Amérique le Traité d'extradition du 28 novembre,
ratifié le23 janvier 1901 et approuvé par les résolutions législatives

<luII décembre 1899 et du 25 octobre 19oo. et dont l'article VI, après
avoir établi les règles relatives aux délits politiques, dit :K s'il se
.prodtiit iriie divergelaceszrr le point de savoir si irn cas est oii non cor,r~-
pris dans les dispositions du firéselalarticle, sera défifaitiveet conc1irsir;e
Irrdécisiowdes arrtorilésdi6 Gozruerirenie~itiqztela étiadresséela regliéle
d'exlradilion ori qiii l'airrait nccor».e
En 1911, le Gouvernement du Pérou sigiia'l'~ccord sur l'extradition,
conclu à Caracas le 22 juillet i. l'occasion du Congrès bolivarien, et
l'approuva ultérieurement par résolution législative no 4462 du
22 octobre 1g1j. L'article4 dudit :iccord, qui a trait aux délits poli-
tiques, statue dans sa partie finale :iS'il surgissait une divergence
sur ce qu'un cas soit ou non compris dans les dispositions du présent
article, sern définitiljeIn décisivildes ontorilésde 1'Etntai~qtlels'adresse

IIIreqiléleou qui nit accordél'estrnditio~».
En 1919, le Gouvernement du Pérou conclut avec le Gouverriernent
(lu Brésil un Traité d'extradition, ratifié le22 mai 1922 après avoir
et& approuvé par la résolution législative no 4462 du 7 janvier 1921.
L'article 4 de ce traité, dans sa partipertinente, dit :cL'appréciatioli
illa caractèrede l'ir$/ractio» est de lit compéteibcede la Ripzibliqiie qtii
reçoit larepziéte.».
En 1932, le Gouvernement du Pérou conclut avec le Gouvernement
cliilien un Traité d'extradition signé à Lima le j novembre ;
I'article III on lit iL'appréciatioiide ln iurtlire de l'i~a/ractest de
coirzpéle~adeu pays reqriisn68 ASSEXES AU YÉ~IOIRE COI.O\IRIES (s" 7)

Au moyen de la résolution législativeno 6442 du 21 décembre 1928,
le Pérou ratifia la Convention sur le droit international privé, conclue
à La Havane le 20 février de la méme année, et dont l'article 3jj
établit :iiSont exclus de l'extradition les délits politiques et connexes.
d'aprésla qsalificatioti faite par L'État reqt~is.»
En 1933, le Pérou signa la Convention sur le droit d'asile politique,
conclue à Montevideo h l'occasion de la VIIme Conférence panamé-
ricaine. L'article 2 de ladite conveiition dispose que «la <lualific:ition
de délit politique correspond l'État qui prete asile ».
Finalement, en 1939, le Pérou a signé la Convention sur le droit
d'asile. et de refuge conclue h hlontevideo le 4 août, h l'occasion du
Deuxième Congrès sud-américain de droit international. L'article 3
de cette convention dit que : c La qtrnlificationdes causesqrri o~tntotivé
l'usile appartient à L'gtat qui l'accorde. n
En dehors des conventions que l'on vient de citer, le I'érouen a signé
bien d'autres, dans lesquelles le méme principede la qualification unila-
téraleest clairement sous-entendu, à savoir, la Convention d'extradition
entie le Pérouet la Belgique, conclue à Bruxelles le 23 novembre 1888,
ratifiéepar le Péroule 24 aoùt 1890 ;Traitéd'extradition entre le Pérou

et l'Espagne, conclu à Lima le 23 juillet 18gS. ratifié par- le Pérou le
26juillet 1901;Traité d'extradition entre le Pkrou etla Grande-Bretagiie.
conclu à Lima le 26 janvier 1904, ratifiéle 30 novembre 1906 ; Conven-
tion multilatérale sur le droit d'asile. conclueà La Havane le 20 février
1qrY.sigiiir CI ri~titi:e paIf!IICroii.
11. Soii seiilrinent le I'i'roii,dcl>70i:iii;.icuiirinii<de signer dei
conventions consacrant le principe de la qualification unilatérile de la
délinquance, mais il a aussi, en plusieurs occasions, pratiqué cette règle,
et il l'ainvoquéeen sa proprefaveur, commeles cas suivants leprouvent :
en 1946, M. Juan Luis Gutiérrez Granier, inculpéet poursuivi pour les
délits d'assassinat et d'homicide, se réfugiadans l'ambassade du Pérou
à La Paz. Malgrél'existence de mandats d'arrêt contreGutiérrez.lancés
par les juges boliviens de la juridiction criminelle, l'ambassadeur du
Pérou, au nom de son Gouvernement et conjointement avec les autres
membres du Corps diplomatique, représenté par son doyen, invoqua
l'article21 du Traité de droit ~énalinternational signé à hlontevideo en
1889, et irajouta que, confor&ment à cet accord, la qualification des
délits sera faite par la iiation requise i,(mémorandum présenté à la
chancellerie bolivienne le 6 aoùt 144,. .
I.'nctiizlie Jiinlc mililaire de guu\.~rnemt.iit a ;iccor<léde3 sauf-
coridiiit, i .\1.\1.Hugo Otero I.nturrc. rifugi; <iaiisI';inil>;iss(lu CIiiIi.
:id 'l'~~ti.itnr6fuziL<liiilI':tinI):i.i,eiII\'~nezucI:~.I.uii Ciiri~ero,
réfugiédans la mêmeimbassade, malgré lefait que tous avaient été;
tout comme M. Victor Raiil Haya de la Torre, cités, antérieurement à
l'asile, en des procès d'injures h fonctionnaires publics et de rébellion.
De même,l'actuelle Junte militaire de gouvernement accorda des sauf-
conduits, le 17 février de l'année.courante, à MM.Gutiérrez Aliaga et
Luis Rodriguez, réfugiésclansl'ambassade de l'Uruguay à Lima, ncités i,

en union avec M.le DI Hayn de la Torre, pour la rébelliondu 3 octobre.
En 1936, pendant la guerre civile espagnole, le l'érou accueillit de
nombreux réfugiésdans sa légation à Madrid et alla jusqu'à étendre
l'asile diplomatique au sihge de son consulat. Le ministre du Pérou, au
nom de son Gouvernement et agissant conjointement avec les autres
membres du Corps diplomatique représentéspar son doyen. invoqua la AXXESES AU .\IE>IOIKE COLO'IBIES (sa 7) 69

Convention de Montevideo, disant que le droit d'asile «reflétait une
nécessitéque les Conventions américaines de La Havane de 1928et de
Montevideo de 1933 ont essayéde codifier dans un texte, dont l'esprit
devait puiser dans des sentiments de protection des affligéset des désem-
parés, bien plus que dans la lettre des articles II(note no 115/779 du
19 octobre, signéepar le doyen du Corps diplomatique).
En 1944se réfugièrentdans la légationdu Pérou à Guatemala AIRI.José
B. Linares, Humberto Salis Gallardo et Raul Kodad M. Avant que
M. Linares quittit la légation du Pérou, le Gouvernement de V. ,E.,
par l'intermédiaire de son représentant diplomatique, invoqua en sa
faveur la Convention de hlontevideo et de La Havane sur le droit
d'asile, dans le but de demander à laJunte révolutionnaire du Guatemala
que « dans les limites des dispositions de ces conventions i,on accordàt
aux réfugiés (iles sûretés dans ces conventions stipulées, donnant les
dispositions nécessaires afin qu'ils puissent partir à destination du
Mexique, sous la protection de cette Iégation D (note sans numéro,
du 20 octobre 1944).
En 1948 se réfugia dans l'ambassade du Pérou à Panama hl. Luis
Ricardo Franceschi. Le Gouvernement du Pérou. Dar l'entremise de
son ambassadeur, demanda le sauf-conduit pour ie'réfugiépanaméen
et cita formellement à l'appui de sa requêteles Conventions sur l'asile
de La Havane et de Montevideo. Cela ao~araît de la note no s-~o-M/?d.
du 28 octobre 1948, adresséeau chancilier panaméen. Selo<le méi;.
randum de la chancellerie du Panama, daté le 16 mars 1949,dont j'ai
sous les yeux le texte officiel, l'ambassadeur du Pérou communiqua
verbalement au ministre des Affaires étrangères du Panama ccque,
mêmele Péroun'ayant pas ratifiéla Convention de RIontevideode 1933,
son Gouvernement pratiquait l'asile dans la forme établie par ledit
instmment et, partant, il appartenait au Gouvernement péruvien la
qualification du délit imputé à Franceschi r.
III. - En parlant de la qualification unilatérale du délit, Votre
Excellence s'abstient d'essayer une réplique à l'argumentation que
j'ai présentéedans ma note antérieure afin de démontrer que si, niant
la force obligatoire de la coutume, on pouvait admettre qu'en ~iiatière
d'asile le seul lien juridique existant entre le Pérouet la Colombie soit
le Traité de La Havane, il ne serait pas moins certain qu'il appartien-
drait au Gouvernement colombien, dans l'occurrence, de qualifier le
délit. Je dois par conséquent supposer que Votre Excellence accepte
que la Convention de La Havane de 1928, en établissant que . l'asile
des délinquants politiqiies dans les légations,navires de guerre, camps
et aéronefs militaires sera respectédans la mesure mêmequ'il est admis
comme un droit ou par tolérance humaine, par la coutume, les conven-
tions et les lois du pays de refuge ii,établit la même règle codifiée
dans l'article 2 de la Convention de hlontevideo, tout au moins dans
un cas comme le cas présent, où le pays qui accorde l'asile a lui-même
soutenu et pratiqué constamment ladite règle.
IV. - Votre Excellence affirmeque les «consideranda ide la Conven-
tion de hfontevideo de 1933 ciconfirment la préexistence de positions
il est certain que ladite convention est absolument dépourvue desile, mais
w considéranda iiet que, par conséquent, l'argument que Votre Excel-

plètement de base.appuyant sur leur supposéeexistence manquc com- ANNEXES AU XIÉIIOIH E OI.O>IBIEN (x0 7)
70
V. - Le fait que dans le communiqué du ministère des Affaires
étrangères du Pérou, publié dans El Comercio de Lima le 26 octobre
1948, on dise: ccSi, antérieurement au fait de l'asile, eùt étéinitiée
une procédure pénale, d'accord avec les normes des lois préétablies.
et dans laquelle soit coaccusée une personne quelconque, à celle-ci ne
peut pas étre accordé l'asile 8,n'ôte nullement spn importance à la
solennelle déclaratioii faite, quelques lignes au-dessous, par le même

communiqué, c'est-à-dire que «d'après les conv,entions internationales
en vigueur, déjà meiitioniiées, il appartienà 1'Etat qui accorde l'asile
de'déterminer si le fait qui l'a motivé est un délit de droit commun
ou bien un délit politique u. Personne n'a mis en discussion qu'il soit
défendu d'accueillir dans l'asile le criminel de droit commun. Ce que
V. E. a mis en doute est la regle de la qualification unilatérale de la
délinquance, au sujet de laquelle rien ne.pourrait être plus précis et
définitif que le communiqué de cette même chancellerie, communiqué
auquel je viens de me référer.
VI. - II vaudrait la peine d'élargir et de développer les explications
présentées dans ma note précédente, sur le caractère obligatoire que
la coutume confère à la règle de la qualification unilatérale de la délin-
quance, si la liste des traités signéspar le Pérou, et qui prévoient cette
règle, et l'énumérationdes cas où le IJéroua pratiqué ou iiivoqué cette
règle en sa faveur, ne rendaient pas complètement superflue toute
autre allusion au droit coutumier. Ce qu'il faut, plutôt, noter, c'est
que l'existence de ce droit coutumier ne peut point êtreniée, comme
paraît le faire V.E. par la citation d'une phrase incidente contenue
dans un mémoire rédigépar un éminent internationaliste péruvien,
lorsque l'on hâtait les travaux préparatoires de la Conférencede Mon-
tevideo en 1933. Par ailleurs, il est évident que l'institution de l'asile,

comme j'ai démontrédans ma note déjà citée,manquerait absolument
de signification et d'efficacité si l'on ne reconnaissait pas la règle à
laquelle je me rapporte.

Etabli, en forme claire, documentée, et indiscutable, le fait que le
Gouvernement de \'. E. a continué, depuis 70 ans, à signer, ratifier,
pratiquer et invoquer en sa faveur la règle selon laquelle il appartient
au pays qui accorde l'asile ou est objet de la requête de qualifier la
délinquance, il m'est difficile <le comprendre comment cette règle
puisse être niée à présent, dans le cas de RI. Haya de la Torre.
Bien que le Congrès péruvien n'ait pas ratifié la Convention de
3loutevideo de 1933, la règle a évidemment nature obligatoire pour
le Pérou, comme il demeure clairement demontré.
Mais, même en supposant qu'il n'en était pas ainsi, l'obligation
d'octroyer le sauf-coiiduit à AI. Hayn de 1:1Torre ne pourrait quand
mêmeitre mise eii doute inaiiitenant, étant donné les termes de la
note de V. E.
En effet, d'accord avec la Convention de La Havane de 1928, que
V. E. considère applicable au cas, oii pourrait refuser le sauf-conduit

au Dr Haya de la Torre seulement s'il avait apparu comme accusé
ou condamné pour des clélits de droit commun, antérieurement à la
date de l'asile. Et V. E. elle-mSme s'est chargée de démontrer que
le Dr Haya de la Torre n'&tait pas iiccusdou condamnépour des délits ANXEXES AU ~IÉILIOIHE COI,OI\fRIEh'(iYO7) TI

de droit commun au moment où il se réfugia dans l'ambassade de
Colombie. V. E. ne s'est pas seulement abstenue de mentionner une
accusation ou condamnation quelconque, prononcée contre le DI Haya
de la Torre pour délits de droit commun, mais elle a manifesté for-
mellement et sans nulle possibilité d'équivoque, que le délit pour
lequel il a étécitéest le délit de rébellion et de sédition, délit typique-
ment politique. V. E. a jugé opportun, faute d'accusation, ou de
condamnation, prononcée contre le Dr Haya de la Torre pour des
délits de droit commun, de mettre la situation juridique de celui-ci
en rapport avec l'existence d'un nouveau délit autonome - le terro-
risme - duquel se seraient rendus coupables l'A. P. K. A. et son
clief, selon l'opinion deV. E. Dans ce but, V. E. entre dans une série

de longues considérations sur le terrorisme et sur les activités du
parti apriste, pour en tirer deux conclusions :
1) «Qu'il n'est pas permis d'inclure le terrorisme dans l'asile I;
2) Que le Dr Haya de la Torre, en sa qualité de chef du parti
apriste, est responsable de terrorisme.
Au sujet de la première de ces conclusions, je me permets d'observer :
u) IL est certain qu'en Europe, à cause de la vague anarchiste qui
émut le continent vers la fin du XIXmo siècle, surgit la tendance de
limiter la notion du délit politique, en omettant d'y comprendre les
infractions complexes ou connexes, lorsqu'il s'agissait des crimes les
plus graves (déclaration de l'Institut de droit international) ; ce
courant, toutefois, ne prospéra pas dans le droit américain à cause
de la notoire différence de conditions sociales et politiques, comme

il est démontré var le fait oue les conventions multilatérales sur
l'extradition, conilues en Améiique postérieurement à la déclaration
mentionnée, s'abstinrent d'accueillir la doctrine proclamée par Icdit
institut.
En effet,dans la Convention bolivarienne sur l'extradition de 1911,
aussi bien que dans celle de.Montevideo de 1936, on adopta un critère
complètement différent de celui adopté par l'Institut de droit inter-
national. Selon celui-ci, on doit considérer comme des délits politiques
les infractions complexes ou connexes aux délits politiques, à moins
qu'il ne s'agisse pas des crimes les plus graves du point de vue de la
morale et du droit commun, tels que l'assassinat, l'honiicide, L'em-
poisonnement, les mutilations, les blessures graves causées volontaire-
ment et avec préméditation, les tentatives dc crimes de cette espèce

et les attentats i la propriété,'comme l'incendie, les explosions, les
inondations et aussi les vols les plus graves, en particulier ceux à
mai11armée ou perpétrés avec violence. Au contraire, les conventions
américaines sur l'extradition ci-dessus citées, après avoir posé comme
règle généraleque l'on ne livrera pas le réfugié sile délit qui lui est
imputé est un «délit politique ou un fait connexe »,se limitèrent à
établir que l'on ne considérerait pas comrne délit politique ou comme
un fait connexe l'attentat perpétré dans n'importe quelle forme ou
par n'importe quel moyen, contre la personne d'un chef d'Etat. Les
mots textuellement employés par la Convention de Montevideo sont
les suivants : iL'Etat objet de la requête ne sera pas astreint à
accorder l'extradition....e) lorsqu'il s'agit d'un délit politique ou
de ceux qui y sont connexes. On ne considérera pas comme délit

politique l'attentat contre la personne du chef de l'Etat ou de ses
familiers.iiCette stipulation est, dans sa.substance, ideriticlueà la72 .4SSEXES AU ~~É~IOIRC EOLOIIBIEN (x' 7)
stipulation codifiéedans l'Accord bolivarien de 1911 et foncièrement
différente des déclarations de l'Institut de droit international.

b) Que la même différencede principe est à observer, comme il
est naturel, en ce qui concerne l'institution de l'asile et, plus précisé-
ment, en ce qui a trait & la tendance à excepter de l'asile ce que I'on
nomme e terrorisme». En effet, parmi les antécédentsde la Convention
de Montevideo de 1939 figure le projet argentin de 1937, selon lequel
«les terroristes ne pourront pas bénéficierde l'asile,,(al. 3 de l'art. 3
du projet). Or, cette règle ne fut pas adoptée ni incorporée dans la
quants politiques en général,sans exceptions ni réserves.Si l'on rejeta-
l'exception proposée par l'Argentine, cela arriva, sans doute, parce
que l'on pensa, d'un côté, qu'en Amérique n'existait pas de danger
anarchiste, et, d'autre côté, que, étant donné cette circonstance, on
aurait mis en danger l'institution de l'asile si I'on offrait aux gouver-
nements l'occasion de présenter comme ayant caractère terroriste
n'importe quel délit politique, afin d'exiger l'extradition du réfugié.
c) Oue de la Convention de Genève de 1077 on ne oeut oas tirer
la co~clusion que V. E. en déduit, mais p&;isément Îes conclusions
opposées, du moment que, dans cette convention, il est clairement
établi aue les stioulatiois en vieueur entre les oarties contractantes
en ce qui conce;ne le droit d'àsile pour les délinquants politiques;
subsistent dans toute leur intécralitéet ne sont nullement infirmées
par la règle concernant le terrGisme. Au projet de 1936 on apporta
précisémentdes modifications substantielles afin de ne pas ôter ampleur
et efficacité à l'institution de l'asile politique. Ainsi s'explique le
Secrétariat de la Sociétédes Nations (ILa Sociétédes Nations en
1937 ») lorsque, dans le mémoiresur la Convention pour la prévention
et la limitation du terrorisme, il dit ce qui suit:sSi l'auteur de l'une
des infractions mentionnées dans les articles 2 et 3 fuit dans un autre
pays contractant. il devra, aux termes de la convention, étre livré,
poursuivi et puni. Toutefois, ces obligations sont limitées par les
dispositions qui maintiennent en vigueur le droit d'asile pour les
délinquants politiques et par les normes de droit pénal en vigueur
dans le pays de refuge. n Et, plus avant, le même mémoireajoute :
c On tint compte des critiques formuléesau projet 1936,en définissant
d'une façon plus précise les actes punissables en en modifiant les
dispositions concernant les délinquants fugitifs afin de faire ressortir
que les règles existantes dans les pays contractants (signataires) ne
se trouvent pas affectéesen ce qui a trait à l'asile enfaveur des délin-
quants politiques....»
d) Que, par conséquent, lorsque le Pérou signa la Convention de
Genève. il accenta. Dar cela méme. o.e.les rèele- concernant la ~ré-
vention et limi'ta& du terrorisme n'auraient point dii limite; ni
amoindrir I'obliaation que la Convention deLaHavane lui avait imposée,
de reconnaître I'asile pour les délits politiques. sans exception dénulle
espèce et sans réserves dérivéesde la lutte contre le terrorisme.
6) Que si V. E. considère que la Convention de Genève de 1937.
nonobstant qu'elle n'ait pas étératifiée, c a une valeur immense, que
personne ne saurait nier, du point de vue des définitionsjuridiques »,
à plus forte raison devrait-elle admettre qu'un instrument internatioiial
d'une importance telle que le Traité de AIontevideo de 1933. ratifié par presque tous les pays signataires, mérite un respect tout au moiiis
égal à celui que V. E. réclame pour la Convention de Genève.
f) Que, en droit international américain, comme il découlede tout
l'exposéprécédent,le terrorisme n'existe pas en tant que délitautonome
ou indépendant, comme délit-type, maisseulement comme une circons-
tance aggravante du délit politique. qui ii'ôte pas à ce dernier son
caractère ni ne l'exclut de l'institution de l'asile.
g) Que, en opposition aux doctrines juridiques invoquées par V. E.,
il en exista en Europe d'autres, d'une autorité scientifique non infé-
rieure. On peut, par-exemple, voir i ce sujet les objecttons opposées
par Lawrence, professeur des Universités de Cambridge et de Bristol,
aux conclusions de l'Institut de droit international sur le terrorisme
(Lawrence, trinciples of Internatior~al Law). Les courants que V. E.
a mis en évidence ne sont pas partagés, non plus, par les professeurs
de l'Université de Harvard, qui préparèrent un traité-type sur I'extra-
sur lesquelles mon Gouvernement s'appuie. (Americanlatiojozirnul of Inler-
rialional Law, vol. 29, 1935.)
11n'est pas superflu d'ajouter au sujet de la Convention de Genève -
élaborée,comme V. E. sait, à la suite de l'assassinat du roi Alexandre
de Yougoslavie et du ministre Barthou, dans le but de s'occuper du
cas spécifiquede l'attentat contre les chefs d'Etat préparésur territoire
étranger - que ce furent précisémentles nations totalitaires qui s'effor-
cèrent le plus à limiter la notion du délit politique au moyen de règles
tendant à la répression du terrorisme, tandis que les nations démocra-
tiques s'efforcèrent de maintenir l'ampleur de cette notion afin d'empê-
cher, dans la pratique, la disparition du droit d'asile.
En ce qui a traità la deuxième conclusion,je dois faire noter a V. E. :
a) Que, conformément à l'un des principes fondamentaux de la
science pénale - l'individualité et l'intransmissibilité du do1-, il'n'est
pas admissible que, pour juger le cas de AI.Haya de la Torre, on enve-
loppe et confonde les actes qui peuvent réellement lui être imputés
avec ceux que peuvent avoir perpétrés d'autres membres du parti
apriste ou d'autres citoyens qui, sans êtreaffiliéà ce parti, apparaissent
comme inculpés à cause de la révolution d'octobre.
6) Que, par conséquent, la simple affirmation que, dans le procès
de rébellionet sédition dans lequel a été citéhl. Haya de la Torre, ise
sont accumulés des faits concomitants, antérieurs et postérieurs, qui
créditent la nature terroriste du délit imputé »,ne porte pas atteinte
à hl. Haya de la Torre jusqu'à ce que l'on ne puisse affirmer - et V. E.
ne l'affirme pas- qu'il est accuséou condamné, en sa propre personne;
pour un délit différentde la rébellionet sédition,qui est un délit typi-
quement politique.
c) Que les partis, associations, organisations et, en général,les per-
sonnes juridiques, ne sont pas pénalement responsables et, par consé-
quent, tombent toutes les considérations tendant à établir qu'au
111Haya de la Torre en tant que chef de l'A. P. R. A., et pour ce motif,
puisse ttre attribué une responsabilité pénale à cause d'actes imputés
à ce parti en général.
d) Que le terrorisme dont parle V. E.,à en juger par l'unique affir-
mation concrète contenue dans sa note, est quelque chose de profon-
d&ment différent de ce que les auteurs de la Convention de Genève de
I937voulaient réprimer. En effet, la note de Votre Excellence mentionne71 ASSESES AU AIIIIOIKE COLO\IBIES (F' 7)

concrètement comme acte de terrorisme iinputé à l'A. 1'. K. A. le seul
fait d'avoir emmagasiné des explosifs en vue de la révolution d'octobre.
Mais il est évident que cela n'ôte rien au caractère politique de la rébel-
lion ni ne transforme le Dr Haya de la Torre en délinquant de droit
commun, méme si l'on avait irréfutablement établi qu'avoir fait pro-
vision d'explosifs fîit imputable à l'organisation apriste.
e) Que, à ce sujet,V. E. mentionne des accusations formulées contre
l'A. P. R. A. par le maiéchal Benavides et le Dr Bustamante y Rivera,
concernant les activités politiques de ce parti, sans, toutefois, identifier
d'autre acte terroriste en dehors de celui mentionné au paragraphe
précédent, et sans affirmer qu'il soit imputable personnellement an
DI Haya de la Torre le fait d'avoir emmagasiné des explosifs.
f) Que toutes les affirmations et suggestions coritenues dans la
note de Votre Excellence sur les nommées activités terroristes de

l'A. P. R.A. s'affaiblissent dans le cas considérédevant l'impossibilité
de donner des reiiseignements précis sur la manière et la fornie de
l'accusation ou coiidamnation, antérieure à l'asile, du Dr Haya de la
Torre pour un délit de droit commun.
g) Que, Votre Excellence ayant formellement affirmé que le délit
pour lequel le Dr Haya de la Torre fut cité est un clélitde rébellioii
et sédition et Votre Excellence s'étant abstenue de meritionner une
accusation. oii condamnation. prononcée contre le Dr tlaya de la
Torre et antérieure à I'asile. et motivée DoUr des délits de droit
commun, il s'ensuit que toutes les considkrations sur les activités
collectives de l'aprisme et sur leur nature terroriste s'n\drent inap- --
cables.
h) Que, mêmeétant sûr que dans certains pays et aux effets pure-
ment intérieurs de la punition du délit, on n'admet pas, ou I'on limite,
la règle de l'équivaleiice entre le délit politique simple et les délits

connexes ou complexes, il n'est pas moins sûr que, aux effets de I'extra-
dition et de l'asile, la règle est que I'on identifie aux ~IéLélitspolitiques
simples aussi bien les délits connexes que les complexes, afin que le
bénéfice de l'asile ne soit pas annulé lorsque l'on réunit par
connexité une infractioii de droit commun à une infraction politique
(cf, Billot, Traité de l'extradition, pp. 104 et suiv.).
I)Que, en ce qui concerne la législation péruvienne, on peut obser-
ver, comme le professeur Jiménez de Asua le fait, qu'elle reconnaît
llasile pour les délits politico-sociaux (Code pénal, art. 6, lettre 2).
A ce sujet, il vaut la peine de transcrire ici ce que L'émiiieiitpénaliste
italien Ferri, créateur de la dénomination de délits politico-sociaux,
dit sur cet argument : iUiie distinction entre délits de droit commuri
et politico-sociaux n'est pas à rencontrer dans la différence objective
des faits, inais dans un dénient secondaire et accessoire. Mêmedevarit
la loi positive il résulte, d'un côté, que les faits prévus au titre 1,
livre 2, du Code pénal de 1890 (italien) comme délitscolitrc la sécurité

de L'Etat, ne peuvent pas être considérés comme politiques s'ils ont
étécommis pour des motifs égoïstiques tels, par exemple, la soif de
gain (comme la trahisoii à fin de gain) ou de vengeance (par exemple
le régicide commis à fiii de vengeance privée) ; et, d'autre côte, les
délits de droit commun peuvent être considérés comme politico-
sociaux s'ils ont étédéterminésexclusivement par des motifs politiques,
qu'ils soient ou non en connexion avec un délit politique principal.
L'élément décisif sera toiijours le psychologique et personnel des ANNEXES AU M~MOIRE COI.OIIIIIEX (NO 7)
75
motifs déterminants de l'auteur du délit.» (Enrico Ferri, Princifies
de droit crimi?zel, traduction de José Arturo Rodriguez Muiioz,
Madrid, 1, 1935.)
II me semble que les considérations précédentes ne laissent pas
de doute sur le fait que leDr Haya de la Torre est un réfugiépolitique
et qu'aucun des arguments formulés par 1'.E. n'amène à démontrer
qu'il était accusé ou condamné pour des délits de droit commun

antérieurement à .l'asile. Etantdonné que seulement dans ce dernier
cas on aurait pu légitimement lui refuser le sauf-conduit, il en résulte
pleinement justifiée l'insistancedu Gouvernement colombien à en
demander l'octroi.

Je ne puis pas omettre, maintenant, de me référer à la phrase que
V. E. cite comme prononcée par le DI Rafael Nufiez dans le but de
démontrer que «la finalité politique de certains actes de terrorisme
ne peut pas leur conférer la nature de délit politique n.
En premier lieu, je dois noter que cette phrase n'appartient ,pas
au Dr Kafael Nuiiez mais à M. Vincente Kestrepo, secrétaire d'Etat
des Relations extérieures, qui, le 16 février 1885, adressa une circulaire
au .Corps diplomatique uniquement afin d'éviter que le manque de
paiement des impôts extraordinaires décrétésà l'occasion de laiguerre

civile, donnât lieu à l'asile dans les légations. Ensuite, je dois observer
que le Gouvernement de la Colombie ne prétendit jamais soutenir
la thèse que V. E. lui attribue, en s'appuyant sur la circulaire que
V. E. cite de manière incomplète. Pour s'en convaincre, il suffit de
lire dans son intégralité le texte de la circulaire mentionnée et celui
de la note con~plémentaire adressée au Corps diplomatique le 27 février
1885, contenant des éclaircissements substantiels, auxquels V. E. ne
daigne pas se référer.
. .

En répondant à la déclaration contenue dans ma note, concernant
la volonté de mon Gouvernement de s'abstenir de toute discussion au
sujet de faits politiques intérieurs du Pérou, V. E. observe qu'une telle
discussion est licite de 1a.part dudit Gouvernement, puisque c'est le
Gouvernement mrme du Pérou qui, volontairemeiit, soumet ces faits
à sa considération. V. E. ajoute que, par ailleurs, attribueri M. Haya

de la Torre le caractère de réfugié politique, ainsi que le fait mon Gouver-
nement, est une façon de qualiiier ces faits.
Que V. E. veuille me permettre de noter en premier lieu que mon
Gouvernement, en considérant les faits dont il s'agit, s'est limitéà en
faire ressortir leur nature politique, qui découle de l'énonciation même
de ces faits, contenue dans la note de V. E.,et qui forme précisément
la base de l'application du droit d'asile. Quantà l'examen de ces faits
en eux-memes, je dois, nonobstant l'autorisation ci-dessus visée, main-
tenir l'attitude d'absolue abstention que mon Gouvernement a assumée
à cet égard. Cette attitude se fonde en effet sur une tradition constam-
ment observée par rapport à la politique intérieure des autres peuples
et qui s'explique, en outre, par son inébranlable opposition aux inter-
ventions étrangères dans sa propre politique intérieure. Par ailleurs,
il serait difficile de procéder dans ce cas à une analyse des faits et cir-
constances exposés par V. E:' et concernant les activités de l'aprisme

bet de son chef. sans entrer dans des considérations sur les récents
événements quiont eu lieu au Pérou, ceque mon Gouvernement désire,
de toute façon, éviter.
A la fin de sa note, V. E. invoque, à l'appui de la thèse du Gouver-
nement ~éruvien dans le cas ré sent.les nécessitésde défense. cré~-s
pour le Pérou et, d'une façon générale,pour les pays américains, par
le développement des activités subversives ayant pour but la démolition
de la structure politique et sociale de l'État par des moyens de coaction
et de terreur. Elle rappelle à cette occasion le devoir de solidarité
morale, consacrée par les accords et déclarations interaméricaines, qui
oblige les pays d'Amérique à coopérer à la défense du régime démo-
cratique. Que V. E. veuille me pardonner si, sur ce point aussi, j'ometc
d'exposer les idées de mon Gouvernement, idées qui peuvent, il est.
certain, ètre déduites sans difficultédes principes fondamentaux de la
législation du pays ainsi que de la manière dont ses autorités les
ont constamment appliquées. Un examen de la question soulevéepar
V. E., au sujet de la préservation de la démocratie, amènerait proba-
blement au seul résultat de faire ressortir desifferences de conception
par rapport à ce thème.
Comme conséquence de ce qui précède,on est forcément amené à
considérer que l'échangede notes qui s'est poursuivi entre V. E. et le
soussignén'a pas servi à créérune perspective d'accord entre la pensée
du Gouvernement de V. E. et celle du Gouvernement colombien. Cette
situation acquiert une particulière intensité par suite des déclarations
publiques du chef de l'État, général Odria,au peuple du Pérou, dans
le sens qu'il ne sera pas accordéà M. Haya de la Torre le sauf-conduit
demandé par le Gouvernement colombien. Dans ces conditions, il faut
présumer que les considérations que le Gouvernement de V. E. voudra
bien faire dorénavant dans le débat ainsi entamé, auront pour objet
de justifier et renforcer la position déjà prise età laquelle il est lié,
devant l'opinion publique péruvienne, par les formelles déclarations
du chef de l'2tat.
Par conséquent,je dois communiquer àV. E. que mon Gouvernement
juge inutile de continuer le présentéchangede notes.Mon Gouvernement
est d'opinion que le moment est venu d'adopter, dans le cadre du
système interaméricain, un procédéqui puisse résoudre sans d'autres
délaisce différendet qui définissela situation du Dr Haya de la Torre
en sa condition de réfugiédans l'ambassade de Colombie.
Mon Gouvernement, ayant absolue confiance dans la justice de la
cause qu'il défend en faveur d'une institution traditionnelle du droit
américain,propose à V. E. le choix parmi les différentsrecoursjuri$qnes
ouverts aux Etats américains. à savoir: l'enquêteet la conciliation,
l'arbitrage, le recours judiciake, la réunion cônsultative des ministres
des Affaires étran~-res, ce que le Gouvernement de V. E. voudra
préférer.
A la Colombie, ilest indifférent quelle sera la procédure. Mon Gouver-
nement est si profondément convaincu d'être, dansl'occurrence, placé
du c8té de la raison, qu'il n'hésite pasà laisser au Gouvernement de
V. E. le choix entre les voies juridiques à adopter.
Je renouvelle à V. E., etc.
(Signé)CARLOS ECHEVERRC IORTÉS,
Ambassadeur de Colonibie.
- Annexe 8

LE MINISTRE DES RELATIONS EXTÉRIEURES ET DU CULTE
DU PÉROU A L'AMBASSADEUR DE COLOMBIE

No (D) 6-8/15,
[Traduction]
Lima, le 6 avril 1949.
Monsieur I'.4mbassadeur,

J'ai l'honneur de donner réponse à la note n" 1o8/1d 4u 7 courant,
par laquelle Votre Excellence répond à la mienne du 19mars. Ainsi
faisant, cette chancellerie accomplit un impérieux devoir, car elle
considère que Votre Excellence ne peut pas présenter comme clos
ce débat sans avoir éclairci quelques points essentiels et défini, en
- pleine responsabilité, les positions respectives des deux Gouvernements
devant des thèmes doctrinaires si graves et, enfin, sans donner au
Pérou la chance de réfuter l'affirmation que, en n'acceptant pas la
qfigure dans les traités qu'il a constamment signés depuis 70 ans.pe qui

d'asile suffitàeaffaiblir l'argumentation que l'on veut déduire de la
longue et inutile énumération de ces instruments juridiques.
L'asile a étél'objet d'accords internationaux seulement à partir
de 1889. Les traités ou conventions sur l'asile sont les suivants: la
Convention de Montevideo de 1889, la Convention généralede Caracas
de 1911 ; la Convention de La Havane de 1928;la Convention de
Montevideo de 1933et la Convention de 1939. Le Pérou a ratifié la
Convention initiale de 1889, la généralede 19x1et la Convention,
détailléeet minutieuse, de 1928, qui n'établissent pas la règle de la
qualification unilatérale, mais il n'a pas donné sa ratification aux
Conventions de 1933et 1939dans lesquelles elle apparaît.
Il est'hors de discussion - et nous l'avons reconnu dans notre
précédentenote - que bans l'extradition régit la règle de la quali-
fication de la part de l'Etat requis.
L'objet du débat est la qualification unilatérale obligatoire dans
l'asile, ce qui est entièrement différent.
L'extradition est une institution de droit international qui ne soulève
pas d'objections, qui est consacrée par des centaines de conventions
et a le but d'assurer la coopération entre les Etats afin de punir la
criminalité commune. L'asile est une exception, admise par tolérance
et humanité, au principe fondamental du droit de juridiction de 1'Etat
et a, pourtant, un caractère extraordinaire et exceptionnel.
Dans le cas de l'extradition, le coupable se trouvant sur le territoire
de l'Etat requis, il se trouve par conséquent sous sa pleine juridiction.
Dans le cas de l'asile dans une ambassade, le réfugié estsoustrait à
la juridiction territoriale pour des raisons d'humanité.
Cette différence explique pourquoi, dans l'extradition, est prédo-
minante la règle de la qualification de 1'Etat requis, tandis que cette
qualification doit être, dans l'asile, le résultat d'un accord entre les
deux Etats. La qualification faite par le pays qui accorde I'asùe peutêtre obligatoire, étant une nouvelle Limitation à la juridiction terri-
toriale, seulement par rapport aux Etats qui auraient stipulé cette
obligation restrictive.

En outre, dans l'extradition la qualification faite par l'État requis
se trouve étre assujettie à l'examen objectif de ses techniciens au
cours d'un procès, suivi devant l'autorité judiciaire dans certains
pays et devant l'autorité administrative dans certains autres. De
sorte que cette qualification a les garanties d'objectivité, impartialité
et sérénitéqui lui font défaut, par d'évidentes raisons, dans le cas
de l'asile.
Écartée l'argumentation que V. E. déduit de la totale identité
entre les traités d'extradition et d'asile et avant de Dasser au deuxième
point de ce débat, que V. E. veuille me permettre d'arrêter son
attention sur le fait que la Convention de 1879, qui, en traitant des

délits politiques, dit : iil appartient au gouvernement de la répu-
blique qui accorde l'asile de qualifier la nature de tout délit de cette
espèces, est un traité d'extradition et non d'asile. Il faut préciser
que l'asile auquel se rapporte ce texte est l'asile territorial, non'l'asile
dans une ambassade. En traitant de ces matières, la plus subtile
précidon terminologique ne doit jamais se relâcher. .

II. - A la théorie de V. E. selon laquelle, avant la Convention
de 1933, la règle de la qualificatioii unilatérale existait comme droit
coutumier, mon Gouvernement a opposé la preuve des antécédents
de la convention ainsi que ses iconsideranda n.
V. E. prétend ignorer ces antécédents et affirme de façon équivoque
qu'il n'existe pas de «consideranda in.Mon Gouvernement répond
que ces antécédents gardent la plus grande valeur, car ils sont l'Œuvre
de l'Institut américain de droit international, la plus grande autorité
du continent en cette matière, considéréepar l'Union panaméricaine
comme l'organisme technique au service des conférences panaméri-
caines. Sur le témoignage de cette incontestable autorité, mon Gou-

vernement a le droit d'affirmer que dans la période précédant la
Conventiori de 1933, en matière de qualification de la délinquance, se
manifestaient deux courants : l'un l'attribuant à ~'Etat qui accorde
l'asile afin de bénéficierle réfugié,l'autre l'assignant au gouvernement
territorial en défense du principe de la juridiction territoriale.
Les affirmations de l'Institut de droit international américain sont
confirmées par l'évolution de l'asile. Les désaccords surgis sont indé-
niables : ils forment le côté dramatique de l'histoire de l'institution,
et V. E. ne peut pas nier qu'ils se reflétèrent plusieurs fois dans de

graves discussions ou en des situations qui amenèrent à ce que l'on
nomme asile indéfini.
L'existence de ces conflits est reconnue dans les iiconsideranda i,
dont V. E. a niél'existence. L'un d'eux dit : «QuelaConférence inter-
américaine a le devoir de conserver la cordialité et la bonne harmonie
entre i'Etat qui accorde l'asile et I'Etat territorial ainsi que d'écarter
les causes qui ont menacé de les troubler. »
S'il n'y avait pas eu de conflits, les <consideranda iine feraient pas
allusion aux causes qui menaçaient la cordialité et la bonne harmonie
entre les États.
La Conférence de Montevideo de 1933 crut résoudre ces désaccords

en adoptant la radicale innovation de la qualification iinilatérale obligatoire, faite par i'Etat qui accorde l'asile, et fit cela pour sortir
de l'impasse des positions contradictoires.

1-a conférence eut sous les yeux le projet de l'Institut américain
de droit international, qui disait dans la partie pertinente: mla quali-
fication de la délinquance politique appartient à i'Etat qui accorde
l'asile. S'il surgissait une objection de la part de l'État territorial,
la question devra être soumise à la Commission permanente de
\\'ashington ou de blontevideo, instituée par la Conférence du 27,mai
1923. oÜ à n'importe quelle commission de conciliation reconnue par
les parties. I.'opinioii de la commission sera acceptée par les deux
parties.»
De ce texte on prit la première partie, désintégrant ainsi la concep-
tion juridique intégrale qui attribuait au gouvernement territorial
d'interposer opposition à la qualification faite par i'Etat qui accorde
l'asile.

D'après le projet de l'Institut américain de droit international,
inspiré comme l'affirme V. E. par un illustre internationalistepéruvien,
la qualification unilatérale était « seulement firésomptiue D. Dans le
texte adopté en 1933, elle devenait impérative et si étendue et absolue
qu'il fallut, comme nous l'avons dit, la modifier en 1939.
11était naturel que, rejeté leprojet, le Pérou se refusât h la ratifi-
cation de la Convention de 1933 et mêmede celle de 1939.
Le texte approuvé à Montevideo en 1933 se prêtait à la dangereuse
interprétation selon laquelle même en présence d'un procès antérieur,
parfaitement caractérisé,l'fitat qui accorde l'asile, engagé à la protec-
tion du réfugié,aurait pu discuter la nature du procès même. Laisser
au pays du refuge la faculté de considérer comme erronée la typifi:
cation dudit procès, engendre une grave limitation à la souverainete
de 1'Etat et d'une de ses plus hautes expressions : l'ordre judiciaire.
Afin d'éviter cet inconvénient et nonobstant que la Convention de

La Havane eut déclaré clairement que les coupables de délits de droit
commun devraient êtrelivrés dans le plus bref délai aux autorités, la
Confkrence des jurisconsultes de Montevideo de 1939, tout eii conservant
à titre de règlesubsidiaire la qualificatioen faveur du pays qui accorde
l'asile, établit catégoriquement le texte que nous avons cité, aux termes
duquel le réfugiépolitique ne peut obtenir le sauf-conduit s'il lui est
im~uté des délits de droit commun dans un roc èsentamé antérieure-
mêntdevant les tribunaux ordinaires. Les jurkconsultes de Rlontevideo
en 1939 corr-gèrent ainsi le caractère discrétionnel absolu de la règ.e
de 1933

III.- Cette chancellerie constate que V. E. n'a pas soulevéd'objec-
tions contre les observations faites dans iiotre précédentenote sur les
cas qu'il attribuait, de façon équivoque, à l'application de la regle de la
qualification unilatérale et qui en réalité procédaientd'autres raisons.
V. E. croit opportun d'insister sur les cas d'asile accordé ou accepté
par le Gouvernement de M. Bustamante y Rivero, malgré notre obser-
vation que la Junte de gouvernement ne se croit pas engagée par
l'orientation du Gouvernement précédent dans une matière qui souleva
les protestations de l'opinion publique nationale. Je dois toutefois
répéter, d'une façoii générale, que, même le Gouvernement du
Dr Bustamante ayant accepté la règle de la qualification unilatérale, il
appliqua en mêmetemps le principe du procès préalable. L'application de la règle de la qualification unilatérale a souvent
coïncidé avec le point de vue du gouvernement territorial. Il nous
conduirait trop loin d'examiner, dans chaque cas, sil'asile fut accordéen
force du caractère obligatoire de la régle ou bien parce que l'on s'y
conformait volontairement. Et ce fut sans doute ce dernier. le principe
suivi dans les cas rapportés.
V. E. fait une énumération des cas d'asile accordé par la Junte
militaire de gouvernement en faveur de plusieurs réfugiésapristes, qui
pouvaient êreconsidérés commen'étant pas des chefs responsables de
la ~olitioue terroriste de l'A. P. R. A.. soit ~ ~~ ~~ de circonstances
coi;iiiiej iiICr(;ou\~<:riit~riie,it I);ircç'qu'ilsitaieiit des figures SUI>~I-
ternes daris I'organislttion apriite. La ~>olitiquzsui\,ie par la Junte mili-
taire s'ins1)ir:ides dEclarations de son ~r6sidei~,-~~-~.uu'il dffirinÿ uue le
révolutionnairese limiterah à demander une sanction ;égale
contre ceux qui, par leur position ou par leurs activités, avaient une
responsabilité directe dans les délits perpétréspar l'A. P. R. A.
V. E. dédieun paragraphe séparé à l'asile espagnol. Cette.chancellerie
répèteque dans le cas espagnol I'asile avait un caractère exceptionnel,
en dehors de toute prévisionet règle juridique, de refuge humanitaire
plein, accordé sans discrimination dans un moment d'exceptionnelle
violence et de danger extrêmement grave pour des centaines de ver-
sonnes auxquelles & devait sauver lakie devoir impérieux d'huma-
nité, situation qui ne ressemble nullement au cas qui est l'objet du
présent débat.
IV. - V. E. considère comme une omission dans le cadre de ma
note précédente lefait de n'avoir pas, en étudiant la Convention de
~gzS, traité le point concernant la coutume et les lois du pays de refuge.
Cette chancellerie ne jugea pas nécessaire de toucher à ce point, car
V. E. omit et omet dans la note à laquelle je réponds,de se référeraux
cas où la Colombie a invoqué ou admis la qualification unilatérale. Si
V. E. ne présentepas ces cas, il est évident que nous devons en déduire
que le Gouvernement colombien ne doit pas alléguer l'emploide cette
règlepar rapport à d'autres pays. Et l'on s'explique l'omission de V. E.,
car la Colombie, par les précédentset les doctrines soutenues, n'a pas
étépartisane de l'asile illimité. Le révèlent clairement les citations
tirées de la circulaire que nous n'avons pas attribuée à M. Nuiiez en
tant que ministre, comme par erreur l'affirme V. E., mais au Gouver-
nement de Son Excellence M. Rafael Nufiez. Ladite circulaire,, qui
proclama si Iiautement le devoir de défendre la sécurité de I'Etat,
réduisait l'asile aux cas d'urgence afin de protéger les délinquants poli-
tiques contre des rigueurs inhumaines, et défendait le principe de la
juridiction des autorités territoriales. La circulaire, dans les paragraphes
que le Gouvernement péruvienn'avait pasla nécessité de citer, ne modifie
nullement la doctrine soutenue si énergiquement, et, bien qu'elle porte
la signature de AI.Vincente Restrepo, elle fut élaborée en obéissant

révéléépar les mots ci-dessous transcritsSu:«eJe dois in\,oquer ces précé-

Excellence, suivant les instructions du citoyen Président de la Répu-Votre

blique, coinment ce magistrat et le Gouveriiement qu'il préside con-
çoivent les iininunités des représentants diplomatiques étrangers en
ce qui a trait à l'asile qu'ils considéreiitpeut-iitre ribcessaire d'accorder
aux adversaires impliqués dans l'actuelle guerre civile. » ANNESES AU ~IÉJ~OIRE COLOMBIEN (NO 8) 81

A l'opinion du Président Nuiiez on doit ajouter celle, non moins
autorisée, de M. Marco Fidel Suarez, sous-secrétaire aux Affaires étran-
gèreset ensuite ministre et Président de la République en 1892, opinion
pagef%oz, qui dite: «Le ministre, interrogé par l'honorable légationde la
France dans cette ville, exposa les idéesdu Gouvernement concernant
I'asilediplomatique, thème extrémement intéressant surtout à l'occasion
des guerres civiles. Ces idéesn'assumèrent pas la nature d'une règle
obligatoire mais plutôt celle d'une théorie plus ou moins probable.
Elle consiste en ceci : distinguer entre le droit d'accorder l'asile et le
devoir de le respecter ; limiter ce droit aux cas d'une injuste persécution
qui mette en danger la vie du réfugié ; ne pas l'admettre. en aucun cas,
contre I'action ordinaire de la justice ; attribuer exclusivement au
gouvernement de la légation qui accorde l'asile la faculté de le limiter ;
obliger le Gouvernement territorial A respecter I'asile sauf dans le cas
où il assume de telles proportions qu'il en résulte une menace à l'ordre
public; établir comme solution de ces conflits non pas le choc entre
le droit d'accorder I'asile et le devoir de le respecter. mais I'action har-
monieuse des gouvernements afin de limiter pratiquement cette institu-
tionà des fins lustes et humanitaires.IVotre Excellence ne refusera pas
de reconnaitre l'éminente personnalitéde l'auteur de la citation ni la
valeur de la doctrine qu'il y soutient. L'asile est à peine une théorie
probable, dit-il. Il est nécessairede limiter I'asileaux cas de persécution
injuste dans lesquels court danger la vie du réfugié :il ne doit pas être
admis, en aucun cas, contre I'action normale de la justice. Je voudrais
attirer l'attention de Votre Escellence sur la coïncidence entre la doc-
trine péruvienne, qui reflete le projet de l'Institut américain de droit
international, et la doctrine Suarez, IAoù elleétablit que, afin de trouver
une solution à ces conflits, il faut envisagern I'action harmonieuse des
gouvernements pour Limiter,dans la pratique, cette institution à des fins
justes et humanitaires n.
La réticence de la Colombie à l'égard de l'asile, inspiréedans les
doctrines Nufiez et Suarez, a récemment amené à dire que l'attitude
colombienne avait changéen cela qii'elle ne formulait pas de réserves
aux conventions sur I'asile, issues des VIme et VIIme Conférences
inter-américaines.

V. - De l'étude précédenteon déduit ces claires conclusions sur le
premier point de la question posée :
I) On ne doit pas confondre la qualification technique du délit dans
les cas d'extradition avec la qualification unilatérale impérative dans
l'asile:cette dernière ayant force obligatoire seulement pour ceux qui
ont ratifie la Convention de 1933.
2) Le Pérou a tenu une ligne de conduite logique en ne ratifiant pas
la Convention de 1933, qui écarta la thèse péruvienne de sauvegarder
les objections du gouvernement territorial, la qualification faite par le
gouvernement qui accorde l'asile.
3) 11ne peut y avoir de droit coutumier lorsque la règlea présupposé
une innovation radicale, afin de trouver une solution à des positions
contradictoires. et a dû être modifiée.
4) Gardent toute leur valeur les observatioiis ~éruviennes sur les
caç'citéspar la Colombie en les rattachant erronément à la qualification
unilatérale, ainsi que sur les cas où celle-ci a étéappliquée sous certaines82 . ANNEXES AU LIELIOIHE COLOUHIEX (K" 8)
réserves, par le Président Bustamante y Kivero et encore sur les cas

où l'application de la règle eut lieu par accord mutuel.
5) La Colombie n'a pas réussià donner le droit coutumier du pays de
refuge comme base à la qualification unilatérale. car elle.n'a pas cité
un seul cas où elle-mêmeait accepté cette règle ; au contraire, le Pérou
cite la doctrine exposée par les éminents hommes d'Etat colombiens
Nufiez et Suarez, entièrement contraire à l'asile illimitéet subordonné
uniquement à la volonté ou au critère du pays qui accorde L'asile.
En concluant sur ce point, mon Gouvernement juge opportun d'ob-
server tous les dangers que font courir à l'institution humanitaire de
l'asile son abus et sa déformation, conséquence d'une qualification qui
ne respecte pas les faits, qui peut discuter la nature d'un procès déjà
encadré par la législation territoriale et qui peut amener de véritables
criminels à jouir de protection et d'immunité.

La thèse ~éruvienne. consistant à réeler l'asile dans les limites du
principe objéctif de respecter la qualifiyation des délits-ilinsi que les
proces en cours devant la iuridiction territoriale et d'épuiser les moyens
$éclaircissement dans les Cas controversés, non seulement est conforme
aux principes du droit et de la saine logique, mais vise aiissi à sauver
l'institution même. Pour l'asile, le danger ne réside pas dans une
limitation fondée Sur de légitimes raisons, mais dans une abusive et
injuste extension.

VI. - Le uoint fondamental de ce débat est de savoir si les délits de
terrorisme et..le délit contre la sécurité de l'État et de l'organisation
sociale, délitsconnexes ou modalités du mêmeaspect de la criminalité,
oeuvent êtreclassés conime de simoles délits oofitioues ou c~ ~e une
?orme aggravée de la criminalité cokmune.
Le Gouvernement de Votre Excellence, malheureuseme~it, résout la
question poséeen s'éloignant non seulement de la doctrine européenne
mais aussi de l'américaine.

Dès que commença la propagqde extrémiste, se profila le délitcontre
la sécuritéet la structure de l'Etat et sa manifestation terroriste.
En contradiction avec l'affirmation de Votre Excellence, le droit ,
américain s'est inspiré toujours dans l'idéeque l'essence du délitne peut
pas être formée par sa finalité politigue mais par l'importance qu'il
peut présenter pour la structure de 1'Etat. par sa profonde immoralité
et les énormes dangers sociaux qu'entraînent les procédés employés.
Si le délit politique est un délit de jure civitatli esterrorisme a la
tendance à êtreun délit de-jure gentium qui porte atteinte à la commu-
nauté internationale des Etats parce qu'il reçoit impulsioii par des
forces occultes, distribuées sur toute la terre, liées spécialement aux
organisations politiques du type totalitaire.

A. - La déclaration de l'Institut de droit international dans la
session d'Oxford a eu une influence énorme sur le droit américain. La
deuxième note du Péroucita le Traité d'extradition conclu entre le Pérou
et le Brésil, qui apporta à la règle de l'exclusion des délits politiques
l'importante exception qu'il ne devait pas s'agir des crimes les plus
graves du point de vue de la morale et du droit commun, tels que l'assas-
sinat, les incendies, les explosions. Cette mêmeréserve, que nous citons
d'après le Traité de 1919, le Traité d'extradition de Caracas la fit aussi,
cité par Votre Excellence, mais en lui donnant une interprétation com-

plètement différente de la nôtre. .AXKEXES AU LIEZIOI CROLOMBIEN (NO 8)
83
Lorsque, à l'occasion d'un délit politique, on viole des principes de
morale et de droit, on commet des assassinats sans courir de danger,
après avoir maté le mouvement et lorsqu'il y a eu des préparatifs
d'incendie et explosions, il est évident que d'accord avec l'esprit de la
Convention de Caracas de 1911 sur l'extradition etdu Traité d'extradi-
tion Pérou-Brésil de 1919, la finalité politique ne couvre pas la forme
terroriste des procédéset la gravité des attentats.
La Colombie fut l'une des parties à la Convention de 1911 ;de sorte

que la citatioii faite par Votre Excellence, identique à la nbtre, du
Traité d'extradition de 10x1 entre le Pérou et le Brésil, ne fortifie
pas la thèse du Gouvernement colombien mais l'affaiblit,' parce que,
au-dessus de la caractérisation génériquedu délit politique se place la
spécification relative aux moyens tefroristes et ïautrë, plus-ample,
relative aux principes de la morale et du droit commun.
Le Gouvernement de Votre Excellence a conclu avec le Gouverne-
ment du Brésil un Traité d'extradition approuvé en 1939, traité qui
ressemble au nouvel accord entre le Pérou et le Brésil, qui inclut dans
l'extradition les actes considéréscomme franche manifestation d'anar-
chisme. Et l'anarchisme est condamné aussi bien Dour ètre un attentat
contre la structure de l'État que pou; les moyen< qu'il emploie.
B. - Votre Excellence soutient que la Convention de 1q3q. n'ayant
pas tenu compte de la proposition argentine : iles terrorisiei ne pour-
ront pas bénéficierde l'asile >> ,ejeta pratiquement l'idéedu terrorisme
comme délit autonome parce que, en Amérique, n'existait pas le phéno-
mène anarchiste qui avait ému l'Europe, et parce que, en l'accueillant,
on mettait en danger l'institution de l'asile. La résolution no 5 de
l'Assemblée des jurisconsultes écarte cette explication. La Convention

de 1939 a inclu le principe sur le terrorisme parce qu'elle a cru conve-
nable une formule de différenciation précise entre le délit politique,
le délit terroriste et le délit de droit commun, comme il découle de
ladite résolution. dont il est oDDortun de transcrire le texte. no ".Déter-
mination du délit deterrorismé: nLa réunion des jurisconsultes recom-
mande aux aouvernements et à tous les instituts juridiques des Etats
américains dë collaborer..D,r tous les moven, a~gro.. .i. dans le but
rl'obtcnir iiiii:~literniin,itiuii. In plus <x,xiti. ~~~~iîit~.lIcr.I:Iii;itur~,,l>urti'e
et iniulis d'rx[)rr.iiiu%II&Ilit politi<lii<.c(II!l;.li~1%d-oit cuiiiiiiuct
triiiiilii:ii:i~~itcrin Ici ~ICiii~~itIo I;~lu;riiiie icientin.iii~: ;.u;.ii bicii
que les données de l'expérience. 1,
Les auteurs de la Convention de 1939 acceptaient la différenceentre
délit politique, délit de droit commun et délit de terrorisme, et la seule
chose qu'ils désiraient était que l'on précisàt sa nature, sa portéeet ses
méthodes d'expression.
C. - En Amérique, on avait légiféré dans le domaine international,
. sur l'anarchisme, le terrorisme, les délits contre la structure sociale, et
cela est prouvé en plus de la Convention de Mexico, à laquelle nous
avons fait allusioii dès notre première note, par le Traité entre le Chili
et le Brésil, du 4 mai 1897, dont la clause 3 établit que ne seront pas

considéréscomme des délits politiques, aux effets de i'application des
réglesqui précèdent, les actes d'anarchisme dirigés contre les bases de
l'organisation sociale. Le méme principe se répètedans le Traité ibéro-
cubain de 1906 et dans les germano-paraguayens de 1909. ainsi que dans
les Traités d'extradition que la Colombie conclut avec le Costa-Rica en
1901, avec le Nicaragua en 1929 et avec le Guatemala en 1928.84 ANNEXES AU MÉMOIKE COLOMRIEN (No 8)

L'Argentine ne se borna pas à proposer formellement que le terrorisme
n'est pas à considérer comme délit politique, mais son code pénal de
1921, livre II, titre VIII, relatif aux cdélits contre l'ordre public »,
l'association illégale, l'intimidation publique et l'apologie du crimer
(art. zoo à 211). Et la Coloinbie considéra commedélit. dans son code
Pénal,la fabrication, acquisition et conservation de dynamite et d'autres
matériels et objets explosifs, selon l'article ci-dessous:

ciArticle zGo. - Sera uni de prison, pour une durée de un à cinq
ans. celui qui, en dehors es cas permis par la loi, fabrique, acquiert ou
détient de la dvnamite ou une autre matière ou des obiets exdosifs ou
inflainiiial,les. Gu bien des gay.ou des Wrnbes mortil$ies. oii ;les subs-
tances servaiit !I leur coni~>ositioiiou f;iI>ricatioii.

La tendance aniericaine culmine dans la circulaire de la cliancellerie
brGsilienne.dii 15 juillet 1938.qiii definit eii des ternies d'uiie 11r6cision
insurmontable les <I2litsde tzrrorisiiie et les &lits contIiisc'curitéet la
structure de I'Ctat et contre I'organisatioii socialeII f;iut obser\rr que
ce dociiinent décisif.transcritdans ma iiote du 19 mars, ii'a pas mCrit>
la haute attention de Votre Excellence.
D. - Votre Excellence n'a pas niél'immense valeur de la Conven-
tion de Genève de 1937 en ce qui concerne les définitions juridiques :
selon cette convention, sont des aspects fondamentaux du terrorisme
les actes d'intimidation et tous les autres pouvant déterminer un
danger commun, particulièrement la fabrication, l'obtention et la
possessioii d'explosifs, qui est un délit de droit commun, puni par
notre code aussi bien que par le code colombien ; Votre Excellence
essaie d'affaiblir l'applicabilitk de cette convention au cas présent.
en faisant allusion à certaines opinions du Secrétariat généralde la
S. d. N. sur le proJet 1936,où l'on affirmait que les obligations étaient
limitées par les ispositions qui maintiennent le droit d'asile pour
les. délinquants politiques. Les dispositions mentioniiées ne se sont
reflétéessur aucune des clauses du traité. et Votre Excellence peut
s'en convaincre en relisant attentivement la convention. II n'y a pas
d'article concernant l'asile. Au contraire, l'article 19 dit que u la
convention laisse intact le principe en force duquel les faits prévus
par elle. les peines applicables, le jugement. le régime des excuses,
le droit de grâce et d'amnistie, corresporident en chaque pays à sa
législation intérieure. sans que l'impunité puisse jamais résulter d'une
lacune de cette léislation en matière pénale n.
Si l'esprit de la fonvention de Genhve de 1937avait étéde formuler
une réserve concernant l'asile, elle l'aurait explicitement incluse dans
la préciseénumérationde l'article 19.Cette omission est là pour prouver
le contraire de ce que Votre Excellence soutient.
La rédaction définitivedu traité iie tint pas compte des observations
faites par le secrétaire au projet 1936.
Cherchant la coiiventiori, comme elle le clierchait par le texte
que le terrorisme ne pouvait pas être protégépar l'asile. il est évident
Ce que l'on peut invoquer afin d'interpréter la convention, surtout
pas les observations du
Secrétariat de la S. d.ériX.,nmais c'est l'interprétatioii que les pays ANNEXES Au MÉ~IOIKECOI.OllBIEh' (PI'8) 85
américains mêmesen donnèrent, surtout ceux-là qui signèrent cette
convention, notamment l'Argentine et le Pérou.
Le Brésil, qui, mêmen'étant pas membre de la «Ligue » à cette
époque,accepta les principes de la convention, en l'interprétant déclara
que les délits y prévus ne pouvaient pas être protégéspar l'asile
diplomatique.
Définiela position américaine au sujet du terrorisme par plusieurs
traités internationaux et surtout par la doctrine formuléepar le Pérou,
le projet argentin et la circulaire brésilienne, elle ne peut nullement
êtrecontredite par des affirmations théoriques comme Votre Excellence
en mentionne, issues des auteurs, ressortissants des pays qui n'accep-
tent pas l'asile. L'origine européenneet les circonstances qui motivèrent
la Convention de 1937n'ont rien à faire non plus avec le cas.
II n'est pas exact non plus que la convention ait étéinspirée par
les pays totalitaires, puisqu'elle fut signéeaussi par des nations démo-
cratiques, telles la France et la Belgique.
E. - A notre Amérique échut l'honneur insigne d'avoir précédé
les instituts européens dans la formulation de cette doctrine. Je dois
citer la note du ministre du Chili, don Antonio Varas, du 15mai 1851.
En s'opposant à l'asile du colonel Arteaga, il d:taSur celui-ci pèsent
des accusations très graves de com~licité dans une émeute militaire
et dans une tentative d'incendie qG auraient dû raser une partie de
cette ville etlonger le pays dans les horreurs d'une guerre désastreuse.
Aux coupablêsde cette eSpècenon seulement on nie catégoriquement
l'asile dans la résidence d'un représentant diplomatique, selon les
éternels principes de justice qui sont à la base du droit des nations,
mais il pourrait être douteux qu'une nation qui l'abritait sur son
nouveau de rappelerefuàela considération de Votre Seigneurie un pointà
qui, à son jugement, est décisifdans cette question. Il ne s'agit pas
de délinquants ou de criminels coupables purement de délits politiques,
qui, souvent, dans un pays fréquemment exposéoù les luttes civiles
ne sont pas à considérer comme des crimes. Ce que l'on discute-est
si l'on doit, aux délinquants coupables de graves délits contre l'Etat
ou contre la société,étendre le privilège de l'exterritorialité fictive,
accordée aux résidences des représentations diplomatiques seulement
afin de protéger leur personne et celle de leurs familiers, et ceci est
ce qui compromet la sécuritédes nations et ce que les publicistes
condamnent. »
F. - La position juridiqpe de l'Amérique par rapport aux délits
contre la structure de 1'Etat et à la criminalité terroriste a été
définitivement établie par la résolution no 32 de la Conférence de
Bogota.
La condamnation du communisme et du totalitarisme de toute
espèce ne se borne pas à êtreune simple critique ou à une exclusion
de ces idéologies.Elle est surtout une formelle répudiation des méthodes
de l'organisation totalitaire, de la violence, de l'intiinidation et de
l'organisation verticale. Si Son n'interprète pas ainsi cette condam-
nation, elle demeurerait tout simplement une déclaratioii platonfque
dictée par les circonstances et ne serait pas une orientation politique
ayant une valeur pratique. Faute d'égalisation des délinquants com-
munistes et totalitaires aux délinquants de droit cominun. et si l'on
leur laisse la condition de simples coupables de délits d'opinion ouS6 ANNEXES AU AIÉIIOIKE COLOIIBIEN (NO 8)

de d&linquaiits politiques, la Déclaration de Bogota inaiiquerait de
toute signification et de toute importance.
G. - II ne tient pas de maintenir le terrorisme dans la rubrique
généraledu délit politique, en argumentant qu'il n'a pas encore été
cristallisé ou précisé commedélit autonome dans le droit positif amé-
ricain. Le terrorisme existe : sa finalité politique ne lui ôte point sa

substance de délit de droit cqmmun, tout au contraire, l'aggrave.
Les législations nationales des Etats civilisés punissent les manifesta-
tions terroristes, les délits de droit commun et les délits connexes.
On a enfin poséla condition d'une loi préalable et d'une peine préalable.
La seule chose qu'il s'agit de savoir est si, dans l'ensemble de la crimi-
nalité. la finalité politique puisse protéger la criminalitd commune
ou bien si celle-ci doit prévaloir sur les finalités politiaucs. Le droit
européen moderne et se; interprétations américain& les~liis représen-
tatives adoptent la solution qu'exigent, à la fois, la doctrine scienti-
fique et les-éternels principes de jugtice.
Les délits contre la structure de l'Etat et principalement leur moda-
lité terroriste ne sont ni ne peuvent être desdélitspurement politiques.
Sur ce point s'est définitivement consolidéela doctrine que l'Institut
de droit international soutenait déjà en 1892, lorsque, dans sa session

de Genève, il vota la Résolution du S septembre de la mêmeannée,
oui disait : «Ne sont oas considérés commedélits ~olitiaues les faits
délictueux dirigés contre la base de toute organisarion siciale et non
contre un Etat déterminé ouune forme déterminéede gouvernement. n
Et conformément à cette doctrine, la loi péruvienne d'amnistie
no go48 du 25 janvier 1940 accorda l'amnistie aux délinquants poli-
tiques en faisant explicitement exception pour les terroristes.
VII. - Le troisième point juridique de la position péruvienne se
réfère à l'existence d'un procès préalable, dans lequel a étéinclus
Haya de la Torre. Selon mon Gouvernement, l'existence de ce procès,
qui va juger les activités terroristes de I'A.P. R. A. et qui a inclus

dès le commencement Haya de la Torre, est suffisante pour qu'il ne
se considère pas obligé d'accorder le sauf-conduit, étant donné que
l'asile n'est pas applicable. Votre Excellence répond à la thèse péru-
vienne en affirmant à son compte : IO que le procès est typiquement
politique et non de droit commun ; z" que, s'agissant d'imputations
de terrorisme. la situation de Hava de la Torre ne donne nas à celui-ci
une responsabilité qui peut sehlement être personnellé, directe et
intransmissible. sel011la théorie de l'intransmissibilité du dol.
Avant 'de réoondre à ce aui concerne la nature et la ~ortée du
procès, que Vitre ExcellenG veuille. me permettre d'avancer une
réserve fondéesur son appré..ation de la responsabilité [Aui -ourrait
échouer à son réfugié.
Votre Excellence a manifesté qu'elle ne pouvait pas juger des faits,
parce qu'elle considérait que cela éqnivaudrait à s'immiscer dans la
politique intérieure péruvienne, iionobstant que le Pérou lui soumettait

ces faits, honnêtement et en toute confiance. Mon Gouvernement fit
noter que cette intention de demeurer neutre contrastait avec le
jugement' implicite sur les faits mêmesqui découlait de la qualification
du délit et du réfugié.Mon Gouvernement, toutefois, apprécie cette
intention et, par cela même,a étépéniblement surpris en voyant que
Votre Excellence fait quelque chose de plus que qualifier, d'une façon
générale, le réfugié et de mésestimer les preuves présentées par le Pérou. Votre Excellence, en exonérant Haya de la Torre de toute
responsabilité, arrive jusqu'à se prononcer sur ce <lui pourrait résulter
contre celui-ci dans le g roc èaue l'on lui fait sur une res~onsabilité
que seuls les tribunaux de ma patrie sont compétents à' formuler.
Intenter un rocè è contre Hava de la Torre. l'a~wéciation desa cul~a-

bilité pour Son action personnelle et pour celieAde son parti revêt'un
caractère sub judice qui exclut toute appréciation étrangère.
La précédenteconsidération que, j'en suis certain, le Gouvernement
colombien ferait s'il se trouvait dans une situation analogue, m'autorise
à omettre des argumentations de Votre Excellence sur la participation
de Haya de la Torre à l'accumulation d'explosifs et aux barbares
méthodes de la révolution du Callao. Je répète que tout ceci est de
la compétence exclusive des tribunaux péruviens et que son application
au cas de Haya de la Torre pourra être la tâche de son défenseur
dans le procès. Toutefois, comme les objections de Votre Excelleiice
puisent dans une théorie qui exonère les chefs des partis à organisation
verticale et totalitaire de toute responsabilité pour les actes que le
parti peut commettre seulement grâce au fonctionnement discipliné
de son organisation et sous la direction existante, je me vois contraint
de les réfuter par l'exposé de la vraie. doctrine juridique. Personne
.ne discute que, s'agissant de faits individuels, la responsabilité est
intransférable. Personne, non plus, ne veut mettre en discussion que,
dans la criminalité collective, explosive et anonyme, il est difficile
d'établir et d'individualiser les responsabilités; mais, entre ces deux
cas 'extrêmes se place la réalité des partis politiques à organisation

totalitaire,où les exécuteurs et les agents ne sont que des rouages
d'une machine soumise à une direction unique.
Dans ce cas. le principe de la responsabilité se profile avec une
clarté méridienne. Faire retomber la culpabilité sur des éléments
subalternes, agents du délit, comparables aux instruments matériaux
qui les réalisent et non sur les inspirateurs, organisateurs, promoteurs,
auteurs moraux, qui sans doute en tirent profit, ce serait une injustice
inqualifiable.
Votre Excellence n'ignore pas que, s'agissant d'entités collectives,
mêmedans le droit civil, on ne peut pas établir l'irresponsabilité et
que celle-ci gravite autour de ses persoiines ou éléments dirigeants.
De la même manière, et à plus forte raison, cela doit être dans le
droit pénal, et il ne faut pas citer des auteurs socialistes, intéressés
à l'exclusion de la responsabilité à l'égard des chefs des mouvements
politiques qui emploient des méthodes de violence ou d'action directe.
Au-des.s de ces tliéories partisanes se place la conception juridique
qui identifie comme auteur principal du délit le directeur ou chef de
l'organisation qui l'a perpétré.Et, dans le cas présent, Votre Excellence
peut examiner l'organisation de l'A. P. R. A., sur laquelle mon Gou-

vernement attira son attention dès ma première note. Cette organisatiori
verticale est amplement démontrée par le code de, discipline apriste,
par le statut du parti, par le serment de fidélitéau chef, par les blancs-
seings de renonciation des membres du Parlement, donnée nonobstant
qu'ils tiennent la plus haute investiture de la nation et que de telles
charges, conformément à la Constitution du Pérou, n'admettent pas
les démissions.
Quant au point concernant la caractérisation du délit, Votre Excel-
lence n'a pas voulu non plus le traiter de manière générale, maisSafait en le référantà la participation de Haya de la Torre aux événe-
ments. ce aue. ie le ré~ète.ressortit exclusivement à la comcétence
des tr'ibunâux'du péro;. '
Placée cette matière sur le terrain de la doctrine généralequi est
bien celui que nous devons examiner, je dois dire à votre Excéllence
que le procès n'est pas seulement de rébellion mais aussi pour délit
contre la structure et l'organisation mêmede l'État.
Le communiqué officiel publié dit littéralement ce qui suit : cOutre
avoir mis à la disposition de la justice pénale les nombreux détenus
qui participèrent à ces faits en qualité d'auteurs matériaux des délits
de rébellion militaire et contre la sécuritéde l'État, a signalé aussi
comme auteur moral et principal instigateur, pleinement identifié,
l'A. P. R.A. et par conséquent son chef et dirigeant, étant donné
l'organisation verticale ou à commandement unique qui caractérise
ce parti. La dénonciation contient de très graves accusations qui
seront publiées opportunément. o
Il s'agit d'une rébellion militaire et d'un délit contre la sécurité
de l'État, avec des aggravants, faits connexes et modalités terroristes
auAu cours de- ce piocès; conformémentdu déàila précise di&ositi&. du

mais aussi des crimes de droit commun perpétrés duAdl'occasion de cette
rébellion;et le même codeétablit que, s'il est impossible d'en découvrir
les vbritables auteurs, seront punis comme tels les chefs principaux
de la rébellion.Je tiens à communiquer à Votre Excellence que Haya
de la Torre a étécité dans les bans publiés; que contre lui a été
expédié mandat de prise de corp(autide prisid~i)et que, par conséquent,
il figure comme accusé dans ce procès, dès sa phase initiale et dans
son état actuel.
II existe donc une législation et un jugement antérieurs à l'asile,
devant des tribunaux ordinaires. Conformément à cette loi et dans
le cadre de ce procès, il appartiendra aux tribunaux péruviens de
juger le réfugié,qui, je le répète, est déféréau jugement, cité et
frappé de prise de corps antérieurement à l'asile.
Votre Excellence a voulu, en outre, exonérer Haya de la Torre de
toute responsabilité, en affirmant que le seul fait qui lui est imputé
est l'emmaeasinage d'ex~losifs. et arrive à insinuer que ce fait ne fut
pas l'Œuvre de-l'orgaiisation apriste, contrairemént aux preuves
évidentes que présenta le Gouvernement du Dr Bustamante y Rivero.
Bien que cette circonstance soit aussi sub judice et, partant, Soustraite
à la connaissance de Votre Excellence, je dois manifester qu'il ne
s'agit pas simplement d'avoir emmagasiné des explosifs. Ceux que
l'on trouva étaient placés dans de différents points de la ville, prêts
à êtreemployés par les dynamitards dépendant des commandements
de secteur apristes. Quelques-uns de ces explosifs auraient dû éclater
à la centrale téléphoniqueet d'autres à proximité du palais du Gou-
vernement.
Il s'agit donc du cas typique intentionnel et de la tentative dont
ilest fait mention dans la Convention de Genève lorsqu'elle considère
ce délit.
Mon Gouvernement ne peut pas accepter la théorie selon laquelle
dans la connexion entre délits communs et politiques il se vérifierait
une espèce d'assomption du caractère commun par 'safinalitépolitique. ASSEXES .!LJIÉZIOIRE COLOJIBIES (s' 8) 89
Le pénalisteBillot peut affirmer le contraire, mais'sa théoriene prévaut
pas sur le courant qui soutient la thèse que la criminalité commune
' donne le teint final et définàtl'ensemble de la délinquancelorsqu'elle
affecte la structure de l'Etat. C'est pourquoi Fauchille dit que ula
non-extradition, en matière de délits connexes à des actes plus ou
moins politiques, peut conduire à des conséquences scandaleusesa.
Et, récemment, dans des traités signés par la Colombie, ou a établi
que la fin ou le motif politique n'empkcheront pas l'extradition si
le fait constituait,principalement, un crime de droit commun et si
le fait incriminé constituait une infractionà la loi pénale commune.
En conclusion, cette chancellerie constate que, afin de défendre la
validité de l'asile de Haya de la Torre, il a étéindispensable de :
1''Attribuer au Pérou une obligation juridique qu'il n'a pas contrac-
tée, de respecter l'asile automatique, injuste et inconcevable.
2' Affirmer que le terrorisme est un simple délit politique.
3' Soutenirque dans les actes des organisations politiqueà structure
rigide et totalitaire, la responsabilité rejaillit sur les éléments subal-
ternes, simples exécuteurs matériels, tout en demeurant absolument
exempts les auteurs moraux, instigateurs et profiteurs potentiels du
délit.
Cette chancellerie déplore la radicale opposition existant entre les
points de vue des deux Gouvernements, non seulement par rapport
aux faits, mais aussi aux doctrines et principes que l'on doit appliquer,
et voit avec regret qu'il n'est pas possible, comme nous le désirâmes.
d'arriver à un accord direct entre les deux Parties, afin de résoudre
la question posée. Cette solution doit donc résider dans les autres
moyens, prévus par le droit des gens.
La chancellerie du Pérou rappelle avec une légitime satisfaction
que, dès le commencement, elle a placé sur un terrain strictement
juridique les importantes questions qui surgissaient au sujet de l'asile
en discussion, espérant, sans y réussir, que la force de ces raisons
aurait convaincu le Gouvernement de Votre Excellence: et, en ce
moment, elle réitèresa foi dans la valeur des faits allégiiéset du droit
qu'elle défend. Et ainsi, par la nature mêmede la question discutée
et ayant pleine confiance dans les principes juridiques qui lui sont .
applicables, affirme que la solution appropriée est celle strictement
judiciaire, prononcée par la Cour internationale de Justice.
Le Pérou se maintient fidèle à sa tradition diplomatique invariable
de résoudre les questions litigieuses, de nature internationale, ayant
recours aux movens iuridiaues conformes àcette nature. Par conséauent.
cette chancelle;ie iivite cotre Excellence à entamer les négociations
afin de définir la matière du iuaement devant la Cour internationale
de Justice ainsi que les modilifés de la procédure relative.
Je saisis l'occasion, etc.
(Signé) EEDERIC DO~AZ DULANTO.DÉCLARATIONS DU MINISTRE DES AFFAIRES ETRANG~RES
DE COLOMBIE A L'OCCASION DE LA NOTE PÉRUVIENNE
DU 6 AVRIL

Le Gouvernement de Colombie est profondément satisfait de l'accep-
tation donnée Dar le Gouvernement du Pérou à l'invitation de choisir
.Vune des voies juridiques prévues par le système inter-américain
pour 1a.solution pacifique des controverses.
Le Gouvernement du Pérou, en effet, par sa note no (D) 6-816 du
6 avril, a fait savoir qu'il choisit l'une des procédures signalées par
le Gouvernement de Colombie : le recours judiciaire à la Cour inter-
nationale de Tustice.
Le Pérou ayant accepté le recours judiciaire, il ne reste qu'à convenir
des détails de.la présentation et du cours de l'affaire devant la Cour,
et à cela sera procédédans le plus bref délai.
Le Gouvernement colombien a la plus profonde confiance que ses
points de vue seront accueillis par ce haut tribunal international.
La raison sur laquelle se fonde cette confiance est très évidente : la
Colombie, sans aucun intérêt direct, sans aucun sentiment d'égoïsme,
et sans qu'aucun problème de politique intérieure ait pu égarer,son
jugement en cette matière, s'est limitée, par des raisons de solidarité
inter-américaine, à défendre les principes juridiques essentiels syr

l'asile accueillis par les pays de l'Amérique latine dans des traites
multilatéraux. En dehors de son inébranlable adhésion à l'ordre juri-
dique international,elle n'a eu d'autre mobile dans cette, affaire.
Accepté par le Pérou le recours judiciaire- qui fut l'une des voies
juridiques proposées par la Colombie - et clos ainsi l'échange de
notes, il est évident qu'il n'y apluslieu, à présent, de se dédier à la
tâche, d'ailleurs fort aisée, de réfuter la dernière note péruvienne
point par point et paragraphe par paragraphe. Ceci se fera au moment
dîx,devant la Cour, qui est le corps judiciaire qui va décider sur le
différend.
Toutefois, il convient de dire que le Pérou, dans sa dernière note
comme dans les précédeiites, a réuni une série de propositions non
démontrées et sans rapport entre elles, pour en tirer des conclusions
qui ne découlent pas de ces prémisses. Par exemple : M. Haya de la
Torre aurait étécité dans un procès de rébellion et sédition, qui est
uii délit politique. Le terrorisme est un délit de droit commun.
L'aprisme est un parti terroriste parce que des affiliés ce parti out
fait provision d'explosifs que l'on allait faire éclater à la Centrale
téléphonique et dans les environs du palais du Gouvernement. Par
Dr Haya de la Torre, bien qu'ayant seulement étécité
conséquent, le
dans un procès pour délit politique, était, avant soli asile, impliqué
dans un procès pour délit commun.
En faisant la réfutation détaillée de la note péruvienne, on fera
ressortir que tout, en elle, est comme l'erreur faite en confondant
un projet de convention, contenant des aconsiderandan, avec la
convention elle-même, laquelle n'en contient aucun, ou comme la
carence de logique par laquelle elle dédie tout un premier chapitre
à essayer de démontrer qu'il ne faut pas chercher des arguments sur AXNEXES AU ~IEMOIR COLOAIHIEK (K' IO)
91
l'asile en prenant comme base les conventions d'extradition tout en
consacrant les chapitres suivantsà en tirer, à l'appui de sa thèse
sur l'asile.
Ce qu'il convient de gloser tout de suite est l'affirmation de Torre
Tangle, selon laquelle la Colombie n'a jamais pratiqué la règle de la
qualification unilatérale de la délinquance. Ceci est inexact. La Colombie
a invariablement respectécette norme dans les cas qui se sont présentés:

celui de l'asile du Dr Laureano Gbmez à l'ambassade du Brésil,
celui de l'asile de MM. Joaquin Tiberio Galvis et Hernando Vega
Escobar à l'ambassade de Venezuela et le cas du refuge du capi-
taine Quintero en territoire équatorien. S'il n'est pas possible de citer
d'autres exemples, c'est parce, que, en Colombie, Dieu merci, l'ère
des révolutions et des coups d'Etat été close et parce que, cela étant,
les Colombiens ont eu peu d'occasions d'avoir recoursà l'asile.
C'est dans les cas comme ceux mentionnés - et, cela va sans dire,
dans les conventions sur cette matière, souscrites par la Colombie-
qu'il faut chercher la doctrine du pays à l'égard de L'asile, et non
dans des citations sans coniiexité, tirées de circulaires vieilles de
soixante ans, concernant le paiement des impôts.

Bogota, le 7 avril 1949

Annexe IO

LE RfIXISTRE DES RELATIONS EXTÉRIEUREÇ ET DU CULTE
DU PÉROU A L'AMBASSADEUR DE COLOMBIE
No (S)6.817.

[Traduction]
Lima, le 29 avril 1949.
Monsieur L'Ambassadeur,

Dans ma note na 6-8 du 6 courant, adressée à Votre Excellence,
le Gouvernement du Pérou proposa au Gouvernement de Colombie
de saisir la Cour internationale dJustice du différend surgi à l'égard
de l'asile de Victor Raul Haya de la Torre.
hfon Gouvernement considère que le Gouvernement de Colombie
a accepté ladite juridiction, étant donné le contenu des déclarations
faiteset publiées par Son Excellence Eduardo Zuleta Angel, ministre
des Affaires étrangères de Colombie, et estime convenable que le
Gouvernement de Votre Excellence revéte de la forme due cette
acceptation.
Je saisis l'occasion, etc.

(Signé)FEDERICO D~AZ DULANTO. Annexe II

ACTE DE LIMA DU 31 AOÛT 1949
[Traduction]
Son Excellence Monsieur Victor Andrés Belaunde, ambassadeur
extraordinaire et plénipotentiaire ad hoc de la République péruvienne,
et Son Excellence Monsieur Eduardo Zuleta Angel, ambassadeur extra-
ordinaire et plénipotentiaire ad hoc de la Colombie, ayant étédésignés
par leurs Gouvernements respectifs pour négocieret pour souscrire les
termes du document compromissoire par lequel devra êtresoumise à la
Cour internationale de Justice la controverse qui a surgi à l'occasion de
la demande de l'ambassade de Colombie à Lima tendant à obtenir
l'expédition d'un sauf-conduit pour hlonsieur Victor Raul Haya de la
Torre, se sont réunisau ministère des Relations extérieures, à Lima, et,
après avoir échangéleurs pouvoirs respectifs, ils formulent, dans les
sentimentsd'amicale cordialitéqui unissent les deux pays, la déclaration
suivante :
Primo :
O-'ils ont examiné. dans un es~rit com~réhensif. la controverse
cxistnnre, qu'ilsont con\,eridr sriumSttrc. eii \:crtii de l'nccur~linter\.enu
rnrrc les deux G~ii\.criicmrnts, i la <I<'cisi~i<iI;iCGU~iiiteri~i<tiunalt.
de Justice.
Secundo :
Qu'en raison du fait qu'il n'a pasétépossible aux plénipotentiaires du
Pérouet de la Colombiede parvenir à un accord au su'et des termes dans
lesquels ils pourraient soumettre conjointement à la Jour internationale
de Justice le cas en discussion. ils conviennent que la procéduredevant
la juridiction reconnue, soit celle de la Cour, pourra êtreengagée à la
demande de n'importe laquelle des deux Parties, sans que cela constitue
un acte inamical envers l'autre Partie ou de nature à altérer les bons
rapports entre les deux pays. La Partie exerçant ce droit annoncera
amicalement à l'autre, avec une anticipation raisonnable, la date de
la présentation de sa demande.

Tertio :
Qu'ils coiiviennent, d'ores et déjà :a) que la procédure du litige à
engager sera la procédure ordinaire ; b)que chacune des deux Parties
pourra user, ainsi qu'il est statué à l'article 31,chiffre 3, du Statut de
la Cour, du droit de désignerdes juges de sa nationalité ;c)que la langue
à employer sera le français.

Quarto :
Que la présente déclaration, une fois signée,sera communiquée àla
Cour par les Parties.

En foi de quoi, les plénipotentiaires ci-haut mentionnésont signé et
scelléle présentprocès-verbal,en duplicata, le trente-et-unième jour du
mois d'août mil neuf cent quarante-neuf.
(Signé).Vicro~ ANDRÉSBELAUNDE.[L. S.]

(Signé)EDUARDO ZULETAANGEL.[L.S.] ANNEXES .4U ZIE~IOI RELOXBIES (sa 12-13)
93

Annexe I?

L'AhIBASSADEUR DE COLOMBIE A L'AMBASSADEUR
DU PÉROU

[Traduction]
Lima, le 31 aoiit 1949. .
Ilonsieur l'Ambassadeur,
Comme suite aux conversations que nous avons eues ces derniers
jours, et plus particulièrementà celle d'aujourd'hui, j'ai l'honneur
de faire constater par les présentes lignes, afin que Votre Excellence
veuille bien me confirmer cette déclaration, que le procès-verbal qui
a étésignépar nous à cette date au sujet du cas du Dr Haya de la
Torre n'implique sous aucune forme limitation ou modification des
droits qui découlent pour chacune des Parties de l'article sept du
Protocole d'amitié et de coopération souscrit par la Colombie et le
Pérou dans la ville de Rio-de-Janeiro le. 24 mai 1934.
Veuillez agréer, etc.

(Signé)EDUARDO-ZULEA TNAGEL.

Annexe 13

L'AMBASSADEUR DU PÉROU A L'AMBASSADEUR
DE COLOMBIE
Xo (D) 6-8/14.
. . . .
[Tradzrction] .
Lima, le 31 août x.~..
Monsieur l'Ambassadeur,
J'ai l'honneur d'accuser réception de l'obligeante note en date
d'aujourd'hui, par laquelle Votre Excellence veut bien me demander
confirniation du fait que le procès-verbal qui a étésigné ce jour
relativement au cas desl'asil»M.Victor Raul Haya de la Torre n'im.
plique sous aucune forme limitation ou modification des droits qui
découlent pour chacune des Parties de l'article 7 du Protocole d'amitié
et de coopération souscràtRio-de-Janeiro par le Pérouet la Colombie
le 24 mai 1934.
En réponse à cette communicntion, je dois informer Votre Excellence
que, de l'avis de mon Gouvernement, la signature du procès-verbal
susmentionné n'implique aucune limitation ou modification des droits
découlant pour chacune des Parties de l'article 7 du Protocole de
Rio-de-Janeiro, souscrit le 24 mai 1934.
Je saisis cette occasion, etc.
(Signé)V. A. BELA~~NDE. , Annexe 14

L'AMUASSADEUR DE COLOAlBlE AU XIINISTRE
DES RELATIONS EXTERIEURES ET DU CULTE DU PÉI~OU
No 300/36.

(Traduclion]
Lima, le 31 aoîit1949.
hloiisieur le Ministre,
J'ai l'lioiineur de porter à la conriaissarice de Votre Excellence que,
conformément au procès-verbal souscrit en date d'aujourd'hui par

M. Eduardo Zuleta Angel et par hl. Victor Andrés Belahde en tant
qu'ambassadeurs extraordinaires et plénipotentiairesd hoc des Gou-
vernements de Colombie et du Pérou, respectivement, mon Gonver-
nement a décidéd'exercer le droit viséau cliiffre deux dudit document,
bien entendu, sur la base qui y a étéétablie, savoir qu'une telle décision
ne constitue pas un acte inamical envers le Pérou ni saurait altérer
les bons rapports entre les deux pays.
En vue de donner effet aux dispositions de la partie finale du cliiffre
précité, je me permets, au noiri de mon Gouvernement, d'aniioncer
très amicalement au Gouvernemerit de Votre Excellence que moii
Gouvernement introduira sa demande auprès de la Cour interiiatioriale
de Justice sur le cas de hI. Haya de la Torre le premier jour d'octobre
de l'année courante.
Veuillrz agréer, etc.
(Sipé) CARLOS ECHEVEKK CORTÉS.

Annexe 15

LE hlIKISTRE DES RELATIONS EXTÉRIEURES ET DU CULTE

DU PÉROU A L'AMBASSADEUR DE COLOMBIE

[ï'raduction]
Lima, le Ierseptembre 1949.
Rlonsieur l'Ambassadeur,
J'ai l'honneur de répondre à la note par laquelle Votre Excellence
veut bien m'annoncer amicalement que son Gouvernement, se confor-
mant aux stipulations du procès-verbal compromissoire signé par
les docteurs Zuleta Ange1 et Belahde,plénipotentiaires de la Colombie
et du Pérou, introduira sademande auprès de la Cour internationale

de Justice dans le cas de AI. Victor Raul Haya de la Torre le premier
octobre de l'année courante.
Le plénipotentiairead hoc du Pérou m'a fait part de la déclaration
qui a étéformulée par le plénipotentiairehoc de.la Colombie, docteur
Zuleta Angel, dans l'amicale cordialité de nos rapports et dans le
sens du procès-verbal qui a étésouscrit, à savoir que, si le Pérou
considérait nécessairede prolonger le délaide l'anticipation raisonnable nris~s~s AU IIEAIOIK CEOI.OMBIEX (NO 16) 95

avec laquelle la date de la présentation de la demande doit êtrecom-
muniquée, le Gouvernement de Colombie n'aurait pas d'inconvénient
à accéder àccttc proloiigation.
Le Gouvernement du Pérou apprécie, la communication amicale
qui lui a étéfaite, et, comptant sur l'esprit de compréhension mutuelle
qui a présidéà ces négociations, se permet de suggérer à Votre Excel-
lence, afinqu'elle ait l'obligeance de transmettre cesuggestion à
son Gouvernement, l'opportunité d'étendre ce délai jusqu'à la date
du ~j octobre de l'année courante.
Veuillez agréer, etc.

(Signé)Capitaine de vaisseau

ERNESTORODRIGUEZ,
Ministre des Relations' extérieures
et du Culte.

LA L~GATION DU PEROU AU GUATEMALA

A LA JUSTE MILITAIRE DE GOUt7ERNEJfENT

[ï'raductio*~]
Guatemala, le20 octobre 1944.

MM. les HH. Membres de la Junte révolutionnaire,
J'ai l'honneur de communiquer àVV. SS. qu'aujourd'hui i6 heures
p. m. se sont présentésà cette légation Mhl. JoséB. Linares,M. le
Lic.Humberto Solis Gallardo et M. Kiul Kodad M. et ont demandé

qu'en leur qualitérd'asilé1on leur accorde la protection dont il est
question dans les Conventions de Montevideo et de La Habana sur
le droit d'asile.
En conformité avec les dispositions de ces conventions, je demande
à mon tour au Gouvernement de la Junte que VV. SS. forment, de
bien vouloir octroyer les garanties stipulées dans lesdites conventions,
en prenant les dispositions nécessaires pour qu'ils puisselit sortir à
destinationdu >lexique, sous la protectionde cette légation.
Veuillez agréer, etc.

Pour le Ministre du Pérou,
(Signé)MAX DE LA FUENTE LOCKEK,
Premier Secrétaire.

A MM. les HH. Membres
de la Junte révolutionnaire LA LEGATIOX DU PÉROU A PANAMA
AU MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
:No5-20-M/34.
[Tradictiofz]
Panama, le 26 octobre 1948.
Monsieur le Ministre,

En confirmation de la conversation téléphonique que j'ai eue hier
.soir avec Votre Excellence, je me permets de mettre au courant le
citoyen panaméen M. Luis Riccardo Franceschi s'est présenàémon le
ambassade et m'a demandé de lui accorder asile politique.
De conformité avec les accords internationaux contenus dans les
Conventions de La Havane et hlontevideo, je prie Votre Excellence
de bien vouloir accorderà o. Franceschi le sauf-conduit nécessaire
-pour qu'il puisse quitter le pays.
Veuillez agréer, etc.

(Signé)EMILIOORTIZ DE ZEVALLOS.

Annexe 18

EXTRAIT DU TRAITÉ DE DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ

SIGNE A LA JUNTE DE JURISCONSULTES AMÉRICAINS
RfiUNIS A LIMA EN 1879
[Traduction]
JUNTE DE JURISCONSULTES AMÉRICAINS (LIMA,1879)

Extrait du Traitéd'extradition (traité pour établir des rbgles
uniformes en rnatiere de droit internatiprivé)

Article7.- es' délits politiques ne sont pas compris dans les
dispositions du présent Traité.
II appartient auGouvernement de la République de l'asile de
qualiiier la nature de tout délit de ce genre, et on n'accordera pas
l'extradition même s'ilapparait qu'il a étécommis en connexion avec
un crime ou délit qui pourrait la motiver.
Les réfugiésqui auront étélivrés pour des délits communs ne pour-
ront être jugés ni punis pour des délits politiques commis avant
l'extradition. Annexe 19

EXTRAIT DU TRAITÉ DE DROIT PÉNAL INTERNATIONAL
SIGNÉ AU 1.1 CONGRÈS SUD-AMÉRICAIN DE DROIT

INTERNATIONAL RÉUNI A MONTEVIDEO EN 1889
[Traduction]

COXGRE SUD-IMÉRICAIN DE DROIT INTERNATIONAL
(MONTEVIDEO 1,89)

Extrait du Traitéde droit fiéna1international

Article15: - Aucun délinquant, réfugié (oasiladoII)dans le terri-
toire d'un Etat, ne pourra être livré aux autorités de l'autre sans
que les règles qui gouvernent l'extradition soient observées.
Article16. - L'asile est inviolable pour les persécutés pour des
délits politiques, mais la nation du refuge est tenue d'empêcherque
les réfugiés ne réalisentdans son territoire des actes mettant en danger
la paix publique de la nation contre laquelle ils ont commis les délits.
Article 17.- Les coupables de délits communs qui se réfugient
dans une légation, devront êtrelivréspar le chef de celle-ci aux auto-
rités locales sur la demande du ministère des Affaires étrangères, si
elles ne le font pas spontanément.
Ledit asile sera respecté eu relation avec les persécutés politiques ;
mais le chef de la .légation est obligé de mettre immédiatement le
gouvernement de l'Etat auprès duquel il est accréditéau courant du
fait, et ce gouvernement pourra exiger que le persécuté soitmis hors
du territoire national, dans le plus bref délai possible.
Le chef de la légation pourra exiger, à son tour, les garanties néces-
saires pour que le réfugiéquitte le territoire national, l'inviolabilité
, de sa personne étant respectée.
Le même principesera observé en ce qui concerne les réfugiésdans
des bateaux de guerre, mouillésdans les eaux territoriales,

Article 18.- Sont exceptésde la règleétablie à l'articl15 les déser-
teurs de la marine de guerre mouilléedans les eaux territoriales d'un
Etat.
Ces déserteurs, de toute nationalité, devront êtrelivréspar l'autorité
locale sur la demande de la légation, ou à défaut de celle-ci, celle de
l'agent consulaire respectif, moyennant la preuve de l'identité de la
personne.

[Ici les légalisations d'usage.] A?$rzexe20

tlCCORD BOLl\'ARIEN SUR L'EXTRADITIOX,
SIGNG A CARACAS LE IS JUILLET 1911
P'rndz<ctio?$]

Article I". - Les Etats contractants conviennent <lese livrer réci-
proquement, en conformité avec les stipulations du présent accord,
les individus qui, inculpés ou condamnés par les autorités judiciaires
d'un quelconque des Etats contractants, comme auteurs, complices, ou
recéleursd'un ou plusieurs des crimes (ou délits) spécifiés l'artz0 dans
la juridiction d'une des p;irties contractantes. Pour que l'extradition
ait lieu, il est nécessaireque Ics preuves de l'infraction soient de telle
nature, que les lois du lieu où setrouve la personne ayant pris la fuite ou
ayant été inculpée justifierait son arrét, sa mise en jugement, si la
perpétration, la tentative ou la frustration du crime ou délits'y serait
vérifiée.
Article 2". - (Cet article énonce en 23 paragraplies les délits ou
crimes de droit commun donnant lieu à l'extradition.)
-4rticle3'. - Quand le crime ou délitmotivant l'extraditioii aurait
étécommis ou échoué, en dehors de l'Etat qui fait la deinande, !'on
pourra donner cours à celle-ci, mais seulement si la législationde 1'Etat
à qui elle est adresséeautorise la mise en jugement B la suite de telles
infractionsquand elles sont perpétréesen dehors de sa juridiction.
Article 4". - On n'accordera I'extradition d'aucun criminel fugitif
si le fait pour lequel on la demande est considéréDar l'État requis
comme étànt un dklit politique 6u"n fait connexe avec celui-ci;aucune
des personnes livréespar un des Etats contractants à un autre ne sera
jugéeni punie pour aucuii crime ou délit politique, ni pour des actes
connexes commis avant son extradition si la personne à la<luellela
demande se rapporterait prouve que celle-ci a étéfaite dans le but de
la juger ou la punir pour un délit politique ou un acte en connexité avec
un tel délit.
On ne considère pas comme un délit politique iii comme un fait
connexe assimilable à délitpolitiqce, l'attentat sous quelque forme que
ce soit contre la vie d'un chef d'Etat.
Si une discussion s'élèvesur le problème de savoir si le cas est com-
prjs dans les prescriptions de cet article, la décision des autorités de
I'Etat à qui la demande a étéadresséesera définitive.
Article 5".- L'extradition ne sera pas non plus accordée dans les
cas suivants :
a) Si, d'après les lois de l'un ou de l'autre des Etats contractants, le
maximum de la peine appliquable à la participation imputée à la per-
sonne réclamée,par le fait pour lequel l'extradition est demandée, ne
dépassepas six mois de privation de sa liberté.
b) Si, d'après les lois de l'gtat qui reçoit la demande, l'action ou la
peine à laquelle la personne condamnéeou inculpéeétait sujette serait
prescrite. c) Si l'individu dont l'extradition est demandée a étéjugé ou mis en
liberté ou a déjà accompli sa peine, ou si les faits imputés ont étél'objet
d'une amnistie ou d'une grëce.
.4rticle6". - La demande d'extradition doit toujours êtrefaite par

la voie diplomatique.
Article 7O. - Si la personne réclamée est inculpéeou condamnée par
l'Etat auquel la demande s'adresse, on ne la livrera - s'ily a lieu -
que quand la personne requisc sera acquittée, grâciée, ou quaiid elle
aura accompli sa co~idamnation ou quand le procès sera terminé de
quelque façon que ce soit.

Article 8'. - La deniancle d'extradition devra êtreaccompagnée de
l'arrêt de condamnation dans le cas où le fueitif aurait été iuaé et.
condamnéou du mandat d'arrêt prononcépar le ïribuiial compéteRt:avec
clési~nationexacte du délit (ou du crime) l'ayant motivé et <lela date
de si perpétration, ainsi que des déclarations ou autres preuves ayant
servi de base au mandat d'arrêtsi le fugitif est seulement inculpé.
Ces documents devront être présentés en originaux ou en copies
dûmsnt légaliséesde mêmequ'une copie du texte de la loi applicable au
cas, et y sera ajouté également le signalement de la persoiiiie réclamée.
L'extradition des fugitifs, selon les stipulations du ~réseiit traité,
aura lieu en conformité avec les lois d'extradition de 1'Etnt auquel la
demande est adressée.
L'extradition n'aura jamais lieu si le fait sirnilaire n'est punissable
d'après les lois de la nation à laquelle la demande est adressée.

Article go. - La détention provisoire du fugitif aura lieu si l'on
produit, parb voie diplomatique, un mandat d'arrét prorioncé par le
tribunal compétent. Elle aura lieu moyennant un avis, même télé-
graphique, transmis par voie diplomatique au ministère des Affaires
étrangèresde l'Etat requis et selon lequel on lui annonce qii'il existe un
mandat d'arrèt. En cas d'urgence, et surtout quand on craint la fuite
de l'accusé, la détention provisoire, demandée directement par un
fonctionnaire judiciaire, pourra êtreaccordée par une autorité de police
ou par un juge d'instruction du lieu où l'accusése trouverait.
La détention provisoire prendra fin si dans un délai raisonnable
(terminodela dislancia) la recluêted'extradition ne se formalise pas selon
les stipulations de l'article 8.

ArticleIO". - La peine de mort ne pourra êtreappliquée à un
condamné extradé que quand elle est autorisée par I'Etat requis.

ArticleII'. - L'extradé ne pourra êtrejugé ni puni par l'État qui
le réclame, que pour les faits melitionnés dans la requête d'extradition,
et il ne pourra pas êtrelivré à une autre nation sauf s'il a eu la liberté
d'abandonner ledit Etat pendant un mois après qu'il a étécondamné,
accompli sa condamnation ou reçu sa gràce. Dans tous ces cas, l'extradé
devra ètre averti des conséquences auxquelles l'exposerait sa perma-
nence sur le territoire de la nation.
Article 12'. - Tous les objets constituant le corps du délit, qui en100 ASSESES AU ~IEZIO CO LEIIBIES (s021)

ceci soit pratiquable et conforme aux lois des nations respectives. Mais
le droit des tiers sur lesdits objets sera dûment respecté.
Article 13'.- Quand la personne est réclaméepar plusieurs États
à la fois, on accordera la préférenceau premier réclamant, sauf si la
nation de l'asile est obligéepar un traité antérieurd'accorder la priorité
d'une façon différente.
Article 14'.- Si l'État requérant n'a pas disposé de la personne
réclaméedans un délaide trois mois, comptés à partir du jour où elle
aurait étémise à sa disposition, le prisonnier sera mis en liberté et ne
pourra pas étre arrêtéà nouveau pour le mêmemotif.
Article 15'.- Les frais causéspar l'arrêt,la détention, i'examen et
la remise des fugitifs auxquels cet accord se réfhre,seront h la charge de
l'fitat demandant l'extradition;la personne qui doit étre remise sera
conduite au port de l'État requis indiqué par le Gouvernement ayant
fait la demande ou par son agent diplomatique, et elle sera embarquée
aus frais dudit Gouvernement.
Article 16".- Sur la demande de l'accusé, letribunal supérieurde
justice de la nation requise doit décider sile délitpar lequel on prétend
le livrer est ou non un délit de caractere politique ou en connexité avec
celui-ci.
Article 17' - La duréedu présentaccord sera de cinq ans compter
du mois suivant i'échangede ratifications et n'aura pas d'effet rétroactif.
Ce délai écoulé,il s'entendra prorogé jusqu'à ce qu'un des Etats
contractants communiquera aux autres-sa volonté de faire cesser ses
effets une annéeapres sa notification.
Article 18".- En dehors desstipulations du présentaccord, les /?fats
signataires reco~inaissentl'institution de l'asile, conforméme?iatux prin-
cipes du droit international.

Article rgo.- Quand pour la remise d'un condamné dont I'extr-
dition aura étédemandéepar une nation en fayeur d'une autre il serait
risépar ce dernier, sans d'autres formalités que la présentation, par lato-
voie diplomatique et en due forme, du décretd'extradition dicté par le
Gouvernement respectif.

Fait à Caracas le 18juillet1918.
[Ici les signatures des plénipotentiaires des cinq pays signataires et les
légalisations d'usage.]

Annexe 21

CONVENTlON SUR L'ASILE,
SIGNÉE A LA VIme COXFÉRENCE PANAMÉRICAINE

Les Gouvernements des États d'Amérique, désireuxde fixer les règles
qu'ils doivent observer pour la concession du droit d'asile dans leurs
relations mutuelles, ont décidéde conclure une convention et cet effet
ils ont nommécomme plénipotentiaires : AKKEXES AU JIÉDIOIRECOLOYBIEK (NO 21) 101

Pérou :Jesus Melquiades Salazar, Victor Maurtua, Enrique Castro
Oyanguren, Luis Ernesto Denegri,
.........................
Colombie :Enrique Olaya Herrera, Jesiis M.Yepes, Roberto Urdaneta
Arheliez, Ricardo Gutiérrez Lee,
.........................

Lesquels, après avoir échangé leurs pleins pouvoirs respectifs, qui
ont ététrouvés en bonne et due forme, ont arrêtéce qui suit :

Article I

II n'est pas permis aux États de donner asile dans les légations,navires
de guerre, campements ou aéronefsmilitaires, aux personnes accusées
ou condamnées pour délits communs, ni aux déserteurs de terre ou de
mer.
Les personnes accuséesou condamnées pour délits communs qui se
réfugient dans l'un des endroits signalésdans le paragraphe précédent
devront êtreremises aussitôt que l'exigera legouvernement local.
Si les susdites personnes se réfugient sur le territoire étranger, leur
remise sera faite par voie d'extradition, et seulement dans les cas et dans
la forme établispar les traités et conventions respectifsou par la consti-
tution et les lois du pays de refuge.

Article z

L'asile des criminels politiques dans les légations, sur les navires de
guerre, dans les campements ou sur les aéronefsmilitaiies sera respecté
taire, l'admettraient la coutume, les conventions ou les lois du pays de
refuge et d'accord avec les dispositions suivantes :

Premièrement: L'asile ne uourra être accordé sauf dans les cas
d'urgence et pour le temps strictement indispensable pour que le réfugié
se mette en sûreté d'une autre manière.
Deuxièmement : L'agent diplomatique, le chef du vaisseau de '!guerre,
du campement, ou de l'aéronef militaire, immédiatement après avoir
accordé l'asile, le communiquera au ministre des Relations extérieures
de l'Etat du réfugié,ou à l'autorité administrative de l'endroit, si le fait
était arrivéhors de la capitale.
Troisièmement: Le gouvernement de l'État pourra exiger que le
réfugiésoit mis hors du territoire national dans le plus bref délai
possible ; et l'agent diplomatique du pays qui aurait accordé I'asi!?
pourra A son tour exiger les garanties nécessaires pour que le réfugie
sorte du pays, l'inviolabilitéde sa personne étant respectée.

Quatrièmement: Les réfugiés ne pourront être débarqués sur
aucun oint du territoire national, ni dans un endroit trop ra.pro.-é de
celui-ci.
Cinquièmement : Pendant que dure l'asile, il ne sera pas permis
aux réfugiésde faire des actes contraires à la tranquillité publique.
Sixièmement : Les États ne sont pas obligés de payer les dépenses
pour celui auquel ils accordent l'asile.102 ;\SSESES :\UXIÉ~IOIHE COLO3IRIES (NO 22)

Article3

La présente Convention n'affecte pas les'engagements quis anté-
rieurement par les parties contractantes en vertu d'accords internatio-
naux.

Article 4

La présente Cpnveiitioii, après avoir étésignée, sera soumise aux
ratifications des Etats signataires. Le Gouvernement de Cuba est chargé
d'envoyer des copies légaliséesauthentiques aux Gouvernemeiits pour
leur ratification. L'instrument dela ratification sera déposéaux archives
de l'union panaméricaine à If'ashington, qui notifiera de ce dépot
les Gouveriiemeiits signataires ;cette notification aura force d'échange
de ratifications. Cette Convention restera ouverte à I'adliésion des
Etats non signataires.
En foi de quoi, les plénipotentiaires nommés sigiient la présente
Convention en espagnol, en anglais, en français et en portugais, à La
Havane, le 20 février 1928.

Réserve de la délégationdes États-Unis d'Amérique

Les États-unis $Amérique, eri signant la présente Convention, font
une réserveexpresse, en faisant constater que les Etats-Uiiis ne recon-
naissent pas et ne signent pas la doctrine nomméedroit d'asile, comme
partie du droit international.

COX\;ESTIOS SUR L'ASILE POLITIQUE

Coiiueiitio~~zrr l'asile 9olitiqrte

Les Gouvernements représentés i la Septième Conférence iiiterna-
tionale américaine,
Désireuxde coiicerter iine convention sur l'asile politique, qui modifie
la Convention signée à La Havane, ont nommé les plénipotentiaires
suivants :
Pérou: Alfredo Soli y Muro, Felipe Barreda Laos, Luis Fernin
Cisneros.
Colombie : Alfonso Lbpez, Kaiinundo Rivas, José Camaclio Carreno.

Lesquels, après avoir présentéleurs pleins pouvoirs, qui ont été
ieconnus en bonne et due forme, se sont mis d'accord sur ce qui suit :

ArticleI
L'article I de la Convention de La Havane sur le droit d'asile, du
20 février 1928,est remplacé par le suivant :a Il n'est pas licite aux

États de donner asile dans les légations, les vaisseaux de guerre, lescainps ou aéronefsmilitaires, aux inculpésde délitscommuns qui auront
étépoursuivis en due fornie ou qui auront étécondamnés par des tri-
bunaux ordinaires, iii non plus aux déserteursde terre et de mer.
Les personnes mentioiinécs dans le paragraphe précéilent,qui se
seront réfugiéesdans l'un cles lieiix sus-indiqués, devront êtrelivrées
dès que le demandera le gouvcrriement local. r

Article 2
La qualification de délitpolitique appartient à l'État qui prêteasile.

Article 3

L'asile politique, par son caractère d'institution humanitaire, n'est
pas sujet à réciprocité.Tous les hommes peuvent êtresous sa protec-
tion, quelle que soit leur nationalité, sans préjudice des obligations que
1'Etat au-quel ils appartiennent aura contractées en cette matière;
mais les Etats qui ne reconriaissent pas I'asilepolitique, si ce n'est avec
certaines limitations ou rnodalités, ne pourront l'exercer erivers un
étranger que de la manière et dans les limites où ils l'auront reconnu.

Article 4
Quand on demandera le retrait d'un agent diplomatique 3 cause des
discussions auxquelles aura donnélieu un cas d'asile politique, I'agent
diplomatique devra être remplacé par son gouveriiement, sans que
cela puisse déterminer l'interruption des relations diplomatiques des
deux Etats.

Article 5
La présente Convention n'affecte pas les engagements contractés
antérieurement par les Hautes Parties contractantes en vertu d'accords
internationaux.

Article 6
La présente Conventiori sera ratifiéepar les Hautes Parties contrac-
tantes conformément à leurs procédures constitutionnelles.
Le ministère des Affaires étrangères de la REpublique orientale de
1'Uruguay est chargéd'envoyer à cette fin des copies certifiéesauthen-
tiques aux Gouvernements.
Les instruments de ratification seront déposésaux archives de l'Union
panaméricaine, à II'ashingtoii, qui donnera avis de ce dép0taux Gouver-
nements signataires : cet avis servira comme échange de ratification.

Article 7

La présente Convention entrera en vigueur entre les Hautes Parties
contractantes à mesure qu'elles y déposeront leurs ratifications respec-
tives.
Article8

La présente Convention restera en vigueur indéfiniment, mais elle
pourra êtredénoncéemoyennant avis fait un an à I'avaiiceh I'Union
panaméricaine, lacluelle communiquera la dénonciatioii aux autresCouvememen<s signataires. Ce ilblai ccoiilé.\a Con\,entioii cessera quant
H ses eficts pour ledcnoiir.3nt niais clle restera e- vigueur pour les ;turres
Hautes PaÏties contractantes.

Article g

La présente Convention restera ouverte à l'adhésion et à l'accession
des États non signataires. Les instruments correspondants seront déposés
aux archives de l'Union panaméricaine, qui lescommuniquera aux autres
Hautes Parties contractantes.

En foi de quoi les plénipotentiaires ci-dessous indiques signent et
Convention dans la ville de Montevideo, République orientale de la l'Uni-te
guay, ce vingt-sixième jour du mois de décembrede l'an mil neiif cent
trente-trois.

Étant donné que les États-Unis d'Amérique ne reconnaissent ni ne
souscrivent la doctrine de l'asile politirque comme partie intégrante du
droit international, la délégationdes Etats-Unis d'Amériques'abstient
de signer la présente Convention sur l'asile politique.

Annexe 23

EXTRAIT DU TRAITÉ SUR L'ASILE ET LE REFFUGE

POLITIQUE
SIGSE A MOSTEVIDEO LE 4 AOÛT 1939

S. E. le Président de la République du Pérou ; S. E. le Président de
la République argentine : S.E. le Président de la République orientale
de l'Uruguay; S. E. le Président de la République de Bolivie : S. E.
le l'résident de la République du Paraguay ct S. E. le Président de la
République di1 Chili,
Considérant qu'il est nkessaire de donner plus d'ampleur aux prin-
cipes concernant l'asile, consacrésdans le Traité de droit pénal inter-
national signé i Montevideo le 23 janvier 1589, afin qu'ils puissent
comprendre les nouvelles situations qui se sont produites et afin qu'ils
réaffirment la doctrine consacrée en Amérique, sont convenus de
conclure le présent Traité sur l'asileet le refuge politique, par.l'intermé-
diaire de leurs respectifs plénipotentiaires réunis en congres dans la
ville de Alontevideo et sur l'initiative des Gouvernements de la Répu-
blique orientale de l'Uruguay et de la République argentine.
A cet effet, S. E. le Président de la République du Pérou a désigné
comme ses représentants MM. .

qui, après l'exhibition de leurs pleins pouvoirs, dans la forme requise,
et après les conférenceset discussions du cas, se sont mis d'accord sur
les articles suivants: ANNEXES AU ~IÉ~IOIRECOLO~IBIES (K' 23) 105

Chapitre 1

De l'asilepolitique
Article I. - L'asilepeut &treaccordé,sans discrimination de nationa-
litéet sans préjudice des droits et des obligations de protection incom-
bant à 1'Etat dont les réfugiés (Casilésn)sont les ressortissants.
L'État accordant l'asile n'assume pas, par ce fait, l'obligation d:ad-
mettre les nasilés nsur son territoire, sauf dans le cas où ceux-ci ne soient
pas reçus par d'autres Etats.

Article 2. - On peut accorder l'asileseulement dans les ambassades,
légations, navires de guerre, campements ou aéronefsmilitaires, exclusi-
vement aux persécutés pourdes motifs politiques ou pour des délits
politiques. et pour des délits politiques connexes, pour lesquels il n'y
aurait pas lieu à l'extradition. Les chefs de mission pourront donner
asile dans leurs résidences, s'ilsn'habitent pas dans les immeubles des
ambassades ou légations.
Article 3. - On n'accordera pas l'asile politique aux accusés de
délits politiques qui auraient été préalablement soumis à procésou
auraient été condamnés pour des délits de droit commun et par les
tribunaux ordinaires.
La qualification des causes qui motivent l'asile appartient à l'État
qui l'accorde.
L'asile ne pourra pas êtreaccordéaux déserteurs des forces armées
de mer. de terre et de l'air, sauf quand le fait imputé rev&tun caractère
évidemment politique.

Article 4. - L'agent diplomatique ou le commandant qui ,aura
accordé l'asile notifieraimmébiatement les noms des réfugiésau minist$re
des Affaires étrangeres de 1'Etat où le fait s'est produit ou à,l'autorite
administrative du lieu. si le fait s'est produit hors de la capitale, sauf
qu'il en soit empêché matériellement par des circonstance< grayes ou
que celles-ci rendent cette notification. dangereuse pour la sécurité des
réfugiés.
Article 5. - Pendant la durée de l'asile, on ne permettra pas aux
réfugiés d'exercer desactivités pouvant compromettre l'ordre public
ou tendant à participer à des activitéspolitiques ou àles influencer. Les
agents diplomatiques ou les commandants exigeront des réfugiksleurs
données personnelles ainsi que la promesse de ne pas entretenir des
communications avec l'extérieur sans leur intervention expresse. La
Dromesse doit être écrite et sienée : s'ils s'v refusaient ou s'ils enfrei-
gnaient l'une de ces conditious,"l'agent diplomatique ou le commandant
fera immédiatement cesser l'asile. On pourra faire défenseaux réfugiés
d'emporter d'antres objets que ceux d'usage personnel, papiers de ieur
propriétéet l'argent nécessairepour les frais de leur existence et sans
qu'ils puissent déposerd'autres valeurs ou objets dans le lieu de l'asile.

Article G. - Le Gouvernement de l'État pourra exiger que le réfugié
sorte du pays dans le plus bref délai; et l'agent diplomatique ou le
commandant ayant accordé l'asilepourra, de son côté,exiger les gayan-
ties nécessairesafin que le réfugié puissequitter le pays, l'inviolabilité
de sa personne étant sauvegardée ainsi que celle des papiers de sa pro-priétéqu'il emportait sur soi au moment où il reçut l'asile et des moyens
indispensables pour pourvoir à son existence durant un temps raison-
nable. Ces garanties n'étant pas données. l'évacuationpeut êtreretardée
jusqu'à ce que les autorités locales les accordeiit.
Article 7. - Une fois sortis de l'l?tat, les réfugiéslie pourroiit pas
êtredébarquéssur lin poiiit quelconque de son territoire. Ilans le cas
où un ancien « nsilé iretourne au pays, et si les troubles qui motivèrent

l'asile subsistent ciicorc, oii ne pourra pas lui accorder uii iioiivel asile.
Article S. - Lorsquc le iiombre des réfugii.4dépassera In i::iydcité
normale des licus de refuge, iridiqués à l'articlez e,les ageiits diploma-
tiques ou les coinmaridants pourroiit habiliter d'aiitres locaux, suiis In
protection de leur drape;iu. pour les garder et les loger. Ilans ce cas,
ils en feront notificatioii ;lux autorités.

Article a. - Les navires de euerre ou aéronefsmilitaires se trouvant
temporairement en dock ou cgantier pour (les réparations, ii'abrite-
ront pas les personnes qu. s'y.réfuqi-raient.
Article ro. - Si, en cas derupturede relations, le repriseritant diplo-
matique ayant accordé l'asile doit quitter le territoire du pays où il
réside, il sortira avec les réfugiéset, cela étant impossible pour des
causes iiidépendaiites de sa volonté, il pourra les livrer nu repr6seiitaiit
d'uii troisième Etat, sous les garanties prévues par le présciit Traité.
On livrera les réfugiés en lestransférant au siège de la missioii diploma-
tique qui aura accepté cettc tàche ou en les laissant dniis le local où
l'on garde l'archive (Ic la iriission en partance; ce local demeurera sous
la sauvegarde de l'agciit diplomatique qui en scra chargé. 1l:ins l'un et
dans l'autre cas on devra en faire notification au ministère des Affaires
étrangères du lieu, aux termes de l'article 4.

Article rr. - Le refuge accordé sur le territoire (les Hautes Parties
contractantes, ailx termes du présent Traité. est inviolable pour les
poursuivis auxquels fait référencel'article z ; toutefois, I'État a le devoir
d'empêcher que les réfugiéscommettent sur son territoire des actes
propres a troubler la paix publique de 1'Etat dont ils sont les ressortis-
sants.
La qualification des causes qui motivent le refuge apparticnt à I'Etat
qui l'accorde.
L'octroi du refuge n'implique pas, de la part de I'Iitat qui l'accorde,
l'obligation d'admettre indéfiniment les poursuivis sur son territoire.
Article rz. - On lie permettra pas aux émigréspolitiques de former
des juntes ou comités ayant pour but de causer ou de fomenter des
troubles de l'ordre public daiis n'importe quel Etat contractant. Ces
juntes ou comités seront dissous par les autorités de I'État où ils se
trouvent, après en avoir prouvé la nature subversive.
La cessation des bénéficesdu. refuge ne donne pas le droit de refouler

le réfugiésur le territoire de I'Etat qui le poursuit.
Article 13. - Sur la requête de l'État intéressé, l'État qui aura
accordé le refuge procédera à la surveillance des émigréspolitiqiies ou leur internement en lieu situé à une distance prudente de ses frontières.
L'Etat auquel la requêteest adressée en examinera l'applicabilité et
fixera la distance à laquelle on a fait allusion.
Article IL. - Les frais de toute nature. exieésDar l'internement des
réfugiés OU &nigr& politiques. seront i I;icli~irge';le]:lijat qiii ledeniaiide.
:\iitcrieurement ;iI'interneinent des rc'fu-iés.Ics Etnts s'accorderi~iit
à l'égard de leur entretien.

Arjicle 15. - Les internés politiques notifieront au Gouvernement
toire (decet Etat). On en permettra le départt déàila condition qu'ils nese
dirigent pas vers l'État d'origine et en donnant avis au Gouvernement
intéressé.

Dispositions générales

compétence soit reconnue par les deux parties.
Article 17. - Tout État qui n'a, pas souscrit au présent Traité
pourra y adhérer en remettant l'instrument relatif au ministère des
Affaires étrangères dela Rkpublique orientale de l'Uruguay, qui en fera
la notification aux autres Hautes Parties contractantes par la voie
diplomatique.

Article 16. - Le présent Traité sera ratifié par les Hautes Parties
contractantes aux termes de leurs normes constitutionnelles. Le Traité
original et les instruments de ratification seront déposésau ministère des
.4ffaires étrangeres de la République orientale de I'Urupay, qui, par
la voie diplomatique, notifiera les ratifications aux autres Etats contrac-
tants. Le Traité entrera en vigueur entre les Hautes Parties contractan-
tes dans l'ordre du dépbt des instruments de ratification respectifs.
La notification sera considéréecomme échangd ee ratifications.
Article 19. - Le présent Traité aura une validité illimitée, toute-
fois, il pourra êtredénoncéau moyen d'avis préalable anticipéde deux
ans, à l'expiration desquels il cessera d'êtreen vigueur pour l'Etat qui
l'aura dénoncét,out eii demeurant en vigueur pour les autres. La dénon-
ciation sera adresséeau ministère des Affaires étrangères de la Répu-
blique orientale de l'Uruguay, qui la transmettra aux autres Etats
contractants.

En foi de quoi, les plénipoteiitiaires ci-dessus mentionnés signent le
présentTraitédans la ville de Montevideo le quatredu mois d'août 1939. Annexe 24

DÉCLARATIOX AMÉRICAINE DES DROITS ET DEVOIRS DE
L'HOMME APPROUVÉE P.4R LA NEU\'IJ?ME CONFÉRENCE
PANAMÉIIICAINE (BOGOTA, 2 MAI 1948)

Article XXVII. - Toute personne a droit de chercher et de
recevoir asile en territoire étranger, en cas de persécution non motivée
par des délits de droit commun, et conformémenà la législation de
chaque pays et aux accords internationaux.

DÉCLARATION
UXIVERSELLE DES DROITS DE L'HOMME

Article14. 1)Devant la persécution. toute personne a le droit de
chercher asile et de bénéficierde l'asile en d'autres pays.
2) Ce droit ne peut êtreinvoquédans le cas de poursuites réellement
fondéessur un crime dedroit commun ou sur des agissementscontraires
aux buts et aux principes des Nations Unies.

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Document
Document Long Title

Mémoire présenté au nom du Gouvernement de la République de Colombie

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